Les Dérivés Des Noms Propres Dans La Presse Française

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 66

Západočeská univerzita v Plzni

Fakulta filozofická

Bakalářská práce

Les dérivés des noms propres dans la presse


française
Alena Štěpánková

Plzeň 2018
Západočeská univerzita v Plzni
Fakulta filozofická

Katedra anglického jazyka a literatury

Studijní program Filologie

Studijní obor Cizí jazyky pro komerční praxi

Kombinace angličtina – francouzština

Bakalářská práce

Les dérivés des noms propres dans la presse


française
Alena Štěpánková

Vedoucí práce:

PhDr. Dagmar Koláříková, Ph.D.


Katedra románských jazyků
Fakulta filozofická Západočeské univerzity v Plzni

Plzeň 2018
Prohlašuji, že jsem práci zpracovala samostatně a použila jen
uvedených pramenů a literatury.

Plzeň, duben 2018 ………………………


Poděkování:

Tímto bych ráda poděkovala vedoucí mé bakalářské práce PhDr.


Dagmar Koláříkové, Ph.D. za její odbornou pomoc, rady a cenné
připomínky, a hlavně za obětovaný čas, ochotu a trpělivost, kterou mi po
celý čas věnovala.
TABLE DES MATIÈRES

1 L’INTRODUCTION ..................................................................... 1

2 QUELQUES CONCEPTS FONDAMENTAUX ............................ 3

2.1 À propos du nom ......................................................................... 3

2.2 Les différentes catégories du nom ............................................ 4

2.3 Les noms propres ........................................................................ 5


2.3.1 Qu’est-ce qu’un nom propre ? .............................................. 5
2.3.2 Les critères définitoires des noms propres ........................... 6
2.3.2.1 Les critères formels .................................................. 6
2.3.2.2 Les critères morphosyntaxiques .............................. 7
2.3.2.3 Les critères sémantiques ......................................... 8

2.4 Le classement des noms propres .............................................. 9


2.4.1 La typologie référentielle ...................................................... 9
2.4.1.1 Les anthroponymes ................................................. 9
2.4.1.2 Les toponymes ....................................................... 10
2.4.1.3 Les autres catégories des noms propres ............... 10
2.4.2 La typologie morphologique ............................................... 11
2.4.2.1 Les noms propres purs .......................................... 11
2.4.2.2 Les noms propres descriptifs ................................. 11
2.4.2.3 Les noms propres mixtes ....................................... 12
2.4.3 La typologie proposée par Šrámek .................................... 12
2.4.3.1 Les géonymes ........................................................ 12
2.4.3.2 Les bionymes ......................................................... 13
2.4.3.3 Les chrématonymes ............................................... 13

3 QUAND LES NOMS PROPRES DEVIENNENT DES NOMS


COMMUNS .................................................................................... 15
3.1 Les différentes origines des noms propres devenus
communs .......................................................................................... 15

3.2 L’appellativisation du nom propre ........................................... 18

4 LES NOMS PROPRES ET LA DÉRIVATION SUFFIXALE ...... 21

4.1 Qu’est-ce que la dérivation ? .................................................... 21

4.2 Les différents modes de dérivation ......................................... 22


4.2.1 La dérivation préfixale ........................................................ 22
4.2.2 La dérivation suffixale ......................................................... 23
4.2.3 La dérivation parasynthétique ............................................ 24
4.2.4 La dérivation impropre et inverse ....................................... 24
4.2.5 Un regard réflexif sur la dérivation des noms propres posé
par Leroy ...................................................................................... 25
4.2.5.1 Une dérivation ignorée ........................................... 25
4.2.5.2 Une dérivation bien réelle ...................................... 27

5 LA PARTIE PRATIQUE............................................................ 29

5.1 La présentation du corpus ........................................................ 30


5.1.1 Les critères de choix des journaux analysés ...................... 30
5.1.2 La méthodologie de constitution et de traitement du
corpus .......................................................................................... 31
5.1.3 Les résultats obtenus pour le corpus ................................. 33

5.2 L’analyse des dérivés d’anthroponymes ................................ 34


5.2.1 Les dérivés nominaux......................................................... 34
5.2.2 Les dérivés adjectivaux ...................................................... 38
5.2.3 Les dérivés verbaux ........................................................... 40

5.3 L’analyse des dérivés de toponymes ...................................... 41


5.3.1 Les dérivés nominaux......................................................... 41
5.3.2 Les dérivés adjectivaux ...................................................... 44
5.3.3 Les dérivés verbaux ........................................................... 46
6 LA CONCLUSION .................................................................... 48

7 LA BIBLIOGRAPHIE ................................................................ 50

7.1 Les monographies consultées ................................................. 50

7.2 Les sources électroniques consultées .................................... 52

8 LES RÉSUMÉS ........................................................................ 53

8.1 Le résumé en français ............................................................... 53

8.2 Le résumé en tchèque ............................................................... 54

9 LES ANNEXES......................................................................... 55

9.1 Les graphiques .......................................................................... 55

9.2 Les tableaux ............................................................................... 56


9.2.1 Les dérivés d’anthroponymes ............................................ 56
9.2.2 Les dérivés de toponymes.................................................. 57
1

1 L’INTRODUCTION

Pour rédiger notre mémoire de licence, nous avons choisi le sujet


de la dérivation du nom propre. Ce sujet est très intéressant, cependant,
il y a peu d’études portant sur les dérivés de noms propres, car, en
général, les linguistes ne prêtent pas une grande attention à ce
phénomène. De plus, les auteurs des divers ouvrages de lexicologie et
de grammaire françaises le considèrent comme marginal. Pour cette
raison, le but de notre mémoire est d’infirmer l’affirmation de certains
linguistes que le nom propre a seulement une possibilité minimale de
productivité morphologique. Nous voulons donc prouver que la dérivation
du nom propre est un procédé toujours vivant en français, surtout dans le
discours journalistique de la presse écrite, où nous pouvons observer un
recours croissant à la créativité lexicale. Pour ce faire, nous constituerons
un corpus de dérivés de noms propres provenant de journaux français et
nous les analyserons du point de vue de leur formation en les
répartissant en mots dérivés d’anthroponymes et de toponymes.

Le mémoire commence par une introduction qui présente le sujet,


l’objectif et le moyen mis en œuvre pour tenter de l’atteindre et le plan
adopté pour la suite du corps de notre mémoire. Celui-ci comporte trois
chapitres théoriques et un chapitre pratique.

Le premier chapitre du corps du mémoire est basé sur le cadre


théorique construit autour de quelques concepts fondamentaux. Nous
commençons par la définition du nom et ses différentes catégories,
ensuite nous définissons le nom propre et décrivons ses critères
définitoires et nous terminons ce chapitre par la classification des noms
propres.

Le deuxième chapitre théorique traite de la problématique des


noms qui sont passés du statut des noms propres au statut des noms
communs. Ce processus est aussi connu sous le terme d’appellativisation
et, outre sa définition, nous précisons également quelle peut être l’origine
des noms propres devenus communs.
2

Dans le troisième chapitre théorique, nous définissons tout d’abord


le terme dérivation, ensuite nous décrivons les différents modes de
dérivation (préfixation, suffixation, dérivation parasynthétique, dérivation
impropre et inverse) et à la fin, nous présentons un regard réflexif sur la
dérivation des noms propres posé par Leroy.

Le quatrième chapitre est la partie pratique du présent mémoire.


Son objectif est d’étudier les dérivés de noms propres dans la presse
française contemporaine. Pour notre analyse, nous avons choisi 5
journaux français (Le Monde, Le Figaro, La Tribune, Le Nouvel
Observateur, Le Point) et, à partir des exemples recherchés, nous avons
constitué un corpus. Celui-ci est décrit dans ce chapitre ainsi que les
critères de choix des journaux analysés, la méthodologie de constitution
et de traitement du corpus et les résultats obtenus et leur analyse. Pour
mener bien notre étude, nous émettons aussi certaines hypothèses que
nous essayerons de vérifier au cours des analyses.

Notre mémoire s’achève sur une conclusion qui résume les


connaissances acquises dans la partie théorique et les résultats obtenus
dans la partie pratique. Nous ajoutons également la liste des sources
bibliographiques, le résumé en tchèque et celui en français et les
annexes où figurent les graphiques et les tableaux présentant les
exemples de dérivés de noms propres et leur nombre.

Nous espérons que le présent mémoire peut contribuer à éclairer


quelque peu la problématique de la dérivation de noms propres. Il est
alors destiné à tous ceux qui s’intéressent à celle-ci et qui veulent
approfondir leurs connaissances dans ce domaine.
3

2 QUELQUES CONCEPTS FONDAMENTAUX

L’objectif de ce premier chapitre théorique est d’essayer de


répondre à la question : est-il possible de donner une définition simple et
cohérente du nom propre ? Pour atteindre ce but, nous commencerons
par la définition du nom, ensuite nous aborderons la question des
problèmes définitoires du nom propre et nous terminerons ce chapitre par
la classification des noms propres.

2.1 À propos du nom

Le nom, autrement dit le substantif, est l’unité de base du syntagme


nominal qui varie en genre et en nombre et qui est généralement précédé
d’un déterminant. Dans la phrase, le nom peut avoir plusieurs fonctions.
Par exemple, Bayol et Bavencoffe mentionnent que le nom peut être
sujet du verbe, attribut du sujet, complément d’objet direct, complément
d’objet second, complément du nom ou complément circonstanciel de
lieu, de temps et de cause.1

Du point de vue sémantique, les grammaires françaises définissent


généralement le nom comme un mot ou groupe de mots désignant les
êtres animés (personnes ou animaux), les choses (objets ou idées), les
actions et les qualités.

Wilmet ajoute que chaque nom est défini par une extension et une
intention intrinsèque. Une extension intrinsèque est définie comme
« l’ensemble des objets du monde auxquels un mot est applicable ». 2
Cela veut dire que sous le terme le chien, on peut imaginer des chiens
particuliers – un teckel, un labrador, un colley, un bouledogue, etc. On
pourrait dire que l’extension est orientée vers l’étendue du mot. Une
intention intrinsèque est définie comme « la somme de semés constituant

1
BAYOL, Marie-Claire, BAVENCOFFE, Marie-Josée. La grammaire française. Paris : Nathan, 1998, p.
24.
2
WILMET, Marc. Grammaire critique du français. Bruxelles : De Boeck, 2010, p. 53.
4

le signifié de ce mot ».3 Il résulte de cette définition que nous pouvons


imaginer sous le terme le chien sa définition dans un dictionnaire de
langue française : « Mammifère carnivore aux multiples races, caractérisé
par sa facilité à être domestiqué, par une course rapide, un excellent
odorat et par son cri spécifique, l’aboiement ».4 Il s’ensuit que l’intention
est orientée vers le contenu de mot.

2.2 Les différentes catégories du nom

Wilmet répartit les noms en groupes d’après :

• la forme : noms simples/noms composés, noms masculins/


noms féminins, noms singuliers/noms pluriels

• la réalité qu’ils reflètent : noms humains/nom non humains,


noms animés/noms inanimés, noms individuels/noms
collectifs, noms comptables/noms non comptables

• un contenu significatif : noms propres/noms communs, noms


concrets/noms abstraits.5

Mais par exemple Michel et Gadet classifient les noms


comptables/non comptables, animés/inanimés, abstraits/concrets sous la
catégorie de noms communs.6 Au contraire, Grevisse sépare les noms
propres, les noms communs et les noms composés et après il s’oriente
vers la distinction des noms selon la signification et il définit seulement
les noms abstraits/concrets, animés/inanimés, collectifs/individuels et les
noms comptables. En plus, il distingue le nom autonyme qui est « le nom
qui se désigne lui-même ». Il est possible d’utiliser ce nom

3
WILMET, Marc. Grammaire critique du français. Bruxelles : De Boeck, 2010, p. 53.
4
Dictionnaire de français, Larousse – le chien [en ligne]. [consulté le 8 novembre 2017]. Disponible sur :
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/chien/15295.
5
WILMET, Marc. Grammaire critique du français. Bruxelles : De Boeck, 2010, p. 55.
6
MICHEL, Arrive, GADET, Françoise. La grammaire d'aujourd'hui : guide alphabétique de linguistique
française. Paris : Flammarion, 1986, p. 408.
5

indépendamment, c’est par exemple : une lettre, une syllabe, un rhume,


etc.7

Ce travail s’oriente seulement vers les noms propres, donc nous ne


nous occuperons pas ici des autres catégories de noms.

2.3 Les noms propres

Les élèves apprennent déjà à l’école primaire ce qu’est un nom


propre. Pourtant, les linguistes ne sont pas unanimes sur la définition de
celui-ci. Ce sous-chapitre tentera donc de décrire en quoi consistent des
problèmes définitoires du nom propre.

