OBLIGATIONS
OBLIGATIONS
OBLIGATIONS
DROIT
DES
OBLIGATIONS
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INTRODUCTION GENERALE
C’est à l’issue de ces interrogations que l’on peut décliner la démarche qui va servir de
support à l’étude de ce cours.
1 - La définition de l’obligation
L’Obligation est un lien de droit en vertu duquel une personne que l’on appelle
créancier peut exiger d’une autre que l’on appelle débiteur, l’exécution d’une prestation
déterminée. Le créancier, c’est le sujet actif ; le débiteur c’est le sujet passif : ce à quoi il est
tenu, c’est l’objet de la prestation. En droit, un débiteur ne peut être tenu que de trois (3)
variétés d’obligations : soit il est tenu de faire une certaine chose – on dit obligation de faire -,
soit il est tenu de ne pas faire une quelque chose – on dit obligation de ne pas faire -, soit enfin
il est tenu de transférer la propriété d’une chose – on dit obligation de donner.
Il n’existe pas d’autre obligation à laquelle un débiteur peut être soumis. Sous réserve de
cette précision, l’obligation est encore appelée Droit Personnel parce qu’elle met nécessairement
en face deux (2) personnes, l’une étant le sujet actif et l’autre un sujet passif. C’est pourquoi on
l’oppose au Droit Réel qui met en face une personne et une chose. On peut donc définir le Droit
des Obligations comme l’ensemble des règles qui régissent les rapports personnels patrimoniaux
entre sujets de droit. Ce droit des obligations revêt une importance toute particulière.
Cette importance est double. Elle est en effet à la fois théorique et pratique.
L’étude des sources signifie qu’il faut rechercher les origines de l’institution ou de la
notion qui est en cause. En l’occurrence, cela consiste ici à se demander comment ou pourquoi on
est devenu créancier ou débiteur. En droit, la réponse est double : si on est créancier ou
débiteur c’est soit parce qu’on l’a voulu en manifestant une volonté dans ce sens – l’obligation est
donc conventionnelle -, soit parce que la loi l’a imposé indépendamment de toute manifestation de
volonté – l’obligation est donc légale. A partir de là, il faut signaler que, quelle que soit l’origine
de l’obligation, celle-ci est soumise à un ensemble de règles communes que l’on appelle le Régime
Général des Obligations.
On sait maintenant que l’obligation est soit volontaire, soit légale. Donc si l’on devient
débiteur ou créancier, c’est soit parce qu’on l’a voulu, soit parce que cela a été imposé par la loi.
Ici, on est devenu créancier ou débiteur parce qu’on l’a voulu : on a manifesté une volonté
dans ce sens. C’est l’acte juridique, c’est la convention, c’est une manifestation de volonté
génératrice d’effets de droit. Mais tous les actes juridiques ne peuvent pas produire de tels
effets d’abord parce qu’ils sont très nombreux, ce qui nécessite une présentation de leur
physionomie, ensuite parce que cela suppose la réunion de certaines conditions de formation et
c’est seulement après que les actes juridiques produisent leurs effets. Et il arrive même souvent
qu’il y ait des difficultés d’exécution ou qu’il n’y ait pas d’exécution du tout.
Il faut commencer par faire une précision sémantique, une précision terminologique
relative à la distinction entre la convention et le contrat.
Le contrat est un accord de volonté générateur d’obligations, créateur d’obligations. Il
ne peut que créer des effets de droit.
La convention quant à elle, peut non seulement créer, mais modifier ou éteindre des
effets de droit. Par conséquent, on peut dire que tout contrat est une convention, mais que toute
convention n’est pas un contrat. Cependant, par commodité de langage on prend pour synonyme
convention et contrat : le langage courant les assimile.
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Sous réserve de cette précision, il existe une variété de contrats ; d’où la nécessité
d’opérer une classification pour mieux les identifier. Tous les contrats sont cependant soumis à
un principe fondamental, c’est le Principe de l’Autonomie de la Volonté.
On peut tenter deux séries de classifications : l’une est principale, l’autre constitue un
autre type de classification.
Il existe ici plusieurs catégories de contrats que l’on peut regrouper en les opposant. Il
s’agit respectivement des contrats consensuels et des contrats solennels ; des contrats
unilatéraux et des contrats synallagmatiques ou bilatéraux. Il y a aussi les contrats commutatifs
et les contrats aléatoires, les contrats instantanés et les contrats successifs, les contrats de
gré à gré et les contrats d’adhésion.
Le contrat est dit consensuel lorsqu’il est valablement formé dès le seul échange de
consentement. C’est ce que l’on appelle le consensualisme. La plupart des contrats sont des
contrats consensuels. C’est cela le principe. En revanche, le contrat est solennel lorsque sa
validité est soumise en plus au respect d’une formalité particulière sans laquelle le contrat est
nul. On dit que la formalité est requise ad validitatem ou ad solemnitatem.
La formalité en question peut être un écrit – acte authentique ou acte sous seing privé - ;
il peut aussi s’agir de témoignage ou d’un simple geste.
Le contrat est dit unilatéral lorsqu’une seule personne est tenue d’obligation. Exemple : le
contrat de prêt, le contrat de dépôt.
A l’opposé, le contrat est dit synallagmatique ou bilatéral lorsque les obligations des
parties sont réciproques, sont interdépendantes, chaque partie étant à la fois créancière et
débitrice de l’autre. La plupart des contrats sont des contrats synallagmatiques.
L’intérêt de la distinction est relatif à la preuve : les contrats unilatéraux doivent
respecter la formalité du « Bon Pour », c’est-à-dire que la personne qui s’engage doit écrire de
sa main l’objet de son obligation en toutes lettres et en tous chiffres ; par contre, s’il s’agit d’un
contrat synallagmatique, c’est la formalité du « double » qu’il faut respecter c’est-à-dire que le
contrat doit être établi en autant d’exemplaires qu’il y a de parties intéressées afin que chaque
partie puisse en établir la preuve le cas échéant.
Le contrat est dit commutatif lorsque dès sa conclusion chaque partie peut apprécier
objectivement les avantages que lui procure le contrat.
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Le contrat est dit instantané lorsque son exécution se fait sur le champ, en un trait de
temps, de façon instantanée.
A l’opposé, le contrat est dit successif lorsque son exécution s’étale dans le temps.
Exemple : le contrat de bail, le contrat de travail…
L’intérêt de la distinction s’apprécie par rapport à l’inexécution. La sanction de cette
inexécution c’est la Résolution s’il s’agit d’un contrat instantané, et la Résiliation s’il s’agit d’un
contrat successif. La différence n’est pas simplement terminologique. En effet la résolution
rétroagit tandis que la résiliation est une rupture qui ne produit d’effets que pour l’avenir.
Le contrat de gré à gré est celui dans lequel les parties ont la liberté de discuter, de
négocier tous les éléments du contrat jusqu’à arriver à un accord. L’essentiel des contrats sont
des contrats de gré à gré.
En revanche, dans le contrat d’adhésion, les termes du contrat sont généralement pré
rédigés par l’une des parties et l’autre partie ne peut qu’y adhérer sans avoir la possibilité de les
négocier : soit elle les accepte telles quelles et le contrat est conclu, soit elle ne les accepte pas
et alors il n’y a pas de contrat.
Le contrat est à durée déterminée lorsque son terme est fixé à l’avance avec plus ou
moins de précisions. Lorsque le terme est connu avec exactitude, on parle de terme certain.
Exemple : le contrat de travail de trois mois. Le terme est dit incertain lorsqu’on ne le connaît
pas avec précision. Exemple : l’exécution d’un chantier déterminé, la construction de l’autoroute à
péage…
Quant au contrat à durée indéterminée, c’est celui dont la durée n’est pas fixée.
L’intérêt de la distinction c’est que dans le Contrat à duré déterminée, aucune des parties
ne peut rompre le contrat de façon unilatérale sauf à engager sa responsabilité. Par contre dans
le Contrat à durée indéterminée, chaque partie a un droit de rupture unilatéral mais encore
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faudrait-il qu’elle l’exerce à bon escient, légitimement. C’est parce que le droit interdit que l’on
puisse s’engager à vie, c’est contraire à la liberté individuelle.
Le contrat nommé est celui qui a un nom prévu et réglementé par la loi.
Le contrat est innommé tout simplement parce qu’il est apparu postérieurement à la
réglementation des différents et principaux contrats. Généralement, il s’agit de contrats créés
par la pratique.
Tous les contrats, quels qu’ils soient, sont imprégnés de ce principe. Il faut, par voie de
conséquence, savoir ce qu’il signifie avant de se prononcer sur sa remise en cause.
Il y a d’abord une première limite, c’est l’Ordre Public : la liberté individuelle ne peut
primer l’intérêt général. Par conséquent tous les contrats sont tenus de se conformer à l’ordre
public.
La deuxième limite c’est que le principe de l’autonomie de la volonté présuppose que les
parties au contrat sont dans une situation égalitaire, ce que dément le contrat d’adhésion. C’est
pourquoi on a estimé que le législateur devait intervenir toutes les fois que le contrat se trouvait
fortement déséquilibré au détriment de l’une des parties. On a pu écrire à cet égard : «Entre le
fort et le faible, c’est la volonté qui opprime et c’est la loi qui libère » pour justifier
l’intervention du législateur en matière contractuelle. Finalement, le principe de l’autonomie de la
volonté doit être apprécié sous ce double regard : celui de la liberté dans la limite du tolérable,
du permis juridiquement.
Tous les contrats quels qu’ils soient sont soumis à quatre conditions de fond, mais parfois
il arrive que le contrat soit assujetti à une condition de forme.
A/ Le Consentement
C’est la condition fondamentale de tout contrat. Aux termes de la loi, il n’est point de
contrat sans consentement valablement exprimé. L’étude du consentement renvoie à trois
aspects : d’abord comment il se manifeste, ensuite quels sont ses éléments, enfin quels sont les
caractères que doit revêtir le consentement.
b- Comment consentir ?
1ère Hypothèse : C’est lorsqu’il existait entre les parties des relations d’affaires
antérieures.
2ème Hypothèse : C’est lorsque les usages professionnels l’ont prévu.
3ème Hypothèse : C’est lorsque l’offre de contracter a été faite dans le seul intérêt du
destinataire.
Sous réserve de ces trois exceptions, le silence n’a aucune valeur juridique.
a- L’Offre.
On l’appelle aussi Pollicitation. C’est une déclaration unilatérale de volonté par laquelle
une personne exprime son intention de conclure un contrat déterminé à des conditions
déterminées. Cette offre de contracter doit être précise, c’est-à-dire qu’elle doit comporter
tous les éléments qui permettent d’identifier le contrat envisagé. L’offre doit être ferme et non
équivoque. Elle peut être expresse ou tacite. Elle peut être faite à personnes déterminées ou
adressée au public. L’offre doit être assortie d’un délai exprès ou implicite de rétraction. Tant
que le délai n’est pas expiré, le pollicitant ne peut retirer son offre. Mais en cas de décès ou
d’incapacité ultérieure, l’offre devient caduque si elle n’avait pas encore été acceptée.
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b- L’Acceptation
C’est la réponse positive apportée à l’offre de contracter. Elle doit être identique à tous
points de vue à l’offre, sinon il s’agit d’une contre-proposition, d’une contre-offre. L’acceptation
doit par ailleurs être sans équivoque et sans réserve. Elle peut être expresse ou tacite et c’est
quand l’acceptation rencontre l’offre que se conclut le contrat. En principe, cela ne pose aucune
difficulté lorsque les deux contractants sont l’un en face de l’autre. Le contrat se forme alors
dès l’échange de consentement. La difficulté provient de ce que l’on appelle le contrat entre
absents ou encore le contrat par correspondance.
L’intérêt du contrat entre absents, c’est de déterminer quand est-ce que le contrat est
conclu et quel est le lieu de conclusion parce que ce lieu généralement peut avoir une influence
sur le tribunal compétent. Le problème du contrat par correspondance a suscité en Droit
Français à la fois une controverse doctrinale et une contrariété jurisprudentielle. D’abord les
thèses en présence, il y en a deux qui sont opposés.
La première c’est la thèse de l’expédition ou de l’émission en vertu de laquelle le contrat est
conclu au moment où l’acceptant aura émis son intention de le conclure.
La deuxième est la thèse de la réception ou de l’information selon laquelle le contrat est
conclu lorsque l’offrant a eu connaissance de l’acceptation. Cette controverse doctrinale a été
amplifiée par des décisions jurisprudentielles contrariantes. En effet, dans un premier temps, la
Jurisprudence admettait la théorie de l’émission, dans un second temps celle de la réception pour
finalement donner aux juges un pouvoir souverain d’appréciation.
En Droit Sénégalais, la solution n’est guère satisfaisante même si elle a un support
textuel, le Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC) dans son article 82. Ce texte
assimile le contrat par correspondance au contrat entre personnes présentes et consacre en
même temps la Théorie de l’Emission et celle de la Réception dans ses deux alinéas. Donc ce
texte consacre une fausse solution. Comment alors remédier à la détermination du moment de
conclusion du contrat entre absents ?
En Droit International tout comme au sein de l’OHADA d’ailleurs, on a fait une option, un
parti-pris en faveur de la théorie de la réception.
3 – L’Intégrité du Consentement
Le consentement doit non seulement exister et être exprimé, mais il faut aussi qu’il ne soit
pas altéré par un vice. Les vices qui peuvent entacher le consentement sont l’erreur, le dol et la
violence. Il ne faut donc pas que le consentement soit donné à la suite d’une erreur, ou qu’il soit
surpris par dol, ou qu’il soit extorqué par la violence.
a- L’Erreur
C’est une fausse représentation de la réalité. Exemple on croyait acheter de l’or alors
qu’on a acheté du bronze. Donc on s’est trompé en consentant. Mais l’erreur qui peut vicier le
consentement doit avoir été déterminante, c’est-à-dire que sans elle, on n’aurait pas consenti. Par
ailleurs, il faut que l’erreur soit entrée dans le champ contractuel, c’est-à-dire qu’elle ait pu être
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connue par l’autre partie. En troisième lieu, peu importe que l’erreur soit de fait ou de droit.
Mais il ne faudrait pas qu’il s’agisse d’une erreur inexcusable qui ne peut être commise que par un
imbécile.
Nota : En droit, l’imbécile est le majeur qui a l’âge d’un enfant.
b- Le Dol
Ce sont des manœuvres, des artifices et mises en scène pour amener le contractant à
consentir. Donc avec le dol, on a été trompé contrairement à l’erreur où on s’est trompé. Il y a
dans le dol deux éléments : un élément matériel – ce sont les manœuvres utilisées -, et un
élément intentionnel ou psychologique – c’est l’intention de tromper. Mais aujourd’hui on
considère que le mensonge peut être constitutif de dol comme le simple silence gardé sur un
élément du contrat qui aurait pu influencer sur le consentement. C’est ce que l’on appelle le
Silence dolosif ou la Réticence dolosive. Il faut cependant que le dol ait été déterminant c’est-à-
dire qu’il ait poussé la personne à consentir. Si tel est le cas, le consentement est vicié pour dol.
c- La Violence
C’est la contrainte exercée sur une personne pour l’amener à consentir malgré elle. Il
peut s’agir d’une menace physique ou morale. Il faut que cette violence ait été déterminante,
mais il ne faut pas qu’il s’agisse d’une violence légitime comme la menace d’exercer un droit ou la
simple crainte révérencielle.
B/ L’Objet et la Cause
1 – L’Objet
L’objet c’est ce sur quoi porte le contrat. Il doit d’abord exister même s’il est possible de
faire un contrat sur une chose future. L’objet doit en outre être déterminé ou déterminable dans
sa quotité et dans sa quantité. Il doit aussi être possible, il doit être licite et il ne doit pas être
contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Il peut se poser une difficulté qui est relative à
la lésion c’est-à-dire le déséquilibre qui peut exister entre les prestations des parties. Mais sur
ce point, il y a une solution de principe : c’est que « la lésion en elle même n’est pas une cause
d’annulation » sauf lorsque la loi le prévoit, notamment en matière d’incapacité ou de partage.
