Topologie de R
Topologie de R
Topologie de R
P. Pansu
16 mai 2005
1.1 Rappels
Définition 1 Une partie U ⊂ R est dite ouverte si pour tout x ∈ U , il existe > 0 tel que
]x − , x + [⊂ U . Une partie F ⊂ R est dite fermée si son complémentaire U = R \ F est ouvert.
Exemple 2 Un intervalle ouvert, comme ]a, b[, ]a, +∞[, ] − ∞, b[, ] − ∞, +∞[, est ouvert.
Un intervalle fermé, comme {a}, [a, b], [a, +∞[, ] − ∞, b], ] − ∞, +∞[, est fermé.
Exemples extrêmes : ∅ et R sont à la fois ouverts et fermés.
Proposition 3 La réunion d’un nombre quelconque d’ouverts, l’intersection d’un nombre fini
d’ouverts, sont ouvertes.
La réunion d’un nombre fini de fermés, l’intersection d’un nombre quelconque de fermés, sont
fermées.
Proposition 4 Une partie F de R est fermée si et seulement si pour toute suite convergente de
points xn ∈ F , la limite limn→∞ xn appartient à F .
On aimerait une caractérisation analogue des fonctions continues sur un intervalle, ou plus
généralement sur un sous-ensemble de R.
Exemple 7 Soit E = [0, 1[ et A =]0, 1[, B = [0, 1/2[, C = [1/2, 1[, D = [0, 1/2]. Alors A et B
sont des ouverts de E, et C et D sont des fermés de E.
Exemples extrêmes : E et ∅ sont à la fois ouverts et fermés dans E.
Remarquer que A est un ouvert de R et D est un fermé de R. Ils sont a fortiori ouvert (resp.
fermé) dans E. En revanche, B et C ne sont ni ouverts, ni fermés dans R.
1
Preuve. Si U est un ouvert de R, U ∩ E est un ouvert de E. En effet, si x ∈ U ∩ E, il existe
> 0 tel que ]x − , x + [⊂ U . Alors ]x − , x + [∩E ⊂ U ∩ E.
Réciproquement, soit A un ouvert de E. A chaque [ x ∈ A correspond un intervalle ouvert
Ix =]x − x , x + x [ tel que Ix ∩ E ⊂ A. Posons U = Ix . C’est une réunion d’ouverts de R, donc
x∈A
c’est un ouvert de R. Par construction, A = U ∩ E.
Le cas des fermés se déduit de celui des ouverts (passer au complémentaire).
Soit A un fermé de E, A = F ∩ E où F est fermé dans R. Si (xn ) est une suite d’éléments de
A qui converge vers un point x de E, alors x ∈ F (proposition 4), donc x ∈ A.
Inversement, supposons que A ⊂ F n’est pas fermé. Alors B = E \ A n’est pas un ouvert de E.
Autrement dit, il existe un point y ∈ B tel que pour tout > 0 il existe un point x ∈]y − , y + [∩E
qui n’appartient pas à B. On applique cette propriété pour = 1/n. On trouve un point xn ∈
E \ B = A tel que |xn − y| < 1/n. On a donc trouvé une suite (xn ) d’éléments de A qui converge
vers un point y de E qui n’appartient pas à A. C’est la contraposée de la propriété de l’énoncé.
Alors f (E∩]x0 − α, x0 + α[) ⊂ U , donc E∩]x0 − α, x0 + α[⊂ f −1 (U ). Ceci prouve que f −1 (U ) est
ouvert.
Inversement, soit x0 ∈ E et > 0. L’intervalle ]f (x0 ) − , f (x0 ) + [ est un ouvert de R.
Alors f −1 (]f (x0 ) − , f (x0 ) + [) est ouvert. Il existe donc α > 0 tel que E∩]x0 − α, x0 + α[⊂
f −1 (]f (x0 ) − , f (x0 ) + [). Si x ∈ E et |x − x0 | < α, alors f (x) ∈]f (x0 ) − , f (x0 ) + [, donc
|f (x) − f (x0 )| < . Ceci prouve que f est continue en x0 .
2
Solution de l’exercice 15. Continuı̈té et suites.
Sens direct. Supposons f continue sur E. Soit (xn ) une suite d’éléments de E qui converge vers
x0 ∈ E. Fixons > 0. Par continuı̈té de f , il existe α > 0 tel que
Comme xn ∈ E, pour n ≥ N , |f (x) − f (x0 )| < . Ceci prouve que limn→∞ f (xn ) = f (x).