2.3.1 Qu’est-ce qu’un nom propre ?

Selon des définitions simplifiées, les noms propres sont ceux qui
s’appliquent uniquement à un seul objet ou être ou à une catégorie
d’objets ou d’êtres pris en particulier. Ce sont des prénoms, des noms de
famille, des noms de dynasties, des noms de peuples, des noms
géographiques de pays, de villes, de fleuves et de montagnes. 8 Ils
individualisent aussi l’objet, l’être ou la catégorie qu’ils désignent : Paris,
Molière, Anglais.9 Puis, plusieurs grammaires mentionnent que les noms
propres s’écrivent avec la majuscule, ils ne se traduisent pas, ils ne
figurent pas dans les dictionnaires, ils sont parfois employés sans
déterminant, ils ne se fléchissent pas et renvoient à un référent unique.10
Riegel, Pellat et Rioul ajoutent encore que les noms propres n’ont pas de
sens lexical et ils n’entretiennent pas de relations sémantiques
d’antonymie, de synonymie, d’hyponymie, etc.11

7
GREVISSE, Maurice, GOOSSE, André. Le bon usage : grammaire française. Paris : Duculot, 1993, p.
582-584.
8
DUBOIS, Jean et al. Le dictionnaire de linguistique. Paris : Larousse, 2012, p. 325.
9
WILMET, Marc. Grammaire critique du français. Bruxelles : De Boeck, 2010, p. 64.
10
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 7.
11 RIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe, RIOUL, René. Grammaire méthodique du français.

Paris : Presses Universitaires de France, 2004, p. 175-176.


6

2.3.2 Les critères définitoires des noms propres

En allant plus profond, Leroy considère ces définitions comme


insuffisantes et, dans son analyse complète, examinant plus en détail les
noms propres, elle nous présente son point de vue linguistique sur les
noms propres selon trois critères - les critères formels, les critères
morphosyntaxiques, les critères sémantiques.12

2.3.2.1 Les critères formels

Selon les critères formels, le nom propre est décrit comme le nom
commençant par une lettre majuscule. Mais cette définition ne suffit pas,
elle est superficielle. Comme le rappelle Leroy, le critère de la majuscule
n’est pas translinguistique – c’est par exemple dans la langue allemande
où les noms propres ainsi que les noms communs s’écrivent avec la
majuscule.13

Même en français, nous pouvons trouver les noms communs qui


commencent par la majuscule ou les noms propres avec la minuscule.
Dans le premier cas, ce sont les noms communs qui déterminent des
réalités particulières, les titres (chère Madame), noms de nationalité (les
Français) et noms ethniques (les Bretons). Les noms propres s’écrivent
sans majuscule dans les rares cas. Il s’agit le plus souvent de noms
propres qui sont devenus noms communs. Ceux-ci peuvent avoir pour
origine le nom d’une personne ou d’une région qui ont donné leur nom à
un produit, à un objet, à un type d’individu, etc. (par exemple la poubelle
qui vient du nom d’Eugène René Poubelle).14

Dans les ouvrages de grammaire, nous pouvons trouver une autre


affirmation très répandue selon laquelle les noms propres ne se
traduisent pas. En règle générale, il est vrai que nous ne traduisons pas
de noms propres comme Los Angeles ou San Francisco, c’est-à-dire ils

12
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 7.
13
Ibid., p. 8.
14 Ibid., p. 9.
7

sont transcrits tels que. Néanmoins, la plupart des capitales ou pays ont
leur équivalent en français : London – Londres.15

2.3.2.2 Les critères morphosyntaxiques

Leroy examine aussi la définition du nom propre du point de vue


grammatical. L’absence de déterminant devant les noms propres est
souvent reconnue par les grammaires françaises. Les noms propres
employant un déterminant y sont donc considérés plutôt comme des
exceptions. Néanmoins, il est possible de trouver beaucoup d’exemples
de noms propres qui s’emploient avec un déterminant. Comme le
mentionne Leroy, il existe plusieurs catégories de noms propres où ces
derniers sont précédés d’un article défini qui est appelé « un déterminant
intégré ».16 Par exemple, il s’agit de noms de personnes (le Bidois), de
lieux (la Ciotat), de pays (sauf Cuba et Israël) ou de fleuves (le Rhône).
Par ailleurs, il peut être utilisé avec les noms de bateaux ou les noms de
restaurants et d’hôtels.

Les cas de détermination des noms propres sont alors fréquents en


français. Le nom propre peut être déterminé non seulement par un article
défini, mais aussi par un article indéfini ou un déterminant démonstratif,
possessif, etc.17

Comme il a déjà été mentionné, selon une autre définition du nom


propre, celui-ci ne se fléchit pas. Néanmoins, il s’agit de nouveau d’un
critère contestable, car certains noms propres sont variables en genre et
en nombre. Cet attribut d’invariabilité doit donc être aussi complété. Au
sujet du genre, nous pouvons noter les changements du genre des
anthroponymes, plus précisément des prénoms (Martin/Martine,
Michel/Michèle, Laurent/Laurence)18 ou du genre des noms de pays où
un e final peut être la marque du féminin (La France, La Birmanie) tandis

15
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 10.
16 Ibid., p. 14.
17
Ibid., p. 14.
18
JONASSON, Kerstin. Le nom propre : constructions et interprétations. Louvain-La-Neuve : Duculot,
1994, p. 33.
8

que les noms de pays se terminant en une consonne ou une autre


voyelle que -e sont généralement masculins (Le Congo, Le Libéria).19 Il
existe aussi des cas qui permettent d’employer un nom propre au pluriel.
Selon Leroy, le nom propre peut être utilisé au pluriel lorsque « le référent
désigné est en réalité constitué d’une pluralité de référents ». 20 À titre
d’exemple, nous pouvons mentionner des chaînes de montagnes,
groupes d’îles ou, parfois, fédérations d’États.

2.3.2.3 Les critères sémantiques

Dans les ouvrages de grammaire, nous pouvons lire très souvent


que les noms propres ne possèdent pas de sens lexical, mais Leroy
explique que dans certains cas, ils peuvent entrer dans des relations
sémantiques. C’est la synonymie en cas de l’appellation familière (Dédé
est le synonyme d’André) qu’elle cite à titre d’exemple. Quelques noms
propres qui décrivent les objets ont aussi un contenu sémantique – par
exemple le Pont-Neuf est un pont qui était indéniablement neuf dans son
époque. Puis, nous pouvons remarquer les noms propres qui ont le sens
proche à celui des noms communs. C’est Tartuffe qui peut nous servir
d’exemple, car ce nom a un sens voisin avec celui d’hypocrite, c’est-à-
dire d’une personne dissimulant ses sentiments, sa véritable personnalité
et affectant des qualités qu’elle ne possède pas.

De même, le critère de l’unicité référentielle du nom propre (en


d’autres mots, une désignation unique réalisée par celui-ci) peut être
remise en question dans certains usages. Par exemple, certains noms
propres peuvent déterminer plusieurs personnes en cas d’homonymie qui
se produit lorsque deux êtres s’appellent pareillement. Au contraire, nous
rencontrons certains noms communs qui effectuent une désignation
unique (la lune, le soleil).21

19
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 17.
20
Ibid, p. 17.
21
Ibid, p. 21-22.
9

Dans cette partie de notre mémoire, nous avons présenté plusieurs


critères de définition des noms propres, comme leur désémantisation,
leur intraduisabilité, leur unicité référentielle, etc. que les linguistes
considèrent généralement comme vrais dans toutes les langues. Mais
l’analyse de ces critères, proposée par Leroy, a montré que les critères
censés définir les noms propres ne sont pas toujours convaincants.

2.4 Le classement des noms propres

Pour le classement, nous utilisons la typologie référentielle et la


typologie morphologique qui sont décrites par Leroy. Puis, nous nous
orientons vers le classement qui est proposé par Šrámek.

2.4.1 La typologie référentielle

La typologie référentielle « s’appuie sur la nature du référent


désigné par le nom propre » et elle est utilisée par la lexicographie et
l’onomastique. Pendant longtemps, les noms propres ont été divisés en
deux catégories : anthroponymes (noms de personnes) et toponymes
(noms de lieux). Leroy propose une catégorisation en cinq types :
anthroponymes, toponymes, ergonymes, praxonymes et phénonymes.22

2.4.1.1 Les anthroponymes

Selon Leroy, les anthroponymes s’appliquent à des individus ou à


un groupe humain. Aux sous-catégories les plus usuelles appartiennent
patronymes, prénoms, pseudonymes, noms mythiques ou mythologiques,
surnoms et hypocoristiques ou noms donnés aux animaux domestiques.
Elle considère aussi comme noms propres les noms de groupes sociaux
(artistiques, politiques ou sportifs).23

22 LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 33.


23 Ibid, p. 33-34.
10

2.4.1.2 Les toponymes

Quant aux toponymes, Leroy les divise en noms de villes, de pays,


de quartiers, de montagnes, de mers et de cours d’eau, de rues, de
déserts, d’édifices ou de monuments et d’installations militaires.24

2.4.1.3 Les autres catégories des noms propres

Les ergonymes sont les noms des objets ou des produits créés par
l’être humain ayant une réalité matérielle, il s’agit notamment de noms de
marques, d’entreprises, d’établissements, d’institutions, d’objets
mythiques, de titres de livres, de tableaux et de films, etc.25

Les praxonymes sont définis par Leroy de la manière suivante :


« des noms propres de réalisations ou de découvertes humaines non
matérielles » et elle classe parmi eux : noms de faits historiques, de
maladie, de lois ou de théorèmes et noms d’évènements culturels.26

Enfin, elle distingue les phénonymes. Il s’agit des noms propres de


phénomènes naturels désignant ouragans, tempêtes, cyclones, astres,
planètes.27

Outre la typologie purement référentielle, Leroy distingue encore la


typologie référentielle déictique. Cette typologie prend en compte les
relations entretenues par le nom propre avec « les repères fondamentaux
de la référence que sont les déictiques je, ici, maintenant. » Par ailleurs,
Leroy parle de noms propres de temps – les chrononymes. Il s’agit des
noms de jours de la semaine, de mois, d’année, des dates, des noms de
fêtes. Mais les noms de ce type sont plutôt marginaux, car qu’ils ne sont
pas très nombreux et ils ne possèdent pas toutes les caractéristiques des
noms propres (l’usage flottant de la majuscule, emploi plus varié de
déterminants, etc.).28

24
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 33-34.
25 Ibid., p. 34.
26
Ibid., p. 34.
27
Ibid., p. 34.
28 Ibid., p. 35.
11

2.4.2 La typologie morphologique

La typologie morphologique de Leroy est inspirée par la


classification de noms propres que Jonasson utilise dans sa publication.
Cette typologie distingue les noms propres selon leur constitution. Leroy
propose trois types de noms propres : les noms propres purs, les noms
propres descriptifs et les noms propres mixtes.

2.4.2.1 Les noms propres purs

Les noms propres purs sont constitués par une forme lexicale
spécialisée dans cet emploi de nom propre. Ils sont en général utilisés
pour désigner les personnes ou les lieux (tels que Aristote, Paul, Paris,
La Seine).29 Ils forment un groupe lexical relativement fermé. C’est-à-dire
qu’il est possible de créer de nouveaux noms propres, mais cette
créativité n’est pas infinie, elle est limitée. Au niveau du sens, les noms
propres purs sont perçus comme opaques, cela veut dire qu’« on ne peut
les interpréter en fonction d’une base lexicale étymologique. »30

2.4.2.2 Les noms propres descriptifs

Les noms propres descriptifs sont constitués d’un ou de plusieurs


noms communs qui sont éventuellement accompagnés d’éléments
adjectivaux et prépositionnels (le Jardin des Plantes, l’Académie
française).31 Ils désignent des journaux, des institutions, des bâtiments,
des partis politiques et parfois aussi des lieux, etc. Leur sens peut être
ramené au sens lexical des éléments qui le composent, donc il est plus
clair que celui des noms propres purs. Néanmoins, ils sont liés à leur
référent par un lien fixe parce qu’ils ne peuvent pas être remplacés par
n’importe quelle description.32

29
JONASSON, Kerstin. Le nom propre : constructions et interprétations. Louvain-La-Neuve : Duculot,
1994, p. 35.
30
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 36.
31
JONASSON, Kerstin. Le nom propre : constructions et interprétations. Louvain-La-Neuve : Duculot,
1994, p. 35.
32 LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 36.
12

2.4.2.3 Les noms propres mixtes

Enfin, il existe les noms propres mixtes qui sont entre deux types
morphologiques précédents. Ils sont créés d’un nom propre pur et d’un
élément descriptif (Pépin le Bref, Aix-la-Chapelle).33

2.4.3 La typologie proposée par Šrámek

Il nous semble intéressant de comparer la catégorisation des noms


propres en français, que nous avons présentée dans le sous-chapitre
précédent, avec celle proposée par un représentant tchèque de
l’onomastique. Pour ce faire, nous avons choisi le classement de Šrámek
qui distingue les noms propres selon la nature du désigné en trois
groupes principaux – les géonymes, les bionymes et les chrématonymes.
Ceux-ci sont encore subdivisés en plusieurs sous-catégories.

2.4.3.1 Les géonymes

Les géonymes sont des sites géographiques naturels (montagnes,


déserts, forêts, glaciers, etc.) susceptibles d’être représentés sur une
carte géographique. Selon Šrámek, ils sont répartis en toponymes et
cosmonymes.34

Parmi les toponymes, il classe les oikonymes et les anoikonymes.

