Mécanisation Agricole

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DOCUMENT DE RÉFÉRENCE

Mécanisation agricole

Auteur:
Adekunle Ahmed , AEHC

Co-auteur:
Oluwatosin Ariyo ,Propcomm

Les résultats, conclusions et recommandations exprimés dans ce document sont proposés


pour la discussion et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de la Banque africaine
de développement.
Résumé
La mécanisation a le potentiel d’accroître la production, d’améliorer le timing des opérations,
d’élargir l’application d’énergie à l’amélioration du traitement des cultures, de l’irrigation et
des infrastructures, de compenser les pénuries de main-d’œuvre et d’alléger la pénibilité du
labeur, ce qui est particulièrement important lorsque la main-d’œuvre qui vieillit et se
féminise continue à utiliser principalement la houe manuelle pour la culture primaire.

Les problèmes qui se posent pour que les petits exploitants recourent plus à la mécanisation
sont nombreux:
 les petits exploitants vivent souvent dans des conditions de vie précaires et perçoivent
donc des revenus irréguliers et bas;
 le coût des intrants de la mécanisation (et autres intrants) est souvent hors de portée
des familles paysannes;
 les faibles rendements ne permettent pas de mettre de l’argent de côté, ce qui conduit
à une faible demande de mécanisation et à une productivité de plus en plus faible;
 les compétences techniques nécessaires pour adopter et exploiter de manière rentable
les machines agricoles font défaut;
 les services contractuels de machines proposés par l’État ont pratiquement disparu à
cause de leur manque de rentabilité;
 la fabrication locale de machines ne s’est pas suffisamment développée pour être en
mesure de fournir des machines sophistiquées, a fortiori des tracteurs;
 les services de réparation sont généralement satisfaisants pour les technologies
simples (actionnées à la main ou par des animaux); mais en ce qui concerne les
équipements motorisés, la fourniture de pièces de rechange peut être lente et causer de
longues périodes de chômage, habituellement à des moments critiques de l’année.
Quel que soit le nombre des problèmes qui se posent pour mécaniser l’agriculture, les
possibilités et les perspectives restent nombreuses et encourageantes:
 les revenus des agriculteurs peuvent être augmentés et les ressources naturelles
préservées en développant à plus grande échelle les pratiques durables
d’intensification de la production agricole, ce qui pourrait créer un cercle vertueux
dans lequel de meilleurs revenus permettraient aux agriculteurs de mettre plus
d’argent de côté, ce qui leur permettrait de recourir davantage à la mécanisation,
laquelle mécanisation permettrait alors une meilleure productivité;
 le nouveau climat d’optimisme et des investissements à la hausse rendent possible
l’augmentation des salaires dans le secteur agricole (due surtout à la pénurie de main-
d’œuvre) et devraient permettre d’utiliser des machines agricoles de conception plus
récente, mieux adaptées aux besoins des petits exploitants agricoles, et de développer
des concepts de mécanisation durable rationnels du point de vue de la consommation
d’énergie (y compris l’agriculture de précision), une agriculture de conservation

i
adaptée au changement climatique, de nouveaux modèles commerciaux plus adaptés
et des partenariats public-privé;
 les politiques d’investissement dans le secteur de la mécanisation agricole doivent
prévoir des comités nationaux de mécanisation agricole, la création d’environnements
favorables (qui permettront notamment de promouvoir la fourniture de services de
mécanisation et une utilisation plus intensive des machines agricoles également en
dehors des fermes), l’accroissement des investissements dans la mécanisation, le
renforcement des capacités, la création de codes de conduite à l’intention des
fournisseurs d’intrants mécaniques, et le soutien aux réseaux régionaux de
mécanisation agricole.

Les actions suggérées pour l’avenir comprennent:


 l’intégration de politiques facilitant le développement de la mécanisation agricole
dans le Nouveau Partenariat panafricain pour le développement de l’Afrique
(NEPAD) et en particulier au cadre de la politique de l’Afrique pour la transformation
agricole, la création de richesse, la sécurité alimentaire et la nutrition, la croissance
économique et la prospérité pour tous (Programme détaillé de développement de
l’agriculture africaine – PDDAA);
 la formulation de stratégies de mécanisation agricole durables adaptées à chaque pays;
 l’adoption de pratiques agricoles durables pour les petits exploitants en termes de
verdissement de la production: le principe du «produire plus avec moins» et
l’agriculture de conservation;
 l’accès des petits exploitants à l’autonomie grâce à des modèles commerciaux
spécialement conçus pour permettre l’accès et une meilleure intégration aux chaînes
de valeur agroalimentaires;
 le développement de la mécanisation agricole par des éléments organisationnels et
institutionnels communs aux petits exploitants, tels que les organisations de
producteurs;
 l’expansion de la mécanisation agricole dans la production de valeur ajoutée et dans le
développement des chaînes de valeur agroalimentaires par son adoption dans les
activités postérieures aux récoltes de transformation et de commercialisation;
 une plus grande attention accordée au développement du secteur privé et des
partenariats public-privé en termes d’accroissement de la fabrication panafricaine de
véhicules, d’outils et d’équipements de mécanisation agricole, et le développement
d’entreprises de mécanisation légère (services de location) par les petits agriculteurs
et pour les petits agriculteurs;
 une intégration bien plus importante de la coopération sud-sud pour le développement
d’une compréhension commune en termes de transfert de technologies et des savoir-
faire;

ii
 le renforcement et le développement accrus des capacités sur le terrain pour les petits
exploitants avec l’intégration de la mécanisation agricole dans les écoles techniques
agricoles et les écoles de commerce agricole;
 la mise en place de deux centres régionaux d’excellence en matière de mécanisation
agricole, basés sur le modèle du Centre asiatique pour la mécanisation agricole
durable (UNCSAM).

iii
1. Contexte
Les 17 objectifs de développement durable (ODD) ont été fixés de façon définitive lorsque
l’Assemblée générale des Nations Unies les a formellement adoptés le 25 septembre 2015.
La FAO, avec ses compétences et ses ressources, est bien placée pour aider les pays,
notamment en Afrique, à atteindre les objectifs du développement durable. L’occasion de
devenir la génération qui verra la faim éradiquée ne peut être manquée. Le travail de la FAO
sur l’intensification durable de la production et sur les chaînes de valeur agroalimentaire
durables s’inscrit dans cet objectif et la mécanisation agricole a un rôle central à jouer dans ce
processus (Figure 1).

Anglais Français
Mechanisation potential in the value chain Potentiel de mécanisation dans la chaîne de
valeur
Production Production
Land preparation Préparation des sols
Irrigation Irrigation
Fertilisation Fertilisation
Crop protection Protection des cultures
Harvesting technology Technologie utilisée pour la récolte
Post-harvest/Storage Après-récolte/stockage
Drying Séchage
Storage Stockage
Processing Traitement
Grinding Meulage
Pressing Pressage
Packaging Conditionnement
Sales Ventes
Transportation Transport