2 – La Cause
La cause, c’est le pourquoi du contrat. C’est le motif qui a déterminé les parties à
contracter. Cette cause, elle aussi doit exister, mais elle n’a pas besoin d’être révélée. Il
appartient à celui qui conteste son existence d’en apporter la preuve parce qu’il existe ce que
l’on appelle la « catégorie des actes abstraits ».
En conclusion, tous les contrats quels qu’ils soient, sont tenus de se conformer à ces
quatre conditions de fond, mais parfois, il arrive aussi que le contrat soit soumis à un certain
formalisme.
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En principe, le contrat, pour être valable, n’a pas besoin de respecter une certaine
formalité. C’est le Principe du Consensualisme. L’exception c’est que certains contrats doivent
nécessairement observer une certaine forme en l’absence de laquelle le contrat est nul. C’est le
Formalisme de Validité par opposition au Formalisme d’Efficacité.
1 – Le Formalisme d’Efficacité
C’est un formalisme qui est exigé mais dont l’irrespect n’a pas d’incidence sur la validité
du contrat, mais plutôt sur son efficacité. Il y a trois séries de formalismes qui vont dans ce
sens. C’est d’abord le Formalisme Probatoire c’est-à-dire le formalisme de preuve. Ex : Tout
contrat dont l’objet est égal ou supérieur à 20 000FCFA doit être constaté par écrit. La
deuxième série c’est le Formalisme de Publicité dont la finalité est d’informer les tiers pour
rendre opposable le contrat. Ex : L’inscription de l’hypothèque. La troisième série est le
Formalisme d’Enregistrement qui est une formalité fiscale qui permet de « donner date
certaine » à un acte sous seing privé.
Nota : L’acte inscrit par un officier public donne date certaine c’est-à-dire erga omnes aux
actes sous seing privé car cet agent est assermenté et ce qu’il dit ou écrit est vrai jusqu’à
preuve d’inscription en faut. La preuve incombe à celui qui conteste la certitude de l’acte, il
engage sa responsabilité pénale.
2 – Le Formalisme de Validité
C’est un formalisme exigé à peine de nullité du contrat c’est-à-dire qu’en son absence, le
contrat n’existe pas juridiquement. Donc c’est une cinquième condition de validité du contrat. On
dit que la formalité est requise à titre de validité et c’est en cela qu’elle constitue une exception
au principe du consensualisme. Ex : Toute transaction immobilière doit faire l’objet d’un acte
authentique délivré par un officier public assermenté.
En conclusion, le contrat est un accord de volonté générateur d’obligations s’il remplit les
conditions définies par la loi. A défaut, il est irrégulier et est sanctionné en tant que tel.
Lorsque l’une quelconque des conditions sus énumérées n’a pas été respectée, le contrat
n’est pas valable. Il est sanctionné par la nullité qui est une sanction radicale en ce sens que le
contrat est anéanti comme s’il n’avait jamais existé. C’est le Principe de la Rétroactivité. Mais au
préalable, faudrait-il mettre en œuvre la nullité ?
Lorsqu’il s’agit d’une nullité absolue, toute personne intéressée peut demander l’annulation
du contrat y compris le Ministère Public et le Juge peut soulever d’office la nullité même si elle
n’a pas été demandée. Par contre, la nullité relative ne peut être invoquée que par la personne que
la règle violée avait pour but de protéger. Mais l’exercice de l’action en nullité peut rencontrer
des obstacles. Il y en a deux :
C’est d’abord la Prescription c’est-à-dire l’écoulement d’un délai, d’un temps au-delà
duquel il n’est plus possible d’agir en nullité. Ce délai est de deux ans pour la nullité relative et il
commence à courir à partir de la cessation du vice ou à partir de sa découverte.
Par contre lorsqu’il s’agit d’une nullité absolue, le délai de prescription est de dix ans et il
commence à courir à partir de la date de conclusion du contrat.
C’est ensuite la Confirmation mais elle ne concerne que la nullité relative. C’est le fait
pour une personne qui avait le droit d’agir en nullité d’y renoncer expressément ou tacitement. En
cas de confirmation, le contrat irrégulier est sensé être valide dès le début, dès sa conclusion
parce que la confirmation rétroagit.
C’est l’anéantissement total du contrat comme s’il n’avait jamais existé. Si le contrat
n’avait pas encore été exécuté, il ne le sera jamais plus et s’il y avait déjà exécution, les parties
sont tenues de restituer ce qu’elles ont reçu. C’est ce que l’on appelle l’effet rétroactif de la
nullité. Les parties doivent être mises dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion de
leur contrat irrégulier. C’est ce que l’on appelle le Statu Quo Ante. Mais la restitution n’est pas
absolue. Parfois elle est atténuée ou elle est écartée. C’est notamment le cas lorsque la nullité
est prononcée pour incapacité parce que la loi décide que l’incapable n’est tenu à restitution que
dans la limite de son enrichissement. C’est aussi le cas lorsque la nullité a été prononcée pour
immoralité du contrat. Dans ce cas en effet, on applique la règle selon laquelle « Nul ne peut se
prévaloir de sa turpitude ». En d’autres termes, on ne peut pas invoquer sa propre immoralité
pour obtenir restitution. Finalement, il faut retenir que le contrat nul est anéanti et entraîne des
effets rétroactifs à moins que cette rétroactivité ne soit tempérée, qu’elle ne soit atténuée ou
écartée. Mais si le contrat est valable, à partir de ce moment, il va développer ses effets.
Chapitre 3 : Les Effets du Contrat
Lorsque le contrat est régulièrement formé, il doit être exécuté par les parties. Mais on
doit aussi envisager la situation des tiers par rapport au contrat.
Les parties à un contrat régulièrement formé sont tenues d’exécuter leurs engagements.
C’est le Principe de la Force Obligatoire du contrat. Mais l’exécution du contrat peut être
assortie de certaines modalités.
Elle trouve son siège dans l’article 96 du COCC aux termes duquel « le contrat légalement
formé crée entre les parties un lien irrévocable ». Cela signifie plusieurs choses :
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En premier lieu, cela veut dire que les parties sont tenues de respecter leurs
engagements jusqu’à leur terme. Aucune d’elle ne peut rompre le contrat ou le modifier de façon
unilatérale. « Ce que la volonté commune a fait, seule la volonté commune peut le défaire ».
Mais il y a des atténuations à ce principe de la force obligatoire du contrat parce qu’il y a
des hypothèses dans lesquelles le contrat peut être rompu de façon unilatérale. C’est notamment
le cas dans les contrats qui sont marqués par la confiance, des contrats qui sont généralement
intuitu personae c’est-à-dire conclu en considération de la personne du contractant. Exemple : le
contrat de mandat qui peut être rompu à tout moment, c’est ce que l’on appelle la Révocation Ad
Nutum.
La deuxième exception c’est dans les contrats à durée indéterminée parce qu’on permet à
chaque partie dans ce cas de pouvoir y mettre fin de façon unilatérale. C’est ce que l’on appelle le
Droit de Résiliation Unilatéral parce que le droit réprouve, interdit que l’on puisse s’engager à
vie, à perpétuité, cela étant contraire à la liberté individuelle.
En dehors de ces deux hypothèses, le contrat légalement formé est « la loi des parties »
qui sont tenues de respecter leurs engagements jusqu’au bout. Mais encore faudrait-il savoir qui
est partie soumise à la force obligatoire du contrat. Il y a plusieurs catégories de parties au
contrat.
Il y a d’abord les personnes qui, elles-mêmes ont conclu le contrat en leur nom et pour
leur compte.
Il existe ensuite les personnes qui se sont fait représentées parce que le représentant
agit au nom et pour le compte du représenté.
Il y a enfin les ayant cause universels et les ayant cause à titre universel c’est-à-dire
respectivement ceux qui ont vocation à recueillir la totalité du patrimoine et ceux qui ont
vocation de recueillir une fraction de ce patrimoine.
C’est à l’égard de tous ces gens là que le contrat crée un lien irrévocable. Mais l’exécution
du contrat peut être assortie de certaines modalités.
1 – Le Terme.
2 – La Condition.
Il s’agit d’un événement futur mais de réalisation incertaine dont on fait dépendre la
naissance de l’obligation ou sa disparition.
Dans le premier cas, on parle de Condition Suspensive. Ex : Je vous vend mon ouvrage si
je réussis à mon examen ( la réussite est un événement futur et incertain).
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Dans le second cas on parle de Condition Résolutoire. Ex : Je vous donne ma maison si je
meurs sans enfant. Le bénéficiaire devient automatiquement propriétaire parce que l’obligation
existe déjà. Si la condition se réalise, c’est-à-dire si le donateur meurt sans enfant, le donataire
est définitivement propriétaire. Par contre si le donateur a un enfant avant son décès, la
donation est annulée comme si elle n’a jamais existé. Donc le donataire est obligé de restituer la
maison. C’est la condition résolutoire. Mais toutes les conditions ne sont pas valables.
Il y a d’abord la Condition purement Potestative, c’est celle qui dépend exclusivement de
la volonté du débiteur. Elle n’est pas valable. Ex : Je vous rembourserai le prêt que vous m’avez
accordé quand je voudrai (cela n’a aucune valeur juridique)
Il y a ensuite la Condition Casuelle. C’est celle qui dépend du hasard et elle est valable.
Ex : Je vous donne un million si je gagne au loto.
Il y a également la Condition Mixte. Ex : Je vous vend mon véhicule si je suis affecté à
Thiès (mon affectation dépend de ma demande mais aussi de l’acceptation d’autrui).
Il y a enfin la Condition impossible, illicite ou immorale. Elle n’est pas valable. Ex : Je vous
donne cinq millions si vous décrochez la lune ou si vous m’apportez cinq kilogrammes de cocaïne.
Le contrat ne laisse pas insensibles les tiers qui sont soumis à un principe inverse, le
Principe de la Relativité des Conventions ou de l’Effet Relatif du Contrat. Mais ce principe
connaît des exceptions.
On appelle Effet Relatif du Contrat le fait qu’un tiers ne puisse devenir ni créancier, ni
débiteur en vertu d’un contrat qu’il n’a pas conclu. Mais cela signifie aussi que le contrat est
opposable aux tiers et par les tiers.
D’abord le contrat est opposable aux tiers dans la mesure où même les tiers sont tenus
de respecter l’existence d’un contrat auquel ils n’ont pas participé parce que le contrat en tant
que tel constitue une situation de fait objective que tout le monde est tenu de respecter au
risque de voir sa responsabilité engagée.
Il y a ensuite l’opposabilité du contrat par les tiers. Dans ce cas, ce sont les tiers qui
invoquent l’existence d’un contrat pour en tirer profit.
Il faut maintenant identifier qui sont les tiers soumis au principe de la relativité des
conventions.
Il y a d’abord ceux que l’on appelle les Tiers Absolus ou encore Penitus Extranei. Ce sont
les personnes qui sont totalement étrangères au contrat et que le contrat laisse totalement
indifférentes. C’est à l’égard de ces tiers absolus que le principe de la relativité des conventions
joue en plein temps, c’est-à-dire qu’un tiers absolu ne peut être ni créancier, ni débiteur en vertu
d’un contrat qu’il n’a pas conclu.
Il y a ensuite d’autres catégories de tiers plus ou moins intéressés. Ce sont les
Créanciers Chirographaires et les ayant cause à titre particulier.
Les Créanciers Chirographaires : Ce sont des créanciers qui n’ont d’autre garantie que le
patrimoine de leur débiteur. Donc ils sont intéressés par la consistance de ce patrimoine. Si le
débiteur utilise des actes frauduleux pour échapper au paiement, la loi permet au créancier
chirographaire de faire annuler de tels actes frauduleux accomplis par le débiteur. C’est ce que
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l’on appelle l’ Action Paulienne. De même, le créancier chirographaire peut agir contre le débiteur
de son débiteur négligeant ou passif. C’est ce que l’on appelle l’ Action Oblique.
Mais il y a aussi la situation des ayant cause à titre particulier qui, en principe devraient
être soumis au principe de la relativité des conventions. Mais la loi a prévu des dérogations
ponctuelles notamment en matière de bail lorsque l’immeuble loué a été transmis. Dans ce cas, le
nouvel acquéreur propriétaire de l’immeuble est tenu de maintenir dans les lieux le locataire. En
matière de Droit du Travail, il en va aussi de même lorsqu’il y a cession d’entreprise. Le nouvel
acquéreur est tenu de maintenir les contrats de travail en cours conclus par son prédécesseur.
En Réalité, il n’y a qu’une seule exception : c’est la Stipulation pour Autrui parce que la Promesse
de Porte-Fort est une fausse exception.
C’est une convention par laquelle une personne, le Porte-Fort, s’engage auprès de son
contractant qu’un tiers ratifiera le contrat. Il y a deux hypothèses :
1ère hypothèse : Le tiers ratifie le contrat : il n’est plus alors tiers, il devient partie.
2ème hypothèse : Le tiers refuse de ratifier le contrat : il demeure tiers et seul le Porte-
Fort reste engagé vis à vis de son contractant.
Quel que soit l’aspect sous lequel on l’étudie dans ses deux formes, la promesse de porte-
fort ne constitue en aucune façon une exception à la relativité des conventions ; ce qui n’est pas
le cas de la stipulation pour autrui.
La stipulation pour autrui est une convention par laquelle une personne, le promettant,
s’engage auprès de son contractant d’exécuter une prestation déterminée au profit d’un tiers
qu’on appelle Tiers Bénéficiaire. A partir de la conclusion du contrat, le tiers bénéficiaire devient
le créancier direct du promettant. Son droit naît du contrat et ce droit devient irrévocable dès
l’instant qu’il a accepté la stipulation faite à son profit. Mais tant qu’il n’a pas accepté, le
stipulant peut révoquer la stipulation et désigner un autre tiers bénéficiaire le cas échéant. Les
droits du tiers bénéficiaire sont censés lui appartenir dès l’origine. Par voie de conséquence, ni
les héritiers, ni les créanciers du stipulant ne peuvent avoir de prétention sur les droits du tiers
bénéficiaire. Et il n’est pas nécessaire que le tiers bénéficiaire soit au courant de la stipulation
faite à son profit. Il n’est pas non plus nécessaire que ce tiers bénéficiaire existe au moment de
la conclusion du contrat. Mais le promettant peut opposer au tiers bénéficiaire toutes les
exceptions qu’il aurait pu opposer au stipulant. Enfin, il faut souligner que la stipulation pour
autrui est une convention. En tant que telle, elle doit respecter toutes les conditions de validité
des contrats. Sous réserve de cette précision, il reste que le tiers bénéficiaire est devenu
créancier du promettant alors qu’il n’a pas conclu de contrat. C’est en cela que la stipulation pour
autrui constitue la seule exception à la relativité des conventions.
Nota : L’exemple type est la souscription d’une police d’assurance vie par un parent pour son
enfant déjà né ou même encore en gestation.
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Il arrive parfois que le contrat légalement formé rencontre dans son exécution quelques
difficultés qui peuvent entraîner sa paralysie. En schématisant, on peut dire qu’il y a deux séries
de difficultés d’exécution : la première série est d’ordre intellectuel, la seconde est d’ordre
économique.
Il peut arriver que le contrat soit mal rédigé, qu’il soit équivoque, ambigu, obscur ou
imprécis à telle enseigne que chaque partie en a une lecture, une compréhension différente. Donc
les parties ne s’entendent pas sur ce que le contrat veut dire. Comment alors sortir de cette
situation.
Il faut interpréter le contrat, et l’organe qui est habilité à le faire, c’est le Juge, mais il
n’a pas une liberté absolue dans sa mission d’interprétation. En effet, la loi a mis à sa disposition
des méthodes d’interprétation.
- La première méthode consiste pour le Juge à rechercher quelle est la commune
intention des parties. Pour ce faire, le Juge doit essayer de découvrir quel est l’esprit du contrat
parce que sa lettre fait défaut, est équivoque.
