USUFRUIT
USUFRUIT
USUFRUIT
La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « grosses
réparations« ?
La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :
Par amélioration, il faut entendre tous les travaux qui ne se justifient pas par la
conservation du bien et qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.
L’article 599, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier ne peut, à la
cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il
prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée. »
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation elle a fait une application de la
règle ainsi énoncée en jugeant que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations
d’entretien et que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à
moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien,
depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ; que ce
dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les
améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût
augmentée » (Cass. com. 12 juin 2012, n°n° 11-11424).
L’objectif recherché ici est d’éviter tout contentieux sur l’estimation de la plus-value
réalisée et de protéger le nu-propriétaire de dépenses dispendieuses qui pourraient être
engagées par l’usufruitier, celui-ci pouvant être encouragé par la perspective d’être
intégralement indemnisé à l’expiration de son droit. Ce sera là une charge très lourde
qui pourrait être imposée au nu-propriétaire, alors même qu’il n’a rien demandé, ni n’a
été en mesure d’y consentir.
Pour c’est raison, il est constant en jurisprudence que les dépenses d’amélioration
demeurent à la charge du seul usufruitier.
Cette position n’est pas sans faire l’objet de critiques dans la mesure où cela revient :
La Cour de cassation considère que cette règle s’applique en tout état de cause, y
compris lorsque l’amélioration du bien consiste en l’édification d’une construction/
Dans un arrêt du 4 novembre 1885, elle a par exemple jugé que « suivant l’esprit de
[l’article 599], on ne doit considérer comme améliorations soit les constructions
ayant pour effet d’achever un bâtiment commencé, ou bien d’agrandir un édifice
préexistant » (Cass. req. 4 nov. 1885).
Dans un arrêt du 19 septembre 2012 la troisième chambre civile a précisé « qu’il
n’existait aucun enrichissement pour la nue-propriétaire qui n’entrera en possession
des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, l’accession n’a pas opéré
immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol » (Cass. 3e civ. 19 sept. 2012,
n°11-15460).
Seule limite à la règle ainsi posée : l’alinéa 3 de l’article 599 du Code civil autorise
l’usufruitier à « enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’il aurait fait
placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état. »
La restitution de la chose
Le règlement des comptes
A) La restitution de la chose
1. Principe
==> Droit commun
La première obligation qui échoit à l’usufruitier à l’expiration de son droit consiste à
restituer la chose soumise à l’usufruit au nu-propriétaire
Cette restitution doit, en principe, intervenir en nature. Elle doit alors être restituée
dans l’état où elle se trouvait au moment de la délivrance, et plus précisément tel que
décrit dans l’inventaire qui a été dressé en application de l’article 600 du Code civil.
Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de biens, il convient de distinguer selon
que cette universalité est de droit ou de fait
L’article 589 du Code civil dispose que « si l’usufruit comprend des choses qui, sans
se consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des
meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles
sont destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où
elles se trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute. »
Ainsi, lorsque la détérioration procède d’un usage normal de la chose, il n’y a pas lieu
pour l’usufruitier à indemniser le nu-propriétaire.
On considère ici qu’elle se serait autant détériorée si elle avait été entre ses mains. Si
toutefois cette détérioration résulte d’un manquement imputable à l’usufruitier qui
n’aurait pas joui de la chose comme un bon père de famille, il sera redevable de
dommages et intérêts à l’égard du nu-propriétaire.
==> L’absence de restitution de la chose
L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont
tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit. »
Lorsqu’ainsi la détérioration de la chose est due à un événement indépendant de la
volonté de l’usufruitier (phénomène naturel, guerre, grève etc.) il ne doit aucune
indemnité au nu-propriétaire et inversement.
Il peut être précisé que lorsque l’usufruitier a entrepris des travaux d’amélioration, les
dépenses engagées demeurent à la charge de l’usufruitier.
Par amélioration, il faut entendre tous les travaux qui ne se justifient pas par la
conservation du bien et qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.
L’article 599, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier ne peut, à la
cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il
prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée. »
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation elle a fait une application de la
règle ainsi énoncée en jugeant que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations
d’entretien et que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à
moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien,
depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ; que ce
dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les
améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût
augmentée » (Cass. com. 12 juin 2012, n°n° 11-11424).
L’objectif recherché ici est d’éviter tout contentieux sur l’estimation de la plus-value
réalisée et de protéger le nu-propriétaire de dépenses dispendieuses qui pourraient être
engagées par l’usufruitier, celui-ci pouvant être encouragé par la perspective d’être
intégralement indemnisé à l’expiration de son droit. Ce sera là une charge très lourde
qui pourrait être imposée au nu-propriétaire, alors même qu’il n’a rien demandé, ni n’a
été en mesure d’y consentir.
Pour c’est raison, il est constant en jurisprudence que les dépenses d’amélioration
demeurent à la charge du seul usufruitier.
Cette position n’est pas sans faire l’objet de critiques dans la mesure où cela revient :
La Cour de cassation considère que cette règle s’applique en tout état de cause, y
compris lorsque l’amélioration du bien consiste en l’édification d’une construction/
Dans un arrêt du 4 novembre 1885, elle a par exemple jugé que « suivant l’esprit de
[l’article 599], on ne doit considérer comme améliorations soit les constructions
ayant pour effet d’achever un bâtiment commencé, ou bien d’agrandir un édifice
préexistant » (Cass. req. 4 nov. 1885).
Dans un arrêt du 19 septembre 2012 la troisième chambre civile a précisé « qu’il
n’existait aucun enrichissement pour la nue-propriétaire qui n’entrera en possession
des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, l’accession n’a pas opéré
immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol » (Cass. 3e civ. 19 sept. 2012,
n°11-15460).
Seule limite à la règle ainsi posée : l’alinéa 3 de l’article 599 du Code civil autorise
l’usufruitier à « enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’il aurait fait
placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état. »
L’article 618 du Code civil dispose que « l’usufruit peut aussi cesser par l’abus que
l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds,
soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut être déchu de son droit lorsqu’il
commet un abus de jouissance.
Par abus de jouissance, il faut entendre une faute dont la gravité est de nature à altérer
la substance du bien grevé par l’usufruit ou à en menacer la restitution.
Aussi, doit-il s’agit d’une faute commise, soit par l’usufruitier, soit par la personne
dont il répond.
Bien que le Code civil soit silencieux sur ce point, il est, en effet, fait obligation à
l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la destination prévue dans l’acte de
constitution de l’usufruit.
Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du
propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.
C’est ainsi que dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e civ. 4 juin 1975, n°74-10777).
==> Principe
L’article 621 du Code civil dispose que « en cas de vente simultanée de l’usufruit et
de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété
selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour
reporter l’usufruit sur le prix. »
Cette disposition est directement issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant
réforme des successions et des libéralités qui a tenté de régler une difficulté à laquelle
étaient confrontés les praticiens du droit.
Cette question ne concerne pas spécifiquement les partages successoraux, mais vise à
préciser de manière générale le règlement de la vente globale d’un bien démembré,
quel qu’en soit le contexte ou la raison.
La jurisprudence s’est abondamment prononcée en faveur de la répartition du prix de
vente au prorata entre l’usufruit et la nue-propriété, considérant que tant l’usufruitier
que le nu-propriétaire avaient droit à une portion du prix total correspondant à la
valeur comparative de l’usufruit avec la nue-propriété (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 20
oct. 1987 ; Cass. 2e civ. 18 oct. 1989).
Il a, par suite, été jugé que les intérêts dus sur le prix de vente devaient également être
partagés dans les mêmes proportions, sans que l’usufruitier puisse prétendre à leur
totalité (Cass. 3e civ., 3 juillet 1991).
Mais, inversement, certains auteurs de la doctrine ont pu estimer qu’il convenait de
reporter le démembrement de propriété sur le prix[4]. Cette thèse était toutefois
minoritaire.
À l’examen, l’article 621, al. 1er du Code civil est venu consacrer la jurisprudence
l’objectif recherché étant d’atteindre l’équité
Ainsi, cette disposition prévoit-elle que le prix de cession est réparti entre l’usufruitier
et le nu-propriétaire – ou, ainsi que le dit le texte, entre l’usufruit et la nue-propriété –
selon la valeur « respective » de chacun de ces droits.
Les parties conservent néanmoins la faculté de décider que l’usufruit se reportera sur
le prix, ce qui revient à constituer un quasi-usufruit à la faveur de l’usufruitier, lequel
pourra alors librement disposer de l’intégralité du prix de cession.
==> Valorisation
Quid de la valorisation de l’usufruit et de la nue-propriété ?
Cette imprécision renvoie alors à la totale liberté des parties, dont le contentieux
éventuel devra être tranché par le juge.
Dans un arrêt du 25 février 1997, la Cour de cassation a ainsi jugé que « la répartition
du prix entre les venderesses, usufruitière et nue-propriétaire des actions, devait être
proportionnelle à la valeur comparative de l’usufruit et de la nue-propriété et en
retenant souverainement que l’évaluation de l’usufruit devait se faire en tenant
compte de l’âge de l’usufruitière et du revenu net qu’elle pouvait espérer obtenir des
actions vendues » (Cass. 3e civ. 25 févr. 1997).
Une autre solution consiste à s’appuyer sur le dispositif fiscal, au moins par défaut.
Les parties se mettent en effet d’accord sur la valeur respective des droits, soit en se
basant sur la valeur fiscale prévue par le code général des impôts, soit au regard des
tables actuarielles dites « de Xénard » – du nom du notaire qui les a élaborées –
permettant de déterminer la valeur économique de l’usufruit et auxquelles les
praticiens se réfèrent souvent.
S’agissant d’un usufruit à durée limitée, la valeur fiscale de l’usufruit est fixée par le
même article 669 du CGI à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque
période de 10 ans, dans la limite de la valeur de l’usufruit viager.
Parce que l’usufruit est un droit qui, à la différence de la nue-propriété, est un droit
réel qui présente un caractère temporaire, il a vocation à s’éteindre.
La raison en est que la loi n’est pas favorable au maintien d’une dissociation entre le
pouvoir de disposer de la chose et le pouvoir de l’exploiter.
A) Le décès
==> Principe
L’article 617, al. 1 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la mort de l’usufruitier ».
Le principe, c’est donc que l’usufruit est viager, ce qui implique qu’il prend fin au
décès de l’usufruitier.
À cet égard, l’usufruit est attaché à la personne. Il en résulte qu’il n’est pas
transmissible à cause de mort.
==> Tempéraments
Bien que l’interdiction qui est faite à l’usufruitier de transmettre son droit après sa
mort soit une règle d’ordre public, elle comporte deux tempéraments
Il est admis que le constituant assortisse l’usufruit d’un terme déterminé. Dans cette
hypothèse, l’usufruit s’éteindra :
Dans l’hypothèse où l’usufruitier est une personne morale, il est susceptible d’être
perpétuel. En effet, une personne morale vit aussi longtemps que ses associés réalisent
son objet social. Or ces derniers sont susceptibles de se succéder éternellement, par le
jeu, soit des transmissions à cause de mort, soit des cessions de droits sociaux.
Aussi, afin que la règle impérative qui assortit l’usufruit d’un caractère temporaire
s’applique également aux personnes morales, l’article 619 du Code civil que
« l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. »
Cette règle est d’ordre public, de sorte que la durée ainsi posée ne saurait être
allongée. Dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation n’a pas manqué de le
rappeler, en jugeant que « l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder
trente ans » (Cass. 7 mars 2007, n°06-12568).
C) La consolidation
==> Principe général
L’article 617, al 4 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la consolidation ou la
réunion sur la même tête, des deux qualités d’usufruitier et de propriétaire »
Cette cause d’extinction de l’usufruit correspond à l’hypothèse d’acquisition :
L’acte opérant cette consolidation peut consister en une cession, une donation, un legs,
un échange et plus généralement en toute opération translative de propriété.
L’article 621 du Code civil dispose que « en cas de vente simultanée de l’usufruit et
de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété
selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour
reporter l’usufruit sur le prix. »
Cette disposition est directement issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant
réforme des successions et des libéralités qui a tenté de régler une difficulté à laquelle
étaient confrontés les praticiens du droit.
Cette question ne concerne pas spécifiquement les partages successoraux, mais vise à
préciser de manière générale le règlement de la vente globale d’un bien démembré,
quel qu’en soit le contexte ou la raison.
Les parties conservent néanmoins la faculté de décider que l’usufruit se reportera sur
le prix, ce qui revient à constituer un quasi-usufruit à la faveur de l’usufruitier, lequel
pourra alors librement disposer de l’intégralité du prix de cession.
Cette imprécision renvoie alors à la totale liberté des parties, dont le contentieux
éventuel devra être tranché par le juge.
Dans un arrêt du 25 février 1997, la Cour de cassation a ainsi jugé que « la répartition
du prix entre les venderesses, usufruitière et nue-propriétaire des actions, devait être
proportionnelle à la valeur comparative de l’usufruit et de la nue-propriété et en
retenant souverainement que l’évaluation de l’usufruit devait se faire en tenant
compte de l’âge de l’usufruitière et du revenu net qu’elle pouvait espérer obtenir des
actions vendues » (Cass. 3e civ. 25 févr. 1997).
Une autre solution consiste à s’appuyer sur le dispositif fiscal, au moins par défaut.
Les parties se mettent en effet d’accord sur la valeur respective des droits, soit en se
basant sur la valeur fiscale prévue par le code général des impôts, soit au regard des
tables actuarielles dites « de Xénard » – du nom du notaire qui les a élaborées –
permettant de déterminer la valeur économique de l’usufruit et auxquelles les
praticiens se réfèrent souvent.
S’agissant d’un usufruit à durée limitée, la valeur fiscale de l’usufruit est fixée par le
même article 669 du CGI à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque
période de 10 ans, dans la limite de la valeur de l’usufruit viager.
D) La renonciation
Proche du mécanisme de la consolidation, la renonciation de l’usufruitier à son droit
est une cause d’extinction de l’usufruit. Elle peut prendre plusieurs formes.
Conventionnelle ou unilatérale
Onéreuse ou libérale
En tout état de cause, il est admis que la renonciation emporte mutation d’un droit réel.
La raison en est que la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ne donne ouverture à
aucun impôt ou taxe que lorsque cette réunion a lieu par l’expiration du temps fixé
pour l’usufruit ou par le décès de l’usufruitier (art. 1133 CGI).
Aussi, lorsque la réunion a lieu avant l’expiration du terme convenu pour la durée de
l’usufruit ou avant l’expiration normale de celui-ci par le décès de l’usufruitier, par
l’effet d’une renonciation de l’usufruitier ou d’une convention quelconque, l’impôt de
mutation est dû sur la convention intervenue.
En outre, lorsque l’usufruit porte sur un immeuble, obligation est faite au renonçant
d’accomplir toutes les formalités de publicité foncière en application de l’article 28 du
décret du 4 janvier 1955, faute de quoi l’acte de renonciation sera inopposable aux
tiers.
Enfin, l’article 622 du Code civil prévoit que « les créanciers de l’usufruitier peuvent
faire annuler la renonciation qu’il aurait faite à leur préjudice. ».
Autrement dit, si l’usufruitier agit en fraude de leurs droits, ils pourront demander la
réintégration de l’usufruit dans son patrimoine pour mieux pouvoir l’appréhender en
cas de mise en œuvre de procédures d’exécution forcée.
E) Le non-usage
L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par le non-usage
du droit pendant trente ans ».
Il ressort de cette disposition que, à la différence du droit de propriété qui est
imprescriptible, le droit d’usufruit succombe sous l’effet de la prescription extinctive
dont le délai est fixé à trente ans. Ce délai court à compter du dernier acte accompli
par l’usufruitier.
À cet égard, il importe peu que l’acte interruptif soit accompli par l’usufruitier lui-
même ou qu’il soit accompli par un tiers en son nom (locataire, mandataire, etc.)
F) L’usucapion
Bien que prévu par aucun texte, il est admis que l’usufruit puisse être acquis par le jeu
de la prescription acquisitive attachée à la possession, ce qui a pour conséquence de
faire perdre à l’usufruitier initial son droit de jouissance sur la chose.
L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir
un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé
d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise
foi. »
La prescription acquisitive aura vocation à jouer lorsque celui qui tire profit de la
jouissance de la chose se comportera comme le véritable usufruitier.
Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès
d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura
ainsi été institué usufruitier a non domino.
S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien
objet de la possession.
S’il s’agit d’un immeuble, la prescription pourra être de 10 ans en cas de bonne
foi du possesseur et de justification d’un juste titre. À défaut, la durée de la
prescription acquisitive est portée à trente ans.
S’il s’agit d’un meuble, l’effet acquisitif de la possession est immédiat, sauf à
ce que le possesseur soit de mauvaise foi auquel cas la durée de la prescription
sera de trente ans.
G) La perte de la chose
==> Principe
L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la perte
totale de la chose sur laquelle l’usufruit est établi. »
La perte de la chose a donc pour conséquence de mettre fin à l’usufruit, car le privant
d’objet.
En outre, l’article 624 du Code civil envisage le cas particulier de l’usufruit portant sur
un immeuble.
Cette disposition distingue, selon qu’est ou non inclus dans son assiette le sol.
L’article 623 du Code civil prévoit en ce sens que « si une partie seulement de la
chose soumise à l’usufruit est détruite, l’usufruit se conserve sur ce qui reste. »
==> Exception
Par exception, il est admis que lorsque la perte de la chose donne lieu au paiement
d’une indemnité, l’usufruit se reporte sur cette indemnité par le jeu d’une subrogation
réelle.
Par abus de jouissance, il faut entendre une faute dont la gravité est de nature à altérer
la substance du bien grevé par l’usufruit ou à en menacer la restitution.
Aussi, doit-il s’agit d’une faute commise, soit par l’usufruitier, soit par la personne
dont il répond.
Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du
propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.
C’est ainsi que dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e civ. 4 juin 1975, n°74-10777).618
==> Notion
L’usufruit est défini à l’article 578 du Code civil comme « le droit de jouir des choses
dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en
conserver la substance. »
L’usufruitier dispose ainsi d’un droit réel d’usage et de jouissance sur la chose
d’autrui, par le jeu d’un démembrement de la propriété.
Seule limite pour l’usufruitier quant à la jouissance du bien : pèse sur lui une
obligation de conservation de la chose. Il ne dispose donc pas du pouvoir de la détruire
ou de la céder.
==> Nature
L’usufruit confère à l’usufruitier un droit réel sur la chose, de sorte qu’il exerce sur
elle un droit direct et immédiat.
La qualification de droit réel de l’usufruit est parfois contestée par certains auteurs.
D’aucuns avancent, en effet, que si la nature de droit réel se conçoit parfaitement
lorsqu’il porte sur une chose corporelle, il n’en va pas de même lorsqu’il a pour objet
une chose incorporelle. Il y a, selon eux, une incompatibilité entre l’intangibilité de la
chose et l’exercice d’un pouvoir direct et immédiat sur elle.
