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(2003) 44 : 339-352
Résumé : Sur la côte atlantique marocaine, l’estuaire du Bou Regreg a subi de nombreux impacts anthropiques en rapport
avec le développement des villes de Rabat et Salé sur ses rives et l’installation d’un barrage en 1974. Les objectifs de ce tra-
vail étaient de faire un premier bilan écologique de l’écosystème subtidal de l’oued après la réalisation du barrage, et
d’établir un point zéro (de mars 1998 à janvier 1999) avant la mise en place d’un vaste plan d’aménagement de l’ensemble
du secteur. Les résultats des analyses hydrologiques mettent en évidence un déplacement des fronts halins vers l’amont.
D’un point de vue faunistique, une analyse multivariée a mis en évidence trois peuplements qui se relaient sur un gradient
aval – amont, contrôlé non par le type de sédiment mais par l’ensemble des facteurs hydrologiques, exprimé par la distance
à l’embouchure : (1) en aval un peuplement marin à Haustorius arenarius constitué de deux assemblages, l’un à
Gastrosaccus spinifer et l’autre à Solen marginatus ; (2) un peuplement à Cerastoderma edule caractérisé par une diversité
spécifique élevée, dominé par des espèces tolérantes à la surcharge organique ; (3) un peuplement de type estuarien à
Scrobicularia plana. Les indices biotiques montrent que cet estuaire est un milieu déséquilibré sur sa totalité à l’exception
de l’embouchure. La comparaison de ces résultats avec ceux obtenus avant la construction du barrage, montre que les
mêmes peuplements sont encore présents mais qu’ils ont subi des changements de structure et de répartition spatiale avec
une extension vers l’amont des espèces marines.
Abstract: Spatial organization of the macrobenthos in the Bou Regreg estuary, Moroccan Atlantic coast. On the Moroccan
Atlantic coast, the Bou Regreg estuary has been disrupted by many human activities since more than 30 years, in relation
with the extension of Rabat and Salé cities on its strands and especially the installation upstream of a dam in 1974. The aims
of this work, realized from March 1998 to January 1999, were to establish a first ecological assessment of the subtidal
ecosystem of the estuary after the achievement of the dam, before the establishment of a large development of the area. The
results of hydrological analyses showed an upstream shifting of salinity in comparison with the previous situation.
Multivariate analyses showed three communities successively distributed from the sea to the upper part of the estuary. The
hydrological factors expressed by the distance from the mouth of the estuary seem to be the main factors that controlled the
three macrozoobenthic communities, from downstream to upstream respectively: (1) the Haustorius arenarius community,
composed of two assemblages dominated respectively by Gastrosaccus spinifer and Solen marginatus; (2) the
Cerastoderma edule community, characterized by a high species richness, dominated by tolerant species with opportunistic
ones, indicating a strong organic matter impact; (3) the Scrobicularia plana community that characterizes estuarine
environmental conditions. Biotic indices values, using ecological groups of macrofauna species, indicated that this estuary
is globally unbalanced, excepted at the mouth part. A comparison with the situation before the construction of the dam in
1974 showed that the three main communities are still present, but that their structure and relative extension have been
strongly modified.
Keywords: Communities, Biotic indices, Macrobenthos, Bou Regreg estuary, Moroccan Atlantic coast
une plaine alluviale dans laquelle il décrit de nombreux côté) recueille environ 20 dm3 de sédiment. Cette drague
méandres. Cette plaine se trouve remplacée à environ 4 km convient en outre parfaitement pour les fonds vaseux,
de l’embouchure par la zone périurbaine et urbaine. Enfin sableux ou graveleux. La durée de prélèvement a été
viennent les deux plages sableuses de Rabat et de Salé, pro- constante à chaque station (une minute pour une même
tégées de l’action de l’océan par deux digues, constituant les vitesse de l’embarcation), ce qui permet un traitement semi-
parties terminales de l’estuaire. quantitatif des échantillons récoltés. L’objectif de cette
Les villes de Rabat et Salé génèrent des activités socio- étude étant d’obtenir une image moyenne de la distribution
économiques et récréatives qui influencent la qualité physico- spatiale des sédiments et des peuplements associés, la varia-
chimique des eaux de l’estuaire. Ainsi, les rejets d’eaux bilité saisonnière a été intégrée en regroupant pour chaque
usées domestiques et industrielles, provenant des quartiers station les échantillons de six campagnes bimestrielles
bordant les deux rives de l’estuaire et de l’exploitation de réparties entre mars 1998 et janvier 1999. De l’aval vers
carrières dans la partie amont de la vallée, augmentent les l’amont, huit stations (numérotées de 1 à 8) sont réparties
apports sédimentaires terrigènes. L’unité de traitement des sur les 12,5 premiers kilomètres. Au-delà, l’estuaire est très
ordures ménagères située sur la rive droite rejette des étroit et très homogène, équivalent à la station 8.