Les oikonymes sont des noms propres des objets qui sont habités,
comme les noms de maisons, de cités, de villages, de villes et de leurs
quartiers (les urbonymes), mais aussi de châteaux, de châteaux forts,
d’usines, etc.35

Les anoikonymes sont les noms propres des objets qui ne sont pas
habités. Šrámek les répartit en hydronymes, noms d’un cours d’eau ou
d’étendues d’eau (fleuves, rivières, lacs, étangs, mers, océans, golfes,

33
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 36-37.
34
ŠRÁMEK, Rudolf. Úvod do obecné onomastiky. Brno : Masarykova univerzita, 1999, p. 163.
35
Ibid., p. 163.
13

canaux, etc.) ; oronymes, noms propres attribués aux détails du relief


comme une montagne, une colline, un ravin, un plateau, etc. ;
argonymes, noms propres pour les surfaces qui sont utilisées
économiquement, généralement agrotechniquement, notamment les
champs, prairies, forêts, vignobles, etc., mais aussi pour la terre non
cultivée ; hodonymes, noms de voies de communication (sentiers, routes,
ponts, chemins de fer, aéroports, ports, etc.) et choronymes, noms
propres utilisés pour les parties de la surface de la Terre qui ont été
créées naturellement (désert, continent) ou grâce à l’activité humaine
(États, pays, régions, département, etc.).36

Enfin, les cosmonymes (ou astronymes) parmi lesquels il classe les


galaxies, les planètes, les étoiles, les astres, etc.37

2.4.3.2 Les bionymes

Šrámek définit les bionymes comme les noms propres d’êtres ou


d’autres organismes vivants (ou qui semblent vivants) établissant entre
eux des relations sociales. Il les subdivise en plusieurs sous-catégories. Il
s’agit notamment d’anthroponymes (il classe parmi eux les prénoms, les
noms, les surnoms, les pseudonymes, mais aussi les anthroponymes du
groupe, comme les gentilés, les ethnonymes, les noms patronymiques ou
de dynasties), de pseudo (ou faux) anthroponymes (les noms propres
d’êtres mythologiques ou féériques), de théonymes (les noms propres de
dieux ou de déesses), de zoonymes (les noms propres d’animaux réels
ou fictifs, c’est-à-dire ceux d’animaux ou de créatures mythologiques ou
féériques) et de fytonymes (les noms propres de plantes).38

2.4.3.3 Les chrématonymes

Les chrématonymes composent une troisième catégorie onymique


qui englobe les noms propres ou expressions propriales de diverses
natures formelles. Šrámek les définit comme les noms propres qui
36
ŠRÁMEK, Rudolf. Úvod do obecné onomastiky. Brno : Masarykova univerzita, 1999, p. 163.
37
Ibid., p. 163-164.
38
Ibid., p. 165-166.
14

désignent les objets et les produits créés intentionnellement par l’homme,


cela veut dire qu’ils ne sont pas ancrés dans la nature, mais ils sont liés
aux relations sociales, économiques, politiques, culturelles, etc. Il
distingue de nouveau plusieurs sous-catégories : les noms des produits
fabriqués à la pièce ou en série (les cigarettes Malboro, la crème Nivea),
les noms des institutions, organisations et établissements sociaux (DK
Metropol), les noms des phénomènes sociaux (le Tour de France, la Fête
des Mères), les noms des documents historiques, des marques de
caractère commercial, etc.39

Dans les travaux récents de linguistique, plusieurs classements ont


déjà été proposés. Nous nous sommes limitées à la présentation de celui
de Leroy et de celui de Šrámek. Comme nous avons pu voir, ces
classements se fondent sur les critères différents. Néanmoins, car le but
principal de notre mémoire de licence est de traiter le sujet des dérivés de
noms propres, il n’est pas nécessaire de savoir quelle classification est la
meilleure ou la plus appropriée, nous avons abordé la question du
classement plutôt pour des raisons purement terminologiques.

39
ŠRÁMEK, Rudolf. Úvod do obecné onomastiky. Brno : Masarykova univerzita, 1999, p. 165.
15

3 QUAND LES NOMS PROPRES DEVIENNENT DES NOMS


COMMUNS

En français, il existe beaucoup de noms qui sont passés du statut


des noms propres au statut des noms communs. Ce processus qui est
l’un des procédés fréquents de formation de nouvelles unités lexicales est
désigné entre autres comme appellativisation. Avant de constituer le
cadre théorique s’articulant autour de ce passage du nom propre au nom
commun, nous voudrions aussi préciser quelles peuvent être les origines
des noms propres devenus communs.

3.1 Les différentes origines des noms propres devenus


communs

Comme le suggère le titre de ce sous-chapitre, les noms propres


devenus communs ont des origines diverses. Selon Lebouc, ils peuvent
avoir l’origine géographique, religieuse (mythologique, biblique) artistique
(musique, peinture, littérature, spectacles) ou ils viennent des noms de
personnes (personnages religieux, historiques, inventeurs, savants,
philosophes, noms et prénoms).40 Nous ne mentionnons ici que quelques
exemples parce que l’étude de Lebouc est très détaillée. Dans son
dictionnaire, il a répertorié près de 2 500 de noms communs tirés de
noms propres.

Parmi les noms dont l’origine est géographique, il y a surtout ceux


qui représentent les produits devenus célèbres grâce à leur lieu de
naissance (ville, village, parfois aussi une bourgade très peu peuplée). Il
s’agit des fromages comme camembert, gruyère, livarot, des crus réputés
de France, notamment les champagnes, les bourgognes, les bordeaux,
mais aussi ceux d’Italie ou d’Espagne, des tissus et des étoffes
(cachemire, mousseline), des dentelles et des tulles (chantilly, malines)
portant leurs noms d’après plusieurs villes françaises ou étrangères. Ce

40
LEBOUC, Georges. 2500 noms propres devenus noms communs - dictionnaire étymologique
d'éponymes, antonomases et hypallages. Waterloo : Avant-Propos, 2013, p. 4-9.
16

sont aussi les noms de couches géologiques qui sont tirées leur nom des
noms du lieu où elles étaient découvertes (dévonien, hercynien). Il existe
aussi beaucoup d’éléments chimiques auxquels les savants ont donné
des noms en -um pour rendre hommage à leur pays ou à l’université où
ils les ont découverts (américium, francium, californium).41

Les noms propres devenus des noms communs dont l’origine est
religieuse viennent de la mythologie grecque et latine (achillée,
amazone), de la Bible (éden, judas, juif) ou de noms de personnages
religieux comme Saint Augustin, Saint Basile ou Saint Dominique qui ont
donné leur nom aux membres des ordres religieux (augustins, basiliens,
dominicains).42

Concernant les arts, Lebouc affirme qu’ils « ont fourni relativement


peu de mots, à peine 7 % du total ». Il a trouvé seulement sept mots qui
sont inspirés par des chanteurs ou par des musiciens (barbacole,
bidasse). Certains peintres ont donné leur nom aux spécialités
gastronomiques, notamment Vittore Carpaccio (surnom du peintre italien
Vittore Scarpazza) auquel le plat italien carpaccio doit son nom. C’est
surtout la littérature qui a fourni un grand nombre d’écoles littéraires ou
de disciples (anacréontique, shakespearien, voltairien) et des spectacles
(théâtre, guignol, cinéma) qui nous ont laissé des mots comme arlequin,
figaro, etc.43

Dans la langue française, il existe aussi un certain nombre de noms


communs ayant pour origine le nom propre d’une personne. Ce sont
surtout des personnages historiques qui ont fourni un nombre important
de noms communs. Les noms de personnages historiques sont à l’origine
des noms de certaines fleurs (bégonia, cobéa), de spécialités culinaires
(parmi elles, nous pouvons citer quelques plats : le chateaubriand ou le
sandwich, des desserts comme bavaroise, charlotte ou la sauce

41
LEBOUC, Georges. 2500 noms propres devenus noms communs - dictionnaire étymologique
d'éponymes, antonomases et hypallages. Waterloo : Avant-Propos, 2013, p. 2.
42 Ibid., p. 2-3.
43 Ibid., p. 6-7.
17

béchamel), des boissons (bourbon, kir). Ensuite, ce sont aussi les noms
de certaines monnaies qui doivent leur nom au nom de personnages
historiques (comme le carlin ou le carolus qui dérivent de Charles) ou les
noms de vêtements (à titre d’exemple, Lebouc mentionne le nom de
« lavallière », une sorte de cravate nouée, qui tire son origine de
Mademoiselle Louise de Lavallière lançant la mode à la cour de
Loeuis XIV). Certains objets, substances, unités peuvent aussi porter le
nom de la personne qui l’a créé ou trouvé. C’est le cas des inventeurs ou
des savants qui ont donné leur nom à leurs inventions et découvertes
(ampère, austénite, bakélite).44

Dans son dictionnaire, Lebouc ne mentionne pas beaucoup de


noms communs qui tirent leur nom du nom d’un philosophe, car il a
éliminé les mots dérivés de philosophes comme hégélianisme,
platonicien, pyrrhonien, etc. Il mentionne par exemple le diogène, « un
crustacé qui traîne avec lui sa coquille où il loge son abdomen », qui doit
son nom à Diogène le Cynique.45

Les noms et prénoms ont fourni plusieurs catégories de mots : les


noms d’oiseaux (martin-chasseur, martin-pêcheur, martinet), les noms
d’outils (bénarde, clé ou serrure dont le nom dérive de Bernard, ou
guillaume qui désigne un type de rabot).46

Dans ce sous-chapitre, nous avons pu voir que beaucoup de noms


propres se sont transformés en noms communs et que ceux-ci prennent
la source parmi les noms propres très divers. Pour désigner le nom
commun par opposition au nom propre, la grammaire traditionnelle
emploie quelquefois aussi le terme appellatif et le processus de ce
passage mentionné plus haut est désigné comme l’appellativisation du
nom propre. Dans le sous-chapitre suivant, nous présenterons alors le

44 LEBOUC, Georges. 2500 noms propres devenus noms communs - dictionnaire étymologique
d'éponymes, antonomases et hypallages. Waterloo : Avant-Propos, 2013, p. 4-6.
45
Ibid., p. 160.
46
Ibid., p. 8.
18

cadre théorique qui s’articulera autour de la problématique de


l’appellativisation du nom propre.

3.2 L’appellativisation du nom propre

Même si le phénomène décrit dans le sous-chapitre précédent est


assez fréquent en français, nous devons constater que les linguistes
français n’abordent quasiment pas la question de l’appellativisation. Les
publications qui ont vu le jour jusqu’à présent ne sont pas nombreuses.
Ce sont plutôt les chercheurs tchèques qui ont prêté attention à cette
problématique, parmi eux, nous pouvons citer l’article de Petr Šelepa
L’appellativisation des noms propres d’origine mythologique en français 47.

Šelepa définit l’appellativisation comme « le passage d’un mot de la


catégorie de noms propres à la catégorie de noms communs ». Il
mentionne aussi d’autres appellations de ce procédé, notamment
lexicalisation ou déonymisation.48

Les noms propres devenus des noms communs se classent dans


le lexique comme diverses parties du discours. Il est évident qu’ils
deviennent surtout substantifs, néanmoins des verbes ou adjectifs ne font
pas exception. Beaucoup d’entre eux possèdent aussi des dérivés, ce
dont nous parlerons encore dans le chapitre suivant.

Comme l’explique Šelepa, « afin que la transformation d’un nom


propre en appellatif soit réussie, il doit toujours exister une relation entre
le nom propre et l’appellatif final ».49 Il ajoute ensuite qu’il peut s’agir soit
« d’un passage motivé et spontané selon les traits distinctifs du porteur
du nom original [par exemple riflard désignant grand parapluie], soit d’une
dénomination arbitraire », ce sont les cas des inventions et des
découvertes que nous avons mentionnés dans le sous-chapitre

47
ŠELEPA, Petr. L‘appellativisation des noms propres d’origine mythologique en français. In Acta
Universitatis Palackianae Olomucensis. Facultas philosophica. Philologica 93. Olomouc : Univerzita
Palackého v Olomouci, 2007, p. 261-268.
48
Ibid., p. 261.
49
Ibid., p. 261.
19

précédent (par exemple béchamel). 50 L’appellativisation est achevée


lorsque les utilisateurs de la langue ne se rendent pas compte qu’il s’agit
en principe d’un mot issu d’un nom propre.