Cette thèse est, toutefois, selon nous inopérante, dans la mesure où l’incorporalité
d’une chose ne fait nullement obstacle à ce que son propriétaire exerce sur elle une
emprise qui, certes, ne sera pas physique, mais qui consistera à contrôler son
utilisation.
Aussi, partageons-nous l’idée que le droit exercé par l’usufruitier sur la chose,
présente un caractère réel.
À cet égard, la nature de ce droit dont est investi l’usufruitier permet de le distinguer
du locataire qui est titulaire, non pas d’un droit réel, mais d’un droit personnel qu’il
exerce contre son bailleur.
Pour mémoire, le droit personnel consiste en la prérogative qui échoit à une personne,
le créancier, d’exiger d’une autre, le débiteur, l’exécution d’une prestation.
Il en résulte que le droit pour le preneur de jouir de la chose procède, non pas du
pouvoir reconnu par la loi à l’usufruitier en application de l’article 578 du Code civil,
mais de la conclusion du contrat de bail qui oblige le bailleur, conformément à l’article
1719 du Code civil, à délivrer au preneur la chose louée et lui assurer une jouissance
paisible.
Le preneur est donc investi d’un droit qu’il exerce non pas directement sur le bien
loué, mais contre le bailleur sur lequel pèse un certain nombre d’obligations en
contrepartie du paiement d’un loyer.
La seule obligation qui pèse sur l’usufruitier est de conserver la substance de la chose,
tandis que le nu-propriétaire doit s’abstenir de la détruire.
Aussi, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont tous deux titulaires de droits réels qui sont
indépendants l’un de l’autre.
François Terré et Philippe Simler ont écrit en ce sens que « le Code civil a conçu
l’usufruit et la nue-propriété comme deux droits réels, coexistant sur la chose et
juxtaposés, mais séparés : il n’y a pas communauté, mais bien séparation d’intérêts
entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ».
Il n’y a donc, entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.
Les seules limites à l’exercice indépendant de ces droits réels dont ils sont titulaires
sont celles posées par la loi, laquelle met à la charge de l’usufruitier plusieurs
obligations propter rem (art. 600 à 615 C. civ.)
==> Caractère temporaire
L’usufruit présente cette particularité d’être temporaire. C’est la raison pour laquelle
un droit réel qui procéderait de la conclusion d’un contrat et qui ne serait assorti
d’aucun terme extinctif ne pourrait pas être qualifié d’usufruit.
Elles ont, autrement dit, une réalité matérielle, en ce qu’elles peuvent être touchées
physiquement. Tel est le cas d’une maison, d’un arbre, d’une pièce de monnaie, d’une
table, un terrain, etc..
À cet égard, ainsi que l’écrivait Proudhon « considéré dans l’objet auquel il
s’applique, l’usufruit emprunte le corps de la chose même qui doit être livrée à
l’usufruitier pour qu’il en jouisse : la loi le place au rang des meubles ou immeubles,
suivant qu’il est établi sur des choses mobilières ou immobilières ».
L’usufruit peut, de la sorte, consister tantôt en un droit réel mobilier, tantôt en un droit
réel immobilier.
Il résulte qu’elles ne peuvent jamais être le fruit de la nature : elles sont toujours
artificielles, soit le produit d’une activité humaine.
L’intangibilité des choses incorporelles ne fait pas obstacle à ce qu’elle fasse l’objet
d’un usufruit.
À l’évidence, lorsque l’usufruit porte sur une chose consomptible, cette situation
soulève une difficulté qui tient à la fonction même de l’usufruit.
Il est, en effet, de principe que l’usufruit ne confère à l’usufruitier qu’un droit d’usage
sur la chose, de sorte qu’il ne peut pas en disposer.
Si l’in appliquait cette règle strictement aux choses consomptibles, cela reviendrait à
priver l’usufruitier d’en jouir et donc de vider le droit réel dont il est titulaire de sa
substance.
C’est la raison pour laquelle, par exception, l’usufruitier est autorisé à disposer de la
chose, telle le véritable propriétaire (on parle alors de quasi-usufruit).
L’article 587 du Code civil prévoit en ce sens que « si l’usufruit comprend des choses
dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les
liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de
l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la
date de la restitution ».
En contrepartie du droit de jouir d’une chose consomptible, l’usufruitier a donc
l’obligation de restituer, à l’expiration de l’usufruit, soit une chose de même qualité et
de même quotité, soit son équivalent en argent.
La conséquence en est que le nu-propriétaire qui, de fait, perd l’abusus n’exerce plus
aucun droit réel sur la chose. Il est un simple créancier de l’usufruitier.
2. L’usufruit porte sur un ensemble de biens
Tout autant que l’usufruit peut porter sur un bien, pris individuellement, il peut porter
sur un ensemble de biens constitutif d’une universalité. Il est indifférent que cette
universalité soit de fait ou de droit.
Si, tous les usufruits présentent ce caractère temporaire, leur durée peut être, tantôt
viagère, tantôt déterminée.
L’article 617, al. 1 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la mort de l’usufruitier ».
Le principe, c’est donc que l’usufruit est viager, ce qui implique qu’il prend fin au
décès de l’usufruitier.
À cet égard, l’usufruit est attaché à la personne. Il en résulte qu’il n’est pas
transmissible à cause de mort.
==> Tempéraments
Bien que l’interdiction qui est faite à l’usufruitier de transmettre son droit après sa
mort soit une règle d’ordre public, elle comporte deux tempéraments
Il est admis que le constituant assortisse l’usufruit d’un terme déterminé. Dans cette
hypothèse, l’usufruit s’éteindra :
Dans l’hypothèse où l’usufruitier est une personne morale, il est susceptible d’être
perpétuel. En effet, une personne morale vit aussi longtemps que ses associés réalisent
son objet social. Or ces derniers sont susceptibles de se succéder éternellement, par le
jeu, soit des transmissions à cause de mort, soit des cessions de droits sociaux.
Aussi, afin que la règle impérative qui assortit l’usufruit d’un caractère temporaire
s’applique également aux personnes morales, l’article 619 du Code civil que
« l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. »
Cette règle est d’ordre public, de sorte que la durée ainsi posée ne saurait être
allongée. Dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation n’a pas manqué de le
rappeler, en jugeant que « l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder
trente ans » (Cass. 7 mars 2007, n°06-12568).
§2 : La constitution de l’usufruit
A) Les modes de constitution de l’usufruit
L’article 579 du Code civil dispose que « l’usufruit est établi par la loi, ou par la
volonté de l’homme. »
À ces deux modes de constitution de l’usufruit visés par le texte, on en ajoute
classiquement un troisième : la prescription acquisitive.
1. La loi
La loi prévoit plusieurs cas de constitution d’un usufruit sur un ou plusieurs biens :
En effet, l’article 757 du Code civil dispose que « si l’époux prédécédé laisse des
enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la
totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants
sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs
enfants qui ne sont pas issus des deux époux. »
Il ressort de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer selon que le conjoint survivant
est ou non en présence d’enfants communs.
L’article 386-1 du Code civil confère aux parents d’un enfant mineur un droit de
jouissance légale sur les biens qu’ils administrent.
Cette disposition prévoit en ce sens que « la jouissance légale est attachée à
l’administration légale : elle appartient soit aux parents en commun, soit à celui
d’entre eux qui a la charge de l’administration. »
La jouissance octroyée par la loi aux parents sur les biens de leurs enfants s’assimile à
un véritable usufruit (V. en ce sens Cass. civ., 24 janv. 1900), précision faite que cet
usufruit ne présente pas de caractère viager.
À cet égard, l’article 386-2 précise que le droit de jouissance cesse :
Soit dès que l’enfant a seize ans accomplis ou même plus tôt quand il contracte
mariage ;
Soit par les causes qui mettent fin à l’autorité parentale ou par celles qui mettent
fin à l’administration légale ;
Soit par les causes qui emportent l’extinction de tout usufruit.
L’article 386-3 ajoute que, les charges de cette jouissance sont :
Le principe posé par la loi est que cette prestation compensatoire doit être octroyée
sous forme de capital
L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère
forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »
Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de
capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le
versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital,
notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.
À cet égard, l’article 274 du Code civil prévoit que le juge décide des modalités selon
lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes
suivantes:
Il peut également préférer céder à son conjoint un droit d’usufruit sur le logement de
famille pendant une durée qui peut être soit temporaire, soit viagère.
Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès
d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura
ainsi été institué usufruitier a non domino.
S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien
objet de la possession.
S’il s’agit d’un immeuble, la prescription pourra être de 10 ans en cas de bonne
foi du possesseur et de justification d’un juste titre. À défaut, la durée de la
prescription acquisitive est portée à trente ans.
S’il s’agit d’un meuble, l’effet acquisitif de la possession est immédiat, sauf à
ce que le possesseur soit de mauvaise foi auquel cas la durée de la prescription
sera de trente ans.
B) Les formalités de constitution de l’usufruit
Avant d’entrer en jouissance, l’usufruitier a l’obligation de faire dresser un inventaire
des choses sur lesquels il a vocation à exercer son droit. Il doit, en outre, fournir
caution de jouir raisonnablement de la chose.
Ces formalités qui s’imposent à l’usufruitier visent à préserver les droits et intérêts du
nu-propriétaire qui se dessaisit temporairement de son bien.
Les obligations qui échoient à l’usufruitier participent ainsi du dispositif qui vise à
protéger le nu-propriétaire qui, à l’expiration de l’usufruit, a vocation à recouvrer la
pleine propriété de son bien.
1. L’inventaire
a) L’obligation d’inventaire
==> Principe
L’article 600 du Code civil dispose que « l’usufruitier prend les choses dans l’état où
elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance qu’après avoir fait dresser, en présence
du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un état des
immeubles sujets à l’usufruit. »
Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition : d’une part, lors de son
entrée en jouissance, l’usufruitier prend les choses en l’état, d’autre part, il lui
appartient d’en dresser un inventaire.
La règle qui prévoit l’obligation de dresser un inventaire n’est que supplétive, de sorte
qu’il peut y être dérogé par clause contraire.
Dans un arrêt du 23 juillet 1957, la Cour de cassation a validé une clause de dispense
d’inventaire qui avait été stipulée dans un testament après avoir relevé que « la dame
Perrai avait, dans le libellé même de l’acte, attaché une importance spéciale à la
dispense d’inventaire, constatent que, en l’espèce, les opérations auxquelles devra se
livrer le notaire liquidateur doivent suffire à établir la consistance active et passive de
la succession ; qu’ils observent également que chacune des parties propose un notaire
pour y procéder et que le jugement entrepris… décide que les deux notaires ainsi
désignés y procéderont ».
Elle en déduit que « au vu de ces constatations, qu’il était inutile d’ordonner, en
outre, la confection de l’inventaire, sollicité par les époux Descotes, l’arrêt attaqué a
légalement justifié sa décision » (Cass. 1ère civ. 23 juill. 1957).
Certains arrêts ont même admis que la clause de dispense d’inventaire pouvait être
implicite. Tel sera notamment le cas lorsque l’usufruitier sera dispensé par le
constituant d’assumer la charge des travaux de réparation et d’entretien du bien donné
en usufruit (V. en ce sens Cass. 3e civ., 17 oct. 1984).
==> Exceptions à l’exception
La clause de dispense d’inventaire ne peut être stipulée qu’autant que la loi n’exige
pas ce formalisme à peine de nullité.
Dans un arrêt du 13 octobre 1992, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « le
défaut d’inventaire ne prive pas M. Z… de ses droits d’usufruitier, mais autorise
simplement les nus-propriétaires à prouver par tous moyens la consistance des objets
soumis à usufruit » (Cass. 1ère civ. 13 oct. 1992, n°91-10.970).
Tout au plus, le nu-propriétaire peut donc, soit provoquer la réalisation d’un inventaire
en saisissant le juge (V. en ce sens Cass. civ. 10 janv. 1859).
Soit il peut encore refuser d’exécuter son obligation de délivrance du bien à
l’usufruitier. Ce droit de rétention dont est titulaire le nu-propriétaire s’infère
de l’article 600 du Code civil qui prévoit que l’usufruitier « ne peut entrer en
jouissance qu’après avoir fait dresser […] un inventaire des meubles et un état des
immeubles sujets à l’usufruit ».
Dans cette hypothèse, l’usufruitier conserve néanmoins son droit de percevoir les
fruits des biens non encore délivrés par le nu-propriétaire. Ils devront donc être
restitués à l’usufruitier une fois les opérations d’inventaire réalisées.
2. La caution
a) L’obligation de fournir une caution
==> Principe
L’article 601 du Code civil dispose que l’usufruitier « donne caution de jouir en bon
père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ; cependant
les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le
donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. »
Cette disposition prescrit ainsi l’obligation pour l’usufruitier de fournir une caution au
nu-propriétaire.
La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les garanties qui satisfont à
l’exigence posée à l’article 601 du Code civil.
==> Nature de la garantie
Il ressort du texte que la fourniture d’une caution simple suffit. Celui-ci n’exige
nullement qu’une solidarité soit stipulée entre l’usufruitier et le garant.
À cet égard, l’article 2295 du Code civil prévoit que « le débiteur obligé à fournir une
caution doit en présenter une qui ait la capacité de contracter et qui ait un bien
suffisant pour répondre de l’objet de l’obligation. »
L’article 2296 précise que « la solvabilité d’une caution ne s’estime qu’eu égard à ses
propriétés foncières, excepté en matière de commerce, ou lorsque la dette est
modique. » et de poursuivre « on n’a point égard aux immeubles litigieux, ou dont la
discussion deviendrait trop difficile par l’éloignement de leur situation »
==> Substitution de garantie
Dans l’hypothèse où l’usufruitier ne parviendrait pas à obtenir le cautionnement d’un
tiers, il n’aura d’autre choix que de consentir au nu-propriétaire une hypothèque sur
ses immeubles ou de donner en gage des biens mobiliers.
L’article 601 du Code civil prévoit que l’usufruit peut être dispensé de fournir une
caution au nu-propriétaire.
Dispenses légales
La loi dispense, dans deux cas, l’usufruitier de fournir une caution au nu-
propriétaire
Dispense des pères et mère ayant l’usufruit légal du bien de
leurs enfants
L’article 386-1 du Code civil confère aux parents d’un
enfant mineur un droit de jouissance légale sur les biens qu’ils
administrent.
Cette disposition prévoit en ce sens que « la jouissance
légale est attachée à l’administration légale : elle appartient soit
aux parents en commun, soit à celui d’entre eux qui a la charge de
l’administration.»
La jouissance octroyée par la loi aux parents sur les biens
de leurs enfants s’assimile à un véritable usufruit (V. en ce sens civ.,
24 janv. 1900), précision faite que cet usufruit ne présente pas de
caractère viager.
Surtout, l’article 601 dispense les parents de fournir caution
à leurs enfants en garantie de la préservation de leurs droits.
Cette dispense procède de la nature des liens particuliers et
étroits qui existent entre ces derniers
On présume que les parents sont animés des meilleures
intentions quant à l’administration des biens de leurs enfants et que,
par conséquent, ils s’emploieront à accomplir toutes les diligences
utiles pour en assurer la conservation
Dispense du vendeur ou du donateur, sous réserve d’usufruit
Lorsque le donateur ou le vendeur d’une chose se réserve
sur cette chose l’usufruit, l’article 601 le dispense de fournir au
donataire ou à l’acquéreur une caution.
La raison en est que l’on présume que cette dispense
procède de la volonté des parties.
Il est, en effet, peu probable que celui qui aliène la nue-
propriété de son bien souhaite, en outre, être assujetti à l’obligation
de fournir caution, en particulier s’il s’agit d’une donation.
Tel ne sera, en revanche, pas le cas dans l’hypothèse
inverse, soit lorsque le donateur ou le vendeur aliène, non pas la
nue-propriété de son bien, mais l’usufruit.
En pareil cas, l’exigence de fourniture d’une caution sera
maintenue, sauf à ce qu’il en soit décidé autrement par les parties à
l’acte.
Dispenses volontaires
L’article 601 du Code civil prévoit expressément la possibilité pour le
constituant de dispenser, par sa seule volonté, l’usufruitier de fournir une
caution.
À cet égard, cette dispense sera fréquemment stipulée dans les testaments
et donation, l’auteur de la libéralité ne souhaitant pas faire peser une charge
trop importante sur la tête du bénéficiaire.
Très tôt, la jurisprudence a, par ailleurs, admis qu’une telle dispense
puisse être accordée à l’usufruitier, alors même que le bien grevé relèverait
de bien relevant, pour la nue-propriété, de la réserve héréditaire des
descendants ou des ascendants (V. en ce sens civ. 5 juill. 1876).
Tel sera notamment le cas lorsqu’une libéralité sera consentie au conjoint
survivant.
S’agissant de la forme de la dispense, elle peut être expresse ou tacite, le
juge ayant alors pour tâche rechercher si la volonté du constituant résulte
clairement de l’acte constitutif d’usufruit
Dans un arrêt du 4 décembre 1958, la Cour de cassation a jugé en ce sens
que « la dispense accordée par le testateur au légataire d’un usufruit de
fournir caution peut être implicite et s’induire des dispositions
testamentaires» ( 1ère civ. 4 déc. 1958)
Lorsque la dispense consentie à l’usufruitier est régulière, le nu-propriétaire a
l’obligation de lui délivrer le ou les biens soumis à l’usufruit.
Aussi, l’usufruitier doit pouvoir exercer son droit comme s’il avait fourni la caution
exigée par l’article 601. Il est libre de jouir du bien, sans qu’aucune restriction ne
puisse lui être imposée par le nu-propriétaire.
Ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier l’intervention du juge qui ne pourra
prononcer des mesures conservatoires que s’il existe un risque sérieux d’atteinte aux
droits et intérêts du nu-propriétaire.
==> Exceptions à l’exception
Il est de jurisprudence constante que lorsqu’il est établi que l’usufruitier met en péril,
par ses actes ou par un changement survenu dans sa situation personnelle, les droits du
nu-propriétaire, l’adoption de mesures conservatoires peut être ordonnée par le juge
(V. en ce sens Cass. civ. 7 déc. 1891).
Tel sera notamment le cas en cas d’abus de jouissance de l’usufruitier, soit lorsqu’il
accomplira des actes qui seront de nature à mettre en péril la consistance des biens
soumis à l’usufruit ou lorsqu’il les laissera dépérir faute d’entretien (V. en ce
sens Cass. req. 26 mars 1889).
L’abus de jouissance peut d’ailleurs conduire le juge, en application de l’article 618 du
Code civil, à prononcer la déchéance de l’usufruit.
La solution est extrême, c’est la raison pour laquelle il privilégiera, d’abord, l’adoption
de mesures visant à assurer la conservation du bien.
Il est néanmoins admis que le nu-propriétaire dispose d’un droit de rétention sur le
bien soumis à usufruit droit qu’il pourra exercer tant que la caution requise par l’article
601 du Code civil ne lui sera pas fournie.
L’article 604 précise que, en tout état de cause, « le retard de donner caution ne prive
pas l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Ainsi, le nu-propriétaire aura l’obligation de restituer à l’usufruitier l’ensemble des
fruits perçus lorsqu’il aura régularisé sa situation.