déchets solides en plus du lixiviat. Les eaux des lâchers de Le tamisage a été effectué sur place sur un tamis de
la retenue du barrage qui surviennent de façon apériodique 1 mm2 de vide de maille. Le refus est fixé au formol 8 %.
sont caractérisées par un taux d’oxygène faible. Enfin, les Au laboratoire, le refus est trié et la faune est isolée puis
effluents de la station de traitement de l’eau potable rejettent identifiée et comptée.
dans l’oued des eaux chargées de matières en suspension.
Après la construction d’un barrage en 1974 sur l’oued Analyse des facteurs du milieu
Bou Regreg à 23 km de son embouchure, l’action de la Chaque prélèvement de faune a été accompagné d’un prélè-
marée au niveau de l’estuaire est devenue plus forte car le vement de sédiment en vue d’analyse granulométrique et
débit fluvial s’est beaucoup réduit, l’estuaire se trouvant ali- d’estimation de la charge organique totale par la méthode de
menté uniquement par un affluent (oued Akrech) avec un perte au feu (six heures au four à 650°C). 100 à 250 g de
débit très faible (débit moyen de 0,1 m3 s-1 à la fin du prin- sédiment sont dessalés à l’eau douce et les pélites séparés
temps) (Cheggour, 1999). L’écosystème estuarien s’est sur un tamis de 63 µm, puis ce sédiment est séché à 60°C et
transformé progressivement en un ‘bras de mer’ subissant le tamisé sur une série de 16 tamis AFNOR (63 à 2000 µm).
va-et-vient de la marée dont l’action se fait sentir jusqu’à la En tenant compte des trois fractions : pélites (Ø < 63 µm),
base du barrage. Le volume total d’eau circulant dans sables fins (63 µm < Ø < 500 µm) et sables grossiers et gra-
l’estuaire varie entre 22 046.103 m3 à pleine mer et viers (500 µm < Ø < 2000 µm), le prélèvement est placé sur
724.103 m3 à basse mer (Cheggour, 1999). La salinité mon- le diagramme triangulaire de Shepard (1954), chaque station
tre un gradient décroissant aval-amont avec une valeur de étant représentée par les valeurs moyennes des trois frac-
14 au niveau de la confluence oued Bou Regreg-oued tions selon la classification de Chassé & Glémarec (1976).
Akrech (Lemine, 1993), alors qu’avant la construction du Le classement du sédiment est estimé par l’indice de Trask
barrage la salinité à ce niveau ne dépassait pas 2 (Elkaïm, (1932), S0=[Q3/Q1]1/2 (1er quartile Q1 : abscisse dont
1972). L’année 1998 a été peu humide avec des précipita- l’ordonnée est égale à 25 % du poids du sédiment et 3e quar-
tions annuelles de 291 mm inférieures à la moyenne annuelle tile Q3 : abscisse dont l’ordonnée est égale à 75 % du poids
(calculée sur 25 ans) de l’ordre de 585 mm (Gillet, 1986). du sédiment).
