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Etat de contraintes initiales dans les sols

et calcul par éléments finis

Philippe MESTAT
Directeur de recherche
Chef de la section Rhéologie et modélisation des sols
Division Mécanique des. sols et géologie de l'ingénieur
laboratoire central des Ponts et Chaussées

Introduction
U n massif de sol ou de roche à l'état naturel est généra-
lement au repos et en équilibre avec les effets de la
pesanteur, les conditions hydrauliques et d'éventuelles
contraintes résiduelles issues de sa « formation » (plisse-
ments géologiques, dépôts sédimentaires, p h é n o m è n e s
de cimentation ou d'érosion, altérations physico-
chimiques, etc.). L'équilibre mécanique est alors assuré
par le champ de contraintes initiales, encore appelé
contraintes en place.

L ' e x é c u t i o n de travaux ou d'essai in situ se traduit par


RESUME une perturbation plus ou moins importante de l'état ini-
L e s calculs non linéaires en éléments finis tial des terrains, qui engendre des déformations, une
nécessitent la donnée d'un état initial d e s redistribution des contraintes et la recherche d'un nouvel
contraintes et d e s c h a r g e s hydraulliques d a n s
les massifs de s o l . Après d e s rappels sur la
état d'équilibre. Les déformations peuvent être estimées
caractérisation de l'état initial, cet article pré- au moyen de modèles de comportement des matériaux
sente s o n influence sur les modélisations qui prennent en compte l'histoire des sollicitations et
d'ouvrages de géotechnique et en particulier
les conséquences liées à l'utilisation de cer- d'une m é t h o d e de résolution numérique (comme, par
taines lois de comportement courantes. P a r exemple, les éléments finis). L'état de contraintes ini-
ailleurs, d e s états de contraintes initiaux parti- tiales exerce ainsi une influence importante sur la
culiers peuvent être utilisés pour simuler cer-
tains effets mécaniques dus à d e s phéno- réponse d'un massif de sol ou de roche aux sollicitations
m è n e s hydrauliques, thermiques ou d'évo- qu'on lui applique. L a modélisation des ouvrages de
lution d e s matériaux (gonflement, vieillisse-
ment). D e s e x e m p l e s de calcul réalisés a v e c
géotechnique doit donc prendre en compte la détermina-
C É S A R - L C P C illustrent également l'impor- tion de l'état initial des contraintes, qui peut être déduit
t a n c e d'une prise en compte correcte de cet de mesures ou estimé a priori.
état pour la simulation de la mise en place d'in-
clusions d a n s le sol et, plus généralement,
pour l'analyse du fonctionnement des
o u v r a g e s d e géotechnique.
Estimation de l'état initial des contraintes
MOTS CLES 42 - Eléments finis dans les massifs de sol et de roche
(méthode) - Sol - Calcul - Non linéaire -
Contrainte - Charge - Modèle numérique - L a détermination de l'état initial constitue un des pro-
Ouvrage d'art (gén.) - Simulation
Mécanique des sols. blèmes les plus délicats de la mécanique des sols et de la
m é c a n i q u e des roches.

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 21s - MAI-JUIN 1998 - RÉF. a i e s - PP. 15-32
Contraintes en équilibre S i la contrainte effective verticale à l'état initial
dans les massifs au repos peut toujours être calculée en étudiant l'équilibre
du massif, i l n'en est pas de m ê m e pour la
Pour un terrain naturel au repos (déformations
contrainte horizontale. Les équations de l'équi-
nulles), limité par une surface horizontale et
libre ne suffisent plus et i l faut introduire le com-
formé de couches h o m o g è n e s perpendiculaires à
portement du matériau et son histoire. Cette prise
l'axe de la pesanteur, l'état de contraintes ini-
en compte peut être faite soit de manière expéri-
tiales est supposé défini par des contraintes prin-
mentale (essais de laboratoire ou essais en
cipales verticale et horizontale et par un plan
place), soit en supposant connues les lois de
d'isotropie perpendiculaire à l'axe de la pesan-
comportement des différentes couches de sol et
teur (ce qui correspond à la formation du massif
l'histoire des sollicitations.
par le dépôt de couches horizontales succes-
sives). L'histoire simplifiée des sollicitations est E n pratique, la détermination de la contrainte
alors celle d'une suite de compressions sans effective horizontale à l'état initial est effectuée
déplacement horizontal. L e tenseur des en introduisant le coefficient de pression des
contraintes totales est principal dans les axes terres au repos KQ défini par la relation :
naturels :
°'ho a h 0 -u 0

°zz = ° v 0 et G° = o ° = o
x y h0
=
~r~ =

où o et a sont respectivement les contraintes
v 0 h 0

totales initiales selon la direction verticale et sui- Ce coefficient est un paramètre de comporte-
ment, toutefois i l n'est pas intrinsèque à un
vant une direction horizontale.
matériau. E n effet, les expérimentations ont
L a détermination de la contrainte verticale o v 0 montré q u ' i l varie avec la profondeur et q u ' i l
est effectuée en étudiant l'équilibre des terrains. dépend des propriétés du sol, et de l'histoire des
Dans le cas simple é v o q u é p r é c é d e m m e n t , le contraintes horizontale et verticale. L e coeffi-
tenseur de contraintes totales (ojj) vérifie les cient Kg est ainsi perturbé à chaque étape de la
équations de l'équilibre : formation d'un massif de sol. Cette complexité
et la variabilité importante qui l'accompagne
<i + P& = o, rendent sa détermination très délicate. Quatre
approches sont envisageables :
où le vecteur (g¡) représente les composantes du
>• l'analyse théorique en se donnant une l o i de
poids dans le repère choisi et p la masse volu-
comportement vraisemblable,
mique du sol.
>- l'interprétation d'essais en place,
Pour des couches h o m o g è n e s et horizontales, la >• l'analyse inverse de mesures effectuées sur
contrainte totale verticale en un point M n + 1 un ouvrage ou au cours d'un essai,
appartenant à la couche n + 1 est due au poids de >- l'étude d'essais de laboratoire.
la colonne de sol qui se trouve située au-dessus
de l u i . O n a donc :
n n
Détermination du coefficient
à partir de résultats théoriques
ö v 0 (M 1 + 1 )= X h
Ti i + Yn + i (
z
- Z "i )
i =1 i=1 D ' u n point de vue théorique, l'état des
où n est le nombre de couches situées au-dessus contraintes initiales d'un massif naturel se trouve
du point M j ; Yi» I poids volumique de la
n+
e
soit dans le domaine élastique, soit à l'équilibre
couche i et h¡ son épaisseur ; z, la cote du point limite. Cette constatation fixe des limites à la
M j lorsque l'origine est choisie à la surface variation du coefficient KQ, compris entre les
n +

du massif. coefficients de poussée et de butée ( K et Kp). a

Plus généralement, pour une l o i de comporte-


Il est à noter que la contrainte verticale n'est pas ment isotrope d o n n é e , capable de décrire la rhéo-
toujours égale au poids des terrains susjacents. logie du sol, le coefficient KQ est relié aux
C'est notamment le cas sous des reliefs très acci- autres paramètres m é c a n i q u e s (élastiques et plas-
dentés ou dans des massifs rocheux hétérogènes tiques) par des relations plus ou moins compli-
et fracturés où les efforts verticaux peuvent se quées.
reporter par des effets de voûte (Panet et Santa
L u c i a , 1968). Dans le cas d'un massif h o m o g è n e , semi-infini à
surface horizontale et à déformation latérale
L a connaissance du champ de pression intersti- nulle, l'utilisation de l'élasticité linéaire isotrope
tielle initiale u permet de déduire la contrainte
0
conduit à l'expression :
effective verticale à l'état initial :
CT CT u
'vo = v0 - 0