Chez Shokhenmayer, nous avons trouvé une autre définition de


l’appellativisation. Dans sa thèse, elle explique que « l’appellativisation
concerne le passage du Npr au Nc, et la formation d’un appellatif qui
n’est pas équivalent au Nc, car il est notionellement plus large et
embrasse toutes les parties du discours. »51

Dans la linguistique française, nous pouvons trouver encore une


autre appellation très usuelle, celle d’antonomase du nom propre. Il s’agit
d’une figure de style ou d’un trope qui consiste à remplacer un nom
propre par un nom commun ou, inversement, un nom commun par un
nom propre. L’antonomase se fait soit par métaphore, soit par
métonymie. Il s’agit de la métaphore lorsque les deux unités lexicales
sont rapprochées grâce à une certaine similitude (lorsque nous appelons
une personne tartuffe, nous pensons que cette personne se comporte
d’une manière similaire à Tartuffe, personnage de la comédie de Molière,
c’est-à-dire qui est hypocrite).52

Dans les cas où un terme est attribué à un objet selon une relation
de ressemblance, de contiguïté, nous parlons de la métonymie. Šelepa
évoque à cette occasion le nom riflard qui nous rappelle un grand
parapluie que Riflard, personnage comique de La Petite Ville, comédie de
L.-B. Picard de 1801, portait sur scène. 53 Ce type de relation est
relativement très varié, il peut s’agir aussi de la création désignée par le

50
ŠELEPA, Petr. L’appellativisation des noms propres d’origine mythologique en français. In Acta
Universitatis Palackianae Olomucensis. Facultas philosophica. Philologica 93. Olomouc : Univerzita
Palackého v Olomouci, 2007, p. 261.
51
SHOKHENMAYER, Evgeny. Champs associatifs des noms propres et mécanismes de la
compréhension textuelle. Sciences de l'Homme et Société. Paris : Université de Nanterre, 2009, p. 258.
52
MICHEL, Arrive, GADET, Françoise. La grammaire d'aujourd'hui : guide alphabétique de
linguistique française. Paris : Flammarion, 1986, p. 66.
53
ŠELEPA, Petr. L’appellativisation des noms propres d’origine mythologique en français. In Acta
Universitatis Palackianae Olomucensis. Facultas philosophica. Philologica 93. Olomouc : Univerzita
Palackého v Olomouci, 2007, p. 262.
20

nom du créateur (par exemple Diesel a inventé le moteur qui porte son
nom).54

Lebouc donne encore d’autres noms à ce passage de sens. Pour le


désigner, il emploie aussi les notions d’éponyme et d’hypallage. Il définit
l’éponyme comme « tel personnage ou tel lieu qui donne son nom à
quelqu‘un ou à quelque chose ». Ainsi, Athéna est la déesse éponyme
d’Athènes. Quant à l’hypallage, « c’est une figure de style qui consiste à
attribuer à certains mots d’une phrase ce qui convient à d’autres mots de
la même phrase ». Ainsi, le mot lorette désignant une jeune femme du
demi-monde, aux mœurs faciles, transporte le nom du quartier de Notre-
Dame-de-Lorette à cette personne.55

En plus, Lehmann et Martin-Berthet mentionnent des comparaisons


figées où les noms propres devenus des noms communs conservent la
majuscule et la référence particulière (riche comme Crésus).56

Après avoir examiné quelques définitions concernant les termes


essentiels liés à cette problématique, nous pouvons constater que les
théoriciens inventent toujours de nouveaux termes pour qualifier ce
phénomène et nommer ses formations consécutives. Par exemple,
Boulanger et Cormier emploient le terme onomastisme pour désigner
« tout mot du lexique commun (éponyme, dérivé, composé, forme
complexe, etc.) dont l’ancrage étymologique se rattache à un nom
propre ». Et ils ajoutent que ce terme pourrait être concurrencé par
proprionymisme.57

54
MICHEL, Arrive, GADET, Françoise. La grammaire d'aujourd'hui : guide alphabétique de
linguistique française. Paris : Flammarion, 1986, p. 66.
55 LEBOUC, Georges. 2500 noms propres devenus noms communs - dictionnaire étymologique

d'éponymes, antonomases et hypallages. Waterloo : Avant-Propos, 2013, p. 1.


56
LEHMANN, Alise, MARTIN-BERTHET, Françoise. Introduction à la lexicologie – Sémantique,
morphologie et lexicographie. Malakoff : Armand Colin, 2013, p. 7.
57
BOULANGER, Jean-Claude, CORMIER, Monique C. Le nom propre dans l’espace dictionnairique
général : Études de métalexicographie. Tübingen : Niemeyer, 2001, p. 10.
21

4 LES NOMS PROPRES ET LA DÉRIVATION SUFFIXALE

En général, l’étude concernant la dérivation des noms propres ne


joue pas de rôle important dans la plupart des publications de
morphologie lexicologie française. Les auteurs de ces ouvrages la
considèrent souvent comme faible. Pour cette raison, nous voudrions
dans ce chapitre définir tout d’abord le terme dérivation, ensuite présenter
les différents modes de dérivation (préfixation, suffixation, dérivation
parasynthétique, dérivation impropre et inverse) et nous terminerons ce
chapitre par un regard réflexif sur la dérivation des noms propres posé
par Leroy.

4.1 Qu’est-ce que la dérivation ?

Comme il a déjà été mentionné ci-dessus, tout d’abord nous


voulons définir ce que c’est la dérivation en général. Selon Gardes-
Tamin, la dérivation concerne la création des mots, elle est fondée sur la
formation de nouvelles unités lexicales à l’aide de l’adjonction d’un ou
plusieurs affixes à une base. Elle ajoute encore qu’en français, la
dérivation de modifie pas la catégorie de la base (c’est-à-dire qu’il n’est
pas possible d’insérer des affixes à l’intérieur de la base) et que les
affixes sont toujours placés avant (préfixes) ou après (suffixes) la base. 58

La définition de Niklas-Salminen est presque identique, car, selon


lui, « un mot dérivé est formé par l’adjonction d’un ou plusieurs affixes
soudés à une base ». En plus, il explique que la base est l’élément qui
reste d’un mot dérivé si on lui enlève ses affixes et qu’« elle constitue une
unité qui, telle quelle ou assortie des désinences requises, forme un mot
dont la nature détermine en retour le statut catégoriel de la base ».59

Le dictionnaire de Dubois nous donne aussi une définition de la


dérivation qui consiste en « l’agglutination d’éléments lexicaux, dont un

58
GARDES-TAMINE, Joëlle. La Grammaire. 1, Phonologie, morphologie, lexicologie. Paris : Colin A.,
1998, p. 73.
59
NIKLAS-SALMINEN, Aïno. La lexicologie. Paris : Armand Colin, 2015, p. 53-54.
22

au moins n’est pas susceptible d’emploi indépendant, en une forme


unique ». Il mentionne aussi que le terme dérivation s’oppose au terme
composition.60

Comme nous pouvons voir, les linguistes que nous mentionnons ici
sont unanimes sur la définition de la dérivation, leurs descriptions de ce
phénomène sont ressemblantes. En outre, Gardes-Tamin, Niklas-
Salminen et d’autres linguistes examinent la dérivation plus en détail et ils
distinguent les différents modes de dérivation qui seront décrits dans le
chapitre suivant.

4.2 Les différents modes de dérivation

Comme il a déjà été mentionné, il existe plusieurs modes de


dérivation comme préfixation, suffixation, dérivation parasynthétique,
dérivation impropre et inverse. Puisque notre mémoire de licence est
orienté vers les dérives de noms propres, nous présenterons dans ce
sous-chapitre aussi l’étude de la morphologie dérivationnelle de noms
propres qui est proposée par Leroy.

4.2.1 La dérivation préfixale

La dérivation préfixale utilise les affixes, plus précisément les


préfixes, qui sont antéposés à la base. Ceux-ci ne disposent pas de
fonction grammaticale, leur fonction est uniquement sémantique, car ils
changent le sens du mot. À l’aide de ce mode de dérivation, la nature
grammaticale du mot n’est pas changée, c’est-à-dire que sa classe
morphosyntaxique n’est pas différente de celle de la base. En plus, les
préfixes peuvent présenter des allomorphes, mais il ne s’agit jamais d’un
allomorphe de la base parce que « tous les allomorphes des morphèmes
en français se caractérisent par des changements terminaux ou parfois

60
DUBOIS, Jean et al. Dictionnaire de linguistique. Paris : Larousse, 2002, p. 136.
23

internes, mais jamais initiaux ». Il en résulte que le début des bases qui
sont en contact avec le préfixe ne peut jamais être affecté.61

4.2.2 La dérivation suffixale

La dérivation suffixale utilise les affixes (suffixes) qui sont


postposés à la base. Comme les préfixes, ils ont la fonction sémantique,
mais, en plus, ils ont quelques fonctions supplémentaires. Premièrement,
certains suffixes peuvent modifier la valeur d’emploi de la base sans
modifier complètement son sens. En d’autres termes, ils ne donnent pas
naissance à un mot d’une classe morphosyntaxique différente de celle de
la base (c’est par exemple le cas des suffixes diminutifs comme
poule/poulette).62

Deuxièmement, le suffixe peut avoir une valeur d’indicateur de


classe. Comme l’affirme Gardes-Tamine, le suffixe « peut entraîner la
création d’une unité lexicale appartenant à une classe morphosyntaxique
différente de celle de la base ». Ainsi, le nom timidité est issu de l’adjectif
timide grâce au suffixe -ité. De plus, le suffixe peut aussi avoir une
fonction catégorisatrice, car il indique des catégories grammaticales
comme le genre du dérivé. Par exemple le suffixe -eur qui est ajouté à la
base verbale sert à former un substantif masculin qui peut être soumis à
la flexion en genre (chanter – chanteur/chanteuse), tandis que -eur qui
s’ajoute à une base adjectivale sert à former seulement les substantifs
féminins (blanche – blancheur).63

Troisièmement, le suffixe peut servir d’indicateur lexical en


restreignant l’aire d’emploi de la base. Gardes-Tamine mentionne à titre
d’exemple le verbe battre dont l’aire d’emploi est très large, mais batteur
peut avoir une signification spécialisée comme agent dans le vocabulaire
de la musique et comme instrument dans celui de la cuisine. Le suffixe
61
GARDES-TAMINE, Joëlle. La Grammaire. 1, Phonologie, morphologie, lexicologie. Paris : Colin A.,
1998, p. 74.
62
TAMINE-GARDES, Joëlle. Introduction à la morphologie (suite) : La morphologie dérivationnelle.
L’Information Grammaticale, N. 14, 1982, p. 32.
63
Ibid., p. 32.
24

peut aussi orienter vers des registres particuliers (par exemple -ite est
caractéristique pour le vocabulaire médical).64

4.2.3 La dérivation parasynthétique

Pour former un nouveau mot, la dérivation parasynthétique


combine préfixation et suffixation et elle peut être définie comme
« l’adjonction simultanée à une base d’un préfixe et d’un suffixe ».65 Nous
pouvons rencontrer deux types de mots dérivés qui ont en même temps
le suffixe et le préfixe. Premièrement, ce sont ceux dont la base existe
dans la langue après la suppression du préfixe (désarmer → armer).
Deuxièmement, il s’agit des mots dont la base n’existe pas à l’état libre
(décourager → *courager).66

4.2.4 La dérivation impropre et inverse

La dérivation inverse, appelée aussi dérivation régressive ou


rétroactive, consiste à tirer un mot simple d’un mot plus long. Elle se fait
par la suppression d’un suffixe. Si nous considérons les mots galoper et
galop d’un point de vue historique, c’est le verbe qui précède le substantif
(galoper → galop). Mais, malheureusement, cela ne fonctionne pas
toujours de même, d’autres couples de mots ont été formés d’une
manière inverse (chant → chanter). Il en ressort qu’il faut avoir des
connaissances historiques pour que nous puissions repérer ce type de
dérivation.67

Quant à la dérivation impropre, c’est un phénomène intéressant,


car il s’agit de dérivation qui n’a pas de caractère morphologique. Elle se
base sur le passage d’un mot existant dans une autre catégorie
grammaticale par son insertion dans un cadre syntaxique particulier.

64
TAMINE-GARDES, Joëlle. Introduction à la morphologie (suite) : La morphologie dérivationnelle.
L’Information Grammaticale, N. 14, 1982, p. 32-33.
65
Ibid., p. 33.
66
Ibid., p. 33.
67
Ibid., p. 33.
25

Ainsi, le verbe rire nous a donné le substantif le rire ou l’adjectif beau est
à l’origine du substantif le beau, etc. Ce passage se fait donc sans
changement de forme.68

En ce qui concerne les noms propres, ils sont liés le plus souvent à
la dérivation impropre dans des publications de morphologie et de
lexicologie française. Nous pouvons donner quelques exemples
intéressants, notamment certaines parties du discours qui étaient créées
à partir de noms propres. Il ne s’agit pas seulement de substantifs et
d’adjectifs, mais aussi d’adverbes (rouler Peugeot ou laver Bonux) et
d’interjections (Seigneurs ! ou Marie !).69

4.2.5 Un regard réflexif sur la dérivation des noms propres


posé par Leroy

Pour cette partie, nous utilisons la distinction qui est proposée par
Leroy. Elle répartit la dérivation en ignorée, bien réelle et en différents
types de dérivés. Cette dernière catégorie est liée principalement à la
dérivation bien réelle, donc nous ne présenterons que les deux premiers
modes de dérivation.