La salinité montre généralement une variation de l’ordre de A chaque station, la salinité, la conductivité, la tempéra-
1,7 entre saison sèche et saison humide (variation moyenne ture, le pH et la turbidité sont mesurés sur le terrain à l’aide
calculée pour la période 1992-1995 (Cheggour, 1999)). d’appareils de mesures spécifiques. Les chlorures et les
phosphates ont été déterminés selon les méthodes usuelles
Échantillonnage de la macrofaune
(Rodier, 1996) sur des échantillons d’eau ramenés au labo-
La stratégie retenue a tenu compte des contraintes liées au
ratoire.
caractère particulier de l’estuaire. L’ensemble des prélève-
ments de la macrofaune devait être réalisé avec le même Analyse des données biologiques
engin d’échantillonnage mais les faibles profondeurs de Les unités de peuplements macrobenthiques ont été caracté-
l’estuaire dans la partie amont empêchaient l’utilisation de risées à l’aide d’analyses multivariées. Dans une première
bateau de taille compatible avec la mise en œuvre de bennes étape, une classification ascendante hiérarchique est réalisée
quantitatives. Les prélèvements ont donc été réalisés avec en calculant la distance du Chi-2 inter-stations et en grou-
une drague conique proche de la drague Rallier du Baty pant les stations par la moyenne des distances pondérées
(ouverture circulaire de 45 cm de diamètre, présence d’une (Lebart et al., 1982). Sur la même matrice, une analyse fac-
lame de 25 cm de large pénétrant dans le sédiment). La torielle des correspondances (Benzecri, 1973) a été ensuite
poche utilisée (mailles d’ouverture maximale de 1 mm de appliquée. Chaque peuplement identifié a été ensuite carac-
342 MACROFAUNE BENTHIQUE DE L’ESTUAIRE DU BOU REGREG
térisé par sa richesse spécifique, son abondance, et l’indice L’état de perturbation de ces peuplements a été estimé en
FDM (produit de la fréquence et de la dominance moyenne). utilisant, d’une part le modèle des groupes écologiques de
La structure interne de chaque peuplement a été approchée Hily (1984) mis au point en rade de Brest et d’autre part le
par l’indice de diversité (H’) de Shannon & Weaver (1963) coefficient biotique de Borja et al. (2000) qui est déduit du
et par l’équitabilité
s
(J’) de Pielou (1966). premier modèle, adapté de Grall & Glémarec (1997). Le
• H’ = ∑ (Pi x log2 Pi), avec Pi = Ni/N ; H’ = indice de diver- modèle de Hily (1984) consiste à classer les espèces en 5
i
sité de Shannon-Weaver ; S = nombre d’espèces contenues groupes écologiques de ‘‘polluo-sensibilité’’ différentes :
dans un échantillon ; Pi = dominance de l’espèce i ; • Groupe I : espèces sensibles
Ni = effectif de l’espèce i dans l’échantillon ; N = effectif • Groupe II : espèces indifférentes à une hypertrophisation
total de l’échantillon. • Groupe III : espèces tolérantes à une hypertrophisation
• J’= H’/ log2 (S) • Groupe IV : espèces opportunistes de second ordre
La structure trophique des peuplements a été estimée • Groupe V : espèces opportunistes de premier ordre
selon les critères proposés par Hily (1984) et Dauvin Le modèle de Borja et al. (2000) reprend ces groupes écolo-
(1988) : un type d’activité alimentaire est attribué à chaque giques et permet de calculer un Coefficient Biotique (BC)
espèce en fonction de ses caractéristiques morphologiques établi comme suit :
et étho-écologiques (morphologie des organes collecteurs BC= [(0 x %GI) + (1,5 x %GII) + (3 x %GIII)
des aliments, mode d’utilisation de ces organes, nature et + (4,5 x %GIV) + (6 x %GV)]/100
origine des aliments, position de l’animal par rapport à Ce coefficient varie de 0 à 6 et permet de définir l’Indice
l’interface eau–sédiment) (Bachelet, 1981 ; Grall & Biotique (IB) (Tableau 2). Chacune des espèces rencontrées
Glémarec, 1997 ; Hily & Bouteille, 1999 ; Afli & Glémarec, est placée dans un groupe écologique en accord avec les
2000). Les différentes catégories trophiques des espèces données obtenues pour cette espèce par différents auteurs
benthiques sont données dans le tableau 1. dans plusieurs sites européens.