Inversement, supposons que f n’est pas continue sur E. Alors il existe un point x0 ∈ E et
un > 0 tels que pour tout α > 0, il existe x ∈ E tel que |x − x0 | < α et |f (x) − f (x0 )| ≥ .
On utilise cet énoncé pour chaque α = 1/n. On trouve, pour chaque n, un point xn ∈ E tel que
|xn − x0 | < 1/n et |f (xn ) − f (x0 )| ≥ . Alors la suite f (xn ), qui ne s’approche pas de f (x0 ), ne
converge pas vers f (x0 ).
1.4 Objectif
On voit que les notions comme la continuı̈té, la convergence de suites, les voisinages, les ouverts,
les fermés, ont un sens pour un sous-ensemble de R. Ils constituent le vocabulaire de la topologie.
L’objet de la suite du ce chapitre et de se familiariser avec les sous-ensembles de R, en accumulant
des exemples instructifs d’ouverts, de fermés, de suites, de fonctions.
2 Connexité
2.1 Peut-on être ouvert et fermé ?
Exemple 16 Soit E = R∗ = R \ {0}. Soit A =] − ∞, 0[. Alors A est à la fois ouvert et fermé.
En effet, A est ouvert dans R donc a fortiori dans E. Pour la même raison, son complémentaire
B = E \ A =]0, +∞[ est ouvert dans E, donc A est fermé dans E.
Exercice 17 Soit E un sous-ensemble de R. On suppose qu’il existe trois réels a < c < b tels que
a ∈ E, b ∈ E mais c ∈/ E. Montrer qu’il existe une partie A ∈ E qui est à la fois ouverte et fermée,
mais qui n’est ni vide ni égale à E.
Définition 18 On dit qu’une partie E de R est connexe si on ne peut pas la diviser en deux
ouverts disjoints et non vides.
Autrement dit, E est non connexe s’il existe A non vide et distinct de E, tel que A soit à la fois
ouvert et fermé dans E.
Preuve. D’après l’exercice 17, un sous ensemble connexe E de R a la propriété suivante : pour
tous a, b ∈ E, ]a, b[⊂ E. Autrement dit, il est convexe. D’après la Proposition 21 du chapitre sur
la borne supérieure, c’est un intervalle.
Inversement, soit I un intervalle. Soient A et B des parties non vides de I, disjointes, telles
que A ∪ B = I. Soit a ∈ A et b ∈ B. Quitte à échanger A et B, on peut supposer que a < b. On
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considère c = sup{x ∈ A | x < b}. Comme a ≤ c ≤ b, c ∈ I. De l’une des caractérisation de la
borne supérieure (Proposition 15 du chapitre sur la borne supérieure), il résulte qu’il existe une
suite (xn ) de points de A qui converge vers c. D’autre part, ou bien c = b ∈ B, ou bien l’intervalle
]c, b[ est entièrement contenu dans B. Dans les deux cas, il existe une suite (yn ) de points de B qui
converge vers c. Par conséquent, l’un des ensembles A et B n’est pas fermé (Proposition 8).
Pour obtenir une famille d’intervalles ouverts disjoints qui contient tous les demi-entiers, il suffit
d’adjoindre à U3 l’ensemble
[ 1 1
V3 = ]k + − 3−|k|−2 , k + + 3−|k|−2 [
2 2
k∈N
et son symétrique par rapport à l’origine. Leur longueur totale n’excède pas 92 .
Pour couvrir tous les rationnels dont le dénominateur est 4, il faut encore ajouter
[ k 1 k 1
V4 = ] + − 3−|k|−3 , + + 3−|k|−3 [
2 4 2 4
k≥1
2
et son symétrique par rapport à l’origine. Leur longueur totale n’excede pas 27 . A l’étape suivante,
il faut se méfier, car 1/8 et 3/8 sont déjà couverts par un intervalle de U3 .
Ca se complique vite, mais on conçoit qu’on puisse fabriquer une famille d’intervalles ouverts
deux à deux disjoints qui contiennent tous les nombres rationnels dont le dénominateur est une
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puissance de 2, mais dont la longueur totale reste finie. Pourtant, le complémentaire de la réunion
de ces intervalles ne contient aucun intervalle !
Question. Peut-on construire une réunion d’intervalles disjoints qui contient tous les rationnels,
mais dont la longueur totale reste finie ?
