La Doctrine de L'essence Chez Hegel Et Chez Leibniz
La Doctrine de L'essence Chez Hegel Et Chez Leibniz
La Doctrine de L'essence Chez Hegel Et Chez Leibniz
III (Suite)*
* Ce texte fait partie d'une etude comparative dont seules les premieres pages ont ete
publiees dans les Archive* de Philosophie, juillet-septembre 1970, t. 33, Cahier 3, pp.
547578. Le titre en est: La doctrine de l'essence chez Hegel et chez Leibniz. Le fil
directeur en est l'hypothese que le Livre II de la Wissenschaft der Logik (citee d'apres
l'ed. Lassen, Hamburg, 1963) suit la plan de l'Amphiboe dont Hegel transpose i s
propre topique les Reflexionsbegriffe. Les references a Leibniz renvoient, pour la
plupart, a l^dition Gerhardt (= P) et aux Textes inedits procures par Gaston
Grua, 2 vol., Paris 1948 (= T).
26
Par ex., pour le concept: In dem Begriffe ist die Identitt zur Allgemeinheit, der
Unterschied zur Besonderheit, die Entgegensetzung, die in den Grund zurckgeht, zur
Einzelheit fortgebildet" (256).
27
Die Reflexion an sich und die uere Reflexion sind somit die zwei Bestimmungen, in
die sich die Momente des Unterschiedes, Identitt und Unterschied, setzten" (35).
Enzykl. 116). Leibniz n'a-t-il pas commis cette faute en enon^ant le principe
des indiscernables? Hegel consulte les articles 8 et 9 de la Monadologie. Le premier
pche de deux mani^res. D'abord, si on P&ionce: toutes les choses sont
diff&entes (38), ou: tout est diff^rent, il semble contredire le principe d'iden-
tite, tout est identique a soi-meme; on Penoncerait mieux: tout est diffren-
. Et puis, il n'apprend rien, il est superflu, car dans le pluriel des choses, il
pose, sans m&Iiation, la pluralito et une diversite comptetement indetermmie
(38). L'article 9 est moins strile: il nous apprend qu'il n'y a pas deux choses
qui soient identiques Pune a Pautre: Es gibt nicht zwei Dinge, die einander
gleich sind (Hegel suit de plus prs le texte: ... il n'y a jamais dans la nature
deux etres qui soient parfaitement Tun comme Pautre). II determine la
difference en tenant compte, en meme temps, de Pidentit (qui nous permet de
compter deux) et de la non-identite (qui nous permet d'invoquer la diversit).
Mais, pas plus dans Particle 9 que dans Particle 8, Leibniz n'a su passer, par
une reflexion determinante, du different au differencie, de la difference ind-
terminee la diffrence dterminee par Punite dialectique de Pidentiti et de la
diversit: Popposition (40). II va s'ensuivre, on le devine, que ni dans Popposi-
tion, ni dans la contradiction, ni dans la raison s ffisante ramenee . un simple
vrai immediat (65) Pautodtermination du Begriff ne fera valoir les droits du
n^gatif. On en revient toujours au meme reproche: Leibniz n'echappe pas a
Pintellectualisme. A coup s r, Spinoza, en vanouissant toute dtermination
reflexive dans la substance, en bornant la nigation au travail de limitation au
Heu de la considirer comme relation de diffrence, de position ou de mediation
(Unterschied, Gesetztsein, Vermittelsein) tombe dans le defaut d'une pensee
exterieure, plus encore que Leibniz qui a, du moins, la merke de faire de la monade
une unite douee de Reflexion in sich (167168; Enzykl. 116). Toutefois cette
Reflexion n'a pas Pactivit constitutive du Ich denke, du Begriff; la monade ne
se limite pas, ne s'individue pas elle-meme (167, 168); eile est, nous Pavons dit
plus haut 27b ' s un objet pens plutot qu'une substance pensante, et c'est pour-
quoi, la causalite substantielle disparaissant, on doit presupposer une harmonie
preetablie par Dieu, du dehors (364). Leibniz a decouvert Pidie, de la plus haute
importance, que les changements de la monade sont des actions pures (als passivi-
t'dtlose Aktionen) tir^es de son propre fonds, et que Pon doit tenir pour essentiel
le principe de reflexion en soi, c'est- -dire d'individuation. De meme a-t-il
heureusement montro la necessit cPunir la finitude du contenu a Pinfinitude de
la forme. Mais il n'a pas compris la nature de la reflexion (die Natur der Refle-
xion) en tant que ^gativite. Ds lors, voi& la monade incapable de poser ses
propres changements et d'etre creatrice. Et comment se differencie-t-elle d'une
autre? Comment se rapportent-elles i Pabsolu divin ou leurs limitations
s'evanouissent (verschwinden)^ Prisonnier des trivialitis dogmatiques, Leibniz
n'a pas su donner au principe d'individuation une ^^ plus approfondie
27bls
Archive* de Ph osophie 33 (1970), p. 555.
