Élasticité

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 32

Chapitre 6

Élasticité classique

6.1 Équations de l’élasticité


6.1.1 Problèmes reguliers
Pour résoudre un problème d’élasticité, il faut trouver un champ de déplacements
ui (x, t) et un champ de contraintes σij (x, t) vérifiant les équations du mouvement ou
d’équilibre suivant que l’on s’intéresse au problème dynamique ou quasi-statique :

∂ 2 ui
σij,j + fi = ρ ou 0 (6.1)
∂t2
et la loi de comportement :

σij = Aijkl εkl (6.2)

où le tenseur des déformations s’écrit :


1
εij = (ui,j + uj,i ) (6.3)
2
On obtient donc un système de neuf équations à neuf inconnues et le problème sera « bien
posé » et admettra une solution unique pourvu qu’on lui rajoute des conditions aux limites
et éventuellement des conditions initiales adéquates. Les conditions initiales donnent la
position et la vitesse du milieu à l’instant 0 :
∂ui
ui (x, 0) = u0i (x) et (x, 0) = Vi0 (x) (6.4)
∂t
Les différents types de conditions aux limites que l’on peut rencontrer ont été discutées
au paragraphe 4.1.2. On définit classiquement :
Problème de type I — les déplacements sont donnés à la frontière :

ui|∂Ω = udi (6.5)

Problème de type II — les efforts appliqués au solide sur la frontière sont donnés :

σij nj |∂Ω = Tid (6.6)

Par exemple, le réservoir sphérique au paragraphe 4.1.1 ou le bloc pesant du paragraphe 4.1.2
avec la condition aux limites (4.25).
Plus généralement, on a affaire à un problème mixte pour lequel sur chaque partie de
∂Ω on donne :

71
72 6. Élasticité classique

– les efforts, exemple (4.8) ;


– les déplacements, exemple (4.12) ;
– certaines composantes du déplacement et les composantes complémentaires de l’ef-
fort, exemple (4.11).
Un exemple type de problème mixte est celui où l’on se donne les déplacements sur
une partie de la surface et les efforts sur la partie complémentaire :

ui|Su = udi , σij nj |S = Tid (6.7)


f

avec ∂Ω = Su + Sf . C’est par exemple le cas pour les deux problèmes du paragraphe 4.1.2
avec condition d’adhérence, mais pour ces mêmes problèmes avec conditions de non frot-
tement, les conditions aux limites sur les bases donnent la composante du déplacement
sur x3 et les composantes de l’effort sur x1 , x2 . De manière générale, nous introduisons
la classe des problèmes réguliers, problèmes pour lesquels en tout point de la frontière ∂Ω
sont données trois composantes complémentaires de l’effort Ti = σij nj ou du déplacement
ui . Pour qu’un problème soit régulier, il faut que l’intégrale représentant le travail des
efforts de contact puisse se décomposer en deux termes :
ZZ
σij nj ui dS = Tfd (ui ) + Tud (σij ) (6.8)
∂Ω

Le premier terme Tfd représente le travail des efforts donnés dans le déplacement (inconnu)
et le second, le travail des efforts de contact (inconnus) dans les déplacements donnés. Pour
le problème mixte (6.7), on a simplement 1 :
ZZ ZZ ZZ
σij nj ui dS = σij nj udi dS + Tid ui dS (6.9)
∂Ω Su ∂Ω
| {z } | {z }
Tud (σij ) Tfd (ui )

Pour les autres problèmes réguliers, cette décomposition est plus longue à écrire. Par
exemple, pour le problème du bloc pesant avec condition de non frottement (6.19), on a :
ZZ ZZ ZZ  
σij nj ui dS = Tid ui dS − d
σ13 d
ui + σ23 u2 + σ33 ud3 dS (6.10)
∂Ω Sl +S1 S0 | {z }
| {z }
Tud (σij )
Tfd (ui )

Pour ce problème particulier, chacun des termes est nul d’après (4.18) et (4.19), mais
peu importe, l’essentiel est d’examiner ce qui est donné par les conditions aux limites
et de vérifier que l’on peut effectuer la décomposition (6.8) sans ambiguïté. En particu-
lier, il en résulte que, pour le problème homogène associé, c’est-à-dire pour le problème
correspondant à toutes les données nulles, on a automatiquement :
ZZ
σij nj ui dS = 0 (6.11)
∂Ω

c’est un moyen commode pour vérifier qu’un problème est régulier.


Cette notion de problème régulier est essentielle car elle recouvre la formulation na-
turelle des conditions aux limites en Mécanique des Solides en général. En élasticité, les
problèmes réguliers sont des problèmes linéaires – on peut donc superposer plusieurs so-
lutions – et qui permettent de démontrer un certain nombre de théorèmes généraux, no-
tamment des théorèmes d’existence et d’unicité – un problème régulier est bien posé – et
les théorèmes de l’énergie qui feront l’objet d’un chapitre.
1. Les problèmes de type I et II sont des cas particuliers du problème mixte (6.7).
6.1. Équations de l’élasticité 73

Il existe des problèmes non réguliers, comme par exemple les problèmes de frottement
ou les problèmes unilatéraux. Dans les deux cas, il s’agit de conditions aux limites non
linéaires qui rendent le problème non linéaire et par conséquent, beaucoup plus difficile
à résoudre. Les liaisons élastiques donnent un exemple de problème linéaire non régulier.
Nous rencontrerons aussi des problèmes non réguliers par manque de données mais il s’agit
alors d’une non régularité superficielle qui ne nous gênera guère.

6.1.2 Theorème d’unicité en dynamique


Comme nous l’avons affirmé plus haut, un problème régulier est bien posé, autrement
dit, il admet une solution unique. À titre d’exemple, nous allons démontrer le théorème
d’unicité dans le cas dynamique. Nous partons donc d’un problème dynamique régulier.
Pour fixer les notations, nous prendrons des conditions aux limites mixtes de type (6.7)
mais la démonstration est valable, à des difficultés de notations près, pour tout problème
régulier. Nous cherchons donc ui (x, t), σij (x, t), εij (x, t), solutions du problème suivant :

 ∂ 2 ui

 ρ = σij,j + fi



 ∂t2





σij = Aijkl εkh
1 (6.12)
 εij = (ui,j + uj,i )




2
c



 ui (x, 0) = u i (x) Vi (x, 0) = Vic (x)

 d

ui|Su = ui σij nj Sf = Tid

Au paragraphe 1.2.1, nous avons démontré le théorème de l’énergie cinétique (1.29) mais
en élasticité, il vient, d’après (5.6) et (5.8) :
dεij dw
σij Dij = σij = (6.13)
dt dt
ce qui permet d’écrire (1.29) sous la forme :
d
ZZZ ZZ
∂ui ∂ui
(K + W ) = fi dv + σij nj dS (6.14)
dt Ω ∂t ∂Ω ∂t
où W est l’ énergie de déformation du so1ide :
1
ZZZ ZZ
W = w dv = Aijkh εij εkh dv (6.15)
Ω 2 Ω

La signification de (6.14) est claire : la dérivée par rapport au temps de l’énergie totale
(cinétique + de déformation) du solide est égale à la puissance des efforts extérieurs.
Supposons maintenant que notre problème  (6.12) admette deux solutions correspon-
0 0
dant aux mêmes données fi , ui , Vi , ui , Ti . La différence de ces deux solutions :
d d

(2) (1) (2) (1) (2) (1)


ūi = ui − ui , ε̄ij = εij − εij , σ̄ij = σij − σij (6.16)

sera solution du problème homogène associé à (6.12) :

f¯i = 0, ū0i = V̄i0 = 0, T̄id = 0 (6.17)

En appliquant (6.14) à ce problème :


ZZ ZZ ZZ
∂ ūi ∂ ūdi ∂ ūi
f¯i dv + σ¯ij nj dS + T̄id dS = 0 (6.18)
Ω ∂t Su ∂t Sf ∂t
74 6. Élasticité classique

est nul d’après (6.17) puisque f¯i , T̄id et ūdi et donc ∂ ūdi /∂t sont nuls. On en déduit :

d  
K̄ + W̄ = 0, K̄ + W̄ = Cte = 0 (6.19)
dt
puisqu’à l’instant initial, d’après (6.17), il vient :

∂ ūi
ūi (x, 0) = (x, 0) = 0 (6.20)
∂t
Or l’énergie cinétique K, par définition, et l’énergie de déformation W d’après le postulat
de stabilité (4.4), sont définies positives, d’où il résulte que K̄ et W̄ restent nuls au cours
du temps. On a donc en tout point et à tout instant ∂ ūi /∂t = 0 d’où :
(2) (1)
ūi (x, t) = 0, ui (x, t) = ui (x, t) (6.21)

Les deux solutions coïncident et le problème (6.12) a une solution unique. Nous démontre-
rons au chapitre 9 le théorème d’unicité peur le problème statique, mais provisoirement
nous l’admettrons.