Tableau 1. Classification des différents groupes trophiques établie selon la nature, la taille et l’état de la nourriture ingérée.
Table 1. Trophic groups classification based on the nature, size and state of the ingested food.
Tableau 2. Concordance entre coefficients et indices biotiques et état de santé des communautés d’après le modèle de Borja et al.
(2000).
Table 2. Concordance between Biotic coefficients and biotic indices, and the state of the communities according to the model of Borja
et al. (2000).
Résultats
Caractéristiques sédimentaires
Le taux moyen de matière organique du sédiment varie de
2,58 % (station 1) à 6,56 % et 6,87 % respectivement aux
stations 3 et 4 (Tableau 3). Les taux de pélites et de matière
organique totale montrent la même variation de l’aval vers
l’amont de l’estuaire.
1 8,37 0,14 16,7 1,3 51,0 1,23 23,30 1,56 2,0 2,0 5,8 4,2 34,7 2,3 6,2 3,2
2 8,34 0,13 16,7 1,5 51,2 1,25 23,25 1,52 2,4 2,0 4,6 3,1 34,7 2,1 5,8 2,5
3 8,36 0,14 16,7 1,5 50,2 1,34 19,88 2,53 5,0 3,3 9,5 4,5 30,6 3,5 5,8 3,2
4 8,40 0,16 16,7 1,4 47,9 1,35 20,23 2,51 5,8 3,2 6,9 3,2 30,2 3,2 3,5 2,5
5 7,77 0,15 16,8 1,4 44,4 1,36 17,50 1,61 9,0 4,5 8,7 5,3 24,2 2,1 3,0 2,6
6 7,62 0,18 16,8 1,4 43,7 1,53 17,50 1,62 10,0 4,6 9,3 5,2 24,2 3,2 2,5 2,6
7 7,32 0,16 17,0 1,5 37,1 1,52 14,42 1,66 15,4 6,5 15,3 6,3 19,6 3,5 2,0 2,5
8 7,46 0,17 17,9 1,5 24,5 1,51 8,55 2,68 8,0 4,6 11,1 5,3 14,3 2,5 2,5 3,1
Tableau 5. Richesse spécifique totale par groupe zoologique et abondance moyenne avec écart-type et appartenance aux groupes trophiques des espèces récoltées dans chaque
344
station (C : carnivores ; Ds : déposivores de surface, Dt : détritivores ; L : déposivores de subsurface ; N : nécrophages ; S : suspensivores, µB : microbrouteurs)
Table 5. Total species richness and mean abundance with standard deviation and trophic group of the species in each sampling station (C : predators; Ds: surface deposit feed-
ers; Dt: detritic feeders; L: subsurface deposit feeders; N: scavengers; S: suspension feeders; µB: micro-grazers).
