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DU PROTECTORAT
A L'INDÉPENDANCE
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DU MÊME AUTEUR

— Les pays inaccessibles du Haut Draa (en collaboration avec


le capitaine P. Pennès), dans « Revue de Géographie
marocaine », 1929, pp. 1-67, cartes et photographies h.t.
— Districts et tribus de la haute vallée du Draa, dans « Villes
et tribus du Maroc ». Vol. IX, tribus berbères, T. II,
in 8°, Paris. Ed. Honoré Champion, 1931.
— Les Ait Alla du Sahara et la pacification du Haut Draa, dans
« Publication de l'Institut des Hautes Etudes Marocaines ».
T. XXIX, in 8°, Rabat. Ed. Félix Moncho, 1936.
— La Zaouïa de Tamgrout et les Nasiriyine, dans « L'Afrique
française. Renseignements coloniaux », sept. 1938.
— L'Afrique du Nord et la France, in 8°, Paris. Ed. Boursiac,
1947.

Sous le pseudonyme de Georges D R A G U E :

— Esquisse d'Histoire Religieuse du Maroc — Confréries et


Zaouias, dans « Cahiers de l'Afrique et l'Asie ». Paris.
Peyronnet et C 1951.
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GEORGES SPILLMANN

DU PROTECTORAT
A L'INDÉPENDANCE
MAROC
1912-1955

PLON
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© Librairie Plon, 1967.


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LES RÉSIDENTS GÉNÉRAUX DE F R A N C E AU MAROC

1. Maréchal LYAUTEY
avril 1912 - octobre 1925 1
2. M. Théodore STEEG, sénateur
octobre 1925 - janvier 1929
3. M. Lucien SAINT, préfet et ministre plénipotentiaire
janvier 1929 - août 1933
4. M. Henry PONSOT, ambassadeur
août 1933 - mars 1936
5. M. Marcel PEYROUTON, préfet et ministre plénipotentiaire
mars 1936 - septembre 1936
6. Général d'Armée Charles NOGUÈS
septembre 1936 - juin 1943
7. M. Gabriel PUAUX, ambassadeur
juin 1943 - mars 1946
8. M. Erik LABONNE, ambassadeur
mars 1946 - mai 1947
9. Général d'Armée Alphonse JUIN
mai 1947 - juillet 1951
10. Général d'Armée Augustin GUILLAUME
juillet 1951 - juin 1954
11. M. Francis LACOSTE, ministre plénipotentiaire
juin 1954 - juin 1955
12. M. Gilbert GRANDVAL, ambassadeur
juin 1955 - août 1955
13. Général d'Armée Pierre BOYER DE LATOUR DU MOULIN
août 1955 - novembre 1955
14. M. André DUBOIS, préfet et ambassadeur
novembre 1955 - 1956

1. Avec une courte interruption de décembre 1916 à mars 1917,


le général Lyautey étant alors ministre de la Guerre, à Paris. L'in-
térim fut assuré à Rabat par le général Gouraud. A son retour au
Maroc, le général Lyautey rendit ainsi hommage au général Gou-
raud (ordre du 29 mai 1917) : « Avec le plus noble désintéresse-
ment et dans la plus loyale solidarité, il n'a voulu prétendre qu'à
être un continuateur, alors qu'il marquait son commandement de
sa forte empreinte et faisait réaliser à notre Protectorat, dans l'or-
dre militaire comme dans l'ordre économique, de nouveaux pro-
grès pendant une période particulièrement difficile. »
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AVANT-PROPOS

Les livres sur le Maroc de 1912 à nos jours se répartissent


généralement en deux catégories :
— ceux qui louent les réalisations françaises et critiquent
les nationalistes marocains ;
— ceux, au contraire, qui dénigrent l'œuvre française et
exaltent le sultan Sidi Mohammed, « victime du Colo-
nialisme, parce que premier nationaliste de son pays »...
Ce sont là, de part et d'autre, des clichés commodes,
sommaires et dépassés maintenant que le Maroc est indé-
pendant. Le temps n'est plus à la polémique mais bien à
l'examen objectif des faits, afin d'en tirer la leçon.
Ayant été intimement mêlé, de 1920 à 1955, à la vie
du Protectorat, ayant bien connu tous les Résidents généraux
de France à Rabat, et approché de près les milieux marocains
du Palais, de la bourgeoisie, comme, aussi, les nationalistes
les plus en vue, j'ai relaté ce que je sais de cette période
cruciale, en tenant le plus grand compte du point de vue
des uns et des autres. Estimant que le moment n'est pas
encore venu d'écrire l'histoire du Protectorat de la France
au Maroc, je n'ai eu d'autre ambition que d'apporter un
témoignage. Mon propos est de renseigner, de confronter
et d'expliquer les faits dont j'ai eu directement connaissance.
Négligeant volontairement détails techniques et statistiques,
je me suis efforcé d'éclairer les aspects politiques, psycholo-
giques et sociologiques du problème franco-marocain.
J'ai eu souvent recours à des citations, parfois longues.
Mais n'était-il pas préférable de laisser la parole au maréchal
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Lyautey, dont on ne trouve pas toujours facilement les écrits,