6.1.3 Équations de Navier


Pour résoudre analytiquement un problème d’élasticité, on postule a priori une forme
particulière pour la solution puis on essaie de vérifier toutes les équations. Si on y parvient,
alors d’après le théorème d’unicité pour un problème régulier, c’est la solution du problème.
Il en résulte donc deux méthodes, suivant que l’on essaie un champ de déplacement ou un
champ de contraintes.
Si l’on part du champ de déplacement ui on peut calculer le tenseur des déformations
par (6.3) et le tenseur des contraintes par la loi de comportement (6.2). Il ne reste donc
plus à vérifier que les équations du mouvement (6.1), les conditions aux limites de type
déplacement et de type effort et éventuellement les conditions initiales. Reporter (6.2)
et (6.3) dans l’équation du mouvement (6.1) permet d’écrire l’équation qui doit être vérifiée
par le champ de déplacements ui (x, t) en dynamique ou ui (x) en statique :

∂ 2 uk ∂ 2 ui
Aijkh + fi = ρ 2 ou 0 (6.22)
∂xj ∂xh ∂t

où la symétrie (5.3) de Aijkh est utilisée et en supposant le matériau homogène (A


constant). En élasticité, le temps n’intervient pas dans la loi de comportement. Il n’in-
tervient que dans l’équation du mouvement et disparaît en quasi-statique à l’exception
des problèmes de frottement, où il reste dans la condition aux limites (4.15). Ainsi en
élasticité, on ne parle jamais de problèmes quasi-statiques mais uniquement de problèmes
statiques. Pour résoudre un problème quasi-statique, il suffit en effet de résoudre à chaque
instant le problème statique correspondant. Nous n’envisagerons plus désormais que le cas
statique.
Dans le cadre de l’élastictté linéaire isotrope —élasticité classique— l’équation (6.22)
devient d’après (5.23) :

(λ + µ) ui,ik + µui,kh + fi = 0 (6.23)

soit, en introduisant les opérateurs de l’analyse vectorielle (Annexe A) :



(λ + µ) grad (div #»
u ) + µ∆ #»
u+f =0 (6.24)
6.1. Équations de l’élasticité 75

ou de manière équivalente :

(λ + 2µ) grad div #»
u − µ rot rot #»
u+f =0 (6.25)

Ces équations sont appelées les équations de Navier. Elles traduisent les équations d’équi-
libre pour le champ des déplacements.
Ainsi la première méthode de résolution d’un problème d’élastostatique consiste à :
– postuler un champ de déplacements ;
– vérifier les équations de Navier (6.24) ou (6.25) ;
– vérifie, les conditions aux limites de type déplacement ;
– vérifier les conditions aux limites de type effort.
Pour postuler le champ de déplacements, on s’inspire habituellement des conditions aux
limites en déplacement et des symétries. On verra des exemples de cette méthode aux
paragraphes 6.2.2 et 7.2.1.
Si on prend la divergence de l’équation (6.25), on obtient l’équation de la dilatation

(λ + 2µ) ∆ (div #»
u ) + div f = 0 (6.26)

qui nous sera utile plus loin.

6.1.4 Équations de Beltrami


La seconde méthode de résolution consiste à postuler un champ de contraintes. La loi
de comportement permet alors de calculer le champ des déformations, mais pour pouvoir
calculer le vecteur déplacement, il faut que ce champ de déformations soit compatible
(paragraphe 3.3). Ainsi, le champ de contraintes choisi doit vérifier les équations d’équilibre
et un système d’équations traduisant les équations de compatibilité. Nous allons obtenir
ce système d’équations dans le cas statique et en élasticité classique et homogène.
Nous partons des équations de compatibilité sous la forme (3.59) et de la loi de com-
portement sous la forme (5.34), ainsi :
 
1+ν ν 1 − 2ν 1+ν 2ν
σij − σkk δij + σkk,ij − (σjk,ik + σik,jk ) + σkk,ij = 0
E E ,ll E E E

et en notation indicielle :

(1 + ν) σij,ll − νσkk,ll δij + σkk,ij − (1 + ν) [σjk,ki + σik,kj ] = 0 (6.27)

mais d’après les équations d’équilibre (6.1) :

σjk,ki + σik,kj = − (fi,j + fj,i ) (6.28)

et d’après la loi de comportement (5.34) et l’équation de la dilatation (6.26) :


E E
σkk,ll = εkk,ll = − fi,i
1 − 2ν (λ + 2µ) (1 − 2ν)

soit finalement avec (5.33) :


1+ν
σkk,ll = − fi,i (6.29)
1−ν
En eeportant (6.28) et (6.29) dans (6.27), on obtient :
1 ν
σij,ll + σkk,ij + fi,j + fj,i + fi,i = 0 (6.30)
1+ν 1−ν
76 6. Élasticité classique

Ces équations, appelées équations de Beltrami, traduisent les équations de compatibilité


pour les contraintes. Si les forces de volume sont nulles, elles se simplifient :
1
σij,ll + σkk,ij = 0 (6.31)
1+ν
En particulier, elles seront automatiquement vérifiées si les contraintes sont des fonctions
linéaires des coordonnées.
La seconde méthode de résolution d’un problème élasto-statique consiste à :
– postuler un champ de contraintes ;
– vérifier les équations d’équilibre ;
– vérifier les équations de Beltrami ;
– vérifier les conditions aux limites de type effort ; puis, le cas échéant
– intégrer le champ de déplacements ;
– vérifier les conditions aux limites de type déplacement.
On voit donc que cette méthode s’applique tout naturellement aux problèmes de type II
pour lesquels on peut sauter les deux dernières étapes. Nous en verrons des exemples aux
paragraphes 6.2.1, 7.2.2 et 7.3.1.

6.2 Problèmes simples


Comme premier exemple, on peut citer le problème de la compression d’un lopin avec
conditions aux limites de non frottement qui a été résolu de manière tout à fait générale
au paragraphe 4.1.3. Nous allons traiter deux autres exemples issus du paragraphe 4.1.

6.2.1 Déformation d’un bloc pesant


Nous considérons donc le problème du bloc pesant posé sur un ballon de baudruche
(paragraphe 4.1.3). On aura donc fi = −ρg et les conditions aux limites sont :

 σij nj = 0 sur S2


x =h: σ
3 13 =σ
23 33 =σ =0 (6.32)


 x = 0 : σ = σ = 0, σ = −p
3 13 23 33

C’est un problème régulier de type II et par conséquent, la solution sera donc unique :
ceci conduit à rechercher le champ de contraintes. Les trois équations d’équilibre s’écrivent :

 σ11,1 + σ12,2 + σ13,3 = 0


σ12,1+σ 22,2+σ 23,3 =0 (6.33)


σ
13,1 + σ23,2 + σ33,3 = ρg

Les conditions aux limites sur la surface latérale s’écrivent, avec #»


n = (n1 , n2 , 0) :

 σ11 n1 + σ12 n2 = 0


σ n +σ n =0
21 1 22 2 (6.34)


σ n + σ n = 0
31 1 32 2
6.2. Problèmes simples 77

L’examen de ces équations nous conduit à chercher le tenseur des contraintes sous la
forme :
 
0 0 0
(6.35)
 
σ = 0 0 0 
0 0 σ33 (x)
qui vérifie automatiquement :
– les conditions aux 1imites (6.34) sur Sl ;
– les conditions aux aimites portant sur σ13 et σ23 en x3 = 0 et x3 = h.
Les équations d’équilibre donnent alors :
σ33 = ρgx3 = Cte
et les conditions aux limites en x3 = h et x3 = 0 entraînent :
σ33 = ρg (x3 − h) , p = ρgh (6.36)
On retrouve donc (4.27). Par ailleurs, ce champ de contraintes est linéaire et vérifie automa-
tiquement les équations de Beltrami (6.31) (fi = Cte). Ainsi, le champ de contraintes (6.35)
et (6.36) vérifie toutes les équations du problème. C’est la solution.
Si l’on veut connaître le déplacement, il faut faire appel à la loi de comportement :
 
−νρgx′3 0 0
1 
−νρgx′3 (6.37)

ε=  0 0 
E
0 0 ρgx′3
en prenant x′3 = x3 − h, c’est-à-dire en prenant l’origine des coordonnées sur la face
supérieure du bloc. Par rapport à cette nouvelle variable, le champ des déformations est
linéaire et on peut appliquer la formule (3.64) pour le calcul du déplacement. On peut
aussi procéder directement à partir de (6.3). En effet :

∂u3 1 ′ 1


 ε33 = ′ = E ρgx3 ⇒ Eu3 = ρgx′2
3 + ϕ3 (x1 , x2 )


 ∂x3 2


∂u1 −ν
ε11 = =3 ρgx′ ⇒ Eu1 = −νρgx′2
3 + ϕ1 (x2 , x3 ) (6.38)


 ∂x1 E


 ∂u2 −ν
 ε22 =
 = ρgx′3 ⇒ Eu2 = −νρgx′2
3 + ϕ2 (x3 , x1 )
∂x2 E

 ∂u1 ∂u2


 2ε12 = + = ϕ1,2 + ϕ2,1 = 0


 ∂x2 ∂x1

 ∂u1 ∂u3
2ε13 = + = −νρgx1 + ϕ1,3 + ϕ3,1 = 0 (6.39)

 ∂x′3 ∂x1



 ∂u2 ∂u3
 2ε23 = ′ + = −νρgx2 + ϕ2,3 + ϕ3,2 = 0


∂x3 ∂x2
et on obtient une solution particulière :
1  
ϕ1 = ϕ2 = 0, ϕ3 = + νρg x21 + x22 (6.40)
2
d’où finalement la solution, en revenant à x3 :

 Eu1 = −νρgx1 (x3 − h)



Eu2 = −νρgx2 (x3 − h) (6.41)
 Eu3 = 1 ρg (x3 − h)2 + ν x2 + x2

   

1 2
2
à un déplacement de solide près.
78 6. Élasticité classique

On en déduit l’allure de la déformation du


bloc.