(seine tiefere Ausfhrung). Pour r&umer d'un mot cette page (168), il n'a pas su
voir quc le non de la diffirence itait inclus dans Pidentit comme teile. En ne
s'appuyant pas sur le concept rflexif de la Verschiedenheit tel qu'il est expos
dans YAmphibolie, Hegel n'a pas . recourir, comme Kant, \ la consideration du
sensible et du spatial, pour critiquer le principe des indiscernables; en ce sens, il est
plus fidile i Leibniz qui lui-meme par exemple dans les Nouveaus Essais, II,
xviii He itroitement l'indiscernable et Pindividuation. Riflexion, auto-
position (ihr eigenes Setzen, 168), individuation, criation, autant de termes qui
s'alignent dans la perspective hglienne. Quel est le point focal de cette per-
spective? La gnralisation de l'argument ontologique, qui interdit de s^parer,
de Petre ou de Pessence, Pexistence. II en r&ulte que les contradictions de
Pexistence sont int&rieures . Petre ou . Pessence; ou, pour en revenir .
l^nonco fondamental de la critique des indiscernables, que le non de la diff-
rence est intirieur Pidentiti. Ce non est la reflexion elle-meme qui ne se pose
qu'en s'opposant, et qui, par cette position opposante ou Pinverse, s'individue
et se cr^e. L'elaboration plus profonde du principe d'individuation et consist
tenir compte de ce non; Leibniz et reconnu que si le gneral (abstraction de
Pentendement) tait siparable du singulier, Puniversel concret (PEtre) ne
Pitait pas, et que ce n'^tait pas seulement en Dieu qu'il comcidait avec le
singulier. Et, du coup, il efit avou qu'il n'y avait pas de coupure, pas de
dualisme, entre Pincreo et le cree, la creation etant le perpetuel jaillissement de
PEtre hors de lui. Tout autre la perspective leibnizienne. Son point focal est la
creation ex nihilo qui surajoute Pexistence Pessence. Ds lors, les deux philo-
sophies ne sauraient etre congruentes. La reflexion ne semble avoir de puissance
existificante que pour Dieu. Dieu seul est individuant, et selon une doctrine de la
creation, qui n'est pas celle de Hegel. Car Hegel participe la doctrine romanti-
que de la creation, teile, mutatis mutandisy que Kant Pannonce aux 4647
de la Critique de la faculte de juger, inspire sans ^ , naturelle, productrice
des arts et trang re aux abstractions scientifiques qui appartiennent Pingenio-
site imitatrice du savant. Leibniz, lui, associe Pintellectualisme (classique) de la
criation combinatoire au volontarisme de Vex nihilo. On doit donc, diez lui,
distinguer deux moments de Pindividuation. Dans le premier d^crit par la
Correspondance avec Arnauld et le De rerum originatione radicali Pindivi-
duation n'est encore rien d'autre que la dtermination combinatoire de la
notion comptete, par o un Adam vague se change en tel ou tel Adam qui n'a
son identique en aucun des mondes possibles; et, d'une fagon gnerale, dierdier
en un monde possible, existentiable, deux notions comptetes identiques serait aussi
contradictoire que de vouloir sur une seule courbe deux points de memes coordon-
5. Ainsi Hegel commet un contre-sens quand il admet que la monade puisse
etre indifferente composer un objet avec d'autresmonades(361362).C'estalors
que, se souvenant peut-etre trop des monadologies physiques ou prenant trop la
lettre Pexpression de mcanisme m^taphysique, il chosifie trop la monade, il
Patomise, il n'entend par indifference (Gleichgltigkeit) que la cloture sans
