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USUFRUIT

Usufruit: le sort des dépenses


d’amélioration
8 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

==> Les grosses réparations sont à la charge du nu-propriétaire


Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.

Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de l’usufruit.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « grosses
réparations« ?
La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e  civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :

 La réfection de zingueries affectant une partie exceptionnelle de l’immeuble


était une grosse réparation car engageant une dépense exceptionnelle (  1ère  civ. 2
févr. 1955)
 Le recrépissement ou le ravalement d’un immeuble est, en revanche, une
réparation d’entretien (  1ère  civ. 21 mars 196)
Les grosses réparations correspondent donc aux travaux de restauration d’une structure
essentielle de l’immeuble, tels que la réfection d’un mur pignon ou le rétablissement
de poutres ou de couvertures entières.

Dans un arrêt du 27 novembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que


« l’article 606 du Code civil énumère limitativement les grosses réparations » (Cass.
3e  civ. 27 nov. 2002, n°01-12816).
Il en résulte que les juridictions ne peuvent pas ajouter des travaux à la liste énoncée
par l’article 606. Les grosses réparations doivent se limiter à celles qui touchent à la
solidité et à la structure du bien.
Quid lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux d’améliorations et
non de réfection? Relèvent-elles du champ d’application de l’article 606?

==> Les travaux d’amélioration demeurent à la charge de l’usufruitier


Il est constant en jurisprudence que lorsque l’usufruitier a entrepris des travaux
d’amélioration les dépenses engagées demeurent à la charge de l’usufruitier.

Par amélioration, il faut entendre tous les travaux qui ne se justifient pas par la
conservation du bien et qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.

L’article 599, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier ne peut, à la
cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il
prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée. »
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation elle a fait une application de la
règle ainsi énoncée en jugeant que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations
d’entretien et que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à
moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien,
depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ; que ce
dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les
améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût
augmentée » (Cass. com. 12 juin 2012, n°n° 11-11424).
L’objectif recherché ici est d’éviter tout contentieux sur l’estimation de la plus-value
réalisée et de protéger le nu-propriétaire de dépenses dispendieuses qui pourraient être
engagées par l’usufruitier, celui-ci pouvant être encouragé par la perspective d’être
intégralement indemnisé à l’expiration de son droit. Ce sera là une charge très lourde
qui pourrait être imposée au nu-propriétaire, alors même qu’il n’a rien demandé, ni n’a
été en mesure d’y consentir.

Pour c’est raison, il est constant en jurisprudence que les dépenses d’amélioration
demeurent à la charge du seul usufruitier.

Cette position n’est pas sans faire l’objet de critiques dans la mesure où cela revient :

 D’une part, à admettre un cas d’enrichissement sans cause, ce en contravention


avec l’article 1303 du Code civil
 D’autre part, à placer l’usufruitier dans une situation bien moins avantageuse
que le possesseur de mauvaise foi qui, en application de l’article 555, al. 3 du
Code civil, est fondé à obtenir une indemnité lorsqu’il a édifié une construction
sur le fonds qu’il occupe et que le propriétaire décide d’exercer son droit à la
conserver
Malgré ces critiques, la jurisprudence est demeurée intransigeante. Elle a notamment
refusé de distinguer, ainsi que cela avait été suggéré, de distinguer selon que la défense
engagée vise à améliorer le bien soumis à usufruit ou à en acquérir un nouveau.

La Cour de cassation considère que cette règle s’applique en tout état de cause, y
compris lorsque l’amélioration du bien consiste en l’édification d’une construction/

Dans un arrêt du 4 novembre 1885, elle a par exemple jugé que « suivant l’esprit de
[l’article 599], on ne doit considérer comme améliorations soit les constructions
ayant pour effet d’achever un bâtiment commencé, ou bien d’agrandir un édifice
préexistant » (Cass. req. 4 nov. 1885).
Dans un arrêt du 19 septembre 2012 la troisième chambre civile a précisé « qu’il
n’existait aucun enrichissement pour la nue-propriétaire qui n’entrera en possession
des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, l’accession n’a pas opéré
immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol » (Cass. 3e  civ. 19 sept. 2012,
n°11-15460).
Seule limite à la règle ainsi posée : l’alinéa 3 de l’article 599 du Code civil autorise
l’usufruitier à « enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’il aurait fait
placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état. »

Les effets attachés à l’extinction


de l’usufruit: la restitution de la
chose et le règlement des comptes
8 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

L’extinction de l’usufruit emporte deux conséquences :

 La restitution de la chose
 Le règlement des comptes
A) La restitution de la chose
1. Principe
==> Droit commun
La première obligation qui échoit à l’usufruitier à l’expiration de son droit consiste à
restituer la chose soumise à l’usufruit au nu-propriétaire

Cette restitution doit, en principe, intervenir en nature. Elle doit alors être restituée
dans l’état où elle se trouvait au moment de la délivrance, et plus précisément tel que
décrit dans l’inventaire qui a été dressé en application de l’article 600 du Code civil.

À défaut d’inventaire, notamment dans le cas d’une dispense, il appartiendra au nu-


propriétaire de prouver que l’état dans lequel le bien lui est restitué ne correspond pas
à celui dans lequel il se trouvait au jour de sa délivrance.

==> Cas particulier de l’universalité de biens

Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de biens, il convient de distinguer selon
que cette universalité est de droit ou de fait

 L’usufruit d’une universalité de fait


 Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur un ensemble de biens unis par
une même finalité économique.
 Tel est le cas notamment du fonds de commerce qui regroupe l’ensemble
des biens nécessaires à l’exploitation d’une activité commerciale
déterminée.
 Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est
investi l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais
l’ensemble constitué par ces biens, soit le tout.
 Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver
l’universalité, prise dans sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la
détruire.
 Il ne s’agit donc pas d’un quasi-usufruit, mais bien d’un usufruit
ordinaire.
 Appliqué au fonds de commerce, cela signifie que, à l’expiration de
l’usufruit, l’usufruitier devra restituer un fonds de commerce de valeur
équivalente.
 Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer
de chacun des éléments qui composent le fonds de commerce (machines,
outils, marchandises, matières premières etc.)
 L’usufruitier est ainsi autorisé à accomplir tous les actes de nécessaires à
l’exploitation de l’activité commerciale (achat et vente de marchandises
etc.)
 À cet égard, c’est lui qui percevra les bénéfices tirés de l’exploitation du
fonds, tout autant que c’est lui qui endossera la qualité de commerçant et
qui, à ce titre, sera soumis à l’obligation d’immatriculation.
 L’usufruit d’une universalité de droit
 Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur une masse de biens qui, de
nature et d’origine diverses, et matériellement séparés, ne sont réunis par la
pensée qu’en considération du fait qu’ils appartiennent à une même
personne
 Autrement dit, l’usufruit a ici pour objet un patrimoine ou une fraction de
patrimoine.
 Selon le cas, il sera qualifié d’usufruit à titre universel ou d’usufruit à
titre particulier.
 Cette forme d’usufruit se rencontre le plus souvent consécutivement à
une dévolution successorale ou testamentaire.
 Lorsqu’il porte sur un patrimoine, la portée de l’usufruit est radicalement
différente de la situation où il a pour objet une universalité de fait.
 En effet, l’assiette du droit de l’usufruitier est constituée par l’ensemble
des biens qui composent le patrimoine et non par le patrimoine pris dans sa
globalité.
 La conséquence en est que, si l’usufruitier peut jouir des biens qui
relèvent de l’assiette de son droit, il lui est fait interdiction d’en disposer,
sauf à ce que, au nombre de ces biens, figurent des choses consomptibles
auquel cas il sera autorisé à les restituer en valeur.
 Pour les autres biens, non-consomptibles, il devra les restituer au nu-
propriétaire dans le même état que celui dans lequel ils se trouvaient au jour
de la délivrance
2. Exceptions
==> La restitution de la chose par équivalent

Il est des cas où la restitution de la chose ne pourra pas intervenir en nature. Il en va


ainsi lorsque soit la chose est consomptible, soit elle a été perdue.

 La chose est consomptible


 Les choses consomptibles sont celles qui se consomment par le premier
usage, en ce sens qu’elles disparaissent à mesure de l’utilisation que l’on en
fait.
 Exemple: l’argent, des aliments, une cartouche d’encre etc.
 À l’évidence, lorsque l’usufruit porte sur une chose consomptible, cette
situation soulève une difficulté qui tient à la fonction même de l’usufruit.
 Il est, en effet, de principe que l’usufruit ne confère à l’usufruitier qu’un
droit d’usage sur la chose, de sorte qu’il ne peut pas en disposer.
 Si l’in appliquait cette règle strictement aux choses consomptibles, cela
reviendrait à priver l’usufruitier d’en jouir et donc de vider le droit réel dont
il est titulaire de sa substance.
 C’est la raison pour laquelle, par exception, l’usufruitier est autorisé à
disposer de la chose, telle le véritable propriétaire (on parle alors de quasi-
usufruit).
 L’article 587 du Code civil prévoit en ce sens que « si l’usufruit
comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer,
comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en
servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de
même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution».
 En contrepartie du droit de jouir d’une chose consomptible, l’usufruitier
a donc l’obligation de restituer, à l’expiration de l’usufruit, soit une chose de
même qualité et de même quotité, soit son équivalent en argent.
 La chose a été perdue
 Lorsque cette situation se présente, par hypothèse, la chose ne peut pas
être restituée au nu-propriétaire.
 Il est donc fondé à réclamer une restitution par équivalent, laquelle
prendra la forme de dommages et intérêts
 Une indemnisation sera également due en cas de détérioration de la chose
imputable à l’usufruitier ou à la personne dont il répond
 Afin d’évaluer la valeur de la chose, il conviendra de se reporter à
l’inventaire qui devrait comporter une estimation de sa valeur
==> La restitution de la chose en l’état

L’article 589 du Code civil dispose que « si l’usufruit comprend des choses qui, sans
se consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des
meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles
sont destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où
elles se trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute. »
Ainsi, lorsque la détérioration procède d’un usage normal de la chose, il n’y a pas lieu
pour l’usufruitier à indemniser le nu-propriétaire.

On considère ici qu’elle se serait autant détériorée si elle avait été entre ses mains. Si
toutefois cette détérioration résulte d’un manquement imputable à l’usufruitier qui
n’aurait pas joui de la chose comme un bon père de famille, il sera redevable de
dommages et intérêts à l’égard du nu-propriétaire.
==> L’absence de restitution de la chose

L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont
tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit. »
Lorsqu’ainsi la détérioration de la chose est due à un événement indépendant de la
volonté de l’usufruitier (phénomène naturel, guerre, grève etc.) il ne doit aucune
indemnité au nu-propriétaire et inversement.

B) Le règlement des comptes


À l’expiration de l’usufruit, il conviendra de procéder à un règlement des comptes afin
de déterminer ce que doit l’usufruitier au nu-propriétaire et ce qui lui est dû

1. S’agissant des dettes de l’usufruitier


À l’expiration de l’usufruit, le nu-propriétaire est en droit de réclamer à l’usufruitier :

 Les indemnités dues en réparation de la détérioration fautive de la chose (   618


C. civ.)
 Les intérêts charges extraordinaires au nombre desquelles figurent les frais de
bornage, de clôture (  609 C. civ.)
 Restitution des fruits civils perçus postérieurement à l’expiration de l’usufruit
(  586 C. civ.)
2. S’agissant des créances de l’usufruitier
==> Principe général

À l’expiration de son droit, l’usufruitier est susceptible de solliciter auprès du nu-


propriétaire le remboursement :

 Du montant réglé au titre des grosses réparations, dans la limite de la plus-value


apportée à l’immeuble
 Des avances effectuées au titre des charges extraordinaires
==> Sort des dépenses d’amélioration

Il peut être précisé que lorsque l’usufruitier a entrepris des travaux d’amélioration, les
dépenses engagées demeurent à la charge de l’usufruitier.

Par amélioration, il faut entendre tous les travaux qui ne se justifient pas par la
conservation du bien et qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.
L’article 599, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier ne peut, à la
cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il
prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée. »
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation elle a fait une application de la
règle ainsi énoncée en jugeant que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations
d’entretien et que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à
moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien,
depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ; que ce
dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les
améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût
augmentée » (Cass. com. 12 juin 2012, n°n° 11-11424).
L’objectif recherché ici est d’éviter tout contentieux sur l’estimation de la plus-value
réalisée et de protéger le nu-propriétaire de dépenses dispendieuses qui pourraient être
engagées par l’usufruitier, celui-ci pouvant être encouragé par la perspective d’être
intégralement indemnisé à l’expiration de son droit. Ce sera là une charge très lourde
qui pourrait être imposée au nu-propriétaire, alors même qu’il n’a rien demandé, ni n’a
été en mesure d’y consentir.

Pour c’est raison, il est constant en jurisprudence que les dépenses d’amélioration
demeurent à la charge du seul usufruitier.

Cette position n’est pas sans faire l’objet de critiques dans la mesure où cela revient :

 D’une part, à admettre un cas d’enrichissement sans cause, ce en contravention


avec l’article 1303 du Code civil
 D’autre part, à placer l’usufruitier dans une situation bien moins avantageuse
que le possesseur de mauvaise foi qui, en application de l’article 555, al. 3 du
Code civil, est fondé à obtenir une indemnité lorsqu’il a édifié une construction
sur le fonds qu’il occupe et que le propriétaire décide d’exercer son droit à la
conserver
Malgré ces critiques, la jurisprudence est demeurée intransigeante. Elle a notamment
refusé de distinguer, ainsi que cela avait été suggéré, de distinguer selon que la défense
engagée vise à améliorer le bien soumis à usufruit ou à en acquérir un nouveau.

La Cour de cassation considère que cette règle s’applique en tout état de cause, y
compris lorsque l’amélioration du bien consiste en l’édification d’une construction/

Dans un arrêt du 4 novembre 1885, elle a par exemple jugé que « suivant l’esprit de
[l’article 599], on ne doit considérer comme améliorations soit les constructions
ayant pour effet d’achever un bâtiment commencé, ou bien d’agrandir un édifice
préexistant » (Cass. req. 4 nov. 1885).
Dans un arrêt du 19 septembre 2012 la troisième chambre civile a précisé « qu’il
n’existait aucun enrichissement pour la nue-propriétaire qui n’entrera en possession
des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, l’accession n’a pas opéré
immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol » (Cass. 3e  civ. 19 sept. 2012,
n°11-15460).
Seule limite à la règle ainsi posée : l’alinéa 3 de l’article 599 du Code civil autorise
l’usufruitier à « enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’il aurait fait
placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état. »

La déchéance du droit d’usufruit


pour abus de jouissance
8 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

L’article 618 du Code civil dispose que « l’usufruit peut aussi cesser par l’abus que
l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds,
soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut être déchu de son droit lorsqu’il
commet un abus de jouissance.

Par abus de jouissance, il faut entendre une faute dont la gravité est de nature à altérer
la substance du bien grevé par l’usufruit ou à en menacer la restitution.

Aussi, doit-il s’agit d’une faute commise, soit par l’usufruitier, soit par la personne
dont il répond.

Au nombre des fautes constitutives d’un abus de jouissance, l’article 618 vise


expressément :

 Les dégradations sur le fonds


 Le dépérissement du fonds par manque d’entretien
Dans un arrêt du 12 mars 1970, la Cour de cassation a de la sorte validé la décision
d’une Cour d’appel qui avait jugé que « Dame veuve X était responsable de la ruine
des immeubles soumis à son usufruit « même si x… Michel avait la charge de faire
procéder en même temps qu’elle a des travaux confortatifs « , a constaté qu’un défaut
d’entretien, remontant à dix-neuf années et imputable à l’usufruitière, avait entraîné
la détérioration du gros œuvre des immeubles » (Cass. 3e  civ. 12 mars 1970).
De son côté, la jurisprudence a admis qu’une le changement de destination du bien
soumis à l’usufruit était susceptible de constituer un abus de jouissance.

Bien que le Code civil soit silencieux sur ce point, il est, en effet, fait obligation à
l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la destination prévue dans l’acte de
constitution de l’usufruit.

Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du
propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.

C’est ainsi que dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e  civ. 4 juin 1975, n°74-10777).

La vente simultanée de l’usufruit


et de la nue-propriété
8 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

==> Principe
L’article 621 du Code civil dispose que « en cas de vente simultanée de l’usufruit et
de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété
selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour
reporter l’usufruit sur le prix. »
Cette disposition est directement issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant
réforme des successions et des libéralités qui a tenté de régler une difficulté à laquelle
étaient confrontés les praticiens du droit.

En effet, dans le cas de la cession d’un bien démembré, la question se pose


fréquemment de savoir comment répartir le prix de cession entre l’usufruitier et le nu-
propriétaire.

Cette question ne concerne pas spécifiquement les partages successoraux, mais vise à
préciser de manière générale le règlement de la vente globale d’un bien démembré,
quel qu’en soit le contexte ou la raison.
La jurisprudence s’est abondamment prononcée en faveur de la répartition du prix de
vente au prorata entre l’usufruit et la nue-propriété, considérant que tant l’usufruitier
que le nu-propriétaire avaient droit à une portion du prix total correspondant à la
valeur comparative de l’usufruit avec la nue-propriété (V. en ce sens Cass. 1ère  civ., 20
oct. 1987 ; Cass. 2e  civ. 18 oct. 1989).
Il a, par suite, été jugé que les intérêts dus sur le prix de vente devaient également être
partagés dans les mêmes proportions, sans que l’usufruitier puisse prétendre à leur
totalité (Cass. 3e  civ., 3 juillet 1991).
Mais, inversement, certains auteurs de la doctrine ont pu estimer qu’il convenait de
reporter le démembrement de propriété sur le prix[4]. Cette thèse était toutefois
minoritaire.
À l’examen, l’article 621, al. 1er du Code civil est venu consacrer la jurisprudence
l’objectif recherché étant d’atteindre l’équité
Ainsi, cette disposition prévoit-elle que le prix de cession est réparti entre l’usufruitier
et le nu-propriétaire – ou, ainsi que le dit le texte, entre l’usufruit et la nue-propriété –
selon la valeur « respective » de chacun de ces droits.

Les parties conservent néanmoins la faculté de décider que l’usufruit se reportera sur
le prix, ce qui revient à constituer un quasi-usufruit à la faveur de l’usufruitier, lequel
pourra alors librement disposer de l’intégralité du prix de cession.

La contrepartie pour le nu-propriétaire résidera dans la restitution, à l’extinction de


l’usufruit, du prix de cession lequel viendra s’imputer sur la masse successorale,
puisque constituant une dette inscrite au passif. Cette dette viendra d’autant réduire
l’assiette des droits de succession ; d’où l’intérêt de l’opération.

==> Valorisation
Quid de la valorisation de l’usufruit et de la nue-propriété ?

Comme dans le cas de la conversion de l’usufruit total du conjoint survivant en rente


viagère, les modalités de calcul de la valorisation respective des droits démembrés ne
sont pas précisées par l’article 621.

Cette imprécision renvoie alors à la totale liberté des parties, dont le contentieux
éventuel devra être tranché par le juge.

À cet égard, la jurisprudence a déjà eu à se prononcer sur le mode de calcul de la


valeur de l’usufruit, en acceptant de ne pas l’asseoir nécessairement sur le barème
de l’article 762 du Code général des impôts, dont l’application ne s’impose qu’en
matière fiscale,

BARÈME DE L’USUFRUIT EN PROPORTION DE LA VALEUR EN PLEINE


PROPRIÉTÉ
[table id=352 /]

Dans un arrêt du 25 février 1997, la Cour de cassation a ainsi jugé que « la répartition
du prix entre les venderesses, usufruitière et nue-propriétaire des actions, devait être
proportionnelle à la valeur comparative de l’usufruit et de la nue-propriété et en
retenant souverainement que l’évaluation de l’usufruit devait se faire en tenant
compte de l’âge de l’usufruitière et du revenu net qu’elle pouvait espérer obtenir des
actions vendues » (Cass. 3e  civ. 25 févr. 1997).
Une autre solution consiste à s’appuyer sur le dispositif fiscal, au moins par défaut.

Toutefois, cette méthode présente le double inconvénient d’être moins respectueuse de


la liberté des parties, et de s’éloigner de la valeur économique réelle.

En pratique, il existe globalement assez peu de contentieux, et donc de jurisprudence,


en matière de répartition du prix entre usufruitier et nu-propriétaire. Cette situation
traduit le caractère souvent consensuel des ventes de biens dont la propriété est
démembrée.

Les parties se mettent en effet d’accord sur la valeur respective des droits, soit en se
basant sur la valeur fiscale prévue par le code général des impôts, soit au regard des
tables actuarielles dites « de Xénard » – du nom du notaire qui les a élaborées –
permettant de déterminer la valeur économique de l’usufruit et auxquelles les
praticiens se réfèrent souvent.

Une nouvelle évaluation de l’usufruit contraindrait à une élaboration mathématique


nécessairement complexe, susceptible d’entraîner débats et contestations au plan
réglementaire.
Il a donc logiquement semblé préférable de laisser aux parties, en cas de contestation
devant le juge, le soin de faire fixer la valeur des droits d’usufruit et de nue-propriété
par voie d’expert[5].
En tout état de cause, l’appréciation de cette valeur respective variera naturellement
selon qu’il s’agit d’un usufruit à durée limitée, ou viager.

S’agissant d’un usufruit à durée limitée, la valeur fiscale de l’usufruit est fixée par le
même article 669 du CGI à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque
période de 10 ans, dans la limite de la valeur de l’usufruit viager.

Les causes d’extinction de


l’usufruit
8 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

Parce que l’usufruit est un droit qui, à la différence de la nue-propriété, est un droit
réel qui présente un caractère temporaire, il a vocation à s’éteindre.

La raison en est que la loi n’est pas favorable au maintien d’une dissociation entre le
pouvoir de disposer de la chose et le pouvoir de l’exploiter.

Aussi, l’objectif recherché est de permettre au nu-propriétaire de récupérer, à terme,


les utilités de la chose, faute de quoi son droit de propriété serait vidé de sa substance
et la circulation économique du bien paralysé.

Les causes d’extinction de l’usufruit sont énoncées aux articles 617 et 618 du Code


civil.

A) Le décès
==> Principe

L’article 617, al. 1 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la mort de l’usufruitier ».
Le principe, c’est donc que l’usufruit est viager, ce qui implique qu’il prend fin au
décès de l’usufruitier.
À cet égard, l’usufruit est attaché à la personne. Il en résulte qu’il n’est pas
transmissible à cause de mort.

==> Tempéraments
Bien que l’interdiction qui est faite à l’usufruitier de transmettre son droit après sa
mort soit une règle d’ordre public, elle comporte deux tempéraments

 Premier tempérament : l’usufruit simultané


 L’usufruit peut être constitué à la faveur de plusieurs personnes
simultanément, ce qui revient à créer une indivision en usufruit.
 Cette constitution d’usufruit est subordonnée à l’existence de tous les
bénéficiaires au jour de l’établissement de l’acte.
 Dans cette hypothèse, l’usufruit s’éteint progressivement à mesure que
les usufruitiers décèdent, tandis que le nu-propriétaire recouvre
corrélativement la pleine propriété de son bien sur les quotes-parts ainsi
libérées
 Afin d’éviter que l’assiette de l’usufruit ne se réduise au gré des décès
qui frappent les usufruitiers, il est possible de stipuler une clause dite de
réversibilité.
 Dans cette hypothèse, la quote-part de celui des usufruitiers qui est
prédécédé accroît celle des autres, qui en bénéficient pour la totalité,
jusqu’au décès du dernier d’entre eux.
 Le dernier survivant a ainsi vocation à exercer un monopole sur l’usufruit
du bien.
 Second tempérament : l’usufruit successif
 L’usufruit peut également être constitué sur plusieurs têtes, non pas
simultanément, mais successivement.
 Il s’agira autrement dit de stipuler une clause de réversibilité aux termes
de laquelle au décès de l’usufruitier de « premier rang », une autre personne
deviendra usufruitière en second rang.
 Dans cette hypothèse, les usufruitiers n’exerceront pas de pouvoirs
concurrents sur la chose : ils se succéderont, le décès de l’un, ouvrant le
droit d’usufruit de l’autre.
 Chacun jouira ainsi, tout à tour, de l’intégralité de l’usufruit constitué.
 Selon M. Grimaldi nous ne sommes pas en présence « d’un unique
usufruit qui passerait mortis causa d’un gratifié à l’autre» mais
d’« usufruits successifs, distincts qui s’ouvriront tour à tour, chacun à
l’extinction du précédent par la mort de son titulaire ».
 La Cour de cassation a précisé que la clause de réversibilité de l’usufruit
« s’analysait en une donation à terme de bien présent, le droit d’usufruit du
bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l’acte» (  1ère  civ.
21 oct. 1997, n°95-19759).
 Il en résulte que seul l’exercice du droit d’usufruit est différé, non sa
constitution, ce qui évite de tomber sous le coup de la prohibition des pactes
sur succession future.
B) Le terme
L’article 617, al. 3 dispose que « l’usufruit s’éteint […] par l’expiration du temps
pour lequel il a été accordé »
À l’analyse, il est deux situations où l’usufruit n’est pas viager : lorsque, d’une part, il
est assorti d’un terme stipulé par le constituant et lorsque, d’autre part, il est constitué
à la faveur d’une personne morale

==> L’usufruit est assorti d’un terme stipulé par le constituant

Il est admis que le constituant assortisse l’usufruit d’un terme déterminé. Dans cette
hypothèse, l’usufruit s’éteindra :

 Soit à l’expiration du terme fixé par l’acte constitutif


 Soit au décès de l’usufruitier qui peut potentiellement intervenir avant le terme
fixé
La seule limite à la liberté des parties quant à la fixation du terme de l’usufruit, c’est
l’impossibilité de transmettre l’usufruit à cause de mort.

==> L’usufruit est constitué au profit d’une personne morale

Dans l’hypothèse où l’usufruitier est une personne morale, il est susceptible d’être
perpétuel. En effet, une personne morale vit aussi longtemps que ses associés réalisent
son objet social. Or ces derniers sont susceptibles de se succéder éternellement, par le
jeu, soit des transmissions à cause de mort, soit des cessions de droits sociaux.

Aussi, afin que la règle impérative qui assortit l’usufruit d’un caractère temporaire
s’applique également aux personnes morales, l’article 619 du Code civil que
« l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. »
Cette règle est d’ordre public, de sorte que la durée ainsi posée ne saurait être
allongée. Dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation n’a pas manqué de le
rappeler, en jugeant que « l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder
trente ans » (Cass. 7 mars 2007, n°06-12568).
C) La consolidation
==> Principe général
L’article 617, al 4 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la consolidation ou la
réunion sur la même tête, des deux qualités d’usufruitier et de propriétaire »
Cette cause d’extinction de l’usufruit correspond à l’hypothèse d’acquisition :

 Soit de la nue-propriété par l’usufruitier


 Soit de l’usufruit par le nu-propriétaire
 Soit de l’usufruit et de la nue-propriété par un tiers
Lorsque cette acquisition procède de l’accomplissement d’un acte juridique, la
consolidation est subordonnée à la validité de cet acte. En cas d’irrégularité, le
démembrement produira à nouveau tous ses effets.

L’acte opérant cette consolidation peut consister en une cession, une donation, un legs,
un échange et plus généralement en toute opération translative de propriété.

==> Cas particulier de la vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété

L’article 621 du Code civil dispose que « en cas de vente simultanée de l’usufruit et
de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété
selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour
reporter l’usufruit sur le prix. »
Cette disposition est directement issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant
réforme des successions et des libéralités qui a tenté de régler une difficulté à laquelle
étaient confrontés les praticiens du droit.

En effet, dans le cas de la cession d’un bien démembré, la question se pose


fréquemment de savoir comment répartir le prix de cession entre l’usufruitier et le nu-
propriétaire.

Cette question ne concerne pas spécifiquement les partages successoraux, mais vise à
préciser de manière générale le règlement de la vente globale d’un bien démembré,
quel qu’en soit le contexte ou la raison.

La jurisprudence s’est abondamment prononcée en faveur de la répartition du prix de


vente au prorata entre l’usufruit et la nue-propriété, considérant que tant l’usufruitier
que le nu-propriétaire avaient droit à une portion du prix total correspondant à la
valeur comparative de l’usufruit avec la nue-propriété (V. en ce sens Cass. 1ère  civ., 20
oct. 1987 ; Cass. 2e  civ. 18 oct. 1989).
Il a, par suite, été jugé que les intérêts dus sur le prix de vente devaient également être
partagés dans les mêmes proportions, sans que l’usufruitier puisse prétendre à leur
totalité (Cass. 3e  civ., 3 juillet 1991).
Mais, inversement, certains auteurs de la doctrine ont pu estimer qu’il convenait de
reporter le démembrement de propriété sur le prix[4]. Cette thèse était toutefois
minoritaire.
À l’examen, l’article 621, al. 1er du Code civil est venu consacrer la jurisprudence
l’objectif recherché étant d’atteindre l’équité
Ainsi, cette disposition prévoit-elle que le prix de cession est réparti entre l’usufruitier
et le nu-propriétaire – ou, ainsi que le dit le texte, entre l’usufruit et la nue-propriété –
selon la valeur « respective » de chacun de ces droits.

Les parties conservent néanmoins la faculté de décider que l’usufruit se reportera sur
le prix, ce qui revient à constituer un quasi-usufruit à la faveur de l’usufruitier, lequel
pourra alors librement disposer de l’intégralité du prix de cession.

La contrepartie pour le nu-propriétaire résidera dans la restitution, à l’extinction de


l’usufruit, du prix de cession lequel viendra s’imputer sur la masse successorale,
puisque constituant une dette inscrite au passif. Cette dette viendra d’autant réduire
l’assiette des droits de succession ; d’où l’intérêt de l’opération.

Quid de la valorisation de l’usufruit et de la nue-propriété ?

Comme dans le cas de la conversion de l’usufruit total du conjoint survivant en rente


viagère, les modalités de calcul de la valorisation respective des droits démembrés ne
sont pas précisées par l’article 621.

Cette imprécision renvoie alors à la totale liberté des parties, dont le contentieux
éventuel devra être tranché par le juge.

À cet égard, la jurisprudence a déjà eu à se prononcer sur le mode de calcul de la


valeur de l’usufruit, en acceptant de ne pas l’asseoir nécessairement sur le barème
de l’article 762 du Code général des impôts, dont l’application ne s’impose qu’en
matière fiscale,

BARÈME DE L’USUFRUIT EN PROPORTION DE LA VALEUR EN PLEINE


PROPRIÉTÉ
[table id=352 /]

Dans un arrêt du 25 février 1997, la Cour de cassation a ainsi jugé que « la répartition
du prix entre les venderesses, usufruitière et nue-propriétaire des actions, devait être
proportionnelle à la valeur comparative de l’usufruit et de la nue-propriété et en
retenant souverainement que l’évaluation de l’usufruit devait se faire en tenant
compte de l’âge de l’usufruitière et du revenu net qu’elle pouvait espérer obtenir des
actions vendues » (Cass. 3e  civ. 25 févr. 1997).
Une autre solution consiste à s’appuyer sur le dispositif fiscal, au moins par défaut.

Toutefois, cette méthode présente le double inconvénient d’être moins respectueuse de


la liberté des parties, et de s’éloigner de la valeur économique réelle.

En pratique, il existe globalement assez peu de contentieux, et donc de jurisprudence,


en matière de répartition du prix entre usufruitier et nu-propriétaire. Cette situation
traduit le caractère souvent consensuel des ventes de biens dont la propriété est
démembrée.

Les parties se mettent en effet d’accord sur la valeur respective des droits, soit en se
basant sur la valeur fiscale prévue par le code général des impôts, soit au regard des
tables actuarielles dites « de Xénard » – du nom du notaire qui les a élaborées –
permettant de déterminer la valeur économique de l’usufruit et auxquelles les
praticiens se réfèrent souvent.

Une nouvelle évaluation de l’usufruit contraindrait à une élaboration mathématique


nécessairement complexe, susceptible d’entraîner débats et contestations au plan
réglementaire.

Il a donc logiquement semblé préférable de laisser aux parties, en cas de contestation


devant le juge, le soin de faire fixer la valeur des droits d’usufruit et de nue-propriété
par voie d’expert[5].
En tout état de cause, l’appréciation de cette valeur respective variera naturellement
selon qu’il s’agit d’un usufruit à durée limitée, ou viager.

S’agissant d’un usufruit à durée limitée, la valeur fiscale de l’usufruit est fixée par le
même article 669 du CGI à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque
période de 10 ans, dans la limite de la valeur de l’usufruit viager.
D) La renonciation
Proche du mécanisme de la consolidation, la renonciation de l’usufruitier à son droit
est une cause d’extinction de l’usufruit. Elle peut prendre plusieurs formes.

En effet, la renonciation peut être :

 Conventionnelle ou unilatérale
 Onéreuse ou libérale
En tout état de cause, il est admis que la renonciation emporte mutation d’un droit réel.
La raison en est que la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ne donne ouverture à
aucun impôt ou taxe que lorsque cette réunion a lieu par l’expiration du temps fixé
pour l’usufruit ou par le décès de l’usufruitier (art. 1133 CGI).
Aussi, lorsque la réunion a lieu avant l’expiration du terme convenu pour la durée de
l’usufruit ou avant l’expiration normale de celui-ci par le décès de l’usufruitier, par
l’effet d’une renonciation de l’usufruitier ou d’une convention quelconque, l’impôt de
mutation est dû sur la convention intervenue.

En outre, lorsque l’usufruit porte sur un immeuble, obligation est faite au renonçant
d’accomplir toutes les formalités de publicité foncière en application de l’article 28 du
décret du 4 janvier 1955, faute de quoi l’acte de renonciation sera inopposable aux
tiers.

Enfin, l’article 622 du Code civil prévoit que « les créanciers de l’usufruitier peuvent
faire annuler la renonciation qu’il aurait faite à leur préjudice. ».
Autrement dit, si l’usufruitier agit en fraude de leurs droits, ils pourront demander la
réintégration de l’usufruit dans son patrimoine pour mieux pouvoir l’appréhender en
cas de mise en œuvre de procédures d’exécution forcée.

E) Le non-usage
L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par le non-usage
du droit pendant trente ans ».
Il ressort de cette disposition que, à la différence du droit de propriété qui est
imprescriptible, le droit d’usufruit succombe sous l’effet de la prescription extinctive
dont le délai est fixé à trente ans. Ce délai court à compter du dernier acte accompli
par l’usufruitier.

Il est indifférent que l’usufruit s’exerce sur un meuble ou un immeuble : la


prescription extinctive produit ses effets dès lors qu’est constaté le non-usage de la
chose.
A contrario, cela signifie que dès lors que l’usufruitier exerce son droit d’user et de
jouir de la chose, même très rarement, le jeu de la prescription extinctive est
neutralisé.
Plus précisément, cela suffit à l’interrompre et donc à effacer le délai de prescription
acquis et faire courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.

À cet égard, il importe peu que l’acte interruptif soit accompli par l’usufruitier lui-
même ou qu’il soit accompli par un tiers en son nom (locataire, mandataire, etc.)

F) L’usucapion
Bien que prévu par aucun texte, il est admis que l’usufruit puisse être acquis par le jeu
de la prescription acquisitive attachée à la possession, ce qui a pour conséquence de
faire perdre à l’usufruitier initial son droit de jouissance sur la chose.

L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir
un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé
d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise
foi. »
La prescription acquisitive aura vocation à jouer lorsque celui qui tire profit de la
jouissance de la chose se comportera comme le véritable usufruitier.

Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès
d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura
ainsi été institué usufruitier a non domino.
S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien
objet de la possession.

 S’il s’agit d’un immeuble, la prescription pourra être de 10 ans en cas de bonne
foi du possesseur et de justification d’un juste titre. À défaut, la durée de la
prescription acquisitive est portée à trente ans.
 S’il s’agit d’un meuble, l’effet acquisitif de la possession est immédiat, sauf à
ce que le possesseur soit de mauvaise foi auquel cas la durée de la prescription
sera de trente ans.
G) La perte de la chose
==> Principe

L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la perte
totale de la chose sur laquelle l’usufruit est établi. »
La perte de la chose a donc pour conséquence de mettre fin à l’usufruit, car le privant
d’objet.

Cette perte peut consister :

 Soit en une disparition de la chose lorsqu’elle est corporelle


 Soit en la perte d’un droit lorsque la chose est incorporelle
À cet égard, les auteurs assimilent à la perte de la chose, le cas où elle ferait l’objet
d’une modification qui l’altérerait dans ses caractères essentiels et qui la rendrait
impropre à l’usage auquel elle était destinée (V. en ce sens Aubry et Rau).

En outre, l’article 624 du Code civil envisage le cas particulier de l’usufruit portant sur
un immeuble.

Cette disposition distingue, selon qu’est ou non inclus dans son assiette le sol.

 L’usufruit porte sur le sol et le bâtiment


 Dans cette hypothèse, en cas de destruction du bâtiment, l’usufruit pourra
continuer à jouir du sol et des matériaux
 L’usufruit porte sur le seul bâtiment
 Dans cette hypothèse, en cas de destruction du bâtiment soit par incendie
ou par un autre accident, ou qu’il s’écroule de vétusté, l’usufruitier n’aura le
droit de jouir ni du sol ni des matériaux.
Enfin, le texte précise que seule la perte totale de la chose a pour effet d’éteindre
l’usufruit. Lorsque, par conséquent, cette perte n’est que partielle, les droits de
l’usufruitier subsistent, l’assiette de l’usufruit s’en trouvant seulement réduite.

L’article 623 du Code civil prévoit en ce sens que « si une partie seulement de la
chose soumise à l’usufruit est détruite, l’usufruit se conserve sur ce qui reste. »
==> Exception

Par exception, il est admis que lorsque la perte de la chose donne lieu au paiement
d’une indemnité, l’usufruit se reporte sur cette indemnité par le jeu d’une subrogation
réelle.

Pour rappel, cette forme de subrogation réalise la substitution, dans un patrimoine,


d’une chose par une autre.
Il en va ainsi lorsqu’un bien mobilier ou immobilier dont est propriétaire une personne
est remplacé par une somme d’argent correspondant à la valeur du bien remplacé.

La subrogation réelle est susceptible d’intervenir dans trois situations distinctes :

 La perte de la chose donne lieu à l’octroi d’une indemnité d’assurance


 La perte de la chose a pour cause une expropriation pour cause d’utilité
publique dont la contrepartie est le paiement d’une juste et préalable indemnité.
 L’article L. 13-7 du Code de l’expropriation prévoit en ce sens que
« dans le cas d’usufruit, une seule indemnité est fixée, le nu-propriétaire et
l’usufruitier exercent leurs droits sur le montant de l’indemnité au lieu de
les exercer sur la chose. »
 La perte de la chose donne lieu au paiement de dommages et intérêts
H) La déchéance pour abus de jouissance
L’article 618 du Code civil dispose que « l’usufruit peut aussi cesser par l’abus que
l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds,
soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut être déchu de son droit lorsqu’il
commet un abus de jouissance.

Par abus de jouissance, il faut entendre une faute dont la gravité est de nature à altérer
la substance du bien grevé par l’usufruit ou à en menacer la restitution.

Aussi, doit-il s’agit d’une faute commise, soit par l’usufruitier, soit par la personne
dont il répond.

Au nombre des fautes constitutives d’un abus de jouissance, l’article 618 vise


expressément :

 Les dégradations sur le fonds


 Le dépérissement du fonds par manque d’entretien
Dans un arrêt du 12 mars 1970, la Cour de cassation a de la sorte validé la décision
d’une Cour d’appel qui avait jugé que « Dame veuve X était responsable de la ruine
des immeubles soumis à son usufruit « même si x… Michel avait la charge de faire
procéder en même temps qu’elle a des travaux confortatifs « , a constaté qu’un défaut
d’entretien, remontant à dix-neuf années et imputable à l’usufruitière, avait entraîné
la détérioration du gros œuvre des immeubles » (Cass. 3e  civ. 12 mars 1970).
De son côté, la jurisprudence a admis qu’une le changement de destination du bien
soumis à l’usufruit était susceptible de constituer un abus de jouissance.
Bien que le Code civil soit silencieux sur ce point, il est, en effet, fait obligation à
l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la destination prévue dans l’acte de
constitution de l’usufruit.

Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du
propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.

C’est ainsi que dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e  civ. 4 juin 1975, n°74-10777).618
 

Le régime juridique de l’usufruit


6 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

==> Notion

L’usufruit est défini à l’article 578 du Code civil comme « le droit de jouir des choses
dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en
conserver la substance. »
L’usufruitier dispose ainsi d’un droit réel d’usage et de jouissance sur la chose
d’autrui, par le jeu d’un démembrement de la propriété.