- La deuxième méthode, c’est celle par laquelle le Juge va s’appuyer sur l’équité, la bonne
foi et les usages pour savoir ce que le contrat veut dire.
Lorsque aucune de ces deux méthodes n’est opérationnelle, alors le Juge va interpréter le
contrat en faveur du débiteur. C’est ce que l’on appelle l’interprétation in favorem. C’est parce
que le Droit considère qu’il appartient au créancier de veiller à ses intérêts. Si le contrat est
ambigu, c’est que le créancier n’a pas été vigilant. Il doit supporter les risques de cette
négligence. L’ambiguïté du contrat profite donc au débiteur, si les méthodes objective et
subjective ne permettent pas d’interpréter le contrat. Mais la décision d’interprétation faite par
le Juge est soumise à un double contrôle par la Cour de Cassation.
En premier lieu, la Cour de Cassation va vérifier si les juges n’ont pas dénaturé le
contrat en interprétant des clauses claires et précises. La dénaturation est un motif de
cassation, c’est-à-dire que la Cour Suprême va annuler la décision qui a dénaturé le contrat.
Le second contrôle est un contrôle de qualification, c’est-à-dire que la Cour Suprême va
vérifier si les juges ont mal qualifié le contrat. La fausse qualification est un motif de cassation.
parties le Juge ne pouvait pas rééquilibrer le contrat par souci d’équité, en tenant compte de ces
circonstances imprévues.
A cette question, le Droit Civil a une solution qui ne s’est pas démentie depuis longtemps.
C’est que « le Juge ne peut modifier un contrat légalement formé quelles que soient les
circonstances économiques qui surviennent » parce que selon la Jurisprudence : « Quoi
qu’équitable que puisse être sa décision, il n’appartient pas au Juge de modifier un contrat
légalement formé pour tenir compte des circonstances de lieu et de temps ». Donc le Droit Civil
rejette la Théorie de l’Imprévision contrairement au Droit Administratif.
Pour contourner la rigueur d’une telle solution, les parties ont intérêt à insérer dans leur
contrat des clauses d’adaptation ou de renégociation, ou encore des clauses d’indexation ou
d’échelle mobile.
La clause d’indexation, c’est celle par laquelle les parties font dépendre le montant de la
somme à payer par référence à un indice qu’elles auront librement choisi. Mais, il faudra que cet
indice soit en rapport avec l’objet du contrat ou l’activité de l’une des parties.
Lorsque le contrat n’est pas exécuté, c’est qu’il y a atteinte à sa force obligatoire. La
question est alors de savoir quelle est la réaction du Droit face à cette pathologie
contractuelle ?
Il faut distinguer selon que l’inexécution du contrat est consécutive à un cas de force
majeure ou selon que l’inexécution est imputable à l’une des parties.
L’hypothèse ici, c’est celle dans laquelle le contrat ne peut plus être exécuté, parce qu’un
événement imprévisible, irrésistible et insurmontable a empêché cette exécution qui devient
impossible.
Quelle est la partie qui va supporter les risques de cette inexécution due à un cas
de force majeure ?
Exemple 1 : Un étudiant loue une chambre pour l’année académique, l’immeuble loué est détruit
par un incendie au mois de janvier. Que devient le contrat de bail ?
Exemple 2 : Une personne achète un poste téléviseur chez son voisin, mais le poste implose avant
qu’elle n’en prenne livraison alors qu’elle avait déjà payé. Que devient le contrat de vente ?
La réponse varie en fonction des obligations qui sont contenues dans le contrat.
Ici, l’un des contractants ne s’exécute pas. La question est de savoir ce que peut faire
l’autre contractant. Le Droit a mis à sa disposition plusieurs moyens pour lutter contre la
défaillance de son co-contractant.
En premier lieu, il est possible d’invoquer l’Exception d’Inexécution, c’est-à-dire que
l’autre partie refuse de s’exécuter tant que son contractant ne s’est pas exécuté. Mais cela n’est
possible que dans les contrats synallagmatiques parce que l’on sait que dans ce genre de contrats,
l’obligation de chaque partie est dépendante de celle de l’autre. Ce sont des obligations
réciproques. L’exception d’inexécution est une forme de justice privée parce qu’il n’est pas besoin
de saisir le Juge. Mais c’est une situation qui ne peut être que provisoire et qui entraîne la
paralysie de l’exécution du contrat.
La deuxième possibilité offerte au contractant, c’est ce que l’on appelle l’Exécution
Forcée. L’exécution forcée sera étudiée plus tard notamment dans la deuxième partie.
La troisième possibilité, c’est de Demander des Dommages et Intérêts pour le
préjudice subi du fait de l’inexécution. C’est alors un problème de Responsabilité Civile qui va
être étudié plus tard.
Enfin, la quatrième et dernière possibilité, c’est de demander au Juge de rompre le
contrat, c’est ce que l’on appelle la Résolution Judiciaire du contrat. Mais ce n’est pas parce
qu’elle est demandée qu’elle va être prononcée, parce que le Juge bénéficie d’un pouvoir
d’appréciation. Il va en effet vérifier si le manquement, si l’inexécution justifie la rupture du
contrat. Par ailleurs, les parties peuvent prévoir que dans telles circonstances, le contrat sera
résolu de plein droit, de façon automatique. Lorsque le contrat est résolu, il produit les mêmes
effets que la nullité, c’est-à-dire qu’il rétroagit.
Ici, on est créancier ou débiteur sans l’avoir voulu. C’est la Loi qui en décide ainsi. Cela
concerne deux hypothèses : c’est d’une part la Responsabilité Civile ; c’est d’autre part ce que le
COCC appelle les Autres Sources d’Obligations.
Elle peut être définie comme l’Obligation de Réparation mise à la charge d’une personne
à propos du dommage causé à autrui (ou subi par autrui). La victime du dommage, c’est le
créancier ; le responsable, c’est le débiteur. Par le seul fait de la Loi, l’obligation se crée ainsi.
L’étude de la responsabilité civile renvoie à trois aspects : c’est d’une part le Fait Générateur de
la responsabilité civile, c’est d’autre part le Dommage et le Lien de Causalité ; c’est enfin les
Effets de la responsabilité civile, c’est-à-dire la réparation du dommage.
Il s’agit d’une variable de la responsabilité civile parce que c’est une condition qui varie d’un
régime à un autre. On peut en effet être responsable soit par son Fait Personnel, soit par le Fait
d’Autrui, soit par le Fait d’une Chose.
Sous-Section 1 : La Responsabilité du Fait Personnel.
Ici, on est déclaré responsable parce que personnellement on a commis une faute qui a
entraîné un préjudice, article 118 du COCC : « Celui qui, par sa faute cause à autrui un dommage,
est tenu de le réparer ». Il faut donc savoir ce que c’est une faute pour engager la responsabilité
personnelle d’un individu. Mais la personne dont la responsabilité est recherchée peut avoir des
moyens de défense tendant à écarter ou à atténuer sa responsabilité.
Pour pouvoir engager la responsabilité sur le fondement du fait personnel, il faut prouver
que l’individu a commis une faute. Dans le Code des Obligations, il y a deux articles qui
permettent d’identifier la faute :
Le premier, c’est l’article 119 du COCC qui dispose : « La faute est un manquement à une
obligation préexistante de quelque nature qu’elle soit ». C’est l’élément matériel de la faute.
Le deuxième texte est relatif à l’élément moral de la faute, c’est l’article 121.
Cela renvoie à deux aspects : c’est d’abord la Gravité de la Faute ; c’est ensuite
l’Imputabilité de la Faute.
1 – La Gravité de la Faute
En matière de responsabilité civile, toute faute, même la plus légère (culpa levissima), la
plus vénielle est de nature à engager la responsabilité de son auteur. Donc la gravité de la faute
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importe peu. Il peut s’agir d’une faute intentionnelle, celle dont l’auteur de l’acte a recherché les
effets. On l’appelle aussi Faute Dolosive. Mais la faute peut aussi être d’imprudence ou de
négligence, c’est la Faute Involontaire qu’on appelle aussi Quasi-délit. Donc le principe reste que
n’importe quelle faute peut engager la responsabilité, même s’il arrive parfois qu’on puisse tenir
compte de la gravité de la faute, notamment pour aggraver la responsabilité.
La question ici est de savoir si pour commettre une faute, il faut savoir ce que l’on fait.
Est-ce qu’il faut avoir un esprit de discernement, savoir distinguer le bien du mal, parce qu’il y a
des personnes qui peuvent faire mal sans le savoir. Ce sont les malades mentaux et les enfants à
bas âge. Pendant longtemps, on a estimé que ces personnes ne pouvaient pas commettre de faute
parce qu’elles sont inconscientes, elles ne savent pas ce qu’elles font. Donc on ne peut leur
imputer à faute un acte dommageable. Par conséquent, la victime de ces personnes risque de
rester sans réparation parce qu’elle ne pourra pas engager la responsabilité de ces personnes.
Sur ce plan particulier, il y a cependant une évolution aussi bien en Droit français qu’en Droit
sénégalais.
D’abord en Droit français, dès 1968 on a modifié l’article 489 du Code Civile pour y
ajouter un alinéas en vertu duquel « Celui qui, en état de trouble mental cause à autrui un
dommage, n’en est pas moins responsable ». Donc, en France, depuis 1968, on peut engager la
responsabilité des personnes atteintes de trouble mental. Mais pour les enfants à bas âge, il
faudra attendre 1984 pour que la Cour de Cassation française décide qu’il n’est pas besoin, pour
engager la responsabilité d’un enfant, de rechercher si l’enfant était doté d’un esprit de
discernement. Il suffit que l’acte de l’enfant soit objectivement illicite. On n’a pas besoin de
savoir s’il savait ou non ce qu’il faisait. C’est ce que l’on a appelé la faute objective, c’est-à-dire
sans élément d’imputabilité. Donc désormais, il est possible d’engager la responsabilité non
seulement d’un enfant, mais aussi celle d’un malade mental.
En Droit sénégalais, on est arrivé au même résultat par un raccourci. En effet, dès 1977,
le législateur a introduit dans l’article 123 un troisième alinéa en vertu duquel tout acte est de
nature à atténuer ou à aggraver la responsabilité de son auteur. Comme on vise tout acte, cela
veut dire qu’on n’a pas besoin que l’enfant ou le malade mental sache ce qu’il faisait. C’est leur
acte objectif qui est pris en compte indépendamment de la question de savoir si oui ou non ils
sont conscients de ce qu’ils font. Donc finalement, la recherche de l’imputabilité est inutile.
Désormais, c’est sous ce double regard – élément matériel et élément moral – qu’il faut apprécier
la faute qui doit être prouvée par la victime. Mais la personne dont la responsabilité est
recherchée peut toujours invoquer, soulever des moyens de défense.
Paragraphe 1 : Les Responsabilités du fait d’autrui fondées sur une présomption de
faute : la responsabilité parentale et la responsabilité des maîtres et artisans.
Dans ces catégories de responsabilités du fait d’autrui, on présume que les parents ou
maîtres et artisans ont commis une faute, c’est pourquoi on les déclare responsables.
A / La Responsabilité Parentale.
Lorsqu’un enfant mineur cause à autrui un dommage, le Droit présume que c’est parce qu’il
a été mal éduqué ou mal surveillé, donc que ses parents sont en faute. Mais il faut qu’il s’agisse
d’un enfant mineur (moins de 18 ans) et que cet enfant cohabite avec les parents ou avec toute
personne qui en a la garde. Peu importe que cet enfant soit conscient de ce qu’il fait, il suffit que
son acte illicite ait causé à autrui un dommage. Les personnes qui vont être déclarées
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responsables, ce sont les père et mère ou tous les deux solidairement ou tout autre parent
exerçant sur l’enfant la garde.
Les parents dont la responsabilité est recherchée peuvent échapper en prouvant qu’elles
n’ont pu empêché le fait dommageable.
Ici, il s’agit d’une responsabilité objective, de plein droit qui ne repose pas sur une
présomption de faute.
Le commettant en effet ne peut pas échapper à cette responsabilité en rapportant la
preuve qu’il n’a commis ni une faute de surveillance, ni une faute de choix du préposé. Il ne peut
s’exonérer qu’en présence d’une cause étrangère, notamment un cas de force majeure ou le fait
d’un tiers. Sous réserve de cette précision, il y a lieu d’identifier le commettant et le préposé.
On peut dire que généralement, le commettant, c’est celui qui donne des ordres et des
instructions à une autre personne qui exécute un travail pour lui. Donc il existe nécessairement
un lien de préposition dans le contrat de travail. Mais on peut aussi le retrouver en dehors de
tout contrat de travail notamment dans des rapports de parenté ou de simples rapports amicaux
voire de civilité. Il faut que l’acte ait été commis pendant l’exécution des fonctions ou à
l’occasion des fonctions. En principe, cela ne pose pas de difficultés particulières notamment
lorsque le dommage est intervenu pendant les heures de travail et au lieu de travail. Mais qu’en
est-il lorsque le dommage est causé par un chauffeur qui utilise le véhicule de service un
dimanche comme transport en commun ? C’est ce que l’on appelle la Théorie de l’Abus de
Fonction qui aurait dû recevoir une solution simple au Sénégal, mais tel n’est pas le cas.
Par contre, en Droit français, il y a eu une évolution. Pendant plus de trente (30) ans, il y
avait une opposition entre les Chambres de la Cour de Cassation. La Chambre Civile décidait que
l’abus de fonction exonère le commettant, tandis que la Chambre Criminelle décidait du
contraire. Mais finalement, on est parvenu à une unification de la Jurisprudence en France. En
effet, désormais, lorsque le préposé agit en dehors de ses fonctions, à des fins étrangères à ses
fonctions et sans autorisation, le commettant n’est plus responsable.
Au Sénégal, il existe une disposition de la Loi qui envisage pratiquement dans tous les cas
la responsabilité du commettant. C’est l’article 148 du COCC qui prévoit : « En cas d’abus de
fonction, le commettant est toujours responsable dès l’instant qu’il y a un lien de causalité ou de
connexité avec la fonction ».
Ici aussi, il s’agit d’une responsabilité de plein droit, automatique, qui ne repose pas sur la
faute, du moins en ce qui concerne le Principe Général de Responsabilité du fait des Choses. C’est
qu’aujourd’hui, il existe en plus un régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents de la
circulation. On applique alors le Code CIMA (Conférence Inter-Africaine des Marchés
d’Assurance).
Ici, on est déclaré responsable parce qu’une chose ou un animal dont on a la garde ou la
maîtrise a causé à autrui un dommage. Le responsable c’est donc le gardien ou le maître de la
chose. Il faut d’une part identifier le gardien, ensuite les choses susceptibles d’engager la
responsabilité et enfin les causes d’exonération du gardien ou maître de la chose.
1 – L’Identification du Gardien.
Est déclaré gardien celui qui a sur une chose un pouvoir d’usage, de contrôle et de
direction : c’est le propriétaire de la chose, mais il n’en est pas toujours ainsi en ce sens qu’il y a
des situations dans lesquelles la garde peut être transférée ou éclatée, comme il y a des
situations dans lesquelles on ne peut individualiser le gardien. C’est l’hypothèse de la garde
collective ou commune. D’abord la garde peut être transférée à une personne autre que le
propriétaire. Soit ce transfert est volontaire – c’est le cas par exemple du prêt de véhicule ou de
la location de véhicule et dans ces deux cas ce sont respectivement l’emprunteur ou le locataire
qui était gardien pendant le temps où la chose était à sa disposition -, soit ce transfert est
involontaire et c’est notamment le cas du vol ou de la perte. La garde peut aussi être éclatée
notamment lorsqu’il s’agit de chose ayant le dynamisme propre. Dans ce cas, on distingue entre la
garde de la structure et la garde du comportement, et le gardien sera désigné en fonction de
l’origine du dommage. Il y a des hypothèses dans lesquelles il n’est pas possible d’individualiser le
gardien parce qu’il est dans un groupe déterminé mais lui n’est pas déterminé ;
Toutes les choses, sauf les véhicules terrestres à moteur sont de nature à engager la
responsabilité du gardien. Peu importe qu’il s’agisse d’une chose mobile ou que la chose ait été
actionnée ou non par la main de l’homme. Peu importe aussi qu’il s’agisse d’une chose inerte, qui ne
bouge pas ou qu’il s’agisse d’une chose dangereuse ou pas. Toutes les fois où sans la chose le
dommage ne se serait pas produit et il n’est même pas besoin qu’il y ait contact matériel entre la
chose et la victime.