Leibniz ne le conteste pas, qui : Nibil est quod nominari potest, cogitari non
potest, ut Blituri... (op. 255); le mystre subsisterait si la cr^ation continuee
comportait un vinculum substantiale assurant la liaison physique (et non plus
ideale) des monades ou de certaines monades entre elles (P. VI, 596), et, de toute
manire, un operari cr^ateur ichappe a un esprit fini. Tandis que, chez Hegel, la
cr^ation a pour principe l'etre et le niant, eile part, chez Leibniz, de l'alter-
native l'etre OH le neant, et le th^ologien de la Theodicee n'aurait jamais
accept d'en conclure qu'il dbochait ainsi sur le pantheisme des Eleates ou de
Spinoza (I, 6869).
Avec l'opposition et la contradiction, nous passons a la qualite. Ce passage est
dialectique: le rep^terons-nous? il n'y a pas chez Hegel, comme chez Kant
dans la mesure ou Hegel a raison de le lui reprocher juxtaposition empirique
des catgories, et, ici, nous avons toujours affaire a une determination progressive
et continue de l'essence. Cette continuite entre la quantW et la qualite se marque
tout de suite dans la difinition du Gegensatz: Er ist die Einheit der Identit t
und der Verschiedenheit... (40); eile se poursuivra dans l'enchainement du
Gegensatz au Widerspruch, car, pour citer le philosophe qui, apres et d'apr^s
Aristote, donc aprs et d'apr^s Hegel, a le mieux medite sur cette question, pour
citer Hamelin, l'opposition, teile que nous la cherchons, doit etre a la fois
essentielle et distincte de la contradiction30. Qu'avec le Gegensatz et le Wider-
spruch correspondant a V Einstimmung et au Widerstreit de l'Amphi-
bolie nous passions a la qualite, cela ne peut faire aucun doute, car nous retrou-
vons, dans cette reflexion de l'etre sur lui-meme ou se determine l'essence,
ce qui nous a iii dit de l'etre au debut de la Logique. Ce qui a change depuis
ce debut tout abstrait, tout immediat, et le moment o nous en sommes, c'est que,
maintenant, nous traitons de la determination d'un contenu, qui implique le
travail unificateur de la mediation. Or, il nous tait dit de l'etre la fois qu'il
s'identifiait au neant et qu'il n'etait pas sans diffirence (Ununterschiedenheit,
I, 67) avec lui, chacun disparaissant dans son contraire (jedes in seinem Gegenteil
verschwindet). Pr^cisons. En les considerant comme quelque chose de reel (wirk-
lich), on peut concevoir Tetre comme le positif, le neant comme le negatif, le
positif etant l'etre pose, reflechi, le negatif tant le neant pose, reflechi (als
Positives und Negatives aufgefa t, jenes das gesetzte, reflektierte Sein, dieses das
gesetzte, reflektierte Nichts, I, 6970). Etre et neant s'unifient dans le devenir
en une unite qui ne resulte pas d'une comparaison, mais d'un mouvement o
s'affirme le rapport des deux termes (das Affirmative der Beziehung des Ganzen,
I, 77). Une derni^re pricision: vaut-il mieux parier de neant (Nichts) ou de non-
etre (Nichtsein)? Hegel repond que, en commen^ant par le plus abstrait, neant
est preferable, car non-etre enveloppe un rapport d'opposition avec \yetre, qui
serait dja plus concret (I, 68). Nous avons beaucoup souligne. C'est que les mots
80
O. Hamelin: Essai sur les elements principaux de la representation, 2eme ed., Paris
1925, p. 14. Et, pour mieux le comprendre, se reporter a son Systeme d'Aristote,
Paris 1920, IXeme Lefon.