Espèces Groupe Station 1 Station 2 Station 3 Station 4 Station 5 Station 6 Station 7 Station 8
trophique
Polychètes
Phyllodoce lumbrilaris C -- -- 0,17 (0,40) -- -- 1,00 (1,55) 0,33 (0,25) --
Lepidasthenia maculata C -- -- 0,17 (0,40) -- -- -- -- --
Glycera convoluta C -- -- -- 1,17 (2,86) 0,83 (1,60) 24,00 (6,93) -- 0,17 (0,40)
Alkmaria romijni Ds -- -- 2,17 (1,52) 4,17 (3,6) -- 28,00 (10,95) -- 10,83 (12,65)
Streblospio dekhuyzeni Ds 0,17 (0,40) -- 1,17 (2,85) 17,00 (41,20) 8,17 (9,20) 146,00 (29,83) 122,00 (163,73) 33,00 (70,10)
Polydora ciliata Ds -- -- -- 0,17(0,40) -- -- 4,33 (6,44) 0,50 (0,96)
Scolelepis mesnili Ds 0,17 (0,40) -- -- -- -- -- -- --
Scolelepis sp. Ds -- 0,33 (0,80) -- -- -- -- -- --
Owenia fusiformis Ds -- -- 16,50 (22,51) 0,33 (0,82) 0,17 (0,40) -- -- --
Hediste diversicolor Dt -- 0,50 (0,80) 3,50 (5,39) 0,17 (0,40) 5,17 (10,7) 3,00 (1,222) 69,50 (44,85) 55,67 (147,14)
Orbinia latreilli L -- -- 0,17 (0,40) -- -- -- -- --
Capitella capitata L -- -- 4,17 (0,40) 8,00 (16,7) -- -- 3,17 (2,79) 1,00 (2,16)
Heteromastus filiformis L -- -- 0,17 (0,40) 0,17 (0,40) -- -- -- --
Lumbrineris impatiens L -- -- 0,50 (1,22) -- -- 2,00 (0,89) -- --
Pectinaria koreni L -- -- 1,00 (1,55) 0,17 (0,40) 2,17 (6,36) -- -- --
Mysta picta N -- -- -- -- -- -- -- 0,17 (0,40)
Nephtys cirrosa N 1,67 (1,51) 1,17 (2,40) -- -- -- -- -- --
Nephtys hombergii N -- -- 2,17 (4,02) 1,17 (2,86) 0,17 (0,40) 6,00 (2,44) -- --
Serpula vermicularis S -- -- 0,17 (0,40) -- -- 1,00 (1,55) -- --
Branchiomma bombyx - 0,17 (0,40) -- -- -- -- -- -- --
Diopatra neapolitana - -- -- 5,50 (7,64) 10,50 (23,30) 2,83 (2,56) 6,00 (1,41) -- --
Abondance totale 656,83
Nombre total d'espèces 21
Crustacés
Crangon crangon
MACROFAUNE BENTHIQUE DE L’ESTUAIRE DU BOU REGREG
C -- 0,17 (0.40) -- -- -- -- -- --
Crangon sp. C -- -- 0,17 (0,40) -- -- -- -- --
Cyathura carinata C -- 1,33 (3,27) -- 0,17 (0,40) 7,50 (5,67) 270,00 (62,92) 65,17 (103,13) 153,83 (210,45)
Carcinus maenas C -- -- 0,17 (0,40) -- 0,33 (0,82) 6,00 (1,00) 0,17 (0,40) 3,83 (2,22)
Palaemon sp. C -- -- -- -- -- 1,00 -- --
Haustorius arenarius C 6,50 (8,78) 2,00 (3,16) -- -- -- -- -- --
Uca tangeri C -- -- -- -- -- 4,00 (1,60) -- --
Eurydice pulchra Dt -- 0,50 (0,70) -- -- -- -- -- --
Eurydice spinigera Dt 0,50 (0,71) -- -- -- -- -- -- --
Gammarus sp. Dt -- 0,17 (0,40) -- -- -- -- -- --
Melita palmata Dt -- 0,50 (1,22) 0,17 (0,40) 0,17 (0,40) 1,50 (0,71) -- -- 3,50 (5,76)
Gastrosaccus spinifer Ds 15,67 (28,27) -- -- -- -- -- -- --
Pagurus sp. N -- -- -- -- 0,17 (0,40) -- -- --
Suite page suivante
Suite tableau 5
table 5 (continued)
Espèces Groupe Station 1 Station 2 Station 3 Station 4 Station 5 Station 6 Station 7 Station 8
trophique
Mollusques
Nucula sp. Ds -- -- 0,17 (0,40) -- -- -- -- --
Hinia reticulatus N -- 0,17 (0,40) 9,17 (11,25) -- -- -- -- --
Natica vittata N -- 0,17 (0,40) -- 1,00 (1,67) -- -- -- --
Anomia ephippium S -- -- 0,33 (0,82) -- -- -- -- --
Cerastoderma edule S 1,00 (2,45) 0,83 (1,33) 405,00 (595,20) 148,17 (127,52) 75,83 (55,12) 1010,00 (348,66) 4,00 (6,51) --
Donax trunculus S 0,17 (0,40) -- -- -- -- -- -- --
Dosinia lupinus (exoleta) S -- -- -- 0,17 (0,40) -- 1,00 (0,40) -- --
Tapes decussatus S -- -- 0,67 (1,63) 0,67 (0,82) 0,50 (1,22) -- -- --
Solen marginatus S -- 9,33 (21,80) 3,00 (4,69) 2,50 (2,74) -- -- -- --
Scrobicularia plana S -- 0,17 (0,40) 61,83 (132,78) 26,17 (22,03) 39,50 (86,60) 40,00 (10,89) 576,50 (649,04) 349,83 (882,94)
Hydrobia ulvae µB -- -- -- 0,33 (0,82) -- -- -- --
Abondance totale 2768,17
Nombre total d'espèces 11
Autres groupes
E. CHERKAOUI, A. BAYED, Ch. HILY
plus grande stabilité des masses d’eau et donc 0 2000 4000 6000 8000
2003) pour chacune de ces stations (Tableau 6) montrent Tableau 7. Liste des sept premières espèces de chaque assem-
une corrélation significative (p < 0,05) entre l’axe F1 d’une blage du macrobenthos classées par ordre décroissant des valeurs
de l’indice FDM.