Ce démembrement s’opère comme suit :

 L’usufruitier recueille temporairement dans son patrimoine l’usus et


le fructus qui, à sa mort, en vocation à être restitués au nu-propriétaire sans
pouvoir être transmis aux héritiers
 Le nu-propriétaire conserve, pendant toute la durée de l’usufruit, l’abusus qui,
à la mort de l’usufruitier, se verra restituer l’usus et le fructus, recouvrant alors
la pleine propriété de son bien
L’usufruit est, de toute évidence, le droit de jouissance le plus complet, en ce sens
qu’il confère à l’usufruitier le droit de jouir des choses « comme le propriétaire lui-
même ».
Cela implique donc que l’usufruitier peut, non seulement tirer profit de l’utilisation de
la chose, mais encore en percevoir les fruits, notamment en exploitant le bien à titre
commercial.
C’est là une différence majeure entre l’usufruitier et le titulaire d’un droit d’usage et
d’habitation, ce dernier ne disposant pas du pouvoir de louer le bien. Il est seulement
autorisé à en faire usage pour ses besoins personnels et ceux de sa famille.

Seule limite pour l’usufruitier quant à la jouissance du bien : pèse sur lui une
obligation de conservation de la chose. Il ne dispose donc pas du pouvoir de la détruire
ou de la céder.

==> Nature

L’usufruit confère à l’usufruitier un droit réel sur la chose, de sorte qu’il exerce sur
elle un droit direct et immédiat.

La qualification de droit réel de l’usufruit est parfois contestée par certains auteurs.
D’aucuns avancent, en effet, que si la nature de droit réel se conçoit parfaitement
lorsqu’il porte sur une chose corporelle, il n’en va pas de même lorsqu’il a pour objet
une chose incorporelle. Il y a, selon eux, une incompatibilité entre l’intangibilité de la
chose et l’exercice d’un pouvoir direct et immédiat sur elle.

Cette thèse est, toutefois, selon nous inopérante, dans la mesure où l’incorporalité
d’une chose ne fait nullement obstacle à ce que son propriétaire exerce sur elle une
emprise qui, certes, ne sera pas physique, mais qui consistera à contrôler son
utilisation.

Aussi, partageons-nous l’idée que le droit exercé par l’usufruitier sur la chose,
présente un caractère réel.

À cet égard, la nature de ce droit dont est investi l’usufruitier permet de le distinguer
du locataire qui est titulaire, non pas d’un droit réel, mais d’un droit personnel qu’il
exerce contre son bailleur.

Pour mémoire, le droit personnel consiste en la prérogative qui échoit à une personne,
le créancier, d’exiger d’une autre, le débiteur, l’exécution d’une prestation.

Il en résulte que le droit pour le preneur de jouir de la chose procède, non pas du
pouvoir reconnu par la loi à l’usufruitier en application de l’article 578 du Code civil,
mais de la conclusion du contrat de bail qui oblige le bailleur, conformément à l’article
1719 du Code civil, à délivrer au preneur la chose louée et lui assurer une jouissance
paisible.
Le preneur est donc investi d’un droit qu’il exerce non pas directement sur le bien
loué, mais contre le bailleur sur lequel pèse un certain nombre d’obligations en
contrepartie du paiement d’un loyer.

À l’examen, la situation dans laquelle se trouvent l’usufruitier et le nu-propriétaire est


radicalement différente.

Il n’existe entre l’usufruitier et le nu-propriétaire aucun lien contractuel, de sorte que,


ni l’usufruitier, ni le nu-propriétaire n’ont d’obligations positives l’un envers l’autre.

La seule obligation qui pèse sur l’usufruitier est de conserver la substance de la chose,
tandis que le nu-propriétaire doit s’abstenir de la détruire.

Aussi, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont tous deux titulaires de droits réels qui sont
indépendants l’un de l’autre.

François Terré et Philippe Simler ont écrit en ce sens que « le Code civil a conçu
l’usufruit et la nue-propriété comme deux droits réels, coexistant sur la chose et
juxtaposés, mais séparés : il n’y a pas communauté, mais bien séparation d’intérêts
entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ».
Il n’y a donc, entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.

Les seules limites à l’exercice indépendant de ces droits réels dont ils sont titulaires
sont celles posées par la loi, laquelle met à la charge de l’usufruitier plusieurs
obligations propter rem (art. 600 à 615 C. civ.)
==> Caractère temporaire

L’usufruit présente cette particularité d’être temporaire. C’est la raison pour laquelle
un droit réel qui procéderait de la conclusion d’un contrat et qui ne serait assorti
d’aucun terme extinctif ne pourrait pas être qualifié d’usufruit.

Aussi, en l’absence de stipulation particulière, l’usufruit est viager, soit s’éteint à


cause de mort. Lorsqu’il est dévolu à une personne morale, sa durée est portée à 30
ans.

L’usufruit, a donc, en toute hypothèse, vocation à revenir au nu-propriétaire qui


recouvra la pleine propriété de son bien.
À cet égard, c’est là le seul intérêt de la nue-propriété, le nu-propriétaire étant privé,
pendant toute la durée de l’usufruitier de toutes les utilités de la chose
(usus et fructus).
§1 : Le domaine de l’usufruit
A) L’objet de l’usufruit
L’usufruit peut tout autant porter sur un bien pris individuellement, que sur un
ensemble de biens.

1. L’usufruit porte sur un bien


L’article 581 du Code civil prévoit que l’usufruit « peut être établi sur toute espèce de
biens meubles ou immeubles. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruit peut porter sur n’importe quel type de bien.
Il est néanmoins soumis à des règles particulières lorsqu’il a pour objet une chose
consomptible, d’où la nécessité d’envisager cette catégorie de choses séparément.

a) Les choses non-consomptibles


i) Les choses corporelles
Pour mémoire, les choses corporelles sont tout ce qui peut être appréhendé par les sens
et qui est extérieur à la personne.

Elles ont, autrement dit, une réalité matérielle, en ce qu’elles peuvent être touchées
physiquement. Tel est le cas d’une maison, d’un arbre, d’une pièce de monnaie, d’une
table, un terrain, etc..

Les choses corporelles sont le terrain d’élection privilégié de l’usufruit, en ce que sa


nature de droit réel trouve pleinement vocation à s’exprimer, en ce sens que
l’usufruitier pourra exercer un pouvoir direct et immédiat sur la chose.

À cet égard, ainsi que l’écrivait Proudhon « considéré dans l’objet auquel il
s’applique, l’usufruit emprunte le corps de la chose même qui doit être livrée à
l’usufruitier pour qu’il en jouisse : la loi le place au rang des meubles ou immeubles,
suivant qu’il est établi sur des choses mobilières ou immobilières ».
L’usufruit peut, de la sorte, consister tantôt en un droit réel mobilier, tantôt en un droit
réel immobilier.

ii) Les choses incorporelles


Les choses incorporelles se distinguent des choses corporelles en ce qu’elles n’ont pas
de réalité physique. Elles sont tout ce qui ne peut pas être saisi par les sens et qui est
extérieur à la personne.
Parce qu’elles sont dépourvues de toute substance matérielle et qu’elles n’existent
qu’à travers l’esprit humain, les choses incorporelles ne peuvent pas être touchées.

Il résulte qu’elles ne peuvent jamais être le fruit de la nature : elles sont toujours
artificielles, soit le produit d’une activité humaine.

L’intangibilité des choses incorporelles ne fait pas obstacle à ce qu’elle fasse l’objet
d’un usufruit.

Il est notamment admis que l’usufruit puisse porter sur :

 Des créations intellectuelles


 L’usufruit peut avoir pour objet une œuvre de l’esprit, un brevet
d’invention ou encore une marque
 Dans cette hypothèse, l’usufruitier pourra tirer profit de l’exploitation
commerciale des créations intellectuelles par l’exercice des droits
patrimoniaux attachés à ces créations (reproduction, représentation,
concession etc..)
 Un usufruit
 Rien n’interdit d’envisager la constitution d’un usufruit d’usufruit
 Cette situation correspond à l’hypothèse où un droit d’usage et
d’habitation serait établi sur un usufruit
 Une créance
 L’usufruit peut porter sur une créance ce qui emportera pour
conséquence d’obliger le débiteur à régler entre les mains, non pas du
créancier, mais de l’usufruitier (V. en ce sens com., 12 juill. 1993, n° 91-
15667).
 Encore faut-il que le débiteur ait été prévenu de la constitution d’un
usufruit, ce qui soulève la problématique de son opposabilité.
 Pour être opposable au débiteur, cette constitution d’usufruit doit-elle lui
être notifiée selon les formes prescrites par les règles qui régissent la cession
de créance ?
 L’article 1324 du Code civil prévoit notamment que « la cession n’est
opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée
ou s’il en a pris acte».
 Si la doctrine est partagée sur l’accomplissement de cette formalité, on ne
voit pas comment l’usufruitier pourrait y échapper, ne serait-ce que s’il veut
se prémunir d’un paiement entre les mains du créancier.
 Une rente
 L’article 588 du Code civil envisage la possibilité de constituer un
usufruit sur une rente viagère.
 Cette disposition prévoit en ce sens que « l’usufruit d’une rente viagère
donne aussi à l’usufruitier, pendant la durée de son usufruit, le droit d’en
percevoir les arrérages, sans être tenu à aucune restitution.»
 Par arrérages, il faut entendre le montant échu de la rente qui est versée
périodiquement
 Des droits sociaux
 Il est admis que l’usufruit puisse porter sur des droits sociaux, peu
importe qu’il s’agisse d’actions ou de parts sociales.
 L’article 1844 du Code civil envisage cette situation en prévoyant que
« si une part est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient au nu-
propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices,
où il est réservé à l’usufruitier».
 Il ressort de cette disposition que, le nu-propriétaire, conserve le droit de
vote dont il demeure titulaire, à tout le moins pour les décisions les plus
graves qui intéressent la société (modification des statuts), tandis que
l’usufruitier est appelé à percevoir les dividendes.
 Ce dernier est également investi du pouvoir de se prononcer sur les
décisions relatives à l’affectation des bénéfices (distribution ou mise en
réserve).
 Cette prérogative de l’usufruitier a été réaffirmée avec force par la Cour
de cassation dans un arrêt du 31 mars 2004.
 Dans cette décision, la chambre commerciale a validé l’annulation d’une
clause statutaire qui privait l’usufruitier de voter les décisions concernant les
bénéfices et subordonnait à la seule volonté des nus-propriétaires le droit
d’user de la chose grevée d’usufruit et d’en percevoir les fruits, alors que
l’article 578 du Code civil attache à l’usufruit ces prérogatives essentielles
(  com. 31 mars 2004, n°03-16694).
 Cette jurisprudence n’est pas sans avoir agité la doctrine, en particulier
sur la question de savoir, qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier, endosse
la qualité d’associé.
 La réponse à cette question a de véritables incidences pratiques, car elle
permet de déterminer si l’usufruitier peut exercer l’action sociale ut singuli
ou s’il peut encore formuler une demande de désignation de l’expert en
gestion.
 A cet égard, dans un arrêt du 22 février 2005, la Cour de cassation a
précisé que « les statuts peuvent déroger à la règle selon laquelle si une
part est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire,
à condition qu’il ne soit pas dérogé au droit du nu-propriétaire de
participer aux décisions collectives» (  com. 22 févr. 2005, n°03-17421).
 Il ressort de cette disposition que les statuts sont susceptibles de prévoir
que l’usufruitier est investi du droit de vote pour toutes les décisions auquel
cas il se rapproche du statut d’associé.
 Des auteurs ont néanmoins interprété un arrêt rendu par la Cour de
cassation en date du 29 novembre 2006 comme déniant à l’usufruitier la
qualité d’associé (  3e  civ. 29 nov. 2006, n°05-17009).
 Dans un autre arrêt, cette fois-ci rendu par la chambre commerciale le 2
décembre 2008, les statuts d’une société civile avaient attribué l’intégralité
du droit de vote à l’usufruitier.
 Ce dernier avait alors approuvé, en assemblée générale extraordinaire, le
projet de fusion absorption de la société dont il détenait une partie des titres.
 L’un des nus-propriétaires, opposé à cette fusion, a assigné l’usufruitier
en nullité de la délibération sociale ayant conduit à la fusion, en excipant
l’illicéité de la clause statutaire qui réservait au seul usufruitier l’intégralité
des droits de vote.
 Par un arrêt du 19 février 2008 la Cour d’appel de Caen a fait droit aux
demandes du nu-propriétaire quant à déclarer illicite la clause statutaire
octroyant l’intégralité des droits de vote à l’usufruitier et annuler la
délibération litigieuse.
 La chambre commerciale de la Cour de cassation a néanmoins censuré
cette décision au motif que « les statuts peuvent déroger à la règle selon
laquelle, si une part est grevée d’usufruit, le droit de vote appartient au nu-
propriétaire, dès lors qu’ils ne dérogent pas au droit du nu-propriétaire de
participer aux décisions collectives» (  com. 2 déc. 2008, n°08-13185).
 Quel enseignement tiré de cette décision ?
 En premier lieu, il est possible de priver le nu-propriétaire de son droit de
vote à la condition qu’il puisse participer à la prise de décision ce qui
concrètement implique qu’il puisse assister à la délibération et exprimer son
avis.
 En second lieu, l’usufruitier semble être mis sur un même pied d’égalité
que les autres associés puisque, alors même qu’il s’agit d’une décision qui
intéresse la fusion absorption de la société, c’est à lui que revient le droit de
voter et non au nu-propriétaire.
 Enfin, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir
expliqué « en quoi l’usufruitier aurait fait du droit de vote que lui
attribuaient les statuts un usage contraire à l’intérêt de la société, dans le
seul dessein de favoriser ses intérêts personnels au détriment de ceux des
autres associés»
 Elle affirme donc, en creux, qu’il appartient à l’usufruitier d’agir dans
l’intérêt de la société.
 Or n’est-ce pas là l’objectif assigné à tout associé ?
 D’aucuns considèrent que cet arrêt reconnaît à l’usufruitier la qualité
d’associé et opère ainsi un revirement de jurisprudence si l’on se réfère à la
décision du 29 novembre 2006.
 La décision rendue n’est toutefois pas sans comporter des zones d’ombre,
raison pour laquelle il convient de rester prudent sur le sens à lui donner.
 Aussi, la question de l’octroi à l’usufruitier de la qualité d’associé
demeure grande ouverte.
 Elle n’a encore jamais été clairement tranchée par la Cour de cassation.
b) Les choses consomptibles
Les choses consomptibles sont celles qui se consomment par le premier usage, en ce
sens qu’elles disparaissent à mesure de l’utilisation que l’on en fait.

Exemple : l’argent, des aliments, une cartouche d’encre etc.

À l’évidence, lorsque l’usufruit porte sur une chose consomptible, cette situation
soulève une difficulté qui tient à la fonction même de l’usufruit.

Il est, en effet, de principe que l’usufruit ne confère à l’usufruitier qu’un droit d’usage
sur la chose, de sorte qu’il ne peut pas en disposer.

Si l’in appliquait cette règle strictement aux choses consomptibles, cela reviendrait à
priver l’usufruitier d’en jouir et donc de vider le droit réel dont il est titulaire de sa
substance.

C’est la raison pour laquelle, par exception, l’usufruitier est autorisé à disposer de la
chose, telle le véritable propriétaire (on parle alors de quasi-usufruit).

L’article 587 du Code civil prévoit en ce sens que « si l’usufruit comprend des choses
dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les
liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de
l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la
date de la restitution ».
En contrepartie du droit de jouir d’une chose consomptible, l’usufruitier a donc
l’obligation de restituer, à l’expiration de l’usufruit, soit une chose de même qualité et
de même quotité, soit son équivalent en argent.
La conséquence en est que le nu-propriétaire qui, de fait, perd l’abusus n’exerce plus
aucun droit réel sur la chose. Il est un simple créancier de l’usufruitier.
2. L’usufruit porte sur un ensemble de biens
Tout autant que l’usufruit peut porter sur un bien, pris individuellement, il peut porter
sur un ensemble de biens constitutif d’une universalité. Il est indifférent que cette
universalité soit de fait ou de droit.

 L’usufruit d’une universalité de fait


 Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur un ensemble de biens unis par
une même finalité économique.
 Tel est le cas notamment du fonds de commerce qui regroupe l’ensemble
des biens nécessaires à l’exploitation d’une activité commerciale
déterminée.
 Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est
investi l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais
l’ensemble constitué par ces biens, soit le tout.
 Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver
l’universalité, prise dans sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la
détruire.
 Il ne s’agit donc pas d’un quasi-usufruit, mais bien d’un usufruit
ordinaire.
 Appliqué au fonds de commerce, cela signifie que, à l’expiration de
l’usufruit, l’usufruitier devra restituer un fonds de commerce de valeur
équivalente.
 Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer
de chacun des éléments qui composent le fonds de commerce (machines,
outils, marchandises, matières premières etc.)
 L’usufruitier est ainsi autorisé à accomplir tous les actes de nécessaires à
l’exploitation de l’activité commerciale (achat et vente de marchandises
etc.)
 À cet égard, c’est lui qui percevra les bénéfices tirés de l’exploitation du
fonds, tout autant que c’est lui qui endossera la qualité de commerçant et
qui, à ce titre, sera soumis à l’obligation d’immatriculation.
 L’usufruit d’une universalité de droit
 Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur une masse de biens qui, de
nature et d’origine diverses, et matériellement séparés, ne sont réunis par la
pensée qu’en considération du fait qu’ils appartiennent à une même
personne
 Autrement dit, l’usufruit a ici pour objet un patrimoine ou une fraction de
patrimoine.
 Selon le cas, il sera qualifié d’usufruit à titre universel ou d’usufruit à
titre particulier.
 Cette forme d’usufruit se rencontre le plus souvent consécutivement à
une dévolution successorale ou testamentaire.
 Lorsqu’il porte sur un patrimoine, la portée de l’usufruit est radicalement
différente de la situation où il a pour objet une universalité de fait.
 En effet, l’assiette du droit de l’usufruitier est constituée par l’ensemble
des biens qui composent le patrimoine et non par le patrimoine pris dans sa
globalité.
 La conséquence en est que, si l’usufruitier peut jouir des biens qui
relèvent de l’assiette de son droit, il lui est fait interdiction d’en disposer,
sauf à ce que, au nombre de ces biens, figurent des choses consomptibles
auquel cas il sera autorisé à les restituer en valeur.
B) La durée de l’usufruit
Par nature, l’usufruit présente un caractère temporaire l’objectif recherché étant de
permettre au nu-propriétaire de récupérer, à terme, les utilités de la chose, faute de
quoi son droit de propriété serait vidé de sa substance et la circulation économique du
bien paralysé.

Si, tous les usufruits présentent ce caractère temporaire, leur durée peut être, tantôt
viagère, tantôt déterminée.

1. L’usufruit à durée viagère


==> Principe

L’article 617, al. 1 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la mort de l’usufruitier ».
Le principe, c’est donc que l’usufruit est viager, ce qui implique qu’il prend fin au
décès de l’usufruitier.
À cet égard, l’usufruit est attaché à la personne. Il en résulte qu’il n’est pas
transmissible à cause de mort.

==> Tempéraments

Bien que l’interdiction qui est faite à l’usufruitier de transmettre son droit après sa
mort soit une règle d’ordre public, elle comporte deux tempéraments

 Premier tempérament : l’usufruit simultané


 L’usufruit peut être constitué à la faveur de plusieurs personnes
simultanément, ce qui revient à créer une indivision en usufruit.
 Cette constitution d’usufruit est subordonnée à l’existence de tous les
bénéficiaires au jour de l’établissement de l’acte.
 Dans cette hypothèse, l’usufruit s’éteint progressivement à mesure que
les usufruitiers décèdent, tandis que le nu-propriétaire recouvre
corrélativement la pleine propriété de son bien sur les quotes-parts ainsi
libérées
 Afin d’éviter que l’assiette de l’usufruit ne se réduise au gré des décès
qui frappent les usufruitiers, il est possible de stipuler une clause dite de
réversibilité.
 Dans cette hypothèse, la quote-part de celui des usufruitiers qui est
prédécédé accroît celle des autres, qui en bénéficient pour la totalité,
jusqu’au décès du dernier d’entre eux.
 Le dernier survivant a ainsi vocation à exercer un monopole sur l’usufruit
du bien.
 Second tempérament : l’usufruit successif
 L’usufruit peut également être constitué sur plusieurs têtes, non pas
simultanément, mais successivement.
 Il s’agira autrement dit de stipuler une clause de réversibilité aux termes
de laquelle au décès de l’usufruitier de « premier rang », une autre personne
deviendra usufruitière en second rang.
 Dans cette hypothèse, les usufruitiers n’exerceront pas de pouvoirs
concurrents sur la chose : ils se succéderont, le décès de l’un, ouvrant le
droit d’usufruit de l’autre.
 Chacun jouira ainsi, tout à tour, de l’intégralité de l’usufruit constitué.
 Selon M. Grimaldi nous ne sommes pas en présence « d’un unique
usufruit qui passerait mortis causa d’un gratifié à l’autre» mais
d’« usufruits successifs, distincts qui s’ouvriront tour à tour, chacun à
l’extinction du précédent par la mort de son titulaire ».
 La Cour de cassation a précisé que la clause de réversibilité de l’usufruit
« s’analysait en une donation à terme de bien présent, le droit d’usufruit du
bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l’acte» (  1ère  civ.
21 oct. 1997, n°95-19759).
 Il en résulte que seul l’exercice du droit d’usufruit est différé, non sa
constitution, ce qui évite de tomber sous le coup de la prohibition des pactes
sur succession future.
2. L’usufruit à durée déterminée
Il est deux situations où l’usufruit n’est pas viager : lorsque, d’une part, il est assorti
d’un terme stipulé par le constituant et lorsque, d’autre part, il est constitué à la faveur
d’une personne morale
==> L’usufruit est assorti d’un terme stipulé par le constituant

Il est admis que le constituant assortisse l’usufruit d’un terme déterminé. Dans cette
hypothèse, l’usufruit s’éteindra :

 Soit à l’expiration du terme fixé par l’acte constitutif


 Soit au décès de l’usufruitier qui peut potentiellement intervenir avant le terme
fixé
La seule limite à la liberté des parties quant à la fixation du terme de l’usufruit, c’est
l’impossibilité de transmettre l’usufruit à cause de mort.

==> L’usufruit est constitué au profit d’une personne morale

Dans l’hypothèse où l’usufruitier est une personne morale, il est susceptible d’être
perpétuel. En effet, une personne morale vit aussi longtemps que ses associés réalisent
son objet social. Or ces derniers sont susceptibles de se succéder éternellement, par le
jeu, soit des transmissions à cause de mort, soit des cessions de droits sociaux.

Aussi, afin que la règle impérative qui assortit l’usufruit d’un caractère temporaire
s’applique également aux personnes morales, l’article 619 du Code civil que
« l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. »
Cette règle est d’ordre public, de sorte que la durée ainsi posée ne saurait être
allongée. Dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation n’a pas manqué de le
rappeler, en jugeant que « l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder
trente ans » (Cass. 7 mars 2007, n°06-12568).
§2 : La constitution de l’usufruit
A) Les modes de constitution de l’usufruit
L’article 579 du Code civil dispose que « l’usufruit est établi par la loi, ou par la
volonté de l’homme. »
À ces deux modes de constitution de l’usufruit visés par le texte, on en ajoute
classiquement un troisième : la prescription acquisitive.

1. La loi
La loi prévoit plusieurs cas de constitution d’un usufruit sur un ou plusieurs biens :

 L’usufruit légal du conjoint survivant sur un ou plusieurs biens du de cujus


 Le droit de jouissance légale des parents sur les biens de leurs enfants mineurs
 Le droit de l’époux bénéficiaire d’une prestation compensatoire
==> L’usufruit légal du conjoint survivant
La loi a toujours octroyé au conjoint survivant un droit d’usufruit sur les biens du de
cujus, lorsque celui-ci est en concours avec des descendants ou des descendants.
Sous l’empire du droit antérieur, ce droit d’usufruit était limité à une quote-part des
biens du prédécédé.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, les droits du conjoint


survivant ont été renforcés.

En effet, l’article 757 du Code civil dispose que « si l’époux prédécédé laisse des
enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la
totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants
sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs
enfants qui ne sont pas issus des deux époux. »
Il ressort de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer selon que le conjoint survivant
est ou non en présence d’enfants communs.

 En présence d’enfants communs


 Dans cette hypothèse, le conjoint survivant, il dispose d’une option :
 Soit il peut réclamer un droit d’usufruit sur la totalité du
patrimoine du de cujus
 Soit il peut obtenir un quart en pleine propriété des biens de cujus
 S’il opte pour l’usufruit, cette solution permet au conjoint survivant de se
maintenir dans son cadre de vie habituel, sans préjudicier aux droits des
héritiers du de cujus, en particulier des enfants.
 En l’absence d’enfants communs
 Le conjoint survivant ne disposera d’aucune option, il ne pourra
revendiquer qu’un quart des biens du de cujus en pleine propriété.
 Il s’agit ici d’éviter de préjudicier aux enfants qui ne seraient pas issus de
cette union
 Le droit d’option est également refusé au conjoint survivant s’il vient en
concours avec les père et mère
 L’article 757-1 du Code civil prévoit en ce sens que si, à défaut d’enfants
ou de descendants, le défunt laisse ses père et mère, le conjoint survivant
recueille la moitié des biens.
 L’autre moitié est alors dévolue pour un quart au père et pour un quart à
la mère.
 Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue
échoit au conjoint survivant.
 Enfin, en l’absence d’enfants ou de descendants du défunt et de ses père
et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession (  752-2 C. civ.)
==> Le droit de jouissance légale des parents

L’article 386-1 du Code civil confère aux parents d’un enfant mineur un droit de
jouissance légale sur les biens qu’ils administrent.

Cette disposition prévoit en ce sens que « la jouissance légale est attachée à
l’administration légale : elle appartient soit aux parents en commun, soit à celui
d’entre eux qui a la charge de l’administration. »
La jouissance octroyée par la loi aux parents sur les biens de leurs enfants s’assimile à
un véritable usufruit (V. en ce sens Cass. civ., 24 janv. 1900), précision faite que cet
usufruit ne présente pas de caractère viager.
À cet égard, l’article 386-2 précise que le droit de jouissance cesse :

 Soit dès que l’enfant a seize ans accomplis ou même plus tôt quand il contracte
mariage ;
 Soit par les causes qui mettent fin à l’autorité parentale ou par celles qui mettent
fin à l’administration légale ;
 Soit par les causes qui emportent l’extinction de tout usufruit.
L’article 386-3 ajoute que, les charges de cette jouissance sont :

 Celles auxquelles sont tenus les usufruitiers ;


 La nourriture, l’entretien et l’éducation de l’enfant, selon sa fortune ;
 Les dettes grevant la succession recueillie par l’enfant en tant qu’elles auraient
dû être acquittées sur les revenus.
En contrepartie, les parents perçoivent les fruits civils, naturels ou industriels que
peuvent produire les biens de l’enfant (encaissement des loyers, des intérêts d’un
compte rémunéré etc.).

Enfin, l’article 383-4 parachève le régime du droit de jouissance légale conféré aux


parents en prévoyant que certains biens sont exclus de son périmètre, au nombre
desquels figurent :

 Les biens que l’enfant peut acquérir par son travail ;


 Les biens qui lui sont donnés ou légués sous la condition expresse que les
parents n’en jouiront pas ;
 Les biens qu’il reçoit au titre de l’indemnisation d’un préjudice extrapatrimonial
dont il a été victime.
==> L’époux bénéficiaire d’une prestation compensatoire
Aux termes de l’article 270, al. 2 du Code civil « l’un des époux peut être tenu de
verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la
disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. »
Ainsi, dans le cadre des mesures qui accompagnent un divorce,

Le juge peut octroyer une prestation compensatoire à un époux, laquelle vise à


compenser la disparité que la rupture du mariage créée dans les conditions de vie
respectives des époux.

Le principe posé par la loi est que cette prestation compensatoire doit être octroyée
sous forme de capital

L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère
forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »
Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de
capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le
versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital,
notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.

À cet égard, l’article 274 du Code civil prévoit que le juge décide des modalités selon
lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes
suivantes:

 Soit versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être


subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;
 Soit attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager
d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en
faveur du créancier.
Cette disposition a été adoptée afin de diversifier les formes d’attribution d’un capital
et de permettre au débiteur qui ne dispose pas de liquidités suffisantes d’abandonner
ses droits en propriété sur un bien mobilier ou immobilier propre, commun ou indivis.

Il peut également préférer céder à son conjoint un droit d’usufruit sur le logement de
famille pendant une durée qui peut être soit temporaire, soit viagère.

En tout état de cause, il appartiendra au juge, qui a l’obligation de fixer le montant de


la prestation compensatoire en capital, de procéder à une évaluation de l’usufruit.
La Cour de cassation n’a pas manqué de rappeler cette règle dans un arrêt du 22 mars
2005 aux termes duquel elle a affirmé que « lorsque le juge alloue une prestation
compensatoire sous forme d’un capital il doit quelles qu’en soient les modalités en
fixer le montant » (Cass. 1ère  civ. 22 mars 2005, n°02-18648).
2. La volonté de l’homme
En application de l’article 579 du Code civil, l’usufruit peut être établi, nous dit le
texte, « par la volonté de l’homme ».
Par volonté de l’homme, il faut entendre, tout autant l’accomplissement d’un acte
unilatéral, que la conclusion d’une convention.

 L’usufruit par acte unilatéral


 Cette hypothèse correspond à l’établissement par le propriétaire d’un
testament aux termes duquel il gratifie un ou plusieurs bénéficiaires d’un
droit d’usufruit sur un bien ou sur tout ou partie de son patrimoine
 Il peut ainsi consentir un usufruit à un légataire désigné et réserver la
nue-propriété à ses héritiers ab intestat (légaux)
 En la matière, le disposant dispose d’une relativement grande liberté sous
réserve de ne pas porter atteinte à la réserve héréditaire.
 Pour mémoire, cette réserve héréditaire consiste en « la part des biens et
droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à
certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et
s’ils l’acceptent. » (  912 C. civ.)
 Il s’agit, autrement dit, de la portion de biens dont le défunt ne peut pas
disposer à sa guise, la réserve héréditaire présentant un caractère d’ordre
public (  req., 26 juin 1882).
 Ainsi, la réserve s’impose-t-elle impérativement au testateur qui ne
pourra déroger aux règles de dévolution légale qu’en ce qui concerne ce que
l’on appelle la quotité disponible.
 C’est sur cette quotité disponible que le disposant aura toute liberté pour
constituer un ou plusieurs usufruits
 L’usufruit par acte conventionnel
 Le propriétaire est libre de constituer un usufruit par convention à titre
gratuit (donation) ou onéreux (cession)
 L’usufruit peut alors être constitué selon deux schémas différents
 Constitution de l’usufruit per translationem
 Dans cette hypothèse, le propriétaire aliène directement
l’usufruit (usus et fructus) en conservant la nue-propriété (abusus)
 Constitution de l’usufruit per deductionem
 Dans cette hypothèse, le propriétaire se réserve l’usufruit,
tandis qu’il aliène la nue-propriété
 Le plus souvent l’usufruit sera constitué selon le second schéma,
l’objectif recherché étant, par exemple, pour des parents, de consentir à
leurs enfants une donation de leur vivant, tout en conservant la jouissance
du bien transmis.
 La constitution d’un usufruit par convention n’est subordonnée à
l’observation d’aucunes particulières, sinon celles qui régissent la validité
des actes juridiques et la publicité foncière lorsque l’usufruit est constitué
sur un immeuble.
 Reste qu’il convient de distinguer selon que la constitution procède d’une
donation ou d’une cession
 La constitution d’usufruit à titre gratuit
 Dans cette hypothèse, la constitution procédera d’une
donation, ce qui implique qu’elle doit, d’une part, faire l’objet d’une
régularisation par acte authentique, et, d’autre part, satisfaire aux
règles du droit des successions.
 En effet, en cas de donation excessive, la constitution
d’usufruit pourra donner lieu à des restitutions successorales,
notamment au titre de la réserve héréditaire à laquelle il serait porté
atteinte ou au titre de l’égalité qui préside au partage de cette réserve
héréditaire
 La constitution d’usufruit à titre onéreux
 Le propriétaire est libre de constituer un usufruit par voie de
convention conclue à titre onéreux
 L’hypothèse est néanmoins rare, dans la mesure où la
constitution d’un usufruit par convention vise le plus souvent à
organiser la transmission d’un patrimoine familial.
 Reste que lorsque l’usufruit est constitué à titre onéreux, la
contrepartie consistera pour l’acquéreur à verser, tantôt un capital,
tantôt une rente viagère.
 Par hypothèse, l’opération n’est pas sans comporter un
aspect spéculatif, en raison du caractère viager de l’usufruit.
 Aussi, pourrait-elle être requalifiée en donation déguisée
dans l’hypothèse où le prix fixé serait déraisonnablement bas,
l’objectif recherché étant, pour les parties, d’échapper au paiement
des droits de mutation.
3. La prescription acquisitive
Bien que prévu par aucun texte, il est admis que l’usufruit puisse être acquis par le jeu
de la prescription acquisitive attachée à la possession.
L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir
un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé
d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise
foi. »
La prescription acquisitive aura vocation à jouer lorsque celui qui tire profit de la
jouissance de la chose se comportera comme le véritable usufruitier.

Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès
d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura
ainsi été institué usufruitier a non domino.
S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien
objet de la possession.

 S’il s’agit d’un immeuble, la prescription pourra être de 10 ans en cas de bonne
foi du possesseur et de justification d’un juste titre. À défaut, la durée de la
prescription acquisitive est portée à trente ans.
 S’il s’agit d’un meuble, l’effet acquisitif de la possession est immédiat, sauf à
ce que le possesseur soit de mauvaise foi auquel cas la durée de la prescription
sera de trente ans.
B) Les formalités de constitution de l’usufruit
Avant d’entrer en jouissance, l’usufruitier a l’obligation de faire dresser un inventaire
des choses sur lesquels il a vocation à exercer son droit. Il doit, en outre, fournir
caution de jouir raisonnablement de la chose.

Ces formalités qui s’imposent à l’usufruitier visent à préserver les droits et intérêts du
nu-propriétaire qui se dessaisit temporairement de son bien.

Ainsi que l’observait le doyen Carbonnier au sujet du nu-propriétaire et de l’usufruitier


« ce ne sont pas seulement deux droits réels, ce sont deux individus qui sont rivaux »,
de sorte que « l’usufruitier a intérêt à exploiter le plus possible, au risque d’épuiser la
substance ».
À cet égard, parce que c’est l’usufruitier qui possède la maîtrise matérielle de la chose,
celle échappant totalement au contrôle du nu-propriétaire, il y a lieu de prévenir les
manquements qui seraient de nature à altérer sa substance et diminuer sa valeur.

Les obligations qui échoient à l’usufruitier participent ainsi du dispositif qui vise à
protéger le nu-propriétaire qui, à l’expiration de l’usufruit, a vocation à recouvrer la
pleine propriété de son bien.
1. L’inventaire
a) L’obligation d’inventaire
==> Principe

L’article 600 du Code civil dispose que « l’usufruitier prend les choses dans l’état où
elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance qu’après avoir fait dresser, en présence
du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un état des
immeubles sujets à l’usufruit. »
Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition : d’une part, lors de son
entrée en jouissance, l’usufruitier prend les choses en l’état, d’autre part, il lui
appartient d’en dresser un inventaire.

 L’état des choses sur lesquelles s’exerce l’usufruit


 L’article 600 du Code civil précise donc que l’usufruitier prend les
choses « dans l’état où elles sont» lors de son entrée en jouissance
 Cette précision n’est pas sans importance : cela signifie qu’il n’est pas
nécessaire que la chose soit en bon état d’usage et de réparation ainsi que
peut l’exiger un locataire au titre du contrat de bail
 Obligation est seulement faite au nu-propriétaire de délivrer la chose
dans l’état où elle se trouve et à l’usufruitier de la restituer dans le même
état à l’expiration de son droit.
 À cet égard, l’inventaire permettra de procéder à une évaluation de l’état
des biens au moment de l’entrée en jouissance.
 Lors de la restitution de la chose au nu-propriétaire il permettra encore de
déterminer s’il y a lieu de la remettre en état aux frais de l’usufruitier.
 L’inventaire des choses sur lesquelles s’exerce l’usufruit
 L’article 600 exige que préalablement à l’entrée en jouissance un
inventaire soit dressé des meubles et un état des immeubles sujets à
l’usufruit
 Cet inventaire vise ;
 D’une part, à répertorier les biens qui formeront l’assiette de
l’usufruit et qui ont été délivrés à l’usufruitier
 D’autre part, à évaluer l’état de ces biens en vue de prévenir toute
contestation lors de leur restitution au nu-propriétaire
 Il s’agit, autrement dit, lors de l’inventaire de fixer, non seulement la
consistance des biens donnés en usufruit, mais encore leur état qui devra
être conservé, aux frais de l’usufruitier, pendant toute la durée de la
jouissance.
 Dans un arrêt du 11 février 1959 la Cour de cassation a précisé « que, si
aucun inventaire n’a été dressé à cette époque, il appartenait aux
propriétaires de le requérir, puisque c’est dans leur intérêt, pour assurer la
restitution des biens à la fin de l’usufruit, que l’article 600 du Code civil,
l’impose aux usufruitiers» (  1ère  civ. 11 févr. 1959)
==> Exceptions

La règle qui prévoit l’obligation de dresser un inventaire n’est que supplétive, de sorte
qu’il peut y être dérogé par clause contraire.

Le principal intérêt de stipuler pareille clause est de dispenser l’usufruitier d’accomplir


cette démarche qui peut s’avérer fastidieuse et lourde et de supporter la charge des
frais d’inventaire qui peuvent être élevés.

Dans un arrêt du 23 juillet 1957, la Cour de cassation a validé une clause de dispense
d’inventaire qui avait été stipulée dans un testament après avoir relevé que «  la dame
Perrai avait, dans le libellé même de l’acte, attaché une importance spéciale à la
dispense d’inventaire, constatent que, en l’espèce, les opérations auxquelles devra se
livrer le notaire liquidateur doivent suffire à établir la consistance active et passive de
la succession ; qu’ils observent également que chacune des parties propose un notaire
pour y procéder et que le jugement entrepris… décide que les deux notaires ainsi
désignés y procéderont ».
Elle en déduit que « au vu de ces constatations, qu’il était inutile d’ordonner, en
outre, la confection de l’inventaire, sollicité par les époux Descotes, l’arrêt attaqué a
légalement justifié sa décision » (Cass. 1ère  civ. 23 juill. 1957).
Certains arrêts ont même admis que la clause de dispense d’inventaire pouvait être
implicite. Tel sera notamment le cas lorsque l’usufruitier sera dispensé par le
constituant d’assumer la charge des travaux de réparation et d’entretien du bien donné
en usufruit (V. en ce sens Cass. 3e  civ., 17 oct. 1984).
==> Exceptions à l’exception

La clause de dispense d’inventaire ne peut être stipulée qu’autant que la loi n’exige
pas ce formalisme à peine de nullité.

Aussi, cette clause est-elle expressément prohibée dans deux cas :

 Libéralités entre époux en présence d’enfants


 L’article 1094-3 du Code civil dispose que « les enfants ou descendants
pourront, nonobstant toute stipulation contraire du disposant, exiger, quant
aux biens soumis à l’usufruit, qu’il soit dressé inventaire des meubles ainsi
qu’état des immeubles, qu’il soit fait emploi des sommes et que les titres au
porteur soient, au choix de l’usufruitier, convertis en titres nominatifs ou
déposés chez un dépositaire agréé.»
 Ainsi, cette disposition octroie-t-elle le droit pour les enfants d’exiger en
cas de legs de l’usufruit au conjoint survivant, qu’un inventaire soit dressé.
 L’objectif visé est ici de protéger les héritiers ab intestat des
manquements susceptibles d’être commis par le légataire de l’usufruit.
 Reste que lorsque la libéralité prendra la forme, non pas d’une donation,
mais d’un don manuel, l’exigence d’inventaire ne sera pas observée,
l’opération consistant seulement en une remise par tradition de la chose, soit
de main à la main
 Donation de biens meubles
 L’article 948 du Code civil prévoit que « tout acte de donation d’effets
mobiliers ne sera valable que pour les effets dont un état estimatif, signé du
donateur et du donataire, ou de ceux qui acceptent pour lui, aura été
annexé à la minute de la donation.»
 Dès lors qu’une donation consiste en la transmission d’un bien meuble, le
donataire a l’obligation de faire dresser un inventaire, nonobstant toute
clause contraire.
 S’agissant des immeubles, ils ne sont pas visés par cette disposition dans
la constitution d’un usufruit sur cette catégorie de biens est subordonnée à la
régularisation d’un acte authentique.
 Un état descriptif de l’immeuble sera donc nécessairement mentionné
dans l’acte notarié constitutif d’usufruit
b) Les modalités de l’inventaire
 Quand ?
 L’article 600 du Code civil prévoit que l’inventaire doit être dressé
préalablement à l’entrée en jouissance du ou des biens sur lequel l’usufruit
est constitué
 Est-ce à dire que lorsque l’usufruitier est déjà entré en jouissance, il est
trop tard pour faire dresser un inventaire ?
 À l’analyse, les juridictions admettent que l’inventaire puisse être dressé
ultérieurement lorsque les circonstances l’exigent.
 Par ailleurs, il est admis qu’un inventaire complémentaire soit réalisé
lorsque le premier inventaire était lacunaire.
 Le nu-propriétaire peut encore saisir le juge aux fins de faire réaliser un
second inventaire, lequel visera à vérifier que les biens sujets à l’usufruit ont
bien été conservés par l’usufruitier
 Comment ?
 Aucun formalisme n’est exigé quant à la réalisation de l’inventaire
 Il peut donc être réalisé, tant par acte sous seing privé, que par acte
authentique
 Lorsque le nu-propriétaire et l’usufruitier sont en conflit, le juge pourra
être saisi aux fins de désignation d’un officier ministériel qui sera chargé de
réaliser l’inventaire
 En tout état de cause, l’inventaire consistera à répertorier les biens et à
évaluer leur état
 Il pourra être assorti d’un état estimatif, bien que cette démarche soit
facultative (V. en ce sens 1ère  civ., 4 juin 2009, n° 08-11985).
 En présence de qui ?
 L’article 600 du Code civil prévoit expressément que l’usufruitier et le
nu-propriétaire doivent être « dûment appelé» à se joindre aux opérations
d’inventaire
 Cet inventaire doit être dressé contradictoirement, faute de quoi il ne sera
pas opposable à celui qui était absent
 Si néanmoins le nu-propriétaire ou l’usufruitier n’étaient pas présents
lors de la réalisation des opérations d’inventaire, alors même qu’ils ont été
régulièrement convoqués par acte d’huissier par exemple, l’inventaire leur
sera parfaitement opposable
 Frais
 Les frais d’inventaire sont à la charge exclusive de l’usufruitier, sauf à ce
que l’usufruitier soit dispensé de dresser un inventaire
 En cas de dispense, dans l’hypothèse ou le nu-propriétaire solliciterait la
réalisation d’un inventaire, c’est à lui-seul que reviendra la charge de
supporter les frais
c) La sanction du défaut d’inventaire
En l’absence de texte, le défaut d’inventaire ne saurait entraîner la déchéance du droit
de l’usufruitier.