Figure 1. Le potentiel de la mécanisation dans la chaîne de valeur


Source: Breuer et al. 2015

Il ne fait aucun doute que la mécanisation agricole pour la multitude des petits agriculteurs
d’Afrique subsaharienne a été un problème trop longtemps négligé. L’énergie agricole
appliquée aux outils, aux équipements et aux machines appropriés – la mécanisation
agricole – est un intrant agricole essentiel qui a le pouvoir de transformer les économies des
familles rurales en facilitant l’augmentation de la production de produits à plus forte valeur,
tout en éliminant en même temps le dur labeur associé à la production agricole qui repose sur
l’énergie musculaire humaine. Cette amélioration de la situation des petits agriculteurs
permettra l’accès aux chaînes d’approvisionnement en intrants et leur intégration aux chaînes
4
de valeur en aval et leur apportera ainsi des revenus plus élevés, de nouvelles possibilités
commerciales, et encore plus de valeur ajoutée. De plus, la mécanisation agricole au sens le
plus large peut contribuer de manière significative au développement des chaînes de valeur et
a le pouvoir de rendre les activités et fonctions de transformation et de commercialisation
après récolte plus efficaces, plus efficientes, et plus respectueuses de l’environnement.
Compte tenu de cette situation, il est difficile de comprendre pourquoi, à l’échelle
internationale, le génie agricole a été relégué au second plan. Certains centres de recherche
internationaux ont été démantelés (même si on observe aujourd’hui les signes positifs d’un
regain d’intérêt dans ce domaine). Par ailleurs, l’offre de cours universitaires de premier
cycle de qualité connaît un sérieux déclin. On comprend d’autant moins qu’il doive en aller
ainsi que de nombreuses études ont clairement démontré à quel point la mécanisation des
intrants est cruciale pour la poursuite, à l’échelle mondiale, d’une intensification durable de la
production agricole et d’une amélioration durable des moyens de subsistance en milieu rural
(voir notamment les délibérations du forum de Rome de la FAO sur la façon de nourrir le
monde en 2050 – FAO, 2009a).
Le document de la FAO (2014) résume les principales raisons qui ont conduit à remplacer,
pour la production de cultures, la source d’énergie qu’est l’énergie musculaire (humaine ou
animale) par les tracteurs: i) la possibilité d’étendre la superficie cultivée; ii) la possibilité
d’effectuer les opérations au bon moment afin de maximiser le potentiel de production; iii)
les caractéristiques multifonctionnelles de la mécanisation, les tracteurs pouvant être utilisés
non seulement pour la production agricole, mais aussi pour le transport et l’alimentation
stationnaire, ainsi que pour l’amélioration des infrastructures (canaux d’irrigation et de
drainage et travaux routiers); iv) la mécanisation peut compenser les pénuries de main-
d’œuvre saisonnière (ou, en effet, libérer la main-d’œuvre pour du travail plus productif; v) la
mécanisation réduit la pénibilité associée à l’utilisation de la force musculaire humaine pour
des tâches ardues comme le binage à la main pour le premier labour. Cet aspect est
particulièrement important dans les régions tropicales, où les températures et l’humidité
élevées (éventuellement associées à une alimentation inadéquate) rendent le travail manuel
extrêmement pénible.
Malgré ces avantages perçus et le fait que les animaux ont été largement remplacés par les
tracteurs aux États-Unis et en Europe occidentale dans les années 1950, il y a encore eu des
arguments d’avancés pour inciter à la prudence dans le monde en développement (comme le
souligne le document de la FAO de 2008). La principale préoccupation portait sur l’effet de
la mécanisation sur les possibilités d’emploi en milieu rural. Toutefois, personne n’avait
réalisé à l’époque que les possibilités d’emploi en dehors des fermes allaient effectivement
augmenter avec la création de valeur ajoutée (opérations après-récolte, traitement primaire et
secondaire) ainsi que dans les services destinés à soutenir le développement de la
mécanisation agricole. Mais il y avait aussi des préoccupations concernant les coûts élevés et
la hausse des prix des carburants. Les champs petits et fragmentés ont également été
considérés comme un obstacle à la «tractorisation», et sans consolidation des terres, la
mécanisation n’était pas considérée comme viable. Dans les années 1980, tout ceci a conduit
à moins considérer la mécanisation comme un intrant essentiel, alors que la dynamique en
Asie et en Amérique latine ne perdait rien de son intensité.
En prenant le nombre des tracteurs à quatre roues comme indicateur de l’avancement de la
mécanisation, un document de la FAO (2008) rapporte les tendances suivantes au cours des
40 dernières années:
5
 en Asie, le nombre des tracteurs a quintuplé entre 1961 et 1970, passant de 120 000 à
600 000 unités. Plus tard, leur nombre a décuplé pour atteindre les 6 millions d’unités
en 2000. Depuis, ces chiffres ont continué d’augmenter, en particulier en Inde, qui
comptait 2,6 millions de tracteurs en 2010 – FAO (2013a) –, et en Chine, qui a
dépassé les 2 millions d’unités en 2008 – FAO (2013b);
 en Amérique latine et dans les Caraïbes, le nombre des tracteurs a été multiplié par 1,7
entre 1961 et 1970, passant de 383 000 à 637 000 unités, puis il a triplé pour atteindre
1,8 million d’unités en 2000;
 au Proche-Orient, la situation est similaire à celle de l’Amérique latine, le nombre de
tracteurs ayant doublé, passant de 126 000 à 260 000 unités entre 1961 et 1970, avant
d’être multiplié par 6,5 pour atteindre 1,7 million d’unités en 2000;
 en Afrique subsaharienne, la tendance a été assez différente. En 1961, le nombre des
tracteurs utilisés y était plus important qu’en Asie et au Proche-Orient (à
172 000 unités). Plus tard, leur nombre a lentement augmenté jusqu’à un pic de
275 000 unités en 1990, avant de retomber à 221 000 unités en 2000.
La population mondiale (actuellement à 7,31 milliards d’êtres humains) est bien partie pour
atteindre les 9 milliards en 2050 et dépasser les 11 milliards d’ici la fin du siècle.
500 millions de petites exploitations dans le monde produisent actuellement environ 80 % de
notre nourriture et ce sont elles qui auront à supporter le poids de la nécessaire augmentation
de plus de 60 % de la production alimentaire qui devra être réalisée en 2050 par rapport aux
niveaux de 2007 (FAO, 2011). Actuellement, un grand nombre de ces petites exploitations
ont un accès limité aux intrants de production, notamment à la mécanisation, et atteignent
ainsi de faibles niveaux de productivité. Elles ont aussi moins de possibilités d’accéder aux
marchés pour profiter des nombreuses activités à valeur ajoutée que les systèmes alimentaires
plus développés peuvent fournir. Dans le même temps, la population rurale devrait diminuer
à mesure que les gens, surtout les jeunes en bonne santé, migrent vers les centres urbains en
quête d’une vie moins dure que celle que peut offrir l’agriculture; on observe également une
féminisation croissante de l’agriculture paysanne, en particulier en Afrique subsaharienne, le
contrôle des fermes étant de plus en plus souvent laissé aux femmes. Les possibilités que peut
offrir la mécanisation agricole aux femmes des zones rurales, ainsi qu’au développement des
économies locales, sont souvent sous-estimées. Actuellement, la moitié de la population des
pays en développement travaille dans le secteur rural, un chiffre qui devrait tomber à 30 % en
2050. Compte tenu de l’importance actuelle de l’énergie musculaire humaine dans les petites
exploitations agricoles, les conséquences des limites de ce type d’énergie sont graves (Sims et
Kienzle, 2015)
Les sources d’énergie pour l’agriculture des pays en développement sont la main-d’œuvre
humaine et les animaux de trait, et les moteurs des tracteurs. L’utilisation de ces différentes
sources d’énergie varie selon les régions et est résumée au tableau 1. En Afrique
subsaharienne, les grandes exploitations et le secteur agricole émergent (les fermes de 20 à
50 ha) n’ont généralement pas de problème pour accéder à l’énergie agricole, mais les petites
exploitations (typiquement inférieures à 2 ha) connaissent de grandes difficultés à cet égard.

6
Tableau 1. Sources d’énergie pour la préparation du sol (% du total)
Énergie musculaire Énergie des animaux Énergie motrice
humaine de trait

Afrique subsaharienne 65 25 10

Extrême-Orient 40 40 20

Asie du Sud 30 30 40

Amérique latine et
25 25 50
Caraïbes
Source: FAO, 2006

En général, l’énergie motrice est en augmentation, tandis que les animaux de trait ont
tendance à diminuer en nombre, même s’ils peuvent encore être très importants localement.
L’abandon de l’énergie musculaire au profit des tracteurs et des moteurs pour les opérations
de pompage et les opérations postérieures aux récoltes est beaucoup plus rapide en Asie et en
Amérique latine Le nombre des animaux de trait en Inde et en Chine baisse actuellement de
façon spectaculaire (après un pic à plus de 100 millions d’unités dans les deux pays). Ils y
sont remplacés par la puissance des tracteurs à 4 roues, alors qu’au Bangladesh, les animaux
de trait ont été remplacés par des tracteurs à 2 roues et que 80 % des opérations de
préparation des sols sont désormais réalisées à l’aide de ces tracteurs.
La révolution verte a le mérite, en particulier en Asie, d’avoir lancé la transition vers une
agriculture commerciale rentable, réduit la pauvreté rurale, préservé de vastes zones de terres
fragiles de la conversion à l’agriculture extensive, et aidé à combattre les risques potentiels de
famine résultant de la croissance de la population mondiale. Dans l’ensemble, la proportion
de personnes sous-alimentées dans le monde est passée de 26 % à 14 % entre 1969 et 2002
(FAO, 2009b).
Il y a toutefois des conséquences très négatives. Il est désormais certain que ces énormes
gains de production et de productivité agricoles ont souvent été de pair avec des impacts
délétères sur le réservoir des ressources naturelles rurales et sur les fonctions de l’écosystème.
Ils ont mis en péril le potentiel productif de l’agriculture et ont également eu par la suite un
impact sur les chaînes de valeur agroalimentaires qui y étaient connectées. La dégradation des
sols (par l’érosion et le compactage), la salinisation des zones irriguées, la surexploitation des
eaux souterraines, le renforcement de la résistance des parasites et le déclin de la biodiversité
ne sont que quelques-uns des effets facilement observables au niveau de la production.
Conséquence de l’incertitude et de la variabilité des rendements, de la réduction de la qualité
des produits, de la dégradation des terres et de l’épuisement des ressources en eau, le
traitement et la valeur ajoutée à l’échelle des petits exploitants est devenue une entreprise
beaucoup plus risquée.
En Afrique, la révolution verte n’a pas eu le même impact qu’en Asie. À ce jour, les niveaux
de mécanisation et d’intensification, l’utilisation des engrais et l’utilisation des autres
technologies modernes sont restés faibles dans la majeure partie du continent. Cependant, les
terres dégradées sont courantes sur tout le continent et plusieurs raisons expliquent ce
phénomène. L’une d’elles est l’utilisation continue de la charrue (ou de la houe), qui entraîne
la dégradation des sols, la création de dépressions dans le profil des sols, et la perte de terres
fertiles (Kienzle et Sims, 2015). Il est étonnant de voir à quel point la réalité de l’érosion des
7
sols a progressé dans de nombreuses régions d’Afrique, compte tenu du faible niveau actuel
de mécanisation. Toutefois, si l’Afrique devait intensifier et mécaniser son agriculture à
grande échelle dans le futur, elle devrait le faire avec précaution et conformément aux
principes de l’intensification durable de la production que la FAO a résumés dans ses lignes
directrices intitulées «Produire plus avec moins», qui font une place centrale à la
mécanisation de l’agriculture de conservation, laquelle respecte l’environnement et préserve
les ressources naturelles (FAO, 2011). Les systèmes agricoles pour une intensification
durable de la production permettront aux producteurs et aux autres acteurs de la chaîne de
valeur et à la société dans son ensemble de faire une série de bénéfices socio-économiques et
environnementaux, notamment en termes de productivité. Parmi ces bénéfices, une
production, une distribution alimentaires et une rentabilité plus importantes et plus stables,
l’adaptation et la réduction de la vulnérabilité au changement climatique, un meilleur
fonctionnement de l’écosystème et de meilleurs services écosystémiques, et la réduction des
émissions de gaz à effet de serre (GES) et de l’«empreinte carbone» du secteur agricole. En
un mot, la mécanisation agricole du XXIe siècle devra être à la fois compatible avec
l’environnement, économiquement viable, abordable, adaptée aux conditions locales et,
compte tenu de l’évolution actuelle des conditions météorologiques, adaptée au changement
climatique.
Les systèmes agricoles et alimentaires proposés se baseront sur quatre principes techniques:
 l’obtention simultanée d’une meilleure productivité agricole et de services améliorés
en matière de capital naturel et d’écosystèmes;
 des taux d’efficacité plus élevés dans l’utilisation des principaux intrants, en ce
compris l’eau, les nutriments, les pesticides, l’énergie (y compris l’énergie agricole),
la terre et la main-d’œuvre;
 l’utilisation d’une biodiversité gérée et naturelle pour renforcer la résistance du
système aux stress abiotiques, biotiques et économiques;
 un système alimentaire plus efficace, plus efficient et plus respectueux de
l’environnement résultant de l’augmentation de la mécanisation agricole.
Les pratiques agricoles nécessaires pour mettre en œuvre les trois premiers principes
différeront en fonction des conditions et des besoins locaux. Cependant, dans tous les cas,
elles devront:
 réduire au minimum la perturbation du sol en réduisant au minimum le labour
mécanique, afin de préserver la matière organique, la structure et l’état de santé
général des sols;
 améliorer et maintenir la couche organique protectrice à la surface des sols, utiliser les
cultures, les cultures de couverture ou les résidus de cultures pour protéger la surface
des sols, conserver l’eau et les éléments nutritifs, promouvoir l’activité biologique
des sols, et contribuer à la lutte intégrée contre les parasites et les mauvaises herbes;
 cultiver une gamme d’espèces plus large – tant annuelles que vivaces – en associant,
en séquençant et en pratiquant la rotation, ceci pouvant inclure des arbres, des
arbustes, des pâturages et des cultures, afin d’améliorer la nutrition des cultures et
d’améliorer la résistance du système.