3.2 Composantes
L’ouvert U1 est formé de 3 morceaux, et chacun est un intervalle. Comment, dans un ouvert
quelconque, reconnaı̂tre les morceaux ?
Proposition 22 Soit U un ouvert de R. Alors U est la réunion d’une famille d’intervalles ouverts
deux à deux disjoints U1 , U2 , . . . , Uk , . . ., en nombre fini ou infini.
par symétrie. Comme Cx est le plus grand intervalle ouvert contenant x et contenu dans U , et
comme Cy est un intervalle ouvert contenant x et contenu dans U , Cy ⊂ Cx . Par symétrie, Cx = Cy .
Si x, y ∈ U et si Cx ∩ Cy 6= ∅, alors Cx = Cy . En effet, si z ∈ Cx ∩ Cy , alors Cz = Cx et
Cz = Cy .
On conclut que les composantes des éléments de U forment une famille d’intervalles deux à deux
disjoints, et dont la réunion est U , ce sont les composantes de U . Dans chaque composante, on
peut choisir un nombre rationnel. On peut donc numéroter les composantes par un sous-ensemble
A de Q. Comme Q est dénombrable, A l’est aussi. Ou bien A est fini, ou bien il peut être numéroté
par les entiers.
Corollaire 23 Soit > 0. Il existe une famille d’intervalles ouverts deux à deux disjoints Uk ,
k = 1, 2, . . . telle que
– Tout nombre rationnelP∞est contenu dans l’un des Uk .
– La longueur totale k=1 long(Uk ) < .
Preuve. Soient (un )n∈N une suite de réels strictement positifs. Etant donnés deux entiers
p ∈ Z et q ≥ 1, soit Ip,q =] pq − u|p| uq , pq + u|p| uq [. Alors Ip,q est un intervalle ouvert de longueur
S
2u|p| uq . Soit U = p∈Z q≥1 Ip,q . Alors U est un ouvert de R qui contient tous les rationnels. La
somme des longueurs des intervalles Ip,q vaut
X X X
2u|p| uq ≤ 4 up uq = 4( up )2 .
p∈Z, q≥1 p≥0, q≥0 p∈N
D’après la proposition 22, U est la réunion d’une famille d’intervalles P ouverts deux à deux
disjoints Uk . Montrons que la somme des longueurs des Uk vaut au plus 4( p∈N up )2 . Pour chaque
k, notons Jk = {(p, q) | Ip,q ⊂ Uk }. Alors chaque couple (p, q) avec p ∈ Z et q ≥ 1 appartient à un et
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un seul des Jk . En effet, comme Ip,q est un intervalle ouvert contenu dans U , il rencontre
S une et une
seule composante, dans laquelle il est entièrement contenu. Remarquons que Uk = (p,q)∈Jk Ip,q ,
donc
X
long(Uk ) ≤ 2u|p| uq ,
(p,q)∈Jk
d’où
∞
X ∞
X X
long(Uk ) ≤ 2u|p| uq
k=1 k=1 (p,q)∈Jk
X
= 2u|p| uq
p∈Z, q≥1
X
≤ 4( up )2 .
p∈N
3.3 Homéomorphismes
Définition 24 Soient E et E 0 deux sous-ensembles de R. Un homéomorphisme de E sur E 0 est
une fonction bijective f : E → E 0 telle que f et f −1 soient continues. S’il existe un homéomorphisme
de E sur E 0 , on dit que E et E 0 sont homéomorphes.
Exemple 25 La fonction f définie sur ]0, 1] par f (x) = 1/x est un homéomorphisme de ]0, 1] sur
[1, +∞[.
Exercice 26 Montrer que deux intervalles ouverts sont toujours homéomorphes. Montrer que deux
intervalles fermés bornés de longueurs non nulles sont toujours homéomorphes.
Théorème 1 Deux ouverts de R sont homéomorphes si et seulement si ils ont le même nombre
(fini ou infini) de composantes.
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Preuve. Soient U et V des ouverts de R. Soit f : U → V un homéomorphisme. Alors f envoie
chaque composante de U sur une composante de V . En effet, d’après l’exercice 27, si Cx est une
composante de U , f (Cx ) est un intervalle ouvert contenu dans V , donc f (Cx ) ⊂ Cf (x) . De même,
f −1 (Cf (x) ) ⊂ Cx , donc f (Cx ) = Cf (x) . Comme f est bijective, si U a n composantes, V en a n
aussi. Si U a une infinité de composantes, V en a aussi une infinité.