6.2.2 Réservoir sphérique sous pression

Nous considérons le réservoir sphérique


sous pression du paragraphe 4.1 avec fi = 0
et les conditions aux limites suivantes :
(
r = a : σij nj = −pni
(6.42)
r=b: σij nj = 0

Compte-tenu de la symétrie du problème, on peut supposer que le vecteur déplacement


est radial et ne dépend que de la distance au centre r = OM :

∂r xi
ui = g(r)xi , r 2 = xi xi ; = r,i = (6.43)
∂xi r

Un calcul direct donne alors :


g′ (r)
ui,j = g(r)δij + xi xj = εij (6.44)
r
Le gradient du déplacement étant symétrique, il s’ensuit que son rotationnel rot #»
u est nul.
L’équation de Navier (6.25) donne alors :

grad (div #»
u ) = 0, u = Cte = 3α
div #» (6.45)

Compte-tenu de (6.44), il vient :

g′ (r)
ui,j = 3g(r) + = 3α (6.46)
r
et par intégration :

β
g(r) = α + (6.47)
r3
Il reste à déterminer les constantes d’intégration α et β pour vérifier les conditions aux
limites (6.42). Pour cela, nous devons calculer les contraintes :
 
β 3βxi xj
εij = α + 3 δij − (6.48)
r r5

et nous allons écrire la loi de comportement sous la forme (6.39). En effet, la décomposition
de (6.48) en partie sphérique et déviateur donne directement :

1
ε = εii = α ⇒ σ = 3Kα
3     (6.49)
β xi xj 2µβ xi xj
eij = 3 δij − 3 2 ⇒ sij = 3 εij − 3 2
r r r r
6.2. Problèmes simples 79

D’où finalement :
 
β 6µβ xi xj
σij = 3Kα + 2µ 3 δij − 3 (6.50)
r r r2
Le tenseur des contraintes est de révolution autour de la direction radiale et les contraintes
principales sont :
2µβ 4µβ
σ1 = σ2 = 3Kα + , σ3 = 3Kα − (6.51)
r3 r3
avec σ3 associé à la direction radiale. La condition (6.42) s’ écrit alors simplement puisque
sur les deux sphères frontières, la normale est radiale :

 4µβ
 r = a : σ3 = 3Kα − 3 = −p

a (6.52)


 r = b : σ3 = 3Kα −
4µβ
3
=0
b
On obtient ainsi un système de deux équations à deux inconnues qui donne les constantes
d’intégration α et β par :

pa3 b3 pa3
4µβ = ; 3Kα = (6.53)
b3 − a3 b3 − a3
et la solution est complètement déterminée.
Il reste à écrire la condition de limite élastique. Si l’on adopte le critère de von Mises,
alors il vient directement, par exemple à partir de (6.49) et (5.57) :

1 12µ2 β 2 σe2
sij sij = 6 (6.54)
2 r4 3
Si l’on adopte le critère de Tresca, alors à partir de (6.51) et (5.63) :
6µβ
σ1 − σ3 = 6 σe (6.55)
r3
Les deux critères donnent donc le même résultat, ce qui était évident a priori puisque
l’état de contraintes est de révolution, c’est donc, à un tenseur sphérique près, un état
de traction simple pour lequel Tresca et von Mises coincident par construction. Ainsi le
calcul élastique est justifié si la condition :

3pa3 b3
6 σe (6.56)
2 (b3 − a3 ) r 3
est vérifiée en tout point. Le point le plus sollicité sera donc le point où r est minimum,
c’est-à-dire à l’intérieur (r = a). On obtient donc la condition :
!
3 pb3 2σe a3
6 σe ; p 6 pe = 1− 3 (6.57)
2 b3 − a3 3 b

qui donne la pression maximale que peut supporter le réservoir en restant dans le do-
maine élastique. En particulier, quelles que soient les dimensions du réservoir, on ne peut
pas dépasser la pression limite 2σe /3. Nous reviendrons sur ce problème en plasticité au
chapitre 10.
La solution générale (6.50) que nous avons obtenue permet de traiter également d’autres
problèmes :
80 6. Élasticité classique

– réservoir sphérique soumis à une pression intérieure p et une pression extérieure P .


On obtient alors :
pa3 − P b3 p−P 3 3
3Kα = ; 4µβ = a b (6.58)
b3 − a3 b3 − a3
– cavité sphérique dans un milieu infini :

4µβ = pa3 ; 3Kα = 0 (6.59)

– boule dans un fluide à la pression P :

3Kα = −P ; 4µβ = 0 (6.60)

mais, pour ce dernier problème, il est inutile d’aller chercher si loin. Soit, en effet, un
solide Ω immergé dans un fluide à la pression P . En négligeant les forces de volume, on
doit résoudre le problème de type II défini par les conditions aux limites :

σij nj = −P ni sur ∂Ω (6.61)

La solution de ce problème est triviale, quelle que soit la forme du solide :


P
σij = −P δij ; ui = − xi (6.62)
3K
On pourrait faire une étude analogue à celle du paragraphe 4.1.3 et montrer que cette
solution peut s’étendre à toute loi de comportement.
Chapitre 7
Problème de Saint-Venant

7.1 Traction et flexion pure


7.1.1 Principe de Saint-Venant
Le problème de Saint-Venant est le problème de base de la Résistance des Matériaux.
Une poutre cylindrique est sollicitee à ses deux extrémités, les efforts exercés étant carac-
térisés par leur torseur résultant.

On considère une poutre cylindrique de section Σ et de longueur l :


Ω = [0; l] × Σ
Les efforts de volume sont supposés nuls, soit fi = 0 et la surface latérale Sl = [0; l] ∂Σ est
libre de contrainte :
σij nj = 0 (x2 , x3 ) ∈ ∂Σ (7.1)
Les efforts exercés sur les extrémités Σ0 (xl = 0) et Σ1 (x1 = l) sont caractérisés par leurs

torseurs résultants [T0 ] et [T1 ]. Nous représenterons [T1 ] par sa résultante R et par son

moment résultant M au point A (l, 0, 0), centre de Σ1 , et de même [T0 ] par sa résultante
#» #»
R0 et par son moment résultant M0 au point A0 (l, 0, 0), centre de Σ0 . La poutre étant
en équi1ibre, les efforts exercés sur et Σ0 et Σ1 doivent s’équilibrer, d’où les relations
vectorielles suivantes :
#» #»
R0 + R = 0
#» # » # » #» (7.2)
M0 + M + A0 A ∧ R = 0
#» #» #» # »
Ainsi, on peut calculer R0 et M0 en fonction de R et M, et les efforts exercés sur la poutre
#» #»
seront caractérisés par les deux vecteurs R et M. Pour relier ces efforts aux contraintes,

il faut considérer les efforts exercés sur Ω à travers Σ1 , soit T = (σ11 , σ12 , σ13 ) selon la
direction #»
n = (1, 0, 0), puis intégrer sur toute la section. Il vient :
ZZ ZZ
#» #» #» # » #»
R= T dS; M= AM ∧ T dS (7.3)
Σ1 Σ1

81
82 7. Problème de Saint-Venant

soit, composante par composante pour les réactions :


ZZ
R1 = σ11 dx2 dx3 (7.4a)
Σ1
ZZ
R2 = σ12 dx2 dx3 (7.4b)
Σ1
ZZ
R3 = σ13 dx2 dx3 (7.4c)
Σ1

et pour les moments :


ZZ
M1 = (x2 σ13 − x3 σ12 ) dx2 dx3 (7.5a)
Σ1
ZZ
M2 = x3 σ11 dx2 dx3 (7.5b)
Σ
ZZ1
M3 = − x2 σ11 dx2 dx3 (7.5c)
Σ1

On aurait des formules analogues sur Σ0 .


Il est clair que le problème de Saint-Venant ainsi posé n’est pas régulier, par manque
de données. En effet, les conditions (7.4a) à (7.5c) sont insuffisantes pour déterminer la

répartition des efforts T sur Σ1 . Pour obtenir un problème régulier, il faudrait préciser la

manière dont les torseurs T sur Σ1 sont appliqués. Plus précisément, on peut imaginer
plusieurs — en fait, une infinité — répartitions d’efforts surfaciques vérifiant (7.4a) à (7.5c),
sur Σ1 , et de même sur Σ0 chacune de ces répartitions sera associé un problème régulier
(de type II), donc avec solution unique. Ainsi le problème de Saint-Venant, tel que nous
l’avons formulé, admet une infinité de solutions.

Principe de Saint-Venant
L’état de contrainte et de déformation loin des extrémités dépend uniquement du torseur
des efforts appliqués et non de la manière précise dont ces efforts sont appliqués.