8
En pratique, cela signifie qu’il faudra appliquer l’agriculture de conservation à une grande
échelle (FAO, 2015a).
Ce document porte en particulier sur la mécanisation agricole, sur les possibilités offertes par
la mécanisation en vue d’intensifier la production de manière durable, dans le domaine de la
valeur ajoutée, et en matière de développement de la chaîne de valeur, ainsi que sur les
possibilités inhérentes implicites pour l’amélioration des économies et des moyens de
subsistance locaux (FAO, 2007). La création d’entreprises commerciales, d’entreprises
agroalimentaires, de services de transport, etc. qui résultera de l’augmentation de la
mécanisation agricole dans les zones rurales est cruciale pour la création d’emplois et de
revenus et pour la hausse de la demande de produits agricoles qui en résultera. La
mécanisation joue un rôle clé en permettant la croissance des systèmes agroalimentaires
commerciaux et l’efficacité des opérations de manutention de transformation et de
commercialisation postérieures aux récoltes, et, en tant que telle, elle peut être déterminante
pour la disponibilité et l’accessibilité de la nourriture, ainsi que pour le prix que les personnes
défavorisées en milieu urbain et en milieu rural payeront pour les produits alimentaires, et
elle pourrait également contribuer à une plus grande sécurité alimentaire des ménages.

2. Défis
La mécanisation agricole, et de fait la place de la mécanisation dans la chaîne de valeur
agricole, est affectée par une série de contraintes en ASS. Dans un lieu donné (par ex. un
pays), elles devront être identifiées et des stratégies devront être spécialement conçues pour
les réduire afin de permettre le développement de services de mécanisation profitables aux
fermiers, en particulier aux petits exploitants et aux autres acteurs de la chaîne de valeur agro-
alimentaire. Quelques-uns des défis les plus susceptibles d’émerger seront discutés ici.
2.1. Capacités financières
Les petites exploitations disposent, presque par définition, de ressources modestes et il leur
est souvent difficile d’investir dans du matériel agricole. Dans de nombreux pays, les
fournisseurs de matériel agricole se trouvent dans les grandes villes, tandis que les petites
exploitations sont le plus souvent isolées, éloignées et mal desservies. Ces mêmes raisons
limitent leur accès aux sources de crédit financier, sans compter que les institutions
financières (par ex. les banques) sont réticentes à accorder des crédits aux fermiers pauvres
parce qu’ils présentent peu de garanties. Il existe d’ailleurs peu de produits financiers adaptés
à la demande propre aux petits exploitants qui souhaitent investir dans la mécanisation
agricole. L’expérience d’autres régions du monde a démontré qu’accorder aux fermiers des
crédits pour investir dans des machines agricoles ne les aide pas seulement à accroître leur
productivité et à participer davantage à l’économie de marché, mais peut également stimuler
l’industrie locale de fabrication d’engins répondant à leurs besoins (Casão-Junior, et al.,
2012).
Le faible pouvoir d’achat des petits exploitants agricoles s’explique par une série de facteurs
qui grèvent le budget de la ferme familiale. D’abord les mauvaises récoltes causées, entre
autre facteurs, par le manque d’intrants appropriés (en particulier semences et engrais)
obtenus au bon prix et au bon moment. On constate et l’on prédit également l’allongement
des périodes de sécheresse et la plus grande fréquence des tempêtes, résultat de l’impact
grandissant du changement climatique qui aura aussi des effets délétères sur les récoltes.
Dans le cas des cultures céréalières de base, on ira difficilement au-delà de la tonne par
hectare. En toile de fond de cette situation, il faut rappeler l’état de dégradation des sols

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agricoles déjà évoqué. La médiocrité des débouchés commerciaux et l’infrastructure rurale
reposant sur la vente directe au marché concourent à maintenir très bas les bénéfices que les
petits exploitants agricoles font sur leur production; les prix sur le marché sont peu élevés
mais les coûts de transport peuvent être élevés.
Le problème du prix au départ de l’exploitation peut être particulièrement dissuasif pour les
petits exploitants agricoles. Les marchés privés de fourniture et de distribution ne se sont pas
développés aussi vite que prévu et les fermiers y souffrent d’un manque de libre concurrence,
avec pour conséquence des intrants agricoles chers et des prix au départ de l’exploitation plus
faibles que dans les autres régions du monde. La baisse des revenus agricoles qui en résulte
est à l’origine du déclin global des investissements dans le secteur de l’agriculture. En même
temps, les organisations de fermiers ont globalement manqué d’efficacité pour donner aux
petits exploitants un meilleur accès aux marchés et aux services publics.
Le régime foncier est l’un des problèmes les plus sérieux de l’agriculture et dans de
nombreux pays, le manque de sécurité de la propriété entrave lourdement l’investissement
dans l’agriculture. Pour réussir le passage d’une agriculture de semi-subsistance à une
agriculture productive et rentable, il est indispensable que le régime de la propriété des terres
soit sécurisé et garanti par l’État comme d’ailleurs par les traditions et les coutumes locales.
Cela apportera aux fermiers la sécurité et la confiance nécessaires pour investir dans la
mécanisation et dans les autres intrants qui accroîtront leur production. Pour essayer
d’organiser leur régime foncier, plusieurs pays ont promulgué des lois et imposé des
réglementations mais celles-ci n’ont pas toujours été très concluantes. Par exemple, la
méthode coutumière de possession commune des terres par des clans et des familles élargies
complique passablement la pratique de l’agriculture commerciale. Il est aussi très difficile de
modifier ces régimes traditionnels de propriété des terres. Dans de nombreux pays, malgré
l’introduction d’une législation nationale, aucune transaction foncière «sûre» ne peut s’opérer
sans la participation des chefs traditionnels. Tout investisseur doit d’abord apporter des
«cadeaux» au début de la procédure de transfert des titres, et renouveler l’opération plus tard,
au démarrage de l’exploitation. D’autres pratiques comme «l’accaparement» de terres sont de
plus en plus répandues, alors que la population mondiale est en augmentation et que et le
changement climatique rend la production agricole toujours plus incertaine (Pearce, 2012).
Les petites exploitations dont la production dépasse tout juste le seuil de subsistance sont
particulièrement réticentes à prendre des risques. Pour une famille rurale, une source de
nourriture fiable toute l’année, même bien en-dessous du rendement potentiel de la région, est
préférable à une situation d’aisance lors des saisons favorables et une situation très pénible
les mauvaises années. Ils préféreront des récoltes peu importantes mais constantes, résistant
aux caprices de la météo, mais qui ne permettra que rarement la vente d’un surplus de
production. Pour toutes ces raisons, à moins d’une aide financière, il y a peu de chances que
les petites exploitations parviennent à investir dans les technologies de mécanisation
susceptibles de les sortir de leur précarité.
2.2. Disponibilités
Les tracteurs et autres engins agricoles peuvent être soit importés, soit produits localement.
Chacune des deux options peut comporter des difficultés. En règle générale, les engins
agricoles produits localement sont fort coûteux et de piètre qualité. Ceci tient au moindre
développement de l’industrie de fabrication des machines agricoles, qui s’explique largement
par une faible demande. En outre, les chaînes d’approvisionnement en pièces détachées pour
les tracteurs et autres engins agricoles, mais aussi les services de conseil et autres services

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associés (en particulier du carburant propre) ne sont pas assez développés et éprouvent les
plus grandes difficultés pour accéder aux zones rurales les plus éloignées.
L’analyse du faible taux de mécanisation, de son manque de développement et des relations
entre les différents déterminants montre clairement que les conditions présentes en ASS ont
créé un environnement restrictif qui a freiné le développement de la mécanisation (Schéma
n° 2).

English French
Low farmer income Faible revenu des fermiers
Low savings of farmers Faible épargne des fermiers
Low demand for mechanization Faible demande d’équipement mécanique
Low productivity Faible productivité
Low level of mechanisation supply Offre réduite d’équipement mécanique
High capital cost of mechanization Fort coût d’investissement de l’équipement
mécanique
High operating costs of mechanization Fort coût de fonctionnement de l’équipement
mécanique

Figure 2. Facteurs réduisant la demande et l’offre de machines agricoles


Source: FAO, 2013d

La figure 2 montre comment le faible revenu des fermiers (1) examiné au chapitre 2.1 réduit
considérablement leur capacité à investir dans l’achat d’intrants (2). Les intrants, outre les
semences et fertilisants, incluent également les engins agricoles, et la demande d’outils et de
machines reste donc très basse (3). Ce manque d’investissement dans les technologies

