Méthode Structurale Et Systèmes Philosophiques
Méthode Structurale Et Systèmes Philosophiques
Méthode Structurale Et Systèmes Philosophiques
Gabriella Crocco
2005/1 n° 45 | pages 69 à 88
ISSN 0035-1571
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Méthode structurale
et systèmes philosophiques
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Goldschmidt, Jules Vuillemin et d’autres a conduit à une fondation critique de la notion
de système philosophique et a renouvelé profondément la méthode de l’histoire de la
philosophie. En cherchant à reconstituer les orientations principales de cette tradition,
nous essayons d’abord de distinguer le structuralisme en philosophie du structuralisme
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I N T RO D U C T I O N :
U N S T RU C T U R A L I S M E O U D E S S T RU C T U R A L I S M E S ?
LE POINT DE VUE DE GRANGER SUR LA QUESTION
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comme catégorie essentielle, comme fondement d’un renouvellement méthodo-
logique, on voit se dresser nettement un clivage.
D’une part, nous pouvons regrouper les structuralismes qui utilisent la notion
de structure comme une arme contre l’analyse ontologique et métaphysique des
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2. Ibid., p. 1.
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point de vue de Granger ainsi : il ne faut pas négliger, sous peine de confusion,
la diversité et la pluralité originaire des formes du structuralisme. Granger
distingue en effet, dans la naissance du structuralisme, trois foyers indépen-
dants : la linguistique, les mathématiques et l’histoire de la philosophie et sou-
ligne que « donner sans précaution le même nom de “structure” à des systèmes
logico-mathématiques, à des organisations de type phonologique et à la trame
conceptuelle d’un discours philosophique, c’est ouvrir une voie possible au
non-sens 3 ». Probablement Granger sous-entend-il également qu’on donnerait
naissance a fortiori à la confusion si on envisageait, de plus, les sens vagues
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de structuralisme en anthropologie, en histoire des idées, en psychologie et en
critique littéraire. Il est bien vrai que chacun de ces foyers indépendants présente
un paradigme admissible de systématicité. Mais « il appartient alors à une
philosophie de la connaissance de les décrire et de les distinguer soit que l’on
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3. Ibid., p. 5.
4. Ibid.
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Jules Vuillemin. L’idée structuraliste en histoire de la philosophie consiste selon
Granger à considérer un ouvrage en lui-même comme un système relativement
clos et autonome : « Ainsi l’idée saussurienne de la langue est-elle redécouverte
et appliquée à un phénomène de clôture à la fois moins étendu et plus complexe,
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puisqu’il suppose le premier. Nous avons ici donc respecté l’idée maîtresse des
structuralismes linguistiques et mathématiques bien qu’en en restreignant radi-
calement la portée 5. »
C’est ici que réside la différence essentielle, selon Granger, entre ces struc-
turalismes. La nature du système philosophique est totalement différente de
celle des autres systèmes d’objets. Le système philosophique dégagé par l’ana-
lyse de l’historien de la philosophie est un ensemble de pensées logiquement
structurées mais « nullement assimilable au système rigoureusement abstrait et
clos d’une structure mathématique ou d’une structure phonologique 6 ». Ainsi,
l’ouverture et l’incomplétude essentielle des éléments du système s’opposent à
une mise en forme rigoureusement axiomatique dans le cas de la philosophie.
Il y a donc une thèse commune à tous les structuralismes : l’idée simple et
forte selon laquelle toute tentative pour connaître objectivement quelque chose
de l’homme, de ses activités et de ses produits doit d’abord passer par une
réduction de l’expérience à un système de marques corrélatives ; toutefois il y
a des différences profondes dans la construction et la nature de ces systèmes
de marques qui devraient nous dissuader de toute assimilation hâtive. Les mathé-
matiques seraient proches de la linguistique à cause du caractère clos de la
structure. La philosophie s’en détacherait à cause de l’ouverture de son système
d’objets.
5. Ibid., p. 3.
6. Ibid.
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S T RU C T U R A L I S M E L I N G U I S T I Q U E E T M AT H É M AT I Q U E
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de traits d’opposition.
3) De la constitution d’une relation d’équivalence, qui nous donne des classes
de traits distinctifs.
Quelles sont les conditions de possibilité des mathématiques structuralistes ?