Faute, malgré tout, pour l’usufruitier d’être en mesure de fournir une caution,
les articles 602 et 603 du Code civil envisagent l’adoption de mesures différentes,
selon que les biens soumis à l’usufruit sont des immeubles ou des meubles :
De son côté, le nu-propriétaire exerce également un droit réel sur la chose. Ce droit,
dont l’assiette est pendant toute la durée de l’usufruit pour le moins restreinte, a, au
fond, pour intérêt majeur de garantir au nu-propriétaire le recouvrement de la pleine
propriété de la chose à l’expiration de l’usufruit.
François Terré et Philippe Simler ont écrit en ce sens que « le Code civil a conçu
l’usufruit et la nue-propriété comme deux droits réels, coexistant sur la chose et
juxtaposés, mais séparés : il n’y a pas communauté, mais bien séparation d’intérêts
entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ».
Il n’y a donc, entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.
Les seules limites à l’exercice indépendant de ces droits réels dont ils sont titulaires
sont celles posées par la loi, laquelle met à la charge de l’usufruitier plusieurs
obligations propter rem (art. 600 à 615 C. civ.).
I) La situation de l’usufruitier
A) Les droits de l’usufruitier
La constitution d’un usufruit sur une chose opère un démembrement du droit de
propriété : tandis que le nu-propriétaire conserve l’abusus, l’usufruitier recueille
l’usus et le fructus.
Au vrai, cette répartition des prérogatives entre ces deux titulaires de droits réels n’est
pas tout à fait exacte, en ce sens que le démembrement du droit de propriété n’est pas
une opération à somme nulle.
Tel n’est pourtant pas le cas. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que le
démembrement du droit de propriété entre un usufruitier et un nu-propriétaire ne
permet, ni à l’un, ni à l’autre de détruire le bien, alors même qu’il s’agit d’une
prérogative dont est investi le plein propriétaire.
À cet égard l’article 597 du Code civil précise, s’agissant de l’usufruitier, qu’« il jouit
des droits de servitude, de passage, et généralement de tous les droits dont le
propriétaire peut jouir, et il en jouit comme le propriétaire lui-même. »
L’usufruitier peut ainsi :
Utiliser la chose pour ses besoins personnels et pour autrui (habiter une maison,
utiliser une voiture
Donner la chose à bail
Exploiter la chose (cultiver des terres, exploiter un fonds de commerce ou le
donner en location-gérance etc..)
Consommer les choses consomptibles, à charge de les restituer par équivalent
ou en valeur à l’expiration de l’usufruit
Construire un ouvrage dès lors que cela n’affecte pas de manière
irréversiblement la substance de la chose
L’article 589 du Code civil précise que si l’usufruit comprend des choses qui, sans se
consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des
meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles sont
destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où elles se
trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute.
Cela signifie donc que, pour les choses qui se détériorent par l’usage, l’usufruitier ne
devra aucune indemnité au nu-propriétaire lors de la restitution du bien, dès lors qu’il
en aura fait un usage normal.
Lorsque, en revanche, l’usage qu’il en fait est inapproprié et est de nature à précipiter
la détérioration de la chose, l’usufruitier engagera sa responsabilité.
Dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e civ. 4 juin 1975, n°74-10777).
==> Cas particulier de la conclusion de baux
L’article 595, al. 1er du Code civil prévoit que « l’usufruitier peut jouir par lui-même,
donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit. »
Ainsi, l’usufruitier est-il autorisé, par principe, à donner la chose soumise à l’usufruit à
bail.
Aussi, afin qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits du nu-propriétaire qui, en
présence d’un tel bail, serait contraint d’en supporter la charge à l’extinction de
l’usufruit, le législateur a encadré l’opposabilité des actes accomplis en la matière par
l’usufruitier.
S’agissant des baux conclus pour une durée égale ou inférieure à neuf ans
Le principe posé par l’article 595 du Code civil, c’est que l’usufruitier
pour conclure seul ce type de baux, de sorte qu’ils sont parfaitement
opposables au nu-propriétaire.
Ils auront donc vocation à se poursuivre à l’expiration de l’usufruit sans
que le nu-propriétaire puisse s’y opposer.
L’alinéa 3 de l’article 595 a néanmoins apporté un tempérament à cette
règle en prévoyant que « les baux de neuf ans ou au-dessous que
l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration
du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la
même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur
exécution n’ait commencé avant la cessation de l’usufruit.».
L’objectif visé par cette règle est de limiter les conséquences d’un
renouvellement de bail par anticipation.
Ainsi, selon qu’il s’agit d’un bail rural ou d’un autre type de bail, le
renouvellement du bail ne pourra intervenir que trois ans ou deux avant
l’expiration du bail en cours
S’agissant des baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans
Il ressort de l’article 595 du Code civil que lorsque le bail est conclu pour
une durée supérieure à 9 ans, il est inopposable au nu-propriétaire.
L’alinéa 2e de cette disposition prévoit en ce sens que « les baux que
l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas
de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire que
pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si
les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de
manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la
période de neuf ans où il se trouve»
S’agissant des baux portant sur un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal
L’article 595, al. 4 dispose que « l’usufruitier ne peut, sans le concours
du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal. À défaut d’accord du nu-propriétaire,
l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte. »
Pour les baux visés par cette disposition, l’usufruitier est donc contraint
d’obtenir l’accord du nu-propriétaire.
Cet accord n’est toutefois pas indispensable, dans la mesure où le texte
ouvre une action à l’usufruitier qui peut solliciter le juge aux fins de
l’autoriser à conclure le bail.
Elle lui sera accordée lorsqu’il s’avère que le refus du nu-propriétaire est
seulement animé par l’intention de nuire ou qu’elle ne repose sur aucune
raison valable.
En cas d’absence d’autorisation du nu-propriétaire ou du juge, la sanction
encourue c’est la nullité du bail et non l’inopposabilité (V. en ce sens 3e
civ., 26 janv. 1972).
Dans un arrêt du 16 décembre 1987, la Cour de cassation a précisé que
« l’exercice de l’action en nullité découlant de l’article 595 du Code civil
n’est pas subordonné à la cessation de l’usufruit » ( 3e civ., 16 déc. 1987,
n° 86-15324).
Il en résulte que l’action peut être engagée sans qu’il soit besoin
d’attendre la fin de l’usufruit
À cet égard, la nullité est ici relative, de sorte que l’action appartient au
seul nu-propriétaire.
b) Le droit de jouir de la chose : le fructus
L’usufruit ne confère pas seulement à l’usufruitier le droit de faire usage de la chose, il
lui confère également le droit d’en jouir.
Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir de percevoir les revenus que le
bien lui procure.
Pour l’usufruitier d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers réglés par son
locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds
placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou
encore le sésame qu’il a cultivé.
L’article 582 du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier a le droit de jouir de
toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire
l’objet dont il a l’usufruit. »
Immédiatement, il convient alors de préciser ce que l’on doit entendre par « fruits »,
lesquels doivent être distingués des « produits. »
i) Distinction en les fruits et les produits
L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de
celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné
à bail des loyers et une carrière des pierres.
La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire
profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.
La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre
les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.
En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la
substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans
d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un
nouveau bien.
Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des
produits, l’intérêt de la distinction étant réel, notamment en cas de démembrement du
droit de propriété.
Exposé de la distinction
Les fruits
Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit
périodiquement sans altération de sa substance.
Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits
d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation
d’une usine.
Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
Les fruits naturels
L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les
fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre.
Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits
naturels. »
Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose
spontanément sans le travail de l’homme
Exemple : les champignons des prés, les fruits des
arbres sauvages
Les fruits industriels
L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels
d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
Il s’agit donc des fruits dont la production procède
directement du travail de l’homme.
Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois
taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
Les fruits civils
L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont
les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les
arrérages des rentes. »
L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme
sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus
par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou
encore les intérêts d’une somme argent prêtée
Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire, il doit
donc remplir deux critères :
La périodicité (plus ou moins régulière)
La conservation de la substance de la chose dont ils
dérivent.
Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce qu’il [le
fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la substance du
capital que le fruit se distingue du produit».
Les produits
Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance
Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une
carrière ou d’une mine
Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des
fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les
produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve
ainsi entamé»[2].
Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera
pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette
perception est périodique ou isolée.
Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on
sera en présence de produits.
Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les
pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des
produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la
substance.
Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en
couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour
devenir des fruits.
Intérêt de la distinction
La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le
plan juridique.
En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la
chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du
capital, appartiennent au nu-propriétaire.
Manifestement, la qualification de fruit ou de produit du revenu généré par la chose est
d’importance, car elle détermine qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier en
bénéficiera.
Si, en principe, cette qualification est prédéterminée par la nature de la chose, il est des
cas où elle dépend de la volonté du propriétaire qui selon l’exploitation qu’il en fait
pourra en retirer, tantôt des fruits, tantôt des produits.
Illustration est faite de cette possibilité dans le code civil qui distingue selon que sont
présents sur un fonds soumis à usufruit des arbres de haute futaie des forêts ou des
bois taillis.
Le texte prévoit que « les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés
ou brisés par accident, appartiennent à l’usufruitier, à la charge de les remplacer par
d’autres. »
ii) L’acquisition des fruits
==> Le moment d’acquisition des fruits
L’article 604 du Code civil dispose que « le retard de donner caution ne prive pas
l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut percevoir les fruits produits par la
chose à compter du moment où son droit est ouvert.
La question qui alors se pose est de savoir à quel moment s’opère cette ouverture du
droit de l’usufruitier ?
Les règles qui régissent l’acquisition des fruits diffèrent selon qu’il s’agit de fruits
naturels, de fruits industriels ou encore de fruits civils.
Principe
L’article 595 du Code civil dispose que « l’usufruitier peut jouir par lui-
même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre
gratuit. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier est investi du droit
d’aliéner son droit d’usufruit.
À cet égard, l’usufruitier peut :
Céder son droit à titre onéreux ou à titre gratuit
Constituer une sûreté réelle sur la chose soumise à l’usufruit (gage
pour les meubles et hypothèque pour les immeubles)
Effectuer un apport en société avec l’usufruit
En outre, il est admis que l’usufruit puisse faire l’objet d’une saisie
Limites
La faculté pour l’usufruitier d’aliéner son droit n’est pas sans limites
Tout d’abord, l’usufruit demeure, en tout état de cause
intransmissible à cause de mort.
Ensuite, parce que l’usufruit présente un caractère temporaire son
aliénation ne saurait avoir pour conséquence de porter atteinte à la
substance de la chose, ni aux droits du nu-propriétaire
Enfin, lorsque l’acte de constitution comporte une clause
d’inaliénabilité, il est fait défense à l’usufruitier de le céder
Portée
L’aliénation de l’usufruit est sans incidence sur sa durée en ce sens qu’il
a vocation à s’éteindre, soit au décès de l’usufruitier, soit à l’expiration du
terme prévu dans l’acte constitutif
Par ailleurs, c’est le cédant de l’usufruit qui répond des préjudices causés
au nu-propriétaire à raison de fautes commises par le cessionnaire.
==> Le droit d’agir en justice
Afin de préserver son droit réel, notamment des atteintes qui pourraient lui être portées
par le nu-propriétaire, plusieurs actions en justice sont ouvertes à l’usufruitier.
L’action confessoire
Cette action dont est titulaire l’usufruitier vise à faire reconnaître son
droit de jouissance sur la chose, soit à obtenir la délivrance de la chose qui
serait détenue, soit par un tiers, soit par le nu-propriétaire
Dans un arrêt du 7 avril 2004, la Cour de cassation a jugé en ce sens que
« l’usufruitier peut ester en justice, dans la mesure où il agit pour défendre
ou protéger son droit de jouissance, et que ce droit lui permet d’exercer
aussi bien une action personnelle que réelle» ( 3e civ. 7 avr. 2004, n°02-
13703).
Cette action est, en quelque sorte, à l’usufruit ce que l’action en
revendication est à la propriété.
Reste que, à la différence de l’action en revendication, l’action
confessoire n’est pas imprescriptible : l’usufruitier doit agir dans un délai de
trente ans peu importe que l’usufruit porte sur un bien meuble ou sur un
immeuble
L’action personnelle
Ainsi qu’il l’a été jugé la Cour de cassation dans l’arrêt du 7 avril 2004,
l’usufruitier dispose d’une action personnelle
Cette action poursuit parfois la même finalité que l’action confessoire :
obtenir la délivrance de la chose.
Dans cette hypothèse, son domaine est toutefois bien plus restreint que
celui de l’action confessoire puisqu’elle ne peut être dirigée que contre le
nu-propriétaire et ses ayants droits.
L’action personnelle peut également avoir pour finalité de sanctionner les
troubles de jouissance dont l’usufruitier est susceptible d’être victime.
Il sera, par exemple, fondé à engager la responsabilité du nu-propriétaire
qui accomplirait des actes qui lui causeraient un préjudice
B) Les obligations de l’usufruitier
Il ressort de l’article 601 du Code civil que l’usufruitier est tenu « de jouir en bon père
de famille » du bien soumis à l’usufruit.
Dit autrement, cela signifie que le droit d’usufruit doit s’exercer dans le respect du
droit de propriété du nu-propriétaire.
De ce devoir général qui pèse sur la tête de l’usufruitier découlent plusieurs
obligations très concrètes au nombre desquelles figurent :
Par substance, il faut entendre les caractères substantiels du bien, ceux qui le
structurent et sans lesquels il perdrait son identité.
Tel est notamment le cas des charges fiscales au nombre desquelles figurent, l’impôt
sur les revenus générés par le bien, la taxe d’habitation, la taxe foncière, les charges de
copropriété relatives aux services collectifs.
Classiquement, on oppose les charges périodiques aux charges extraordinaires qui sont
visées à l’article 609 du Code civil.
Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.
Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire
D’une part, il peut s’agir de dépenses d’entretien, soit des dépenses qui visent à
conserver le bien en bon état
D’autre part, il peut s’agir de grosses réparations, soit des dépenses qui visent à
remettre en état la structure du bien
Tandis que les dépenses d’entretien sont à la charge de l’usufruitier, les grosses
réparations sont, quant à elles, à la charge du nu-propriétaire.
Les dépenses d’entretien sont donc celles qui visent à conserver le bien en bon état. En
application de l’article 605 du Code civil, elles sont à la charge du seul usufruitier.
Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par dépense d’entretien,
la réponse déterminant si elle doit ou non être supportée par l’usufruitier.
Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
ii) Les grosses réparations
==> Notion
Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.
En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.
La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :
==> Répartition
Principe
Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
Exceptions
Négligence de l’usufruitier
L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
Travaux d’amélioration
Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» ( com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
Reconstruction du bien
L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation
La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e civ. 10 juill. 2002, n°00-22158 ; Cass. 3e civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.
Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.
Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
c) La contribution aux dettes grevant le patrimoine soumis à l’usufruit
Il ressort des articles 610- 611 et 612 du Code civil que, selon que l’usufruit est
universel, à titre universel, ou à titre particulier, l’usufruitier sera ou non tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine dont il jouit.
Pour rappel :
L’usufruit universel est celui qui porte sur une l’universalité des biens, soit sur
l’ensemble d’un patrimoine
L’usufruit à titre universel est celui qui porte sur une quote-part des biens,
telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou
une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier
L’usufruit à titre particulier est celui qui porte sur un ou plusieurs biens
individualisés
Ceci étant rappelé, le Code civil opère une distinction entre :
D’une part, l’usufruitier à titre particulier qui n’est pas tenu de contribuer aux
dettes grevant le patrimoine dont relève le ou les biens dont il jouit
D’autre part, l’usufruitier universel et à titre universel qui est tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine ou la quotité de patrimoine soumis à
l’usufruit
S’agissant de l’usufruitier à titre particulier, l’article 611 du Code civil précise que
qu’il « n’est pas tenu des dettes auxquelles le fonds est hypothéqué : s’il est forcé de
les payer, il a son recours contre le propriétaire, sauf ce qui est dit à l’article 1020,
au titre » Des donations entre vifs et des testaments » ».
Ainsi, en cas d’usufruit constitué sur un bien grevé d’une hypothèque, la dette attachée
à la sûreté n’incombe pas à l’usufruitier. Reste qu’il peut être poursuivi par le
créancier hypothécaire au titre de son droit de suite. L’usufruitier, s’il veut conserver
la jouissance du bien, n’aura alors d’autre choix que de régler la dette, charge à lui de
se retourner contre le nu-propriétaire.
C’est la raison pour laquelle, le Code civil met à la charge de l’usufruit le règlement
des intérêts de la dette, lesquels ne sont autres que l’équivalent des revenus engendrés
par le patrimoine soumis à l’usufruit.
Ce droit de disposer de la chose est néanmoins restreint, car il ne lui permet pas de
détruire le bien, alors même que cette prérogative relève de l’abusus.
La raison en est que s’il détruisait la chose, il porterait atteinte au droit – réel de
l’usufruitier – qui serait privé de la faculté d’en jouir.
C’est donc un droit de disposer diminué qui est conféré au nu-propriétaire. Il conserve
néanmoins la faculté de céder son droit ou de grever la nue-propriété de droits réels
(sûretés, servitudes).
À cet égard, l’article 621 du Code civil précise que « la vente du bien grevé d’usufruit,
sans l’accord de l’usufruitier, ne modifie pas le droit de ce dernier, qui continue à
jouir de son usufruit sur le bien s’il n’y a pas expressément renoncé. »
2. Le droit de percevoir les produits
Si l’usufruitier est titulaire du droit de percevoir les fruits engendrés par la chose, c’est
au nu-propriétaire que reviennent les produits.
Pour rappel, les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance
Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une carrière ou d’une mine. Il
en va de même des arbres de haute futaie des forêts qui sont ceux laissés en place pour
qu’ils atteignent leur pleine maturité. N’ayant pas vocation à être coupés à échéance
périodique, on les qualifie de produits.
Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des fruits, on perçoit
seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les produits d’une chose, on
perçoit une fraction du capital, qui se trouve ainsi entamé »[3].
C’est la raison pour laquelle, les produits ne peuvent être perçus que par le nu-
propriétaire dont le droit s’exerce sur le capital.
3. Actes conservatoires
Bien que l’accomplissement d’actes conservatoires relève des prérogatives de
l’usufruitier, le nu-propriétaire est directement intéressé par la conservation de la
chose. Et pour cause, il a vocation à recouvrer la pleine propriété du bien à l’expiration
de l’usufruit.
Aussi, est-il admis que, pour assurer la sauvegarde de la substance de la chose, le nu-
propriétaire puisse accomplir tous les actes conservatoires requis, notamment en cas de
carence de l’usufruitier.
Il pourra donc s’agir d’engager une procédure de recouvrement, renouveler une sûreté,
interrompre un délai de prescription
Il pourra encore contraindre l’usufruitier à prendre toutes les mesures utiles aux fins
d’éviter que la chose ne se détériore et plus généralement à engager des travaux
d’entretien.
Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
4. Actions en justice
Le nu-propriétaire est fondé à engager toutes les actions en justice qui vise à préserver
son droit de propriété.