En d’autres termes, deux répartitions d’efforts surfaciques conduisant au même torseur,


conduiront à deux solutions très voisines, sauf au voisinage immédiat des extrémités. Ainsi
le problème de Saint-Venant admet une infinité de solutions, mais ces solutions sont très
voisines les unes des autres, et il n’y a pas lieu de les distinguer, à moins de vouloir des
informations précises sur ce qui se passe au voisinage des extrémités.
Initialement, ce principe était d’origine intuitive ; c’est lui qui se trouve à la base du
célèbre mémoire de Saint-Venant qui, déjà en 1856, contenait l’essentiel de ce chapitre.
Depuis, il a reçu de nombreuses vérifications expérimentales directes ou indirectes, car c’est
le postulat de base de la Résistance des Matériaux. Récemment, on a pu le démontrer dans
certains cas particuliers par une étude mathématique des équations de l’élasticité.
Ce principe joue un rôle tout à fait essentiel pour deux raisons. Tout d’abord, dans la
pratique, on verra que l’on connaît assez rarement la répartition des efforts, alors que l’on
a facilement leur torseur résultant. Ensuite, c’est grâce à lui que nous pourrons résoudre le
problème de Saint-Venant, en jouant sur la latitude qui nous est laissée sur la répartition
précise des efforts.
Notre démarche va être la suivante. Nous allons tout d’abord décomposer le problème
#» #»
en six problèmes élémentaires correspondant à chacune des composantes de R et M.
Ensuite, pour chacun de ces problèmes élémentaires, nous trouverons une solution, et par
superposition, nous aurons une solution du problème complet.
Nous décomposons donc le problème de Saint Venant en 6 problèmes.
7.1. Traction et flexion pure 83

Problème 1 – traction

R1 = F, R2 = R3 = 0, M=0 (7.6)

soit d’après (7.2) :

#» #» #» #»
R = −R0 = F #»
e 1, M = M0 = 0

Problèmes 2 et 3 – flexion composée



R1 = 0 = R3 , R2 = F, M=0 (7.7)

pour le problème 2 (le problème 3 s’obtient en échangeant les indices 2 et 3), d’où :

#» #» #» #»
R = −R0 = F #»
e 2, M = M0 = −F l #»
e3

Problème 4 – torsion

R = 0, M1 = M, M2 = M3 = 0 (7.8)

#» #» #» #»
R = R0 = 0, M = −M0 = M #»
e1

Problèmes 5 et 6 – flexion pure



R = 0, M1 = M2 = 0, M3 = 0 (7.9)

#» #» #» #»
R = R0 = 0, M = −M0 = M #»
e3

pour le problème 6 (le problème 5 s’obtient en échangeant les indices 2 et 3).


Pour chacun de ces problèmes, les conditions portent sur les contraintes. Nous adop-
terons donc l’approche du 6.1.4 en cherchant un champ de contraintes vérifiant :
– les équations d’équilibre avec fi = 0
– les équations de Beltrami
– les CL (7.1) sur la surface latérale
– les conditions (7.4a),(7.4c),(7.5a),(7.5c), pour le problème étudié.
84 7. Problème de Saint-Venant

7.1.2 Répartition des contraintes normales


On constate tout d’abord sur (7.4a) à (7.5c), que R1 , M2 et M3 ne font intervenir
que la contrainte normale σ11 , pour une facette de la section droite. Nous cherchons donc
le champ des contraintes sous la forme :
 
σ11 (x1 , x2 , x3 ) 0 0
(7.10)
 
σ= 0 0 0
0 0 0

Les conditions aux limites (7.1) sur la surface latérale sont alors automatiquement vérifiées
puisque #»
n = (0, n2 , n3 ). Les équations d’équilibre se réduisent à :

∂σ11
= 0, σ11 = σ11 (x2 , x3 ) (7.11)
∂x1

Les équations de Beltrami (6.30) se réduisent alors à :

∂ 2 σ11 ∂ 2 σ11 ∂ 2 σ11


= = =0 (7.12)
∂x22 ∂x23 ∂x2 ∂x3

qui entraîne σ11 , fonction linéaire de x2 , x3 :

σ11 = a + bx2 + cx3 (7.13)

Il ne reste plus à écrire que les conditions sur les extrémités, en reportant le tenseur des
contraintes défini par (7.10) et (7.13) dans (7.4a) à (7.5c), on obtient :
ZZ ZZ ZZ
R1 = a dS + b x2 dS + c x3 dS
Σ Σ Σ
ZZ ZZ ZZ
−M3 = a x2 dS + b x22 dS + c x2 x3 dS
ZZ
Σ
ZZ
Σ Σ
ZZ
(7.14)
M2 = a x3 dS + b x2 x3 dS + c x23 dS
Σ Σ Σ

R2 = R3 = 0, M1 = 0

Les intégrales qui interviennent dans (7.14) dépendent uniquement de la forme de la sec-
tion. Ainsi, le système (7.14) donnera a, b et c, en fonction de R1 , M2 et M3 . Nous
pourrons donc résoudre par un champ de contraintes de la forme (7.10) et (7.13), les
problèmes 1, 5 et 6 de traction et flexion pure.
Pour déterminer complètement les contraintes, il reste à calculer a, b et c, c’est-à-dire
résoudre le système (7.14). Un choix judicieux du système d’axes x2 x3 dans le plan de la
section droite Σ va faciliter cette résolution. Tout d’abord, on choisit l’origine au centre
de gravité de Σ, ce qui assure :
ZZ ZZ
x2 dS = x3 dS = 0 (7.15)
Σ Σ

Ensuite, on remarque que (7.14) fait intervenir les composantes du tenseur d’inertie de la
section Σ :
ZZ
Jij = xi xj dS i, j = 2, 3 (7.16)
Σ
7.1. Traction et flexion pure 85

c’est un tenseur plan symétrique, donc diagonalisable. On peut trouver dans le plan x2 ,
x3 deux directions principales d’inertie perpendiculaires telles que le moment produit J23
soit nul :
ZZ
J23 = x2 x3 dS = 0 (7.17)
Σ

Nous choisirons ces directions principales comme axes x2 , x3 . Pratiquement, si la section


a un axe de symétrie, alors cet axe est principal d’inertie, car la symétrie entraîne (7.17).
Sinon la diagonalisation est facile et on peut, en particulier, utiliser la méthode géométrique
exposée au paragraphe 3.3.2 pour le tenseur des contraintes.
Avec ce choix d’axes, (7.14) devient simplement :
ZZ ZZ
R1 = aS, −M3 = bJ2 , M2 = cJ3 , J2 = x22 dS, J3 = x23 dS (7.18)
Σ Σ

où S est la surface de Σ et J2 , J3 les moments d’inertie principaux. On obtient donc :


R1 M3 M2
σ11 = − x2 + x3 (7.19)
S J2 J3
et on a trouvé un champ de contraintes convenables pour les problèmes 1, 5 et 6.
En particulier, pour la traction, on retrouve la solution présenté au paragraphe 4.1.4 :
 
F
0 0
S F F F
et (7.20)

σ = 0 0 0 u1 = x1 ; u2 = −ν x2 ; u3 = −ν x3
ES ES ES
0 0 0

C’est la solution du problème régulier associé aux conditions aux limites :

x1 = 0 et x1 = l : σ11 = F/S, σ12 = σ13 = 0 (7.21)

En général, les conditions aux limites réelles — par exemple dans un essai de traction —
sont différentes mais le principe de Saint-Venant nous assure que cela n’a guère d’impor-
tance, à condition de se placer loin des têtes d’amarrage et c’est bien ce que l’on fait dans
un essai de traction.

7.1.3 Flexion pure


Considérons maintenant le problème 6 — le problème 5 se traiterait de manière iden-
tique. Le tenseur des contraintes a la forme :
 
− M x2 0 0
 J
(7.22)

σ= 0 0 0
0 0 0

où l’on a supprimé l’indice 2 sur J :


ZZ
J = J2 = x22 dS (7.23)
Σ

Il reste à calculer les déplacements. Comme au paragraphe 6.2.1, nous procéderons direc-
tement en écrivant le tenseur des déformations :
 
− M x2 0 0
 EJ M
(7.24)

ε= 0 ν EJ x2 0 
M
0 0 ν EJ x2
86 7. Problème de Saint-Venant

soit, en développant par rapport au champ de déplacement :


∂u1 M M
ε11 = =− x2 ⇒ u1 = x1 x2 + ϕ1 (x2 , x3 )
∂x1 EJ EJ
∂u2 νM νM 2
ε22 = = x2 ⇒ u2 = x + ϕ2 (x1 , x3 ) (7.25)
∂x2 EJ EJ 2
∂u3 νM νM
ε33 = = x2 ⇒ u3 = x2 x3 + ϕ3 (x1 , x2 )
∂x3 EJ EJ
et :
∂u1 ∂u2 M
2ε12 = + =− x1 + ϕ1,2 + ϕ2,1 = 0
∂x2 ∂x1 EJ
∂u2 ∂u3 νM
2ε23 = + = x3 + ϕ2,3 + ϕ3,2 = 0 (7.26)
∂x3 ∂x2 EJ
∂u3 ∂u1
2ε31 = + = ϕ1,3 + ϕ3,1 = 0
∂x1 ∂x3
On obtient alors la solution particulière :
M  2 
ϕ1 = ϕ3 = 0, ϕ2 = x1 − νx23 (7.27)
2EJ
Le déplacement est donc donné par :
M
u1 = − x1 x2 − ω30 x2
EJ
M h 2  i
u2 = x1 + ν x22 − x23 + ω30 x1 + u02 (7.28)
2EJ
νM
u3 = x2 x3
EJ
où, en vue des applications futures, nous n’avons conservé qu’une partie du déplacement
de solide.
La déformation de la ligne moyenne s’écrit :
M 2
u1 = u3 = 0, u2 = x + ω30 x1 = v(x1 ) (7.29)
2EJ 1
tandis que la déformée d’une section droite x1 = x01 est caractérisée par :
 
M 0 dv
u1 = − x1 + ω30 x2 = − x2 (7.30)
EJ dx1 x01

Les relations (7.29) et (7.30) montrent qu’après la déformation la ligne moyenne de-
vient une parabole et que les sections droites restent planes et perpendiculaires à la ligne
moyenne.
section

ligne
moyen
ne
droite

On construit souvent la théorie élémentaire de la flexion à partir de :


7.2. Torsion 87

Hypothèse de Navier-Bernoulli
Les sections droites restent planes et normales à la fibre moyenne.

