Infractions Constitution
Infractions Constitution
Infractions Constitution
SEMESTRE 1
MODULE : Droit Pénal des affaires
Préparé par :
Mr. AZZOUZI
1
INTRODUCTION
De nos jours, il est quasi impensable pour l’individu de faire des affaires sans se regrouper
avec d’autres individus dans le cadre d’une entreprise sociétaire, d’abord parce que la réalité
économique actuelle veut que les moyens dont dispose une personne isolée soit insuffisants
pour monter une affaire qui se respecte, et ensuite part parce que le facteur risque étant
plus élevé que jamais constitue un frein à l’esprit aventurier et preneur de risque dont est
supposé jouir l’individu-entrepreneur.
La réunion de personnes et de moyens se présente dans ce sens comme la voie la plus idéale
à emprunter pour entreprendre. Juridiquement parlant, il s’agit de constituer une société
c’est-à-dire en procédant à réunir des moyens financiers et matériels, et à accomplir des
formalités destinées à faire de cette structure une entité non seulement reconnue aux yeux
de la loi mais aussi présente et établie en toute régularité dans l’environnement
économique.
C’est justement pourquoi l’étape de la constitution dans la vie d’une société revêt d’une
grande importance. En effet, il s’agit de la phase à l’occasion de laquelle, le ou les fondateurs
se trouvent amenés à puiser dans leurs propres économies, voire à appeler d’autres
individus intéressés à participer à la mise en commun de fonds pour donner plus de chances
au projet sociétaire de réussir.
Par ailleurs, il s’agit également de la phase où les fondateurs sont appelés à répondre aux
exigences légales en matière de procédures à accomplir, allant de la rédaction des statuts à
l’acquittement des obligations fiscales, en passant par l’accomplissement des formalités de
publicité.
Force est de constater que l’étape de constitution est longue et éprouvante, et présente un
grand risque aussi bien pour les fondateurs que pour leurs partenaires puisque la moindre
erreur ou agissement de la part des premiers peut porter préjudice aux intérêts des seconds
et par la même engager leur responsabilité.
A titre illustratif, lorsqu’un des fondateurs procède à réaliser un apport en nature au
moment de la constitution, une surévaluation de la valeur de cet apport risque non
seulement de porter préjudice au reste des fondateurs au niveau de leur représentativité
dans le capital social, mais aussi au tiers en raison du faux indice de solvabilité, que
représente le capital, résultant de la majoration de la valeur de l’apport en question.
En effet, les associés seront lésés par rapport à leurs droits pécuniaires et politiques puisque
l’apporteur en question jouira d’un droit au partage des bénéfices et d’un droit de vote
disproportionné à la valeur réelle de son apport. De même, les fournisseurs comme les
investisseurs seront plus enclin sous l’effet du chiffre trompeur du capital social à investir
dans la société en question, à lui accorder des crédits risqués et en général à entretenir avec
elle de forts rapports économiques.
2
Nous relevons ainsi comment cet acte bien qu’il eut lieu avant que la société ne voit le jour,
c’est-à-dire au moment de sa constitution, puisse avoir de lourdes répercussions
économiques portant atteinte aussi bien aux intérêts publics que privés. De-là découle
l’intérêt d’étudier les moyens juridiques prévus pour sévir ce genre d’agissements et pour
protéger les intérêts des parties.
La problématique qui s’impose dans ce sens se situe au niveau du dispositif législatif
réglementant la phase de la constitution des sociétés, les lignes rouges qu’il trace pour les
fondateurs et les sanctions qu’il prévoit en cas de leur transgression.
Quels seront alors ces actes de constitution de sociétés prohibés par la loi ? Quelle serait la
nature de la responsabilité de leurs auteurs et son étendue ? Et quelles sont les sanctions
applicables à leur encontre ?
Pour répondre à tous ces questionnements, il serait judicieux de catégoriser ces actes
incriminés par la loi sous deux volets : le premier comportant les infractions liées à la
constitution du capital social(1) et le second rassemblant les infractions liées aux
opérations sur les actions (2).
Ainsi, notre développement obéira au plan suivant :
3
PREMIERE PARTIE : LES INFRACTIONS LIEES A LA CONSTITUTION DU
CAPITAL SOCIAL
Il va sans dire que le capital social est un gage pour la société comme pour ses partenaires.