16 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIN 1998 - RÉF. 4ias - PP. 15-32
où v' est le coefficient de Poisson du sol. Compte Détermination du coefficient Ko
tenu des valeurs généralement attribuées à v ' à partir d'essais de laboratoire
(variant entre 0 et 0,5), cette formule peut
conduire à des estimations irréalistes de KQ. Il en Le coefficient de pression des terres KQ peut éga-
est de m ê m e pour les expressions déduites des lement être obtenu en laboratoire au cours d'un
lois de comportement plus complexes, comme essai de compression qui simule les conditions
des lois de type élastoplastique. dans lesquelles se trouvait l'échantillon dans le
sol. Ces conditions sont caractérisées par la
Jaky (1944) a ainsi étudié de façon théorique la contrainte verticale totale en place et par des
stabilité d'un massif avec le critère de déformations latérales nulles. Les essais sont des
Mohr-Coulomb et a établi la valeur du rapport de essais triaxiaux drainés à déformation latérale
contraintes a ' / o' à l'équilibre limite :
x x 0 z z C I
nulle ou des essais oedométriques avec mesure
de la contrainte latérale (Serratrice et Flavigny,
a
'xxo 1 - sin <p' (. 2 .
Kn = —;— = : :——, 1 + - Sin ffi' 1993). L a contrainte verticale appliquée à
^ a ' l z z 0 + sincp' v 3 l'éprouvette varie de façon à simuler les charge-
ments et déchargements successifs subis par le
Cette expression est habituellement simplifiée et
on utilise la formule approchée suivante, dite sol au cours de son histoire.
formule de Jaky (1944) : N é a n m o i n s , i l reste de nombreuses difficultés
Kg = 1 - sin <p'. expérimentales non résolues, liées au caractère
intact des échantillons, aux techniques de prélè-
Dans le cas des modèles anisotropes, i l n ' y a vement et de conservation, au découpage et à
plus unicité du coefficient de pression des terres l'initialisation de l'essai lui-même. Ces pro-
au repos : les rapports de contraintes a ' / o ' et x x z z
b l è m e s induisent des contraintes et des déforma-
a' / a' z z n'ont pas la m ê m e valeur contrairement tions qui ne peuvent pas être complètement
au cas isotrope. Il faut définir deux coefficients contrôlées et qui perturbent l'interprétation des
et K ^ . Dans cet article, on suppose par la suite résultats. Malgré cela, l a réalisation de cycles de
charge-décharge-recharge permet d'obtenir des
que ces coefficients sont égaux.
informations utiles et d ' a c c é d e r à un état que
l'on peut raisonnablement penser proche du
Détermination du coefficient K à partir 0
comportement in situ surconsolidé (Serratrice et
de l'interprétation d'essais en place Flavigny, 1993). L ' é t u d e des pentes des
chemins de contraintes en charge dans le plan
Pour éviter le remaniement dû au prélèvement des
( o o ) conduit à estimer une valeur KJ] dans le
p 3
C

échantillons, plusieurs types d'essais en place ont


domaine des fortes contraintes axiales (domaine
été développés ou adaptés pour estimer le coeffi-
normalement consolidé). Cette valeur est sou-
cient de pression des terres au repos : cellules de
vent proche de celle fournie par la formule de
pression totale, essai au pressiomètre autoforeur,
Jaky.
essai de facturation hydraulique, essai au dilato-
mètre Marchetti (Baguelin et al., 1978 ; Lünne et E n revanche, à la décharge, le chemin de
al., 1989 ; Sève et al., 1995) ou technique de surca- contraintes est plus fortement non linéaire et on
rottage (Misbahi et al., 1994). Les appareils actuel- peut mettre en évidence une relation pour le
lement disponibles diffèrent par leur complexité de
coefficient à la décharge K$ du type :
mise en oeuvre et d'interprétation des résultats,
mais surtout par le degré de perturbation qu'ils c
sin <p
Ko = K (Roc) :

peuvent occasionner dans le massif au repos.

L a principale difficulté dans l'interprétation où R o c = 1 , m a x


est le degré de surconsolidation
consiste donc à corriger l'estimation de la
contrainte totale horizontale et de la pression vertical et o , la contrainte verticale qu'a
l m a x

interstitielle pour tenir compte de la perturbation subie l'éprouvette de sol au cours de l'essai
introduite par la mise en place de l'appareil au (Mayne et Kulhawy, 1982 ; Serratrice et
sein du massif (déformations, remaniement du Flavigny, 1993). Une relation plus élaborée a été
sol, modifications des pressions interstitielles) proposée par Mayne et Kulhawy (1982), qui ont
(Jamiolkowski et al., 1985 ; L ü n n e et al., 1989). tenu compte de l'effet d'un cycle de charge-dé-
Par ailleurs, ces essais coûtent relativement cher, charge-recharge :
et les résultats obtenus sont souvent assez pro-
ches des valeurs calculées à partir des relations
empiriques (voir, par exemple, Josseaume, KocÜ _ -jy-nc
- N) D (1 - sin (p)1
1 -
V oc, max R„oc, max /
1998). Pour ces diverses raisons, la détermina-
tion de se fait souvent à partir d'essais en où R est le rapport de surconsolidation
o cm a x

laboratoire ou de relations empiriques. maximal appliqué au cours des cycles.

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES • 215 - MAI-JUIN 139s - RÉF. 4188 - PP. 15.32 17
Détermination du coefficient Kg où fj et f représentent des forces intérieures
2

à partir d'une analyse inverse et/ou extérieures et Ry, les sous-matrices de rigi-
dité correspondant à cette partition (cf. « Prise en
Les travaux cités p r é c é d e m m e n t montre q u ' i l est
compte d'un état initial des contraintes dans la
délicat de déduire des essais en place une estima-
tion du coefficient de pression des terres au m é t h o d e des éléments finis »).
repos, ou d'une manière plus générale les valeurs
L a réorganisation du système d ' é q u a t i o n s précé-
des contraintes in situ. A u s s i , plutôt que d'ex-
dent conduit à éliminer les valeurs inconnues.
ploiter directement les mesures en termes de cor-
O n obtient alors l'équation :
rélation avec certains paramètres de comporte-
ment, plusieurs auteurs ont envisagé de R _ R R R U = _ R R
( ll 12 22 2l) l fl 12 22 h •
combiner une étude par éléments finis et une
technique d'analyse inverse. L'analyse inverse de cette relation fournit une
L'objectif de l'analyse inverse a été fort bien estimation des paramètres du calcul. Dans le cas
défini par Gioda et Sakurai (1987) : « i l s'agit de d'un p r o b l è m e d'excavation et pour l a première
trouver les valeurs des paramètres m é c a n i q u e s et phase, les forces f et f sont c o m p o s é e s en partie
x 2

hydrauliques qui, lorsqu'ils sont introduits dans de la contribution F des contraintes initiales sur 0

un modèle théorique de l'ouvrage ou de l'essai le contour excavé S :


étudié, conduisent à des résultats (déplacements,
déformations, contraintes, pressions intersti- N c 0
dS avec o ° = {Ko < £ ; K„ o-° ; < £ } . z

tielles) aussi proches que possible des mesures


correspondantes effectuées sur le site ». Traduit
en termes m a t h é m a t i q u e s , on cherche à m i n i -
Remarque
miser une expression du type :
Bien qu'un problème d'excavation soit le plus
j =M i= N
souvent modélisé en plusieurs phases de calcul,
le fait de supposer un comportement élastique
j =1 i= 1
linéaire permet d'obtenir la solution calculée
où M est le nombre de pas de temps ou d ' é t a p e s en une seule phase de calcul. La linéarité auto-
de chargement ; N , le nombre de valeurs mesu- rise la superposition des chargements et donc
des différentes phases de calcul.
rées ; x{, la valeur de la variable n u m é r o i calculée
à l'instant j à partir des valeurs de paramètres
Pour simplifier le p r o b l è m e , les contraintes ini-
considérées et x|, la valeur mesurée correspon-
tiales sont supposées définies par les poids volu-
dante. miques et les coefficients de pression des terres
Pour chaque couche identifiée dans le massif, on au repos pour les différentes couches identifiées.
recherche une estimation des paramètres ( E , v ,
Une nouvelle réorganisation de la dernière équa-
k , k , k ) , où E est le module d ' Y o u n g ; v , le
0 v h
tion matricielle permet d'introduire le vecteur P
coefficient de Poisson ; k et k , les coefficients
v n
des valeurs des paramètres de déformabilité, le
de perméabilité verticale et horizontale.
vecteur K* des coefficients de pression des
L'algorithme d'optimisation tient également
terres, une matrice T(P) et des vecteurs g P ) et l v
compte des conditions imposées aux paramètres
g (P) qui ne dépendent que de P :
2
par les lois de la m é c a n i q u e et les valeurs
usuelles de la m é c a n i q u e des sols ou des roches :
T u (P) T 1 2 (P)" " P 1 "gi (P)"
E > 0 ; 0 < v < 0,5 ; KQ > 0 ; k > 0 ; k > 0. v h T i (P) T
2 2 2 (P) K* g (P). 2

Les résultats calculés (xj) sont généralement Les inconnues (vecteurs P et K * ) étant le plus
fournis par une m é t h o d e numérique, comme la souvent moins nombreuses que les équations
m é t h o d e des éléments finis de type déplace- (correspondant au nombre de mesures dispo-
ments. L e s points de mesure deviennent des nibles), on peut résoudre le système surabondant
n œ u d s du maillage. par la m é t h o d e des moindres carrés ; d ' o ù le sys-
t è m e d'équations non linéaires suivant :
Une analyse inverse simple pour un comporte-
ment élastique linéaire (non couplée avec l'hy- P "gi (P)'
1
[T(P)][T(P)] = ' [T(P)] g (P)
draulique) consiste à écrire les équations de K* 2

l'équilibre en réalisant la partition suivante entre


les valeurs de déplacements connues expérimen- L a résolution est effectuée par un processus ité-
talement (u ) et les valeurs inconnues (u ) :
x 2
ratif. A i n s i , m ê m e si le comportement supposé
du massif de sol est élastique linéaire, le pro-
"Ru R
12 b l è m e inverse conduit à la résolution d'un sys-
R
21 R
22. U
_ 2_ S. tème non linéaire.

