Bac Blanc Le Personnage Lecteur

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1ères S/L/ES avril 2013

BAC BLANC n° 3 : LE PERSONNAGE LECTEUR

A/ Miguel de CERVANTÈS, Don Quichotte de la Manche, 1605


[À la fois un roman médiéval — un roman de chevalerie — et un roman de l'époque moderne alors naissante, le livre est
une parodie des mœurs médiévales et de l'idéal chevaleresque et une critique des structures sociales d'une société
espagnole rigide et vécue comme absurde. Don Quichotte est un jalon important de l'histoire littéraire, et les
interprétations qu'on en donne sont multiples, pur comique, satire sociale, analyse politique.]

LIVRE PREMIER - Chapitre I - Qui traite de la qualité et des occupations du fameux hidalgo don Quichotte de
la Manche.
Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas
longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse.
Un pot-au-feu, plus souvent de mouton que de bœuf, une vinaigrette presque tous les soirs, des abatis de
bétail le samedi, le vendredi des lentilles, et le dimanche quelque pigeonneau outre l’ordinaire, consumaient
les trois quarts de son revenu. Le reste se dépensait en un pourpoint de drap fin et des chausses de panne
avec leurs pantoufles de même étoffe, pour les jours de fête, et un habit de la meilleure serge du pays, dont
il se faisait honneur les jours de la semaine. Il avait chez lui une gouvernante qui passait les quarante ans,
une nièce qui n’atteignait pas les vingt, et de plus un garçon de ville et de campagne, qui sellait le bidet aussi
bien qu’il maniait la serpette. L’âge de notre hidalgo frisait la cinquantaine ; il était de complexion robuste,
maigre de corps, sec de visage, fort matineux et grand ami de la chasse. (...)
Or, il faut savoir que cet hidalgo, dans les moments où il restait oisif, c’est-à-dire à peu près toute
l’année, s’adonnait à lire des livres de chevalerie, avec tant de goût et de plaisir, qu’il en oublia presque
entièrement l’exercice de la chasse et même l’administration de son bien. Sa curiosité et son extravagance
arrivèrent à ce point qu’il vendit plusieurs arpents de bonnes terres à labourer pour acheter des livres de
chevalerie à lire.
Aussi en amassa-t-il dans sa maison autant qu’il put s’en procurer. Mais, de tous ces livres, nul ne lui
paraissait aussi parfait que ceux composés par le fameux Feliciano de Silva. En effet, l’extrême clarté de sa
prose le ravissait, et ses propos si bien entortillés lui semblaient d’or ; surtout quand il venait à lire ces lettres
de galanterie et de défi, où il trouvait écrit en plus d’un endroit : «La raison de la déraison qu’à ma raison
vous faites, affaiblit tellement ma raison, qu’avec raison je me plains de votre beauté ; » et de même quand
il lisait : «Les hauts cieux qui de votre divinité divinement par le secours des étoiles vous fortifient, et vous
font méritante des mérites que mérite votre grandeur.»
Avec ces propos et d’autres semblables, le pauvre gentilhomme perdait le jugement. Il passait les nuits et se
donnait la torture pour les comprendre, pour les approfondir, pour leur tirer le sens des entrailles, ce
qu’Aristote lui-même n’aurait pu faire, s’il fût ressuscité tout exprès pour cela. Il ne s’accommodait pas
autant des blessures que don Bélianis donnait ou recevait, se figurant que, par quelques excellents docteurs
qu’il fût pansé, il ne pouvait manquer d’avoir le corps couvert de cicatrices, et le visage de balafres. (...)
Enfin, notre hidalgo s’acharna tellement à sa lecture, que ses nuits se passaient en lisant du soir au
matin, et ses jours, du matin au soir. Si bien qu’à force de dormir peu et de lire beaucoup, il se dessécha le
cerveau, de manière qu’il vint à perdre l’esprit. Son imagination se remplit de tout ce qu’il avait lu dans les
livres, enchantements, querelles, défis, batailles, blessures, galanteries, amours, tempêtes et extravagances
impossibles ; et il se fourra si bien dans la tête que tout ce magasin d’inventions rêvées était la vérité pure,
qu’il n’y eut pour lui nulle autre histoire plus certaine dans le monde.