D’abord, le capital est une source de financement des activités de la société, duquel celle-ci
peut s’alimenter pour financer le démarrage de son activité comme pour répondre aux
insuffisances de moyens au cours de la vie sociale. Ensuite, c’est un élément déterminant du
patrimoine de la société qui renseigne sur sa solvabilité et qui représente au regard des tiers
créanciers une garantie de pouvoir recouvrir leurs créances.
Nous touchons déjà la nécessité de protéger cet élément de tout agissement qui s’y
rapporte et qui est susceptible de nuire aux intérêts en présence, notamment ceux des
souscripteurs et des associés, surtout au moment de la formation de la société au cours
duquel le capital social est constitué.
Nous aurons justement l’occasion dans cette partie de découvrir les comportements qui
agissent sur le capital social et qui sont réprimés par la loi. Il s’agit dans ce sens de deux
types majeurs d’infractions : celles relatives à la souscription et au versement (1) et celles
relatives aux apports (2).
Avant d’entretenir dans cette catégorie d’infractions, il convient d’abord de définir les
termes qui viennent dans l’intitulé de ce chapitre, en l’occurrence la souscription et le
versement.
S’agissant de la souscription, le terme renvoie à l’acte par lequel l’associé ou l’actionnaire
s’engage à acquérir un nombre déterminé d’actions ou de parts sociales1.
Quant au versement, il désigne l’acte par lequel le souscripteur verse les fonds, sur lesquels
porte sa souscription, au compte de la société2.
Les infractions se rapportant à ces deux opérations prennent plusieurs formes, allant de la
simulation des souscriptions et des versements à la publication de faits faux, et sont
commises par leur auteur dans le cadre de la constitution du capital social et plus
précisément à l’occasion de la recherche des souscripteurs.
Ainsi, nous découvrirons en trois temps les caractéristiques de chacune de ces infractions :
l’établissement de fausses déclarations sur le certificat de dépôt (a), la simulation des
souscriptions et des versements (b) et la déclaration de faits faux (c).
1
F.GUIRAMAND et A.HERAUD, Droit des sociétés, 2017, page 700
2
F.GUIRAMAND et A.HERAUD, Droit des sociétés, 2017, page 702
4
Soulignant que les infractions suivantes sont communes à la société anonyme et à la société
en commandite par action, et aux sociétés commerciales visées par la loi 5-96 en vertu de
son article premier, et qu’elles sont punissables par l’emprisonnement d’un à 6 mois et/ou
d’une amende de 8000 à 40000dhs en vertu de l’article 379 de la loi sur la société anonyme.
a) L’établissement de fausses déclarations sur le certificat de dépôt :
Instituée par l’article 379 de la loi 17-95 relative à la société anonyme, cette infraction rentre
dans le cadre des infractions commises dans le but d’altérer la réalité du capital social.
Ledit article dispose en substance dans son premier alinéa que seront punis ceux qui,
sciemment, pour l’établissement du certificat du dépositaire auront affirmé sincères et
véritables des souscriptions qu’ils savaient fictives ou des versements qui n’ont pas eu lieu.
Dans le même alinéa est incriminée la remise au dépositaire d’une liste d’actionnaires
mentionnant des souscriptions fictives ou des versements qui n’ont pas eu lieu.
S’agissant de l’élément moral, il est constitué selon le même article par l’intention du
fondateur de mentir au dépositaire au sujet de la réalité des souscriptions ou des
versements : cette intention se traduit concrètement par la mauvaise foi du fondateur et sa
connaissance de la fausseté de l’information fournie au dépositaire
S’agissant de l’élément matériel, il s’agit d’adresser au dépositaire, pour l’obtention d’un
certificat de dépôt, de fausses informations sur les souscriptions ou sur les versements.
Notons que le certificat de dépôt est un document délivré par le dépositaire (banque ou
notaire) qui atteste l’encaissement des versements effectués par le déposant-fondateur 3. Ce
document est indispensable pour l’immatriculation de la société au registre de commerce.
Il en ressort que le mensonge sur les versements suppose la complicité du notaire ou du
banquier, étant les récepteurs effectifs des fonds versés et ayant parfaite connaissance de
leur valeur4.
A contrario, le mensonge sur la souscription ne peut être commis que par le fondateur-
déposant puisque c’est lui et lui seul qui assure l’opération de souscription, par
l’établissement des bulletins de souscriptions qui attestent de la volonté des fondateurs de
constituer la société et de la valeur des titres auxquels ils s’engagent souscrire 5.