Dans un arrêt du 13 octobre 1992, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que «  le
défaut d’inventaire ne prive pas M. Z… de ses droits d’usufruitier, mais autorise
simplement les nus-propriétaires à prouver par tous moyens la consistance des objets
soumis à usufruit » (Cass. 1ère  civ. 13 oct. 1992, n°91-10.970).
Tout au plus, le nu-propriétaire peut donc, soit provoquer la réalisation d’un inventaire
en saisissant le juge (V. en ce sens Cass. civ. 10 janv. 1859).
Soit il peut encore refuser d’exécuter son obligation de délivrance du bien à
l’usufruitier. Ce droit de rétention dont est titulaire le nu-propriétaire s’infère
de l’article 600 du Code civil qui prévoit que l’usufruitier « ne peut entrer en
jouissance qu’après avoir fait dresser […] un inventaire des meubles et un état des
immeubles sujets à l’usufruit ».
Dans cette hypothèse, l’usufruitier conserve néanmoins son droit de percevoir les
fruits des biens non encore délivrés par le nu-propriétaire. Ils devront donc être
restitués à l’usufruitier une fois les opérations d’inventaire réalisées.

2. La caution
a) L’obligation de fournir une caution
==> Principe

L’article 601 du Code civil dispose que l’usufruitier « donne caution de jouir en bon
père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ; cependant
les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le
donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. »
Cette disposition prescrit ainsi l’obligation pour l’usufruitier de fournir une caution au
nu-propriétaire.

Cette obligation vise à garantir le paiement de dommages et intérêts dont l’usufruitier


pourrait devenir redevable en cas de manquement à ses obligations de conservation et
d’entretien de la chose soumise à l’usufruit.

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les garanties qui satisfont à
l’exigence posée à l’article 601 du Code civil.

==> Nature de la garantie

Il ressort du texte que la fourniture d’une caution simple suffit. Celui-ci n’exige
nullement qu’une solidarité soit stipulée entre l’usufruitier et le garant.

Parce que la garantie requise par l’article 601 consiste en un cautionnement, il s’agira


pour l’usufruitier d’obtenir d’un tiers qu’il s’engage envers le nu-propriétaire à
garantir les dettes qui pourraient naître de ses rapports avec ce dernier.

À cet égard, l’article 2295 du Code civil prévoit que « le débiteur obligé à fournir une
caution doit en présenter une qui ait la capacité de contracter et qui ait un bien
suffisant pour répondre de l’objet de l’obligation. »
L’article 2296 précise que « la solvabilité d’une caution ne s’estime qu’eu égard à ses
propriétés foncières, excepté en matière de commerce, ou lorsque la dette est
modique. » et de poursuivre « on n’a point égard aux immeubles litigieux, ou dont la
discussion deviendrait trop difficile par l’éloignement de leur situation »
==> Substitution de garantie
Dans l’hypothèse où l’usufruitier ne parviendrait pas à obtenir le cautionnement d’un
tiers, il n’aura d’autre choix que de consentir au nu-propriétaire une hypothèque sur
ses immeubles ou de donner en gage des biens mobiliers.

Le nu-propriétaire ne pourra pas refuser à l’usufruitier cette substitution de


garantie, l’article 2318 du Code civil prévoyant expressément que « celui qui ne peut
pas trouver une caution est reçu à donner à sa place un gage en nantissement
suffisant. »
==> Exceptions

L’article 601 du Code civil prévoit que l’usufruit peut être dispensé de fournir une
caution au nu-propriétaire.

Cette dispense procède tantôt de la loi, tantôt de la volonté du constituant :

 Dispenses légales
 La loi dispense, dans deux cas, l’usufruitier de fournir une caution au nu-
propriétaire
 Dispense des pères et mère ayant l’usufruit légal du bien de
leurs enfants
 L’article 386-1 du Code civil confère aux parents d’un
enfant mineur un droit de jouissance légale sur les biens qu’ils
administrent.
 Cette disposition prévoit en ce sens que « la jouissance
légale est attachée à l’administration légale : elle appartient soit
aux parents en commun, soit à celui d’entre eux qui a la charge de
l’administration.»
 La jouissance octroyée par la loi aux parents sur les biens
de leurs enfants s’assimile à un véritable usufruit (V. en ce sens civ.,
24 janv. 1900), précision faite que cet usufruit ne présente pas de
caractère viager.
 Surtout, l’article 601 dispense les parents de fournir caution
à leurs enfants en garantie de la préservation de leurs droits.
 Cette dispense procède de la nature des liens particuliers et
étroits qui existent entre ces derniers
 On présume que les parents sont animés des meilleures
intentions quant à l’administration des biens de leurs enfants et que,
par conséquent, ils s’emploieront à accomplir toutes les diligences
utiles pour en assurer la conservation
 Dispense du vendeur ou du donateur, sous réserve d’usufruit
 Lorsque le donateur ou le vendeur d’une chose se réserve
sur cette chose l’usufruit, l’article 601 le dispense de fournir au
donataire ou à l’acquéreur une caution.
 La raison en est que l’on présume que cette dispense
procède de la volonté des parties.
 Il est, en effet, peu probable que celui qui aliène la nue-
propriété de son bien souhaite, en outre, être assujetti à l’obligation
de fournir caution, en particulier s’il s’agit d’une donation.
 Tel ne sera, en revanche, pas le cas dans l’hypothèse
inverse, soit lorsque le donateur ou le vendeur aliène, non pas la
nue-propriété de son bien, mais l’usufruit.
 En pareil cas, l’exigence de fourniture d’une caution sera
maintenue, sauf à ce qu’il en soit décidé autrement par les parties à
l’acte.
 Dispenses volontaires
 L’article 601 du Code civil prévoit expressément la possibilité pour le
constituant de dispenser, par sa seule volonté, l’usufruitier de fournir une
caution.
 À cet égard, cette dispense sera fréquemment stipulée dans les testaments
et donation, l’auteur de la libéralité ne souhaitant pas faire peser une charge
trop importante sur la tête du bénéficiaire.
 Très tôt, la jurisprudence a, par ailleurs, admis qu’une telle dispense
puisse être accordée à l’usufruitier, alors même que le bien grevé relèverait
de bien relevant, pour la nue-propriété, de la réserve héréditaire des
descendants ou des ascendants (V. en ce sens civ. 5 juill. 1876).
 Tel sera notamment le cas lorsqu’une libéralité sera consentie au conjoint
survivant.
 S’agissant de la forme de la dispense, elle peut être expresse ou tacite, le
juge ayant alors pour tâche rechercher si la volonté du constituant résulte
clairement de l’acte constitutif d’usufruit
 Dans un arrêt du 4 décembre 1958, la Cour de cassation a jugé en ce sens
que « la dispense accordée par le testateur au légataire d’un usufruit de
fournir caution peut être implicite et s’induire des dispositions
testamentaires» (  1ère  civ. 4 déc. 1958)
Lorsque la dispense consentie à l’usufruitier est régulière, le nu-propriétaire a
l’obligation de lui délivrer le ou les biens soumis à l’usufruit.
Aussi, l’usufruitier doit pouvoir exercer son droit comme s’il avait fourni la caution
exigée par l’article 601. Il est libre de jouir du bien, sans qu’aucune restriction ne
puisse lui être imposée par le nu-propriétaire.

À cet égard, ce dernier ne saurait solliciter l’adoption de mesures conservatoires, au


seul motif qu’il a un doute sur la capacité de l’usufruitier à apporter tous les soins
requis à la chose.

Ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier l’intervention du juge qui ne pourra
prononcer des mesures conservatoires que s’il existe un risque sérieux d’atteinte aux
droits et intérêts du nu-propriétaire.

==> Exceptions à l’exception

Il est de jurisprudence constante que lorsqu’il est établi que l’usufruitier met en péril,
par ses actes ou par un changement survenu dans sa situation personnelle, les droits du
nu-propriétaire, l’adoption de mesures conservatoires peut être ordonnée par le juge
(V. en ce sens Cass. civ. 7 déc. 1891).
Tel sera notamment le cas en cas d’abus de jouissance de l’usufruitier, soit lorsqu’il
accomplira des actes qui seront de nature à mettre en péril la consistance des biens
soumis à l’usufruit ou lorsqu’il les laissera dépérir faute d’entretien (V. en ce
sens Cass. req. 26 mars 1889).
L’abus de jouissance peut d’ailleurs conduire le juge, en application de l’article 618 du
Code civil, à prononcer la déchéance de l’usufruit.

La solution est extrême, c’est la raison pour laquelle il privilégiera, d’abord, l’adoption
de mesures visant à assurer la conservation du bien.

Ces mesures, ne seront pas seulement justifiées en cas d’abus de jouissance. Il a


également été admis qu’elles puissent être prononcées en cas d’incapacité de
l’usufruitier à gérer ses biens, en cas d’insolvabilité (Cass. req. 22 oct. 1889) ou en cas
de soupçons légitimes de malversations (Cass. req. 21 janv. 1845).
Lorsque, pareillement, si les garanties qu’il a fournies lors de la constitution de
l’usufruit diminuent, le juge pourra être saisi aux fins de préservation des intérêts du
nu-propriétaire.

b) La sanction du défaut de caution


À l’instar du défaut d’inventaire, l’impossibilité pour l’usufruitier de fournir une
caution ou des garanties de substitution suffisantes n’est pas sanctionnée par la
déchéance de l’usufruit, faute de texte.

Il est néanmoins admis que le nu-propriétaire dispose d’un droit de rétention sur le
bien soumis à usufruit droit qu’il pourra exercer tant que la caution requise par l’article
601 du Code civil ne lui sera pas fournie.

L’article 604 précise que, en tout état de cause, « le retard de donner caution ne prive
pas l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Ainsi, le nu-propriétaire aura l’obligation de restituer à l’usufruitier l’ensemble des
fruits perçus lorsqu’il aura régularisé sa situation.

Faute, malgré tout, pour l’usufruitier d’être en mesure de fournir une caution,
les articles 602 et 603 du Code civil envisagent l’adoption de mesures différentes,
selon que les biens soumis à l’usufruit sont des immeubles ou des meubles :

 L’usufruit porte sur des biens meubles


 Dans cette hypothèse, L’article 602 prévoit que, si l’usufruitier ne trouve
pas de caution « les immeubles sont donnés à ferme ou mis en séquestre»
 Il s’agira, autrement dit, de confier les immeubles à un gardien dont la
mission consistera à les administrer
 Aussi, aura-t-il l’obligation d’apporter, dans la garde de la chose
déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui
appartiennent.
 L’usufruit porte sur des biens meubles
 Dans cette hypothèse, l’article 602 du Code civil prévoit que si
l’usufruitier ne trouve pas de caution
 Les sommes comprises dans l’usufruit sont placées ;
 Les denrées sont vendues et le prix en provenant est pareillement
placé ;
 Les intérêts de ces sommes et les prix des fermes appartiennent,
dans ce cas, à l’usufruitier.
 L’article 603 ajoute que « le propriétaire peut exiger que les meubles qui
dépérissent par l’usage soient vendus, pour le prix en être placé comme
celui des denrées ; et alors l’usufruitier jouit de l’intérêt pendant son
usufruit
 L’idée est ici de prendre toutes les mesures nécessaires à la préservation
de la valeur des biens soumis à l’usufruit.
 Lorsque, de la sorte, il s’agira de denrées ou de choses qui dépérissent
par l’usage il y aura lieu de les vendre et de placer le produit de la vente,
sauf à ce que le nu-propriétaire s’y oppose, ce qui est son droit, charge à lui
de les conserver en tant que dépositaire, ce lui interdit de s’en servir.
 Le même sort sera réservé aux sommes d’argent, l’objectif recherché
étant de leur faire produire des intérêts.
 Seule limite à l’absence de délivrance du bien soumis à l’usufruit en cas
de défaut de caution, l’article 603 du Code civil prévoit que « l’usufruitier
pourra demander, et les juges pourront ordonner, suivant les circonstances,
qu’une partie des meubles nécessaires pour son usage lui soit délaissée,
sous sa simple caution juratoire, et à la charge de les représenter à
l’extinction de l’usufruit. »
 Par caution juratoire, il faut entendre le serment qui doit être prêté par
l’usufruitier de restituer les biens dont il conserve la jouissance, nonobstant
le défaut de caution, au nu-propriétaire à l’expiration de son droit.
§3 : Les effets de l’usufruit
L’usufruit confère à son titulaire un droit réel. L’exercice de ce droit n’est, toutefois,
pas sans contrepartie.

Un certain nombre d’obligations sont mises à la charge de l’usufruitier la principale


d’entre elles étant la restitution du bien dans le même état que celui où il se trouvait au
moment de l’entrée en jouissance.

De son côté, le nu-propriétaire exerce également un droit réel sur la chose. Ce droit,
dont l’assiette est pendant toute la durée de l’usufruit pour le moins restreinte, a, au
fond, pour intérêt majeur de garantir au nu-propriétaire le recouvrement de la pleine
propriété de la chose à l’expiration de l’usufruit.

À cet effet, le nu-propriétaire a pour principale obligation de ne pas nuire à


l’usufruitier dans sa jouissance de la chose.

À l’analyse, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont tous deux titulaires de droits réels


qui sont indépendants l’un de l’autre.

François Terré et Philippe Simler ont écrit en ce sens que « le Code civil a conçu
l’usufruit et la nue-propriété comme deux droits réels, coexistant sur la chose et
juxtaposés, mais séparés : il n’y a pas communauté, mais bien séparation d’intérêts
entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ».
Il n’y a donc, entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.

Les seules limites à l’exercice indépendant de ces droits réels dont ils sont titulaires
sont celles posées par la loi, laquelle met à la charge de l’usufruitier plusieurs
obligations propter rem (art. 600 à 615 C. civ.).
I) La situation de l’usufruitier
A) Les droits de l’usufruitier
La constitution d’un usufruit sur une chose opère un démembrement du droit de
propriété : tandis que le nu-propriétaire conserve l’abusus, l’usufruitier recueille
l’usus et le fructus.
Au vrai, cette répartition des prérogatives entre ces deux titulaires de droits réels n’est
pas tout à fait exacte, en ce sens que le démembrement du droit de propriété n’est pas
une opération à somme nulle.

En toute logique, la somme des démembrements du droit de propriété devrait être


égale au tout que constitue la pleine propriété, soit rassemblée dans tous ses attributs.

Tel n’est pourtant pas le cas. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que le
démembrement du droit de propriété entre un usufruitier et un nu-propriétaire ne
permet, ni à l’un, ni à l’autre de détruire le bien, alors même qu’il s’agit d’une
prérogative dont est investi le plein propriétaire.

Ce constat a conduit des auteurs à relever que « quantitativement, l’usufruitier a moins


de pouvoir que le propriétaire n’en perd… ; quant au nu-propriétaire, il a moins de
pouvoir que ce qu’il aurait si son droit était ce qu’il reste de la propriété après
ablation de l’usus et du fructus »[1].
En tout état de cause, il peut être relevé que l’usufruitier est titulaire de deux sortes de
droits

 Les droits qui s’exercent sur la chose


 Les droits qui s’exercent sur l’usufruit
1. Les droits qui s’exercent sur la chose
Les droits dont est titulaire l’usufruitier sur la chose procèdent de l’usus et
du fructus que lui confère l’usufruit.
a) Le droit d’user de la chose : l’usus
==> Principes généraux
Parce qu’il est titulaire de l’usus, l’usufruitier est investi du pouvoir de faire usage de
la chose en exerçant sur elle une emprise matérielle.
Le Doyen Carbonnier définissait l’usus comme « cette sorte de jouissance qui
consiste à retirer personnellement – individuellement ou par sa famille – l’utilité ou le
plaisir que peut procurer par elle-même une chose non productive ou non exploitée
(habiter sa maison, porter ses bijoux, c’est en user) ».
À cet égard, le droit d’user de la chose confère à son titulaire la liberté de choisir
l’usage de la chose, soit de s’en servir selon ses propres besoins, convictions et
intérêts.

À cet égard l’article 597 du Code civil précise, s’agissant de l’usufruitier, qu’« il jouit
des droits de servitude, de passage, et généralement de tous les droits dont le
propriétaire peut jouir, et il en jouit comme le propriétaire lui-même. »
L’usufruitier peut ainsi :

 Utiliser la chose pour ses besoins personnels et pour autrui (habiter une maison,
utiliser une voiture
 Donner la chose à bail
 Exploiter la chose (cultiver des terres, exploiter un fonds de commerce ou le
donner en location-gérance etc..)
 Consommer les choses consomptibles, à charge de les restituer par équivalent
ou en valeur à l’expiration de l’usufruit
 Construire un ouvrage dès lors que cela n’affecte pas de manière
irréversiblement la substance de la chose
L’article 589 du Code civil précise que si l’usufruit comprend des choses qui, sans se
consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des
meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles sont
destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où elles se
trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute.

Cela signifie donc que, pour les choses qui se détériorent par l’usage, l’usufruitier ne
devra aucune indemnité au nu-propriétaire lors de la restitution du bien, dès lors qu’il
en aura fait un usage normal.

Lorsque, en revanche, l’usage qu’il en fait est inapproprié et est de nature à précipiter
la détérioration de la chose, l’usufruitier engagera sa responsabilité.

Il est encore fait obligation à l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la


destination prévue dans l’acte de constitution de l’usufruit.
Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du
propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.

Par exemple, il lui est interdit de transformer un immeuble à usage d’habitation en


local qui abriterait une activité commerciale.

Dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e  civ. 4 juin 1975, n°74-10777).
==> Cas particulier de la conclusion de baux

 L’article 595, al. 1er du Code civil prévoit que « l’usufruitier peut jouir par lui-même,
donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit. »
Ainsi, l’usufruitier est-il autorisé, par principe, à donner la chose soumise à l’usufruit à
bail.

Toutefois, la conclusion de certains baux s’apparente parfois à un véritable acte de


disposition. Tel est le cas de la régularisation d’un bail commercial ou encore d’un bail
rural

Aussi, afin qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits du nu-propriétaire qui, en
présence d’un tel bail, serait contraint d’en supporter la charge à l’extinction de
l’usufruit, le législateur a encadré l’opposabilité des actes accomplis en la matière par
l’usufruitier.

 S’agissant des baux conclus pour une durée égale ou inférieure à neuf ans
 Le principe posé par l’article 595 du Code civil, c’est que l’usufruitier
pour conclure seul ce type de baux, de sorte qu’ils sont parfaitement
opposables au nu-propriétaire.
 Ils auront donc vocation à se poursuivre à l’expiration de l’usufruit sans
que le nu-propriétaire puisse s’y opposer.
 L’alinéa 3 de l’article 595 a néanmoins apporté un tempérament à cette
règle en prévoyant que « les baux de neuf ans ou au-dessous que
l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration
du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la
même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur
exécution n’ait commencé avant la cessation de l’usufruit.».
 L’objectif visé par cette règle est de limiter les conséquences d’un
renouvellement de bail par anticipation.
 Ainsi, selon qu’il s’agit d’un bail rural ou d’un autre type de bail, le
renouvellement du bail ne pourra intervenir que trois ans ou deux avant
l’expiration du bail en cours
 S’agissant des baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans
 Il ressort de l’article 595 du Code civil que lorsque le bail est conclu pour
une durée supérieure à 9 ans, il est inopposable au nu-propriétaire.
 L’alinéa 2e de cette disposition prévoit en ce sens que « les baux que
l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas
de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire que
pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si
les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de
manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la
période de neuf ans où il se trouve»
 S’agissant des baux portant sur un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal
 L’article 595, al. 4 dispose que « l’usufruitier ne peut, sans le concours
du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal. À défaut d’accord du nu-propriétaire,
l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte. »
 Pour les baux visés par cette disposition, l’usufruitier est donc contraint
d’obtenir l’accord du nu-propriétaire.
 Cet accord n’est toutefois pas indispensable, dans la mesure où le texte
ouvre une action à l’usufruitier qui peut solliciter le juge aux fins de
l’autoriser à conclure le bail.
 Elle lui sera accordée lorsqu’il s’avère que le refus du nu-propriétaire est
seulement animé par l’intention de nuire ou qu’elle ne repose sur aucune
raison valable.
 En cas d’absence d’autorisation du nu-propriétaire ou du juge, la sanction
encourue c’est la nullité du bail et non l’inopposabilité (V. en ce sens 3e
civ., 26 janv. 1972).
 Dans un arrêt du 16 décembre 1987, la Cour de cassation a précisé que
« l’exercice de l’action en nullité découlant de l’article 595 du Code civil
n’est pas subordonné à la cessation de l’usufruit » (  3e  civ., 16 déc. 1987,
n° 86-15324).
 Il en résulte que l’action peut être engagée sans qu’il soit besoin
d’attendre la fin de l’usufruit
 À cet égard, la nullité est ici relative, de sorte que l’action appartient au
seul nu-propriétaire.
b) Le droit de jouir de la chose : le fructus
L’usufruit ne confère pas seulement à l’usufruitier le droit de faire usage de la chose, il
lui confère également le droit d’en jouir.

Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir de percevoir les revenus que le
bien lui procure.

Pour l’usufruitier d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers réglés par son
locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds
placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou
encore le sésame qu’il a cultivé.

L’article 582 du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier a le droit de jouir de
toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire
l’objet dont il a l’usufruit. »
Immédiatement, il convient alors de préciser ce que l’on doit entendre par « fruits »,
lesquels doivent être distingués des « produits. »
i) Distinction en les fruits et les produits
L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de
celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné
à bail des loyers et une carrière des pierres.

La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire
profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.

La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre
les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.

En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la
substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans
d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un
nouveau bien.

Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des
produits, l’intérêt de la distinction étant réel, notamment en cas de démembrement du
droit de propriété.

 Exposé de la distinction
 Les fruits
 Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit
périodiquement sans altération de sa substance.
 Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits
d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation
d’une usine.
 Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
 Les fruits naturels
 L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les
fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre.
Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits
naturels. »
 Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose
spontanément sans le travail de l’homme
 Exemple : les champignons des prés, les fruits des
arbres sauvages
 Les fruits industriels
 L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels
d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
 Il s’agit donc des fruits dont la production procède
directement du travail de l’homme.
 Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois
taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
 Les fruits civils
 L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont
les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les
arrérages des rentes. »
 L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme
sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
 Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus
par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
 Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou
encore les intérêts d’une somme argent prêtée
 Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire, il doit
donc remplir deux critères :
 La périodicité (plus ou moins régulière)
 La conservation de la substance de la chose dont ils
dérivent.
 Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce qu’il [le
fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la substance du
capital que le fruit se distingue du produit».
 Les produits
 Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance
 Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une
carrière ou d’une mine
 Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des
fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les
produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve
ainsi entamé»[2].
 Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera
pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette
perception est périodique ou isolée.
 Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on
sera en présence de produits.
 Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les
pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des
produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la
substance.
 Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en
couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour
devenir des fruits.
 Intérêt de la distinction
 La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le
plan juridique.
 En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la
chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du
capital, appartiennent au nu-propriétaire.
Manifestement, la qualification de fruit ou de produit du revenu généré par la chose est
d’importance, car elle détermine qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier en
bénéficiera.

Si, en principe, cette qualification est prédéterminée par la nature de la chose, il est des
cas où elle dépend de la volonté du propriétaire qui selon l’exploitation qu’il en fait
pourra en retirer, tantôt des fruits, tantôt des produits.

Illustration est faite de cette possibilité dans le code civil qui distingue selon que sont
présents sur un fonds soumis à usufruit des arbres de haute futaie des forêts ou des
bois taillis.

 S’agissant des bois taillis


 Il s’agit des arbres qui ont vocation à être coupés à échéance périodique
avant qu’ils n’atteignent leur pleine maturité pour qu’ils se développent à
nouveau à partir de leur souche
 Cette périodicité de la coupe des bois taillis leur confère la qualité de
fruit : ils reviennent donc au seul usufruitier
 À cet égard, l’article 590, al.1er du Code civil précise « si l’usufruit
comprend des bois taillis, l’usufruitier est tenu d’observer l’ordre et la
quotité des coupes, conformément à l’aménagement ou à l’usage constant
des propriétaires ; sans indemnité toutefois en faveur de l’usufruitier ou de
ses héritiers, pour les coupes ordinaires, soit de taillis, soit de baliveaux,
soit de futaie, qu’il n’aurait pas faites pendant sa jouissanc»
 L’alinéa 2 ajoute que l’usufruitier doit se conformer aux usages des lieux
pour le remplacement
 S’agissant des arbres de haute futaie des forêts
 Principe
 Contrairement aux bois taillis, les arbres de haute futaie des forêts
sont ceux qui sont laissés en place pour qu’ils atteignent leur pleine
maturité
 Ils n’ont donc pas vocation à être coupés à échéance périodique ce
qui fait d’eux des produits
 Aussi reviennent-ils au nu-propriétaire et non à l’usufruitier qui ne
peut y toucher.
 Tout au plus l’article 592 du Code civil autorise l’usufruitier à
« employer, pour faire les réparations dont il est tenu, les arbres
arrachés ou brisés par accident ; il peut même, pour cet objet, en faire
abattre s’il est nécessaire, mais à la charge d’en faire constater la
nécessité avec le propriétaire. »
 Exception
 L’article 591 du Code civil envisage un cas où les arbres de haute
futaie peuvent être qualifiés de fruits : lorsqu’ils sont aménagés et plus
précisément lorsqu’ils sont soumis à une coupe réglée.
 Dans cette hypothèse, ils reviennent à l’usufruitier et non au nu-
propriétaire
 Le texte prévoit en ce sens que « l’usufruitier profite encore […]
des parties de bois de haute futaie qui ont été mises en coupes réglées,
soit que ces coupes se fassent périodiquement sur une certaine étendue
de terrain, soit qu’elles se fassent d’une certaine quantité d’arbres pris
indistinctement sur toute la surface du domaine. »
 Cette prérogative conférée à l’usufruitier est toutefois subordonnée
au respect par lui de l’exigence de se conformer « aux époques et à
l’usage des anciens propriétaires».
 Dans le prolongement de cette faculté consenti à titre dérogatoire à
l’usufruitier sur les arbres de haute futaie, l’article 593 du Code civil
prévoit que « il peut prendre, dans les bois, des échalas pour les
vignes ; il peut aussi prendre, sur les arbres, des produits annuels ou
périodiques ; le tout suivant l’usage du pays ou la coutume des
propriétaires».
Enfin, l’article 594 du Code civil envisage le sort des arbres fruitiers présents sur le
fonds soumis à l’usufruit.

Le texte prévoit que « les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés
ou brisés par accident, appartiennent à l’usufruitier, à la charge de les remplacer par
d’autres. »
ii) L’acquisition des fruits
==> Le moment d’acquisition des fruits

L’article 604 du Code civil dispose que « le retard de donner caution ne prive pas
l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut percevoir les fruits produits par la
chose à compter du moment où son droit est ouvert.

La question qui alors se pose est de savoir à quel moment s’opère cette ouverture du
droit de l’usufruitier ?

À l’examen, il convient de distinguer selon que l’usufruit est d’origine légale,


conventionnelle, testamentaire ou judiciaire.

 L’usufruit d’origine légale


 Dans cette hypothèse, pour déterminer la date d’ouverture du droit de
l’usufruitier de percevoir les fruits, il convient de se reporter au point de
départ fixé par la loi.
 Ainsi, le droit du conjoint survivant qui est susceptible d’opter en
présence d’enfants communs pour l’usufruit de la totalité des biens du de
cujus s’ouvre à compter du décès de ce dernier
 S’agissant du droit de jouissance légal des parents sur les biens de leur
enfant il naît à compter du jour de l’acquisition du bien
 L’usufruit conventionnel
 Dans cette hypothèse, c’est la volonté des parties qui détermine le point
de départ de l’usufruit.
 À défaut, le droit de l’usufruitier est réputé être ouvert à compter du jour
de la conclusion du contrat, soit de la régularisation de l’acte.
 L’usufruit judiciaire
 Dans cette hypothèse, c’est le juge qui, en octroyant à une partie, un droit
d’usufruit, fixera son point de départ.
 Lorsque, par exemple, l’usufruit sera constitué dans le cadre de l’octroi
d’une prestation compensatoire, le droit du bénéficiaire prendra le plus
souvent effet au jour de prononcé du jugement
 L’usufruit testamentaire
 Dans cette hypothèse, il convient de distinguer selon que l’usufruit est
consenti à un légataire universel ou à un légataire à titre particulier.
 L’usufruit consenti à un légataire universel ou à titre universel
 Pour rappel, le légataire universel est celui qui se voit
léguer l’universalité des biens du testateur, soit l’ensemble de son
patrimoine (  1003 C. civ.)
 Quant au légataire à titre universel il s’agit de la personne
qui recueille une quote-part des biens dont la loi permet au testateur
de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou
tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de
tout son mobilier (  1010 C. civ.).
 À l’examen, la jurisprudence ne distingue pas selon que
l’usufruitier est légataire universel ou légataire à titre universel
 Dans les deux cas, les juridictions font application
de l’article 1005 du Code civil.
 En application de cette disposition le légataire universel
aura la jouissance des biens compris dans le testament, à compter du
jour du décès, si la demande en délivrance a été faite dans l’année,
depuis cette époque
 À défaut, précise le texte, cette jouissance ne commencera
que du jour de la demande formée en justice, ou du jour que la
délivrance aurait été volontairement consentie.
 Dans un arrêt du 6 décembre 2005 la cour de cassation est
venue préciser que « le conjoint survivant, investi de la saisine sur
l’universalité de l’hérédité, a, dès le jour du décès et quelle que soit
l’étendue de la vocation conférée par le legs qui lui a été consenti,
la jouissance de tous les biens composant la succession, laquelle est
exclusive de toute indemnité d’occupation» (  6 déc. 2005, n°03-
10211).
 Il ressort de cette disposition que lorsque l’usufruitier
cumule les qualités de légataire universel ou à titre universel et
d’héritier son droit s’ouvre, en tout état de cause, au jour du décès du
de cujus.
 L’usufruit consenti à un légataire à titre particulier
 Tout d’abord, le légataire à titre particulier est celui qui se
voit léguer par le testateur un ou plusieurs biens individualisés
 Dans cette hypothèse pour déterminer la date d’ouverture
du droit de l’usufruitier à percevoir les fruits, il convient de se
reporter à l’article 1014, al. 2e du Code civil.
 Cette disposition prévoit que « le légataire particulier ne
pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre
les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en
délivrance, formée suivant l’ordre établi par l’article 1011, ou du
jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement
consentie. »
 Il en résulte que le légataire à titre universel devra attendre
la délivrance de la chose par les héritiers saisis pour percevoir les
fruits.
==> Les modes d’acquisition des fruits

Les règles qui régissent l’acquisition des fruits diffèrent selon qu’il s’agit de fruits
naturels, de fruits industriels ou encore de fruits civils.

 Les fruits naturels


 L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont
ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des
animaux sont aussi des fruits naturels. »
 Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans
le travail de l’homme
 Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
 S’agissant de leur perception, elle procède de leur séparation du sol.
 Ainsi, l’article 585, al. 1er du Code civil prévoit que les fruits naturels
pendants par branches ou par racines au moment où l’usufruit est ouvert,
appartiennent à l’usufruitier.
 Encore faut-il néanmoins que l’usufruitier se donne la peine de les
récolter.
 L’alinéa 2e de l’article 585 précise, en effet, que les fruits « qui sont dans
le même état au moment où finit l’usufruit appartiennent au propriétaire,
sans récompense de part ni d’autre des labours et des semences, mais aussi
sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise au métayer,
s’il en existait un au commencement ou à la cessation de l’usufruit. »
 Ainsi les fruits qui n’auraient pas été perçus par l’usufruitier lorsque
l’usufruit vient à expirer deviennent la propriété du propriétaire, ce, quand
bien même le coût de la cultivation a été entièrement supporté par
l’usufruitier.
 Ce dernier ne peut réclamer ni la restitution du produit de la vente, ni
indemnisation
 Les fruits industriels
 L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont
ceux qu’on obtient par la culture. »
 Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail
de l’homme.
 Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices
réalisés par une entreprise
 À l’instar des fruits naturels, les fruits industriels s’acquièrent par la
perception, soit par leur séparation de la chose productrice (  585 C. civ.)
 Les fruits civils
 L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des
maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
 L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans
la classe des fruits civils. »
 Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels
la jouissance de la chose a été concédée
 Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts
d’une somme argent prêtée
 S’agissant de leur perception, l’article 586 du Code civil prévoit que
« les fruits civils sont réputés s’acquérir jour par jour et appartiennent à
l’usufruitier à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s’applique
aux prix des baux à ferme comme aux loyers des maisons et autres fruits
civils. »
 Il ressort de cette disposition que les fruits civils sont répartis, pour les
années d’ouverture et d’expiration du droit d’usufruit entre l’usufruitier et le
nu-propriétaire au prorata temporis.
 Peu importe donc la date de la perception ; ce qui importe c’est la prise
d’effet et d’extinction du droit.
 Le calcul s’opérera sur la base d’une année de 365 jours, étant précisé
que, l’usufruitier a droit aux fruits civils proportionnellement à la durée
réelle de sa jouissance.
 Pour exemple, si l’usufruit expire au 1 er juillet, l’usufruitier percevra la
moitié des loyers annuels et le nu-propriétaire l’autre moitié.
 Si, en revanche, l’usufruit expire au 4 mars, l’usufruitier percevra les
loyers dus pour les mois de janvier et février auxquels s’ajoutera le montant
du loyer correspondant à 4 jours de jouissance.
2. Les droits qui s’exercent sur l’usufruit
L’usufruitier n’est pas seulement investi d’un droit direct sur la chose dont il a la
jouissance, il dispose également de la faculté d’aliéner son droit et d’engager toutes les
actions en justice utiles pour en assurer la préservation.

==> Le droit d’aliéner l’usufruit

 Principe
 L’article 595 du Code civil dispose que « l’usufruitier peut jouir par lui-
même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre
gratuit. »
 Il ressort de cette disposition que l’usufruitier est investi du droit
d’aliéner son droit d’usufruit.
 À cet égard, l’usufruitier peut :
 Céder son droit à titre onéreux ou à titre gratuit
 Constituer une sûreté réelle sur la chose soumise à l’usufruit (gage
pour les meubles et hypothèque pour les immeubles)
 Effectuer un apport en société avec l’usufruit
 En outre, il est admis que l’usufruit puisse faire l’objet d’une saisie
 Limites
 La faculté pour l’usufruitier d’aliéner son droit n’est pas sans limites
 Tout d’abord, l’usufruit demeure, en tout état de cause
intransmissible à cause de mort.
 Ensuite, parce que l’usufruit présente un caractère temporaire son
aliénation ne saurait avoir pour conséquence de porter atteinte à la
substance de la chose, ni aux droits du nu-propriétaire
 Enfin, lorsque l’acte de constitution comporte une clause
d’inaliénabilité, il est fait défense à l’usufruitier de le céder
 Portée
 L’aliénation de l’usufruit est sans incidence sur sa durée en ce sens qu’il
a vocation à s’éteindre, soit au décès de l’usufruitier, soit à l’expiration du
terme prévu dans l’acte constitutif
 Par ailleurs, c’est le cédant de l’usufruit qui répond des préjudices causés
au nu-propriétaire à raison de fautes commises par le cessionnaire.
==> Le droit d’agir en justice

Afin de préserver son droit réel, notamment des atteintes qui pourraient lui être portées
par le nu-propriétaire, plusieurs actions en justice sont ouvertes à l’usufruitier.

 L’action confessoire
 Cette action dont est titulaire l’usufruitier vise à faire reconnaître son
droit de jouissance sur la chose, soit à obtenir la délivrance de la chose qui
serait détenue, soit par un tiers, soit par le nu-propriétaire
 Dans un arrêt du 7 avril 2004, la Cour de cassation a jugé en ce sens que
« l’usufruitier peut ester en justice, dans la mesure où il agit pour défendre
ou protéger son droit de jouissance, et que ce droit lui permet d’exercer
aussi bien une action personnelle que réelle» (  3e  civ. 7 avr. 2004, n°02-
13703).
 Cette action est, en quelque sorte, à l’usufruit ce que l’action en
revendication est à la propriété.
 Reste que, à la différence de l’action en revendication, l’action
confessoire n’est pas imprescriptible : l’usufruitier doit agir dans un délai de
trente ans peu importe que l’usufruit porte sur un bien meuble ou sur un
immeuble
 L’action personnelle
 Ainsi qu’il l’a été jugé la Cour de cassation dans l’arrêt du 7 avril 2004,
l’usufruitier dispose d’une action personnelle
 Cette action poursuit parfois la même finalité que l’action confessoire :
obtenir la délivrance de la chose.
 Dans cette hypothèse, son domaine est toutefois bien plus restreint que
celui de l’action confessoire puisqu’elle ne peut être dirigée que contre le
nu-propriétaire et ses ayants droits.
 L’action personnelle peut également avoir pour finalité de sanctionner les
troubles de jouissance dont l’usufruitier est susceptible d’être victime.
 Il sera, par exemple, fondé à engager la responsabilité du nu-propriétaire
qui accomplirait des actes qui lui causeraient un préjudice
B) Les obligations de l’usufruitier
Il ressort de l’article 601 du Code civil que l’usufruitier est tenu « de jouir en bon père
de famille » du bien soumis à l’usufruit.
Dit autrement, cela signifie que le droit d’usufruit doit s’exercer dans le respect du
droit de propriété du nu-propriétaire.
De ce devoir général qui pèse sur la tête de l’usufruitier découlent plusieurs
obligations très concrètes au nombre desquelles figurent :

 L’obligation de conserver la substance de la chose


 L’obligation de s’acquitter des charges usufructuaires
1. L’obligation de conserver la substance de la chose
L’article 578 du Code civil prévoit que « l’usufruit est le droit de jouir des choses
dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en
conserver la substance. »
Il ressort de cette disposition que l’une des principales obligations de l’usufruitier,
c’est de conserver la substance de la chose.

Par substance, il faut entendre les caractères substantiels du bien, ceux qui le
structurent et sans lesquels il perdrait son identité.