18 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIN 199s - RÉF. 4188 - PP. 15-32
D'autres approches plus complexes ont été déve- reconnaître que les premières tentatives ne sont
loppées en combinant un algorithme d'optimisa- guère convaincantes, car une difficulté majeure
tion avec une analyse probabiliste (Gioda, 1985 ; demeure : celle de l'unicité de la solution dont
Gioda et Sakurai, 1987 ; Misbahi et al, 1994 ; on n'est jamais sûr et a fortiori lorsqu'on
Gens et al, 1996 ; Ledesma et al, 1996a, rajoute comme « inconnue » le modèle de com-
1996b). L'analyse probabiliste permet de tenir portement. Cependant, c'est une voie de
compte des erreurs de mesure. recherche qui mérite d'être poursuivie, notam-
ment dans le cadre de la m é t h o d e observation-
Cette d é m a r c h e peut être appliquée aux mesures nelle.
effectuées au cours d'essais en place ou réalisées
sur des ouvrages en vraie grandeur (en cours de
Relations empiriques utilisées en pratique
construction ou en phase de service), puisque
toutes les mesures consécutives à une perturba- Comme la mise en œ u v r e et l'interprétation des
tion de l'équilibre d'un massif devraient per- résultats d'essais sont difficiles, i l est souvent
mettre de remonter aux propriétés m é c a n i q u e s et préférable en phase de projet de déterminer la
hydrauliques du sol, à la condition que le modèle valeur du coefficient KQ à partir à'expressions
décrive suffisamment bien son comportement, empiriques le reliant à d'autres paramètres géo-
que les paramètres aient une influence suffisam- techniques (angle de frottement interne, pression
ment importante sur les p h é n o m è n e s observés et de préconsolidation, voire l'indice de plasticité
que les erreurs de mesure soient faibles. Plus cette pour les argiles ou la densité relative pour les
influence sera petite et les erreurs grandes, plus i l sables), lorsque l'histoire du chargement est rela-
sera difficile d'effectuer une analyse inverse. tivement simple (Brooker et Ireland, 1965 ;
Schmidt, 1966 ; A l p a n , 1967 ; Ladd et al, 1977 ;
S i les mesures sont réalisées en cours de chan- Massarch, 1975 ; Mayne, 1984).
tier, l'intérêt de cette m é t h o d e est similaire à
celui de la « m é t h o d e observationnelle » préco- L e tableau I regroupe les relations utilisées cou-
nisée par Terzaghi et Peck (1967) pour affiner ramment en distinguant les sols surconsolidés et
les m o d è l e s théoriques et réévaluer les para- normalement consolidés. Ces expressions four-
mètres utilisés dans les projets de géotechnique. nissent des ordres de grandeur relativement cor-
Cette approche est d'autant plus intéressante rects dans la plupart des cas (Josseaume, 1976 ;
qu'elle permet en théorie de tenir compte des Josseaume, 1998). E n revanche, lorsque l'his-
véritables chemins de contraintes suivis par des toire des sollicitations comporte plusieurs cycles
volumes élémentaires de sol autour des ouvrages de charge-décharge, i l n'est plus possible de
(effet d'échelle et des discontinuités, interaction décrire à l'aide d'une formule empirique l'en-
sol-structure), ces types de chemin étant en semble des p h é n o m è n e s qui interviennent.
dehors des possibilités des procédures classiques
TABLEAU I
de détermination des paramètres à l'aide d'essais Relations empiriques pour le coefficient
de laboratoire. de pression des terres au repos

B i e n que le comportement réel des massifs de Type de sol Expression de K„


sol ou de roche soit fortement non linéaire, les
techniques d'analyse inverse proposées actuelle- Massif de sol à surface «0 = 1— sin <p'
horizontale, normalement
ment concernent essentiellement l'élasticité consolidé Cette relation a été validée
linéaire isotrope ou anisotrope (Gens et al, par de nombreuses études
(Brooker et Ireland, 1 9 6 5 ;
1996 ; Ledesma et al, 1996a) ou l'élasticité Mayne et Kulhawy, 1982, etc.
linéaire non incrémentale de type sécant (Arai et
Massif de sol à surface
Kojima, 1987 ; Ledesma et al, 1991 ; A r a i , horizontale, surconsolidé
1993 ; Ledesma et al, 1996b). Cela facilite gran- (par un déchargement K(, = (1 sin <p')t ——
dement les algorithmes d'optimisation et réduit monotone)
où o-p est la pression de
la durée des calculs. E n revanche, i l reste des préconsolidation du sol
p r o b l è m e s théoriques importants pour les lois déterminée à l'essai œdo-
incrémentales comme l'élastoplasticité. Cette métrique et o , la
v 0

contrainte verticale effective


limitation actuelle réduit fortement l'intérêt pra-
en place
tique de ces techniques.
Massif de sol à surface Dans ce cas, le coefficient
Une autre critique importante concernant l'ana- inclinée d'un angle p sur KQP est le rapport de la
l'horizontale (p < <p') contrainte effective, qui est
lyse inverse est que celle-ci nécessite au pré-
parallèle à la surface incli-
alable le choix de la l o i de comportement du née, à la contrainte effec-
massif de sol ou de roche. A u s s i certaines tive verticale :
recherches ont été orientées vers la détermina- K„p = Ko (1 + sin p)
tion simultanément du modèle et de la valeur de où Ko correspond à un
ses paramètres (Sakurai et al, 1994). Cette tâche massif horizontal ayant les
est é v i d e m m e n t très ambitieuse et i l faut bien même caractéristiques

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-J UN 1998 - RÉF. 4188 - P P . 15-32
Pour les massifs naturels qui n'ont jamais été L e champ u doit vérifier cette relation quel que
;

surchargés (dépôts sédimentaires), la valeur de soit le champ virtuel ôuj. L e traitement n u m é -


Kg peut être de l'ordre de 0,5 voire un peu infé- rique par la m é t h o d e des é lém ents finis est
rieure. E n revanche, pour les massifs qui ont été effectué en faisant passer au second membre le
fortement surchargés à un moment de leur his- terme dans lequel apparaissent les contraintes
toire, la valeur de KQ peut atteindre 3. initiales :
Dans le cas d'une géométrie des couches com-
plexe, les mesures et les formules empiriques ne Eijkieki&ijd^ = q¡ ôujdS + fôu40 c ^ d Q
suffisent plus. L ' i n g é n i e u r est obligé de faire des
hypothèses et d'imaginer un état de contraintes
Sans entrer dans les détails, on aboutit au sys-
initiales plausible. Une solution pratique consiste
t è m e d ' é q u a t i o n s algébriques suivant, dans
à recourir à une modélisation n u m é r i q u e :
lequel trois types de chargement sont distingués :
>- soit en faisant des hypothèses sur l'histoire de
la formation du massif et en réalisant un calcul KU = F e x t + F - F
g 0

par étapes (sédimentation par couches succes-


où K est la matrice de rigidité du milieu discré-
sives sous poids propre, érosion selon une cer-
taine pente, surcharges, etc.) ; tisé ; U , le vecteur des d é p l a c e m e n t s nodaux ;
>- soit en appliquant dans le calcul le poids F , le vecteur des forces extérieures nodales ;
e x t

volumique des différents matériaux identifiés F , le vecteur associé au poids volumique des
dans le massif. matériaux et F , le vecteur correspondant aux
0

contraintes initiales. Ce dernier vecteur est par-


Les contraintes initiales sont alors le résultat du fois appelé chargement de contraintes initiales.
calcul n u m é r i q u e . Les déplacements associés
sont ensuite annulés et ces contraintes « injec- Puis, après prise en compte des conditions de
tées » dans le véritable calcul d'ouvrage. L a vali- déplacements imposés, la valeur des déplace-
dité de ce p r o c é d é de calcul repose sur la capa- ments U est obtenue par la résolution du système
cité de la l o i de comportement utilisée à décrire à précédent. L e champ de contraintes est ensuite
la fois le comportement passé du sol et son com- calculé à partir du champ de déformations e , i;