plutôt que de prétendre expliquer, beaucoup moins bien qu'il
ne l'a fait, sa politique et ses vues, ses craintes et ses espoirs ?
N'était-il pas mieux aussi de donner la parole au fils
du président Roosevelt, au sultan Sidi Mohammed ben
Youssef, à son fils, le roi Hassan II, quand il s'agissait
d'événements aussi capitaux que la Conférence d'Anfa (jan-
vier 1943) ou l'affaire de Tanger (avril 1947) ?
On ne saurait contester leur version des faits. La mienne
eût été suspecte de parti pris colonialiste.
Ce travail de bonne foi ne peut, je pense, blesser qui
que ce soit, Français ou Marocain, même quand je me
permets de dire que l'un ou l'autre des partenaires a commis
une erreur. Toute faute est toujours regrettable. Mais il
serait déraisonnable de céder pour autant à la tristesse ou au
pessimisme car, en dépit des faits politiques relatés, des
incompréhensions, des maladresses, une grande œuvre
demeure, qui a été celle du Protectorat, œuvre généreuse,
humaine et hautement constructive. Le déclin des dernières
années, après 1943, ne saurait l'effacer. Les efforts français
au Maroc, qui permirent à des hommes de valeur de se
révéler, ont été finalement heureux pour tous.
Je crois, en définitive, que ce livre sans prétention, écrit
sans amertume, fait de souvenirs personnels, étayés sur une
documentation indiscutée, contribuera utilement à la compré-
hension entre Français et Marocains, c'est-à-dire, finalement,
à une amitié dépourvue d'arrière-pensées, enfin libérée de
tous complexes d'infériorité ou de supériorité, et de mesquines
rancœurs comme de stériles regrets.

G. S.
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PREMIÈRE PARTIE

NAISSANCE D'UN ÉTAT MODERNE


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L'ŒUVRE DU MARÉCHAL LYAUTEY


1912-1925

L est impossible de parler des événements qui conduisi-


rent si brusquement à l'abandon du Traité de 1912 et à
1 l'indépendance du Maroc sans faire un bref retour sur
le passé, notamment sur les quarante-trois années d'un Pro-
tectorat dont nous n'avons pas à rougir.
Les nationalistes marocains, trop jeunes pour avoir connu
le Maroc du début de ce siècle, au surplus assez ignorants de
l'histoire de leur pays et souvent peu objectifs par raison
d'Etat, parlent volontiers maintenant de la prospérité dont
jouissait, avant le « funeste » Traité de 1912, l'Empire ché-
rifien, paisiblement uni sous la houlette de la dynastie
alaouite. C'était, selon eux, l'âge d'or ! Allal Fassi n'a-t-il
pas écrit, en octobre 1956, dans le journal El Alam, organe
du parti de l'Istiqlal, qu'au Maroc l a douceur des mœurs
était telle et le respect de la personne humaine poussé à un
si haut degré que l'esclavage avait été aboli au cours du
XIX siècle ? Or, poursuivait-il avec le plus grand sérieux, les
Français tolèrent encore, mieux même, encouragent l'escla-
vage en Mauritanie. Donc le Maroc doit libérer la Mauri-
tanie du joug français pour rendre aux esclaves la liberté et
la dignité humaine, ces biens suprêmes et sacrés...
Il n'est pas dans mes intentions d'ouvrir ici une polémique
à ce sujet.
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Les historiens marocains, plus historiographes d'ailleurs


que véritables historiens, font justice de ces fables. Mais
combien de dirigeants de l'Istiqlal, ou d'autres partis, ont-il
pris la peine de lire le Roudh al Kirtas, d'Ibn Abi Zar'a, le
Kitab el Ansab, relatif aux débuts des Almohades, l'Histoire
des Almohades, d'Al Baïdak, l'Histoire des Berbères, d'Ibn
el Khaldoun, le Nozhet el Hadi, d'El Oufrani, et le Ettor-
jemân el mo'arib, d'Ahmed ez Zaïani, pour les cent cinquante
premières années de la dynastie alaouite ? Et je ne cite là
que les ouvrages les plus connus, les plus originaux, les
mieux documentés.
Pour la fin du XIX siècle et le début du XX nous avons la
magistrale Reconnaissance au Maroc du vicomte Charles de
Foucauld, le futur ermite du Sahara, qui nous renseigne sur
la situation politique, économique et sociale du Maroc sous
le règne de Moulay Hassan, l'un des plus puissants et des
meilleurs souverains alaouites, et le récit d'exploration du
marquis de Segonzac 1. Nous disposons aussi des témoigna-
ges de MM. Walter Harris, correspondant du Times à Tan-
ger, et Aubin, des docteurs Weissgerber et Arnaud, tous deux
médecins des Sultans, de MM. Mouliéras, Edmond Doutté,
Louis Gentil, de Maurice Le Glay, de bien d'autres encore.
Ces bons connaissenrs du Maroc d'autrefois ont, comme
Gobineau en Perse, consigné leurs souvenirs dans de petits
livres sans prétention, sans tortueuses arrière-pensées politi-
ques, mais directs, instructifs, pittoresques et vivants.