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accroissant la production est à l’origine du très faible niveau de productivité (4) qui a son tour
maintient continuellement les revenus des fermiers au plus bas (1).
Le manque de demande d’équipements mécaniques affaiblit également le secteur de l’offre,
comme on le voit dans la partie inférieure de la figure 2. L’offre limitée d’outils, d’engins et
de sources d’énergie (choix limité et faibles volumes des ventes) (5) a tendance à maintenir
les prix de la mécanisation agricole à un niveau élevé (6), ce qui augmente le prix d’achat et
les dépenses de fonctionnement pour les propriétaires d’engins (7). Le coût de
fonctionnement élevé des équipements agricoles contribue à son tour à la faible demande
d’équipement et au cercle vicieux.
Ces facteurs interdépendants illustrent les contraintes structurelles qui empêchent la plupart
des pays africains de recourir davantage aux méthodes agricoles mécanisées. Ils démontrent
également la relation d’interdépendance entre l’offre et la demande d’équipements agricoles.
Cependant, ils indiquent aussi des pistes à suivre pour transformer les facteurs
d’affaiblissement en facteurs de dynamisme.
2.3. Déficit de compétences des fermiers
Bien que les fermiers africains disposent d’un savoir traditionnel important et de l’expérience
accumulée au fil des générations, leur accès aux nouvelles connaissances reste très limité. Le
niveau de formation des fermiers est en règle générale assez bas et les possibilités de mieux
se former sont limitées. La demande de formation est tout aussi faible, ce qui limite la
viabilité économique d’une telle activité. L’illettrisme d’une grande partie de la population
agricole rurale constitue une autre difficulté qui gêne l’amélioration tant de la production et
de la productivité agricoles que du niveau général de gestion des fermes. Par exemple, dans
de nombreux pays d’ASS, les tracteurs ne sont utilisés que pour la préparation du sol et le
transport (FAO, 2009c). Le plus souvent, les autres opérations telles que l’ensemencement et
la récolte se font encore manuellement. Ceci tient au fait que les fermiers connaissent mal les
engins appropriés et n’ont pas les compétences nécessaires pour les faire fonctionner. (FAO,
2011c). Là où les engins sont effectivement utilisés, le manque de connaissances et de
compétences des fermiers est responsable de la mauvaise utilisation et de la mauvaise gestion
de l’équipement, en particulier quand il s’agit des machines les plus sophistiquées.
2.4. Contraintes du secteur privé
L’ensemble du sous-secteur de l’équipement agricole, qui comporte les fabricants, les
importateurs, les distributeurs, les revendeurs et les entreprises de location de matériel fait
face à plusieurs contraintes qui entravent son développement. Il se heurte, comme bien
d’autres secteurs de l’économie, aux problèmes propres au secteur privé. Par exemple, le
manque de lois facilitant la création de nouvelles entreprises, la complexité des systèmes
fiscaux, les réglementations punitives qui frappent les importations, et la rigidité des
législations du travail. Dans de nombreux pays d’ASS, le secteur privé de la fabrication
d’engins agricoles en est encore à ses débuts et souffre de la concurrence internationale et des
importations. Les débouchés pour les services de mécanisation sont eux aussi assez peu
développés puisque, la plupart du temps, la demande est latente tant que les nombreux petits
exploitants n’ont pas conscience de la nécessité des services de mécanisation. Bien que la
faible demande soit la cause principale de ce faible développement, d’autres contraintes
doivent aussi être prises en considération.

12
2.4.1. L’importation et la distribution d’engins agricoles

Schéma n° 3. L’importation et la distribution d’engins agricoles


Source: FAO 2013d
English French
The specialist private importers Importateurs privés spécialisés
State institutions Institutions de l’État
Importation of used equipment Importation d’équipement d’occasion
Direct importation Importation directe
Occasional private importers Importateurs privés occasionnels
Agricultural machinery donations Dons d’engins agricoles
Agricultural machinery importation and Importation et distribution d’engins agricoles
distribution

Il existe différentes méthodes d’importation et de distribution d’engins agricoles (voir Figure


3). Ces méthodes ne sont pas toutes aussi efficaces et durables. On a recours aux options
suivantes:
Les importateurs privés spécialistes des engins agricoles. Il s’agit généralement
d’entreprises franchisées qui vendent et importent un nombre limité de marques. Leur
franchise leur est accordée par le fabriquant des engins. Ces entreprises sont généralement
installées dans les capitales et ont parfois des succursales dans d’autres villes importantes.
Traditionnellement, elles représentaient les principaux fabricants d’engins agricoles du
monde occidental, mais récemment des fabricants asiatiques et d’Amérique latine ont pénétré
ces marchés. Malheureusement, sur la plupart des marchés d’ASS, les ventes des principaux
équipements (les tracteurs et les moissonneuses-batteuses) sont encore très faibles. Ceci a
poussé ces entreprises franchisées à diversifier leurs activités et à proposer d’autres types et
d’autres marques d’équipement.

13
Les importateurs privés occasionnels. Il s’agit le plus souvent de négociants généralistes
n’ayant pas de connaissance ou d’expérience particulière des engins agricoles. Il est courant
que ce genre d’entreprise importe un lot d’engins et les vende sans se soucier d’une
quelconque obligation de fournir des pièces détachées ou un service d’entretien. Le lot
d’engins suivant pourra aussi bien arriver de chez un autre fabricant. Les fermiers qui font un
achat dans ce genre d’entreprise sont le plus souvent inexpérimentés et ne réalisent pas les
problèmes qui vont se poser plus tard pour les pièces détachées et les services de réparation.
Les institutions de l’État. Dans certains pays, des organismes d’État et des agences d’aide
au développement se sont mis à importer des engins agricoles. Quelques pays africains ont
même créé des usines de montage de tracteurs sur place pour encourager la mécanisation
agricole ou dans le but de produire des équipements mécaniques à bon marché, ce qui s’est
révélé une erreur. Des lots d’engins agricoles peuvent aussi être importés (comme pour les
importations occasionnelles pratiquées par les négociants privés) lorsque les gouvernements
et les agences d’aide au développement lancent des appels d’offre pour en acquérir de
grandes quantités. Dans ce genre de cas, l’équipement est importé aux dépens du distributeur
local qui n’a donc aucune obligation de fournir des pièces détachées ou un service d’entretien
des engins. Ces appels d’offre sont presque toujours conclus sur la base du prix et l’entreprise
qui l’emporte n’aura pas forcément de représentant dans le pays ni de possibilité ou même
intérêt à entretenir le matériel. Les engins acquis de cette manière finissent souvent
«orphelins», avec des pièces manquantes ou en mal de services d’entretien, et leur durée de
vie opérationnelle a donc tendance à être très courte. S’ils sont bon marché au départ, ils
coûtent en fin de compte très cher.
Les dons d’engins agricoles. Au fil des années, de nombreux pays ont fait don de tracteurs et
de matériel à beaucoup de pays africains. Malheureusement, presque tous ces programmes,
sans aucun doute bien intentionnés, n’ont pas réussi à produire les effets escomptés, et ce
pour diverses raisons, dont la principale est l’incompatibilité entre les produits fabriqués dans
les pays donateurs et les engins déjà présents sur le marché. Très souvent il n’y a eu aucun
vendeur de pièces détachées pour assurer le fonctionnement du matériel. Privés d’entretien,
les engins ainsi donnés sont vite devenus «orphelins» car dès les premières pannes ils ne
pouvaient être réparés. On trouve encore des «cimetières» pleins d’engins de ce genre dans
de nombreux pays.
L’importation directe. Les gros exploitants agricoles et les entreprises agro-alimentaires
importent souvent leur matériel directement de l’étranger. C’est le cas lorsque de grosses
commandes entraînent d’importantes réductions ou lorsque l’entreprise ou l’exploitation
dispose de ressources suffisantes pour stocker ses propres pièces détachées et pour assurer ses
propres réparations et services de maintenance. Cela se produit aussi lorsqu’un type spécial
de matériel est nécessaire, comme par ex. les récolteuses de canne à sucre.
L’importation de matériel d’occasion. Dans certains pays, l’importation de matériel
d’occasion, en particulier les tracteurs, les moissonneuses-batteuses et autres engins
spécialisés, constitue pour les fermiers une alternative moins coûteuse pour s’équiper un
moyen supplémentaire de répondre à la demande. Cependant, le bénéfice pour les fermiers
dépend dans ce cas du sérieux de l’importateur qui devra leur offrir des services de réparation
et d’approvisionnement de pièces détachées. L’importation et la vente de matériel d’occasion
ont lieu principalement dans les pays où les coûts de la main-d’œuvre restent faibles mais qui
disposent de techniciens ayant des connaissances et un niveau de compétence assez élevés.
Tout comme pour le matériel neuf, le secteur public est souvent tenté de se lancer dans

14
l’importation de matériel d’occasion, mais sans une bonne connaissance des engins agricoles,
ces plans peuvent avoir des conséquences désastreuses.
2.4.2. Fabrication d’outils et d’engins agricoles
Les industries des pays d’ASS produisent une vaste gamme d’outils manuels, de matériel
agricole et d’équipement de transformation. On constate toutefois de grandes variations d’un
pays à l’autre. Dans certains pays, ce sont surtout les artisans qui fabriquent essentiellement
les outils manuels les plus simples; dans d’autres, on fabrique du matériel sophistiqué.
Quelquefois, la fabrication d’outils et d’engins reçoit le soutien de coopérations bilatérales et
multilatérales. Malheureusement la durabilité de l’industrie manufacturière est souvent
problématique, en raison du caractère imprévisible de l’offre de matières premières, des
fluctuations de la demande, et des problèmes causés par les projets d’achat en gros. Il s’agit là
de difficultés fréquentes dans le développement du secteur privé. On trouve communément
trois types de fabricants: les entreprises à capitaux publics exploitées par l’État; les
entreprises industrielles privées; et le secteur informel de l’artisanat.
2.4.3. Services de maintenance et de réparation
En général, l’entretien et les réparations des outils manuels et du matériel de traction animale
ne posent pas de problème puisqu’ils sont assurés localement dans de petits ateliers,
principalement dans le secteur informel. Mais les microentreprises de ce type rencontrent les
mêmes problèmes que les autres acteurs du secteur privé, à commencer par l’accès à la
formation et l’actualisation des connaissances nécessaires à l’amélioration de leurs
prestations. En ce qui concerne les pièces détachées, la situation s’est améliorée dans certains
pays grâce à la standardisation qui facilite l’interchangeabilité entre outils issus de différents
fabricants. Mais de nombreux problèmes persistent pour l’équipement et les engins agricoles
motorisés, en particulier pour les tracteurs. Cela tient principalement à la médiocrité des
installations d’entretien et au manque critique de pièces détachées. Cette situation est à
l’origine de longues périodes d’immobilisation et responsable de la sous-utilisation du
matériel, jusqu’à son abandon prématuré. Voilà quelques dizaines d’années, on a encouragé
les programmes et les projets du secteur public qui développaient des centres de réparation et
d’entretien des machines agricole. Mais ceux-ci n’ont pas vraiment abouti et la plupart sont
depuis tombés en désuétude.
2.4.4. Services de location
Des services de location de machines agricoles existent dans de nombreux pays mais
souffrent du manque de débouchés (faible demande et problèmes d’accès au marché), du
manque de financement, et du manque des compétences nécessaires pour faire fonctionner
une entreprise et optimiser ses profits (Hilmi, 2013). Les services de location d’équipement
peuvent couvrir une vaste gamme d’opérations: non seulement le travail du sol, les
plantations, l’arrosage, mais aussi le battage, l’égrenage, la transformation et le transport. De
même, il est important de noter que les services de location ne se limitent pas aux opérations
motorisées mais concernent aussi les opérations qui recourent à la traction animale.
Pendant les années 60, plusieurs pays ont créé des services de location d’équipement agricole
exploités par le secteur public dans l’espoir d’introduire les petits exploitants sur les marchés
en développement des produits à forte valeur ajoutée. La plupart de ces plans, qui visaient
surtout à fournir des services de location de tracteurs, n’ont apporté ni les bénéfices ni les
résultats escomptés. Il n’en reste que quelques vestiges qui survivent sous la forme de
subventions du gouvernement, mais la plupart ont cessé d’exister. De nombreuses raisons ont