4.2.5.1 Une dérivation ignorée

Comme nous avons déjà dit, les dérivés de noms propres sont
présentés dans les ouvrages de morphologie ou de lexicologie française
rarement. Par exemple, Lehman et Martin-Berthet classent les noms
propres dans les marges du lexique, car « ils ne sont pas des mots de la
langue parce qu’ils n’ont pas de sens ». 70 De même, l’existence des
dérivés de noms propres est souvent mise en doute. Néanmoins, il est
vrai que l’existence de ce phénomène est exemplifiée par certains

68
TAMINE-GARDES, Joëlle. Introduction à la morphologie (suite) : La morphologie dérivationnelle.
L’Information Grammaticale, N. 14, 1982, p. 33.
69
NIKLAS-SALMINEN, Aïno. La lexicologie. Paris : Armand Colin, 1997, p. 69.
70
LEHMANN, Alise, MARTIN-BERTHET, Françoise. Introduction à la lexicologie – Sémantique,
morphologie et lexicographie. Malakoff : Armand Colin, 2013, p. 6.
26

spécialistes du nom propre comme Jonasson ou Molino qui ont fait


quelques observations morphologiques.71

Premièrement, selon Molino, les noms propres ont une faible


productivité morphologique (morphologie dérivationnelle) et « ils semblent
avoir, moins que les noms communs, la possibilité de s’adjoindre
préfixes, suffixes ou mots pour engendrer dérivés et composés ». Entre
autres, il mentionne dans sa publication que la dérivation de noms
propres peut être effectuée par l’abréviation hypocoristique des
prénoms.72

Jonasson ajoute qu’il existe des adjectifs qui ont été créés à partir
de noms propres, plus précisément il s’agit d’adjectifs dérivés de noms
propres géographiques qui désignent l’habitant ou la nationalité (français,
parisien, lyonnais) et d’adjectifs dérivés de noms propres de personnes
(gaulliste, proustien, kafkaïen). Mais la majorité des noms propres
ordinaires comme Paul, Mireille, Martin n’en sont pas capables, car ils ne
sont pas reliés aux personnages politiques importants, aux écrivains ou
artistes célèbres ou aux personnages mythologiques, etc. Si nous
trouvons des dérivés comme donjuanesques, donquichottisme, il s’agit de
« noms propres qui leur fournissent une base morphologique » et qui sont
« tous lexicalisés avec un sens descriptif métaphorique ».73

Leroy complète qu’il faut prendre en compte les dérivations qui ont
été réalisées sur la base d’un nom propre en discours, de façon
spontanée et hapaxique (berlusconisation, bushismes) ou plus régulière
(thatchérisme). En outre, elle ajoute que nous ne pouvons pas ignorer les
dérivés de noms propres qui sont inscrits dans des dictionnaires.74

71
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 57.
72
Le nom propre dans la langue [en ligne]. [consulté le 3 mars 2017]. Disponible sur :
http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1982_num_16_66_1123.
73
JONASSON, Kerstin. Le nom propre : constructions et interprétations. Louvain-La-Neuve : Duculot,
1994, p. 34.
74
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 58.
27

4.2.5.2 Une dérivation bien réelle

Leroy mentionne dans sa publication que les dérivés de noms


propres se divisent dans trois catégories du lexique : noms communs
(tartufferie), adjectifs (moliéresque) et verbes (proustifier). Ces dérivés
simples peuvent être enrichis par les dérivés sur bases dérivées,
particulièrement verbales comme les dérivés nominaux en -age
(marivauder → marivaudage), en -tion (balkaniser → balkanisation) et
aussi, il y a la possibilité de nominalisation qui est effectuée sur la base
d’adjectifs (parisien → un Parisien).75

Nous pouvons dire que la dérivation du nom propre est dans la


plupart des cas suffixale ou il s’agit de conversion (dérivation impropre).
Un grand nombre de dérivés sont créés à l’aide de suffixes, tels que -ais/-
ois, -ien ou -iste, mais d’autres suffixes comme -ité, -ol, -aire ne sont pas
utilisés beaucoup.76

Quant au nombre des dérivés, ceux qui sont formés à partir


d’adjectifs sont le plus nombreux. Plus précisément, il s’agit d’adjectifs
dits « ethniques » et de dérivés de noms de lieux que Leroy appelle
comme « gentilés ». Les dérivés nominaux et verbaux apparaissent
rarement.77

En outre, Leroy distingue deux groupes de dérivés, les gentilés et


les autres dérivés. Les gentilés sont définis comme les dérivés dont le
fonctionnement sémantique est assez éloigné de celui des dérivés qui
sont créés, avec le même suffixe, sur un nom commun. Puis, Leroy décrit
que « ce groupe est homogène de vue du type de référent auquel
renvoient les noms propres constituant les bases de dérivation », c’est-à-
dire que les gentilés sont formés purement sur des bases toponymiques.
En sens inverse, les autres dérivés sont plutôt libres et ouverts, car « ils

75
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 59.
76
Ibid., p. 59.
77
Ibid., p. 59.
28

s’alignent sut le fonctionnement sémantique des dérivés de même


construction sur base nom commun ».78

Pour une meilleure compréhension des gentilés et de tous les


autres dérivés, Leroy définit le nom propre incarné et désincarné. Les
noms propres incarnés sont reliés à un référent particulier (Aristote,
Napoléon), alors que les noms propres désincarnés existent « en tant
que formes phonétiques et lexicales (Anne, Robert) reconnues comme
des noms propres et stockées comme telles dans la mémoire ». Du point
de vue de leur construction, les gentilés sont alors basés sur des
toponymes désincarnés et la dérivation des autres dérivés est réalisée
sur des noms propres incarnés.79

Bien que la plupart des ouvrages français portant sur la


morphologie n’abordent pas la question de dérivés des noms propres,
dans la partie pratique, nous essaierons de prouver que les dérivés des
noms propres sont très riches et variés et qu’ils contribuent à la formation
de nouveaux mots en français contemporain.

78
LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004, p. 60.
79
Ibid., p. 62.
29

5 LA PARTIE PRATIQUE

Au début, nous voudrions présenter l’objectif de ce chapitre.


Comme le suggère le titre de notre travail, le but principal de la partie
pratique est l’étude des dérivés de noms propres dans la presse
française. Pour cette raison, nous avons tout d’abord recherché les
dérivés dans le dictionnaire de Lebouc 2500 noms propres devenus
noms communs et nous avons ensuite vérifié leur emploi dans trois
quotidiens français (Le Monde, Le Figaro et La Tribune) et deux
hebdomadaires (Le Nouvel Observateur, et Le Point). À partir des dérivés
retenus, nous avons élaboré notre corpus.

Nous proposons alors une analyse de ces dérivés afin d’apporter


des réponses à nos trois hypothèses de recherche. Premièrement, en
prenant en compte l’intérêt des journaux pour la politique, l’économie et
les finances, la science et, d’une manière très générale, les arts et la
culture, nous supposons que nous trouvions un grand nombre de dérivés
créés à partir des anthroponymes, plus précisément les dérivés de noms
propres des personnes qui jouent un rôle important dans ces domaines.
Deuxièmement, nous émettons l’hypothèse que les mots (noms et
adjectifs) formés avec les préfixes anti- et pro- soient les plus nombreux
parce qu’il existe toujours les partisans et les opposants d’un système,
d’un régime, d’une doctrine, d’un parti politique ou d’un de ses membres.
Quant aux suffixes, nous pensons que les noms construits avec -isme et -
iste seront les plus nombreux parce qu’ils peuvent désigner une certaine
doctrine, idéologie, théorie et leurs partisans. Troisièmement, nous
supposons que nous trouvions également un grand nombre de dérivés
des toponymes, principalement les dérivés suffixés en -ien indiquant des
noms d’habitant ou de langue dérivés et issus d’un nom propre
géographique (pays, ville, région ou planète).

Avant de procéder à l’analyse des résultats obtenus, nous


voudrions présenter le corpus, les journaux analysés et la méthodologie
du travail.
30

5.1 La présentation du corpus

Comme il a déjà été dit, pour rédiger la partie pratique du présent


mémoire de licence, nous avons choisi 3 quotidiens français (Le Monde,
Le Figaro, La Tribune) et deux hebdomadaires (Le Nouvel Observateur et
Le Point). La période observée s’étend sur 10 ans, car nous avons pris
en compte les résultats des articles publiés depuis 2008. Néanmoins, la
date de parution n’est pas le seul critère de choix.

5.1.1 Les critères de choix des journaux analysés

Pour la partie pratique, nous avons choisi les journaux selon


quelques critères. Premièrement, nous avons pris en compte la notoriété
des journaux et puis l’accessibilité, parce que nous avons voulu analyser
les journaux qui sont en ligne et gratuits (certains exigent de s’inscrire ou
de s’abonner pour accéder à toutes les actualités). Ensuite, nous avons
pensé qu’il serait intéressant de ne pas traiter seulement de la presse
d’information générale et, pour cette raison, nous avons aussi inclus un
quotidien spécialisé – La Tribune. Finalement, nous avons pris en
considération la possibilité de l’utilisation du moteur de recherche interne
et la qualité des résultats affichés. Nous avons trouvé comme les plus
convenables ceux où les mots appartenant à la requête apparaissaient
en caractères en gras.

Sur la base de ces critères, nous avons opté pour le dépouillement


de 5 journaux français qui sont brièvement décrits ci-dessous.

Le Monde est un quotidien français qui est classé parmi la presse


d’information générale. Nous pouvons y trouver les informations
concernant des affaires internationales ou nationales, la politique, la
société, l’économie, la culture, la planète, le sport, les sciences, etc. 80

Le Figaro est le plus ancien quotidien français qui est également


classé parmi la presse d’information générale. À la une, nous pouvons
80
Disponible sur : http://www.lemonde.fr/.
31

trouver les actualités sur les affaires nationales et internationales et


plusieurs rubriques, notamment Économie, Sport, Culture, Lifestyle
Madame et Figaro Live.81

La Tribune est un seul quotidien spécialisé que nous avons choisi.


Tous les articles de ce quotidien sont à consulter seulement en ligne. Il
traite de l’information boursière, économique et financière.82

Le Nouvel Observateur ou L’OBS est un hebdomadaire français et


il est classé parmi des magazines d’actualité et la presse d’information
générale. Il nous renseigne sur la politique, le monde, l’économie, la
culture ou nous pouvons y trouver les opinions sur des affaires
intéressantes, les débats, les tendances, les vidéos ou les photos, etc.83

Le Point appartient parmi la presse d’information générale et il est


classé comme magazine d’actualité hebdomadaire français. Il s’occupe
d’actualités politiques, internationales, nationales, économiques,
culturelles ou des nouveautés liées aux hautes technologies, etc.84

5.1.2 La méthodologie de constitution et de traitement du


corpus

Tous ces journaux français sont accessibles sur Internet, ce qui


nous a facilité le dépouillement des dérivés de noms propres. Toutefois,
compte tenu du temps dont nous avons disposé, il était presque
impossible de dépouiller systématiquement les 5 journaux.

La première étape pour constituer notre corpus de référence a


donc consisté en la sélection des noms propres devenus communs
répertoriés dans le dictionnaire 2500 noms propres devenus noms
communs. Nous avons choisi ceux qui sont susceptibles de former des
dérivés. Néanmoins, dans ce dictionnaire, peu de mots répondent à ce

81
Disponible sur : http://www.lefigaro.fr/.
82
Disponible sur : https://www.latribune.fr/.
83
Disponible sur : https://www.nouvelobs.com/.
84
Disponible sur : http://www.lepoint.fr/.
32

critère. De plus, les anthroponymes et les toponymes liés à la situation


internationale actuelle ou celle en France n’y sont pas présents et c’est
pourquoi nous avons eu ensuite recours au dictionnaire francophone Le
Wiktionnaire qui décrit non seulement les mots mais aussi les préfixes ou
suffixes ainsi que l’étymologie de ces mots. Il présente aussi des listes de
mots appartenant à un domaine commun – par exemple, pour le suffixe -
éen, il énumère les adjectifs formés à partir d’un nom de lieu, relatifs à un
peuple ou un groupe humain, à une religion, etc. Parmi ces mots, nous
avons retenu ceux dont nous avons supposé qu’ils puissent être
employés dans la presse française contemporaine.

La deuxième étape a consisté à faire une deuxième recherche par


mot-clé en utilisant des moteurs internes de chaque journal choisi, ce qui
nous a permis de trouver des dérivés de noms propres également dans
les archives. Cette recherche a été donc effectuée mot par mot. Lorsque
nous avions trouvé un certain mot dans un journal, nous ne le vérifiions
pas dans les autres et que la requête n’avait pas abouti à aucun résultat,
nous cherchions également dans les autres journaux. Quelquefois, il a
été nécessaire de chercher les mots dans les textes affichés, car si nous
avons entré par exemple le mot sarkozien, les moteurs internes
renvoyaient des pages contenant aussi Sarkozy, sarkozie, etc. Il a donc
fallu souvent vérifier la présence ou l’absence de ces dérivés dans les
textes. Pour cette raison, nous ne mentionnons pas le nombre
d’occurrences de ces mots, car le nombre de résultats pour chaque mot-
clé tapé dans le moteur de recherche interne ne correspond pas au
nombre exact. De plus, dans certains cas, les moteurs de recherche
renvoient des résultats sans rapport avec le mot qui nous intéresse.

La dernière étape a consisté à constituer des tableaux où figurent


des résultats obtenus pour le corpus. Nous avons réparti les mots en
anthroponymes et toponymes et dans le cadre de chaque groupe en
noms, adjectifs qualificatifs, verbes et nous avons aussi mentionné les
préfixes et les suffixes qui ont servi à la constitution de mots dérivés
retenus.
33

5.1.3 Les résultats obtenus pour le corpus

Nous exposons enfin les résultats obtenus pour notre étude.

Le corpus inclut un total de 622 mots formés à partir de noms


propres, dont 296 sont issus des anthroponymes, 326 tirent leur origine
de toponymes, comme le montre le tableau n° 1. Toutes les données
statistiques présentées dans les tableaux sont aussi représentées dans
notre mémoire par des graphiques que nous donnons en annexe (voir
annexe 9.1, graphiques 1-3).

Tableau 1 Le nombre de mots dérivés de noms propres

Dérivés d’anthroponymes 296


Dérivés de toponymes 326
Total 622

Parmi les dérivés de noms de personnes, la catégorie des noms


est la plus représentée, comptant à elle seule 188 dérivés, dont 19
dérivés sont formés par l’adjonction d’un préfixe et 169 dérivés sont
formés en ajoutant un suffixe. Ensuite, nous avons repéré 94 adjectifs
qualificatifs dont 5 dérivés sont créés au moyen d’un préfixe et 89 dérivés
par un suffixe. Quant aux verbes, nous en avons trouvé 14. Ils sont tous
formés par l’adjonction d’un suffixe. Ces données figurent dans le tableau
n° 2.