Il peut enfin agir contre l’usufruitier qui manquerait à ses obligations, en particulier
s’il constate qu’il commet un abus de jouissance, lequel abus est sanctionné par la
déchéance de l’usufruit.
Ce droit à être informé dont est titulaire le nu-propriétaire a été reconnu par la Cour de
cassation dans un arrêt du 12 novembre 1998 qui, dans cette affaire, avait qualifié le
portefeuille de valeurs mobilières d’universalité de fait (Cass. 1ère civ. 12 nov. 1998,
n°96-18041)
Or lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est investi
l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais l’ensemble
constitué par ces biens, soit le tout.
Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver l’universalité, prise dans
sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la détruire.
Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer de chacun des
éléments qui composent l’universalité.
Aussi, afin de prévenir cette situation, la Cour de cassation a instauré une obligation
d’information du nu-propriétaire sur la modification du contenu du portefeuille de
valeurs mobilières.
Dans un arrêt du 3 décembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que « pour
déterminer la substance conservée et la valeur du bien à partager, il est nécessaire
que l’usufruitière puisse donner tous les éléments nécessaires pour déterminer si les
seules valeurs subsistantes au jour du partage, représentent bien toute la substance de
l’universalité qu’elle était chargée de conserver » (Cass. 3e civ. 3 déc. 2002, n°00-
17870).
Cette obligation d’information instituée par la Cour de cassation doit être exécutée
pendant toute la durée de l’usufruit, l’objectif recherché étant que le nu-propriétaire
puisse, en cas de manquement grave de l’usufruitier, engager toutes les actions
nécessaires à la préservation de ses droits.
Dans un arrêt du 28 novembre 1972, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que
méconnaissait les droits de l’usufruitier le nu-propriétaire qui en défrichant et en
clôturant un domaine anéantissait toute possibilité de chasse (Cass. 1ère civ. 28 nov.
1972).
Les seuls travaux d’ampleur que le nu-propriétaire est autorisé à effectuer sont ceux
qui visent à réaliser des grosses réparations.
Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.
En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.
La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :
==> Répartition
Principe
Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
Exceptions
Négligence de l’usufruitier
L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
Travaux d’amélioration
Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» ( com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
Reconstruction du bien
L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation
La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e civ. 10 juill. 2002, n°00-22158 ; Cass. 3e civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.
Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.
Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
3. L’obligation de s’acquitter des charges extraordinaires
Tandis que les charges périodiques incombent à l’usufruitier (impôt sur le revenu, taxe
d’habitation, taxe foncière etc.), car directement attachées à la jouissance du
bien, l’article 609 du Code civil fait supporter au nu-propriétaire les charges dites
extraordinaires.
Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.
L’article 609, al. 2e répartit les charges extraordinaires entre le nu-propriétaire et
l’usufruitier comme suit :
Le nu-propriétaire supporte le coût des charges pour le capital
L’usufruitier supporte, quant à lui, le coût des intérêts
L’alinéa 3 du texte précise que si les charges extraordinaires sont avancées par
l’usufruitier, il a la répétition du capital à la fin de l’usufruit.
Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire
§4 : L’extinction de l’usufruit
I) Les causes d’extinction
Parce que l’usufruit est un droit qui, à la différence de la nue-propriété, est un droit
réel qui présente un caractère temporaire, il a vocation à s’éteindre.
La raison en est que la loi n’est pas favorable au maintien d’une dissociation entre le
pouvoir de disposer de la chose et le pouvoir de l’exploiter.
A) Le décès
==> Principe
L’article 617, al. 1 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la mort de l’usufruitier ».
Le principe, c’est donc que l’usufruit est viager, ce qui implique qu’il prend fin au
décès de l’usufruitier.
À cet égard, l’usufruit est attaché à la personne. Il en résulte qu’il n’est pas
transmissible à cause de mort.
==> Tempéraments
Bien que l’interdiction qui est faite à l’usufruitier de transmettre son droit après sa
mort soit une règle d’ordre public, elle comporte deux tempéraments
Premier tempérament : l’usufruit simultané
L’usufruit peut être constitué à la faveur de plusieurs personnes
simultanément, ce qui revient à créer une indivision en usufruit.
Cette constitution d’usufruit est subordonnée à l’existence de tous les
bénéficiaires au jour de l’établissement de l’acte.
Dans cette hypothèse, l’usufruit s’éteint progressivement à mesure que
les usufruitiers décèdent, tandis que le nu-propriétaire recouvre
corrélativement la pleine propriété de son bien sur les quotes-parts ainsi
libérées
Afin d’éviter que l’assiette de l’usufruit ne se réduise au gré des décès
qui frappent les usufruitiers, il est possible de stipuler une clause dite de
réversibilité.
Dans cette hypothèse, la quote-part de celui des usufruitiers qui est
prédécédé accroît celle des autres, qui en bénéficient pour la totalité,
jusqu’au décès du dernier d’entre eux.
Le dernier survivant a ainsi vocation à exercer un monopole sur l’usufruit
du bien.
Second tempérament : l’usufruit successif
L’usufruit peut également être constitué sur plusieurs têtes, non pas
simultanément, mais successivement.
Il s’agira autrement dit de stipuler une clause de réversibilité aux termes
de laquelle au décès de l’usufruitier de « premier rang », une autre personne
deviendra usufruitière en second rang.
Dans cette hypothèse, les usufruitiers n’exerceront pas de pouvoirs
concurrents sur la chose : ils se succéderont, le décès de l’un, ouvrant le
droit d’usufruit de l’autre.
Chacun jouira ainsi, tout à tour, de l’intégralité de l’usufruit constitué.
Selon M. Grimaldi nous ne sommes pas en présence « d’un unique
usufruit qui passerait mortis causa d’un gratifié à l’autre» mais
d’« usufruits successifs, distincts qui s’ouvriront tour à tour, chacun à
l’extinction du précédent par la mort de son titulaire ».
La Cour de cassation a précisé que la clause de réversibilité de l’usufruit
« s’analysait en une donation à terme de bien présent, le droit d’usufruit du
bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l’acte» ( 1ère civ.
21 oct. 1997, n°95-19759).
Il en résulte que seul l’exercice du droit d’usufruit est différé, non sa
constitution, ce qui évite de tomber sous le coup de la prohibition des pactes
sur succession future.
B) Le terme
L’article 617, al. 3 dispose que « l’usufruit s’éteint […] par l’expiration du temps
pour lequel il a été accordé »
À l’analyse, il est deux situations où l’usufruit n’est pas viager : lorsque, d’une part, il
est assorti d’un terme stipulé par le constituant et lorsque, d’autre part, il est constitué
à la faveur d’une personne morale
Il est admis que le constituant assortisse l’usufruit d’un terme déterminé. Dans cette
hypothèse, l’usufruit s’éteindra :
Dans l’hypothèse où l’usufruitier est une personne morale, il est susceptible d’être
perpétuel. En effet, une personne morale vit aussi longtemps que ses associés réalisent
son objet social. Or ces derniers sont susceptibles de se succéder éternellement, par le
jeu, soit des transmissions à cause de mort, soit des cessions de droits sociaux.
Aussi, afin que la règle impérative qui assortit l’usufruit d’un caractère temporaire
s’applique également aux personnes morales, l’article 619 du Code civil que
« l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. »
Cette règle est d’ordre public, de sorte que la durée ainsi posée ne saurait être
allongée. Dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation n’a pas manqué de le
rappeler, en jugeant que « l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder
trente ans » (Cass. 7 mars 2007, n°06-12568).
C) La consolidation
==> Principe général
L’acte opérant cette consolidation peut consister en une cession, une donation, un legs,
un échange et plus généralement en toute opération translative de propriété.
L’article 621 du Code civil dispose que « en cas de vente simultanée de l’usufruit et
de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété
selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour
reporter l’usufruit sur le prix. »
Cette disposition est directement issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant
réforme des successions et des libéralités qui a tenté de régler une difficulté à laquelle
étaient confrontés les praticiens du droit.
Cette question ne concerne pas spécifiquement les partages successoraux, mais vise à
préciser de manière générale le règlement de la vente globale d’un bien démembré,
quel qu’en soit le contexte ou la raison.
Les parties conservent néanmoins la faculté de décider que l’usufruit se reportera sur
le prix, ce qui revient à constituer un quasi-usufruit à la faveur de l’usufruitier, lequel
pourra alors librement disposer de l’intégralité du prix de cession.
Cette imprécision renvoie alors à la totale liberté des parties, dont le contentieux
éventuel devra être tranché par le juge.
Dans un arrêt du 25 février 1997, la Cour de cassation a ainsi jugé que « la répartition
du prix entre les venderesses, usufruitière et nue-propriétaire des actions, devait être
proportionnelle à la valeur comparative de l’usufruit et de la nue-propriété et en
retenant souverainement que l’évaluation de l’usufruit devait se faire en tenant
compte de l’âge de l’usufruitière et du revenu net qu’elle pouvait espérer obtenir des
actions vendues » (Cass. 3e civ. 25 févr. 1997).
Une autre solution consiste à s’appuyer sur le dispositif fiscal, au moins par défaut.
Les parties se mettent en effet d’accord sur la valeur respective des droits, soit en se
basant sur la valeur fiscale prévue par le code général des impôts, soit au regard des
tables actuarielles dites « de Xénard » – du nom du notaire qui les a élaborées –
permettant de déterminer la valeur économique de l’usufruit et auxquelles les
praticiens se réfèrent souvent.
S’agissant d’un usufruit à durée limitée, la valeur fiscale de l’usufruit est fixée par le
même article 669 du CGI à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque
période de 10 ans, dans la limite de la valeur de l’usufruit viager.
D) La renonciation
Proche du mécanisme de la consolidation, la renonciation de l’usufruitier à son droit
est une cause d’extinction de l’usufruit. Elle peut prendre plusieurs formes.
En effet, la renonciation peut être :
Conventionnelle ou unilatérale
Onéreuse ou libérale
En tout état de cause, il est admis que la renonciation emporte mutation d’un droit réel.
La raison en est que la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ne donne ouverture à
aucun impôt ou taxe que lorsque cette réunion a lieu par l’expiration du temps fixé
pour l’usufruit ou par le décès de l’usufruitier (art. 1133 CGI).
Aussi, lorsque la réunion a lieu avant l’expiration du terme convenu pour la durée de
l’usufruit ou avant l’expiration normale de celui-ci par le décès de l’usufruitier, par
l’effet d’une renonciation de l’usufruitier ou d’une convention quelconque, l’impôt de
mutation est dû sur la convention intervenue.
En outre, lorsque l’usufruit porte sur un immeuble, obligation est faite au renonçant
d’accomplir toutes les formalités de publicité foncière en application de l’article 28 du
décret du 4 janvier 1955, faute de quoi l’acte de renonciation sera inopposable aux
tiers.
Enfin, l’article 622 du Code civil prévoit que « les créanciers de l’usufruitier peuvent
faire annuler la renonciation qu’il aurait faite à leur préjudice. ».
Autrement dit, si l’usufruitier agit en fraude de leurs droits, ils pourront demander la
réintégration de l’usufruit dans son patrimoine pour mieux pouvoir l’appréhender en
cas de mise en œuvre de procédures d’exécution forcée.
E) Le non-usage
L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par le non-usage
du droit pendant trente ans ».
Il ressort de cette disposition que, à la différence du droit de propriété qui est
imprescriptible, le droit d’usufruit succombe sous l’effet de la prescription extinctive
dont le délai est fixé à trente ans. Ce délai court à compter du dernier acte accompli
par l’usufruitier.
A contrario, cela signifie que dès lors que l’usufruitier exerce son droit d’user et de
jouir de la chose, même très rarement, le jeu de la prescription extinctive est
neutralisé.
Plus précisément, cela suffit à l’interrompre et donc à effacer le délai de prescription
acquis et faire courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.
À cet égard, il importe peu que l’acte interruptif soit accompli par l’usufruitier lui-
même ou qu’il soit accompli par un tiers en son nom (locataire, mandataire, etc.)
F) L’usucapion
Bien que prévu par aucun texte, il est admis que l’usufruit puisse être acquis par le jeu
de la prescription acquisitive attachée à la possession, ce qui a pour conséquence de
faire perdre à l’usufruitier initial son droit de jouissance sur la chose.
L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir
un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé
d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise
foi. »
La prescription acquisitive aura vocation à jouer lorsque celui qui tire profit de la
jouissance de la chose se comportera comme le véritable usufruitier.
Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès
d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura
ainsi été institué usufruitier a non domino.
S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien
objet de la possession.
S’il s’agit d’un immeuble, la prescription pourra être de 10 ans en cas de bonne
foi du possesseur et de justification d’un juste titre. À défaut, la durée de la
prescription acquisitive est portée à trente ans.
S’il s’agit d’un meuble, l’effet acquisitif de la possession est immédiat, sauf à
ce que le possesseur soit de mauvaise foi auquel cas la durée de la prescription
sera de trente ans.
G) La perte de la chose
==> Principe
L’article 617, al. 4 du Code civil prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la perte
totale de la chose sur laquelle l’usufruit est établi. »
La perte de la chose a donc pour conséquence de mettre fin à l’usufruit, car le privant
d’objet.
En outre, l’article 624 du Code civil envisage le cas particulier de l’usufruit portant sur
un immeuble.
Cette disposition distingue, selon qu’est ou non inclus dans son assiette le sol.
L’article 623 du Code civil prévoit en ce sens que « si une partie seulement de la
chose soumise à l’usufruit est détruite, l’usufruit se conserve sur ce qui reste. »
==> Exception
Par exception, il est admis que lorsque la perte de la chose donne lieu au paiement
d’une indemnité, l’usufruit se reporte sur cette indemnité par le jeu d’une subrogation
réelle.
Il en va ainsi lorsqu’un bien mobilier ou immobilier dont est propriétaire une personne
est remplacé par une somme d’argent correspondant à la valeur du bien remplacé.
Par abus de jouissance, il faut entendre une faute dont la gravité est de nature à altérer
la substance du bien grevé par l’usufruit ou à en menacer la restitution.
Aussi, doit-il s’agit d’une faute commise, soit par l’usufruitier, soit par la personne
dont il répond.
Bien que le Code civil soit silencieux sur ce point, il est, en effet, fait obligation à
l’usufruitier d’utiliser la chose conformément à la destination prévue dans l’acte de
constitution de l’usufruit.
Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du
propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.
C’est ainsi que dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e civ. 4 juin 1975, n°74-10777).
II) Les effets de l’extinction
L’extinction de l’usufruit emporte deux conséquences :
La restitution de la chose
Le règlement des comptes
A) La restitution de la chose
1. Principe
==> Droit commun
Cette restitution doit, en principe, intervenir en nature. Elle doit alors être restituée
dans l’état où elle se trouvait au moment de la délivrance, et plus précisément tel que
décrit dans l’inventaire qui a été dressé en application de l’article 600 du Code civil.
Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de biens, il convient de distinguer selon
que cette universalité est de droit ou de fait
L’article 589 du Code civil dispose que « si l’usufruit comprend des choses qui, sans
se consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des
meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles
sont destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où
elles se trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute. »
Ainsi, lorsque la détérioration procède d’un usage normal de la chose, il n’y a pas lieu
pour l’usufruitier à indemniser le nu-propriétaire.
On considère ici qu’elle se serait autant détériorée si elle avait été entre ses mains. Si
toutefois cette détérioration résulte d’un manquement imputable à l’usufruitier qui
n’aurait pas joui de la chose comme un bon père de famille, il sera redevable de
dommages et intérêts à l’égard du nu-propriétaire.
L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont
tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit. »
Lorsqu’ainsi la détérioration de la chose est due à un événement indépendant de la
volonté de l’usufruitier (phénomène naturel, guerre, grève etc.) il ne doit aucune
indemnité au nu-propriétaire et inversement.
Il peut être précisé que lorsque l’usufruitier a entrepris des travaux d’amélioration, les
dépenses engagées demeurent à la charge de l’usufruitier.
Par amélioration, il faut entendre tous les travaux qui ne se justifient pas par la
conservation du bien et qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.
L’article 599, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier ne peut, à la
cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il
prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée. »
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation elle a fait une application de la
règle ainsi énoncée en jugeant que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations
d’entretien et que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à
moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien,
depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ; que ce
dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les
améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût
augmentée » (Cass. com. 12 juin 2012, n°n° 11-11424).
L’objectif recherché ici est d’éviter tout contentieux sur l’estimation de la plus-value
réalisée et de protéger le nu-propriétaire de dépenses dispendieuses qui pourraient être
engagées par l’usufruitier, celui-ci pouvant être encouragé par la perspective d’être
intégralement indemnisé à l’expiration de son droit. Ce sera là une charge très lourde
qui pourrait être imposée au nu-propriétaire, alors même qu’il n’a rien demandé, ni n’a
été en mesure d’y consentir.
Pour c’est raison, il est constant en jurisprudence que les dépenses d’amélioration
demeurent à la charge du seul usufruitier.
Cette position n’est pas sans faire l’objet de critiques dans la mesure où cela revient :
D’une part, à admettre un cas d’enrichissement sans cause, ce en contravention
avec l’article 1303 du Code civil
D’autre part, à placer l’usufruitier dans une situation bien moins avantageuse
que le possesseur de mauvaise foi qui, en application de l’article 555, al. 3 du
Code civil, est fondé à obtenir une indemnité lorsqu’il a édifié une construction
sur le fonds qu’il occupe et que le propriétaire décide d’exercer son droit à la
conserver
Malgré ces critiques, la jurisprudence est demeurée intransigeante. Elle a notamment
refusé de distinguer, ainsi que cela avait été suggéré, de distinguer selon que la défense
engagée vise à améliorer le bien soumis à usufruit ou à en acquérir un nouveau.
La Cour de cassation considère que cette règle s’applique en tout état de cause, y
compris lorsque l’amélioration du bien consiste en l’édification d’une construction/
Dans un arrêt du 4 novembre 1885, elle a par exemple jugé que « suivant l’esprit de
[l’article 599], on ne doit considérer comme améliorations soit les constructions
ayant pour effet d’achever un bâtiment commencé, ou bien d’agrandir un édifice
préexistant » (Cass. req. 4 nov. 1885).
Dans un arrêt du 19 septembre 2012 la troisième chambre civile a précisé « qu’il
n’existait aucun enrichissement pour la nue-propriétaire qui n’entrera en possession
des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, l’accession n’a pas opéré
immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol » (Cass. 3e civ. 19 sept. 2012,
n°11-15460).
Seule limite à la règle ainsi posée : l’alinéa 3 de l’article 599 du Code civil autorise
l’usufruitier à « enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’il aurait fait
placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état. »
Ce droit de disposer de la chose est néanmoins restreint, car il ne lui permet pas de
détruire le bien, alors même que cette prérogative relève de l’abusus.
La raison en est que s’il détruisait la chose, il porterait atteinte au droit – réel de
l’usufruitier – qui serait privé de la faculté d’en jouir.