15
causé l’effondrement de ces plans, à commencer par la superficie insuffisante des champs,
souvent très éloignés, les frais de location trop élevés, les problèmes de défaut de paiement, la
rigidité et l’inefficacité de l’administration publique, les faibles rendements ouvrier et
mécanique, les pannes, et le fait que les subventions étaient allouées pendant trop peu de
temps pour maintenir le fonctionnement de ces services. Ces expériences ont montré que les
services de location de tracteurs du secteur public ne peuvent en règle générale survivre s’ils
ne s’accompagnent pas de l’esprit d’entreprise nécessaire et de partenariats avec le secteur
privé.
Dans de nombreux pays, le secteur privé s’est surtout impliqué dans les services de location,
le plus souvent à très petite échelle et dans la plupart des cas, il s’agissait de propriétaires de
tracteurs en situation excédentaire qui louaient leurs engins pour obtenir un revenu destiné à
couvrir une partie de leurs frais. Leur clientèle était généralement constituée des fermiers
voisins, qu’ils connaissaient et en qui ils avaient confiance concernant le paiement du service
rendu. Ils étaient parfois payés en nature. Plus rarement, mais de plus en plus, des
entrepreneurs locaux investissent dans deux ou trois engins et développent de petites
entreprises de location. Une fois encore, cela se produit principalement au sein de
communautés où le prestataire connaît sa clientèle. Un moyen d’augmenter la rentabilité des
services de location de tracteurs du secteur privé serait de diversifier les prestations proposées
afin de garantir des débouchés à ce genre de services tout au long de l’année.
2.5. La question du genre dans la mécanisation des petites exploitations
En ASS, les femmes contribuent à hauteur de 60 à 80 % au travail de production alimentaire.
En outre, l’agriculture continue de se féminiser puisque l’émigration masculine vers les
centres urbains ne cesse de s’intensifier. Les femmes constituent désormais la majorité des
petits exploitants, elles effectuent l’essentiel du travail et gèrent une grande partie des
activités agricoles au quotidien. Pour autant, ce sont souvent les hommes qui contrôlent les
ressources (surtout financières) nécessaires à l’investissement dans la mécanisation. Des
études montrent que si les femmes avaient plus accès aux ressources de production, à part
égale avec les hommes, les rendements agricoles augmenteraient de 20 à 30 % (FAO, 2011b).
Il serait donc judicieux de se demander comment donner aux femmes l’accès ou le contrôle
des ressources investies dans la mécanisation pour développer l’AC (Figure 4).

16
English French
Productivity Productivité
Time Temps
Drudgery Pénibilité

Figure 4. La mécanisation agricole peut réduire la pénibilité du travail accompli


manuellement et accroître la productivité ouvrière et agricole
Source: FAO, 2013d

3. Possibilités
3.1. Augmenter les revenus des agriculteurs grâce à l’intensification de la production
agricole
L’état actuel de la mécanisation agricole en Afrique subsaharienne offre la meilleure occasion
pour transformer les cercles vicieux illustrés à la figure 2 en cercles vertueux, comme le
montre la figure 5.

Figure 5. Cercles vertueux résultant d’une intensification de la production agricole


Source: FAO, 2013d

17
Anglais Français
Higher farm incomes Revenus agricoles plus élevés
More savings Plus d’épargne
Higher demand for mechanization Demande plus élevée de mécanisation
Higher productivity Productivité plus élevée
Higher levels of supply of mechanization Augmentation des niveaux de l’offre de
mécanisation
Low capital costs of mechanization Faibles coûts d’investissement dans la
mécanisation
Lower operating costs of mechanization Diminution des coûts d’exploitation de la
mécanisation