Cette hypothèse se trouve donc vérifiée ici. On constate également que le moment M
appliqué produit une courbure de la ligne moyenne :

d2 v M
Ξ= (7.31)
dx1 EJ
Ainsi, on pourrait envisager de mesurer le module d’Young E d’un matériau élastique par
un essai de flexion : on impose un moment de flexion M et on observe la courbure Ξ,
ce qui détermine la rigidité de la poutre EJ produit d’une rigidité matérielle E, liée au
matériau, et d’une rigidité géométrique J, donnée par (7.23) et liée à la géométrie de la
section droite Σ.
En chaque point, on a un état de contraintes de traction simple, et le critère de limite
d’élasticité donnera :
M
|σ11 | = |x2 | < σe (7.32)
J
soit, en introduisant η valeur maximale de |x2 | :

M
< σe , η = |x2 |max (7.33)
J/η

Ainsi, d’un point de vue géométrique, la rigidité d’une poutre est caractérisée par le
moment d’inertie J, tandis que sa résistance est caractérisée par le rapport J/η :
– section rectangulaire

bh3 J bh2 J h2 J h
h J= , = , = , =
12 η 6 S 12 ηS 6
b
– section en I

e
bh2 l J J h2 J h
h J≈ , ≈ bhl, = , =
2 η S 4 ηS 2
b
Ceci montre la supériorité, à poids égal, de la section en I sur la section rectangulaire et,
plus généralement, des sections en profil mince sur les sections massives.

7.2 Torsion
7.2.1 Section circulaire ou annulaire
Avant d’aborder le cas général, nous allons envisager la configuration simple d’une sec-
tion circulaire ou annulaire. On ohserve alors qu’en torsion, chaque section droite tourne,
par rapport à la section x1 = O, d’un angle proportionnel à la distance.
88 7. Problème de Saint-Venant

Nous postulons donc un champ de déplacements :

u1 = 0, u2 = −αx1 x3 , u3 = αx1 x2 (7.34)

On obtient alors pour le gradient du déplacement et pour le tenseur des déformations :


   
α α
0 0 0 0 2 x3 2 x2
= − α2 x3 (7.35)
   
ui,j = −αx3 0 −αx1  ; εi,j 0 0 
α
αx2 αx1 0 2 x2 0 0

La loi de comportement donne alors le tenseur des contraintes :


 
0 −Gαx2 Gαx2
(7.36)
 
σi,j = −Gαx3 0 0 
Gαx2 0 0

Ce champ de contraintes vérifie directement :


– les équations d’équilibre ;
– les conditions aux limites sur la surface latérale #»
n = ± (x1 /r, x2 /r, 0).
Il n’est pas nécessaire de vérifier les équations de Beltrami puisque l’on est parti d’un
champ de déplacements. Il ne reste donc plus qu’à écrire le torseur des efforts appliqués
sur Σ1 . Puisque σ11 est nul, M2 et M3 sont nuls. Par symétrie, R2 et R3 , sont nuls, et il
reste simplement :
ZZ   ZZ
M1 = Gα x22 + x23 dS = Gα r 2 dS (7.37)
Σ Σ

On a donc résolu le problème 4 avec :


ZZ
M = GI0 α, I0 = r 2 dS (7.38)
Σ

Le moment de torsion M crée un angle unitaire de torsion α et le module de rigidité GI0


est à nouveau le produit d’une rigidité matérielle G = µ et d’une rigidité géométrique I0
moment d’inertie polaire de la section.
Le vecteur contrainte associé à la section droite est :

T = (0, −Gαx3 , Gαx2 ) (7.39)
7.2. Torsion 89

On a uniquement une contrainte de cisaillement perpendiculaire au rayon et de module


Gαr. En notant #» e r , #»
e θ , les vecteurs de base associés aux coordonnées polaires r, θ dans
le plan x2 , x3 on a :

T = Gαr #»
eθ (7.40)

et dans le repère #»
e r , #»
e θ , #»
e 1 associé aux coordonnées cylindriques autour de x1 , le tenseur
des contraintes a pour composantes :
 
0 0 0
(7.41)
 
σ = 0 0 Gαr 
0 Gαr 0

L’état de contraintes en chaque point est un état de cisaillement simple et le critère de


limite d’élasticité s’écrit :

| T | = Gαr < τe (7.42)

où τe est la limite élastique en cisaillement simple donnée par (5.64). En introduisant R


rayon de la section, il vient, en combinant avec (7.38) :

M
< τe (7.43)
I0 /R

La rigidité à la torsion d’un arbre circulaire ou annulaire est donc caractérisée par le
moment d’inertie polaire de sa section I0 et sa résistance par le rapport I0 /R :
– section circulaire

πD 4 I0 D2 I0 πD 3 I0 D
I0 = , = , = , =
32 S 8 R 16 RS 4
– section en tube mince

rπD 3 e I0 D2 I0 πD 3 e I0 D
I0 = , = , = , =
4 S 4 R 2 RS 2

Ces relations montrent la supériorité, à poids égal, des sections annulaires sur les sections
massives. Dans le cas des tubes minces, on constate aussi que r ∼ D/2 et que les com-
posantes (7.41) du tenseur des contraintes dans le repère ( #»e r , #» e 1 ) peuvent s’écrire :
e θ , #»
 
0 0 0
Gα D2  (7.44)
 
σ ∼ 0 0
0 Gα D2 0

soit, compte tenu de (7.38) et de la valeur de I0 :


 
0 0 0
2M 
(7.45)

σ ∼ 0 0 πD 2 e 
2M
0 πD 2 e 0

ce qui, superposé à l’état de contraintes dû à une traction simple, redonne bien la forme
(4.36) obtenue au paragraphe 4.1.4.
90 7. Problème de Saint-Venant

7.2.2 Théorie générale


Nous considérons maintenant le problème 4 dans le cas d’une section quelconque. Le
paragraphe 7.1 a montré que la contrainte normale σ11 était déterminée par R1 , M2 et
M3 . Puisqu’ici ils sont nuls, on prendra σ11 = 0. Les contraintes de cisaillement σ12 et
σ13 par contre ne peuvent pas être nulles d’après (7.5a) et nous cherchons un champ de
contraintes sous la forme :
 
0 σ12 σ13
(7.46)
 
σ = σ12 0 0 
σ13 0 0

avec σ12 et σ13 fonctions de (x1 , x2 , x3 ). Les équations d’équilibre donnent :

∂σ12 ∂σ13
+ =0 (7.47)
∂x2 ∂x3
et :
∂σ12 ∂σ13
=0⇒ σ12 = σ12 (x2 , x3 ) ; =0⇒ σ13 = σ13 (x2 , x3 ) (7.48)
∂x1 ∂x1
L’équation (7.47) montre alors — voir par exemple le Lemme 2 du paragraphe 3.3.1 —
que la forme différentielle :

dΦ = σ12 dx3 − σ13 dx2 (7.49)

est intégrable, c’est-à-dire il existe une fonction des contraintes Φ (x2 , x3 ) telle que :

∂Φ ∂Φ
σ12 = , σ13 = − (7.50)
∂x3 ∂x2
Les équations de Beltrami donnent alors :
∂ ∂
∆Φ = ∆Φ = 0 (7.51)
∂x2 ∂x3
ce qui montre que ∆Φ est constant ; nous noterons −2Gα cette constante, α étant une
constante d’intégration dont nous verrons plus loin la signification :

∆Φ + 2Gα = 0 (7.52)

La condition (7.1) sur la surface latérale s’écrit :

σ12 n2 + σ13 n3 = 0 (7.53)

En introduisant le vecteur unitaire tangent à ∂Σ :



t = (dx2 / ds, dx3 / ds)

il vient :
dx3 dx2
n 2 = t3 = , n3 = −t2 = − (7.54)
ds ds
de sorte que, compte tenu de (7.50), la condition (7.53) devient :
∂Φ dx3 ∂Φ dx2 dΦ
+ = (7.55)
∂x3 ds ∂x2 ds ds
7.2. Torsion 91