B/Gustave FLAUBERT, Madame BOVARY, 1857, I,6


[Le lecteur découvre d’abord Charles Bovary, jeune homme d’une quinzaine d’années lorsqu’il entre au Collège de Rouen
en classe de 5ème. Ce garçon à l’allure ridicule et maladroite est décrit comme un « gars de la campagne Il arrive
cependant à aller étudier la médecine à Rouen. Plus tard, il s’installe à Tostes pour exercer la médecine Lors d’une
intervention à la ferme des Bertaux, pour soigner le père Rouault, Charles rencontre sa fille, Emma. Tout de suite
sensible au charme de la jeune fille, il multiplie alors les visites aux Bertaux. Après le mariage, Emma découvre sa
nouvelle demeure qu’elle aménage pendant que Charles part travailler. L’homme est épanoui auprès de sa chère et
tendre et découvre enfin le bonheur de la relation conjugale. Pour la jeune femme, c’est l’inverse. La réalité lui semble
bien éloignée de ce qu’elle a pu lire dans ses livres.]
Elle avait lu Paul et Virginie et elle avait rêvé la maisonnette de bambous, le nègre Domingo, le chien Fidèle,
mais surtout l’amitié douce de quelque bon petit frère, qui va chercher pour vous des fruits rouges dans des
grands arbres plus hauts que des clochers, ou qui court pieds nus sur le sable, vous apportant un nid
d’oiseau.
Lorsqu’elle eut treize ans, son père l’amena lui-même à la ville, pour la mettre au couvent. (...)
Il y avait au couvent une vieille fille qui venait tous les mois, pendant huit jours, travailler à la lingerie.
Protégée par l’archevêché comme appartenant à une ancienne famille de gentilshommes ruinés sous la
Révolution, elle mangeait au réfectoire à la table des bonnes sœurs, et faisait avec elles, après le repas, un
petit bout de causette avant de remonter à son ouvrage. Souvent les pensionnaires s’échappaient de l’étude
pour l’aller voir. Elle savait par cœur des chansons galantes du siècle passé, qu’elle chantait à demi-voix, tout
en poussant son aiguille. Elle contait des histoires, vous apprenait des nouvelles, faisait en ville vos
commissions, et prêtait aux grandes, en cachette, quelque roman qu’elle avait toujours dans les poches de
son tablier, et dont la bonne demoiselle elle-même avalait de longs chapitres, dans les intervalles de sa
besogne. Ce n’étaient qu’amours, amants, amantes, dames persécutées s’évanouissant dans des pavillons
solitaires, postillons qu’on tue à tous les relais, chevaux qu’on crève à toutes les pages, forêts sombres,
troubles du cœur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les
bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas,
toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes. Pendant six mois, à quinze ans, Emma se graissa donc
les mains à cette poussière des vieux cabinets de lecture. Avec Walter Scott, plus tard, elle s’éprit de choses
historiques, rêva bahuts, salle des gardes et ménestrels. Elle aurait voulu vivre dans quelque vieux manoir,
comme ces châtelaines au long corsage, qui, sous le trèfle des ogives, passaient leurs jours, le coude sur la
pierre et le menton dans la main, à regarder venir du fond de la campagne un cavalier à plume blanche qui
galope sur un cheval noir. Elle eut dans ce temps-là le culte de Marie Stuart, et des vénérations
enthousiastes à l’endroit des femmes illustres ou infortunées. Jeanne d’Arc, Héloïse, Agnès Sorel, la belle
Ferronnière et Clémence Isaure, pour elle, se détachaient comme des comètes sur l’immensité ténébreuse
de l’histoire, où saillissaient encore çà et là, mais plus perdus dans l’ombre et sans aucun rapport entre eux,
saint Louis avec son chêne, Bayard mourant, quelques férocités de Louis XI, un peu de Saint-Barthélemy, le
panache du Béarnais, et toujours le souvenir des assiettes peintes où Louis XIV était vanté.