31
Cahiers sur la dialectique de Hegel, trad. H. Leftbre, Norbert Guterman, nouvelle
idition revuc, Paris 1967, p. 191.
31bis
Ardiives de Philosophie 33 (1970), p. 570.
A Carl Leonhard Reinhold, 12 mai 1789, id. Cassirer, t. IX, p. 400. C'est par le
principe de raison s ffisante que va s'ouvrir le diap. III du Livre II de la Wissenschaft
der Logik.
29 Kant-Studien 63
Panalogie, puisque nous convcnons avcc Dieu dans le meme rapport (Nouveaux
Essais IV, v, 2), n'admettent que Pessence reelle nous soit totalement inconnais-
sable. Nianmoins, c'est ici que commencent leurs divergences. Leibniz considre
Pessencc, tantot (surtout avant le criation) sparment de Pexistence, tantot
conjointcment i eile. Dans le premier cas, il adopte tantot le point de vue du
rialisme en inslstant sur le rel des essences et de leurs rapports dans Pentende-
ment souverain, tantot le point de vue de Pide^alisme lorsque ces essences se
projetent en notre entendement.* Parle-t-il en realiste? toutes les formes simples
tant compatibles entre elles, la ne'gation, se donnant comme limitation objectale,
cache son activiti subjectale; et Petre, limitant ou limite, exclut de soi le neant.
Parle-t-il en id^aliste? Alors la projection du rel en notre entendement se pre-
te au langage du logicien: Opposition, contradiction deviennent des proprietes
logiques dans le traitement des propositions, c'est-i-dire, avec les classiques, des
jugements33. Or, Hegel fait la remarque gnrale que, sous forme de jugement, la
proposition n'est pas apte . exprimer les verites sp culatives; le jugement est un
rapport d'ident^ (eine identische Beziehung) entre sujet et predicat, ou Pab-
straction laisse oublier que le sujet a bien d'autres dterminites que predicatives,
et qu'il a moins d'extension que le predicat; au contraire, parce qu'elle est
attentive au contenu, la pensee speculative maintient, parmi les elements essentiels,
la non identit du sujet et du predicat, ce qui Pentraine se mouvoir entre des
incompatibles (I, 76). A coup sr, s'il s'est explique sur Tindividuation du sujet
par ses pr^dicats, Leibniz ne s'est pas explique sur le singularisation du predicat
par le sujet et Tun suffisait-il sans l'autre? comme Hegel quand il explique
que si la rose est odorante, c'est de Podeur, precisement, de la rose (276). Certes,
Leibniz accorde que le sujet a d'autres determinites que p^dicatives, puisque,
substrat des predicats, il situe une rea^ qui, par abstraction, serait elle-meme
sans predicats (aussi est-elle inconcevable et equivalente au Nihil, op. 25234), mais
Pauteur des Nouveaux Essais (II, xxiii, 2) ne songe meme pas, ici, a Pidentifica-
tion de Petre et du niant, par oii commence, au plus abstrait, la Science de la
logique; Leibniz aurait pu encore accorder que la loi serielle est irr^ductible a une
somme de predicats, cependant il ne le dit jemais clairement, parce qu'il prend
pour synonymes inesse et predicatif. Ds lors, la negation ne saurait etre que
Pabsence d'un pridicat: preadicatum non inesse subjecto (Op. 62), le non se
caract risant par la propriete logique de s'annuler en se redoublant en non-non
(Op. 252, 262). Quant a Porigine du non, on ne peut la diercher ni dans le
t, qui n'a pas de proprietes, ni dans Petre, pur positif ou le neant intro-
33
Encore que Leibniz aperjoive fort bien la diffrence entre Pacte intellectuel et Pacte
linguistique. Par exemple: Fieri potest, ut terminus <a parte rei> positivus sit negative
expressus, ut infinitum (quod idem est ac absolut^ maximum), item ut negativus sit
positiv^ expressus, (ut peccatum, quod est anomla) (Op. 67).
