Mémoire Dalila Ghodbane El Hayy El-Saryan Beyrouth
Mémoire Dalila Ghodbane El Hayy El-Saryan Beyrouth
Mémoire Dalila Ghodbane El Hayy El-Saryan Beyrouth
2
3
Remerciements
A Beyrouth, j’exprime toute ma gratitude envers Bachir Moujaes, pour avoir suivi
mon travail avec intérêt. Merci à Eric Bouvard pour m’avoir reçu à plusieurs reprises. De la
même manière, toutes les personnes que j’ai rencontrées et qui m’ont accordé leur temps à
à l’IFPO et à Hayy El-Saryan en particulier Jean Joseph Nehme. Et un grand merci à mes amis
à Beyrouth et à Paris qui m’ont supporté dans l’élaboration de ce travail : Marieke Krijnen,
Marta Bogdanska, Sally Chammas, Valérie Icard, Jennifer Casagrande, Mathieu Boustany,
Antoine Atallah, Freuke Van Severen, Miriam Rambke, Céline Haddad et tous ceux que je n’ai
pas cité mais envers qui je suis aussi reconnaissante.
4
Résumé
Intitulé : Les acteurs du renouvellement urbain : le cas du quartier syriaque (Hayy El-Saryan)
de Beyrouth (Liban)
Cependant, l’étude propose de s’attarder sur les catégories d’agents qui, sur le
terrain, interagissent et font changer la ville. Les comportements de chacun des
intervenants, aussi divers soient-ils, semblent être un paramètre plus variable que les autres,
et c’est à cet égard que l’on estime qu’ils constituent un potentiel d’action et de changement
intéressant à observer. Sur la base de plusieurs entretiens menés avec des promoteurs
(architectes et ingénieurs), des habitants (propriétaires, locataires, nouveaux et de longue
date…), des « administratifs », j’essaye à l’intérieur de chacune de ces catégories de voir
quels types de stratégies sont adoptés vis-à-vis du renouvellement urbain.
5
Sommaire
Remerciements ......................................................................................................................... 4
Résumé ...................................................................................................................................... 5
Introduction ............................................................................................................................. 10
Partie II Qui fait la ville ? Portraits des acteurs du renouvellement urbain dans le
quartier syriaque ............................................................................................................. 42
6
II- « Laisser-faire »les promoteurs tout-puissants ? Etablissement de profils
professionnels à partir des chantiers en cours à Hayy El-Saryan........................... 45
1) La structure polyvalente CIBCO .................................................................. 45
a- Trois entreprises en une ................................................................. 45
b- Une architecture de forteresse pour une clientèle d’exception .... 46
c- L’épreuve du site, la confrontation au quartier ............................. 50
7
2) Les promoteurs prennent en charge des responsabilités qui incombent aux
institutions étatiques ................................................................................. 70
V- Les interactions entre les acteurs comme vecteur d’action publique .................. 79
1) Des combinaisons d’action potentielles ..................................................... 79
a- Un système de production urbaine alternatif… ............................. 79
b- …laissant un espace d’action potentiel aux résidents .................... 80
2) Vers une autorégulation ? ......................................................................... 81
Conclusion ............................................................................................................................... 83
Illustrations .............................................................................................................................. 86
Bibliographie............................................................................................................................ 88
8
9
Introduction
« Through the enormous quantity of new construction activity, and the variety of
intervention to existing conditions, a visitor can recognize a certain restlessness to
reconstruct, to renew, or to realign the present in reference to a certain past.”1
1
Ouvrage collectif, Beyroutes, a guide to Beirut, Beyrouth, Archis, initiated by studio Beyrouth, second edition,
April 2010, 169 p., p. 132
10
Ainsi, pour les besoins de l’étude, on distingue ces quatre catégories d’acteurs du
renouvellement urbain : une catégorie professionnelle, une catégorie d’ « agents civils », une
catégorie « institution gouvernementale » et une catégorie dans laquelle se trouverait
l’autorité religieuse. Ces groupes d’individus, bien qu’hétérogènes, interagissent pour
produire l’environnement bâti selon des logiques particulières. On suppose que chacun des
acteurs décide d’user plus ou moins du pouvoir qu’il détient dans le but de servir un intérêt
particulier. En ce sens, chacun agit selon une rationalité déterminée par l’étendue des
informations dont il dispose pour opérer ses choix et ainsi, se positionner dans le processus
de fabrication de la ville. Le comportement de chacun des individus ou groupe d’individus
correspond à une stratégie, c’est-à-dire à une succession de choix -contraints ou voulus- qui
impacte sur l’activité de la construction.
Les individus qui composent les catégories précitées ne se cantonnent pas à un rôle
prédéfini a priori. Nombre d’entre eux sortent de leur spectre de compétences pour prendre
en charge des responsabilités qui ne sont pas les leurs. Ce glissement des champs d’actions
s’opère selon des logiques d’intérêts qu’il conviendra d’examiner dans le présent travail. Les
exemples concrets proviennent d’un cas d’étude dont le périmètre a été fixé selon des
critères principalement morphologiques au départ, mais qui se sont avérés coïncider avec
2
LAMY, Sébastien, Le droit de l’urbanisme au Liban, (rapport de recherche) Paris, Gridauh, 2010, 43 p. et
BAKHOS, Walid, « Le rôle de la puissance publique dans la production des espaces urbains au Liban », dans
M@ppemonde 80 (2005.4)
11
une population en particulier et à une histoire spécifique. Il correspond aux limites du
quartier syriaque de Beyrouth, El Hayy El-Saryan, dont les origines et la situation actuelle
feront l’objet d’une partie de ce mémoire. Si le choix s’est porté sur ce quartier, c’est parce
que des changements qui se sont déjà produits dans le reste de la ville y sont actuellement
en cours. Il sera de même nécessaire, pour rendre compte de la situation particulière du cas
d’étude, d’expliquer ce qui rend le contexte beyrouthin intéressant au regard du phénomène
globale de métropolisation et d’internationalisation des villes. Plusieurs ouvrages ont
démontré que cette tendance allait de paire avec un processus d’éviction de certaines
populations, notamment celles qui font partie d’une couche relativement populaire de la
société3. Dans la plupart des cas, le gouvernement joue activement un rôle dans ce
processus à travers des politiques publiques qui orientent les marchés fonciers et
immobiliers et qui sollicitent le secteur privé. Le Liban, bien que visant le même objectif de
« ville mondiale » théorisé par Saskia SASSEN, propose une toute autre manière d’y parvenir.
Si le cas beyrouthin diffère des autres cas de villes à ambition internationale, c’est
aussi parce que les intervenants sur les marchés fonciers et immobiliers ne sont pas les
mêmes, ou tout du moins, ne tiennent pas les mêmes rôles. C’est pourquoi dans un second
temps, les catégories d’acteurs énoncés précédemment seront présentées une à une, ainsi
que les éléments qui composent chacune d’elle dans le quartier syriaque. Ainsi, comme le
suggérait Natacha AVELINE en conclusion du fascicule sur les Marchés fonciers et immobiliers
à Beyrouth (2000), il s’agirait d’esquisser « une typologie des promoteurs […] (importance de
leur structure, nature te taille des opérations, réseau de clientèle, éventail des fonctions
internalisées…), d’analyser le montage de leurs opérations (mode de financement […] et leur
stratégies s’acquisition foncière.»4. La même chose sera entreprise pour les autres acteurs,
le Patriarcat Syriaque Catholique, les autorités publiques et les résidents, en se basant
principalement sur des entretiens menés avec eux.
Dans la perspective adoptée, nous faisons l’hypothèse que la ville est le lieu de
confrontation et d’imbrication des intérêts de ces agents. Les comportements que chacun
des intervenants seront décrits. Cela permettra d’une part d’aller au-delà du diptyque
3
BERRY-CHIKHAOUI, Isabelle, DEBOULET, Agnès, ROULLEAU-BERGER, Laurence, Villes internationales : entre
tensions et réactions des habitants, Paris, La découverte, 2007, 317 p.
4
AVELINE, Natacha, Marchés fonciers et immobiliers à Beyrouth, Beyrouth, Document n°6, ORBR, CERMOC,
2000, 34 p.
12
puissance privé/autorité publique en montrant la manière dont les citadins et le Patriarcat
prenne part à la transformation urbaine. A partir de la multiplicité des stratégies d’actions
qui existent à Hayy El-Saryan, celles des résidents, du Patriarcat ou des promoteurs, il est
possible d’observer la manière dont elles se combinent pour trouver par moment des
compromis en faisant correspondre des intérêts qui n’étaient pas destinés à converger a
priori.
13
Champ d’étude et méthodologie
L’essentiel des données de ce mémoire a été recueilli au cours de trois mois d’étude
sur le site, à Beyrouth. Les trois types de sources sont les récits (délivrés au cours
d’entretiens), les documents graphiques (principalement des cartes et des documents du
cadastre), et les données provenant de la bibliographie. De même, les visites fréquentes
dans le quartier et l’observation in situ ont été, dans une certaine mesure, productrice d’une
forme de savoirs qui ont été utiles.
L’entretien sociologique semble être un outil adapté pour comprendre les différentes
voix qui composent chacune des catégories d’intervenants et les éventuels chevauchements
ou concordances d’intérêts et de points de vue. Plusieurs types d’entretiens ont été menés,
cherchant à mettre l’accent sur le rôle des interlocuteurs dans le changement du quartier et
en les incitant à parler d’eux-mêmes dans ces changements. S’agissant des promoteurs, tous
ont été rencontrés dans le quartier une première fois, puis à l’issu de rendez-vous (dans les
bureaux préfabriqués aménagés pour le temps du chantier) dans le cadre d’entretiens semi-
directifs. Quant aux résidents, les entretiens se sont pour la plupart déroulés au gré des
rencontres dans le quartier, en même temps que les visites d’observation, peu directifs mais
thématiques. Cumuler les moments de déambulation dans le quartier avec les discussions
puis les entretiens a facilité les premières approches du terrain. Certains ont été rencontrés
14
à plusieurs reprises, comme le mukhtar5 du quartier avec qui le contact fut permanent
jusqu’à la fin de la période de terrain.
En second lieu, la lecture des textes de loi et d’autres travaux s’y rapportant a permis
de distinguer dans ces liens ce qui est du ressort des lois de ce qui ne l’est pas, et ainsi de
mettre à l’épreuve l’efficacité des textes sur le terrain et ainsi, confronter la norme à la
réalité empirique. De même, il s’agissait d’étudier ce qui met légalement les agents en
mesure d’agir sur le cadre urbain. D’autre part, cette démarche a aidé à saisir ce que la
notion de foncier recouvre au Liban6, question centrale dès lors que l’on aborde les
mutations morphologiques de la ville.
5 El mukhtar, en arabe, « l’élu », est une sorte de maire de quartier. Il s’occupe de régler les conflits de voisinages, les
papiers administratifs des riverains… Il est élu par les habitants.
6« L’usage en français distingue les termes d’économie foncière et d’économie immobilière, le premier traitant de la
propriété et de l’utilisation des sols, alors que le second traite de la propriété, de la construction et de l’utilisation des
bâtiments de diverses natures en y incluant généralement les sols sur lequel ils sont érigés. Cette distinction est moins
claire en anglais, où le terme de “real estate” a une acception plus large que le terme d’immobilier. En arabe, celui de
“‘iqar” recouvre indistinctement les deux notions. »Charbel NAHAS, économiste, dans le lexique économique publié
mensuellement dans Le Commerce du Levant, septembre 2009
7
AVELINE, op. cit, p. 7-10
15
16
Partie I
Beyrouth et Hayy El-Saryan
17
I- Beyrouth, un cas particulier de « ville globale »
Le centre ville doit redevenir la vitrine d’un Liban remis de ces quinze années
d’hostilités et digne d’être de nouveau un des cœurs économiques du Proche Orient au
même titre que Doha, Dubaï ou Riyad. L’implication du secteur privé fut donc nécessaire au
financement de la reconstruction du pays. Ainsi, plusieurs mesures, notamment fiscales, ont
été prises en vue d’attirer les investisseurs internationaux et leurs capitaux financiers8.