La fonction Φ (x2 , x3 ) reste constante lorsque l’on suit ∂Σ, donc sur chaque composante
connexe de ∂Σ. Nous supposerons désormais que la section Σ est simplement connexe. On
déduit alors de (7.55) que Φ est constant sur ∂Σ et on peut toujours choisir cette constante
nulle :

Φ|∂Σ = 0 (7.56)

La fonction de contrainte Φ est donc déterminée par (7.52) et (7.53), équations qui dé-
finissent le problème de Dirichlet qui admet une solution unique. Par le changement de
fonction :

Φ (x2 , x3 ) = Gαϕ (x2 , x3 ) (7.57)

ce problème se transforme en :
(
∆ϕ + 2 = 0
(7.58)
ϕ|∂Σ = 0

et la fonction ϕ unique solution du problème (7.58), dépend seulement de la forme de la


section Σ.
Il ne reste plus qu’à déterminer la constante α, ce que nous allons faire en calculant
les efforts exercés sur Σ1 . On sait déjà que R1 = M2 = M3 = 0. Pour calculer les autres
composantes, nous utiliserons la formule de Stokes :
ZZ   I
∂Q ∂P
− dx2 dx3 = P dx2 + Q dx3 (7.59)
S ∂x2 ∂x3 ∂S

À partir de (7.4c) et (7.50), il vient :


ZZ ZZ I
∂Φ
R2 = σ12 dx2 dx3 = dx2 dx3 = − Φ dx2 = 0 (7.60)
Σ Σ ∂x3 ∂Σ

d’après la formule de Stokes (7.59) et (7.56). De la même manière, on a R3 = 0. À partir


de (7.5a), on a :
ZZ  
∂Φ ∂Φ
M1 = − x2
+ x3 dx2 dx3
Σ ∂x2 ∂x3
ZZ  
∂ ∂
=− (x2 Φ) + (x3 Φ) − 2Φ dx2 dx3
Σ ∂x2 ∂x3
ZZ I ✟ (7.61)
=2 Φ dx2 dx3 + x ✟✟ Φ✘dx✘
✟3 Φ dx2 − ✘
x2✘ 3
Σ ✟
✟∂Σ
ZZ
= 2Gα ϕ dx2 dx3
Σ

Finalement, le champ de contraintes construit permet de résoudre le problème 4 avec :


ZZ
M
α= , I =2 ϕ dx2 dx3 (7.62)
GI Σ

La constante I est appelée module de rigidité de la section Σ, et, comme ϕ elle ne dépend
que de la forme de Σ. En chaque point de la section, l’état de contraintes est un état de

cisaillement simple caractérisé par le vecteur contrainte T associé à la section droite :

T = (O, σ12 , σ13 ) (7.63)
#» #»
La condition (7.1) exprime que, sur la frontière ∂Σ, T est tangent à ∂Σ, soit T · #»n = 0.
92 7. Problème de Saint-Venant

Les relations (7.9) montrent que les


courbes Φ = Cte sont les enveloppes du

champ de vecteurs T .

L’état de contraintes étant un état de cisaillement simple, le critère de limite d’élasticité


donne :
q
#» 2 + σ2 < τ
| T | = σ12 13 e (7.64)

avec τe donné par (5.64). À partir de Φ ou ϕ, cette condition entraîne :


q q
Φ2,3 + Φ2,2 = Gα ϕ2,3 + ϕ2,2 = Gα|grad ϕ| < τe
soit finalement :
 −1
M
< τe , ρ = sup|grad ϕ| (7.65)
I/ρ Σ

où ρ est une longueur caractéristique de la section Σ. On peut par ailleurs montrer que
la borne supérieure de |grad ϕ| est nécessairement atteinte sur la frontière de Σ. Ainsi le
problème général de la torsion est résolu, sitôt que l’on connaît la solution ϕ (x2 , x3 ) du
problème (7.58).

7.2.3 Calcul du déplacehent

Pour terminer le calcul, il reste à déterminer le déplacement. À partir de (7.46), (7.50)


et (7.57), le tenseur des déformations est donné par :
 
0 ϕ,3 −ϕ,2
α
(7.66)

ε =  ϕ,3 0 0 
2
−ϕ,2 0 0

et il est possible d’intégrer le champ de déplacements, soit :

ε11 = u1,1 = 0 ⇒ u1 = u1 (x2 , x3 )


ε22 = u2,2 = 0 ⇒ u2 = u2 (x1 , x3 ) (7.67)
ε33 = u3,3 = 0 ⇒ u3 = u3 (x1 , x2 )
et :
2ε23 = u2,3 + u3,2 = 0 ⇒ u2,3 = −u3,2 = A(x1 )
puisque u2,3 = u2,3 (x1 , x3 ) et u3,2 = u3,2 (x1 , x2 ). Par conséquent :

u2 = A(x1 )x3 + B(x1 )


(7.68)
u3 = −A(x1 )x2 + C(x1 )

et on peut interpréter A(x1 ) comme la rotation de la section droite d’abscisse x1 :

2ε12 = u1,2 + u2,1 = u1,2 + A′ (x1 )x3 + B ′ (x1 ) = αϕ,3


(7.69)
2ε13 = u1,3 + u3,1 = u1,3 − A′ (x1 )x2 + C ′ (x1 ) = αϕ,2
7.2. Torsion 93

Cependant, dans ces relations, seules les dérivées A′ (x1 )(= dA/ dx1 ), B ′ (x1 ) et C ′ (x1 )
dépendent de x1 ; elles doivent donc être constantes :

A(x1 ) = −ax1 + d, B(x1 ) = bx1 + e, C(x1 ) = cx1 + f

u2 = −ax1 x3 + dx3 + bx1 + e


u3 = ax1 x2 − dx3 + cx1 + f (7.70)
| {z }
Déplacement de solide rigide

On voit sur (7.70) que les 5 constantes b, c, d, e et f correspondent au déplacement


de solide rigide arbitraire, qui doit nécessairement s’introduire dans l’intégration. À un
déplacement de solide près, on a donc :

u2 = −ax1 x3 , u3 = ax1 x2 (7.71)

ce qui correspond, comme dans le cas de la section circulaire, à une rotation de chaque
section d’un angle proportionnel à la distance à l’origine ; la constante a, rotation par
unité de longueur, est donc l’angle unitaire de torsion introduit au paragraphe 7.1.1 pour
la section circulaire. On peut maintenant calculer u1 à partir de (7.69) :

u1,2 = αϕ,3 + ax3 , u1,3 = −αϕ,2 − ax2 (7.72)

système qui sera intégrable si et seulement si u1,23 = u1,32 :

α∆ϕ + 2a = 0

ce qui, d’après (7.58), donne finalement a = α, et la constante α, introduite en (7.52)


est l’angle unitaire de torsion. Le déplacement est finalement, à un déplacement de solide
près :

u1 = αψ(x2 , x3 )
u2 = −αx1 x3 (7.73)
u3 = αx1 x2

Ainsi, la rotation de chaque section s’accompagne d’un gauchissement que l’on peut ob-
server expérimentalement. La fonction de gauchissement ψ est donnée par :
   
∂Ψ ∂ϕ ∂Ψ ∂ϕ
= + x3 , =− + x2 (7.74)
∂x2 ∂x3 ∂x3 ∂x2

et ψ est la fonction harmonique conjuguée de la fonction harmonique ϕ + 21 (x22 + x23 ). Si


on calcule sur ∂Σ la dérivée normale de ψ, il vient, en utilisant (7.54) et (7.55) :

dψ ∂ψ ∂ψ
= n2 + n3
dn ∂x ∂x3
 2 
∂ϕ dx2 ∂ϕ dx2 dx2 dx2
= + + x3 + x2
∂x3 ds ∂x2 ds ds ds
 
d 1 2
= x + x23
ds 2 2
quantité connue le long de ∂Σ. Ainsi la fonction ψ vérifie :

∆ψ = 0


d 1 2 2
 (7.75)
= x + x3 sur ∂Σ
dn ds 2 2
94 7. Problème de Saint-Venant

c’est un problème de Neumann qui admet une solution unique. Ainsi, pour résoudre le
problème de torsion, on peut, soit calculer ϕ par le problème (7.58) et en déduire ensuite
ψ par (7.74), soit calculer ψ par le problème (7.75) et en déduire ensuite ϕ par (7.74).
Finalement, si l’on compare les relations (7.62) et (7.65) du cas général, aux relations
(7.38) et (7.43) relatives à la section circulaire, on constate que, dans le cas général égale-
ment, la rigidité de la section est caractérisée par le module de rigidité I et sa résistance
par le rapport I/η. Mais dans le cas général, a) il faut résoudre le problème (7.58) pour
pouvolr calculer ces constantes (nous verrons cependant au chapitre 9 que l’on peut obte-
nir des estimations de I sans calculer ϕ), b) la torsion s’accompagne d’un gauchissement
des sections. Si ce gauchissement est empêché, par exemple par des conditions aux limites
d’encastrement, on rencontre le difficile problème de la torsion gênée (par opposition à la
torsion libre).
Bien entendu, conformément à la démarche générale décrite au paragraphe 7.1.1, nous
avons résolu un problème particulier correspondant au problème de la torsion, et le principe
de Saint-Venant nous permet d’affirmer que loin des extrémités c’est la solution. Il peut
être utile de fonnuler explicitement le problème régulier que nous avons résolu. Pour cela,
il faut compléter les CL (7.1) par des CL sur les extrémités. On pourrait écrire des CL
donnant sur les extrémités le dêplacement (u1 , u2 , u3 ) connu par (7.73), ou bien donnant

les efforts appliqués T connus par (7.63) et (7.50), mais la formulation la plus commode,
que nous utiliserons au chapitre 9, fait intervenir des données mixtes

(
x1 = 0 : σ11 = 0, u2 = u3 = 0
(7.76)
x1 = l : σ11 = 0, u2 = −αlx3 , u3 = αlx2

Ajoutées à (7.1), ces conditions aux limites définissent bien un problème régulier (para-
graphe 6.1.1) et cette formulation présente l’avantage de ne pas faire intervenir les fonctions
ϕ ou ψ a priori inconnues.