portement futur. associé au champ de déplacements nodaux Uj, et


de la l o i de comportement élastique linéaire :
Prise en compte d'un état initial ° i j = E i j k  l + G°j
des contraintes dans la méthode
Il convient de noter que, dans un calcul par élé-
des éléments finis ments finis, le champ de contraintes initiales
De m a n i è r e générale, la prise en compte d'une intervient généralement à deux niveaux : d'une
l o i de comportement dans un programme d ' é l é - part, en tant que second membre ou vecteur de
ments finis de type « petits d é p l a c e m e n t s » chargement par l'intermédiaire du vecteur F et, 0

conduit à l'écriture du principe des travaux vir- d'autre part, en initialisation pour la détermina-
tuels. Quel que soit le champ de déplacements tion du champ de contraintes par la l o i de com-
virtuels ô , le champ de contraintes vérifie l'éga-
u
portement. L a programmation des modules de
lité : résolution de CÉSAR-LCPC distingue ces deux
opérations. L'initialisation des contraintes
O-ÔEydQ = q¡ou¡ dS + f, ÔU:d£2 (o"ij = rjj] ) et la mise en chargement des
•'a
contraintes initiales (calcul de F 0 B'oijdQ où
où Q. est le domaine étudié ; ÔEy représente le
tenseur de déformations virtuelles déduit du B est la matrice des dérivées des fonctions d'in-
champ de d é p l a c e m e n t s virtuels ô u ; q le
; i; terpolation) sont ainsi deux opérations distinctes
vecteur-contraintes appliqué sur le contour S du q u ' i l faut savoir combiner avec soin lorsque cela
domaine Q. et f , les forces volumiques s'exer-
; est nécessaire pour la modélisation.
çant dans le domaine Q .
L e report de la relation de comportement dans le
principe des travaux virtuels permet d'écrire un Modélisation numérique et
sy s t è m e d ' é q u a t i o n s où l'inconnue est le champ chargement de contraintes initiales
de d é p l a c e m e n t s réels u . Dans le cas de l'élasti-
;

cité linéaire, on obtient la relation suivante : L e poids des terres (vecteur F ) et le chargement
g

de contraintes initiales (vecteur F ) constituent 0

des éléments importants de la modélisation


( pieid+oij)8eij d Q = Í q. ôu, dS +
E
fou, dQ n u m é r i q u e en géotechnique, mais ils ne sont pas
toujours systématiquement considérés dans un

20 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIN 1998 - RÉF. 4188 - PP. 15-32
modèle d ' é l é m e n t s finis. E n effet, pour un Dans le cas où seulement un certain pourcentage
massif de sol intact, à contours rectangulaires et des forces extérieures est appliqué, la seconde
surface horizontale et qui ne contient pas de m é t h o d e s'avère plus commode et est, en géné-
vides (fig. l a ) , i l est facile de montrer que la ral, préférée à la première. C'est notamment le
combinaison des chargements F et F ne produit e 0
cas pour simuler la proximité du front de taille
pas de déplacements : les contraintes verticales d'un tunnel dans la m é t h o d e convergence-confi-
sont parfaitement équilibrées et les conditions de nement (taux de déconfinement intérieur à f).
déplacement latéral nul sur les frontières e m p ê - Dans le progiciel CÉSAR-LCPC, c'est l'option de
chent tout déplacement horizontal. Pour obtenir calcul n o m m é e L A M qui réalise cette opération et
la solution de ce p r o b l è m e particulier, i l suffit q u ' i l est conseillé d'employer pour simuler tout
d'initialiser les contraintes sans appliquer de type de creusement dans un massif.
chargement ( F = F = 0 ; U = 0 et a = a - j ) .
g 0 y

E n revanche, lorsqu'un vide existe dans le mail- Autres applications des contraintes
lage (contour d'une excavation souterraine) ou
que la surface naturelle n'est plus horizontale (la
initiales mises en chargement
zone non maillée correspond à une excavation à
ciel ouvert), la combinaison des deux charge-
Modélisation approchée du gonflement
ments revient à imposer directement sur le bord
des sols
de l'excavation des forces de surface, opposées à
celles exercées par le matériau enlevé sur le L a mise en chargement du champ de contraintes
matériau restant (fig. l b ) . initiales peut également être utilisée pour la
simulation du comportement d'une couche de sol
gonflant. E n effet, une modélisation possible de
ce p h é n o m è n e consiste à relier, lors d'une
décompression, une variation du tenseur des
contraintes à une variation de la partie élastique
u =0 du tenseur des déformations par la relation :
E A
= i j k l e l + PgfÔy
k

où p est la pression de gonflement subie par


g f

le sol ; ôjj, le tenseur de Kronecker et E ^ , , le


tenseur de comportement élastique linéaire.
En termes d'accroissement, cette relation est du
m ê m e type qu'une l o i de comportement élas-
tique avec des contraintes initiales.

u =0
Modélisation d'un effet thermique
ou hydraulique
Une autre application de la mise en chargement
du champ de contraintes initiales est constituée
u =v=0 par la recherche de l'effet mécanique sur un
solide d'une variation du champ de températures
Fig. 1 - Prise en compte de l'état initial : ou de charges hydrauliques. Ce type de calcul
a. Massif de sol homogène au repos. suppose que l'étape transitoire peut être négligée.
b. Excavation dans le massif et distribution des forces
équivalentes. Supposons qu'initialement la charge hydraulique
en tout point valait h et q u ' a p r è s une perturba-
0

tion la valeur de cette charge passe à h, tous les


A i n s i , pour le calcul d'une cavité non maillée et déplacements restant bloqués. L'accroissement
creusée en une seule étape, les deux m é t h o d e s de contraintes dû à la perturbation de l'écoule-
suivantes sont équivalentes : ment est alors égal à la variation de pression
>• initialisation des contraintes ( c ^ = CT?) et mise interstitielle :
en chargement des contraintes géostatiques ( F 0 Atfy = - Y (h - h )
w 0

^ 0) et du poids des terres (F ^ 0) ;


où y est le poids volumique de l'eau. Les
w

>• initialisation des contraintes ( a - = a j - ) et


contraintes finales calculées sont la somme des
application de forces extérieures sur le contour contraintes effectives et des pressions intersti-
de la zone excavée ( F * 0 avec Fext = F — F ). e x t 0 tielles.

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIIIN 1998 - RÉF. 4188 - P P . 15-32 21
L e m ê m e raisonnement peut être appliqué pour Ac. y = E? Ae kl kl + (E^ -E y k l )H k l i n n « n -<£„)
l ' é t u d e d'un effet thermique ; i l suffit alors de
remplacer la charge hydraulique h par la t e m p é - Cette relation est caractéristique d'une l o i de
rature T (Piau et al, 1996). L a thermo-élasticité comportement élastique linéaire (en termes d'ac-
linéaire fournit l'accroissement du champ de croissements) avec un état de contraintes i n i -
lff

contraintes sous la forme : tiales ofj défini par :


rrdiff _ m2 c l XTTI • 1 _0 x
aE u
if -
V^-ijkl ~ Mjkl^klmn t°mn ~ °mnJ
(T
1 - 2v Dans le cas d'une élasticité isotrope, la variation
des contraintes s'écrit sous forme développée :
où a est le coefficient de dilatation ; E , le
module d ' Y o u n g et V, le coefficient de Poisson. A c ^ = X tr(Ae )ô 2 kl ij + 2|j Ae 2 ij

Au. n,AÀ, - À,jA(i


Modélisation approchée d'un effet différé
Soumis à des sollicitations maintenues constantes, où les paramètres \ et u. sont les coefficients de k

la plupart des massifs de sol présentent, à un degré L a m é reliés aux modules d ' Y o u n g E et aux k

ou un autre, un comportement différé, qui se tra- coefficients de Poisson v par les relations : k

duit par un accroissement de la déformation sous


x E v
k k
charge constante. Une modélisation rigoureuse
k

consisterait à utiliser des lois de comportement de (1 + ) (1 - 2 v )


Vk k

type viscoélastique ou viscoplastique et à suivre AÀ, = k - A-! et A|j. = u., —|ij .