Tableau 2 Le nombre de mots dérivés d’anthroponymes

Noms Adjectifs Verbes


Préfixés 19 5 -
Suffixés 169 89 14
Total 188 94 14

Parmi les dérivés de toponymes, la catégorie des noms est


également la plus représentée, elle compte 187 dérivés, dont 14 dérivés
sont formés au moyen d’un préfixe et 173 dérivés sont construits à l’aide
d’un suffixe. Puis, il y a 127 adjectifs qualificatifs dont 12 sont créés avec
un préfixe et un suffixe et 115 sont construits à l’aide d’un suffixe. Nous
34

avons aussi trouvé 12 verbes dont 2 sont créés par un préfixe et un


suffixe et 10 sont formés seulement au moyen d’un suffixe.

Tableau 3 Le nombre de mots dérivés de toponymes

Noms Adjectifs Verbes


Préfixés 14 12 2
Suffixés 173 115 10
Total 187 127 12

Parmi les noms et les adjectifs, nous avons aussi relevé plusieurs
mots qui se rattachent à ces deux catégories, donc ils ont été comptés
deux fois. Les variations orthographiques n’ont pas été prises en compte.

5.2 L’analyse des dérivés d’anthroponymes

Comme il a déjà été dit, du point de vue grammatical, les dérivés


retenus sont des noms, des adjectifs et des verbes. Ils ont été formés au
moyen d’un grand nombre de suffixes qui sont repris de la langue
commune. Parmi ces nombreux suffixes qui interviennent dans la
formation des dérivés de noms de personne, nous analyserons plus
particulièrement ceux qui ont été les plus fréquents dans notre corpus.
Pour les suffixes restants, nous nous contenterons d’en donner la simple
énumération accompagnée d’un ou deux exemples.

Alors que les suffixes sont relativement nombreux dans le système


de dérivation des radicaux anthroponymiques, les dérivés au moyen d’un
préfixe sont plus rares. C’est pour cette raison qu’il nous a semblé justifié
de ne pas dédier un chapitre particulier aux dérivés d’anthroponymes
formés à l’aide d’un préfixe.

5.2.1 Les dérivés nominaux

Le suffixe le plus rencontré dans notre corpus, servant à la


formation des noms, est le suffixe -isme. Il est souvent utilisé pour former
un nom désignant un ensemble des pensées ou des idées défendues par
35

un politicien ou le soutien à ces idées (hollandisme, macronisme), un


ensemble des doctrines politiques ou l’adhésion à celles-ci (dans notre
corpus, c’est par exemple le cas de mélenchonisme, doctrine politique
développée par Jean-Luc Mélenchon, ou reaganisme, doctrine politique
de l’ancien président des États-Unis Ronald Reagan), le système
philosophique d’un philosophe, comme celui du platonisme, ou la doctrine
d’un philosophe et de ses disciples, car l’hégélianisme ne désigne pas
seulement la philosophie de Hegel, mais aussi l’ensemble des courants
de pensée issus de sa doctrine. Parmi les noms dérivés à l’aide de -isme,
nous avons aussi trouvé ceux qui désignent une religion, par exemple
bouddhisme, religion orientale dont le fondateur est le Bouddha, ou
christianisme, religion fondée sur le Christ.

C’est aussi le suffixe -iste qui s’attache à un grand nombre


d’anthroponymes dans notre corpus. Ce n’est pas surprenant, car les
noms en -iste désignent un adepte ou partisan d’une idéologie (léniniste,
marxiste) ou d’un style de politique, comme celui de Vladimir Poutine
(poutiniste) ou d’Emmanuel Macron (macroniste). Comme dans le cas de
-isme, même les dérivés en -iste peuvent aussi désigner les adeptes
d’une croyance ou d’une religion (bouddhiste, calviniste).

Parmi les suffixes qui étaient les plus fréquents dans notre corpus,
nous pouvons encore mentionner les suffixes -isation, -ien et -erie. Le
suffixe -isation a été utilisé pour désigner la tendance à ressembler au
style d’un homme politique (poutinisation) ou l’action de convertir à des
idées défendues par un politicien (trumpisation). Néanmoins, d’autres
types de personnages célèbres peuvent être à l’origine de ces dérivés en
-isation, comme nous le montre taylorisation, application de la théorie de
Taylor, consistant à rationaliser le travail industriel.

Le suffixe -ien est dans notre corpus utilisé entre autres pour
former des noms ayant pour origine un personnage célèbre (philosophe,
homme politique ou artiste). Ces dérivés désignent un adepte ou un
partisan d’un philosophe et de sa philosophie (épicurien, pyrrhonien),
36

partisan de la doctrine et de l’action politique d’un politicien (chiraquien,


macronien) ou un admirateur enthousiaste passionné de la musique ou
du style d’un compositeur (chopinien) ou celui qui est spécialiste de
l’œuvre de quelqu’un (balzacien).

Un autre suffixe très courant dans notre corpus est le suffixe -erie.
Il sert à former des mots qui expriment le résultat de l’action ou peuvent
avoir une valeur collective. Dans notre corpus, ce suffixe a donné
naissance par exemple aux noms formés à partir du nom propre d’un
politicien (sarkozerie, fillonnerie). Il a aussi été utilisé pour former le nom
tartufferie, exprimant un caractère ou une action hypocrite. Le nom a été
construit sur la base d’un personnage de la comédie de Molière Tartuffe
ou l’Imposteur.

Tous les exemples de noms retenus qui sont formés avec les
suffixes mentionnés ci-dessus et qui sont issus d’un anthroponyme
figurent dans le tableau n° 4 :

Tableau 4 Les suffixes nominaux les plus fréquents dans le corpus


servant à former les dérivés anthroponymiques

Suffixes
-isme -iste -ien -isation -erie
baladurisme blairiste balzacien bushisation chouannerie
blairisme bouddhiste chiraquien fillonisation fillonnerie
bouddhisme bushiste chopinien lepenisation hollanderie
bushisme calviniste chrétien macronisation jacquerie
chiraquisme cambadéliste clintonien mélenchonisation juiverie
christianisme filloniste épicurien merkelisation raffarinerie
clintonisme gaulliste freudien pasteurisation sarkozerie
devilpinisme juppéiste hertzien poutinisation tartufferie
donjuanisme léniniste macronien sarkozysation vallserie
fillonisme lepeniste mitterrandien taylorisation
hégélianisme macroniste platonicien trumpisation
hollandisme marxiste poutinien vallsisation
lepénisme melanchoniste proustien
macronisme pétainiste pyrrhonien
marxisme philippotiste voltairien
mélenchonisme poutiniste
merkelisme royaliste
platonisme sarkozyste
raffarinisme ségoléniste
reaganisme vallsiste
37

sarkosysme villepiniste
sartrisme
schröderisme
thatchérisme
taylorisme
trumpisme
vallsisme

Les autres suffixes nominaux qui apparaissent dans notre corpus et


les exemples recherchés figurent dans l’annexe 9.2.1, le tableau 13.

Quant aux préfixes, c’est le préfixe anti- qui est le plus rencontré
dans notre corpus. Il désigne ce qui est opposé, contraire, hostile à ce
que signifie le mot préfixé ou sa racine. Ainsi, anti-poutinisme est
contraire à la politique ou aux pratiques de Poutine, antimarxiste est une
personne opposée au marxisme. Ensuite, dans notre corpus, il y a
plusieurs exemples de mots préfixés avec ex- désignant un ancien
adepte ou partisan d’une doctrine politique (ex-sarkozyste, ex-vallsiste),
c’est-à-dire, celui qui a cessé d’être sarkozyste, vallsiste, etc. Nous avons
aussi trouvé plusieurs exemples de mots formés avec le préfixé néo-
(néo-gaullisme, néo-poutinien). En général, ce préfixe sert à exprimer la
nouveauté. Dans notre cas, il est surtout employé pour désigner certaines
doctrines qui se rattachent à des doctrines antérieures qu’elles continuent
à certains égards.

Dans le tableau n° 5 figurent tous les noms formés avec les


préfixés anti-, ex- et néo- que nous avons recherchés pour notre corpus
et qui ont pour base un anthroponyme. Les autres préfixes ont donné
seulement de rares exemples, ceux-ci figurent dans l’annexe 9.2.1, le
tableau 14.

Tableau 5 Les noms préfixés par anti-, ex-, néo- dans le corpus
servant à former les dérivés anthroponymiques

Préfixes
anti- ex- néo-
anti-hollandisme ex-sarkolâtre néo-gaullisme
anti-lepenisme ex-sarkozyste néo-platonisme
38

antimarxiste ex-ségoléniste néo-platonicien


anti-poutinisme ex-vallsiste néo-poutinien
anti-trumpisme
anti-dreyfusard

5.2.2 Les dérivés adjectivaux

Parmi les suffixes adjectivaux, c’est le suffixe -ien qui a le plus


souvent servi à la création des adjectifs issus de noms propres, plus
exactement d’anthroponymes. Il est souvent utilisé pour former un adjectif
ayant pour origine un personnage célèbre dans le domaine de la
philosophie (aristotélicien, baconien), de la littérature (balzacien,
dickensien), de la science (copernicien, hertzien), de la religion (chrétien,
jacobien), de la politique (clintonien, cambadélien), de l’économie
(marxien) ou de l’histoire (hitlérien, napoléonien).

Nous avons également trouvé un grand nombre d’exemples où les


adjectifs sont suffixés par -iste et -esque. Dans notre corpus, le suffixe -
iste forme principalement les adjectifs relatifs à la politique effectuée par
un politicien (par exemple le mot lepéniste ou sa variante orthographique
lepeniste se réfère à la politique de Jean-Marie Le Pen ou de Marine Le
Pen).

Le suffixe -esque est utilisé pour former des adjectifs désignant une
caractéristique, une ressemblance, une qualité, etc. Dans notre cas, nous
avons trouvé beaucoup d’adjectifs qui sont liés à l’art, soit il s’agit
d’adjectifs construits à partir des noms de personnages littéraires
(donjuanesque, ubuesque), y compris le nom d’un personnage de fiction
comme c’est le cas de Rocambole qui nous a donné rocambolesque, soit
ils sont formés sur la base du nom propre d’un peintre (léonardesque) ou
d’un homme politique (trumpesque, macronesque).

Dans le tableau n° 6, nous avons répertorié tous les adjectifs de


notre corpus qui sont suffixés par -ien, -iste et -esque et qui tirent leur
origine d’un anthroponyme. Les exemples d’adjectifs construits à partir
39

d’autres suffixes moins représentés dans notre corpus figurent dans


l’annexe 9.2.1, le tableau 15.

Tableau 6 Les suffixes adjectivaux les plus fréquents dans le


corpus servant à former les dérivés anthroponymiques

Suffixes
-ien -iste -esque
aristotélicien bonapartiste donjuanesque
baconien bushiste fillonesque
balzacien castriste léonardesque
cambadélien falorniste macronesque
chiraquien hollandiste mélenchonesque
chrétien juppéiste poutinesque
clintonien lepéniste rocambolesque
copernicien mélenchoniste sarkozesque
cornélien merkeliste trumpesque
dickensien poutiniste ubuesque
épicurien sarkozyste
faustien segoléniste
freudien trumpiste
gaullien vallsiste
hamonien villepiniste
hégélien
hertzien
hitchcockien
hitlérien
hollandien
hugolien
jacobien
kahnien
képélien
lagardien
marxien
mélenchonien
mitterrandien
napoléonien
newtonien
obamien
orwellien
pasquaïen
platonicien
poutinien
sadien
sarkozien
stalinien
thatchérien
tolstoïen
voltairien
40

Quant aux préfixes, ils ne sont pas vraiment très nombreux dans
notre corpus. Nous en avons trouvé 5, notamment le préfixe post- (post-
freudien), pro- (pro-trump), anti- (anti-trump), néo- (néoplatonicien) et pré-
(prémitterrandien). Étant donné que nous n’avons trouvé qu’un seul
exemple pour chaque préfixe énuméré ci-dessus, il est inutile de
présenter ceux-ci dans un tableau.

5.2.3 Les dérivés verbaux

Les dérivés verbaux qui ont pour la base un nom propre de


personne et que nous avons recherchés pour notre corpus sont formés
uniquement par le suffixe -iser qui exprime un changement d’état. Dans la
majorité des cas, il s’agit de verbes ayant pour origine le nom d’un
politicien (macroniser, trumpiser), mais nous avons également trouvé des
verbes dérivés des noms de savants (nobéliser, pasteuriser) ou du nom
d’un personnage littéraire (bovaryser).

Comme il a déjà été mentionné, dans notre corpus, les verbes


préfixés, ayant pour la base un anthroponyme ne sont pas présentés
dans notre corpus.