Dans le même contexte, le mensonge sur la souscription peut prendre la forme d’une
déclaration de souscription fictive ou d’une déclaration mensongère sur la valeur des titres
souscrits.
Notons que la souscription fictive peut être établie alors même que la souscription a eu lieu :
il s’agit du cas où le souscripteur n’a pas la volonté de s’associer, c’est-à-dire que sa
participation à la constitution de la société n’est motivée que par sa participation à
3
Portail-des-pme.fr, article sur le certificat du dépositaire datant du 5 aout 2017
4
A.FALL, mémoire sur le risque pénal dans la constitution des sociétés commerciales, 2010, paragraphe sur la
commission de fausses allégations sur le certificat de dépôt.
5
A.FALL, mémoire sur le risque pénal dans la constitution des sociétés commerciales, 2010, paragraphe sur la
commission de fausses allégations sur le certificat de dépôt.
5
l’opération de souscription. Tel était l’avis jurisprudentiel rendu par la chambre criminelle de
la cour de cassation française dans son arrêt du 16 mars 1981 : le juge a estimé que lorsque
le désir de s'associer fait défaut, le souscripteur n'est qu'un « prête nom » et la souscription
est fictive.
6
Instituée par l’article 379 dans ses alinéas 3 et 4, la déclaration de faits faux est caractérisée
par la publication de faits mensongers au public pour attirer frauduleusement les
souscripteurs.
Notons que l’alinéa 3 invoque la publication de faits faux alors que l’alinéa 4 invoque la
publication mensongère de noms de personnes devant être attachées à la société.
Arrêtons-nous d’abord sur les moyens de publication avant de nous intéresser à son
contenu :
Les moyens de publication :
La publication peut être réalisée par tout moyen pourvu qu’elle soit destinée au public ; cela
implique que l’information circulée dans la sphère privée ne constitue pas une infraction 6.
Quant aux moyens par lesquels cette publication peut être assurée, la jurisprudence
française apporte la réponse :
-L’emploi de documents à caractère officiel tel le journal d’annonces légales (Cass Crim, 16
juin 1934)
-L’emploi de documents privés (circulaires ou imprimés) pourvu que l’auteur procède à leur
distribution ( Cass Crim, 30 juillet 1937)
-L’emploi d’articles de presse, écrits, radiodiffusés ou télévisés.
Le contenu de la publication :
S’agissant des faux faits ils peuvent être d'ordre juridique en se traduisant à titre d’exemple
par l'affirmation inexacte de la constitution régulière de la société ou de la souscription
intégrale du capital social, ou d'ordre économique par l’annonce par exemple d’une hausse
considérable des actions, ou l’annonce de la participation d’une personnalité influente dans
la mesure où celle-ci attire l’attention ou l’intérêt des souscripteurs.
Maintenant que nous avons parcouru l’ensemble des infractions liées aux opérations de
souscription et de versement, passons à celles liées aux apports et aux actions.
7
Ce type d’infractions se distingue par l’élément sur lequel porte l’acte incriminé à savoir
l’apport sociétaire.
L’article 379 de la loi 17-95 dans son dernier alinéa dispose en substance que sont seront
punis d’emprisonnement d’un à 6 mois et/ou d’une amende de 8000 à 40 000DH ceux qui,
frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature une évaluation supérieure à sa
leur réelle.
L’article 106 de la loi 5-96 relative aux sociétés commerciales dispose que « Seront punis
d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2 000 à 20.000 dirhams ou de
l'une de ces peines seulement, les gérants qui auront, frauduleusement, fait attribuer à un
apport en nature, une évaluation supérieure à sa valeur réelle. »
Il résulte de ces deux articles que cette infraction est commune à toutes les formes de
société. Notons par ailleurs qu’il existe toute une procédure à respecter dans
l’accomplissement d’un apport en nature à savoir la nécessité de faire appel à un ou
plusieurs commissaire aux apports pour évaluer la valeur du bien.
Soulignons aussi que, l’apport en numéraire ne pouvant faire l’objet d’une surévaluation,
seuls les apports en nature sont concernés par cette pratique. Rappelons également qu’il
peut s’agir de biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels en contrepartie
desquels l’apporteur reçoit des actions ou des parts sociales correspondant à leurs valeurs.