La responsabilité du fait des choses est une responsabilité de plein droit, automatique.
On parle de présomption de responsabilité. En d’autres termes, cela veut dire que le gardien dont
la responsabilité est recherchée ne peut s’exonérer en apportant la preuve qu’il n’a commis
aucune faute. La seule exonération qui lui est accordée, c’est celle qui résulte d’une cause
étrangère, c’est-à-dire le fait d’un tiers, la faute de la victime ou la force majeure. Tel est le
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régime du Principe Général de Responsabilité du Fait des Choses . Mais depuis quelques années, il
existe un régime spécial d’indemnisation d’accidents de la circulation.
Désormais lorsqu’un véhicule terrestre à moteur cause à autrui un dommage, ce n’est plus
le COCC qui est applicable, mais le Code CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés
d’Assurance). Il s’agit d’une loi uniforme qui s’applique dans tous les pays adhérant à la CIMA
notamment le Sénégal, le Mali, la Guinée Conakry, le Niger, le Tchad, le Bénin, le Burkina Faso, la
Côte d’Ivoire, le Cameroun. C’est la Loi qui est applicable dans tous ces pays et qui a pour finalité
d’améliorer l’indemnisation des victimes d’accident notamment automobile. Il s’agit plus
exactement des dommages corporels parce que, pour les dommages matériels, on retrouve les
règles classiques de réparation. Le système mis en place facilite ou assure l’indemnisation
pratiquement dans tous les cas avec une procédure simplifiée plus rapide par opposition à la
procédure judiciaire. En effet, dès que le dommage survient, la compagnie d’assurance du
véhicule impliqué doit faire l’offre d’indemnisation qui ne peut dépasser un an. Et pendant cette
période, s’il y a urgence, la victime peut bénéficier de provisions pour faire face aux frais
occasionnés par le dommage et si la compagnie d’assurance use de moyens dilatoires dans l’offre,
elle peut être frappée de pénalités. Généralement, il y a l’accord dans ce délai d’un an sur l’offre
d’indemnisation et ce n’est qu’en cas d’échec qu’il est possible de saisir la justice. C’est la
première innovation apportée par le Code CIMA. La deuxième innovation apportée par le Code
CIMA, c’est qu’on ne peut opposer à la victime ni la force majeure, ni le fait d’un tiers, ni sa
propre faute sauf si c’est elle même qui a recherché le dommage. La troisième innovation : même
lorsque le véhicule n’est pas assuré ou le conducteur du véhicule est non identifié, la victime peut
obtenir réparation par le Fonds de Garantie Automobile qui est un fonds alimenté par une
subvention de l’Etat, mais aussi de toutes les compagnies d’assurance.
Cependant, le Code CIMA renferme un inconvénient majeur par rapport à la
responsabilité classique. En effet, la réparation du Code CIMA n’est pas intégrale, elle n’est pas
totale. C’est une réparation par forfait. C’est ce que l’on appelle le Système de la Barêmisation.
On l’appelle aussi préjudice et il y en a une variété même si tous les dommages ne sont
pas réparables.
B / Le Dommage Réparable
En conclusion, c’est lorsque ces trois conditions de la Responsabilité sont réunies qu’il est
possible d’envisager les effets qui s’y attachent.
Bien souvent, lorsque les parties ne transigent pas, lorsqu’elles ne s’entendent pas à
l’amiable, il faut saisir le Juge pour que le dommage soit réparé. Celui qui demande réparation, en
principe c’est la victime et c’est le créancier ou ses ayant droit. Celui à qui on demande
réparation, c’est le responsable et c’est le débiteur.
En principe, l’action en responsabilité est portée devant le tribunal du domicile du
défendeur. C’est généralement le lieu de survenance du dommage. Mais il arrive que le fait
générateur du dommage soit en même temps une infraction pénale. Dans ce cas, l’action peut être
portée soit devant le Tribunal Civil, soit devant le Tribunal Répressif. Si elle est portée devant le
Tribunal Répressif, la décision du Juge Pénal s’impose au Juge Civil qui ne peut décider
autrement. C’est ce que l’on appelle l’Autorité de la Chose Jugée au Pénal sur le Civil.
Par ailleurs, lorsque c’est la Juridiction répressive qui est saisie en premier lieu, le Juge
Civil est tenu de surseoir à statuer jusqu’à la décision du Juge Pénal.
Enfin, lorsque l’action en réparation est portée devant le Juge Pénal, on applique la
prescription du Droit Pénal, c’est-à-dire dix (10) ans pour les Crimes, trois (3) ans pour les Délits
et un (1) an pour les Contraventions.
L’évaluation du dommage se fait par le Juge qui se place au jour du jugement, ce qui lui
permet de prendre en compte l’évolution éventuelle du dommage depuis sa survenance. Mais la
dette de la réparation elle, naît au jour de la survenance du dommage parce que, dès ce moment,
la créance existe déjà. Elle est Certaine dans son principe. C’est sa Liquidité et son Exigibilité
qui sont différées jusqu’au jour du jugement.
Sous réserve de cette précision, il appartient au Juge de fixer souverainement le
montant des dommages et intérêts en tenant compte des circonstances le cas échéant. Ces
dommages et intérêts sont constitués par une certaine somme d’argent dont la finalité est non
pas d’effacer, mais de compenser le dommage, le préjudice subi. C’est pourquoi on les appelle des
dommages et intérêts compensatoires à côté desquels il y a des dommages et intérêts
moratoires, c’est-à-dire des dommages et intérêts dus à cause du retard dans l’exécution de
l’obligation.
Les dommages et intérêts ont donc pour fonction de réparer le dommage subi. C’est
pourquoi on parle de Réparation par Equivalent à l’opposé de la Réparation en Nature qui aurait
été meilleure, mais qui n’est pas possible dans tous les cas, notamment lorsqu’il s’agit d’obligation
de faire.
Sous réserve de ces précisions, la réparation doit être intégrale. On doit réparer tout le
dommage, la totalité du dommage, mais seulement le dommage. C’est le Principe de la Réparation
Intégrale. Mais il arrive parfois qu’il y ait des réparations forfaitaires comme avec le code CIMA
- l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. En matière délictuelle, les clauses qui
limitent ou écartent la responsabilité sont nulles, alors que de telles clauses sont valables en
matière contractuelle à la condition cependant qu’elles n’écartent pas toute responsabilité.
Elle peut être définie comme l’immixtion d’un tiers dans les affaires d’autrui. Et à partir
de ce moment, la Loi met à la charge de l’intervenant certaines obligations, de même qu’à la
charge de celui pour qui on intervient. Il faut des conditions à partir desquelles se produisent
certains effets.
Le gérant, c’est celui qui intervient dans les affaires d’autrui. Il n’est pas besoin qu’il soit
capable parce que ce n’est pas un contrat. Il faut cependant que le gérant n’ait aucun intérêt
dans l’affaire, ni directement, ni indirectement. Il doit être animé par une intention altruiste,
c’est-à-dire désintéressée. L’intervention du gérant doit être spontanée. Elle ne doit pas résulter
de la Loi ou d’un contrat.
Quant au géré, c’est celui dans les affaires de qui on intervient. On l’appelle aussi le
maître de l’affaire. Son consentement n’est pas requis, mais il peut s’opposer à la gestion faite à
son profit, et dans ce cas, il n’y a pas de gestion d’affaires.
B / Les Conditions relatives aux Actes de Gestion
Le gérant peut accomplir des actes matériels ou des actes juridiques. Il peut s’agir
d’actes d’administration, ou de conservation ou encore de disposition. Par contre les actes qui
sont attachés à la personne du maître de l’affaire ne peuvent faire l’objet de gestion. Par
exemple : le gérant ne peut divorcer à la place du maître de l’affaire.
Il y a d’abord les effets qui concernent le gérant, celui qui gère les affaires d’autrui.
Celui-ci est tenu d’une série d’obligations. En réalité, il y en a trois (3).
D’abord le gérant est tenu d’une obligation de persévérance, c’est-à-dire une fois qu’il
a commencé à intervenir dans les affaires d’autrui, il est tenu de continuer jusqu’au
bout. Il ne peut pas s’arrêter à mi-chemin. Aux termes de la Loi, il est tenu de
poursuivre sa gestion jusqu’à ce que le maître de l’ouvrage ou ses héritiers puissent y
pourvoir, puissent prendre le relais.
La deuxième obligation, c’est l’obligation de prudence et de diligence, c’est-à-dire que
celui qui gère les affaires d’autrui doit le faire en « bon père de famille », en homme
diligent et prudent, sinon il peut engager sa responsabilité civile.
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Il y a ensuite des obligations à la charge du maître de l’affaire, celui pour qui le gérant
intervenait. En effet, le maître de l’affaire est tenu de rembourser au gérant tous ses débours,
c’est-à-dire tous les frais occasionnés par la gestion. Mais il ne rembourse que les dépenses
utiles et non les dépenses futiles.
Par ailleurs, il se peut que le gérant ait conclu des contrats pour gérer l’affaire d’autrui.
Si le contrat a été conclu au nom du maître de l’affaire, il s’agit d’un mandat. Donc c’est le maître
de l’affaire qui est engagé. Mais si le gérant a conclu le contrat en son nom, il reste seul tenu vis-
à-vis de son contractant, quitte à ce qu’il se retourne après contre le maître de l’affaire à titre
de remboursement.
Finalement, sans qu’il y ait aucun accord de volontés entre le gérant et le maître de
l’affaire, il va y avoir des obligations à leur charge par le seul effet de la Loi. C’est aussi le cas
lorsqu’il y a enrichissement injuste.
La morale la plus élémentaire réprouve que l’on puisse s’enrichir indûment au détriment
d’autrui, le Droit aussi. C’est ce qui justifie la Théorie de l’Enrichissement Injuste. En réalité, il
y a un principe et une variété d’applications.
Le principe, c’est l’Enrichissement Sans Cause ; la modalité d’application, c’est la
répétition de l’indu.
Aux termes de la Loi, celui qui s’enrichit sans cause est tenu de le restituer, de le
répéter. C’est ce que l’on appelle l’action In Rem Verso. Cela suppose des conditions.
Si toutes ces conditions sont réunies, alors la personne enrichie doit restituer jusqu’à
due concurrence de son enrichissement. L’enrichissement sans cause est le principe qui est
illustré par la répétition de l’indu.
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C’est une modalité d’application de l’enrichissement sans cause. En effet, celui qui reçoit
un paiement indu est tenu de le répéter, de le restituer. Ce peut être à la suite d’une erreur ou
d’un contrat annulé ou encore sous l’effet de la violence. Dans tous ces cas, il va y avoir
restitution. Mais il faut distinguer selon que celui qui a reçu paiement était de bonne ou de
mauvaise foi.
S’il était de bonne foi, c’est-à-dire s’il ne savait pas qu’il recevait un indu, dans ce cas, il
restitue la chose reçue sans les fruits. Si la chose a été aliénée entre temps, il restitue la valeur
de la chose. Et si la chose a été détruite par cas de force majeure, il est libéré.
Par contre s’il était de mauvaise foi, c’est-à-dire s’il savait recevoir un indu, dans ce cas il
restitue la chose avec les fruits et même en cas de destruction par force majeure, il est tenu de
restituer la valeur de la chose.
Finalement, c’est la Loi qui met à la charge de l’enrichi une obligation indépendamment de
sa volonté.
En conclusion, on sait maintenant que la source de l’obligation est soit volontaire, soit
légale. Mais quelle que soit l’origine de l’obligation, il existe un ensemble de règles qui lui sont
applicables. C’est ce que l’on appelle le Régime Général de l’Obligation.
Il s’agit ici de l’étude de l’ensemble des règles applicables à toutes les obligations quelle
que soit leur source. L’obligation est en effet une valeur patrimoniale, mais elle n’est pas
éternelle, elle est appelée à disparaître. C’est ce que l’on appelle l’Extinction de l’obligation. Mais
dans la même perspective, l’obligation mérite d’être protégée parce qu’elle est une valeur. C’est le
problème de la Protection de l’obligation. Enfin, en tant que valeur, l’obligation est appelée à se
transmettre, elle est appelée à circuler. C’est le problème de la Transmission de l’obligation.
Il y a des hypothèses dans lesquelles l’obligation est éteinte et le créancier est satisfait.
Mais il y en a d’autres où le créancier n’obtient aucune satisfaction et pourtant le débiteur est
libéré.
Si le créancier est totalement satisfait, c’est parce qu’il a été payé. Mais parfois sa
satisfaction est mitigée, indirecte parce qu’il n’a pas reçu exactement ce à quoi il s’attendait.
Ce sont des règles que l’on retrouve pour tous les paiements. Elles renvoient aux parties
au paiement, à la date et au lieu du paiement, à l’objet du paiement, à l’imputation des paiements
et à la procédure des offres réelles.
Celui qui paie, on l’appelle le Solvens. En principe, c’est le débiteur ou ses ayant droit.
Celui qui reçoit le paiement, c’est l’Accipiens. C’est le créancier ou ses héritiers.
B / La Date du Paiement
En principe, l’obligation est immédiatement exigible. Elle doit être exécutée dès sa
naissance, à moins qu’elle ne soit assortie de certaines modalités (le terme et la condition).
C / Le Lieu du Paiement
D / L’Objet du Paiement
C’est ce qu’il faut payer. En principe, le débiteur doit payer exactement ce qui a été
convenu et pas autre chose. C’est ce que l’on appelle la Règle de l’Identité entre l’obligation et
l’objet du paiement.
C’est le cas dans lequel le débiteur doit au même créancier plusieurs dettes et il effectue
un premier paiement qui est insuffisant à éteindre toutes les dettes. La question est alors de
savoir quelles dettes il a entendu honorer.
1ère Hypothèse : Le débiteur détermine lui-même quelle est la dette qu’il entend
payer. Mais cette liberté est encadrée : il ne peut payer que les dettes inférieures ou
égales au paiement effectué.
2ème Hypothèse : Si le débiteur ne procède pas à l’imputation, alors le créancier le
fera à sa place en lui délivrant une quittance.
3ème Hypothèse : Ni le débiteur, ni le créancier ne procède à l’imputation. Alors la Loi
a prévu des règles supplétives. Il faut d’abord imputer sur les dettes que le débiteur
avait intérêt à éteindre. A égalité d’intérêt, il convient d’imputer sur les dettes les
plus anciennes, et à égalité d’ancienneté, imputer de façon proportionnelle.
Il y a enfin le cas où le créancier refuse le paiement fait par le débiteur. Dans cette
hypothèse, le débiteur peut se libérer en utilisant la Procédure des Offres Réelles. Cela
consiste d’abord à faire une offre officielle de paiement par huissier au créancier. Si celui-ci
persiste dans son refus de recevoir le paiement, alors le débiteur va demander au Juge de lui
permettre de consigner l’objet du paiement (à la caisse de consignation au niveau de la Poste) et
à partir de cette autorisation, le débiteur est libéré pour avoir exécuté son engagement.
La première, c’est que le paiement doit se faire en monnaie ayant cours légal au
Sénégal, c’est-à-dire le franc CFA. Mais il arrive qu’on admette le paiement dans une
monnaie étrangère, notamment dans les transactions internationales. C’est
notamment lorsqu’il y a des clauses monnaie étrangère ou valeur or.
Il y a une deuxième règle, c’est le Nominalisme Monétaire, c’est-à-dire qu’en Droit, la
monnaie est statique, la valeur nominale de la monnaie ne change pas, quoi qu’il arrive.