7.2.4 Sections particulières

Section circulaire

D’après la symétrie, les fonctions ϕ et ψ ne dépendent que de r. Il vient directement :

1 2 
ϕ= a − r2 , ψ = 0, r 2 = x22 + x23 (7.77)
2

et on retrouve tous les résultats du paragraphe 7.1.1. En particulier, la fonction de gau-


chissement est nulle.

Section elliptique

La section Σ est limitée par l’ellipse d’équation :

x22 x23
+ 2 =1 (7.78)
a2 b
7.2. Torsion 95

On trouve alors pour ϕ et ψ :


!
a2 b2 x2 x2
ϕ= 2 1 − 22 − 23 (7.79)
a + b2 a b
a2 − b2
ψ= x2 x3 (7.80)
a2 + b2

Pour le module de rigidité à la torsion, on trouve :

πa3 b3
I= (7.81)
a2 + b2

Les contraintes sont données par

M ∂ϕ 2M M ∂ϕ 2M
σ12 = − =− x3 , σ13 = = x2 (7.82)
I ∂x3 πab3 I ∂x2 πa3 b

et la contrainte de cisaillement maximale :


s
#» 2M x23 x22 2M
| T |max = sup 4
+ 4 = (7.83)
πab b a πab2

est atteinte à l’extrémité du petit axe x3 = b, ce qui donne :

2a2 b
ρ= (7.84)
a2 + b2

Section rectangulaire
On recherche la solution sous forme d’un développement en série de Fourier double :
∞ X

X (2m − 1)πx2 (2n − 1)πx3
ϕ= Amn cos cos (7.85)
m=0 n=0
2a 2b
96 7. Problème de Saint-Venant

qui vérifie automatiquement la condition (7.56). On dérive (7.85) terme à terme, ce qui
permet d’obtenir le développement de ∆ϕ que l’on identifie avec le développement de la
fonction constante −2 et on obtient les constantes Amn .
On obtient des calculs plus simples en cherchant la solution sous la forme :

X (2m − 1)πx2
ϕ= cos ψm (x3 ) (7.86)
m=0
2a

développement en série de Fourier simple (mais qui présente l’inconvénient de détruire la


symétrie en x2 et x3 ). On calcule ∆ϕ par dérivation terme à terme, on identifie avec le
développement de la constante −2, et on obtient pour ψm une équation différentielle du
second ordre :
!2
d2 ψm (2m − 1)2 π 2 8
− ψm (x3 ) = (−1)m
dx23 2a (2m − 1)π

qui donne ψm par intégration avec les conditions aux limites ψm (±b) = 0. On obtient
finalement :
( )

32a3 X (−1)m cosh (2m−1)πx
2a
3
(2m − 1)πx2
ϕ= 3 1− (2m−1)b
cos (7.87)
π m=0 (2m − 1) cosh 2a
2a

qui permet de calculer la solution et en particulier le module de rigidité à la torsion I et


la longueur ρ qui intervient dans (7.65). On trouve :

b b b
I = 16a3 bh1 = 4Sa2 h1 ; ρ = 2ah (7.88)
a a a
la contrainte tangentielle maximale étant obtenue au milieu du grand côté x3 = ±b si on
suppose a > b. Les fonctions h1 et h sont données par le tableau suivant :
b/a 1 1,5 2 3 5 ∞
h 0,675 0,848 0,930 0,985 0,999 1
h1 0,141 0,196 0,229 0,263 0,291 1/3
Plus généralement, on sait résoudre explicitement le problème pour quelques sections
particulières (triangle équilatéral, section circulaire entaillée d’un demi-cercle, etc.) Comme
le problème se ramène à des calculs de fonctions harmoniques, on peut également utiliser
les techniques de variable complexe (voir [15, 19]). Enfin, le problème (7.58) se prête bien
au calcul numérique.

7.3 Flexion composée


7.3.1 Champ de contraintes
Il reste à résoudre le problème 2.
7.3. Flexion composée 97

Considérons la section d’abscisse x1 et considérons la poutre [0, x1 ] × Σ. Elle est en


équilibre sous l’action du torseur [T0 ] des efforts appliqués sur la section x1 = 0 et du tor-
seur [T (x1 )] des efforts de contact exercés sur la poutre [O, x1 ] × Σ par la partie supprimée

[x1 , l] × Σ. Comme précédemment, nous représentons [T (x1 )] par sa résultante R(x1 ) et

son moment M(x1 ) par rapport au centre (x1 , 0, 0) de la section considérée.

L’équilibre de la poutre [O, x1 ] × Σ donne alors :


#» #»
R = F #»e 2 , M = F (l − x1 ) #» e3

de sorte que la répartition des contraintes dans la section x1 doit être telle que :
ZZ
σ11 dx2 dx3 = 0
Σx1
ZZ
x3 σ11 dx2 dx3 = 0 (7.89)
Σx1
ZZ
− x2 σ11 dx2 dx3 = F (l − x1 )
Σx1

et :
ZZ
σ12 dx2 dx3 = F (7.90a)
Σx1
ZZ
σ13 dx2 dx3 = 0 (7.90b)
Σx1
ZZ
(x2 σ13 − x3 σ12 ) dx2 dx3 = 0 (7.90c)
Σx1

En partant de (7.89), les résultats du paragraphe 7.1.2 nous suggèrent de prendre :

F (l − x1 ) x2
σ11 = − , J = J2 (7.91)
J
D’autre part, (7.90a) montre que σ12 ne peut pas être nul. Nous prenons donc dans un
premier temps :
 
σ11 σ12 0
(7.92)
 
σ = σ12 0 0
0 0 0

avec σ11 donné par (7.91). Les équations d’équilibre nous donnent alors :

σ11,1 + σ12,2 = 0, σ12,1 = 0

soit, compte-tenu de (7.91) :

F 2
σ12 = − (x + f (x3 )) (7.93)
2J 2
98 7. Problème de Saint-Venant

Les équations de Beltrami sont toutes vérifées, sauf l’équation relative aux indices 1, 2 qui
donne :
1
σ12,11 + σ12,22 + σ11,12 = 0
1+ν
F " ′′  1 F
− f (x3 ) + 2 + =0
2J 1+ν J

f ′′ (x3 ) = −
1+ν
ν
f (x3 ) = − x2 + ax3 + b
1+ν 3
 
F ν
σ12 = − x22 − x2 + ax3 + b (7.94)
2J 1+ν 3
Par contre, puisque σ13 est nul, la condition aux limite sur la surface latérale, qui s’écrit
encore sous la forme (7.53), ne peut pas être vérifiée. Nous superposons donc à l’état de
contraintes obtenu jusqu’à présent, un état de contraintes σ̃ avec σ̃13 non nul :
   
0
σ11 σ12 0 0 σ̃12 σ̃13
0  0
(7.95)
  
σ = σ + σ̃ = σ12 0 0 + σ̃12 0 0 
0 0 0 σ̃13 0 0
 
F (l − x1 )x2 0 F ν
σ11 =− , σ12 =− x22 − x2 (7.96)
J 2J 1+ν 3
Par construction, le champ σ 0 vérifie les équations d’équilibre et les équations de Bel-
trami ; le champ σ̃ devra donc les vérifier également. On peut alors reprendre l’analyse du
paragraphe 7.2.2 et obtenir :
F ∂ ϕ̃
σ̃12 =
J ∂x3
F ∂ ϕ̃ (7.97)
σ̃13 = −
J ∂x2
∆ϕ̃ = Cte = −2C

Nous faisons le changement de fonction :

ϕ̃(x2 , x3 ) = Cϕ(x2 , x3 ) + χ(x2 , x3 ) (7.98)

où ϕ est solution du problème (7.58), de sorte que :

∆χ = 0 (7.99)

Comme au paragraphe 7.2.2, la condition aux limites sur la surface latérale peut s’écrire :
dx3 dx2
σ12 − σ13 =0
ds ds
   
F ν dx3 F dχ dϕ
− x22 − x2 + +C =0
2J 1 + ν 3 ds J ds ds
Le dernier terme s’annule d’après (7.58) et on a :
 
dχ 1 2 ν dx3
= x2 − x23 (7.100)
ds 2 1+ν ds
7.3. Flexion composée 99

Sur ∂Σ, x2 et x3 sont fonctions de s et par intégration de (7.100) sur ∂Σ on peut obtenir
la valeur de χ sur ∂Σ à une constante près :
Z s  
1 2 ν dx3
χ(s) = χ0 (s) = x2 − x23 ds (7.101)
s0 2 1+ν ds

Pour s’assurer que (7.101) définit sans ambiguité la fonction χ0 sur ∂Σ, il faut vérifier
que :
I  
1 2 ν
x − x2 dx3 = 0 (7.102)
2 2 1+ν 3

Ceci résulte directement de la formule de Stokes et de (7.15).


