45121440petrologie Sedimentaire PDF

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Universit de Lige

Facult des Sciences


Dpartement de Gologie

Elments de Sdimentologie
et de Ptrologie
Ptrologie sdimentaire

Enclos entre les falaises sonores,


d'onde en onde, les galets chantent
d'anciennes mlopes qui enchantent
d'pres dieux oublis et les honorent...
Cortges de galets multicolores,
de chocs en chocs, ils voluent
vers une perfection dj rvolue
que chaque vague aussitt colore.
Rseau fluviatile en tresse (Peonera, prs Alquesar, Espagne), FB.

Table des matires

I. AVERTISSEMENT
II. INTRODUCTION
o LES ROCHES SEDIMENTAIRES
o L'ETUDE SEDIMENTOLOGIQUE: REMARQUES GENERALES
III. LES SEDIMENTS DETRITIQUES
o INTRODUCTION
o SABLES, GRES ET CONGLOMERATS
 LES GRES
 Gnralits
 Composition minralogique
 Granulomtrie
 Classification
 LES SABLES
 CONGLOMERATS ET BRECHES
 Composition
 Texture
 Classification
o LES SEDIMENTS ARGILEUX ET SILTEUX
 COMPOSITION
 CLASSIFICATION
o LES ENVIRONNEMENTS DE DEPOT DES ROCHES DETRITIQUES
 ARGILES ET SILTS
 Sdiments rsiduels
 Sdiments dtritiques
 Sdiments d'origine volcanique
 SABLES ET GRAVIERS
 Dpts de cnes d'boulis
 Dpts oliens
 Dpts fluviatiles
 Dpts ctiers
 Les tempestites
 Dpts de plate-forme
 Dpts de bassin
 Les tsunamites
IV. LES EVAPORITES
o INTRODUCTION
o EVAPORITES CONTINENTALES
o EVAPORITES MARINES PEU PROFONDES
o EVAPORITES PROFONDES
o DIAGENESE
V. LES SEDIMENTS SILICEUX
o INTRODUCTION
o PETROGRAPHIE
o GEOCHIMIE
o CHERTS ET SILEX LITES
o CHERTS ET SILEX NODULAIRES
o SILICITES NON MARINES
VI. LES PHOSPHORITES
o INTRODUCTION
o CLASSIFICATION
VII. LES SEDIMENTS FERRIFERES
o INTRODUCTION
o GEOCHIMIE ET PETROGRAPHIE
o FORMATIONS FERRIFERES PRECAMBRIENNES
o FORMATIONS FERRIFERES PHANEROZOIQUES
o FORMATIONS FERRIFERES ACTUELLES
 FER DES MARAIS
 NODULES POLYMETALLIQUES
VIII. LES GRANDS ENVIRONNEMENTS DE DEPOT DES CARBONATES
o INTRODUCTION
o LE DOMAINE CONTINENTAL
 CARBONATES LACUSTRES
 TUFS ET TRAVERTINS




GROTTES
CALICHES, CALCRETES
LE DOMAINE MARIN
 LES PLATES-FORMES CARBONATEES TEMPEREES
 LES PLATES-FORMES CARBONATEES TROPICALES
 Les facteurs du milieu
 Les grands environnements de dpt
 Critres de caractrisation des milieux de dpt
 LE TALUS
 LE BASSIN

IX. DESCRIPTION ET INTERPRETATION DES PALEOENVIRONNEMENTS CARBONATES


o CLASSIFICATION DES ROCHES CARBONATEES
 Classification de Folk
 Classification de Dunham complte par Embry & Klovan et Tsien
o DESCRIPTION DES PALEOENVIRONNEMENTS CARBONATES
o LES MICROFACIES STANDARDS DE WILSON-UN MODELE DE PLATE-FORME CARBONATEE
o LE MODELE DE RAMPE
o INTERPRETATION DES PALEOENVIRONNEMENTS CARBONATES
X. TAPIS ALGAIRES, STROMATOLITHES & Co
o TAPIS ALGAIRES ET STROMATOLITHES ACTUELS
 INTRODUCTION
 CLASSIFICATION ET DESCRIPTION
 Les stromatolithes s.l.
 Les oncolithes
 QUELQUES CARACTERISTIQUES DES STROMATOLITHES
 Biologie
 Origine de la lamination
 Ecologie
o TAPIS ALGAIRES GIVETIENS
XI. LES RECIFS
o GENERALITES - TERMINOLOGIE
o STABILISATION - MINERALISATION
o EVOLUTION AUTOGENIQUE - EVOLUTION ALLOGENIQUE
o LES RECIFS DANS L'HISTOIRE GEOLOGIQUE
o RECIFS ALGO-CORALLIENS DES EAUX SUPERFICIELLES TROPICALES
 INTRODUCTION
 GENERALITES: MORPHOLOGIE DES RECIFS ACTUELS
 UN EXEMPLE: LES ATOLLS
 Quelques dfinitions: atolls, les hautes carbonates
 Fonctionnement
 UN AUTRE EXEMPLE: LE RECIF BARRIERE
 Rle des paramtres physiques sur la rpartition et la morphologie des coraux
o BIOCONSTRUCTIONS A CORAUX AHERMATYPIQUES
 LES LITHOHERMES
 LES MONTICULES CORALLIENS PROFONDS
 Exemple des Bahamas
 Critres de reconnaissance des monticules rcifaux profonds dans l'histoire gologique
 Exemple des monticules de l'Atlantique nord
 Critres de reconnaissance des monticules profonds lis au dgazage
o MONTICULES WAULSORTIENS
o MONTICULES MICRITIQUES FRASNIENS
o BIOSTROMES GIVETIENS
XII. LES SEDIMENTS ORGANIQUES
o INTRODUCTION
o LES SEDIMENTS ORGANIQUES ACTUELS
o LES SEDIMENTS ORGANIQUES ANCIENS
o LES CHARBONS
o LES SCHISTES BITUMINEUX
o LE PETROLE
XIII. DEPOTS VOLCANO-SEDIMENTAIRES
o INTRODUCTION
o ROCHES PYROCLASTIQUES
o AUTRES DEPOTS VOLCANO-SEDIMENTAIRES
o DIAGENESE DES DEPOTS VOLCANO-SEDIMENTAIRES

Lexique de gologie sdimentaire

I. Avertissement
Ce cours fait suite au cours de "Processus sdimentaires", centr sur l'tude des processus d'altration,
rosion, transport, dpt, diagense. L'optique ici est d'identifier les diffrents types de roches
sdimentaires et de comprendre leur gense et le contexte palogographique de cette gense.
Puisqu'en sdimentologie comme en bien d'autres domaines mieux vaut avoir la tte bien faite que bien
pleine, ces notes ne se veulent certainement pas encyclopdiques. Si elles couvrent brivement
l'essentiel des types de sdiments et de roches sdimentaires, une certaine accentuation est mise sur le
monde des carbonates. J'ai en effet choisi de traiter plus en dtail les bioconstructions, qu'elles soient de
type rcifal, microbien ou algaire. Ces bioconstructions diffrent par leur gomtrie, les communauts
organiques qui les difient, leur mode de stabilisation et la source d'nergie primaire utilise (soleil,
matire organique, mthane,...). Outre leur intrt intrinsque, le choix d'illustrer particulirement les
bioconstructions est justifi par le fait que nous en possdons, en Belgique, de multiples et splendides
exemples palozoques.
L'approche thorique sera complte, au cours des travaux pratiques, par l'tude de lames minces et par
des journes d'excursion (ces excursions correspondent aussi au cours de gologie rgionale).
Enfin, chaque chapitre est suivi d'une slection bibliographique ("pour en savoir plus"). La lecture de
certains de ces ouvrages, suivant l'intrt personnel, est recommande.
Pour en savoir plus:
Quelques ouvrages gnraux de sdimentologie:

H. Chamley, 1990. Sedimentology. Springer-Verlag, 285 pp. Un bon ouvrage, clair et prcis, centr plus sur les sdiments
dtritiques que sur les carbonates. Pas de photographies, mais de bons schmas.
I. Cojan & M. Renard, 1999. Sdimentologie. Dunod, 418 pp. Un bon ouvrage rcent (en franais) de sdimentologie
intgrant les derniers dveloppements (analyse squentielle, diagense, etc.). Pas de photographies, mais de bons schmas.
D. Prothero & F. Schwab, 1998. Sedimentary geology (an introduction to sedimentary rocks and stratigraphy). Freeman &
Co, 422 pp. Trs bel ouvrage, rcent, bien illustr de schmas et photographies.
H.G. Reading, 1996. Sedimentary environments: processes, facies and stratigraphy. Blackwell, 688 pp. Bon ouvrage, trs
complet.
M. Tucker, 2001. Sedimentary petrology (3rd edition). Blackwell, 262 pp. Une des meilleures introduction la ptrologie
sdimentaire, bien illustre.

II. Introduction
LES ROCHES SEDIMENTAIRES
Les roches sdimentaires font partie inhrente du cycle gologique, puisque leurs constituants (grains
ou ions solubles) rsultent de l'altration de roches ou de sdiments prexistants, que ces constituants
ont subi un certain transport et qu'ils se sont dposs ou ont t prcipits dans un bassin de
sdimentation. L'volution post-dpt de ces sdiments (diagense) les transforme en roches
sdimentaires. Ces roches peuvent subir un mtamorphisme et tre leur tour soumises l'altration
lors de leur passage la surface des continents.
Il est possible de classer les roches sdimentaires en quatre grandes classes gntiques:
- les roches dtritiques: elles sont formes de particules minrales issues de l'altration de roches
prexistantes. Comme il s'agit de matriel issu des continents, on les appelle aussi "terrignes". Ces
particules sont transportes par l'eau, la glace, le vent, des courants de gravit et se dposent lorsque la
vitesse de l'agent de transport diminue (ou lors de la fonte de la glace). Lorsque les roches dtritiques
sont essentiellement constitues de fragments de quartz, on les appelle aussi "siliciclastiques". Les
roches dtritiques sont gnralement classes en fonction de la granulomtrie de leurs constituants
(conglomrats, grs, siltites, argilite, voir ci-dessous). Elles forment prs de 85% de l'ensemble des
roches sdimentaires;

- les roches biogniques, biochimiques ou organiques: elles sont le produit, comme leur nom l'indique,
d'une activit organique ou biochimique. L'altration fournit, outre les particules solides entrant dans la
constitution des roches terrignes, des substances dissoutes qui aboutissent dans les mers, les lacs et les
rivires o elles sont extraites et prcipites par des organismes. Dans certains cas, l'action des
organismes modifie l'environnement chimique et le sdiment est prcipit directement partir d'eaux
marines ou lacustres sursatures. Dans d'autres, les organismes utilisent les carbonates, phosphates,
silicates pour constituer leurs tests ou leurs os et ce sont leurs restes qui constituent les roches
sdimentaires. Les plantes accumulent des matriaux carbons par photosynthse et sont directement
l'origine du charbon. D'autres types de sdiments carbons comme les schistes bitumineux, le ptrole
sont gnrs par des bactries. Les roches biogniques forment prs de 15% des roches sdimentaires;
- les roches d'origine chimique rsultent de la prcipitation (purement physico-chimique) de minraux
dans un milieu sursatur. Les vaporites (anhydrite, halite, gypse, sylvite,...) en sont le meilleur
exemple: elles se forment par vaporation de saumures. L'importance relative de ces roches est faible:
de l'ordre du %;
- une dernire classe est consacre aux "autres roches sdimentaires" dont l'origine n'est pas lie
l'altration: les pyroclastites, les roches lies aux astroblmes, les cataclastites (lies des phnomnes
de brchification par collapse, tectonique, glissements de terrain, etc.).
L'ETUDE SEDIMENTOLOGIQUE: REMARQUES GENERALES
La phase initiale d'une tude sdimentologique est bien videmment une campagne de terrain. Ce
travail peut prendre de nombreux aspects, depuis la rcolte d'chantillons de sdiment actuel en mer
jusqu'au lev d'une coupe palozoque en bord d'autoroute... Il est bien sr impossible d'envisager la
dmarche suivre dans des circonstances aussi varies, mais il faut garder l'esprit quelques rgles de
"bon sens gologique":
- toujours se remmorer le principe de la hirarchie des chelles d'observation: ne pas passer de
l'chelle de l'affleurement celle du microscope balayage;
- bien localiser les prises d'chantillons: la fois dans le temps (position dans une succession
lithologique) et dans l'espace (position de la coupe, du domaine sdimentaire au sein du bassin);
- ne pas oublier l'importance des documents d'observation: ce sont les documents de base et les seuls
qui sont rsolument objectifs... Ils doivent pouvoir servir d'autres. Il n'est pas rare que des
affleurements disparaissent: les seules traces que nous en possdons alors sont les levs des gologues
des gnrations prcdentes;
- bien faire la diffrence entre un document de base et un document de synthse: outre leur caractre
simplificateur (parfois simplement pour une question d'chelle), ces documents de synthse servent
toujours montrer quelque chose, ils sont orients. Je donne comme exemple la coupe de Vaucelles
(Fig. II.1): gauche le document de base, droite la synthse destine tre rduite pour publication et
tendant mettre en vidence les niveaux repres: biostromes et laminites.
On trouvera dans les notes de cartographie gologique quelques conseils quant au lev banc par banc et
la ralisation d'une colonne lithologique.

Fig. II.1: synthse d'une colonne lithologique de terrain (calcaires). Exemple de Vaucelles, Formation
de Trois-Fontaines, Givtien, bord sud du Synclinorium de Dinant.

III. Les sdiments dtritiques


INTRODUCTION
Les sdiments et roches dtritiques sont les plus abondants des dpts sdimentaires. Au sein de ces
dpts, ce sont les varits dont les grains sont les plus fins qui dominent: argiles/silts: 63%; sables,
graviers: 22%.
Une premire distinction parmi les roches dtritiques est fonde sur l'tat d'aggrgation des particules
sdimentaires: on oppose les roches meubles et les roches plastiques aux roches dures ou cohrentes.
Dans les roches meubles, les grains dtritiques sont entirement indpendants les uns des autres: ils
forment un assemblage en quilibre mcanique dont les espaces intergranulaires (pores) reprsentent
une fraction importante du volume de la roche. Dans les roches plastiques, la prsence de minraux
argileux en quantit importante permet une dformation sous la contrainte. Dans les roches cohrentes,
les constituants sont intimement souds les uns aux autres et la roche garde sa forme aussi longtemps
que des contraintes ne viennent la briser. La transformation du sdiment meuble en roche indure

rsulte soit de l'introduction d'un ciment entre les grains, soit de la compaction du sdiment, soit encore
de la dshydratation des constituants argileux. On appelle diagense l'ensemble des processus physicochimiques responsables de la transformation d'un sdiment meuble en une roche indure.
Un mme critre gnral sert la classification des roches meubles et cohrentes: c'est la dimension
des particules dtritiques. On admet gnralement trois grandes classes ganulomtriques:
Diamtre des
particules

Brongniart
(1813)

Grabau (1904)

sdiments
meubles

sdiments
indurs

> 2 mm

psphite

rudite

gravier

conglomrat,
brche

de 2 mm 62 m

psammite

arnite

sable

grs

<62 m

plite

lutite

de
62
m silt
4
m

de
62
m siltite
4
m

<4
argile
m

<4
argilite
m

Tableau III.1: classification des roches dtritiques.


Au sein des roches plitiques meubles, la limite de 4 m correspond l'apparition de la plasticit. Il
faut noter que les mots psphite, psammite sont des termes gnraux; malheureusement, les gologues
de l'Ardenne appellent psammite un grs particulier du Famennien du Condroz, caractris par un grain
fin, un zonage net et un dbitage ais suivant des joints de stratification couverts de paillettes de micas.
L'tude des sdiments dtritiques est relativement diffrente selon que l'on s'intresse des roches
meubles ou consolides. Dans le cas des sdiments meubles, elle dbute sur le terrain par une
description minutieuse des affleurements, elle se poursuit par un chantillonnage qui exige souvent des
prcautions spciales (enrobage, carottage,...) Elle se termine au laboratoire par des analyses trs
varies dont les principales sont les suivantes:

analyses granulomtriques;
analyses morphoscopiques (forme des grains, tat de leur surface);
analyses minralogiques (ex: minraux lourds);
analyses ptrographiques sur sdiment enrob.

Dans le cas des roches cohrentes par contre, c'est l'analyse ptrographique en lame mince qui est
l'outil privilgi et qui va permettre de dterminer la composition minralogique du sdiment et les
relations structurelles de ses diffrents constituants. Cette technique est surtout d'application pour les
grs et les siltites.
SABLES, GRES ET CONGLOMERATS
LES GRES
Gnralits
Les grs sont l'quivalent consolid des sables, c--d. des roches dont les constituants dtritiques ont
une granulomtrie comprise entre 2 mm et 62 m. L'examen montre d'une part une phase
granulomtrique principale, la plus grossire, qui comporte les grains du grs et d'autre part, soit une
matire intersticielle qui runit les grains et qu'on appelle le liant, soit des fluides comme de l'eau, du
ptrole, de l'air.

Ce liant peut tre de nature chimique et reprsenter une prcipitation in situ de matire minrale (silice
sous forme d'opale, de calcdoine ou de quartz, carbonate de calcium ou plus rarement hmatite,
goethite, gypse, anhydrite, etc.): on parlera dans ce cas du ciment de la roche. Si l'on observe au
contraire qu'une phase dtritique plus fine occupe les interstices entre les grains de la phase grossire,
on parlera d'une matrice intergranulaire, reprsentant une infiltration mcanique de particules fines
entre des grains jointifs (en trois dimensions!).
Si les grains les plus gros ne sont pas jointifs, on doit considrer que l'on a affaire un sdiment mal
class o les particules grossires et fines ont t dposes en mme temps: on distinguera alors entre
un simple emptement des gros grains dans la matrice silteuse ou argileuse (structure empte,
caractristique des "wackes", voir ci-dessous) ou une franche dispersion des gros grains au sein de la
matrice (structure disperse).
Dans les structures jointives, on peut avoir un simple ciment de contact, conservant la roche une
porosit importante, mais le plus souvent, le ciment comble la totalit des interstices entre les grains.
Dans les "quartzites", les grains de quartz s'entourent d'une aurole d'accroissement forme de quartz,
de mme orientation optique que le grain dtritique. Le phnomne de croissance syntaxique peut tre
mis en vidence lorsque les grains du sable primitif possdaient un mince revtement ("coating")
d'oxydes de fer.
Composition minralogique
On peut envisager la composition minralogique des grs sous des aspects trs diffrents:

selon la nature minralogique du liant: grs ciment siliceux, calcaire, ferrugineux, etc.; et
d'aprs la prsence de constituants minraux exceptionnels (grs glauconifres, micacs,...);
on peut aussi opposer les constituants stables (quartz, dbris de chert et de quartzite) aux
constituants instable, c--d; aisment altrables comme les feldspaths, les micas, les dbris de
roches en gnral. Cette distinction conduit la notion de maturit des sdiments qui se traduit
non seulement par la disparition progressive des constituants instables mais galement par
l'limination de la matrice argileuse, par l'amlioration du classement granulomtrique et par
l'augmentation du degr d'arrondi des grains.

Passons en revue les constituants majeurs des grs:

le quartz: c'est, en raison de sa rsistance l'altration, de loin le constituant le plus frquent


des grs. Diverses tentatives ont t ralises quant la dtermination de la provenance des
quartz, mais en gnral, les rsultats ont t dcevants. On peut dire nanmoins que les quartz
monocristallins extinction ondulante proviendraient de prcurseurs plutoniques ou
mtamorphiques, alors que les quartz extinction uniforme proviendraient de roches
volcaniques ou de grs recycls. Les quartz provenant de grs recycls possdent souvent une
relique d'un ciment syntaxique prcipit durant un ancien pisode de lithification. La
cathodoluminescence peut galement aider distinguer entre quartz de provenances
diffrentes (Gtte & Richter, 2006, p. ex.);
les feldspaths: suite leur fragilit (clivage) et leur grande altrabilit, les feldspaths forment
rarement plus de 10 15% des grs. Une proportion importante de feldspaths dans un grs
doit donc tre considre comme "anormale". Elle peut indiquer soit un climat o l'altration
chimique est faible (aridit, gel permanent), soit la prsence de reliefs, responsables d'un
transit rapide des sdiments vers le bassin;
les fragments lithiques: comme les roches plutoniques ont tendance se dsagrger avant leur
incorporation dans le sdiment, les fragments lithiques les plus frquents sont des morceaux
de roches volcaniques, de schistes, de cherts;
les micas et les minraux des argiles: les micas sont frquents dans les grs. Leur
granulomtrie les range dans les fractions silteuse et sableuse. Les argiles forment la matrice.
Il est gnralement difficile de dterminer si leur minralogie est originelle (matriel
dtritique) ou est le rsultat de la diagense.

Granulomtrie

Plusieurs mthodes existent suivant les classes granulomtriques et le fait que l'on tudie un sdiment
meuble ou consolid. Dans ce dernier cas, en dehors de situations exceptionnelles o il est possible de
dsagrger le sdiment sans l'altrer (grs ciment calcaire soluble dans l'HCL), il faut renoncer faire
des analyses granulomtriques par tamisage; on ne peut que procder des comptages linaires sous le
microscope, de la faon suivante:

le long d'une ligne, on mesure les longueurs interceptes par tous les grains dont la longueur
apparente La est gale ou suprieure une valeur donne;
la somme des longueurs interceptes, pour une mme gamme de longueurs apparentes (par
exemple: de 0,1 0,2 mm; de 0,2 0,3 mm, etc.) reprsente la frquence de cette catgorie.

Les rsultats obtenus par cette mthode sont cependant entachs d'erreurs dues au caractre alatoire
des sections de grains et l'accroissement des grains par prcipitation syntaxique. Au terme d'une tude
comparative des granulomtries apparentes et relles de diffrents sdiments, Friedman (1962) a tabli
un graphique permettant de comparer la distribution apparente d'un grs sous le microscope celle qui
serait dtermine par tamisage du sable correspondant.
Actuellement, l'utilisation de mthodes automatiques bases sur l'analyse d'image permet des
dveloppements intressants dans ce domaine (augmentation de la prcision, du nombre d'analyses,...).
Classification
La plupart des classifications modernes font intervenir la composition minralogique du grs et sa
teneur en matrice fine. La classification la plus utilise semble tre celle propose par Dott en 1964
(Fig. III.1). Pour combiner la composition minralogique des grs (value sur un diagramme
triangulaire quartz-feldspath-fragments lithiques) avec la teneur en matrice fine (<30 m), Dott a choisi
de diviser les grs en trois grands groupes: les arnites, les wackes et les mudrocks.

Fig. III.1: classification des grs suivant Dott (1964). Le petit triangle droite suggre une
classification des greywackes lithiques sur base de la nature des fragments rocheux.
Sans nier l'intrt de cette classification, il faut nanmoins souligner les points suivants:

il s'agit d'une classification ptrographique; elle ne tient pas compte de toutes les donnes de
terrain, souvent trs importantes dans l'interprtation d'un grs: structures sdimentaires,
gomtrie du corps sdimentaire, autres facis associs latralement et verticalement;
elle requiert normalement un comptage de points (500 points en gnral);
les grains autres que le quartz, les feldspath et les fragments lithiques ne sont pas pris en
compte;
la matrice est dfinie comme la fraction infrieure 30 m. A vrai dire, une matrice
reprsente la fraction granulomtrique plus fine comblant les interstices entre les plus gros
grains d'un sdiment. Le terme implique donc une taille relative et une disposition particulire
et non pas une granulomtrie particulire;
les teneurs limites en matrice qui dlimitent les domaines des arnites, des wackes et des
mudrocks ont t choisies arbitrairement et varient en consquence d'un auteur l'autre. Il est
clair que ces valeurs arbitraires deviendraient inutiles si l'on prenait en considration la
structure d'agrgat: structure jointive pour les arnites et structure empte pour les wackes.

Nonobstant ces remarques, cette classification a l'avantage d'tre trs utilise et elle permet de
distinguer quatre grandes familles de roches, correspondant des origines distinctes, les arnites
quartziques, les arkoses, les arnites lithiques et les wackes.
Les arnites quartziques sont constitues essentiellement de grains de quartz, chert, quartzite associs
quelques minraux lourds rsistants. Leur couleur est claire. Ce sont des sdiments matures, c--d
dbarrasss des constituants instables, gnralement bien tris et dont les grains possdent un bon
arrondi. Ce type de sdiment s'observe depuis la base de la zone d'action des vagues de tempte
jusqu'au milieu continental: plages, dunes, barrires, rides, etc... Le matriau provient typiquement de
l'rosion de zones continentales stables relief faible.
Les arkoses ou arnites feldspathiques sont composes principalement de quartz et de feldspath. Ce
sont des roches claires, souvent roses ou rougetres. L'orthose et le microcline sont plus abondants que
les plagioclases quand la crote continentale reprsente la source principale du sdiment; dans le cas
contraire, une source volcanique doit tre suspecte. On y observe aussi des micas et des fragments de
roches. Les arkoses ne sont pas des sdiments aussi matures que les arnites quartziques: elles sont
gnralement plus grossires et moins bien tries que ces dernires (sauf certaines arkoses oliennes de
milieu dsertique). Beaucoup d'arkoses sont des sdiments continentaux, de type cne alluvial, "point
bar" de rivire, voire plage. La prsence du feldspath implique, comme dit plus haut, un climat aride
(dsertique ou arctique) et/ou un relief accus (soulvements rcents, failles actives). Certaines arkoses
sont des "reliques", accumules en tout dbut de transgression marine et surmontes par des arnites
quartziques.
Les arnites lithiques sont constitues de fragments de quartz et de roches diverses. Le mlange de
quartz et de dbris divers leur donne un aspect "poivre et sel". Les feldspath sont gnralement peu
abondants, les micas sont communs. Ces sdiments s'observent aussi bien dans des cnes alluviaux que
des turbidites. Il s'agit de dpts immatures, proximit de reliefs vigoureux.
Les wackes (graywackes): ce sont des roches gnralement sombres, constitues d'une matrice et de
grains de quartz, de chert, de calcaire, de roches volcaniques, de schiste, de feldspath (souvent
anguleux). Il s'agit de sdiments immatures, mis en place par des courants de turbidit. On y retrouve
en effet les granoclassements et les autres structures sdimentaires produites par ce type d'agent de
transport et de dpt. Il faut faire attention au caractre primaire de la matrice et veiller, pour
l'interprtation, ce qu'il ne s'agisse pas plutt d'une arkose dont les grains de feldspath ont t
compltement altrs.
Pour les sdiments "mixtes", comprenant la fois des grains de quartz et de carbonate ou de la boue
calcaire et siliciclastique, la classification de Mount (1985) est recommande.

Exemples de roches dtrtiques en lame mince. A: quartzophyllade; noter la rfraction de la schistosit


(S1) et la stratification (S0), souligne par un lit plus grossier; B: schiste chlorite (flche); C: arnite
quartzique structure quartzitique; D: quartzwacke.
LES SABLES
Ce qui a t dit au sujet de la composition minralogique, de la classification et de l'interprtation
environnementale des grs est videmment valable pour les sables.
En ce qui concerne les analyses granulomtriques, on consultera le cours de "processus sdimentaires".
CONGLOMERATS ET BRECHES
Les conglomrats (appels aussi poudingues) sont des roches cohrentes constitues de galets arrondis
subanguleux d'un diamtre suprieur 2 mm et d'un liant. Le terme brche s'applique non seulement
aux brches sdimentaires constitues d'accumulations d'lments anguleux, mais aussi aux roches
broyes le long des accidents tectoniques (brche de faille ou brche cataclastique) et aux projections
volcaniques grossires recimentes (brches pyroclastiques).
Les conglomrats et brches ne reprsentent qu'un deux % des roches dtritiques et sont gnralement
d'extension limite (dans le temps et l'espace). La corrlation stratigraphique de ces units est difficile,
car elles manquent en gnral la fois de macro- et de microfossiles.
Composition
Suite la grande taille des constituants (plus grande que la taille moyenne des cristaux de la plupart des
roches), ce sont les fragments lithiques qui dominent. Comme dans le cas des grs, on peut classer ces

fragments en fonction de leur rsistance dcroissante l'altration: quartzite, quartz filonien, rhyolite,
roches plutoniques et mtamorphiques, calcaire, schiste. La prsence de constituants instables indique
un faible transport/altration.
Texture
Les tudes texturales sont effectues directement sur le terrain (pour la granulomtrie, par exemple:
mme mthode que pour les grs, avec une ligne matrialise par une ficelle).
Le classement est gnralement moins bon que dans le cas des grs. De plus, beaucoup de
conglomrats prsentent une distribution granulomtrique bi- ou polymodale. C'est le cas par exemple
des conglomrats d'origine fluviatile qui ont un mode pour la matrice sableuse et un mode pour la
fraction grossire. Ces deux modes correspondent deux types de transport diffrents: traction pour les
galets et suspension pour les sables. Les conglomrats trs riches en matrice sont encore plus mal
classs: ceci reflte leur mise en place par des agents de transport faible pouvoir de classement tels
que glace, courants de turbidit, coulements en masse.
La forme: d'une manire gnrale, la forme des dbris reflte plus la nature des roches que le type
d'agent de transport (granites, grs,... donnent des galets grossirement quidimensionnels; schiste,
gneiss, des galets allongs). Deux exceptions: les galets stris transports par les glaciers et les fameux
"dreikanter" faonns par le vent du dsert.
L'arrondi: le degr d'arrondi dpend videmment de la nature du matriau de dpart, du type d'agent de
transport et de la dure du transport. On a montr que des fragments de calcaire sont bien arrondis
aprs quelques dizaines de km de transport fluviatile. Mme des roches aussi rsistantes que des
quartzites sont bien arrondies aprs un transport d'une centaine de km.
La morphologie de surface: contrairement aux sdiments plus fins, o l'tude de la surface des grains
exige le MEB, le microrelief des galets est aisment observable. Il inclut les striations (glaciers), les
marques d'impact (croissants), les impressions (au cours de la compaction, diagense), le poli (olien).
La fabrique ou organisation tridimensionnelle des lments: les lments de certains conglomrats
possdent une orientation d'ensemble spcifique: on l'appelle "imbrication". Les conglomrats d'origine
fluviatile, glaciaire, marine, montrent gnralement ce type d'imbrication (souvent parallle, rarement
perpendiculaire la direction de transport), contrairement aux conglomrats et brches issus
d'coulements gravitaires.
Classification
Les conglomrats (et brches) peuvent tre qualifis d'aprs la dimension de leurs constituants (pisaire,
ovaire, cphalaire, etc.), d'aprs la diversit lithologique plus ou moins grande des galets (conglomrats
polymictiques ou polygnes d'une part; conglomrats oligomictiques ou monognes d'autre part), selon
la provenance locale ou lointaine des cailloux (conglomrats intraformationnels ou extraformationnels)
ou encore suivant la nature du liant ou sa proportion (orthoconglomrats: moins de 15% de matrice,
structure jointive; paraconglomrats, plus de 15%, structure empte disperse).
Prothero & Schwab (1996) proposent une classification dichotomique d'application aise sur le terrain
(Fig. III.2). Ce schma distingue d'abord (1) les conglomrats et brches intra- et extraformationnels,
sur base de la provenance des constituants. Il faut noter que dans le cas d'un conglomrat
intraformationnel, c--d form pratiquement sur place, la matrice et les cailloux ont pratiquement la
mme lithologie. Exemples de brches ou conglomrats intraformationnels: conglomrats littoraux
lments calcaires issus du remaniement de copeaux de dessiccation; conglomrats lments argileux
forms par des augmentations brutales de la vitesse de courants dans des rivires ou des canyons sousmarins.
On distingue ensuite (2), sur base de la teneur en matrice (valeur-pivot: 15%), les ortho- des
paraconglomrats. Les premiers sont mis en place par des coulements d'eau qui oprent un classement
des dbris. Les galets sont dposs en priode d'coulement rapide, tandis que la matrice fine est

dpose lors de phases de ralentissement de l'agent de transport et elle s'infiltre entre les cailloux
(exemples: rivires, plages). Les paraconglomrats par contre, sont gnralement dposs par la glace
ou les glissements en masse.
L'tape suivante (3) consiste distinguer au sein des conglomrats (extraformationnels), les
conglomrats polymictiques des conglomrats oligomictiques. Ces derniers sont forms
presqu'exclusivement de quelques varits de roches trs rsistantes: quartz filonien, quartzite, chert.
Dans les conglomrats polymictiques, on observe des lments de roches moins stables l'altration
comme des basaltes, des schistes et des calcaires. Comme dans le cas des grs, ceci implique un relief
vigoureux et/ou une altration chimique faible.
Les paraconglomrats sont subdiviss (4) sur la base de la nature et de la fabrique de leur matrice.
Ainsi, on observe des paraconglomrats matrice argileuse ou argilo-silteuse laminaire dans lesquels
les galets, blocs, dforment les laminations proches. Ces blocs sont des "dropstones", c--d. soit des
lments amens par des icebergs ou des dbris flottants qui tombent ensuite (fonte, pourrissement du
support) sur les sdiments fins du fond marin ou lacustre, soit encore des bombes volcaniques. Les
paraconglomrats matrice non laminaire sont soit des tillites (d'origine glaciaire donc associs des
galets stris, dpts varvaires, etc.), soit des tillodites (formes par des glissements en masse).