L’obligation pour l’usufruitier de conserver la substance de la chose emporte plusieurs


conséquences ;

 L’interdiction de détruire ou détériorer la chose


 La première conséquence de l’obligation de conservation de la substance
de la chose consiste en l’interdiction de lui porter atteinte.
 Il est, de sorte, fait défense à l’usufruitier de détruire la chose ou de la
détériorer.
 À cet égard, l’article 618 du Code civil prévoit que l’usufruit peut cesser
« par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des
dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
 La destruction et la détérioration de la chose sont ainsi susceptibles d’être
sanctionnées par la déchéance de l’usufruit, laquelle peut être sollicitée par
le nu-propriétaire.
 L’usufruitier engagera également sa responsabilité en cas de perte de la
chose, sauf à démontrer la survenance d’une cause étrangère.
 L’accomplissement d’actes conservatoires
 Pour conserver la substance de la chose, il échoit à l’usufruitier
d’accomplir tous les actes conservatoires requis.
 Cette obligation s’applique en particulier lorsque l’usufruit a pour objet
une créance.
 Dans cette hypothèse, il appartiendra à l’usufruitier d’engager tous les
actes nécessaires à sa conservation : recouvrement, renouvellement des
sûretés, interruption des délais de prescription, action.
 L’article 614 du Code civil prévoit encore que « si, pendant la durée de
l’usufruit, un tiers commet quelque usurpation sur le fonds, ou attente
autrement aux droits du propriétaire, l’usufruitier est tenu de le dénoncer à
celui-ci ; faute de ce, il est responsable de tout le dommage qui peut en
résulter pour le propriétaire, comme il le serait de dégradations commises
par lui-même.»
 Il résulte de cette disposition que l’usufruitier doit, dès qu’il en a
connaissance, dénoncer les empiétements susceptibles d’affecter le fonds
dont il jouit.
 À défaut, l’usufruitier engagera sa responsabilité, le risque pour le nu-
propriétaire étant que la prescription acquisitive le dépossède de son bien.
 L’usage de la chose conformément à sa destination
 Bien que le Code civil soit silencieux sur ce point, il est fait obligation à
l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la destination prévue dans
l’acte de constitution de l’usufruit.
 Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux
habitudes du propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre
un abus de jouissance.
 Par exemple, il lui est interdit de transformer un immeuble à usage
d’habitation en local qui abriterait une activité commerciale.
 Dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé en ce sens que
« la conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre
usage constitue en elle-même une altération de la substance de la chose
soumise à usufruit et peut caractériser un abus de jouissance de nature à
entraîner la déchéance de l’usufruit» (  3e  civ. 4 juin 1975, n°74-10777).
 Elle est ensuite venue préciser, dans un arrêt du 2 février 2005 que
l’obligation de respect de la destination de la chose, ne doit pas être
comprise comme une interdiction de toute variation dans le mode
d’exploitation de la chose.
 Dans cette décision, elle ainsi validé l’arrêt d’une Cour d’appel qui avait
admis que les usufruitiers de terres agricoles puissent conclure un bail
commercial avec deux sociétés en vue de leur permettre de construire et
d’exploiter une plate-forme de compostage de déchets organiques.
 Au soutien de sa décision la troisième chambre civile relève que « le bail
commercial envisagé obéissait à la nécessité d’adapter les activités
agricoles à l’évolution économique et à la réglementation sur la protection
de l’environnement, qu’il ne dénaturait ni l’usage auquel les parcelles
étaient destinées, ni leur vocation agricole, qu’il était profitable à
l’indivision, mais sans porter atteinte aux droits des nus-propriétaires dans
la mesure où le preneur s’engageait en fin de bail à remettre les lieux dans
leur état d’origine, la cour d’appel, qui en a déduit qu’il ne portait pas
atteinte à la substance de la chose, a pu autoriser les usufruitiers à
conclure seuls un bail commercial sur les parcelles en cause» (  3e  civ. 2
févr. 2005, n°03-19729).
 À l’examen, la jurisprudence semble admettre les aménagements de la
destination du bien, dès lors qu’ils n’impliquent pas une altération de la
chose qui serait irréversible.
 Si les travaux à engager sont minimums, à tout le moins, ne sont pas de
nature à porter atteinte à la substance du bien, le nu-propriétaire ne pourra
pas s’y opposer.
 L’obligation d’information en cas d’altération de la substance de la chose
 Dans un arrêt du 12 novembre 1998, la Cour de cassation a qualifié le
portefeuille de valeurs mobilières d’universalité de fait (  1ère  civ. 12 nov.
1998, n°96-18041)
 Or lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est
investi l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais
l’ensemble constitué par ces biens, soit le tout.
 Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver
l’universalité, prise dans sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la
détruire.
 Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer
de chacun des éléments qui composent l’universalité.
 Lorsque l’universalité consiste en un portefeuille de valeurs mobilières, il
est un risque que le nu-propriétaire soit spolié par l’usufruitier.
 Aussi, afin de prévenir cette situation, la Cour de cassation a instauré une
obligation d’information du nu-propriétaire sur la modification du contenu
du portefeuille de valeurs mobilières.
 Dans un arrêt du 3 décembre 2002, la troisième chambre civile a précisé
que « pour déterminer la substance conservée et la valeur du bien à
partager, il est nécessaire que l’usufruitière puisse donner tous les éléments
nécessaires pour déterminer si les seules valeurs subsistantes au jour du
partage, représentent bien toute la substance de l’universalité qu’elle était
chargée de conserver» (  3e  civ. 3 déc. 2002, n°00-17870).
 Cette obligation d’information instituée par la Cour de cassation doit être
exécutée pendant toute la durée de l’usufruit, l’objectif recherché étant que
le nu-propriétaire puisse, en cas de manquement grave de l’usufruitier,
engager toutes les actions nécessaires à la préservation de ses droits.
2. L’obligation de s’acquitter des charges usufructuaires
Afin de comprendre la logique qui préside aux charges usufructuaires, relisons le
Doyen Carbonnier qui a écrit : « l’idée générale est que, dans la gestion d’une
propriété, il y a des frais et des dettes qu’il est rationnel de payer avec les revenus et
d’autres avec le capital. Si la propriété est démembrée, le passif de la première
catégorie doit être à la charge de l’usufruitier, l’autre à la charge du nu-
propriétaire ».
Aussi, les charges usufructuaires ne sont autres que l’ensemble des défenses et des
frais qui incombent à l’usufruitier en contrepartie de la jouissance de la chose.

Au nombre des charges usufructuaires figurent :

 Les charges périodiques


 Les frais et dépenses de réparation
Lorsque l’usufruit est universel ou à titre universel, pèse sur l’usufruitier une autre
catégorie de charges usufructuaires : les intérêts du passif attaché au patrimoine ou à la
quotité de patrimoine dont il jouit.

a) Les charges périodiques


L’article 608 du Code civil dispose que « l’usufruitier est tenu, pendant sa jouissance,
de toutes les charges annuelles de l’héritage, telles que les contributions et autres qui
dans l’usage sont censées charges des fruits. »
Sont ici visées ce que l’on appelle les charges périodiques, soit celles qui sont
afférentes à la jouissance du bien. Leur périodicité est en générale annuelle.

Tel est notamment le cas des charges fiscales au nombre desquelles figurent, l’impôt
sur les revenus générés par le bien, la taxe d’habitation, la taxe foncière, les charges de
copropriété relatives aux services collectifs.

Les charges périodiques incombent à l’usufruitier dans la mesure où elles sont


directement attachées à la jouissance du bien.

Classiquement, on oppose les charges périodiques aux charges extraordinaires qui sont
visées à l’article 609 du Code civil.

Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.

L’article 609, al. 2e répartit les charges extraordinaires entre le nu-propriétaire et


l’usufruitier comme suit :
 Le nu-propriétaire supporte le coût des charges pour le capital
 L’usufruitier supporte, quant à lui, le coût des intérêts
L’alinéa 3 du texte précise que si les charges extraordinaires sont avancées par
l’usufruitier, il a la répétition du capital à la fin de l’usufruit.

Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire

b) Les frais et dépenses de réparation


Il ressort des articles 605 et 606 du Code civil que, tant l’usufruitier, que le nu-
propriétaire sont tenus de supporter la charge des réparations du bien.

Ces réparations peuvent être de deux ordres :

 D’une part, il peut s’agir de dépenses d’entretien, soit des dépenses qui visent à
conserver le bien en bon état
 D’autre part, il peut s’agir de grosses réparations, soit des dépenses qui visent à
remettre en état la structure du bien
Tandis que les dépenses d’entretien sont à la charge de l’usufruitier, les grosses
réparations sont, quant à elles, à la charge du nu-propriétaire.

i) Les dépenses d’entretien


==> Notion

Les dépenses d’entretien sont donc celles qui visent à conserver le bien en bon état. En
application de l’article 605 du Code civil, elles sont à la charge du seul usufruitier.

Le législateur a, en effet, considéré qu’elles résultaient de la jouissance du bien et que,


par conséquent, elles devaient être payées avec les revenus qui précisément reviennent
à l’usufruitier.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par dépense d’entretien,
la réponse déterminant si elle doit ou non être supportée par l’usufruitier.

À l’examen, les dépenses de réparation et d’entretien s’entendent de celles qui


correspondent à des travaux ayant pour objet de maintenir ou de remettre en bon état
le bien et d’en permettre un usage normal, conforme à sa destination, sans en modifier
la consistance, l’agencement ou l’équipement initial.
Plus généralement, ainsi que l’indique l’article 606, al. 3e du Code civil les dépenses
d’entretien sont toutes celles qui ne sont pas des grosses réparations.
==> Exécution de l’obligation

Il peut être observé que si l’usufruitier ne peut pas contraindre le nu-propriétaire à


effectuer des grosses réparations ainsi que nous le verrons plus après, l’inverse n’est
pas vrai.

Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère  civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
ii) Les grosses réparations
==> Notion

Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.

En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.

La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e  civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :

 La réfection de zingueries affectant une partie exceptionnelle de l’immeuble


était une grosse réparation car engageant une dépense exceptionnelle (  1ère  civ. 2
févr. 1955)
 Le recrépissement ou le ravalement d’un immeuble est, en revanche, une
réparation d’entretien (  1ère  civ. 21 mars 196)
Les grosses réparations correspondent donc aux travaux de restauration d’une structure
essentielle de l’immeuble, tels que la réfection d’un mur pignon ou le rétablissement
de poutres ou de couvertures entières.

Dans un arrêt du 27 novembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que


« l’article 606 du Code civil énumère limitativement les grosses réparations » (Cass.
3e  civ. 27 nov. 2002, n°01-12816).
Il en résulte que les juridictions ne peuvent pas ajouter des travaux à la liste énoncée
par l’article 606. Les grosses réparations doivent se limiter à celles qui touchent à la
solidité et à la structure du bien.

==> Répartition

 Principe
 Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
 Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
 Exceptions
 Négligence de l’usufruitier
 L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
 Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
 Travaux d’amélioration
 Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
 Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» (  com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
 Reconstruction du bien
 L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
 Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
 Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation

La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e  civ. 10 juill. 2002, n°00-22158  ; Cass. 3e  civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.

Aussi, il n’y a entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous


deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.

Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.

Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
c) La contribution aux dettes grevant le patrimoine soumis à l’usufruit
Il ressort des articles 610- 611 et 612 du Code civil que, selon que l’usufruit est
universel, à titre universel, ou à titre particulier, l’usufruitier sera ou non tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine dont il jouit.

Pour rappel :
 L’usufruit universel est celui qui porte sur une l’universalité des biens, soit sur
l’ensemble d’un patrimoine
 L’usufruit à titre universel est celui qui porte sur une quote-part des biens,
telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou
une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier
 L’usufruit à titre particulier est celui qui porte sur un ou plusieurs biens
individualisés
Ceci étant rappelé, le Code civil opère une distinction entre :

 D’une part, l’usufruitier à titre particulier qui n’est pas tenu de contribuer aux
dettes grevant le patrimoine dont relève le ou les biens dont il jouit
 D’autre part, l’usufruitier universel et à titre universel qui est tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine ou la quotité de patrimoine soumis à
l’usufruit
S’agissant de l’usufruitier à titre particulier, l’article 611 du Code civil précise que
qu’il « n’est pas tenu des dettes auxquelles le fonds est hypothéqué : s’il est forcé de
les payer, il a son recours contre le propriétaire, sauf ce qui est dit à l’article 1020,
au titre  » Des donations entre vifs et des testaments  » ».
Ainsi, en cas d’usufruit constitué sur un bien grevé d’une hypothèque, la dette attachée
à la sûreté n’incombe pas à l’usufruitier. Reste qu’il peut être poursuivi par le
créancier hypothécaire au titre de son droit de suite. L’usufruitier, s’il veut conserver
la jouissance du bien, n’aura alors d’autre choix que de régler la dette, charge à lui de
se retourner contre le nu-propriétaire.

S’agissant de l’usufruitier universel et à titre universel, l’idée qui préside à


l’obligation de contribution de l’usufruitier à la dette est qu’il jouit d’un patrimoine ou
d’une quote-part de celui-ci. Or un patrimoine consiste en une corrélation entre un
actif et un passif.
Il en résulte que la jouissance de l’actif s’accompagne nécessairement d’une
contribution aux dettes qui composent le passif.

C’est la raison pour laquelle, le Code civil met à la charge de l’usufruit le règlement
des intérêts de la dette, lesquels ne sont autres que l’équivalent des revenus engendrés
par le patrimoine soumis à l’usufruit.

À cet égard, tandis que l’article 610 régit la contribution de l’usufruitier aux rentes


viagères et pensions alimentaires qui grèvent le patrimoine dont il jouit, l’article 612
règle la contribution aux autres dettes.

 S’agissant des rentes viagères et des pensions alimentaires


 En application de l’article 610 du Code civil l’usufruitier universel et à
titre universel doit supporter la charge des arrérages à proportion de
l’étendue de son usufruit.
 S’il est usufruitier universel il prendra en charge l’intégralité des
arrérages et s’il est usufruitier à titre universel il y contribuera dans la
proportion de sa jouissance
 S’agissant des dettes qui ne sont ni des rentes viagères, ni des pensions
alimentaires
 En application de l’article 612 du Code civil, l’usufruitier universel et à
titre universel doit supporter le coût des intérêts de la dette.
 Là encore, il devra contribuer au règlement des intérêts de la dette à
proportion de l’étendue de sa jouissance.
 À cet égard, l’article 612 envisage plusieurs modes de contribution à la
dette.
 Tout d’abord, si l’usufruitier veut avancer la somme nécessaire au
règlement de la dette, le capital lui sera restitué à la fin de l’usufruit,
sans aucun intérêt.
 Ensuite, Si l’usufruitier ne veut pas faire cette avance de capital,
le propriétaire a le choix :
 Soit payer cette somme, et, dans ce cas, l’usufruitier lui
tient compte des intérêts pendant la durée de l’usufruit
 Soit faire vendre jusqu’à due concurrence une portion des
biens soumis à l’usufruit.
En tout état de cause, et indépendamment des modes de contributions envisagés par le
Code civil, il a très tôt été admis que les créanciers puissent agir contre le nu-
propriétaire pour le capital et les intérêts de la dette (Cass. civ. 23 avr. 1888).
II) La situation du nu-propriétaire
Aux côtés de l’usufruitier qui bénéficie de la jouissance de la chose (usus et fructus),
le nu-propriétaire conserve le droit d’en disposer (abusus).
Ce droit, dont l’assiette est pendant toute la durée de l’usufruit pour le moins restreinte
a pour intérêt majeur de garantir au nu-propriétaire le recouvrement de la pleine
propriété de la chose à l’expiration de l’usufruit.

Parce que le nu-propriétaire, à l’instar de l’usufruitier, exerce un droit réel sur la


chose, il est investi de prérogatives tout autant qu’il lui incombe des obligations.

A) Les droits du nu-propriétaire


Par hypothèse, le nu-propriétaire ne bénéficie pas de la jouissance de la chose. Il en
résulte que ses prérogatives sont bien moins nombreuses que celles exercées par
l’usufruitier.

1. Le droit de disposer de la chose : l’abusus


Tandis que l’usufruitier est titulaire des droits d’user et de jouir de la chose, le nu-
propriétaire est investi du droit d’en disposer.

Ce droit de disposer de la chose est néanmoins restreint, car il ne lui permet pas de
détruire le bien, alors même que cette prérogative relève de l’abusus.

La raison en est que s’il détruisait la chose, il porterait atteinte au droit – réel de
l’usufruitier – qui serait privé de la faculté d’en jouir.

C’est donc un droit de disposer diminué qui est conféré au nu-propriétaire. Il conserve
néanmoins la faculté de céder son droit ou de grever la nue-propriété de droits réels
(sûretés, servitudes).

À cet égard, l’article 621 du Code civil précise que « la vente du bien grevé d’usufruit,
sans l’accord de l’usufruitier, ne modifie pas le droit de ce dernier, qui continue à
jouir de son usufruit sur le bien s’il n’y a pas expressément renoncé. »
2. Le droit de percevoir les produits
Si l’usufruitier est titulaire du droit de percevoir les fruits engendrés par la chose, c’est
au nu-propriétaire que reviennent les produits.

Pour rappel, les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance

Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une carrière ou d’une mine. Il
en va de même des arbres de haute futaie des forêts qui sont ceux laissés en place pour
qu’ils atteignent leur pleine maturité. N’ayant pas vocation à être coupés à échéance
périodique, on les qualifie de produits.

Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des fruits, on perçoit
seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les produits d’une chose, on
perçoit une fraction du capital, qui se trouve ainsi entamé »[3].
C’est la raison pour laquelle, les produits ne peuvent être perçus que par le nu-
propriétaire dont le droit s’exerce sur le capital.

3. Actes conservatoires
Bien que l’accomplissement d’actes conservatoires relève des prérogatives de
l’usufruitier, le nu-propriétaire est directement intéressé par la conservation de la
chose. Et pour cause, il a vocation à recouvrer la pleine propriété du bien à l’expiration
de l’usufruit.
Aussi, est-il admis que, pour assurer la sauvegarde de la substance de la chose, le nu-
propriétaire puisse accomplir tous les actes conservatoires requis, notamment en cas de
carence de l’usufruitier.

Il pourra donc s’agir d’engager une procédure de recouvrement, renouveler une sûreté,
interrompre un délai de prescription

Il pourra encore contraindre l’usufruitier à prendre toutes les mesures utiles aux fins
d’éviter que la chose ne se détériore et plus généralement à engager des travaux
d’entretien.

Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère  civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
4. Actions en justice
Le nu-propriétaire est fondé à engager toutes les actions en justice qui vise à préserver
son droit de propriété.

Il peut donc exercer l’action en revendication, en contestation ou reconnaissance d’une


servitude.

Le nu-propriétaire peut encore dénoncer en justice les empiétements susceptibles


d’affecter le fonds dont il est propriétaire, tout autant qu’il peut saisir le juge pour
toute question relative au bornage ou à la clôture du terrain.

Il peut enfin agir contre l’usufruitier qui manquerait à ses obligations, en particulier
s’il constate qu’il commet un abus de jouissance, lequel abus est sanctionné par la
déchéance de l’usufruit.

5. Le droit à être informé de la modification de la substance de la chose


De manière générale, le nu-propriétaire est en droit d’être informé par l’usufruitier de
toutes les modifications qui affectent la substance de la chose.
La raison en est qu’il doit pouvoir agir au plus vite afin de prendre toutes les mesures
utiles que requiert la situation. Il doit néanmoins pouvoir empêcher l’usufruitier
d’accomplir des actes qui auraient des conséquences irréversibles.

Ce droit à être informé dont est titulaire le nu-propriétaire a été reconnu par la Cour de
cassation dans un arrêt du 12 novembre 1998 qui, dans cette affaire, avait qualifié le
portefeuille de valeurs mobilières d’universalité de fait (Cass. 1ère  civ. 12 nov. 1998,
n°96-18041)
Or lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est investi
l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais l’ensemble
constitué par ces biens, soit le tout.

Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver l’universalité, prise dans
sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la détruire.

Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer de chacun des
éléments qui composent l’universalité.

Lorsque l’universalité consiste en un portefeuille de valeurs mobilières, il est un risque


que le nu-propriétaire soit spolié par l’usufruitier.

Aussi, afin de prévenir cette situation, la Cour de cassation a instauré une obligation
d’information du nu-propriétaire sur la modification du contenu du portefeuille de
valeurs mobilières.

Dans un arrêt du 3 décembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que « pour
déterminer la substance conservée et la valeur du bien à partager, il est nécessaire
que l’usufruitière puisse donner tous les éléments nécessaires pour déterminer si les
seules valeurs subsistantes au jour du partage, représentent bien toute la substance de
l’universalité qu’elle était chargée de conserver » (Cass. 3e  civ. 3 déc. 2002, n°00-
17870).
Cette obligation d’information instituée par la Cour de cassation doit être exécutée
pendant toute la durée de l’usufruit, l’objectif recherché étant que le nu-propriétaire
puisse, en cas de manquement grave de l’usufruitier, engager toutes les actions
nécessaires à la préservation de ses droits.

B) Les obligations du nu-propriétaire


À l’examen, trois obligations pèsent sur la tête du nu-propriétaire :
 Ne pas porter atteinte au droit de jouissance de l’usufruitier
 Supporter la charge des grosses réparations
 S’acquitter des charges extraordinaires
1. L’obligation de ne pas nuire aux droits de l’usufruitier
L’article 599, al. 1er du Code civil dispose que « le propriétaire ne peut, par son fait,
ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l’usufruitier. »
Il ressort de cette disposition qu’il est fait défense au nu-propriétaire d’entraver
l’exercice des droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier.

Autrement dit, le nu-propriétaire ne peut apporter aucune modification à la substance


de la chose puisque celle-ci constitue l’assiette de l’usufruit.

Dans un arrêt du 28 novembre 1972, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que
méconnaissait les droits de l’usufruitier le nu-propriétaire qui en défrichant et en
clôturant un domaine anéantissait toute possibilité de chasse (Cass. 1ère  civ. 28 nov.
1972).
Les seuls travaux d’ampleur que le nu-propriétaire est autorisé à effectuer sont ceux
qui visent à réaliser des grosses réparations.

2. L’obligation de supporter la charge des grosses réparations


==> Notion

Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.

En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.

La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e  civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :

 La réfection de zingueries affectant une partie exceptionnelle de l’immeuble


était une grosse réparation car engageant une dépense exceptionnelle (  1ère  civ. 2
févr. 1955)
 Le recrépissement ou le ravalement d’un immeuble est, en revanche, une
réparation d’entretien (  1ère  civ. 21 mars 196)
Les grosses réparations correspondent donc aux travaux de restauration d’une structure
essentielle de l’immeuble, tels que la réfection d’un mur pignon ou le rétablissement
de poutres ou de couvertures entières.

Dans un arrêt du 27 novembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que


« l’article 606 du Code civil énumère limitativement les grosses réparations » (Cass.
3e  civ. 27 nov. 2002, n°01-12816).
Il en résulte que les juridictions ne peuvent pas ajouter des travaux à la liste énoncée
par l’article 606. Les grosses réparations doivent se limiter à celles qui touchent à la
solidité et à la structure du bien.

==> Répartition

 Principe
 Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
 Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
 Exceptions
 Négligence de l’usufruitier
 L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
 Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
 Travaux d’amélioration
 Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
 Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» (  com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
 Reconstruction du bien
 L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
 Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
 Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation

La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e  civ. 10 juill. 2002, n°00-22158  ; Cass. 3e  civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.

Aussi, il n’y a entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous


deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.

Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.

Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
3. L’obligation de s’acquitter des charges extraordinaires
Tandis que les charges périodiques incombent à l’usufruitier (impôt sur le revenu, taxe
d’habitation, taxe foncière etc.), car directement attachées à la jouissance du
bien, l’article 609 du Code civil fait supporter au nu-propriétaire les charges dites
extraordinaires.

Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.
L’article 609, al. 2e répartit les charges extraordinaires entre le nu-propriétaire et
l’usufruitier comme suit :
 Le nu-propriétaire supporte le coût des charges pour le capital
 L’usufruitier supporte, quant à lui, le coût des intérêts
L’alinéa 3 du texte précise que si les charges extraordinaires sont avancées par
l’usufruitier, il a la répétition du capital à la fin de l’usufruit.

Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire

§4 : L’extinction de l’usufruit
I) Les causes d’extinction
Parce que l’usufruit est un droit qui, à la différence de la nue-propriété, est un droit
réel qui présente un caractère temporaire, il a vocation à s’éteindre.

La raison en est que la loi n’est pas favorable au maintien d’une dissociation entre le
pouvoir de disposer de la chose et le pouvoir de l’exploiter.

Aussi, l’objectif recherché est de permettre au nu-propriétaire de récupérer, à terme,


les utilités de la chose, faute de quoi son droit de propriété serait vidé de sa substance
et la circulation économique du bien paralysé.

Les causes d’extinction de l’usufruit sont énoncées aux articles 617 et 618 du Code


civil.

A) Le décès
==> Principe

L’article 617, al. 1 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la mort de l’usufruitier ».
Le principe, c’est donc que l’usufruit est viager, ce qui implique qu’il prend fin au
décès de l’usufruitier.
À cet égard, l’usufruit est attaché à la personne. Il en résulte qu’il n’est pas
transmissible à cause de mort.

==> Tempéraments

Bien que l’interdiction qui est faite à l’usufruitier de transmettre son droit après sa
mort soit une règle d’ordre public, elle comporte deux tempéraments
 Premier tempérament : l’usufruit simultané
 L’usufruit peut être constitué à la faveur de plusieurs personnes
simultanément, ce qui revient à créer une indivision en usufruit.
 Cette constitution d’usufruit est subordonnée à l’existence de tous les
bénéficiaires au jour de l’établissement de l’acte.
 Dans cette hypothèse, l’usufruit s’éteint progressivement à mesure que
les usufruitiers décèdent, tandis que le nu-propriétaire recouvre
corrélativement la pleine propriété de son bien sur les quotes-parts ainsi
libérées
 Afin d’éviter que l’assiette de l’usufruit ne se réduise au gré des décès
qui frappent les usufruitiers, il est possible de stipuler une clause dite de
réversibilité.
 Dans cette hypothèse, la quote-part de celui des usufruitiers qui est
prédécédé accroît celle des autres, qui en bénéficient pour la totalité,
jusqu’au décès du dernier d’entre eux.
 Le dernier survivant a ainsi vocation à exercer un monopole sur l’usufruit
du bien.
 Second tempérament : l’usufruit successif
 L’usufruit peut également être constitué sur plusieurs têtes, non pas
simultanément, mais successivement.
 Il s’agira autrement dit de stipuler une clause de réversibilité aux termes
de laquelle au décès de l’usufruitier de « premier rang », une autre personne
deviendra usufruitière en second rang.
 Dans cette hypothèse, les usufruitiers n’exerceront pas de pouvoirs
concurrents sur la chose : ils se succéderont, le décès de l’un, ouvrant le
droit d’usufruit de l’autre.
 Chacun jouira ainsi, tout à tour, de l’intégralité de l’usufruit constitué.
 Selon M. Grimaldi nous ne sommes pas en présence « d’un unique
usufruit qui passerait mortis causa d’un gratifié à l’autre» mais
d’« usufruits successifs, distincts qui s’ouvriront tour à tour, chacun à
l’extinction du précédent par la mort de son titulaire ».
 La Cour de cassation a précisé que la clause de réversibilité de l’usufruit
« s’analysait en une donation à terme de bien présent, le droit d’usufruit du
bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l’acte» (  1ère  civ.
21 oct. 1997, n°95-19759).
 Il en résulte que seul l’exercice du droit d’usufruit est différé, non sa
constitution, ce qui évite de tomber sous le coup de la prohibition des pactes
sur succession future.
B) Le terme
L’article 617, al. 3 dispose que « l’usufruit s’éteint […] par l’expiration du temps
pour lequel il a été accordé »
À l’analyse, il est deux situations où l’usufruit n’est pas viager : lorsque, d’une part, il
est assorti d’un terme stipulé par le constituant et lorsque, d’autre part, il est constitué
à la faveur d’une personne morale

==> L’usufruit est assorti d’un terme stipulé par le constituant

Il est admis que le constituant assortisse l’usufruit d’un terme déterminé. Dans cette
hypothèse, l’usufruit s’éteindra :

 Soit à l’expiration du terme fixé par l’acte constitutif


 Soit au décès de l’usufruitier qui peut potentiellement intervenir avant le terme
fixé
La seule limite à la liberté des parties quant à la fixation du terme de l’usufruit, c’est
l’impossibilité de transmettre l’usufruit à cause de mort.

==> L’usufruit est constitué au profit d’une personne morale

Dans l’hypothèse où l’usufruitier est une personne morale, il est susceptible d’être
perpétuel. En effet, une personne morale vit aussi longtemps que ses associés réalisent
son objet social. Or ces derniers sont susceptibles de se succéder éternellement, par le
jeu, soit des transmissions à cause de mort, soit des cessions de droits sociaux.

Aussi, afin que la règle impérative qui assortit l’usufruit d’un caractère temporaire
s’applique également aux personnes morales, l’article 619 du Code civil que
« l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. »
Cette règle est d’ordre public, de sorte que la durée ainsi posée ne saurait être
allongée. Dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation n’a pas manqué de le
rappeler, en jugeant que « l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder
trente ans » (Cass. 7 mars 2007, n°06-12568).
C) La consolidation
==> Principe général

L’article 617, al 4 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la consolidation ou la


réunion sur la même tête, des deux qualités d’usufruitier et de propriétaire »
Cette cause d’extinction de l’usufruit correspond à l’hypothèse d’acquisition :

 Soit de la nue-propriété par l’usufruitier


 Soit de l’usufruit par le nu-propriétaire
 Soit de l’usufruit et de la nue-propriété par un tiers
Lorsque cette acquisition procède de l’accomplissement d’un acte juridique, la
consolidation est subordonnée à la validité de cet acte. En cas d’irrégularité, le
démembrement produira à nouveau tous ses effets.

L’acte opérant cette consolidation peut consister en une cession, une donation, un legs,
un échange et plus généralement en toute opération translative de propriété.

==> Cas particulier de la vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété

L’article 621 du Code civil dispose que « en cas de vente simultanée de l’usufruit et
de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété
selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour
reporter l’usufruit sur le prix. »
Cette disposition est directement issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant
réforme des successions et des libéralités qui a tenté de régler une difficulté à laquelle
étaient confrontés les praticiens du droit.

En effet, dans le cas de la cession d’un bien démembré, la question se pose


fréquemment de savoir comment répartir le prix de cession entre l’usufruitier et le nu-
propriétaire.

Cette question ne concerne pas spécifiquement les partages successoraux, mais vise à
préciser de manière générale le règlement de la vente globale d’un bien démembré,
quel qu’en soit le contexte ou la raison.

La jurisprudence s’est abondamment prononcée en faveur de la répartition du prix de


vente au prorata entre l’usufruit et la nue-propriété, considérant que tant l’usufruitier
que le nu-propriétaire avaient droit à une portion du prix total correspondant à la
valeur comparative de l’usufruit avec la nue-propriété (V. en ce sens Cass. 1ère  civ., 20
oct. 1987 ; Cass. 2e  civ. 18 oct. 1989).
Il a, par suite, été jugé que les intérêts dus sur le prix de vente devaient également être
partagés dans les mêmes proportions, sans que l’usufruitier puisse prétendre à leur
totalité (Cass. 3e  civ., 3 juillet 1991).
Mais, inversement, certains auteurs de la doctrine ont pu estimer qu’il convenait de
reporter le démembrement de propriété sur le prix[4]. Cette thèse était toutefois
minoritaire.
À l’examen, l’article 621, al. 1er du Code civil est venu consacrer la jurisprudence
l’objectif recherché étant d’atteindre l’équité
Ainsi, cette disposition prévoit-elle que le prix de cession est réparti entre l’usufruitier
et le nu-propriétaire – ou, ainsi que le dit le texte, entre l’usufruit et la nue-propriété –
selon la valeur « respective » de chacun de ces droits.

Les parties conservent néanmoins la faculté de décider que l’usufruit se reportera sur
le prix, ce qui revient à constituer un quasi-usufruit à la faveur de l’usufruitier, lequel
pourra alors librement disposer de l’intégralité du prix de cession.

La contrepartie pour le nu-propriétaire résidera dans la restitution, à l’extinction de


l’usufruit, du prix de cession lequel viendra s’imputer sur la masse successorale,
puisque constituant une dette inscrite au passif. Cette dette viendra d’autant réduire
l’assiette des droits de succession ; d’où l’intérêt de l’opération.

Quid de la valorisation de l’usufruit et de la nue-propriété ?

Comme dans le cas de la conversion de l’usufruit total du conjoint survivant en rente


viagère, les modalités de calcul de la valorisation respective des droits démembrés ne
sont pas précisées par l’article 621.

Cette imprécision renvoie alors à la totale liberté des parties, dont le contentieux
éventuel devra être tranché par le juge.

À cet égard, la jurisprudence a déjà eu à se prononcer sur le mode de calcul de la


valeur de l’usufruit, en acceptant de ne pas l’asseoir nécessairement sur le barème
de l’article 762 du Code général des impôts, dont l’application ne s’impose qu’en
matière fiscale,

BARÈME DE L’USUFRUIT EN PROPORTION DE LA VALEUR EN PLEINE


PROPRIÉTÉ
[table id=352 /]

 
Dans un arrêt du 25 février 1997, la Cour de cassation a ainsi jugé que « la répartition
du prix entre les venderesses, usufruitière et nue-propriétaire des actions, devait être
proportionnelle à la valeur comparative de l’usufruit et de la nue-propriété et en
retenant souverainement que l’évaluation de l’usufruit devait se faire en tenant
compte de l’âge de l’usufruitière et du revenu net qu’elle pouvait espérer obtenir des
actions vendues » (Cass. 3e  civ. 25 févr. 1997).
Une autre solution consiste à s’appuyer sur le dispositif fiscal, au moins par défaut.

Toutefois, cette méthode présente le double inconvénient d’être moins respectueuse de


la liberté des parties, et de s’éloigner de la valeur économique réelle.

En pratique, il existe globalement assez peu de contentieux, et donc de jurisprudence,


en matière de répartition du prix entre usufruitier et nu-propriétaire. Cette situation
traduit le caractère souvent consensuel des ventes de biens dont la propriété est
démembrée.

Les parties se mettent en effet d’accord sur la valeur respective des droits, soit en se
basant sur la valeur fiscale prévue par le code général des impôts, soit au regard des
tables actuarielles dites « de Xénard » – du nom du notaire qui les a élaborées –
permettant de déterminer la valeur économique de l’usufruit et auxquelles les
praticiens se réfèrent souvent.

Une nouvelle évaluation de l’usufruit contraindrait à une élaboration mathématique


nécessairement complexe, susceptible d’entraîner débats et contestations au plan
réglementaire.

Il a donc logiquement semblé préférable de laisser aux parties, en cas de contestation


devant le juge, le soin de faire fixer la valeur des droits d’usufruit et de nue-propriété
par voie d’expert[5].
En tout état de cause, l’appréciation de cette valeur respective variera naturellement
selon qu’il s’agit d’un usufruit à durée limitée, ou viager.

S’agissant d’un usufruit à durée limitée, la valeur fiscale de l’usufruit est fixée par le
même article 669 du CGI à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque
période de 10 ans, dans la limite de la valeur de l’usufruit viager.

D) La renonciation
Proche du mécanisme de la consolidation, la renonciation de l’usufruitier à son droit
est une cause d’extinction de l’usufruit. Elle peut prendre plusieurs formes.
En effet, la renonciation peut être :

 Conventionnelle ou unilatérale
 Onéreuse ou libérale
En tout état de cause, il est admis que la renonciation emporte mutation d’un droit réel.
La raison en est que la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ne donne ouverture à
aucun impôt ou taxe que lorsque cette réunion a lieu par l’expiration du temps fixé
pour l’usufruit ou par le décès de l’usufruitier (art. 1133 CGI).
Aussi, lorsque la réunion a lieu avant l’expiration du terme convenu pour la durée de
l’usufruit ou avant l’expiration normale de celui-ci par le décès de l’usufruitier, par
l’effet d’une renonciation de l’usufruitier ou d’une convention quelconque, l’impôt de
mutation est dû sur la convention intervenue.

En outre, lorsque l’usufruit porte sur un immeuble, obligation est faite au renonçant
d’accomplir toutes les formalités de publicité foncière en application de l’article 28 du
décret du 4 janvier 1955, faute de quoi l’acte de renonciation sera inopposable aux
tiers.

Enfin, l’article 622 du Code civil prévoit que « les créanciers de l’usufruitier peuvent
faire annuler la renonciation qu’il aurait faite à leur préjudice. ».
Autrement dit, si l’usufruitier agit en fraude de leurs droits, ils pourront demander la
réintégration de l’usufruit dans son patrimoine pour mieux pouvoir l’appréhender en
cas de mise en œuvre de procédures d’exécution forcée.

E) Le non-usage
L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par le non-usage
du droit pendant trente ans ».
Il ressort de cette disposition que, à la différence du droit de propriété qui est
imprescriptible, le droit d’usufruit succombe sous l’effet de la prescription extinctive
dont le délai est fixé à trente ans. Ce délai court à compter du dernier acte accompli
par l’usufruitier.

Il est indifférent que l’usufruit s’exerce sur un meuble ou un immeuble : la


prescription extinctive produit ses effets dès lors qu’est constaté le non-usage de la
chose.

A contrario, cela signifie que dès lors que l’usufruitier exerce son droit d’user et de
jouir de la chose, même très rarement, le jeu de la prescription extinctive est
neutralisé.
Plus précisément, cela suffit à l’interrompre et donc à effacer le délai de prescription
acquis et faire courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.

À cet égard, il importe peu que l’acte interruptif soit accompli par l’usufruitier lui-
même ou qu’il soit accompli par un tiers en son nom (locataire, mandataire, etc.)

F) L’usucapion
Bien que prévu par aucun texte, il est admis que l’usufruit puisse être acquis par le jeu
de la prescription acquisitive attachée à la possession, ce qui a pour conséquence de
faire perdre à l’usufruitier initial son droit de jouissance sur la chose.

L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir
un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé
d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise
foi. »
La prescription acquisitive aura vocation à jouer lorsque celui qui tire profit de la
jouissance de la chose se comportera comme le véritable usufruitier.

Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès
d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura
ainsi été institué usufruitier a non domino.
S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien
objet de la possession.

 S’il s’agit d’un immeuble, la prescription pourra être de 10 ans en cas de bonne
foi du possesseur et de justification d’un juste titre. À défaut, la durée de la
prescription acquisitive est portée à trente ans.
 S’il s’agit d’un meuble, l’effet acquisitif de la possession est immédiat, sauf à
ce que le possesseur soit de mauvaise foi auquel cas la durée de la prescription
sera de trente ans.
G) La perte de la chose
==> Principe

L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la perte
totale de la chose sur laquelle l’usufruit est établi. »
La perte de la chose a donc pour conséquence de mettre fin à l’usufruit, car le privant
d’objet.

Cette perte peut consister :


 Soit en une disparition de la chose lorsqu’elle est corporelle
 Soit en la perte d’un droit lorsque la chose est incorporelle
À cet égard, les auteurs assimilent à la perte de la chose, le cas où elle ferait l’objet
d’une modification qui l’altérerait dans ses caractères essentiels et qui la rendrait
impropre à l’usage auquel elle était destinée (V. en ce sens Aubry et Rau).

En outre, l’article 624 du Code civil envisage le cas particulier de l’usufruit portant sur
un immeuble.

Cette disposition distingue, selon qu’est ou non inclus dans son assiette le sol.

 L’usufruit porte sur le sol et le bâtiment


 Dans cette hypothèse, en cas de destruction du bâtiment, l’usufruit pourra
continuer à jouir du sol et des matériaux
 L’usufruit porte sur le seul bâtiment
 Dans cette hypothèse, en cas de destruction du bâtiment soit par incendie
ou par un autre accident, ou qu’il s’écroule de vétusté, l’usufruitier n’aura le
droit de jouir ni du sol ni des matériaux.
Enfin, le texte précise que seule la perte totale de la chose a pour effet d’éteindre
l’usufruit. Lorsque, par conséquent, cette perte n’est que partielle, les droits de
l’usufruitier subsistent, l’assiette de l’usufruit s’en trouvant seulement réduite.

L’article 623 du Code civil prévoit en ce sens que « si une partie seulement de la
chose soumise à l’usufruit est détruite, l’usufruit se conserve sur ce qui reste. »
==> Exception

Par exception, il est admis que lorsque la perte de la chose donne lieu au paiement
d’une indemnité, l’usufruit se reporte sur cette indemnité par le jeu d’une subrogation
réelle.

Pour rappel, cette forme de subrogation réalise la substitution, dans un patrimoine,


d’une chose par une autre.

Il en va ainsi lorsqu’un bien mobilier ou immobilier dont est propriétaire une personne
est remplacé par une somme d’argent correspondant à la valeur du bien remplacé.

La subrogation réelle est susceptible d’intervenir dans trois situations distinctes :


 La perte de la chose donne lieu à l’octroi d’une indemnité d’assurance
 La perte de la chose a pour cause une expropriation pour cause d’utilité
publique dont la contrepartie est le paiement d’une juste et préalable indemnité.
 L’article L. 13-7 du Code de l’expropriation prévoit en ce sens que
« dans le cas d’usufruit, une seule indemnité est fixée, le nu-propriétaire et
l’usufruitier exercent leurs droits sur le montant de l’indemnité au lieu de
les exercer sur la chose. »
 La perte de la chose donne lieu au paiement de dommages et intérêts
H) La déchéance pour abus de jouissance
L’article 618 du Code civil dispose que « l’usufruit peut aussi cesser par l’abus que
l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds,
soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut être déchu de son droit lorsqu’il
commet un abus de jouissance.

Par abus de jouissance, il faut entendre une faute dont la gravité est de nature à altérer
la substance du bien grevé par l’usufruit ou à en menacer la restitution.

Aussi, doit-il s’agit d’une faute commise, soit par l’usufruitier, soit par la personne
dont il répond.