Dans le tableau n° 7, nous pouvons voir tous les exemples des


verbes suffixés par -iser, formés à partir d’un anthroponyme, qui figurent
dans notre corpus :

Tableau 7 Les verbes du corpus suffixés par -iser servant à former


les dérivés anthroponymiques

Suffixe
-iser
bovaryser
hollandiser
chiraquiser
macroniser
mélenchoniser
nobéliser
pasteuriser
se filloniser
41

se lepéniser
se macroniser
se poutiniser
se ségoléniser
tayloriser
trumpiser

5.3 L’analyse des dérivés de toponymes

Parmi les dérivés de toponymes qui ont été soumis à notre analyse
figurent des noms, des adjectifs et des verbes. Ils ont été formés
principalement à l’aide de suffixes et, dans ce sous-chapitre, nous
analyserons seulement ceux qui ont été les plus fréquents dans notre
corpus, c’est-à-dire les suffixes pour lesquels nous avons recherché un
nombre important d’exemples.

Les dérivés de toponymes formés à l’aide d’un préfixe ne sont pas


nombreux dans notre corpus, c’est pourquoi nous mentionnerons
seulement les préfixes qui nous ont donné plusieurs exemples. Étant
donné le petit nombre d’exemples de dérivés préfixés, il est inutile de leur
consacrer un chapitre particulier dans notre mémoire. Nous en traiterons
dans ce sous-chapitre.

Les suffixes et préfixes restants, pour lesquels nous avons relevé


seulement un ou deux exemples, seront répertoriés dans les tableaux qui
se trouvent dans l’annexe (voir annexe 9.2.2, tableaux 16-20).

5.3.1 Les dérivés nominaux

En ce qui concerne les dérivés nominaux qui ont pour base un


toponyme, c’est le suffixe -ien qui est le plus représenté dans notre
corpus. Ce suffixe sert à former les noms d’habitants d’un pays
(Canadien, Cambodgien), d’une région (par exemple Tlemcénien
désignant un habitant de Tlemcen, région dans le nord-ouest de
l’Algérie), d’une ville (Parisien, Shanghaien), d’une planète (Martien,
terrien) ou d’un lieu imaginaire comme celui de Lilliput, nom d’un des
42

pays imaginaires du roman Les voyages de Gullliver de Jonathan Swift


(Lilliputien). Il sert également à former des noms de langues dérivés d’un
nom propre géographique (italien).

Nous avons également trouvé un grand nombre de dérivés qui sont


formés par l’ajout des suffixes -ais (ou sa variante -ois) et -in. Dans notre
corpus, ces suffixes servent aussi à former les noms d’habitants dérivés
d’un nom propre géographique, c’est-à-dire d’un pays (Français, Chinois),
d’une ville (Dijonnais, Berlinois, Beyrouthin), d’une région (Maghrébin) ou
les noms de langues (bavarois).

Parmi les suffixes les plus productifs dans notre corpus, nous
pouvons mentionner encore le suffixe -ité. Il sert à construire des noms
désignant une caractéristique ou une qualité attribuée à la culture qui est
propre à un pays (francité), à une ville (parisianité) ou à un continent
(africanité).

Dans le tableau n° 8, nous pouvons voir tous les noms formés par
les suffixes mentionnés ci-dessus, que nous avons recherchés pour notre
corpus et qui tirent leur origine d’un toponyme.

Tableau 8 Les suffixes nominaux les plus fréquents dans le corpus


servant à former les dérivés toponymiques

Suffixes
-ien -ais -in -ois -ité
Algérien Anglais Alépin Bavarois africanité
Assyrien Bordelais Angevin Berlinois anglicité
Autrichien Camerounais Beyrouthin Chinois arabité
Brésilien Dijonnais Creusotin Danois européanité
Cambodgien Français Girondin Luxembourgeois francité
Canadien Irlandais Grenadin Pékinois indianité
Chilien Japonais Maghrébin Québécois mexicanité
Estonien Libanais Messin Strasbourgeois parisianité
Etats Unien Lyonnais Ouessantin
Éthiopien Montréalais Périgourdin
Eurasien New-Yorkais
Francilien Orléanais
Indonésien Pakistanais
italien Polonais
Lilliputien Portugais
Londonien Quiberonnais
43

Macédonien Réunionnais
Martien Soudanais
Nigérien Thaïlandais
Norvégien Togolais
Ontarien Zélandais
Palestinien
palmyrénien
Parisien
Phénicien
Prussien
Shanghaien
Tanzanien
terrien
Tlemcénien
Ukrainien

Parmi les noms préfixés de notre corpus, ceux formés à l’aide de


anti-, pro- et néo- sont les plus fréquents. Comme nous avons déjà dit, le
préfixe anti- signifie qui est contre la notion désignée par la base. Ainsi,
anti-américain est celui qui est hostile au gouvernement ou à la politique
des États-Unis, anti-européen est celui qui est opposé à une intégration
plus poussée de l’Union européenne. Au contraire, le préfixe pro- exprime
la sympathie à quelque chose, il désigne donc celui qui est favorable au
gouvernement ou à sa politique (pro-chinois, pro-européen).

En général, le préfixe néo- exprime la nouveauté, mais dans notre


cas, il remplace Nouveau- ou Nouvelle- dans un toponyme (néo-
Zélandais, néo-Orléanais) pour former un gentilé.

Le tableau ci-dessous donne tous les exemples de noms préfixés


par anti -, pro- et néo -, issus d’un toponyme, que nous avons retenus
pour notre corpus.

Tableau 9 Les noms préfixés par anti-, pro-, néo- dans le corpus
servant à former les dérivés toponymiques

Préfixes
anti- pro- néo-
anti-américain pro-chinois néo-Guinéen
anti-américanisme pro-européen néo-Orléanais
anti-américaniste pro-occidental néo-Toulonnais
anti-européen néo-Zélandais
44

5.3.2 Les dérivés adjectivaux

Parmi les suffixes adjectivaux, qui sont ajoutés à un nom propre


désignant un lieu, c’est le suffixe -ien qui est le plus fréquent dans notre
corpus. Il est utilisé pour former les adjectifs ayant pour l’origine le nom
d’un pays (égyptien, italien), d’une province (ontarien), d’un quartier
(hollywoodien), d’une ville (parisien, gaspésien), d’une planète (martien,
vénusien) ou d’un lieu imaginaire (lilliputien). Les exemples mentionnés
ci-dessus nous montrent qu’il s’agit de noms de peuples employés
comme adjectifs, ils s’écrivent donc avec une minuscule initiale.

Les autres suffixes adjectivaux les plus rencontrés dans notre


corpus sont -ais et -in. Ils servent également à former les adjectifs à partir
d’un nom propre géographique. Dans le cas des mots suffixés en -ais, il
s’agit de dérivés du nom d’un pays (anglais), d’une ville (montréalais) ou
d’une île (réunionnais). Pour le suffixe -in, nous avons trouvé les dérivés
adjectivaux qui viennent de noms propres d’un pays (monténégrin), d’une
région (angevin) ou d’un département (girondin) et d’une ville (messin).

Dans le tableau n° 10, nous pouvons voir tous les exemples des
dérivés adjectivaux suffixés en -ien, -ais, -in, retenus pour notre corpus.

Tableau 10 Les suffixes adjectivaux les plus fréquents dans le


corpus servant à former les dérivés toponymiques

Suffixes
-ien -ais -in
akkadien anglais alpin
algérien bordelais andin
babylonien camerounais angevin
bolivien congolais beyrouthin
canadien dijonnais byzantin
corinthien français creusotin
égyptien hollandais florentin
états-unien irlandais girondin
francilien japonais grenadin
gaspésien libanais messin
hollywoodien lyonnais monténégrin
iranien montréalais p
ouessantin
italien new-yorkais co
parisine
libyen réunionnais périgourdin
45

lilliputien soudanais
londonien thaïlandais
macédonien togolais
martien zélandais
ontarien
palestinien
parisien
prussien
shanghaïen
syrien
vénusien

Quant aux préfixes, ce sont anti- et pro- qui sont les plus utilisés
pour la formation des dérivés adjectivaux dans notre corpus. Néanmoins,
en général, les exemples des adjectifs préfixés ne sont pas très
nombreux dans notre corpus. À titre d’exemple, nous pouvons
mentionner l’adjectif antiaméricain (avec l’orthographe traditionnelle suivi
d’un trait d’union : anti-américain) qui signifie hostile vis-à-vis de la
politique des États-Unis, de la société, de l’histoire, de la culture ou du
peuple de ce pays ou l’adjectif pro-russe qui exprime le contraire, c’est-à-
dire favorable à la Russie. Depuis les rectifications de 1990, la soudure
est fréquente (prorusse).

Dans le tableau n° 11, nous pouvons voir tous les adjectifs formés
avec les préfixés anti- et pro -, qui viennent d’un nom de lieu.

Tableau 11 Les adjectifs préfixés par anti -, pro- dans le corpus


servant à former les dérivés toponymiques

Préfixes
anti- pro-
antiaméricain pro-américain
antirabique pro-européen
antirusse prochinois
pro-moscoutaire
pro-russe
pro-kurde
46

5.3.3 Les dérivés verbaux

Les dérivés verbaux que nous avons recherchés pour notre corpus
sont formés le plus souvent par le suffixe -iser qui exprime un
changement d’état vers la notion du radical. À titre d’exemple, nous
pouvons mentionner le verbe américaniser qui s’emploie surtout avec la
forme pronominale s’américaniser et qui signifie marquer d’un caractère
américain, des traits propres à la civilisation américaine des États-Unis,
de même que japoniser signifie rendre japonais, marquer d’un caractère
japonais. Ensuite, le verbe balkaniser qui fait référence à la péninsule des
Balkans, mais qui signifie morceler, diviser politiquement un pays, un
empire.

Tableau 12 Les verbes du corpus suffixés par -iser servant à


former les dérivés toponymiques

Suffixes
-iser
américaniser
balkaniser
chinoiser
franciser
japoniser
s’américaniser

Nous n’avons trouvé que deux verbes qui sont préfixés par dé-, ce
sont les mots dérussifier et défranciser. Dans les deux cas, nous pouvons
dire qu’il s’agit de verbes ayant pour l’origine le nom d’un pays (la Russie,
la France). Ils signifient faire perdre le caractère français ou le caractère
russe dans le cas de dérussifier. Ils ne sont pas vraiment nombreux et,
pour cette raison, il est inutile de les présenter dans un tableau.

Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les dérivés du nom


propre sont le plus souvent formés par la dérivation suffixale. Le suffixe le
plus fréquent dans notre corpus, servant à la formation des noms, est le
suffixe -isme, en cas de dérivation de noms propres de personnes. En
cas de dérivation de noms propres de lieux, c’est le suffixe -ien qui est le
47

plus représenté dans notre corpus. Parmi les suffixes adjectivaux, c’est le
suffixe -ien qui est le plus souvent rencontré et qui sert à la création des
adjectifs ayant pour origine un anthroponyme aussi bien qu’un toponyme.
Quant aux dérivés verbaux, ils sont formés dans les deux cas le plus
souvent par le suffixe -iser pour exprimer qu’on fait quelque chose à la
manière de, que quelqu’un se comporte comme, etc.

Comme nous avons déjà mentionné, les préfixes sont utilisés pour
la formation des dérivés d’anthroponymes et de toponymes plutôt
rarement. Dans la majorité des cas, il s’agit de préfixes anti- et pro-, car il
nous arrive très souvent dans la vie d’exprimer que quelque chose ou
quelqu’un est contre ou en faveur la notion désignée par la base.

À l’issue de cette partie pratique, nous pouvons constater que


l’analyse des résultats obtenus nous a permis d’atteindre l’objectif fixé au
départ. Elle démontre que le nom propre n’a pas une possibilité minimale
de productivité morphologique comme l’affirment certains linguistes. Il
ressort de notre analyse que les mots construits sur les anthroponymes
ou les toponymes sont assez fréquents dans la presse française et qu’on
ajoute à ceux-ci les mêmes suffixes ou préfixes qu’aux autres mots
formés par suffixation ou par préfixation.
48

6 LA CONCLUSION

Le présent mémoire intitulé Les dérivés des noms propres dans la


presse française avait pour but d’infirmer l’affirmation de certains
linguistes que le nom propre a seulement une possibilité minimale de
productivité morphologique et de prouver que la dérivation du nom propre
est un procédé toujours utilisé en français, surtout dans des journaux
français.

Pour atteindre cet objectif, nous avons rédigé tout d’abord la partie
théorique où nous sommes arrivées aux plusieurs conclusions.
Premièrement, la définition du nom propre est discutable. Bien que les
linguistes considèrent certains critères définitoires de la catégorie des
noms propres comme pertinents (désémantisation, intraduisabilité, unicité
référentielle), l’analyse de ces critères, sur la base du livre de Leroy, a
montré que les critères censés définir les noms propres ne sont pas
toujours convaincants et peuvent être insuffisants pour une quelconque
classification.

Deuxièmement, il existe plusieurs manières de classer les noms


propres. Nous avons choisi celles qui se fondent sur les critères
différents, notamment le classement proposé par Leroy et celui de
Šrámek.

Troisièmement, nous avons pu voir que beaucoup de noms propres


se transforment en noms communs et qu’ils peuvent avoir les différentes
origines. En plus, nous avons appris que le processus de ce passage est
désigné comme l’appellativisation du nom propre et que les théoriciens
inventent toujours de nouveaux termes pour qualifier ce phénomène et
nommer ses formations consécutives.

Quatrièmement, les noms propres sont liés le plus souvent à la


dérivation impropre dans des publications de morphologie et de
lexicologie française, mais en général, la plupart des ouvrages français
49

portant sur la morphologie n’abordent pas la question de dérivés des


noms propres.