Fig. III.2: classification des conglomrats et brches d'aprs Prothero & Schwab (1996).

A: orthoconglomrat oligomictique; B: paraconglomrat matrice non laminaire: tillite.


LES SEDIMENTS ARGILEUX ET SILTEUX
Ces sdiments reprsentent entre 50% et 80% de la colonne stratigraphique. Leur tude ptrographique
et leur classification est moins avance que celle des grs et des calcaires, en raison de leur
granulomtrie trs fine, en partie sous le pouvoir de rsolution du microscope. Leur importance
conomique est cependant grande, avec des applications industrielles multiples comme la fabrication
des ciments, des briques, des cramiques, etc.
COMPOSITION
La composition des roches silto-argileuses est relativement constante: le shale (voir ci-dessous) moyen
comprendrait 30% de quartz, 10% de feldspath et 50% de minraux argileux (ou de micas), avec les
10% restants constitus de carbonates ou d'oxydes de fer.
Les minraux argileux sont le produit de l'altration de roches sdimentaires, mtamorphiques et
ignes. Ces dernires ne contiennent pas de minraux argileux prexistants, mais un de leurs
constituants, les feldspaths, sont aisment dgradables en argiles.
La nature des minraux argileux (diffraction X) des roches dtritiques a souvent t utilise comme
indicateur de paloenvironnement ou de diagense (voir ci-dessous).
CLASSIFICATION
Ces roches appartiennent au grand groupe des "mudrocks" (littralement "roches de boue") des
gologues anglais. Ce groupe comprend tous les sdiments siliciclastiques constitus majoritairement
d'lments de la taille des silts (1/16 1/256 mm ou 0,062 0,004 mm) et des argiles (< 1/256 mm ou
0,004 mm).

Le tableau suivant est une proposition de classification, base sur les commentaires de Lundegard &
Samuels (1980):

sdiments
indurs
meubles
silt
siltite

faible
mtamorph.
mtamorphisme plus lev
quartzite

2/3 silt
NON LAMINAIRE:
mudstone, siltite
argileuse?

mud

LAMINAIRE et
FISSILE (// S0):
mudshale, siltite
argileuse?

CLIVAGE: slate,
schiste siltoargileux

argillite (pas de
clivage)
CLIVAGE:
schist, ardoise,
phyllade

1/3 silt

clay
(argile)

NON LAMINAIRE:
claystone, argilite?
LAMINAIRE et
FISSILE (// S0):
clayshale

CLIVAGE: slate,
schiste argileux

argillite (pas de
clivage)
CLIVAGE:
schist, ardoise,
phyllade

Tableau III.2: classification des "mudrocks" (les termes franais sont en italique)
Ce tableau montre que le vocabulaire franais est moins prcis que le vocabulaire anglo-saxon: nous
manquons de mots pour dsigner les shales et les mudstones (notons que ce terme anglais peut amener
la confusion avec les mudstones calcaires).
Les shales sont donc des argiles compactes, plus ou moins riches en silts, prsentant une fissilit
paralllement la stratification. En Belgique, on utilise souvent sur le terrain, le terme "schiste"
(="slate") qui doit s'appliquer une roche indure de granulomtrie fine, affecte d'une schistosit (c-d d'un clivage d une dissolution et une simple rorientation des minraux sous l'effet des pressions
tectoniques ). Les termes ardoise ou phyllade par contre, impliquent un mtamorphisme: la plus grande
partie des minraux ont recristallis, des espces nouvelles sont apparues. Les minraux ainsi
dvelopps sont allongs dans des plans perpendiculaires la pression tectonique ou lithostatique.
Paralllement ces plans, la roche se dbite en fines plaquettes luisantes, d'aspect finement cristallin .
L'analyse granulomtrique proprement dite ne peut tre pratique que sur des sdiments meubles. La
dtermination des diffrentes classes est base sur des techniques appliquant la loi de Stokes.
A la classification granulomtrique des sdiments s'ajoutent d'autres caractristiques, celles-ci rsultant
soit d'analyses microscopiques, soit d'observations macroscopiques:
- la coloration, en cassure frache pour les roches indures (utiliser ventuellement une chelle de
teintes). Il s'agit d'une caractristique importante qui renseigne sur l'tat d'oxydation du fer (Fe3+ rouge;
Fe2+ vert) et sur la prsence de matire organique (schistes noirs);
- la prsence de bioturbations, de laminations;
- la minralogie de la fraction silteuse (quartzitique, feldspathique, micace, chloritique).
LES ENVIRONNEMENTS DE DEPOT DES ROCHES DETRITIQUES

Il ne s'agit ici que d'une introduction. Des traits entiers sont consacrs l'identification des milieux de
dpt des sdiments dtritiques.
Cette dmarche interprtative est d'une certaine manire plus dlicate encore que dans le cas des
environnements carbonats car manquent souvent ici les informations importantes livres par l'cologie
des communauts organiques. Dans de nombreux cas, seules des informations issues de l'interprtation
des figures sdimentaires, de la granulomtrie, de la gomtrie des corps sdimentaires seront
disponibles. Une grande prudence s'impose donc: des sdiments presque analogues, issus
d'environnements diffrents ne sont pas rares. Tout est dans le "presque"...
ARGILES ET SILTS
Sdiments rsiduels
Ces dpts continentaux sont rares dans l'histoire gologique, car ils sont en gnral remanis au cours
des pisodes transgressifs.
On en connat cependant un certain nombre d'exemples, dont l'identification est importante, car ce sont
des marqueurs d'mersion relativement prolonge. Il s'agit, en milieu siliciclastique, des silcretes. Les
structures dterminantes de ce type de formation (rhizocrtions, nodules, marmorisation, etc.) sont les
mmes que celles des calcretes (voir cours de processus sdimentaires). Un bon exemple de ces sols
sont les niveaux radicelles au mur des veines de charbon dans le Houiller. Ces niveaux sont
gnralement assez massifs et contiennent des radicelles et des nodules de sidrite. Certaines varits
plus sableuses peuvent tre lessives et fortement enrichies en silice, donnant naissance des quartzites
trs durs, appels "ganister" en Wallonie.
La nature minralogique des argiles des sols est frquemment utilise comme indicateur
paloclimatique.
Sdiments dtritiques
La grande majorit des siltites et argilites provient de l'rosion continentale. Ces matriaux fins sont
transports en suspension par les rivires et dposs dans des environnements calmes (plaines
d'inondation, lacs, deltas, ocan).
Le vent est aussi un agent de transport important, remaniant des matriaux issus d'environnements
dsertiques (dserts chauds ou froids) et les dposant en milieu continental sous la forme de loess ou
dans les ocans. Le transport par la glace est la base de la formation des tillites.
(1) En milieu continental, on distingue assez facilement les boues de plaine d'inondation fluviale des
boues lacustres:
- les boues des plaines alluviales sont associes des corps sableux (chenaux) et montrent souvent des
indices de pdogense (nodules, racines, etc.);
- il existe un grand nombre de types de boues lacustres, en fonction de la gochimie des lacs, du climat,
de la nature des apports, de la productivit organique. Une caractristique commune est nanmoins la
prsence d'une lamination millimtrique. Ces sdiments laminaires sont appels varves. La rythmicit
peut tre due des prolifrations planctoniques ou des apports saisonniers de sdiments. Comme dans
le cas des bassins ocaniques, des black shales peuvent se former dans des lacs dont les eaux profondes
sont dficitaires en oxygne.
(2) En environnement marin, les sdiments fins se dposent dans des zones de bathymtrie trs
diffrente: depuis la cte, en milieu protg ou le long de "muddy coastlines" jusqu' l'ocan profond.
- Les "muddy coastlines" sont adjacentes des estuaires de grands fleuves, amenant d'importantes
quantits de matriaux fins. Un grand nombre de sous-environnements sont possibles, suivant la

morphologie, le climat, etc: par exemple: "tidal flats", mangroves,... Des boues inter- supratidales
sont galement dposes dans des fonds de baies (exemple: baie du Mont St-Michel) ou dans des
lagunes, protges des vagues par une barrire (exemples anciens: Marnes de Strassen, Formation
d'Evieux).

Critres d'identification des boues ctires


- prsence de chenaux de mare remaniant ventuellement des
sdiments plus grossiers;
- lentilles sableuses avec stratification entrecroise bidirectionnelle
("herringbone"), formes par les courants de mare;
- sdiments mixtes sablo-argileux avec structures en "flaser bedding";
- structures lies l'mersion: polygones de dessiccation, galets mous,
etc;
- flore et faune caractristiques (voire adaptes des milieux saumtres
ou hypersalins);
- horizons pdogntiques, traces de racines.
- Au-del des sables ctiers, en direction de la pleine mer et partir d'une certaine profondeur (sous la
zone d'action des vagues "normales"), on trouve une vaste aire occupe par des boues dtritiques
("nearshore mud belt"). La position de cette ceinture dpend bien sr du caractre plus ou moins
nergique de la houle. Pour des ctes nettement exposes, la ceinture boueuse peut tre fortement
dplace vers le large. On peut utiliser les critres d'identification suivants:

Critres d'identification des boues de plate-forme


(nearshore mud belt)
- boues gnralement bioturbes, riches en pifaune et endofaune (avec
un caractre normal, c--d. non restreint);
- organismes plagiques frquents;
- des passes plus grossires traduisent des augmentations temporaires
de l'agitation: ce sont les tempestites (Figs. III.8A et B). Selon leur
loignement relatif du rivage, leur frquence et leur paisseur diminue.
Un trs bel exemple de boues tempestites est la Formation de la
Famenne et la Formation d'Esneux. De la base vers le sommet de cette
grande squence, l'volution des tempestites souligne une progradation
ctire;
- ces boues passent souvent verticalement, par progradation, des corps
sableux (barrire, plage).
- Les sdiments dposs en eaux plus profondes, en milieu ocanique, sont appeles boues
hmiplagiques. Ce type de dpt couvre une part importante de la plate-forme externe, des talus et des
bassins ocaniques. Dans l'ocan actuel, des eaux froides, denses et bien oxygnes plongent au niveau
des rgions polaires et diffusent vers les latitudes moins leves: ces courants sont responsables d'une
bonne oxygnation des fonds marins. Les boues hmiplagiques possdent gnralement les caractres
suivants:

Critres d'identification des boues hmiplagiques


- les seuls organismes prsents sont plagiques: diatomes,
foraminifres planctoniques, coccolithes (Msozoque-Actuel),
radiolaires (Palozoque-Actuel), cphalopodes (Palozoque suprieurMsozoque), graptolites (Palozoque infrieur);
- on y observe des turbidites et des coulements de dbris ("dbris
flows") (Fig. III.10). Le Cambro-Ordovicien belge est riche en

formations turbiditiques: citons en exemple les Formations de Tubize


(Massif de Brabant) et de Jalhay (Massif de Stavelot);
- des encrotements de fer et de manganses sont parfois prsents;
- on peut observer des remaniements, des rosions, des graviers ("lagdeposits") ds des courants de fond;
Les argiles sont un constituant important des boues hmiplagiques (voir Fig. V.1). Les espces
minrales les plus abondantes sont l'illite, la smectite et la kaolinite; la chlorite et certains interstratifis
sont galement assez rpandus. D'une manire gnrale, ces minraux sont issus des terres merges et
refltent de manire assez prcise la nature des argiles compris dans les formations continentales
superficielles. De fait, si l'on examine la Fig. III.3, on constate:

une augmentation de la kaolinite dans les sdiments proches des zones quatoriales, au
dbouch des grands fleuves; en effet, la kaolinite est riche en Al et ne contient pas de cations
solubles comme K, Ca, Na. Ceci indique que ce minral se forme dans des conditions
d'altration particulirement intenses, o l'Al se concentre aprs exportation des autres
lments. Ces conditions correspondent des sols acides et bien drans en milieu tropical;
une prpondrance de la chlorite dans les zones froides o l'altration physique est
prdominante (et o affleurent des roches Fe-Mg, videmment);
beaucoup d'illite l o l'apport terrigne est important: latitudes leves, embouchures de
grands fleuves, zones fort apport olien comme le Pacifique N (vents d'ouest); l'illite est le
principal produit d'altration des feldspaths et des micas en climat tempr; elle est abondante
dans les sols neutres ou lgrement alcalins;
une dominance de la smectite (contenant du Fe et du Mg) proximit de zones relativement
arides o un faible drainage autorise la rtention de Mg, Ca, Na; on l'observe communment
dans les produits d'altration des roches ferromagnsiennes; on la trouve aussi le long des
rides mdio-ocaniques (altration des basaltes);
la prsence de palygorskite dans des sdiments issus du remaniement de caliches ou
d'vaporites.

Ces observations sont valables pour l'ocan actuel: partir d'un certain degr d'enfouissement, le
cortge argileux volue par diagense vers un assemblage illite-chlorite. L'utilisation des argiles
comme indicateur climatique est donc manier avec prcaution.
- Dans certains bassins isols, o la circulation des eaux est trop faible pour renouveler l'oxygne du
fond, la matire organique s'accumule dans le sdiment et donne naissance des "black shales".
Certains de ces dpts peuvent tre riches en hydrocarbures. Ces black shales sont dpourvus
d'endofaune et on n'y observe que des fossiles d'organismes plagiques. Ils sont souvent riches en Cu,
Pb, Zn, Mo, V, U et As. Ces lments sont adsorbs sur les argiles et la matire organique. Une
tendance anoxique peut rsulter d'une diminution de la circulation des eaux mais aussi d'une
augmentation de l'apport en matire organique (accroissement de productivit des eaux de surface).
Des exemples actuels sont les fjords, la Mer Noire, certaines fosses ocaniques. Dans l'Ancien et
proche de nous, on peut citer les schistes noirs de la Formation de La Gleize (Cambrien du Massif de
Stavelot) et de la Formation de Matagne (Frasnien du bord sud du Synclinorium de Dinant)..

Fig. III.3: rpartition des argiles dans l'ocan actuel.


Sdiments d'origine volcanique
Les sdiments fins gnrs par l'altration des roches volcaniques sont appels bentonites si la
montmorillonite est le constituant principal et tonstein si la kaolinite est dominante. Des zolites
peuvent aussi se former. La reconnaissance de ces sdiments est base sur la prsence de
pseudomorphes de verre volcanique (aiguilles, bulles,...), de cristaux euhdraux (zircon, par exemple)
et sur la composition gochimique.
SABLES ET GRAVIERS
Les sdiments dtritiques grossiers se dposent dans une grande varit d'environnements, depuis les
dunes oliennes jusqu'aux fonds ocaniques (dpts gravitaires). Ils sont cependant particulirement
caractristiques des environnements ctiers, ou l'hydrodynamisme permet leur transport et leur dpt.
Passons ces divers milieux en revue.
Dpts de cnes d'boulis
Avant leur mobilisation par le vent, le ruissellement ou les torrents, les fragments de roche dtachs de
leur substrat par l'rosion subissent un transport sous la forme d'avalanche de dbris. Ces cnes
d'boulis se mettent en place au pied de reliefs jeunes et sont caractriss par un classement et une
maturit trs faibles.

A: avalanche de dbris au pied d'un relief; Piau Engaly, France. B: dtail montrant la faible maturit
des dpts: grande varit lithologique, mauvais classement, faible mouss.
Dpts oliens
Les dunes sableuses sont videmment de bons indicateurs de climat aride: la plupart des dserts sont
confins entre 20 et 30 de latitude (ceinture des hautes pressions) ou derrire des chanes
montagneuses qui jouent un rle d'cran pour les perturbations (Andes, par exemple).
Comme l'air a une densit un millier de fois infrieure l'eau, sa capacit de transport est beaucoup
plus faible et les matriaux grossiers sont laisss sur place, formant un "pavement". Le vent possde par
contre un bon pouvoir de classement et le transport s'effectue essentiellement par saltation et collisions
intergranulaires des grains sableux, avec le matriau fin export plus loin. Ceci explique l'homognit
granulomtrique des dpts oliens. Contrairement leurs quivalents marins, les courants ariens
n'ont pas la limitation impose par la surface de la mer et les dunes oliennes ne sont limites en
hauteur que par la force des vents et l'apport en sable. On peut considrer les critres suivants comme
diagnostiques de dunes oliennes:

Elements diagnostiques des dpts oliens


- gomtrie: les champs dunaires peuvent couvrir des centaines de km2
et former d'paisses units sableuses de grande continuit latrale. La
pente des stratifications entrecroises oliennes peut atteindre 35 (en
moyenne 25-30) et les units individuelles ("cross-bed sets") peuvent
avoir une paisseur de l'ordre de 30 m;
- il n'y a pas de squence type comme c'est le cas en milieu marin
(progradation, par exemple);
- facis associs: graviers de dflation, fentes de dessiccation (lac
temporaire, oued);
- ptrographie: il s'agit de sables quartzeux trs bien classs, avec un
bon arrondi. Au MEB, encrotements d'oxyde de fer, aspect "grl";
- fossiles: rares, hormis quelques terriers, des traces de racines et des
empreintes de pattes.
En conclusion, il faut remarquer que comme pour tous les dpts continentaux, les dpts oliens ont
peu de chance d'tre prservs dans l'histoire gologique (sauf dans des bassins subsidence rapide).

Dunes oliennes fossiles, Plistocne suprieur, Hergla (Tunisie); le schma droite, souligne le
pendage lev des stratifications.
Dpts fluviatiles
En contexte fluviatile, les premiers corps sdimentaires se former sont les cnes alluviaux ("alluvial
fans"). Ces cnes se dveloppent (principalement en milieu dsertique ou montagnard) au dbouch
d'un canyon dans une valle, quand le courant fluviatile ralentit brutalement. Au fur et mesure de sa
dclration, le courant perd sa capacit de transport et dpose sa charge sdimentaire.
Ce type de systme fluviatile, avec une charge abondante forme un rseau anastomos ("braided
stream") (Fig. III.4). Outre le transport par les eaux fluviales, les sdiments des cnes alluviaux sont
galement mobiliss par des coulements en masse (debris flows). Dans les rgions dsertiques, ces
coulements en masse ont souvent un caractre catastrophique ("flash flood") et peuvent transporter
des blocs de plusieurs tonnes: les sdiments qui en rsultent sont extrmement mal classs et non
stratifis.
Une coupe dans un cne alluvial donnerait une squence typique d'alternances de debris flows mal
classs et de conglomrats (="fanglomrats") et sables fluviatiles. On y observe une granocroissance
gnrale vers le sommet du corps sdimentaire, due l'avance du cne avec les facis distaux
relativement fins surmonts par des facis proximaux plus grossiers.
Si le cne alluvial dbouche directement en milieu marin, on a ce que l'on appelle un "fan delta" o les
matriaux grossiers d'origine alluviale peuvent tre mls des sdiments marins plus fins. Il faut noter
que cnes alluviaux et fan deltas sont caractristiques de zones tectoniquement actives, avec un
rajeunissement permanent du relief. Quelques lments sont diagnostiques:

Elments diagnostiques des cnes alluviaux


- contexte tectonique actif, proximit de reliefs jeunes;
- gomtrie: en forme de cne; la puissance peut tre norme si la
subsidence est continue (plusieurs km);
- facis: conglomrats fluviatiles, grs stratification entrecroise,
debris flows non classs. Matriaux anguleux, immatures. Lignes de
courant divergentes partir du sommet du cne. Pas de fossiles.
Dans la partie suprieure de leur cours, beaucoup de systmes fluviatiles possdent un rseau
anastomos (Fig. III.4). Leur charge sdimentaire est importante et grossire, leur dbit est
extrmement variable. Toutes ces caractristiques sont l'origine de la rapide migration des chenaux.

Fig. III.4: schma d'un systme fluviatile chenaux anastomoss et exemple d'une squence de
comblement.

Elments diagnostiques des systmes fluviatiles


anastomoss
- comme pour les cnes alluviaux, relief jeune. Les rseaux
anastomoss sont localiss dans la partie amont du systme fluviatile;
- facis: corps sablo-graveleux allongs, relativement rectilignes,
passant latralement aux dpts plus fins de la plaine alluviale. Au sein
de ce corps, les facis sableux et sablo-graveleux sont dominants.
Contrairement aux systmes fluviatiles mandres (cf. ci-dessous), silts
et boues sont rares. Les stratifications entrecroises en festons et en
auges ("trough cross stratification") et les stratifications planes (vitesse
de courant maximale) sont communes. Peu ou pas de fossiles, hormis
des traces de plantes.
- squences relativement courtes et amalgames: c'est une consquence
du caractre phmre des chenaux; la squence complte est la
suivante (Fig. III.4): gravier (="lag deposit"), chenal (stratification en
auges), ventuellement bancs sableux (stratification incline), sables
boueux avec traces de racines (squence de type "fining upward").

Grs et conglomrat dans un chenal fluviatile. Frankenbourg, Permien.


Dans leur partie infrieure, les systmes fluviatiles possdent un profil gradient faible et la plupart des
matriaux grossiers ont t dj dposs. Leur trac devient plus sinueux et l'on y observe des
mandres. L'rosion ne se manifeste plus par la formation de nouveaux chenaux (comme dans le cas
des rseaux anastomoss), mais plutt par l'largissement des chenaux existants. Mais revenons un peu
plus en dtail sur les "chenaux".
Les chenaux sont des structures rosives, concaves vers le haut, pouvant atteindre des dimensions
latrales importantes (de l'ordre de la centaine de m). Leur remplissage sdimentaire, d'paisseur
mtrique dcamtrique, est souvent plus grossier que les sdiments qu'ils entaillent. L'rosion se
produit le long de la rive concave. Le comblement se fait par accrtion latrale sur la rive convexe
(Fig. III.5) avec production de stratifications obliques grande chelle ("point bars" ou lobes de
mandre), par couches horizontales ou concaves vers le haut (festons, auges). Dans le sdiment
remplissant le chenal, diffrents types de structures sdimentaires peuvent exister: rides de courant,
lamination horizontale, groove marks, slumps, figures de charge. La base rosive des chenaux est
localement surmonte d'un dpt grossier de galets mous ou de coquilles ("chanel lag"). Les chenaux
sont prsents dans de nombreux types d'environnements : alluvial, mais aussi littoral.

Fig. III.5: squence classique de remplissage d'un chenal (temps t1, t2, t3 et t4).

"Point bar" dans un mandre de la Chavratte (Lorraine belge).


Voici quelques lments caractristiques des systmes fluviatiles mandres:

Elments diagnostiques des systmes fluviatiles mandres


- les rivires mandres sont localises dans la partie basse des cratons.
Elles sont entoures de vastes plaines d'inondation sdiments
laminaires fins;
- facis: proches des systmes anastomoss avec cependant une
proportion beaucoup plus importante de sdiments fin, des squences
mieux dveloppes et surtout des lobes de mandre (Figs. III.5, 6). Des
lacs (mandres abandonnes) sont frquent de mme que tout le cortge
des phnomnes de pdogense dans la plaine alluviale.

Fig. III.6: schma d'un systme fluviatile mandres et exemple d'une squence de comblement. Sable
en beige, argile et silt en vert, tourbe en gris et palosols en rouge.
Dpts ctiers
Gnralement, la transition entre environnement fluviatile et environnement ctier est assez graduelle.
Un certain nombre d'environnements peuvent tre considrs comme mixtes, refltant des influences
la fois marines et continentales: c'est le cas des deltas, des lagunes, des "tidal flats", des mangroves, des
les barrires.
En fonction du rapport apport fuviatile-rosion marine, on peut distinguer plusieurs types
d'embouchures, diffrents morphologiquement (cf. Strahler & Strahler, 1983 par exemple) (Fig. III.7).
Les deltas se dveloppent lorsque les rivires amnent au milieu marin plus de sdiment que ce que
l'rosion marine peut mobiliser.

Fig. III.7: diffrents types d'embouchures. A: delta digit avec dveloppement de chenaux en ventail
bords de leves sableuses (ls); lors de la rupture de ces leves se forment des dpts de "crevasse
splay" (cs); aux extrmits des chenaux se dposent des barres d'embouchure (be), suite la
dclration des courants fluviatiles; ce type de delta se forme lorsque les apports fluviatiles sont
dominants. B: estuaire avec barres sableuses linaires (bs), formes par les courants tidaux; ce type
d'embouchure se dveloppe lorsque les courants de mare sont dominants.C: estuaire avec flche
sableuse (f) et cordons sableux en bordure de plage; ce type d'embouchure se forme lorsque les effets
de la houle (h) sont dominants et gnrent une drive littorale.
Dans une premire approche, on peut subdiviser un delta en plusieurs sous-environnements: la plaine
deltaque avec son systme fluviatile et son complexe littoral; le front deltaque fortement inclin; et le
pro-delta qui fait la transition avec la plate-forme ouverte. Comme les lobes de mandre, les deltas
progradent latralement et les lignes-temps sont parallles la surface du front deltaque (Fig. III.8).
Comme l'eau douce possde une densit moindre que l'eau sale, le courant fluviatile se propage audessus de l'eau de mer, parfois grande distance du delta (plusieurs centaines de km dans le cas de
l'Amazone...). Ce courant ralentit progressivement et dpose sa charge sdimentaire sous la forme de
leves latrales ou de barres d'embouchure perpendiculaires au courant ("mouth bars"). En
consquence, beaucoup de deltas apparaissent comme une formation silto-argileuse (dcantation de
boues dans les lagunes, la plaine deltaque, le pro-delta) dans lequel sont disperss des corps sableux
discontinus: chenaux, barres d'embouchure, dunes, etc.

Elments diagnostiques des deltas


- les deltas sont situs en contexte de marge passive; ils sont associs
des dpts fluviatiles et des sdiments littoraux. Grossirement
triangulaires en plan et en forme de coin en coupe, leur superficie peut
atteindre des miliers de km2 pour une puissance parfois plurikilomtrique;

- facis: contrairement aux squences de comblement fluviatile qui sont


du type fining-upward, les squences deltaques sont de type
coarsening-upward, avec le passage de boues pro-deltaques des
sables de barres ou de chenaux et ensuite ventuellement de type fining
upward en passant des boues ou des sdiments riche en matire
organique (charbon) de la plaine deltaque (Fig. III.8). Les sables
montrent des stratifications entrecroises. Les leves et la plaine
deltaque sont constitues de boues laminaires bioturbes. Les boues
pro-deltaques contiennent des niveaux sableux occasionnels
correspondant des crues fluviales. Slumps et dformations synsdimentaires sont frquents suite l'inclinaison du front deltaque;
- la matire organique vgtale est trs abondante dans la plaine
deltaque (marais, mangrove). Des organismes de milieux palustre
peuvent y pulluler. La faune des boues pro-deltaques montre un
caractre marin plus affirm.

Fig. III.8: A: coupe simplifie dans un delta. B: squence sdimentaire produite par la progradation
d'un delta; l'paisseur d'une telle squence dpend de l'apport sdimentaire, de la subsidence, des
variations eustatiques. La partie suprieure de la squence (fining upward) peut tre trs variable en
fonction de la localisation des chenaux.
Le long des ctes o l'apport sdimentaire des rivires est faible ne se forment pas de deltas. La
sdimentation est domine par l'influence des mares et des courants ctiers. Dans la partie suprieure
du littoral (zone supratidale), se forment des marais maritimes ("schorre" ou "herbus"), inonds lors des
grandes mares. Ces marais maritimes, couverts d'une vgtation herbace, sont des environnements
exigeants o ne survivent que des organismes tolrants de grandes variations de salinit (exemple:
Verdronken Land van Saeftinge, Zwyn,...). Le sdiment est riche en matire organique (boues
rductrices) et souvent intensment bioturb.

Marais maritimes. A: vue gnrale montrant un chenal mare basse (Ile Grande, Bretagne); B: dtail
d'un chenal mare haute (Paimpol, Bretagne).