part, et la distance par rapport à la mer, la salinité, la
Table 7. List of the 7 main species of each macrofauna assem-
conductivité, le pH et la température, d’autre part. blage and community classified by decreasing rank of the FDM
index values.
Tableau 6. Corrélation de rang de Spearman entre les axes fac-
toriels F1 et F2 de l’AFC et les facteurs du milieu (les valeurs écri-
Assemblages Espèces FDM
tes en gras sont des corrélations significatives à p < 0,05).
Table 6. Spearman's rank correlation between the F1 and F2 fac-
SS1 Haustorius arenarius 4031,37
torial axes of the correspondence factorial analysis and the environ-
Gastrosaccus spinifer 3326,50
ment factors (bold values are significant, p < 0.05).
Nephtys cirrosa 2222,41
Cerastoderma edule 91,69
Facteurs du milieu F1 F2 Donax sp. 44,45
Eurydice spinigera 30,35
Distance par rapport à la mer 1,00 -0,33 Scolelepis mesnili 8,00
Taux moyen des pélites -0,38 -0,35
SS2 Haustorius arenarius 953,33
Taux moyen des sables fins 0,45 0,005
Solen marginatus 799,92
Taux moyen des sables grossiers -0,43 0,14
Cerastoderma edule 416,63
Taux moyen de matière organique -0,26 -0,61
Nephtys cirrosa 255,00
Médiane granulométrique moyenne -0,14 0,35
Hediste diversicolor 188,87
Indice de tri -0,31 -0,12
Scolelepis sp. 183,37
PH 0,74 -0,71
Natica vittata 183,32
Turbidité 0,69 -0,47
Conductivité 1,00 -0,33 SS3 Cerastoderma edule 5750,68
Température -0,80 0,60 Scrobicularia plana 1235,41
Salinité 0,95 -0,28 Streblospio dekhuyzeni 809,95
Oxygène dissous 0,89 -0,17 Cyathura carinata 758,87
Diopatra neopolitana 253,94
Capitella capitata 153,64
Ces ensembles cohérents de stations, mis en évidence à la Alkmaria romijni 104,62
fois par la CAH et l’AFC, sont définis par des assemblages SS4 Scrobicularia plana 6743,21
particuliers d’espèces. Les espèces dominantes de chaque Cyathura carinata 3265,34
assemblage ou peuplement sont mises en évidence par Streblospio dekhuyzeni 2154,03
l’indice FDM (Tableau 7). Corophium orientale 1854,00
Hediste diversicolor 1467,81
Composition et structure des peuplements Alkmaria romijni 291,00
De l’aval vers l’amont, on peut identifier les trois peuple- Carcinus maenas 244,99
ments suivants :
1. Peuplement à Haustorius arenarius raît. L’éloignement de l’embouchure explique aussi l’appa-
SS1 et SS2 étant dominés par la même espèce Haustorius rition de Scrobicularia plana, Natica vittata (Gmelin, 1791)
arenarius, et constitués de stations proches de l’embouchure et Cyathura carinata. La richesse spécifique est doublée
de l’oued sur des sables fins et envasés, sont deux assem- (S=16). L’indice de Shannon (H’ = 2,55) est relativement
blages (ou faciès) d’un même peuplement : élevé comparé aux autres peuplements de l’estuaire
Assemblage à Gastrosaccus spinifer (SS1) (Tableau 8). La structure trophique en terme d’abondance
Les espèces sont caractéristiques d’un milieu marin. La est dominée à 70 % par les suspensivores (Fig. 4).