LE MARÉCHAL LYAUTEY (1912-1925)

Les treize premières années de ce qu'on est convenu d'ap-


peler le Protectorat de la France au Maroc sont marquées de
la forte empreinte du Maréchal Lyautey, premier Résident
Général.
Cet authentique grand homme entendait rétablir l'intégrité
bien compromise de l'Empire chérifien, restaurer la dynastie
alaouite, menacée par une lame de fond berbère, pacifier le
1. Marquis de Segonzac : Au cœur de l'Atlas, Mission au Maroc,
1904-1905.
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pays, donc l'unifier, en même temps le moderniser, tout en


respectant son âme, sa personnalité, ses croyances, assurer
enfin sa prospérité par la mise en valeur de ses ressources
naturelles, la suppression des dissensions intestines, des fami-
nes et des grandes épidémies cycliques.
Le Maréchal n'avait point conçu cette politique comme
un expédient temporaire permettant d'endormir un peuple
fier, de le tromper, encore moins de le diviser, pour le mieux
asservir, en opposant d'éventuels collaborateurs à de possibles
résistants. Elle correspondait bien au contraire à ses convic-
tions profondes, à ses expériences d'Algérie, d'Indochine et de
Madagascar, et l'on trouve dans ses « Lettres du Tonkin et
de Madagascar » des passages caractéristiques qui ne laissent
aucun doute quant à sa position vis-à-vis des problèmes
coloniaux.
Jeune lieutenant au 2e Hussards-Chamboran, en Algérie,
de 1880 à 1882, il avait très vite décelé les défauts et les
lacunes de la colonisation de ce pays. L'Algérie représentait
pour lui, dès cette époque, l'exemple de ce qu'il ne fallait
pas faire. « Elle est à ses yeux, écrit Georges Hardy, le type
achevé du rapprochement manqué, de la collaboration sans
bon voisinage, et de la confusion des principes 2 >

LYAUTEY DÉCOUVRE LA NOTION DE PROTECTORAT

Mais Lyautey n'était pas homme à se complaire dans des


critiques stériles. Eminemment positif et constructif, il se met
donc en quête d'une formule mieux adaptée que le système
algérien, aux exigences de notre époque. Déjà, les premiers
résultats d'un vrai régime de Protectorat en Tunisie, régime
non encore déformé par les manies de centralisation et de
nivellement du Moloch administratif, avaient éveillé sa
curiosité.
Ce qu'il voit en Annam et au Tonkin, ce qu'il recueille
de la bouche du Gouverneur Général de Lanessan et des
disciples de Paul Bert lui paraît convaincant. Il faut substituer
l'association à la subordination. Il faut restaurer les gouver-

2. G. Hardy : Portrait de Lyautey, p. 233.


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nements, utiliser les élites, rendre service et non se servir.


La Colonie doit céder la place au Protectorat. « Du reste,
c'est avec ce système, lui avait exposé Lanessan, que nous
avons en dix ans une Tunisie prospère, et avec le système
inverse, celui qui consiste à dissocier toutes les forces locales
et à gouverner sur une poussière, que nous avons, au bout de
cinquante ans, une Algérie végétante 3 »
Définitivement convaincu, Lyautey s'élèvera quelques
années plus tard contre l'annexion de Madagascar.
Le choix du gouvernement français était donc excellent
quand il chargea Lyautey, en 1912, d'appliquer le Traité
signé, quelques jours auparavant, le 30 mars, entre la
France et le Maroc. Nul n'était mieux préparé que lui à
cette mission.
En tout cas, il était bien décidé à ne pas donner vie à une
caricature de Protectorat. Déjà, en novembre 1894, il écrivait
dans une de ses lettres du Tonkin ces lignes, révélatrices
de sa pensée intime : « Seulement, il faudrait être logique et,
pour que celui-ci (le Protectorat) donnât son fruit, il impor-
terait qu'il n'y eût pas, à côté de l'administration indigène
conservée, toute une administration française juxtaposée, bien
supérieure aux nécessités d'un contrôle, prétexte à traitements,
et dont le plus clair résultat c'est que l'indigène paye deux
administrations complètes ! Il faudrait aussi que ces idées
de semi-autonomie fussent appliquées en ce qui concerne le
régime économique, et que la colonie bénéficiât de deux
institutions fondamentales, qui sont : libre-échange et peu
de gendarmes. »
Point n'est besoin de retracer l'œuvre du maréchal Lyautey
au Maroc. Elle fut incontestablement une réussite totale,
encore que fragile.