Alternance de dpts argilo-sableux (gris) et de tourbe (noir) dans un sondage recoupant l'Holocne
de la plaine maritime belge. Il s'agit de dpts de marais maritime.

Colonisation progressive de l'estran (zone de balancement des mares) par une vgtation halophile; il
s'agit ici de salicornes. La prsence de cette vgtation va favoriser l'ensablement en fixant les
sdiments et la zone des herbus (supratidal) va s'tendre. Baie de Somme, France.
La zone de balancement des mares (ou zone intertidale) peut voir le dveloppement de "tidal flats"
("slikke"), zones trs faible relief, recoupes par des chenaux divaguant. Les mares impriment un
cachet unique ce domaine: un cycle -courant de flux-courant de jusant-exhondaison- rpt tous les
jours. Ce cycle produit ce que l'on appelle le "tidal bedding", savoir la succession d'une lamine
sableuse pour le flot, une lamine de boue pour l'tal de mare haute, une lamine sableuse pour le jusant
et nouveau une lamine de boue pour la mare basse. Souvant, les lamines sableuses montrent des
stratifications inclines en sens oppos, matrialisant les deux directions de courant ("herringbone").
Une autre caractristique des tidal flats est le "flaser bedding" et le "lenticular bedding": ces structures
se forment par dpt de boue dans les espaces entre les rides de courant. Si les courants de flux et de
reflux ne sont pas parallles, des rides d'interfrence peuvent se former; si les vitesses des deux
courants sont diffrentes, deux systmes de rides de longueur d'onde diffrentes se dveloppent.

Tidal bedding, Holocne, plane ctire belge.

Elments diagnostiques des schorres et slikkes


- ctes mares de forte amplitude;
- facis: sdiments fins dans la partie suprieure des tidal flats et les
marais maritimes, relativement grossiers dans la partie infrieure et
dans les chenaux. Nombreuses structures sdimentaires typiques:
herringbone, flaser et lenticular bedding, rides d'interfrence.
Bioturbation et matire organique (tourbe, charbon) dans les marais
maritimes;
- squences: la squence de progradation est de type "fining upward":
sables stratifications entrecroises, flaser ou lenticular bedding (boues
et sables), boues noires bioturbes;
- fossiles: faune et flore tolrants aux changements de salinit: certains
crustacs, hutres,...
Des barrires, complexes sableux allongs paralllement la cte et spars de celle-ci par des lagunes,
se forment le long de ctes o l'apport sdimentaire est important et o le marnage est suffisamment
faible (<3m en gnral) pour que l'influence des courants de drive littorale soit prpondrante sur celle
des courants de mare. Ces barrires isolent des lagunes o domine la sdimentation boueuse. Le long
d'un transect perpendiculaire la plage, en progressant vers le large, on observe une diminution
progressive de la granulomtrie des sdiments et une grande varit de structures sdimentaires.
Sur les ctes exposes aux fortes houles (et o existe un stock sdimentaire suffisant) peuvent se mettre
en place des cordons de galets, localiss en haut de plage. Le transport a lieu lors des temptes.

A: cordon de galets en haut de plage; la mer est gauche de l'image; B: dtail du cordon reposant sur
le sable de la plage; remarquer les marques de ruissellement ("rill marks") sur le sable. Erquy,
Bretagne.
La zone du littoral s'tendant depuis la basse plage jusqu' la base des vagues de beau temps
("shoreface", zone subtidale) montre des rides d'oscillation de vagues symtriques et bifurques, des
stratifications en auges, des stratifications planes. Plus au large, entre la base de la zone d'action des
vagues de beau temps (ZAVBT ou en anglais "Fair Weather Wave Base") et de tempte (ZAVT ou
"Storm Wave Base"), on observe des niveaux sableux avec des stratifications en mamelons (HCS,
"hummocky cross stratification"), les tempestites (Fig. III.9).

A: stratification plane de plage. B: passage latral entre des rides de courant et une stratification
plane, Zuydcoote.

Elments diagnostiques des plages et barrires


- association avec d'autres facis ctiers, ainsi qu'avec des facis de mer
ouverte;
- facis: sdiments sableux matures (quartz), occasionnellement
minraux lourds. Stratification plane, herringbone, entrecroise en
auges, rides d'oscillation. Les fossiles sont gnralement briss;

lumachelles;
- la squence de progradation est de type coarsening upward et
comprend les termes suivants: sables fins bioturbs, stratifications HCS
(ZAVT-ZAVBT), sables bien classs avec stratifications planes et
entrecroises (auges, oscillation, courant).
Plus au large encore, les sdiments fins deviennent prdominants avec seulement quelques niveaux
sableux, des lumachelles et une bioturbation importante.
Les tempestites
Ces corps sdimentaires dvelopps sur des plates-formes ouvertes, soumises des temptes
priodiques, montrent la fois une volution verticale, sur quelques cm quelques dm (squence dite
de tempestite, Fig. III.9) et une volution latrale, depuis des dpts proximaux jusqu' des dpts
distaux.
La squence idale de tempestite se caractrise par les lments suivants (de bas en haut):
- des sillons (" furrows ") plus ou moins rosifs la base, tmoins de l'augmentation brutale de la
vitesse des vagues et des gouttires d'rosion ("gutter casts"). Les sillons sont des figures de base de
banc, concaves, de largeur suprieure 50 cm ; les gouttires peuvent tre droites ou sinueuses, ont de
2 25 cm de largeur pour une profondeur pouvant atteindre 15 cm. Leur surface peut comporter de
nombreux "tool marks" et leurs parois latrales peuvent tre abruptes;
- un premier dpt grossier trs souvent constitu de coquilles et dbris;
- un sable avec des laminations planes parallles, passant vers le haut des stratifications en mamelons,
puis ventuellement des stratifications de rides de vagues;
- des sdiments plus fins, souvent bioturbs: ces derniers dpts correspondant la sdimentation de
"beau temps", avec une diminution de la vitesse de sdimentation et de la granulomtrie.
Cette squence est la plus complte. En zone plus distale, les sillons sont de moins en moins marqus et
finissent par disparatre vers le large. En ce qui concerne la squence sdimentaire, elle se rduit
latralement d'abord aux sables stratification en mamelons, ensuite des "strates granoclasses"
laminaires d'paisseur centimtrique, enfin des sphrodes. Les sphrodes sont des objets ovodes cm
dm, dposs en lits, le grand axe dans la stratification. Ils sont souvent laminaires ou prsentent des
stratifications entrecroises.
Il faut noter aussi qu'une caractristique importante des tempestites est leur caractre amalgam. Ceci
signifie qu'une tempestite peut remanier une bonne part de la tempestite prcdente, dtruisant ainsi la
partie suprieure de la squence (sables rides de vague, dpt de beau temps).
Dans les squences sableuses cycliques, on doit toujours rester attentif faire la distinction entre
tempestite et turbidite

Elments diagnostiques des tempestites


- contexte gnral de plate-forme;
- absence de figures de base de banc de type flute casts et au contraire
la prsence de sillons;
- absence de granoclassement vertical;
- prsence de stratifications en mamelons et souvent absence de rides de
courant.

Fig. III.9 A: position relative des trois principaux facis des tempestites au sein d'un pandage sableux
(la source d'alimentation n'est pas ncessairement le littoral: il peut s'agir de barres sous-aquatiques
ou mme de dpts de temptes antrieurs. L'volution distal-proximal ne s'effectue donc pas
ncessairement par rapport la cte). B: squences lmentaires l'chelle de la strate pour plusieurs
types de tempestites. Les tempestites amalgames rsultent de la superposition de plusieurs tempestites
avec rosion basale des dpts antrieurs.

Tempestite grso-carbonate. Durnal, Famennien.


Dpts de plate-forme
La profondeur de la plate-forme peut varier entre 10 et 200 m (un bon exemple actuel de plate-forme
siliciclastique est la Mer du Nord, mais la majeure partie des matriaux sont des reliques
d'environnements glaciaires, fluviatiles ou ctiers, forms avant la transgression flandrienne).
Les sdiments de plate-forme subissent l'action des courants tidaux et des courants et des vagues de
temptes. On distingue en gnral deux grands types de plates-formes (Fig. III.10): les plates-formes o
les processus sdimentaires sont domins par l'action des vagues ("weather dominated"=WD) et les
plates-formes o ces processus sont domins par l'action des mares ("tide-dominated"=TD).
- Les courants tidaux modrs induisent la formation de rides sur les fonds sableux et les courants forts
(>60 cm/s), de mgarides ou dunes sous-marines ("megaripples"). Ces dunes peuvent atteindre une
quinzaine de mtres de hauteur pour une longueur d'onde de 500 m. La stratification est incline (avec
"foresets") ou entrecroise en auges. Dans le cas des rides, l'paisseur des units ("sets") est infrieure
4 cm, dans le cas des mgarides, elle peut atteindre 1 m (trs beaux exemples dans le Sinmurien de la
Lorraine belge). Des structures herringbone sont souvent prsentes. Le sdiment sableux est bien
class.
- Le sdiment peut tre galement transport par des courants gnrs par des temptes (courants de
densit). Les plus grandes des structures ainsi produites peuvent ressembler aux rides de courants
tidaux, avec stratifications entrecroises. Un certain nombre de diffrences permet cependant
d'effectuer la distinction:

on n'observe pas de changements priodiques dans la direction des courants (herringbone);


des stratifications en auge et mamelons (HCS) sont prsentes.

Elments diagnostiques des dpts sableux de plate-forme


- association avec des dpts ctiers, voire des dpts de bassin;
- facis: corps sableux lenticulaires (parfois de grande dimension) au
sein de sdiments plus fins (argiles, shales). Sdiments matures,
souvent bien classs: quartz, fragments de coquilles, glauconite.
Nombreuses figures sdimentaires dont: HCS, stratification incline
grande et petite chelle, lits granoclasss (tempestites), etc.
- la squence progradante type est la suivante: boues bioturbes, boues
niveaux sableux de temptes, sables HCS, mgarides
stratifications en auges ou incline;
- fossiles: caractre marin ouvert, non restreint.

Fig. III.10: quatre squences typiques de plate-forme siliciclastique. A: plate-forme progradante de


type "storm-dominated"; B: plate-forme rtrogradante de type "storm-dominated"; C: plate-forme
rtrogradante de type "tide-dominated"; D: plate-forme aggradante de type intermdiaire.
Dpts de bassin
Les sdiments de bassin sont surtout des sdiments boueux. Les principaux sdiments grossiers qu'ils
contiennent sont les turbidites (Fig. III.11) et les debris flows. Il faut noter (Shanmugam, 1997) que
l'appellation "turbidite" doit tre restreinte des dpts dont le mode de transport est un courant de
turbidit, c--d. un fluide o les particules sont maintenues en suspension par la turbulence seule. A
ceci s'opposent les debris flows, qui sont des coulements plastiques o les particules sont supportes
par une matrice. Les turbidites vraies sont granoclasses et constitues de sdiments fins, la
diffrence des debris flows qui peuvent inclure des dbris de toute taille.

Fig. III.11: modles de turbidites.


Les tsunamites
Les vnements dramatiques de dcembre 2004 ont rappel l'importance des tsunamis. Avec une
frquence moyenne dans la nature actuelle d'un tsunami majeur tous les 20 ans , on peut considrer
qu'il s'agit de phnomnes susceptibles d'apparatre communment dans l'enregistrement sdimentaire.
Or, les mentions de "tsunamites" sont rares. Il s'agit vraisemblablement d'un problme d'identification
de ces dpts, encore mal connus. Une possible source de confusion vient du fait que les nergies
libres par les tsunamis sont colossales et que leur influence peut se marquer dans tous les
environnements marins, depuis la zone littorale jusqu' plusieurs kilomtres de profondeur dans les
bassins ocaniques. L'enregistrement sdimentaire d'un tsunami peut donc correspondre un niveau
grossier en zone supratidale, un corps ressemblant une tempestite sur la plate-forme et une
turbidite dans le bassin (Fig. III.12).
Les phnomnes susceptibles de dclencher un tsunami sont de quatre types:

- tremblement de terre sous l'ocan: un mouvement vertical le long d'une faille dplace toute la colonne
d'eau de la valeur du rejet; c'est ce qui s'est produit en dcembre 2004 dans l'Ocan Indien. Les
tsunamis gnr par les tremblements de terre se propagent trs loin
(http://www.noaanews.noaa.gov/video/tsunami-indonesia2004.mov) mais l'amplitude des vagues reste
relativement faible, peu prs gale au rejet de la faille (jusqu' 13 m pour le tsunami de 2004:
http://www.asiantsunamivideos.com);
- un glissement de terrain ou une avalanche: dans ce cas, une masse importante de roche ou de
sdiment dplace un mme volume d'eau. L'amplitude du tsunami est grossirement proportionnelle
la hauteur de la masse dplace. Ces phnomnes gnrent des vagues trs hautes, mais dont la
propagation est faible (en 1958, une avalanche de rochers dans la Baie de Lituya en Alaska a gnr
une vague de 500 m de haut);
- une explosion volcanique: un des exemples les plus clbres est l'explosion du Santorin en Crte (vers
1500 av. JC). Le tsunami gnr par l'explosion a ravag tous les rivages de Mediterranne et provoqu
la formation d'une mga-turbidite;
- un impact de mtore ou de comte dans l'ocan: dans le cas de mtores de diamtre kilomtrique, la
hauteur du tsunami est gale la profondeur de l'ocan et sa propagation est mondiale. Outre la vague
gnre par le dplacement de la masse d'eau lors de l'impact, d'autres tsunamis secondaires se forment
par des processus de rebond lors du remplissage de la cavit transitoire, par des glissements de terrains
et des tremblements de terre.
Une fois gnr, le tsunami se dplace dans l'ocan, parfois sur des milliers de kilomtres, des
vitesses de l'ordre de 600 800 km/h. Son amplitude est faible, de l'ordre de quelques dm quelques
m, mais sa longueur d'onde peut atteindre des centaines de kilomtres. Comme l'ensemble de la
colonne d'eau est affecte, il semble que des sdiments de bassin de la gamme des silts puissent tre
dplacs. Lorsque le tsunami pntre sur la plate-forme, sa vitesse diminue par frottement jusqu' des
valeurs de 30 60 km/h et sa hauteur augmente. Enfin, lorsqu'il arrive sur la plage, il ralentit jusqau'
une vingtaine de km/h et sa hauteur atteint un maximum. C'est ce moment que sa force rosive est
maximale. Des sillons profonds peuvent tre creuss et du matriel venant de l'ensemble de la plateforme peut tre rod et transport. Une unit basale est forme, trs grossire, comprenant localement
des blocs de taille plurimtrique, des organismes de milieu marin ouvert et quelques stratifications
indiquant un courant orient du large vers le continent. Cette unit peut se mettre en place jusqu'
plusieurs km l'intrieur des terres.
Aprs le passage de la vague, l'eau qui a envahi le continent commence se retirer; une partie des
sdiments dposs peut tre remise en suspension et redpose, mle des dbris venant du continent
(plantes, artefacts,...) et avec des stratifications indiquant un courant de retour. Les vitesses de courant
atteintes peuvent tre trs grandes, d'autant que cet coulement de retour est gnralement chenalis.
Lors du calme relatif qui suit , des sdiments plus fins peuvent commencer s'accumuler, avant le
passage ventuel d'une seconde vague, puisque la frquence des tsunamis est de l'ordre de plusieurs
dizaines de minutes, voire d'une heure. Comme dans le cas des tempestites, la mise en place de
tsunamites amalgames est donc possible.
En bordure de plate-forme et dans les bassins, le passage d'un grand tsunami peut s'accompagner du
dclenchement d'coulements gravitaires (debris flows et turbidites). Des dpts de type debris flows
peuvent s'observer galement sur la plate-forme et mme en zone littorale si la mise en suspension de
sdiments conduit la formation d'un coulement visqueux.

Elments diagnostiques des tsunamites


- granulomtrie plus grossire que les sdiments encaissants;
- association avec des sdiments dforms (seismite);
- rosion basale profonde;
- sdiments mal classs; prsence de blocs de grande taille, d'lments
remanis de la plate-forme;

- changement de sens des stratifications entrecroises (flux et reflux);


- stratifications entrecroises de grande longueur d'onde (de l'ordre de la
dizaine de m);
- prsence de dbris (vgtaux, artefacts) venant du continent;
- avance importante du niveau sdimentaire sur le continent.

Fig. III.12: modles de tsunamites.


Pour en savoir plus
Sur la classification des roches dtritiques:

P. Lundegard & N. Samuels, 1980. Field classification of fine grained sedimentary rocks. J. of
Sedimentary Petrology, 50, 781-786.
J. Mount, 1985. Mixed siliciclastic and carbonate sediments: a proposed first-order textural
and compositional classification. Sedimentology, 32, 435-442.
E.J. Pettijohn, 1975. Sedimentary rocks. Harper international edition, 628 pp.

Sur les structures sdimentaires:

H.-E. Reineck & I.B. Singh, 1980. Depositional sedimentary environments. Springer-Verlag,
549 pp.

Sur les turbidites, les tsunamites et les "debris flows":

D.A.V. Stow (edt.), 1992. Deep-water turbidite systems. Reprint series vol. 3 of the
Int. Assoc. of Sedim. Blackwell, 473 pp.
G. Shanmugam, 1997. The Bouma sequence and the turbidite mind set. Earth-Science
Reviews, 42, 201-229.
T. Shiki, M. Cita & D. Gorsline (eds.), 2000. Sedimentary features of seismites,
seismoturbidites and tsunamites. Sp. Issue , Sedimentary Geology, 135, 320 pp.

Des exemples "belges" de systmes ctiers siliciclastiques:

E. Goemare, E. Catot, L. Dejonghe, L. Hance & P. Steemans, 1997. Sdimentologie des


Formations de Marteau, du Bois d'Ausse et de la partie infrieure de la Formation d'Acoz
(Dvonien infrieur) dans l'est de la Belgique, au bord nord du Massif de Stavelot. Mem.
Geological Survey of Belgium, 42, 168 pp.
J. Thorez, E. Goemare & R. Dreesen, 1986. Tide- and wave-influenced depositional
environments in the Psammites du Condroz (Upper Famennian) in Belgium. In de Boer et al.,
ds.: Tide-influenced sedimentary environments and facies. Reidel Publ. Co, 389-415.
J. Thorez, M. Streel, J. Bouckaert & M.J.M. Bless, 1977. Stratigraphie et palogographie de
la partie orientale du Synclinorium de Dinant (Belgique) au Famennien suprieur: un modle
de bassin sdimentaire reconstitu par analyse pluridisciplinaire sdimentologique et
micropalontologique. Meded. Rijks Geol. Dienst, N.S. 28 (2), 17-32.

Sur l'utilisation des cortges argileux dans la reconstitution des paloenvironnements:

H. Chamley, J-N. Proust, J-L. Mansy & F. Boulvain, 1997. Diagenetic and paleogeographic
significance of clay and other sedimentary components in the middle Devonian limestones of
Western Ardennes, France. Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 129, 369385.

Sur l'origine du quartz:

T. Gtte & D.K. Richter, 2007. Cathodoluminescence characterization of quartz particles in


mature arenites. Sedimentology, 53, 1347-1359.

IV. Les vaporites


INTRODUCTION
Les vaporites sont des sdiments rsultant de l'vaporation de l'eau et de la prcipitation des sels qui y
sont dissous. Les minraux principaux en sont le gypse, l'anhydrite et la halite. D'autres minraux,
quoique moins frquents, peuvent tre des constituants importants de certains dpts salins. Le tableau
IV.1 en donne une liste.

minraux
des
vaporites
non
marines

minraux
des
vaporites
marines
halite

NaCl

halite,
gypse,
anhydrite

sylvite

KCl

epsomite

MgSO4.7H2O

carnallite

KMgCl3.6H2O

trona

Na2CO3.NaHCO3.2H2O

kainite

KMgClSO4.3H2O

mirabilite

Na2SO4.10H2O

anhydrite

CaSO4

thenardite NaSO4

gypse

CaSO4.2H2O

bloedite

Na2SO4.MgSO4.4H2O

polyhalite K2MgCa2(SO4)4.2H2O gaylussite Na2CO3. CaCO3.5H2O


kieserite

MgSO4.H2O

glauberite CaSO4.Na2SO4

Tableau IV.1: principaux constituants des vaporites.

Les vaporites ont une grande importance conomique. En particulier, elles forment le toit
impermable de certains des plus grands gisements ptroliers du monde. Au point de vue
sdimentologique, leur reconnaissance est essentielle puisqu'elles sont de bons marqueurs climatiques
(climat aride, o l'vaporation excde de loin les prcipitations, c--d dans la ceinture tropicale des
hautes pressions, entre 10 et 30 de latitude).
Pour comprendre la gense et la constitution des dpts vaporitiques, il est ncessaire de revenir la
composition chimique des eaux de mer et de rivire, exprime au tableau IV.2. On voit rapidement que
si les rivires contiennent principalement HCO3- et CO3=, avec une proportion moindre de Ca++,
H4SiO4, SO4=, Cl-, Na+, Mg++ et K+, les ocans contiennent en grande quantit de SO4=, Cl-, Na+ et K+.
Ces diffrences refltent en fait la manire dont les sels dissous sont extraits de l'eau de mer et
incorpors dans les sdiments. Le tableau IV.3 donne les temps de rsidence des principaux ions de
l'eau de mer (temps de rsidence en annes=masse totale d'un ion dans les ocans / apport annuel des
rivires).

eau de rivire
moyenne

eau de mer
moyenne

(% du rsidu solide)

(% du rsidu
solide)

HCO3- et
CO3=

48,6

0,4

Ca++

12,4

1,2

H4SiO4

10,8

<0,01

9,3

7,7

6,5

55

5,2

30,6

3,4

3,7

1,9

1,1

0,6

<0,01

0,2

<0,01

0,8

<0,01

total

99,7

99,7

salinit

121 ppm

35.000 ppm

SO4

Cl

Na

+
++

Mg
K

+
++

Fe et Fe
Al(OH)4
NO3

+++

Tableau IV.2: abondance relative des ions dissous dans l'eau de mer et l'eau de rivire (d'aprs Mason,
1966 et Livingston, 1963, respectivement).
temps de rsidence
(annes)

principaux types de
sdiments

vaporites

260.000.000

vaporites

12.000.000

vaporites, dolomite

11.000.000

argiles, vaporites

11.000.000

vaporites

1.000.000

carbonates

HCO3 et
CO3=

110.000

carbonates

H4SiO4

8000

cherts, dpts siliceux

7000

nodules

140

sdiments riches en Fe

ClNa

+
++

Mg
K

SO4
Ca

++
-

++

Mn

++

Fe et Fe

+++

Al(OH)4-

100

argiles

Tableau IV.3: temps de rsidence et devenir des principaux ions dissous dans l'eau de mer. D'aprs
Prothero & Schwab.
Le sodium et le chlore sont trs abondants dans l'eau de mer car d'une part, ils ne sont pas utiliss par
les organismes et incorpors au sdiment sous la forme de tests comme le calcium, la silice, les
carbonates et d'autre part, ils n'entrent pas dans le rseau des argiles au cours de la diagense comme
l'aluminium et le fer. Seule l'vaporation de l'eau de mer, dans des circonstances forcment
exceptionnelles, permet leur extraction des ocans.
Si l'on observe l'apparition progressive des prcipits lorsque l'on fait vaporer de l'eau de mer
(salinit 3,5%), on a la squence suivante:
- dans certaines circonstances, de la calcite ou de l'aragonite prcipitent lorsque le volume de l'eau est
rduit de 50%;
- le gypse et l'anhydrite commencent prcipiter lorsque le volume de l'eau de mer n'est plus que 35%
du volume initial;
- lorsque le volume de l'eau n'atteint plus que 10% du volume de dpart, des minraux plus solubles
comme la halite et la sylvite cristallisent;
- enfin, lorsque l'vaporation est presque totale, des borates et nitrates prcipitent.
Si l'on examine les dpts vaporitiques naturels, on constate que cette squence idale est rarement
ralise. Des rptitions, des cycles tronqus sont frquents: c'est le signe d'une volution plus
mouvemente du bassin vaporitique, alternant remplissage, priodes d'vaporation, nouveau
remplissage avec dissolution d'une partie des espces prcdemment prcipites, etc.
Les vaporites s'observent depuis le Prcambrien jusqu' l'poque actuelle, mais leur rpartition
spatiale et temporelle est ingale: elles sont particulirement reprsentes au Cambrien, au Permien et
au Trias. On classe gnralement les vaporites en trois grands types: les vaporites continentales, les
vaporites marines de milieu peu profond et les vaporites marines profondes.
EVAPORITES CONTINENTALES
Ces dpts s'accumulent dans des lacs endorhiques en rgion aride ou semi-aride. La minralogie de
ces vaporites est relativement variable puisqu'elle dpend de la composition des eaux fluviales, ellemme dpendante de la gologie rgionale.
On observe en gnral une rpartition horizontale concentrique des diffrents dpts (gypse-halitenitrates) en fonction de leur degr de solubilit, les plus solubles tant localiss au centre, lorsque
l'extension du lac en cours d'asschement tait la plus restreinte. Cette structure particulire, la prsence
d'autres types de sdiments continentaux, certaines espces minrales rares en environnement marin
comme le borax, l'epsomite, le trona , la gaylussite et la glauberite permettent de reconnatre des
vaporites continentales.
EVAPORITES MARINES PEU PROFONDES
Ces vaporites comprennent les dpts inter- et supratidaux comparables ceux qui se forment
actuellement le long du Golfe Persique, de certaines zones de la cte d'Afrique du Nord, etc. et les
dpts subtidaux de plate-forme, dont nous ne connaissons pas encore d'quivalent actuel.
- Les premiers sont aussi appels vaporites de sabkhas (Fig. IV.1). Ces sabkhas sont des plaines
ctires dveloppes le long de zones continentales arides. Outre les vaporites, les sdiments de

sabkha comportent des lments dtritiques provenant du continent (amens par les vents, les cours
d'eau) et des sables et boues provenant de la plate-forme, transports lors de temptes. Au point de vue
hydrologique, les sabkhas sont des systmes assez complexes avec une recharge due aux inondations
marines priodiques, mais aussi aux apports souterrains partir de la nappe phratique marine.

Fig. IV.1: localisation et coupe dans la sabkha El Melah.


Les minraux typiques des vaporites de sabkha sont l'anhydrite, le gypse et la dolomite. La
dolomitisation de particules calcaires est courante et est une consquence du haut rapport Mg/Ca (suite
la prcipitation des sulfates de calcium) des solutions intersticielles. La dolomitisation elle-mme
libre des ions Ca++ qui favorisent une poursuite de la formation de gypse et d'anhydrite. Le gypse est le
plus commun des prcipits (cf. les roses des sables par exemple), surtout en climat semi-aride. Si
l'vaporation est trs intense, le gypse est progressivement remplac par de l'anhydrite. La morphologie
originale des cristaux de gypse (lentilles, chevrons) est conserve si le sdiment est suffisamment
cohrent. Souvent, une prcipitation continue d'anhydrite refoule progressivement les sdiments
carbonats ou dtritiques interstratifis, avec comme consquence ultime la formation de la structure
bien connue appele "chicken wire" (nodules d'anhydrites spars par de minces lamines de sdiment).
Une autre structure courante est appele "entrolithes": il s'agit de lits d'anhydrite aspect
irrgulirement contourn (Fig. IV.2).

Structure en "chicken wire" dans la Formation de Martinrive Chanxhe.

Dpt de halite dans la Sabkha El Melah, Tunisie; on observe un systme de conduits o circulent des
eaux caractre rducteur.
Les sdiments de sabkha possdent frquemment une nature cyclique: au cours de la progradation
(comblement progressif) de la plaine littorale, la sabkha s'avance en direction de la mer, surmontant des
sdiments de type stromatolithique, des boues lagonaires bioturbes, des corps oolithiques.

Fig. IV.2 A: Photo arienne de la plaine d'accrtion Abu Dhabi. a: chenal de mare sous-aquatique;
b: lagune infra-tidale; c: zone intertidale pelodes; d: tapis algaire; e: zone supratidale (sabkha)
vaporitique avec nombreuses traces d'accroissement. B: squence type de sabkha, montrant la
progradation de la plaine littorale depuis un milieu subtidal jusqu' l'mersion.
- Certaines formations vaporitiques de grande extension ne peuvent tre expliques par des dpts de
sabkha. Il s'agit vraisemblablement de plates-formes isoles par un seuil permettant une recharge
continuelle par les eaux ocaniques. Dans ce cas, du gypse prcipite sur le fond marin, en cristaux
gnralement de forme prismatique, dresss comme le sont les brins d'herbe d'une prairie ("gazon"
slnitique). A ces niveaux s'associent diverses structures sdimentaires comme des cristaux casss et
redposs, des plodes, des niveaux stromatolithes, etc.

A: couches plisses (slump) formes de crotes de gypse ("gazon slnitique"); B: dtail montrant les
cristaux prismatiques. Messinien, Heraklea Minoea, Sicile.
EVAPORITES PROFONDES
Certains types d'vaporites, souvent laminaires, sont associes des critres indiscutables
d'environnement profond: grande continuit latrale des lamines individuelles, turbidites, slumps,
absence d'algues,... Dans ces vaporites, les lamines de gypse, d'anhydrite, de halite, alternent avec des
lamines de micrite ou de matire organique. Ce caractre pratiquement varvode est attribu des
variations saisonnires (temprature, humidit, "bloom" de certaines espces).
DIAGENESE
Si la diagense est souvent responsable de la dshydratation du gypse et de sa transformation en
anhydrite ( partir d'une profondeur de 700 m suivant certains auteurs), le processus inverse peut se
produire lors du passage de couches d'anhydrite dans la zone phratique mtorique, au cours par
exemple d'un soulvement rgional. Le gypse secondaire se prsente alors sous la forme de
porphyrotopes et d'albtre. Les porphyrotopes sont de grands cristaux de gypse, disperss au sein de
l'anhydrite. L'albtre consiste en masses de gypse bordure cristalline irrgulire, extinction
ondulante. On peut observer aussi (Keuper du sondage de Latour, par exemple), des veines de gypse
fibreux dont les fibres sont perpendiculaires aux pontes. Ces veines sont probablement cres par
fracturation hydraulique.

A: dolomie et gypse en rosettes. B: clestite. C: baryte. D: de gauche droite, successivement:


dolomite (d); gypse (g); anhydrite (a). Nicols croiss.