2

pas à pas l'évolution du p h é n o m è n e . Toutefois, ce


type d'analyse conduit souvent à des temps de Enfin, si le coefficient de Poisson est supposé
calcul très importants. Il est alors plus « écono- peu affecté par l'effet du temps, l'expression du
,ff

mique », pour une étude exploratoire, d'avoir champ de contraintes 0"f se simplifie grande- f

recours à une m é t h o d e simplifiée qui permet de ment :


calculer les déformations et les contraintes provo- E — E
2
quées par l'évolution des paramètres d'élasticité Aa y = A tr ( A e ) ô + 2 u A
2 kl ;j 2 £ i j + (aj -ajj)
actuels (E et v) vers des valeurs ( E et v j qui M

seraient atteintes pour un temps infini (Piau et al, Pour des comportements de type élastoplastique,
1996). Cette évolution est simulée par la mise en cette m é t h o d e n'est plus rigoureusement exacte.
chargement d'un état de contraintes initiales N é a n m o i n s , en première approximation, elle peut
adapté, q u ' i l est possible d'expliciter analytique- être utilisée pour une modélisation qualitative.
ment dans le cas d'un comportement élastique
linéaire.
Exemples simples d'utilisation
Considérons deux états d'équilibre (1) et (2) des contraintes initiales dans
soumis aux m ê m e s forces volumiques et aux
un modèle numérique
m ê m e s conditions aux limites. Ces états sont
caractérisés par les tenseurs de déformation Pour mieux comprendre l'effet m é c a n i q u e d'un
(ej et e?) et de contraintes (oj et a?), liés par les chargement de contraintes initiales et son éven-
deux équations de comportement : tuelle combinaison avec d'autres chargements
(notamment avec un chargement volumique), i l
° \ = Ej e
kl kl + og et o? = E ? 4 + ojj u
est intéressant d'étudier les exemples simples
L a variation de contraintes entre les deux états présentés ci-après.
vaut alors :
Considérons un massif de sol sec, h o m o g è n e , de
1
Aoy =ojj
2
-cri = E . e kl
2
J
• ^•ijkl^kl
F E 1
comportement élastique linéaire isotrope, infini-
ment long selon la direction O y (hypothèse de
L'introduction de la variation de déformation déformation plane), de hauteur H suivant O z et
(AEy = Ey - ) permet de réécrire cette relation de largeur L suivant O x (fig. 2). L'état initial des
comme suit : contraintes est a priori quelconque et le charge-
AOij = E ? A e + (E? -E )e ment considéré est constitué par le poids propre
kl kl M y k l k l
du massif et une éventuelle surcharge de pres-
Par ailleurs, l'inversion de l'équation de compor- sion uniforme appliquée sur la surface exté-
tement pour l'état (1) permet d'exprimer le ten- rieure, à la cote H .
seur de déformations ej en fonction des états de
Supposons, de plus, que le massif ne peut se
contraintes actuels Oy et initial ajj. S i H y est le kl
déformer que dans la direction O z . L e champ de
tenseur de comportement inverse, la variation de déplacements se réduit alors à sa composante
contraintes entre les états (1) et (2) s'exprime verticale :
finalement sous la forme :
u = v = 0 et w = w(z)

22 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIN 1998 - RÉF. 4188 - PP. 15-32
Dans ce cas particulier, le comportement élas-
tique linéaire avec contraintes initiales montre
que le champ de contraintes est uniquement
fonction de la cote z. Les relations suivantes se
déduisent facilement :

yy -xy
e „ = e.„ = 0

<7„
v = 0 1 - v
dw (1 + v) (1 - 2v)
dz E ( l - v)
L a combinaison des équations de l'équilibre et
v =w =0 des relations de comportement conduit à l'équa-
tion différentielle :
Fig. 2 - Massif de sol en déformation plane : géométrie
et conditions aux limites. 2 .o \
dw (1 + v) (1 - 2v)
E (1 - v) Y- dz ,
Pour sa part, le champ de contraintes final doit L'intégration est évidente et la prise en compte
vérifier les équations de l'équilibre : des conditions limites [w(z = 0) = 0 et
<*ij + Pgi = o a ( z = H ) = — P] fournit l'expression du dépla-
zz

cement et de la contrainte :
où le vecteur (gj) représente les composantes du
poids dans le repère O x y z . (l+v)(l - 2v)
w(z) Y yHz Pz -
E n tenant compte de la forme particulière du E ( l - v) 2
champ de déplacements et de la l o i de comporte- E(l dw
v)
ment élastique linéaire isotrope, les équations de Y(z - H ) - P
(1 + v) (1 - 2v) dz
l'équilibre et les conditions aux limites se rédui-
sent aux relations suivantes : Les contraintes situées dans le plan horizontal
sont données par les relations précédentes :
d ö
x x 3c^ da ,z

~9x~ dy
= 0;
3zT = Y ; a (z = H) =
zz

(°zz -oSz)
1
w(z = 0) = 0
Ces expressions permettent d'illustrer les diffé-
où Y représente le poids volumique du matériau rentes actions des contraintes initiales. Pour
et P, une pression extérieure (surcharge). l'exemple étudié, le tableau II regroupe les

TABLEAU II
Effets des contraintes initiales combinées avec d'autres chargements

Hypothèses Solution du problème Déformation du massif

, 4 (1 + y) (1 - 2v) ( z 2

w < 0
Pas de contraintes initiales (oj = 0) et w(z) = — y 7 Hz
pas de chargement associé (F = 0) 0

E(1 - v) v 2
Seul l'effet du poids est considéré
(F„ * 0) o 2 2 = Y(Z - H)

(1 + v) (1 - 2v) ( T ] J w<0
Initialisation des contraintes (o^ = o°), w(z) = — y y Hz
mais celles-ci ne sont pas mises en E(1 - v)
chargement (F = 0)
0

L'effet du poids est considéré (F. * 0) a 2 z = 2y(z - H)

Initialisation des contraintes (o^ = a°)


, , (1 + v) (1 - 2v) f z' w >0
et mise en chargement des contraintes w(z) = — - y — + YHz
initiales (F ^ 0)
0
E(1 - v)

L'effet du poids est négligé (F = 0)


g

Initialisation des contraintes (a^ = oj) w(z) = 0 w =0


et mise en chargement des contraintes
initiales (F * 0)
0
azz =c4 =Y (z - H)

L'effet du poids est considéré (F„ * 0)

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 21s - MAI-JUIN 1998 - RÉF. 4188 - PP. 15-32 23
c o n s é q u e n c e s m é c a n i q u e s de plusieurs hypo-
thèses courantes. Pour simplifier, i l est supposé
que les contraintes initiales sont d'origine g é o s -
tatique, c'est-à-dire définies par le poids volu-
mique du massif y et par le coefficient de pres- v = o v =0
sion des terres au repos K g . Par ailleurs, la
surcharge considérée auparavant est prise égale à
z é r o (P = 0 ou F E X T = 0).

L e tableau II montre, en particulier, que la mise en


v =w=0
chargement des contraintes initiales sans la prise
en compte du poids (cas 3) conduit à une expan-
sion du massif, d'amplitude égale au tassement
p r o v o q u é par le poids du sol (cas 1 ou 2). Ce
tableau met é g a l e m e n t en évidence une erreur de
modélisation possible : l'initialisation des
contraintes et leur mise en chargement c o m b i n é e
avec la prise en compte du poids du sol conduisent v =0 v =0
à un doublement des contraintes (cas 2). Il faut
donc combiner avec soin, en fonction des néces-
sités de la modélisation, les différentes possibilités
d'initialisation et de chargements, offertes par un
code de calcul comme CÉSAR-LCPC.

Fig. 3 - Massif de sol à frontières verticales et horizontales :

a. État de contraintes initial.


Etat de contraintes initial, b. Existence d'une épaisseur limite pour le modèle.
maillage et critères de plasticité
M ê m e si la connaissance de l'état de contraintes rel, l'état initial est défini par les contraintes
initiales d'un massif de sol se réduit souvent à principales : a ° = yz et G = o° = Kgyz (avec
2

peu d'information, on sait que cet état est en


z>0).
équilibre avec les forces de gravité et l'état
Supposons, par ailleurs, que le comportement du
hydraulique et q u ' i l peut être en équilibre limite
massif peut être caractérisé par un critère de
ou non. D ' a p r è s la théorie de la poussée et de la
Mohr-Coulomb ( F ) : M C
butée, le coefficient Kg est par construction com-
pris entre deux valeurs extrêmes : F M C = |o"i - cr | - (o + CJ ) sintp - 2c cos tp
3 1 3

K < Kg < Kp
où 9 est l'angle de frottement interne du sol et c,
a

où Kp est le coefficient de butée et K , le coeffi-


a sa cohésion effective ;
cient de poussée. ou par un critère de Drucker-Prager ( F ):
D P

Pour un m o d è l e de comportement de type élasto-


plastique parfait, l'état de contraintes initiales est F D P =V*2 - a l ! - k
donc situé à l'intérieur du domaine élastique ou avec J , déviateur des contraintes et I , somme
2 x

sur la frontière de celui-ci. Cette condition doit des contraintes principales :


être vérifiée avant tout calcul par éléments finis,
sinon la plastification de toute une région sans (Pi ' ° 2 ) 2
+ (Ci - G 3 ) 2
+ ( a 2 - a 3 ) 2