34
C'est ici que le Nihil fait penser au zro logique, terme contenu dans tous les autres
en extension, plutot qu'avec l'adage scolastique: Non-Entis nulla esse attributa,
par Leibniz (op. 252), et comment par L. Couturat, Log. p. 348, n. 2.
29*
Tinfini zum Inbegriff aller Negationen (61). Au Dieu de Leibniz on doit preferer
cclui de Boehme35. La n^gation-limitation doit avoir pour principe la negation
d&erminante. En d'autres termes, tandis que Leibniz, a partir des rJgles for-
melles de la logique, exclut le contradictoire (selon ces rgles), d'abord priori-
tate logica de l'essence isolee, puis de l'ensemble des essences, ce qui revient
a faire du possible la condition du compossible36, Hegel interiorise le contradictoi-
re parce qu'il l'a d'abord $ dans le rapport des opposes (51) et qu'ainsi le
compossible devient la condition du possible. Compte tenu de cette double per-
spective, pour Leibniz est impossiblece qui implique contradiction; pour Hegel, est
impossible ce qui n'implique pas contradiction.
Cependant, Leibniz considfcre aussi l'essence conjointement a l'existence. Dieu
projette en quelque mani^re hors de lui Dieu seul est l'objet immediat de nos
perceptions qui existe hors de nous (P. II, 14), et c'est ce que signifie le mot
transcendance la pensee des individus dont il a la notion complhe et qu'il a
choisi de cr^er. Puisque la notion est complke, il ne peut y avoir qu'une confor-
mite comptete entre l'essence et l'existant, il ne peut y avoir rien de plus dans
l'existence que dans l'essence, sauf l'existence meme. Separe-t-il les essences
dans les propositions ou elles s'expriment, Leibniz ne cherche pas le passage de
l'opposition a la contradiction, il se contente d'opirer sur le carre logique AEIO.
Surajoute-t-il l'existence a la possibilite que propose Pessence (Nouveaux Essais
III, iii, 15), la proposition change de nature logique: alias esse propositiones quae
pertinent ad Essentias, alias vero quae ad Existentiam rerum (op. 18). Leur diff-
rence ontologique consiste en ce que les secondes seules dependent du choix divin,
de la volonte une, indecomposable, qui c^e et continue s creation. Alors, comme
si l'on tenait enfin la preuve experimentale de la doctrine definitoire de l'indi-
vidu chez Aristote, le principe de continuite reussit en geometrie et en physique
(P. III, 52), surtout depuis que Panalyse infinitesimale nous a donne le moyen
d'allier la Geometrie avec la Physique et que la Dynamique nous a fourni les
lois geniales de la nature (Nouveaux Essais IV, iii, 26). L'analyse des propo-
sitions existentielles n'est pas terminable parce qu'elles traduisent l'infini con-
cret de l'existence. N'est-ce pas se rapprocher de Hegel? L'existence semble
resoudre par le devenir l'alternative A ou B: le temps s'y fait duree, l'espace,
etendue. On ne s'en tiendra plus desormais au principe des homogenes, on utili-
sera le principe des homogenes selon lequel, par un changement continu, un genre
se transforme, pour ainsi dire, dans l'espace oppos^e in quasi speciem oppo-
sitam, M. VII, 25 , dans une esp ce de son contradictoire (M. IV, 93), il dis-
prait dans l'autre et cet in alterum... abire (M. VII, 20) ne peut que rappe-
ler le verschwinden I^gilien. II s'ensuit ut in continuis extremum exclusivum
35
Hegel a bien dit de Leibniz: Er behauptete das Denken gegen das Englisdie Wahr-
nehmen, gegen das sinnlidie Seyn das Gedadite, als das Wesen der Wahrheit, wie
Bhme frher des Insidiseyn" (Gesc/cfefe der Philosophie, Glodtner, 1.19, p. 449). Mais
ce rapprodiement ne diange rien a ce que nous disons ici.