Pour en savoir plus

M.E. Tucker, 1991. Sedimentary petrology. An introduction to the origin of sedimentary


rocks. Blackwell Sc. Publ., 260 pp.

Sur les vaporites du Visen de la Belgique:

T. De Putter, J-M. Rouchy, A. Herbosch, E. Keppens, C. Pierre, E. Groessens, 1994.


Sedimentology and palaeo-environment of the Upper Visean anhydrite of the Franco-Belgian
Carboniferous basin (Saint-Ghislain borehole, southern Belgium). Sedimentary Geology, 90,
77-93.
J-M. Rouchy, E. Groessens & A. Laumondais, 1984. Sdimentologie de la formation
anhydritique visenne du sondage de Saint-Ghislain (Hainaut, Belgique). Implications
palogographiques et structurales. Bull. Soc. belge Gologie, 93, 105-145.

V. Les sdiments siliceux


INTRODUCTION
Les amricains utilisent le mot "chert" comme terme gnrique pour qualifier l'ensemble des roches
siliceuses massives cassure conchodale, constitues de calcdoine fibreuse, d'opale amorphe ou de
quartz microcristallin. En Europe, ce terme s'applique aux concrtions, nodules et lits siliceux
intercals dans les calcaires ante-Crtac. En Belgique, on l'utilise uniquement pour les accidents
siliceux des roches palozoques. Le mot "silex" est rserv aux accidents siliceux de la craie
msozoque. "Porcelanite" se rapporte des roches siliceuses grain fin, de texture comparable celle
de la porcelaine non vernie. On pourrait utiliser comme terme gnral englobant toutes les roches
siliceuses le mot "silicite"
Les silicites (ou cherts au sens large) sont gnralement subdivises en deux grandes catgories: les
silicites nodulaires et les silicites lites. Ces dernires sont gnralement considres comme primaires
et seraient les quivalents des boues ocaniques actuelles diatomes et radiolaires. Les silicites
nodulaires, frquentes dans les calcaires et, dans une moindre mesure, les shales et les vaporites,
seraient elles d'origine diagntique. Les sdiments siliceux s'observent en milieu marin aussi bien que
lacustre.
PETROGRAPHIE
Les cherts (s.l.) comprennent quatre sortes de silice: le microquartz, le mgaquartz, les formes fibreuses
et l'opale:
- le microquartz consiste en cristaux quigranulaires de quartz, de quelques microns de diamtre. Ils se
forment partir de solutions impures, sursatures en silice dissoute;
- le mgaquartz, comme son nom l'indique, est constitu de cristaux beaucoup plus grand, dpassant 20
m et montrant des formes cristallines bien dveloppes. Ces cristaux rguliers apparaissent lorsque les
solutions siliceuses sont dilues et pauvres en cations;
- les formes fibreuses (terme gnral: calcdoine) o les cristaux ne sont plus individualisables au
microscope optique et s'empilent pour former des fibres. Elles comprennent plusieurs espces suivant
les caractres optiques:

la quartzine, allongement positif, dont les fibres forment des sphrolites ou des ventails
(divergence des fibres partir d'un point); on observe la quartzine en remplacement des
vaporites, mais aussi dans les cavits et dans de nombreux autres types de silicification;

la lutcite, dont les fibres, groupes en faisceaux, ont un allongement positif et se rejoignent,
non pas en un point central mais suivant des droites, en dessinant des chevrons; l'extinction est
oblique; on la rencontre essentiellement en produit de remplacement des sulfates;
la calcdonite est fibreuse comme les prcdentes, mais possde un allongement ngatif. Elle
semble se former en l'absence d'ions SO42-;
la lussatite: il ne s'agit plus ici exactement d'une forme fibreuse du quartz, mais plutt d'une
opale dote d'une certaine cristallinit (opale-CT, voir ci-dessous). Au microscope, elle
montre un indice faible, voisin de 1,45, un aspect fibreux, une birfringence trs faible, une
extinction droite et un allongement positif.

- l'opale est une forme amorphe et hydrate de la silice (contenant jusqu' 10% d'eau), constituant
(entre autre) le squelette des diatomes, des radiolaires et les spicules d'hyalosponges. L'opale est
mtastable, de sorte que son abondance dcrot au cours du temps: elle est absente des roches
palozoques. L'opale biognique amorphe (appele opale-A) se transforme au cours du temps en
opale-CT, dj cristalline (il s'agit d'un interstratifi cristobalite/tridymite), puis en quartz et calcdoine.
L'opale prcieuse est constitue d'un empilement rgulier de sphres dont le diamtre varie entre 150 et
350 m, constituant ainsi une sorte de rseau cristallin grande chelle dont l'ordre de grandeur est
proche de celui de la lumire visible; la diffraction de la lumire blanche produit des irisations qui
varient en fonction de l'angle d'incidence.
- la lechatellirite, forme amorphe assez rare, se rencontre dans les roches quartzeuses vitrifies par
l'impact de la foudre (fulgurites) ou par les impacts de mtorites. On en observe aussi dans les
geyserites.
Insistons sur le fait que d'une manire gnrale, les formes fibreuses de la silice allongement positif,
remplacent des sulfates. Les formes allongement ngatif par contre, apparaissent dans les roches o
l'ion S042- est absent au moment de la silicification. Elles remplissent des cavits et sont les plus
courantes dans la nature.

A: radiolarite; les radiolaires sont ciments par de la calcdonite et du mgaquartz, la matrice par du
microquartz; noter la prsence d'pines de radiolaires dans la matrice. B: spiculite totalement
silicifie; C: lutcite dans un calcaire partiellement silicifi. D: fracture remplies par du quartz et de la
calcdonite; la matrice est remplace par du microquartz.. Nicols croiss.
GEOCHIMIE
La solubilit des diffrentes formes de silice est variable. La silice biognique est trs peu stable et
possde une solubilit de 50 80 ppm 0C, atteignant 100 140 ppm 25C. La forme la plus stable,
le quartz, est aussi la moins soluble des formes de silice: 6 14 ppm. Les calcdoines sont
intermdiaires entre la silice biognique et le quartz, mais plus proches du quartz. L'opale a une
solubilit variable, suprieure aux calcdoines et infrieure la silice biognique ds qu'une
organisation cristalline apparat.
L'eau de mer est trs nettement sous-sature par rapport la silice (environ 1 ppm). La silice amene
par les eaux fluviales (altration continentale des feldspaths), fournie par l'altration sous-marine des
basalte et injecte directement par l'hydrothermalisme est immdiatement utilise par les organismes.
Ceci se marque notamment dans la variation de la concentration de la silice dans l'ocan en fonction de
la profondeur: moins de 1 ppm dans la zone photique, jusqu' 11 ppm au-del de 2 km de profondeur.
La solubilit de la silice dans l'eau n'est que trs peu influence par le pH entre 2 et 9, bien qu'elle soit
un peu plus soluble en milieu acide qu'en milieu faiblement alcalin. En solution fortement basique par
contre, sa solubilit crot considrablement: elle atteint 4000 ppm pH 11, par exemple (cas de certains
lacs vaporitiques). Mais tout ceci n'est vrai qu' nature d'ion constante. En effet, la solubilit de la
silice n'est pas fonction du seul pH, mais aussi des ions en prsence. C'est ainsi que Fe3+ en solutions
acides (pH 1,5 3) produit une dissociation de la silice bien plus importante que Ca++ ou NH4+ dont les
solutions ont des pH faiblement acides, neutres, voire alcalins. Parmi les autres ions, seuls Al+++ et

Mg++ affectent la solubilit en l'abaissant. Il se formerait une mince couche protectrice de silicate
d'aluminium ou de magnsium. Les organismes siliceux marins ne semblent chapper la dissolution
durant leur vie qu'en adsorbant des ions Al ou Mg ou en formant des complexes organo-siliciques.
Enfin, il faut bien noter qu'en terme de stabilit, la silice se dissout si le carbonate prcipite et viceversa: ceci explique la disparition trs rapide des spicules d'ponges dans les rcifs carbonats.
Hartman (1977) cite mme des exemples actuels o les spicules siliceux de sclrosponges sont dj en
voie de dissolution alors mme qu'ils sont incorpors dans le squelette aragonitique basal de l'ponge.
CHERTS ET SILEX LITES
Les boues radiolaires et diatomes s'accumulent actuellement sur les fonds ocaniques, sous les
zones de haute productivit des eaux de surface (grce aux upwellings). Les boues diatomes sont
typiques des hautes latitudes, tandis que les boues radiolaires s'observent en zone quatoriale.
L'accumulation des tests siliceux est la plus manifeste dans les zones o les sdiments siliceux ne sont
pas dilus par un apport en carbonates et/ou en terrignes, c'est--dire loin des embouchures fluviales et
sous la zone de compensation des carbonates (CCD) (Fig. V.1). Des quivalents anciens de ces boues
siliceuses, sous la forme de cherts lits, sont frquemment observs. Dans ces cherts, les radiolaires
sont mal conservs et on ne remarque gnralement plus que quelques moules de tests, emplis de
mgaquartz, isols dans une matrice de microquartz. Certains de ces cherts lits montrent un
granoclassement et des laminations entrecroises ou planes parallles. Il s'agit dans ce cas de turbidites
remaniant des boues siliceuses provenant de zones en surlvation.
Les cherts lits sont souvent associs avec des pillow lavas, des black shales, des ophiolites, ou encore
des turbidites siliciclastiques ou carbonates, suivant le contexte palogographique gnral.

Fig. V.1: carte de rpartition des diffrents types de sdiments ocaniques. Les boues siliceuses
s'observent au niveau des zones de haute productivit planctonique (quateur et hautes latitudes), les
boues carbonates au-dessus de la CCD (voir ci-dessous, ch. VIII), les sdiments terrignes au
dbouch des grands fleuves et les sdiments glacio-marins au large de l'Antarctique et du Groenland.

A: radiolarites, Sumeini Group (Ladinien, Trias), Wadi Shu'yab, UAE-Oman. B: radiolarites, Al Jil
Formation (Capitanien, Permien), Wadi Hawasina, UAE. Photos A-C. da Silva.
CHERTS ET SILEX NODULAIRES
Ces accidents siliceux sont frquents dans les carbonates. Il s'agit de nodules, de rognons siliceux,
gnralement concentrs le long de certains plans de stratification. Ces nodules peuvent te coalescents
et former des bancs, ressemblant ds lors aux cherts lits. On observe ces nodules aussi bien dans des
calcaires de plate-forme que dans des calcaires plagiques.

A: niveaux de cherts, parallles la stratification, dans les calcaires de la Formation de Leffe, Rocher
Bayard; B: silex moulant des terriers (flche) dans la craie, sur une surface de stratification, Etretat.
Diverses hypothses ont t mises quant leur origine. On considre gnralement que la silice
dissmine dans le sdiment (spicules en environnement peu profond, radiolaires en environnement
plagique,...) se dissout et prcipite sous la forme d'opale-CT proximit de germes de croissance
(fossiles, grains dtritiques) dans des zones favorables (terriers, souvent). La transformation

diagntique de l'opale en microquartz et calcdoine se fait ensuite progressivement de manire


centripte. On a remarqu aussi que le microquartz remplace les carbonates, tandis que la calcdoine et
le mgaquartz sont plutt des remplissages de cavits.
SILICITES NON MARINES
Des sdiments siliceux peuvent se former en milieu lacustre, par exemple par accumulation de
diatomes (diatomites), ou encore par vaporation d'eaux riches en silice dissoute (eaux pH >9). Dans
ce dernier cas, celui de certains lacs temporaires trs riches en phytoplancton, quartz et minraux des
argiles sont dissous lors des prolifrations planctoniques ("blooms") et la silice prcipite ensuite sous la
forme d'un gel lors de l'vaporation. On trouve aussi des enrichissements en silice dans les "silcrete",
qui rsultent d'une pdogense en milieu trs riche en silice instable (sols sur rhyolithes,
volcaniclastites).
Pour en savoir plus
- F. Arbey, 1980. Les formes de la silice et l'identification des vaporites dans les formations silicifies.
Bull. Centres Rech. Explor.-Prod. Elf-Aquitaine, 4, 1, 309-365.

VI. Les phosphorites


INTRODUCTION
Beaucoup de roches sdimentaires contiennent des quantits mineures de phosphates. Les phosphorites
(dpts sdimentaires de phosphates, caractriss par une teneur en P2O5 de l'ordre de 20% ou plus)
sont par contre relativement rares. Le phosphate des roches sdimentaires se prsente essentiellement
sous la forme de fluorapatite (Ca5(PO4)3F), dont une part du phosphate peut tre remplace par du
carbonate ou du sulfate, dont le fluor peut tre remplac partiellement par OH- ou Cl- et dont le calcium
peut tre substitu par Na, Mg, Sr, U et des terres rares. les varits cryptocristallines et isotropes
d'apatite sont appeles "collophane".
Dans la plupart des sdiments, le phosphate est dissmin sous la forme de quelques fragments
d'apatite (minral dense), de coprolites ou d'ossements. Par quel mcanisme de concentration en arrivet-on aux normes gisements de phosphorites que l'on connat actuellement?

Dbris phosphats (orangs) dans un packstone bioclastique (Jurassique, Lorraine belge); gauche,
lumire naturelle, droite, nicols croiss.

CLASSIFICATION
On classe en gnral les phosphorites en trois grandes catgories:
- les phosphorites nodulaires ou lites forment gnralement des dpts de grandes dimensions. Ces
phosphorites semblent tre les quivalents actuels des accumulations de phosphate qui se forment le
long de la bordure ocanique de certaines plates-formes. Le mcanisme responsable de telles
accumulations est la prsence de courants d'upwelling, riches en nutrients, favorisant des prolifrations
de phytoplancton. On peut supposer que priodiquement, ces prolifrations provoquent une mortalit
massive des poissons, avec apport d'os et de matire organique riche en phosphore dans le sdiment.
D'un point de vue plus gnral, il semble que ce type de dpt phosphat soit li des priodes de haut
niveau marin, voire de transgressions. Durant les priodes transgressives, un certain dsquilibre de la
sdimentation peut se produire, dsquilibre qui se manifeste par des baisses de l'apport en terrignes et
la formation de fonds durcis. Dans ce cas, il est facile d'expliquer la concentration des dbris
phosphats par un arrt de la dilution par la sdimentation dtritique.
- les "bone beds": ce sont des niveaux plus ou moins enrichis en os et cailles de poissons. Ces graviers
se forment lorsque les courants de vague ou de mare concentrent les lments les plus lourds sous la
forme de "lag deposits". En lame mince, le phosphate des lments squelettiques se distingue par sa
coloration jaune bruntre, la prsence de structures d'origine biologique (lignes de croissance,
canaux) et son caractre isotrope ou faiblement anisotrope. Associs ces bone beds, on observe
souvent des coprolites riches en collophane. Au cours de la diagense, une phosphatisation plus
pousse des sdiments (croissance de nodules autour des fragments osseux, cimentation par de la
collophane,...) peut avoir lieu. Un bon exemple d'un de ces bone beds est le niveau graveleux de la
Formation de Mortinsart (Rhtien), visible en Gaume, dans la coupe de Grendel. Le lecteur intress
peut consulter les rfrences ci-dessous.
- le guano: les djections d'oiseaux et, dans une mesure moindre, de chauves-souris, peuvent dans
certaines circonstances, former des gisements de phosphate d'intrt conomique. La percolation dans
le soubassement carbonat des solutions drives du guano peut tre responsable d'une phosphatisation
secondaire.
Pour en savoir plus
Sur un bone-bed rhtien en Gaume:

C.J. Duffin, P. Coupatez, J.C. Lepage & G. Wouters, 1983. Rhaetian (Upper Triassic) marine
faunas from "Le Golfe du Luxembourg" in Belgium (preliminary note). Bull. Soc. belge
Gol., 92 (4), 311-315.
C.J. Duffin & D. Delsate, 1993. The age of the Upper Triassic vertebrate fauna from Attert
(province of Luxembourg, Belgium). Serv. Gol. Belgique Prof. Papers, 264, 33-44.

VII. Les sdiments ferrifres


INTRODUCTION
Comme dans le cas des phosphates, la plupart des roches sdimentaires contiennent une proportion
mineure de fer. Ne sont actuellement considrs comme minerais que les roches o la teneur en fer
dpasse 15%. Comme le fer existe sous deux degrs d'oxydation, Fe++ (l'ion ferreux) et Fe+++ (l'ion
ferrique), son comportement est contrl par la gochimie des environnements sdimentaire et
diagntique.
La majorit des gisements ferrifres semblent s'tre forme en milieu marin et beaucoup sont
fossilifres. Un grand problme est cependant le manque d'quivalents actuels: les seuls grands dpts

ferrifres actuels sont les nodules mtallifres des grands fonds ocaniques et le fer des marais ("bogiron") qui semblent tre de peu d'importance gologique.
On distingue gnralement deux grands types de dpts ferrifres: les "banded iron formations" du
Prcambrien (BIF's) et les sdiments ferrifres phanrozoques. Les premiers sont typiquement
d'paisses squences constitues de sdiments ferrifres alternant avec des cherts noirs, dposs dans
de grands bassins intracratoniques; les seconds sont d'extension plutt rduite et forment des units
plus minces, gnralement de nature oolithique.
D'une manire trs gnrale, on observe que la formation de sdiments ferrifres est favorise par de
faibles taux de sdimentation, souvent lis des pisodes transgressifs, et par une forte altration
chimique continentale (climat tropical). Il semble galement qu'une corrlation existe entre une faible
concentration d'oxygne dans l'atmosphre et les poques de formation des gisements ferrifres: cette
relation est vrifie pour le Prcambrien, l'Ordovicien, le Dvonien, le Jurassique. Ce phnomne est la
consquence d'un apport accru de Fe++ l'ocan par des eaux moins oxygnes.
GEOCHIMIE ET PETROGRAPHIE
On considre actuellement que la principale source de fer pour le bassin ocanique est l'altration
continentale des roches basiques et des sols latritiques. Dans les conditions Eh et pH de la majorit
des eaux de surface, le fer est l'tat Fe+++, largement insoluble. Sa concentration en solution est ds
lors trs faible, de l'ordre de 1 ppm pour l'eau de rivire et de l'ordre de 0,003 ppm pour l'eau de mer.
Trois mcanismes de transport du fer sont envisageables:
- sous la forme de films d'oxyde sur des particules dtritiques;
- en liaison avec la matire organique;
- sous la forme de suspensions collodales d'hydroxydes qui prcipitent par flocculation lors du
mlange des eaux fluviales et marines.
Une fois dpos, le fer peut tre remis en solution dans le sdiment si les conditions Eh-pH sont
appropries et tre ensuite reprcipit sous la forme de minraux ferrifres. La Fig. VII.1 donne les
conditions de stabilit de ces minraux en fonction de l'Eh, du pH, de l'activit de S= (pS2- =-log [S2-])
et de la pression partielle de CO2. (Rappelons qu'un des principaux facteurs affectant l'Eh des eaux est
la teneur en matire organique: sa dcomposition bactrienne consomme de l'oxygne et gnre des
conditions rductrices). D'aprs ces diagrammes, on peut voir que l'hmatite est la forme stable dans
des conditions modrment fortement oxydantes, c--d dans un sdiment pauvre en matire
organique. Pour les minraux comprenant du fer ferreux, les champs de stabilit sont fortement
dpendants de la PCO2 et de la pS2- de la solution. Dans les sdiments marins, le soufre est
gnralement disponible par la rduction bactrienne des sulfates et c'est la pyrite ou la marcassite qui
se forment; les carbonates de fer sont rares.

4 FeOOH + 4 SO4= + 9 CH2O 9 HCO3- + H+ + 6 H2O + 4 FeS


FeS + H2S H2 + FeS2
En environnement mtorique (eaux douces), ce n'est pas le cas et les carbonates de fer sont plus
frquents. Cependant, mme en milieu marin, si tout le soufre est consomm, de la sidrite peut aussi
se former. Un bon exemple est la cristallisation de sidrite dans certains marais intertidaux actuels. Le
dveloppement des silicates de fer (glauconite,...) est encore sujet hypothses. Ajoutons enfin que
beaucoup de ces ractions d'oxydation et de rduction sont catalyses par la prsence de populations
microbiennes.

Figure : VII.1A: diagramme Eh-pH de stabilit du fer ferrique, du fer ferreux, de l'hmatite, de la
sidrite, de la pyrite et de la magntite. Ce diagramme montre que l'hmatite est le minral stable dans
les environnements modrment fortement oxydants. Pour des minraux comme la pyrite, la sidrite
et la magntite, stables en environnement rducteur, les champs de stabilit sont fortement dpendants
du pH, mais aussi des concentrations en CO32- et S2-. Le cas illustr par le diagramme est celui d'une
solution riche en CO32-et pauvre en S2-. Dans le cas inverse, le champ de stabilit de la pyrite s'tend
pour occuper la presque totalit de la partie infrieure du diagramme.Lorsque la fois CO32-et S2- sont
en faible concentration, c'est le champ de la magntite qui s'accrot. Bet C: champs de stabilit des
minraux ferrifres en fonction (B) de l'Eh et de pS2- (-log de l'activit de S2- ) et en fonction (C) de l'Eh
et de PCO2. D'aprs Krauskopf (1979) et Berner (1971), cits par Tucker (1991).
D'un point de vue ptrographique, l'hmatite (rouge vif en rflexion) se prsente surtout en oodes et
imprgnations secondaires de fossiles, sauf dans les BIF's o elle peut former des lamines ou des
niveaux massifs. La goethite (couleur jaune bruntre) forme en gnral des oodes. La limonite, un
mlange de goethite, d'argiles et d'eau, est un produit de l'altration subarienne des oxydes de fer.
La sidrite remplace gnralement des oodes et des bioclastes et peut former des ciments. On observe
soit des cristaux de grande taille clivage rhombodrique (comme la calcite), soit des microrhombodres de taille micronique, soit encore des fibres regroupes en sphrulites.
La pyrite est facilement reconnaissable par ses cristaux cubiques et sa couleur jaune vif en rflexion;
elle peut former des agrgats de microcristaux appels "frambodes". La marcassite n'est frquente
qu'en nodules dans les craies et les charbons.
Les silicates de fer: les plus importants sont la berthierine-chamosite, la greenalite et la glauconite. La
berthierine est un phyllosilicate du groupe des serpentines (espacement rticulaire de 7 ), riche en fer,
tandis que la chamosite est une chlorite (espacement rticulaire de 14 ), avec Fe++ comme cation
principal dans les sites octahdriques. La berthierine est un minral primaire qui se transforme en
chamosite partir de 120-160C. Donc, si les sdiments ferrifres les moins anciens contiennent
souvent de la berthierine, partir du Palozoque, on ne trouve plus que la chamosite. Berthierine et
chamosite (toutes deux vertes et faible birfringence) forment souvent des oodes dans les sdiments
ferrifres phanrozoques. Contrairement aux oodes aragonitiques, ces corpuscules paraissent tre
demeurs mous au cours de la diagense prcoce. On observe en fait frquemment des oodes

fortement dforms, voire mme des fragments d'oodes dforms formant le nucleus d'autres oodes.
Les conditions de formation de ces oodes sont mal connues, mais on pense que la berthierine prcipite
directement dans le sdiment en milieu anoxique pauvre en soufre.
La greenalite est un minral probablement trs proche de la berthierine-chamosite, verte et isotrope. on
la trouve gnralement en plodes, mais on ne sait pas s'il s'agit d'un minral primaire.
La glauconite est un alumino-silicate de fer et potassium avec un rapport Fe+++/Fe++ lev. Certaines
glauconites (dites ordonnes) sont des phyllosilicates de type illites, mais la plupart forment des
interstratifis avec la smectite. La glauconite est gnralement observe sous la forme de plodes, de
couleur verte, souvent plochroque et d'aspect microcristallin. La glauconite est frquente dans les
sables et grs et elle se forme actuellement sur beaucoup de plates-formes continentales, des
profondeurs de quelques dizaines quelques centaines de mtres, dans des zones sdimentation
ralentie (au point de vue squentiel, elle souligne souvent les " surfaces d'inondation maximales ").
Comme pour les autres silicates de fer, il s'agirait d'un milieu anoxique pauvre en soufre
FORMATIONS FERRIFERES PRECAMBRIENNES
Ces formations, de grande importance conomique, se retrouvent sur les boucliers anciens de la plupart
des continents. D'aprs des tudes effectues au Canada, deux types de gisements peuvent tre
distingus:
- un type lenticulaire, d'extension gographique relativement faible et associ des roches volcaniques
et des graywackes, d'ge 2500 3000 Ma;
- un type de grande extension rgionale, dpos en contexte de plate-forme stable, d'ge 1900 2500
Ma.
Sur la base des minraux ferrifres prsents, il est possible de distinguer quatre facis: (1) oxyd
(hmatite-magntite), (2) silicat (greenalite), (3) carbonat (sidrite) et (4) sulfur (pyrite). Les
minraux primaires seraient respectivement un compos amorphe de type Fe(OH)3, la berthierine, la
sidrite et la pyrite en fonction des conditions gochimiques. On peut d'ailleurs observer, suivant
l'augmentation de la palobathymtrie, une zonation oxyde et silicate-carbonate-sulfure. Un des facis
les plus spectaculaires consiste en laminations millimtriques centimtriques d'hmatite alternant
avec du chert. Certaines de ces laminations ont une extension de 30.000 km2.
Le gros problme de ces BIF's concerne le transport et l'origine du fer. On suppose que l'atmosphre
prcambrienne tait pauvre en oxygne et plus riche en dioxyde de carbone. La plus grande richesse en
CO2 aurait diminu le pH des eaux de surface, avec comme consquence une altration continentale
plus efficace. Le dpt des lamines ferrifres pourrait tre la consquence d'upwellings, amenant des
eaux anoxiques riches en fer sur la plate-forme plus oxygne, de prcipitation microbienne ou encore,
de phnomnes saisonniers de mlange d'eaux (turnover) dans un ocan ordinairement stratifi. Les
lamines de chert pourraient quant elles rsulter de prolifrations priodiques d'organismes siliceux
(blooms).

Hmatite et chert dans un BIF. Belo Horizonte, Brsil.

FORMATIONS FERRIFERES PHANEROZOQUES


Les plus importantes de ces formations sont les oolithes ferrifres, constitues d'hmatite-chamosite
dans le Palozoque et de goethite-berthierine dans le Msozoque. On en recense deux pisodes
majeurs, durant l'Ordovicien et le Jurassique. Il s'agit de priodes caractrises toutes deux par un haut
niveau marin, de larges zones pnplans et un climat chaud et humide, responsable d'une importante
altration chimique continentale.
Un exemple fameux et proche de nous de ces oolithes ferrifres est la Minette de Lorraine et du
Luxembourg. D'ge aalnien, sa puissance varie de 15 65 m et on y observe plusieurs squences.
En Belgique, la minralisation est nettement moins dveloppe. A Halanzy, l'Aalnien a 4,8 m de
puissance et 4,5 m dans la rgion de Musson-Grand Bois. On y constate l'existence de deux couches de
minerai sous lesquelles apparat une troisime lentille vers le milieu de la concession de Musson. En
limite des concessions de Musson et Halanzy, la couche suprieure a 2,15 m de puissance, la moyenne
1,35 m, spare par 0,4 m de marne ferrugineuse. Le minerai est constitu par des oolithes
ferrugineuses rougetres brun rouge, avec grains de quartz mousss. Le tout est dans un ciment
argileux ou limoniteux, voire calcaire. Parfois, on trouve des dbris coquilliers en calcite. On aurait
observ en outre la prsence de glauconie au toit de la couche suprieure dans le centre des oolithes.
Les striles diffrent seulement par la raret ou l'absence d'oolithes ferrugineuses.
Modle gntique de la Minette: "Le territoire o se situe le gisement lorrain reprsentait la fin du
Toarcien la bordure littorale d'une mer couvrant le bassin de Paris. Du NE, par la dpression eifelienne,
arrivaient un ou plusieurs fleuves importants. Le bassin ferrifre se situait l'emplacement de leur
embouchure. On peut reprsenter (...) le paysage comme une aire trs plate soumise l'influence des
mares. Les eaux fluviatiles se frayent un chemin vers la mer (...) Dans ces chenaux s'opre, au rythme
des mares, la rencontre des eaux marines et fluviales. Les courants ne sont intenses qu'en certains
endroits entre lesquels apparaissent des bancs de sable stratification oblique (...) En dehors des
chenaux, sur les aires plates, les sdiments sont soumis un mouvement de va et vient, avec
exondation temporaire: c'est la slikke vaseuse. Le courant marin sur le flanc de la lentille, o son action
est dominante, apporte des sdiments marins et en particulier des dbris de coquille et des grains de
quartz. Les courants fluviatiles apportent le fer qui prcipite dans cette zone en oolithes ferrugineuses.
La phase qui prcipite a donc une origine continentale (hydroxyde de fer). Les processus diagntiques
transforment la limonite en hmatite, sidrose puis magntite, lorsque la limonite est en excs; en
chlorite et sidrose dans un sdiment fin et argileux (Waterlot et al., 1973). Signalons que d'aprs
Teyssen (1984), la minette s'est forme en environnement subtidal, sous la forme de rides sableuses
montrant une squence de type coarsening upward (boue-facis de transition-minette-facis coquillier).
Ces squences sont galement caractrises par une augmentation du contenu bioclastique et par une
diminution de la bioturbation.
Accessoirement, dans les formations ferrifres phanrozoques, il faut encore citer les argilites et shales
riches en sidrite, correspondant vraisemblablement des environnements lagunaires, estuariens, voire
deltaques. La sidrite peut s'y manifester en cristaux disperss, en nodules ou en bancs plus ou moins
continus.

Ooides hmatitiques, Formation de Presles, Frasnien, Tailfer.


FORMATIONS FERRIFERES ACTUELLES
FER DES MARAIS
Les seuls dpts ferrifres de quelqu'importance (avec les nodules ocaniques) se dvelopper de nos
jours sont donc les "bog iron ores". Ces sdiments s'observent dans les lacs et marais des latitudes
moyennes leves, comme l'Amrique du Nord, l'Europe et l'Asie.
La nature du minerai est assez variable, variant depuis des oodes et des pisodes jusqu' une forme
terreuse. Le minral prdominant semble tre la goethite, suivie par la sidrite. Contrairement la
plupart des autres formations ferrifres, le contenu en manganse est assez lev, atteignant
frquemment 40%. Le fer des marais se forme lorsque des aquifres acides se dversent dans des lacs
et marais relativement mieux oxygns. L'augmentation de Eh et pH qui en rsulte est reponsable de la
prcipitation du fer ferreux en solution, sous la forme d'hydroxydes de fer.