Bien que ces capitaux soient nécessaires pour financer le chantier entrepris, ils sont
aussi une exigence pour exister de nouveau dans le concert des villes « mondiales ». La
mondialisation des flux de capitaux, de biens et de personnes ont des conséquences
géographiques et spatiales. D’une part, les délocalisations des activités industrielles dans les
pays en voie de développement, d’autre part la concentration des lieux de prise de décisions
8
AWADA, Fouad, « Investisseurs, chers investisseurs » dans « Liban, retour sur expérience », p. 136, Les cahiers
de l’IAURIF, Paris, n°144, Mars 2006
18
et de réception/émission de capitaux financiers dans des villes qui deviennent des « postes
de commandement de l’économie globale »9. Ce sont ces centres que Saskia Sassen, dans les
années 1980, désigne comme étant des « villes globales ». Physiquement, ces villes tendent
à se conformer au modèle prôné par les élites urbaines internationales. Cela se traduit par la
construction de centres d’affaires, d’immeubles de bureaux et de logements de haut
standing, par un contrôle des pratiques de l’espace public et une sécurisation accrue de ces
espaces par leur aménagement. Ces projets ont pour conséquences d’augmenter les prix des
terrains en agissant comme une externalité positive, évinçant de fait les populations aux
revenus modestes de la ville10.
Dans un tel contexte, l’enjeu soulevé porte sur la capacité de ces populations à
développer des stratégies pour résister aux pressions exercées sur les marchés fonciers et
immobiliers et concrètement, pour continuer de se loger et de vivre en ville11. A Beyrouth,
les quartiers périphériques au centre-ville voient, à des rythmes variables, les prix du mètre
carré augmenter pour à terme, peut-être, s’aligner sur ceux du centre12. Cela donne lieu à un
renouvellement urbain orienté vers la seule préoccupation financière. Cette tendance se
traduit par la maximisation du profit que peut générer l’exploitation d’une parcelle, quitte à
contourner les règlementations d’urbanisme (hauteurs, vis-à-vis, prospects, gabarits). Cette
pratique est généralisée sur le marché de l’immobilier beyrouthin, terrain de jeu prisé par les
investisseurs privés qui bénéficient d’une relative liberté d’action, ce qui n’est pas inédit
dans le contexte libanais.
9
SASSEN, Saskia, « Introduire le concept de ville globale », Raisons politiques, 2004/3 no 15, p. 9-23. DOI :
10.3917/rai.015.0009
10
Isabelle, DEBOULET, Agnès, ROULLEAU-BERGER, Laurence, Villes internationales : entre tensions et réactions
des habitants, Paris, La découverte, 2007, 317 p.
11
FAWAZ, Mona, « Apogée et déclin d’une nouvelle classe de citadins : les lotisseurs dans la banlieue
irrégulière de Beyrouth », dans BERRY-CHIKHAOUI, Isabelle, DEBOULET, Agnès, ROULLEAU-BERGER, Laurence,
Villes internationales : entre tensions et réactions des habitants, Paris, La découverte, 2007, 317 p., p. 223-241
et BERRY-CHIKHAOUI, Isabelle, DEBOULET, Agnès (ouvrage collectif), Les compétences des citadins dans le
monde arabe. Penser, faire et transformer la ville, Paris, IRMC, Karthala, Urbama, coll. Hommes et Sociétés,
2000, 406p.
12
« Final report », MED-PACT Programme, ARCHIMEDES Project, 2007-2008, sur les quartiers péricentraux,
puis sur Koqaq el Blat.
19
2) « La république marchande » ou une tradition de service au privé via le
public
13
KASSIR, Samir, Histoire de Beyrouth, Paris, Fayard, 2003, 725 p., p. 156
14
Ibid, p. 417
15
GATES, Carolyn, The Merchant Republic of Lebanon: rise of an open economy, Oxford, Centre for Lebanese
Studies, 1989
20
tout sur fond d’affaires de corruption et de clientélisme16. C’est en ce sens qu’il est possible
de qualifier le régime politique libanais de « république marchande », pour reprendre
l’expression utilisée par Carolyn Gates. Par ailleurs, les disparités économiques et sociales
engendrées par ce système sont identifiées par certains experts, comme Ahmed Beydoun ou
Gérard Khoury comme une des sources de la guerre civile en 1975.
La tendance très libérale se confirme de nouveau dans la manière dont a été menée
la reconstruction post-guerre. Des nouvelles institutions avec un nombre considérable de
pouvoirs ont été créées ex nihilo, comme le Conseil pour le Développement et la
Reconstruction, tandis que le secteur public a été écarté. En effet, l’essentiel de
l’argumentaire des promoteurs de cette reconstruction portait sur l’incapacité déclarée de
l’Etat à entreprendre ce projet seul d’une part, par manque de moyen financier et à cause de
l’impossibilité de s’endetter davantage, et d’autre part à cause de la corruption de ses
administrations17. En résulte la marginalisation de l’administration publique libanaise
complétée par la cession de nombreux aspects de gestion publique au secteur privé18,
l’exemple le plus emblématique étant la création de SOLIDERE19. Le régime d’exception dont
bénéficie cette société foncière lui transfère la propriété de la quasi-totalité des biens-fonds
du centre ville, en contrepartie d’actions dans la société pour les locataires et propriétaires
précédents.
Les mesures de récupérations foncières mises en place par SOLIDERE dans le centre-
ville sont exceptionnelles. Il n’en reste pas moins que les marchés fonciers et immobiliers
beyrouthins présentent des caractéristiques qui lui sont spécifiques et qui participent de la
singularité de la ville bâtie elle-même.
Comme expliqué précédemment, l’Etat, par tradition libérale, n’intervient que peu
sur les marchés. Il ne dispose que de peu d’outils de gestion de son territoire, mais n’en
16
KASSIR, op. cit., p. 419
17
CORM, Georges, Le Liban contemporain : histoire et société, Paris, éd. actualisée, La Découverte, 2005, 341
p., p.247
18
La privatisation s’est appliquée par la passé avec succès à des services comme la Poste, ou le ramassage et
traitement des ordures.
19
EL MUFTI, Karim, “The Management of Public Interest in Lebanon, a Broken Concept”, Beirut, sept.2001
www.thebeirutentreprise-blog.com
21
développe pas pour autant, ce qui laisse à penser que son retrait de l’activité immobilière est
un choix délibéré, et pas seulement le résultat d’une faiblesse de fait. L’Etat possède même
un grand nombre de terrains sur le territoire national, mais ne les exploite pas du fait de leur
dispersion trop contraignante.20
Dans la gestion du foncier, l’impôt est un outil très puissant par lequel un Etat ou une
collectivité locale peut lutter contre la spéculation, récupérer la plus value foncière, inciter à
valoriser les terrains… La faiblesse de la fiscalité fait du Liban « un paradis fiscal pour les
investisseurs immobiliers », qui peuvent accumuler des terrains et constituer des réserves
foncières dans des lieux potentiellement urbanisables. Les taxes sont nombreuses, mais très
peu contraignantes et elles ne représentent qu’une faible part des les recettes perçues par
les autorités publiques. Une loi de taxation de la plus-value foncière existe, mais les décrets
permettant sa mise en application n’ont jamais été votés, les propriétaires s’y étant opposés,
la jugeant trop lourde21. Il s’agit ici d’un exemple qui illustre bien le lobby puissant que
représentent les propriétaires terriens.
Ces derniers se sont tout de même trouvés embarrassés pas des dispositions prises
par le gouvernement sur le gel des loyers pendant la seconde guerre mondiale. Cette
mesure n’avait pas pu être levée durant la guerre civile, et a été poursuivie après 1990 pour
empêcher la spéculation sur les loyers. En 1992, les lois 159/92 et 160/92 ne viennent
interrompre qu’en partie le blocage des loyers. En effet, il y a au Liban deux régimes de
location immobilière : celui des baux contractés avant juillet 1992 (160/92) et ceux
contractés après (159/92). Dans le premier cas, le locataire peut renouveler son contrat tant
que la loi qui lui permet de le faire existe, reconduisant ainsi le régime d’exception dont il
bénéficie, issu du gel des loyers. Concrètement, la réévaluation du montant du loyer n’est
jamais significative et le propriétaire tire de son bien un bénéfice une dizaine de fois
inferieur à ce qu’il pourrait percevoir avec les prix actuels du marché22. Quant aux baux
signés après la date du 23 Juillet 1992, ils sont régis librement par un contrat entre le
propriétaire et le locataire, résiliable par ce dernier, renégociable au minimum tous les trois
ans.
20
AVELINE, Natacha, Marchés fonciers et immobiliers à Beyrouth, Beyrouth, Document n°6, ORBR, CERMOC,
2000, 34 p.
21
Ibid, p. 26
22
Le commerce du levant, retrouver la source exacte
22
Enfin, la majorité des promoteurs ne sont pas des professionnels préalablement
formés à ce métier. Ils se confondent souvent, et l’enquête de terrain l’a confirmé, avec des
propriétaires fonciers ou des investisseurs, souvent associés à un ingénieur ou un architecte.
Ces derniers prennent en main toute les étapes de la construction jusqu’à la vente du
produit fini. Ils financent leurs opérations le plus souvent sur fonds propres, puis
réinvestissent très vite les profits dans une autre acquisition foncière. Ce système s’explique
par la valeur refuge que représente le foncier pour les libanais qui n’ont pas de placements
alternatifs sûrs, autres que les bons du Trésors.23
23
AVELINE, op. cit., p. 25
24
L’exemple de membres de la communauté chiite émigrés en Afrique pendant la guerre et revenu au pays,
investissant dans la construction de luxueux shopping-malls à l’américaine dans l’ouest de la capitale. SOUAID,
Marie-Claude, « Réseaux d’investissements fonciers et immobiliers de Beyrouth : une filière chiite » dans
Beyrouth-Grand Beyrouth, ARNAUD, Jean-Luc (dir.), Beyrouth, Cahier du CERMOC n°16, 1997
25
AVELINE, op. cit., p. 28
23
mesure les changements que Hayy El-Saryan a subi ou est en train de subir. Nous nous
efforcerons de prendre appui sur le contexte dans lequel est apparu le quartier et de le
situer dans le développement de la ville de Beyrouth.
Hayy El-Saryan signifie littéralement quartier syriaque. Il est situé sur au pied de la
colline Achrafieh, flanc sud-est. Bien qu’à l’origine peuplé de syriaques catholiques, de
syriaques orthodoxes, d’assyriens et de chaldéens, on retiendra principalement l’appellation
de « syriaque » pour le quartier, c’est-à-dire, « saryan », du fait de la présence de leur
patriarcat et du nombre peu élevé d’assyriens et chaldéens. Le syriaque est aussi la langue
commune aux quatre religions. Il faut tout de même noter que d’autres confessions sont
présentes depuis la naissance du quartier, chrétiennes néanmoins (maronites, grec-
orthodoxe).
26
Un waqf est un bien-fonds inaliénable placé sous une autorité religieuse devant servir à la communauté
24
Figure 1 : Localisation de Hayy El-Saryan (en rose sur la carte) à Beyrouth
Source : Cadastre de Beyrouth 2004
25
Figure 2 : Photographie aérienne de quartier syriaque (entouré d’un trait rouge), zoom,
1991.