Pour étudier cette infraction, procédons par l’étude des éléments moral et matériel :
1) L’élément moral :
C’est l’intention frauduleuse marquée dans le texte par le terme « frauduleusement », c’est-
à-dire de commettre l’infraction et d’être au courant de ses conséquences 7.
2) L’élément matériel :
Il s’agit d’abord de la participation à l’attribution de la valeur de l’apport surévalué, et de
l’évaluation supérieure à la valeur réelle8.
Cela suppose que n’importe quelle personne participant à cette opération peut être
inquiétée pourvu que sa complicité soit prouvée (commissaire aux apports, associé
apporteur, fondateur ou dirigeant)9.
S’agissant du commissaire aux apports auquel est confiée la tâche d’évaluer les apports en
nature, il convient de préciser que les fondateurs ne sont pas tenus par son rapport (en
l’absence d’une règle contraignante), ce qui implique qu’ils peuvent agir sans prendre en
considération les recommandations du commissaire aux apports.
Cela-étant, le commissaire aux apports peut voir sa responsabilité engagée le cas où il agit
volontairement pour surévaluer l’apport en nature. Ainsi était l’avis de la cour de cassation
7
M.VERON, Droit pénal des affaires, 2007, 148 page 137
8
M.VERON, Droit pénal des affaires, 2007, 147 page 137.
9
M.VERON, Droit pénal des affaires, 2007, 146 page 137.
8
française exprimé dans son arrêt du 12 avril 1976 qui a approuvé la condamnation du
commissaire aux apports pour dissimulation d’éléments d’appréciation.
Nous soulignons par ailleurs que l’appréciation du caractère excessif de l’évaluation revient
au juge de fond.
Nous soulignons également que le reste des associés disposent d’une action en réparation
du dommage subi contre les responsables puisque la surévaluation de l’apport fausse
l’égalité entre associés. (Cour de cassation française, chambre commerciale, 28 juin 2005)
Exemple : Dans le cadre de la constitution d’une société, Monsieur A apporte 100 000 DH en
numéraire et Monsieur B apporte en nature un véhicule d’une valeur de 50 000 DH sur le
marché de l’occasion. Toutefois, l’apport en nature a été valorisé 100 000 DH et aucun
commissaire aux apports n’a été nommé. Les associés reçoivent en contrepartie le même
nombre de titres, alors que Monsieur A aurait dû être associé majoritaire (avec deux tiers des
titres) et Monsieur B aurait dû être associé minoritaire (avec un tiers des titres).
9
Les incriminations prévues à cet effet concernent principalement l'émission d'actions et la
négociation d'actions. Aussi, il parait essentiel de voir le risque pénal qui pèse
éventuellement sur les fondateurs en cas de commission de ces incriminations.
10
Il faut entendre ici par « constitution de façon irrégulière » la société dont la constitution n'a pas respecté les
conditions posées. C'est-à-dire celle dont on note des irrégularités de constitution.
11
Définition donnée dans la collection Droit Uniforme Africain : ANOUKAHA François, CISSE Abdoullah, DIOUF
Ndiaw, NGUEBOU TOUKAM Josette, GERARD POUGOUE Paul, SAMB Moussa, page 256
12
DELMAS-MARTY(M), Droit pénal des affaires, tome 2, partie spéciale : infraction, Paris, PUF, 1990, p 253.
10
Section 2 : l’émission d’action devant une absence d’immatriculation ou une
immatriculation frauduleuse
L'émission d'actions en cas de défaut d'immatriculation ou d'immatriculation obtenue par
fraude est prohibée par la loi 17-9513. L'immatriculation est l'acte par lequel la société
accède à la vie juridique. On comprend aisément alors que cette formalité fasse obstacle à la
régularité d'une action émise ou même négociée, en effet, « Les sociétés anonymes sont
immatriculées au registre du commerce dans les conditions prévues par la législation relative
audit registre14. Il en est de même pour les autres formes de sociétés conformément aux
dispositions de l’article premier de la loi 5-96.
La constitution des sociétés commerciales devant obéir aux règles de fond et de forme
prescrites et l'activité commerciale pouvant être exercée sans que la personne soit
immatriculée, tout comme les personnes assujetties ne peuvent dans le cadre de leur
activité commerciale, opposer aux tiers et aux administrations publiques les faits et actes
sujets à mention que lorsque ceux-ci ont été publiés au registre, la question de la
constitution de la société commerciale dès la signature des statuts permet d'envisager les
situations ou une société pourrait exister et exercer son activité fictivement. Mais, toujours
est- t-il que l'immatriculation constitue un préalable à la régularité d'une émission d'action.