88
Voir notre Leibniz critique de Descartes, p. 379 ssq.
tractari possit ut inclusivum (M. V, 385), ce qui inclinerait a laisser croire que,
comme chez Hegel, positif inclut aussi son negatif. On de*passe le tlers exclu37.
Avec le temps, est homogene tout diangement dofini a la maniere d'Aristote
(Nouveaux Essais III, iv, 9), qu'il s'agisse de mouvement local, de gense,
d'accroissement ou de dcroissement, d'alteration. Ne convient-il pas de
reprendre ce que Hegel nous a ^ tout a Pheure sur le nisus de la monade?
D'une manire gen^rale, en mecanique ou chez les organismes, la notion de
nisus s'inscrit dans la these que Petre est indentique au mouvement et que le
repos, s'il existait, serait identique au neant; or, le repos est homogone au
mouvement; donc a partir de et non vers Pexistence, on conclurait que le
n&nt (qui, pas plus que le repos n'existe absolute) est Phomogone de Petre.
Et cette conclusion ramenerait, une fois de plus, vers Hegel. Certainement, Hegel
ne s'est pas apergu que ce n'est pas au chapitre du Mecanisme, ou il la critique
, qu'il traite le mieux de la monade il Pinterprere alors a travers
les monadologies physiques mais au chapitre sur la vie, la vie de Pesprit (das
logische Leben, 415), ou, sans Pinvoquer, il decrit assez exactement la monade
spirituelle: me ou unite dans une multiplicite (eins in der Mannigfaltigkeit), donc
rattachee a la perception, substance immanente a s propre objectivite*, qui, selon,
a la fois, la le^on aristote*licienne de la definition par genre et difference specifi-
que, et la legon de Pontologie spinoziste, unit, dans la tendance universelle
perseverer dans son etre, l'espece au genre qu'elle habite (416417). Aidons-
nous des mathematiques: le principe des homogones ne cesse d'y r^soudre le con-
flit des contraires et des opposes, per exemple: de Yinfini et du fini par la
sommation d'une serie convergente, ou de Pinfini et du z^ro par Paccroisse-
ment continu d'un dnominateur; de Vun et du multiple, lorsque le multiple du
triangle caracteristique s'evanouit dans Punicite du point caracteristique ou
qu' Pinverse, dans Pintegration, le point caracteristique s'^panovit en triangle
caractristique; de l'impossible et du possible, car, rsume Couturat, les op^ra-
tions parfois impossibles donnent naissance a des objets dont la construction est
possible, ou dont Pinterpretation se trouve dans la nature: nombres negatif s...,
fractionnaires, incommensurables, imaginaires,... (op. 350). Sans accumuler les
exemples, il est manifeste que le principe de continuite homogonale ne s'applique
aussi bien a la nature et a la geometrie, que parce qu'il introduit le mouvement
dans la ge*ometrie, les infinWsimales n^tant pas des quantitis, mais des mouve-
ments evanouissants; en d'autres termes, il formalise une logique du devenir.
Hegel ne s'y est pas trompe*: il reconnait ici une dialectique dont le caractere
speculatif detruit les objections contre les infinWsimales; il suffit de comprendre
que ces dernires se dfinissent par leur disparaitre lui-meme (in ihrem Ver-
schwinden, Leibniz disait en latin abire), qu'elles ne sont pas des e*tats (Zu-
standen), mais des passages ou s'exprime bien de Petre et du non-etre;
et de conclure: Les mathimatiques doivent leurs plus eclatants succes a Paccep-
37
Voir notre Leibniz critique de Descartes, p. 334 ssq.