26
Durant toute la première moitié du XXe siècle jusqu’aux années de la guerre civile,
des vagues de migrations se sont succèdent et déposent de nouvelles populations aux
abords de la ville27. Les arméniens sont chassés de la Turquie en 1915 et viennent peupler les
régions marécageuses de la Quarantaine, puis Borj Hammoud et Karm Zeitoun. Les kurdes
arrivent de Turquie, d’Iraq et de Syrie en 1925 puis au milieu des années 196028. A la
création de l’Etat d’Israël en 1948, les palestiniens quittent leur terre pour se réfugier dans
des camps comme celui de Borj Barajneh dès 1948, Chatila en 1949, Mar Elias en 1952, puis
Tal Zaatar, Jisr Bacha29 (ces deux dernier ayant été détruits pendant la guerre30). Les tensions
à la frontière libano-israélienne et l’instabilité politique dans la région poussent les
populations du sud du pays, majoritairement chiites, à partir pour s’installer à la périphérie
de la capitale, ainsi que d’autres populations rurales forcées de quitter les villages pendant la
guerre civile31. Ces migrations, conjuguées aux tentatives de planification de la croissance de
la ville des années 1930 (plan Danger) au années 1960 (plan Ecochard) fabriquent un
chapelet de quartiers d’habitats précaires tout autour de Beyrouth que l’on a coutume
d’appeler « ceinture de pauvreté ». Hayy El-Saryan, Mar Elias, Karm Zeitoun, Horch Rahal et
Wata Moussaitbeh font parti de la ville de Beyrouth. Ces quartiers se trouvant dans une
première ceinture majoritairement constituée d’habitat de classe moyenne, ils n’avaient pas
la possibilité de s’étendre davantage, et ne continuait pas à recevoir des afflux important de
population. Ce qui n’était pas le cas de la ceinture de misère qui n’a pas cessé de s’épaissir,
pour regrouper dans les années 1970 près de 400 000 habitants, dans une agglomération
beyrouthine dorénavant millionnaire32.
Les tentatives de planification, du plan des frères Danger aux deux propositions de
Michel Ecochard, n’ont pas abouti. Ce qu’il reste de visible de ces expériences se résume à
des voies de circulation rapide qui traversent le territoire de la ville et aggrave la situation
27
TABET, Jade, et alii, Beyouth, Paris, IFA, Portrait de ville, 2001, 64 p.
28
ZAKEN, Moti, Errance et terre promise: Juifs, kurdes, assyro-chaldéens, « Etudes kurdes », revue semestrielle
de recherche, n°7, Fondation-Institut kurde de Paris, L’Harmattan, mai 2005
29
SFEIR, Jihane, L’exil palestinien au Liban : le temps des origines 1947-1952), Paris, Karthala-Ifpo, 2008, 340 p.
30
DORAI, Kamel, « Aux marges de la ville, les camps de refugies palestiniens à Tyr », dans Outre-Terre, Revue
française de géopolitique, 13 (2006) 373-389
31
Une migration des campagnes vers la ville était cependant déjà active avant la guerre, provenant notamment
de la plaine de Bekaa, région particulièrement pauvre.
32
BEYHUM, Nabil, « Espaces éclatés, espaces dominés. Etude de la recomposition des espaces publics centraux
de Beyrouth de 1975 à 1990 » thèse de doctorat à l’université de Lyon II, 1995, p.114, dans KASSIR, Samir,
Histoire de Beyrouth, Paris, Fayard, 732 p., 2003, p. 694
27
des deux couronnes. En effet, deux rocades les encerclent de nouveau : l’avenue Fouad
Chehab (aussi appelé le « ring ») qui contourne le centre ville reliant l’est et l’ouest en une
dizaine de minutes en voiture, et l’avenue Saeb Salam (corniche Mazraa) qui atteint les voies
longeant le bord de mer pour former une large boucle. L’opposition des spéculateurs et des
propriétaires fonciers, dont les terrains avaient acquis de la valeur avec le développement
fulgurant dans les années 1950-1960, relayée par l’administration publique entravèrent
sérieusement la mise en place des plans d’Ecochard. Cela abouti à ce qu’Eric Verdeil qualifie
« d’urbanisme de voirie spéculatif »33.
33
VERDEIL, Eric, Beyrouth et ses urbanistes, une ville en plans (1946-1975), Beyrouth, Presses de l’IFPO, 2010,
397 p., p. 296
34
«hawch : terrains vague, arrière cour, bâti informel », KASSIR, Samir, Histoire de Beyrouth, Paris, Fayard, 732
p., 2003, p.694
35
Ibid, p. 355
28
Figure 3 : « localisation et population des bidonvilles de l’agglomération de Beyrouth »
Source : BOURGEY, André, PHARES, Joseph, « Les bidonvilles de l'agglomération de Beyrouth », In: Revue de
géographie de Lyon. Vol. 48 n°2, pp. 107-139,1973
29
b- Les conditions d’installation du camp syriaque
La lecture de cartes datées complète ces données historiques. En effet, on peut voir
que l’urbanisation des parcelles de Hayy El-Saryan suit la construction de l’Hôpital Hôtel
Dieu (1921) et du bâtiment du Patriarcat Syriaque Catholique au bord de la route de Damas
sur ce qui étaient jusqu’à lors des terres agricoles. Les deux immeubles sont déjà séparés par
un chemin de terre prolongeant la large avenue Fouad Ier, chemin de terre qui accueillera
ensuite des voies de chemin de fer (démantelées au début des années 1950) pour devenir
plus tard la corniche Pierre Gemayel. La masse bâtie se concentre autour de l’Hôtel Dieu
36
FAWAZ, Mona, PEILLEN, Isabelle, “The case of Beirut, Lebanon: urban slums reports”, United Nations, in
Understanding Slums: Case studies for the global report on human settlements, 2003
37
BOURGEY, André, PHARES, Joseph, « Les bidonvilles de l'agglomération de Beyrouth », In: Revue de
géographie de Lyon. Vol. 48 n°2, pp. 107-139,1973
30
tandis qu’autour, les terrains sont moins lotis et ce, jusque dans les années 1945. Ce que l’on
appelle aujourd’hui Hayy El-Saryan formait déjà une entité à part, comme une petite poche
un peu plus dense comparée à ce qui l’entourait directement. L’urbanisation se poursuit et
on remarque sur un plan datant de1964 que le tissu de la partie sud du quartier est
particulièrement étriqué et resserré. Il s’agit du terrain, évoqué précédemment, se trouvant
entre la Patriarcat et l’Hôtel Dieu, le waqf38 sur lequel les populations syriaques les plus
pauvres ont été permises de se réfugier. Jusqu’à la fin de la guerre le tissu reste quasi
inchangé.
Malgré tout, dans les années 1970, la large avenue Alfred Naccache est percée,
coupant ainsi violemment le camp syriaque de son extension, Hayy El-Saryan. Le projet
d’élargir la voie qui passe entre l’Hôpital Hôtel Dieu et le camp (l’actuelle rue Habib Pacha el
Saad) est soutenu par le gouvernement de l’époque. Cela aurait nécessité alors de tronquer
le waqf sur lequel est installé le « bidonville » d’après les termes du mukhtar du quartier, et
il était prévu de transformer le reste de la parcelle en jardin public. Le projet a suscité des
résistances de la part du Patriarcat, jusqu’à ce qu’il soit interrompu par le début de la guerre
en 1975. Dans les années 1990, des travaux d’aménagement et de reconstruction sont
menés par le gouvernement de Rafiq El Hariri. Derrière l’Hôpital Hôtel Dieu, le projet de
percée (rue Habib Pacha el Saad) qui n’avait pas abouti est de nouveau envisagé. Elle
permettrait d’accéder au rond point de la Justice en partie basse (el Aadlieh). Cette route
empiètera donc sur le terrain où se trouve le « camp » syriaque39, mais le projet de jardin est
abandonné. Les résidents constitués en conseil mené le Patriarcat Syriaque Catholique,
responsable du lot (et pas propriétaire parce qu’il ne s’agit pas d’une propriété, mais d’un
bien commun à la communauté, dont la seule valeur doit être sa valeur d’usage, c’est le
principe du waqf) entame alors une négociation avec le premier ministre40. Il accepte de
céder 0,33 hectares de la parcelle en échange d’une aide pour construire des logements
décents pour les Syriaques du camp. La décision est entérinée par le décret du 26 juillet
1995 n°7070. Ce projet devant être construit sur le waqf, le camp a été démoli. Ainsi, en
38
Un waqf est un bien-fonds inaliénable placé sous une autorité religieuse devant servir à la communauté
39
On se permettra ici l’appellation de camp car comparable au tissu des camps de refugiés reconnu par des
instances officielles comme l’UNRWA (The United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in
the Near East), et les circonstances de la création de Hay Saryan sont comparables à celle d’un camp de
réfugiés.
40
Cf. entretien avec le mukhtar Jean Joseph Nehme, réalisé le 5 Août 2011
31
1994, est entamée la construction de 124 logements sur les 0,27ha restant de la parcelle
1021 à destination des ménages, exclusivement syriaques, vivant dans le camp41. De l’autre
côté de l’avenue Alfred NACCACHE, des druzes et des musulmans se sont installés dans le
quartier, surtout dans la partie la plus à l’est, dans le creux de la colline42. Ils ont dû quitter
les lieux pendant la guerre civile, bien que certains aient conservé leur propriété, jusqu’à
aujourd’hui. L’environnement bâti du quartier a beaucoup souffert de la guerre43.
41
Plus de détails quant à la procédure de négociation entre les habitants et le patriarcat, basé sur un contrat
sans valeur juridique appelé « ‘aqd samih », littéralement, contrat de confiance
http://www.yabeyrouth.com/pages/index3634.htm#top (article en arabe, sans auteur ni date, mais dont les
informations concordent avec d’autres sources orales)
Il semblerait que toutes les familles n’aient pas été relogées, et que certaine ont été hébergés plus de temps
que prévu dans le sous-sol de l’Eglise adjacente au camp.
42
FAWAZ, op. cit, p. 10
43
Ibid., p. 10
32
Figure 4 : plan et photographie aérienne de la parcelle 1021 avant sa création et son
lotissement ; « un bidonville » selon les termes du mukhtar
Source : cadastre 1964, photographie aérienne d’Achrafieh 1991, n°13, Cartothèque de l’IFPO Beyrouth
33
2) La situation des camps de réfugiés de Beyrouth
Le cas des quartiers de la première couronne n’est pas comparable avec ceux de la
deuxième couronne, qui correspond à l’actuelle banlieue. Les premiers, cités plus haut, sont
tous circonscrits dans le périmètre de la municipalité de Beyrouth. Entourés de toute part, ils
ne se sont pas étendus davantage. Le bâti y est le plus souvent de meilleure qualité que dans
la seconde couronne et l’accès aux services de la ville est plus aisé.
Quant à seconde couronne, elle n’a cessé de s’épaissir, surtout dans les années 1960.
Aujourd’hui, la densité d’habitation y atteint des sommets, comme à Borj Barajneh, où près
de 30000 personnes vivent sur un territoire de 10,4 hectares44. Les quartiers qui sont restés
les plus précaires sont situés dans la banlieue sud, communément désignée comme étant la
Dhahyieh Janoubieh, espace qui cumule malgré lui les stigmates45. Les camps de réfugiés
palestiniens de Chatila (et son extension, Sabra) et de Borj Barajneh font parti de cette
ceinture. Ils sont donc sous la gestion de l’UNRWA (United Nations Relief and Works
Agency), l’Office des Nations-Unis pour les réfugiés Palestiniens, qui les soumet à des règles
de construction limitatives. Les camps ne pouvant accueillir plus de population, les migrants
arrivant s’installent aux abords des camps, fabriquant ainsi leur extension. D’autre part, une
grande partie de la banlieue sud souffre toujours du manque d’infrastructures basiques
donnant accès à l’eau, l’électricité, ou encore un réseau d’égout opérationnel. Le bâti est de
qualité médiocre même s’il est consolidé, et la densité de bâti est telle qu’elle empêche un
ensoleillement et une ventilation convenables des logements et réduit le nombre et la
dimension des espaces publics. La population est composée de libanais originaire de la
plaine de la Beqaa ou du Sud-Liban, mais aussi de Palestiniens, et de travailleurs migrants
syriens, égyptiens, soudanais ou kurdes. La Dhahyieh reste un espace largement contrôlé46
par le Hezbollah, parti politique chiite qui se réclame de la résistance contre Israël.