J 2 = et
aucune justification pourrait entraîner des pertur-
nations importantes sur les résultats ou e m p ê c h e r Ij = fjj + r j + cr 2 3

la convergence du processus itératif, nécessaire


pour la résolution en comportement non linéaire. Les critères sont écrits avec la convention de
signe de la m é c a n i q u e des sols : les compres-
U n m é c a n i c i e n des sols sait vérifier la cohérence sions sont positives.
des données déduites de l'analyse géotechnique
d'un site, mais pour un ingénieur chargé de réa- L a position de l'état initial des contraintes par
liser des calculs n u m é r i q u e s cette vérification rapport à ces critères de plasticité est alors déter-
n'est pas toujours évidente et elle peut être la minée par l ' é t u d e du signe des quantités sui-
source d'erreurs de modélisation. vantes :

Pour illustrer ces p r o b l è m e s , considérons un MC


yz [|1 - Kg| _ (1 + Kg) sintp] - 2c cos cp
massif de sol h o m o g è n e à frontières verticales et
horizontales (fig. 3a). S i l'origine de l'axe ver- "I - Kol - cc(l + 2Kg)
1

FDP = T 2
- k
tical (Oz) est placée à la surface du terrain natu-

24 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIN 1998 - RÉF. 4188 - PP. 15-32
TABLEAU III
État initial de contraintes et critères de plasticité parfaite

Position de l'état initial


Type de critère
en fonction des paramètres de calcul

Mohr-Coulomb Si |1 - - (1 + K„) sin (p < 0 et si c > 0, l'état initial reste dans le domaine élastique quelle
que soit la valeur de la cote z

Si |1 - K J - (1 + Ko) sin tp = 0 et si c = 0, l'état initial est en équilibre limite (situé sur la


frontière du domaine d'élasticité)

Si |1 - «„1 - (1 + KQ) sin (p > 0 et si c = 0, l'état initial est en dehors du domaine d'élasticité. Cet
état est impossible ; cela reviendrait à supposer Kg > K ou Ko < K . p A

Si |1 - K J - (1 + Ko) sin cp > 0 et si c > 0, il existe une cote z à partir de laquelle le massif de sol
K m

dépasse le domaine d'élasticité et entre dans un domaine impossible :


2c cos cp
z
lim -
Y(|1 - K „ | - ( 1 +Ko) sin<p)

Drucker-Prager Si |1 - K J - ccfe (1 + 2 KQ) < 0 et si k > 0, l'état initial reste dans le domaine élastique quelle
que soit la valeur de la cote z.

Si |1 - K J - ccfe (1 + 2 Ko) = 0 et si k = 0, l'état initial est en équilibre limite (situé sur la


frontière du domaine d'élasticité).

Si M - Kol - a"^3 (1 + 2 K,,) > 0 et si k = 0, l'état initial est en dehors du domaine d'élasticité.
Cet état est impossible.

1
Si |1 - KgJ - OA/3 ( + 2 «D ) > 0 et si k > 0, il existe une cote z, à partir de laquelle le massif
im

de sol dépasse le domaine d'élasticité et entre dans un domaine impossible :

Z
llm _
r-
1 (|1 - Kol - aA/3 (1 + 2 t g )

en fonction des valeurs des p a r a m è t r e s respectifs pression des terres au repos est lié à l'angle de
(tp, c et KQ) OU (OC, k et Kg). L e tableau III r é s u m e frottement interne par la relation empirique :
cette étude lorsque l ' o n suppose Kg indépendant Kg = 1 - sin tp. L e critère de Mohr-Coulomb
de la profondeur z et montre l'existence, dans cer- s'écrit alors :
tains cas, d'une cote limite au-delà de laquelle le M C = " 7z sin cp (1 - sin (p)
F

critère est dépassé. L'existence de cette cote est L a quantité F est toujours négative. L ' é t a t ini-
M C

liée au choix des p a r a m è t r e s de calcul, mais aussi tial d'un sol grenu ou normalement consolidé se
à la position retenue pour la frontière inférieure trouve donc bien dans le domaine élastique déli-
du m o d è l e et peut donc d é p e n d r e directement de mité par le critère de Mohr-Coulomb. E n revan-
la construction du maillage d ' é l é m e n t s finis. Les che, le critère de Drucker-Prager (avec l'hypo-
états qualifiés d'impossibles dans le tableau III ne thèse k = 0) s'écrit :
sont pas m é c a n i q u e m e n t admissibles ; la stabilité
sin cp
ne pourra être obtenue qu'au prix de la modifica- F d p = yz oc(3 - 2sin cp)
tion de l'état de contraintes initiales et de la géné-
ration de déformations irréversibles qui resteront L e signe de la quantité F n'est plus évident et
D P

contenues. Dans le cas contraire, la stabilité ne i l dépend de la valeur du p a r a m è t r e rx Ce para-


pourra être atteinte et le massif sera rompu. mètre est souvent e x p r i m é en fonction de l'angle
de frottement interne grâce à une identification
Pour aller plus loin dans l'analyse, i l faut sur un chemin de contraintes fixé entre les cri-
exprimer le coefficient de pression des terres au tères de Mohr-Coulomb et Drucker-Prager (voir
repos en fonction de l'angle de frottement par exemple, Mestat, 1997). L e tableau I V met
interne et du rapport de surconsolidation. en évidence les c o n s é q u e n c e s du choix du
chemin de contraintes sur le signe de F . DP

L e tableau I V montre q u ' à l'exception du


Cas particulier des sols grenus
chemin de compression triaxiale, les autres che-
ou normalement consolidés
mins conduisent à une expression de a telle que
Dans le cas des sols grenus ou normalement l'état de contraintes initiales entre dans un
consolidés, la cohésion effective est générale- domaine de contraintes « impossible », dès que
ment nulle et i l est admis que le coefficient de l'angle de frottement interne dépasse la valeur

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIIIN 1998 - RÉF. 4188 - P P . 15-32 25
moyenne de 3 8 ° . Ce p r o b l è m e est important car,
d'une part, la valeur de 3 8 ° est une valeur relati-
vement faible pour les sables denses à moyenne-
ment denses et, d'autre part, i l est souvent
conseillé d'utiliser les relations déduites d'un
chemin en déformation plane (cas 3 et 4 dans le
tableau I V ) . L a violation du critère de plasticité
s'explique principalement par les faits suivants :
>- l'état initial est défini classiquement à partir
de corrélations déduites d'une analyse fondée en
partie sur le critère de Mohr-Coulomb (différent
de celui de Drucker-Prager) ;
>• le domaine élastique défini par le critère de
Drucker-Prager (suivant la valeur de ses para-
mètres, cf. tableau I V ) peut être entièrement situé
à l'intérieur du domaine d'élasticité de
Mohr-Coulomb, ou le recouper en partie, ou
encore englober c o m p l è t e m e n t ce domaine. A i n s i ,
les états d'équilibre limite de Mohr-Coulomb et
de Drucker-Prager peuvent être incompatibles.

Lorsque l'état des contraintes initiales est entré


dans un domaine de contraintes impossible, le
processus de résolution en comportement non
linéaire va ramener progressivement cet état sur
la frontière du domaine élastique en transfor-
mant l ' e x c è s de contraintes en déformations
plastiques. Celles-ci sont, en général, faibles par
rapport aux déformations induites par les véri-
Déformations plastiques
tables chargements du p r o b l è m e étudié et ces
chargements extérieurs font m ê m e parfois 1 4,9998.10 -7

rentrer l'état de contraintes actuel dans le 2 1,3538.1CV


5
3 2,6577.1 CT
domaine élastique. N é a n m o i n s , i l est toujours 5
4 3,9615.10"
essentiel de vérifier ce point au cours de l'ex- 5 5,2653.10" 5

ploitation des résultats d'un calcul : la représen- 6 6,5692.10" 5

tation des isovaleurs de déformations plastiques 7 7,873.10" 5

permet ainsi de prendre la mesure de la perturba- 8 9,1769.10 -5

4
9 1,0481.10"
tion. Par exemple, la figure 4a présente le cas 4
10 1,1785.10'
d'une fondation filante (déformation plane) sup-
portée par un massif h o m o g è n e dont le compor-
tement est décrit par un modèle de
Fig. 4 - Calcul d'une fondation filante avec un état initial
Drucker-Prager (c' = 0 kPa et m' = 4 0 ° ) . L a des contraintes (<p = 40°) :
figure 4b représente les isovaleurs de déforma-
a. Maillage utilisé (693 noeuds et 210 quadrangles à
tions plastiques générées pour ramener l'état de 8 nœuds).
contraintes initiales sur la frontière du domaine b. Isovaleurs des déformations plastiques générées par le
d'élasticité ; ces isovaleurs sont rectilignes et critère de Drucker-Prager.

elles croissent en fonction de la profondeur.