IV
Pour toutes sortes de motifs, Kant n'a pas, dans l'Amphibolie, a faire intervenir
le principe du Grund (qu'on nous permette de suspendre la traduction) et de lui
consacrer une n^ditation particuliere qui s'ajouterait aux quatre groupes de
divin41, tant que Pargument ontologique n'aura pas garanti par une
d<5finition reelle de Dieu42; mais Hegel reste dans Pimmanence de Puniciti
absolue de Petre, tellement que Pargument ontologique est a ses yeux irrefutable
et que Pintervention d'une volonte creatrice lui semble superflue et inintelli-
gible. Du coup, Hegel parait maintenant revenir vers Kant, en particulier vers
rAmphibolie o ni la c^ation, ni la divine n'ont a intervenir, et peut-
etre n'y a-t-il de raison sffisante que pour une volonte finalisante; or, si
rAmphibolie se situe a la fin de l'Analytique, theorie de Pentendement (Ver-
stand)^ n'est-ce pas au meme niveau, dans Pascension vers le concret, que se
ditermine le Grund, en attendant qu'au niveau superieur de la logique subjective,
celui de la Vernunft, on accede a la teleologie?
Que, des le debut du diapitre sur le Grund, la Remarque (6566) s'attache
explicitement au principe leibnizien de raison 'Suffisante Alles hat seinen zu-
reichenden Grund... pourrait bien n'avoir d'autre objet que de se debar-
rasser d'abord de cette Sffisance et des querelles qu'elle n'avait cesse de
soulever au XVIIlme sicle. Jetons un regard en arrire.
Leibniz a trs peu employe, et seulement au terme de s carriere dans les
Principes de la Nature et de la Grce, aux 78, dans la Monadologie, au 36,
dans la Correspondance avec Clarke P VII, 356, etc. Pexpression de raison
sffisante; il ^petait qu'il faut rendre raison, que rien n'est sans raison,
et la Theodicee, 44, invoque une raison determinante. Sous quelque expres-
sion que ce fut, il s'agisssait toujours de la raison de Pexistence. C'est Wolff
qui a vulgarise et, Voltaire, ridiculise dans Candide la raison sffisante:
au 117 de son Ontologia, il prefere sffisante a determinante parce qu'il y voit,
d'abord, la possibilit d'une graduation analytique de le Sffisance ce qui
repond assez bien a la doctrine leibnizienne de la definition, au moins nominale43
et qu'en outre ce terme peut conjurer le reproche de fatalisme ou, mieux, de
necessite spinoziste auquel inviterait d ternlinante. $ s Dissertatio de usu
et limitibus principis rationis determinantis.vulgo sufficientis (1743) que dis-
cutera, avec la plus grande estime, Kant, dans la Nova dilucidatio dont la Section
II a pour titre: De principio rationis determinantis, vulgo sufficientis Crusius
avait, contre Wolff, avanc l'argument qu'il reprend dans ses oeuvres ult^rieu-
res44: le principe leibniziano-wolfien prouverait aussi bien Pexistence du Dieu de
Spinoza que d'un Dieu transcendant mais non createur (E, 206). Reservons ce
principe a la causalite libre (E, 84), encore que rgle sur les lois de la logique et
41
Principes de la Nature et de la Grace, 8: Or cette raison sffisante de Pexistence de
Punivers ne saurait se trouver dans la suite des choses contingentes... Cf. De rerum
originatione, P. VII, 302.
45
Thiod., 44; Nouveaux Essais IV, x, 7, P. V, 418419.
43
Par exemple, dans les Meditationes de Cognitione, Veritate et Idaeis, P. IV, 422;
Confusa (notio), cum scilicet non possum ad rem ab ais discernendam sufficientes
separatim enumerare .. .>
44
Nous citons, les nombres renvoyant aux , d'apres E = Entwurf der notwendigen
Vernunft-Wahrheiten; W = Weg zur Gewiheit und Zuverlssigkeit (Olms, 1964, 1965).
47
Der teleologisdie Grund ist ein Eigentum des Begriffs und der Vermittlung durdi den-
selben, weldie die Vernunft ist" (66).