C/Jules VALLÈS, L’enfant, 1972


[Ce roman autobiographique de Jules Vallès est dédié "A tous ceux qui crevèrent d'ennui au collège ou qu'on fit pleurer
dans la famille, qui, pendant leur enfance, furent tyrannisés par leurs maîtres ou rossés par leurs parents...." Jacques, le
narrateur, a au début du récit, 5 ans. Il est le fils d'une mère paysanne, injuste et sournoise, et d'un père professeur.
Jacques est triste et seul. Heureusement la Famille comporte un certain nombre d'oncles et de tantes, des personnages
plus agréables et plus sympathiques. Jacques tombe amoureux de ses cousines. Après l'oppression maternelle, Jacques
connaît l'oppression du collège : il y mange mal, et subit d'autres punitions . Les professeurs sont, eux, d'affreux
pédants. Son père est nommé à Saint-Etienne et toute la famille déménage avec lui. Le narrateur va découvrir de
nouvelles personnes, plutôt sympathiques. Mais Il s'ennuie au lycée, ceci malgré la lecture de Robinson Crusoé.]

Je vais d’un pupitre à l’autre : ils sont vides – on doit nettoyer la place, et les élèves ont déménagé.
Rien, une règle, des plumes rouillées, un bout de ficelle, un petit jeu de dames, le cadavre d’un lézard, une
agate perdue.
Dans une fente, un livre : j’en vois le dos, je m’écorche les ongles à essayer de le retirer. Enfin, avec l’aide de
la règle, en cassant un pupitre, j’y arrive ; je tiens le volume et je regarde le titre : ROBINSON CRUSOÉ. Il est
nuit. Je m’en aperçois tout d’un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ? – quelle heure
est-il ?
Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres
s’effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d’un mot, puis plus rien.
J’ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis resté penché sur les chapitres sans lever
la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d’une émotion
immense, remué jusqu’au fond de la cervelle et jusqu’au fond du cœur ; et en ce moment où la lune montre
là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l’île, et je vois se profiler la tête longue
d’un peuplier comme le mât du navire de Crusoé ! Je peuple l’espace vide de mes pensées, tout comme il
peuplait l’horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l’éternelle solitude et je me
demande où je ferai pousser du pain…
La faim me vient : j’ai très faim.
Vais-je être réduit à manger ces rats que j’entends dans la cale de l’étude ? Comment faire du feu ? J’ai soif
aussi. Pas de bananes ! Ah ! lui, il avait des limons frais ! Justement j’adore la limonade !
Clic, clac ! on farfouille dans la serrure.
Est-ce Vendredi ? Sont-ce des sauvages ?
C’est le petit pion qui s’est souvenu, en se levant, qu’il m’avait oublié, et qui vient voir si j’ai été dévoré par
les rats, ou si c’est moi qui les ai mangés.
Il a l’air un peu embarrassé, le pauvre homme ! – Il me retrouve gelé, moulu, les cheveux secs, la main
fiévreuse ; il s’excuse de son mieux et m’entraîne dans sa chambre, où il me dit d’allumer un bon feu et de
me réchauffer.

D/Ray BRADBURY, Fahrenheit 451, 1953


[Le héros, Guy Montag, est pompier. Son métier consiste à brûler les livres. Mais lors d’une intervention, la réaction
d’une femme va le faire réfléchir  : elle refuse de se séparer de ses livres et alors que l'équipe met le feu à sa maison, elle
choisit de rester pour brûler avec eux. Guy Montag tombe tout à fait par hasard sur un livre et, machinalement, il le
garde et le dissimule à son équipe. C'est à partir de ce moment que Montag commence à remettre en question la société
dans laquelle il vit et comprend l'importance des livres. À la fin de la première partie a lieu une discussion entre Montag,
et le capitaine des pompiers Beatty, son supérieur hiérarchique, qui lui explique en quelques mots comment la société
actuelle en est arrivée là et quels changements se sont opérés depuis notre époque jusqu'à celle-ci. Montag décidera
alors après ce dialogue de lire le livre qu'il a subtilisé]

Oui, mais les pompiers dans tout ça ? demanda Montag.