Donc, pour les juristes, il n’y aurait pas de fluctuation monétaire, ce qui
économiquement est contestable.
Enfin, il faut signaler qu’il n’y a plus de cours forcé pour le paiement des obligations
pécuniaires.
Il y a deux hypothèses dans lesquelles le créancier peut ne pas être totalement satisfait,
bien qu’il ait été payé. C’est soit parce qu’il y a eu Dation en Paiement, soit parce qu’il y a eu
compensation.
32
C’est un mécanisme qui opère un raccourci pour éteindre deux dettes à concurrence de la
plus faible. Cela suppose que les deux parties au paiement soient réciproquement créancière et
débitrice l’une de l’autre.
La compensation évite le double paiement et éteint les obligations à due concurrence de
leurs montants respectifs.
En principe toutes les dettes sont compensables entre elles, sous réserve de certaines
restrictions, notamment pour les créances alimentaires ou encore pour les dettes de l’Etat.
Lorsque les deux dettes ne sont pas d’égale importance, seule l’une d’elle va être totalement
éteinte, et l’autre va subsister partiellement. Mais encore faudrait-il qu’il s’agisse de créances
certaines, liquides et exigibles.
Il s’agit d’hypothèses singulières parce que le débiteur va être libéré alors qu’il na pas du
tout payé. Cela arrive dans deux séries d’hypothèses. C’est d’une part la Prescription ; c’est
d’autre part la Remise de dette et autres modalités d’extinction de l’obligation.
La prescription peut être définie comme la prise en compte par le Droit du facteur
temporel. C’est en effet l’écoulement d’un temps, d’un délai au-delà duquel on ne peut plus
exercer son droit.
Paragraphe 1 : La Mise en Œuvre de la Prescription
33
C’est une convention par laquelle le créancier renonce à son droit et libère le débiteur.
C’est un Acte Abdicatif.
L’obligation est une valeur patrimoniale. En tant que telle, elle est appelée à être
transmise, elle est appelée à être transférée d’un patrimoine à un autre. C’est la Circulation de
l’obligation qu’on appelle aussi Transmission de l’obligation. Cette transmission peut prendre deux
formes : soit l’obligation est transmise sans aucun changement – il s’agit alors de la Cession
d’obligation et de la Subrogation -, soit l’obligation est transmise et se modifie totalement –
c’est alors la Délégation et la Novation.
A / La Cession de Créance
C’est une convention par laquelle une personne, le Cédant, transmet sa créance à une
autre personne, le Cessionnaire. A partir de ce moment, le cessionnaire devient le créancier
direct du débiteur cédé. Comme il s’agit d’une convention, il faut que toutes les conditions de
validité du contrat soient remplies entre le cédant et le cessionnaire. Mais le débiteur cédé n’est
pas partie au contrat. Il faut simplement que la cession lui soit notifiée. Et à partir de ce
moment, il est tenu de payer entre les mains du cessionnaire. Et il doit payer au cessionnaire la
valeur nominale de la créance, même si ce dernier l’a acquise moins chère. S’il arrivait que le
débiteur cédé paie entre les mains du cédant, il serait appelé à payer une seconde fois parce
qu’on dit : « Celui qui paie mal paie deux fois ». Mais il s’agit de la même obligation qui a été
transmise, c’est pourquoi le débiteur cédé peut opposer au cessionnaire les exceptions qu’il aurait
pu faire valoir contre le cédant.
B / La Cession de Contrat.
35
Avec la cession de contrat, c’est tout le contrat qui est cédé. La différence fondamentale
avec la cession de créance, c’est que dans ce mécanisme, il faut le consentement de toutes les
personnes impliquées dans l’opération, même celui du débiteur. Sous cette réserve, on retrouve
le même régime juridique, c’est-à-dire qu’il est possible de soulever des exceptions liées à
l’obligation.
La Délégation est un mécanisme par lequel une personne, le délégant, demande à une
autre, le délégué, de s’engager directement auprès d’une troisième personne, le délégataire. Donc
la délégation est une opération triangulaire entre le délégant, le délégataire et le délégué.
Généralement, le délégant est le créancier du délégué, mais dans le même temps, il est le
débiteur du délégataire.
Grâce à la délégation, la dette du délégué vis-à-vis du délégant va être éteinte avec
l’extinction, dans le même temps, de la dette du délégant vis-à-vis du délégataire. Mais il y a
deux (2) variétés de délégations :
Dans la première, le délégant est totalement libéré vis-à-vis du délégataire. On parle
alors de délégation parfaite.
Dans le second cas, malgré la délégation intervenue, le délégant reste toujours tenu vis-
à-vis du délégataire et, au cas où le délégué est insolvable, le délégataire pourra toujours se
retourner contre le délégant, le débiteur initial. C’est pourquoi on dit que la délégation
imparfaite constitue une véritable garantie, parce qu’elle donne au délégataire deux (2)
débiteurs, le délégué et le délégant. Si le premier ne paie pas, il pourra réclamer ce qui lui est dû
à l’autre. Mais qu’il s’agisse de la délégation parfaite ou imparfaite, il s’agit d’une obligation
totalement nouvelle, donc il ne peut y avoir d’opposabilité des exceptions.
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La Novation est un mécanisme par lequel deux parties conviennent d’éteindre une
obligation ancienne par une nouvelle. Il faut par conséquent qu’il y ait une obligation valable à
éteindre. Il faut par ailleurs que les parties aient l’intention d’éteindre l’obligation ancienne pour
la remplacer par une nouvelle. C’est ce que l’on appelle l’intention de nover ou l’Animus Novandi. A
partir de là, c’est une obligation nouvelle qui est créée, l’obligation ancienne ayant disparu. Par
voie de conséquence, aucune des parties ne peut plus s’en référer. La novation aura permis la
transformation de l’obligation par la création d’une autre et l’extinction de l’ancienne.
On sait maintenant que l’obligation est une valeur patrimoniale. A ce titre, elle mérite
d’être protégée. Cette protection peut varier dans son étendue, soit en fonction de la nature de
l’obligation, soit parce qu’on fait exécuter par la contrainte l’obligation par le débiteur.
Dans le premier cas, cela renvoie à l’obligation plurale, et dans le second cas, à
l’Exécution Forcée ou la Contrainte dans l’Exécution de l’Obligation.
Il peut s’agir d’une pluralité de créanciers et d’un seul débiteur qui doit la même chose à
tous en même temps.
Il peut aussi s’agir d’une pluralité de débiteurs devant la même obligation à un seul
créancier.
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La première condition tient à la créance. Elle doit être certaine, liquide et exigible.
La deuxième condition, c’est qu’il faut une mise en demeure du débiteur défaillant, c’est-
à-dire une notification officielle par laquelle on lui demande de payer. C’est généralement un
exploit d’huissier. Mais il faut préciser qu’en Droit Commercial, la défaillance du débiteur se
mesure à la cessation de paiement notamment lorsque le débiteur ne peut plus faire face à son
Passif Exigible grâce à son Actif Disponible. A partir de ce moment, ce sera l’ouverture des
Procédures Collectives. En Droit Civil, le débiteur est défaillant lorsqu’on parle de Déconfiture
et les actions ici sont individuelles, contrairement au Droit Commercial où les créanciers sont
représentés par un Syndic.
L’Exécution Forcée peut être directe : c’est contraindre le débiteur à faire ce qu’il aurait
dû faire et qu’il n’a pas fait. C’est l’idéal, mais il est rarement mis en œuvre. En effet, si l’on peut
détruire ce qui a été construit sur un terrain appartenant à autrui, bien souvent il n’est pas
possible de contraindre quelqu’un à faire ce qu’il ne veut pas faire, parce que c’est contraire à la
Liberté Individuelle. C’est pourquoi généralement on alloue des dommages et intérêts à la place.
38
La seconde mesure d’Exécution Forcée, c’est lorsqu’elle est indirecte, mais elle est très
efficace. C’est ce que l’on appelle l’Astreinte. C’est une mesure qui renvoie à une condamnation à
une somme d’argent à caractère successif qui incite le débiteur à s’exécuter avec diligence. On
dit que l’astreinte a un aspect Communatoire, un aspect Menaçant. Elle peut être provisoire ou
définitive.
DROIT
DU
TRAVAIL
39
L’étude du Droit du Travail renvoie, dans son aspect introductif, à trois (3) questions
fondamentales qui sont respectivement :
Le Droit du Travail peut être défini comme l’ensemble des normes régissant les rapports
entre employeurs et salariés (ou employés). Mais tous les rapports de travail ne sont pas sous
l’emprise du Droit du Travail. Il y a en effet, des travailleurs qui échappent à l’application du
Droit du Travail. Il s’agit :
Finalement, on peut retenir que le Droit du Travail ne s’applique dans une large mesure
qu’aux seuls salariés du Secteur Privé ou des Secteurs qui utilisent les méthodes du Secteur
Privé.
Ce Droit du Travail ainsi délimité a une histoire.
Elle peut être sommairement résumée en trois (3) étapes. Les deux (2) premières
correspondent à une époque partagée avec l’ensemble des pays africains sous domination
française :
C’est d’abord la période de l’Esclavage et du Travail Forcé, hypothèse où le travailleur est
soit considéré comme un objet, soit placé sous contrainte. Dans les deux (2) cas, c’est la négation
du travail qui correspond à la période obscure du Droit du Travail Africain.
La deuxième étape renvoie à l’avènement du Code du Travail des territoires d’Outre-mer
de 1952. Il s’agit là d’une avancée remarquable parce que, pour la première fois, les travailleurs
africains étaient soumis à un corpus de règles déterminant leurs conditions de travail, leur statut
en tant que salariés. Mais, en dépit des avantages consacrés, le Code de 1952 renfermait au
moins deux (2) principaux envers, deux principaux inconvénients. En effet, il était à la fois
Partiel et Partial.
D’abord il était partiel parce que des pans entiers du travail n’avaient pas été
réglementés, notamment la situation de la femme ou de l’enfant au travail ou encore
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les droits collectifs des salariés, compte non tenu de l’absence de règles relatives à
l’hygiène et à la sécurité.
Ensuite le Code de 1952 était partial parce que discriminatoire. Il ne s’appliquait
qu’aux travailleurs autochtones. Les travailleurs d’origine européenne étaient soumis
quant à eux au Code Général du Travail de la Métropole.
Pendant longtemps, le Droit du Travail a été présenté, analysé et enseigné comme étant
un Droit Protecteur. C’est en effet un droit partisan parce que l’essentiel de ses règles sont
orientées vers la protection des salariés. C’est parce que ces derniers sont réputés faibles. En
effet, le contrat de travail est un contrat de dépendance par excellence. Le salarié a accepté à
l’avance de se placer sous les ordres de son employeur, et ce dernier détient escalité, une
panoplie de prérogatives qui lui permettent de faire fonctionner son entreprise. C’est donc dire
que les rapports de travail sont par essence inégalitaires. C’est ce qui justifie dans une certaine
mesure l’orientation protectrice du Droit du Travail, dans un souci de rééquilibrer les rapports
de travail. Ce caractère protecteur peut être attesté par diverses illustrations que l’on retrouve
dans le Code du Travail. C’est ainsi par exemple que, si le salarié peut démissionner librement,
l’employeur lui, est soumis à des contraintes quant à l’exercice de ses droits de licencier. C’est
dans la même perspective qu’il est reconnu aux Délégués du Personnel des pouvoirs exorbitants
en leur conférant un statut dérogatoire qui leur octroie presque, une immunité totale dans leur
mission de défense des intérêts des salariés. C’est aussi dans la même mouvance que l’on permet
aux salariés de contester l’ordre public établi en cessant de travailler collectivement sans
encourir de sanctions, même s’ils violent leurs obligations conventionnelles. Mais enfin et surtout,
tout le Droit du Travail est gouverné par un principe fondamental que l’on appelle l’ Ordre Public
Social ou le Principe de Faveur en vertu duquel on considère que toutes les règles du Droit du
Travail constituent un plancher minimum auquel on peut toujours déroger dans un sens favorable
au salarié, même en violant la hiérarchie des normes. C’est donc pour tout cela que l’on affirmait
le caractère protecteur du Droit du Travail.
Mais depuis quelques années, il s’est développé une théorie que l’on appelle la Flexibilité
de l’Emploi qui est venue refouler l’orientation partisane du Droit du Travail. Le postulat de
cette théorie est empreint d’une certaine évidence. C’est l’entreprise qui génère l’emploi. Il n’y a
pas d’emploi sans entreprise. Par conséquent, tout ce qui affecte celle-ci rejaillit nécessairement
sur celui-là. Dès lors, il y a lieu de protéger l’entreprise si on veut préserver les emplois. Par voie
de conséquence, il y a lieu d’inverser la démarche en mettant l’accent désormais sur la
protection de l’entreprise. Comment faire pour protéger l’entreprise dans un environnement
mondialisé, à rude concurrence et à rude compétitivité ? Il faut rendre performante l’entreprise
pour qu’elle puisse compétir et concurrencer les autres entreprises de même dimension. Il faut
commencer par lui alléger ses charges et le Droit du Travail fait partie de ces charges parce qu’il
contient des règles marquées d’un profond formalisme qui constituent autant de contraintes pour
l’entreprise et qui sont de nature à inhiber ses actions. Il faut alors flexibiliser, c’est-à-dire
41
assouplir les règles du Droit du Travail pour permettre à l’employeur une plus grande marge de
manœuvre dans la gestion de son entreprise. Telle est l’économie de la théorie de la Flexibilité
de l’Emploi, et elle a été entendue par les autorités publiques qui l’ont expressément consacrée
dans le Code du Travail de 1997. En effet, il résulte de l’exposé des motifs de cette loi qu’il faut
assurer l’épanouissement de l’entreprise en libéralisant le Droit du Travail et en essayant de ne
pas déprotéger les travailleurs. C’est un équilibre bien difficile entre ce qui est économiquement
possible et ce qui est socialement souhaitable. Il faut reconnaître bien souvent que l’économique
prend le pas sur le social. Et c’est ainsi qu’apparaît aujourd’hui la physionomie du Droit du Travail
sénégalais qui doit être apprécié sous ce double regard : celui de la protection des salariés et
celui de la flexibilité de l’emploi. C’est cette orientation contemporaine qui se constate aussi bien
au plan des relations individuelles de travail qu’à celui des rapports collectifs.
A l’origine, l’emploi a une dimension individuelle. C’est le "face à face" entre l’employeur et
le salarié. Ce schéma a pour support le Contrat de Travail. C’est donc par là qu’il faut envisager la
physionomie de l’emploi dans le cadre de l’accès à l’emploi. Une fois acquis, l’emploi doit être
exécuté, et comme il n’est pas perpétuel, il faudra aussi envisager sa disparition.
Les deux (2) premiers critères sont nécessaires, mais insuffisants. Il s’agit de la
Prestation de Travail et de la Rémunération. Le Critère décisif, c’est le Lien de Subordination.
A / La Prestation de Travail
42
C’est ce sur quoi porte le Travail. C’est l’objet du Contrat de Travail. Le salarié en effet a
été embauché pour exécuter une tâche précise, une prestation de travail déterminée. Cette
prestation peut être matérielle ou intellectuelle. Elle doit être exécutée personnellement par le
salarié, parce que le Contrat de Travail est un contrat Intuitu Personae. Le salarié a été recruté
en raison de ses aptitudes professionnelles personnelles. Par conséquent, il ne peut se faire
remplacé par autrui. Cette prestation de travail doit aussi être exécutée de façon loyale et
consciencieuse. Il serait déloyal pour un salarié de concurrencer son employeur.
Enfin, la prestation de travail s’exécute dans le temps parce que le Contrat de Travail est
un contrat à exécutions successives. Tout Contrat de Travail renferme une prestation de travail,
mais celle-ci est insuffisante à elle seule pour attester de l’existence d’un contrat de travail,
parce qu’il y a d’autres contrats où l’on retrouve cette prestation de travail et qui, pourtant ne
sont pas des contrats de travail.