Au nombre des fautes constitutives d’un abus de jouissance, l’article 618 vise


expressément :

 Les dégradations sur le fonds


 Le dépérissement du fonds par manque d’entretien
Dans un arrêt du 12 mars 1970, la Cour de cassation a de la sorte validé la décision
d’une Cour d’appel qui avait jugé que « Dame veuve X était responsable de la ruine
des immeubles soumis à son usufruit « même si x… Michel avait la charge de faire
procéder en même temps qu’elle a des travaux confortatifs « , a constaté qu’un défaut
d’entretien, remontant à dix-neuf années et imputable à l’usufruitière, avait entraîné
la détérioration du gros œuvre des immeubles » (Cass. 3e  civ. 12 mars 1970).
De son côté, la jurisprudence a admis qu’une le changement de destination du bien
soumis à l’usufruit était susceptible de constituer un abus de jouissance.

Bien que le Code civil soit silencieux sur ce point, il est, en effet, fait obligation à
l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la destination prévue dans l’acte de
constitution de l’usufruit.
Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du
propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.

C’est ainsi que dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e  civ. 4 juin 1975, n°74-10777).
II) Les effets de l’extinction
L’extinction de l’usufruit emporte deux conséquences :

 La restitution de la chose
 Le règlement des comptes
A) La restitution de la chose
1. Principe
==> Droit commun

La première obligation qui échoit à l’usufruitier à l’expiration de son droit consiste à


restituer la chose soumise à l’usufruit au nu-propriétaire

Cette restitution doit, en principe, intervenir en nature. Elle doit alors être restituée
dans l’état où elle se trouvait au moment de la délivrance, et plus précisément tel que
décrit dans l’inventaire qui a été dressé en application de l’article 600 du Code civil.

À défaut d’inventaire, notamment dans le cas d’une dispense, il appartiendra au nu-


propriétaire de prouver que l’état dans lequel le bien lui est restitué ne correspond pas
à celui dans lequel il se trouvait au jour de sa délivrance.

==> Cas particulier de l’universalité de biens

Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de biens, il convient de distinguer selon
que cette universalité est de droit ou de fait

 L’usufruit d’une universalité de fait


 Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur un ensemble de biens unis par
une même finalité économique.
 Tel est le cas notamment du fonds de commerce qui regroupe l’ensemble
des biens nécessaires à l’exploitation d’une activité commerciale
déterminée.
 Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est
investi l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais
l’ensemble constitué par ces biens, soit le tout.
 Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver
l’universalité, prise dans sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la
détruire.
 Il ne s’agit donc pas d’un quasi-usufruit, mais bien d’un usufruit
ordinaire.
 Appliqué au fonds de commerce, cela signifie que, à l’expiration de
l’usufruit, l’usufruitier devra restituer un fonds de commerce de valeur
équivalente.
 Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer
de chacun des éléments qui composent le fonds de commerce (machines,
outils, marchandises, matières premières etc.)
 L’usufruitier est ainsi autorisé à accomplir tous les actes de nécessaires à
l’exploitation de l’activité commerciale (achat et vente de marchandises
etc.)
 À cet égard, c’est lui qui percevra les bénéfices tirés de l’exploitation du
fonds, tout autant que c’est lui qui endossera la qualité de commerçant et
qui, à ce titre, sera soumis à l’obligation d’immatriculation.
 L’usufruit d’une universalité de droit
 Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur une masse de biens qui, de
nature et d’origine diverses, et matériellement séparés, ne sont réunis par la
pensée qu’en considération du fait qu’ils appartiennent à une même
personne
 Autrement dit, l’usufruit a ici pour objet un patrimoine ou une fraction de
patrimoine.
 Selon le cas, il sera qualifié d’usufruit à titre universel ou d’usufruit à
titre particulier.
 Cette forme d’usufruit se rencontre le plus souvent consécutivement à
une dévolution successorale ou testamentaire.
 Lorsqu’il porte sur un patrimoine, la portée de l’usufruit est radicalement
différente de la situation où il a pour objet une universalité de fait.
 En effet, l’assiette du droit de l’usufruitier est constituée par l’ensemble
des biens qui composent le patrimoine et non par le patrimoine pris dans sa
globalité.
 La conséquence en est que, si l’usufruitier peut jouir des biens qui
relèvent de l’assiette de son droit, il lui est fait interdiction d’en disposer,
sauf à ce que, au nombre de ces biens, figurent des choses consomptibles
auquel cas il sera autorisé à les restituer en valeur.
 Pour les autres biens, non-consomptibles, il devra les restituer au nu-
propriétaire dans le même état que celui dans lequel ils se trouvaient au jour
de la délivrance
2. Exceptions
==> La restitution de la chose par équivalent

Il est des cas où la restitution de la chose ne pourra pas intervenir en nature. Il en va


ainsi lorsque soit la chose est consomptible, soit elle a été perdue.

 La chose est consomptible


 Les choses consomptibles sont celles qui se consomment par le premier
usage, en ce sens qu’elles disparaissent à mesure de l’utilisation que l’on en
fait.
 Exemple: l’argent, des aliments, une cartouche d’encre etc.
 À l’évidence, lorsque l’usufruit porte sur une chose consomptible, cette
situation soulève une difficulté qui tient à la fonction même de l’usufruit.
 Il est, en effet, de principe que l’usufruit ne confère à l’usufruitier qu’un
droit d’usage sur la chose, de sorte qu’il ne peut pas en disposer.
 Si l’in appliquait cette règle strictement aux choses consomptibles, cela
reviendrait à priver l’usufruitier d’en jouir et donc de vider le droit réel dont
il est titulaire de sa substance.
 C’est la raison pour laquelle, par exception, l’usufruitier est autorisé à
disposer de la chose, telle le véritable propriétaire (on parle alors de quasi-
usufruit).
 L’article 587 du Code civil prévoit en ce sens que « si l’usufruit
comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer,
comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en
servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de
même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution».
 En contrepartie du droit de jouir d’une chose consomptible, l’usufruitier
a donc l’obligation de restituer, à l’expiration de l’usufruit, soit une chose de
même qualité et de même quotité, soit son équivalent en argent.
 La chose a été perdue
 Lorsque cette situation se présente, par hypothèse, la chose ne peut pas
être restituée au nu-propriétaire.
 Il est donc fondé à réclamer une restitution par équivalent, laquelle
prendra la forme de dommages et intérêts
 Une indemnisation sera également due en cas de détérioration de la chose
imputable à l’usufruitier ou à la personne dont il répond
 Afin d’évaluer la valeur de la chose, il conviendra de se reporter à
l’inventaire qui devrait comporter une estimation de sa valeur
==> La restitution de la chose en l’état

L’article 589 du Code civil dispose que « si l’usufruit comprend des choses qui, sans
se consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des
meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles
sont destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où
elles se trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute. »
Ainsi, lorsque la détérioration procède d’un usage normal de la chose, il n’y a pas lieu
pour l’usufruitier à indemniser le nu-propriétaire.

On considère ici qu’elle se serait autant détériorée si elle avait été entre ses mains. Si
toutefois cette détérioration résulte d’un manquement imputable à l’usufruitier qui
n’aurait pas joui de la chose comme un bon père de famille, il sera redevable de
dommages et intérêts à l’égard du nu-propriétaire.

==> L’absence de restitution de la chose

L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont
tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit. »
Lorsqu’ainsi la détérioration de la chose est due à un événement indépendant de la
volonté de l’usufruitier (phénomène naturel, guerre, grève etc.) il ne doit aucune
indemnité au nu-propriétaire et inversement.

B) Le règlement des comptes


À l’expiration de l’usufruit, il conviendra de procéder à un règlement des comptes afin
de déterminer ce que doit l’usufruitier au nu-propriétaire et ce qui lui est dû

1. S’agissant des dettes de l’usufruitier


À l’expiration de l’usufruit, le nu-propriétaire est en droit de réclamer à l’usufruitier :

 Les indemnités dues en réparation de la détérioration fautive de la chose (   618


C. civ.)
 Les intérêts charges extraordinaires au nombre desquelles figurent les frais de
bornage, de clôture (  609 C. civ.)
 Restitution des fruits civils perçus postérieurement à l’expiration de l’usufruit
(  586 C. civ.)
2. S’agissant des créances de l’usufruitier
==> Principe général

À l’expiration de son droit, l’usufruitier est susceptible de solliciter auprès du nu-


propriétaire le remboursement :

 Du montant réglé au titre des grosses réparations, dans la limite de la plus-value


apportée à l’immeuble
 Des avances effectuées au titre des charges extraordinaires
==> Sort des dépenses d’amélioration

Il peut être précisé que lorsque l’usufruitier a entrepris des travaux d’amélioration, les
dépenses engagées demeurent à la charge de l’usufruitier.

Par amélioration, il faut entendre tous les travaux qui ne se justifient pas par la
conservation du bien et qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.

L’article 599, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier ne peut, à la
cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il
prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée. »
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation elle a fait une application de la
règle ainsi énoncée en jugeant que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations
d’entretien et que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à
moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien,
depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ; que ce
dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les
améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût
augmentée » (Cass. com. 12 juin 2012, n°n° 11-11424).
L’objectif recherché ici est d’éviter tout contentieux sur l’estimation de la plus-value
réalisée et de protéger le nu-propriétaire de dépenses dispendieuses qui pourraient être
engagées par l’usufruitier, celui-ci pouvant être encouragé par la perspective d’être
intégralement indemnisé à l’expiration de son droit. Ce sera là une charge très lourde
qui pourrait être imposée au nu-propriétaire, alors même qu’il n’a rien demandé, ni n’a
été en mesure d’y consentir.

Pour c’est raison, il est constant en jurisprudence que les dépenses d’amélioration
demeurent à la charge du seul usufruitier.

Cette position n’est pas sans faire l’objet de critiques dans la mesure où cela revient :
 D’une part, à admettre un cas d’enrichissement sans cause, ce en contravention
avec l’article 1303 du Code civil
 D’autre part, à placer l’usufruitier dans une situation bien moins avantageuse
que le possesseur de mauvaise foi qui, en application de l’article 555, al. 3 du
Code civil, est fondé à obtenir une indemnité lorsqu’il a édifié une construction
sur le fonds qu’il occupe et que le propriétaire décide d’exercer son droit à la
conserver
Malgré ces critiques, la jurisprudence est demeurée intransigeante. Elle a notamment
refusé de distinguer, ainsi que cela avait été suggéré, de distinguer selon que la défense
engagée vise à améliorer le bien soumis à usufruit ou à en acquérir un nouveau.

La Cour de cassation considère que cette règle s’applique en tout état de cause, y
compris lorsque l’amélioration du bien consiste en l’édification d’une construction/

Dans un arrêt du 4 novembre 1885, elle a par exemple jugé que « suivant l’esprit de
[l’article 599], on ne doit considérer comme améliorations soit les constructions
ayant pour effet d’achever un bâtiment commencé, ou bien d’agrandir un édifice
préexistant » (Cass. req. 4 nov. 1885).
Dans un arrêt du 19 septembre 2012 la troisième chambre civile a précisé « qu’il
n’existait aucun enrichissement pour la nue-propriétaire qui n’entrera en possession
des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, l’accession n’a pas opéré
immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol » (Cass. 3e  civ. 19 sept. 2012,
n°11-15460).
Seule limite à la règle ainsi posée : l’alinéa 3 de l’article 599 du Code civil autorise
l’usufruitier à « enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’il aurait fait
placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état. »
 

[1] F. Zénati et Th. Revet, Les biens, éd. PUF, 2008, n°244


[2] H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, Paris 1955, t.1, p. 253, n°228.
[3] H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, Paris 1955, t.1, p. 253, n°228.
[4] F.-X. Royet, « L’article 815-5 du Code civil et la vente en pleine propriété d’un
bien grevé d’usufruit », J.C.P. 1985, I, p. 102. De même, voir étude de J. Patarin, Rép.
Defrénois 1954, art. 27306.
[5] V. en ce sens étude publiée au Defrenois par M. L.-C. Brault, notaire, n° 36042, en
1995.
Le droits et obligations du nu-
propriétaire
4 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

Aux côtés de l’usufruitier qui bénéficie de la jouissance de la chose (usus et fructus),


le nu-propriétaire conserve le droit d’en disposer (abusus).
Ce droit, dont l’assiette est pendant toute la durée de l’usufruit pour le moins restreinte
a pour intérêt majeur de garantir au nu-propriétaire le recouvrement de la pleine
propriété de la chose à l’expiration de l’usufruit.

Parce que le nu-propriétaire, à l’instar de l’usufruitier, exerce un droit réel sur la


chose, il est investi de prérogatives tout autant qu’il lui incombe des obligations.

I) Les droits du nu-propriétaire


Par hypothèse, le nu-propriétaire ne bénéficie pas de la jouissance de la chose. Il en
résulte que ses prérogatives sont bien moins nombreuses que celles exercées par
l’usufruitier.

A) Le droit de disposer de la chose : l’abusus


Tandis que l’usufruitier est titulaire des droits d’user et de jouir de la chose, le nu-
propriétaire est investi du droit d’en disposer.

Ce droit de disposer de la chose est néanmoins restreint, car il ne lui permet pas de
détruire le bien, alors même que cette prérogative relève de l’abusus.

La raison en est que s’il détruisait la chose, il porterait atteinte au droit – réel de
l’usufruitier – qui serait privé de la faculté d’en jouir.

C’est donc un droit de disposer diminué qui est conféré au nu-propriétaire. Il conserve
néanmoins la faculté de céder son droit ou de grever la nue-propriété de droits réels
(sûretés, servitudes).

À cet égard, l’article 621 du Code civil précise que « la vente du bien grevé d’usufruit,
sans l’accord de l’usufruitier, ne modifie pas le droit de ce dernier, qui continue à
jouir de son usufruit sur le bien s’il n’y a pas expressément renoncé. »
B) Le droit de percevoir les produits
Si l’usufruitier est titulaire du droit de percevoir les fruits engendrés par la chose, c’est
au nu-propriétaire que reviennent les produits.

Pour rappel, les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance

Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une carrière ou d’une mine. Il
en va de même des arbres de haute futaie des forêts qui sont ceux laissés en place pour
qu’ils atteignent leur pleine maturité. N’ayant pas vocation à être coupés à échéance
périodique, on les qualifie de produits.

Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des fruits, on perçoit
seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les produits d’une chose, on
perçoit une fraction du capital, qui se trouve ainsi entamé »[1].
C’est la raison pour laquelle, les produits ne peuvent être perçus que par le nu-
propriétaire dont le droit s’exerce sur le capital.

C) Actes conservatoires
Bien que l’accomplissement d’actes conservatoires relève des prérogatives de
l’usufruitier, le nu-propriétaire est directement intéressé par la conservation de la
chose. Et pour cause, il a vocation à recouvrer la pleine propriété du bien à l’expiration
de l’usufruit.

Aussi, est-il admis que, pour assurer la sauvegarde de la substance de la chose, le nu-
propriétaire puisse accomplir tous les actes conservatoires requis, notamment en cas de
carence de l’usufruitier.

Il pourra donc s’agir d’engager une procédure de recouvrement, renouveler une sûreté,
interrompre un délai de prescription

Il pourra encore contraindre l’usufruitier à prendre toutes les mesures utiles aux fins
d’éviter que la chose ne se détériore et plus généralement à engager des travaux
d’entretien.

Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère  civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
D) Actions en justice
Le nu-propriétaire est fondé à engager toutes les actions en justice qui vise à préserver
son droit de propriété.

Il peut donc exercer l’action en revendication, en contestation ou reconnaissance d’une


servitude.

Le nu-propriétaire peut encore dénoncer en justice les empiétements susceptibles


d’affecter le fonds dont il est propriétaire, tout autant qu’il peut saisir le juge pour
toute question relative au bornage ou à la clôture du terrain.

Il peut enfin agir contre l’usufruitier qui manquerait à ses obligations, en particulier
s’il constate qu’il commet un abus de jouissance, lequel abus est sanctionné par la
déchéance de l’usufruit.

E) Le droit à être informé de la modification de la substance de la chose


De manière générale, le nu-propriétaire est en droit d’être informé par l’usufruitier de
toutes les modifications qui affectent la substance de la chose.

La raison en est qu’il doit pouvoir agir au plus vite afin de prendre toutes les mesures
utiles que requiert la situation. Il doit néanmoins pouvoir empêcher l’usufruitier
d’accomplir des actes qui auraient des conséquences irréversibles.

Ce droit à être informé dont est titulaire le nu-propriétaire a été reconnu par la Cour de
cassation dans un arrêt du 12 novembre 1998 qui, dans cette affaire, avait qualifié le
portefeuille de valeurs mobilières d’universalité de fait (Cass. 1ère  civ. 12 nov. 1998,
n°96-18041)
Or lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est investi
l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais l’ensemble
constitué par ces biens, soit le tout.

Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver l’universalité, prise dans
sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la détruire.
Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer de chacun des
éléments qui composent l’universalité.

Lorsque l’universalité consiste en un portefeuille de valeurs mobilières, il est un risque


que le nu-propriétaire soit spolié par l’usufruitier.

Aussi, afin de prévenir cette situation, la Cour de cassation a instauré une obligation
d’information du nu-propriétaire sur la modification du contenu du portefeuille de
valeurs mobilières.

Dans un arrêt du 3 décembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que « pour
déterminer la substance conservée et la valeur du bien à partager, il est nécessaire
que l’usufruitière puisse donner tous les éléments nécessaires pour déterminer si les
seules valeurs subsistantes au jour du partage, représentent bien toute la substance de
l’universalité qu’elle était chargée de conserver » (Cass. 3e  civ. 3 déc. 2002, n°00-
17870).
Cette obligation d’information instituée par la Cour de cassation doit être exécutée
pendant toute la durée de l’usufruit, l’objectif recherché étant que le nu-propriétaire
puisse, en cas de manquement grave de l’usufruitier, engager toutes les actions
nécessaires à la préservation de ses droits.

II) Les obligations du nu-propriétaire


À l’examen, trois obligations pèsent sur la tête du nu-propriétaire :

 Ne pas porter atteinte au droit de jouissance de l’usufruitier


 Supporter la charge des grosses réparations
 S’acquitter des charges extraordinaires
A) L’obligation de ne pas nuire aux droits de l’usufruitier
L’article 599, al. 1er du Code civil dispose que « le propriétaire ne peut, par son fait,
ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l’usufruitier. »
Il ressort de cette disposition qu’il est fait défense au nu-propriétaire d’entraver
l’exercice des droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier.

Autrement dit, le nu-propriétaire ne peut apporter aucune modification à la substance


de la chose puisque celle-ci constitue l’assiette de l’usufruit.

Dans un arrêt du 28 novembre 1972, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que
méconnaissait les droits de l’usufruitier le nu-propriétaire qui en défrichant et en
clôturant un domaine anéantissait toute possibilité de chasse (Cass. 1ère  civ. 28 nov.
1972).
Les seuls travaux d’ampleur que le nu-propriétaire est autorisé à effectuer sont ceux
qui visent à réaliser des grosses réparations.

B) L’obligation de supporter la charge des grosses réparations


==> Notion

Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.

En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.

La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e  civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :

 La réfection de zingueries affectant une partie exceptionnelle de l’immeuble


était une grosse réparation car engageant une dépense exceptionnelle (  1ère  civ. 2
févr. 1955)
 Le recrépissement ou le ravalement d’un immeuble est, en revanche, une
réparation d’entretien (  1ère  civ. 21 mars 196)
Les grosses réparations correspondent donc aux travaux de restauration d’une structure
essentielle de l’immeuble, tels que la réfection d’un mur pignon ou le rétablissement
de poutres ou de couvertures entières.

Dans un arrêt du 27 novembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que


« l’article 606 du Code civil énumère limitativement les grosses réparations » (Cass.
3e  civ. 27 nov. 2002, n°01-12816).
Il en résulte que les juridictions ne peuvent pas ajouter des travaux à la liste énoncée
par l’article 606. Les grosses réparations doivent se limiter à celles qui touchent à la
solidité et à la structure du bien.

==> Répartition
 Principe
 Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
 Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
 Exceptions
 Négligence de l’usufruitier
 L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
 Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
 Travaux d’amélioration
 Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
 Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» (  com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
 Reconstruction du bien
 L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
 Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
 Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation
La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e  civ. 10 juill. 2002, n°00-22158  ; Cass. 3e  civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.

Aussi, il n’y a entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous


deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.

Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.

Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
C) L’obligation de s’acquitter des charges extraordinaires
Tandis que les charges périodiques incombent à l’usufruitier (impôt sur le revenu, taxe
d’habitation, taxe foncière etc.), car directement attachées à la jouissance du
bien, l’article 609 du Code civil fait supporter au nu-propriétaire les charges dites
extraordinaires.

Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.

L’article 609, al. 2e répartit les charges extraordinaires entre le nu-propriétaire et


l’usufruitier comme suit :
 Le nu-propriétaire supporte le coût des charges pour le capital
 L’usufruitier supporte, quant à lui, le coût des intérêts
L’alinéa 3 du texte précise que si les charges extraordinaires sont avancées par
l’usufruitier, il a la répétition du capital à la fin de l’usufruit.

Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire.

 
 

[1] H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, Paris 1955, t.1, p. 253, n°228.

Usufruit: les charges


usufructuaires
4 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

Il ressort de l’article 601 du Code civil que l’usufruitier est tenu « de jouir en bon père
de famille » du bien soumis à l’usufruit.
Dit autrement, cela signifie que le droit d’usufruit doit s’exercer dans le respect du
droit de propriété du nu-propriétaire.

De ce devoir général qui pèse sur la tête de l’usufruitier découlent plusieurs


obligations très concrètes au nombre desquelles figurent :

 L’obligation de conserver la substance de la chose


 L’obligation de s’acquitter des charges usufructuaires
Afin de comprendre la logique qui préside aux charges usufructuaires, relisons le
Doyen Carbonnier qui a écrit : « l’idée générale est que, dans la gestion d’une
propriété, il y a des frais et des dettes qu’il est rationnel de payer avec les revenus et
d’autres avec le capital. Si la propriété est démembrée, le passif de la première
catégorie doit être à la charge de l’usufruitier, l’autre à la charge du nu-
propriétaire ».
Aussi, les charges usufructuaires ne sont autres que l’ensemble des défenses et des
frais qui incombent à l’usufruitier en contrepartie de la jouissance de la chose.

Au nombre des charges usufructuaires figurent :

 Les charges périodiques


 Les frais et dépenses de réparation
Lorsque l’usufruit est universel ou à titre universel, pèse sur l’usufruitier une autre
catégorie de charges usufructuaires : les intérêts du passif attaché au patrimoine ou à la
quotité de patrimoine dont il jouit.

A) Les charges périodiques


L’article 608 du Code civil dispose que « l’usufruitier est tenu, pendant sa jouissance,
de toutes les charges annuelles de l’héritage, telles que les contributions et autres qui
dans l’usage sont censées charges des fruits. »
Sont ici visées ce que l’on appelle les charges périodiques, soit celles qui sont
afférentes à la jouissance du bien. Leur périodicité est en générale annuelle.

Tel est notamment le cas des charges fiscales au nombre desquelles figurent, l’impôt
sur les revenus générés par le bien, la taxe d’habitation, la taxe foncière, les charges de
copropriété relatives aux services collectifs.

Les charges périodiques incombent à l’usufruitier dans la mesure où elles sont


directement attachées à la jouissance du bien.

Classiquement, on oppose les charges périodiques aux charges extraordinaires qui sont
visées à l’article 609 du Code civil.

Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.

L’article 609, al. 2e répartit les charges extraordinaires entre le nu-propriétaire et


l’usufruitier comme suit :
 Le nu-propriétaire supporte le coût des charges pour le capital
 L’usufruitier supporte, quant à lui, le coût des intérêts
L’alinéa 3 du texte précise que si les charges extraordinaires sont avancées par
l’usufruitier, il a la répétition du capital à la fin de l’usufruit.

Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire

B) Les frais et dépenses de réparation


Il ressort des articles 605 et 606 du Code civil que, tant l’usufruitier, que le nu-
propriétaire sont tenus de supporter la charge des réparations du bien.

Ces réparations peuvent être de deux ordres :


 D’une part, il peut s’agir de dépenses d’entretien, soit des dépenses qui visent à
conserver le bien en bon état
 D’autre part, il peut s’agir de grosses réparations, soit des dépenses qui visent à
remettre en état la structure du bien
Tandis que les dépenses d’entretien sont à la charge de l’usufruitier, les grosses
réparations sont, quant à elles, à la charge du nu-propriétaire.

1. Les dépenses d’entretien


==> Notion

Les dépenses d’entretien sont donc celles qui visent à conserver le bien en bon état. En
application de l’article 605 du Code civil, elles sont à la charge du seul usufruitier.

Le législateur a, en effet, considéré qu’elles résultaient de la jouissance du bien et que,


par conséquent, elles devaient être payées avec les revenus qui précisément reviennent
à l’usufruitier.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par dépense d’entretien,
la réponse déterminant si elle doit ou non être supportée par l’usufruitier.

À l’examen, les dépenses de réparation et d’entretien s’entendent de celles qui


correspondent à des travaux ayant pour objet de maintenir ou de remettre en bon état
le bien et d’en permettre un usage normal, conforme à sa destination, sans en modifier
la consistance, l’agencement ou l’équipement initial.

Plus généralement, ainsi que l’indique l’article 606, al. 3e du Code civil les dépenses
d’entretien sont toutes celles qui ne sont pas des grosses réparations.
==> Exécution de l’obligation

Il peut être observé que si l’usufruitier ne peut pas contraindre le nu-propriétaire à


effectuer des grosses réparations ainsi que nous le verrons plus après, l’inverse n’est
pas vrai.

Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère  civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
2. Les grosses réparations
==> Notion

Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.

En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.

La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e  civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :

 La réfection de zingueries affectant une partie exceptionnelle de l’immeuble


était une grosse réparation car engageant une dépense exceptionnelle (  1ère  civ. 2
févr. 1955)
 Le recrépissement ou le ravalement d’un immeuble est, en revanche, une
réparation d’entretien (  1ère  civ. 21 mars 196)
Les grosses réparations correspondent donc aux travaux de restauration d’une structure
essentielle de l’immeuble, tels que la réfection d’un mur pignon ou le rétablissement
de poutres ou de couvertures entières.

Dans un arrêt du 27 novembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que


« l’article 606 du Code civil énumère limitativement les grosses réparations » (Cass.
3e  civ. 27 nov. 2002, n°01-12816).
Il en résulte que les juridictions ne peuvent pas ajouter des travaux à la liste énoncée
par l’article 606. Les grosses réparations doivent se limiter à celles qui touchent à la
solidité et à la structure du bien.

==> Répartition

 Principe
 Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
 Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
 Exceptions
 Négligence de l’usufruitier
 L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
 Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
 Travaux d’amélioration
 Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
 Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» (  com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
 Reconstruction du bien
 L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
 Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
 Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation

La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e  civ. 10 juill. 2002, n°00-22158  ; Cass. 3e  civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.
Aussi, il n’y a entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.

Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.

Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
C) La contribution aux dettes grevant le patrimoine soumis à l’usufruit
Il ressort des articles 610- 611 et 612 du Code civil que, selon que l’usufruit est
universel, à titre universel, ou à titre particulier, l’usufruitier sera ou non tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine dont il jouit.

Pour rappel :
 L’usufruit universel est celui qui porte sur une l’universalité des biens, soit sur
l’ensemble d’un patrimoine
 L’usufruit à titre universel est celui qui porte sur une quote-part des biens,
telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou
une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier
 L’usufruit à titre particulier est celui qui porte sur un ou plusieurs biens
individualisés
Ceci étant rappelé, le Code civil opère une distinction entre :

 D’une part, l’usufruitier à titre particulier qui n’est pas tenu de contribuer aux
dettes grevant le patrimoine dont relève le ou les biens dont il jouit
 D’autre part, l’usufruitier universel et à titre universel qui est tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine ou la quotité de patrimoine soumis à
l’usufruit
S’agissant de l’usufruitier à titre particulier, l’article 611 du Code civil précise que
qu’il « n’est pas tenu des dettes auxquelles le fonds est hypothéqué : s’il est forcé de
les payer, il a son recours contre le propriétaire, sauf ce qui est dit à l’article 1020,
au titre  » Des donations entre vifs et des testaments  » ».
Ainsi, en cas d’usufruit constitué sur un bien grevé d’une hypothèque, la dette attachée
à la sûreté n’incombe pas à l’usufruitier. Reste qu’il peut être poursuivi par le
créancier hypothécaire au titre de son droit de suite. L’usufruitier, s’il veut conserver
la jouissance du bien, n’aura alors d’autre choix que de régler la dette, charge à lui de
se retourner contre le nu-propriétaire.
S’agissant de l’usufruitier universel et à titre universel, l’idée qui préside à
l’obligation de contribution de l’usufruitier à la dette est qu’il jouit d’un patrimoine ou
d’une quote-part de celui-ci. Or un patrimoine consiste en une corrélation entre un
actif et un passif.
Il en résulte que la jouissance de l’actif s’accompagne nécessairement d’une
contribution aux dettes qui composent le passif.

C’est la raison pour laquelle, le Code civil met à la charge de l’usufruit le règlement
des intérêts de la dette, lesquels ne sont autres que l’équivalent des revenus engendrés
par le patrimoine soumis à l’usufruit.

À cet égard, tandis que l’article 610 régit la contribution de l’usufruitier aux rentes


viagères et pensions alimentaires qui grèvent le patrimoine dont il jouit, l’article 612
règle la contribution aux autres dettes.

 S’agissant des rentes viagères et des pensions alimentaires


 En application de l’article 610 du Code civil l’usufruitier universel et à
titre universel doit supporter la charge des arrérages à proportion de
l’étendue de son usufruit.
 S’il est usufruitier universel il prendra en charge l’intégralité des
arrérages et s’il est usufruitier à titre universel il y contribuera dans la
proportion de sa jouissance
 S’agissant des dettes qui ne sont ni des rentes viagères, ni des pensions
alimentaires
 En application de l’article 612 du Code civil, l’usufruitier universel et à
titre universel doit supporter le coût des intérêts de la dette.
 Là encore, il devra contribuer au règlement des intérêts de la dette à
proportion de l’étendue de sa jouissance.
 À cet égard, l’article 612 envisage plusieurs modes de contribution à la
dette.
 Tout d’abord, si l’usufruitier veut avancer la somme nécessaire au
règlement de la dette, le capital lui sera restitué à la fin de l’usufruit,
sans aucun intérêt.
 Ensuite, Si l’usufruitier ne veut pas faire cette avance de capital,
le propriétaire a le choix :
 Soit payer cette somme, et, dans ce cas, l’usufruitier lui
tient compte des intérêts pendant la durée de l’usufruit
 Soit faire vendre jusqu’à due concurrence une portion des
biens soumis à l’usufruit.
En tout état de cause, et indépendamment des modes de contributions envisagés par le
Code civil, il a très tôt été admis que les créanciers puissent agir contre le nu-
propriétaire pour le capital et les intérêts de la dette (Cass. civ. 23 avr. 1888).

Les obligations de l’usufruitier


4 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

Il ressort de l’article 601 du Code civil que l’usufruitier est tenu « de jouir en bon père
de famille » du bien soumis à l’usufruit.
Dit autrement, cela signifie que le droit d’usufruit doit s’exercer dans le respect du
droit de propriété du nu-propriétaire.

De ce devoir général qui pèse sur la tête de l’usufruitier découlent plusieurs


obligations très concrètes au nombre desquelles figurent :

 L’obligation de conserver la substance de la chose


 L’obligation de s’acquitter des charges usufructuaires
I) L’obligation de conserver la substance de la chose
L’article 578 du Code civil prévoit que « l’usufruit est le droit de jouir des choses
dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en
conserver la substance. »
Il ressort de cette disposition que l’une des principales obligations de l’usufruitier,
c’est de conserver la substance de la chose.

Par substance, il faut entendre les caractères substantiels du bien, ceux qui le
structurent et sans lesquels il perdrait son identité.

L’obligation pour l’usufruitier de conserver la substance de la chose emporte plusieurs


conséquences ;

 L’interdiction de détruire ou détériorer la chose


 La première conséquence de l’obligation de conservation de la substance
de la chose consiste en l’interdiction de lui porter atteinte.
 Il est, de sorte, fait défense à l’usufruitier de détruire la chose ou de la
détériorer.
 À cet égard, l’article 618 du Code civil prévoit que l’usufruit peut cesser
« par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des
dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
 La destruction et la détérioration de la chose sont ainsi susceptibles d’être
sanctionnées par la déchéance de l’usufruit, laquelle peut être sollicitée par
le nu-propriétaire.
 L’usufruitier engagera également sa responsabilité en cas de perte de la
chose, sauf à démontrer la survenance d’une cause étrangère.
 L’accomplissement d’actes conservatoires
 Pour conserver la substance de la chose, il échoit à l’usufruitier
d’accomplir tous les actes conservatoires requis.
 Cette obligation s’applique en particulier lorsque l’usufruit a pour objet
une créance.
 Dans cette hypothèse, il appartiendra à l’usufruitier d’engager tous les
actes nécessaires à sa conservation : recouvrement, renouvellement des
sûretés, interruption des délais de prescription, action.
 L’article 614 du Code civil prévoit encore que « si, pendant la durée de
l’usufruit, un tiers commet quelque usurpation sur le fonds, ou attente
autrement aux droits du propriétaire, l’usufruitier est tenu de le dénoncer à
celui-ci ; faute de ce, il est responsable de tout le dommage qui peut en
résulter pour le propriétaire, comme il le serait de dégradations commises
par lui-même.»
 Il résulte de cette disposition que l’usufruitier doit, dès qu’il en a
connaissance, dénoncer les empiétements susceptibles d’affecter le fonds
dont il jouit.
 À défaut, l’usufruitier engagera sa responsabilité, le risque pour le nu-
propriétaire étant que la prescription acquisitive le dépossède de son bien.
 L’usage de la chose conformément à sa destination
 Bien que le Code civil soit silencieux sur ce point, il est fait obligation à
l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la destination prévue dans
l’acte de constitution de l’usufruit.
 Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux
habitudes du propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre
un abus de jouissance.
 Par exemple, il lui est interdit de transformer un immeuble à usage
d’habitation en local qui abriterait une activité commerciale.
 Dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé en ce sens que
« la conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre
usage constitue en elle-même une altération de la substance de la chose
soumise à usufruit et peut caractériser un abus de jouissance de nature à
entraîner la déchéance de l’usufruit» (  3e  civ. 4 juin 1975, n°74-10777).
 Elle est ensuite venue préciser, dans un arrêt du 2 février 2005 que
l’obligation de respect de la destination de la chose, ne doit pas être
comprise comme une interdiction de toute variation dans le mode
d’exploitation de la chose.
 Dans cette décision, elle ainsi validé l’arrêt d’une Cour d’appel qui avait
admis que les usufruitiers de terres agricoles puissent conclure un bail
commercial avec deux sociétés en vue de leur permettre de construire et
d’exploiter une plate-forme de compostage de déchets organiques.
 Au soutien de sa décision la troisième chambre civile relève que « le bail
commercial envisagé obéissait à la nécessité d’adapter les activités
agricoles à l’évolution économique et à la réglementation sur la protection
de l’environnement, qu’il ne dénaturait ni l’usage auquel les parcelles
étaient destinées, ni leur vocation agricole, qu’il était profitable à
l’indivision, mais sans porter atteinte aux droits des nus-propriétaires dans
la mesure où le preneur s’engageait en fin de bail à remettre les lieux dans
leur état d’origine, la cour d’appel, qui en a déduit qu’il ne portait pas
atteinte à la substance de la chose, a pu autoriser les usufruitiers à
conclure seuls un bail commercial sur les parcelles en cause» (  3e  civ. 2
févr. 2005, n°03-19729).
 À l’examen, la jurisprudence semble admettre les aménagements de la
destination du bien, dès lors qu’ils n’impliquent pas une altération de la
chose qui serait irréversible.
 Si les travaux à engager sont minimums, à tout le moins, ne sont pas de
nature à porter atteinte à la substance du bien, le nu-propriétaire ne pourra
pas s’y opposer.
 L’obligation d’information en cas d’altération de la substance de la chose
 Dans un arrêt du 12 novembre 1998, la Cour de cassation a qualifié le
portefeuille de valeurs mobilières d’universalité de fait (  1ère  civ. 12 nov.
1998, n°96-18041)
 Or lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est
investi l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais
l’ensemble constitué par ces biens, soit le tout.
 Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver
l’universalité, prise dans sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la
détruire.
 Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer
de chacun des éléments qui composent l’universalité.
 Lorsque l’universalité consiste en un portefeuille de valeurs mobilières, il
est un risque que le nu-propriétaire soit spolié par l’usufruitier.
 Aussi, afin de prévenir cette situation, la Cour de cassation a instauré une
obligation d’information du nu-propriétaire sur la modification du contenu
du portefeuille de valeurs mobilières.
 Dans un arrêt du 3 décembre 2002, la troisième chambre civile a précisé
que « pour déterminer la substance conservée et la valeur du bien à
partager, il est nécessaire que l’usufruitière puisse donner tous les éléments
nécessaires pour déterminer si les seules valeurs subsistantes au jour du
partage, représentent bien toute la substance de l’universalité qu’elle était
chargée de conserver» (  3e  civ. 3 déc. 2002, n°00-17870).
 Cette obligation d’information instituée par la Cour de cassation doit être
exécutée pendant toute la durée de l’usufruit, l’objectif recherché étant que
le nu-propriétaire puisse, en cas de manquement grave de l’usufruitier,
engager toutes les actions nécessaires à la préservation de ses droits.
II) L’obligation de s’acquitter des charges usufructuaires
Afin de comprendre la logique qui préside aux charges usufructuaires, relisons le
Doyen Carbonnier qui a écrit : « l’idée générale est que, dans la gestion d’une
propriété, il y a des frais et des dettes qu’il est rationnel de payer avec les revenus et
d’autres avec le capital. Si la propriété est démembrée, le passif de la première
catégorie doit être à la charge de l’usufruitier, l’autre à la charge du nu-
propriétaire ».
Aussi, les charges usufructuaires ne sont autres que l’ensemble des défenses et des
frais qui incombent à l’usufruitier en contrepartie de la jouissance de la chose.

Au nombre des charges usufructuaires figurent :

 Les charges périodiques


 Les frais et dépenses de réparation
Lorsque l’usufruit est universel ou à titre universel, pèse sur l’usufruitier une autre
catégorie de charges usufructuaires : les intérêts du passif attaché au patrimoine ou à la
quotité de patrimoine dont il jouit.

A) Les charges périodiques


L’article 608 du Code civil dispose que « l’usufruitier est tenu, pendant sa jouissance,
de toutes les charges annuelles de l’héritage, telles que les contributions et autres qui
dans l’usage sont censées charges des fruits. »
Sont ici visées ce que l’on appelle les charges périodiques, soit celles qui sont
afférentes à la jouissance du bien. Leur périodicité est en générale annuelle.

Tel est notamment le cas des charges fiscales au nombre desquelles figurent, l’impôt
sur les revenus générés par le bien, la taxe d’habitation, la taxe foncière, les charges de
copropriété relatives aux services collectifs.
Les charges périodiques incombent à l’usufruitier dans la mesure où elles sont
directement attachées à la jouissance du bien.

Classiquement, on oppose les charges périodiques aux charges extraordinaires qui sont
visées à l’article 609 du Code civil.

Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.

L’article 609, al. 2e répartit les charges extraordinaires entre le nu-propriétaire et


l’usufruitier comme suit :
 Le nu-propriétaire supporte le coût des charges pour le capital
 L’usufruitier supporte, quant à lui, le coût des intérêts
L’alinéa 3 du texte précise que si les charges extraordinaires sont avancées par
l’usufruitier, il a la répétition du capital à la fin de l’usufruit.

Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire

B) Les frais et dépenses de réparation


Il ressort des articles 605 et 606 du Code civil que, tant l’usufruitier, que le nu-
propriétaire sont tenus de supporter la charge des réparations du bien.

Ces réparations peuvent être de deux ordres :

 D’une part, il peut s’agir de dépenses d’entretien, soit des dépenses qui visent à
conserver le bien en bon état
 D’autre part, il peut s’agir de grosses réparations, soit des dépenses qui visent à
remettre en état la structure du bien
Tandis que les dépenses d’entretien sont à la charge de l’usufruitier, les grosses
réparations sont, quant à elles, à la charge du nu-propriétaire.

1. Les dépenses d’entretien


==> Notion
Les dépenses d’entretien sont donc celles qui visent à conserver le bien en bon état. En
application de l’article 605 du Code civil, elles sont à la charge du seul usufruitier.

Le législateur a, en effet, considéré qu’elles résultaient de la jouissance du bien et que,


par conséquent, elles devaient être payées avec les revenus qui précisément reviennent
à l’usufruitier.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par dépense d’entretien,
la réponse déterminant si elle doit ou non être supportée par l’usufruitier.

À l’examen, les dépenses de réparation et d’entretien s’entendent de celles qui


correspondent à des travaux ayant pour objet de maintenir ou de remettre en bon état
le bien et d’en permettre un usage normal, conforme à sa destination, sans en modifier
la consistance, l’agencement ou l’équipement initial.

Plus généralement, ainsi que l’indique l’article 606, al. 3e du Code civil les dépenses
d’entretien sont toutes celles qui ne sont pas des grosses réparations.
==> Exécution de l’obligation

Il peut être observé que si l’usufruitier ne peut pas contraindre le nu-propriétaire à


effectuer des grosses réparations ainsi que nous le verrons plus après, l’inverse n’est
pas vrai.

Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère  civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
2. Les grosses réparations
==> Notion

Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.
En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.

La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e  civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :

 La réfection de zingueries affectant une partie exceptionnelle de l’immeuble


était une grosse réparation car engageant une dépense exceptionnelle (  1ère  civ. 2
févr. 1955)
 Le recrépissement ou le ravalement d’un immeuble est, en revanche, une
réparation d’entretien (  1ère  civ. 21 mars 196)
Les grosses réparations correspondent donc aux travaux de restauration d’une structure
essentielle de l’immeuble, tels que la réfection d’un mur pignon ou le rétablissement
de poutres ou de couvertures entières.

Dans un arrêt du 27 novembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que


« l’article 606 du Code civil énumère limitativement les grosses réparations » (Cass.
3e  civ. 27 nov. 2002, n°01-12816).
Il en résulte que les juridictions ne peuvent pas ajouter des travaux à la liste énoncée
par l’article 606. Les grosses réparations doivent se limiter à celles qui touchent à la
solidité et à la structure du bien.

==> Répartition

 Principe
 Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
 Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
 Exceptions
 Négligence de l’usufruitier
 L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
 Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
 Travaux d’amélioration
 Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
 Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» (  com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
 Reconstruction du bien
 L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
 Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
 Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation

La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e  civ. 10 juill. 2002, n°00-22158  ; Cass. 3e  civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.

Aussi, il n’y a entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous


deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.

Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.
Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
C) La contribution aux dettes grevant le patrimoine soumis à l’usufruit
Il ressort des articles 610- 611 et 612 du Code civil que, selon que l’usufruit est
universel, à titre universel, ou à titre particulier, l’usufruitier sera ou non tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine dont il jouit.

Pour rappel :
 L’usufruit universel est celui qui porte sur une l’universalité des biens, soit sur
l’ensemble d’un patrimoine
 L’usufruit à titre universel est celui qui porte sur une quote-part des biens,
telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou
une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier
 L’usufruit à titre particulier est celui qui porte sur un ou plusieurs biens
individualisés
Ceci étant rappelé, le Code civil opère une distinction entre :

 D’une part, l’usufruitier à titre particulier qui n’est pas tenu de contribuer aux
dettes grevant le patrimoine dont relève le ou les biens dont il jouit
 D’autre part, l’usufruitier universel et à titre universel qui est tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine ou la quotité de patrimoine soumis à
l’usufruit
S’agissant de l’usufruitier à titre particulier, l’article 611 du Code civil précise que
qu’il « n’est pas tenu des dettes auxquelles le fonds est hypothéqué : s’il est forcé de
les payer, il a son recours contre le propriétaire, sauf ce qui est dit à l’article 1020,
au titre  » Des donations entre vifs et des testaments  » ».
Ainsi, en cas d’usufruit constitué sur un bien grevé d’une hypothèque, la dette attachée
à la sûreté n’incombe pas à l’usufruitier. Reste qu’il peut être poursuivi par le
créancier hypothécaire au titre de son droit de suite. L’usufruitier, s’il veut conserver
la jouissance du bien, n’aura alors d’autre choix que de régler la dette, charge à lui de
se retourner contre le nu-propriétaire.

S’agissant de l’usufruitier universel et à titre universel, l’idée qui préside à


l’obligation de contribution de l’usufruitier à la dette est qu’il jouit d’un patrimoine ou
d’une quote-part de celui-ci. Or un patrimoine consiste en une corrélation entre un
actif et un passif.
Il en résulte que la jouissance de l’actif s’accompagne nécessairement d’une
contribution aux dettes qui composent le passif.
C’est la raison pour laquelle, le Code civil met à la charge de l’usufruit le règlement
des intérêts de la dette, lesquels ne sont autres que l’équivalent des revenus engendrés
par le patrimoine soumis à l’usufruit.

À cet égard, tandis que l’article 610 régit la contribution de l’usufruitier aux rentes


viagères et pensions alimentaires qui grèvent le patrimoine dont il jouit, l’article 612
règle la contribution aux autres dettes.

 S’agissant des rentes viagères et des pensions alimentaires


 En application de l’article 610 du Code civil l’usufruitier universel et à
titre universel doit supporter la charge des arrérages à proportion de
l’étendue de son usufruit.
 S’il est usufruitier universel il prendra en charge l’intégralité des
arrérages et s’il est usufruitier à titre universel il y contribuera dans la
proportion de sa jouissance
 S’agissant des dettes qui ne sont ni des rentes viagères, ni des pensions
alimentaires
 En application de l’article 612 du Code civil, l’usufruitier universel et à
titre universel doit supporter le coût des intérêts de la dette.
 Là encore, il devra contribuer au règlement des intérêts de la dette à
proportion de l’étendue de sa jouissance.
 À cet égard, l’article 612 envisage plusieurs modes de contribution à la
dette.
 Tout d’abord, si l’usufruitier veut avancer la somme nécessaire au
règlement de la dette, le capital lui sera restitué à la fin de l’usufruit,
sans aucun intérêt.
 Ensuite, Si l’usufruitier ne veut pas faire cette avance de capital,
le propriétaire a le choix :
 Soit payer cette somme, et, dans ce cas, l’usufruitier lui
tient compte des intérêts pendant la durée de l’usufruit
 Soit faire vendre jusqu’à due concurrence une portion des
biens soumis à l’usufruit.
En tout état de cause, et indépendamment des modes de contributions envisagés par le
Code civil, il a très tôt été admis que les créanciers puissent agir contre le nu-
propriétaire pour le capital et les intérêts de la dette (Cass. civ. 23 avr. 1888).
Usufruit: le droit de percevoir les
fruits
3 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

L’usufruit ne confère pas seulement à l’usufruitier le droit de faire usage de la chose, il


lui confère également le droit d’en jouir.

Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir de percevoir les revenus que le
bien lui procure.

Pour l’usufruitier d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers réglés par son
locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds
placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou
encore le sésame qu’il a cultivé.

L’article 582 du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier a le droit de jouir de
toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire
l’objet dont il a l’usufruit. »
Immédiatement, il convient alors de préciser ce que l’on doit entendre par « fruits »,
lesquels doivent être distingués des « produits. »
I) Distinction en les fruits et les produits
L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de
celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné
à bail des loyers et une carrière des pierres.

La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire
profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.

La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre
les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.

En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la
substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans
d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un
nouveau bien.
Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des
produits, l’intérêt de la distinction étant réel, notamment en cas de démembrement du
droit de propriété.

 Exposé de la distinction
 Les fruits
 Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit
périodiquement sans altération de sa substance.
 Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits
d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation
d’une usine.
 Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
 Les fruits naturels
 L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les
fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre.
Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits
naturels. »
 Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose
spontanément sans le travail de l’homme
 Exemple : les champignons des prés, les fruits des
arbres sauvages
 Les fruits industriels
 L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels
d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
 Il s’agit donc des fruits dont la production procède
directement du travail de l’homme.
 Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois
taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
 Les fruits civils
 L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont
les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les
arrérages des rentes. »
 L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme
sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
 Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus
par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
 Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou
encore les intérêts d’une somme argent prêtée
 Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire,
il doit donc remplir deux critères :
 La périodicité (plus ou moins régulière)
 La conservation de la substance de la chose dont ils
dérivent.
 Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce
qu’il [le fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la
substance du capital que le fruit se distingue du produit».
 Les produits
 Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance
 Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une
carrière ou d’une mine
 Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des
fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les
produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve
ainsi entamé»[2].
 Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera
pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette
perception est périodique ou isolée.
 Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on
sera en présence de produits.
 Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les
pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des
produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la
substance.
 Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en
couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour
devenir des fruits.
 Intérêt de la distinction
 La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le
plan juridique.
 En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la
chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du
capital, appartiennent au nu-propriétaire.
Manifestement, la qualification de fruit ou de produit du revenu généré par la chose est
d’importance, car elle détermine qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier en
bénéficiera.

Si, en principe, cette qualification est prédéterminée par la nature de la chose, il est des
cas où elle dépend de la volonté du propriétaire qui selon l’exploitation qu’il en fait
pourra en retirer, tantôt des fruits, tantôt des produits.
Illustration est faite de cette possibilité dans le code civil qui distingue selon que sont
présents sur un fonds soumis à usufruit des arbres de haute futaie des forêts ou des
bois taillis.

 S’agissant des bois taillis


 Il s’agit des arbres qui ont vocation à être coupés à échéance périodique
avant qu’ils n’atteignent leur pleine maturité pour qu’ils se développent à
nouveau à partir de leur souche
 Cette périodicité de la coupe des bois taillis leur confère la qualité de
fruit : ils reviennent donc au seul usufruitier
 À cet égard, l’article 590, al.1er du Code civil précise « si l’usufruit
comprend des bois taillis, l’usufruitier est tenu d’observer l’ordre et la
quotité des coupes, conformément à l’aménagement ou à l’usage constant
des propriétaires ; sans indemnité toutefois en faveur de l’usufruitier ou de
ses héritiers, pour les coupes ordinaires, soit de taillis, soit de baliveaux,
soit de futaie, qu’il n’aurait pas faites pendant sa jouissance»
 L’alinéa 2 ajoute que l’usufruitier doit se conformer aux usages des lieux
pour le remplacement
 S’agissant des arbres de haute futaie des forêts
 Principe
 Contrairement aux bois taillis, les arbres de haute futaie des forêts
sont ceux qui sont laissés en place pour qu’ils atteignent leur pleine
maturité
 Ils n’ont donc pas vocation à être coupés à échéance périodique ce
qui fait d’eux des produits
 Aussi reviennent-ils au nu-propriétaire et non à l’usufruitier qui ne
peut y toucher.
 Tout au plus l’article 592 du Code civil autorise l’usufruitier à
« employer, pour faire les réparations dont il est tenu, les arbres
arrachés ou brisés par accident ; il peut même, pour cet objet, en faire
abattre s’il est nécessaire, mais à la charge d’en faire constater la
nécessité avec le propriétaire. »
 Exception
 L’article 591 du Code civil envisage un cas où les arbres de haute
futaie peuvent être qualifiés de fruits : lorsqu’ils sont aménagés et plus
précisément lorsqu’ils sont soumis à une coupe réglée.
 Dans cette hypothèse, ils reviennent à l’usufruitier et non au nu-
propriétaire
 Le texte prévoit en ce sens que « l’usufruitier profite encore […]
des parties de bois de haute futaie qui ont été mises en coupes réglées,
soit que ces coupes se fassent périodiquement sur une certaine étendue
de terrain, soit qu’elles se fassent d’une certaine quantité d’arbres pris
indistinctement sur toute la surface du domaine. »
 Cette prérogative conférée à l’usufruitier est toutefois subordonnée
au respect par lui de l’exigence de se conformer « aux époques et à
l’usage des anciens propriétaires».
 Dans le prolongement de cette faculté consenti à titre dérogatoire à
l’usufruitier sur les arbres de haute futaie, l’article 593 du Code civil
prévoit que « il peut prendre, dans les bois, des échalas pour les
vignes ; il peut aussi prendre, sur les arbres, des produits annuels ou
périodiques ; le tout suivant l’usage du pays ou la coutume des
propriétaires».
Enfin, l’article 594 du Code civil envisage le sort des arbres fruitiers présents sur le
fonds soumis à l’usufruit.

Le texte prévoit que « les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés
ou brisés par accident, appartiennent à l’usufruitier, à la charge de les remplacer par
d’autres. »
II) L’acquisition des fruits
==> Le moment d’acquisition des fruits

L’article 604 du Code civil dispose que « le retard de donner caution ne prive pas
l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut percevoir les fruits produits par la
chose à compter du moment où son droit est ouvert.

La question qui alors se pose est de savoir à quel moment s’opère cette ouverture du
droit de l’usufruitier ?

À l’examen, il convient de distinguer selon que l’usufruit est d’origine légale,


conventionnelle, testamentaire ou judiciaire.

 L’usufruit d’origine légale


 Dans cette hypothèse, pour déterminer la date d’ouverture du droit de
l’usufruitier de percevoir les fruits, il convient de se reporter au point de
départ fixé par la loi.
 Ainsi, le droit du conjoint survivant qui est susceptible d’opter en
présence d’enfants communs pour l’usufruit de la totalité des biens du de
cujus s’ouvre à compter du décès de ce dernier
 S’agissant du droit de jouissance légal des parents sur les biens de leur
enfant il naît à compter du jour de l’acquisition du bien
 L’usufruit conventionnel
 Dans cette hypothèse, c’est la volonté des parties qui détermine le point
de départ de l’usufruit.
 À défaut, le droit de l’usufruitier est réputé être ouvert à compter du jour
de la conclusion du contrat, soit de la régularisation de l’acte.
 L’usufruit judiciaire
 Dans cette hypothèse, c’est le juge qui, en octroyant à une partie, un droit
d’usufruit, fixera son point de départ.
 Lorsque, par exemple, l’usufruit sera constitué dans le cadre de l’octroi
d’une prestation compensatoire, le droit du bénéficiaire prendra le plus
souvent effet au jour de prononcé du jugement
 L’usufruit testamentaire
 Dans cette hypothèse, il convient de distinguer selon que l’usufruit est
consenti à un légataire universel ou à un légataire à titre particulier.
 L’usufruit consenti à un légataire universel ou à titre universel
 Pour rappel, le légataire universel est celui qui se voit
léguer l’universalité des biens du testateur, soit l’ensemble de son
patrimoine (  1003 C. civ.)
 Quant au légataire à titre universel il s’agit de la personne
qui recueille une quote-part des biens dont la loi permet au testateur
de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou
tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de
tout son mobilier (  1010 C. civ.).
 À l’examen, la jurisprudence ne distingue pas selon que
l’usufruitier est légataire universel ou légataire à titre universel
 Dans les deux cas, les juridictions font application
de l’article 1005 du Code civil.
 En application de cette disposition le légataire universel
aura la jouissance des biens compris dans le testament, à compter du
jour du décès, si la demande en délivrance a été faite dans l’année,
depuis cette époque
 À défaut, précise le texte, cette jouissance ne commencera
que du jour de la demande formée en justice, ou du jour que la
délivrance aurait été volontairement consentie.
 Dans un arrêt du 6 décembre 2005 la cour de cassation est
venue préciser que « le conjoint survivant, investi de la saisine sur
l’universalité de l’hérédité, a, dès le jour du décès et quelle que soit
l’étendue de la vocation conférée par le legs qui lui a été consenti,
la jouissance de tous les biens composant la succession, laquelle est
exclusive de toute indemnité d’occupation» (  6 déc. 2005, n°03-
10211).
 Il ressort de cette disposition que lorsque l’usufruitier
cumule les qualités de légataire universel ou à titre universel et
d’héritier son droit s’ouvre, en tout état de cause, au jour du décès du
de cujus.
 L’usufruit consenti à un légataire à titre particulier
 Tout d’abord, le légataire à titre particulier est celui qui se
voit léguer par le testateur un ou plusieurs biens individualisés
 Dans cette hypothèse pour déterminer la date d’ouverture
du droit de l’usufruitier à percevoir les fruits, il convient de se
reporter à l’article 1014, al. 2e du Code civil.
 Cette disposition prévoit que « le légataire particulier ne
pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre
les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en
délivrance, formée suivant l’ordre établi par l’article 1011, ou du
jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement
consentie. »
 Il en résulte que le légataire à titre universel devra attendre
la délivrance de la chose par les héritiers saisis pour percevoir les
fruits.
==> Les modes d’acquisition des fruits

Les règles qui régissent l’acquisition des fruits diffèrent selon qu’il s’agit de fruits
naturels, de fruits industriels ou encore de fruits civils.

 Les fruits naturels


 L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont
ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des
animaux sont aussi des fruits naturels. »
 Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans
le travail de l’homme
 Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
 S’agissant de leur perception, elle procède de leur séparation du sol.
 Ainsi, l’article 585, al. 1er du Code civil prévoit que les fruits naturels
pendants par branches ou par racines au moment où l’usufruit est ouvert,
appartiennent à l’usufruitier.
 Encore faut-il néanmoins que l’usufruitier se donne la peine de les
récolter.
 L’alinéa 2e de l’article 585 précise, en effet, que les fruits « qui sont dans
le même état au moment où finit l’usufruit appartiennent au propriétaire,
sans récompense de part ni d’autre des labours et des semences, mais aussi
sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise au métayer,
s’il en existait un au commencement ou à la cessation de l’usufruit. »
 Ainsi les fruits qui n’auraient pas été perçus par l’usufruitier lorsque
l’usufruit vient à expirer deviennent la propriété du propriétaire, ce, quand
bien même le coût de la cultivation a été entièrement supporté par
l’usufruitier.
 Ce dernier ne peut réclamer ni la restitution du produit de la vente, ni
indemnisation
 Les fruits industriels
 L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont
ceux qu’on obtient par la culture. »
 Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail
de l’homme.
 Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices
réalisés par une entreprise
 À l’instar des fruits naturels, les fruits industriels s’acquièrent par la
perception, soit par leur séparation de la chose productrice (  585 C. civ.)
 Les fruits civils
 L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des
maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
 L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans
la classe des fruits civils. »
 Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels
la jouissance de la chose a été concédée
 Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts
d’une somme argent prêtée
 S’agissant de leur perception, l’article 586 du Code civil prévoit que
« les fruits civils sont réputés s’acquérir jour par jour et appartiennent à
l’usufruitier à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s’applique
aux prix des baux à ferme comme aux loyers des maisons et autres fruits
civils. »
 Il ressort de cette disposition que les fruits civils sont répartis, pour les
années d’ouverture et d’expiration du droit d’usufruit entre l’usufruitier et le
nu-propriétaire au prorata temporis.
 Peu importe donc la date de la perception ; ce qui importe c’est la prise
d’effet et d’extinction du droit.
 Le calcul s’opérera sur la base d’une année de 365 jours, étant précisé
que, l’usufruitier a droit aux fruits civils proportionnellement à la durée
réelle de sa jouissance.
 Pour exemple, si l’usufruit expire au 1 er juillet, l’usufruitier percevra la
moitié des loyers annuels et le nu-propriétaire l’autre moitié.
 Si, en revanche, l’usufruit expire au 4 mars, l’usufruitier percevra les
loyers dus pour les mois de janvier et février auxquels s’ajoutera le montant
du loyer correspondant à 4 jours de jouissance.

Usufruit: les règles qui encadrent


le droit de donner la chose à bail
3 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

L’article 595, al. 1er du Code civil prévoit que « l’usufruitier peut jouir par lui-même,
donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit. »
Ainsi, l’usufruitier est-il autorisé, par principe, à donner la chose soumise à l’usufruit à
bail.

Toutefois, la conclusion de certains baux s’apparent parfois à de véritables actes


disposition. Tel est le cas de la régularisation d’un bail commercial ou encore d’un bail
rural

Aussi, afin qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits du nu-propriétaire qui, en
présence d’un tel bail, serait contraint d’en supporter la charge à l’extinction de
l’usufruit, le législateur a encadré l’opposabilité des actes accomplis en la matière par
l’usufruitier.

 S’agissant des baux conclus pour une durée égale ou inférieure à neuf ans
 Le principe posé par l’article 595 du Code civil, c’est que l’usufruitier
pour conclure seul ce type de baux, de sorte qu’ils sont parfaitement
opposables au nu-propriétaire.
 Ils auront donc vocation à se poursuivre à l’expiration de l’usufruit sans
que le nu-propriétaire puisse s’y opposer.
 L’alinéa 3 de l’article 595 a néanmoins apporté un tempérament à cette
règle en prévoyant que « les baux de neuf ans ou au-dessous que
l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration
du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la
même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur
exécution n’ait commencé avant la cessation de l’usufruit.».
 L’objectif visée par cette règle est de limiter les conséquences d’un
renouvellement de bail par anticipation.
 Ainsi, selon qu’il s’agit d’un bail rural ou d’un autre type de bail, le
renouvellement du bail ne pourra intervenir que trois ans ou deux avant
l’expiration du bail en cours
 S’agissant des baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans
 Il ressort de l’article 595 du Code civil que lorsque le bail est conclu pour
une durée supérieure à 9 ans, il est inopposable au nu-propriétaire.
 L’alinéa 2e de cette disposition prévoit en ce sens que « les baux que
l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas
de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire que
pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si
les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de
manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la
période de neuf ans où il se trouve»
 S’agissant des baux portant sur un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal
 L’article 595, al. 4 dispose que « l’usufruitier ne peut, sans le concours
du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal. A défaut d’accord du nu-propriétaire,
l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte. »
 Pour les baux visés par cette disposition, l’usufruitier est donc contraint
d’obtenir l’accord du nu-propriétaire.
 Cet accord n’est toutefois pas indispensable, dans la mesure où le texte
ouvre une action à l’usufruitier qui peut solliciter le juge aux fins de
l’autoriser à conclure le bail.
 Elle lui sera accordée lorsqu’il s’avère que le refus du nu-propriétaire est
seulement animé par l’intention de nuire ou qu’elle ne repose sur aucune
raison valable.
 En cas d’absence d’autorisation du nu-propriétaire ou du juge, la sanction
encourue c’est la nullité du bail et non l’inopposabilité (V. en ce sens 3e
civ., 26 janv. 1972).
 Dans un arrêt du 16 décembre 1987, la Cour de cassation a précisé que
« l’exercice de l’action en nullité découlant de l’article 595 du Code civil
n’est pas subordonné à la cessation de l’usufruit » (  3e  civ., 16 déc. 1987,
n° 86-15324).
 Il en résulte que l’action peut être engagée sans qu’il soit besoin
d’attendre la fin de l’usufruit
 A cet égard, la nullité est ici relative, de sorte que l’action appartient au
seul nu-propriétaire.

L’objet de l’usufruit (choses


corporelles et incorporelles,
choses consomptibles, droits
sociaux, universalités etc.)
3 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

L’usufruit peut tout autant porter sur un bien pris individuellement, que sur un
ensemble de biens.

I) L’usufruit porte sur un bien


L’article 581 du Code civil prévoit que l’usufruit « peut être établi sur toute espèce de
biens meubles ou immeubles. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruit peut porter sur n’importe quel type de bien.
Il est néanmoins soumis à des règles particulières lorsqu’il a pour objet une chose
consomptible, d’où la nécessité d’envisager cette catégorie de choses séparément.

A) Les choses non-consomptibles


1. Les choses corporelles
Pour mémoire, les choses corporelles sont tout ce qui peut être appréhendé par les sens
et qui est extérieur à la personne.

Elles ont, autrement dit, une réalité matérielle, en ce qu’elles peuvent être touchées
physiquement. Tel est le cas d’une maison, d’un arbre, d’une pièce de monnaie, d’une
table, un terrain, etc..

Les choses corporelles sont le terrain d’élection privilégié de l’usufruit, en ce que sa


nature de droit réel trouve pleinement vocation à s’exprimer, en ce sens que
l’usufruitier pourra exercer un pouvoir direct et immédiat sur la chose.
À cet égard, ainsi que l’écrivait Proudhon « considéré dans l’objet auquel il
s’applique, l’usufruit emprunte le corps de la chose même qui doit être livrée à
l’usufruitier pour qu’il en jouisse : la loi le place au rang des meubles ou immeubles,
suivant qu’il est établi sur des choses mobilières ou immobilières ».
L’usufruit peut, de la sorte, consister tantôt en un droit réel mobilier, tantôt en un droit
réel immobilier.

2. Les choses incorporelles


Les choses incorporelles se distinguent des choses corporelles en ce qu’elles n’ont pas
de réalité physique. Elles sont tout ce qui ne peut pas être saisi par les sens et qui est
extérieur à la personne.

Parce qu’elles sont dépourvues de toute substance matérielle et qu’elles n’existent


qu’à travers l’esprit humain, les choses incorporelles ne peuvent pas être touchées.

Il résulte qu’elles ne peuvent jamais être le fruit de la nature : elles sont toujours
artificielles, soit le produit d’une activité humaine.

L’intangibilité des choses incorporelles ne fait pas obstacle à ce qu’elle fasse l’objet
d’un usufruit.

Il est notamment admis que l’usufruit puisse porter sur :

 Des créations intellectuelles


 L’usufruit peut avoir pour objet une œuvre de l’esprit, un brevet
d’invention ou encore une marque
 Dans cette hypothèse, l’usufruitier pourra tirer profit de l’exploitation
commerciale des créations intellectuelles par l’exercice des droits
patrimoniaux attachés à ces créations (reproduction, représentation,
concession etc..)
 Un usufruit
 Rien n’interdit d’envisager la constitution d’un usufruit d’usufruit
 Cette situation correspond à l’hypothèse où un droit d’usage et
d’habitation serait établi sur un usufruit
 Une créance
 L’usufruit peut porter sur une créance ce qui emportera pour
conséquence d’obliger le débiteur à régler entre les mains, non pas du
créancier, mais de l’usufruitier (V. en ce sens com., 12 juill. 1993, n° 91-
15667).
 Encore faut-il que le débiteur ait été prévenu de la constitution d’un
usufruit, ce qui soulève la problématique de son opposabilité.
 Pour être opposable au débiteur, cette constitution d’usufruit doit-elle lui
être notifiée selon les formes prescrites par les règles qui régissent la cession
de créance ?
 L’article 1324 du Code civil prévoit notamment que « la cession n’est
opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée
ou s’il en a pris acte».
 Si la doctrine est partagée sur l’accomplissement de cette formalité, on ne
voit pas comment l’usufruitier pourrait y échapper, ne serait-ce que s’il veut
se prémunir d’un paiement entre les mains du créancier.
 Une rente
 L’article 588 du Code civil envisage la possibilité de constituer un
usufruit sur une rente viagère.
 Cette disposition prévoit en ce sens que « l’usufruit d’une rente viagère
donne aussi à l’usufruitier, pendant la durée de son usufruit, le droit d’en
percevoir les arrérages, sans être tenu à aucune restitution.»
 Par arrérages, il faut entendre le montant échu de la rente qui est versée
périodiquement
 Des droits sociaux
 Il est admis que l’usufruit puisse porter sur des droits sociaux, peu
importe qu’il s’agisse d’actions ou de parts sociales.
 L’article 1844 du Code civil envisage cette situation en prévoyant que
« si une part est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient au nu-
propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices,
où il est réservé à l’usufruitier».
 Il ressort de cette disposition que, le nu-propriétaire, conserve le droit de
vote dont il demeure titulaire, à tout le moins pour les décisions les plus
graves qui intéressent la société (modification des statuts), tandis que
l’usufruitier est appelé à percevoir les dividendes.
 Ce dernier est également investi du pouvoir de se prononcer sur les
décisions relatives à l’affectation des bénéfices (distribution ou mise en
réserve).
 Cette prérogative de l’usufruitier a été réaffirmée avec force par la Cour
de cassation dans un arrêt du 31 mars 2004.
 Dans cette décision, la chambre commerciale a validé l’annulation d’une
clause statutaire qui privait l’usufruitier de voter les décisions concernant les
bénéfices et subordonnait à la seule volonté des nus-propriétaires le droit
d’user de la chose grevée d’usufruit et d’en percevoir les fruits, alors que
l’article 578 du Code civil attache à l’usufruit ces prérogatives essentielles
(  com. 31 mars 2004, n°03-16694).
 Cette jurisprudence n’est pas sans avoir agité la doctrine, en particulier
sur la question de savoir, qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier, endosse
la qualité d’associé.
 La réponse à cette question a de véritables incidences pratiques, car elle
permet de déterminer si l’usufruitier peut exercer l’action sociale ut singuli
ou s’il peut encore formuler une demande de désignation de l’expert en
gestion.
 A cet égard, dans un arrêt du 22 février 2005, la Cour de cassation a
précisé que « les statuts peuvent déroger à la règle selon laquelle si une
part est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire,
à condition qu’il ne soit pas dérogé au droit du nu-propriétaire de
participer aux décisions collectives» (  com. 22 févr. 2005, n°03-17421).
 Il ressort de cette disposition que les statuts sont susceptibles de prévoir
que l’usufruitier est investi du droit de vote pour toutes les décisions auquel
cas il se rapproche du statut d’associé.
 Des auteurs ont néanmoins interprété un arrêt rendu par la Cour de
cassation en date du 29 novembre 2006 comme déniant à l’usufruitier la
qualité d’associé (  3e  civ. 29 nov. 2006, n°05-17009).
 Dans un autre arrêt, cette fois-ci rendu par la chambre commerciale le 2
décembre 2008, les statuts d’une société civile avaient attribué l’intégralité
du droit de vote à l’usufruitier.
 Ce dernier avait alors approuvé, en assemblée générale extraordinaire, le
projet de fusion absorption de la société dont il détenait une partie des titres.
 L’un des nus-propriétaires, opposé à cette fusion, a assigné l’usufruitier
en nullité de la délibération sociale ayant conduit à la fusion, en excipant
l’illicéité de la clause statutaire qui réservait au seul usufruitier l’intégralité
des droits de vote.
 Par un arrêt du 19 février 2008 la Cour d’appel de Caen a fait droit aux
demandes du nu-propriétaire quant à déclarer illicite la clause statutaire
octroyant l’intégralité des droits de vote à l’usufruitier et annuler la
délibération litigieuse.
 La chambre commerciale de la Cour de cassation a néanmoins censuré
cette décision au motif que « les statuts peuvent déroger à la règle selon
laquelle, si une part est grevée d’usufruit, le droit de vote appartient au nu-
propriétaire, dès lors qu’ils ne dérogent pas au droit du nu-propriétaire de
participer aux décisions collectives» (  com. 2 déc. 2008, n°08-13185).
 Quel enseignement tiré de cette décision ?
 En premier lieu, il est possible de priver le nu-propriétaire de son droit de
vote à la condition qu’il puisse participer à la prise de décision ce qui
concrètement implique qu’il puisse assister à la délibération et exprimer son
avis.
 En second lieu, l’usufruitier semble être mis sur un même pied d’égalité
que les autres associés puisque, alors même qu’il s’agit d’une décision qui
intéresse la fusion absorption de la société, c’est à lui que revient le droit de
voter et non au nu-propriétaire.
 Enfin, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir
expliqué « en quoi l’usufruitier aurait fait du droit de vote que lui
attribuaient les statuts un usage contraire à l’intérêt de la société, dans le
seul dessein de favoriser ses intérêts personnels au détriment de ceux des
autres associés»
 Elle affirme donc, en creux, qu’il appartient à l’usufruitier d’agir dans
l’intérêt de la société.
 Or n’est-ce pas là l’objectif assigné à tout associé ?
 D’aucuns considèrent que cet arrêt reconnaît à l’usufruitier la qualité
d’associé et opère ainsi un revirement de jurisprudence si l’on se réfère à la
décision du 29 novembre 2006.
 La décision rendue n’est toutefois pas sans comporter des zones d’ombre,
raison pour laquelle il convient de rester prudent sur le sens à lui donner.
 Aussi, la question de l’octroi à l’usufruitier de la qualité d’associé
demeure grande ouverte.
 Elle n’a encore jamais été clairement tranchée par la Cour de cassation.
B) Les choses consomptibles
Les choses consomptibles sont celles qui se consomment par le premier usage, en ce
sens qu’elles disparaissent à mesure de l’utilisation que l’on en fait.

Exemple : l’argent, des aliments, une cartouche d’encre etc.

À l’évidence, lorsque l’usufruit porte sur une chose consomptible, cette situation
soulève une difficulté qui tient à la fonction même de l’usufruit.

Il est, en effet, de principe que l’usufruit ne confère à l’usufruitier qu’un droit d’usage
sur la chose, de sorte qu’il ne peut pas en disposer.

Si l’in appliquait cette règle strictement aux choses consomptibles, cela reviendrait à
priver l’usufruitier d’en jouir et donc de vider le droit réel dont il est titulaire de sa
substance.
C’est la raison pour laquelle, par exception, l’usufruitier est autorisé à disposer de la
chose, telle le véritable propriétaire (on parle alors de quasi-usufruit).

L’article 587 du Code civil prévoit en ce sens que « si l’usufruit comprend des choses
dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les
liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de
l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la
date de la restitution ».
En contrepartie du droit de jouir d’une chose consomptible, l’usufruitier a donc
l’obligation de restituer, à l’expiration de l’usufruit, soit une chose de même qualité et
de même quotité, soit son équivalent en argent.

La conséquence en est que le nu-propriétaire qui, de fait, perd l’abusus n’exerce plus


aucun droit réel sur la chose. Il est un simple créancier de l’usufruitier.
II) L’usufruit porte sur un ensemble de biens
Tout autant que l’usufruit peut porter sur un bien, pris individuellement, il peut porter
sur un ensemble de biens constitutif d’une universalité. Il est indifférent que cette
universalité soit de fait ou de droit.

 L’usufruit d’une universalité de fait


 Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur un ensemble de biens unis par
une même finalité économique.
 Tel est le cas notamment du fonds de commerce qui regroupe l’ensemble
des biens nécessaires à l’exploitation d’une activité commerciale
déterminée.
 Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est
investi l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais
l’ensemble constitué par ces biens, soit le tout.
 Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver
l’universalité, prise dans sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la
détruire.
 Il ne s’agit donc pas d’un quasi-usufruit, mais bien d’un usufruit
ordinaire.
 Appliqué au fonds de commerce, cela signifie que, à l’expiration de
l’usufruit, l’usufruitier devra restituer un fonds de commerce de valeur
équivalente.
 Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer
de chacun des éléments qui composent le fonds de commerce (machines,
outils, marchandises, matières premières etc.)
 L’usufruitier est ainsi autorisé à accomplir tous les actes de nécessaires à
l’exploitation de l’activité commerciale (achat et vente de marchandises
etc.)
 À cet égard, c’est lui qui percevra les bénéfices tirés de l’exploitation du
fonds, tout autant que c’est lui qui endossera la qualité de commerçant et
qui, à ce titre, sera soumis à l’obligation d’immatriculation.
 L’usufruit d’une universalité de droit
 Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur une masse de biens qui, de
nature et d’origine diverses, et matériellement séparés, ne sont réunis par la
pensée qu’en considération du fait qu’ils appartiennent à une même
personne
 Autrement dit, l’usufruit a ici pour objet un patrimoine ou une fraction de
patrimoine.
 Selon le cas, il sera qualifié d’usufruit à titre universel ou d’usufruit à
titre particulier.
 Cette forme d’usufruit se rencontre le plus souvent consécutivement à
une dévolution successorale ou testamentaire.
 Lorsqu’il porte sur un patrimoine, la portée de l’usufruit est radicalement
différente de la situation où il a pour objet une universalité de fait.
 En effet, l’assiette du droit de l’usufruitier est constituée par l’ensemble
des biens qui composent le patrimoine et non par le patrimoine pris dans sa
globalité.
 La conséquence en est que, si l’usufruitier peut jouir des biens qui
relèvent de l’assiette de son droit, il lui est fait interdiction d’en disposer,
sauf à ce que, au nombre de ces biens, figurent des choses consomptibles
auquel cas il sera autorisé à les restituer en valeur.

Les droits de l’usufruitier


2 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

L’usufruit confère à son titulaire un droit réel. L’exercice de ce droit n’est, toutefois,
pas sans contrepartie.

Un certain nombre d’obligations sont mises à la charge de l’usufruitier la principale


d’entre elles étant la restitution du bien dans le même état que celui où il se trouvait au
moment de l’entrée en jouissance.

De son côté, le nu-propriétaire exerce également un droit réel sur la chose. Ce droit,
dont l’assiette est pendant toute la durée de l’usufruit pour le moins restreinte, a, au
fond, pour intérêt majeur de garantir au nu-propriétaire le recouvrement de la pleine
propriété de la chose à l’expiration de l’usufruit.

À cet effet, le nu-propriétaire a pour principale obligation de ne pas nuire à


l’usufruitier dans sa jouissance de la chose.

À l’analyse, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont tous deux titulaires de droits réels


qui sont indépendants l’un de l’autre.

François Terré et Philippe Simler ont écrit en ce sens que « le Code civil a conçu
l’usufruit et la nue-propriété comme deux droits réels, coexistant sur la chose et
juxtaposés, mais séparés : il n’y a pas communauté, mais bien séparation d’intérêts
entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ».
Il n’y a donc, entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.

Les seules limites à l’exercice indépendant de ces droits réels dont ils sont titulaires
sont celles posées par la loi, laquelle met à la charge de l’usufruitier plusieurs
obligations propter rem (art. 600 à 615 C. civ.).
Nous nous focaliserons ici sur les droits de l’usufruitier.

La constitution d’un usufruit sur une chose opère un démembrement du droit de


propriété : tandis que le nu-propriétaire conserve l’abusus, l’usufruitier recueille
l’usus et le fructus.
Au vrai, cette répartition des prérogatives entre ces deux titulaires de droits réels n’est
pas tout à fait exacte, en ce sens que le démembrement du droit de propriété n’est pas
une opération à somme nulle.

En toute logique, la somme des démembrements du droit de propriété devrait être


égale au tout que constitue la pleine propriété, soit rassemblée dans tous ses attributs.

Tel n’est pourtant pas le cas. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que le
démembrement du droit de propriété entre un usufruitier et un nu-propriétaire ne
permet, ni à l’un, ni à l’autre de détruire le bien, alors même qu’il s’agit d’une
prérogative dont est investi le plein propriétaire.

Ce constat a conduit des auteurs à relever que « quantitativement, l’usufruitier a moins


de pouvoir que le propriétaire n’en perd… ; quant au nu-propriétaire, il a moins de
pouvoir que ce qu’il aurait si son droit était ce qu’il reste de la propriété après
ablation de l’usus et du fructus »[1].
En tout état de cause, il peut être relevé que l’usufruitier est titulaire de deux sortes de
droits

 Les droits qui s’exercent sur la chose


 Les droits qui s’exercent sur l’usufruit
I) Les droits qui s’exercent sur la chose
Les droits dont est titulaire l’usufruitier sur la chose procèdent de l’usus et
du fructus que lui confère l’usufruit.
A) Le droit d’user de la chose : l’usus
==> Principes généraux

Parce qu’il est titulaire de l’usus, l’usufruitier est investi du pouvoir de faire usage de
la chose en exerçant sur elle une emprise matérielle.
Le Doyen Carbonnier définissait l’usus comme « cette sorte de jouissance qui
consiste à retirer personnellement – individuellement ou par sa famille – l’utilité ou le
plaisir que peut procurer par elle-même une chose non productive ou non exploitée
(habiter sa maison, porter ses bijoux, c’est en user) ».
À cet égard, le droit d’user de la chose confère à son titulaire la liberté de choisir
l’usage de la chose, soit de s’en servir selon ses propres besoins, convictions et
intérêts.

À cet égard l’article 597 du Code civil précise, s’agissant de l’usufruitier, qu’« il jouit
des droits de servitude, de passage, et généralement de tous les droits dont le
propriétaire peut jouir, et il en jouit comme le propriétaire lui-même. »
L’usufruitier peut ainsi :

 Utiliser la chose pour ses besoins personnels et pour autrui (habiter une maison,
utiliser une voiture
 Donner la chose à bail
 Exploiter la chose (cultiver des terres, exploiter un fonds de commerce ou le
donner en location-gérance etc..)
 Consommer les choses consomptibles, à charge de les restituer par équivalent
ou en valeur à l’expiration de l’usufruit
 Construire un ouvrage dès lors que cela n’affecte pas de manière
irréversiblement la substance de la chose
L’article 589 du Code civil précise que si l’usufruit comprend des choses qui, sans se
consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des
meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles sont
destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où elles se
trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute.

Cela signifie donc que, pour les choses qui se détériorent par l’usage, l’usufruitier ne
devra aucune indemnité au nu-propriétaire lors de la restitution du bien, dès lors qu’il
en aura fait un usage normal.

Lorsque, en revanche, l’usage qu’il en fait est inapproprié et est de nature à précipiter
la détérioration de la chose, l’usufruitier engagera sa responsabilité.

Il est encore fait obligation à l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la


destination prévue dans l’acte de constitution de l’usufruit.

Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du
propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.

Par exemple, il lui est interdit de transformer un immeuble à usage d’habitation en


local qui abriterait une activité commerciale.

Dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e  civ. 4 juin 1975, n°74-10777).
==> Cas particulier de la conclusion de baux

 L’article 595, al. 1er du Code civil prévoit que « l’usufruitier peut jouir par lui-même,
donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit. »
Ainsi, l’usufruitier est-il autorisé, par principe, à donner la chose soumise à l’usufruit à
bail.