ÉLOGE PUBLIC DU MARÉCHAL PAR LE SULTAN (1931)

Mais, en l'occurrence, l'opinion d'un Marocain hautement


qualifié est précieuse. A cet égard, nous ne pouvons faire
mieux que de reproduire ici le texte de l'allocution pronon-
3. Lyautey : Lettres du Tonkin et de Madagascar, pp. 373-374.
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cée par S. M. Sidi Mohammed ben Youssef en présence du


maréchal Lyautey, lors de sa visite de l'Exposition Coloniale
de Vincennes, en 1931 4 :

« En venant admirer l'Exposition Coloniale, belle réalisation


de votre génie, il Nous est particulièrement agréable de profiter
de cette occasion solennelle pour apporter Notre salut au grand
Français qui a su conserver au Maroc ses traditions ancestrales,
ses mœurs et ses coutumes, tout en y introduisant l'esprit d'or-
ganisation moderne sans lequel aucun pays ne saurait vivre
désormais.
Pouvons-nous oublier, en effet, qu'à votre arrivée au Maroc,
l'Empire chérifien menaçait ruine ? Ses institutions, ses arts, son
administration branlante, tout appelait un organisateur, un
rénovateur de votre trempe pour le remettre dans la voie propre
à le diriger vers ses destinées. En ménageant la susceptibilité de
ses habitants, en respectant leurs croyances et leurs coutumes,
vous les avez attirés vers la France protectrice par vos nobles
qualités de cœur et la grandeur de votre âme.
En moins de quinze ans, de nouvelles villes se sont édifiées
sans que nos vieilles médina aient rien perdu de leur cachet.
Des routes facilitant les transactions ont vite jalonné toute l'éten-
due de notre Empire. Des ports qui font l'admiration de tous se
sont ouverts pour permettre au Commerce marocain de se
développer. Des écoles édifiées dans le goût le plus artistique et
le sens le plus utile ont apporté à Nos sujets la science indis-
pensable pour comprendre la vie moderne et pour entrer dans
la voie du Progrès. Partout ont été érigés des dispensaires et
des hôpitaux où la France, compatissante pour ceux qui souf-
frent, a dispensé sans compter les moyens de lutter contre la
maladie.
Ce n'est pas dans une allocution que l'on peut rappeler votre
œuvre.
Il faudrait tout un livre pour dire ce que vous doit le Maroc.
Vous avez rappelé, Monsieur le Maréchal, la solide amitié que
vous avait vouée Notre auguste et regretté Père. Par son atti-
tude à votre égard, par des entretiens de famille dont Nous
gardons le souvenir précieux, Nous savons qu'il vous a toujours
considéré comme le plus fidèle de Ses amis et le plus affectionné
des Siens.

4. Sidi Mohammed ben Youssef n'est autre que le roi


Mohammed V.
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En quittant ce monde éphémère, il Nous a légué le devoir


sacré de vous conserver cette amitié. Et vous savez avec quelle
joie Nous vous l'exprimons en y ajoutant l'expression de Notre
reconnaissance et en vous assurant que, dans tout le Maroc, le
nom du Maréchal Lyautey restera gravé dans tous les cœurs et
sera le symbole des plus belles qualités de la race française, syno-
nyme de magnanime grandeur et d'impérissable gloire. »

LE MAINTIEN DU CONTACT AVEC LA POPULATION MAROCAINE

Le maréchal Lyautey avait parfaitement conscience de la


qualité de son œuvre marocaine mais il ne s'engourdissait pas
pour autant dans une béate satisfaction. Je n'ai, en effet,
jamais connu un homme ayant autant que lui la faculté de
s'analyser sans complaisance et de discerner le point faible
de ses conceptions ou de ses réalisations. Ce trait, d'une
telle rareté chez les grands de ce monde, paraît n'avoir pas
été suffisamment mis en lumière par ceux, si nombreux, qui
ont consacré un livre au rénovateur du Maroc.
Le maintien du contact avec la population marocaine
constituait l'une des préoccupations essentielles du Maréchal.
S'il entendait préserver l'originalité de la vie marocaine
en séparant les villes nouvelles des vieilles médina, dont le
cachet devait rester intact, il voulait, par contre, que Français
et Marocains fussent côte à côte et non face à face ou dos
à dos.
Il prêchait d'exemple. Non seulement il voyait fréquemment
le sultan Moulay Youssef ben Hassan et le Grand Vizir
Si Mohammed el Mokri, non seulement il s'entretenait avec
eux des affaires publiques, leur exposait ses projets, et
recueillait leurs avis dont il tenait toujours le plus grand
compte, mais il exigeait aussi que ses directeurs et chefs
de service prissent à tout moment liaison avec les vizirs du
Maghzen (gouvernement) chérifien. Et tout fonctionnaire
de quelque importance avait l'occasion d'exposer les affaires
de son ressort aux hauts fonctionnaires marocains au cours de
commissions d'étude ou de séances de travail en commun.
Il en allait de même à l'échelon régional et dans toutes les
villes du Maroc.
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A cet égard, le Maréchal avait parfaitement précisé la


