Splenomegalie - Tropicale 2
Splenomegalie - Tropicale 2
Splenomegalie - Tropicale 2
1. Généralités
La rate n’est pratiquement jamais palpable à l’état normal : la perception d’une splénomégalie est
pathologique. La constatation d’une splénomégalie est un fait fréquent en pays tropical. Aux
mécanismes classiques : hypertension portale, hémolyse, hyperplasie lymphoïde, métaplasie
myéloïde, s’ajoute le phénomène de macrophagie excessive, secondaire aux infections parasitaires,
bactériennes, virales, mycosiques.
Les différentes étiologies des splénomégalies sous les tropiques ne seront pas détaillées. Elles sont
décrites dans les différents textes du site.
Elle nécessite une technique rigoureuse de palpation. Pour un malade en décubitus dorsal,
l’examinateur se place à droite du lit, la main gauche exerçant une traction de la fosse lombaire
gauche, la main droite posée à plat sur le rebord costal, cherchant à chaque inspiration le contact du
bord antérieur de la rate, crénelé et mobile. En zones tropicales, les difficultés de la palpation
splénique viennent plus de l’importance du volume de la rate qu’il faut « aller chercher » parfois au
pubis ou dans la fosse iliaque droite. La classification clinique de Hackett (OMS, 1963) comporte 5
catégories allant de 0 à 5 : la rate non palpable, même en inspiration profonde, est de catégorie 0, la
rate descendant bien au-dessous de l’ombilic, dépassant la ligne passant entre l’ombilic et la
symphyse pubienne est de catégorie 5. En cas de doute, l’échographie abdominale par voie sous-
costale permet de mesurer les dimensions des axes spléniques et d’affirmer le diagnostic de
splénomégalie. Les valeurs normales de la rate en échographie sont de 12 à 14 cm pour le grand axe
(longueur), 4 à 8 cm pour l’axe transversal (épaisseur) et 6 à 12 cm pour l’axe antéro-postérieur
(largeur).
3. Physiopathologie de la splénomégalie
3.1. Les principales fonctions physiologiques de la rate sont une fonction de régulation du flux
sanguin, une fonction de stockage (elle contient environ 30 % de la masse plaquettaire de
l’organisme), une fonction de filtre (les macrophages assurant l’élimination des hématies anormales,
vieillies ou contenant des inclusions (corps de Jolly, corps de Heinz) et une fonction immunitaire avec
la synthèse des anticorps, surtout des IgM.
3.2. Une splénomégalie résulte selon les cas d’un phénomène d’hypertension portale, de
macrophagie excessive (parasitaire, bactérienne, hémolyse), d’hyperplasie lymphoïde (par stimulation
antigénique ou prolifération maligne), de métaplasie myéloïde (compensatrice ou primitive), de
surcharge métabolique ou de la présence de lésions dystrophiques (kystes) ou tumorales.
4. Orientation diagnostique
Asymptomatique, découverte fortuite lors d’un examen clinique, ou révélée par une pesanteur de
l’hypocondre gauche, parfois par une complication (infarctus splénique, hématome sous-capsulaire ou
hémopéritoine), la splénomégalie peut s’observer dans un contexte aigu, subaigu ou chronique.
L’interrogatoire et l’examen clinique permettent dans la majorité des cas une orientation diagnostique.
L’interrogatoire précise :
- l’âge, le lieu de résidence et les différents lieux de séjour pour un voyageur,
- les antécédents familiaux (anémie, hémopathie)
- les habitudes de vie,
1
Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
- l’existence de signes infectieux (fièvre, frisons) qui doit faire rechercher d’emblée en zone tropicale
une étiologie infectieuse, parasitaire, bactérienne, virale, mycosique.
En fonction des résultats, les principales étiologies sont discutées selon que la splénomégalie est
mise en évidence dans un contexte aigu fébrile ou dans un contexte subaigu ou chronique. Des
examens complémentaires sont demandés selon l’orientation diagnostique.
2
Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
L’élévation de la pression portale est due en pratique à un obstacle siégeant sur le foie (bloc intra-
hépatique), rarement sur la veine porte (bloc infra-hépatique) ou sur les veines sus-hépatiques (bloc
supra-hépatique).
Les blocs intra-hépatiques sont dus à une cirrhose ou à une schistosomose hépatique.
Les principales causes des cirrhoses sous les tropiques sont les hépatites chroniques à virus B, à
virus B + D, à virus C, mais aussi à l’alcool.
L’immunologie des hépatites B, B + D, et C est nécessaire au diagnostic.
L’échographie permet de rechercher, outre les signes d’HTP, les modifications du foie et les lésions
associées : carcinome hépatocellulaire (CHC) et/ou thrombose porte.
La schistosomose hépatique est due à Schistosoma mansoni (Afrique, Amérique latine,
Madagascar), la shistosomose hépatique à S. mekongi et à S. japonicum sévit en Asie. L’échographie
est très performante pour le diagnostic et l’évaluation de la gravité de la bilharziose hépatique.
Les blocs supra-hépatiques se résument au syndrome de Budd-Chiari du à l’obstruction des gros
troncs veineux sus-hépatiques dont les causes principales sont les thromboses, conséquence d’une
affection thrombogène (syndrome myéloprolifératif).
Les blocs infra-hépatiques peuvent être dus à la compression extrinsèque de la veine porte, à des
invasions néoplasiques intra-luminales (CHC), à des thromboses.
4.4. Les causes rares, mais auxquelles il faut penser lorsque le diagnostic n’est pas porté :
- les splénomégalies inflammatoires : maladie périodique, sarcoïdose,
- les tumeurs primitives de la rate.
5. En conclusion
Le diagnostic d’une splénomégalie sous les tropiques est dominé par les causes infectieuses, en
particulier par des causes parasitaires curables (paludisme, schistosomose). Il est exceptionnel que
soit proposée une splénectomie diagnostique qui nécessite :
• une vaccination anti-pneumococcique et/ ou une antibiothérapie préventive prolongée (risque de
septicémie à pneumocoques, mais aussi d’infection à Hemophilus influenzae et à Neisseria
meningitidis)
3
Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
Références
- Charmot G, Anfrè LJ. Rate et paludisme. Problèmes immunopathologiques. Rev Prat (Paris) 1977 ;
22 : 2387-2392.
e
- Leporrier M. Splénomégalie, In Godeau P, Herson S, Piette JC. Traité de Médecine, 3 édition,
Médecine-Sciences Flammarion 1996, pp. 2494-2495.
- Université Médicale Virtuelle Francophone. Item 332 Orientation diagnostique devant une
splénomégalie 2010-2011, 12 p.
e
- Cabié André. Splénomégalies tropicales. In Gentilini M, Médecine Tropicale 6 édition Médecine
Sciences Publications Lavoisier 2012, pp. 841-844.