On constate sur la figure 5 qu’augmenter durablement les revenus des familles d’agriculteurs
(1) peut avoir des répercussions positives sur l’offre de mécanisation et d’énergie agricole
essentielle. Tout d’abord, l’augmentation des revenus permettra de faire plus d’économies et
donc la demande de services de mécanisation agricole (2) ou l’acquisition de machines (ou
autres intrants) agricoles deviendront plus envisageables pour les agriculteurs (3). Cela
permettra d’augmenter la productivité (4), ce qui entraînera une hausse du revenu des
agriculteurs. De plus, dans le cercle situé au bas de la figure 5, on constate comment une
augmentation de la demande de mécanisation agricole entraînera une réponse du marché se
traduisant par une amélioration de l’offre. Un marché en expansion signifie que les frais
d’exploitation à l’unité se réduiront (6) et que les prix pourront donc être diminués sans pour
autant nuire à la rentabilité (7). La baisse des coûts sera, par conséquent, un catalyseur pour
l’augmentation de la demande (3), ce qui referme le cercle vertueux.
Mettre fin à la pauvreté est l’ODD n° 1 de l’ONU et une priorité mondiale. La FAO (2015)
souligne que 80 % des personnes vivant dans une extrême pauvreté habitent dans des régions
rurales et que la plupart d’entre elles dépendent de l’agriculture. En outre, elle attire
également l’attention sur le fait que la croissance agricole dans les économies agraires à
faible revenu est au moins deux fois plus efficace pour réduire la faim et la pauvreté que la
croissance dans les autres secteurs. Les revenus des familles d’agriculteurs peuvent être
améliorés grâce à des investissements dans le développement rural, en créant des systèmes de
protection sociale, en construisant des liaisons entre les villes et le milieu rural, et en se
concentrant sur l’augmentation des revenus des principaux acteurs du changement, qui
comprennent notamment les petits exploitants.
L’augmentation de la productivité des petits exploitants doit être réalisée de manière durable,
comme nous l’enseigne l’histoire du modèle de la Révolution verte (RV). Dès les années
1950 et tout au long des années 1960, la RV a provoqué des changements des espèces
cultivées et des pratiques agricoles à l’échelle mondiale (Royal Society, 2009). Le modèle de
production, initialement axé sur l’introduction, dans des régions à fort potentiel, de variétés
de blé, riz et maïs génétiquement améliorées et offrant un meilleur rendement (Hazell, 2008;
Gollin et al., 2005), avait comme maître mot l’homogénéité: le choix se portait sur des
variétés présentant une uniformité génétique, cultivées à l’aide de volumes importants
d’intrants complémentaires sous diverses formes (irrigation, engrais et pesticides), qui
remplaçaient souvent des pratiques plus écologiques. Le recours aux engrais est venu
remplacer la gestion de la qualité des sols, tandis que les herbicides offraient une alternative
aux rotations culturales pour lutter contre les plantes adventices, les parasites et les maladies
(Tilmann, 1998).
18
Cependant, comme nous l’avons expliqué en détail dans la partie consacrée au Contexte, de
graves conséquences négatives ont résulté de la RV et il est clair aujourd’hui que la
nécessaire augmentation de la production doit impérativement intégrer une approche durable,
en particulier en Afrique subsaharienne. Cette augmentation suivra le modèle «Produire plus
avec moins» (FAO, 2011a) qui exige une bonne gestion des ressources naturelles fragiles,
tout en intensifiant la production agricole grâce à des modèles d’exploitation des terres
fortement améliorés, notamment celui de l’agriculture de conservation.
3.2. Nouvelles possibilités de développement de la mécanisation agricole
Malgré les défis examinés au chapitre 2, l’avenir prévisible de beaucoup de pays africains est
plein de possibilités. Après des décennies de déclin de la production alimentaire par habitant,
un nouveau climat d’optimisme s’installe, ainsi que des changements de la structure des
investissements au niveau international. Désormais, le secteur agricole devra être
économiquement durable en raison du développement rapide des centres urbains, qui va
s’accompagner d’une hausse de la demande de produits agricoles et de la hausse
concomitante des prix sur les marchés internationaux des denrées alimentaires. Il y a de
nombreuses raisons pour que la nouvelle situation comporte des possibilités d’adoption et de
développement de la mécanisation agricole. Les raisons principales sont:
3.2.1. Augmentation du salaire agricole
La création et le développement d’emplois non agricoles et le désintérêt des jeunes ruraux
pour le travail agricole et sa pénibilité (travail physique exigeant et pénible) ont déclenché
une migration des jeunes des campagnes vers les villes. Cette situation a entraîné une pénurie
de main-d’œuvre, en particulier durant la haute saison, ce qui a produit une augmentation du
niveau salarial agricole.
3.2.2. De nouvelles machines agricoles plus adaptées aux conditions africaines
La technologie occidentale, qui était jadis le premier fournisseur de machines agricoles en
Afrique, est devenue de plus en plus sophistiquée et de moins en moins adaptée aux
conditions des petits exploitants africains, tout en devenant également moins abordable.
Entre-temps, les nouvelles économies industrielles émergentes que sont l’Inde, la Chine et le
Brésil et leurs fabricants de tracteurs et de machines agricoles ont commencé à écouler leurs
produits sur les marchés locaux et ce mouvement se poursuit. Ces machines sont souvent
mieux adaptées aux conditions africaines et nettement moins chères que les machines
fabriquées en Europe occidentale ou en Amérique du Nord. Les versions bon marché et
techniquement peu sophistiquées de tracteurs à deux ou quatre roues pouvant fournir la force
de traction nécessaire aux petits exploitants agricoles sont particulièrement intéressantes.
Elles peuvent fournir la puissance de traction dont les petits agriculteurs ont besoin soit en
appartenant directement à l’agriculteur soit en étant partagés au sein d’une coopérative, ou
alors en étant fournies par des entrepreneurs dans le cadre de prestation de service de
mécanisation.
3.2.3. Le besoin de concepts de mécanisation plus innovants, durables et efficaces sur le
plan énergétique, conformément au modèle «Produire plus avec moins» de la FAO
Les pays africains devront s’adapter à la crise mondiale de l’énergie et aux nouvelles
technologies d’économie d’énergie. De nouvelles idées en matière d’efficacité énergétique et
d’utilisation d’autres sources d’énergie devront être développées et adoptées. Avec un tel
potentiel d’utilisation de l’énergie solaire, le continent a fait l’objet d’un intérêt particulier en
ce qui concerne le développement et l’utilisation d’énergie solaire. De nombreuses
technologies ont déjà été développées pour le séchage des fruits et légumes, ainsi que pour le
pompage de l’eau et l’approvisionnement en électricité. Comme on l’a expliqué au chapitre
3.1, le concept «Produire plus avec moins» de la FAO ouvre la voie à l’intensification
19
durable des cultures par l’utilisation de technologies de production plus propres, plus précises
et plus efficaces sur le plan énergétique, comme les pratiques de semis direct, de culture sans
labour et de labours restreints.
3.2.4. Agriculture de conservation / Agriculture intelligente face au climat: un nouveau
besoin de mécanisation durable sur le plan environnemental
Les effets du changement climatique se font sentir et nous pouvons nous attendre à une
recrudescence des épisodes de tempête violente, à une hausse des températures, et à des
périodes de sécheresse plus fréquentes (GIEC, 2014). Les émissions continuelles de gaz à
effet de serre rendent ces événements dévastateurs inévitables et accentueront leur violence.
Les innovations agricoles sont vitales à la continuité de la production agricole et si cette
production doit s’intensifier, alors les innovations devront assurément être très solides. Les
principaux donateurs et dirigeants internationaux plaident pour de nouveaux concepts
agricoles plus intelligents face au climat (FAO, et al., 2014). L’utilisation de machines
agricoles est parfois critiquée pour les effets négatifs que celles-ci peuvent avoir sur
l’environnement (en particulier lorsqu’elles sont utilisées pour le labourage du sol, ce qui
entraîne une grande consommation de carburant et une dégradation environnementale). En
même temps, il est évident que le développement de nouvelles machines et de techniques
plus précises et respectueuses de l’environnement est la clef d’une agriculture intelligente
face au climat. Un concept efficace est celui de l’agriculture de conservation qui maintient de
manière permanente une couverture végétale du sol et applique le semis direct sous couvert
végétal. Le sol fragile n’est jamais directement exposé au rayonnement solaire, aux vents
violents ou à des précipitations de forte intensité. Le semis direct de ce type n’a été rendu
possible qu’avec le développement d’équipements spécialisés. Des développements ou
technologies similaires sont prévues pour pouvoir faire face aux nouveaux problèmes
environnementaux.
3.2.5. Un nouveau besoin de modèles commerciaux durables pour la mécanisation en
Afrique
La demande de services de mécanisation en Afrique subsaharienne est généralement latente:
il existe un besoin mais les clients potentiels (principalement les petits exploitants agricoles)
ne sont pas toujours conscients que ces services existent. Le développement et l’expansion de
la mécanisation agricole (et, bien entendu, de l’ensemble du secteur de l’agriculture et des
machines) peuvent se réaliser par la mise au courant des clients de l’existence de ces services,
en même temps que par l’évaluation et l’identification des modèles commerciaux les plus
adaptés aux conditions locales très variables des pays de l’Afrique subsaharienne. Ces
modèles commerciaux peuvent varier à l’intérieur d’un pays et peuvent également varier dans
le temps, car il peut y avoir un type de modèle commercial pour démarrer une entreprise de
service de machines et d’autres modèles commerciaux pour permettre à celle-ci de grandir et
prospérer. Même si certaines régions de l’Afrique subsaharienne peuvent sembler quelque
peu sous-développées au plan des activités économiques, il existe beaucoup de possibilités de
développement et d’adoption de nouvelles idées et de modèles commerciaux adaptés aux
conditions locales. Il ne faudrait pas perdre de vue le potentiel de ces marchés car ils offrent
de multiples possibilités pour des entreprises commerciales innovantes (FAO, 2012).
3.2.6. Partenariats public-privé
Plusieurs nouvelles initiatives en matière de mécanisation associent le secteur public et le
secteur privé, qui travaillent alors en étroite collaboration. On peut citer, à titre d’exemple, le
projet Potato Initiative Africa (PIA) lancé dans le cadre d’un partenariat entre le groupe
allemand German Food Partnership (GFP) et le secteur privé des fournisseurs de machines
agricoles, qui dans ce cas se concentre sur la culture de la pomme de terre au Nigeria et au
Kenya. La pomme de terre et les autres plantes à racines et tubercules demandent beaucoup
20
de travail et constituent une culture de base pour de nombreux petits exploitants qui
s’appuient généralement sur le travail manuel. Le potentiel de mécanisation est donc très
élevé mais représente également un défi. Cette initiative a été lancée en 2012 et les premiers
résultats sont actuellement en cours d’évaluation (Breuer et al., 2015).
Dans ce contexte, il convient de noter que la FAO et le Comité Européen des groupements de
constructeurs du machinisme agricole (CEMA) sont récemment convenus de créer un
nouveau partenariat visant à promouvoir une plus grande utilisation de la mécanisation
agricole durable dans les pays en développement. Cette collaboration sera principalement
axée sur la gestion et la diffusion des connaissances en matière d’approches durables de la
mécanisation agricole. Celles-ci pourraient permettre la création de programmes techniques
permettant de soutenir l’innovation dans le domaine de la mécanisation et de faciliter la mise
en œuvre d’initiatives de mécanisation durable sur le terrain (FAO, 2015b).
Il existe également de nouvelles initiatives purement privées, telles que le nouveau projet de
ferme modèle en Zambie, pour lequel le distributeur mondial de matériel agricole AGCO a
ouvert un centre d’apprentissage de 150 hectares. Il est prévu de donner aux agriculteurs une
formation pratique en travaillant avec les derniers modèles de machines. Cette ferme modèle
est divisée en une série extensive de zones dans lesquelles des cultures de démonstration
pourront être plantées, cultivées et récoltées au moyen des divers équipements. Le centre de
formation a pour vocation de s’adresser à tous les agriculteurs, des petits producteurs aux
grandes exploitations commerciales (AGCO, 2015).

3.3. Investir dans la mécanisation agricole pour l’Afrique subsaharienne


En 2009, la FAO et l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement
industriel) se sont associées pour discuter des possibilités et des besoins d’investissements
dans la mécanisation agricole en Afrique subsaharienne (FAO, 2011c). Les recommandations
qui en ont résulté appelaient à mieux soutenir les secteurs public et privé en facilitant les flux
d’investissements dans le développement de la mécanisation agricole en Afrique. L’un des
principaux objectifs était de réduire le travail primaire du sol réalisé à l’aide d’outils manuels
de 80 % à 40 % d’ici 2030 et à 20 % d’ici 2050. L’implantation des cultures devrait se
pratiquer en combinant de plus en plus l’utilisation des tracteurs mécaniques et la traction
animale. Les recommandations principales sont les suivantes:
3.3.1. Mettre en place des comités nationaux de la mécanisation agricole (CNMA)
Les CNMA se composeraient de représentants de toutes les parties prenantes importantes,
comme les ministères de l’agriculture, des finances, de l’industrie et du commerce, ainsi que
des organisations d’agriculteurs, des institutions financières, des constructeurs, des
commerçants et des institutions de recherche et développement. Les CNMA aideraient les
gouvernements à réviser la politique nationale de mécanisation, à examiner la nécessité d’une
stratégie nationale de mécanisation, à assurer la compatibilité des machines incluses dans les
mesures d’aide et à préparer des plans d’action pour le renforcement des capacités.
3.3.2. Créer des conditions favorables
Un environnement propice au niveau des politiques, des institutions et des réglementations
permettrait de promouvoir l’utilisation des tracteurs et autres machines agricoles associées,
grâce à une série de mécanismes:
 promotion et soutien des entreprises privées de construction locale de machines;

21
 rationalisation des réglementations relatives à l’utilisation des tracteurs dans le cadre
des activités non agricoles (en particulier dans les contrats d’infrastructures routières
des zones rurales);
 augmentation de la superficie des terres irriguées lorsque c’est possible.

3.3.3. Accroître les investissements dans la mécanisation agricole


Il s’agit principalement de stimuler le secteur financier, comprenant les banques et les autres
institutions de prêts, afin que celles-ci se concentrent sur le besoin d’ouvrir des lignes crédits
aux agriculteurs et aux autres personnes qui souhaitent investir dans les tracteurs et les
machines agricoles.

3.3.4. Renforcement des capacités

Assistance Fournisseurs de Services


technique et service tracteurs et de d’entretien et de
de pièces détachées machines réparation

Agriculteurs

Services de Formations Mise à disposition


vulgarisation techniques de financements

Figure 6. Parties prenantes dans le réseau de soutien du secteur des machines agricoles
pour les petits exploitants agricoles

Il faudrait effectuer une analyse approfondie de la situation actuelle et des mesures


nécessaires afin de s’assurer que des centres de formation adaptés existent en vue de
promouvoir une mécanisation sûre et respectueuse de l’environnement. Des programmes de
formation seraient développés pour répondre aux besoins des agriculteurs, des exploitants et
autres parties prenantes associées à la prestation de services liés au secteur des machines
agricoles (figure 6). Idéalement, ces centres de formations seraient associés à une université
ou à une école existante et devraient surtout tenter d’intégrer la variété de connaissances
nécessaires à la mécanisation et à la chaîne de valeur agroalimentaire, dans le but d’avoir le
nombre nécessaire de responsables d’entreprises hautement qualifiés dans la mécanisation.

3.3.5. Code de bonnes pratiques pour les fournisseurs de machines agricoles

La fourniture de machines agricoles sûres et de bonne qualité est une condition essentielle à
la promotion de la mécanisation agricole. Les machines doivent être accompagnées d’un
service d’assistance technique et d’un service après-vente de haute qualité, fiables, et à des
prix raisonnables pour la fourniture de pièces détachées, l’entretien et la réparation. Un code
de bonnes pratiques approuvé par les industries et les parties prenantes pourrait permettre de
22
garantir un bon service aux utilisateurs finaux et pourrait être élaboré sous la direction de la
FAO et l’ONUDI.