conduite à tenir. « Je voudrais, écrivait-il le 18 novem-
bre 1920, que là, l'organe de la Direction chérifienne eût
une action permanente de galvanisateur, qu'il ne se bornât
pas à être une boîte aux lettres et un organe de transmission,
mais qu'il fît l'éducation du Sultan, des Vizirs et de tout
le personnel du Maghzen, que, ne formant pas écran, il
assurât leur liaison constante avec tous les services français,
provoquant les réunions, les discussions en commun, ouvrant
spontanément l'accès du conseil des Vizirs et des bureaux
du Maghzen aux chefs de service, profitant de l'occasion de
toute mesure nouvelle pour établir un courant circulatoire
entre les bénikas (bureaux) du Dar el Maghzen et les bureaux
résidentiels ; qu'il incitât le Sultan à convoquer chez lui tel
ou tel directeur pour le mettre au courant des questions
importantes en cours, travaux publics, enseignement, finances,
etc. ; qu'enfin le conseiller chérifien prît l'initiative de faire
faire au Sultan des visites aux divers établissements, aux
principaux chantiers, ce dont il serait enchanté, trop heureux
de se faire donner toutes explications sur place par nos
agents. Tel doit être son rôle, et s'il n'a pas été tel jusqu'ici,
il faut, dès maintenant, le remplir résolument. »
Lors de ses séjours à Fès, à Meknès, à Casablanca, à
Marrakech, partout où il passait, le Maréchal recevait inlas-
sablement notables, ouléma, chorfa, marabouts, marchands,
artisans, agriculteurs, élèves des écoles et collèges. Il s'entre-
tenait avec eux, les écoutait, leur témoignait égards et consi-
dération5. Bref il mettait en tout du liant. On s'efforçait
de l'imiter.
De ces relations officielles naissaient souvent des relations
privées. Jamais Français et Marocains ne se comprirent
mieux, ne furent plus près les uns des autres qu'au cours
de cette époque bénie dont le souvenir nostalgique émeut
encore profondément ceux, hélas bien peu nombreux aujour-
d'hui, qui la connurent.
Le Maréchal ne se réservait donc pas l'exclusivité des
rapports avec le Maghzen comme le firent trop souvent par
la suite certains de ses successeurs.

5. C'est-à-dire, en arabe : touqir et ihtiram.


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Ainsi, de janvier à octobre 1925, bien que jeune lieutenant


du service des Renseignements, attaché à la section politique
de la Résidence, j'accompagnais une fois par semaine, le
mercredi matin, au Palais Impérial de Rabat, M. Marc,
conseiller du Gouvernement chérifien, et Si Mammeri, qui
faisait alors fonction d'interprète, et n'était pas encore le
grand personnage qu'il est devenu par la suite.
Par un étroit et fort raide escalier nous accédions au
premier étage où se trouvait la Salle du Trône. Introduits
par le hajib (chambellan), nous saluions S.M. Moulay Youssef
ben Hassan. Le souverain était assis sur un canapé de bois
doré. Devant lui se trouvait, dépliée sur une table basse,
une carte du Maroc au 1/500 0 0 0 convenablement ren-
seignée en langue arabe.
Les vizirs, drapés dans leur haïk blanc immaculé, étaient
accroupis à même les tapis, de part et d'autre de la table.
Debout, armé d'une longue baguette, j'exposais au souverain
la situation sur chaque front et je lui rendais compte des
événements survenus au cours de la semaine écoulée, ainsi
que des intentions du commandement. Si Mammeri traduisait
au fur et à mesure. Parfois, le Sultan posait une question,
demandait une précision, faisait une observation ou une
suggestion. Ses avis étaient toujours sages et modérés. J'en
faisais part ensuite à mon directeur, le colonel Huot. Puis
le souverain me remerciait brièvement. L'audience était
terminée. Nous nous inclinions par trois fois, selon le
Protocole, et quittions la salle en marchant à reculons.
Pendant la durée de l'audience, aucun des vizirs présents
ne se permettait la moindre question. Seul le grand vizir,
âgé de 70 ans environ à l'époque, suivait l'exposé avec un
intérêt évident et m'adressait parfois un bref sourire d'encou-
r a g e m e n t Ses collègues, ne pouvant se permettre cette
audacieuse licence, restaient hiératiquement impassibles,