richesse spécifique est de 9 espèces avec un indice de diver- 2. Peuplement à Cerastoderma edule (Linnaeus, 1758) (SS3)
sité de 1,68 (Tableau 8). Le groupe SS1 se caractérise par la Situé entre 2 et 4 kilomètres de l’embouchure, il est carac-
dominance d’espèces sabulicoles marines : Haustorius térisé par une richesse spécifique maximale (40 espèces) ; la
arenarius, Gastrosaccus spinifer, Nephtys cirrosa (Ehlers, diversité H’ y est de 1,97 (Tableau 8), avec l’apparition de
1868), Eurydice pulchra (Leach, 1815) et Scolelepis certaines espèces comme Diopatra neapolitana (Ehlers,
mesnili (Bellan et Lagardère, 1971). Cet assemblage est 1868), Hediste diversicolor (Müller, 1776), Owenia fusi-
dominé par les carnivores (70 % de l’abondance), les deux formis (Chiaje, 1842), Streblospio dekhuyzeni (Horst,
autres groupes bien représentés étant les détritivores et les 1909), Mysta picta (Quatrefages, 1865), Hydrobia ulvae
suspensivores (Fig. 4). (Pennant, 1777) et Tapes decussatus (Linnaeus, 1758) et la
Assemblage à Solen marginatus (SS2) disparition d’autres espèces sabulicoles qui se trouvent ici à
Solen marginatus (Pultency, 1799) apparaît dans ce sédi- leur limite supérieure d’extension comme Solen marginatus
ment plus envasé, tandis que Gastrosaccus spinifer dispa- et Haustorius arenarius. Enfin, la présence de Capitella
348 MACROFAUNE BENTHIQUE DE L’ESTUAIRE DU BOU REGREG
Assemblages
SS1 SS2 SS3 SS4
succède spatialement au précédent, dans lequel un faciès à Tableau 9. liste des sept premières espèces de chaque assem-
Cerastoderma edule a été identifié. Plus en amont se ren- blage du macrobenthos classées par ordre décroissant des valeurs
de l’indice FDM avant la construction du barrage (valeurs cal-
contre le peuplement à Tapes decussatus.
culées d’après les données de Elkaïm (1974)).
Les limites de la signification écologique de l’indice de Table 9. List of the 7 main species of each macrofauna assem-
diversité de Shannon ont été abondamment commentées et blage classified by decreasing order of the FDM index values
discutées dans la littérature (Daget, 1976 ; Legendre & before the dam construction (values calculated from data of Elkaïm
Legendre, 1979 ; Bachelet, 1979 ; Hily, 1984). Cependant, (1974)).