C’est donc un droit de disposer diminué qui est conféré au nu-propriétaire. Il conserve
néanmoins la faculté de céder son droit ou de grever la nue-propriété de droits réels
(sûretés, servitudes).
À cet égard, l’article 621 du Code civil précise que « la vente du bien grevé d’usufruit,
sans l’accord de l’usufruitier, ne modifie pas le droit de ce dernier, qui continue à
jouir de son usufruit sur le bien s’il n’y a pas expressément renoncé. »
B) Le droit de percevoir les produits
Si l’usufruitier est titulaire du droit de percevoir les fruits engendrés par la chose, c’est
au nu-propriétaire que reviennent les produits.
Pour rappel, les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance
Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une carrière ou d’une mine. Il
en va de même des arbres de haute futaie des forêts qui sont ceux laissés en place pour
qu’ils atteignent leur pleine maturité. N’ayant pas vocation à être coupés à échéance
périodique, on les qualifie de produits.
Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des fruits, on perçoit
seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les produits d’une chose, on
perçoit une fraction du capital, qui se trouve ainsi entamé »[1].
C’est la raison pour laquelle, les produits ne peuvent être perçus que par le nu-
propriétaire dont le droit s’exerce sur le capital.
C) Actes conservatoires
Bien que l’accomplissement d’actes conservatoires relève des prérogatives de
l’usufruitier, le nu-propriétaire est directement intéressé par la conservation de la
chose. Et pour cause, il a vocation à recouvrer la pleine propriété du bien à l’expiration
de l’usufruit.
Aussi, est-il admis que, pour assurer la sauvegarde de la substance de la chose, le nu-
propriétaire puisse accomplir tous les actes conservatoires requis, notamment en cas de
carence de l’usufruitier.
Il pourra donc s’agir d’engager une procédure de recouvrement, renouveler une sûreté,
interrompre un délai de prescription
Il pourra encore contraindre l’usufruitier à prendre toutes les mesures utiles aux fins
d’éviter que la chose ne se détériore et plus généralement à engager des travaux
d’entretien.
Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
D) Actions en justice
Le nu-propriétaire est fondé à engager toutes les actions en justice qui vise à préserver
son droit de propriété.
Il peut enfin agir contre l’usufruitier qui manquerait à ses obligations, en particulier
s’il constate qu’il commet un abus de jouissance, lequel abus est sanctionné par la
déchéance de l’usufruit.
La raison en est qu’il doit pouvoir agir au plus vite afin de prendre toutes les mesures
utiles que requiert la situation. Il doit néanmoins pouvoir empêcher l’usufruitier
d’accomplir des actes qui auraient des conséquences irréversibles.
Ce droit à être informé dont est titulaire le nu-propriétaire a été reconnu par la Cour de
cassation dans un arrêt du 12 novembre 1998 qui, dans cette affaire, avait qualifié le
portefeuille de valeurs mobilières d’universalité de fait (Cass. 1ère civ. 12 nov. 1998,
n°96-18041)
Or lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est investi
l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais l’ensemble
constitué par ces biens, soit le tout.
Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver l’universalité, prise dans
sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la détruire.
Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer de chacun des
éléments qui composent l’universalité.
Aussi, afin de prévenir cette situation, la Cour de cassation a instauré une obligation
d’information du nu-propriétaire sur la modification du contenu du portefeuille de
valeurs mobilières.
Dans un arrêt du 3 décembre 2002, la troisième chambre civile a précisé que « pour
déterminer la substance conservée et la valeur du bien à partager, il est nécessaire
que l’usufruitière puisse donner tous les éléments nécessaires pour déterminer si les
seules valeurs subsistantes au jour du partage, représentent bien toute la substance de
l’universalité qu’elle était chargée de conserver » (Cass. 3e civ. 3 déc. 2002, n°00-
17870).
Cette obligation d’information instituée par la Cour de cassation doit être exécutée
pendant toute la durée de l’usufruit, l’objectif recherché étant que le nu-propriétaire
puisse, en cas de manquement grave de l’usufruitier, engager toutes les actions
nécessaires à la préservation de ses droits.
Dans un arrêt du 28 novembre 1972, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que
méconnaissait les droits de l’usufruitier le nu-propriétaire qui en défrichant et en
clôturant un domaine anéantissait toute possibilité de chasse (Cass. 1ère civ. 28 nov.
1972).
Les seuls travaux d’ampleur que le nu-propriétaire est autorisé à effectuer sont ceux
qui visent à réaliser des grosses réparations.
Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.
En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.
La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :
==> Répartition
Principe
Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
Exceptions
Négligence de l’usufruitier
L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
Travaux d’amélioration
Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» ( com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
Reconstruction du bien
L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation
La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e civ. 10 juill. 2002, n°00-22158 ; Cass. 3e civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.
Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.
Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
C) L’obligation de s’acquitter des charges extraordinaires
Tandis que les charges périodiques incombent à l’usufruitier (impôt sur le revenu, taxe
d’habitation, taxe foncière etc.), car directement attachées à la jouissance du
bien, l’article 609 du Code civil fait supporter au nu-propriétaire les charges dites
extraordinaires.
Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.
Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire.
Il ressort de l’article 601 du Code civil que l’usufruitier est tenu « de jouir en bon père
de famille » du bien soumis à l’usufruit.
Dit autrement, cela signifie que le droit d’usufruit doit s’exercer dans le respect du
droit de propriété du nu-propriétaire.
Tel est notamment le cas des charges fiscales au nombre desquelles figurent, l’impôt
sur les revenus générés par le bien, la taxe d’habitation, la taxe foncière, les charges de
copropriété relatives aux services collectifs.
Classiquement, on oppose les charges périodiques aux charges extraordinaires qui sont
visées à l’article 609 du Code civil.
Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.
Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire
Les dépenses d’entretien sont donc celles qui visent à conserver le bien en bon état. En
application de l’article 605 du Code civil, elles sont à la charge du seul usufruitier.
Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par dépense d’entretien,
la réponse déterminant si elle doit ou non être supportée par l’usufruitier.
Plus généralement, ainsi que l’indique l’article 606, al. 3e du Code civil les dépenses
d’entretien sont toutes celles qui ne sont pas des grosses réparations.
==> Exécution de l’obligation
Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
2. Les grosses réparations
==> Notion
Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.
En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.
La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :
==> Répartition
Principe
Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
Exceptions
Négligence de l’usufruitier
L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
Travaux d’amélioration
Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» ( com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
Reconstruction du bien
L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation
La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e civ. 10 juill. 2002, n°00-22158 ; Cass. 3e civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.
Aussi, il n’y a entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.
Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.
Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
C) La contribution aux dettes grevant le patrimoine soumis à l’usufruit
Il ressort des articles 610- 611 et 612 du Code civil que, selon que l’usufruit est
universel, à titre universel, ou à titre particulier, l’usufruitier sera ou non tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine dont il jouit.
Pour rappel :
L’usufruit universel est celui qui porte sur une l’universalité des biens, soit sur
l’ensemble d’un patrimoine
L’usufruit à titre universel est celui qui porte sur une quote-part des biens,
telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou
une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier
L’usufruit à titre particulier est celui qui porte sur un ou plusieurs biens
individualisés
Ceci étant rappelé, le Code civil opère une distinction entre :
D’une part, l’usufruitier à titre particulier qui n’est pas tenu de contribuer aux
dettes grevant le patrimoine dont relève le ou les biens dont il jouit
D’autre part, l’usufruitier universel et à titre universel qui est tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine ou la quotité de patrimoine soumis à
l’usufruit
S’agissant de l’usufruitier à titre particulier, l’article 611 du Code civil précise que
qu’il « n’est pas tenu des dettes auxquelles le fonds est hypothéqué : s’il est forcé de
les payer, il a son recours contre le propriétaire, sauf ce qui est dit à l’article 1020,
au titre » Des donations entre vifs et des testaments » ».
Ainsi, en cas d’usufruit constitué sur un bien grevé d’une hypothèque, la dette attachée
à la sûreté n’incombe pas à l’usufruitier. Reste qu’il peut être poursuivi par le
créancier hypothécaire au titre de son droit de suite. L’usufruitier, s’il veut conserver
la jouissance du bien, n’aura alors d’autre choix que de régler la dette, charge à lui de
se retourner contre le nu-propriétaire.
S’agissant de l’usufruitier universel et à titre universel, l’idée qui préside à
l’obligation de contribution de l’usufruitier à la dette est qu’il jouit d’un patrimoine ou
d’une quote-part de celui-ci. Or un patrimoine consiste en une corrélation entre un
actif et un passif.
Il en résulte que la jouissance de l’actif s’accompagne nécessairement d’une
contribution aux dettes qui composent le passif.
C’est la raison pour laquelle, le Code civil met à la charge de l’usufruit le règlement
des intérêts de la dette, lesquels ne sont autres que l’équivalent des revenus engendrés
par le patrimoine soumis à l’usufruit.
Il ressort de l’article 601 du Code civil que l’usufruitier est tenu « de jouir en bon père
de famille » du bien soumis à l’usufruit.
Dit autrement, cela signifie que le droit d’usufruit doit s’exercer dans le respect du
droit de propriété du nu-propriétaire.
Par substance, il faut entendre les caractères substantiels du bien, ceux qui le
structurent et sans lesquels il perdrait son identité.
Tel est notamment le cas des charges fiscales au nombre desquelles figurent, l’impôt
sur les revenus générés par le bien, la taxe d’habitation, la taxe foncière, les charges de
copropriété relatives aux services collectifs.
Les charges périodiques incombent à l’usufruitier dans la mesure où elles sont
directement attachées à la jouissance du bien.
Classiquement, on oppose les charges périodiques aux charges extraordinaires qui sont
visées à l’article 609 du Code civil.
Cette disposition les définit comme celles « qui peuvent être imposées sur la propriété
pendant la durée de l’usufruit ».
Ces charges sont attachées à la substance de la chose, au capital. Il s’agit, par exemple,
des frais de bornage.
Reste que les créanciers ne peuvent agir, pour le recouvrement du capital de la dette,
que contre le nu-propriétaire
D’une part, il peut s’agir de dépenses d’entretien, soit des dépenses qui visent à
conserver le bien en bon état
D’autre part, il peut s’agir de grosses réparations, soit des dépenses qui visent à
remettre en état la structure du bien
Tandis que les dépenses d’entretien sont à la charge de l’usufruitier, les grosses
réparations sont, quant à elles, à la charge du nu-propriétaire.
Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par dépense d’entretien,
la réponse déterminant si elle doit ou non être supportée par l’usufruitier.
Plus généralement, ainsi que l’indique l’article 606, al. 3e du Code civil les dépenses
d’entretien sont toutes celles qui ne sont pas des grosses réparations.
==> Exécution de l’obligation
Dans un arrêt du 21 mars 1962 la Cour de cassation a, en effet, jugé que « le nu-
propriétaire peut, pendant la durée de l’usufruit, contraindre l’usufruitier à effectuer
les réparations d’entretien tendant à la conservation de l’immeuble ou de la partie de
l’immeuble grevée d’usufruit » (Cass. 1ère civ. 21 mars 1962).
À cet égard, en cas d’inaction de l’usufruitier il est un risque qu’il soit déchu de son
droit. L’article 618 du Code civil prévoit, en effet, que « l’usufruit peut aussi cesser
par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations
sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. »
2. Les grosses réparations
==> Notion
Contrairement aux dépenses d’entretien qui ne sont pas définies par le Code civil, les
grosses réparations sont listées par l’article 606.
En application de cette disposition elles s’entendent des réparations des gros murs,
voûtes et planchers, du rétablissement des poutres, des couvertures entières, des
digues, murs de soutènement et clôtures.
La Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles qui « intéressent
l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations
d’entretien « sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de
l’immeuble » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2005, n°04-13764).
Il a par exemple été jugé que :
==> Répartition
Principe
Parce que les grosses réparations se rattachent à la substance même de la
chose, l’article 605 prévoit qu’elles sont à la charge du seul nu-propriétaire.
Il devra s’acquitter de son obligation au plus tard à l’expiration de
l’usufruit.
Exceptions
Négligence de l’usufruitier
L’article 605 indique que les grosses réparations restent à la
charge de l’usufruitier lorsqu’elles ont été occasionnées par le défaut de
réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas
l’usufruitier en est aussi tenu.
Ainsi, dans l’hypothèse où les grosses réparations résulteraient de
la faute de l’usufruitier qui n’auraient pas satisfait à son obligation
d’entretien et de conservation de la chose en bon état, c’est lui qui en
supportera le coût.
Travaux d’amélioration
Lorsque les grosses réparations s’apparentent à des travaux
d’améliorations, elles demeurent à la charge de l’usufruitier
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation a jugé en ce
sens que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que
les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins
qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations
d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en
est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit,
réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait
avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée» ( com.
12 juin 2012, n°n° 11-11424).
Reconstruction du bien
L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni
l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce
qui a été détruit par cas fortuit.»
Lorsque, de la sorte, un immeuble est tombé en ruine, aucune
obligation n’est faite au nu-propriétaire de le rebâtir, sous réserve que la
cause de l’état du bien réside dans le cas fortuit.
Dans l’hypothèse où la destruction de l’immeuble serait imputable
au nu-propriétaire, il devra indemniser l’usufruitier et inversement.
==> Exécution de l’obligation
La Cour de cassation a jugé dans plusieurs arrêts que l’usufruitier ne pouvait pas
contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations sur le bien (V. en ce
sens Cass. 3e civ. 10 juill. 2002, n°00-22158 ; Cass. 3e civ. 18 déc. 2013, n°12-18537).
La raison en est qu’ils sont tous deux titulaires de droits réels qui sont indépendants
l’un de l’autre.
Reste que dans l’hypothèse où l’usufruitier a été contraint de supporter la charge des
grosses réparations, il disposera d’un recours contre le nu-propriétaire qu’il pourra
exercer à l’expiration de l’usufruit.
Dans un arrêt du 17 juillet 1911 la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’usufruitier
qui a supporté le coût d’une grosse réparation était fondé à réclamer le montant de la
plus-value en résultant lors de la cessation de l’usufruit (Cass. civ. 17 juill. 1917).
C) La contribution aux dettes grevant le patrimoine soumis à l’usufruit
Il ressort des articles 610- 611 et 612 du Code civil que, selon que l’usufruit est
universel, à titre universel, ou à titre particulier, l’usufruitier sera ou non tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine dont il jouit.
Pour rappel :
L’usufruit universel est celui qui porte sur une l’universalité des biens, soit sur
l’ensemble d’un patrimoine
L’usufruit à titre universel est celui qui porte sur une quote-part des biens,
telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou
une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier
L’usufruit à titre particulier est celui qui porte sur un ou plusieurs biens
individualisés
Ceci étant rappelé, le Code civil opère une distinction entre :
D’une part, l’usufruitier à titre particulier qui n’est pas tenu de contribuer aux
dettes grevant le patrimoine dont relève le ou les biens dont il jouit
D’autre part, l’usufruitier universel et à titre universel qui est tenu de
contribuer aux dettes grevant le patrimoine ou la quotité de patrimoine soumis à
l’usufruit
S’agissant de l’usufruitier à titre particulier, l’article 611 du Code civil précise que
qu’il « n’est pas tenu des dettes auxquelles le fonds est hypothéqué : s’il est forcé de
les payer, il a son recours contre le propriétaire, sauf ce qui est dit à l’article 1020,
au titre » Des donations entre vifs et des testaments » ».
Ainsi, en cas d’usufruit constitué sur un bien grevé d’une hypothèque, la dette attachée
à la sûreté n’incombe pas à l’usufruitier. Reste qu’il peut être poursuivi par le
créancier hypothécaire au titre de son droit de suite. L’usufruitier, s’il veut conserver
la jouissance du bien, n’aura alors d’autre choix que de régler la dette, charge à lui de
se retourner contre le nu-propriétaire.
Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir de percevoir les revenus que le
bien lui procure.
Pour l’usufruitier d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers réglés par son
locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds
placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou
encore le sésame qu’il a cultivé.
L’article 582 du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier a le droit de jouir de
toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire
l’objet dont il a l’usufruit. »
Immédiatement, il convient alors de préciser ce que l’on doit entendre par « fruits »,
lesquels doivent être distingués des « produits. »
I) Distinction en les fruits et les produits
L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de
celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné
à bail des loyers et une carrière des pierres.
La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire
profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.
La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre
les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.
En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la
substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans
d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un
nouveau bien.
Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des
produits, l’intérêt de la distinction étant réel, notamment en cas de démembrement du
droit de propriété.
Exposé de la distinction
Les fruits
Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit
périodiquement sans altération de sa substance.
Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits
d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation
d’une usine.
Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
Les fruits naturels
L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les
fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre.
Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits
naturels. »
Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose
spontanément sans le travail de l’homme
Exemple : les champignons des prés, les fruits des
arbres sauvages
Les fruits industriels
L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels
d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
Il s’agit donc des fruits dont la production procède
directement du travail de l’homme.
Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois
taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
Les fruits civils
L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont
les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les
arrérages des rentes. »
L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme
sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus
par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou
encore les intérêts d’une somme argent prêtée
Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire,
il doit donc remplir deux critères :
La périodicité (plus ou moins régulière)
La conservation de la substance de la chose dont ils
dérivent.
Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce
qu’il [le fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la
substance du capital que le fruit se distingue du produit».
Les produits
Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance
Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une
carrière ou d’une mine
Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des
fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les
produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve
ainsi entamé»[2].
Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera
pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette
perception est périodique ou isolée.
Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on
sera en présence de produits.
Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les
pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des
produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la
substance.
Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en
couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour
devenir des fruits.
Intérêt de la distinction
La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le
plan juridique.
En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la
chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du
capital, appartiennent au nu-propriétaire.
Manifestement, la qualification de fruit ou de produit du revenu généré par la chose est
d’importance, car elle détermine qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier en
bénéficiera.
Si, en principe, cette qualification est prédéterminée par la nature de la chose, il est des
cas où elle dépend de la volonté du propriétaire qui selon l’exploitation qu’il en fait
pourra en retirer, tantôt des fruits, tantôt des produits.
Illustration est faite de cette possibilité dans le code civil qui distingue selon que sont
présents sur un fonds soumis à usufruit des arbres de haute futaie des forêts ou des
bois taillis.
Le texte prévoit que « les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés
ou brisés par accident, appartiennent à l’usufruitier, à la charge de les remplacer par
d’autres. »
II) L’acquisition des fruits
==> Le moment d’acquisition des fruits
L’article 604 du Code civil dispose que « le retard de donner caution ne prive pas
l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut percevoir les fruits produits par la
chose à compter du moment où son droit est ouvert.
La question qui alors se pose est de savoir à quel moment s’opère cette ouverture du
droit de l’usufruitier ?
Les règles qui régissent l’acquisition des fruits diffèrent selon qu’il s’agit de fruits
naturels, de fruits industriels ou encore de fruits civils.
L’article 595, al. 1er du Code civil prévoit que « l’usufruitier peut jouir par lui-même,
donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit. »
Ainsi, l’usufruitier est-il autorisé, par principe, à donner la chose soumise à l’usufruit à
bail.