- Ah. » Beatty se pencha en avant dans le léger brouillard engendré par la fumée de sa pipe. « Rien de plus
naturel ni de plus simple à expliquer. Le système scolaire produisant de plus en plus de coureurs, sauteurs,
pilotes de course, bricoleurs, escamoteurs, aviateurs, nageurs, au lieu de chercheurs, de critiques, de
savants, de créateurs, le mot "intellectuel" est, bien entendu, devenu l'injure qu'il méritait d'être. On a
toujours peur de l'inconnu. Vous vous rappelez sûrement le gosse qui, dans votre classe, était
exceptionnellement "brillant", savait toujours bien ses leçons et répondait toujours le premier tandis que les
autres, assis là comme autant de potiches, le haïssaient. Et n'était-ce pas ce brillant sujet que vous
choisissiez à la sortie pour vos brimades et vos tortures ? Bien sûr que si. On doit tous être pareils. Nous ne
naissons pas libres et égaux, comme le proclame la Constitution, on nous rend égaux. Chaque homme doit
être l'image de l'autre, comme ça tout le monde est content ; plus de montagnes pour les intimider, leur
donner un point de comparaison. Conclusion ! Un livre est un fusil chargé dans la maison d'à côté. Brûlons-
le. Déchargeons l'arme. Battons en brèche l'esprit humain. Qui sait qui pourrait être la cible de l'homme
cultivé ? Moi ? Je ne le supporterai pas une minute. Ainsi, quand les maisons ont été enfin totalement
ignifugées dans le monde entier (votre supposition était juste l'autre soir), les pompiers à l'ancienne sont
devenus obsolètes. Ils se sont vu assigner une tâche nouvelle, la protection de la paix de l'esprit ; ils sont
devenus le centre de notre crainte aussi compréhensible que légitime d'être inférieur : censeurs, juges et
bourreaux officiels. Voilà ce que vous êtes, Montag, et voilà ce que je suis. » (...)
À petits coups, Beatty vida sa pipe dans le creux de sa main rose, examina les cendres comme si c'était là un
symbole à diagnostiquer et à déchiffrer.
« Il faut que vous compreniez que notre civilisation est si vaste que nous ne pouvons nous permettre
d'inquiéter et de déranger nos minorités. Posez-vous la question : Qu'est-ce que nous désirons par-dessus
tout dans ce pays ? Les gens veulent être heureux, d'accord ? N'avez-vous pas entendu cette chanson toute
votre vie ? Je veux être heureux, disent les gens. Eh bien, ne le sont-ils pas ? Ne veillons-nous pas à ce qu'ils
soient toujours en mouvement, à ce qu'ils aient des distractions ? Nous ne vivons que pour ça, non ? Pour le
plaisir, l'excitation ? Et vous devez admettre que notre culture nous fournit tout ça à foison.
- Oui. » (...)
« Les Noirs n'aiment pas Little Black Sambo. Brûlons-le. La Case de l'Oncle Tom met les Blancs mal à l'aise.
Brûlons-le. Quelqu'un a écrit un livre sur le tabac et le cancer des poumons ? Les fumeurs pleurnichent ?
Brûlons-le livre. La sérénité, Montag. La paix, Montag. À la porte, les querelles. Ou mieux encore, dans
l'incinérateur. Les enterrements sont tristes et païens ? Éliminons-les également. Cinq minutes après sa mort
une personne est en route vers la Grande Cheminée, les Incinérateurs desservis par hélicoptère dans tout le
pays. Dix minutes après sa mort, l'homme n'est plus qu'un grain de poussière noire. N'épiloguons pas sur les
individus à coups de memoriam. Oublions-les. Brûlons-les, brûlons tout. Le feu est clair, le feu est propre. »
ANNEXE : Italo CALVINO, Si par une nuit d'hiver un voyageur, 1979. (trad. par Danièle Sallenave et François
Wahl, Paris, Seuil, coll. « Points Romans », 1995)
[Dans cette œuvre l'auteur alterne les « chapitres » où il utilise le récit à la deuxième personne, un style narratif pour
raconter au lecteur sa propre aventure, et les débuts de « romans » toujours laissés en suspens. Cette œuvre a été
influencée par l'appartenance de l'auteur à l'Oulipo. Dans cet ouvrage composé de onze fragments, Italo Calvino offre
(non sans humour) une remise en question du genre traditionnel du roman. Les dix premiers fragments ressemblent à
une sorte d'encyclopédie des formes romanesques et le dernier les englobe toutes. Le texte souligne ainsi les
mécanismes du rapport entre le lecteur et le roman. Dans Si par une nuit d'hiver un voyageur, Calvino se révèle un
habile théoricien du roman doublé d'un conteur efficace.]