B / La Rémunération
C’est le critère décisif. C’est le lien en vertu duquel une personne est en droit de donner
des ordres et des instructions à une autre sur un travail confié à cette dernière. Il y a donc un
rapport de dépendance entre celui qui exécute le travail et celui au profit de qui le travail est
exécuté. C’est parce que le salarié a accepté dès la conclusion, de se placer sous les ordres de
son employeur. Il lui est assujetti. Toutes les fois où l’on constate ce lien d’autorité et de
dépendance entre deux (2) personnes, il est fort possible que l’on soit en face d’un contrat de
travail avec la réunion des deux (2) autres éléments constitués par la prestation de travail et la
rémunération. C’est essentiellement ce lien de subordination qui permet de distinguer le contrat
de travail d’autres contrats voisins, notamment du contrat d’entreprise ou du contrat de société.
En effet, dans le contrat d’entreprise, l’entrepreneur dispose d’une certaine indépendance qui
est inconciliable avec le contrat de travail. De même, dans le contrat de société, les associés
sont dans une situation d’égalité que l’on ne retrouve pas dans les rapports entre employeur et
salarié. Dans le contrat de mandat, l’objet du mandat ne peut être qu’un acte juridique, alors que
dans le contrat de travail, il peut s’agir aussi bien d’un acte matériel que d’un acte juridique.
Finalement ce qu’il faut retenir, c’est que le lien de subordination est certes décisif, mais
il doit cependant être conforté par d’autres éléments, par un faisceau d’indices qui attestent de
l’existence du Contrat de Travail. Et ce contrat peut être prouvé par tout moyen, parce que le
contrat de travail est un contrat consensuel. C’est donc le contrat de travail qui fait accéder à
l’emploi, mais il existe diverses formes d’emplois.
43
En réalité, il n’y en a que deux (2) : soit le contrat est permanent, soit il est précaire.
Mais il se peut, quelle qu’en soit sa forme, que l’emploi soit précédé de certaines situations
préparatoires. Ce sont les situations de pré emploi.
Il s’agit de situations qui sont à la périphérie de l’emploi et qui ne sont pas nécessaires
pour accéder à un emploi. Il y en a deux (2) : c’est le contrat d’apprentissage et le contrat
d’engagement à l’essai.
1 – Le Contrat d’Apprentissage
Il s’agit d’un contrat de travail de type particulier en vertu duquel l’employeur s’engage à
dispenser une formation professionnelle à l’apprenti qui reçoit en plus une allocation et qui
accepte d’être sous l’autorité de l’employeur pendant la durée de la formation. Le contrat
d’apprentissage doit être constaté par écrit. A défaut, il est considéré comme un contrat à
durée indéterminée. Le contrat d’apprentissage doit être déposé auprès de l’inspecteur du
travail qui y appose son visa. A défaut, il est nul. A l’issue de la formation, l’apprenti peut être
soumis à un examen, et il peut lui être délivré, le cas échéant, un certificat d’aptitude
professionnelle. La formation d’apprentissage ne garantit pas l’emploi, tout au plus, elle le
facilite.
Il s’agit d’un contrat dans lequel les parties décident de s’apprécier mutuellement avant
de s’engager définitivement. L’employeur va apprécier les aptitudes professionnelles du salarié,
et le salarié, les conditions de travail et le climat social qui prévaut au sein de l’entreprise. Le
contrat doit être constaté par écrit à peine de nullité. Et si l’essai n’est pas précisé, le contrat
est réputé un contrat à durée indéterminée. Mais en aucun cas la durée de l’essai ne peut
dépasser six (6) mois, renouvellement compris. Au-delà, le contrat devient un contrat à durée
indéterminée. A l’issue de l’essai, soit celui-ci est concluant et le salarié est définitivement
embauché à durée déterminée ou à durée indéterminée, soit l’essai n’est pas concluant et le
contrat est rompu sans délai.
1 – Le Contrat Permanent
l’indétermination de la durée, on présume que ce contrat va, pendant un certain temps, être
exécuté sans discontinuité. Et comme on ne peut s’engager à vie, on reconnaît à chacune des
parties, un droit de résiliation unilatéral. Du côté de l’employeur, c’est la manifestation du droit
de licenciement qui est fortement encadré afin d’assurer la stabilité de l’emploi. Pendant
longtemps, c’est ce contrat à durée indéterminée qui constituait le modèle. Mais aujourd’hui, la
tendance semble s’être inversée parce qu’il y a un essor du contrat précaire.
2 – Le Contrat Précaire
Le Prototype du contrat précaire est symbolisé par le Contrat à durée déterminée, mais
depuis quelques années, sont apparues de nouvelles formes d’emplois précaires.
C’est le contrat dont la durée est fixée à l’avance, soit de façon précise – le terme est
alors certain -, soit de façon imprécise – c’est alors un terme incertain.
La particularité du contrat de travail à durée déterminée, c’est qu’il est naturellement,
intrinsèquement précaire. En effet, dans le contrat à durée déterminée, le salarié sait à l’avance
qu’il va perdre son emploi à l’échéance convenue, et il l’a accepté. Cette précarité ne joue pas en
faveur du salarié. C’est pourquoi pendant longtemps, le Législateur a essayé d’assurer malgré
tout, la stabilité de ce contrat par deux (2) voies différentes :
pas d’usage de recruter des permanents. Les deux dernières dérogations sont excessivement
permissives parce qu’il ne s’exerce aucun contrôle sur la réalité du surcroît d’activité, et on ne
connaît pas encore la liste de ces entreprises où il n’est pas d’usage de recruter des salariés
permanents. C’est pourquoi aujourd’hui, on a tendance à convenir que la précarité de l’emploi est
avérée et que l’employeur a retrouvé toute liberté quant à la gestion de la main d’œuvre, grâce au
recours systématique au contrat à durée déterminée. Et pour se donner bonne conscience, le
Législateur prévoit une indemnité de précarité de 7% des sommes que le salarié a perçues
pendant la durée de son contrat.
En conclusion, ce qu’il faut retenir c’est que désormais, l’employeur jouit d’une très
grande liberté pour recourir au Contrat à Durée Déterminée sans que celui-ci ne devienne,
malgré les renouvellements successifs, un Contrat à Durée Indéterminée. C’est donc dire que la
précarité de l’emploi tend de plus en plus à devenir le principe, et ce d’autant plus qu’on a créé
d’autres formes d’emplois atypiques.
NB : La Conversion par Majoration est le principe par lequel on part d’un statut inférieur pour
aboutir à un statut supérieur.
C’est par le Contrat de Travail que l’on acquiert le statut de salarié. Mais encore
faudrait-il que ce contrat soit régulièrement formé, parce que certaines conditions sont exigées.
A défaut, le contrat est irrégulier et, en tant que tel, il peut être sanctionné.
On retrouve toutes les conditions de fond requises pour la formation des contrats,
notamment le consentement, la capacité, l’objet et la cause. Mais le contrat de travail présente
certaines spécificités au moins à un double niveau.
D’abord en matière de capacité, parce qu’un mineur peut être salarié, un mineur peut
avoir un emploi même si le travail des enfants est munitieusement réglementé, surtout qu’il
existe des conventions internationales ratifiées par le Sénégal.
La deuxième spécificité, c’est au niveau de la liberté contractuelle. Il y a en effet des
hypothèses dans lesquelles l’employeur est tenu de recruter, alors que la liberté contractuelle
signifie aussi la liberté de ne pas contracter. En droit du travail, on porte atteinte à cette
liberté lorsqu’il y a une priorité d’embauchage ou de réembauchage à la charge de l’employeur.
Cela signifie dans ces hypothèses que l’employeur est tenu de recruter telle personne au risque
de voir sa responsabilité engagée. C’est le cas notamment lorsqu’il y a licenciement pour motif
économique, les salariés ainsi licenciés bénéficient d’une priorité de réembauchage pendant un
délai de deux (2) ans.
Il faut commencer par rappeler une évidence que l’on a souvent tendance à occulter ou à
méconnaître. C’est que pour exister, un contrat de travail n’a pas besoin d’être constaté par
écrit. Il peut même être verbal parce qu’il s’agit d’un contrat consensuel que rappelle l’article L31
du Code du Travail : "Les contrats de travail sont passés librement et dans les formes qu’il
convient aux parties contractantes d’adopter". Tel est le principe : aucune forme n’est exigée.
Toutes les fois où l’existence du contrat est contestée, le Juge est appelé à vérifier si on ne
retrouve pas les critères du contrat. Et même lorsqu’il existe un écrit, le Juge n’est pas tenu de
considérer qu’il s’agit d’un contrat de travail. Donc l’écrit ne lie pas le Juge. Mais parfois, c’est le
Législateur lui-même qui renvoie à un certain formalisme. Le formalisme peut consister à un écrit
comme c’est le cas pour le contrat d’engagement à l’essai ou pour le contrat à durée déterminée
ou encore pour le contrat d’apprentissage, ou enfin lorsqu’il s’agit d’un contrat qui installe le
salarié hors de sa résidence habituelle (Article L33 du Code). Par ailleurs, il arrive que cet écrit
soit accompagné d’autres formalités. Ce peut être d’abord le visa de la Direction de
l’Administration du Travail. Le contrat est régulièrement formé lorsque toutes ces conditions ont
été respectées. A défaut, il peut être frappé de sanction.
47
Deux sanctions sont envisageables : l’une est classique, c’est la Nullité du Contrat de
Travail ; l’autre est plus originale, c’est la technique de la Conversion par Majoration.
C’est le Contrat de Travail qui crée des obligations à la charge des parties qui doivent
s’exécuter. Mais le Contrat de travail n’est pas éternel. Tôt ou tard, il finira par disparaître.
C’est la perte de l’emploi. Mais en cours d’exécution, l’emploi peut être soumis à quelques
vicissitudes.
On peut ici envisager deux (2) situations : c’est d’abord la Modification dans la Situation
Juridique de l’employeur et la Révision du Contrat de Travail, c’est ensuite toutes les causes de
suspension qui affectent l’exécution de l’emploi.
Il faut supposer que l’entreprise soit vendue à un tiers acquéreur. La question est alors
de savoir ce que deviennent les contrats antérieurement conclus.
En Droit des Obligations, la réponse est certaine parce que l’acquéreur de l’entreprise
est un tiers, plus exactement, c’est un ayant cause à titre particulier. Par voie de conséquence, il
n’est pas tenu de maintenir des contrats qu’il n’a pas conclus. C’est le Principe de la Relativité des
Conventions. Cela signifie concrètement que lorsqu’il y a cession d’entreprise, pour le Droit des
Obligations, tous les emplois sont suspendus parce que le nouvel employeur n’est pas tenu de
maintenir les salariés de son prédécesseur.
Le Droit du Travail ne pouvait tolérer ou admettre une telle situation. C’est pourquoi dès
l’origine, il a adopté une position dérogatoire par rapport au Droit Commun. C’est l’article L66 du
Code du Travail qui dispose : "S’il survient une Modification dans la situation juridique de
l’employeur, notamment par vente, fusion, succession, transformation de fonds, les contrats en
cours se maintiennent avec le nouvel employeur comme si la modification n’était pas intervenue".
Il s’agit là par conséquent d’une solution remarquable par sa portée, parce qu’elle permet de
maintenir l’emploi là où le Droit des Obligations ne le pourrait pas. C’est pourquoi on dit que
l’article L66 est un texte au service d’une ambition, celle d’assurer la stabilité, la permanence de
l’emploi, en dépit du changement d’employeur. En d’autres termes, les employeurs changent et
l’emploi demeure.
Mais ce texte n’est pas en réalité à la dimension de son ambition, parce que la stabilité de
l’emploi qu’il assure est toute relative. Encore faudrait-il au préalable relever ses conditions
d’application ?
La première condition, c’est qu’il faut une modification dans la situation juridique de
l’employeur, c’est-à-dire il faut qu’un employeur soit remplacé par un autre, soit à la suite d’un
contrat, soit par l’effet de la Loi. L’article L66 donne quelques exemples de modifications : c’est
la vente, la fusion, la succession ou encore la transformation de fonds. Mais il ne s’agit là que
d’exemples indicatifs à cause de l’utilisation de l’adverbe "notamment".
Aujourd’hui on considère qu’il y a modification dans la situation juridique de l’employeur
toutes les fois où le changement d’employeur a lieu du fait d’un contrat ou du fait de la Loi.
La deuxième condition, c’est qu’il faut que les contrats soient en cours. Peu importe à cet
égard qu’il s’agisse du Contrat à Durée Déterminée ou du Contrat à Durée Indéterminée, de
Contrat d’engagement à l’essai ou même de contrat en suspension.
La dernière condition, c’est qu’il faut que l’entreprise poursuive ses activités, activités
identiques, similaires ou connexes.
Telles sont les conditions d’application de l’article L66.
des conventions collectives que l’article L66 ne maintient pas. Le risque est alors de ne maintenir
qu’un emploi réduit, un emploi diminué. C’est pourquoi en Droit Français, l’article L122-12 a été
modifié avec un nouvel alinéa permettant de maintenir les accords collectifs pendant un an, le
temps pour le nouvel employeur d’adhérer à l’ancienne Convention Collective, ou d’en conclure une
autre pour préserver les droits des salariés.
Mais il y a une seconde raison qui fragilise l’article L66, c’est que les licenciements qui
sont intervenus en violation de ce texte sont considérés par la Jurisprudence comme des
licenciements abusifs, des licenciements illégitimes. C’est cette sanction qui est inappropriée, qui
est inadéquate par rapport à l’ambition de l’article L66. En effet, si ce texte a pour finalité le
maintien de l’emploi, sa violation aurait dû être sanctionnée par la nullité et avec l’effet
rétroactif, le salarié serait maintenu dans son emploi. Mais en allouant au salarié irrégulièrement
licencié une indemnité, le Juge consacre la perte de l’emploi.
Il y a une troisième raison qui fragilise l’article L66. C’est que l’article L66 crée en réalité
un mirage, une illusion d’optique parce qu’il ne maintient l’emploi que le temps de la modification.
En effet, le nouvel employeur, comme tout employeur, a le droit de procéder immédiatement à
des licenciements.
Finalement, on peut donc convenir que l’article L66 maintient un emploi réduit et assure
relativement peu la stabilité de l’emploi.
D’abord toute modification envisagée doit faire l’objet d’une notification écrite ;
Par ailleurs lorsque la modification est acceptée, elle ne devient effective qu’à l’issu
d’un délai équivalent à celui du préavis ;
Enfin lorsque la modification envisagée doit faire l’objet d’une notification écrite,
cette rupture est imputable à l’employeur qui devra respecter les règles relatives au
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licenciement. Mais cette rupture n’est pas nécessairement injustifiée. Elle ne devient
abusive que si la modification elle-même était abusive.
Il faut signaler pour finir que s’il s’agit d’une inaptitude physique, la rupture ne peut
intervenir qu’à la suite d’un certificat médical qui la constate.
En principe, le Contrat de Travail doit être exécuté sans discontinuité. Mais divers aléas
de la vie viennent parfois remettre en cause ce principe de l’exécution continue. C’est la Théorie
de la Suspension du Contrat de Travail qui repose sur une diversité de causes qui entraînent
certains effets.
La suspension produit un effet normal mais qui, parfois est atténué. L’effet normal, c’est
que la suspension met en veilleuse l’exécution du Contrat de Travail. Les salariés sont dispensés
51
d’exécuter la prestation de travail et l’employeur est dispensé de payer le salaire. Tel est le
principe qui gouverne la Théorie de la suspension. Mais ce principe est quelquefois atténué dans
un souci de protection du salarié.
D’abord il y a des situations de suspension dans lesquelles le salarié perçoit une
rémunération que l’on peut appeler Salaire d’Inactivité. C’est le cas pour la femme en congé de
maternité qui reçoit une allocation forfaitaire notamment de la Caisse de Sécurité Sociale. C’est
aussi le cas du salarié accidenté de travail, et enfin les parties elles-mêmes peuvent convenir
d’une rémunération en cas de suspension comme c’est prévu pour le chômage technique.