A: prcipitation d'hydroxydes de fer l'intervention de bactries (filaments) dans un marcage


(Islande); B: nodule polymtallique.
NODULES POLYMETALLIQUES
Les nodules polymtalliques, appels aussi "nodules de manganse" s'observent dans diffrents types
d'environnements ocaniques profonds, situs souvent quelques centaines de m sous la CCD et
caractriss par une vitesse de sdimentation trs faible. Il s'agit de concrtions de 1-10 cm de
diamtre, constitues d'oxydes de Fe et Mn, accompagns de Ni, Cu et Co (ces nodules constituent
d'ailleurs -hlas- d'importantes rserves de ces mtaux). On constate aussi la prsence d'argile et de
tests d'organismes planctoniques. Le nucleus des concrtions est habituellement un fragment d'origine
organique (dent de poisson, etc.) Beaucoup de nodules ont leur partie suprieure (au contact des eaux
ocaniques) enrichie en Fe et Co et leur partie infrieure (au contact du sdiment), riche en Fe et Mn ce
qui suggre des changes chimiques entre les nodules et leur environnement. De plus, la composition
des nodules est variable selon leur localisation (les nodules Pacifiques sont plus riches en Mn, Co et
Cu, au contraire des nodules Atlantiques qui sont plus riches en Fe).
La vitesse de croissance des nodules polymtalliques est extraordinairement lente, de l'ordre de
quelques mm par million d'annes! C'est beaucoup plus lent que la vitesse de sdimentation des
sdiments ocaniques sur lesquels on les observe et cela pose videmment le problme de leur prsence
en surface. Plusieurs hypothses ont t proposes pour expliquer ce paradoxe: dissolutionreprcipitation l'interface eau-sdiment; rosion des sdiments par des courants de fond; migration
des nodules vers la surface par l'effet de la bioturbation. Le mcanisme de formation des nodules luimme est encore peu connu: prcipitation sous l'effet de conditions oxydantes (arrive d'eaux
oxygnes); activit bactrienne (ce seraient dans ce cas des "oncodes Fe-Mn"); recyclage et remonte

en surface de solutions formes dans des zones plus rductrices du sdiment. Signalons enfin que
beaucoup de nodules montrent des signes de dplacement (orientation prfrentielle, cassures,
granoclassement,...)

densit

environ
2

porosit

30-50%

concentration (zones d'intrt


conomique)

7 kg/m2

Mn

29,5%

Al 1,12%

Fe

6,34%

Si

4%

Ti 0,3%

Na

2,92%

Co 0,25%

Mg

2,88%

0,23%

Ca

1,44%

0,14%

Ni

1,40%

Zn 0,14%

Cu

1,16%

Mo 0,06%

0,8%

Tableau VII.1: donnes gnrales concernant les nodules polymtalliques (d'aprs Chamley, 1990).
Pour en savoir plus
Sur l'influence microbienne dans la prcipitation de minraux ferrifres:

D. Fortin & S. Langley , 2005. Formation and occurrence of biogenic iron-rich minerals.
Earth-Science Reviews, 72, 1-19.
F. Boulvain., C. De Ridder., B. Mamet, A. Prat, & D. Gillan, 2001. Iron microbial
communities in Belgian Frasnian carbonate mounds. Facies, 44, 47-60.

Sur la Minette de Lorraine:

T. Teyssen, 1984. Sedimentology of the Minette oolitic ironstones of Luxembourg and


Lorraine: a Jurassic subtidal sandwave complex. Sedimentology, 31, 195-211.
G. Waterlot, A. Beugnies et J. Bintz, 1973. Ardenne-Luxembourg. Guides gologiques
rgionaux, Masson, 206 pp.

Sur les oolithes ferrugineuses du Famennien du Massif de la Vesdre:

R. Dreesen, 1987. Event-stratigraphy of the Belgian Famennian (Uppermost Devonian,


Ardennes shelf). In: A. Vogel, H. Miller, R. Greiling (eds.): The Renish Massif, Vieweg, 2236.

VIII. Les grands environnements de dpt des carbonates


INTRODUCTION
Comme dans les autres domaines de la sdimentologie, un fondement essentiel de l'interprtation des
paloenvironnements carbonats se trouve dans l'tude approfondie des modles actuels. Le but du
prsent chapitre est d'introduire brivement les grands environnements de dpt des carbonates.
Certains de ces environnements seront traits plus en dtail aux chapitres suivants.

Dans une premire approche d'ensemble, deux grands domaines s'individualisent de part et d'autre du
trait morphologique important qu'est le rivage: le domaine continental et le domaine marin.
LE DOMAINE CONTINENTAL
Le domaine continental se caractrise par des dpts souvent trs localiss. Bien que ce domaine ne
prsente en gnral que peu de sdiments carbonats, on citera les dpts lacustres, fluviatiles,
glaciaires (moraines,...), dsertiques, karstiques, de grottes. Il est en outre soumis l'action des
phnomnes mtoriques, ce qui est l'origine d'importantes transformations diagntiques (voir ce
chapitre). Un chapitre spcial sera rserv dans la suite du cours la pdogense.
CARBONATES LACUSTRES
Les carbonates lacustres (eaux douces et sales) sont le rsultat de prcipitations inorganiques ou
d'accumulations algaires ou coquillires.
- Les prcipitations inorganiques peuvent tre lies une soustraction de CO2 (photosynthse,...), un
mcanisme d'vaporation ou encore au mlange d'eaux pH diffrents (lac/rivire, par exemple).
L'quation suivante est une notation simplifie de l'quilibre des carbonates:

CaCO3 + H2O + CO2  Ca++ + 2 HCO3Le rapport Mg/Ca dtermine le minral prcipit: Mg/Ca<2 prcipitation de calcite (ex. Lac de
Constance); Mg/Ca de 2 7 calcite Mg (Lac Balaton); Mg/Ca de 7 12 calcite Mg et dolomite par
transformation de calcite Mg; Mg/Ca>12 aragonite.
- Les carbonates algaires sont le rsultat de:

la biocorrosion d'un substrat carbonat par des cyanophyces, des chlorophyces, des
rhodophyces, des champignons ou des lichens, donnant naissance des sdiments carbonats
de la taille des silts;
des phnomnes de pigeage de sdiments et de prcipitation par des mousses et des
stromatolithes;
la formation d'oncodes (cyanophyces et algues vertes non squelettiques) avec incorporation
de coquilles et dbris carbonats;
des accumulations d'oogones de charophytes (gyrogonites).

- Les accumulations de coquilles (gastropodes, lamellibranches) sont du mme type qu'en milieu
marin. Elles ne forment jamais qu'une faible proportion des carbonates lacustres.

A: Calcaire de Ventenac (Eocne, Minerve); un niveau de lignite interrompt la sdimentation lacustre.


B: oncolithe fluviatile (Eocne, Coustouge).
TUFS ET TRAVERTINS
Au dbouch de certaines sources, ou plus rarement en rivire, se forment des prcipitations de calcite.
Ces accumulations peuvent tre constitues de lamines denses et rgulires (travertin) ou de matriau
trs poreux et irrgulier (tuf) Un bel exemple de tuf est visible en Lorraine belge: la "Cranire" de
Lahage. Il semble admis que les processus de prcipitation inorganiques dominent dans le cas des
travertins (perte de CO2) tandis que les tufs se forment par prcipitation de calcite sur des mousses ou
des algues.

Cranire de Lahage; A: vue gnrale du dpt; B: production actuelle de travertin.


GROTTES
Les concrtions aragonitiques de grottes (speleothems) peuvent tre identifies, mme aprs leur
transformation en calcite, par leur morphologie (planchers, stalactites, stalagmites, pisodes) et par
l'alternance de lamines de fibres peu allonges et de fibres trs allonges, atteignant plusieurs
centimtres.

CALICHES, CALCRETES, voir galement le cours de "processus sdimentaires".


On appele "caliche" ou "calcrete" un palosol en environnement carbonat. L'identification des
palosols est importante dans l'analyse des bassins sdimentaires: leur prsence tmoigne en effet d'une
mersion de longue dure. Une srie de critres permet leur mise en vidence. Il faut garder cependant
l'esprit qu'en gnral, la prsence d'un seul de ces critres n'est pas une preuve dfinitive d'mersion
ou de pdogense. N'oublions pas aussi que les tmoins d'mersion sont rarement conservs dans
l'enregistrement sdimentaire: ils sont souvent remanis par la transgression marine qui suit l'pisode
continental.
Les critres dmersion tirs de la littrature ont t classs en cinq catgories: les critres
sdimentologiques, pdogntiques, palontologiques, diagntiques et gochimiques. Certains critres
sont observables macroscopiquement (M) et dautres microscopiquement (m).
Critres sdimentologiques d'mersion

Discontinuit angulaire et/ou rosion;


changements brutaux de facis (M et m);
prsence de chenaux et/ou de remaniements (M);
facis continentaux (palustres, lacustres, fluviatiles,) (M et m);
prsence dvaporites ou de pseudomorphoses d'vaporites (M et m);
prsence dans la roche sus-jacente dintraclastes perfors et/ou minraliss, ainsi que de
bioclastes remanis;
horizons bauxitiques;
surface karstique.

Critres pdogntiques

Brchification (M); les niveaux brchiques sont une caractristique importante des palosols
et sont lis des alternances de priodes sches et humides;
horizons carbonats massifs ou horizons carbonats laminaires (M);
marbrures et nodules (M);
enduits minraliss et cailloux noirs (M);
fissures de dessiccation (M);
traces de racines (M et m);
prsence de Microcodium (m);
"circumgranular cracks" et "syneresis cracks" (m); les fractures courbes autour de certains
clastes tmoignent dune prcipitation carbonate en milieu aquatique, suivie d'une phase de
dessiccation qui engendre les structures courbes autour des clastes, suivie nouveau d'une
immersion avec prcipitation de ciment;
microsparitisation (m);
calcite en micro-fibres (m);
structures alvolaires (m);
traces d'illuviation (migration et concentration des argiles vers les horizons infrieurs); la
prsence de "coules" argileuses, caractristiques du phnomne d'illuviation, est propre aux
palosols (M et m);
concentrations locales de pellodes (glaebules) (m); leur prsence rsulterait de la
fragmentation de la micrite par dessiccation;
minralisations diverses: principalement pyrite et hmatite (M et m);
pisolites (m);
cimentation vadose (m).

Critres palontologiques

Prsence de charophytes et dostracodes deau douce (m) indiquant le dveloppement de lacs


sur la plate-forme de faible profondeur deau, partiellement merge;
analyse micropalontologique fine qui indiquerait une lacune sdimentaire (m).

Critres diagntiques

Diffrence de compaction des roches sous- et sus-jacentes;


cimentation vadose (m);
prsence dargile verte dans la roche sous-jacente, essentiellement de lillite, qui serait lie la
transformation dun matriel pdognique.

Critres gochimiques

18O: les rapports isotopiques de loxygne de leau varient selon le climat et le taux
dvaporation. Une vaporation importante conduit des rapports isotopiques plus levs au
sein des zones o cette vaporation est active (sebkhas, marais salants, .). Par contre, les
eaux mtoriques rsultant de cette vaporation montreront des valeurs plus faibles;
13C: les rapports isotopiques du carbone sont essentiellement en relation avec les processus
organiques, dont la photosynthse. Ainsi, le carbone organique montre des rapports
isotopiques faibles et les carbonates marins des valeurs plus leves. Des rapports isotopiques
trs bas peuvent tre produits par un processus de fermentation conduisant la formation de
mthane. Le lessivage de sols conduit galement des rapports isotopiques faibles;
variations de susceptibilit magntique; une mersion peu conduire un remaniement des
sdiments et la remobilisation de toute une srie de minraux magntiques, qui produiront
un signal de susceptibilit plus lev. De plus, les transformations pdogntiques peuvent
conduire la formation de minraux tels que la magntite, lhmatite et la pyrite qui
augmenteront galement le signal magntique.

LE DOMAINE MARIN
On y distingue essentiellement un milieu de plate-forme et un milieu de bassin spars par un talus. La
diffrenciation de ces termes est morphologique, mais en gros, d'un point de vue bathymtrique, on
peut dire que la profondeur varie de 0 environ 200 m sur la plate-forme; le bassin tant caractris par
des profondeurs plus importantes.
La morphologie des plates-formes est sujette variation, de mme que la nature et la gomtrie des
corps sdimentaires qui s'y dposent. Une nette distinction sdimentologique peut tre effectue entre
plates-formes carbonates tropicales et plates-formes carbonates tempres. Lees & Buller (1972)
opposent un modle CHLOROZOAN un modle FORAMOL (Fig. VIII.1).
LES PLATES-FORMES CARBONATEES TEMPEREES
Ces dernires sont actuellement nettement moins connues que leurs homologues tropicales. Certaines
de ces plates-formes (sud de l'Australie, ouest de l'Irlande) couvrent pourtant des milliers de km2 de
fonds marins.
D'aprs Lees & Buller (1972), les principaux groupes d'organismes reprsents dans les sdiments y
sont: les mollusques, les foraminifres benthiques, les chinodermes, les bryozoaires, les barnacles, les
ostracodes, les spicules (calcaires) d'ponges, les tubes de vers et les coraux ahermatypiques pour les
animaux, les algues rouges (Lithothamnium) pour les plantes. Les foraminifres et les mollusques tant
gnralement dominants, cette association est appele "foramol". En eau tropicale, cette association
s'enrichit notablement en coraux et/ou algues vertes calcaires (ex: Halimeda), tandis que la contribution
des bryozoaires et barnacles diminue considrablement: on a l'association "chlorozoan" (chlorophytes +
zoanthaires).

Concrtions calcaires dues des Lithothamnium (flches) dans une mare ctire (Ile Grande,
Bretagne).
En ce qui concerne les grains non squelettiques (pelodes, oodes, aggrgats,...), ils semblent tre
largement lis l'association chlorozoan, sauf peut-tre pour les plodes qui peuvent dborder sur
l'association foramol. La micrite est constitue d'aragonite et de calcite magnsienne dans le domaine
tropical, tandis qu'en domaine tempr, l'aragonite devient beaucoup plus rare. La cimentation est
faible en milieu tempr.
Signalons que dans l'ocan actuel, le carbonate de prcipitation chimique est l'aragonite (suite un
rapport Mg/Ca lv, cf. complments de sdimentologie). Ceci ne veut videmment pas dire que toute
boue calcaire d'origine marine est aragonitique puisque la dgradation des tests des organismes fournit
une part importante des sdiments fins et que ces tests peuvent tre calcitiques. Le tableau VIII.1 donne
la composition des test des principaux organismes calcaires.

TAXON

Aragonite

Calcite
(mol%
MgCO3)

ALGUES CALCAIRES

10-20

rouges
vertes

oui
5

coccolithes
FORAMINIFERES
benthiques

rare

5-17

planctoniques
EPONGES

5-15

rare

10-20

Aragonite
et calcite

STROMATOPORES

oui

5?

COELENTERES
rugueux

tabuls

sclractiniaires

oui

alcyonaires

rare

10-20

BRYOZOAIRES

rare

5-17

rare

5-10

BRACHIOPODES
MOLLUSQUES
chitons

oui

lamellibranches

oui

5-10

oui

gastropodes

oui

5-10

oui

ptropodes

oui

cphalopodes

oui
5

blemnites
ANNELIDES

oui

5-17

oui

ARTHROPODES
dcapodes

7-12

ostracodes

5-10

barnacles

5-10

trilobites

ECHINODERMES

7-17

Tableau VIII.1: types de carbonates prcipits par les principaux groupes d'organismes. D'aprs
Scholle (1978), modifi.
Concernant la rpartition des deux associations, il semble que chlorozoan soit limite aux latitudes
infrieures 30, tandis que foramol puisse s'tendre entre 60 et l'quateur. Une tude plus fine des
facteurs limitant chlorozoan montre que c'est en conjugant une temprature ocanique minimale
suprieure 14-15C et une temprature moyenne annuelle suprieure 23C que l'on cerne le mieux
l'aire de rpartition. Il ne faut pas oublier videmment que sous la zone photique, l'association
chlorozoan disparat.

Fig. VIII.1: rpartition des assemblages "foramol" et "chlorozoan" dans l'ocan mondial et
comparaison avec la rpartition de grains caractristiques.
LES PLATES-FORMES CARBONATEES TROPICALES
Les facteurs du milieu
L'action diffrentielle de certains facteurs de l'environnement sur les plates-formes carbonates permet
de dfinir un certain nombre de sous-environnements (Fig. VIII.4). Ces facteurs particuliers sont la
morphologie, l'hydrodynamisme, le chimisme (salinit, oxygnation) et la pntration de la lumire.
Les multiples possibilits de variation de ces facteurs expliquent la diversit des plates-formes
carbonates. Il ne faut donc pas raisonner partir d'un modle fig.
- La morphologie de la plate-forme: contrle essentiellement par l'existence, l'absence ou la
localisation variable d'une barrire ou d'un haut-fond plus ou moins continu (Fig. VIII.2). Cette barrire
revt une gomtrie et une nature variable et complexe. L'existence d'un relief a une influence directe
sur le niveau d'nergie, le chimisme des eaux (salinit, oxygnation) et l'activit biologique: il entrane
la distinction entre un milieu de plate-forme interne et un milieu de plate-forme externe ou de bassin.
En l'absence de rupture de pente nette, la profondeur augmente de faon progressive depuis le littoral
jusqu'au bassin: on parle alors de rampe.

Fig. VIII.2: morphologie des rampes et plates-formes carbonates.


Il est noter que le vocabulaire anglais est plus prcis: les "carbonate platforms" regroupent la fois
les "ramps" (sans rupture de pente) et les "shelves" (avec rupture de pente). En franais, nous ne
disposons que du terme plate-forme que l'on doit donc opposer rampe. On peut ventuellement
regrouper rampe et plate-forme s.s. au sein des "plates-formes s.l."...
PLATE-FORME AVEC
BARRIERE

RAMPE

rupture de pente

pas de rupture de pente

prsence d'une barrire continue

pas de barrire continue

nergie forte prs de la barrire,


diminue vers le rivage

nergie forte prs du rivage,


formation de bancs ("shoals")

barrire=surtout framestones

bioconstructions=surtout
bafflestones, bindstones

turbidites, blocs exotiques


provenant de la barrire

peu de turbidites, pas d'olistolithes,


tempestites

sdiments lagunaires cycliques de sdiments restreints peu tendus,


grande extension gographique
non cycliques.
Tableau VIII.2: exemples de diffrences sdimentologiques entre rampe et plate-forme s.s.
- Les facteurs dynamiques: ils comprennent vents, courants de vagues et de mares. Leur rsultat est
surtout un tri granulomtrique. La granulomtrie des sdiments et certains types de figures
sdimentaires donnent donc des informations importante quant au niveau d'nergie du milieu, souvent
en relation avec la profondeur et le degr de protection.

- Le chimisme des eaux: la sursalure, le manque d'oxygnation des eaux entranent de profondes
modifications dans le contenu faunistique, ce qui peut conduire distinguer:

un milieu ouvert: la circulation des eaux marines n'est pas entrave;


un milieu restreint: la circulation des eaux marines est entrave et en consquence leur qualit
subit des modifications plus ou moins importantes.

Ces distinctions s'entendent mme en dehors de toute considration morphologique du type barrire,
par exemple dans le cas d'une plate-forme trs tendue.
Le contenu en nutriments des eaux est aussi un paramtre trs important. Ce paramtre permet de
distinguer des environnements oligotrophique, msotrophique, eutrophique et hypertrophique
(Fig. VIII.3). En milieu oligotrophique, relativement pauvre en nutriments, les processus de recyclage
de la nourriture sont essentiels et les organismes capables d'utiliser plusieurs sources d'nergie sont
favoris (exemple: les coraux hermatypiques qui outre leur caractre htrotrophe, profitent de la
photosynthse de leurs algues symbiotiques); le facteur limitant dans ce type d'environnement est
l'apport de nutriments. En milieu msotrophique, l'apport de nutriments est plus important et d'autres
organismes interviennent: algues, faune benthique plus riche; le facteur limitant est la comptition pour
l'espace disponible. En milieu eutrophique, l'apport en nutriment est suffisant pour que se dveloppe
largement le phytoplancton; le facteur limitant est la lumire et la profondeur de la zone photique et
enfin, en milieu hypertrophique, le dveloppement de phytoplancton et l'accumulation de la matire
organique sont tels que la dgradation de cette matire consomme une bonne part de l'oxygne du
sdiment, limitant la vie benthique; dans ce dernier cas, le facteur important est la teneur en oxygne.

Fig. VIII.3: communauts organiques et nutriments dans les eaux tropicales et quatoriales.
- L'influence de la lumire: la pntration de la lumire permet galement de distinguer deux domaines
entre lesquels les conditions biologiques varieront considrablement: un domaine photique et un
domaine aphotique. L'absorption de la lumire par l'eau est slective: les infrarouges sont absorbs
dans le premier mtre, tandis que les longueurs d'ondes plus courtes (bleu) pntrent relativement
profondment dans l'ocan (plus de 100m). Les diffrents organismes n'utilisant pas les mmes
longueurs d'onde en fonction de leur pigment (algues rouges et algues vertes, par exemple), l'tendue
de la zone photique est variable suivant les communauts considres.
Il est vident que certains facteurs ne sont pas indpendants les uns des autres et que l'dification d'un
accident topographique continu (barrire, banc, rcif, seuil) aura une incidence sur le chimisme des
eaux et sur leur dynamique. Ds ce moment, la plate-forme interne sera circulation restreinte. Si la
barrire est de nature algaire (algues vertes, cyanobactries) ou rcifale (coraux, algues rouges), elle ne
pourra s'tablir que dans le domaine photique. Mme si les eaux sont peu turbides et claires, les
profondeurs d'implantation n'excderont pas quelques dizaines de mtres.

Les grands environnements de dpt


L'action des facteurs du milieu est l'origine de la diffrentiation des environnements au sein des
plates-formes. Pour les mers o la mare est sensible, on distingue sur la plate-forme interne
(Fig. VIII.4):

un milieu supratidal: trs pisodiquement envahi par les hautes mares de vives eaux.
Diffrents types de milieux particuliers s'inscrivent dans ce domaine, tels que: sebkha, tangs
ctiers,... Les dpts que l'on y trouve sont plus ou moins dvelopps en fonction du profil de
la cte. Leur nature est fortement influence par le climat (par exemple: climat
aride=possibilit de sebkha, climat humide=platier algaire). La prsence la fois d'eaux
douces et sales en font un milieu particulirement favorable la diagense prcoce;
un milieu intertidal: correspondant la zone de balancement des mares. Les priodes
d'exhondaison et d'ennoyage se marquent par des dpts et des facis typiques (birdseyes,
etc.), parfois rythmiques. C'est un milieu o la vie est gnralement abondante, mais o les
conditions cologiques sont extrmement difficiles du fait des alternances entre mersion et
immersion, des variations de temprature, d'insolation, de salinit, de pH, de chimisme des
eaux. Seuls des organismes spcialement adapts peuvent y survivre. L'influence du climat est
toujours importante, par exemple en ce qui concerne le dveloppement des tapis algaires,
localiss dans l'intertidal en climat aride, dans le supratidal en climat plus humide (voir
chapitre XII). C'est dans ce milieu intertidal que l'on rencontre les estrans, plages, chenaux de
mare, leves, mangroves, etc. C'est aussi avec le milieu supratidal un environnement
privilgi de la diagense prcoce. L'nergie des dpts y est gnralement leve; toutefois,
suivant l'ampleur des mares, la direction des vents et des courants, la prsence ou non d'une
barrire, les caractres propres ce milieu tendront s'estomper et se confondre avec ceux
du milieu subtidal;
un milieu subtidal: dans ce milieu, l'nergie est variable en fonction de la profondeur. La
diversit des facis, lie au gradient hydrodynamique, reste importante. La faune et la flore y
sont varies. Des organismes comme les ponges et les chinodermes deviennent plus
abondants. On observe galement l'apparition de quelques formes plagiques. Au point de vue
chimique, aux facis carbonats et vaporitiques peuvent s'ajouter des facis enrichis en silice,
phosphates, oxydes de fer,...

A: sebkha en milieu supratidal (El Melah); les bords rebrousss des polygones mtriques sont ds la
croissance d'vaporites dans le sdiment; B: mangrove et paltuviers en milieu intertidal; observer les
chasses servant assurer la stabilit des arbres dans la boue carbonate (Laing), photo A. Herbosch.
La barrire isole ensuite la plate-forme interne de la plate-forme externe o l'environnement est
beaucoup plus stable et homogne, en liaison avec le milieu ocanique. Les organismes plagiques
deviennent prpondrants et les sdiments sont gnralement fins, situs sous la zone d'action des
vagues. La teneur des eaux en nutriments contrle la productivit organique.

Fig. VIII.4: rpartition des environnements sur une plate-forme avec barrire.

Critres de caractrisation des milieux de dpt


- Critres lis aux facteurs biologiques: le type de communaut organique renseigne sur la bathymtrie
par la prsence ou l'absence d'organismes photosynthtiques , sur l'agitation du milieu (formes robustes
ou dlicates), sur la temprature (foramol-chlorozoan) et sur la teneur des eaux en nutriments (Fig.
VIII.3).
Dans le cas d'un profil complexe, barrire, les critres biologiques peuvent contribuer distinguer les
zones internes par rapport au reste du profil. Le rle d'cran jou par la barrire (organismes coloniaux
constructeurs) permet gnralement de diffrencier le milieu subtidal interne (organismes spcialiss)
du milieu marin ouvert qui est le domaine de vie des organismes plagiques. L'utilisation (rflchie) de
modles de rpartition de la faune et de la flore trouve ici sa pleine justification (voir exemples).
Si le profil est plus simple (sans barrire), la distinction entre plate-forme interne et externe est parfois
difficile. Le passage peut tre graduel et correspondre une limite d'nergie entre un milieu peu
profond et un milieu plus profond. La distinction entre ces milieux diffrents est alors base sur la
frquence et l'oligospcificit d'organismes benthiques, plus forte en plate-forme interne et sur la
frquence des algues, galement plus grande en plate-forme interne.
- Critres lis aux facteurs physiques (dynamisme des eaux): le niveau d'nergie est estim en gnral
en fonction de la taille, de la densit et de l'angularit des grains d'une part et de la prsence ou non
d'un matriau fin d'autre part (absence ou prsence de boue primaire). Cependant, la diffrence des
sries dtritiques, l'origine mme des carbonates joue videmment un rle important et ne permet pas
d'tablir un rapport direct entre le niveau d'nergie et le facis. Les variations du niveau d'nergie
seront donc dfinies par estimation de la proportion relative du matriau fin et des grains, en relation
avec leurs caractristiques morphologiques initiales. Il faut toujours se rappeler que les lments pris en
considration doivent tre critiqus en fonction d'autres facteurs possibles: taille des bioclastes et
angularit fonction de leur origine, micrite d'origine secondaire, par microsparitisation d'un grainstone
par exemple. Ceci permet en gnral de dterminer si les sdiments tudis se sont dposs en eau
calme ou agite, sans indication d'environnement particulier. Dans le cas d'un profil de plate-forme
complexe, le gradient des niveaux d'nergie est discontinu: la plate-forme externe et la barrire
prsentent des niveaux d'nergie forts, comparables ceux de l'intertidal, alors que ceux de la plateforme interne sont faibles. Un niveau d'nergie faible peut tre significatif d'un dpt en eau profonde,
sous la zone d'action des vagues ou bien, au contraire, caractriser un dpt en eau trs peu profonde
dans un domaine protg par la prsence d'une barrire.
LE TALUS
L'tude dtaille des talus est loin d'tre acheve. Outre les plonges profondes, ce domaine exige
l'emploi de mthodes sismiques lourdes.

Le talus possde une pente moyenne de 0,7 1,3 m par km et s'tage d'environ 130 m environ 2000
m, c'est--dire sous la zone photique et sous la zone d'action des vagues. Une sdimentation dclive
complexe caractrise donc les talus: mise en place de turbidites par glissements lis la gravit, des
cisaillements mcaniques ou des contraintes tectoniques, sismes, etc. Ces pandages sont
accompagns de coules de sdiments, slumps, blocs, olistholithes,... Le talus est de ce fait
essentiellement une zone de transit des sdiments. A la base des talus, les dpts du glacis continental
sont tals sous la forme d'ventails deltaques profonds. Ce sont des prismes dtritiques bathyaux,
coincs contre la base du talus et s'pandant vers les fonds ocaniques moyens. Leur superficie est
parfois considrable, avec chenaux d'pandages, interfluves, ravinements intraformationnels et slumps.
LE BASSIN
La temprature des eaux y est pratiquement constante et comprise entre -1 et 4C. Au point de vue
biologique, on y observe une dominance des organismes plagiques. Le benthos est rduit, sauf pour
certaines communauts spcialises: certains types de crinodes, rcifs profonds Lophelia (ch. XI).
On note l'absence totale d'algues, naturellement.
Par rapport aux eaux baignant les plate-formes, en gnral bien oxygnes par l'agitation due aux
vagues et la production photosynthtique d'oxygne, les eaux plus profondes peuvent prsenter des
phnomnes de sous-oxygnation. Un lment important est la prsence de la zone d'oxygne minimale
(ZOM), rsultant de la consommation d'oxygne par la respiration des organismes et surtout par la
dcomposition de la matire organique. Cette ZOM se dveloppe dans l'ocan actuel entre -500 et 1200 m environ. Les fonds baigns par des eaux sous-oxygnes se caractrisent par des sdiments
anoxiques (sombres et non bioturbs). Rappelons qu'au contraire, la prsence d'eaux arctiques ou
antarctiques de fond, froides, denses et sales, contribue l'oxygnation des fonds ocaniques.
En ce qui concerne l'quilibre des carbonates, le degr de saturation de la calcite est inversment
proportionnel la profondeur, quel que soit le type d'ocan concern. L'augmentation de la pression et
l'abaissement de la temprature augmentent le taux de solubilit du CaCO3, d'o une tendance la
dcalcification gnrale des sdiments partir d'une profondeur critique appele "lysocline" (on note
une trs brusque diminution du CaCO3 vers -4000 -5000 m). Dans les sdiments, la lysocline peut
tre dfinie par le passage d'un facis organismes carbonats bien prservs un facis organismes
partiellement dissous (Fig. VIII.5). Inversment, le contenu en SiO2 et phosphates augmente
progressivement avec la profondeur. Des concentrations en Fe et Mn, sous l'influence de mcanismes
bactriens, sont galement possibles.
Il faut remarquer que la dissolution des tests carbonats est slective et dpend de paramtres comme la
minralogie (par rsistance croissante: aragonite-calcite Mg-calcite), la taille, la prsence ventuelle
d'enduits organiques, la prsence de courants de fond froids qui favorisent la dissolution. Cette
particularit permet de subdiviser la lysocline en plusieurs zones caractrises par la nature des tests
prservs (exemple: de bas en haut: lysocline des coccolithes, lysocline des foraminifres).
En consquence, les sdiments ocaniques profonds ne peuvent tre constitus de boues carbonates
qu'au-dessus de la lysocline. Il s'agit alors essentiellement de dbris d'organismes planctoniques:
coccolithes, foraminifres (globigrines), ptropodes. Au-dessous ou des latitudes non favorables,
s'observent des boues radiolaires et diatomes (euplagique) et des boues terrignes (hmiplagique)
auxquelles s'ajoutent des turbidites (Fig. V.1). Il semble qu'un autre facteur important de la formation
de carbonates profonds soit la prcipitation de ciments (calcite Mg et surtout calcite) dans des zones
sdimentation trs ralentie.