6. Si Mohammed el Mokri devait mourir plus que centenaire en


1957. Je dois dire que le Maréchal eût préféré que le compte rendu
fût présenté au souverain par son directeur du service des Rensei-
gnements et non par un lieutenant, mais j'avais été cependant dési-
gné parce que connaissant dans le détail la situation sur les fronts de
pacification.
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même quand une mouche irrespectueuse se posait sur leur


visage.

CLAIRVOYANCE DE LYAUTEY

Sous l'impulsion du Maréchal, la machine gouvernementale


fonctionnait sans heurts apparents mais il lui fallait sans
cesse veiller à la parfaite coïncidence, au précis engrenage
des rouages français et marocains pour éviter des grince-
ments ou le « grippage » de l'ensemble.
Lyautey était trop clairvoyant, trop visionnaire pour ne
pas discerner de très loin les dangers qui menaçaient son
œuvre.
Dès le 24 octobre 1920, il faisait part à M. Georges
Leygues, président du Conseil, d' « un sérieux entretien avec
le Sultan qui est très justement préoccupé et moi aussi,
écrivait-il, du mouvement Jeune-Marocain qui commence
à se dessiner » Et d'en expliquer la genèse : « La propa-
gation des nouvelles d'Orient, l'agitation de tout le monde
islamique, la déclaration d'indépendance de l'Egypte, la
lecture de certains périodiques musulmans dont il est impos-
sible d'empêcher complètement la pénétration, l'exploitation
tendancieuse du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
commencent à produire leurs conséquences. »
Ayant ainsi clairement discerné le péril naissant, il défi-
nissait la parade dans sa fameuse directive du 18 novem-
bre 1920. On a si souvent fait allusion à ce document capital,
sans en citer les passages essentiels, qu'il est nécessaire d'en
donner de larges extraits, mais ces extraits mêmes n'ont pas
la force convaincante du texte intégral. Il faut relire celui-ci
dans Lyautey l'Africain - Textes et Lettres, Tome IV, pages
25 à 36. — Il serait indécent de prétendre expliquer Lyautey
alors qu'il a si clairement exposé ses vues. Laissons-le parler.
« La conception du Protectorat, écrit-il, est celle d'un pays
gardant ses institutions, se gouvernant et s'administrant lui-
même avec ses organes propres, sous le simple contrôle
d'une puissance européenne, laquelle, substituée à lui pour
la représentation extérieure, prend généralement l'adminis-
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tration de son Armée, de ses Finances, le dirige dans son


développement économique. Ce qui domine et caractérise
cette conception, c'est la formule : Contrôle, opposée à la
formule : Administration directe. Elle doit avoir comme
résultante le minimum de frais généraux. »
Or, constate Lyautey, « on en arrive de plus en plus à
l'administration directe ». « Cette situation, poursuit-il, outre
qu'elle est formellement contraire à l'esprit du Protectorat,
offre les plus sérieux dangers. Ce serait absolument une
illusion de croire que les Marocains ne se rendent pas compte
de la mise à l'écart des fonctions publiques dans laquelle ils
sont tenus. Ils en souffrent et ils en parlent.
« De là à être accessible, le jour venant, aux suggestions
hostiles, il n'y a qu'un pas. Ils sentiront de plus en plus ce
qu'ils valent et leur force. Ils ne sont ni barbares ni inertes.
Ils sont très curieux de ce qui se passe dans le monde et en
sont très informés. Ils sont avides d'instruction et très adap-
tables. Il se forme chez eux une jeunesse qui se sent vivre
et veut agir, qui a le goût de l'instruction et des affaires. A
défaut des débouchés que notre administration leur donne
si maigrement et dans des conditions si subalternes, elle
cherchera sa voie ailleurs...
« On peut être certain qu'il est en train de naître à côté
de nous, à notre insu, tout un mouvement d'idées, de conci-
liabules, de commentaires sur les événements mondiaux et
sur la situation faite à l'Islam, et qu'un de ces jours tout
cela prendra corps et éclatera, si nous ne nous en préoccupons
pas et si nous ne prenons pas sans délai la direction du
mouvement. >

« Il est urgent, disait encore le Maréchal, de crier :


« casse-cou ». Au contact de l'Européen et des Algériens et
Tunisiens, soyons sûrs, je le répète, qu'il va se former une
jeunesse ambitieuse, se jugeant insuffisamment employée,
s'éduquant elle-même, apprenant le français, et, dès qu'elle
sentira sa valeur et sa force, se demandant pourquoi elle est
tenue à l'écart de la gestion des affaires publiques. »
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LE RESPECT DE LA SOUVERAINETÉ DU SULTAN