44
FAWAZ, op. cit., p.12
45
HARB, Mona, « Urban governance in post-war Beirut : resources, negotiations and contestations in the
Elyssar project”, p. 111-133, dans SHAMI, S., Capital cities: ethnographies of urban governance in the Middle
East, Toronto, Toronto University Press, 2001
46
Possibles contrôles d’identité, patrouilles entre autres
34
Certains quartiers sont installés sur des terrains sans autorisation préalable, terrains
qui étaient déjà objets de discordes, comme ce fut le cas à Ouza’i et Raml.47 Quant à la
banlieue est, les poches les plus pauvres qui persistent sont celles qui complétaient « la
ceinture de pauvreté » par le passé. Plus proche de la ville, se trouve Naba’a, voisine de Borj
Hammoud, et plus loin dans les terres, Zaaytriyyeh (Fanar, où se trouve un quartier syriaque
par ailleurs), Roueyssat (Jdeideh) ou encore Hay el Ayn (Biaqout)48. Le tissu urbain y est
comparable aux établissements de la banlieue sud précédemment décrite. D’ailleurs, ces
trois derniers cas sont comme à Hayy Selloum au sud-est, issus de lotissements irréguliers.49
Hayy El-Saryan est une enclave d'habitats de modeste facture, parfois dégradés. Le
cadre bâti est plutôt hétérogène, avec aussi bien des maisonnettes sans étages et faites de
47
CLERC-HUYBRECHTS, Valérie, Les quartiers irréguliers de Beyrouth, une histoire des enjeux fonciers et
urbanistiques dans la banlieue Sud, Beyrouth, Presses de l’IFPO, 2008
48
FAWAZ, PEILLEN op. cit., p.17
49
CLERC-HUYBRECHTS, op. cit., p. 21-38
50
FAWAZ, PEILLEN op. cit., p.31 ; l’exemple donnée est celui du premier programme lancé en 1958 à Ouza’i, qui
coïncidait avec un conflit opposant l’Armée Libanaise à un mouvement pro-arabe Nassériste.
35
Figure 6 : vue « à vol d’oiseau » du quartier syriaque et ses alentours
36
parpaings, bâches et tôles ondulées, des immeubles en béton armé de trois niveaux. Nous
pouvons parler d’enclave, car les limites physiques de Hayy El- Saryan sont très présentes et
clairement identifiables. Il y a, d’abord à l’ouest, l’imposant Hôpital Universitaire Hôtel Dieu
de France. Le bâtiment est séparé du quartier par l’avenue Alfred Naccache, une route de
deux fois deux voies surélevée par rapport au sol de Hayy El-Saryan. Au nord, cette route suit
la pente et finit par se transformer en pont sous lequel l’armée s’est installée. L’avenue
Alfred Naccache mène à la place Sassine (au nord), point le plus élevé de Beyrouth et repère
important de la ville. Enfin, les tours d’habitations haut de gamme du secteur Sioufi la
délimitent à l’est. Sur la pente abrupte que constitue la ligne administrative (et
topographique) séparant Sioufi d'Hôtel Dieu, on pouvait observer en février 2011, outre
quelques immeubles réhabilités (tout du moins repeints), un cratère gigantesque annonçant
la construction d'un immeuble de grande hauteur. Ce périmètre établi uniquement sur des
critères morphologiques s’est élargi en fonction d’autres critères que l’exercice du terrain a
permis de découvrir. Parmi ces critères, le positionnement du quartier dans un réseau de
quartiers similaires périphériques à Beyrouth, comme expliqué dans les parties précédentes,
la présence du bâtiment du patriarcat syriaque catholique, non loin, et l’existence d’une
Eglise autour de laquelle s’est réfugiée la population syriaque à son arrivée au Liban.
Alors que des immeubles de huit étages et plus se sont érigés depuis le milieu des
années 1990 au bord de l’avenue Alfred Naccache, l’intérieur du quartier n’avait pas été
investi. Depuis le début des années 2000, des destructions ont lieu et des immeubles de ce
gabarit les remplacent. Il y en a trois actuellement en cours de chantier à l’intérieur de Hayy
El-Saryan, entrepris par des promoteurs différents (nous le verrons plus en détail par la
suite). Aux vues des cartes et de la situation actuelle, le tissu n’a pas changé
considérablement. Les rues sont fines et étroites et le sol est abîmé. Par endroit, les ruelles
ne sont pas asphaltées. Quelques images illustreront davantage la situation.
Jusqu’à présent, Hayy El-Saryan côté est de l’avenue a été épargné par l’activité des
spéculateurs fonciers à l’inverse du reste d’Achrafieh où l’activité immobilière est
probablement la plus intense de la métropole. L’augmentation significative des prix des
terrains dans la capitale finit par impacter sur cette situation d’ « autarcie », d‘autant que la
37
Figure 7 : plan du parcellaire et du bâti du quartier syriaque
Source : cadastre de Beyrouth, 2004
38
position du quartier est attractive pour les promoteurs immobiliers. Les terrains à bâtir dans
Beyrouth se faisant de plus en plus rare, les constructeurs voient dans le quartier syriaque
une part des derniers terrains exploitables de l’est beyrouthin. Les premières constructions
de promoteurs dans Hay Saryan (et non aux abords du quartier) ne datent donc que du
début des années 2000. Achrafieh est une région située sur les hauteurs de la ville et un nom
qui a « bonne publicité ». Hayy El-Saryan est facile d’accès à partir de l’autoroute (corniche
Pierre Gemayel), ce qui est important étant donné le mode de vie de beaucoup de
beyrouthins, partagé entre la capitale et les visites au village d’origine. Le quartier est aussi
très proche de la place Sassine, centre de la partie est de Beyrouth, proche de l’Hôpital Hôtel
Dieu, du rond point Aadlieh (nœud d’infrastructure important). Hormis la localisation
géographique, la pauvreté de bâti apparente de Hayy El-Saryan est paradoxalement un atout
mis en avant par certains promoteurs qui construisent dans le quartier actuellement,
pratiquant grâce à cela des prix « attractifs » voire « imbattables »51. Elle est la raison pour
laquelle le prix du mètre carré est resté moins cher qu’ailleurs dans Achrafieh jusqu’aux
années 2000. Ce fut une manne pour les investisseurs qui pouvaient encore, jusqu’à il y a
peu, acheter du terrain à un prix relativement bas et le revendre au moment où le prix du
mètre carré à Hayy El-Saryan aurait atteint celui des quartiers alentours (la différence n’est,
par ailleurs, plus très frappante, de l’ordre de quelques centaines de dollars52). Les
promoteurs et investisseurs peuvent bien entendu développer d’autres stratégies : ils
peuvent vendre sans attendre en expliquant au futur acquéreur que l’achat de ce bien est
un investissement qui rapportera s’il prend le temps - et le risque - d’attendre.
En l’espace d’une année, entre trois et cinq parcelles ont été revendues, avec trois
immeubles, détruits, dont un seulement qui était habité. Les parcelles acquises sont situées
à la limite du quartier de Sioufi. Dans un autre immeuble, trois familles ont cédé leur
logement et ont quitté les lieux. Le bâtiment était, à l’été 2011, vide et en attente d’être
démoli.
51
Brochure de promotion pour l’immeuble Ashrafieh 1944 (du numéro de la parcelle), développée par
HACHEM/AKOURY.
52
Revue Le commerce du Levant, n°5619, Août 2011, Beyrouth
39
Après la guerre, les syriaques, assyriens chaldéens et autres communautés religieuses
chrétiennes étaient présents. Une population de travailleurs migrants et de chiites des
provinces libanaises s’est visiblement installée à Hayy El-Saryan. Le renouvellement
démographique semble aussi se faire au profit d’une population plus solvable que la
précédente, aux vues de la hausse des prix des loyers.
53
Institut de Recherches et de formation en vue du développement, « Besoins et possibilités de
développement du Liban », publié par le ministère du plan libanais, en deux volumes, 1962, dans CORM,
Georges, Le Liban contemporain : histoire et société, Paris, éd. actualisée, La Découverte, 2005, 341 p., p.107
54
HARVEY, David, A brief history of neoliberalism. Oxford /New York: Oxford University Press, 2005
40
là d’une tendance remarquable dans de nombreuses capitales, mais elle est
particulièrement visible dans les pays du Sud. Dans la plupart des cas observés, l’action des
pouvoirs publics est déterminante et passe par la mise en place d’une politique urbaine
favorisant la « néolibéralisation de la ville »55. Dans le cas libanais, l’Etat n’intervient pas
directement. La configuration des stratégies des acteurs est différente mais l’objectif est le
même. Il s’agit de déterminer qui sont les intervenants dans la production urbaine en
l’absence de volonté centralisée. Les promoteurs qui ont investi Hayy El-Saryan bénéficient-
ils de la même marge de manœuvre que dans les pays où le gouvernement mène le
renouvellement urbain ? S’en servent-ils de la même façon ? L’absence d’intervention
directe de la part de la municipalité laisse-t-elle plus de place à l’initiative populaire ? La
partie qui suit offre un portrait de ceux dont on suppose qu’ils agissent sur la production de
la ville : les promoteurs, les riverains, le Patriarcat Syriaque Catholique et les autorités
publiques.
55
SUMMER, Doris, Neoliberalizing the city: the circulation of City Builders and urban images in Beirut and
Amman, Master thesis, Department of engineering, architecture and design, American University of Beirut,
2005
41
PARTIE II
42
I- Le néolibéralisme et la ville : une tendance qui se généralise
Dans l’ensemble, ces villes ont cru rapidement, sans qu’une planification puisse
systématiquement contenir ou guider cette croissance. Une partie de la population, le plus
souvent de nouveaux arrivants attirés par les possibilités de travail dans la grande ville, s’est
installée où elle le pouvait, s’établissant parfois de manière illégale sur des terrains ou bien
construisant sans respect des règlementations, répondant immédiatement au besoin de se
loger. Ces établissements informels - ou bien pour le cas du Caire, le centre ville dégradé,- où
vivent les populations les plus vulnérables sont les premiers visés par les politiques urbaines.
Les acteurs qui définissent ces politiques invoquent tantôt l’illégalité du statut d’occupation,
tantôt la situation « risquée » dans lesquelles se trouveraient ces habitations. C’est par ce
biais que les pouvoirs publics récupèrent du foncier ou « valorisent » eux-mêmes les
territoires de la ville.
56
DENIS, Éric, « La financiarisation du foncier observée à partir des métropoles égyptiennes et indiennes »,
Revue Tiers Monde, 2011/2 n°206, p. 139-158.
43
titre de propriété ou sans autorisation officielle d’usage, comme c’est le cas dans les
Gecekondu57. Cette récupération est aussi prétexte à évacuer des populations considérées
« indésirables »58 par l’administration centrale.
L’accès au logement pour une grande partie de la population, et pas seulement pour
celle menacée d’expulsion, est d’autant plus difficile que la pression foncière dans la ville et
dans sa périphérie la plus proche va croissante. Certains gouvernements prenant la mesure
de l’urgence entreprennent la construction de logements pour cette catégorie de la
population. A São Paulo, le programme de logement social Minha casa minha vida (ma
maison, ma vie) aboutit à la production en masse de logements. La démarche se révèle être
quantitative et donne lieu à des habitations de mauvaise qualité spatiale et architecturale
construites par des promoteurs privés. Fonctionnant sur un système d’appel d’offre, le
programme tend à alimenter le marché spéculatif, notamment par la distribution de
subventions à la construction. En ce sens, il est possible de parler de qualifier cette politique
de néolibérale, dans la mesure où le gouvernement sert délibérément l’intérêt de
promoteurs immobiliers privés. D’autres types de programme de logement « social » sont
élaborés, mais nombre d’entre eux sont à destination de ceux qui ont été déplacés pour une
opération immobilière haut de gamme ou d’infrastructure de standing, comme c’est
précisément le cas à Istanbul où l’administration du logement de masse TOKI, directement
liée au premier ministre, reloge les déplacés dans des immeubles à une vingtaine de
kilomètre de la ville.