Fig. VIII.5: profondeur de la CCD dans l'ocan mondial et relation entre lysocline et CCD.
Pour en savoir plus

J.J. Fornos & W.M. Ahr, 1997. Temperate carbonates on a modern, low-energy, isolated
ramp: the Balearic platform, Spain. J. of Sedimentary Research, 67, 364-373.
A. Lees & A.T. Buller, 1972. Modern temperate-water and warm-water shelf carbonate
sediments contrasted. Marine Geology, 13, M67-73.
M. Mutti & P. Hallock, 2003. Carbonate systems along nutrient and temperature gradients:
some sedimentological and geochemical constraints. Int. J. Earth Sci., 92, 465-475.
B.H. Purser, 1980. Sdimentation et diagense des carbonates nritiques rcents. Tome 1: les
lments de la sdimentation et de la diagense. Ed. Technip, 367 pp.
B.H. Purser, 1983. Sdimentation et diagense des carbonates nritiques rcents. Tome 2: Les
domaines de sdimentation carbonate nritique rcents; application l'interprtation des
calcaires anciens. Ed. Technip, 389 pp.
A.N. Strahler & A.H. Strahler, 1983. Modern physical geography. John Wiley & Sons, 532
pp.
J.L. Wray, 1979. Paleoenvironmental reconstructions using benthic calcareous algae. Bull.
Cent. Rech. Explor. Prod. Elf-Aquitaine, 3 (2), 873-879.

http://www.ig.uit.no/~bjarne/Rafaelsen&Nielsen_2005_ver_1_01.html

IX. Description et interprtation des


paloenvironnements carbonats
CLASSIFICATION DES ROCHES CARBONATEES
Les roches carbonates peuvent tre classes en fonction de leur composition chimique ou
minralogique, de proprits physiques comme leur porosit ou encore en fonction de leur texture,
matrice ou ciment et grains. Actuellement, les classifications les plus utilises font appel des
paramtres accessibles sur chantillon ou en lame mince tels que proportion matrice-ciment-grains.
Un consensus semble s'tre progressivement tabli au sein de la communaut des sdimentologues
quant la classification la plus commode: il s'agit de la classification propose par Dunham (1962) et
complte par Embry & Klovan (1972) et Tsien (1981). La classification de Folk (1959) possde
galement des adeptes.
Classification de Folk (Fig. IX.1)
On considre que les constituants majeurs des calcaires sont:
- les "allochems" (grains, corpuscules, lments figurs):

les intraclastes: sdiments remanis;


les pellets: grains ovodes de micrite de taille inframillimtrique;
les oolithes;
les fossiles, bioclastes et grains squelettiques;

- la matrice (micrite);
- le ciment (sparite).
Les appelations obtenues par combinaison d'un prfixe (intra-, pel-, oo-, bio-) et d'un suffixe (-micrite
ou -sparite) peuvent tre compltes par l'adjonction du terme "rudite" pour les grains dont la taille est
suprieure 4 mm (exemple: "biosparrudite" dcrit un calcaire grands bioclastes ou fossiles ciments
par de la sparite).

Fig. IX.1: classification des roches calcaires selon Folk (1959).


Classification de Dunham complte par Embry & Klovan et Tsien (Fig. IX.2)
Cette classification est base essentiellement sur la texture de la roche et sur le type de liaison entre les
grains. Les diffrents termes de la classification sont ensuite combins avec les noms des types de
grains les plus abondants. On a:
- avec matrice micritique:

mudstone: moins de 10% de grains;


wackestone: plus de 10% de grains, mais texture non jointive ("mud-supported");
packstone: texture jointive, c'est--dire empilement des grains en quilibre mcanique ("grainsupported")

- avec ciment sparitique:

grainstone: texture jointive;

- "boundstones", constructions rcifales, c'est--dire roches dont les lments taient lis d'une manire
ou d'une autre ds le dpt:

bafflestone: organismes rigs pigeant le sdiment en suspension par ralentissement de


l'coulement du fluide transporteur (exemple: bryozoaires);
coverstone: organismes lamellaires ou tabulaires stabilisant le sdiment par leur simple
prsence (exemple: tabuls lamellaires des monticules frasniens);
bindstone: organismes stabilisant le substrat par encrotement (exemple: algues corallines);
framestone: organismes difiant une charpente rigide (exemple: coraux constructeurs actuels);

- contenant plus de 10% d'lments > 2 mm:

floatstone: texture non jointive;


rudstone: texture jointive.

Fig. IX.2: classification des roches calcaires selon Dunham (1962) et Embry & Klovan (1972).
DESCRIPTION DES PALEOENVIRONNEMENTS CARBONATES: LA NOTION DE FACIES

A la base de cette notion coexistent la fois un souci de simplification et de standardisation de la


description sdimentologique et une volont de clarifier l'interprtation. Dtaillons ces deux aspects.
- Il est videmment possible, pour dcrire une succession de types de sdiment, de reprendre chaque
banc, niveau, etc. une caractrisation dtaille de ce que l'on observe. Si certains de ces types de
sdiment sont "raisonnablement" identiques, il est beaucoup moins fastidieux de dfinir une srie de
"sdiments-types" (facis) et de reprsenter leur succession en regard de la coupe.
- Dans l'esprit de la plupart des sdimentologues, on trouve l'espoir qu' un type de sdiment
corresponde un environnement bien prcis. Des exceptions cette relation s'observent, bien entendu,
mais si des types de sdiment analogues existent, ceux-ci, par des tudes plus approfondies, devraient
voir leur individualit propre se dessiner de plus en plus nettement.
La description synthtique envisage ici est aussi une aide l'interprtation des paloenvironnements
dans la mesure o elle permet de dtecter une organisation grande chelle des types de sdiment dans
un corps sdimentaire. Cette organisation grande chelle est souvent une des cls de l'interprtation.
Prcisons maintenant ces fameux "types de sdiment".
Le lithofacis: ce terme a t dfini pour la premire fois par Krumbein (1948, p. 1909) comme "the
sum total of the lithological characteristics of a sedimentary rock", incluant donc outre la lithologie, la
nature, l'abondance des organismes s'ils sont caractristiques de la roche en question. Ce terme est
descriptif et ne doit contenir aucun lment interprtatif. Il est donc, pour prendre un exemple,
injustifi de parler de "lithofacis de mer ouverte" pour ce qui devrait tre appel "lithofacis des
calcaires argileux gris beige brachiopodes".
Le microfacis: c'est la correspondance microscopique du lithofacis. Flgel (1982, p. 1) en propose la
dfinition suivante: "Microfacies is the total of all the paleontological and sedimentological criteria
which can be classified in thin-sections, peels, and polished slabs". Il va sans dire que cette notion est
elle aussi purement descriptive.
L'utilisation conjointe des notions de lithofacis et de microfacis permet de respecter le principe de la
gradation des chelles d'observation (on ne passe pas directement de la photo satellite au microscope
balayage...). L'exprience montre qu'en gnral, chaque lithofacis correspondent un ou plusieurs
microfacis. A chaque microfacis ne correspond qu'un lithofacis.
L'assemblage fossile: c'est la somme des constituants biotiques d'un sdiment. Cette notion coloration
plus directement cologique est donc incluse dans la notion de facis. Un micro- ou lithofacis est
caractris la fois par la nature, la texture,... du sdiment et par un assemblage fossile.
LES MICROFACIES STANDARDS DE WILSON-UN MODELE DE PLATEFORME CARBONATEE
Afin d'une part d'arriver une plus grande objectivit et homognit dans la description
sdimentologique et d'autre part de faciliter l'interprtation des paloenvironnements, un certain
nombre d'auteurs ont propos une srie de "microfacis standards", localiss dans un modle gnral de
plate-forme carbonate.
Le plus connu et le plus utilis de ces modles est celui de Wilson (1975), bas sur 24 "standard
microfacies types" ("SMF"), intgrs dans un systme de neuf ceintures de facis ("standard facies
belts", "SFB") correspondant des grands environnements de dpt: "basin (SFB1)-open sea shelf
(SFB2)-deep shelf margin (SFB3)-foreslope (SFB4)-organic buildup (SFB5)-winnowed edge platform
sands (SFB6)-shelf lagoon, open circulation (SFB7)-shelf and tidal flats, restricted circulation (SFB8)sabkhas with evaporites salinas (SFB9)". Voici ces microfacis, avec successivement leur abrviation,
leur nom et ventuellement une brve description et enfin, la ceinture de facis o ils peuvent tre
observs (Fig. IX.3).

Fig. IX.3: microfacis standards "SMF" et ceintures de facis "SFB" de Wilson (1975) (hauteurs
fortement exagres).

SMF1: spiculite: mudstones ou wackestones argileux sombres, riches en matire organique


et/ou spicules d'ponges. SFB1, bassin.
SMF2: packstones microbioclastiques: grainstones et packstones trs petits bioclastes et
plodes. SFB1, SFB2, SFB3.
SMF3: mudstones et wackestones organismes plagiques (exemple: globigrines, certains
lamellibranches, etc.). SFB1, SFB3.
SMF4: microbrche ou packstones lithoclastes et bioclastes: mono- ou polymictique; peut
inclure galement du quartz ou chert. SFB3, SFB4, avant-talus.
SMF5: grainstones/packstones ou floatstones lments rcifaux; goptes et structures
d'ombrelle ds l'infiltration de sdiments fins. SFB4, flanc rcifal.
SMF6: rudstones lments rcifaux; gros fragments de constructeurs, peu de matrice. SFB4,
talus d'avant-rcif.
SMF7: boundstone: organismes constructeurs en position de vie. SFB5, environnement de
haute nergie, rcif.
SMF8: wackestones et floatstones avec fossiles bien conservs, quelques bioclastes. SFB2,
SFB7, plate-forme ou lagon ouvert, sous la zone d'action des vagues.
SMF9: wackestones bioclastiques bioturbs; les bioclastes peuvent tre micritiss. SFB2,
SFB7, plate-forme ouverte peu profonde, prs de la zone d'action des vagues.
SMF10: packstones/wackestones avec bioclastes dgrads et encrots. SFB2, SFB7, grains
provenant d'environnements forte agitation, dposs en milieu calme.
SMF11: grainstones bioclastes encrots. SFB5, SFB6, corps sableux dans la zone d'action
des vagues, ventuellement en bordure de plate-forme.
SMF12: grainstones/packstones/rudstones bioclastiques, avec prdominance de certains types
d'organismes (crinodes, bivalves, dasycladales,...). SFB5, SFB6, bordure de plate-forme.
SMF13: grainstones oncodes et bioclastes. SFB6, agitation assez importante, profondeur
trs faible.
SMF14: "lags": grains dgrads et encrots, localement mlangs des oolithes et des
plodes, voire des lithoclastes; phosphates, oxydes de fer. SFB6, accumulation lente de
matriaux grossiers dans des zones agites.
SMF15: grainstones oolithes, stratification entrecroise. SFB 6, bancs, dunes, cordons
oolithiques en milieu agit.
SMF16: grainstones plodes, souvent mlangs quelques bioclastes (ostracodes,
foraminifres,...). SFB7, SFB8, environnement trs peu profond circulation modre.
SMF17: "grapestone": grainstones grains agrgs (lumps, bahamite), quelques plodes, et
grains encrots. SFB7, SFB8, plate-forme circulation restreinte, "tidal flats".
SMF18: grainstones foraminifres ou dasycladales. SFB7, SFB8, cordons littoraux, chenaux
lagunaires.
SMF19: lofrite: mudstones/wackestones laminaires plodes et fenestrae, passant des
grainstones plodes; ostracodes, quelques foraminifres, gastropodes et algues. SFB8,
mares et lagons circulation restreinte.

SMF20 & 21: mudstones stromatolithes. SFB8, SFB9, mares intertidales.


SMF22: wackestones oncodes. SFB8, environnement calme, souvent en arrire-rcif.
SMF23: mudstones homognes, non fossilifres; vaporites possibles. SFB8, SFB9, mares
hypersalines.
SMF24: packstones/wackestones lithoclastes de micrite non fossilifre. SFB8, "lag deposit"
de fond de chenaux tidaux.

L'utilisation des microfacis standards peut aider lors d'une premire approche et possde le mrite
certain de structurer les observations. Dans un deuxime temps, l'affinement des observations doit
permettre de mieux prciser les environnements de dpt et de modifier en consquence le modle
standard.
LE MODELE DE RAMPE
On a vu dans le chapitre prcdent que les diffrences sdimentologiques entre plate-forme et rampe
carbonates sont importantes, particulirement en ce qui concerne la rpartition des niveaux d'nergie.
Les "SMF" et "SFB" de Wilson s'intgrent clairement dans un modle de plate-forme avec barrire
rcifale. Il est donc ncessaire de considrer galement la rpartition des microfacis au long d'un
modle de rampe. Ce modle a t propos par Burchette &Wright (1992) (Fig. IX.4).

Fig. IX.4: rpartition des facis "RF" sur un modle de rampe carbonate (hauteurs fortement
exagres).
La rampe externe est localise sous la zone d'action des vagues de tempte, une profondeur de
plusieurs dizaines plusieurs centaines de mtres. On y observe des sdiments carbonats fins,
autochtones ou allochtones, associs des dpts hmiplagiques. Les bioconstructions y sont de type
"monticule micritique".

RF1: monticule micritique: bioconstruction isole, riche en matrice calcaire et comprenant des
ponges et des microbes; tous les organismes sont en position de vie.
RF2: marno-calcaires: mudstones et wackestones argileux microbioclastiques alternant avec
des argiles; la faune est benthique, nectonique, planctonique avec un net caractre ouvert:
bryozoaires, ponges, foraminifres planctoniques, chinodermes, mollusques. La
bioturbation est prsente.
RF3: tempestites distales: minces niveaux granoclasss dans des sdiments fins. Ces niveaux
un peu plus grossiers peuvent inclure des sdiments remanis issus de zones moins profondes
de la rampe.

La rampe mdiane correspond la zone situe entre la base de la zone d'action des vagues de beau
temps et la base de la zone d'action des vagues de tempte. La profondeur y est de quelques dizaines de
mtres. Les tempestites sont les dpts dominants, associs souvent des niveaux intraclastiques.

RF4: monticules squelettiques et rcifs: il s'agit de bioconstructions faune plus diversifie,


incluant des niveaux organismes en position de vie et d'autres remanis par l'action des

vagues; les constructeurs comprennent des bryozoaires, coraux, ponges, chinodermes,


algues rouges,...
RF5: "shoals": grainstones et packstones bioclastes remanis (bryozoaires, crinodes,
brachiopodes,...), stratifications obliques.
RF6: tempestites proximales, souvent amalgames: sdiments granoclasss, transports,
structures HCS, grainstones et packstones. Les ventuelles priodes de calme sont
reprsentes par des sdiments plus fins, de type wackestone, bioturbs.

La rampe interne comprend la zone situe entre la plage et la base de la zone d'action des vagues de
beau temps. Cette portion de rampe est situe dans la zone photique et le fond marin est remani
pratiquement en permanence par les vagues et les courants. On observe les facis suivants:

RF7: rcifs: biostromes et patch-reefs coraux, lamellibranches, rudistes, stromatopores; les


constructeurs sont rarement en position de vie; nombreux remaniements.
RF8: packstones et grainstones bioclastes varis.
RF9: shoals oolithiques et bioclastiques; grainstones et packstones stratification
entrecroise; oolithes, plodes, bioclastes (algues vertes, foraminifres, mollusques,
chinodermes,...)
RF10: "plage" et "mares": grainstones et packstones bien classs stratification plane et/ou
mudstones et wackestones bioturbs faune et flore plus rduite. Les bioclastes gardent un
caractre vari et partiellement "ouvert".

INTERPRETATION DES PALEOENVIRONNEMENTS CARBONATES: UNE BREVE ANALYSE


DES METHODES UTILISEES
L'interprtation d'un facis en terme de paloenvironnement est base bien entendu sur une
comparaison avec la nature actuelle. Si la continuit des processus sdimentaires peut tre garantie en
premire approximation pour des chelles de temps relativement grandes en ce qui concerne les
processus physiques de la sdimentation (viscosit et temprature des fluides, pression, teneur en
oxygne,...), ce n'est videmment pas le cas ds qu'intervient la vie, en constante volution.
L'application de l'actualisme doit alors tre tempre suivant l'anciennet des environnements tudis.
- L'actualisme appliqu aux organismes: cette mthode d'actualisme strict n'est applicable que pour des
environnements trs rcents, o les espces sont identiques. Au-del du Miocne, la proportion
d'organismes possdant des quivalents actuels tend vers zro au niveau de l'espce, puis du genre et
enfin de la famille. L'tude de l'Actuel nous montre que des espces diffrentes d'un mme genre
peuvent occuper des niches cologiques trs diffrentes.
- L'analyse morpho-fonctionnelle: il s'agit de dduire des implications cologiques de la morphologie et
des diverses adaptations d'un organisme. Cette mthode est appliquer avec prcaution. Exemple: les
pines: il peut s'agir d'un moyen de dfense contre des agresseurs, mais aussi d'un instrument de
fixation au substrat; voir galement les nombreux essais d'interprtation en terme de bathymtrie de la
morphologie des organismes constructeurs (lamellaires, branchus, etc.);
- L'actualisme appliqu aux processus physico-chimiques: revenons-y pour souligner que pour de
grandes chelles de temps, des modifications gnrales de ces paramtres sont possibles: exemples: la
teneur plus leve en CO2 de l'air au Carbonifre est peut-tre l'origine de la taille plus importante des
libellules (densit de l'air plus leve); autre exemple: les "Red Banded Ironstones" du Prcambrien
impliquent une atmosphre diffrente de notre atmosphre actuelle. D'une manire gnrale, cependant,
cette dmarche est extrmement fructueuse pour l'interprtation des innombrables structures
sdimentaires d'origine physique (types de stratification, granoclassements,...);
- L'actualisme appliqu la structure des populations: cette mthode est centre sur le fait que dans
toute population, mme si les organismes ont volu au cours du temps, des analogies de
fonctionnement demeurent: il faut alors identifier la fonction, la "niche cologique" (herbivore,
suspensivore, mucophages, dtritivores, etc.) de chaque membre de l'assemblage fossile et interprter le
paloenvironnement en comparant avec des peuplements actuels de mme type (exemple: peuplement
saumtre, rcifal, etc.). Pour citer un exemple, une communaut ponges, bryozoaires et brachiopodes

sera systmatiquement localise en milieu plus profond qu'une communaut algues et coelentrs
constructeurs et ce, aussi bien au Silurien (rcifs de l'Arctique canadien, Narbonne & Dixon, 1984 p.
47) qu'au Frasnien (Canning Basin, Australie, Playford, 1981, p. 13) ou qu' l'poque actuelle (Golfe
d'Aqaba, Hottinger, 1984).
Le principal cueil de cette mthode rside dans la dgradation au cours du temps de l'information
disponible. Cette dgradation se produit en plusieurs tapes; dtaillons-les:

entre sa mort et son enfouissement, l'organisme peut se dcomposer (disparition des


organismes " corps mou"); exemple: Nereis: ces peuplements peuvent reprsenter jusqu'
90% de la biomasse d'une communaut. Ces organismes sans test disparaissent cependant
totalement lors de la fossilisation. Seule la dcouverte de leurs terriers peut tmoigner de leur
prsence. Autre exemple: les ponges dont la prsence peut n'tre rvle que par les
stromatactis (voir plus loin);
de mme, les tests rsistants peuvent se dsarticuler par disparition des tissus qui maintenaient
leur cohsion (crinodes,...) ou tre dsagrgs par abrasion mcanique ou chimique (usure,
transport, ingestion, oxydation, dissolution,...); exemple: il est souvent difficile d'identifier
avec certitude la provenance d'un sable corallien: madrporaires ou mollusques?
aprs l'enfouissement, le test peut tre fortement dgrad par la compaction et la diagense:
remplacement (pyritisation, silification, dolomitisation, inversion des carbonates) ou
dissolution;
lors de l'inventaire des fossiles, plusieurs biais peuvent tre introduits: on ne rcolte souvent
que les "beaux" specimens; dans les sries dures, les fossiles sont plus difficiles rcolter que
dans les roches tendres; le recensement des organismes dpend aussi de la spcialisation du
gologue, de sa minutie et de son exprience...

Le rsultat de tout ce qui prcde constitue un assemblage fossile qui n'est en fait, sauf cas
exceptionnel, qu'une fraction drisoire de la communaut originale: mais c'est notamment sur ce
tmoignage que seront construits les modles interprtatifs. De toute manire, pour bien apprhender
un peuplement, il faut garder l'esprit que la plupart sont organiss de la faon suivante:

Fig. IX.5: pyramide cologique.

Avec un rapport de 10 entre chaque niveau de la pyramide alimentaire. Les fossiles appartiennent la
plupart du temps au groupe des consommateurs primaires (2) ou secondaires (3). La dcouverte d'un
fossile du groupe (3) implique donc que le peuplement original comptait une dizaine de (2) et une
centaine de (3)!
Autres piges viter dans l'interprtation d'un assemblage:

les mlanges de populations: exemple du Zuiderzee: aprs la construction du barrage, la faune


benthique a volu d'un peuplement de milieu sal un peuplement d'eau douce; les rcoltes
actuelles de coquilles font cependant penser un peuplement mixte. Ceci est tout simplement
la consquence d'un taux de sdimentation plus faible que le taux d'accumulation des
coquilles. Le mme rsultat peut tre provoqu par une intense bioturbation qui mlange les
fossiles issus de deux couches distinctes l'origine (Fig. IX.6) ou encore par le dpt en un
mme milieu d'organismes provenant de communauts diffrentes;
le problme plus gnral de l'ingale connaissance du milieu actuel: on connat
particulirement bien les littoraux... et les grands fonds; en ce qui concerne les
bioconstructions, ce sont les rcifs algocoralliens tropicaux qui ont t surtout tudis...;
le problme encore plus gnral de la reprsentativit du milieu actuel (on touche l aux
limites de l'actualisme): l'Holocne est une priode de crise, lie la monte eustatique postglaciaire. Beaucoup des peuplements que nous examinons sont des peuplements jeunes, qui
n'ont pas forcment atteint leur maturit, au contraire d'exemples anciens correspondant des
priodes de stabilit eustatique et/ou climatique.

Figure IX.6: mlanges de peuplements et interprtation des paloenvironnements. Une fausse


interprtation de peuplement mixte peut tre le rsultat de la succession de deux populations dans une
zone sdimentation ralentie, de la bioturbation ou encore d'un transport.
En conclusion, il faut tre persuad que l'interprtation d'un facis en terme de paloenvironnement ne
peut tre base que sur un faisceau d'vidences, issues de l'analyse morpho-fonctionnelle, d'analogies
avec des peuplements actuels, de l'interprtation des structures sdimentaires, etc. Toutes ces vidences
doivent faire l'objet d'un examen approfondi. Un argument ngatif ne peut tre cart qu'aprs
discussion. L'utilisation de modles doit toujours tre rflchie: quels sont dans le modle choisi, les
lments transposables tels quels, les analogies possibles, les dissemblances et pourquoi... Enfin, toute
interprtation d'un facis en terme de paloenvironnement devra finalement tenir compte de
l'interprtation que l'on aura donne aux facis qui lui sont gomtriquement lis au sein de l'difice
sdimentaire et stratigraphiquement contemporains au sein du bassin de sdimentation...

Dans la suite du cours, nous allons examiner diffrents types de bioconstructions, chelonnes du
littoral aux bassins ocaniques. Nous verrons que leur localisation, leur composition, leur morphologie
dpendent d'un paramtre fondamental: leur source d'nergie.
Pour en savoir plus
- T.P. Burchette & V.P. Wright, 1992. Carbonate ramp depositional systems. In B.W. Sellwood (Ed.),
Ramps and Reefs, Sediment. Geol., 79, 3-57.
- E. Flgel, 1982. Microfacies analysis of limestones. Springer-Verlag, 633 pp.
- J.L. Wilson, 1975. Carbonate facies in geologic history. Springer Verlag, 471 pp.

X. Tapis algaires, stromatolithes & Co


TAPIS ALGAIRES ET STROMATOLITHES ACTUELS
INTRODUCTION
Avec les tudes de Logan, Playford, Purser et autres, c'est un peu les bases de la sdimentologie des
carbonates actuels qui ont t jetes. Ces tudes taient surtout consacres ce qui tait accessible relativement- facilement: les zones inter- et supratidales des plates-formes carbonates. Un vif intrt
s'est rapidement fait sentir pour les sdiments algaires et cyanobactriens qui reprsentent sans aucun
doute un marqueur bathymtrique (proximit de la ligne de rivage) et comme on le verra plus loin,
climatique. L'application de cet outil dans l'Ancien n'en est plus ses dbuts.
Le caractre commun et fondamental des communauts algaires et cyanobactriennes est leur
autotrophie: leur source d'nergie est le soleil.
CLASSIFICATION ET DESCRIPTION DES CALCAIRES ALGAIRES
D'une manire gnrale, on peut classer l'ensemble des dpts forms par des algues en trois grandes
catgories: les accumulations d'algues squelettiques, les tufs algaires et les carbonates cryptalgaires,
c'est--dire les sdiments carbonats o la minralisation est essentiellement d'origine allochimique
(pigeage de grains carbonats, dgradation de la matire organique,...) et o les algues et les
cyanobactries jouent un rle de pigeage de matriau.
Au sein des carbonates cryptalgaires (aussi dits "microbiens"), on distingue aisment des sdiments
laminaires et des sdiments non laminaires.
- On range dans les sdiments cryptalgaires non laminaires essentiellement les thrombolites, dfinis par
Aitken (1967, p 1164) comme des "...cryptalgal structures lacking lamination and characterized by a
macroscopic clotted fabric". Les thrombolites sont essentiellement restreints aux milieux subtidaux et
intertidaux infrieurs; ils sont caractriss par une croissance algaire rapide par rapport la
sdimentation bioclastique, et par l'absence de phnomnes priodiques du type exposition-immersion
(d'o l'absence de lamination).

A: Edifices thrombolitiques bordant un chenal (Formation de Romaine, Ordovicien, Mingan); B: dtail


(coupe).
- les sdiments cryptalgaires laminaires (aussi appels spongiostromates) comprennent les
stromatolithes s.l. et les oncolithes.
Les stromatolithes s.l.
On classe dans les stromatolithes s.l. les formes possdant un relief (stromatolithes au sens de Logan et
al, 1964 p 69): "stromatolites are laminated structures composed of particulate sand, silt, and clay-size
sediment, which have been formed by the trapping and binding of detrital sediment particles by an
algal film (...) stromatolites may be columnar, clubshaped, undulose or spherodal in form") et les
formes planes appeles par divers auteurs "laminites cryptalgaires" ou "laminites".
La classification et l'tude des stromatolithes a longtemps souffert du dualisme existant entre la
tendance "palontologique" de l'cole russe, et la tendance "cologique" de l'cole anglo-saxonne.
Nous utilisons ici, bien videmment, une classification de type morphocologique, qui est
particulirement bien adapte l'tude des paloenvironnements. Cette classification est celle de Logan
et al. (1964), complte par Aitken (1967) et Kendall & Skipwith (1968) de faon y intgrer les
laminites cryptalgaires et les tapis algaires polygones de dessiccation. Cette classification comprend
donc brivement les types illustrs la Fig. X.1.
Toutes ces formes peuvent voluer de l'une l'autre suivant l'volution des conditions du milieu. Ces
morphologies existent diffrentes chelles (aspect fractal) et s'imbriquent pour donner des
stromatolithes complexes.
Les oncolithes
Les oncolithes sont des formes libres, dtaches du substrat, gnralement de forme subsphrique,
limites la zone subtidale.

Oncolithes dans la Formation de La Vieille, Silurien, Qubec.

Figure X.1: types de stromatolithes (d'aprs Logan et al., 1964, modifi).

Stromatolithes LLH-S, Barrmien, Bale, Croatie.


QUELQUES CARACTERISTIQUES DES STROMATOLITHES
Biologie
Les tapis algaires l'origine des stromatolithes peuvent tre considrs comme des communauts
complexes composes de bactries autotrophes, d'algues eucaryotes, de bactries htrotrophes et
d'algues bleu-vert ou cyanobactries, ces dernires tant les organismes de loin les plus abondants.
Les cyanobactries sont des procaryotes; sans entrer dans les dtails, prcisons qu'elles sont classes en
deux grands groupes: les unicellulaires ou coccodes, qui se reproduisent par spores, et les
pluricellulaires ou filamenteuses, qui se reproduisent par fragmentation des filaments ou trichomes
(Fig. X.2).
Une des caractristiques importantes des cyanobactries est leur facult de secrter du mucilage, ce qui
augmente leur rsistance la dessiccation, et leur mobilit en cas d'ensablement par le sdiment.
La capacit des cyanobactries rsister certaines contraintes du milieu leur a permis d'occuper des
niches cologiques inaccessibles d'autres formes de vie (tableau X.1). La comptition avec les
mtaphytes et les mtazoaires les ayant par ailleurs limines d'environnements plus favorables au
cours du Phanrozoique.

Facteur
bactries
cyanobactries
du milieu
htrotrophes

algues
eucaryotes

temprature
70-73C
max.

>99C

56C

temprature
gel
min

gel

gel

pH
maximum

>10,5 (?)

>10,5 (?)