C’est ensuite le fait que l’on prenne en compte le temps de suspension dans le calcul de
l’ancienneté du salarié, à l’exclusion du temps de détention préventive notamment.
Le contrat de travail est un contrat synallagmatique, donc chaque partie est tenue
d’obligations.
A / La Durée du travail
Elle est de 40 heures par semaine, soit 8 heures par jour en cinq jours ouvrables. Il
appartient à l’employeur de répartir cette durée dans la semaine. Et parfois il peut y avoir des
accords avec les salariés dans ce sens. Mais il y a des secteurs dans lesquels la durée légale n’est
pas de 40 heures parce qu’on est obligé de faire appel à un système d’équivalence qui peut
dépasser les 40 heures. Exemples : Dans l’hôtellerie, la Restauration, la Coiffure … Dans ce cas,
c’est l’Administration qui prend un arrêté et qui fixe le temps de travail en vigueur, en fonction
des besoins de ces secteurs.
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Toute heure de travail effectuée au-delà de la 40 ème heure constitue une heure
supplémentaire. En principe, l’accomplissement d’heures supplémentaires nécessite une
autorisation préalable de la part de l’Inspecteur du Travail. Par ailleurs, les heures
supplémentaires sont rémunérées à un taux majoré. Ce taux peut varier d’une convention à une
autre.
3 – Le Repos Hebdomadaire
Il est obligatoire, et en principe, il est dominical. Mais il y a une double dérogation non
seulement au principe du repos, mais aussi au repos du dimanche. Cela veut dire que l’on peut se
reposer un autre jour que le dimanche ; cela veut dire que l’on peut ne pas se reposer du tout,
toute la semaine. Il peut s’agir d’entreprises "feu continu" ou des travaux d’urgence. Mais en tout
état de cause, le repos doit être compensé autrement : soit par un autre jour de repos, soit par
un allongement des jours de congés, soit par le paiement d’heures majorées pour la période
travaillée.
B / La Période de Travail
La question est de savoir ici, si le travail doit se faire le jour ou la nuit. Le travail diurne
est le principe. D’ailleurs la réglementation porte sur le travail nocturne qui présente beaucoup
plus de pénibilité. C’est pourquoi le travail de nuit est interdit à certaines catégories de
travailleurs, notamment les femmes et les enfants. En principe, les heures travaillées la nuit
doivent être majorées dans leur rémunération, même pour ceux dont c’est le régime habituel.
Le Droit aux congés est une résultante du temps de travail. Il est en effet fonction du
temps effectivement travaillé pendant la période de référence qui est de douze (12) mois. C’est
cette période de référence qui détermine le nombre de jours de congés. Et en principe ce
nombre est équivalent au douzième de la période de référence, ce qui donne généralement un
mois. Ce droit aux congés est intangible et d’ordre public, on ne peut pas y renoncer. Par ailleurs,
il est interdit au salarié en congés de trouver un autre emploi pendant sa période de congés. Le
départ aux congés donne droit à une allocation qui, généralement est l’équivalent d’un mois de
salaire. Mais les conventions collectives peuvent prévoir une allocation supérieure.
L’employeur doit, au sein de son entreprise, respecter toutes les règles relatives à
l’hygiène et à la sécurité. Au-delà de cet aspect de portée générale, l’employeur est tenu d’une
obligation essentielle, celle de payer le salaire. Mais il arrive aussi parfois qu’il soit tenu de
certaines prestations en nature.
A / La Détermination du Salaire
B / La Protection du Salaire
En raison de son caractère alimentaire, le salaire est protégé contre tous, même contre
le salarié. Ce dernier, en effet, ne peut faire des cessions de salaire selon le Droit Commun, et
même s’il respecte la réglementation, il ne peut le faire que dans la limite de la quotité cessible
encore appelée Quotité Disponible. En schématisant, on peut considérer que c’est le tiers du
salaire, les deux tiers constituant la fraction insaisissable, incessible qui doit permettre au
salarié de se loger, de se vêtir et de se nourrir.
Les créanciers non plus ne peuvent opérer une saisie-arrêt que dans la limite de cette
quotité cessible.
Quant à l’employeur, il lui est d’abord interdit d’opérer des retenues autres que celles qui
sont légalement autorisées. Il ne peut pas non plus sanctionner le salarié par des amendes, les
sanctions pécuniaires sont en effet interdites. En outre, lorsque le salarié accepte sans réserve,
ni protestation le bulletin de paie, la Loi décide que cela ne vaut pas renonciation de sa part,
c’est-à-dire qu’il peut toujours contester ce qui lui a été payé.
54
Par ailleurs, lorsque le salarié souscrit une mention "pour solde de tout compte", la Loi
prévoit que cela lui est inopposable.
Enfin, l’action en prescription du salaire se fait au bout de cinq (5) ans.
Il faut signaler, pour finir, la protection du salarié contre les créanciers de l’employeur
qui pourraient venir en concours avec le salarié. Le Code du Travail accorde au salarié des
privilèges, c’est-à-dire un droit de préférence accordé en raison de la qualité de la créance ; ce
qui permet au salarié de supplanter certains créanciers de l’employeur qui viendraient en
concours avec lui.
Il arrive que l’employeur soit tenu de certaines prestations en nature. C’est notamment le
cas lorsqu’il doit fournir un logement au salarié et à sa famille. C’est en effet un droit pour le
salarié d’être logé par ses employeurs lorsqu’il a été déplacé de sa résidence habituelle, sauf s’il
existe la clause de mobilité.
Il arrive aussi que l’employeur tienne un économat, c’est-à-dire une structure qui a
vocation à fournir des produits et denrées alimentaires aux salariés de l’entreprise. Mais cela
suppose certaines conditions :
En conclusion, l’obligation principale de l’employeur reste le salaire. Il peut s’y ajouter des
prestations en nature, et en tout état de cause, l’employeur est tenu de se conformer aux
prescriptions à l’hygiène et à la sécurité du travail.
L’emploi n’est jamais une donnée acquise définitivement. Il peut se perdre fatalement ou
volontairement.
Le Contrat de Travail peut être rompu par manifestation de volonté unilatérale de l’une
des parties, ou à la suite d’un commun accord.
La qualification de cette rupture dépend de celui qui en a pris l’initiative. S’il s’agit de
l’employeur, on parle de Licenciement. S’il s’agit du salarié, on parle de Démission.
A / Le Licenciement
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C’est celui qui repose sur des motifs personnels au salarié par opposition au motif
économique. C’est le licenciement le plus fréquent. C’est le licenciement de droit commun. Il est
encadré par la Loi de 1997, mais avec une très grande permissivité, une très grande facilité
dans son exercice. Il y a des règles qui touchent à la forme du licenciement et il y a d’autres qui
sont relatives au fond.
D’abord la Réglementation Formelle : En schématisant, on peut dire qu’il y a trois (3)
étapes. C’est d’abord la Notification écrite du licenciement, c’est-à-dire la procédure qui
consiste à aviser le salarié de son licenciement prochain. La deuxième étape, c’est l’indication du
motif, c’est-à-dire pourquoi le salarié va-t-il être licencié. La troisième étape, c’est l’obligation
pour l’employeur de respecter un délai de préavis avant que le licenciement ne devienne effectif.
Le préavis, c’est le temps qui court entre la notification et l’effectivité du licenciement. Ce
temps peut varier entre un et trois mois en fonction des accords collectifs. Et pendant ce temps,
l’employeur et le salarié sont tenus chacun de respecter ses obligations, parce que le contrat est
encore en vigueur. Mais durant le préavis, le salarié a chaque semaine deux (2) jours pour aller
chercher un nouvel emploi, en prévision de son prochain licenciement futur. Et ce temps consacré
à la recherche d’un nouvel emploi est considéré comme temps de travail effectif (article L52,
alinéa 2). Mais l’innovation majeure apportée par le Code de 1997, c’est l’assouplissement des
règles du licenciement, plus exactement la sanction des règles de forme. En effet, désormais
lorsque l’employeur ne procède pas à une notification écrite, ou lorsqu’il omet d’indiquer le motif
du licenciement, la Loi décide que la violation de ces conditions de forme n’entraîne pas, ne donne
pas au licenciement un caractère abusif (article L51) : "Si le licenciement d’un travailleur
survient sans observation de la formalité de la notification écrite ou de l’indication d’un motif, ce
licenciement irrégulier en la forme ne peut être considéré comme abusif". Tout au plus, ajoute la
Loi, le Tribunal peut-il accorder une indemnité pour sanctionner l’inobservation des règles de
forme. Il s’agit là manifestement d’une rupture, mais une rupture qui consacre un recul, parce
que, de tout temps, la Jurisprudence considérait que la violation des règles de forme faisait du
licenciement un licenciement abusif, illégitime.
Quant à la Réglementation de fond, c’est que l’employeur doit justifier d’un motif légitime
qu’il lui appartient de prouver. Donc, il y a un renversement du fardeau de la preuve au bénéfice
du salarié. En ce qui concerne le motif, il peut se présenter sous des formes variées. Ce peut
être un motif disciplinaire - parce que le salarié a commis une faute, mais ce peut être aussi
détaché de toute faute – exemple de l’inaptitude professionnelle-, ou même une perte de
confiance de l’employeur vis-à-vis du salarié.
Lorsque le salarié a été licencié sans motif légitime, il peut obtenir des dommages et
intérêts qui viennent s’ajouter à son indemnité de licenciement et, le cas échéant, à son
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indemnité compensatrice de préavis. La faute lourde est cependant privative des indemnités de
rupture constituées par l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis.
Au départ du salarié de l’entreprise, l’employeur doit mettre à la disposition du salarié un
certificat de travail avec des indications précises, notamment la date d’embauche, les différents
emplois occupés, la catégorie professionnelle d’appartenance, et la date du licenciement. Mais en
aucun cas le certificat de travail ne peut comporter une mention susceptible de porter préjudice
au salarié (article L59 du Code de Travail).
Il est réglementé par les articles L60 à L64. Il est défini comme étant tout licenciement
individuel ou collectif effectué par un employeur et motivé par une difficulté économique ou une
réorganisation intérieure (article L60). Le licenciement pour motif économique présente une
particularité certaine. On peut dire que c’est l’hypothèse où le salarié va perdre son emploi sans
qu’on puisse lui reprocher quelque chose, sauf d’appartenir à une entreprise qui rencontre des
difficultés économiques. Donc a priori, le licenciement pour motif économique peut sembler
inéquitable, compte non tenu du fait qu’il peut se révéler arbitraire quant au salarié à licencier.
C’est précisément en raison de cette inéquité originelle et de son caractère arbitraire potentiel
que le Législateur, pendant longtemps a essayé de limiter le recours par l’employeur au
licenciement économique. C’est dans cette perspective qu’il avait mis en place un mécanisme
d’autorisation préalable auquel était soumis l’employeur avant tout licenciement économique. En
effet, l’employeur devait demander à l’inspecteur de travail l’autorisation de licencier pour motif
économique. Mais, au préalable, il devait établir un ordre de licenciement pour ce qui est du choix
des salariés à licencier. Et la Loi avait prévu les critères dans ce sens. L’employeur devait d’abord
choisir les salariés les moins aptes professionnellement. A égalité de qualification
professionnelle, intervient un second critère, celui de l’ancienneté. A égalité d’ancienneté, celui
des charges de famille, selon qu’on est célibataire ou marié, monogame ou polygame, avec ou sans
enfant à charge.
Par ailleurs, l’employeur devait aussi réunir les délégués du personnel pour voir s’il n’était
pas possible de trouver des mesures de substitution tendant à éviter le licenciement. C’est
seulement après avoir respecté toute cette procédure qu’il fallait saisir l’inspecteur du travail
qui pouvait refuser. La décision de l’inspecteur pouvait faire l’objet d’un recours en annulation
devant le Ministre du travail et celle du Ministre, devant le Conseil d’Etat pour excès de pouvoir.
Tout licenciement qui intervenait sans autorisation ou après annulation de l’autorisation, était nul
et de nul effet. Et le salarié avait droit à une indemnité égale au salaire qu’il aurait perçu s’il
n’avait pas été licencié. C’est cette procédure protectrice que le Code de 1997 a abrogée en
facilitant davantage le licenciement pour motif économique. Désormais, on n’a plus besoin d’une
autorisation. Il faut certes respecter les critères et consulter les Délégués du Personnel. A
partir de là, l’employeur en avise l’inspecteur du travail qui n’a aucun pouvoir de veto pour
s’opposer au licenciement envisagé. Tout au plus, selon la Loi, il peut exercer ses bons offices.
Mais si l’employeur estime maintenir sa décision, il peut procéder immédiatement au licenciement
et envoyer la liste des salariés licenciés et le compte rendu de la réunion avec les Délégués du
Personnel à l’inspecteur du travail dans le délai d’une semaine.
En dehors de l’indemnité de préavis et de licenciement, les salariés victimes du
licenciement pour motif économique ont droit à une indemnité équivalente à un mois de salaire
57
brut non imposable. Par ailleurs, ils ont droit à une priorité de réembauchage pendant une
période de deux (2) ans.
En conclusion, le Loi de 1997 a fortement libéralisé le droit du licenciement tant
ordinaire qu’économique, sous le manteau de la flexibilité de l’emploi.
B / La Démission
C’est la Rupture initiée par le salarié en vertu de son droit unilatéral de rupture.
Théoriquement, il devrait y avoir un parallélisme des formes, c’est-à-dire que le salarié devrait
logiquement respecter la même procédure que l’employeur, avec notamment la notification écrite
et l’indication du motif, sans oublier le respect du délai de préavis. Mais ici, dans les faits, le
Juge est relativement complaisant, il est moins regardant sur la forme de la démission. D’ailleurs
il essaie même de vérifier si effectivement le salarié a démissionné, parce que la démission ne
doit pas être équivoque. Il ne faudrait pas non plus que l’employeur ait incité le salarié à
démissionner. Sinon, le Juge a tendance à y voir un licenciement déguisé et imputer cette
rupture à l’employeur.
Donc dans un souci de protection du salarié, le Juge procède à un glissement vers un
licenciement déguisé.
En conclusion, la volonté unilatérale est à même de rompre le contrat de travail, à fortiori
lorsqu’il s’agit d’une commune volonté.
L’emploi peut être aussi perdu de façon involontaire, c’est-à-dire sans qu’il y’ait besoin de
manifester une volonté dans ce sens. Si l’on exclut l’hypothèse du décès du salarié, on peut
retenir à titre d’exemple la Mise à la Retraite, et l’impossibilité de poursuivre les relations
professionnelles par suite d’un Cas de Force Majeure.
Il ne s’agit pas d’une hypothèse d’école, même si cela peut paraître invraisemblable. Il
s’agit de circonstances insurmontables qui mettent un terme définitif aux relations de travail.
C’est l’application de la Théorie de la Force Majeure aux relations professionnelles : « A
l’impossible, nul n’est tenu ». Donc les parties vont être déliées de leurs obligations respectives,
sans qu’il y ait d’indemnités à payer, ce qui se traduit par une perte d’emploi brutale pour les
salariés. D’où l’impérieuse nécessité de rendre obligatoire l’assurance de toutes les entreprises
qui exercent au Sénégal pour couvrir certains risques parmi lesquels le cas fortuit.
59
Ils sont désignés de façon démocratique à la suite d’élections, mais les candidatures
individuelles ne son admises qu’à défaut de candidatures présentées par les organisations
syndicales. Pour être électeur, il faut être titulaire d’un contrat de travail depuis au moins six
mois. Et pour être éligible, il faut bénéficier d’une ancienneté d’au moins un an. Les candidats
sont présentés à travers deux collèges : le collège des cadres et techniciens assimilés et le
collège des ouvriers et employés.
Les modalités matérielles des élections sont de la responsabilité de l’employeur. On élit à
la fois des délégués titulaires et des délégués suppléants, en nombre égal. Le contentieux des
élections est de la compétence du Tribunal Régional.