C'est même ce qui explique que lorsque l'immatriculation est obtenue frauduleusement
l'émission d'action reste incriminée. Cependant on ne peut affirmer à priori l'existence
d'infraction de publicité du fait de l'existence de sociétés fictives. C'est ce qui fait que la loi
emprunte en quelque sorte la sanction par rapport à la prohibition de l'émission d'actions en
cas d'irrégularités de constitution, d'absence de formalités d'immatriculation ou
d'immatriculation obtenue par fraude.
Par ailleurs la doctrine assimile en général les irrégularités de constitution non pas comme
des infractions puisque le régime de la nullité intervient pour les sanctionner en plus de la
possibilité donnée pour une régularisation future, mais comme un préalable à
l'accomplissement d'une émission régulière d'action. C'est à ce titre que l'immatriculation au
registre de commerce obtenue après le constat du respect des conditions de constitution
des sociétés commerciales permet de regarder comme valable l'émission d'action.
La commission de cette infraction ne pose pas en des termes simples, à en croire certains
auteurs15, même s'il est tout de même certain selon M. DELMAS-MARTY que « l'infraction est
commise lorsque les titres, matériellement crées, sont séparés de leur souche et remis
effectivement aux ayants droit » quoi qu'il en soit, que l'on fasse appel à la notion de titres,
peu importe que le titre soit négociable ou non, qu'il intervienne avant ou après la
constitution des sociétés16 ou que l'on considère seulement la constitution des sociétés
commerciales, l'émission d'actions reste une infraction se rattachant à la constitution des
sociétés commerciales, incriminée au titre des infractions constatées dans les activités des
13
Incrimination qui ressort de l’article 378 de la loi 17-95.
14
Article 32 de la loi 17-95.
15
LARGUIER(J), droit pénal des affaires, Paris, Armand Colin, 9em éd, 1998, p. 305.
16
Cass. Crim. , 8 février 1861, S., 1861,1, p. 668.
11
sociétés irrégulières. Ici, ce n’est pas l’irrégularité de la constitution qui est sanctionnée mais
l’incrimination de l’émission illicite s’appuie sur cette dernière.
Il convient de priser que les sanctions prévues à l’article 378 sont portée aux double lorsque
la société fait publiquement appel à l’épargne.
Au même titre que l’émission illicite, la négociation illicite des actions fait également l’objet
d’incrimination.
12
transmission19. Le législateur se bornant juste à énumérer les catégories d'actes pouvant
faire l'objet de négociations, il ne s'inscrit pas comme dans l'incrimination de l'émission
d'actions20, dans une logique de sanction de l'inobservation de toutes les formalités de
constitution. Il faut juste remarquer que la négociation irrégulière pouvant faire l'objet de
transactions sur le marché financier est visée par cette incrimination. Dans une
jurisprudence, la cour de cassation a décidé que la sanction frappe les auteurs de la
négociation quels qu'ils soient, auxquels on ne saurait reprocher que l'inobservation des
formalités qui leur sont imputables, visant les fondateurs et dirigeants sociaux, éventuels
responsables des vices de la constitution des sociétés21.
Cependant la lecture de l'article 381 al 2 renseigne beaucoup plus sur les irrégularités
relatives à la forme des actions. Elle incrimine les négociations « des actions de numéraire
qui ne sont pas demeurées nominatives jusqu'à leur entière libération ». De l'irrégularité
formelle notée au porteur de tels titres donc, relève l'illicéité de la négociation.
La loi donne une idée donc sur la nature des irrégularités tendant à donner un caractère
illicite. Il s'agit de façon générale de celles relatives à la forme des actions par rapport au
défaut de libération, et celles relatives au délai de négociabilité. Par rapport aux irrégularités
sur la forme, il faut ajouter que lorsqu'une régularisation postérieure intervient, elle
effacerait le caractère délictueux de l'infraction. Cette pratique est à différencier de celle qui
a lieu en France22 ou la règle de non négociabilité est une exception dans trois cas: la fusion
ou apport par une société d'une partie de ses éléments d'actif à une autre société ; les
actions remises par une société dont les actions sont admises à la cote officielle des bourses
de valeurs ; l'apport de l'Etat ou d'un établissement public national à une société de biens
faisant partie de son patrimoine.