Aussi, afin qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits du nu-propriétaire qui, en
présence d’un tel bail, serait contraint d’en supporter la charge à l’extinction de
l’usufruit, le législateur a encadré l’opposabilité des actes accomplis en la matière par
l’usufruitier.
S’agissant des baux conclus pour une durée égale ou inférieure à neuf ans
Le principe posé par l’article 595 du Code civil, c’est que l’usufruitier
pour conclure seul ce type de baux, de sorte qu’ils sont parfaitement
opposables au nu-propriétaire.
Ils auront donc vocation à se poursuivre à l’expiration de l’usufruit sans
que le nu-propriétaire puisse s’y opposer.
L’alinéa 3 de l’article 595 a néanmoins apporté un tempérament à cette
règle en prévoyant que « les baux de neuf ans ou au-dessous que
l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration
du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la
même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur
exécution n’ait commencé avant la cessation de l’usufruit.».
L’objectif visée par cette règle est de limiter les conséquences d’un
renouvellement de bail par anticipation.
Ainsi, selon qu’il s’agit d’un bail rural ou d’un autre type de bail, le
renouvellement du bail ne pourra intervenir que trois ans ou deux avant
l’expiration du bail en cours
S’agissant des baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans
Il ressort de l’article 595 du Code civil que lorsque le bail est conclu pour
une durée supérieure à 9 ans, il est inopposable au nu-propriétaire.
L’alinéa 2e de cette disposition prévoit en ce sens que « les baux que
l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas
de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire que
pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si
les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de
manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la
période de neuf ans où il se trouve»
S’agissant des baux portant sur un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal
L’article 595, al. 4 dispose que « l’usufruitier ne peut, sans le concours
du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal. A défaut d’accord du nu-propriétaire,
l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte. »
Pour les baux visés par cette disposition, l’usufruitier est donc contraint
d’obtenir l’accord du nu-propriétaire.
Cet accord n’est toutefois pas indispensable, dans la mesure où le texte
ouvre une action à l’usufruitier qui peut solliciter le juge aux fins de
l’autoriser à conclure le bail.
Elle lui sera accordée lorsqu’il s’avère que le refus du nu-propriétaire est
seulement animé par l’intention de nuire ou qu’elle ne repose sur aucune
raison valable.
En cas d’absence d’autorisation du nu-propriétaire ou du juge, la sanction
encourue c’est la nullité du bail et non l’inopposabilité (V. en ce sens 3e
civ., 26 janv. 1972).
Dans un arrêt du 16 décembre 1987, la Cour de cassation a précisé que
« l’exercice de l’action en nullité découlant de l’article 595 du Code civil
n’est pas subordonné à la cessation de l’usufruit » ( 3e civ., 16 déc. 1987,
n° 86-15324).
Il en résulte que l’action peut être engagée sans qu’il soit besoin
d’attendre la fin de l’usufruit
A cet égard, la nullité est ici relative, de sorte que l’action appartient au
seul nu-propriétaire.
L’usufruit peut tout autant porter sur un bien pris individuellement, que sur un
ensemble de biens.
Elles ont, autrement dit, une réalité matérielle, en ce qu’elles peuvent être touchées
physiquement. Tel est le cas d’une maison, d’un arbre, d’une pièce de monnaie, d’une
table, un terrain, etc..
Il résulte qu’elles ne peuvent jamais être le fruit de la nature : elles sont toujours
artificielles, soit le produit d’une activité humaine.
L’intangibilité des choses incorporelles ne fait pas obstacle à ce qu’elle fasse l’objet
d’un usufruit.
À l’évidence, lorsque l’usufruit porte sur une chose consomptible, cette situation
soulève une difficulté qui tient à la fonction même de l’usufruit.
Il est, en effet, de principe que l’usufruit ne confère à l’usufruitier qu’un droit d’usage
sur la chose, de sorte qu’il ne peut pas en disposer.
Si l’in appliquait cette règle strictement aux choses consomptibles, cela reviendrait à
priver l’usufruitier d’en jouir et donc de vider le droit réel dont il est titulaire de sa
substance.
C’est la raison pour laquelle, par exception, l’usufruitier est autorisé à disposer de la
chose, telle le véritable propriétaire (on parle alors de quasi-usufruit).
L’article 587 du Code civil prévoit en ce sens que « si l’usufruit comprend des choses
dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les
liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de
l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la
date de la restitution ».
En contrepartie du droit de jouir d’une chose consomptible, l’usufruitier a donc
l’obligation de restituer, à l’expiration de l’usufruit, soit une chose de même qualité et
de même quotité, soit son équivalent en argent.
L’usufruit confère à son titulaire un droit réel. L’exercice de ce droit n’est, toutefois,
pas sans contrepartie.
De son côté, le nu-propriétaire exerce également un droit réel sur la chose. Ce droit,
dont l’assiette est pendant toute la durée de l’usufruit pour le moins restreinte, a, au
fond, pour intérêt majeur de garantir au nu-propriétaire le recouvrement de la pleine
propriété de la chose à l’expiration de l’usufruit.
François Terré et Philippe Simler ont écrit en ce sens que « le Code civil a conçu
l’usufruit et la nue-propriété comme deux droits réels, coexistant sur la chose et
juxtaposés, mais séparés : il n’y a pas communauté, mais bien séparation d’intérêts
entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ».
Il n’y a donc, entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.
Les seules limites à l’exercice indépendant de ces droits réels dont ils sont titulaires
sont celles posées par la loi, laquelle met à la charge de l’usufruitier plusieurs
obligations propter rem (art. 600 à 615 C. civ.).
Nous nous focaliserons ici sur les droits de l’usufruitier.
Tel n’est pourtant pas le cas. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que le
démembrement du droit de propriété entre un usufruitier et un nu-propriétaire ne
permet, ni à l’un, ni à l’autre de détruire le bien, alors même qu’il s’agit d’une
prérogative dont est investi le plein propriétaire.
Parce qu’il est titulaire de l’usus, l’usufruitier est investi du pouvoir de faire usage de
la chose en exerçant sur elle une emprise matérielle.
Le Doyen Carbonnier définissait l’usus comme « cette sorte de jouissance qui
consiste à retirer personnellement – individuellement ou par sa famille – l’utilité ou le
plaisir que peut procurer par elle-même une chose non productive ou non exploitée
(habiter sa maison, porter ses bijoux, c’est en user) ».
À cet égard, le droit d’user de la chose confère à son titulaire la liberté de choisir
l’usage de la chose, soit de s’en servir selon ses propres besoins, convictions et
intérêts.
À cet égard l’article 597 du Code civil précise, s’agissant de l’usufruitier, qu’« il jouit
des droits de servitude, de passage, et généralement de tous les droits dont le
propriétaire peut jouir, et il en jouit comme le propriétaire lui-même. »
L’usufruitier peut ainsi :
Utiliser la chose pour ses besoins personnels et pour autrui (habiter une maison,
utiliser une voiture
Donner la chose à bail
Exploiter la chose (cultiver des terres, exploiter un fonds de commerce ou le
donner en location-gérance etc..)
Consommer les choses consomptibles, à charge de les restituer par équivalent
ou en valeur à l’expiration de l’usufruit
Construire un ouvrage dès lors que cela n’affecte pas de manière
irréversiblement la substance de la chose
L’article 589 du Code civil précise que si l’usufruit comprend des choses qui, sans se
consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des
meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles sont
destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où elles se
trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute.
Cela signifie donc que, pour les choses qui se détériorent par l’usage, l’usufruitier ne
devra aucune indemnité au nu-propriétaire lors de la restitution du bien, dès lors qu’il
en aura fait un usage normal.
Lorsque, en revanche, l’usage qu’il en fait est inapproprié et est de nature à précipiter
la détérioration de la chose, l’usufruitier engagera sa responsabilité.
Cela signifie, autrement dit, que l’usufruitier doit se conformer aux habitudes du
propriétaire qui a usé de la chose avant lui, sauf à commettre un abus de jouissance.
Dans un arrêt du 4 juin 1975 la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la
conclusion d’un bail commercial sur des lieux destines à un autre usage constitue en
elle-même une altération de la substance de la chose soumise à usufruit et peut
caractériser un abus de jouissance de nature à entraîner la déchéance de l’usufruit »
(Cass. 3e civ. 4 juin 1975, n°74-10777).
==> Cas particulier de la conclusion de baux
L’article 595, al. 1er du Code civil prévoit que « l’usufruitier peut jouir par lui-même,
donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit. »
Ainsi, l’usufruitier est-il autorisé, par principe, à donner la chose soumise à l’usufruit à
bail.
Aussi, afin qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits du nu-propriétaire qui, en
présence d’un tel bail, serait contraint d’en supporter la charge à l’extinction de
l’usufruit, le législateur a encadré l’opposabilité des actes accomplis en la matière par
l’usufruitier.
S’agissant des baux conclus pour une durée égale ou inférieure à neuf ans
Le principe posé par l’article 595 du Code civil, c’est que l’usufruitier
pour conclure seul ce type de baux, de sorte qu’ils sont parfaitement
opposables au nu-propriétaire.
Ils auront donc vocation à se poursuivre à l’expiration de l’usufruit sans
que le nu-propriétaire puisse s’y opposer.
L’alinéa 3 de l’article 595 a néanmoins apporté un tempérament à cette
règle en prévoyant que « les baux de neuf ans ou au-dessous que
l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration
du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la
même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur
exécution n’ait commencé avant la cessation de l’usufruit.».
L’objectif visée par cette règle est de limiter les conséquences d’un
renouvellement de bail par anticipation.
Ainsi, selon qu’il s’agit d’un bail rural ou d’un autre type de bail, le
renouvellement du bail ne pourra intervenir que trois ans ou deux avant
l’expiration du bail en cours
S’agissant des baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans
Il ressort de l’article 595 du Code civil que lorsque le bail est conclu pour
une durée supérieure à 9 ans, il est inopposable au nu-propriétaire.
L’alinéa 2e de cette disposition prévoit en ce sens que « les baux que
l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas
de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire que
pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si
les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de
manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la
période de neuf ans où il se trouve»
S’agissant des baux portant sur un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal
L’article 595, al. 4 dispose que « l’usufruitier ne peut, sans le concours
du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage
commercial, industriel ou artisanal. A défaut d’accord du nu-propriétaire,
l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte. »
Pour les baux visés par cette disposition, l’usufruitier est donc contraint
d’obtenir l’accord du nu-propriétaire.
Cet accord n’est toutefois pas indispensable, dans la mesure où le texte
ouvre une action à l’usufruitier qui peut solliciter le juge aux fins de
l’autoriser à conclure le bail.
Elle lui sera accordée lorsqu’il s’avère que le refus du nu-propriétaire est
seulement animé par l’intention de nuire ou qu’elle ne repose sur aucune
raison valable.
En cas d’absence d’autorisation du nu-propriétaire ou du juge, la sanction
encourue c’est la nullité du bail et non l’inopposabilité (V. en ce sens 3e
civ., 26 janv. 1972).
Dans un arrêt du 16 décembre 1987, la Cour de cassation a précisé que
« l’exercice de l’action en nullité découlant de l’article 595 du Code civil
n’est pas subordonné à la cessation de l’usufruit » ( 3e civ., 16 déc. 1987,
n° 86-15324).
Il en résulte que l’action peut être engagée sans qu’il soit besoin
d’attendre la fin de l’usufruit
A cet égard, la nullité est ici relative, de sorte que l’action appartient au
seul nu-propriétaire.
B) Le droit de jouir de la chose : le fructus
L’usufruit ne confère pas seulement à l’usufruitier le droit de faire usage de la chose, il
lui confère également le droit d’en jouir.
Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir de percevoir les revenus que le
bien lui procure.
Pour l’usufruitier d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers réglés par son
locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds
placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou
encore le sésame qu’il a cultivé.
L’article 582 du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier a le droit de jouir de
toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire
l’objet dont il a l’usufruit. »
Immédiatement, il convient alors de préciser ce que l’on doit entendre par « fruits »,
lesquels doivent être distingués des « produits. »
1. Distinction en les fruits et les produits
L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de
celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné
à bail des loyers et une carrière des pierres.
La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire
profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.
La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre
les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.
En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la
substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans
d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un
nouveau bien.
Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des
produits, l’intérêt de la distinction étant réel, notamment en cas de démembrement du
droit de propriété.
Exposé de la distinction
Les fruits
Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit
périodiquement sans altération de sa substance.
Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits
d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation
d’une usine.
Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
Les fruits naturels
L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les
fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre.
Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits
naturels. »
Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose
spontanément sans le travail de l’homme
Exemple : les champignons des prés, les fruits des
arbres sauvages
Les fruits industriels
L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels
d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
Il s’agit donc des fruits dont la production procède
directement du travail de l’homme.
Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois
taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
Les fruits civils
L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont
les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les
arrérages des rentes. »
L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme
sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus
par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou
encore les intérêts d’une somme argent prêtée
Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire,
il doit donc remplir deux critères :
La périodicité (plus ou moins régulière)
La conservation de la substance de la chose dont ils
dérivent.
Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce
qu’il [le fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la
substance du capital que le fruit se distingue du produit».
Les produits
Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans
périodicité, mais dont la création en altère la substance
Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une
carrière ou d’une mine
Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des
fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les
produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve
ainsi entamé»[2].
Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera
pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette
perception est périodique ou isolée.
Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on
sera en présence de produits.
Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les
pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des
produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la
substance.
Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en
couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour
devenir des fruits.
Intérêt de la distinction
La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le
plan juridique.
En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la
chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du
capital, appartiennent au nu-propriétaire.
Manifestement, la qualification de fruit ou de produit du revenu généré par la chose est
d’importance, car elle détermine qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier en
bénéficiera.
Si, en principe, cette qualification est prédéterminée par la nature de la chose, il est des
cas où elle dépend de la volonté du propriétaire qui selon l’exploitation qu’il en fait
pourra en retirer, tantôt des fruits, tantôt des produits.
Illustration est faite de cette possibilité dans le code civil qui distingue selon que sont
présents sur un fonds soumis à usufruit des arbres de haute futaie des forêts ou des
bois taillis.
Le texte prévoit que « les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés
ou brisés par accident, appartiennent à l’usufruitier, à la charge de les remplacer par
d’autres. »
2. L’acquisition des fruits
==> Le moment d’acquisition des fruits
L’article 604 du Code civil dispose que « le retard de donner caution ne prive pas
l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut percevoir les fruits produits par la
chose à compter du moment où son droit est ouvert.
La question qui alors se pose est de savoir à quel moment s’opère cette ouverture du
droit de l’usufruitier ?
Les règles qui régissent l’acquisition des fruits diffèrent selon qu’il s’agit de fruits
naturels, de fruits industriels ou encore de fruits civils.
Les fruits naturels
L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont
ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des
animaux sont aussi des fruits naturels. »
Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans
le travail de l’homme
Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
S’agissant de leur perception, elle procède de leur séparation du sol.
Ainsi, l’article 585, al. 1er du Code civil prévoit que les fruits naturels
pendants par branches ou par racines au moment où l’usufruit est ouvert,
appartiennent à l’usufruitier.
Encore faut-il néanmoins que l’usufruitier se donne la peine de les
récolter.
L’alinéa 2e de l’article 585 précise, en effet, que les fruits « qui sont dans
le même état au moment où finit l’usufruit appartiennent au propriétaire,
sans récompense de part ni d’autre des labours et des semences, mais aussi
sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise au métayer,
s’il en existait un au commencement ou à la cessation de l’usufruit. »
Ainsi les fruits qui n’auraient pas été perçus par l’usufruitier lorsque
l’usufruit vient à expirer deviennent la propriété du propriétaire, ce, quand
bien même le coût de la cultivation a été entièrement supporté par
l’usufruitier.
Ce dernier ne peut réclamer ni la restitution du produit de la vente, ni
indemnisation
Les fruits industriels
L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont
ceux qu’on obtient par la culture. »
Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail
de l’homme.
Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices
réalisés par une entreprise
À l’instar des fruits naturels, les fruits industriels s’acquièrent par la
perception, soit par leur séparation de la chose productrice ( 585 C. civ.)
Les fruits civils
L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des
maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans
la classe des fruits civils. »
Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels
la jouissance de la chose a été concédée
Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts
d’une somme argent prêtée
S’agissant de leur perception, l’article 586 du Code civil prévoit que
« les fruits civils sont réputés s’acquérir jour par jour et appartiennent à
l’usufruitier à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s’applique
aux prix des baux à ferme comme aux loyers des maisons et autres fruits
civils. »
Il ressort de cette disposition que les fruits civils sont répartis, pour les
années d’ouverture et d’expiration du droit d’usufruit entre l’usufruitier et le
nu-propriétaire au prorata temporis.
Peu importe donc la date de la perception ; ce qui importe c’est la prise
d’effet et d’extinction du droit.
Le calcul s’opérera sur la base d’une année de 365 jours, étant précisé
que, l’usufruitier a droit aux fruits civils proportionnellement à la durée
réelle de sa jouissance.
Pour exemple, si l’usufruit expire au 1 er juillet, l’usufruitier percevra la
moitié des loyers annuels et le nu-propriétaire l’autre moitié.
Si, en revanche, l’usufruit expire au 4 mars, l’usufruitier percevra les
loyers dus pour les mois de janvier et février auxquels s’ajoutera le montant
du loyer correspondant à 4 jours de jouissance.
II) Les droits qui s’exercent sur l’usufruit
L’usufruitier n’est pas seulement investi d’un droit direct sur la chose dont il a la
jouissance, il dispose également de la faculté d’aliéner son droit et d’engager toutes les
actions en justice utiles pour en assurer la préservation.
Principe
L’article 595 du Code civil dispose que « l’usufruitier peut jouir par lui-
même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre
gratuit. »
Il ressort de cette disposition que l’usufruitier est investi du droit
d’aliéner son droit d’usufruit.
À cet égard, l’usufruitier peut :
Céder son droit à titre onéreux ou à titre gratuit
Constituer une sûreté réelle sur la chose soumise à l’usufruit (gage
pour les meubles et hypothèque pour les immeubles)
Effectuer un apport en société avec l’usufruit
En outre, il est admis que l’usufruit puisse faire l’objet d’une saisie
Limites
La faculté pour l’usufruitier d’aliéner son droit n’est pas sans limites
Tout d’abord, l’usufruit demeure, en tout état de cause
intransmissible à cause de mort.
Ensuite, parce que l’usufruit présente un caractère temporaire son
aliénation ne saurait avoir pour conséquence de porter atteinte à la
substance de la chose, ni aux droits du nu-propriétaire
Enfin, lorsque l’acte de constitution comporte une clause
d’inaliénabilité, il est fait défense à l’usufruitier de le céder
Portée
L’aliénation de l’usufruit est sans incidence sur sa durée en ce sens qu’il
a vocation à s’éteindre, soit au décès de l’usufruitier, soit à l’expiration du
terme prévu dans l’acte constitutif
Par ailleurs, c’est le cédant de l’usufruit qui répond des préjudices causés
au nu-propriétaire à raison de fautes commises par le cessionnaire.