48
Reduire la raison s ffisante la simple ou mere de Dieu, ce serait soutenir
que Dieu veut quelque diose, sans qu'il y ait une raison s ffisante de s volont contre
l'Axiome, ou la rgle gnrale de tout ce qui arrive (Troisi^me Ecrit a Clarke,
7, P. VII, 364365).
30 Kant-Studien 63
conditions: alors, la chose est produite a Pexistence (9899). La chose est avant
d'exister: eile est par Petre infond d'une essence inconditionne'e, puls par la
mise en Situation qui la conditionne et la fonde de cette essence, le Dasein;
eile existe par l'lllment de Petre qu'est le devenir (99). La chose devient et
advient a partir de son fondement qui, en se posant, se supprime. II ne subsiste pas
(er bleibt nicht zur ck) comme quelque chose de distinct du (als ein Ver-
schiedenes vom Begr ndeten); s rflexion en soi est reflexion en un autre; il coule
i fond dans Pmergence de la chose (100).
Ici encore nous n'essaierons pas d'expliquer pourquoi, dans l'Encyclopedie,
le mot de condition n'est meme pas prononci aux paragraphes 121 et 122 sur le
Grundy la question itant 5$, apres Pav^nement de Pexistence, aux para-
graphes 147148, dans la catigorie de la Wirklichkeit, en relation avec la chose
(das Ding): tout se passe donc comme si la Bec/mgung, rapprochie de das Ding
etait chosifiante, alors que dans notre Logique, eile serait plutot existificante. Pour
en rester , la Logique, inutile d'insister sur ce que nous savons dj : il n'y a pas
chez Leibniz de midiation conditionnante, mais une combinatoire des possibles se
proposant a une ; la condition n'est pas un Dasein determine par le
devenir vers Pessence, c'est, primitivement, le Situs qui, Pinverse, ditermine
Pessence avant son entre dans le devenir, puis dans ce devenir; la rigression ,
Pinfini du conditionnement, qui sous la plume de Hegel est une critique de Kant
et du faux infini, n'est chez Leibniz ni un manque, ni une faiblesse, eile difinit,
meme en Dieu, Pinterminabilit de Panalyse des existentiables, puis des existen-
ces; Pinfini ne se pose pas en fini, il le cre*e, et c'est d'ailleurs pourquoi le
fondement subsistera derriere le fonde\ II faut donc souligner dans le Systeme
leibnizien: Petre absolu n'implique pas le devenir, non, il le cre; il ne se dter-
mine pas, non, il dtermine; son activite n'est pas celle d'une forme, non, ii cree
les formes existentielles. Chez Leibniz, chez Hegel, pas chez Kant le
probl^me du conditionnement existentiel est trait en termes de criation; mais,
chez Leibniz, le seul existificans des monades eternelles ou imprissables
c'est Dieu qui est sans existery et les monades ne sont les conditions que de leurs
!65, ce que, du reste, Hegel approuve, tout en regrettant que ces sub-
stances soient cres. Nos deux philosophes s'entendent textuellement sur le
principe: De Existentia. Requisitium est sine quo res esse non potest, aggrega-
tum omnium requisitorum est causa plena rei>, ce qui equivaut au principe de
raison, quia nihil est sine aggregato omnium requisitorum (T, 267). Mais ce
principe se traduit, en quelque sorte trois fois chez Leibniz: en Dieu o les condi-
tions des essences ne se confondent pas avec les conditions d'existence, la raison
d'exister ne se rialisant que par un motif d'exister; un un existant, ovi la totalW
des rquisits est la notion comptete (essence ou nature); dans Pagr^gat des exis-
tants, o , par le jeu de la corrilation ideale de Pactif et du passif, la condition est
Pharmonie universelle priitablie. En Dieu, comme dans Pagrdgat des existants,
Pentr'expression conditionnante s'opere sur une multipliciti infinie, il n'y a
pas de rflexion en soi qui n'implique la riflexion en les autres. Du dehors, Cela
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