Les autorités publiques ont à leur disposition une multitude d’instruments pour, à
terme, façonner le visage de leur ville sur le modèle néolibéral. Au Liban, le gouvernement
facilite l’action des investisseurs et des promoteurs qui relaient cette ambition de ville
globale, parfois via des Partenariat Privé-Public. C’est le cas par exemple dans le nord du
pays, à Tripoli, où la gestion de l’eau a été déléguée au groupe Suez, un des leaders
mondiaux dans le domaine de l’énergie et de l’environnement. L’intervention d’une
compagnie de cette importance est défendue par le gouvernement comme étant un signe
de « modernisation » et peut être un rempart contre la corruption ou le « passe-droit » dont
57
Quartiers d’habitat informel établis dans les années 1950. Ils constituent une grande partie du territoire
stambouliote, certains ne se distingue pas du reste du tissu urbain « légal ».
58
THOMAS, Hélène, Les indésirables,
44
bénéficient certaines personnes. Ces arguments font échos à ceux énoncés par les
défenseurs du projet SOLIDERE, exemple de politique néolibérale par excellence.
59
Un quatrième chantier était sur le point de démarrer à l’été 2011, mais il fut difficile d’étudier ce cas, trop
récent
45
Le plus gros chantier, la J-Tower, est celui d’un promoteur libanais répondant au nom
de CIBCO. CIBCO est l’appellation commerciale, mais la compagnie rassemble en réalité trois
entreprises : CRETCO (Contracting Real Estate Engineering Company), CEC (CIBCO
Engeneering Company) et CIBCO (Contracting International Building Company). Ces trois
branches correspondent chacune à une activité que la société prend elle-même en charge.
La structure, forte d’une cinquantaine d’employés permanents, déclare avoir une expérience
de vingt ans dans la promotion et la construction, et revendique plusieurs projets réalisés
aux Etats-Unis, au Brésil et au Paraguay. Au Liban, elle met en avant trois autres projets :
deux gated-communities, Sky Towers à New Doha-Aramoun, et Al-Majal à Bchamoun. Le
projet Omnia, livré courant 2012, est un immeuble de dix étages (« low-rise »)60 qui se situe
au centre ville de Beyrouth, respectant les consignes exigeantes de SOLIDERE en termes de
matériaux et de volumétrie.
Dans les quelques lignes qui la présentent sur son site web, CIBCO revendique
pleinement une production « de luxe ». Le projet de la J-Tower inclut pour les résidents une
salle de sport, une piscine et un bureau d’accueil qui contrôle les entrées et sorties. Les
représentations du bâtiment par les brochures et autres publicités ne font apparaître que
l’immeuble seul, sans son environnement direct, et les vues du paysage sont celles que l’on
pourra apercevoir si on se trouve aux derniers étages, des vues lointaines. Cet autisme vis-à-
vis du contexte urbain fait clairement écho au mode de vie autarcique que prône l’entreprise
via sa production de gated communities.
60
www.cibco.com
61
Entretien avec des résidents, correspond à des plans datés.
46
Figure 9 : quinze parcelles en une pour construire la J-Tower
Source : cadastre 1964, photographie aérienne d’Achrafieh 1991, n°13, Cartothèque de l’IFPO Beyrouth
47
Figure 10 : panneau publicitaire sur le chantier de la J-Tower
Figure 11 : le chantier de la J-Tower de CIBCO à Hayy El-Saryan
48
Figure 12 : le chantier de la J-Tower et ses environs directs à Hayy El-Saryan
Figure 13 : localisation du chantier de la J-Tower
Source : cadastre de Beyrouth, 2004
49
Les surfaces des appartements sont comprises entre 145m² et 250m². Le promoteur
annonce qu’il vise une classe aisée de la population (« upper class ») et parle de « prestige
social », argument adressé en particulier aux populations vivant à l’étranger (comprendre,
les arabes du Golfe d’après les entretiens menés avec les promoteurs), et surtout les
nombreux libanais qui auraient migré, supposés être une clientèle plus solvable et
susceptible d’investir dans un bien immobilier dans la capitale.
CIBCO propose des prix de vente du mètre carré comparables à son voisin
Hachem/Akoury, malgré un standing supérieur. Il faudra compter entre 2300 et 2700 dollars
par mètre carré de plancher. Tout deux pratiquent des prix supposés être la moitié du prix
pratiqué à Sioufi, quartier résidentiel « chic », malgré la proximité.
D’après les entretiens avec différents promoteurs, les débuts d’un chantier sont
toujours le moment de confrontation entre les constructeurs et des groupes de résidents.
Pour CIBCO, l’expérience à Hayy El-Saryan n’a pas été rude : aucune contestation n’est
venue entraver sérieusement le bon déroulement du chantier. Cependant, des dégradations
de la voirie leurs ont été reprochées, empêchant l’évacuation des eaux de pluies. Les
problèmes de ce type sont résolus par le constructeur, sans discussion. Les récits
d’expériences conflictuelles avec le voisinage ne manquent pas lorsqu’on s’adresse aux
promoteurs. Pour le chantier d’Al-Majal à Bchamoun, les riverains se sont opposés à l’arrivée
des constructeurs, exigeant d’eux qu’ils embauchent des hommes de la région sur le
chantier. CIBCO n’a pas eu d’autre choix que de réquisitionner une main d’œuvre locale pour
le travail d’excavation.
50
deux une expérience professionnelle dans les Emirats Arabes dans les années 1990, tandis
que Milad AKOURY a aussi complété sa formation d’ingénieur avec un MBA en Grande
Bretagne. Depuis leur association, ils ont réalisé un immeuble à Dekwaneh (banlieue est de
Beyrouth), et ont deux chantiers en cours, Ashrafieh 1944 et un « country-club » à Laqlouq,
où vit Antoun HACHEM.
Ils ont acquis la parcelle d’un couple de bijoutiers d’Achrafieh qui l’avait achetée en
1998. Ils achètent des parcelles grâce à leur fonds-propres, puis revendent et fructifient ainsi
leur capital de départ. Ils ont cette activité depuis 1998, et depuis l’accélération de l’activité
foncière des années 2007/2008, ils s’associent avec des constructeurs et promoteurs pour
monter des opérations. Eux ne font qu’apporter les fonds, leur activité principale étant une
fabrique de bijou62.
La parcelle n’avait jamais été loti jusqu’à lors. HACHEM investit donc les lieux avec
l’idée de construire un objet à bas prix dont la valeur va assurément croitre, suffisamment
pour profiter au futur acquéreur qui pourra lui même le vendre par la suite pour en tirer
profit. L’opérateur spécule sur une hausse du prix de l’immobilier dans le quartier. Il finance
le projet sur fond propre. Il propose un prix de vente à $2500/m² alors que le prix du m²
63
dans le quartier voisin de Sioufi atteint les $4000/m² . Ceci dit, en l’absence de données
officielles quant aux prix de l’immobilier, ces derniers sont très aléatoires et fonction de la
seule appréciation de l’offre elle-même64. L’immeuble de quatorze étages comprend vingt-
deux appartements (quatre pièces) de 190m², et deux appartements de 300m² en attique,
62
Entretien avec M. H., le 24 septembre 2011
63
Numéro spécial « immobilier à Beyrouth », L’Hedbo Magazine, Mai 2011, chiffres de CHAHINE, Ralph, de
MENA Capital et Revue Le commerce du Levant, n°5619, Août 2011, Beyrouth
64
NAHAS, Charbel, « Economie foncière et immobilière au Liban », Beyrouth, Conférence donnée au CERMOC
en Octobre 1998, publié par l’Observatoire de recherches sur Beyrouth et la reconstruction, lettre
d’information n°12, 2000
51
Figure 14 : panneau publicitaire sur le chantier de « Ashrafieh 1944 »
Figure 15 : le chantier de « Achrafieh 1944 » de Hachem-Akoury à Hayy El-Saryan
52
voués à la vente. L’argumentaire de vente tourne autour du prix attractif du produit par
rapport à l’emplacement préférentiel. Au cours des entretiens menés avec le promoteur, il le
répéta à plusieurs reprises. De la même manière que CIBCO, la compagnie ne manque pas de
souligner qu’il s’agirait d’un produit d’investissement parfait pour les expatriés libanais,
“Lebanese residents and expatriates looking for a well-appointed home in the heart of the
capital now have the answer to their dreams”.
Lorsque les promoteurs investissent un terrain, ils ne le font pas sans peine. Quelque
soit le « standing » du projet, les constructeurs doivent faire des efforts pour assurer la
bonne tenue du chantier et surtout, minimiser le mécontentement des riverains. Ces
derniers, par exemple, au début du chantier d’Ashrafieh 1944, ont bloqué les rues de Hay
Saryan pour empêcher l’accès aux camions. Les rues étroites au revêtement fragile et la
topographie quelque peu accidentée allaient rendre le chantier de cet immeuble de
quatorze étages un exercice périlleux et occasionnant des nuisances pour les habitants,
telles que la poussière, bruit... Pour commencer la mise en place gros-œuvre, d’après
l’architecte en charge de la construction, le promoteur a été contraint de donner de l’argent
pour pouvoir faire passer ses camions.
Tout au long du chantier, la consigne a été donnée aux travailleurs de se tenir à
disposition des habitants. L’ingénieur tient à satisfaire le voisinage. D’autres services ont été
promus, comme la peinture des façades de toute la rue dans laquelle se trouve l’immeuble
en construction, aux frais du promoteur, dans un accord de gré à gré avec les riverains.
L’opérateur prend à se charge des éléments d’améliorations du cadre bâti du quartier, et se
pose en acteur principal du renouvellement urbain. Ce point sera développé par la suite.
53
Figure 16 : vue de la rue dans laquelle se construit le projet de Hachem-Akoury (le chantier
se trouve à gauche de l’image, hors champ)
Auteur : Mathieu Boustany
54
3) Une promotion privée par un propriétaire d’origine
Le troisième cas est celui d’un ingénieur/promoteur basé en face de l’Hôpital Hôtel
Dieu. Il a commencé à travailler sur des parcelles dont il était propriétaire à Hayy El-Saryan,
du côté de Sioufi. Les parcelles sont communicantes, mais il n’a pas opéré de
remembrement comme CIBCO. Les opérations se sont réalisées successivement. Le chantier
en cours se déroule donc sur une petite parcelle étroite de 150 mètre carré dans la rue de
Libye. Tandis que des parcelles similaires sont occupées par des immeubles de deux étages,
le nouveau bâtiment en fera onze, sur pilotis, mais avec la même emprise au sol. Collé à ses
mitoyens, malgré sa hauteur, il s’inscrit dans le tissu d’origine.
Contrairement aux deux autres projets, celui-ci n’a pas de nom, et ne bénéficie pas
de publicité. Il n’y a pas non plus d’image du futur bâtiment. Il y aura un studio de 70 à 90m²
par étage, voué à la location pour $800 à $900/mois65. Alors que les premiers promoteurs
réaliseront leurs bénéfices rapidement et partiront coloniser d’autres terrains,
l’entrepreneur local amortira le coût de la construction sur un temps un peu plus long, et n’a
a priori pas vocation à continuer.
65
Le revenu moyen d’un libanais est de $600 en 2010, calculé selon les données de la Banque Mondiale. La
réévaluation à la hausse des salaires est actuellement discutée au parlement libanais.
55
Figure 18 : le bâtiment d’un promoteur « local »
Figure 19 : l’immeuble dans la rue de Libye
Auteure : Marta Bogdanska
56
Figure 20 : un immeuble qui s’insère sans changé le parcellaire
Figure 21 : localisation du chantier du promoteur « local »
Source : cadastre de Beyrouth, 2004
57
III- L’illusion d’absence des pouvoirs publics
Ainsi, d’un côté, les règlementations en vigueur et leurs pratiques sur le terrain ne
suffisent pas à organiser de façon cohérente la situation urbaine de Beyrouth, mais d’un
66
BAKHOS, Walid, « Le rôle de la puissance publique dans la production des espaces urbains au Liban », dans
M@ppemonde 80 (2005.4)
67
GHORAYEB, Marlène, « Transformation du mode de production de l’espace urbain à Beyrouth : 1860-1940 »,
dans BORIE, Alain, et alii, L’occidentalisation d’Istanbul et des grandes villes de l’empire Ottoman aux XIXe et
XXe siècles : Izmir, Beyrouth, Damas, Paris, Ecole d’Architecture de Paris-La-Défense, Bureau de la recherche
architecturale, 1997, 87 p.