==> Le droit d’agir en justice
Afin de préserver son droit réel, notamment des atteintes qui pourraient lui être portées
par le nu-propriétaire, plusieurs actions en justice sont ouvertes à l’usufruitier.
L’action confessoire
Cette action dont est titulaire l’usufruitier vise à faire reconnaître son
droit de jouissance sur la chose, soit à obtenir la délivrance de la chose qui
serait détenue, soit par un tiers, soit par le nu-propriétaire
Dans un arrêt du 7 avril 2004, la Cour de cassation a jugé en ce sens que
« l’usufruitier peut ester en justice, dans la mesure où il agit pour défendre
ou protéger son droit de jouissance, et que ce droit lui permet d’exercer
aussi bien une action personnelle que réelle» ( 3e civ. 7 avr. 2004, n°02-
13703).
Cette action est, en quelque sorte, à l’usufruit ce que l’action en
revendication est à la propriété.
Reste que, à la différence de l’action en revendication, l’action
confessoire n’est pas imprescriptible : l’usufruitier doit agir dans un délai de
trente ans peu importe que l’usufruit porte sur un bien meuble ou sur un
immeuble
L’action personnelle
Ainsi qu’il l’a été jugé la Cour de cassation dans l’arrêt du 7 avril 2004,
l’usufruitier dispose d’une action personnelle
Cette action poursuit parfois la même finalité que l’action confessoire :
obtenir la délivrance de la chose.
Dans cette hypothèse, son domaine est toutefois bien plus restreint que
celui de l’action confessoire puisqu’elle ne peut être dirigée que contre le
nu-propriétaire et ses ayants droits.
L’action personnelle peut également avoir pour finalité de sanctionner les
troubles de jouissance dont l’usufruitier est susceptible d’être victime.
Il sera, par exemple, fondé à engager la responsabilité du nu-propriétaire
qui accomplirait des actes qui lui causeraient un préjudice
[1] F. Zénati et Th. Revet, Les biens, éd. PUF, 2008, n°244
[2] H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, Paris 1955, t.1, p. 253, n°228.
Obligation attachée à la
constitution d’usufruit: la caution
2 AVRIL 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN COMMENTAIRE
Ces formalités qui s’imposent à l’usufruitier visent à préserver les droits et intérêts du
nu-propriétaire qui se dessaisit temporairement de son bien.
Les obligations qui échoient à l’usufruitier participent ainsi du dispositif qui vise à
protéger le nu-propriétaire qui, à l’expiration de l’usufruit, a vocation à recouvrer la
pleine propriété de son bien.
L’article 601 du Code civil dispose que l’usufruitier « donne caution de jouir en bon
père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ; cependant les
père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur,
sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. »
Cette disposition prescrit ainsi l’obligation pour l’usufruitier de fournir une caution au
nu-propriétaire.
La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les garanties qui satisfont à
l’exigence posée à l’article 601 du Code civil.
==> Nature de la garantie
Il ressort du texte que la fourniture d’une caution simple suffit. Celui-ci n’exige
nullement qu’une solidarité soit stipulée entre l’usufruitier et le garant.
À cet égard, l’article 2295 du Code civil prévoit que « le débiteur obligé à fournir une
caution doit en présenter une qui ait la capacité de contracter et qui ait un bien
suffisant pour répondre de l’objet de l’obligation. »
L’article 2296 précise que « la solvabilité d’une caution ne s’estime qu’eu égard à ses
propriétés foncières, excepté en matière de commerce, ou lorsque la dette est
modique. » et de poursuivre « on n’a point égard aux immeubles litigieux, ou dont la
discussion deviendrait trop difficile par l’éloignement de leur situation »
==> Substitution de garantie
Dispenses légales
La loi dispense, dans deux cas, l’usufruitier de fournir une caution au nu-
propriétaire
Dispense des pères et mère ayant l’usufruit légal du bien de
leurs enfants
L’article 386-1 du Code civil confère aux parents d’un
enfant mineur un droit de jouissance légale sur les biens qu’ils
administrent.
Cette disposition prévoit en ce sens que « la jouissance
légale est attachée à l’administration légale : elle appartient soit
aux parents en commun, soit à celui d’entre eux qui a la charge de
l’administration.»
La jouissance octroyée par la loi aux parents sur les biens
de leurs enfants s’assimile à un véritable usufruit (V. en ce sens civ.,
24 janv. 1900), précision faite que cet usufruit ne présente pas de
caractère viager.
Surtout, l’article 601 dispense les parents de fournir caution
à leurs enfants en garantie de la préservation de leurs droits.
Cette dispense procède de la nature des liens particuliers et
étroits qui existent entre ces derniers
On présume que les parents sont animés des meilleures
intentions quant à l’administration des biens de leurs enfants et que,
par conséquent, ils s’emploieront à accomplir toutes les diligences
utiles pour en assurer la conservation
Dispense du vendeur ou du donateur, sous réserve d’usufruit
Lorsque le donateur ou le vendeur d’une chose se réserve
sur cette chose l’usufruit, l’article 601 le dispense de fournir au
donataire ou à l’acquéreur une caution.
La raison en est que l’on présume que cette dispense
procède de la volonté des parties.
Il est, en effet, peu probable que celui qui aliène la nue-
propriété de son bien souhaite, en outre, être assujetti à l’obligation
de fournir caution, en particulier s’il s’agit d’une donation.
Tel ne sera, en revanche, pas le cas dans l’hypothèse
inverse, soit lorsque le donateur ou le vendeur aliène, non pas la
nue-propriété de son bien, mais l’usufruit.
En pareil cas, l’exigence de fourniture d’une caution sera
maintenue, sauf à ce qu’il en soit décidé autrement par les parties à
l’acte.
Dispenses volontaires
L’article 601 du Code civil prévoit expressément la possibilité pour le
constituant de dispenser, par sa seule volonté, l’usufruitier de fournir une
caution.
À cet égard, cette dispense sera fréquemment stipulée dans les testaments
et donation, l’auteur de la libéralité ne souhaitant pas faire peser une charge
trop importante sur la tête du bénéficiaire.
Très tôt, la jurisprudence a, par ailleurs, admis qu’une telle dispense
puisse être accordée à l’usufruitier, alors même que le bien grevé relèverait
de bien relevant, pour la nue-propriété, de la réserve héréditaire des
descendants ou des ascendants (V. en ce sens civ. 5 juill. 1876).
Tel sera notamment le cas lorsqu’une libéralité sera consentie au conjoint
survivant.
S’agissant de la forme de la dispense, elle peut être expresse ou tacite, le
juge ayant alors pour tâche rechercher si la volonté du constituant résulte
clairement de l’acte constitutif d’usufruit
Dans un arrêt du 4 décembre 1958, la Cour de cassation a jugé en ce sens
que « la dispense accordée par le testateur au légataire d’un usufruit de
fournir caution peut être implicite et s’induire des dispositions
testamentaires» ( 1ère civ. 4 déc. 1958)
Lorsque la dispense consentie à l’usufruitier est régulière, le nu-propriétaire a
l’obligation de lui délivrer le ou les biens soumis à l’usufruit.
Aussi, l’usufruitier doit pouvoir exercer son droit comme s’il avait fourni la caution
exigée par l’article 601. Il est libre de jouir du bien, sans qu’aucune restriction ne
puisse lui être imposée par le nu-propriétaire.
Ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier l’intervention du juge qui ne pourra
prononcer des mesures conservatoires que s’il existe un risque sérieux d’atteinte aux
droits et intérêts du nu-propriétaire.
==> Exceptions à l’exception
Il est de jurisprudence constante que lorsqu’il est établi que l’usufruitier met en péril,
par ses actes ou par un changement survenu dans sa situation personnelle, les droits du
nu-propriétaire, l’adoption de mesures conservatoires peut être ordonnée par le juge
(V. en ce sens Cass. civ. 7 déc. 1891).
Tel sera notamment le cas en cas d’abus de jouissance de l’usufruitier, soit lorsqu’il
accomplira des actes qui seront de nature à mettre en péril la consistance des biens
soumis à l’usufruit ou lorsqu’il les laissera dépérir faute d’entretien (V. en ce
sens Cass. req. 26 mars 1889).
L’abus de jouissance peut d’ailleurs conduire le juge, en application de l’article 618 du
Code civil, à prononcer la déchéance de l’usufruit.
La solution est extrême, c’est la raison pour laquelle il privilégiera, d’abord, l’adoption
de mesures visant à assurer la conservation du bien.
Il est néanmoins admis que le nu-propriétaire dispose d’un droit de rétention sur le
bien soumis à usufruit droit qu’il pourra exercer tant que la caution requise par l’article
601 du Code civil ne lui sera pas fournie.
L’article 604 précise que, en tout état de cause, « le retard de donner caution ne prive
pas l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où
l’usufruit a été ouvert. »
Ainsi, le nu-propriétaire aura l’obligation de restituer à l’usufruitier l’ensemble des
fruits perçus lorsqu’il aura régularisé sa situation.
Faute, malgré tout, pour l’usufruitier d’être en mesure de fournir une caution,
les articles 602 et 603 du Code civil envisagent l’adoption de mesures différentes,
selon que les biens soumis à l’usufruit sont des immeubles ou des meubles :
Obligation attachée à la
constitution d’usufruit:
l’inventaire
31 MARS 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN COMMENTAIRE
Ces formalités qui s’imposent à l’usufruitier visent à préserver les droits et intérêts du
nu-propriétaire qui se dessaisit temporairement de son bien.
Les obligations qui échoient à l’usufruitier participent ainsi du dispositif qui vise à
protéger le nu-propriétaire qui, à l’expiration de l’usufruit, a vocation à recouvrer la
pleine propriété de son bien.
I) L’obligation d’inventaire
==> Principe
L’article 600 du Code civil dispose que « l’usufruitier prend les choses dans l’état où
elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance qu’après avoir fait dresser, en présence
du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un état des
immeubles sujets à l’usufruit. »
Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition : d’une part, lors de son
entrée en jouissance, l’usufruitier prend les choses en l’état, d’autre part, il lui
appartient d’en dresser un inventaire.
La règle qui prévoit l’obligation de dresser un inventaire n’est que supplétive, de sorte
qu’il peut y être dérogé par clause contraire.
Le principal intérêt de stipuler pareille clause est de dispenser l’usufruitier d’accomplir
cette démarche qui peut s’avérer fastidieuse et lourde et de supporter la charge des
frais d’inventaire qui peuvent être élevés.
Dans un arrêt du 23 juillet 1957, la Cour de cassation a validé une clause de dispense
d’inventaire qui avait été stipulée dans un testament après avoir relevé que « la dame
Perrai avait, dans le libellé même de l’acte, attaché une importance spéciale à la
dispense d’inventaire, constatent que, en l’espèce, les opérations auxquelles devra se
livrer le notaire liquidateur doivent suffire à établir la consistance active et passive de
la succession ; qu’ils observent également que chacune des parties propose un notaire
pour y procéder et que le jugement entrepris… décide que les deux notaires ainsi
désignés y procéderont ».
Elle en déduit que « au vu de ces constatations, qu’il était inutile d’ordonner, en
outre, la confection de l’inventaire, sollicité par les époux Descotes, l’arrêt attaqué a
légalement justifié sa décision » (Cass. 1ère civ. 23 juill. 1957).
Certains arrêts ont même admis que la clause de dispense d’inventaire pouvait être
implicite. Tel sera notamment le cas lorsque l’usufruitier sera dispensé par le
constituant d’assumer la charge des travaux de réparation et d’entretien du bien donné
en usufruit (V. en ce sens Cass. 3e civ., 17 oct. 1984).
==> Exceptions à l’exception
La clause de dispense d’inventaire ne peut être stipulée qu’autant que la loi n’exige
pas ce formalisme à peine de nullité.
Dans un arrêt du 13 octobre 1992, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « le
défaut d’inventaire ne prive pas M. Z… de ses droits d’usufruitier, mais autorise
simplement les nus-propriétaires à prouver par tous moyens la consistance des objets
soumis à usufruit » (Cass. 1ère civ. 13 oct. 1992, n°91-10.970).
Tout au plus, le nu-propriétaire peut donc, soit provoquer la réalisation d’un inventaire
en saisissant le juge (V. en ce sens Cass. civ. 10 janv. 1859).
Soit il peut encore refuser d’exécuter son obligation de délivrance du bien à
l’usufruitier. Ce droit de rétention dont est titulaire le nu-propriétaire s’infère
de l’article 600 du Code civil qui prévoit que l’usufruitier « ne peut entrer en
jouissance qu’après avoir fait dresser […] un inventaire des meubles et un état des
immeubles sujets à l’usufruit ».
Dans cette hypothèse, l’usufruitier conserve néanmoins son droit de percevoir les
fruits des biens non encore délivrés par le nu-propriétaire. Ils devront donc être
restitués à l’usufruitier une fois les opérations d’inventaire réalisées.
Les modes de constitution de
l’usufruit: la loi, la volonté et la
prescription
30 MARS 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN COMMENTAIRE
L’article 579 du Code civil dispose que « l’usufruit est établi par la loi, ou par la
volonté de l’homme. »
À ces deux modes de constitution de l’usufruit visés par le texte, on en ajoute
classiquement un troisième : la prescription acquisitive.
I) La loi
La loi prévoit plusieurs cas de constitution d’un usufruit sur un ou plusieurs biens :
La loi a toujours octroyé au conjoint survivant un droit d’usufruit sur les biens du de
cujus, lorsque celui-ci est en concours avec des descendants ou des descendants.
Sous l’empire du droit antérieur, ce droit d’usufruit était limité à une quote-part des
biens du prédécédé.
En effet, l’article 757 du Code civil dispose que « si l’époux prédécédé laisse des
enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la
totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants
sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs
enfants qui ne sont pas issus des deux époux. »
Il ressort de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer selon que le conjoint survivant
est ou non en présence d’enfants communs.
L’article 386-1 du Code civil confère aux parents d’un enfant mineur un droit de
jouissance légale sur les biens qu’ils administrent.
Cette disposition prévoit en ce sens que « la jouissance légale est attachée à
l’administration légale : elle appartient soit aux parents en commun, soit à celui
d’entre eux qui a la charge de l’administration. »
La jouissance octroyée par la loi aux parents sur les biens de leurs enfants s’assimile à
un véritable usufruit (V. en ce sens Cass. civ., 24 janv. 1900), précision faite que cet
usufruit ne présente pas de caractère viager.
À cet égard, l’article 386-2 précise que le droit de jouissance cesse :
Soit dès que l’enfant a seize ans accomplis ou même plus tôt quand il contracte
mariage ;
Soit par les causes qui mettent fin à l’autorité parentale ou par celles qui mettent
fin à l’administration légale ;
Soit par les causes qui emportent l’extinction de tout usufruit.
L’article 386-3 ajoute que, les charges de cette jouissance sont :
Aux termes de l’article 270, al. 2 du Code civil « l’un des époux peut être tenu de
verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la
disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. »
Ainsi, dans le cadre des mesures qui accompagnent un divorce,
Le principe posé par la loi est que cette prestation compensatoire doit être octroyée
sous forme de capital
L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère
forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »
Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de
capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le
versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital,
notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.
À cet égard, l’article 274 du Code civil prévoit que le juge décide des modalités selon
lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes
suivantes:
Il peut également préférer céder à son conjoint un droit d’usufruit sur le logement de
famille pendant une durée qui peut être soit temporaire, soit viagère.
La Cour de cassation n’a pas manqué de rappeler cette règle dans un arrêt du 22 mars
2005 aux termes duquel elle a affirmé que « lorsque le juge alloue une prestation
compensatoire sous forme d’un capital il doit quelles qu’en soient les modalités en
fixer le montant » (Cass. 1ère civ. 22 mars 2005, n°02-18648).
II) La volonté de l’homme
En application de l’article 579 du Code civil, l’usufruit peut être établi, nous dit le
texte, « par la volonté de l’homme ».
Par volonté de l’homme, il faut entendre, tout autant l’accomplissement d’un acte
unilatéral, que la conclusion d’une convention.
L’article 2258 du Code civil définit cette prescription comme « un moyen d’acquérir
un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé
d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise
foi. »
La prescription acquisitive aura vocation à jouer lorsque celui qui tire profit de la
jouissance de la chose se comportera comme le véritable usufruitier.
Tel sera notamment le cas, lorsqu’il aura acquis l’usufruit, en vertu d’un titre, auprès
d’une personne qui n’était pas le véritable propriétaire du bien. Le possesseur aura
ainsi été institué usufruitier a non domino.
S’agissant de la durée de la prescription acquisitive, elle dépend de la nature du bien
objet de la possession.
S’il s’agit d’un immeuble, la prescription pourra être de 10 ans en cas de bonne
foi du possesseur et de justification d’un juste titre. À défaut, la durée de la
prescription acquisitive est portée à trente ans.
S’il s’agit d’un meuble, l’effet acquisitif de la possession est immédiat, sauf à
ce que le possesseur soit de mauvaise foi auquel cas la durée de la prescription
sera de trente ans.
La durée de l’usufruit
30 MARS 2020 / AURÉLIEN BAMDÉ / POSTER UN COMMENTAIRE
Si, tous les usufruits présentent ce caractère temporaire, leur durée peut être, tantôt
viagère, tantôt déterminée.
L’article 617, al. 1 prévoit que « l’usufruit s’éteint […] par la mort de l’usufruitier ».
Le principe, c’est donc que l’usufruit est viager, ce qui implique qu’il prend fin au
décès de l’usufruitier.
À cet égard, l’usufruit est attaché à la personne. Il en résulte qu’il n’est pas
transmissible à cause de mort.
==> Tempéraments
Bien que l’interdiction qui est faite à l’usufruitier de transmettre son droit après sa
mort soit une règle d’ordre public, elle comporte deux tempéraments
Il est admis que le constituant assortisse l’usufruit d’un terme déterminé. Dans cette
hypothèse, l’usufruit s’éteindra :
Soit à l’expiration du terme fixé par l’acte constitutif
Soit au décès de l’usufruitier qui peut potentiellement intervenir avant le terme
fixé
La seule limite à la liberté des parties quant à la fixation du terme de l’usufruit, c’est
l’impossibilité de transmettre l’usufruit à cause de mort.
Dans l’hypothèse où l’usufruitier est une personne morale, il est susceptible d’être
perpétuel. En effet, une personne morale vit aussi longtemps que ses associés réalisent
son objet social. Or ces derniers sont susceptibles de se succéder éternellement, par le
jeu, soit des transmissions à cause de mort, soit des cessions de droits sociaux.
Aussi, afin que la règle impérative qui assortit l’usufruit d’un caractère temporaire
s’applique également aux personnes morales, l’article 619 du Code civil que
« l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans. »
Cette règle est d’ordre public, de sorte que la durée ainsi posée ne saurait être
allongée. Dans un arrêt du 7 mars 2007, la Cour de cassation n’a pas manqué de le
rappeler, en jugeant que « l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder
trente ans » (Cass. 7 mars 2007, n°06-12568).