>10,5 (?)

pH
minimum

4-5

<1

<1

salinit
maximale

>250%o

intensit
lumineuse
minimale

2000 lux

croissance
anarobie

oui

>250%o

>250%o

oui

non (?)

Tableau X.1: tolrance de quelques types de microorganismes aux facteurs de l'environnement.


D'aprs Brock, 1976, modifi.
Le fort chauffement provoqu par l'ensoleillement parat tre le principal facteur responsable de
l'limination des algues eucaryotes des plaines maritimes tropicales, bien plus que la salinit. Des
diffrences du mme ordre dans les tolrances aux facteurs du milieu (ensoleillement, mais aussi pH,
Eh, teneur en CO2 O2...) expliquent la stratification biologique constate dans la plupart des tapis
algaires actuels, les cyanobactries occupant en gnral la zone la plus superficielle et les bactries
htrotrophes, la zone la plus loigne de la surface.

Figure X.2: surface d'un tapis cyanobactrien; les filaments pigent les grains dtritiques.

A: tapis algaires aux abords de la sebkha El Melah, Tunisie. La lamination est due l'alternance de
tapis algaires et de dpts dtritiques. Noter le caractre rducteur du sdiment, favorisant la
conservation de la matire organique. B: bulles d'oxygne produites par photosynthse la surface
d'un tapis algaire; ces bulles, une fois recouvertes de sdiment donnent naissance aux "birdseyes"; la
flche indique une cicatrice d'rosion dans le tapis.
Origine de la lamination
La lamination, qui peut tre rptitive, alternante ou cyclique, enregistre un phnomne priodique qui
affecte la population algaire et/ou les facteurs de l'environnement (Fig. X.3).
Parmi les divers phnomnes pouvant tre l'origine de la lamination; les principaux sont:

une diffrence de croissance algaire au cours d'un cycle jour-nuit;


un changement priodique de 1'algue dominant la population li une variation priodique
des facteurs du milieu (humidit, salinit...);
une calcification priodique de la partie superficielle du tapis;
un afflux priodique de matriel dtritique;
une diagense diffrentielle (dolomitisation des niveaux algaires lie la concentration du Mg
dans le mucilage par exemple);
un alignement de corpuscules;
un alignement de "birdseyes";
une stratification biologique au sein du tapis lie des tolrances diffrentes aux facteurs du
milieu (particulirement l'insolation).

Figure X.3: types de laminations et exemple de stratification biologique au sein d'un tapis algaire
actuel
Ecologie
Les tapis algaires actuels colonisent la zone intertidale des plateformes carbonates, avec une extension
possible vers les zones supratidale et subtidale (Purser, 1980). Leur rpartition et leur tendue
dpendent de facteurs climatiques, biologiques et mcaniques:

l'action des broteurs et des fouisseurs qui, prsents en zone intertidale ou/et subtidale, y
dtruisent les tapis algaires;
la possibilit de cimentation prcoce qui, en consolidant le stromatolithe, limite l'action des
organismes fouisseurs et broteurs et permet donc l'extension en zone subtidale;

l'hypersalinit, qui limine ou restreint la faune marine, permettant ainsi aux tapis de s'tendre
vers la zone subtidale. L'hypersalinit a galement pour effet d'liminer les tapis algaires de la
zone supratidale (cristallisation d'vaporites au sein des tapis avec destruction des tissus);
l'action destructrice des vagues et des courants qui limite l'extension des tapis vers la mer et
de mme, la dflation olienne s'exerant sur les tapis schs et craquels qui limite leur
extension vers le continent;
l'humidit du climat (les prcipitations) qui favorise l'extension des tapis algaires en zone
supratidale.

Ces facteurs, sauf l'action rosive des vagues, des courants et du vent, sont interlis et dpendent in fine
du climat, et particulirement de son aridit.
Notre connaissance des tapis algaires actuels s'appuie sur des tudes menes dans un certain nombre de
rgions sdimentation carbonate dominante. Parmi ces rgions, citons entre autre:

l'le d'Andros (Fig. X.4);


la Floride;
diverses rgions du Golfe Persique, (Fig. X.5);
le golfe de Spencer (sud de l'Australie);
la Baie des Requins (ouest de l'Australie);
la lagune de Boca Jewfish, sur l'le de Bonaire (Antilles nerlandaises);
la lagune Mormona, en pninsule de Californie.

Figure X.4: A: l'le d'Andros et le banc des Bahamas, avec la localisation de la Fig. B. B: dtail de la
zone de "Three Creeks" montrant la rpartition des environnements. C: coupe schmatique E-W dans
la zone de "Three Creeks".

Figure X.5A: carte schmatique de la rpartition des principaux types de sdiments dans le Golfe
Persique. D'aprs Purser (1983), modifi. B: dtail montrant la distribution des sdiments sur la cte
d'Abu Dhabi. D'aprs Purser (1984), modifi.
De ces travaux, on peut retenir trs schmatiquement les points essentiels suivants:

l'aridit du climat et le confinement (isolement par rapport la mer ouverte) conditionnent la


salinit du milieu; la salinit du milieu, par le contrle qu'elle exerce sur la faune, conditionne
l'extension des tapis algaires (notons que mme sous un climat semi-aride, une bonne
circulation de l'eau marine peut avoir comme effet le maintien d'une salinit normale: 35 o/oo
dans la lagune de Boca Jewfish). Prenons deux cas extrmes:
o
dans un environnement hypersalin, les tapis s'tendront de la partie infrieure de la
zone intertidale la zone subtidale (cas de la Baie des Requins);
o dans un environnement salinit peu prs normale, les tapis s'tendront de la zone
supratidale la partie suprieure de la zone intertidale (cas du NW de l'le d'Andros,
Fig. X.4);
l'action des vagues et des courants conditionne d'une part l'extension des tapis vers la zone
subtidale (action rosive) et, d'autre part, la morphologie externe des stromatolithes; on
constate en effet que:
o
dans un environnement calme, les tapis algaires ont une morphologie d'ensemble
gnralement plane (type "P"); c'est le cas de Gladstone Bay, zone protge de la
Baie des Requins;
o dans un environnement agit, se dveloppent des rides et des dmes
stromatolithiques fort relief (types "SH"); c'est le cas de certaines zones exposes
de Hamelin Pool, Baie des Requins.

L'explication la plus plausible de cette diffrence morphologique est que l'action des vagues et des
courants ainsi que l'accumulation de sdiments dtruit localement le tapis, limitant la croissance algaire
des zones lgrement surleves, l'abri relatif des apports sdimentaires. Au fil du temps, le relief

tend s'exagrer, et a former une ride ou une colonne stromatolithique. Il est intressant de remarquer
que la gense de stromatolithes relief n'est possible qu'en environnement hypersalin: pour que les
tapis algaires puissent enregistrer par leur morphologie l'action des vagues et des courants, qui n'est
sensible que dans les zones intertidale et subtidale, il faut videmment que ces zones leur soient
accessibles, et pour cela, que la salinit leve inhibe le dveloppement d'une faune de broteurs. Il faut
galement qu'une cimentation prcoce consolide ces structures riges;
- la composition taxonomique des tapis algaires a une influence sur leur morphologie et leur
distribution sur le littoral; on constate (heureusement!) que cette composition est trs constante dans les
exemples tudis (on rencontre essentiellement des tapis Schizothrix, Lyngbya, Microcoleus et
Scytonema);
- la lamination rsulte le plus souvent de l'alternance tissus algaire/sable ou silt bioclastique;
- le matriel sableux dpos, gnralement en lentilles, sur les tapis algaires provient de la zone
subtidale: "...subtidal zone is vital to the tidal flat system, because it is the source of sediment needed
for accretionary growth..." (Shinn, 1983 p. 190). Le transport de ce matriel ne s'effectue en gnral
qu' l'occasion de temptes ou de grandes mares;
- la nature et la composition du matriel silteux dpendent de la faune et de la flore prsentes en zone
subtidale, qui approvisionnent le "stock" de bioclastes. Cette faune et flore est directement lie la
salinit des eaux, elle-mme dpendante du climat et du confinement. On constate en effet que:

le matriel silteux composant les lamines "dtritiques" des tapis algaires d'Andros comprend
des dbris d'algues vertes (dasycladaces surtout), des dbris de mollusques, des
foraminifres;
le matriel silteux composant les lamines dtritiques des tapis algaires du Golfe Persique et de
la Baie des Requins ne comprend que des foraminifres, des pellets et des dbris de coquilles.

Le tableau X.2 reprend, pour les cas particuliers de la Baie des Requins, de l'Ile d'Andros et du Golfe
Persique certaines des caractristiques numres ci-dessus.
morphologie rpartition climat
Golfe
surtout P
Persique

surtout
intertid.

P, LLH, SH
Baie des
intertid.selon
Requins
subtid.
agitation
Andros surtout P

intertid.
sup.
surtout
supratid.

microflore

fines

pellets,
aride,
dbris
rduite,cyanobactries
vaporites
moll.,
foram.
aride,
rduite,
vaporites cyanobactries

idem

semi-aride, diversifie,
surtout
pluviosit cyanobactries,algues pell.+dbris
saisonnire vertes (dasycladales) algaires

Tableau X.2: caractrisation sommaire des stromatolithes de l'le d'Andros, de la Baie des Requins et
du Golfe Persique.
Reste un problme essentiel: des conclusions et des lois bases sur des observations de l'Actuel sontelles transposables au pass? Dans le cas particulier des stromatolithes, les modles actuels sont-ils
transposables jusqu'au Palozoque ?
En fait, on peut dire que les facteurs restreignant l'extension des tapis algaires au littoral des platesformes carbonates existaient ds le dbut du Palozoque (ce sont essentiellement les animaux
broteurs et fouisseurs: ils sont l'origine de "l'exil des stromatolithes"). De mme, le degr de
saturation des ocans en CaCO3 n'a plus vari dans de grandes proportions depuis la fin du
Protrozoque, n'autorisant plus la prcipitation extracellulaire qu'en environnement hypersalin. On

peut donc considrer que les stromatolithes rigs du type SH, qui ncessitent pour leur dification une
lithification prcoce, n'ont pu prosprer qu'en milieu hypersalin depuis l'aube du Phanrozoque (ce qui
n'a pas t ncessairement le cas durant le Prcambrien). Il faut galement souligner l'extrme lenteur
volutive des cyanobactries au cours du Phanrozoque.
Pour en savoir plus

J.D. Aitken, 1967. Classification and environmental significance of cryptalgal limestones and
dolomites, with illustrations from the Cambrian and Ordovician of SW Alberta. J. of
Sedimentary Petrology, 37, 4, 1163-1178.
T.D. Brock, 1976. Environmental microbiology of living stromatolites. In M.R. Walter, d.:
Stromatolites. Developments in Sedimentology, 20, Elsevier, 141-148.
C.D. Gebelein, 1976. The effects of the physical, chemical and biological evolution of the
earth. In M.R. Walter, d.: Stromatolites. Developments in Sedimentology, 20, Elsevier, 499515
S. Golubic, 1976. Organisms that build stromatolites In M.R. Walter, d.: Stromatolites.
Developments in Sedimentology, 20, Elsevier, 113-126.
S. Golubic, 1976. Taxonomy of extant stromatolites-building cyanophytes In M.R. Walter,
d.: Stromatolites. Developments in Sedimentology, 20, Elsevier, 127-140.
L.A. Hardie & R.N. Ginsburg, 1977. Layering: the origin and environmental significance of
lamination and thin bedding. In L.A. Hardie, d.: Sedimentation on the modern carbonate tidal
flats of Northwest Andros Island, Bahamas. The John Hopkins University Press, 50-124.
C.G. Kendall & Sir P.A. d'E. Skipwith, 1968. Recent algal mats of a Persian Gulf lagoon. J. of
sediment. Petrology, 38, 4, 1040-1058.
B.W. Logan, R. Rezak & R.N. Ginsburg, 1964. Classification and environmental significance
of algal stromatolites. J. of Geology, 72, 1, 68-83.
R. Park, 1976. A note on the significance of lamination in stromatolites. Sedimentology, 23, 3,
379-393.
P.E. Playford & A.E. Cockbain, 1976. Modern algal stromatolites at Hamelin Pool, a
hypersaline barred basin in Shark Bay, Western Australia In M.R. Walter, d.: Stromatolites.
Developments in Sedimentology, 20, Elsevier, 389-411.
B.H. Purser, 1980. Sdimentation et diagense des carbonates nritiques rcents. Tome 1: les
lments de la sdimentation et de la diagense. Ed. Technip, 367 pp.
B.H. Purser, 1983. Sdimentation et diagense des carbonates nritiques rcents. Tome 2: Les
domaines de sdimentation carbonate nritiques rcents; application l'interprtation des
calcaires anciens. Ed. Technip, 389 pp.
E.A. Shinn, 1983. Tidal flat. In P.A. Scholle, D.G. Bebout, C.H. Moore, eds.: Carbonate
depositional environments, AAPG Mem., 33, 708 pp.

TAPIS ALGAIRES GIVETIENS


cf. excursions

XI. Les rcifs


GENERALITES - TERMINOLOGIE
Les rcifs ont toujours suscit un intrt remarquable et une confusion terminologique tout aussi
exceptionnelle. La littrature est encombre de dfinitions varies des termes "rcifs", "complexe
rcifal", "mud mound", etc.

Fig. XI.1: "rcifs": concepts lmentaires. D'aprs James & Macintyre (1985), modifi.
Dans un souci d'efficacit, je propose d'utiliser en premire approche la classification suivante:
Choisissons d'abord le terme "bioconstruction" comme terme gnral regroupant toutes les structures
construites d'origine organique. Elles se distinguent des "bioaccumulations" o des facteurs physiques
sont responsables du dpt (lumachelles, etc.). On peut ensuite, au sein des bioconstructions, faire la
part des:
Rcifs : toute bioconstruction, normalement d'eau peu profonde, dont les constituants difient une
charpente rigide (susceptible de rsister l'action des vagues ou des courants). Exemple: les rcifs
tropicaux actuels.
Monticules rcifaux: toute bioconstruction, de forme grossirement lenticulaire, sans charpente rigide.
Ces monticules rcifaux peuvent tre subdiviss en monticules cryptalgaires ou microbiens
("microbial mounds"), monticules micritiques ("mud mounds") et monticules squelettiques
("skeletal mounds"). On ne range pas dans les monticules les accumulations hydrodynamiques de boue,
mme si cette boue est pige/stabilise par des algues ou autres organismes. Rservons donc le terme
de monticule aux accumulations de boue (accompagne ventuellement d'autres constituants) produite
en grande partie in-situ. Passons en revue ces diffrents types de monticules (Fig. XI.2A).

Les monticules cryptalgaires ou microbiens comprennent deux termes: les monticules


stromatolithes (tapis de cyanobactries laminaires) et les monticules thrombolithes
(cyanobactries structure plodique ou grumeleuse, ou encore riche en fenestrae). Toutes les
formes de transition sont videmment possibles. Exemple: le "cur" gris des monticules du
Membre du Petit-Mont.

Les monticules micritiques sont constitus principalement de micrite ( l'origine, boue, gel?)
(exemple: certains facis des monticules waulsortiens). Parfois, ces monticules sont constitus
de boue et d'ponges (exemple: partie infrieure stromatactis des monticules du Membre du
Petit-Mont). Comme les ponges sont des organismes corps mou, elles ne sont en gnral
mises en vidence que par les cavits qu'elles laissent aprs leur disparition (et les rseaux
spiculaires).
Les monticules squelettiques comprennent une fraction non ngligeable d'organismes tests
calcaires (coraux, crinodes, bryozoaires, algues,) qui ne forment cependant pas de
charpente rigide. Exemple: la plus grande part des monticules du Membre du Lion.

Il faut noter qu' ces types simples de monticules s'ajoutent toute une varit de formes intermdiaires:
la plupart des monticules micritiques comprennent aussi des lments squelettiques. De plus, des
transitions volutives sont frquentes: beaucoup de monticules micritiques voluent au cours de leur
dveloppement vers des monticules squelettiques et mme vers des monticules microbiens (cas des
monticules du Membre du Petit-Mont), voire des rcifs.

Exemples de facis issus des difices du Membre de Petit-Mont dans la rgion de Philippeville. A:
calcaire rouge stromatactis (monticule micritique); B: calcaire rouge coraux, crinodes,
brachiopodes (monticule squelettique); C: calcaire gris coraux, stromatopores et cyanobactries
(monticule cryptalgaire).
Devant la relative difficult d'utilisation de cette classification sur le terrain, on emploie souvent en
premire approximation des termes comme "bioherme" et "biostrome". Ce mots sont descriptifs et ne
possdent aucune connotation gntique.
Le mot "bioherme" dsigne un corps lenticulaire, bioconstruit, souvent encaiss de sdiments de nature
diffrente. Ce terme s'oppose "biostrome" qui dsigne un corps bioconstruit stratifi, non lenticulaire.
Les biostromes se diffrencient des bioaccumulations ou lumachelles par le caractre constructeur des
organismes prsents et leur faible transport. Un remaniement priodique par des temptes peut faire
alterner des pisodes o beaucoup d'organismes sont en position de vie et des pisodes de
dmantlement.
STABILISATION-MINERALISATION
L'tablissement et la croissance d'une bioconstruction ncessitent une production de carbonate in-situ et
une certaine stabilisation du substrat, sans mme parler de la construction d'une charpente rsistante
l'action des vagues. Trois grands processus de production de boue et/ou de ciment carbonat ont t
recenss dans la nature: la cimentation, la biominralisation et l'organominralisation (Fig. XI.2B). La
cimentation est le processus "classique" de prcipitation physico-chimique de carbonate, sans
qu'interviennent des processus organiques (hormis certains effets indirects comme l'extraction de CO2
par photosynthse, par exemple); la biominralisation correspond une prcipitation sous le contrle
de processus vitaux, l'intrieur ou l'extrieur de cellules vivantes (exemple: la formation d'un test
carbonat); enfin, l'organominralisation est la prcipitation de carbonate l'intervention de molcules
issues de la dgradation de la matire organique. Dans ce dernier cas, la vie n'intervient que comme
productrice de matire organique. Ici encore, les diffrents processus peuvent agir dans une mme
bioconstruction, souvent avec une certain dcalage dans le temps. La biominralisation est active dans

la pellicule vivante, superficielle du monticule, alors que l'organominralisation se produit au sein du


sdiment. Au cours de l'volution d'une bioconstruction, l'importance relative des diffrents processus
de production carbonate peut varier (Fig. XI.2B). On constate par exemple que les processus
d'organominralisation dominent dans les monticules micritiques alors que la biominralisation et la
cimentation sont la rgle dans les rcifs.

Fig. XI.2: A: types de bioconstructions; B: les diffrents processus de production/cimentation


carbonate. La flche rouge correspond un changement dans l'importance relative des processus de
production carbonate au cours de l'volution d'un monticule micritique vers un rcif.
EVOLUTION AUTOGENIQUE-EVOLUTION ALLOGENIQUE
La plupart des rcifs, biohermes, monticules ne sont pas homognes au point de vue facis: ils
prsentent une volution, souvent prdominance verticale: on y observe une succession ou un
renouvellement des communauts dominantes. Deux modles coexistent dans la littrature pour
expliquer l'volution des communauts cologiques: il s'agit du modle "autognique" de Walker &
Alberstadt (1975) auquel on oppose en gnral un modle "allognique" inspir des travaux de
Lecompte (1959 notamment).
Trs brivement, on peut dire que Lecompte considre la succession observe dans les biohermes (et en
particulier dans les biohermes du Frasnien belge, voir ci-dessous) comme une adaptation des
communauts une diminution de la profondeur, marque principalement par une diminution de la
turbidit et une augmentation de la turbulence.
A ce modle de succession cologique dtermin entirement par des variations du milieu, extrinsques
la communaut biohermale, rpond le modle autognique o intervient une notion de structuration
cologique, base sur le dveloppement de modes de plus en plus complexes de circulation de l'nergie
et d'utilisation de l'espace. Walker & Alberstadt (1975) distinguent trois types d'espces sur base de
leur "stratgie vitale": il s'agit des espces caractristiques qui sont typiques d'une certaine communaut
bien dtermine (il s'agit souvent de "stratges K", suivant Hottinger, 1984); des espces
intergraduelles qui peuvent apparatre dans une communaut de manire accessoire mais sont typiques
d'une communaut adjacente et des espces ubiquistes qui se retrouvent dans plusieurs communauts
mais ne sont caractristiques d'aucune d'elles en particulier (il s'agit de "stratges r").
Sur base de cette classification et aprs avoir tudi un certain nombre de biohermes (Ordovicien au
Crtac), Walker & Alberstadt distinguent les phases suivantes dans l'dification d'une bioconstruction:

- la stabilisation: cette phase correspond la fixation du substrat par un certain nombre d'espces
ubiquistes (crinodes, bryozoaires branchus, ponges...);
- la colonisation: c'est une phase de courte dure, marque par l'apparition d'espces constructrices,
certaines dj caractristiques;
- la diversification: on observe une nette augmentation du nombre d'espces et l'apparition de
communauts diffrencies et spcialises; cette phase forme la majeure partie des difices;
- la domination: cette phase surmonte abruptement la phase de diversification et est caractrise par une
nette diminution du nombre d'espces. Quelques organismes, gnralement encrotants dominent.
On observe paralllement l'volution des communauts, une variation de certains paramtres comme
la spcialisation, la diversit spcifique, la production organique etc... (Fig. XI.3).
Il faut remarquer que Walker & Alberstadt ne rejettent pas une action du milieu sur l'volution des
bioconstructions, mais estiment que pour expliquer cette volution, de la phase de colonisation la
phase de diversification, il n'est nullement ncessaire de faire intervenir un processus allognique. La
phase de domination par contre semble toujours lie l'entre de l'difice dans une zone bathymtrique
o il subit nettement l'action des vagues.

Figure XI.3: variation des principaux paramtres cologiques des communauts rcifales en fonction
de leur degr de maturit, suivant le modle de Walker & Alberstadt.
LES RECIFS DANS L'HISTOIRE GEOLOGIQUE
L'histoire des rcifs a ceci de commun avec une pice de thtre, qu'au cours des temps, les acteurs
changent mais le rcit/f demeure. De fait, au long des temps gologiques, on distingue plusieurs
priodes au cours desquelles des groupes de mtazoaires constructeurs diffrents ont difi des rcifs
vrais, dots d'une charpente rsistante aux vagues: les bryozoaires, stromatoporodes et tabuls au cours
de l'Ordovicien, les stromatoporodes, rugueux et tabuls au cours du Silurien et du Dvonien, les
stromatoporodes et les coraux la fin du Trias et au cours du Jurassique, les rudistes au Crtac
suprieur et enfin les coraux sclractiniaires depuis l'Oligocne. En dehors de ces priodes, les seules
bioconstructions taient les monticules rcifaux. Notons que mme au cours des poques rcifs, des
monticules se dveloppaient, mais exils dans des milieux moins favorables (plus profonds, moins
oxygns, etc.). Trs brivement, passons en revue les diffrentes tapes de cette histoire (Fig. XI.4).

- Les bioconstructions stromatolithes du Prcambrien: leur dveloppement est li l'absence de


mtazoaires broteurs. Gnralement localiss en bordure de plate-forme, ces difices pouvaient
atteindre une taille importante et montrent une zonation cologique et des squences comme les
bioconstructions organismes squelettiques.
- Les monticules du Cambrien infrieur: il s'agit d'difices assez complexes, biohermes et biostromes,
composs d'une superposition de petites lentilles micritiques archaeocyathes, ponges, Renalcis,
Epiphyton, entours de sables bioclastiques riches en crinodes et brachiopodes. Ces lentilles possdent
des cavits de croissance emplies par des ciments prcoces et des sdiments internes. La biorosion est
relativement importante.
- A partir du Cambrien moyen, avec l'extinction des archaeocyathes, les monticules sont principalement
constitus de cyanobactries (monticules stromatolithiques et thrombolitiques). Au cours du Cambrien
suprieur et jusqu' l'Ordovicien infrieur, ces monticules cyanobactriens vont progressivement
s'enrichir en ponges et en formes primitives de stromatoporodes et coraux (Pulchrilamina,
Lichenaria).
- De l'Ordovicien moyen au Dvonien suprieur, s'ouvre une priode trs favorable au dveloppement
de complexes rcifaux: temprature leve, formation de vastes plates-formes carbonates (Canning
Basin, Australie; Golden Spike reef, Canada; monticules et rcifs belges). D'une manire gnrale, la
squence d'dification de ces complexes commence par un monticule rcifal stromatactis avec
quelques lments squelettiques (bryozoaires au Siluro-Ordovicien, coraux et algues au Dvonien) et se
poursuit par des rcifs coraux et stromatoporodes. Les flancs des difices sont gnralement
coloniss par des pelmatozoaires. La prsence de talus bioclastiques et de fractures synsdimentaires
tmoignent de la rigidit de ces rcifs (Canning Basin).
Contrairement l'extinction de la fin de l'Ordovicien, l'extinction tardi-frasnienne a particulirement
touch les communauts rcifales: des stromatoporodes ne subsisteront que quelques genres, les
tabuls et les rugueux disparatront pratiquement totalement.
- Durant le Dinantien, priode caractrise par des tempratures plus fraiches et des fluctuations glacioeustatiques, on observe peu ou pas d'organismes constructeurs. La niche cologique des coraux et des
stromatoporodes est occupe par les bryozoaires et les pelmatozoaires. Les seules bioconstructions
importantes sont les "rcifs waulsortiens", des monticules micritiques plodes (tmoins de tapis
microbiens) et stromatactis, avec quelques crinodes et bryozoaires (difices atteignant une centaine de
mtres de relief avec un pendage des flancs de l'ordre de 50).
- Au cours du Namurien et au Westphalien-Stphanien, de nouveaux organismes constructeurs
apparaissent qui volueront jusqu' la fin du Trias: algues phyllodes (Archaeolithophyllum,
Eugoniophyllum, Ivanovia) et surtout Tubiphytes, un constructeur nigmatique trs important depuis le
Carbonifre jusqu'au sommet du Jurassique (maximum au Permien, Trias et Jurassique). Les difices
phyllodes sont relativement modestes, avec un relief d'une trentaine de mtres et des flancs atteignant
environ 25 de pente. D'autres constructeurs sont galement frquents: foraminifres tubulaires, petits
stromatoporodes branchus (Komia), calcisponges et Archaeolithoporella (algues corallines?).
- Les difices permiens sont toujours essentiellement des biohermes phyllodes, avec une
participation de plus en plus importante de Tubiphytes et d'Archaeolithoporella, associs des
bryozoaires et d'autres algues calcaires (Solenopora, Parachaetetes). Ciments prcoces et talus
bioclastiques sont bien dvelopps et on observe de vritables barrires rcifales (Capitan reef, Texas),
caractrises par une grande varit de niches cologiques dont de nombreux habitats cryptiques.
De manire un peu surprenante, tous ces constructeurs semblent avoir t peu affects par la grande
extinction tardi-permienne, au contraire des organismes associs: on passe en effet d'un assemblage
brachiopodes-bryozoaires-pelmatozoaires un assemblage plus "moderne" mollusques-crustacsosteichythes.
- Aprs un arrt du dveloppement des bioconstructions au cours du Trias infrieur, ds le Trias moyen
rapparaissent des petits monticules relativement profonds avec de rares bryozoaires et coraux. Ensuite,

se rinstallent de grands complexes rcifaux Tubiphytes, calcisponges, quelques stromatoporodes et


d'assez nombreux coraux. Il s'agit cette fois de sclractiniaires, nos coraux actuels, caractriss par leur
association symbiotique avec des algues photosynthtiques.
- Au cours de la fin du Trias se dveloppent des rcifs coraux, calcisponges, algues calcaires et
stromatoporodes. Les coraux se localisent plutt dans les zones forte nergie, les ponges et les
stromatoporodes en environnement plus protg (zone interne du rcif). Pour la premire fois, la
biorosion par des algues et des bivalves devient un agent important de la dgradation des
communauts rcifales.
- Les rcifs jurassiques connaissent un maximum de dveloppement au cours de la fin de l'tage. Leur
morphologie varie de patch-reefs en environnemment de plate-forme interne des rcifs barrires
tendus. La communaut dominante est coraux et stromatopores, avec des algues vertes
(dasycladaces) et des algues rouges (Solenopora). Les codiaces modernes et les corallinaces
articules apparaissent pour la premire fois dans ces difices. Les ponges y occupent un habitat
cryptique. L'intensit de la biorosion atteint progressivement le niveau actuel. On observe galement
des monticules rcifaux profonds, relief assez important (centaine de mtres), constitus d'ponges
siliceuses, de foraminifres tubulaires et associs des bryozoaires et des brachiopodes.
- La communaut rcifale tardi-jurassique persiste au cours du Crtac infrieur. A la mme poque, un
groupe de mollusques, les rudistes, volue rapidement et devient un constructeur important ds le
Crtac moyen. Ces bivalves envahissent tous les types de rcifs, depuis les patchs de lagons jusqu'aux
difices croissant sur les marges continentales. Au cours du Crtac suprieur, les rudistes dominent
compltement les coraux et les algues encrotantes. Ils difient des biostromes sur les plates-formes et
des biohermes sur leurs marges.
L'extinction bien connue de la fin du Crtac frappe durement les communuts rcifales: les rudistes
disparaissent totalement, les coraux sont svrement touchs, avec perte de 60 genres sur 90, les
calcisponges et les stromatoporodes sont galement trs affects.
- Au cours du Cnozoque se mettront en place les communauts rcifales actuelles, domines par les
coraux sclractiniaires et les algues corallines. Solenopora (algue coralline) disparat la fin du
Palocne. Halimeda (codiace) ne devient importante comme constituant des sables coralliens qu'
partir du Miocne moyen.