68
LEENDERS, Reinoud, « Public means to private ends: state building and power in post-war Lebanon », p. 304-
335, dans Politics from above, politics from below. The Middle East in the age of reform. Kienle, Eberhard ed..
London:Saqi Books.
69
LAMY, Sébastien, Le droit de l’urbanisme au Liban, (rapport de recherche) Paris, Gridauh, 2010, 43 p.
58
autre côté, le gouvernement est capable d’imposer une volonté d’aménagement global, et
dispose pour cela d’outils, tel la fondation d’établissements publics ou de sociétés foncières.
En ce sens, l’idée communément véhiculée d’un désemparement de l’Etat ou d’une
incompétence semble peu crédible.
Les pouvoirs publics au Liban opèrent des choix qui orientent l’aménagement du
cadre bâti. Néanmoins, s’il prend part à la production urbaine, c’est par des mesures de
soutien aux opérateurs privées70. Cela peut se traduire de plusieurs manières. Le travail des
infrastructures routières, qui facilitent l’accès à des terrains jusque là isolés, fabriquent de la
valeur foncière. Pour donner d’autres exemples concrets, il est possible d’évoquer les
mesures fiscales ou autres exemptions de taxes pour les investisseurs.
70
KRIJNEN, Marieke, Facilitating real estate development in Beirut: a peculiar case of neoliberal public policy,
Master thesis, Department of engineering, architecture and design, American University of Beirut, 2010, 125 p.
71
VERDEIL, Eric, Beyrouth et ses urbanistes, une ville en plans (1946-1975), Beyrouth, Presses de l’IFPO, 2010,
397 p., p. 293
72
KRIJNEN, op. cit., p.40
59
délivrées sont « aléatoires », et tiennent au « bon jugement » des membres du jury,
composé de représentants administratifs et des directeurs de quelques ministères, de
professionnels de la construction73.
Alors que l’obstacle majeur souvent rencontré par les gouvernements qui
entreprennent des projets de construction ou d’aménagement est l’absence ou la cherté du
terrain, l’Etat libanais est propriétaire de nombreux biens-fonds sur son territoire. Cet atout
de la disponibilité foncière est partagé avec les instances religieuses, qui, quant à elles,
disposent de terrains au statut juridique particulier, les waqfs.
« Waqf », qui signifie littéralement « arrêt », est une donation religieuse. Ce bien,
souvent le fruit d’héritage ou de legs, est inaliénable. Certains appartiennent à des familles,
qui les gèrent (waqf ahli), d’autres ont été confiés à des organismes religieux. Son usufruit
doit nécessairement revenir aux fidèles de la confession, et souvent, aux plus nécessiteux
(waqf fuqara). Initialement relevant du droit islamique, l’instauration des waqfs est élargie
aux communautés dhummie (« les protégés », c'est-à-dire, les non-musulmans), qui
représentaient 40% de la population des territoires ottomans. Au Liban, les waqfs
représenteraient 30% des terrains privés.
Les waqfs font l’objet de beaucoup de recherches historiques74, mais peu de travaux
traitent de leur situation actuelle au Liban alors même qu’ils font souvent l’objet de
controverses. Il n’est pas rare que les communautés religieuses, parfois avec des
revendications similaires, réclament des parcelles qui ont été soit exploités à leur insu, soit
73
FAWAZ, Mona, KRIJNEN, Marieke, “Exception as a rule: high-end developments in neoliberal Beirut”, in Built
environment, vol. 36, n°2, p. 117-131, 2010, p. 125
74
Pour des cas libanais, se reporter aux travaux de Aurore ADADA, ou de Sabine SALIBA ; pour les waqfs
musulmans, voire Randi DEGUILHEM.
60
Figure 22 : l’immeuble construit à partie de l’initiative du Patriarcat pour les syriaques
Figure 23 : localisation de l’immeuble des syriaques
Source : cadastre de Beyrouth, 2004
61
découvertes, comme ce fut le cas du cimetière dans le centre ville de Beyrouth.
. La presse quotidienne reporte souvent des litiges liés à ces biens-fonds. Récemment, en
avril 2011, il a encore été fait état de l’expulsion de résidents qui s’étaient installés sur un
terrain revendiqué comme waqf par Dar el Fatwa, la commission sunnite, à Ouza’i, dans la
banlieue sud de Beyrouth.
Les communautés musulmane et chrétienne ont une gestion différente de leurs biens
waqfs. La communauté sunnite en réfère à Dar El Fatwa, alors qu’à l’inverse, s’agissant des
chrétiens, le contrôle de l’usage des waqfs n’est pas centralisé. Ainsi, le choix dans la
manière d’exploiter un terrain revient, pour le cas syriaque, au Patriarcat Syriaque
Catholique.
La majorité des terrains sont des waqf kheïri, traduisible par waqf « charitable » de
ces waqfs. Certains bâtiments construits sur des waqfs sont reconnaissables. Ils peuvent être
identifiés par leur nom à caractère religieux (centre commercial Sainte Rita, Saint Elie…),
ainsi que de nombreux Hôpitaux et dispensaires qui ont été construits sur des waqfs (Hôpital
Saint Georges, Notre Dame de Jbeil…). Néanmoins, il existe d’autres usages. Certaines
autorités religieuses louent leur waqfs pour d’autres activités, comme c’est le cas du
Patriarcat Maronite et du Patriarcat Grec Orthodoxe. Ces terrains, inaliénables, échappent
au marché foncier mais pas à ses logiques de rentabilisation et de génération de rente. On
suppose que l’usage des waqfs est aussi fonction de la manière dont chacun des chefs
religieux souhaite servir ses fidèles. Ils peuvent utiliser directement les parcelles pour
construire un équipement ou du logement qui leur sera destiné, les mettre à disposition
pour les cultiver ou autres, ou bien en tirer profit en les louant puis utiliser la rente pour le
rendre à la communauté d’une autre manière. Par exemple, le Patriarcat Maronite offre aux
jeunes ménages des terrains à bâtir dans le Mont-Liban. Il s’agit aussi pour les communautés
de conserver des populations de la communauté géographiquement unies, et donc visibles.
62
Cela s’applique particulièrement aux Chrétiens, craignant que leur démographie
décroissante leur fasse perdre leur poids politique dans le pays75.
Il n’en reste pas moins qu’une telle exploitation des biens-fonds inaliénables que sont
les waqfs relève d’une action sociale, puisqu’au-delà du fait de servir une communauté, il
sert des populations qui ne sont pas suffisamment solvables pour accéder au marché du
logement courant.
75
CORM, op. cit., p. 147
63
1) Habitants de longue date
a- Des propriétaires
Pour ouvrir cette galerie de portait, un vieil homme, assyrien, arrivé d’Irak dans les
années 1930 alors qu’il était enfant. Il est propriétaire avec d’autres membres de sa famille
de la maison dans laquelle il vit avec son neveu. Il aimerait vendre la maison à son fils, qui vit
au Liban, mais pas dans le quartier. La multitude de propriétaires (dans le cas présent, vivant
pour la plupart aux Etats-Unis et en Australie), la taille relativement réduite de la parcelle et
la difficulté de trouver un accord font partie des obstacles qui bloquent tout projet de vente
et autre transaction, et minimise toute possibilité de transformation sur la parcelle.
Un autre résident, propriétaire seul de sa maison, et propriétaire aussi d’une parcelle
voisine avec ses huit frères a décidé de tout simplement refuser de céder sa part de cette
parcelle alors que les huit co-propriétaires avaient vendu leur part à une même personne
(qui s’avère être leur cousin) pour un prix dérisoire (entre $9000 et $12000). C’est lui qui
bloque ou du moins ralentit considerablement les travaux envisagés sur ce terrain, alors que
le propriétaire évoqué précedemment est lui bloqué par la situation dans laquelle il se
trouve.
Il faudrait ajouter à ceux là certains propriétaires absents. Pendant le guerre, le
quartier étant particulièrement exposé, certains ont fui en abandonnant leur maison et ne
sont jamais revenu. Certaines maisons sont occupées illégalement, d’autres sont en ruine.
Parmi elles, quatre ont été rasées entre septembre 2010 et juillet 2011.
b- Des locataires
La première locataire rencontrée vit avec ses parents et ses deux frères dans un
appartement de Hayy El-Saryan depuis 1968. Les enfants sont adultes, entre 28 et 35 ans,
seuls les deux frères travaillent. Ils s’acquittent d’un loyer de 400000LBP/an (soit $267,50,
donc, $22/mois) -issu d’avant 1992, donc, bloqué- auprès d’un propriétaire qui vit dans la
montagne, dans le même village. Il est agé et ne se préoccupe pas de sa propriété de Hayy
El-Saryan, laissant à la charge de la famille les travaux à faire dans le logement
64
Figures 24, 25, 26 : logements des deux propriétaires et de locataires interviewés
Auteure : Nancy Abi Assaf (fig. 24) et Marta Bogdanska (fig 25, 26)
65
Il se contente de payer les taxes qu’il faut à la municipalité et de recevoir le loyer. Aucun lien
priivilégié n’est tissé entre le propriétaire et le famille locataire. D’après la loi libanaise,
puisque les enfants habitent à plein temps dans cet appartement, ils hériteront du bail de
leurs parents après leur décès.
Un autre type de propriétaire peut être cité ici, même s’il n’est pas
fondamentalement nouveau. Il s’agit d’un particulier qui cherche à rassembler plusieurs
66
Figure 27 : immeuble de locataires
Figure 28 : immeuble habité en 2010, déserté par ses trois familles locataires en 2011
Auteure : Nancy Abi Assaf (fig 27, 28)
67
parcelles, ou bien à racheter les parts dispersées entre différents propriétaires d’une seule
parcelle. Ceux là on pour objectif de le vendre par la suite à un promoteur ou un
investisseur. Dans les cas observés, il peut s’agir d’un résident ou bien de proches des
résidents (famille, amis, connaissance…).
3) Nouveaux locataires
Parmi les nouvelles populations, elles sont majoritairement locataires. Des libanais
qui viennent de province et ont les moyens financiers leur permettant de se loger dans
Beyrouth (alors que d’autres commencent par s’installer en banlieue, aux prix plus
accessibles). Ceux là occupent le plus souvent les logements les plus récents, à l’inverse des
travailleurs-es migrant-e.s soudanais, éthiopiennes ou philippines qui, eux, s’orientent vers
du logement plus ancien, dont les loyers sont moins élevés.
68
Partie III
Interdépendances des
intervenants et potentiels
d’action
69
I- La quête de légitimité des promoteurs
D’après le cas des promoteurs de Hayy El-Saryan et à partir d’entretiens avec d’autres
professionnels à Beyrouth, il ressort que l’intervention dans un quartier ne se fait pas sans
avoir acquis une forme de légitimité auprès des riverains. Il s’agit de crée un rapport de
confiance pour agir avec leur consentement.
Lorsque les entrepreneurs sont étrangers au quartier, comme c’est le cas de CIBCO,
d’Antoun HACHEM et Milad AKOURY, un « agent intermédiaire » les précède pour investir le
terrain. Dans le cas du quartier syriaque, cet intermédiaire se trouve avoir un lien particulier
avec le voisinage ou bien avec les propriétaires eux même (amis, famille, connaissance…). Il
est en position de s’adresser aux propriétaires, qui parfois, peuvent être nombreux pour une
parcelle. Il peut même réussir à acquérir plusieurs parcelles adjacentes dans le but de la
revendre à un acheteur qui procédera à un remembrement, ce qui peut être un prétexte
pour augmenter le prix des terrains.