Toutefois, la conclusion de certains baux s’apparent parfois à de véritables actes


disposition. Tel est le cas de la régularisation d’un bail commercial ou encore d’un bail
rural

Aussi, afin qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits du nu-propriétaire qui, en
présence d’un tel bail, serait contraint d’en supporter la charge à l’extinction de
l’usufruit, le législateur a encadré l’opposabilité des actes accomplis en la matière par
l’usufruitier.
 S’agissant des baux conclus pour une durée égale ou inférieure à neuf ans
 Le principe posé par l’article 595 du Code civil, c’est que l’usufruitier
pour conclure seul ce type de baux, de sorte qu’ils sont parfaitement
opposables au nu-propriétaire.
 Ils auront donc vocation à se poursuivre à l’expiration de l’usufruit sans
que le nu-propriétaire puisse s’y opposer.
 L’alinéa 3 de l’article 595 a néanmoins apporté un tempérament à cette
règle en prévoyant que « les baux de neuf ans ou au-dessous que
l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration
du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la
même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur
exécution n’ait commencé avant la cessation de l’usufruit.».
 L’objectif visée par cette règle est de limiter les conséquences d’un
renouvellement de bail par anticipation.
 Ainsi, selon qu’il s’agit d’un bail rural ou d’un autre type de bail, le
renouvellement du bail ne pourra intervenir que trois ans ou deux avant
l’expiration du bail en cours
 S’agissant des baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans
 Il ressort de l’article 595 du Code civil que lorsque le bail est conclu pour
une durée supérieure à 9 ans, il est inopposable au nu-propriétaire.
 L’alinéa 2e de cette disposition prévoit en ce sens que « les baux que
l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas
de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire que
pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si
les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de
manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la
période de neuf ans où il se trouve»
 S’agissant des baux portant sur un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal
 L’article 595, al. 4 dispose que « l’usufruitier ne peut, sans le concours
du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal. A défaut d’accord du nu-propriétaire,
l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte. »
 Pour les baux visés par cette disposition, l’usufruitier est donc contraint
d’obtenir l’accord du nu-propriétaire.
 Cet accord n’est toutefois pas indispensable, dans la mesure où le texte
ouvre une action à l’usufruitier qui peut solliciter le juge aux fins de
l’autoriser à conclure le bail.
 Elle lui sera accordée lorsqu’il s’avère que le refus du nu-propriétaire est
seulement animé par l’intention de nuire ou qu’elle ne repose sur aucune
raison valable.
 En cas d’absence d’autorisation du nu-propriétaire ou du juge, la sanction
encourue c’est la nullité du bail et non l’inopposabilité (V. en ce sens 3e
civ., 26 janv. 1972).
 Dans un arrêt du 16 décembre 1987, la Cour de cassation a précisé que
« l’exercice de l’action en nullité découlant de l’article 595 du Code civil
n’est pas subordonné à la cessation de l’usufruit » (  3e  civ., 16 déc. 1987,
n° 86-15324).
 Il en résulte que l’action peut être engagée sans qu’il soit besoin
d’attendre la fin de l’usufruit
 A cet égard, la nullité est ici relative, de sorte que l’action appartient au
seul nu-propriétaire.
B) Le droit de jouir de la chose : le fructus
L’usufruit ne confère pas seulement à l’usufruitier le droit de faire usage de la chose, il
lui confère également le droit d’en jouir.

Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir de percevoir les revenus que le
bien lui procure.

Pour l’usufruitier d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers réglés par son
locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds
placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou
encore le sésame qu’il a cultivé.

L’article 582 du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier a le droit de jouir de
toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire
l’objet dont il a l’usufruit. »
Immédiatement, il convient alors de préciser ce que l’on doit entendre par « fruits »,
lesquels doivent être distingués des « produits. »
1. Distinction en les fruits et les produits
L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de
celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné
à bail des loyers et une carrière des pierres.

La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire
profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.
La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre
les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.

En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la
substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans
d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un
nouveau bien.

Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des
produits, l’intérêt de la distinction étant réel, notamment en cas de démembrement du
droit de propriété.

 Exposé de la distinction
 Les fruits
 Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit
périodiquement sans altération de sa substance.
 Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits
d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation
d’une usine.
 Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
 Les fruits naturels
 L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les
fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre.
Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits
naturels. »
 Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose
spontanément sans le travail de l’homme
 Exemple : les champignons des prés, les fruits des
arbres sauvages
 Les fruits industriels
 L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels
d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
 Il s’agit donc des fruits dont la production procède
directement du travail de l’homme.
 Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois
taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
 Les fruits civils
 L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont
les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les
arrérages des rentes. »
 L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme
sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
 Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus
par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
 Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou
encore les intérêts d’une somme argent prêtée
 Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire,
il doit donc remplir deux critères :
 La périodicité (plus ou moins régulière)
 La conservation de la substance de la chose dont ils
dérivent.
 Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce
qu’il [le fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la
substance du capital que le fruit se distingue du produit».
 Les produits
 Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance
 Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une
carrière ou d’une mine
 Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des
fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les
produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve
ainsi entamé»[2].
 Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera
pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette
perception est périodique ou isolée.
 Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on
sera en présence de produits.
 Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les
pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des
produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la
substance.
 Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en
couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour
devenir des fruits.
 Intérêt de la distinction
 La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le
plan juridique.
 En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la
chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du
capital, appartiennent au nu-propriétaire.
Manifestement, la qualification de fruit ou de produit du revenu généré par la chose est
d’importance, car elle détermine qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier en
bénéficiera.

Si, en principe, cette qualification est prédéterminée par la nature de la chose, il est des
cas où elle dépend de la volonté du propriétaire qui selon l’exploitation qu’il en fait
pourra en retirer, tantôt des fruits, tantôt des produits.

Illustration est faite de cette possibilité dans le code civil qui distingue selon que sont
présents sur un fonds soumis à usufruit des arbres de haute futaie des forêts ou des
bois taillis.

 S’agissant des bois taillis


 Il s’agit des arbres qui ont vocation à être coupés à échéance périodique
avant qu’ils n’atteignent leur pleine maturité pour qu’ils se développent à
nouveau à partir de leur souche
 Cette périodicité de la coupe des bois taillis leur confère la qualité de
fruit : ils reviennent donc au seul usufruitier
 À cet égard, l’article 590, al.1er du Code civil précise « si l’usufruit
comprend des bois taillis, l’usufruitier est tenu d’observer l’ordre et la
quotité des coupes, conformément à l’aménagement ou à l’usage constant
des propriétaires ; sans indemnité toutefois en faveur de l’usufruitier ou de
ses héritiers, pour les coupes ordinaires, soit de taillis, soit de baliveaux,
soit de futaie, qu’il n’aurait pas faites pendant sa jouissanc»
 L’alinéa 2 ajoute que l’usufruitier doit se conformer aux usages des lieux
pour le remplacement
 S’agissant des arbres de haute futaie des forêts
 Principe
 Contrairement aux bois taillis, les arbres de haute futaie des forêts
sont ceux qui sont laissés en place pour qu’ils atteignent leur pleine
maturité
 Ils n’ont donc pas vocation à être coupés à échéance périodique ce
qui fait d’eux des produits
 Aussi reviennent-ils au nu-propriétaire et non à l’usufruitier qui ne
peut y toucher.
 Tout au plus l’article 592 du Code civil autorise l’usufruitier à
« employer, pour faire les réparations dont il est tenu, les arbres
arrachés ou brisés par accident ; il peut même, pour cet objet, en faire
abattre s’il est nécessaire, mais à la charge d’en faire constater la
nécessité avec le propriétaire. »
 Exception
 L’article 591 du Code civil envisage un cas où les arbres de haute
futaie peuvent être qualifiés de fruits : lorsqu’ils sont aménagés et plus
précisément lorsqu’ils sont soumis à une coupe réglée.
 Dans cette hypothèse, ils reviennent à l’usufruitier et non au nu-
propriétaire
 Le texte prévoit en ce sens que « l’usufruitier profite encore […]
des parties de bois de haute futaie qui ont été mises en coupes réglées,
soit que ces coupes se fassent périodiquement sur une certaine étendue
de terrain, soit qu’elles se fassent d’une certaine quantité d’arbres pris
indistinctement sur toute la surface du domaine. »
 Cette prérogative conférée à l’usufruitier est toutefois subordonnée
au respect par lui de l’exigence de se conformer « aux époques et à
l’usage des anciens propriétaires».
 Dans le prolongement de cette faculté consenti à titre dérogatoire à
l’usufruitier sur les arbres de haute futaie, l’article 593 du Code civil
prévoit que « il peut prendre, dans les bois, des échalas pour les
vignes ; il peut aussi prendre, sur les arbres, des produits annuels ou
périodiques ; le tout suivant l’usage du pays ou la coutume des
propriétaires».
Enfin, l’article 594 du Code civil envisage le sort des arbres fruitiers présents sur le
fonds soumis à l’usufruit.

Le texte prévoit que « les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés
ou brisés par accident, appartiennent à l’usufruitier, à la charge de les remplacer par
d’autres. »
2. L’acquisition des fruits
==> Le moment d’acquisition des fruits

L’article 604 du Code civil dispose que « le retard de donner caution ne prive pas
l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut percevoir les fruits produits par la
chose à compter du moment où son droit est ouvert.
La question qui alors se pose est de savoir à quel moment s’opère cette ouverture du
droit de l’usufruitier ?

À l’examen, il convient de distinguer selon que l’usufruit est d’origine légale,


conventionnelle, testamentaire ou judiciaire.

 L’usufruit d’origine légale


 Dans cette hypothèse, pour déterminer la date d’ouverture du droit de
l’usufruitier de percevoir les fruits, il convient de se reporter au point de
départ fixé par la loi.
 Ainsi, le droit du conjoint survivant qui est susceptible d’opter en
présence d’enfants communs pour l’usufruit de la totalité des biens du de
cujus s’ouvre à compter du décès de ce dernier
 S’agissant du droit de jouissance légal des parents sur les biens de leur
enfant il naît à compter du jour de l’acquisition du bien
 L’usufruit conventionnel
 Dans cette hypothèse, c’est la volonté des parties qui détermine le point
de départ de l’usufruit.
 À défaut, le droit de l’usufruitier est réputé être ouvert à compter du jour
de la conclusion du contrat, soit de la régularisation de l’acte.
 L’usufruit judiciaire
 Dans cette hypothèse, c’est le juge qui, en octroyant à une partie, un droit
d’usufruit, fixera son point de départ.
 Lorsque, par exemple, l’usufruit sera constitué dans le cadre de l’octroi
d’une prestation compensatoire, le droit du bénéficiaire prendra le plus
souvent effet au jour de prononcé du jugement
 L’usufruit testamentaire
 Dans cette hypothèse, il convient de distinguer selon que l’usufruit est
consenti à un légataire universel ou à un légataire à titre particulier.
 L’usufruit consenti à un légataire universel ou à titre universel
 Pour rappel, le légataire universel est celui qui se voit
léguer l’universalité des biens du testateur, soit l’ensemble de son
patrimoine (  1003 C. civ.)
 Quant au légataire à titre universel il s’agit de la personne
qui recueille une quote-part des biens dont la loi permet au testateur
de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou
tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de
tout son mobilier (  1010 C. civ.).
 À l’examen, la jurisprudence ne distingue pas selon que
l’usufruitier est légataire universel ou légataire à titre universel
 Dans les deux cas, les juridictions font application
de l’article 1005 du Code civil.
 En application de cette disposition le légataire universel
aura la jouissance des biens compris dans le testament, à compter du
jour du décès, si la demande en délivrance a été faite dans l’année,
depuis cette époque
 À défaut, précise le texte, cette jouissance ne commencera
que du jour de la demande formée en justice, ou du jour que la
délivrance aurait été volontairement consentie.
 Dans un arrêt du 6 décembre 2005 la cour de cassation est
venue préciser que « le conjoint survivant, investi de la saisine sur
l’universalité de l’hérédité, a, dès le jour du décès et quelle que soit
l’étendue de la vocation conférée par le legs qui lui a été consenti,
la jouissance de tous les biens composant la succession, laquelle est
exclusive de toute indemnité d’occupation» (  6 déc. 2005, n°03-
10211).
 Il ressort de cette disposition que lorsque l’usufruitier
cumule les qualités de légataire universel ou à titre universel et
d’héritier son droit s’ouvre, en tout état de cause, au jour du décès du
de cujus.
 L’usufruit consenti à un légataire à titre particulier
 Tout d’abord, le légataire à titre particulier est celui qui se
voit léguer par le testateur un ou plusieurs biens individualisés
 Dans cette hypothèse pour déterminer la date d’ouverture
du droit de l’usufruitier à percevoir les fruits, il convient de se
reporter à l’article 1014, al. 2e du Code civil.
 Cette disposition prévoit que « le légataire particulier ne
pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre
les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en
délivrance, formée suivant l’ordre établi par l’article 1011, ou du
jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement
consentie. »
 Il en résulte que le légataire à titre universel devra attendre
la délivrance de la chose par les héritiers saisis pour percevoir les
fruits.
==> Les modes d’acquisition des fruits

Les règles qui régissent l’acquisition des fruits diffèrent selon qu’il s’agit de fruits
naturels, de fruits industriels ou encore de fruits civils.
 Les fruits naturels
 L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont
ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des
animaux sont aussi des fruits naturels. »
 Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans
le travail de l’homme
 Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
 S’agissant de leur perception, elle procède de leur séparation du sol.
 Ainsi, l’article 585, al. 1er du Code civil prévoit que les fruits naturels
pendants par branches ou par racines au moment où l’usufruit est ouvert,
appartiennent à l’usufruitier.
 Encore faut-il néanmoins que l’usufruitier se donne la peine de les
récolter.
 L’alinéa 2e de l’article 585 précise, en effet, que les fruits « qui sont dans
le même état au moment où finit l’usufruit appartiennent au propriétaire,
sans récompense de part ni d’autre des labours et des semences, mais aussi
sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise au métayer,
s’il en existait un au commencement ou à la cessation de l’usufruit. »
 Ainsi les fruits qui n’auraient pas été perçus par l’usufruitier lorsque
l’usufruit vient à expirer deviennent la propriété du propriétaire, ce, quand
bien même le coût de la cultivation a été entièrement supporté par
l’usufruitier.
 Ce dernier ne peut réclamer ni la restitution du produit de la vente, ni
indemnisation
 Les fruits industriels
 L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont
ceux qu’on obtient par la culture. »
 Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail
de l’homme.
 Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices
réalisés par une entreprise
 À l’instar des fruits naturels, les fruits industriels s’acquièrent par la
perception, soit par leur séparation de la chose productrice (  585 C. civ.)
 Les fruits civils
 L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des
maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
 L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans
la classe des fruits civils. »
 Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels
la jouissance de la chose a été concédée
 Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts
d’une somme argent prêtée
 S’agissant de leur perception, l’article 586 du Code civil prévoit que
« les fruits civils sont réputés s’acquérir jour par jour et appartiennent à
l’usufruitier à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s’applique
aux prix des baux à ferme comme aux loyers des maisons et autres fruits
civils. »
 Il ressort de cette disposition que les fruits civils sont répartis, pour les
années d’ouverture et d’expiration du droit d’usufruit entre l’usufruitier et le
nu-propriétaire au prorata temporis.
 Peu importe donc la date de la perception ; ce qui importe c’est la prise
d’effet et d’extinction du droit.
 Le calcul s’opérera sur la base d’une année de 365 jours, étant précisé
que, l’usufruitier a droit aux fruits civils proportionnellement à la durée
réelle de sa jouissance.
 Pour exemple, si l’usufruit expire au 1 er juillet, l’usufruitier percevra la
moitié des loyers annuels et le nu-propriétaire l’autre moitié.
 Si, en revanche, l’usufruit expire au 4 mars, l’usufruitier percevra les
loyers dus pour les mois de janvier et février auxquels s’ajoutera le montant
du loyer correspondant à 4 jours de jouissance.
II) Les droits qui s’exercent sur l’usufruit
L’usufruitier n’est pas seulement investi d’un droit direct sur la chose dont il a la
jouissance, il dispose également de la faculté d’aliéner son droit et d’engager toutes les
actions en justice utiles pour en assurer la préservation.

==> Le droit d’aliéner l’usufruit

 Principe
 L’article 595 du Code civil dispose que « l’usufruitier peut jouir par lui-
même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre
gratuit. »
 Il ressort de cette disposition que l’usufruitier est investi du droit
d’aliéner son droit d’usufruit.
 À cet égard, l’usufruitier peut :
 Céder son droit à titre onéreux ou à titre gratuit
 Constituer une sûreté réelle sur la chose soumise à l’usufruit (gage
pour les meubles et hypothèque pour les immeubles)
 Effectuer un apport en société avec l’usufruit
 En outre, il est admis que l’usufruit puisse faire l’objet d’une saisie
 Limites
 La faculté pour l’usufruitier d’aliéner son droit n’est pas sans limites
 Tout d’abord, l’usufruit demeure, en tout état de cause
intransmissible à cause de mort.
 Ensuite, parce que l’usufruit présente un caractère temporaire son
aliénation ne saurait avoir pour conséquence de porter atteinte à la
substance de la chose, ni aux droits du nu-propriétaire
 Enfin, lorsque l’acte de constitution comporte une clause
d’inaliénabilité, il est fait défense à l’usufruitier de le céder
 Portée
 L’aliénation de l’usufruit est sans incidence sur sa durée en ce sens qu’il
a vocation à s’éteindre, soit au décès de l’usufruitier, soit à l’expiration du
terme prévu dans l’acte constitutif
 Par ailleurs, c’est le cédant de l’usufruit qui répond des préjudices causés
au nu-propriétaire à raison de fautes commises par le cessionnaire.
==> Le droit d’agir en justice

Afin de préserver son droit réel, notamment des atteintes qui pourraient lui être portées
par le nu-propriétaire, plusieurs actions en justice sont ouvertes à l’usufruitier.

 L’action confessoire
 Cette action dont est titulaire l’usufruitier vise à faire reconnaître son
droit de jouissance sur la chose, soit à obtenir la délivrance de la chose qui
serait détenue, soit par un tiers, soit par le nu-propriétaire
 Dans un arrêt du 7 avril 2004, la Cour de cassation a jugé en ce sens que
« l’usufruitier peut ester en justice, dans la mesure où il agit pour défendre
ou protéger son droit de jouissance, et que ce droit lui permet d’exercer
aussi bien une action personnelle que réelle» (  3e  civ. 7 avr. 2004, n°02-
13703).
 Cette action est, en quelque sorte, à l’usufruit ce que l’action en
revendication est à la propriété.
 Reste que, à la différence de l’action en revendication, l’action
confessoire n’est pas imprescriptible : l’usufruitier doit agir dans un délai de
trente ans peu importe que l’usufruit porte sur un bien meuble ou sur un
immeuble
 L’action personnelle
 Ainsi qu’il l’a été jugé la Cour de cassation dans l’arrêt du 7 avril 2004,
l’usufruitier dispose d’une action personnelle
 Cette action poursuit parfois la même finalité que l’action confessoire :
obtenir la délivrance de la chose.
 Dans cette hypothèse, son domaine est toutefois bien plus restreint que
celui de l’action confessoire puisqu’elle ne peut être dirigée que contre le
nu-propriétaire et ses ayants droits.
 L’action personnelle peut également avoir pour finalité de sanctionner les
troubles de jouissance dont l’usufruitier est susceptible d’être victime.
 Il sera, par exemple, fondé à engager la responsabilité du nu-propriétaire
qui accomplirait des actes qui lui causeraient un préjudice
[1] F. Zénati et Th. Revet, Les biens, éd. PUF, 2008, n°244
[2] H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, Paris 1955, t.1, p. 253, n°228.

Obligation attachée à la
constitution d’usufruit: la caution
2 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

Avant d’entrer en jouissance, l’usufruitier a l’obligation de faire dresser un inventaire


des choses sur lesquels il a vocation à exercer son droit. Il doit, en outre, fournir
caution de jouir raisonnablement de la chose.

Ces formalités qui s’imposent à l’usufruitier visent à préserver les droits et intérêts du
nu-propriétaire qui se dessaisit temporairement de son bien.

Ainsi que l’observait le doyen Carbonnier au sujet du nu-propriétaire et de l’usufruitier


« ce ne sont pas seulement deux droits réels, ce sont deux individus qui sont rivaux »,
de sorte que « l’usufruitier a intérêt à exploiter le plus possible, au risque d’épuiser la
substance ».
À cet égard, parce que c’est l’usufruitier qui possède la maîtrise matérielle de la chose,
celle échappant totalement au contrôle du nu-propriétaire, il y a lieu de prévenir les
manquements qui seraient de nature à altérer sa substance et diminuer sa valeur.

Les obligations qui échoient à l’usufruitier participent ainsi du dispositif qui vise à
protéger le nu-propriétaire qui, à l’expiration de l’usufruit, a vocation à recouvrer la
pleine propriété de son bien.

I) L’obligation de fournir une caution


==> Principe

L’article 601 du Code civil dispose que l’usufruitier « donne caution de jouir en bon
père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ; cependant les
père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur,
sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. »
Cette disposition prescrit ainsi l’obligation pour l’usufruitier de fournir une caution au
nu-propriétaire.

Cette obligation vise à garantir le paiement de dommages et intérêts dont l’usufruitier


pourrait devenir redevable en cas de manquement à ses obligations de conservation et
d’entretien de la chose soumise à l’usufruit.

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les garanties qui satisfont à
l’exigence posée à l’article 601 du Code civil.

==> Nature de la garantie

Il ressort du texte que la fourniture d’une caution simple suffit. Celui-ci n’exige
nullement qu’une solidarité soit stipulée entre l’usufruitier et le garant.

Parce que la garantie requise par l’article 601 consiste en un cautionnement, il s’agira


pour l’usufruitier d’obtenir d’un tiers qu’il s’engage envers le nu-propriétaire à
garantir les dettes qui pourraient naître de ses rapports avec ce dernier.

À cet égard, l’article 2295 du Code civil prévoit que « le débiteur obligé à fournir une
caution doit en présenter une qui ait la capacité de contracter et qui ait un bien
suffisant pour répondre de l’objet de l’obligation. »
L’article 2296 précise que « la solvabilité d’une caution ne s’estime qu’eu égard à ses
propriétés foncières, excepté en matière de commerce, ou lorsque la dette est
modique. » et de poursuivre « on n’a point égard aux immeubles litigieux, ou dont la
discussion deviendrait trop difficile par l’éloignement de leur situation »
==> Substitution de garantie

Dans l’hypothèse où l’usufruitier ne parviendrait pas à obtenir le cautionnement d’un


tiers, il n’aura d’autre choix que de consentir au nu-propriétaire une hypothèque sur
ses immeubles ou de donner en gage des biens mobiliers.

Le nu-propriétaire ne pourra pas refuser à l’usufruitier cette substitution de


garantie, l’article 2318 du Code civil prévoyant expressément que « celui qui ne peut
pas trouver une caution est reçu à donner à sa place un gage en nantissement
suffisant. »
==> Exceptions
L’article 601 du Code civil prévoit que l’usufruit peut être dispensé de fournir une
caution au nu-propriétaire.

Cette dispense procède tantôt de la loi, tantôt de la volonté du constituant :

 Dispenses légales
 La loi dispense, dans deux cas, l’usufruitier de fournir une caution au nu-
propriétaire
 Dispense des pères et mère ayant l’usufruit légal du bien de
leurs enfants
 L’article 386-1 du Code civil confère aux parents d’un
enfant mineur un droit de jouissance légale sur les biens qu’ils
administrent.
 Cette disposition prévoit en ce sens que « la jouissance
légale est attachée à l’administration légale : elle appartient soit
aux parents en commun, soit à celui d’entre eux qui a la charge de
l’administration.»
 La jouissance octroyée par la loi aux parents sur les biens
de leurs enfants s’assimile à un véritable usufruit (V. en ce sens civ.,
24 janv. 1900), précision faite que cet usufruit ne présente pas de
caractère viager.
 Surtout, l’article 601 dispense les parents de fournir caution
à leurs enfants en garantie de la préservation de leurs droits.
 Cette dispense procède de la nature des liens particuliers et
étroits qui existent entre ces derniers
 On présume que les parents sont animés des meilleures
intentions quant à l’administration des biens de leurs enfants et que,
par conséquent, ils s’emploieront à accomplir toutes les diligences
utiles pour en assurer la conservation
 Dispense du vendeur ou du donateur, sous réserve d’usufruit
 Lorsque le donateur ou le vendeur d’une chose se réserve
sur cette chose l’usufruit, l’article 601 le dispense de fournir au
donataire ou à l’acquéreur une caution.
 La raison en est que l’on présume que cette dispense
procède de la volonté des parties.
 Il est, en effet, peu probable que celui qui aliène la nue-
propriété de son bien souhaite, en outre, être assujetti à l’obligation
de fournir caution, en particulier s’il s’agit d’une donation.
 Tel ne sera, en revanche, pas le cas dans l’hypothèse
inverse, soit lorsque le donateur ou le vendeur aliène, non pas la
nue-propriété de son bien, mais l’usufruit.
 En pareil cas, l’exigence de fourniture d’une caution sera
maintenue, sauf à ce qu’il en soit décidé autrement par les parties à
l’acte.
 Dispenses volontaires
 L’article 601 du Code civil prévoit expressément la possibilité pour le
constituant de dispenser, par sa seule volonté, l’usufruitier de fournir une
caution.
 À cet égard, cette dispense sera fréquemment stipulée dans les testaments
et donation, l’auteur de la libéralité ne souhaitant pas faire peser une charge
trop importante sur la tête du bénéficiaire.
 Très tôt, la jurisprudence a, par ailleurs, admis qu’une telle dispense
puisse être accordée à l’usufruitier, alors même que le bien grevé relèverait
de bien relevant, pour la nue-propriété, de la réserve héréditaire des
descendants ou des ascendants (V. en ce sens civ. 5 juill. 1876).
 Tel sera notamment le cas lorsqu’une libéralité sera consentie au conjoint
survivant.
 S’agissant de la forme de la dispense, elle peut être expresse ou tacite, le
juge ayant alors pour tâche rechercher si la volonté du constituant résulte
clairement de l’acte constitutif d’usufruit
 Dans un arrêt du 4 décembre 1958, la Cour de cassation a jugé en ce sens
que « la dispense accordée par le testateur au légataire d’un usufruit de
fournir caution peut être implicite et s’induire des dispositions
testamentaires» (  1ère  civ. 4 déc. 1958)
Lorsque la dispense consentie à l’usufruitier est régulière, le nu-propriétaire a
l’obligation de lui délivrer le ou les biens soumis à l’usufruit.

Aussi, l’usufruitier doit pouvoir exercer son droit comme s’il avait fourni la caution
exigée par l’article 601. Il est libre de jouir du bien, sans qu’aucune restriction ne
puisse lui être imposée par le nu-propriétaire.

À cet égard, ce dernier ne saurait solliciter l’adoption de mesures conservatoires, au


seul motif qu’il a un doute sur la capacité de l’usufruitier à apporter tous les soins
requis à la chose.

Ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier l’intervention du juge qui ne pourra
prononcer des mesures conservatoires que s’il existe un risque sérieux d’atteinte aux
droits et intérêts du nu-propriétaire.
==> Exceptions à l’exception

Il est de jurisprudence constante que lorsqu’il est établi que l’usufruitier met en péril,
par ses actes ou par un changement survenu dans sa situation personnelle, les droits du
nu-propriétaire, l’adoption de mesures conservatoires peut être ordonnée par le juge
(V. en ce sens Cass. civ. 7 déc. 1891).
Tel sera notamment le cas en cas d’abus de jouissance de l’usufruitier, soit lorsqu’il
accomplira des actes qui seront de nature à mettre en péril la consistance des biens
soumis à l’usufruit ou lorsqu’il les laissera dépérir faute d’entretien (V. en ce
sens Cass. req. 26 mars 1889).
L’abus de jouissance peut d’ailleurs conduire le juge, en application de l’article 618 du
Code civil, à prononcer la déchéance de l’usufruit.

La solution est extrême, c’est la raison pour laquelle il privilégiera, d’abord, l’adoption
de mesures visant à assurer la conservation du bien.

Ces mesures, ne seront pas seulement justifiées en cas d’abus de jouissance. Il a


également été admis qu’elles puissent être prononcées en cas d’incapacité de
l’usufruitier à gérer ses biens, en cas d’insolvabilité (Cass. req. 22 oct. 1889) ou en cas
de soupçons légitimes de malversations (Cass. req. 21 janv. 1845).
Lorsque, pareillement, si les garanties qu’il a fournies lors de la constitution de
l’usufruit diminuent, le juge pourra être saisi aux fins de préservation des intérêts du
nu-propriétaire.

II) La sanction du défaut de caution


À l’instar du défaut d’inventaire, l’impossibilité pour l’usufruitier de fournir une
caution ou des garanties de substitution suffisantes n’est pas sanctionnée par la
déchéance de l’usufruit, faute de texte.

Il est néanmoins admis que le nu-propriétaire dispose d’un droit de rétention sur le
bien soumis à usufruit droit qu’il pourra exercer tant que la caution requise par l’article
601 du Code civil ne lui sera pas fournie.

L’article 604 précise que, en tout état de cause, « le retard de donner caution ne prive
pas l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Ainsi, le nu-propriétaire aura l’obligation de restituer à l’usufruitier l’ensemble des
fruits perçus lorsqu’il aura régularisé sa situation.
Faute, malgré tout, pour l’usufruitier d’être en mesure de fournir une caution,
les articles 602 et 603 du Code civil envisagent l’adoption de mesures différentes,
selon que les biens soumis à l’usufruit sont des immeubles ou des meubles :

 L’usufruit porte sur des biens meubles


 Dans cette hypothèse, L’article 602 prévoit que, si l’usufruitier ne trouve
pas de caution « les immeubles sont donnés à ferme ou mis en séquestre»
 Il s’agira, autrement dit, de confier les immeubles à un gardien dont la
mission consistera à les administrer
 Aussi, aura-t-il l’obligation d’apporter, dans la garde de la chose
déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui
appartiennent.
 L’usufruit porte sur des biens meubles
 Dans cette hypothèse, l’article 602 du Code civil prévoit que si
l’usufruitier ne trouve pas de caution
 Les sommes comprises dans l’usufruit sont placées ;
 Les denrées sont vendues et le prix en provenant est pareillement
placé ;
 Les intérêts de ces sommes et les prix des fermes appartiennent,
dans ce cas, à l’usufruitier.
 L’article 603 ajoute que « le propriétaire peut exiger que les meubles qui
dépérissent par l’usage soient vendus, pour le prix en être placé comme
celui des denrées ; et alors l’usufruitier jouit de l’intérêt pendant son
usufruit
 L’idée est ici de prendre toutes les mesures nécessaires à la préservation
de la valeur des biens soumis à l’usufruit.
 Lorsque, de la sorte, il s’agira de denrées ou de choses qui dépérissent
par l’usage il y aura lieu de les vendre et de placer le produit de la vente,
sauf à ce que le nu-propriétaire s’y oppose, ce qui est son droit, charge à lui
de les conserver en tant que dépositaire, ce lui interdit de s’en servir.
 Le même sort sera réservé aux sommes d’argent, l’objectif recherché
étant de leur faire produire des intérêts.
 Seule limite à l’absence de délivrance du bien soumis à l’usufruit en cas
de défaut de caution, l’article 603 du Code civil prévoit que « l’usufruitier
pourra demander, et les juges pourront ordonner, suivant les circonstances,
qu’une partie des meubles nécessaires pour son usage lui soit délaissée,
sous sa simple caution juratoire, et à la charge de les représenter à
l’extinction de l’usufruit. »
 Par caution juratoire, il faut entendre le serment qui doit être prêté par
l’usufruitier de restituer les biens dont il conserve la jouissance, nonobstant
le défaut de caution, au nu-propriétaire à l’expiration de son droit.

Obligation attachée à la
constitution d’usufruit:
l’inventaire
31 MARS 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

Avant d’entrer en jouissance, l’usufruitier a l’obligation de faire dresser un inventaire


des choses sur lesquels il a vocation à exercer son droit. Il doit, en outre, fournir
caution de jouir raisonnablement de la chose.

Ces formalités qui s’imposent à l’usufruitier visent à préserver les droits et intérêts du
nu-propriétaire qui se dessaisit temporairement de son bien.

Ainsi que l’observait le doyen Carbonnier au sujet du nu-propriétaire et de l’usufruitier


« ce ne sont pas seulement deux droits réels, ce sont deux individus qui sont rivaux »,
de sorte que « l’usufruitier a intérêt à exploiter le plus possible, au risque d’épuiser la
substance ».
À cet égard, parce que c’est l’usufruitier qui possède la maîtrise matérielle de la chose,
celle échappant totalement au contrôle du nu-propriétaire, il y a lieu de prévenir les
manquements qui seraient de nature à altérer sa substance et diminuer sa valeur.

Les obligations qui échoient à l’usufruitier participent ainsi du dispositif qui vise à
protéger le nu-propriétaire qui, à l’expiration de l’usufruit, a vocation à recouvrer la
pleine propriété de son bien.

I) L’obligation d’inventaire
==> Principe

L’article 600 du Code civil dispose que « l’usufruitier prend les choses dans l’état où
elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance qu’après avoir fait dresser, en présence
du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un état des
immeubles sujets à l’usufruit. »
Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition : d’une part, lors de son
entrée en jouissance, l’usufruitier prend les choses en l’état, d’autre part, il lui
appartient d’en dresser un inventaire.

 L’état des choses sur lesquelles s’exerce l’usufruit


 L’article 600 du Code civil précise donc que l’usufruitier prend les
choses « dans l’état où elles sont» lors de son entrée en jouissance
 Cette précision n’est pas sans importance : cela signifie qu’il n’est pas
nécessaire que la chose soit en bon état d’usage et de réparation ainsi que
peut l’exiger un locataire au titre du contrat de bail
 Obligation est seulement faite au nu-propriétaire de délivrer la chose
dans l’état où elle se trouve et à l’usufruitier de la restituer dans le même
état à l’expiration de son droit.
 À cet égard, l’inventaire permettra de procéder à une évaluation de l’état
des biens au moment de l’entrée en jouissance.
 Lors de la restitution de la chose au nu-propriétaire il permettra encore de
déterminer s’il y a lieu de la remettre en état aux frais de l’usufruitier.
 L’inventaire des choses sur lesquelles s’exerce l’usufruit
 L’article 600 exige que préalablement à l’entrée en jouissance un
inventaire soit dressé des meubles et un état des immeubles sujets à
l’usufruit
 Cet inventaire vise ;
 D’une part, à répertorier les biens qui formeront l’assiette de
l’usufruit et qui ont été délivrés à l’usufruitier
 D’autre part, à évaluer l’état de ces biens en vue de prévenir toute
contestation lors de leur restitution au nu-propriétaire
 Il s’agit, autrement dit, lors de l’inventaire de fixer, non seulement la
consistance des biens donnés en usufruit, mais encore leur état qui devra
être conservé, aux frais de l’usufruitier, pendant toute la durée de la
jouissance.
 Dans un arrêt du 11 février 1959 la Cour de cassation a précisé « que, si
aucun inventaire n’a été dressé à cette époque, il appartenait aux
propriétaires de le requérir, puisque c’est dans leur intérêt, pour assurer la
restitution des biens à la fin de l’usufruit, que l’article 600 du Code civil,
l’impose aux usufruitiers» (  1ère  civ. 11 févr. 1959)
==> Exceptions

La règle qui prévoit l’obligation de dresser un inventaire n’est que supplétive, de sorte
qu’il peut y être dérogé par clause contraire.
Le principal intérêt de stipuler pareille clause est de dispenser l’usufruitier d’accomplir
cette démarche qui peut s’avérer fastidieuse et lourde et de supporter la charge des
frais d’inventaire qui peuvent être élevés.

Dans un arrêt du 23 juillet 1957, la Cour de cassation a validé une clause de dispense
d’inventaire qui avait été stipulée dans un testament après avoir relevé que «  la dame
Perrai avait, dans le libellé même de l’acte, attaché une importance spéciale à la
dispense d’inventaire, constatent que, en l’espèce, les opérations auxquelles devra se
livrer le notaire liquidateur doivent suffire à établir la consistance active et passive de
la succession ; qu’ils observent également que chacune des parties propose un notaire
pour y procéder et que le jugement entrepris… décide que les deux notaires ainsi
désignés y procéderont ».
Elle en déduit que « au vu de ces constatations, qu’il était inutile d’ordonner, en
outre, la confection de l’inventaire, sollicité par les époux Descotes, l’arrêt attaqué a
légalement justifié sa décision » (Cass. 1ère  civ. 23 juill. 1957).
Certains arrêts ont même admis que la clause de dispense d’inventaire pouvait être
implicite. Tel sera notamment le cas lorsque l’usufruitier sera dispensé par le
constituant d’assumer la charge des travaux de réparation et d’entretien du bien donné
en usufruit (V. en ce sens Cass. 3e  civ., 17 oct. 1984).
==> Exceptions à l’exception

La clause de dispense d’inventaire ne peut être stipulée qu’autant que la loi n’exige
pas ce formalisme à peine de nullité.

Aussi, cette clause est-elle expressément prohibée dans deux cas :

 Libéralités entre époux en présence d’enfants


 L’article 1094-3 du Code civil dispose que « les enfants ou descendants
pourront, nonobstant toute stipulation contraire du disposant, exiger, quant
aux biens soumis à l’usufruit, qu’il soit dressé inventaire des meubles ainsi
qu’état des immeubles, qu’il soit fait emploi des sommes et que les titres au
porteur soient, au choix de l’usufruitier, convertis en titres nominatifs ou
déposés chez un dépositaire agréé.»
 Ainsi, cette disposition octroie-t-elle le droit pour les enfants d’exiger en
cas de legs de l’usufruit au conjoint survivant, qu’un inventaire soit dressé.
 L’objectif visé est ici de protéger les héritiers ab intestat des
manquements susceptibles d’être commis par le légataire de l’usufruit.
 Reste que lorsque la libéralité prendra la forme, non pas d’une donation,
mais d’un don manuel, l’exigence d’inventaire ne sera pas observée,
l’opération consistant seulement en une remise par tradition de la chose, soit
de main à la main
 Donation de biens meubles
 L’article 948 du Code civil prévoit que « tout acte de donation d’effets
mobiliers ne sera valable que pour les effets dont un état estimatif, signé du
donateur et du donataire, ou de ceux qui acceptent pour lui, aura été
annexé à la minute de la donation.»
 Dès lors qu’une donation consiste en la transmission d’un bien meuble, le
donataire a l’obligation de faire dresser un inventaire, nonobstant toute
clause contraire.
 S’agissant des immeubles, ils ne sont pas visés par cette disposition dans
la constitution d’un usufruit sur cette catégorie de biens est subordonnée à la
régularisation d’un acte authentique.
 Un état descriptif de l’immeuble sera donc nécessairement mentionné
dans l’acte notarié constitutif d’usufruit
II) Les modalités de l’inventaire
 Quand ?
 L’article 600 du Code civil prévoit que l’inventaire doit être dressé
préalablement à l’entrée en jouissance du ou des biens sur lequel l’usufruit
est constitué
 Est-ce à dire que lorsque l’usufruitier est déjà entré en jouissance, il est
trop tard pour faire dresser un inventaire ?
 À l’analyse, les juridictions admettent que l’inventaire puisse être dressé
ultérieurement lorsque les circonstances l’exigent.
 Par ailleurs, il est admis qu’un inventaire complémentaire soit réalisé
lorsque le premier inventaire était lacunaire.
 Le nu-propriétaire peut encore saisir le juge aux fins de faire réaliser un
second inventaire, lequel visera à vérifier que les biens sujets à l’usufruit ont
bien été conservés par l’usufruitier
 Comment ?
 Aucun formalisme n’est exigé quant à la réalisation de l’inventaire
 Il peut donc être réalisé, tant par acte sous seing privé, que par acte
authentique
 Lorsque le nu-propriétaire et l’usufruitier sont en conflit, le juge pourra
être saisi aux fins de désignation d’un officier ministériel qui sera chargé de
réaliser l’inventaire
 En tout état de cause, l’inventaire consistera à répertorier les biens et à
évaluer leur état
 Il pourra être assorti d’un état estimatif, bien que cette démarche soit
facultative (V. en ce sens 1ère  civ., 4 juin 2009, n° 08-11985).
 En présence de qui ?
 L’article 600 du Code civil prévoit expressément que l’usufruitier et le
nu-propriétaire doivent être « dûment appelé» à se joindre aux opérations
d’inventaire
 Cet inventaire doit être dressé contradictoirement, faute de quoi il ne sera
pas opposable à celui qui était absent
 Si néanmoins le nu-propriétaire ou l’usufruitier n’étaient pas présents
lors de la réalisation des opérations d’inventaire, alors même qu’ils ont été
régulièrement convoqués par acte d’huissier par exemple, l’inventaire leur
sera parfaitement opposable
 Frais
 Les frais d’inventaire sont à la charge exclusive de l’usufruitier, sauf à ce
que l’usufruitier soit dispensé de dresser un inventaire
 En cas de dispense, dans l’hypothèse ou le nu-propriétaire solliciterait la
réalisation d’un inventaire, c’est à lui-seul que reviendra la charge de
supporter les frais
III) La sanction du défaut d’inventaire
En l’absence de texte, le défaut d’inventaire ne saurait entraîner la déchéance du droit
de l’usufruitier.