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1) La théorie des ensembles, au moins dans la forme d’une théorie naïve non
formalisée.
2) La suite infinie des nombres naturels.
3) Le découpage de structures (au moyen de 1 et 2) dans le domaine infini
des objets concevables.
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termes de données plus élémentaires. Au contraire, la notion de structure en
mathématique telle que l’entend Bourbaki n’est pas neutre. Un petit excursus
historique suffira pour justifier cette affirmation.
Pour Granger, le concept de structure tel qu’il est décrit par Bourbaki donne
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des ensembles et en particulier elle se donne la suite des entiers naturels. Or,
l’octroi de tels moyens dépasse l’accord philosophique qu’impose le concept
de transformation de la doctrine de Klein ou le concept de substitution de la
théorie de Galois. L’usage de l’infini présuppose un choix philosophique ; on
pose au fondement de la structure une notion qui est loin d’être philosophique-
ment neutre.
En ce sens, l’origine du structuralisme mathématique est plutôt dans la ten-
tative d’évacuer le choix entre intuitionnisme et réalisme, propre au débat sur
les fondements des mathématiques à partir du début du siècle. Bourbaki ne
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prend pas position sur la nature des objets mathématiques, il ne choisit pas entre
fondation sur le sujet ou sur l’objet, il prétend faire l’économie de la question
des fondements, il relègue l’interprétation des objets infinis dans les conditions
qui rendent possibles les systèmes et non pas dans le système lui-même. En
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7. Pour un exposé plus détaillé sur cette question, voir E. AUDUREAU et G. CROCCO, « Intuition-
nisme et constructivisme chez Brouwer », dans J. BONIFACE (éd.), Formes et Calcul, Ellipses, 2004.
8. Pensée formelle et sciences de l’homme, p. 63.
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qui voit dans l’élimination des questions métaphysiques son corrélat le plus
immédiat. Les tenants d’une telle thèse étaient bien nombreux à l’époque de
Bourbaki et avant eux, et ils n’appartiennent pas qu’aux cercles positivistes.
Deux exemples illustreront ce point.
H. Poincaré, bien qu’il ne soit certainement pas reconnu par Bourbaki
comme un de ses inspirateurs, en est sans aucun doute un des précurseurs pour
sa conception structurale des mathématiques (bien que, il faut le dire, le
structuralisme mathématique de Poincaré soit au service de sa conception
intuitionniste, d’un kantisme renouvelé, de la connaissance). Ses affirmations
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dans son texte de 1902, La Science et l’Hypothèse, sont sans équivoques : « [ce
que la science] peut atteindre ne sont pas les choses elles-mêmes, comme le
pensent les dogmatiques naïfs, ce sont seulement les rapports entre les choses ;
en dehors de ces rapports il n’y a pas de réalité connaissable 9. » Et comment
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ces rapports entre les choses sont-ils connaissables ? Grâce aux mathématiques
car « [l]es mathématiciens n’étudient pas des objets mais des relations entre
objets ; il leur est donc indifférent de remplacer ces objets par d’autres, pourvu
que les relations ne changent pas. La matière leur importe peu, la forme seule
les intéresse 10 ».
Le mathématicien allemand R. Courant est encore plus éloquent sur cette
conception de la science et de son progrès, véritable idéologie d’une époque.
Courant (professeur à Göttingen de 1920 à 1934, élève de Hilbert, parti en 1934
aux États-Unis, spécialiste d’analyse infinitésimale et de physique mathémati-
que) ne peut pas être rangé parmi les disciples de Bourbaki, mais il les précède
et, par maints aspects, il pourrait être considéré comme l’un de ses précurseurs.