Par ailleurs, la tâche semble facilitée pour les promoteurs qui travaillent dans leur propre
quartier. Il peut en résulter une production à destination des riverains et un réseau de
clientèle, comme c’est le cas dans d’autres quartiers à Achrafieh76.
A Hayy El-Saryan, CIBCO et Hachem-Akoury incluent dans leur projet un travail sur le
domaine public. Au vu des projets, les concepteurs ne semblent pourtant pas
particulièrement préoccupés par le rapport du futur bâtiment avec le quartier et la ville. En
revanche, le domaine public est ici travaillé dans la mesure où il sert les accès des immeubles
76
Entretien avec Sherif Aoun, architecte, février 2011
70
71
en construction en les rendant praticables et « visuellement acceptables » pour les futurs
acquéreurs. Les travaux de voiries et d’infrastructure sont laissés à la charge du promoteur.
Ici, le domaine public est perçu comme l’extension du domaine privé de la parcelle, et
l’intervention de l’entreprise de construction s’étend au-delà des limites permises par la loi.
C’est à l’issue de négociations avec la municipalité qu’elle obtient une dérogation lui
permettant de travailler à la réfection de la rue. Cette situation illustre bien le rôle de l’agent
institutionnel comme facilitateur pour servir un intérêt privé, personnel ou celui d’une
communauté.
1) Une place de choix pour relayer les intérêts privés à quelque soit l’échelle
Ayant montré que les autorités publiques se détournaient de leur rôle de garant des
intérêts de l’ensemble de la population, elle est une place privilégiée pour (s’)octroyer des
« passe-droits ». La corruption dans la sphère gouvernementale et les réseaux clientélistes,
surtout depuis les années 1990, ont fait l’objet d’écrits et de rapports77 publiés. Le
clientélisme opère à tous les niveaux et peut s’appliquer au processus de transformation
urbaine.
77
Georges CORM, dans Le Liban contemporain, op. cit., p235, préconise sur le sujet : Lebanon Anti Corruption
Initiative Report 1999, publié par Information International SAL, un consultant libanais privé, financé par
l’USAID (l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International) ainsi que WAKIM, Najah, Les mains
noires, Beyrouth, 1998
72
Au sortir de la guerre, le quartier des jésuites, Yessouieh, a été complètement rénové
par l’initiative du mukhtar, qui avait été aussi chef de sa milice dans le quartier (proche de
l’ancienne ligne de démarcation entre Beyrouth Est et Beyrouth Ouest, cela revêt un sens
particulier). Propriétaire d’un immeuble, il procéda à sa rénovation, puis formula à la
municipalité la volonté de prendre en charge, avec d’autres propriétaires, la rénovation
complète du quartier, des immeubles au pavage des rues, en passant par l’enfouissement du
réseau électrique, à partir de leurs fonds propres (d’après les données de l’entretien). Grâce
à d’étroites relations avec le préfet de Beyrouth de l’époque, le mukhtar obtint de la
municipalité les autorisations nécessaires. Ces travaux feront grimper le prix du mètre carré
de $1500 à $750078. Cette transformation urbaine est le fruit de l’entreprise privée formulée
par un acteur public, le mukhtar, qui fait concorder son intérêt propre et celui de ses
« administrés ».
Le lien public/privé est d’autant plus confus que les membres de la classe politique
sont aussi des hommes d’affaire. Saree Makdisi va plus loin en parlant de colonisation de la
sphère « publique ou civile » par le capital privé79 en se basant sur l’épisode de la
reconstruction post-guerre sous l’ère « haririste ».
Théoriquement, un Etat a pour rôle de mener des actions dans le but d’intéresser le
bien de l’ensemble de la population. Il se réclame d’un intérêt collectif qui surpasse les
78
Entretien avec un ancien mukhtar de Yessouieh
79
MAKDISI, Saree, “Laying claim to Beirut: urban narrative and spatial identity in the age of Solidere”, Chicago,
The University of Chicago Press, Critical Inquiry, Vol. 23, No. 3, Front Lines/Border Posts, 1997, p. 661-705,
p.692
80
CATUSSE, Myriam, KARAM, Karam, « Liban : entre déni des enjeux sociaux et clientélisme communautaire »
dans Etat des résistances dans le Sud- Face à la crise alimentaire, CETRI, 2009
73
intérêts particuliers et encadrent les initiatives privées81. Dans le cas libanais, nous avons vu
que l’encadrement de l’entreprise privée se fait sur un mode plutôt permissif. De même, il
est difficile de parler d’intérêt public. En effet, les accords de Taëf et la loi constitutionnelle
de 1990 ont instauré un régime confessionnel, reconduisant et renforçant ainsi les logiques
miliciennes de la guerre, avec les mêmes protagonistes à la tête du pouvoir82. Aujourd’hui
encore, les personnalités politiques gouvernant représentent chacune ouvertement une
communauté, et se trouvent clairement en compétition. Dès lors, la recherche du bien
public apparait comme la défense des intérêts privés de la communauté83. L’Etat échoue à
« transcender les antagonismes communautaires et [à] substituer à la « culture de la
discorde »84 une culture commune (sinon nationale) [alors que c’est] à la fois [sa] raison
d’être et [son] rôle »85.
81
AUTHIER, Jean-Yves, GRAFMEYER, Yves, Sociologie urbaine, Paris, 3e édition, Armand Colin, coll. Universitaire
de poche, 2011, 126 p., p. 96
82
PICARD, Elisabeth, « Les habits neufs du communautarisme libanais », Cultures & Conflits [En ligne], Tous les
numéros, État et communautarisme, publié en 1994 mis en ligne le 15 mars 2006. URL :
http://conflits.revues.org/index515.html
83
Ibid, p. 9
84
CORM, George, "Sur la culture de la discorde", Liban : les guerres de l'Europe et de l'Orient, 1940-1992, Paris,
Gallimard Folio, 1992, pp. 349-431 dans PICARD, op. cit.
85
Ibid, p. 7
86
Ibid, p. 10
87
VERDEIL, Eric, “Emeutes et électricité au Liban”, Le Monde Diplomatique, 30 Janvier 2008, cité dans
CATUSSE, Myriam, KARAM, Karam, op.cit.
74
administrés sont confrontés.88 Par exemple, l’absence de réelle politique de logement au
sortir de la guerre relève de cette tendance.
1) Avec la population
Le mukhtar de Hayy El-Saryan, qui cumule son poste administratif avec un rôle de
représentant local du Patriarcat, semble être actif lorsqu’il s’agit de faire valoir les volontés
de l’Autorité religieuse dans la ville. Lors de la construction des logements pour ses
coreligionnaires à la place du camp, il a été parti prenante des processus de négociations
avec les habitants du camp, mais aussi par la suite, avec les constructeurs. Son rôle de
mukhtar exige de lui de se tenir à disposition des habitants. Il met à profit cette qualité pour
servir d’intermédiaire entre le Patriarcat et ses fidèles. Au cours de nos entretien, se
succédaient tour à tour dans son bureau des riverains ayant tantôt des demandes liés à l’état
88
CATUSSE, Myriam, KARAM, Karam, op. cit
89
Les représentants religieux sont rémunérés par le gouvernement.
75
civil, tantôt des requêtes auprès du Patriarcat. Par exemple, pour l’attribution d’un logement
à bas loyer construit par et pour les syriaques sur la parcelle waqf 1021 évoquée
précédemment (l’ancien camp), c’est au mukhtar que les demandeurs déposent leur dossier.
Les représentants religieux, quelle que soit la confession, ont un rôle politique. Dans
la presse quotidienne, il est souvent fait état de rencontre entre les personnalités politiques
et les hommes de foi. Le Patriarche Nasrallah Boustros Sfeir, récemment remplacé par Msg
Béchara Ra’i, est un exemple de participation active à la vie politique libanaise et de
médiatisation. De nombreux articles dans la presse quotidienne relaient les visites à des
personnalités politiques ou les prises de position90.
La voix des représentants religieux est, dans le cas libanais, légitime dans la sphère
gouvernementale. Doté de cette double capacité à se faire entendre par le gouvernement en
place et par la population, il dispose d’un éventail d’instruments de négociation plus large.
Ainsi, pour le projet de construction des logements « sociaux » à l’emplacement de l’ancien
camp des réfugiés syriaques, le Patriarcat a tempéré les échanges entre le gouvernement et
la population pour aboutir à un accord. Il a d’une part accepté de céder une partie de la
parcelle, et d’autre part, imposer la reconstruction de logements. Cependant, c’est lui qui a
mis en place les conditions de relogement des expulsés, en proposant la signature d’un
contrat qui permette de formuler une demande de logement auprès de l’autorité religieuse.
Ce contrat signé entre le Patriarcat et le fidèle, ‘aqd samih, est un contrat à l’amiable, sans
réelle valeur juridique, si bien que certaines personnes n’ont pas pu bénéficier de
relogement et des demandes sont encore en attente91.
90
Un exemple d’ « affaire » mettant en cause un représentant religieux dans sa prise de position sur la
situation actuelle de la Syrie, « Le culture du chantage, Monseigneur RA’I cloué au pilori », dans L’Hedbo
Magazine, n°2829, janvier 2012
91
« El Hayy El-Saryan : 90 ans d’attente » http://www.yabeyrouth.com/pages/index3634.htm#top (article en
arabe, sans auteur ni date, mais dont les informations concordent avec d’autres sources orales)
76
De leur côté, les résidents développent des stratégies d’interaction avec les autres
acteurs qui sont très variées. Les choix successifs qu’ils opèrent déterminent la position
qu’ils occupent dans le processus de transformation du cadre bâti de leur quartier. Sur la
base des entretiens effectués, il est possible de distinguer différentes postures que l’on
pourrait commencer par diviser en deux types : certains adoptent un comportement plus ou
moins passif, s’apparentant à une stratégie de refuge, (même si la formule peut paraître
antithétique) alors que d’autres entendent bien prendre part activement au développement
du quartier.
Un résident qui s’oppose un temps à la mise en place d’un chantier adopte, même
dans un temps court, une position de refuge en contestant un changement dans le quartier.
De la même manière, en refusant de vendre son bien ou de céder un terrain, il s’agit de se
mettre en retrait de la dynamique du marché imposée.
Cette position peut aussi, et c’est souvent le cas, être le fruit d’une situation bloquée
pour laquelle des acteurs ne disposent que d’une marge de manœuvre réduite dans la
définition de leur position. Dans les cas de figure rencontrés, cela concorde avec une relative
faiblesse des revenus, donc, une vulnérabilité sociale, comme c’est le cas pour un bon
nombre de personnes âgées. Le cas de la famille locataire de longue date correspond aussi à
ce schéma. Les possibilités de changer leur situation sont réduites. Le ménage étant
composé de deux personnes âgées malades, et de trois adultes dont deux actifs
fonctionnaires (dont les revenus sont bas), il n’est pas en mesure d’opposer quelque
77
décision que ce soit quant à l’avenir du quartier. Dans le cas présent, l’impossibilité d’agir
émane de la condition sociale de l’acteur.
Dans d’autres cas, c’est la situation même qui empêche l’acteur d’agir. Ainsi, certains
propriétaires de longue date partagent leur bien avec plusieurs membres de leur famille,
notamment lorsqu’il s’agit d’un héritage). Les moindres modifications, transactions, ou
construction nécessitent un accord préalable de tous les partis, comme pour les situations
des deux propriétaires, exposées plus haut.