Concernant la partie pratique de notre mémoire, nous y avons


présenté notre corpus et une analyse détaillée des résultats obtenus. En
général, il résulte de notre analyse que les dérivés des noms propres
sont le plus souvent formés par la dérivation suffixale. Quant à leur base,
ce sont les toponymes qui prédominent dans les journaux analysés. Il
s’agit surtout de dérivés d’un nom propre géographique ayant pour
origine un pays, une région, une ville, une planète ou un lieu imaginaire.
En cas d’anthroponymes, une grande partie des dérivés de noms propres
de personnes, retenus pour notre corpus, ont pour origine le nom d’une
personne qui joue un rôle important dans la politique (Macron, Hollande,
etc.) ou l’économie (Marx) et dans la philosophie (Platon, Hegel, etc.).

Sur la base de ces résultats, nous voudrions maintenant répondre


à nos trois hypothèses que nous avons émises dans l’introduction à la
partie pratique. Premièrement, nous pouvons confirmer que nous avons
trouvé un grand nombre des dérivés de noms propres de personnes qui
jouent un rôle important dans la politique, l’économie, les finances, la
science, les arts et la culture, mais nous avons également trouvé les
dérivés ayant pour origine le nom propre d’un philosophe. Quant à
l’hypothèse concernant dérivés nominaux et adjectivaux créés par les
préfixes anti- et pro- nous pouvons également confirmer qu’ils ont été les
plus fréquents dans notre corpus. Ensuite, nous avons confirmé que les
suffixes -isme et -iste s’ajoutent le plus souvent aux noms, mais
seulement à ceux dérivés d’anthroponymes, car le suffixe le plus
rencontré en cas de noms dérivés de toponymes est le suffixe -ien, ce qui
confirme la troisième hypothèse, que les dérivés nominaux et adjectivaux
de toponymes ont été formés le plus souvent à l’aide du suffixe -ien.

Pour conclure, nous pouvons dire que les dérivés de noms propres
sont très riches et variés et qu’ils contribuent à la formation de nouveaux
mots en français contemporain.
50

7 LA BIBLIOGRAPHIE

7.1 Les monographies consultées

[1] BAYOL, Marie-Claire, BAVENCOFFE, Marie-Josée. La grammaire


française. Paris : Nathan, 1998. 159 p. ISBN 2-09-182443-7.

[2] BOULANGER, Jean-Claude, CORMIER, Monique C. Le nom


propre dans l’espace dictionnairique général : Études de
métalexicographie. Tübingen : Niemeyer, 2001. 214 p. ISBN 3-484-
39105-7.

[3] DUBOIS, J. et al. Dictionnaire de linguistique. Paris : Larousse,


2002. 514 p. ISBN. 2-03-532047-X.

[4] GREVISSE, Maurice, GOOSSE, André. Le bon usage : grammaire


française. 13e édition revue, 4e tirage 1997. Paris : Duculot,
1993.1762 p. ISBN 2-8011-1045-0.

[5] JONASSON, Kerstin. Le nom propre : constructions et


interprétations. Louvain-La-Neuve : Duculot, 1994. 256 p. ISBN
2801110779.

[6] LEBOUC, Georges. 2500 noms propres devenus noms communs -


dictionnaire étymologique d'éponymes, antonomases et
hypallages. Waterloo : Avant-Propos, 2013. 655 p. ISBN 978-2-
51101-431-8.

[7] LEHMANN, Alise, MARTIN-BERTHET, Françoise. Introduction à la


lexicologie – Sémantique, morphologie et lexicographie. Malakoff :
Armand Colin, 2013. 317 p. ISBN 978-2-200-27675-1.

[8] LEROY, Sarah. Le nom propre en français. Gap : Ophrys, 2004.


137 p. ISBN 2-7080-1080-8.
51

[9] MICHEL, Arrive, GADET, Françoise. La grammaire d'aujourd'hui :


guide alphabétique de linguistique française. Paris : Flammarion,
1986. 719 p. ISBN 978-2-0811-2003-7.

[10] NIKLAS-SALMINEN, Aïno. La lexicologie. Paris : Armand Colin,


2015. 187 p. ISBN 2-200-01503-8.

[11] RIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe, RIOUL, René.


Grammaire méthodique du français. Paris : Presses Universitaires
de France, 2004. 646 p.

[12] SHOKHENMAYER, Evgeny. Champs associatifs des noms propres


et mécanismes de la compréhension textuelle. Sciences de
l'Homme et Société. Paris : Université de Nanterre, 2009. 357 p.

[13] ŠELEPA, Petr. L‘appellativisation des noms propres d’origine


mythologique en français. In Acta Universitatis Palackianae
Olomucensis. Facultas philosophica. Philologica 93. Olomouc :
Univerzita Palackého v Olomouci, 2007. 351 p. ISNB 978-80-244-
1816-2.

[14] ŠRÁMEK, Rudolf. Úvod do obecné onomastiky. Brno : L'Université


Masaryk, 1999. 191 p. ISBN 80-210-2027-X.

[15] TAMINE-GARDES, Joëlle. Introduction à la morphologie (suite) : La


morphologie dérivationnelle. L’Information Grammaticale, N. 14,
1982. 35 p.

[16] TAMINE-GARDES, Joëlle. La Grammaire. 1, Phonologie,


morphologie, lexicologie. Paris : Colin A., 1998, 174 p. ISBN 2-200-
21852-4.

[17] WILMET, Marc. Grammaire critique du français. 5e éd. Bruxelles :


De Boeck, 2010. 768 p. ISBN 978-2-8011-1610-4.
52

7.2 Les sources électroniques consultées

[18] Dictionnaire de français, Larousse – le chien [en ligne]. [consulté le


8 novembre 2017]. Disponible sur :
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/chien/15295.

[19] La Tribune [en ligne]. [consulté le 1 avril 2018. Disponible sur :


https://www.latribune.fr/.

[20] Le Figaro.fr [en ligne]. [consulté le 1 avril 2018]. Disponible sur :


http://www.lefigaro.fr/.

[21] Le Monde.fr [en ligne]. [consulté le 1 avril 2018]. Disponible sur :


http://www.lemonde.fr/.

[22] Le nom propre dans la langue [en ligne]. [consulté le 3 mars 2018].
Disponible sur : http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-
726x_1982_num_16_66_1123.

[23] Le Point [en ligne]. [consulté le 1 avril 2018]. Disponible sur :


http://www.lepoint.fr/.

[24] L'OBS [en ligne]. [consulté le 1 avril 2018]. Disponible sur :


https://www.latribune.fr/.
53

8 LES RÉSUMÉS

8.1 Le résumé en français

Le thème principal du présent mémoire est la dérivation des noms


propres dans la presse française. Le but du mémoire est donc d’infirmer
l’affirmation que le nom propre a seulement une possibilité minimale de
productivité morphologique et de prouver que la dérivation du nom propre
est un procédé très varié et utilisé dans des articles de presse française.
À partir de ceux-ci, un corpus de dérivés de noms propres est constitué
les dérivés retenus sont analysés du point de vue de leur formation et
répartis en mots dérivés d’anthroponymes et ceux de toponymes.

Ce mémoire est divisé en deux parties principales. Il s’agit de la


partie théorique et de la partie pratique. Ensuite, chacune de ces parties
est subdivisée en chapitres et sous-chapitres. La partie théorique
comporte trois chapitres qui sont consacrés à l’explication des termes
« nom » et « nom propre » et leur classification, puis le passage du nom
propre à la catégorie de noms communs est décrit, souvent nommé
appellativisation, et à la fin, le terme dérivation et ses différents modes
sont définis. La partie pratique présente d’abord le corpus ainsi que la
méthodologie de sa constitution et de son traitement, puis les dérivés de
noms propres, retenus pour le corpus, sont analysés du point de vue de
leur formation et l’origine.

Le mémoire s’achève sur une conclusion dont le but est de


résumer des connaissances acquises et de valider les hypothèses
émises. En annexes, il y a des graphiques et des tableaux qui font partie
intégrante de la partie pratique.
54

8.2 Le résumé en tchèque

Hlavním tématem této bakalářská práce je odvozování od


podstatných jmen vlastních ve francouzském tisku. Cílem této práce je
vyvrátit tvrzení o jejich minimální schopnosti morfologické produktivity a
dokázat, že se jedná o velice rozmanitý způsob tvoření slov, který je ve
francouzském tisku často využíván. Svědčí o tom korpus slov
odvozených od vlastních jmen, vytvořený na základě excerpce
francouzských novinových článků, která jsou v práci analyzována podle
způsobu jejich tvoření a podle jejich původu.

Bakalářská práce je rozdělena do dvou hlavních částí, a to na část


teoretickou a na část praktickou. Každá tato část je dále podrozdělena do
kapitol a podkapitol. Teoretická část obsahuje tři kapitoly, které jsou
postupně věnovány definici podstatných jmen a podstatných jmen
vlastních, včetně jejich druhů, dále popisu procesu, kdy se z vlastního
jména stává jméno obecné (tzv. apelativizace), a v neposlední řadě i
definici pojmu derivace a možným způsobům odvozování. V praktické
části je popsán jazykový korpus, metodika práce při jeho sestavování a
zpracování a zhodnocení výsledků na základě analýzy slov odvozených
od podstatných jmen vlastních, vyskytujících se ve francouzském tisku.

Závěr bakalářské práce shrnuje získané poznatky a vyhodnocuje


stanovené hypotézy. Nedílnou součástí této práce jsou přílohy, ve kterých
jsou uvedeny tabulky a grafy, odkazující na praktickou část.
55

9 LES ANNEXES

9.1 Les graphiques

Graphique 1 Le nombre de mots dérivés de noms propres

Graphique 2 Le nombre de mots dérivés d’anthroponymes


56

Graphique 3 Le nombre de mots dérivés de toponymes

9.2 Les tableaux

9.2.1 Les dérivés d’anthroponymes

Tableau 13 Les autres suffixés nominaux servant à former les


dérivés anthroponymiques

Suffixes Exemples
-able goncourable
-ade lapalissade macronade
-age ampérage voltage
-ain dominicain franciscain
-ard dreyfusard cagoulard
-éen judéen nabatéen
-ette jupette sarkozette
-eur guillotineur
-ide napoléonide almoravide
-ie sarkozie obamie
-in bénédictin jacobin
-ique cyrillique macronique
-ite jésuite macronite
-ité bouddhéité judaïté
-itude Macronitude Sarkozytude
-ium copernicium nielsbohrium
-lâtre Sarkolâtre Tintinolâtre
-lâtrie sarkolâtrie mariolâtrie
-logie christologie poutinologie
-logue mariologue
57

-phile obamaphile sarkophile


-phobe macronophobe judéophobe
-phobie poutinephobie christianophobie

Tableau 14 Les autres préfixés nominaux servant à former les


dérivés anthroponymiques

Préfixes Exemples
dé- délepénisation
éco- éco-sarkozisme
pré- présocratique
pro- pro-sarkozyste
ultra- ultrasarkozyste

Tableau 15 Les autres suffixes adjectivaux servant à former les


dérivés anthroponymiques

Suffixes Exemples
-able goncourable
-ain dominicain franciscain
-aire trinitaire
-ais/ois macronais habsbourgeois
-ard dreyfusard
-ide abbasside almoravide
-in bénédictin jacobin
-ique machiavélique cyrillique
-ite jésuite jacobite
-lâtre hugolâtre
-phile sarkophile

9.2.2 Les dérivés de toponymes

Tableau 16 Les autres suffixés nominaux servant à former les


dérivés toponymiques

Suffixes Exemples
-age limogeage
-ain Américain Marocain
-aire moscoutaire
-ard savoyard sorbonnard
-éen galiléen européen
-erie chinoiserie viennoiserie
-got Parigot
58

-ique ougaritique arabique


-ise Russise franchise
-isme alpinisme américanisme
-iste américaniste tulliste
-ite israélite moscovite
-itude belgitude francitude
-ium dubnium germanium
-logie kremlinologie russologie
-logue kremlinologue
-ol Espagnol Estagnol
-phile arabophile francophile
-philie américanophilie anglophilie
-phobe francophobe russophobe
-phobie francophobie russophobie
-phone anglophone germanophone
-phonie francophonie russophonie
-tion balkanisation vietnamisation
-toques chinetoques
-vie moscovie

Tableau 17 Les autres préfixés nominaux servant à former les


dérivés toponymiques

Préfixes Exemples
dé- dérussification
dés- déseuropénisation

Tableau 18 Les autres suffixes adjectivaux servant à former les


dérivés toponymiques

Suffixes Exemples
ain marocain américain
aire moscoutaire lunaire
al occidental provençal
ard sorbonnard savoyard
éen pyrénéen européen
ique antarctique asiatique
iste angliciste japoniste
ite moscovite mozabite
ois berlinois chinois
ol espagnol romagnol
phile arabophile francophile
phobe europhobe italophobe
phone anglophone ukrainophone
59

Tableau 19 Les autres préfixés adjectivaux servant à former les


dérivés toponymiques

Préfixes Exemples
ex- ex-moscovite
néo- ultra-brite
ultra- néo-zélandais

Tableau 20 Les autres suffixés verbaux servant à former les


dérivés toponymiques

Suffixes Exemples
-er chiner
-ifier franchir
-ir russifier

Vous aimerez peut-être aussi