Ainsi, la fonction χ est déterminée par :

∆χ = 0
(7.103)
χ|∂Σ = χ0 définie par (7.101)

C’est un problème de Dirichlet qui admet une solution unique dépendant uniquement de
la section Σ.

7.3.2 Calcul des efforts appliqués


Pour terminer la détermination du champ de contraintes, en particulier pour déter-
miner la constante C, il convient de vérifier les conditions aux limites sur l’extrémité
x1 = l c’est-à-dire de vérifier les conditions (7.89), (7.90a), (7.90b) et (7.90c) pour x1 . Par
construction de σ11 les relations (7.89) sont vérifiées pour tout x1 . À partir des calculs du
paragraphe précédent, on a :
   
F 1 ν ∂χ ∂ϕ
σ12 = − x22 − x23 + +C
J2 2 1+ν ∂x3 ∂x3
  (7.104)
F ∂χ ∂ϕ
σ13 =− +C
J2 ∂x2 ∂x2

et σ12 et σ13 dépendent uniquement de x2 et x3 .


Pour (7.90a), nous partons de (7.104) et :
ZZ   ZZ  
F ν F ∂χ ∂ϕ
R2 = − x22 − x23 dx2 dx3 + +C dx2 dx3 (7.105)
2J2 Σ 1+ν J2 Σ ∂x3 ∂x3

Compte-tenu de la définition (7.18) de J2 et J3 on obtient pour le premier terme :


 
F ν J3
− 1− (7.106)
2 1 + ν J2

Pour le second terme, on utilise la formule de Stokes :


ZZ   I
F ∂χ ∂ϕ F " 
+C dx2 dx3 = − χ +✚✚ dx2

J2 Σ ∂x3 ∂x3 J2 ∂Σ

Le terme en ϕ diparaît par (7.58) et on intègre le terme en χ par parties. Compte-tenu de


(7.100), on obtient :
I I I  
F F F ν
− χ dx2 = x2 dχ = x2 x22 − x2 dx3
J2 ∂Σ J2 ∂Σ 2J2 ∂Σ 1+ν 3
100 7. Problème de Saint-Venant

On utilise à nouveau la formule de Stokes :


  ZZ   
F ν F ∂ ν
x2 x22 − x23 dx3 = x2 x22 − x23 dx2 dx3
2J2 1+ν 2J2 Σ ∂x2 1+ν
ZZ  
F ν
= 3x22 − x23 dx2 dx3
2J2 Σ 1+ν
et compte-tenu de (7.18), le deuxième terme de (7.105) donne :
 
F ν J3
3− (7.107)
2 1 + ν J2
La combinaison de (7.105) et (7.107) donne alors R = F , et permet de vérifier (7.90a). La
vérification de (7.90b) est analogue :
ZZ ZZ  
F ∂χ ∂ϕ
R3 = σ13 dx2 dx3 = − +C dx2 dx3
Σ J2 Σ ∂x2 ∂x2
I I
F "  F
=− χ +✚Cϕ✚ dx3 = x3 dχ (7.108)
J2 ∂Σ J2
I   ZZ
F ν F
= x3 x22 − x23 dx3 = x3 x2 dx2 dx3 = 0
2J2 ∂Σ 1+ν J2 Σ
d’après (7.17). Il reste à écrire (7.90c). Le calcul est mené de manière similaire :
ZZ
M1 = (x2 σ13 − x3 σ12 ) dx2 dx3
Σ
 ZZ   ZZ   
F 1 ν ∂χ ∂χ
= x22 x3 − x23 dx2 dx3 − x2 + x3 dx2 dx3
J2 2 Σ 1+ν Σ ∂x2 ∂x3
D’après le calcul qui a donné (7.61), il vient :
ZZ   ZZ
∂ϕ ∂ϕ
− x2 + x3 dx2 dx3 = 2 ϕ dx2 dx3 = I
Σ ∂x2 ∂x3 Σ
de sorte que nous pouvons écrire :
F
M1 = (H − CI) (7.109)
J2
où la constante H, donnée par :
ZZ  
1 2 ν 3 ∂χ ∂χ
H= x x3 − x − 2x2 − 2x3 dx2 dx3 (7.110)
2 Σ 2 1+ν 3 ∂x2 ∂x3
dépend uniquement de la section Σ. La condition (7.90c) donne alors la valeur de la
constante :
H
C= (7.111)
I
et le champ de contraintes est parfaitement défini. Il est de la forme :
 
−(l − x1 )x2 α(x2 , x3 ) β(x2 , x3 )
F 
(7.112)

σ=  α(x2 , x3 ) 0 0 
J2
β(x2 , x3 ) 0 0
où α et β sont deux fonctions homogènes au carré d’une longueur qui dépendent unique-
ment de la section Σ.
La solution du problème de la flexion composée peut donc, comme pour la torsion,
s’obtenir par résolution de problèmes de Dirichlet, mais les calculs sont beaucoup plus
laborieux. En particulier, on peut écrire le critère de limite d’élasticité et calculer le dé-
placement, mais on ne peut pas en tirer une interprétation simple comme pour les autres
problèmes. En particulier, l’hypothèse de Navier-Bernoulli (voir paragraphe 7.1.3) n’est
plus vérifiée, les sections droites ne restent plus planes : en torsion comme en flexion com-
posée, l’apparition de contraintes de cisaillement entraîne un gauchissement de la section.
7.3. Flexion composée 101

7.3.3 Section circulaire


Si la section est symétrique par rapport à l’axe x2 alors, en prenant l’origine des
abscisses curvilignes sur l’axe x2 , on voit que la fonction χ0 définie sur ∂χ par (7.101)
prend des valeurs opposées en deux points symétriques par rapport à l’axe des x2 . Il en
résulte que la fonction χ définie par le problème (7.103) est impaire en x3 :

χ2 (x2 , −x3 ) = −χ(x2 , x3 ) (7.113)

La quantité intégrée dans (7.110) est donc impaire en x3 , H est nul, et la constante C est
nulle. On obtient pour le vecteur contrainte tangentielle sur la section droite (0, σ12 , σ13 )
la symétrie par rapport à l’axe x2 :

σ12 (x2 , −x3 ) = σ12 (x2 , x3 )


(7.114)
σ13 (x2 , −x3 ) = −σ13 (x2 , x3 )

À titre d’exemple, nous allons calculer la fonction χ et la répartition de contraintes


pour une section Σ circulaire, de rayon a. Pour calculer χ0 on écrit (7.100) :
 
1 2 ν
dχ = x − x2 dx3
2 2 1+ν 3
 
1 2 2 ν 2
= (a − x3 ) − x dx3
2 1+ν 3
 
1 2 1 + 2ν 2
= a − x dx3
2 1+ν 3
 
1 2 1 + 2ν 3
χ0 = a x3 − x
2 3(1 + ν) 3
  (7.115)
a3 1 + 2ν
χ0 = sin θ − sin3 θ
2 3(1 + ν)

Pour calculer 1a fonction χ(x2 , x3 ) nous devons trouver la fonction χ harmonique qui
prend la valeur (7.115) pour r = a. Pour cela on remarque que les fonctions

r n sin nθ = ℑ {(x2 + ıx3 )n } (7.116)

sont harmoniques pour tout entier n. On écrit alors :

sin 3θ = 3 sin θ − 4 sin3 θ (7.117)

et on peut réécrire (7.115) sous la forme :


 
a3 1 + 2ν
χ0 = sin θ − (3 sin θ − sin 3θ)
2 12(1 + ν)
  (7.118)
a3 1 + 2ν 3 + 2ν
= sin 3θ + sin θ
2 12(1 + ν) 4(1 + ν)

On utilise à nouveau (7.117) pour écrire :


 
1 1 + 2ν 3 1 + 2ν 3 3 3 + 2ν 2
χ= r sin θ − r sin θ + a r sin θ
2 4(1 + ν) 3(1 + ν) 4(1 + ν)
102 7. Problème de Saint-Venant

( ! )
1 x2
χ= (1 + 2ν) x22 x3 − 3 2
+ (3 + 2ν)a x3 (7.119)
8(1 + ν) 3
ce qui donne pour les contraintes :
 
F 3 + 2ν 2 1 − 2ν 2
σ12 = a − x22 − x
8J2 1 + ν 3 + 2ν 3
(7.120)
F 1 + 2ν
σ13 = x2 x3
4J2 1 + ν
répartition assez complexe des contraintes de cisaillement.

En particulier, on a σ13 nul sur l’axe des


x2 et sur l’axe des x3 . La répartition de σ12
sur les deux diamètres AA′ et BB ′ est re-
présentée sur les diagrammes suivants

F 1 + 2ν F
en B σ12 = = 1, 23
S 1+ν S
F 3 + 2ν F
en O σ12 = = 1, 38
S 2(1 + ν) | {z S}
pour ν=0,3

Vous aimerez peut-être aussi