Tu vas commencer le nouveau roman d’Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur. Détends-
toi. Concentre-toi. Écarte de toi toute autre pensée. Laisse le monde qui t’entoure s’estomper dans le vague.
La porte, il vaut mieux la fermer : de l’autre côté, la télévision est toujours allumée. Dis-le tout de suite aux
autres : « Non, je ne veux pas regarder la télévision ! » Parle plus fort s’ils ne t’entendent pas : « Je lis ! Je ne
veux pas être dérangé. » Avec tout ce chahut, ils ne t’ont peut-être pas entendu : dis-le plus fort, crie : « Je
commence le nouveau roman d’Italo Calvino ! » Ou, si tu préfères, ne dis rien ; espérons qu’ils te laisseront
en paix.
Prends la position la plus confortable : assis, étendu, pelotonné, couché. Couché sur le dos, sur un
côté, sur le ventre. Dans un fauteuil, un sofa, un fauteuil à bascule, une chaise longue, un pouf. Ou dans un
hamac, si tu en as un. Sur ton lit naturellement, ou dedans. Tu peux aussi te mettre la tête en bas, en
position de yoga. En tenant le livre à l’envers, évidemment. (...) On devrait être très bien pour lire, les pieds
dans des étriers ; avoir les pieds levés est la première condition pour jouir d’une lecture.
Bien, qu’est-ce que tu attends ? Allonge les jambes, pose les pieds sur un coussin, sur deux coussins,
sur les bras du canapé, sur les oreilles du fauteuil, sur la table à thé, sur le bureau, le piano, la mappemonde.
Mais, d’abord, ôte tes chaussures si tu veux rester les pieds levés ; sinon, remets-les. Mais ne reste pas là, tes
chaussures dans une main et le livre dans l’autre. (...)
Ce n’est pas que tu attendes quelque chose de particulier de ce livre particulier. Tu es un homme qui,
par principe, n’attend plus rien de rien. Il y a tant de gens, plus jeunes que toi ou moins jeunes, dont la vie se
passe dans l’attente d’expériences extraordinaires. Avec les livres, les personnes, les voyages, les
événements, tout ce que l’avenir garde en réserve. Toi, non. Tu sais que le mieux qu’on puisse espérer, c’est
d’éviter le pire. C’est la conclusion à laquelle tu es arrivé dans ta vie privée comme pour les problèmes plus
généraux, et même mondiaux. Et avec les livres ? Justement : comme tu y as renoncé dans tous les autres
domaines, tu crois pouvoir te permettre le plaisir juvénile de l’expectative au moins dans un secteur bien
circonscrit comme celui des livres. À tes risques et périls : la déconvenue n’est pas bien grave.
Donc, tu as lu dans un journal que venait de paraître Si par une nuit d’hiver un voyageur, le nouveau livre
d’Italo Calvino, qui n’avait rien publié depuis quelques années. Tu es passé dans une librairie, et tu as acheté
le volume. Tu as bien fait.

1. QUESTION SUR LE CORPUS :


Comment est présentée la lecture dans les
textes du corpus ?

2. ÉCRITURE
 Commentaire :
Vous ferez le commentaire du texte de Flaubert

 Dissertation :
La seule fonction du personnage de roman est-
elle de refléter la société dans laquelle il vit ?

 Invention :
Imaginez la réponse de Montag à Beatty, sans
tenir compte de leur statut hiérarchique, comme
s’il pouvait parler sans crainte, en considérant
son interlocuteur d’égal à égal.

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