Pour éviter de telles perturbations, i l peut être


envisagé soit de n'utiliser que le critère de Cas particulier des sols fins cohérents
Mohr-Coulomb (ce que l ' o n conseille), soit d'in- Pour les sols fins cohérents, le comportement est
troduire une petite cohésion pour les faibles
caractérisé par une cohésion effective et un angle
épaisseurs de sol, de manière à ne pas dépasser
de frottement interne. Pour sa part, le coefficient
la cote limite au-delà de laquelle une région du
de pression des terres au repos est lié à l'angle de
massif entrerait dans un domaine de contraintes
frottement interne et au rapport de surconsolida-
impossible. Pour les couches plus profondes, i l
tion R par la relation empirique :
o c
faut se rappeler que l'angle de frottement interne
des matériaux grenus diminue avec l'augmenta- KQ = (1 - sin i p ) ^
tion de la pression de confinement (et donc avec
la profondeur). Cette diminution est favorable, L'expression du coefficient KQ devient plus com-
car elle permet de réduire ou de faire disparaître pliquée car le rapport de surconsolidation varie
les perturbations. en fonction de la profondeur. Pour un massif

26 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIN 1998 - RÉF. 4iss - PP. 15-32
TABLEAU IV
Influence de la détermination du paramètre a sur le signe de la quantité F,

Choix de calcul pour a a F D P / (7Z) Signe de F D P

2 sin cp 3 sin 9 p - sin cp^


Compression triaxiale F DP < 0 dès que cp > 0°
s i n
(3 - sin <p) ^3 1,3 - <(V

2 sin cp sin cp / - 3 + 5 sin cpA F D P > 0 si cp > 36,87°


Extension triaxiale
•^3" v 3 + sin F < 0 si cp < 36,87°
V~3~ (3 + sin cp) cp ) D P

Déformation plane sin cp sin cp f sfs - 3 + 2 sin cp^ F D P > 0 si cp > 39,34°
et dilatance nulle
3 ^ { V3 J F D P < 0 si cp < 39,34°

Déformation plane sin cp sin cp f 3 - 2 sin cp^ F p > 0 si cp > 35,86°


D

et dilatance associée 2 F < 0 si cp < 35,86°


^ 9 + 3 s i n cp 2
^[3 v + sin cp J D P

de sol cohérent h o m o g è n e à surface horizontale sion en fonction des paramètres de


dont on admet que la surconsolidation rj - o' p vû
Mohr-Coulomb (cp et c). L e signe de F dépend D P

est constante, ce rapport vaut : alors des valeurs respectives de la profondeur (en
Op_ _ g p (z = 0) + yz fait du produit yz), de la pression de préconsolida-
tion en surface, de l'angle de frottement et de la
cohésion. A cause du nombre de ces variables, les
où o (z = 0) est la pression de préconsolidation
p
développements analytiques deviennent compli-
en surface. L e critère de Mohr-Coulomb à l'état qués et n'apportent pas grand chose. Il vaut mieux
initial s'écrit alors : laisser faire le code de calcul qui, avec des don-
o \ (0) + yz nées précises, indiquera si l'état des contraintes
F c = 72
M 1 - (1 - sincp) ^ initiales est entré dans un domaine impossible ou
yz
non. L a réalisation d'un tel calcul est d'autant
G (0) + yz
p plus à conseiller que la plupart des codes de calcul
- sincp - (1 - sin cp) sin cp ^ 2c coscp
ne peuvent pas traiter un coefficient de pression
yz
des terres au repos qui varie avec la profondeur.
L e signe de la quantité F est plus difficile à
M C
L'utilisateur doit fournir un coefficient par cou-
établir. Toutefois, si l ' o n se réfère à la théorie de
la poussée et de la butée, la cohérence des don- che, qui correspond à une moyenne ou au coeffi-
nées géotechniques devrait assurer que l'état ini- cient calculé au milieu de la couche. Dans ce cas,
tial est compris entre les états limites de poussée le p r o b l è m e devient plus simple et on se ramène à
K ( z ) et de butée Kp(z) et q u ' i l se trouve donc à
a
l'étude du signe de F entre les limites de chaque D P

l'intérieur ou sur la frontière du domaine élasti- couche. L'analyse théorique est fastidieuse et
que. Il convient tout de m ê m e de vérifier ces encore une fois i l suffit d'examiner les résultats
données avant de réaliser un calcul par éléments d'un calcul par éléments finis sans chargement
finis pour éviter la génération de déformations extérieur (ou avec un chargement très faible ou
plastiques indues. situé loin des zones supposées critiques) pour
E n revanche, pour le critère de Drucker-Prager, estimer l'influence du dépassement du critère de
le p r o b l è m e est plus complexe. E n effet, la quan- plasticité en termes de déformations plastiques.
tité F D Papparaît sous la forme :
1 a_(0) + 72
MC
1 - (1 - sincp)y yz Influence de l'état initial
dans une simulation d'excavation
a_(0) + yz Pour un modèle d ' é l é m e n t s finis, c'est lorsqu'on
a 1 + 2 (1 - sincp) ^ k,
yz analyse la première étape d'une excavation dans
et elle doit être étudiée comme p r é c é d e m m e n t en un massif de sol que l'influence de l'état des
remplaçant les paramètres ex et k par leur expres- contraintes initiales est la plus forte.

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIIIN 1998 - RÉF. 4188 - P P . 15-32 27
Cas d'une excavation importante ; selon le m o d è l e de comportement
pour un ouvrage de soutènement utilisé, le choix d'une valeur supérieure ou infé-
rieure à 1 peut modifier voire inverser l'allure
C o n s i d é r o n s une excavation rectangulaire d'un
des résultats n u m é r i q u e s (fig. 5). L a valeur du
massif h o m o g è n e à surface horizontale en défor-
coefficient KQ a ainsi une très nette influence sur
mation plane. L a simulation du creusement est
les chemins de déformations et de contraintes
effectuée grâce au calcul de forces équivalentes
suivis au cours d'une excavation :
déterminées à partir de l'état de contraintes ini- >• les déplacements augmentent avec KQ. Pour
tiales dans le massif, défini par le poids volu- de faibles valeurs de ce coefficient, le mouve-
mique du sol y et par le coefficient de pression ment du sol est essentiellement vertical. E n
des terres au repos KQ (supposé constant). L e revanche, pour de fortes valeurs, supérieures à 1,
système de forces obtenu a été décrit sur la une composante horizontale importante se déve-
figure l b . loppe ;
L a distribution des forces équivalentes montre >• les contraintes horizontales croissent avec
que le coefficient de pression des terres au repos Ko ;
est une d o n n é e essentielle pour la modélisation >- l ' é t e n d u e de la zone plastique augmente avec
du creusement. Son influence sur le calcul est Ko-

3 |[
Flg. S • Excavation a <
Point U(m) V(m)
dans un massif homo-
¡ 1 1,662.10" 3
gène élastique linéaire 0
4
2 -2,893.1CV 4
5,173.1Cr
Déformée du malliage : 4
3 -8,904.10" 2,037.10' 5

a. Pour Kg = 0,5. !
b. Pour K = 1,5.
0

— '^Utr ! ' i

• i l
i i i i
i i i i

E Point U(m) V(m)


3
f-
! I I
I ¡ I 1 0 1.664.10' 3

I ! I 2 -8.044.10" 4
3,734.10" 4

I
i
li Ii 3 6,991. IQ" 4
4,444.10" 5

Maillage initial 0,005 m


Maillage déformé

28 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUIN 1998 - RÉF. 4188 - PP. 15-32
i=ïg. 6 -
Influence du coefficient
de pression de» terres