3.3.6. Création de réseaux régionaux de mécanisation agricole

Il faudrait encourager l’affiliation des organismes de recherche et développement, des


organisations professionnelles, des organisations d’agriculteurs, des constructeurs et des
revendeurs. Cela permettrait de forger des liens entre les réseaux existants liés à la
mécanisation, l’agriculture de conservation et la traction animale. Une fois de plus, la FAO et
l’ONUDI seraient ravies de partager l’expérience qu’elles ont dans ce domaine.

Il est évident que ces possibilités ne seront pas toutes pertinentes dans tous les cas.
Cependant, les travaux de ce groupe d’experts internationaux de haut niveau ont démontré la
valeur que peut avoir l’étude de la question complexe de l’accès des petits exploitants aux
services de mécanisation et peuvent de surcroît proposer des orientations lorsque les
prochaines mesures à prendre seront envisagées.

4. Actions et démarches proposées


Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents de ce document, il y a eu au fil des ans
une analyse très ciblée de la mécanisation agricole dans les pays en développement (FAO,
2008; FAO & UNIDO, 2008; FAO, 2011; FAO, 2014). Cinq thèmes refont surface
constamment dans cette analyse: i) l’énergie agricole et la mécanisation sont des éléments
essentiels si la productivité et la production agricoles doivent augmenter pour nourrir la
population mondiale croissante; ii) l’intensification de la production agricole doit être durable
dans le sens où son empreinte écologique doit être aussi discrète que possible et de toute
façon plus faible que le rythme naturel de renouvellement; iii) les solutions venant d’en-haut
ont rarement du succès, toutes les parties prenantes doivent être prises en considération dès le
départ, et le secteur privé doit diriger le processus de développement sur le terrain; iv) le rôle
du secteur public est de créer un environnement propice pour que le secteur privé puisse
accomplir ses tâches sans se heurter à des obstacles inutiles; et v) il faut adopter une approche
plus exhaustive de la chaîne de valeur pour la mécanisation agricole, qui aille au-delà de la
production et tienne compte des activités d’après la récolte, du traitement, et du marketing.
Une citation (de FAO & UNIDO, 2008) illustre et résume bien la marche à suivre: «Si nous
voulons que les efforts de mécanisation agricole aboutissent en Afrique, il est urgent que tous
les acteurs concernés, les agriculteurs, les décideurs, les planificateurs ou les partisans,
comprennent et contribuent aux efforts de mécanisation agricole, et ce à travers tout le
système agricole et dans une perspective de chaîne de valeur».
À ce stade, les mesures principales suivantes peuvent être recommandées:
4.1. Intégration de la mécanisation agricole dans les cadres politiques panafricains
Au niveau panafricain, il faut un travail supplémentaire de sensibilisation au potentiel de la
mécanisation agricole nécessaire au développement de l’Afrique et d’importantes politiques,
supranationales par nature et recentrées sur le niveau régional doivent être développées. Le
cadre du programme intégré pour le développement de l’agriculture en Afrique (CAADP) du
NEPAD peut fournir une plate-forme viable et concevable pour atteindre cet objectif, car il
associe les décideurs politiques de l’Union africaine. Il peut donc jouer un rôle crucial dans la
poursuite de l’intégration des stratégies et politiques de mécanisation agricole au niveau
national.
23
4.2. Stratégies de mécanisation agricole durable
La contribution de la mécanisation ne devrait pas se limiter à l’usage agricole puisqu’il est
possible de réduire les coûts de son utilisation en étendant celle-ci à des activités hors
exploitation. En outre, la mécanisation agricole n’est réussie que lorsqu’il y a une demande
réelle de produits agricoles (comprenant la création d’une valeur ajoutée à l’intérieur comme
à l’extérieur de l’exploitation). En matière de durabilité, toute la chaîne agroalimentaire doit
être prise en considération, y compris le financement des investissements de capitaux
nécessaires (FAO, 2014). De plus, les technologies de mécanisation pour les chaînes
agroalimentaires peuvent contribuer à réduire les déchets, ainsi qu’à maintenir les
infrastructures rurales et à créer des emplois.
L’une des caractéristiques principales de la mécanisation durable est la nécessité d’augmenter
la production tout en conservant la richesse des ressources naturelles (en particulier du sol et
de l’eau). On ne soulignera jamais assez la nécessité de s’assurer que les futurs modèles de
mécanisation seront bien conformes au modèle «Produire plus avec moins» de la FAO. Il
s’agit de reconnaître que l’agriculture doit être productive et rentable pour les exploitants, et
peut en même temps contribuer à conserver les ressources et à fournir des services
écosystémiques. Comme les effets négatifs du changement climatique commencent à se faire
sentir, l’adoption à grande échelle des pratiques de l’agriculture de conservation (qui protège
les sols, conserve l’eau, utilise moins d’énergie et applique les intrants de manière plus
précise et efficace) sera essentielle au maintien du niveau de la production alimentaire. En
même temps que les émissions de GES sont réduites lors de la production agricole, le carbone
est séquestré dans les sols non travaillés et dans les régions forestières protégées.
La formulation de stratégies de mécanisation agricole est l’une des activités principales de la
FAO depuis plusieurs dizaines d’années (FAO, 2013c & d). Pour que des changements
s’opèrent de manière systématique et cohérente dans l’utilisation de la mécanisation agricole,
il faut formuler un plan et le mettre en œuvre. Et, comme nous l’avons vu, les changements
nécessaires pour rendre la mécanisation agricole durable sont considérables. Le processus
peut être guidé par les recommandations de la FAO (FAO, 1988). Deux processus importants
devraient être essentiellement adoptés lors de la formulation. D’abord il est recommandé
d’adopter une approche pleinement participative afin que les différentes parties prenantes
puissent faire entendre leur voix. La meilleure façon d’atteindre cet objectif est d’organiser
une série d’ateliers interactifs afin que l’ensemble des acteurs concernés de la chaîne de
valeur puissent participer. Ensuite, une approche systématique est recommandée étant donné
la complexité de la mécanisation agricole. La méthodologie du processus de formulation
comprend quatre étapes importantes, illustrées à la figure 7.

24
Étape 1 Étape 2 Étape 3 Étape 4
Préparatio Finalisatio Formulatio Préparatio
n n n de la n de la
du du rapport stratégie et mise en
diagnostic de du plan œuvre
diagnostic d’action

Figure 7. Les étapes progressives de la formulation d’une stratégie de mécanisation agricole


Source: FAO, 2013c

Une fois l’exercice lancé lors du premier atelier, la première phase est prise en charge par
l’équipe de formulation dans laquelle chacun, dans sa spécialisation, procède à une analyse
approfondie de la situation. Un deuxième atelier interactif est organisé afin de recueillir les
différents points de vue sur la situation actuelle. La troisième étape consiste à formuler une
stratégie et un plan d’action qui doivent correspondre aux politiques et objectifs de
développement national. Ces deux éléments seront précisés lors d’un troisième atelier. Le
plan peut être tracé de manière plus précise au cours de la quatrième étape du processus,
lorsqu’un portefeuille de projets peut être élaboré. Cette étape se conclut avec la présentation
des résultats à l’occasion d’un atelier interactif final.
Le concept de durabilité doit figurer au premier plan et être la priorité absolue tout au long de
ce processus. Comme l’a souligné la FAO (2014), bien que ses directives aient été appliquées
dans plusieurs pays en Asie et en Afrique, et qu’elles aient été adoptées par le Réseau
régional de machinisme agricole (RRMA) en Asie, il est difficile de juger de l’utilité des
stratégies car il n’y a eu aucune évaluation précise de ce programme. Il faut réviser les
directives originales et les adapter aux exigences particulières des besoins actuels de
mécanisation, en particulier du point de vue de la durabilité, afin de créer des stratégies de
mécanisation agricole durable applicables aux exigences de chaque pays.
4.3. Adoption de pratiques agricoles durables pour les petits exploitants
La nécessité de mieux utiliser les ressources naturelles et d’une écologisation généralisée des
pratiques agricoles peut trouver un allié valable dans la mécanisation agricole, en particulier
au niveau des petits exploitants. La disponibilité accrue des technologies de mécanisation non
seulement améliore les rendements des petits exploitants, grâce à l’intensification,
l’agriculture de conservation, un travail plus résistant au changement climatique et plus
efficace au plan de la main-d’œuvre et au plan énergétique, et promeut donc des pratiques
favorables à l’égalité des genres, mais aussi elle permet d’adopter une approche plus
rationnelle et efficace de l’agriculture à long terme, augmentant ainsi les perspectives de
rentabilité durable au fil du temps. Elle peut aussi permettre de renforcer la résistance des
écosystèmes et la durabilité à long terme des petites exploitations. L’approche de l’École