Dans un arrêt du 13 octobre 1992, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que «  le
défaut d’inventaire ne prive pas M. Z… de ses droits d’usufruitier, mais autorise
simplement les nus-propriétaires à prouver par tous moyens la consistance des objets
soumis à usufruit » (Cass. 1ère  civ. 13 oct. 1992, n°91-10.970).
Tout au plus, le nu-propriétaire peut donc, soit provoquer la réalisation d’un inventaire
en saisissant le juge (V. en ce sens Cass. civ. 10 janv. 1859).
Soit il peut encore refuser d’exécuter son obligation de délivrance du bien à
l’usufruitier. Ce droit de rétention dont est titulaire le nu-propriétaire s’infère
de l’article 600 du Code civil qui prévoit que l’usufruitier « ne peut entrer en
jouissance qu’après avoir fait dresser […] un inventaire des meubles et un état des
immeubles sujets à l’usufruit ».
Dans cette hypothèse, l’usufruitier conserve néanmoins son droit de percevoir les
fruits des biens non encore délivrés par le nu-propriétaire. Ils devront donc être
restitués à l’usufruitier une fois les opérations d’inventaire réalisées.
Les modes de constitution de
l’usufruit: la loi, la volonté et la
prescription
30 MARS 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

L’article 579 du Code civil dispose que « l’usufruit est établi par la loi, ou par la
volonté de l’homme. »
À ces deux modes de constitution de l’usufruit visés par le texte, on en ajoute
classiquement un troisième : la prescription acquisitive.

I) La loi
La loi prévoit plusieurs cas de constitution d’un usufruit sur un ou plusieurs biens :

 L’usufruit légal du conjoint survivant sur un ou plusieurs biens du de cujus


 Le droit de jouissance légale des parents sur les biens de leurs enfants mineurs
 Le droit de l’époux bénéficiaire d’une prestation compensatoire
==> L’usufruit légal du conjoint survivant

La loi a toujours octroyé au conjoint survivant un droit d’usufruit sur les biens du de
cujus, lorsque celui-ci est en concours avec des descendants ou des descendants.
Sous l’empire du droit antérieur, ce droit d’usufruit était limité à une quote-part des
biens du prédécédé.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, les droits du conjoint


survivant ont été renforcés.

En effet, l’article 757 du Code civil dispose que « si l’époux prédécédé laisse des
enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la
totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants
sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs
enfants qui ne sont pas issus des deux époux. »
Il ressort de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer selon que le conjoint survivant
est ou non en présence d’enfants communs.

 En présence d’enfants communs


 Dans cette hypothèse, le conjoint survivant, il dispose d’une option :
 Soit il peut réclamer un droit d’usufruit sur la totalité du
patrimoine du de cujus
 Soit il peut obtenir un quart en pleine propriété des biens de cujus
 S’il opte pour l’usufruit, cette solution permet au conjoint survivant de se
maintenir dans son cadre de vie habituel, sans préjudicier aux droits des
héritiers du de cujus, en particulier des enfants.
 En l’absence d’enfants communs
 Le conjoint survivant ne disposera d’aucune option, il ne pourra
revendiquer qu’un quart des biens du de cujus en pleine propriété.
 Il s’agit ici d’éviter de préjudicier aux enfants qui ne seraient pas issus de
cette union
 Le droit d’option est également refusé au conjoint survivant s’il vient en
concours avec les père et mère
 L’article 757-1 du Code civil prévoit en ce sens que si, à défaut d’enfants
ou de descendants, le défunt laisse ses père et mère, le conjoint survivant
recueille la moitié des biens.
 L’autre moitié est alors dévolue pour un quart au père et pour un quart à
la mère.
 Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue
échoit au conjoint survivant.
 Enfin, en l’absence d’enfants ou de descendants du défunt et de ses père
et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession (  752-2 C. civ.)
==> Le droit de jouissance légale des parents

L’article 386-1 du Code civil confère aux parents d’un enfant mineur un droit de
jouissance légale sur les biens qu’ils administrent.

Cette disposition prévoit en ce sens que « la jouissance légale est attachée à
l’administration légale : elle appartient soit aux parents en commun, soit à celui
d’entre eux qui a la charge de l’administration. »
La jouissance octroyée par la loi aux parents sur les biens de leurs enfants s’assimile à
un véritable usufruit (V. en ce sens Cass. civ., 24 janv. 1900), précision faite que cet
usufruit ne présente pas de caractère viager.
À cet égard, l’article 386-2 précise que le droit de jouissance cesse :

 Soit dès que l’enfant a seize ans accomplis ou même plus tôt quand il contracte
mariage ;
 Soit par les causes qui mettent fin à l’autorité parentale ou par celles qui mettent
fin à l’administration légale ;
 Soit par les causes qui emportent l’extinction de tout usufruit.
L’article 386-3 ajoute que, les charges de cette jouissance sont :

 Celles auxquelles sont tenus les usufruitiers ;


 La nourriture, l’entretien et l’éducation de l’enfant, selon sa fortune ;
 Les dettes grevant la succession recueillie par l’enfant en tant qu’elles auraient
dû être acquittées sur les revenus.
En contrepartie, les parents perçoivent les fruits civils, naturels ou industriels que
peuvent produire les biens de l’enfant (encaissement des loyers, des intérêts d’un
compte rémunéré etc.).

Enfin, l’article 383-4 parachève le régime du droit de jouissance légale conféré aux


parents en prévoyant que certains biens sont exclus de son périmètre, au nombre
desquels figurent :

 Les biens que l’enfant peut acquérir par son travail ;


 Les biens qui lui sont donnés ou légués sous la condition expresse que les
parents n’en jouiront pas ;
 Les biens qu’il reçoit au titre de l’indemnisation d’un préjudice extrapatrimonial
dont il a été victime.
==> L’époux bénéficiaire d’une prestation compensatoire

Aux termes de l’article 270, al. 2 du Code civil « l’un des époux peut être tenu de
verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la
disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. »
Ainsi, dans le cadre des mesures qui accompagnent un divorce,

Le juge peut octroyer une prestation compensatoire à un époux, laquelle vise à


compenser la disparité que la rupture du mariage créée dans les conditions de vie
respectives des époux.

Le principe posé par la loi est que cette prestation compensatoire doit être octroyée
sous forme de capital

L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère
forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »
Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de
capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le
versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital,
notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.

À cet égard, l’article 274 du Code civil prévoit que le juge décide des modalités selon
lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes
suivantes:

 Soit versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être


subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;
 Soit attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager
d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en
faveur du créancier.
Cette disposition a été adoptée afin de diversifier les formes d’attribution d’un capital
et de permettre au débiteur qui ne dispose pas de liquidités suffisantes d’abandonner
ses droits en propriété sur un bien mobilier ou immobilier propre, commun ou indivis.

Il peut également préférer céder à son conjoint un droit d’usufruit sur le logement de
famille pendant une durée qui peut être soit temporaire, soit viagère.

En tout état de cause, il appartiendra au juge, qui a l’obligation de fixer le montant de


la prestation compensatoire en capital, de procéder à une évaluation de l’usufruit.

La Cour de cassation n’a pas manqué de rappeler cette règle dans un arrêt du 22 mars
2005 aux termes duquel elle a affirmé que « lorsque le juge alloue une prestation
compensatoire sous forme d’un capital il doit quelles qu’en soient les modalités en
fixer le montant » (Cass. 1ère  civ. 22 mars 2005, n°02-18648).
II) La volonté de l’homme
En application de l’article 579 du Code civil, l’usufruit peut être établi, nous dit le
texte, « par la volonté de l’homme ».
Par volonté de l’homme, il faut entendre, tout autant l’accomplissement d’un acte
unilatéral, que la conclusion d’une convention.

 L’usufruit par acte unilatéral


 Cette hypothèse correspond à l’établissement par le propriétaire d’un
testament aux termes duquel il gratifie un ou plusieurs bénéficiaires d’un
droit d’usufruit sur un bien ou sur tout ou partie de son patrimoine
 Il peut ainsi consentir un usufruit à un légataire désigné et réserver la
nue-propriété à ses héritiers ab intestat (légaux)
 En la matière, le disposant dispose d’une relativement grande liberté sous
réserve de ne pas porter atteinte à la réserve héréditaire.
 Pour mémoire, cette réserve héréditaire consiste en « la part des biens et
droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à
certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et
s’ils l’acceptent. » (  912 C. civ.)
 Il s’agit, autrement dit, de la portion de biens dont le défunt ne peut pas
disposer à sa guise, la réserve héréditaire présentant un caractère d’ordre
public (  req., 26 juin 1882).
 Ainsi, la réserve s’impose-t-elle impérativement au testateur qui ne
pourra déroger aux règles de dévolution légale qu’en ce qui concerne ce que
l’on appelle la quotité disponible.
 C’est sur cette quotité disponible que le disposant aura toute liberté pour
constituer un ou plusieurs usufruits
 L’usufruit par acte conventionnel
 Le propriétaire est libre de constituer un usufruit par convention à titre
gratuit (donation) ou onéreux (cession)
 L’usufruit peut alors être constitué selon deux schémas différents
 Constitution de l’usufruit per translationem
 Dans cette hypothèse, le propriétaire aliène directement
l’usufruit (usus et fructus) en conservant la nue-propriété (abusus)
 Constitution de l’usufruit per deductionem
 Dans cette hypothèse, le propriétaire se réserve l’usufruit,
tandis qu’il aliène la nue-propriété
 Le plus souvent l’usufruit sera constitué selon le second schéma,
l’objectif recherché étant, par exemple, pour des parents, de consentir à
leurs enfants une donation de leur vivant, tout en conservant la jouissance
du bien transmis.
 La constitution d’un usufruit par convention n’est subordonnée à
l’observation d’aucunes particulières, sinon celles qui régissent la validité
des actes juridiques et la publicité foncière lorsque l’usufruit est constitué
sur un immeuble.
 Reste qu’il convient de distinguer selon que la constitution procède d’une
donation ou d’une cession
 La constitution d’usufruit à titre gratuit
 Dans cette hypothèse, la constitution procédera d’une
donation, ce qui implique qu’elle doit, d’une part, faire l’objet d’une
régularisation par acte authentique, et, d’autre part, satisfaire aux
règles du droit des successions.
 En effet, en cas de donation excessive, la constitution
d’usufruit pourra donner lieu à des restitutions successorales,
notamment au titre de la réserve héréditaire à laquelle il serait porté
atteinte ou au titre de l’égalité qui préside au partage de cette réserve
héréditaire
 La constitution d’usufruit à titre onéreux
 Le propriétaire est libre de constituer un usufruit par voie de
convention conclue à titre onéreux
 L’hypothèse est néanmoins rare, dans la mesure où la
constitution d’un usufruit par convention vise le plus souvent à
organiser la transmission d’un patrimoine familial.
 Reste que lorsque l’usufruit est constitué à titre onéreux, la
contrepartie consistera pour l’acquéreur à verser, tantôt un capital,
tantôt une rente viagère.
 Par hypothèse, l’opération n’est pas sans comporter un
aspect spéculatif, en raison du caractère viager de l’usufruit.
 Aussi, pourrait-elle être requalifiée en donation déguisée
dans l’hypothèse où le prix fixé serait déraisonnablement bas,
l’objectif recherché étant, pour les parties, d’échapper au paiement
des droits de mutation.
III) La prescription acquisitive
Bien que prévu par aucun texte, il est admis que l’usufruit puisse être acquis par le jeu
de la prescription acquisitive attachée à la possession.

L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir
un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé
d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise
foi. »
La prescription acquisitive aura vocation à jouer lorsque celui qui tire profit de la
jouissance de la chose se comportera comme le véritable usufruitier.

Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès
d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura
ainsi été institué usufruitier a non domino.
S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien
objet de la possession.
 S’il s’agit d’un immeuble, la prescription pourra être de 10 ans en cas de bonne
foi du possesseur et de justification d’un juste titre. À défaut, la durée de la
prescription acquisitive est portée à trente ans.
 S’il s’agit d’un meuble, l’effet acquisitif de la possession est immédiat, sauf à
ce que le possesseur soit de mauvaise foi auquel cas la durée de la prescription
sera de trente ans.

La durée de l’usufruit
30 MARS 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

Par nature, l’usufruit présente un caractère temporaire l’objectif recherché étant de


permettre au nu-propriétaire de récupérer, à terme, les utilités de la chose, faute de
quoi son droit de propriété serait vidé de sa substance et la circulation économique du
bien paralysé.

Si, tous les usufruits présentent ce caractère temporaire, leur durée peut être, tantôt
viagère, tantôt déterminée.

I) L’usufruit à durée viagère


==> Principe

L’article 617, al. 1 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la mort de l’usufruitier ».
Le principe, c’est donc que l’usufruit est viager, ce qui implique qu’il prend fin au
décès de l’usufruitier.
À cet égard, l’usufruit est attaché à la personne. Il en résulte qu’il n’est pas
transmissible à cause de mort.

==> Tempéraments

Bien que l’interdiction qui est faite à l’usufruitier de transmettre son droit après sa
mort soit une règle d’ordre public, elle comporte deux tempéraments

 Premier tempérament : l’usufruit simultané


 L’usufruit peut être constitué à la faveur de plusieurs personnes
simultanément, ce qui revient à créer une indivision en usufruit.
 Cette constitution d’usufruit est subordonnée à l’existence de tous les
bénéficiaires au jour de l’établissement de l’acte.
 Dans cette hypothèse, l’usufruit s’éteint progressivement à mesure que
les usufruitiers décèdent, tandis que le nu-propriétaire recouvre
corrélativement la pleine propriété de son bien sur les quotes-parts ainsi
libérées
 Afin d’éviter que l’assiette de l’usufruit ne se réduise au gré des décès
qui frappent les usufruitiers, il est possible de stipuler une clause dite de
réversibilité.
 Dans cette hypothèse, la quote-part de celui des usufruitiers qui est
prédécédé accroît celle des autres, qui en bénéficient pour la totalité,
jusqu’au décès du dernier d’entre eux.
 Le dernier survivant a ainsi vocation à exercer un monopole sur l’usufruit
du bien.
 Second tempérament : l’usufruit successif
 L’usufruit peut également être constitué sur plusieurs têtes, non pas
simultanément, mais successivement.
 Il s’agira autrement dit de stipuler une clause de réversibilité aux termes
de laquelle au décès de l’usufruitier de « premier rang », une autre personne
deviendra usufruitière en second rang.
 Dans cette hypothèse, les usufruitiers n’exerceront pas de pouvoirs
concurrents sur la chose : ils se succéderont, le décès de l’un, ouvrant le
droit d’usufruit de l’autre.
 Chacun jouira ainsi, tout à tour, de l’intégralité de l’usufruit constitué.
 Selon M. Grimaldi nous ne sommes pas en présence « d’un unique
usufruit qui passerait mortis causa d’un gratifié à l’autre» mais
d’« usufruits successifs, distincts qui s’ouvriront tour à tour, chacun à
l’extinction du précédent par la mort de son titulaire ».
 La Cour de cassation a précisé que la clause de réversibilité de l’usufruit
« s’analysait en une donation à terme de bien présent, le droit d’usufruit du
bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l’acte» (  1ère  civ.
21 oct. 1997, n°95-19759).
 Il en résulte que seul l’exercice du droit d’usufruit est différé, non sa
constitution, ce qui évite de tomber sous le coup de la prohibition des pactes
sur succession future.
II) L’usufruit à durée déterminée
Il est deux situations où l’usufruit n’est pas viager : lorsque, d’une part, il est assorti
d’un terme stipulé par le constituant et lorsque, d’autre part, il est constitué à la faveur
d’une personne morale

==> L’usufruit est assorti d’un terme stipulé par le constituant

Il est admis que le constituant assortisse l’usufruit d’un terme déterminé. Dans cette
hypothèse, l’usufruit s’éteindra :
 Soit à l’expiration du terme fixé par l’acte constitutif
 Soit au décès de l’usufruitier qui peut potentiellement intervenir avant le terme
fixé
La seule limite à la liberté des parties quant à la fixation du terme de l’usufruit, c’est
l’impossibilité de transmettre l’usufruit à cause de mort.

==> L’usufruit est constitué au profit d’une personne morale

Dans l’hypothèse où l’usufruitier est une personne morale, il est susceptible d’être
perpétuel. En effet, une personne morale vit aussi longtemps que ses associés réalisent
son objet social. Or ces derniers sont susceptibles de se succéder éternellement, par le
jeu, soit des transmissions à cause de mort, soit des cessions de droits sociaux.

Aussi, afin que la règle impérative qui assortit l’usufruit d’un caractère temporaire
s’applique également aux personnes morales, l’article 619 du Code civil que
« l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. »
Cette règle est d’ordre public, de sorte que la durée ainsi posée ne saurait être
allongée. Dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation n’a pas manqué de le
rappeler, en jugeant que « l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder
trente ans » (Cass. 7 mars 2007, n°06-12568).

Qu’est-ce que l’usufruit? Notion,


nature, caractères
29 MARS 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

==> Notion

L’usufruit est défini à l’article 578 du Code civil comme « le droit de jouir des choses
dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en
conserver la substance. »
L’usufruitier dispose ainsi d’un droit réel d’usage et de jouissance sur la chose
d’autrui, par le jeu d’un démembrement de la propriété.

Ce démembrement s’opère comme suit :


 L’usufruitier recueille temporairement dans son patrimoine l’usus et
le fructus qui, à sa mort, en vocation à être restitués au nu-propriétaire sans
pouvoir être transmis aux héritiers
 Le nu-propriétaire conserve, pendant toute la durée de l’usufruit, l’abusus qui,
à la mort de l’usufruitier, se verra restituer l’usus et le fructus, recouvrant alors
la pleine propriété de son bien
L’usufruit est, de toute évidence, le droit de jouissance le plus complet, en ce sens
qu’il confère à l’usufruitier le droit de jouir des choses « comme le propriétaire lui-
même ».
Cela implique donc que l’usufruitier peut, non seulement tirer profit de l’utilisation de
la chose, mais encore en percevoir les fruits, notamment en exploitant le bien à titre
commercial.

C’est là une différence majeure entre l’usufruitier et le titulaire d’un droit d’usage et
d’habitation, ce dernier ne disposant pas du pouvoir de louer le bien. Il est seulement
autorisé à en faire usage pour ses besoins personnels et ceux de sa famille.

Seule limite pour l’usufruitier quant à la jouissance du bien : pèse sur lui une
obligation de conservation de la chose. Il ne dispose donc pas du pouvoir de la détruire
ou de la céder.

==> Nature

L’usufruit confère à l’usufruitier un droit réel sur la chose, de sorte qu’il exerce sur
elle un droit direct et immédiat.

La qualification de droit réel de l’usufruit est parfois contestée par certains auteurs.
D’aucuns avancent, en effet, que si la nature de droit réel se conçoit parfaitement
lorsqu’il porte sur une chose corporelle, il n’en va pas de même lorsqu’il a pour objet
une chose incorporelle. Il y a, selon eux, une incompatibilité entre l’intangibilité de la
chose et l’exercice d’un pouvoir direct et immédiat sur elle.

Cette thèse est, toutefois, selon nous inopérante, dans la mesure où l’incorporalité
d’une chose ne fait nullement obstacle à ce que son propriétaire exerce sur elle une
emprise qui, certes, ne sera pas physique, mais qui consistera à contrôler son
utilisation.

Aussi, partageons-nous l’idée que le droit exercé par l’usufruitier sur la chose,
présente un caractère réel.
À cet égard, la nature de ce droit dont est investi l’usufruitier permet de le distinguer
du locataire qui est titulaire, non pas d’un droit réel, mais d’un droit personnel qu’il
exerce contre son bailleur.

Pour mémoire, le droit personnel consiste en la prérogative qui échoit à une personne,
le créancier, d’exiger d’une autre, le débiteur, l’exécution d’une prestation.

Il en résulte que le droit pour le preneur de jouir de la chose procède, non pas du
pouvoir reconnu par la loi à l’usufruitier en application de l’article 578 du Code civil,
mais de la conclusion du contrat de bail qui oblige le bailleur, conformément à l’article
1719 du Code civil, à délivrer au preneur la chose louée et lui assurer une jouissance
paisible.

Le preneur est donc investi d’un droit qu’il exerce non pas directement sur le bien
loué, mais contre le bailleur sur lequel pèse un certain nombre d’obligations en
contrepartie du paiement d’un loyer.

À l’examen, la situation dans laquelle se trouvent l’usufruitier et le nu-propriétaire est


radicalement différente.

Il n’existe entre l’usufruitier et le nu-propriétaire aucun lien contractuel, de sorte que,


ni l’usufruitier, ni le nu-propriétaire n’ont d’obligations positives l’un envers l’autre.

La seule obligation qui pèse sur l’usufruitier est de conserver la substance de la chose,
tandis que le nu-propriétaire doit s’abstenir de la détruire.

Aussi, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont tous deux titulaires de droits réels qui sont
indépendants l’un de l’autre.

François Terré et Philippe Simler ont écrit en ce sens que « le Code civil a conçu
l’usufruit et la nue-propriété comme deux droits réels, coexistant sur la chose et
juxtaposés, mais séparés : il n’y a pas communauté, mais bien séparation d’intérêts
entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ».
Il n’y a donc, entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.
Les seules limites à l’exercice indépendant de ces droits réels dont ils sont titulaires
sont celles posées par la loi, laquelle met à la charge de l’usufruitier plusieurs
obligations propter rem (art. 600 à 615 C. civ.)
==> Caractère temporaire

L’usufruit présente cette particularité d’être temporaire. C’est la raison pour laquelle
un droit réel qui procéderait de la conclusion d’un contrat et qui ne serait assorti
d’aucun terme extinctif ne pourrait pas être qualifié d’usufruit.

Aussi, en l’absence de stipulation particulière, l’usufruit est viager, soit s’éteint à


cause de mort. Lorsqu’il est dévolu à une personne morale, sa durée est portée à 30
ans.

L’usufruit, a donc, en toute hypothèse, vocation à revenir au nu-propriétaire qui


recouvra la pleine propriété de son bien.

À cet égard, c’est là le seul intérêt de la nue-propriété, le nu-propriétaire étant privé,


pendant toute la durée de l’usufruitier de toutes les utilités de la chose
(usus et fructus).

Les démembrements du droit de


propriété: vue générale
29 MARS 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ   / POSTER UN COMMENTAIRE

==> Notion

On dit du droit de propriété qu’il est le plus complet des droits réels, dans la mesure où
il confère à son titulaire toutes les prérogatives susceptibles d’être exercées sur une
chose.

Paul Roubier a écrit en ce sens que « la notion du droit de propriété sur les choses
corporelles, mobilières ou immobilières, peut être considérée comme la forme la plus
complète de droit subjectif ».
Le propriétaire réunit ainsi en une seule main toutes les prérogatives qui sont
susceptibles d’être exercées sur la chose. Le propriétaire peut en tirer toutes les utilités
qu’elle a à lui donner. C’est cette particularité qui confère au droit de propriété son
caractère absolu.
Cette plénitude du droit de propriété résulte directement de ses attributs que sont
l’usus, le fructus et l’abusus.
Ces attributs fondent la souveraineté dont est investi le propriétaire qui exclut tout
autre de la chose.

Peu importe que la propriété soit individuelle (un seul titulaire du droit) ou collective
(plusieurs titulaires du droit), la propriété est toujours assortie des mêmes attributs.
Est-ce à dire que ces attributs sont indissociables ? Il n’en est rien.

En effet, ainsi que l’observent des auteurs « le droit réel de propriété est divisible, non
seulement en ce que son assiette physique peut être subdivisée en deux ou plusieurs
parcelles, mais encore en ce que ses éléments constitutifs, dissociés suivant divers
clivages peuvent être dévolus à des personnes différentes entre lesquelles les
prérogatives du propriétaire se trouvent réparties »[1].
Rien n’interdit donc de répartir les utilités de la chose entre plusieurs titulaires, qui
exerceront sur elles pouvoirs différents : c’est ce que l’on appelle le démembrement du
droit de propriété.

Le démembrement consiste, en somme, en un partage des utilités de la chose entre un


tiers et le propriétaire[2].
==> Des droits réels

À l’examen, les démembrements ont en commun d’être de même nature que le droit
de propriété : tous confèrent à leur titulaire un droit réel sur la chose qui en est l’objet.

Pour mémoire, le droit réel octroie à son titulaire un pouvoir direct et immédiat sur une
chose. Structurellement, le droit réel suppose un sujet, le propriétaire et un objet, la
chose sur laquelle s’exerce le droit réel.

La nature de droits réels des démembrements du droit de propriété emporte plusieurs


conséquences :

 D’une part, ils sont opposables à tous dès lors que les formalités de publicité
sont valablement accomplies
 D’autre part, ils confèrent à leur titulaire un droit de préférence et un droit de
suite sur le bien
 Enfin, ils sont susceptibles, sous certaines conditions, de faire l’objet d’acte de
disposition (constitution de sûretés ou cession)
==> Des droits temporaires
Pour Cyril Grimaldi, parce que « les démembrements de la propriété privent le
propriétaire de la valeur d’usage de la chose […] un démembrement de la propriété
ne peut être que temporaire : si la jouissance d’un bien était octroyée à perpétuité à
un tiers, le droit de propriété aurait une valeur nulle ».
Ainsi, à l’exception des servitudes qui sont perpétuelles, les démembrements du droit
de propriété sont tous assortis d’un terme extinctif. Le propriétaire a toujours vocation
à recouvrer l’ensemble des utilités de son bien.

==> Une égalité imparfaite

En toute logique, la somme des démembrements du droit de propriété devrait être


égale au tout que constitue la pleine propriété, soit rassemblée dans tous ses attributs.

Tel n’est pourtant pas le cas. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que le
démembrement du droit de propriété entre un usufruitier et un nu-propriétaire ne
permet, ni à l’un, ni à l’autre de détruire le bien, alors même qu’il s’agit d’une
prérogative dont est investi le plein propriétaire.

Ce constat a conduit des auteurs à relever que « quantitativement, l’usufruitier a moins


de pouvoir que le propriétaire n’en perd… ; quant au nu-propriétaire, il a moins de
pouvoir que ce qu’il aurait si son droit était ce qu’il reste de la propriété après
ablation de l’usus et du fructus »[3].
La situation du nu-propriétaire et de l’usufruitier n’est pas isolée. Lorsque, en effet, un
droit d’habitation est consenti à un tiers sur la chose, les droits de détruire ou de
donner à bail le bien sont neutralisés par le démembrement du droit de propriété.

À l’examen, il apparaît que la pleine propriété est plus que la somme de ses
démembrements, de sorte que les pouvoirs dont est investi le propriétaire sur la chose
sont supérieurs à ceux réunis lorsque la propriété est démembrée.

==> Numerus clausus

À la différence des droits personnels dont la création procède de la volonté des


personnes – pourvu qu’ils ne portent pas atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs
– il est classiquement admis que la création des droits réels relève du seul monopole
du législateur.
Selon cette thèse, dite du numerus clausus, les droits réels seraient, en effet,
limitativement énumérés par la loi, ce qui priverait les propriétaires de la possibilité
d’en créer de nouveaux.
Au soutien de cette thèse, il est avancé que l’article 543 du Code civil, qui serait
d’interprétation stricte, dresserait une liste limitative des droits réels susceptibles
d’être exercés sur une chose.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « on peut avoir sur les biens, ou un droit
de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à
prétendre. »
Est-ce à dire que la volonté des personnes est impuissance à créer de nouvelles
prérogatives, en dehors de celles envisagées par le texte ?

Une partie des auteurs réfutent cette théorie en soutenant que l’article 543 ne pose
aucune interdiction formelle quant à la création de nouveaux droits réels. Tout au plus
il en dresse une liste qui n’est toutefois pas exhaustive.

Autre argument soulevé en opposition à la thèse du numerus clausus : la jurisprudence


aurait admis la création d’un droit spécial de jouissance en dehors de tout texte.
Un premier pas aurait été franchi depuis l’arrêt « Caquelard » (Cass. req. 13 février
1834) qui avait énoncé que « ni [les articles 544, 546 et 552 du code civil], ni aucune
autre loi n’excluent les diverses modifications et décompositions dont le droit
ordinaire de propriété est susceptible ».
La Cour de cassation ne répondait toutefois pas explicitement à la question de savoir si
l’on peut créer par convention d’autres droits réels que ceux qui sont prévus par la loi.

Il faut attendre 2012, pour que la haute juridiction se prononce sur cette question, les
affaires qu’elle a eu à connaître jusqu’alors ne lui ayant jamais réellement permis de
dire la règle.

Dans un arrêt vivement remarqué du 31 octobre 2012 et intitulé « Maison de Poésie »,


la Cour de cassation a effet jugé que la création d’un droit réel pouvait procéder de la
libre volonté des parties.

 Faits
 La fondation « Maison de poésie », propriétaire à Paris d’un hôtel
particulier édifié sur jardin et sans doute trop vaste pour ses activités, a
vendu en 1932 ce bien à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques
(SACD).
 L’acte comportait toutefois deux clauses hors du commun :
 La première précisait qu’étaient formellement exclues de la vente
la jouissance ou l’occupation par la Maison de la poésie de certaines
parties de la propriété qu’elle occupait
 La seconde clause ajoutait que la SACD pourrait récupérer les
locaux ainsi occupés, à charge de construire dans le jardin une
construction de même importance qui serait mise à la disposition de la
fondation pour toute la durée de son existence.
 Le temps passant, les activités de la SACD croissant, celles de la
fondation s’étiolant et les règlements d’urbanisme empêchant sans doute la
construction envisagée dans le jardin, la SACD a souhaité récupérer les
locaux occupés et a assigné la fondation.
 Procédure
 Un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 mars 2010 a
fait droit à cette demande, estimant que ce qu’elle analysait comme un droit
d’usage et d’habitation était expiré.
 Un arrêt de la cour d’appel de Paris du 10 février 2011 a confirmé ce
jugement, précisant que le droit d’usage et d’habitation conféré à une
personne morale était limité à trente ans, sans qu’il puisse y être dérogé par
convention, en application des articles 619 et 625 du code civil.
 Décision
 Première décision (Cass. 3e 31 oct. 2012, n°11-16304)
 Par arrêt du 31 octobre 2012, la Cour de cassation casse l’arrêt de
la Cour d’appel au visa des articles 544 et 1134 du Code civil
 Au soutien de sa décision elle énonce, dans un premier temps
« qu’il résulte de ces textes que le propriétaire peut consentir, sous
réserve des règles d’ordre public, un droit réel conférant le bénéfice
d’une jouissance spéciale de son bien»
 Elle en déduit, dans un second temps, que les juges du fonds,
« alors que les parties étaient convenues de conférer à La Maison de
Poésie, pendant toute la durée de son existence, la jouissance ou
l’occupation des locaux où elle était installée ou de locaux de
remplacement, la cour d’appel, [ont] méconnu leur volonté de
constituer un droit réel au profit de la fondation, a violé les textes
susvisés».
 La Cour de cassation admet ainsi expressément que, en application
des règles qui consacrent le droit de propriété (544 C. civ.) et
l’autonomie de la volonté (art. 1134 C. civ. – désormais 1103), les
parties sont libres de créer un droit réel de jouissance spéciale.
 Seconde décision : (Cass. 3e 8 sept. 2016, n°14-26.953)
 Consécutivement à la décision rendue par la Cour de cassation en
2012, la cour d’appel de Paris, autrement composée, a, par un arrêt du
18 septembre 2014, infirmé le jugement rendu en première instance et
jugé que la fondation était bien titulaire d’un droit réel exclusif pendant
toute la durée de son existence.
 Un nouveau pourvoi est néanmoins formé en cassation, les
requérant reprochant à la Cour d’appel d’avoir dit que la Fondation était
titulaire d’un droit réel lui conférant la jouissance spéciale des locaux
pendant toute la durée de son existence.
 Par un arrêt du 8 septembre 2016, la Cour de cassation rejette ce
pourvoi.
 La troisième chambre civile relève :
 D’une part, que les parties avaient entendu instituer, par
l’acte de vente des 7 avril et 30 juin 1932, un droit réel distinct du
droit d’usage et d’habitation régi par le code civil et
 D’autre part, que ce droit avait été concédé pour la durée
de la Fondation, et non à perpétuité
 Elle en déduit alors que ce droit, qui n’était pas régi par les
dispositions des articles 619 et 625 du code civil, n’était pas expiré et
qu’aucune disposition légale ne prévoyait qu’il soit limité à une durée de
trente ans
[table id=350 /]

De toute évidence, l’apport le plus important de ces deux arrêts, et que n’a pas manqué
de remarquer la doctrine, réside sans aucun doute dans le premier d’entre eux, qui a
admis que le droit réel créé par l’acte de vente de 1932 était distinct du droit d’usage et
d’habitation (Cass. 3e  civ., 31 octobre 2012, n°11-16.304).
De ce point de vue, le second de ces arrêts (Cass. 3e  civ., 8 septembre 2016, n°14-
26.953) ne fait que dire les choses d’une manière plus directe, la solution étant
cependant déjà tout entière inscrite dans le premier.
Là réside à l’évidence l’audace qu’ont voulu percevoir certains de ses commentateurs :
une longue tradition doctrinale tenait en effet, depuis Demolombe, à la thèse dite
du numerus clausus des droits réels, selon laquelle le code civil fournissait une liste
exhaustive des droits réels susceptibles d’être créés.
L’attendu de principe, qui vient coiffer l’arrêt de 2012, balaie d’un revers de main
cette thèse qui, en vérité, tenait moins à la lettre de l’article 543 code civil, lequel ne
dit pas que la liste des droits réels serait exhaustive, qu’à l’interprétation qu’en a
donnée au XIXe siècle l’école de l’exégèse.
Ainsi, rien n’interdit, les propriétaires de consentir, sous réserve des règles d’ordre
public, des droits réels conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de leur bien.

On doit en déduire que la catégorie des droits réels n’est désormais plus limitée par la
liste qu’en donne le code et que les juristes peuvent donc imaginer des droits réels
variés, adaptés à la situation des biens et de leurs propriétaires.

Dans un arrêt du 7 juin 2018, la Cour de cassation a réaffirmé sa position tout en


précisant le sens de la règle.

 Faits
 Une SCI avait acquis, en 2004, divers lots à vocation commerciale, dont
un à usage de piscine, faisant partie d’un immeuble en copropriété
 Les vendeurs avaient signé, le 20 août 1970, une convention « valant
additif » au règlement de copropriété par laquelle ils s’engageaient à
assumer les frais de fonctionnement de la piscine et à autoriser son accès
gratuit aux copropriétaires, au moins pendant la durée des vacances
scolaires
 Un arrêt devenu définitif, déclarant valable cette convention, avait
condamné la SCI à procéder, dans les termes de celle-ci, à l’entretien et à
l’exploitation de la piscine
 La SCI a alors assigné le syndicat des copropriétaires en constatation de
l’expiration des effets de la convention litigieuse à compter du 20 août 2000
 Procédure
 Par un arrêt du 21 mars 2017, la Cour d’appel de Chambéry déboute la
SCI de sa demande en se situant, non pas sur le terrain contractuel, mais sur
le terrain des droits réels.
 Les juges du fonds considèrent, en effet, que « les droits litigieux, qui
avaient été établis en faveur des autres lots de copropriété et constituaient
une charge imposée à certains lots, pour l’usage et l’utilité des autres lots
appartenant à d’autres propriétaires, étaient des droits réels sui generis
trouvant leur source dans le règlement de copropriété et que les parties
avaient ainsi exprimé leur volonté de créer des droits et obligations
attachés aux lots des copropriétaires».
 Pour la Cour d’appel, l’obligation d’entretien de la piscine ne tenait donc
pas à la conclusion d’une convention, mais à la création d’un véritable droit
réel.
 Elle précise néanmoins que le droit réel sui generis ainsi constitué n’était
pas perpétuel, puisqu’il ne s’exerçait qu’aussi longtemps que durerait la
copropriété et les dispositions de son règlement.
 Décision
 Par un arrêt du 7 juin 2018, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé
par la SCI.
 À l’examen, si elle valide l’approche de la Cour d’appel dont le
raisonnement s’inscrit dans le sillage de l’arrêt Maison de Poésie, elle s’en
écarte néanmoins en affirmant « qu’est perpétuel un droit réel attaché à un
lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un
autre lot», d’où la substitution de motif (  3e  civ., 7 juin 2018, n°17-17240).
 Plusieurs enseignements peuvent être retirés de cet arrêt :
 Premier enseignement
 Il s’infère de cette décision que les droits réels sui
generis ne peuvent pas être rattachés à des catégories préexistantes,
telles que l’usufruit ou les servitudes, ce qu’avait recherché à faire la
Cour d’appel, sauf à en épouser tous les caractères.
 Or en l’espèce, les droits dont était titulaire la SCI ne
s’apparentaient, ni à un droit d’usufruit, ni à un droit d’usage, ni
même à une servitude.
 Il s’agissait donc bien de droits réels sui generis dont le
régime était réglé par la seule convention dont ils étaient issus.
 C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a refusé
qu’il leur soit appliqué le régime de l’usufruit et en particulier le
terme extinctif dont est assorti ce droit réel.
 Second enseignement
 L’autre enseignement qui peut être retiré de l’arrêt rendu
par la Cour de cassation en 2018 est que les parties ne disposent pas
seulement de la faculté de créer des droits réels en dehors de ceux
prévus par les textes, elles sont également libres d’en fixer la durée
qui peut être perpétuelle.
 Cette précision n’est pas sans importance, car en
reconnaissant aux parties cette faculté, la Cour de cassation opère ici
un revirement de jurisprudence.
 Dans un arrêt du 28 janvier 2015, la Troisième chambre
civile avait, en effet, retenu la solution inverse en jugeant que
« lorsque le propriétaire consent un droit réel, conférant le bénéfice
d’une jouissance spéciale de son bien, ce droit, s’il n’est pas limité
dans le temps par la volonté des parties, ne peut être perpétuel et
s’éteint dans les conditions prévues par les articles 619 et 625 du
code civil» (  3e  civ. 28 janv. 2015, n°14-10013).
 Désormais, la Cour de cassation semble admettre qu’un
droit réel sui generis puisse être perpétuel, dès lors que les parties
ont conclu une convention en ce sens.
 On assiste ainsi à une parallélisation du droit des biens avec
le droit des contrats, la volonté des parties présidant, dans les deux
cas, au régime applicable au droit subjectif créé.
 Reste à savoir comment concilier cette faculté octroyée aux
parties de créer un droit réel sui generis assorti d’une durée illimitée
avec la règle énoncée à l’article 1210 du Code civil qui prohibe
expressément la stipulation d’engagements perpétuels.
 Au vrai, l’arrêt du 7 juin 2018 doit être relativisé, car le
champ d’application de la règle énoncée semble limité aux seuls
droits réels sui generis attachés à un lot de copropriété.
 Lorsque le droit est attaché à une personne, la doctrine
avance que la règle posée par l’arrêt du 28 janvier 2015 n’est
nullement remise en cause.
 Certains auteurs justifient d’ailleurs la solution dégagée par
la Cour de cassation en 2018 par la nature du droit en cause qui
serait constitutif moins d’un droit réel sui generis, que d’une
servitude.
 Il y a donc lieu d’être prudent avec cette décision qui n’est
pas sans faire naître de nombreuses interrogations.
[table id=351 /]

Ce qu’il y a lieu de retenir des différents arrêts rendus par la Cour de cassation depuis
2012 ce que la création d’un droit réel peut parfaitement procéder de la libre volonté
des parties, sous réserve, conformément à l’article 6 du Code civil, du respect des
règles d’ordre public.

Cette faculté reconnue aux parties leur permet d’envisager la création d’un droit de
jouissance spéciale selon une infinité de possibilités.

La spécialité de la jouissance du droit réel sui generis peut tenir, tantôt à son assiette
(droit de jouissance d’une parcelle de terrain ou d’une maison), tantôt à ses attributs
(droit de chasser, droit de récolter les fruits d’un arbre).

==> Variétés identifiées de démembrements


Initialement, les démembrements du droit de propriété, tels qu’envisagés par les
rédacteurs du Code civil se limitaient à :

 L’usufruit qui possède cette particularité de réunir l’usus et le fructus, tandis


que l’abusus est conservé par le nu-propriétaire
 Les droits d’usage et d’habitation qui ne sont autres que des diminutifs de
l’usufruit, en ce sens qu’ils confèrent à leur titulaire un droit de jouissance
réduit à l’utilisation du bien dans la limite de ses besoins et de ceux de sa
famille
 Les servitudes qui consistent en une charge imposée à un fonds (fonds servant)
pour l’usage et l’utilité d’un fonds bénéficiaire (fonds dominant)
Aux côtés de ces démembrements historiques du droit de propriété, figurent d’autres
droits réels qui ont été progressivement consacrés par le législateur. Au nombre de ces
démembrements figurent notamment :

 L’emphytéose qui consiste en un bail à long terme (compris entre 18 et 99 ans)


et qui confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque sur des biens
immeubles et plus particulièrement des terres cultivables
 Le bail à construction qui consiste en un bail à long terme (compris entre 18 et
99 ans) par lequel le preneur s’engage, à titre principal, à édifier des
constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d’entretien
pendant toute la durée du bail
La jurisprudence a ajouté à cette liste des démembrements du droit de propriété :

 Le droit de superficie qui consiste en un droit réel consenti à une personne (le


superficiaire) sur la surface d’un fonds dont le sol ou le tréfonds appartient à un
autre propriétaire (tréfoncier), ce qui autorise son titulaire à jouir et disposer des
ouvrages et plantations établis au-dessus et en dessous d’un fonds.

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