WËËÊÈË WÊilmÈÊÊiËÈ
JËMMil aueepe
tlpo de le
autour i
circulaire excavé en
une étape
ïïmWÊÊÊÊMm
¡111wÊÊm
Bip
WÊÊÊSm

r j ¥ u j
MHHHHHHI
p fJasa
lflMNBI
WËË
^^^^^^ mm
111111
SI
WÈÊÈÈÈÈË
M B

Cas d'une excavation >- pour KQ > 1, la contrainte horizontale initiale


pour un ouvrage souterrain est plus grande que la contrainte verticale ini-
tiale. L a plasticité apparaîtra donc près du radier
Comme pour une excavation à ciel ouvert, les
puis en clef (fig. 6c).
forces équivalentes ont pour effet de redistribuer
le champ de contraintes au bord de la cavité : Les déformées des maillages obtenues après
>• la contrainte normale diminue pour tendre convergence ont l'allure générale d'une ellipse
vers zéro à la fin de l'excavation ; dont les positions du grand axe et du petit axe
>- la contrainte tangentielle augmente ; dépendent de Kg.
>• les contraintes de cisaillement a (en défor- x v

mation plane) restent généralement négligeables


au bord d'une cavité régulière (cercle ou ellipse), État initial et mise en place
puisqu'elles étaient supposées nulles à l'état ini-
d'une inclusion dans le sol
tial (cas d'un terrain à surface horizontale).
J u s q u ' à présent, on n'a considéré que des états
L'influence du coefficient de pression des terres
de contraintes initiales régnant dans des massifs
au repos, supposé constant dans le massif, peut
intacts, au sens qu'on n ' y a pas encore entrepris
être résumée de la manière suivante ( d ' a p r è s
de travaux. Mais, du point de vue de la modéli-
W o n g et Kaiser, 1991) : sation des ouvrages de géotechnique, i l faut aussi
>- pour Kg < 1, la contrainte radiale initiale est estimer les états de contraintes du sol remanié
plus grande que la contrainte tangentielle initiale par certaines phases de construction, essentielle-
à la clé. E n revanche, c'est le contraire aux pié- ment celles qui consistent à placer des inclusions
droits de la galerie. Par conséquent, lorsque la dans les massifs (renforcements divers, pieu,
contrainte radiale diminue, la quantité |o"i — o | 3
paroi moulée ou rideau de palplanches, etc.) et
est plus importante aux piédroits. C'est donc là qui se situent chronologiquement avant l'appli-
que la quantité F deviendra positive pour le
M C
cation des chargements extérieurs (surcharges de
champ de contraintes d'origine élastique et que surface ou excavations).
la plasticité apparaîtra (fig. 6a) ; Pour quelques cas particuliers, i l est possible de
>• pour Kg = 1, l'état initial des contraintes est simuler de manière approximative la mise en
isotrope. L a quantité jcfj - <3"| croît donc de
3
place de structures dans le sol :
manière identique et la plasticité a tendance à se >• les structures enterrées sont relativement sim-
développer uniformément au bord de la cavité, si ples à modéliser (fondations superficielles encas-
la pression appliquée est uniforme. M a i s , pour trées, murs gravitaires ou cantilever, canalisa-
des forces de déconfinement variant avec la pro- tions, etc.). I l suffit de procéder comme pour un
fondeur, la plasticité est localisée initialement remblaiement, c'est-à-dire d'activer au fur et à
dans l a demi-couronne inférieure (fig. 6b) ; mesure de l'avancement des travaux des couches

IN 1998 - RÉF. 4 1 8 8 - P P . 15-32


BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 - MAI-JUII 29
horizontales d ' é l é m e n t s finis et de prévoir des volumiques sont quelquefois appliqués de
éléments de contact aux différentes interfaces manière incrémentale. L a technique de construc-
(fig. 7a) ; tion et le remaniement du sol près de l'inclusion
>» les parois m o u l é e s ou les pieux forés à la sont alors représentés par l'état des points des
boue et coulés en place peuvent être simulés par interfaces. Cette approche est e x t r ê m e m e n t
une succession de calculs qui reproduit plus ou pauvre et ne pourrait être justifiée que par le
manque de données ;
moins fidèlement les principales phases de
construction (Gunn et al, 1993 ; Piau et ai, >• par Vinitialisation des contraintes dans l ' i n -
1996) : excavation et application d'une pression clusion et dans le sol et leur mise en charge-
ment. L a contrainte verticale dans le sol est
hydrostatique due à la boue bentonitique, mise
égale au poids des terres, tandis que la
en place du béton dans l'excavation et modifica-
contrainte horizontale est une proportion K de
tion progressive des paramètres m é c a n i q u e s (on
la contrainte verticale. Dans le cas d'un pieu, le
passe de la boue à un béton frais, puis à un béton
coefficient K est généralement plus élevé que le
durci). Les incertitudes proviennent essentielle- coefficient de poussée des terres au repos au
ment du comportement du béton, de celui des voisinage du pieu. Les effets de la mise en
interfaces et des propriétés du sol au contact place sont donc simulés essentiellement à l'aide
(souvent i m p r é g n é de boue sur une certaine dis- des conditions d'interface et du coefficient K ,
tance) (fig. 7b). qui provoque au cours du chargement une
étreinte latérale sur le fût du pieu et une
E n revanche, pour d'autres modes de mise en
poussée verticale sous la pointe. Cette poussée
place comme le battage ou le fonçage, les p h é n o -
est totalement neutralisée par le poids du pieu.
m è n e s complexes mis en jeu e m p ê c h e n t de
Une telle approche permet de transmettre un
modéliser d'aussi près les phases de travaux état de contraintes dans les éléments d'interface
avec les codes de calcul actuels. A u s s i , d'un et a été utilisée pour approcher le comporte-
point de vue pratique, l ' h y p o t h è s e couramment ment de pieux battus dans un calcul à rebours
admise consiste à élaborer le maillage du massif (Desai, 1977). Quand on ne dispose pas d'infor-
avec l'inclusion (ou les inclusions) déjà présente mations suffisantes pour estimer la valeur de K ,
en son sein et à effectuer le calcul selon l'une on peut réaliser un premier calcul avec la valeur
des trois approches suivantes : du coefficient de pression des terres au repos et
>• par l'application du poids propre des diffé- ensuite effectuer une étude de sensibilité pour
estimer approximativement l'effet de la réponse
rentes structures (dont les inclusions) et des sols
du sol sur le comportement de l'inclusion ;
qui interviennent dans la modélisation. Les poids

Excavation soutenue Mise en place progressive


par une pression de boue du béton frais

Fig. 7 - Exemples de simulations de mise en place d'une inclusion dans un massif de sol :
a. Fondation en partie enterrée. b. Paroi moulée.

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>- par l'application des poids volumiques des Conclusion
matériaux et une modification des caractéris-
tiques mécaniques du sol dans la zone rema- L a prise en compte des contraintes initiales et leur
niée par la construction (modification du mise en chargement, ou non, constituent des
module d ' Y o u n g et des p a r a m è t r e s de résis- aspects essentiels de la modélisation par éléments
tance du sol). Cette approche a été e m p l o y é e finis des massifs de sol. Elles permettent en effet
pour la modélisation a posteriori des pieux de représenter, par « l'initialisation du champ de
battus (calculs à rebours) (Balaam et al, contraintes », l'état des contraintes en place avant
1975). toute phase de travaux et, par « la mise en charge-
ment des contraintes initiales », la tendance du sol
Certaines de ces approches sont parfois à exercer une étreinte sur une inclusion, à pousser
c o m b i n é e s pour obtenir des m o d è l e s plus derrière un mur de soutènement ou à se déformer
fins : par exemple, on peut simultanément sous l'effet d'un creusement.
modifier le coefficient K , le module
d ' Y o u n g , les paramètres de résistance du Le chargement de contraintes initiales peut égale-
sol, les conditions d'interface et introduire ment être utilisé pour simuler de manière appro-
des contraintes résiduelles dans les inclu- chée l'effet de certains p h é n o m è n e s physiques
sions. Tout cela suppose de disposer de (effet des pressions interstitielles, effet thermique
données nombreuses et précises. Mais, en ou dû au vieillissement).
conditions de projet, c'est la première ou
Les exemples présentés dans cet article ont
mieux la seconde approche qui devrait être
illustré ces différentes possibilités et ont souligné
e m p l o y é e , avec une étude de sensibilité aux
les précautions à prendre lorsqu'on doit combiner
paramètres de calcul.
divers chargements avec un état de contraintes
initiales. De m ê m e , des précautions doivent être
Par la suite, les déplacements p r o v o q u é s par la
prises lorsqu'on utilise l'initialisation des
simulation de la mise en place sont annulés et
contraintes avec un critère de plasticité autre que
les contraintes récupérées pour l'initialisation du celui de Mohr-Coulomb. L'utilisateur doit rester
véritable calcul d'ouvrage. vigilant et veiller à employer à bon escient les
moyens mis à sa disposition pour générer un état
initial aussi représentatif que possible.

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«»I This pape' starts by reviewing the characteization of thn inifal stale and then describes the way in which tfi'b
iniiMt stale mNuem es the inodo'li'ng erf gnotochrtfcal &tiucturoa, and in particular the consequencw> which rasjult
from ttvj \rim of certain widely finjitoyed Loiutiiutfrea- laws.. Fufftwrmora alette mritaj atra^s state* can. be used to
simulate certain mechanic*! effects caused by hydraufii. or thermal processes, or thfe attention at raeJtoriafs'\!Mi«f
ling agt mgl Examples, of calculations performed with CESAR LCPC a e also given in ordei to illustrate the iropor
tancc o* utrcuratelv taking; thre s'ate into uctui'nt When wmi/Utinq the ir stat'atnin of structures in the soil and mo-e
generally for the analysis o* the <>Defaticn o* qeote< hnic a) structures

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