Concernant donc la forme, il s'agit principalement de cette violation en rapport avec la mise
au porteur d'actions non encore libérées. Mais outre ces irrégularités relatives à la forme des
actions il faut aussi envisager celles découlant du délai de négociabilité.
Section 2 : la violation du délai de négociabilité
Le législateur élabore également à l'effet de la négociation d'action, un délai de négociabilité
au bout duquel les actions à négocier ne peuvent pas être envisagées.
L'incrimination par l'article 381 relative au délai de négociabilité et aux irrégularités créées
par le défaut de libération du quart conçoit une violation d'une prescription légale, celle du
délai prescrit. Il faut dire que celui-ci est le délai avant l'expiration duquel les actions ne
peuvent être négociables ; c'est ce que dénote l'article 381-al 3 et 4 de loi 17-95, même si en
France ce délai n'existe pas depuis un certain temps23.
19
VERON Michel qui définit la négociation comme toute transmission interdite par l'un des modes du droit
commercial réalisé soit par le moyen d'un intermédiaire, soit de gré à gré.
20
Cf. article 378 de la loi 15-95 précédemment cité dans les développements relatifs à l’émission d’action
irrégulière
21
Cass. Crim., 15 février 1884, S., 1884, 1, p.199
22
En France est faite exce*ption, la règle de non négociabilité dans les trois cas de fusion, d'actions remises et
d'apport de l'Etat dans une société faisant partie de son patrimoine.
23
En France le délai de négociabilité n'existe plus depuis la loi du 5 janvier 1988 qui est venue supprimer
l'interdiction temporaire de négocier prévue par l'article 278 de la loi de 1966.
13
Certaines irrégularités tendant au défaut de libération du quart sont aussi à considérer dans
la mesure où l'article 281 al 4 réprime la négociation « des actions de numéraire pour
lesquels le versement du quart n'a pas été effectué.» Cela a permis de pouvoir déterminer la
date à partir de laquelle, la négociation doit intervenir à travers la date de libération du
quart. Mais outre ces irrégularités d'ordre général, le droit marocain tout français a ajouté
une troisième condition qui est relative aux cas de promesses d'actions 24. Cette conception a
permis d'interpréter cette infraction comme n'existante que lorsque la négociation porte sur
des actions qui, prises individuellement ne sont pas libérées du quart. Mais cette
considération sera vite critiquée et contestée par la doctrine 25 en s'appuyant précisément
sur la jurisprudence26.
En France la négociation d'actions en soi ne constitue pas non plus une infraction. La
législation du code de commerce ne prohibe que la négociation d'action intervenue avant
l'immatriculation27. Cette position est réconfortée par la jurisprudence. en effet la haute cour
a retenu récemment que c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'article L.228-10
du code de commerce, ne prohibant que la négociation d'actions intervenue avant
l'immatriculation, les actions pouvant faire l'objet d'une cession selon les modes du droit
civil dans cette même période sont intervenues avant l'immatriculation de la société 28.
La commission d'infractions lors de la constitution des sociétés commerciales fait l'objet d'un
encadrement par le législateur. En effet au regard des articles 378 et suivants, de la loi 17-
95, encourent des sanctions pénales, les fondateurs de sociétés commerciales qui auront été
à l'origine de ces incriminations traitées dans cette seconde partie. Le risque pénal est alors
traduit par l'obligation pour ces fondateurs de ne pas outrepasser les règles qui encadrent
leur liberté sous peine de responsabilités pénales, et par conséquent justifie le recours à des
sanctions pénales puisque le régime des causes d'exonération de responsabilité est
difficilement mise en œuvre en ce qui concerne ces infractions. La commission de ces
infractions implique donc la responsabilité pénale des fondateurs et l'application de
sanctions au plan pénal prévues par les dispositions en vigueu
CONCLUSION :
En guise de conclusion, nous relevons que le risque de responsabilité pénale qui pèse sur les
fondateurs des sociétés lorsqu'ils accomplissent les actes de constitution est assez
conséquent. La lourdeur des sanctions instaurées par le législateur étant réfléchie dans une
logique d’accommodation de la sanction à la gravité des risques et des répercussions de
l’acte incriminé, nous nous interrogeons sur l’effet dissuasif de la sanction et sur sa
24
Il s'agit de l'irrégularité relative aux cas de promesses d'actions. Exception est cependant faite pour celles à
créer à l'occasion d'augmentation du capital dans une société dont les actions anciennes sont déjà inscrites à la
cote officielle d'une bourse de valeurs.