Le souci de Lyautey de toujours respecter scrupuleusement


la souveraineté du Sultan apparaît, une fois de plus, lors de
l'organisation de tribunaux modernes, composés de magistrats
français, assistés d'assesseurs musulmans quand un Marocain
était partie au procès, et improprement appelés ensuite tri-
bunaux français, sans doute parce que les litiges entre
Européens ou entre Européens et Marocains relevaient de
leur compétence.
« Il m'est apparu, écrit le Maréchal au ministre des
Affaires étrangères, qu'il est conforme à la fois et à l'esprit
et à la lettre du traité du 30 mars 1912 de confier à
S.M. le Sultan, sous la forme d'un dahir, revêtu de mon visa,
le soin de réformer la justice de son Empire. Le texte
précité dispose en effet que la réforme sera effectuée sur
la proposition du gouvernement français par S.M. Chéri-
fienne. J'estime donc, les traités de Protectorat devant être
excutés stricto-sensu, que nous ne saurions, sans porter une
atteinte imprévue par le texte à la souveraineté du Sultan,
instaurer par une loi ou un décret des tribunaux français
au Maroc. »
Et, en fait comme en droit, selon la sentence même de la
Cour de Justice Internationale de 1951, « les tribunaux du
Protectorat de la zone française sont des tribunaux marocains
organisés selon un modèle et des critères français, accordant
aux étrangers toutes garanties d'égalité ».
Lyautey, on le sait, avait proposé, mais sans succès, que
le Maroc fût l'un des cosignataires du Traité de Versailles.
Il ne voyait aussi que des avantages à ce qu'il devînt
membre de la Société des Nations.
Enfin, l'expression de gouvernement du Protectorat, dont
on usait souvent, soit officiellement, soit dans la presse, avait
le don de le mettre hors de lui : « Il n'y a pas, disait-il, de
gouvernement du Protectorat, mais seulement un gouver-
nement chérifien. Je ne veux pas avoir à le rappeler ! »
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VUES DE LYAUTEY SUR L'AVENIR DU PROTECTORAT

On m'a parfois — et tout récemment encore — posé la


question suivante, à la vérité fort délicate : Lyautey tenait-il
le régime du Protectorat pour définitif et immuable, ou bien
envisageait-il, dans un avenir plus ou moins lointain, une
évolution aboutissant en fin de compte à l'indépendance ?
Il est inconvenant de prétendre interpréter la pensée des
disparus. Tenons-nous en donc aux faits et aux textes. On a
dit que Lyautey avait déclaré que le régime du Protectorat
était définitif. Le propos a été effectivement tenu, mais, à
mon sens, dans un contexte tout à fait différent. On parlait
beaucoup, en effet, dans certains cercles français, de la
suppression inévitable du Protectorat et de l'instauration à sa
place d'un système analogue à celui de l'Algérie. Lyautey
avait coupé court à la manœuvre en répliquant que le Pro-
tectorat n'était pas un régime de transition mais un régime
définitif.
Par contre, pour ce qui est de l'évolution vers l'indépen-
dance, il existe une très nette déclaration du Maréchal faite
à Rabat, au conseil de Politique indigène, le 14 avril 1925,
c'est-à-dire — la coïncidence est à noter — au moment
même du déclenchement de l'attaque rifaine contre nos
positions avancées au nord de Fès et de Taza. En voici la
teneur :
« Il est à prévoir, et je le crois comme une vérité histo-
rique, que dans un temps plus ou moins lointain l'Afrique
du Nord, évoluée, civilisée, vivant de sa vie autonome, se
détachera de la métropole. Il faut qu'à ce moment-là — et
ce doit être le suprême but de notre politique — cette sépa-
ration se fasse sans douleur et que les regards des indigènes
continuent toujours à se tourner avec affection vers la
France. Il ne faut pas que les peuples africains se retournent
contre elle. A ces fins, il faut dès aujourd'hui nous faire
aimer d'eux... Je crois que nous y réussissons... En 1912,
je me suis trouvé dans le vide absolu à Fès, les gens se
détournaient, les portes se fermaient, on crachait à mon
passage. Venant d'Oranie, où j'avais tant d'amis, cette impres-
sion fut atroce. Je me suis attelé, dès le premier jour, à
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briser ce mur ; cette politique d'attirance que j'ai voulue,