25
pratique d’agriculture de la FAO (FFS) a été appliquée avec succès dans de nombreux pays
africains dans le domaine de la lutte contre les ravageurs. Il sera possible d’élargir le concept
de l’École pratique d’agriculture pour y intégrer des thèmes tels que l’intensification durable
et le soutien à la mécanisation à petite échelle sur le terrain (FAO, 2015c). Il pourrait s’agir
de l’introduction d’outils et de technologies de mécanisation qui permettent de mieux
s’adapter aux menaces de changement climatique au niveau local. En même temps, l’École
pratique d’agriculture, si elle est bien organisée, pourrait être au cœur de mécanismes de
financement innovants, par exemple des subventions de contrepartie ou des associations de
types «épargne de village et groupes d’emprunt» afin de promouvoir le changement de
mentalité qui permettra de comprendre que les technologies de mécanisation agricole ne
peuvent être considérées comme un don mais doivent faire partie des décisions
d’investissement de l’École pratique d’agriculture ou des associations d’agriculteurs.
4.4. Renforcement des petites exploitations grâce à l’adoption de modèles
commerciaux plus spécifiques
Les petits exploitants sont généralement relégués aux marges de la chaîne de valeur
agroalimentaire et il leur est difficile d’accéder aux systèmes alimentaires modernes et de les
intégrer. La définition et la description de modèles commerciaux adaptés à la mécanisation
agricole des petites exploitations peuvent apporter de nombreuses possibilités de mieux
accéder à la chaîne de valeur agroalimentaire et de s’y intégrer, grâce aux
approvisionnements plus réguliers en produits, aux plus grandes quantités, aux livraisons en
temps et heure et à une plus grande valeur ajoutée.
4.5. Dispositions institutionnelles et organisationnelles pour le développement de la
mécanisation des petites exploitations
Les petits exploitants bien organisés qui possèdent une assise institutionnelle, comme les
organisations de producteurs, pourront avoir accès à un plus grand nombre de possibilités de
mécanisation agricole. L’accès à un plus grand nombre de sources et à divers types de
financement, le partage des connaissances, un meilleur pouvoir de négociation, une plus
grande valeur ajoutée et les occasions de mieux utiliser la mécanisation agricole afin de se
rendre compte de tout son potentiel vont faire monter le niveau d’une agriculture
commerciale en progrès et permettre une meilleure intégration dans les systèmes
agroalimentaires plus modernes.
4.6. Une plus grande intégration dans la chaîne de valeur agroalimentaire grâce à la
mécanisation des petites exploitations
La mécanisation agricole constitue la pierre angulaire de l’intégration des petits exploitants
dans les systèmes alimentaires plus modernes. Cependant, une telle mécanisation s’applique
non seulement au niveau de l’exploitation, mais également de manière significative aux
opérations créant une valeur ajoutée, telles que les opérations après la récolte, le traitement et
les activités de marketing. La mécanisation agricole permet de gagner du temps entre la
récolte et la consommation et donc de disposer de plus de temps pour le marketing.
4.7. Augmentation de la mécanisation agricole grâce au développement du secteur
privé
Promouvoir le développement du secteur privé dans le cadre de la mécanisation agricole peut
non seulement augmenter la production de la mécanisation agricole en Afrique, mais
également apporter plus de possibilités de collaboration sud-sud entre les constructeurs, les
26
revendeurs, et les institutions. Le développement du secteur privé peut également soutenir les
petits exploitants sur le terrain, où les agriculteurs fournissent des services de mécanisation
(services de location) à d’autres agriculteurs. Cela permettrait d’augmenter non seulement les
rendements agricoles mais également la demande de véhicules, d’équipement et d’outils au
niveau national, créant de ce fait un cercle vertueux et synergique.
4.8. Favoriser la collaboration sud-sud dans la mécanisation agricole: plate-forme de
partage des connaissances
Tirer des leçons communes sur les moyens de développement et partager ces expériences
dans le contexte d’une coopération sud-sud peut déboucher sur une plate-forme de partage
des connaissances communes qui pourrait permettre d’améliorer la mécanisation agricole en
Afrique. Cette plate-forme pourrait permettre un transfert de technologies et de savoir-faire
relatif aux machines, outils et équipement, mais également et surtout aux modèles
d’application qui fonctionnent ou non aux niveaux national et local. Avoir des échanges sur
les politiques et les stratégies qui fonctionnent ou qui ne fonctionnent pas en matière de
mécanisation agricole peut améliorer cette collaboration et favoriser l’élaboration de
politiques et stratégies mieux conçues et mieux ciblées.
4.9. Renforcement des capacités sur le terrain et développement des capacités pour la
mécanisation agricole
Les méthodes de renforcement et de développement des capacités sur le terrain pour la
mécanisation agricole doivent être intégrées aux méthodologies de formation testées et
éprouvées. Les écoles pratiques d’agriculture et les écoles de commerce agricole peuvent
intégrer, sur le terrain, la mécanisation agricole. Cela permettra d’une part de créer une base
solide pour le développement des compétences des petits exploitants en matière de
mécanisation agricole, et d’autre part, cela constituera une base solide pour obtenir des
données et des informations qui serviront au développement de projets, à la recherche, et aux
organismes d’aide au développement aux niveaux national et international (public et privé),
ainsi qu’aux établissements scolaires comme les universités et les écoles secondaires
professionnelles à travers l’Afrique.
4.9. Centres régionaux de mécanisation agricole
Plusieurs pays africains ont de bons centres d’expertise dans le domaine de la mécanisation
agricole et ceux-ci devraient toujours être encouragés et soutenus. Ces centres peuvent être
des instituts d’ingénieurs agronomes, des facultés universitaires, ou des centres d’essai et de
recherche. Il est toutefois nécessaire de créer des centres d’excellence régionaux qui peuvent
aider à orienter les politiques nationales vers une mécanisation agricole durable. En étroite
collaboration avec les agriculteurs, d’autres acteurs de la chaîne de valeur, les fabricants,
d’autres parties prenantes du secteur privé, ainsi que les organisations gouvernementales
nationales, ces centres d’excellence contribueraient aussi à la recherche et au développement,
aux formations et aux tests de machines, lorsque ces activités seraient jugées appropriées et
utiles au secteur privé. Ces centres doivent être dûment orientés vers les intérêts de ces
acteurs indispensables afin d’éviter le piège des recherches sur les concepts (méthodes et
machines agricoles) qui ne dépasseraient pas le stade du prototype, et de tester des machines
sans avoir une clientèle claire à l’esprit.

27
Le Centre asiatique pour la mécanisation agricole durable (UN-CSAM)1 est un modèle
intéressant à étudier. Le secteur de la construction de machines agricoles est déjà très
développé en Asie et doit être incité à produire des équipements qui conviendront aux
pratiques de mécanisation agricole durable. Le Réseau Asie-Pacifique pour les essais de
machines agricoles (ANTAM) encourage et gère déjà des centres d’essai et des normes
régionales et nationales, sous l’égide du Centre pour la mécanisation agricole durable (UN-
CSAM) basé à Pékin, qui fait partie de la Commission économique et sociale pour l’Asie et
le Pacifique (CESAP) des Nations Unies. Le renforcement des capacités de mise en œuvre de
la stratégie de mécanisation agricole durable est une initiative importante, car les programmes
éducatifs et les formations en génie agricole connaissent un déclin à l’échelle mondiale. Axé
sur les jeunes, le renforcement des capacités intègre des considérations entre autres relatives à
la protection des ressources naturelles et à la question de l’égalité des genres.
Le CSAM a été créé en 2002 en qualité de Centre de recherche agronomique et d’outillage
agricole de l’Asie et du Pacifique. Les membres du CSAM sont les mêmes que ceux de la
CESAP, puisqu’il en est un organe subsidiaire. La région Asie-Pacifique compte un total de
53 pays.
Les objectifs du CSAM visent à améliorer la coopération technique entre les membres et les
membres associés de la CESAP, ainsi que d’autres États membres intéressés de l’ONU. Pour
ce faire, un vaste échange d’informations, le partage des connaissances et la promotion de la
recherche et du développement des entreprises agricoles dans les domaines des technologies
et de la mécanisation agricoles durables permettront d’atteindre les objectifs de
développement fixés au niveau international, y compris les ODD, dans cette région.
Le Centre atteindra les objectifs susmentionnés en assumant notamment les fonctions
suivantes:
1. contribuer à l’amélioration du génie agricole et de la mécanisation agricole
durable;
2. améliorer les technologies de mécanisation agricole afin de mieux traiter les
problèmes liés à l’agriculture de subsistance;
3. améliorer la sécurité alimentaire et réduire la pauvreté en promouvant le
développement des petites et moyennes entreprises agroindustrielles et de
l’agriculture commerciale, afin de concrétiser les possibilités d’un accès accru au
marché et au commerce de l’agroalimentaire;
4. se concentrer sur la notion de regroupement d’entreprises agroindustrielles et sur
les activités de développement des entreprises afin de renforcer la capacité des
membres à identifier les produits agricoles de base potentiels dans leurs pays
respectifs, selon un principe de regroupement;
5. coopérer au niveau régional au transfert des technologies agricoles vertes, et
regrouper en réseau les instituts nationaux de liaison dans les pays membres du
CSAM et les autres institutions concernées;
6. mettre en place un site internet interactif permettant aux membres d’avoir un accès
complet aux informations et aux données relatives aux technologies, ainsi qu’un

1
http://un-csam.org/index.asp
28
échange de systèmes experts et de système d’aide à la décision en matière de
gestion financière des petites et moyennes entreprises;
7. renforcer les services de diffusion sur le terrain dans les pays de l’Afrique
subsaharienne, et en particulier les services de démonstration, de formation et de
vulgarisation;
8. promouvoir les transferts de technologies des instituts de recherche et
développement vers les systèmes agricoles et de développement des machines
dans les pays membres en vue de réduire la pauvreté;
9. contribuer à la dissémination et à l’échange de machines durables et
commercialement satisfaisantes, ainsi qu’à celle des plans, des outils, des
machines et des équipements qui y sont associés;
10. organiser des projets d’assistance technique, des programmes de renforcement des
capacités, des séminaires et ateliers de formation, et des services de conseil sur la
mécanisation agricole durable et les normes de sécurité alimentaire en rapport
avec celle-ci;
11. exploiter les ressources des pays développés permettant de renforcer les capacités
des pays membres;
12. développer et renforcer les capacités dans les domaines de l’économie, des
affaires, des finances, du marketing et de l’entrepreneuriat liées à la mécanisation
agricole.
Le modèle du CSAM peut être utilisé afin d’implanter des centres de ce type en Afrique, axés
sur une mécanisation durable adaptée et englobant toute la chaîne de valeur agroalimentaire
dans son mandat. On propose d’étudier de toute urgence la faisabilité de la mise en place de
deux centres (un en Afrique francophone et l’autre en Afrique anglophone).

5. Estimation des coûts


La marche à suivre envisagée se résume à une approche qui comporte des tâches et des
dimensions multiples pour le futur développement et la future intégration de la mécanisation
agricole en vue de transformer l’agriculture en Afrique. La conception, le développement et
la mise en œuvre des activités décrites au chapitre 4 vont de la sensibilisation politique au
développement de centres d’excellence pour une mécanisation agricole durable. Ces activités
doivent être envisagées à moyen terme, sur une période de trois à cinq ans, non seulement en
termes de planification, mais surtout en termes de mise en œuvre. Le budget estimé pour
l’ensemble de cette série d’activités se situe donc autour de 45 millions de dollars américains.

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