25
COPPER-ROYER, Traité des sociétés, t. II, 4ém éd., n° 207, s'appuyant sur l'article 14 et la jurisprudence de la
Chambre Civile :
26
La doctrine s'est principalement appuyée sur la jurisprudence de la Chambre Civile : Cass. Civ., 3 juin 1885, S.,
1885. 1, p. 259 ; Cass. Civ., 20 juin 1893.
27
L'article L.228-10 du Code de Commerce prohibe la négociation d'actions avant l'immatriculation.
28
Cass. Com. 26 février 2008, audience publique, bulletin de Legifrance.
14
contribution à assurer une constitution régulière de la société, qui demeure la raison d’être
de ces incriminations.
La pénalisation étant pour le moment la réponse du législateur à ce besoin, il convient de
souligner que maintes mesures peuvent être envisagées parallèlement à la répression pour
aboutir à cette fin en l’occurrence le contrôle préalable de l’administration et des autorités
compétentes, la sensibilisation des dirigeants sociaux quant aux exigences de la loi et du
risque pénal y afférent, l’exigence de l’intervention des officiers publics comme le notaire
dans les opérations à forte récurrence de délits…
ANNEXE :
DAHIR N° 1-96-124 (14 RABII II 1417) PORTANT PROMULGATION DE LA LOI N° 17-95
RELATIVE AUX SOCIETES ANONYMES (Modifié et complété par les lois 81-99, 23-01, 20-05,
78-12)
Chapitre II : Des Infractions Relatives A La Constitution
15
Article 378 :(Complété par l'article 1er de la loi n° 20-05 promulguée par le dahir n° 1-08-18
du 23 mai 2008 - 17 joumada I 1429 ; B.O. n° 5640 du 19 juin 2008).
Seront punis d'une amende de 4.000 à 20.000 dirhams, les fondateurs, les premiers
membres des organes d'administration, de direction ou de gestion d'une société anonyme
qui auront émis des actions, soit avant l'immatriculation de ladite société au registre du
commerce, soit à une époque quelconque, si l'immatriculation a été obtenue par fraude, soit
encore sans que les formalités de constitution de ladite société aient été régulièrement
accomplies.
L'amende prévue à l'alinéa précédent est portée au double si les actions ont été émises sans
que les actions du numéraire aient été libérées à la souscription d'un quart au moins ou sans
que les actions d'apport aient été intégralement libérées antérieurement à l'immatriculation
de la société au registre du commerce.
Seront punies de l'amende prévue à l'alinéa précédent, les mêmes personnes qui n'auront
pas maintenu les actions de numéraire en la forme nominative jusqu'à leur entière
libération.
Un emprisonnement de un à six mois pourra, en outre, être prononcé, lorsqu'il s'agira de
société anonyme faisant publiquement appel à l'épargne.
Article 379 :
Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 8000 à 40 000
dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement :
1) ceux qui, sciemment, pour l'établissement du certificat du dépositaire constatant les
souscriptions et les versements auront affirmé sincères et véritables des souscriptions qu'ils
savaient fictives ou auront déclaré que les fonds qui n'ont pas été mis définitivement à la
disposition de la société ont été effectivement versés, ou auront remis au dépositaire une
liste des actionnaires mentionnant des souscriptions fictives ou le versement de fonds qui
n'ont pas été mis définitivement à la disposition de la société ;
3) ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements, auront publié
les noms de personnes, désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être
attachées à la société à un titre quelconque ;
4) ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature une évaluation
supérieure à sa valeur réelle.
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BIBLIOGRAPHIE :
OUVRAGES :
- M.VERON, Droit pénal des affaires, 2007.
- F.GUIRAMAND et A.HERAUD, Droit des sociétés, 2017.
- LARGUIER(J), droit pénal des affaires, Paris, Armand Colin, 9em éd, 1998.
- DELMAS-MARTY(M), Droit pénal des affaires, tome 2, partie spéciale : infraction, Paris, PUF,
1990.
- A.CISSE, Sociétés Commerciales et GIE, collection droit uniforme.
THESES :
- A.FALL, mémoire sur le risque pénal dans la constitution des sociétés commerciales, 2010
TEXTES DE LOI :
-LOI 17-95 sur la société anonyme marocaine.
-LOI 5-96 sur les sociétés commerciales marocaine.
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