Dans son livre What is mathematics ?, Courant affirme : « À travers les siècles,
les mathématiciens ont considéré les objets de leur étude, tels que les nombres,
les points, etc. comme des objets en soi. Puisque ces entités ne se sont jamais
laissé décrire de manière adéquate, une idée s’est lentement frayé un chemin
dans les esprits des mathématiciens, à savoir : la question de la définition, de
la signification de ces entités ne devait pas avoir sa place dans les mathémati-
ques. Dans les mathématiques, on ne doit pas discuter ce que les points, les
droites, les nombres sont effectivement, ce qui importe, ce qui correspond à des
faits vérifiables, ce sont les structures, les relations qui permettent de décrire
ces entités. [...] Heureusement l’esprit créateur oublie les opinions philosophi-
ques dogmatiques car elles pourraient constituer des entraves aux découvertes
constructives. Ainsi pour les spécialistes comme pour les profanes ce n’est pas
9. H. POINCARÉ, La Science et l’Hypothèse, Paris, Flammarion, 1968 (1re éd. 1902), p. 25.
10. Ibid., p. 49.
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position s’est traduite en réalité par l’emprunt éclectique de procédés méthodi-
ques propres à ces deux courants de pensée : à savoir la logique classique, propre
au réalisme, et le constructivisme, propre à l’intuitionnisme. Sur le plan du
contenu, il s’agissait de conserver l’apport de Cantor (introduction de l’infini
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en acte) tout en donnant une réduction finitiste de cet apport. Hilbert tournait
donc résolument le dos aux options métaphysiques exprimées dans la contro-
verse sur les fondements. Ceci non pas pour affirmer une position métaphysique
propre mais pour purger le problème des fondements des questions métaphy-
siques. Le prix de cette idéologie fut le suivant. Hilbert fut le premier à poser
le problème de la complétude de la logique classique sans toutefois être en
mesure de la démontrer. Ce fait est surprenant, car le théorème de complétude
est une conséquence immédiate d’un résultat établi par Skolem que Hilbert
connaissait. C’est que, comme l’a souligné Gödel, à qui l’on doit la démons-
tration de ce théorème, toute démonstration de complétude de la logique clas-
sique implique un raisonnement infinitaire. Ce raisonnement est la trace du
platonisme (usage de l’infini en acte) de la théorie des ensembles qui irrigue la
logique classique, laquelle a été conçue pour exprimer et formaliser les modes
de raisonnement inhérent à la théorie des ensembles. Mais pour comprendre le
fait technique, l’emploi inévitable du raisonnement infinitaire, il fallait com-
prendre que la théorie des ensembles engageait métaphysiquement.
2º / Poincaré avait toutes les données mathématiques et l’analyse des concepts
fondamentaux de la physique nécessaires à la formulation de la relativité géné-
rale. Il connaissait parfaitement les géométries riemanniennes des espaces à
courbure non constante, il avait fourni de manière très lucide une critique des
fondements de la physique newtonienne, de son principe d’inertie et de sa
conception d’un espace et d’un temps absolus. Il niait non seulement que l’on
puisse admettre une structure euclidienne de l’espace mais aussi que l’on puisse
parler de simultanéité de phénomènes dans le temps, les mesures de temps étant
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D E L ’ A N T I N O M I E D E L ’ I D É E D ’ H I S TO I R E D E L A P H I L O S O P H I E
À L A N É C E S S I T É D U S T RU C T U R A L I S M E E N H I S TO I R E
DE LA PHILOSOPHIE ET EN PHILOSOPHIE
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l’auteur développe conjointement à sa notion de style 16. Il nous semble toutefois
difficile de soutenir que le principe en question soit un principe du structuralisme
en histoire de la philosophie. Il s’agit plutôt du principe auquel Granger recon-
duit le structuralisme en philosophie et qui dépend fortement de sa propre
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14. Gödel considérait l’inexhaustibilité des concepts mathématiques comme une des conséquen-
ces essentielles des théorèmes d’incomplétude. H. Wang, dans Reflections on Kurt Gödel (MIT Press,
1987), rapporte à la p. 50 une note du carnet de Carnap relatant les conversations du cercle viennois.
Dans cette note, datant du 23 décembre 1929, Carnap résume ainsi l’intervention de Gödel à propos
de la question de l’ouverture des concepts mathématiques : « Nous admettons certaines considéra-
tions sur la grammaire d’un langage donné, portant sur le monde empirique, comme une partie
légitime des mathématiques. Or, si l’on cherchait à formaliser de telles mathématiques, on aurait
toujours, pour chaque formalisation, des problèmes qui, bien que compréhensibles et exprimables
dans le langage ordinaire, ne pourront pas être exprimés dans le langage formalisé en question. Il
en découle (Brouwer) que les mathématiques sont inexhaustibles : l’on doit toujours à nouveau
puiser sans cesse à la “fontaine de l’intuition”. »