==> Notion
L’usufruit est défini à l’article 578 du Code civil comme « le droit de jouir des choses
dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en
conserver la substance. »
L’usufruitier dispose ainsi d’un droit réel d’usage et de jouissance sur la chose
d’autrui, par le jeu d’un démembrement de la propriété.
C’est là une différence majeure entre l’usufruitier et le titulaire d’un droit d’usage et
d’habitation, ce dernier ne disposant pas du pouvoir de louer le bien. Il est seulement
autorisé à en faire usage pour ses besoins personnels et ceux de sa famille.
Seule limite pour l’usufruitier quant à la jouissance du bien : pèse sur lui une
obligation de conservation de la chose. Il ne dispose donc pas du pouvoir de la détruire
ou de la céder.
==> Nature
L’usufruit confère à l’usufruitier un droit réel sur la chose, de sorte qu’il exerce sur
elle un droit direct et immédiat.
La qualification de droit réel de l’usufruit est parfois contestée par certains auteurs.
D’aucuns avancent, en effet, que si la nature de droit réel se conçoit parfaitement
lorsqu’il porte sur une chose corporelle, il n’en va pas de même lorsqu’il a pour objet
une chose incorporelle. Il y a, selon eux, une incompatibilité entre l’intangibilité de la
chose et l’exercice d’un pouvoir direct et immédiat sur elle.
Cette thèse est, toutefois, selon nous inopérante, dans la mesure où l’incorporalité
d’une chose ne fait nullement obstacle à ce que son propriétaire exerce sur elle une
emprise qui, certes, ne sera pas physique, mais qui consistera à contrôler son
utilisation.
Aussi, partageons-nous l’idée que le droit exercé par l’usufruitier sur la chose,
présente un caractère réel.
À cet égard, la nature de ce droit dont est investi l’usufruitier permet de le distinguer
du locataire qui est titulaire, non pas d’un droit réel, mais d’un droit personnel qu’il
exerce contre son bailleur.
Pour mémoire, le droit personnel consiste en la prérogative qui échoit à une personne,
le créancier, d’exiger d’une autre, le débiteur, l’exécution d’une prestation.
Il en résulte que le droit pour le preneur de jouir de la chose procède, non pas du
pouvoir reconnu par la loi à l’usufruitier en application de l’article 578 du Code civil,
mais de la conclusion du contrat de bail qui oblige le bailleur, conformément à l’article
1719 du Code civil, à délivrer au preneur la chose louée et lui assurer une jouissance
paisible.
Le preneur est donc investi d’un droit qu’il exerce non pas directement sur le bien
loué, mais contre le bailleur sur lequel pèse un certain nombre d’obligations en
contrepartie du paiement d’un loyer.
La seule obligation qui pèse sur l’usufruitier est de conserver la substance de la chose,
tandis que le nu-propriétaire doit s’abstenir de la détruire.
Aussi, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont tous deux titulaires de droits réels qui sont
indépendants l’un de l’autre.
François Terré et Philippe Simler ont écrit en ce sens que « le Code civil a conçu
l’usufruit et la nue-propriété comme deux droits réels, coexistant sur la chose et
juxtaposés, mais séparés : il n’y a pas communauté, mais bien séparation d’intérêts
entre l’usufruitier et le nu-propriétaire ».
Il n’y a donc, entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, ni indivision, ni société. Tous
deux exercent directement un pouvoir sur la chose sans avoir à se soucier des intérêts
de l’autre.
Les seules limites à l’exercice indépendant de ces droits réels dont ils sont titulaires
sont celles posées par la loi, laquelle met à la charge de l’usufruitier plusieurs
obligations propter rem (art. 600 à 615 C. civ.)
==> Caractère temporaire
L’usufruit présente cette particularité d’être temporaire. C’est la raison pour laquelle
un droit réel qui procéderait de la conclusion d’un contrat et qui ne serait assorti
d’aucun terme extinctif ne pourrait pas être qualifié d’usufruit.
==> Notion
On dit du droit de propriété qu’il est le plus complet des droits réels, dans la mesure où
il confère à son titulaire toutes les prérogatives susceptibles d’être exercées sur une
chose.
Paul Roubier a écrit en ce sens que « la notion du droit de propriété sur les choses
corporelles, mobilières ou immobilières, peut être considérée comme la forme la plus
complète de droit subjectif ».
Le propriétaire réunit ainsi en une seule main toutes les prérogatives qui sont
susceptibles d’être exercées sur la chose. Le propriétaire peut en tirer toutes les utilités
qu’elle a à lui donner. C’est cette particularité qui confère au droit de propriété son
caractère absolu.
Cette plénitude du droit de propriété résulte directement de ses attributs que sont
l’usus, le fructus et l’abusus.
Ces attributs fondent la souveraineté dont est investi le propriétaire qui exclut tout
autre de la chose.
Peu importe que la propriété soit individuelle (un seul titulaire du droit) ou collective
(plusieurs titulaires du droit), la propriété est toujours assortie des mêmes attributs.
Est-ce à dire que ces attributs sont indissociables ? Il n’en est rien.
En effet, ainsi que l’observent des auteurs « le droit réel de propriété est divisible, non
seulement en ce que son assiette physique peut être subdivisée en deux ou plusieurs
parcelles, mais encore en ce que ses éléments constitutifs, dissociés suivant divers
clivages peuvent être dévolus à des personnes différentes entre lesquelles les
prérogatives du propriétaire se trouvent réparties »[1].
Rien n’interdit donc de répartir les utilités de la chose entre plusieurs titulaires, qui
exerceront sur elles pouvoirs différents : c’est ce que l’on appelle le démembrement du
droit de propriété.
À l’examen, les démembrements ont en commun d’être de même nature que le droit
de propriété : tous confèrent à leur titulaire un droit réel sur la chose qui en est l’objet.
Pour mémoire, le droit réel octroie à son titulaire un pouvoir direct et immédiat sur une
chose. Structurellement, le droit réel suppose un sujet, le propriétaire et un objet, la
chose sur laquelle s’exerce le droit réel.
D’une part, ils sont opposables à tous dès lors que les formalités de publicité
sont valablement accomplies
D’autre part, ils confèrent à leur titulaire un droit de préférence et un droit de
suite sur le bien
Enfin, ils sont susceptibles, sous certaines conditions, de faire l’objet d’acte de
disposition (constitution de sûretés ou cession)
==> Des droits temporaires
Pour Cyril Grimaldi, parce que « les démembrements de la propriété privent le
propriétaire de la valeur d’usage de la chose […] un démembrement de la propriété
ne peut être que temporaire : si la jouissance d’un bien était octroyée à perpétuité à
un tiers, le droit de propriété aurait une valeur nulle ».
Ainsi, à l’exception des servitudes qui sont perpétuelles, les démembrements du droit
de propriété sont tous assortis d’un terme extinctif. Le propriétaire a toujours vocation
à recouvrer l’ensemble des utilités de son bien.
Tel n’est pourtant pas le cas. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que le
démembrement du droit de propriété entre un usufruitier et un nu-propriétaire ne
permet, ni à l’un, ni à l’autre de détruire le bien, alors même qu’il s’agit d’une
prérogative dont est investi le plein propriétaire.
À l’examen, il apparaît que la pleine propriété est plus que la somme de ses
démembrements, de sorte que les pouvoirs dont est investi le propriétaire sur la chose
sont supérieurs à ceux réunis lorsque la propriété est démembrée.
==> Numerus clausus
Pour mémoire, cette disposition prévoit que « on peut avoir sur les biens, ou un droit
de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à
prétendre. »
Est-ce à dire que la volonté des personnes est impuissance à créer de nouvelles
prérogatives, en dehors de celles envisagées par le texte ?
Une partie des auteurs réfutent cette théorie en soutenant que l’article 543 ne pose
aucune interdiction formelle quant à la création de nouveaux droits réels. Tout au plus
il en dresse une liste qui n’est toutefois pas exhaustive.
Il faut attendre 2012, pour que la haute juridiction se prononce sur cette question, les
affaires qu’elle a eu à connaître jusqu’alors ne lui ayant jamais réellement permis de
dire la règle.
Faits
La fondation « Maison de poésie », propriétaire à Paris d’un hôtel
particulier édifié sur jardin et sans doute trop vaste pour ses activités, a
vendu en 1932 ce bien à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques
(SACD).
L’acte comportait toutefois deux clauses hors du commun :
La première précisait qu’étaient formellement exclues de la vente
la jouissance ou l’occupation par la Maison de la poésie de certaines
parties de la propriété qu’elle occupait
La seconde clause ajoutait que la SACD pourrait récupérer les
locaux ainsi occupés, à charge de construire dans le jardin une
construction de même importance qui serait mise à la disposition de la
fondation pour toute la durée de son existence.
Le temps passant, les activités de la SACD croissant, celles de la
fondation s’étiolant et les règlements d’urbanisme empêchant sans doute la
construction envisagée dans le jardin, la SACD a souhaité récupérer les
locaux occupés et a assigné la fondation.
Procédure
Un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 mars 2010 a
fait droit à cette demande, estimant que ce qu’elle analysait comme un droit
d’usage et d’habitation était expiré.
Un arrêt de la cour d’appel de Paris du 10 février 2011 a confirmé ce
jugement, précisant que le droit d’usage et d’habitation conféré à une
personne morale était limité à trente ans, sans qu’il puisse y être dérogé par
convention, en application des articles 619 et 625 du code civil.
Décision
Première décision (Cass. 3e 31 oct. 2012, n°11-16304)
Par arrêt du 31 octobre 2012, la Cour de cassation casse l’arrêt de
la Cour d’appel au visa des articles 544 et 1134 du Code civil
Au soutien de sa décision elle énonce, dans un premier temps
« qu’il résulte de ces textes que le propriétaire peut consentir, sous
réserve des règles d’ordre public, un droit réel conférant le bénéfice
d’une jouissance spéciale de son bien»
Elle en déduit, dans un second temps, que les juges du fonds,
« alors que les parties étaient convenues de conférer à La Maison de
Poésie, pendant toute la durée de son existence, la jouissance ou
l’occupation des locaux où elle était installée ou de locaux de
remplacement, la cour d’appel, [ont] méconnu leur volonté de
constituer un droit réel au profit de la fondation, a violé les textes
susvisés».
La Cour de cassation admet ainsi expressément que, en application
des règles qui consacrent le droit de propriété (544 C. civ.) et
l’autonomie de la volonté (art. 1134 C. civ. – désormais 1103), les
parties sont libres de créer un droit réel de jouissance spéciale.
Seconde décision : (Cass. 3e 8 sept. 2016, n°14-26.953)
Consécutivement à la décision rendue par la Cour de cassation en
2012, la cour d’appel de Paris, autrement composée, a, par un arrêt du
18 septembre 2014, infirmé le jugement rendu en première instance et
jugé que la fondation était bien titulaire d’un droit réel exclusif pendant
toute la durée de son existence.
Un nouveau pourvoi est néanmoins formé en cassation, les
requérant reprochant à la Cour d’appel d’avoir dit que la Fondation était
titulaire d’un droit réel lui conférant la jouissance spéciale des locaux
pendant toute la durée de son existence.
Par un arrêt du 8 septembre 2016, la Cour de cassation rejette ce
pourvoi.
La troisième chambre civile relève :
D’une part, que les parties avaient entendu instituer, par
l’acte de vente des 7 avril et 30 juin 1932, un droit réel distinct du
droit d’usage et d’habitation régi par le code civil et
D’autre part, que ce droit avait été concédé pour la durée
de la Fondation, et non à perpétuité
Elle en déduit alors que ce droit, qui n’était pas régi par les
dispositions des articles 619 et 625 du code civil, n’était pas expiré et
qu’aucune disposition légale ne prévoyait qu’il soit limité à une durée de
trente ans
[table id=350 /]
De toute évidence, l’apport le plus important de ces deux arrêts, et que n’a pas manqué
de remarquer la doctrine, réside sans aucun doute dans le premier d’entre eux, qui a
admis que le droit réel créé par l’acte de vente de 1932 était distinct du droit d’usage et
d’habitation (Cass. 3e civ., 31 octobre 2012, n°11-16.304).
De ce point de vue, le second de ces arrêts (Cass. 3e civ., 8 septembre 2016, n°14-
26.953) ne fait que dire les choses d’une manière plus directe, la solution étant
cependant déjà tout entière inscrite dans le premier.
Là réside à l’évidence l’audace qu’ont voulu percevoir certains de ses commentateurs :
une longue tradition doctrinale tenait en effet, depuis Demolombe, à la thèse dite
du numerus clausus des droits réels, selon laquelle le code civil fournissait une liste
exhaustive des droits réels susceptibles d’être créés.
L’attendu de principe, qui vient coiffer l’arrêt de 2012, balaie d’un revers de main
cette thèse qui, en vérité, tenait moins à la lettre de l’article 543 code civil, lequel ne
dit pas que la liste des droits réels serait exhaustive, qu’à l’interprétation qu’en a
donnée au XIXe siècle l’école de l’exégèse.
Ainsi, rien n’interdit, les propriétaires de consentir, sous réserve des règles d’ordre
public, des droits réels conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de leur bien.
On doit en déduire que la catégorie des droits réels n’est désormais plus limitée par la
liste qu’en donne le code et que les juristes peuvent donc imaginer des droits réels
variés, adaptés à la situation des biens et de leurs propriétaires.
Faits
Une SCI avait acquis, en 2004, divers lots à vocation commerciale, dont
un à usage de piscine, faisant partie d’un immeuble en copropriété
Les vendeurs avaient signé, le 20 août 1970, une convention « valant
additif » au règlement de copropriété par laquelle ils s’engageaient à
assumer les frais de fonctionnement de la piscine et à autoriser son accès
gratuit aux copropriétaires, au moins pendant la durée des vacances
scolaires
Un arrêt devenu définitif, déclarant valable cette convention, avait
condamné la SCI à procéder, dans les termes de celle-ci, à l’entretien et à
l’exploitation de la piscine
La SCI a alors assigné le syndicat des copropriétaires en constatation de
l’expiration des effets de la convention litigieuse à compter du 20 août 2000
Procédure
Par un arrêt du 21 mars 2017, la Cour d’appel de Chambéry déboute la
SCI de sa demande en se situant, non pas sur le terrain contractuel, mais sur
le terrain des droits réels.
Les juges du fonds considèrent, en effet, que « les droits litigieux, qui
avaient été établis en faveur des autres lots de copropriété et constituaient
une charge imposée à certains lots, pour l’usage et l’utilité des autres lots
appartenant à d’autres propriétaires, étaient des droits réels sui generis
trouvant leur source dans le règlement de copropriété et que les parties
avaient ainsi exprimé leur volonté de créer des droits et obligations
attachés aux lots des copropriétaires».
Pour la Cour d’appel, l’obligation d’entretien de la piscine ne tenait donc
pas à la conclusion d’une convention, mais à la création d’un véritable droit
réel.
Elle précise néanmoins que le droit réel sui generis ainsi constitué n’était
pas perpétuel, puisqu’il ne s’exerçait qu’aussi longtemps que durerait la
copropriété et les dispositions de son règlement.
Décision
Par un arrêt du 7 juin 2018, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé
par la SCI.
À l’examen, si elle valide l’approche de la Cour d’appel dont le
raisonnement s’inscrit dans le sillage de l’arrêt Maison de Poésie, elle s’en
écarte néanmoins en affirmant « qu’est perpétuel un droit réel attaché à un
lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un
autre lot», d’où la substitution de motif ( 3e civ., 7 juin 2018, n°17-17240).
Plusieurs enseignements peuvent être retirés de cet arrêt :
Premier enseignement
Il s’infère de cette décision que les droits réels sui
generis ne peuvent pas être rattachés à des catégories préexistantes,
telles que l’usufruit ou les servitudes, ce qu’avait recherché à faire la
Cour d’appel, sauf à en épouser tous les caractères.
Or en l’espèce, les droits dont était titulaire la SCI ne
s’apparentaient, ni à un droit d’usufruit, ni à un droit d’usage, ni
même à une servitude.
Il s’agissait donc bien de droits réels sui generis dont le
régime était réglé par la seule convention dont ils étaient issus.
C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a refusé
qu’il leur soit appliqué le régime de l’usufruit et en particulier le
terme extinctif dont est assorti ce droit réel.
Second enseignement
L’autre enseignement qui peut être retiré de l’arrêt rendu
par la Cour de cassation en 2018 est que les parties ne disposent pas
seulement de la faculté de créer des droits réels en dehors de ceux
prévus par les textes, elles sont également libres d’en fixer la durée
qui peut être perpétuelle.
Cette précision n’est pas sans importance, car en
reconnaissant aux parties cette faculté, la Cour de cassation opère ici
un revirement de jurisprudence.
Dans un arrêt du 28 janvier 2015, la Troisième chambre
civile avait, en effet, retenu la solution inverse en jugeant que
« lorsque le propriétaire consent un droit réel, conférant le bénéfice
d’une jouissance spéciale de son bien, ce droit, s’il n’est pas limité
dans le temps par la volonté des parties, ne peut être perpétuel et
s’éteint dans les conditions prévues par les articles 619 et 625 du
code civil» ( 3e civ. 28 janv. 2015, n°14-10013).
Désormais, la Cour de cassation semble admettre qu’un
droit réel sui generis puisse être perpétuel, dès lors que les parties
ont conclu une convention en ce sens.
On assiste ainsi à une parallélisation du droit des biens avec
le droit des contrats, la volonté des parties présidant, dans les deux
cas, au régime applicable au droit subjectif créé.
Reste à savoir comment concilier cette faculté octroyée aux
parties de créer un droit réel sui generis assorti d’une durée illimitée
avec la règle énoncée à l’article 1210 du Code civil qui prohibe
expressément la stipulation d’engagements perpétuels.
Au vrai, l’arrêt du 7 juin 2018 doit être relativisé, car le
champ d’application de la règle énoncée semble limité aux seuls
droits réels sui generis attachés à un lot de copropriété.
Lorsque le droit est attaché à une personne, la doctrine
avance que la règle posée par l’arrêt du 28 janvier 2015 n’est
nullement remise en cause.
Certains auteurs justifient d’ailleurs la solution dégagée par
la Cour de cassation en 2018 par la nature du droit en cause qui
serait constitutif moins d’un droit réel sui generis, que d’une
servitude.
Il y a donc lieu d’être prudent avec cette décision qui n’est
pas sans faire naître de nombreuses interrogations.
[table id=351 /]
Ce qu’il y a lieu de retenir des différents arrêts rendus par la Cour de cassation depuis
2012 ce que la création d’un droit réel peut parfaitement procéder de la libre volonté
des parties, sous réserve, conformément à l’article 6 du Code civil, du respect des
règles d’ordre public.
Cette faculté reconnue aux parties leur permet d’envisager la création d’un droit de
jouissance spéciale selon une infinité de possibilités.
La spécialité de la jouissance du droit réel sui generis peut tenir, tantôt à son assiette
(droit de jouissance d’une parcelle de terrain ou d’une maison), tantôt à ses attributs
(droit de chasser, droit de récolter les fruits d’un arbre).