Réciproquement, soient U et V des ouverts ayant le même nombre n de composantes. Numérotons
les composantes de U et de V : on obtient des intervalles ouverts U1 , . . . , Un , V1 , . . . , Vn . D’après
l’exercice 26, il existe un homéomorphisme fi : Ui → Vi . La fonction obtenue en juxtaposant les fi
est un homéomorphisme de U sur V .
Soient U et V des ouverts ayant chacun une infinité de composantes. On peut numéroter les
composantes de U par des entiers, U1 , U2 , . . . , Uk , . . ., et de même pour les composantes de V ,
V1 , V2 , . . . , Vk , . . .. De nouveau, on juxtapose des homéomorphismes fi : Ui → Vi . L’application S f
obtenue est un homéomorphisme de U sur V . En effet, la continuı̈té de f en un point x de Ui
ne dépend que des valeurs de f au voisinage de x. Or la composante Ui = Cx est un tel voisinage,
sur lequel f = fi , donc f est continue. Le même argument s’applique à la réciproque f −1 .
4.1 Définition
On part de l’intervalle C0 = [0, 1]. On lui retire son tiers du milieu. On obtient C1 = [0, 1/3] ∪
[2/3, 1]. On recommence : on retire à chacun des deux intervalles constituant C1 son tiers du milieu.
On obtient C2 = [0, 1/9] ∪ [2/9, 1/3] ∪ [2/3, 7/9] ∪ [8/9, 1]. Et on recommence...
On peut définir les ensembles Cn , réunions de 2n intervalles fermés de même longueur, par
récurrence sur n : Cn+1 s’obtient en retirant son tiers du milieu à chacun des intervalles constituant
Cn .
où les bi et les aj prennent les valeurs 0, 1 ou 2. Cette écriture est unique sauf pour l’ensemble
(dénombrable) des rationnels dont le dénominateur est une puissance de 3. Un tel nombre possède
exactement deux développements en base 3, l’un (qu’on baptise premier développement de x) pour
lequel an 6= 2, 2 = an+1 = an+2 = · · · , l’autre qui ne diffère du premier qu’à partir du n-ème
chiffre après la virgule, avec an remplacé par an + 1 et 0 = an+1 = an+2 = · · · .
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– ou bien x = x + 0.3−n−1 est déjà l’origine d’un intervalle de Cn+1 ,
– ou bien x = y + 2.3−n−1 où y est l’origine d’un intervalle de Cn+1 .
Par conséquent, un réel x est l’origine d’un intervalle de Cn si et seulement si il est de la forme
m3−n où m est un entier qui s’écrit en base 3 sous la forme m = b0 + 3b1 + 32 b2 + · · · + 3n−1 bn−1 ,
et les bi valent 0 ou 2 mais jamais 1. Autrement dit, x s’écrit x = 0.bn−1 bn−2 . . . b0 en base 3, avec
bi 6= 1 et b0 = 2.
Lemme 30 Cn est l’ensemble des réels x ∈ [0, 1] tels que dans au moins un des développements
de x en base 3, les n premiers chiffres après la virgule sont différents de 1.
C est l’ensemble des réels compris entre 0 et 1 dont au moins un développement en base 3 ne
comporte pas de 1, seulement des 0 et des 2.
4.4 Intérieur
Définition 32 Soit A ⊂ R. L’ intérieur de A est l’ensemble des points x ∈ A tels que A soit un
voisinage de x. Autrement dit, x est un point intérieur de A s’il existe > 0 tel que ]x−, x+[⊂ A.
Preuve. Par l’absurde. Soit x = 0.a1 a2 . . . un point intérieur de C. Soit n tel que [x, x + 3−n [⊂
A. Alors y = 0.a1 a2 . . . an 11111 . . . < x + 3−n , donc y ∈ A. Or y possède un seul développement,
qui comporte des 1, contradiction.
8
4.5 Longueur
Lemme 35 Soit U = [0, 1] \ C. Alors la longueur de U (longueur cumulée des intervalles disjoints
composant U ) vaut 1.
Exemple 37 Si A est un ensemble fini, alors tout point de A est isolé. Soit B = { n1 | n ∈ N}.
Alors tout point de B est isolé. En revanche, dans A = {0} ∪ B, les points de B sont isolés mais
0 ne l’est pas.