15. Pensée formelle et sciences de l’homme, p. 3-4.
16. On se limitera à citer un passage de Granger dans Essai d’une philosophie du style, Paris,
Odile Jacob, 1988 (1re éd. 1968). Granger oppose, ici, au sens, déterminant l’information à l’intérieur
de la structure, la signification, qui a trait à la structure prise comme une totalité dans son rapport
à l’expérience. Or, dit Granger : « Totalité ne doit pas être ici compris sur le mode mystique ; le
caractère de totalité d’une expérience ne s’érige nullement en un absolu. C’est simplement une
certaine fermeture, circonstancielle et relative, comportant des horizons, des premiers plans, des
lacunes. Fermeture cependant radicalement différente de celle que recherche la structuration : sans
horizons, complètement dominée, claire et distincte. Toute pratique pourrait se décrire comme une
tentative pour transformer l’unité de l’expérience en l’unité d’une structure, mais cette tentative
comporte toujours un résidu. La signification naîtrait des allusions à ce résidu que la conscience
laborieuse saisit dans l’œuvre structurée, et introduit comme imperfections de la structure » (p. 112).
17. Sur la thèse de Granger à propos de la connaissance philosophique comme interprétation
des significations, voir Gérard LEBRUN, « De la spécificité de la connaissance philosophique », dans
J. PROUST et E. SCHWARTZ (éd.), La Connaissance philosophique, Essais sur l’œuvre de Gilles-
Gaston Granger, Paris, PUF, 1995.
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On ne doit cependant pas oublier que le Descartes de Gueroult (de même que
le Malebranche, le Spinoza ou le Berkeley) n’est que la conséquence d’une
doctrine de l’histoire de la philosophie dont l’élaboration lui est antérieure
logiquement et chronologiquement (la rédaction de la Philosophie de l’histoire
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18. M. GUEROULT, Descartes selon l’ordre des raisons, Paris, Montaigne, 1968.
19. J’emprunte librement le matériel des trois paragraphes qui suivent à E. AUDUREAU, « Inci-
dences des progrès de la logique mathématique sur la classification des systèmes philosophiques »,
dans E. SCHWARTZ (éd.), Jules Vuillemin, L’un et le multiple, G. Olms, à paraître.
20. M. GUEROULT, Philosophie de l’histoire de la philosophie, Paris, Aubier, 1979, p. 40.
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tiquement l’antinomie. Ce donné philosophique est la vérité philosophique dont
nous posons l’existence et dont nous devons décrire la nature. Comment la
déterminer ? « Fonder et déterminer cette valeur (qu’est la vérité philosophique),
c’est fonder la réalité des systèmes philosophiques présents dans l’histoire et,
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Le problème de la vérité matérielle des dogmes pris en eux-mêmes n’est pas résolu
pour autant. Au moins semble-t-il qu’il ne puisse pas se poser en soi à part : toute
philosophie est une totalité, où se joignent indissolublement les thèses et les démar-
ches. Ces démarches, s’effectuant dans le temps logique, impliquent mémoire et
prévision ; même si elles se présentent comme des ruptures, elles sont faites en
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connaissance de cause : ce sont des décisions (des batailles disait Descartes) ; ce qui,
à la fois, mesure la cohérence d’un système et son accord avec le réel, ce n’est pas
le principe de non-contradiction, mais la responsabilité philosophique 22.
Y a-t-il alors un critère qui puisse nous guider dans l’assomption de nos res-
ponsabilités philosophiques ou dans l’évaluation des décisions philosophiques
d’autrui ? Goldschmidt, citant Granger, résume ainsi la situation :
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cas des rapports de la philosophie à la science. De quels principes devraient,
en effet, s’inspirer les jugements sur cette efficacité ? Ou, en d’autres termes,
de tels jugements peuvent-ils être conformes à une idée absolue de progrès
scientifique vers laquelle notre connaissance s’approcherait ? Pourrions-nous
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quées 26. Concentrons-nous sur la question des rapports entre classification des
systèmes philosophiques et philosophie ; nous serons ainsi conduit à considérer
la question des rapports de dépendance entre science et philosophie qui nous
presse. Vuillemin souligne ici trois points.