Il faut d’abord préciser que l’élection des délégués du personnel ne peut avoir lieu que
dans les entreprises ayant au moins dix salariés. Les délégués du personnel sont élus pour trois
(3) ans renouvelables, de façon indéfinie. Une fois élus, ils deviennent les interlocuteurs
60
privilégiés de l’employeur tant pour les revendications individuelles que pour celles collectives, et
l’employeur est tenu de les recevoir au moins une fois par mois, ou sur leur demande.
Pour l’exercice de leur mission, les délégués du personnel bénéficient d’un crédit de deux
heures par semaine qui sont considérées comme temps de travail effectif, et rémunérées en tant
que tel.
L’employeur est tenu de mettre à leur disposition un local fonctionnel. Par ailleurs, les
délégués du personnel veillent à la bonne application des dispositions conventionnelles, légales et
réglementaires. A ce titre, ils sont des auxiliaires de l’Inspecteur du Travail et du Juge, à qui ils
peuvent signaler toute irrégularité. En outre, le délégué du personnel a des prérogatives
ponctuelles, notamment dans l’hypothèse où il est obligatoirement consulté pour donner son avis à
propos par exemple de l’élaboration du règlement intérieur ou des licenciements pour motif
économique.
Enfin, le Code de 1997 a introduit une innovation majeure en habilitant les délégués du
personnel à conclure des accords collectifs d’établissement, brisant ainsi le monopole syndical en
matière de négociations collectives.
C’est compte tenu de toutes ces prérogatives fondamentales qu’il a paru nécessaire au
Législateur d’accorder au délégué du personnel une protection exorbitante de droit commun.
Il s’agit à titre principal d’une protection contre le licenciement qui finalement, a connu
une extension certaine.
En Droit Sénégalais du Travail, le délégué du personnel est le seul salarié que l’employeur
ne peut licencier de façon autonome. Il faut en effet, avant tout licenciement d’un délégué du
personnel, une autorisation accordée par l’Inspecteur du travail. Et la décision de l’Inspecteur
peut faire l’objet d’un recours gracie devant le Ministre de Tutelle, et l’acte du Ministre lui-
même peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat.
Il faut signaler que l’inspecteur du travail peut refuser l’autorisation demandée même
pour des raisons d’opportunité.
Tout licenciement d’un délégué du personnel qui intervient sans autorisation ou malgré le
refus d’autorisation ou après annulation de l’autorisation est un licenciement nul et de nul effet.
Et le délégué du personnel irrégulièrement licencié a droit à une indemnité égale au salaire qu’il
aurait perçu s’il n’avait pas été licencié, compte non tenu du fait que l’employeur est obligé de le
réintégrer. Et en cas de résistance dans la réintégration, l’employeur va être tenu de payer une
autre indemnité qui peut aller jusqu’à cinquante mois de salaire en fonction de l’ancienneté du
délégué.
Et cette protection contre le licenciement profite non seulement aux délégués titulaires,
mais aussi aux délégués suppléants, voire aux délégués candidats et aux délégués qui ont perdu
leurs fonctions, jusqu’aux nouvelles élections.
On peut donc convenir que les délégués du personnel bénéficient d’une quasi immunité
pendant tout leur mandat, immunité confortée par l’extension de la protection.
Les délégués du personnel bénéficient aussi d’une protection pénale qui a pour corollaire
l’interdiction à l’employeur de toute entrave directe ou indirecte à l’exercice des fonctions. Dans
cette hypothèse, l’employeur encourt des amendes. Mais la Jurisprudence est allée beaucoup plus
loin parce qu’elle n’a accepté comme mode de rupture du contrat du délégué du personnel que le
licenciement autorisé par l’Inspecteur du Travail. Cela signifie concrètement que l’employeur ne
peut même pas demander au Juge de résilier le contrat lorsque le délégué commet un
manquement grave.
Par ailleurs, l’employeur ne peut porter atteinte à l’exercice par le Délégué du Personnel
de son mandat. Finalement, le Délégué du Personnel bénéficie d’une quasi immunité et parfois,
même au-delà de son mandat.
Elle obéit à des règles qui, toutes sont imprégnées d’un principe fondamental que l’on
appelle Liberté Syndicale.
C’est un principe qui renferme plusieurs significations. Cela signifie en premier lieu qu’il
n’existe pas de syndicalisme obligatoire. Aucun salarié ne peut se voir imposé une adhésion
syndicale. On est libre de se syndiquer ou de ne pas se syndiquer. On est aussi libre de se retirer
d’un syndicat sans avoir à donner des justifications. Par ailleurs, la Liberté Syndicale postule le
Pluralisme Syndical, c’est-à-dire la possibilité de choisir son Syndicat.
En outre, c’est l’interdiction qui est faite à l’employeur de prendre en compte
l’appartenance ou non d’un salarié à un Syndicat, soit pour le recruter, soit pour le sanctionner.
Mais la Liberté Syndicale signifie aussi que les Autorités Publiques ne peuvent s’immiscer
ni dans la Constitution, ni dans le Fonctionnement, ni dans la Dissolution du Syndicat. Par voie de
conséquence, le Pouvoir Exécutif ne peut dissoudre un Syndicat (Convention n° 121 de l’OIT).
En conclusion, il faut retenir que c’est ce Principe de la Liberté Syndicale qui gouverne
tout le Droit Syndical.
On peut les envisager à trois (3) niveaux : d’abord au niveau des conditions de fond,
ensuite au niveau des conditions de forme et enfin la sanction encourue en cas de violation.
Tout salarié, même mineur peut se syndiquer. Mais pour être dirigeant, il faut être de
nationalité sénégalaise, à moins qu’il y ait une convention de réciprocité. Il faut aussi être
domicilié au Sénégal, savoir parler et comprendre français, et ne pas être privé de ses droits
civils ou civiques.
Les dirigeants doivent présenter des statuts en trois exemplaires, en français avec
indication des coordonnées des dirigeants, le siège social du Syndicat et les circonstances dans
lesquelles il a été créé. Ce dossier est transmis à l’Inspecteur du Travail qui, lui-même le
communique au Procureur de la République qui est chargé de faire un rapport et d’opérer un
contrôle de régularité. Ensuite, le dossier est transmis au Ministre de l’Intérieur qui, au vu du
rapport, apprécie s’il doit délivrer ou non un récépissé. Mais le Ministre de l’Intérieur ne peut
refuser la délivrance du récépissé que pour des motifs de légalité.
Si le récépissé est délivré, copie est faite non seulement aux dirigeants, mais aussi à
l’Inspecteur du Travail. A partir de ce moment, le Syndicat acquiert la Personnalité Juridique.
L’activité syndicale est multidimensionnelle. Le syndicat, en tant que sujet de droit, peut
faire tous les actes reconnus aux sujets de droit sous certaines réserves. Il a un patrimoine, il
peut acheter et vendre, mais sans rechercher de bénéfices.
Mais au-delà de ce cadre général d’activité, le syndicat a essentiellement pour mission de
représenter et de défendre ses membres et la profession.
Pour les salariés, c’est le seul organe habilité à négocier à conclure des accords collectifs,
sous la seule réserve des Délégués du Personnels pour les accords collectifs d’établissement.
Mais le syndicat peut aussi représenter ses membres au niveau de la Justice, notamment lorsqu’il
bénéficie d’un mandat spécial. Mais il n’a pas besoin de mandat pour représenter la profession. Il
est habilité à le faire devant toutes les Juridictions. En outre, le syndicat peut encadrer ou
orienter une grève, mais il n’en détient pas le droit. L’exercice du droit de grève n’est pas lié au
syndicat.
Les syndicats doivent aussi parfois être consultés en leur qualité de représentant sur
toutes les affaires ayant des incidences professionnelles. Mais il faut parfois aussi que le
syndicat soit représentatif. La question est alors de savoir quels sont les critères de la
Représentativité.
63
Il existe plusieurs critères de représentativités, sans qu’il y ait une hiérarchie entre eux.
Il s’agit ici des actions revendicatives que les syndicats peuvent mener soit de façon
isolée, soit en se regroupant. Le regroupement peut être ponctuel, occasionnel, pour une action
déterminée, comme il peut être institutionnel. Cette défense des intérêts de la profession peut
avoir un caractère conflictuel et dégénérer en mouvement de grève. Il peut aussi s’agir d’une
action de nature judiciaire, l’essentiel, c’est qu’elle touche à des aspects d’ordre professionnel.
C’est le Principe de la Spécialité que le syndicat ne peut dépasser, notamment le syndicat ne peut
mener des actions à caractère politique. Mais parfois, il arrive que la distinction du politique et
du professionnel ne soit pas visée. Tout est alors une question d’appréciation faite par le Juge,
mais bien souvent par les autorités politiques.
Ce qu’il faut retenir là, c’est que la défense des intérêts professionnels est l’objet
essentiel des syndicats qui doivent bénéficier à l’amélioration des conditions de travail des
salariés.
En conclusion, la cessation d’activité du syndicat pour réalisation de son objet ou par
suite d’une décision judiciaire entraîne la dissolution du syndicat. Mais en tout état de cause, les
biens du syndicat dissout ne peuvent être répartis entre les membres. Ils doivent être dévolus
conformément aux statuts ou à d’autres organes, à d’autres structures de même nature.
C’est l’Accord Collectif de base. Il est conclu d’une part entre un employeur ou un
groupement d’employeurs, et d’autre part par une organisation professionnelle de salariés.
L’objet de la Convention Collective Ordinaire est relatif aux conditions de travail. Au niveau de
l’élaboration, il n’y a pas de symétrie entre l’employeur et les salariés. Un employeur seul peut
signer une Convention Collective Ordinaire, alors que du côté des salariés, il faut nécessairement
une organisation professionnelle. Par ailleurs, il faut relever que la Convention Collective doit
être rédigée en français en trois (3) exemplaires. C’est cette Convention Collective Ordinaire qui
est le Droit Commun des accords collectifs. Mais de plus en plus, elle est supplantée par la
Convention Collective Extensible ou Etendue.
Sa particularité, c’est qu’elle va s’appliquer même à des personnes qui ne l’ont pas signé ou
qui n’y ont pas adhéré. En effet, à partir de son extension par arrêté ministériel, la Convention va
s’appliquer même à des tiers dès l’instant que ces tiers sont visés dans l’arrêté d’extension.
L’arrêté est pris par le Ministre du Travail, à la suite d’une réunion d’une Commission Mixte
comprenant à la fois des représentant des employeurs et des représentants des salariés et de
l’Etat. Mais il faut que les organisations représentatives de l’Etat soient représentatives. La
question est de savoir quels sont les critères de la représentativité.
Il faut, à côté de cette convention susceptible d’extension, adjoindre le Convention
Collective Nationale Interprofessionnelle (CCNI) qui a pour ambition de s’appliquer à toutes les
entreprises installées sur le territoire sénégalais.
C’est l’accord qui est signé au sein de l’entreprise même, plus exactement au sein de
l’Etablissement. Cet accord a une double particularité :
D’abord il peut être conclu par des Délégués du Personnel : c’est une innovation de la
Loi de 1997 portant Code du Travail ;
Par ailleurs, il ne fait qu’adapter la stipulation des Conventions Collectives qui lui sont
supérieures.
Finalement, il faut reconnaître que c’est sous cette diversité que se présente la
physionomie des accords collectifs en Droit Sénégalais.
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C’est d’abord l’effet obligatoire. Les parties à la convention sont tenues de respecter
leurs engagements, elles sont tenues d’y veiller consciencieusement.
Il y a ensuite un effet automatique, c’est-à-dire que la Convention Collective s’applique de
façon automatique à tous les contrats en cours dès l’instant que l’employeur y est assujetti.
Il y a enfin un effet impératif, c’est-à-dire que la Convention Collective se substitue à
toutes les stipulations des Conventions Collectives qui lui sont contraires, à moins que celles-ci ne
soient plus avantageuses.
Mais quand peut-on dire qu’une stipulation est beaucoup plus avantageuse que d’autres ?
Cela revoie au problème des avantages acquis.
Il faut supposer l’hypothèse d’un salarié recruté en 1990 et qui doit partir en retraite en
2007. A l’époque de son recrutement, la Convention Collective en vigueur prévoyait une indemnité
de départ à la retraite de trois (3) millions. En 2006, une nouvelle Convention Collective prévoit
une indemnité de rupture quel qu’en soit le motif, fixée à un (1) million. Le salarié qui va à la
retraite en 2007 estime qu’il a droit à l’indemnité de trois (3) millions au motif qu’il en a acquis
l’avantage. Sa prétention est-elle fondée ?
A ce problème particulier, le Droit Civil a apporté son soutien en recourant à la notion de
créance certaine, liquide et exigible. L’indemnité de départ à la retraite est certaine parce
qu’elle existe dès que le salarié fait son séjour dans l’entreprise. Elle est aussi liquide parce qu’on
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connaît son montant. C’est seulement son exigibilité qui était différée jusqu’à l’âge de la retraite.
Donc à partir de là, on peut convenir que le salarié pouvait y prétendre comme avantage acquis.
Mais encore faudrait-il qu’il y ait dans la nouvelle Convention Collective une clause qui prévoit ce
maintien des avantages acquis. A défaut, la prétention ne peut prospérer. Au-delà de cette
précision, il faut ajouter que l’appréciation de l’avantage doit se faire de façon globale et non par
rapport à une situation individuelle.
Les relations professionnelles peuvent avoir une dimension conflictuelle parce que les
salariés et les employeurs n’ont pas souvent des intérêts convergents. Et lorsque la négociation
n’aboutit pas positivement, on passe à des extrêmes que sont la Grève et le Lock-out qui sont
pourtant soumis sensiblement au même régime juridique.
La grève peut être inopinée, elle peut se décider sur le tas et surtout la grève appartient
aux syndicats. C’est simplement un droit individuel, mais d’exercice collectif. On peut aller en
grève sans jamais avoir été syndiqué.
Mais la grève, c’est aussi pour des revendications professionnelles, ce qui exclut les
revendications politiques. La difficulté, c’est que parfois, il n’est pas aisé de faire la distanciation
entre le politique et le professionnel. Exemple : Une grève nationale contre la baisse du pouvoir
d’achat est dirigée contre qui ? Contre les entreprises, mais aussi contre le Gouvernement.
La grève peut être une grève perlée, c’est-à-dire que les salariés peuvent partir en grève
de façon rotative, à tour de rôle. Elle est valable.
Par contre la grève de zèle est illégale parce que ce n’est pas une grève. La grève suppose
une cessation d’activité et non un ralentissement ou une accélération de l’activité.
Il y a essentiellement que la Grève, comme le Lock-out doit être précédée d’un préavis
d’un mois. Et pendant cette période, des négociations doivent être engagées conformément à la
Convention Collective ou à défaut, à l’initiative de l’Inspecteur du Travail qui doit être
obligatoirement informé de tout conflit collectif. Et c’est seulement en cas d’échec que la grève,
comme le Lock-out peut être déclenchée.
Dans ce cas, le contrat de travail est suspendu. Les parties sont délivrées de leurs
obligations respectives pendant la durée du conflit. Pas de travail, mais aussi pas de salaire,
même en cas de grève licite. Et en aucun cas la participation à de tels conflits licites ne peut
entraîner des sanctions.
Participer à une grève illicite constitue une faute lourde qui prive de toute indemnité en
cas de licenciement. C’est donc dire que la participation à une grève illicite constitue un juste
motif de licenciement, et le salarié ne peut prétendre à aucune indemnité, ni de licenciement, ni
de préavis. Et la rupture peut être immédiate.
Par contre, si le Lock-out est illicite, l’employeur va être condamné à payer une indemnité
égale au salaire que les travailleurs auraient perçu si l’entreprise n’avait pas été illégalement
fermée par l’employeur. Par ailleurs, l’employeur n’est plus éligible aux Chambres de Commerce et
aux Commissions Consultatives du Travail et de la Sécurité Sociale. Il ne peut non plus concourir
à un marché de l’Etat ou de ses démembrements.
En conclusion, il faut signaler, pour le Droit de Grève, l’interdiction absolue d’entraver la
liberté de travail des non grévistes, de même que l’occupation des lieux de travail.