Parmi les portraits décrits précédemment, Jean illustre bien le type d’habitant qui
tente, en quelques sortes, de « jouer le jeu des promoteurs ». Lui, comme son ami et voisin,
Georges, respectivement une quarantaine et une cinquantaine d’années, cumulent les
emplois de courte durée tels que gardien de parking, commerçant… Dans un premier temps,
ils ont tout deux eu une activité de simsar (courtier). Cela consiste à jouer un rôle
d’intermédiaire entre un vendeur et un acheteur. Le simsar les met en contact et peut aussi
intervenir dans la négociation, puis se trouve rémunéré par une commission sur la
transaction entre les deux partis, à hauteur de 2,5% de la somme versée par l’acheteur, et
2,5% du montant perçu par le vendeur. A titre d’exemple, l’un des deux hommes a pu à
l’occasion d’une telle opération à Hazmieh toucher jusqu’à 25000 dollars. Ces deux individus,
outre leur activité occasionnelle de simsar, sont très au fait des transactions opérées dans le
quartier, parfois même des montants. Leur connaissance de l’activité immobilière et
78
foncière, bien qu’empirique, leur octroie une certaine capacité à se positionner
avantageusement dans le jeu. Ce qui nous intéresse, plus que leur capacité à se servir eux-
mêmes, c’est la légitimité dont ils disposent pour montrer la voie à d’autres habitants, pour
qu’ils tentent à leur tour, de trouver des moyens de négocier à leur avantage avec les autres
acteurs du renouvellement urbain, notamment avec les promoteurs. Ce type d’acteur peut
avoir un rôle moteur, entrainant les « refugiés » dans une dynamique de changement. En
effet, c’est sur leurs conseils avisés qu’un autre voisin, qui refusait catégoriquement de céder
la part qu’il possédait d’une parcelle partagée avec ses huit frères, a revu ses positions. Sa
maison, ancienne, est adjacente à la parcelle. Il finit par vendre sa part pour la somme qu’il
souhaitait, et a obtenu un appartement dans le futur immeuble qu’accueillera la parcelle.
Ces résidents, qui font changer leur quartier, souvent dans une logique de profit
immédiat individuel, peuvent-ils contribuer à faire émerger une action collective ? Le
gouvernement délègue ses responsabilités d’entretien du réseau public aux promoteurs
immobiliers privés et facilite leur intervention sur le marché foncier. Le Patriarcat, quant à
lui, s’empare de l’espace que l’absence d’Etat social laisse vacant en produisant une forme
de logement « social ». Pour compléter ce glissement des rôles que les intervenants
79
semblent opérer, une part des habitants, en jouant le rôle d’intermédiaire, se chargent de
faciliter l’activité des promoteurs privés.
L’ensemble des comportements de chacun des acteurs aboutit à un équilibre, mais
dont le fruit, n’est pas profitable à la majorité des habitants du quartier. En effet, les
productions qui émanent de l’activité des promoteurs correspondent à un modèle de ville
exclusif (gated community, quartier résidentiel surveillé et haut de gamme, comparable à
Sioufi) et qui ne tisse aucun lien avec ce qui l’entoure, niant une quelconque existence lui
précédant.
En somme, bien que les promoteurs immobiliers privés sortent renforcés de ce
schéma, des habitants réussissent à servir leurs intérêts de manière ponctuelle et sur un
court terme, intégrant un principe d’adaptation. De plus, dans le cas d’étude, les autres
acteurs ménagent des stratégies qui leur permettent d’acquérir la légitimité nécessaire pour
entreprendre leur projet.
Le mode d’intervention des promoteurs montre l’imbrication des échelles ; les firmes
abordent l’arrivée dans un quartier comme une épreuve dans leur parcours. Bien que les
attentions portées au quartier aient pour but de valoriser le projet du promoteur, son action
sur le domaine public (eau, électricité, voirie…) et sur le domaine privé du voisinage
(peinture des façades, service rendu directement à la personne...) illustre un point de
rencontre des intérêts des habitants et du promoteur. Ces récits, pouvant paraitre à
première vue anecdotiques, se retrouvent dans plusieurs entretiens menés avec des
promoteurs dans des contextes très différents. De ce fait, il est possible de les évoquer
aujourd’hui comme étant une donnée à ne pas négliger, éventuel signe d’un potentiel de
négociation à échelle locale, par et pour des habitants. Ces observations orientent les
questionnements vers un possible empowerment de la population, trop souvent réduite à
une simple clientèle politique, commerciale ou spirituelle.
Les schémas d’interactions révèlent des liens étroits entre les cadres supposés
formels de la société de promotion et de la puissance publique et les pratiques alternatives
qui sont développées sur le terrain, si bien que les unes dépendent des autres. Ce principe
80
est analogue à celui de l’opposition stérile, dorénavant déconstruite, entre l’organisation
urbaine « formelle » et les établissements « informels »92. Par ailleurs, l’intervention
systématique d’agents intermédiaires « flottant » entre les catégories est signe de la
perméabilité des barrières entre les différents types d’agents.
Alors que l’on déplore l’absence de politique publique urbaine ou sociale émanant
de l’Etat libanais, il faut noter que la plupart des recherches actuelles sur l’action publique
prennent en compte les actions des acteurs et leurs interactions93. L’ouvrage de P.
Lascoumes et P. Le Galès préconise d’ailleurs de préférer la notion d’action publique à celle
de politique publique. Le changement ne se situe pas dans l’action publique, mais dans
l’analyse même des politiques publiques : on ne considère plus l’Etat comme un tout réifié
mais l’attention se concentre davantage sur les acteurs qui prennent part aux politiques
publiques et qui donnent corps à cette entité qu’est l’Etat94. Ainsi, il est possible de percevoir
les stratégies des intervenants dans le renouvellement urbain comme un vecteur d’action
publique. C’est dans cette perspective que tente de d’inscrire le présent travail.
D’un côté, nous avons vu la forme indirecte sous laquelle le gouvernement
intervenait sur la transformation urbaine, à savoir la succession de décisions (lois,
autorisations…) visant à faciliter l’entreprise privée de la construction (et surtout haut de
gamme). D’un autre côté, il importait de considérer ce qui, à échelle locale, contribuait à
mettre en œuvre la production bâtie. Cette démarche visait à montrer comment
s’imbriquent « régulation sociale et régulation politique»95. Par exemple, les
« manquements » du gouvernement fabriquent les espaces potentiels d’actions pour les
autres acteurs.
92
CLERC-HUYBRECHTS, Valérie, Les quartiers irréguliers de Beyrouth, Une histoire des enjeux fonciers et
urbanistiques dans la banlieue Sud, Beyrouth, IFPO, 2008 ainsi que
FAWAZ, Mona, Strategizing for housing: an investigation of the production and regulation of low-income
housing in the suburbs of Beirut, Boston, PhD Thesis, Department of Urban Studies and Planning, MIT, 2004
93
LASCOUMES, Pierre, LE GALES, Patrick, Sociologie de l’action publique, Paris, Armand Colin, La collection
universitaire de poche, 2007, 126 p.
94
Ibid, p. 21
95
Ibid, p. 17
81
Ne s’agissant que d’un seul cas d’étude, et d’un temps de travail court, il est peut
être trop ambitieux de parler d’autorégulation dans le cas présent, même si nous avons pu
en percevoir des indices. En effet, les acteurs sont contraints de se passer de l’intervention
étatique. La timidité de cette dernière est même un moteur qui stimule les interactions. Par
contre, aucun des groupes défini ne semble agir en « collectif », malgré la capacité de
négocier à un instant t pour servir un intérêt particulier.
L’étude illustre l’idée selon laquelle le néolibéralisme ne signe pas la « mort de
l’Etat » mais un renouvellement du type d’action publique96. Alors que les politiques
publiques sont fabriquées autour de problèmes que l’on choisit de placer au centre
(problèmes publics sont des constructions), le mode de sélection de l’objet d’une politique
publique se trouve changé en fonction des nouvelles préoccupations des acteurs.
96
JOBERT, Bruno, Le tournant néolibéral en Europe, Paris, L’Harmattan, collection Logiques politiques, 1994
82
Conclusion
Lorsqu’il ne s’agit pas d’un programme d’exception décidé par le gouvernement, les
principaux acteurs visibles qui portent cette tendance sont les promoteurs immobiliers. Ils
sont les exploiteurs et les producteurs directs de la valeur financière de la ville. Dès lors, afin
de mettre en évidence les logiques à ce processus, l’observation empirique d‘un cas précis
s’est avéré bienvenue. Le quartier syriaque permet d’observer le processus en cours. En
effet, la monographie n’empêche pas une montée en généralité. L’échelle locale incite à se
pencher davantage sur les individus qui interagissent et interviennent dans la matérialisation
de la pression foncière et immobilière dans le quartier. Cela nous a amené à catégoriser et
97
WEBER, Rachel, “Extracting value from the city: neoliberalism and urban redevelopment”, in Antipode,
Chicago, vol.34, no.3, 2002, p. 519-540
83
présenter les acteurs du renouvellement urbain, en incluant tous ceux qui occupent l’espace
de la ville.
Si ces questions ont été formulées avant la confrontation au terrain, c’est aussi parce
que la pression foncière se manifeste de manière frappante dans le paysage urbain
beyrouthin. En effet, des tours, objets symbolique du « boom » de l’activité immobilière,
représentent une très grande partie de la nouvelle production bâtie. L’étude a montré que
les habitants aux revenus modestes, exclus de fait par le modèle urbain qui accompagne la
tour, occupent un rôle actif dans les interactions entre les acteurs du renouvellement urbain.
Il est possible d’envisager qu’ils s’imposent davantage dans ce jeu, pour faire en sorte, dans
les négociations, d’orienter la construction dans un sens qui soit moins étranger au contexte
(social, urbain, paysagé…).
84
balnéaire autrefois célèbre s’agrandit et développe un projet luxueux98. A priori, rien ne lie
ces deux événements, mais les tendances néolibérales affichées par le gouvernement
peuvent nous faire envisager une possible connexion. Le ministre de l’intérieur Ziad Baroud a
sous-entendu, lors de déclarations publiques, que les pouvoirs publics lutteront contre
l’occupation illégale de terrains publics. La cité sportive étant non loin de l’aéroport
international, les habitations présenteraient un danger pour l’activité aéroportuaire99. Cette
attention portée aux terrains publics lotis illégalement dans la banlieue sud n’est cependant
pas absolument inédite. Dans les années 1990, toujours sous l’impulsion du premier ministre
Rafiq El Hariri, un projet d’aménagement avait été envisagé, via la création d’un
établissement public (ce fut d’ailleurs le premier et unique), portant le nom d’Elyssar100.
Mais, dans la situation actuelle, il ne s’agit pas d’une planification mais d’actions ponctuelles.
En cela, la situation rappelle celle d’Istanbul et d’autres villes du Moyen-Orient. Ces derniers
événements nous invitent à nous interroger sur une tendance à l’homogénéisation des
processus de renouvellement urbain dans les métropoles du Moyen Orient. S’il existe des
similitudes entre les modes de transformations de la ville, on assiste de façon aussi
remarquable à l’émergence d’une forme urbaine qui tend à s’imposer dans toutes les
métropoles internationales.
98
Projet d’extension de Summerland, http://www.skyscrapercity.com/showthread.php?t=556275&page=4
99
VERDEIL, Eric, « Violences et polémiques autour d’une poussée de la construction illégale au Liban », Rumor
(blog), http://rumor.hypotheses.org/1590, 29 Avril 2011
100
Pour plus d’informations sur Elyssar, HARB, Mona, « Urban governance in post-war Beirut : resources,
negotiations and contestations in the Elyssar project”, p. 111-133, dans SHAMI, S., Capital cities: ethnographies
of urban governance in the Middle East, Toronto, Toronto University Press, 2001
85
Illustrations
Figure 1 : Localisation de Hayy El-Saryan (en rose sur la carte) à Beyrouth ............................ 25
Figure 2 : Photographie aérienne de quartier syriaque (entouré d’un trait rouge), zoom,
1991. ................................................................................................................................................... 26
86
Figure 27 : immeuble de locataires ................................................................................................. 67
Figure 28 : immeuble habité en 2010, déserté par ses trois familles locataires en 2011 ....... 67
Figure 29 : élévation illustrée de la rue de Libye, où CIBCO a repeint les façades des maisons
qui avoisinent la J-Tower................................................................................................................... 71
Toutes les photographies ainsi que les assemblages et les annotations sur les documents
iconographiques ont été faits par l’auteure de ce mémoire, sauf mention contraire.
87
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