cet indice garde une valeur comparative car la plupart des
auteurs continuent à l’utiliser dans les études d’écologie Peuplements Espèces FDM
benthique. Les valeurs de la diversité (H’) mesurées dans
l’estuaire du Bou Regreg sont très influencées par la domi- Donax-Eocuma Nassa pygmea 1018,18
nance d’une espèce, soit Scrobicularia plana soit Idotea linearis 872,73
Zenobia prismatica 800,00
Cerastoderma edule, situation classique dans les estuaires et Diopatra neapolitana 672,73
milieux mixohalins. Les valeurs de (H’), inférieures à 3, Crangon crangon 327,27
sont habituelles pour les peuplements estuariens (Glémarec Cumopsis fagei 321,21
& Hily, 1981 ; Le Bris, 1988) et n’ont pas de réelle valeur Owenia fusiformis 309,09
explicative. Par contre, les valeurs mesurées pour les indices Cerastoderma edule Alkmaria romijni 16971,00
biotiques permettent de classer l’estuaire du Bou Regreg Streblospio shrubsolii 15359,83
parmi les sites sous pollution légère, associés à des peuple- Cerastoderma edule 5096,95
ments dans un état “déséquilibré”, à l’exception de sa par- Cyathura carinata 847,98
Capitella capitata 811,80
tie aval qui apparaît “normale”. Ainsi, d’après ces indices Polydora ciliata 542,14
basés sur la macrofaune benthique, l’estuaire du Bou Scrobicularia plana 423,99
Regreg n’atteindrait pas le niveau “pollué”. Pourtant, il a été
Scrobicularia plana Alkmaria romijni 4081,63
classé comme très pollué d’après la qualité bactériologique Streblospio shrubsolii 3339,52
de ses eaux (ONEP, 1996). Le renouvellement des masses Scrobicularia plana 1892,39
d’eau explique en partie cette relative contradiction car il Cyathura carinata 649,35
limite la sédimentation qui contribue à la pollution. Il faut Neomysis sp. 18,55
cependant relativiser ces résultats car, dans les estuaires, les Cerastoderma edule 18,55
espèces sont naturellement tolérantes à de nombreux
facteurs dont le déficit d’oxygénation du sédiment. que pour celui à Scrobicularia plana. En revanche, la dimi-
nution du nombre d’espèces dans le peuplement marin peut
Comparaison avec la situation antérieure à la construction
s’expliquer par l’impact des fréquentes opérations de draga-
du barrage
ges que connaît cette zone depuis 1980, en raison de l’ensa-
L’évolution de l’écosystème de l’oued après la construction
blement très rapide de l’embouchure sous l’effet des houles
du barrage est globale, portant à la fois sur les masses d’eau
atlantiques.
et sur le système benthique. Les peuplements identifiés par
La construction du barrage a provoqué une réduction
Elkaïm (1974, 1976) étaient au nombre de trois dans cette
considérable de l’effet de chasse qui se produisait lors des
partie de l’estuaire : un peuplement marin à Donax-Eocuma,
de faible extension spatiale à l’embouchure, suivi vers crues de l’oued avant la réalisation de cet ouvrage. Mais
l’amont d’un peuplement à Cerastoderma edule, essentiel- celui-ci a parallèlement réduit les apports sédimentaires ter-
lement dans le secteur marin et le secteur fluvio-marin sur rigènes limoneux transportés par l’oued. Ceci explique le
une distance de 9 km (entre la station 3 et le PK9), enfin un bilan sédimentaire globalement stable et l’envasement peu
peuplement à Scrobicularia plana plus en amont. Trente ans visible, le renouvellement des eaux par la marée induisant
plus tard, nos résultats montrent que ces trois peuplements des courants assez forts pour limiter la sédimentation des
se succèdent toujours selon le même schéma, mais que leur particules fines. Le rehaussement des fonds constaté en par-
composition spécifique et leur extension spatiale relative ticulier dans la partie aval est majoritairement de type
ont évolué (Tableau 9 et Figure 6). En terme de diversité sableux et d’origine marine (la profondeur maximale est
spécifique, les Polychètes sont devenus dominants à la place passée de 10 m en 1969 (Elkaïm, 1974) à 6 m en 1998).
des Crustacés. Les peuplements sont caractérisés par des Cette tendance a également facilité l’extension vers l’amont
espèces à large tolérance vis-à-vis du sédiment comme des espèces marines, majoritairement sabulicoles.
Scrobicularia plana, Cerastoderma edule et Hediste Toutefois, les peuplements en place avant le barrage, com-
diversicolor. Le déplacement du secteur marin vers l’amont posés d’espèces euryèces, résistent encore très bien à l’in-
s’est accompagné d’une augmentation marquée du nombre trusion des eaux marines dans l’oued, d’où l’existence d’un
d’espèces, tant pour le peuplement à Cerastoderma edule peuplement mixte dans la partie moyenne de l’oued, le peu-
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