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Fondée sur les intérêts de la raison, la perfection philosophique présuppose, relative-
ment à ces intérêts, un ordre de préférences préalable. La richesse ontologique a-t-elle
plus de valeur que la solidité ou la simplicité ? Des intérêts conflictuels ne se sou-
mettent pas à l’ordre linéaire des perfections leibniziennes. Pour pouvoir leur attribuer
un poids relatif, nous devons déjà avoir adopté une classe particulière de systèmes
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philosophiques 27.
Cette affirmation implique qu’il est impossible de prendre les bonnes décisions
philosophiques par la simple comparaison des classes de systèmes. Toute com-
paraison présuppose en effet une traduction réciproque des systèmes à compa-
rer. Or la traduction entre systèmes ou classes de systèmes philosophiques est
essentiellement indéterminée (nous reviendrons plus loin sur cette question).
Toutefois, cela n’empêche pas de dresser un bilan objectif des qualités d’un
système quant à sa capacité de rendre compte de l’expérience. En somme, il
est impossible, sans un choix philosophique préalable, d’organiser en un ordre
linéaire ces qualités. Il est possible, au contraire, de s’accorder sur le fait
qu’un système possède ou non ces qualités. C’est ce jugement que le tribunal
de l’expérience peut prononcer et à ce jugement les philosophies doivent se
soumettre.
2º / L’indépendance relative de la philosophie face à la totalité de l’expérience
(et donc face à la science) trouve son fondement dans l’indétermination de la
traduction entre systèmes que nous venons d’évoquer. Il y a un rapport étroit
entre philosophie et science qui ne peut pas être nié. Une philosophie qui ne
prendrait pas en compte les données de la science ne serait qu’un exercice
scolastique stérile. Science et philosophie naissent ensemble, affirme Vuillemin,
et, pourrait-on rajouter, en paraphrasant Kant, toute interruption de leur dialogue
condamnerait la première à devenir une technique aveugle et la deuxième une
rhétorique vide. Toutefois, les données positives de la science ne déterminent
jamais de manière univoque, et par elles-mêmes, un système philosophique. Ce
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choix d’une philosophie. D’autre part, un système (ou une classe de systèmes
philosophiques) ne peut jamais être considéré comme réfuté définitivement par
la science. Comme celle-ci évolue, elle peut être amenée, pour ses besoins, à
faire ressusciter des systèmes philosophiques qui ne correspondent pas à l’esprit
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Une analyse critique devrait séparer ce qui découle authentiquement des principes
premiers d’un système ou d’une classe de systèmes, des conséquences qui sont dues
à des circonstances contingentes et historiques. Dans le système de Kant, par exemple,
l’identité entre possibilité de l’expérience et possibilité de l’objet de l’expérience est
interprétée comme impliquant la détermination complète des intuitions sensibles par
les catégories de la raison pure. Cette interprétation, impliquant une conception trop
étroite de l’intuition pure, des catégories et des principes, est discutable et l’on peut
proposer des amendements à la Critique de la raison pure et à la Critique de la raison
pratique qui purifieraient le principe transcendantal suprême de ses harnachements
accidentels. Les philosophies sont donc vivantes parce qu’elles peuvent être indéfi-
niment réécrites 29.
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manières par lesquelles deux locuteurs peuvent fixer la valeur de vérité des
énoncés élémentaires du langage, en s’accordant sur la détermination de la
référence des termes présents dans les énoncés élémentaires.
b) Ces différentes manières peuvent, selon Vuillemin, être énumérées (par
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communiquer la perception. Toutefois, une philosophie n’est pas qu’une Welt-
anschauung. Elle est soumise aux contraintes de la cohérence et de la systéma-
ticité, ce qui la distingue du mythe. Quant à la systématicité, la valeur objective
d’un système peut être reconnue relativement à la science d’une époque donnée,
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CONCLUSION
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les affirmations philosophiques prises dans leur singularité qui doivent être
jugées, mais l’efficacité, la compréhensivité et la simplicité du système tout
entier. L’efficacité, la compréhensivité et la simplicité sont évidemment des
critères complexes dont l’évaluation demande intelligence et prudence ; ils ne
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Gabriella CROCCO
Ceperc, Université de Provence
Aix-en-Provence