et que mes collaborateurs ont faite par ma volonté, n'a pas
été inefficace. Au bout de quelques semaines, les visages
se sont détendus et les cœurs se sont ouverts. Je disais aux
Marocains : « Nous avons le respect complet de votre foi,
de vos mœurs, de vos institutions, de vos places sociales et
protocolaires. » Ils me répondaient : « Vous, peut-être, mais
nous connaissons l'Algérie et ce qu'on y a fait. Vous êtes
le seul Français à penser ainsi. »
« Je leur ai démontré qu'avec le temps, qu'en dehors de
moi, c'était l'esprit même du Protectorat. J'ai la conviction
qu'il s'est dès fors créé un courant de sympathie entre la
population marocaine et l'élément colonisateur et que ce
courant me dépassera...
« Je n'ai pas cessé d'espérer créer entre ce peuple et nous
un état d'âme, une amitié, une satisfaction intime qui font
qu'il restera avec nous le plus longtemps possible, mais qui
auront pour résultat final que si les événements le détachent
politiquement de nous, toutes ses sympathies resteront fran-
çaises. C'est la pensée avec laquelle je vis, qui me porte, qui
est une directive essentielle : je veux nous faire aimer de ce
peuple. »
Citons encore ce passage révélateur des idées du Maréchal
à la date du 12 mai 1922 :
« Actuellement, le mouvement qui se dessine est un grand
désir d'instruction... Il faut absolument que nous prenions la
tête de ce mouvement, que nous le précédions. Toute révo-
lution n'est qu'une évolution sabotée, parce que le peuple
brise des barrières que le gouvernement n'a pas su ouvrir à
temps. L'art du gouvernement est de discerner les évolutions
pour les précéder et ne pas les subir. »

LYAUTEY ET LA JEUNESSE MAROCAINE


Pour entretenir ce courant de sympathie, puis créer cet
état de satisfaction intime propice à l'établissement d'une
amitié sincère et durable entre les deux peuples, le Maréchal
comptait essentiellement sur la jeunesse marocaine.
Il lui portait une attention passionnée car « la jeunesse
c'est l'avenir », ne cessait-il de répéter. Il savait la bourgeoisie
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citadine subtile et orgueilleuse, portée par tradition aux spécu-


lations de l'esprit. Il craignait qu'au fur et à mesure des
années, elle ne perdît le souvenir de l'état précaire de son
pays avant 1912 et ne finît par nous considérer comme des
intrus d'abord, des ennemis ensuite. Il n'ignorait pas que
l'ingratitude est fréquente, les hommes ayant souvent la
mémoire courte et l'âme basse. « Ne comptons pas sur la
reconnaissance, disait-il fréquemment. Faisons ce qui est bien,
ce que nous pensons être bien, mais n'ayons jamais en vue
la reconnaissance que nos actes pourront nous valoir. J'ai
d'ailleurs horreur du devoir de reconnaissance, du donnant-
donnant. »
Il se préoccupait tout particulièrement de l'enseignement
à donner à la jeunesse marocaine, qu'il ne voulait pas couper
de ses traditions, tout en l'ouvrant à la culture occidentale.
Cet homme des Marches de l'Est entendait ne point faire
des Marocains des déracinés.
Poser le principe était facile, passer à la réalisation devenait
plus ardu, surtout pour ce qui concerne l'enseignement secon-
daire, initiation à l'enseignement supérieur. A cet enseigne-
ment secondaire il fallait évidemment une sanction. Laquelle ?
Le baccalauréat français n'était pas parfaitement adapté. Un
baccalauréat spécial, faisant une large place à la langue
arabe, semblait a priori plus séduisant. Mais il ne manquerait
pas d'être tenu par l'Université pour un diplôme de seconde
zone. De ce fait, il risquait d'être également rejeté par la
jeunesse marocaine qui verrait là une manœuvre discrimi-
natoire. Finalement, Lyautey se rallia sans joie au bacca-
lauréat selon la formule française.
Alors que j'étais chef de la section politique, à Rabat
(1933-1940), j'ai eu entre les mains le grand registre relié
de toile noire contenant les procès verbaux du conseil de
Politique indigène que le Maréchal présidait personnelle-
ment 7 Le problème de la formation de la jeunesse marocaine
7. J'avais placé ce cahier, dont je me nourrissais littéralement,
dans le coffre-fort de mon bureau. Il y était encore quand j'ai quitté
la section politique, en février 1940. Je crains que ce document
d'une valeur inestimable ne soit perdu maintenant ou n'ait été
enrichir des archives personnelles. A moins qu'une main malveil-
lante ne l'ait détruit. Je me reprocherai toujours de n'en avoir pas
pris copie.
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CET OUVRAGE A ÉTÉ


IMPRIMÉ SUR LES PRESSES
DE L'IMPRIMERIE MODERNE,
18, RUE DE FOLIN, A BIARRITZ.
N° D'IMPRIMEUR : 1 2 3 - 2 5 - 4 .
Dépôt légal 2 trimestre 1967.
N ° d'éditeur : 9369
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