Figure XI.4: rcifs et monticules rcifaux au cours de l'histoire gologique. La largeur de la colonne
lithologique schmatise l'importance du dveloppement rcifal; les toiles noires reprsentent les
extinctions majeures. D'aprs James, 1984, modifi.
Pour en savoir plus

lvaro J.J, Aretz M, Boulvain F., Munnecke A., Vachard D. & Vennin E., 2007. Palaeozoic
Reefs and Bioaccumulations: Climatic and Evolutionary Controls. Geological Society,
London, Special Publications, 275, 285 pp.
D.W.J. Bosence & P.H. Bridges, 1995. A review of the origin and evolution of carbonate
mud-mounds. In Monty, C.L.V., Bosence, D.W.J., Bridges, P.H., and Pratt, B.R. (eds.):
Carbonate Mud-Mounds, their origin and evolution. International Association of
Sedimentologists, Spec. Publ. 23, p. 3-9.
R. J. Dunham, 1970. Stratigraphic reefs versus ecologic reefs. American Association of
Petroleum Geologists Bulletin, 54, 1931-1932.
J. A. Fagerstrom, 1991. Reef-building guilds and a checklist for determining guild
membership. Coral Reefs, 10, 47-52.
P. H. Heckel, 1974. Carbonate buildups in the geologic record: a review. In: Laporte, L. F.
(editor) Reefs in Time and Space. Society of Economic Paleontologists and Mineralogists
Special Publications, 18, 90-155.
A. Hoffman & M. Narkiewicz, 1977. Developmental pattern of Lower to Middle Paleozoic
banks and reefs. Neues Jahrbuch fr Geologie und Palontologie Abhandlungen, 5, 272-283.

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Rouge) et les mcanismes rgissant leur rpartition. Geobios, Mm. sp. 8, 241-249.
N.P. James & P.-A. Bourque, 1992. Reefs and Mounds. In Walker, R.G., and James, N.P.
(eds.), Facies Models - Response to Sea-Level Change. Geol. Assoc. Canada, p. 323-347.
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zonation, depositional facies, and diagenesis. Colorado School of Mines Quarterly, 80, 3, pp.
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F. Neuweiler, P. Gautret, V. Thiel, R. Lange, W. Michaelis, & J. Reitner, 1999. Petrology of
Lower Cretaceous carbonate mud mounds (Albian, N. Spain): insights into organomineralic
depsoits of the geological record. Sedimentology, v. 46, p. 837-859.
R. Riding, 2002. Structure and composition of organic reefs and carbonate mud mounds:
concepts and categories. Earth-Science Reviews, 58, 163-231.
W. Schlager, 2003. Benthic carbonate factories of the Phanerozoic. Int. Jour. Eartth Sciences
(Geol. Rundschau), v. 92, p. 445-464.
K.R. Walker & L. Alberstadt, 1975. Ecological succession as an aspect of structure in fossil
communities. Palaeobiology, 1, 238-257.
R. Wood, 1999. Reef Evolution. Oxford University Press, 414 pp.

RECIFS ALGO-CORALLIENS DES EAUX SUPERFICIELLES TROPICALES


INTRODUCTION
Entrent dans cette catgorie les bioconstructions holocnes rsistantes aux vagues, riges
principalement par des coraux sclractiniaires et des algues corallines. Ce sont les difices populariss
par les tudes ocanographiques, nombreuses depuis le clbre voyage du "Beagle". Aux donnes
vhicules par la littrature gologique en gnral s'ajoute un grand nombre d'tudes biologiques,
certaines trs dtailles (recensements exhaustifs de la faune et de la flore m par m, tudes
minutieuses de la structure des populations, etc.). La comprhension que nous avons donc de ces rcifs
est sans commune mesure avec ce que nous savons de l'Ancien.
Les coraux sclractiniaires peuvent tre subdiviss en deux groupes: les coraux hermatypiques et les
coraux ahermatypiques.
- Les coraux hermatypiques sont caractriss par la prsence, au sein de leurs tissus, de symbiotes
photosynthtiques: les zooxanthelles. La densit de ces algues unicellulaires peut atteindre plusieurs
millions par cm de polype. Leur rle est double: d'une part, elles fabriquent des glucides (au dpart
d'nergie lumineuse et de sels nutritifs) dont une fraction importante est fournie au corail par transfert
interne et d'autre part, elles contribuent la calcification du squelette corallien. Grce ces symbiotes,
on peut dire que, bien qu'une colonie corallienne puisse complter ses besoins nutritifs par capture de
proies planctoniques, son fonctionnement est essentiellement autotrophe. Ceci explique peut-tre le
paradoxe de la formidable productivit de l'cosystme corallien (au sommet du classement plantaire:
fixation > 1 kg de carbone/m/an) alors que les courants qui baignent les rcifs sont clairs et
contiennent peu de plancton et de sels nutritifs (fixation dans les plaines pri-rcifales < 50 g de
carbone/m/an). Par ailleurs, dans une colonie corallienne en bonne sant, la densit de zooxanthelles
peut doubler tous les dix jours, ce qui excde largement le taux de croissance des polypes. Ceux-ci
expulsent alors la fraction excdentaire au rythme de plusieurs milliers d'algues/heure/m. Cette
expulsion de zooxanthelles constitue la base de la chane alimentaire rcifale. Il faut donc garder
l'esprit qu'un rcif corallien actuel est avant tout une association symbiotique performante entre un
animal et des micro-algues monocellulaires.
Cette association limite cependant l'aire de rpartition des coraux hermatypiques (du fait des exigences
photiques des algues symbiotiques) aux eaux peu profondes. Les larves des coraux (organismes libres
et nageurs) ne supportant pas des tempratures moyennes infrieures 18C, cela restreint les rcifs
coralliens aux eaux peu profondes tropicales (Fig. XI.5).

Fig. XI.5: tempratures ocaniques de surface en hiver. D'aprs Sverdrup et al., 1942, modifi.
Paramtres cologiques des coraux hermatypiques:

profondeur: moins de 100 m; optimum, moins de 20 m;


temprature: plus de 16-18; moins de 36; optimum: 25-29;
salinit: 27 40 o/oo ; optimum: 36 o/oo ;

La Fig. XI.6 montre qu'il existe une zone, centre sur l'quateur, o le nombre de genres de coraux
hermatypiques est suprieure 50. Cette "zone sanctuaire" comprend les les et archipels suivants:
Borno, les Clbes, la Papouasie, les Salomon, le nord de la Grande Barrire de Corail d'Australie, le
Vanuatu. Ds que l'on s'loigne de ces rgions, le nombre de genres diminue. L'explication principale
de ce phnomne parat tre les glaciations: la zone sanctuaire de Borno-Vanuatu, proche de
l'quateur, aurait t pargne par le refroidissement des eaux et aurait rapprovisionn en larves
coralliennes ses abords proches. Seules les rgions les plus lointaines de ce foyer de repeuplement sont
restes relativement pauvres en genre du fait de leur loignement.

Fig. XI.6: rpartition du nombre de genres de coraux hermatypiques. D'aprs Stoddart, 1969, modifi.
- Les coraux ahermatypiques ne possdent pas de symbiotes algaires: leurs exigences cologiques sont
donc moindres et leur aire de rpartition plus vaste. Leur taux de croissance est cependant nettement
infrieur celui des coraux hermatypiques et ils ne sont pas comptitifs. Ils se dveloppent soit en
habitat cryptique (cavits, zones obscures) dans les rcifs algo-coralliens, soit sous forme de rcifs en
eaux profondes et/ou froides (fjords norvgiens, par exemple). Des exemplaires ont t observs
jusqu' 6000 m de profondeur, dans des eaux de -1,1C. Dans ces habitats, ils peuvent atteindre une
taille mtrique (Lophelia).
GENERALITES: MORPHOLOGIE DES RECIFS D'EAUX PEU PROFONDES ACTUELS
On distingue sur base de la gomtrie des corps rcifaux, de leur taille et de leur relation avec le
continent les grands types suivants (Fig. XI.7):
- les rcifs frangeants: ces difices se dveloppent directement le long de la ligne de rivage;
- les bancs rcifaux: ces rcifs linaires, gnralement parallles au rivage, ressemblent aux rcifs
barrire, mais sont localiss dans le lagon, en arrire d'un vrai rcif barrire. Ces rcifs peuvent tre
coalescents avec des rcifs frangeants;
- les patch reefs: il s'agit de petits difices croissant en milieu lagonaire;
- les rcifs-barrires: ce sont des rcifs sensiblement linaires, localiss la bordure de la plate-forme.
Ces difices, souvent de taille importante, dlimitent un lagon de plate-forme en direction du continent.
La Grande Barrire d'Australie est le plus grand rcif barrire actuel: il possde une largeur de 300
1000 m et s'tend sur prs de 1950 km de longueur;
- les atolls: ces rcifs ocaniques de forme annulaire dlimitent un lagon. Leur dimension est trs
variable: de moins de 2 km plus de 32 km de diamtre (dtail ci-dessous);
- rcifs tabulaires: rcifs ocaniques sans lagon intrieur.

Fig. XI.7: types de constructions rcifales. D'aprs James & Macintyre, 1985, modifi.
UN EXEMPLE: LES ATOLLS
Quelques dfinitions: atolls, les hautes carbonates
Les atolls sont donc des anneaux de terre ferme de quelques centaines de m de large, ceinturant une
tendue d'eau marine d'une quarantaine de m de profondeur au plus appele lagon (et non lagune). La
couronne atollienne comprend les zones suivantes, de l'ocan vers le lagon (Fig. XI.8, Tuamotu du
NW):

rcif externe avec coraux vivants;


ride lithothamnies;
platier externe;
beach rock exhum (voir ci-dessous);
plage;
motu avec cocoteraies alternant avec hoa; parfois, passes;
leve sdimentaire avec ventuellement stromatolithes;
talus sdimentaire se raccordant au plancher du lagon; dans la zone suprieure, nombreux
coraux vivants, souvent de grande dimension.

Motu: terme issu du vocabulaire polynsien dsignant une le sableuse: aussi "caille", "key"; hoa: terme
polynsien dsignant une zone de largeur trs variable de la couronne d'un atoll, de quelques m
plusieurs km, permettant le passage de l'eau mare haute de l'ocan vers le lagon, mais ne permettant
pas le passage des bateaux; passe: interruption de la couronne atollienne permettant le passage d'un
bateau et de l'eau du lagon vers l'ocan.

Les les hautes carbonates sont constitues de carbonates de plate-forme qui prsentent des formes
d'rosion concentrique avec un anneau priphrique. Ces les hautes ne sont pas des atolls soulevs
comme on l'a cru quelquefois et leur forme d'rosion annulaire est due uniquement la karstification.

Fig. XI.8: coupe dans une couronne atollienne. D'aprs Bourrouilh, 1996, modifi. Lors d'un tsunami,
le mcanisme mis en jeu est le suivant: (1) abaissement du niveau de la mer avec arrachement et
vidange des sdiments; (2) arrive de la vague avec arrachement et transport de blocs; (3) coulement
de l'inondation, pigeage des sdiments sur les motu et transport dans le lagon via les hoa.
Fonctionnement
Au point de vue du budget nutritif: malgr le fonctionnement partiellement autotrophe de l'cosystme
corallien, il semble difficile de comprendre l'existence de rcifs trs productifs au sein d'eaux
ocaniques tropicales qui le sont trs peu. L'hypothse de l'endo-upwelling gothermique permet de
rsoudre ce paradoxe (Rougerie & Wauthy, 1990). Ce phnomne correspond la remonte d'eaux
ocaniques profondes riches en nutriments, au sein de la structure rcifale poreuse, la faveur du flux
gothermique subsistant l'interface volcan-rcif. Les eaux profondes rchauffes remontent par
convection et diffusent dans le haut de l'atoll. L'arrive de ces eaux riches en surface s'accompagne d'un
double processus de prcipitation: une prcipitation organique rsultant du mtabolisme des coraux et
des algues (dont la prosprit est assure par l'apport de nitrates, phosphore et silice contenus dans les
eaux profondes) et une prcipitation inorganique due aux proprits intrinsques de ces eaux. L'eau
profonde est en effet riche en gaz carbonique dissous, sous-sature en CaCO3 (forme aragonite), avec
un pH de l'ordre de 7,8 ce qui facilite la pntration la base de l'atoll par dissolution des flancs
calcaires. Pendant son rchauffement et sa monte par convection, le produit de solubilit du carbonate
de calcium diminue. Des prcipitations carbonates se produisent alors l'intrieur de la matrice
calcaire, cimentant et consolidant l'difice. Ces prcipitations sont favorises par la diminution de la
pression partielle de CO2 due au dgazage en surface et la photosynthse qui utilise le CO2;
l'ensoleillement et la forte vaporation, habituelle par petit fond en zone tropicale, sont galement des
facteurs favorables. Ce modle rend ainsi compte de la prsence de grandes quantits de ciment dans la
structure rcifale et de son ventuelle dolomitisation. En effet, le passage de grandes quantits d'eau
sous-sature en CaCO3 mais toujours sature en carbonate de magnsium ne peut que favoriser les
changes Ca/Mg qui transforment la matrice calcaire en calcite magnsienne puis en dolomite. Il faut
remarquer que sur le plancher du lagon, la sdimentation de particules fines diminue la permabilit du

substrat et ne permet pas la sortie d'eaux "endo-upwelles" (d'o la raret des coraux). Suivant la belle
expression de Rougerie & Wauthy (1990, p. 838), "les nutrients pntrant la structure poreuse diffusent
lentement vers le haut de l'atoll: affleurant la surface ocanique, la vasque rcifale fonctionne ainsi de
faon analogue une lampe ptrole; la photosynthse brle les nutrients qui apparaissent la base du
lagon aprs avoir migr dans le socle corallien (la mche) partir du riche rservoir ocanique
profond".
Sans faire appel la convection, des tudes rcentes ont montr (par exploration endoscopique des
cavits des rcifs) que l'eau des cavits se renouvelait en quelques minutes par effet de pompe induit
par les vagues. Ces cavits (1 m2 de rcif correspondant 5 m2 de surface "interne"!) sont habites
principalement par des ponges qui filtrent 60% du phytoplancton contenu dans l'eau; les sels minraux
et substances nutritives librs par la digestion du phytoplancton reprsenteraient prs de 20% des
besoins nutritifs de l'ensemble de la communaut rcifale.
Au point de vue sdimentaire: l'essentiel de la production carbonate est localise au rcif qui apparat
comme une vritable "usine carbonates" grce aux nombreux organismes qui le composent et qui
fabriquent soit de l'aragonite, soit de la calcite magnsienne. Ces carbonates sont ensuite triturs par les
poissons broteurs de corail ou perfors par les lithophages. Les particules calcaires ainsi cres vont
sdimenter dans des zones plus ou moins proches du rcif: turbidites carbonates dans les plaines
abyssales environnant les rcifs, cordons de sable et de gravier sur les les, accumulation de boue et de
dbris coralliens dans le lagon. Ces transports sdimentaires se font en gnral sous l'action
d'vnements hydrodynamiques de trs haute nergie, cyclones ou tsunamis. Les consquences
cologiques et sdimentologiques de ces vnements sont trs grandes pour les rcifs: les vagues
engendres peuvent dpasser 10 m d'amplitude et dplacer des blocs cyclopens rsultant du
dmantlement de la dalle du platier. Il semble galement que la succession des motu et hoa soit le
rsultat de l'action des tsunamis et ouragans.

Gravier calcaire form principalement de fragments de coraux, platier corallien, Seychelles.


L'origine de la morphologie typique des atolls a t d'abord interprte par Darwin comme la
consquence de la subsidence d'un difice volcanique supportant un rcif frangeant. Cette subsidence
aurait induit la croissance verticale de ce rcif afin de demeurer dans sa zone de prosprit.
Actuellement, les auteurs semblent s'orienter vers un hritage la fois eustatique et diagntique: les
baisses du niveau marin seraient l'origine du dveloppement d'une morphologie karstique par
installation d'une lentille d'eau douce; la dissolution des carbonates tant maximale au centre des les.
Ensuite, aprs ennoiement, la prsence d'une aire dprime (lagon) au centre de l'difice persisterait
suite l'absence de lithification en milieu lagonaire et l'exportation de sdiments lors des vnements
de forte nergie (temptes, tsunamis).

Evolution morphologique rcente (Fig. XI.9): exemple des Tuamotu du NW (Bourrouilh-Le Jan,
1996). A: vers 14.000 ans BP les atolls sont tous mergs et dominent de 120 140 m le paloniveau
marin. B: la transgression holocne est trs rapide et dpasse vers 4000 ans BP le niveau actuel: tous
les atolls sont submergs. La biocnose rcifale se rinstalle et difie les platiers actuels ("catch-up").
C: entre 4000 ans BP et maintenant, le niveau de la mer baisse jusqu'au niveau actuel. D1 et D2
illustrent les deux morphologies possibles de la couronne atollienne des Tuamotu; D1: le motu entour
d'un beach-rock exhum d'ge mi-holocne form durant la phase C et D2: une petite lagune (eaux
saumtres stromatolithes) forme la suite de l'excavation de matriel sdimentaire sous l'effet des
vnements de forte nergie.

Fig. XI.9: volution morphologique rcente d'une couronne atollienne (lagon vers la gauche du
schma). Tuamotu du NW. D'aprs Bourrouilh, 1996, modifi.
UN AUTRE EXEMPLE: LE RECIF BARRIERE
Par comparaison, la Fig. XI.10 montre la zonation cologique et la morphologie d'un rcif barrire. Il
s'agit de Carrie Bow Cay, rcif de Belize (Carabes) (James & Macintyre, 1985).

- Lagon: ce lagon de plate-forme comporte deux zones distinctes: une prairie Thalassia testudinum
("herbe tortues") sur un substrat silto-sableux; en direction du large, les herbes tortues disparaissent
et le substrat devient sablo-graveleux avec quelques buissons d'Acropora cervicornis.
- Arrire-rcif: la profondeur s'y chelonne de 1 m l'mersion (partie interne de la crte rcifale). On
y observe galement deux zones: la premire est la zone des "patch-reef" avec des coraux comme
Montastrea annularis, Diploria labyrinthiformis, Acropora cervicornis et Porites astreoides. Une
bonne moiti de la surface de ces patch-reef est encrote par des algues dont des algues corallines. Les
oursins y sont abondants. La seconde zone est la zone des graviers et pavement, avec apparition
progressive au milieu des sables et cailloux d'un substrat indur (le pavement). Ce substrat rocheux est
un conglomrat de fragments de coraux, mollusques et algues corallines dans une matrice sableuse
cimente par de la calcite magnsienne. Les coraux qui se dveloppent sur ce fond durci sont
principalement Porites astreoides, avec quelques Siderastrea siderea, Agaricia agaricites, Diploria
clivosa, Acropora cervicornis et A. palmata.

A: platier rcifal mare basse avec Acropora (remarquer la coloration verte due aux algues
symbiotiques), le de Laing; B: Halimeda, une algue verte calcaire dont la contribution la production
des sables carbonats est trs importante. Photos A. Herbosch.
- Rcif: la bordure interne de la crte rcifale consiste en un rseau ("framework") de coraux morts
(environ 60%) encrots par des algues. Les coraux sont reprsents principalement par Acropora
palmata, Agaricia agaricites et Porites astreoides. En direction de l'ocan, ce rseau passe
progressivement une barrire dense de Millepora complanata, suivie en eau un peu plus profonde par
des buissons d'Acropora palmata. Latralement ces bioconstructions peuvent passer des
accumulations de cailloux et blocs.
- Avant-rcif interne: partir d'une profondeur d'environ 2 m, s'observent des "pinnacles" de Millepora
complanata, A. palmata et Agaricia tenuifolia. Ces constructions coalescent en direction de l'ocan
pour former les spectaculaires perons de la zone des "perons et sillons" ("spur and grooves") qui
s'lvent d'environ 7 m au-dessus des sillons emplis de sable et gravier. Du sommet des perons aux
sillons, on observe la succession Acropora palmata et A. cervicornis, ensuite Agaricia tenuifolia,
Millepora complanata et Porites porites et enfin Agaricia agaricites, Diploria strigosa et Montastrea
annularis avec quelques octocoralliaires.
La zone des perons et sillons passe vers 10 m de profondeur une zone o les perons sont moins
levs (relief de 1 m au plus) avec Montastrea annularis, M. cavernosa, Diploria strigosa et des
octocoralliaires. Le remplissage sableux des sillons diminue et un substrat indur colonis par des
octocoralliaires et des coraux massifs apparat.
- Avant-rcif externe: sa bordure interne est marque par une nette augmentation de la pente du rcif
jusqu' environ 25: c'est le talus rcifal interne qui s'chelonne de 15 22 m et qui est couvert de
buissons d'Acropora cervicornis et Montastrea annularis. Vers la base, les colonies columnaires de M.
annularis prennent une morphologie lamellaire et sont accompagnes de Agaricia tenuifolia, Porites

astreoides et Siderastrea siderea. Le talus rcifal interne s'achve dans un foss remplissage sablograveleux o s'observent quelques pinnacles avec Montastrea annularis et Acropora cervicornis.
Une ride relief prononc (environ 10 m de haut) dlimite la partie externe du foss sableux. Sur le
flanc interne de cette ride croissent Acropora cervicornis et une varit de coraux massifs dont
Montastrea annularis, Diploria labyrinthiformis et Porites astreoides. Le flanc externe de la ride
descend ensuite assez abruptement. La partie suprieure de cette pente, le talus d'avant-rcif, pente
variant entre 50 et 70, est caractrise par une communaut coraux lamellaires, domine notamment
par Montastrea annularis, M. cavernosa, Agaricia fragilis et Leptoseris cucullata. Sous cette
communaut rcifale, qui semble pouvoir s'tendre jusqu' 70 80 m, s'observe un escarpement (falaise
sous-marine) plongeant jusqu' -120 m. Cette falaise est constitue de calcaire rcifal et a t rode
durant les priodes de bas niveau marin du Plistocne. Elle est colonise par des ponges, des
crinodes et des coraux ahermatypiques.

Figure XI.10: zonation cologique et morphologie d'un transect dans le rcif barrire de Carrie Bow
Cay (Carabes). D'aprs James & Macintyre (1985), modifi.
Rle des paramtres physiques sur la rpartition et la morphologie des coraux
Par ordre dcroissant d'importance, on peut citer la nature du substrat, l'intensit d'clairement, les
effets hydrodynamiques (Geister, 1980).
- La nature du substrat: pour se dvelopper, la plupart des coraux ont besoin d'un substrat dur. La
priode la plus critique est leur premire phase de vie aprs la fixation des larves: dans des sdiments
trop meubles, le petit polype risque d'tre recouvert. C'est ce qui explique la raret des coraux dans les
lagons ou sur les ctes trs calmes. Certaines espces spcialises ont cependant dvelopp des
caractres originaux leur permettant de se dvelopper en l'absence de substrat indur: c'est le cas des
colonies non fixes de Siderastrea radians roulant la surface des sdiments. Certains coraux
d'espces ramifies (Acropora cervicornis), qui vivent normalement fixs sur substrat dur, peuvent
former des colonies mobiles sur le sable. Ces colonies naissent par rgnration de branches brises
durant les temptes. Ces branches, dposes sur des sdiments meubles, ne peuvent se fixer. En
consquence, elles sont bascules et roules priodiquement au gr des courants. Leur croissance
phototropique pendant les phases de calme engendre progressivement des colonies grossirement
sphriques.
- L'intensit d'clairement: consquence vidente de la symbiose avec les zooxanthelles. On observe
une diminution progressive du nombre d'espces avec la profondeur (Fig. XI.11). Ce modle

correspond des eaux ocaniques limpides. Dans des eaux plus turbides, l'extension bathymtrique des
coraux est rduite.

Figure X.11: zonation bathymtrique de coraux frquents. D'aprs Geister (1980).


On peut galement remarquer une variation morphologique au sein d'une mme espce: des coraux
massifs en eau peu profonde adoptent une morphologie de plus en plus aplatie partir de 20 m de
profondeur. Les branches de certaines espces ramifies (Acropora cervicornis) deviennent plus
minces et moins fourchues au-del de 15 20 m, de manire augmenter la surface illumine.
- L'action des vagues: l'intensit de cette action est trs variable en fonction de la profondeur, de
l'orientation par rapport la houle dominante, etc. Cette variation induit des adaptations
morphologiques des coraux et des modifications dans la composition des communauts.
Au point de vue morphologique, on observe que les colonies branchues d'Acropora cervicornis
deviennent plus touffues en milieu plus agit. Certaines espces tendent galement dvelopper une
morphologie encrotante (A. palmata) et crotre paralllement la direction de propagation des
vagues.
En comparant les associations des organismes colonisant les crtes rcifales, on peut noter une forte
diffrentiation selon le degr d'exposition aux vagues. La Fig. XI.12 reprsente les types rcifaux
principaux observs en mer des Carabes.

Figure XI.12: consquences de l'agitation de l'eau et de la bathymtrie sur la distribution des


communauts rcifales. D'aprs Geister (1980).
Ce modle est diffrent pour les rcifs exposs frquemment aux temptes. Dans ce cas, les espces
ramifies sont gnralement remplaces par des espces hmisphriques ou encrotantes. Partant de
ces observations, on peut classer les espces suivant leur plus ou moins grande sensibilit aux dgts
provoqus par les temptes. Des plus rsistants aux plus fragiles, on a: colonies encrotantes (Diploria
clivosa, Porites astreoides), colonies massives (Montastrea annularis, Diploria strigosa), colonies
branchues avec base vivante (rgnration plus facile aprs bris: Millepora, Acropora palmata) et enfin
colonies branchues avec base ncrose (Acropora cervicornis, Porites porites). On a constat aussi que
des temptes fortes et frquentes inhibent la formation d'une charpente rcifale (framestone). Dans ce
cas, les rudstones dominent (Braithwaite et al., 2000).
Pour en savoir plus

F. Bourrouilh-Le Jan, 1996. Plates-formes carbonates et atolls du centre et sud Pacifique.


Stratigraphie, sdimentologie, minralogie et gochimie. Diagenses et mersions: aragonite,
calcite, dolomite, bauxite et phosphate. Documents du BRGM, 249, 365 pp.
C.J.R. Braithwaite, L.F. Montaggioni, G.F. Camoin, H. Dalmasso, W.C. Dullo & A. Mangini,
2000. Origins and development of Holocene coral reefs : a revisited model based on reef
boreholes in the Seychelles, Indian Ocean. International Journal of Earth Sciences, 89, 431445.
J. Geister, 1980. Morphologie et distribution des coraux dans les rcifs actuels de la mer des
Carabes. Annali del l'Universit di Ferrara, Sez IX, Vol. VI, 28 pp.
E.G. Purdy & E. Gischler, 2003. The Belize margin revisited: 1. Holocene marine facies.
Int. J. Earth Sci., 92, 532-551.
F. Rougerie & B. Wauthy, 1990. Les atolls oasis. La Recherche, 223, 832-842.

MONTICULES RECIFAUX A CORAUX AHERMATYPIQUES


LES LITHOHERMES

Dcouverts dans les annes '70 le long de la marge orientale du "Little Bahama Bank", par des
profondeurs de 600 700 m, ces difices couvrent une superficie de plusieurs milliers de km2 (Fig.
X.3A). Il s'agit de monticules de morphologie grossirement elliptique, allongs paralllement aux
courants de fond (2 7 cm/s), de taille variable (quelques centaines de mtres de longueur pour une
cinquantaine de mtres de hauteur). Les flancs des grands difices sont relativement abrupts, avec des
pentes moyennes atteignant 20 30 (la pente d'quilibre de sdiments fins non ciments ne dpasse
pas 6). Rcemment, Paull et al. (1998), ont observ une ride de 4,4 km de long pour 150 m de haut,
allonge paralllement la pente et tablie au niveau d'une rupture de pente, forme par coalescence
d'difices plus petits.
La surface suprieure de ces monticules apparat trs irrgulire: elle est constitue de crotes de
sdiments indurs de 10 30 cm d'paisseur. Des accidents (cassures, rosions,...) permettent
d'observer par endroit la structure interne de ces "lithohermes": les crotes se superposent de manire
rgulire, spares les unes des autres par des niveaux de sdiment meuble, souvent excav par des
organismes fouisseurs. La structure gnrale des lithohermes parat donc tre "en pelure d'oignon".
La surface des lithohermes est intensment perfore par une endofaune trs dveloppe. D'assez fortes
diffrences apparaissent entre les divers difices: certains sont partiellement couverts de sdiments
meubles, d'autres montrent une surface rocheuse, d'autres encore sont compltement recouverts de
buissons coralliens.
La faune est gnralement domine par les coraux branchus ahermatypiques Lophelia et
Enallopsammia, les ponges et les crinodes non-rigs (Comatulids), associs des ponges
endolithiques. Une zonation cologique, par rapport aux courants, se manifeste: les coraux sont situs
sur la face expose, tandis que les crinodes se dveloppent " l'arrire" des bioconstructions.
L'essentiel du pigeage de sdiment semble ralis par les coraux et l'difice prograde en direction du
courant. Le caractre relativement fin des sdiments des lithohermes s'oppose au caractre plus grossier
des sdiments situs en dehors des difices. Ceci suggre que la fraction fine est emporte par les
courants de fond au niveau des interbiohermes et pige par les organismes sur les lithohermes
(bafflestone).
D'un point de vue ptrographique, le sdiment meuble est constitu pour la fraction sableuse de
foraminifres planctoniques et de tests de ptropodes avec une contribution mineure de grains exports
de la plate-forme peu profonde (oolithes, Halimeda). La fraction graveleuse comprend essentiellement
des fragments de coraux. La minralogie globale des sdiments meubles est domine par l'aragonite.
Les sdiments lithifis sont par contre constitus principalement de calcite Mg (14 moles % MgCO3),
avec de rares concentrations de micrite aragonitique. La texture est variable, depuis des rudstones et
floatstones coraux jusqu' des wackestones/packstones foraminifres, plodes et ptropodes.
La nature exacte du mcanisme de lithification sous-marine est encore mal comprise: Neumann et al.
(1977) suspectent une interaction entre un rgime ocanographique particulier (courant de fond
ascendant, entranant une diminution de pression et une augmentation de temprature) associ un
apport important de micrite aragonitique peu stable issue du "Little Bahama Bank".

A gauche, fragment de lithoherme (Blake Plateau) montrant les nombreuses perforations affectant le
sdiment. Echantillon C. Neumann; droite, colonie de Lophelia actuelle, Atlantique nord.
LES MONTICULES CORALLIENS PROFONDS
Exemple des Bahamas
Ces monticules ont t observs par 1000-1300 m de fond, sur le talus nord ("lower slope", avec une
pente de l'ordre de 1) du "Little Bahama Bank" o ils couvrent une superficie de 2500 km2. Les
courants de fond sont de l'ordre de 50 cm/s, la temprature de l'eau se situe entre 4 et 6C, avec une
salinit normale de l'ordre de 34,5 35,5 o/oo.
Les difices ont un relief de 5 40 m, une morphologie elliptique circulaire (diamtre de 50 200 m),
avec des flancs relativement raides. Contrairement aux lithohermes, leur surface n'est pas lithifie, mais
est constitue de sdiment fin, colonis par une communaut relativement diversifie de coraux
ahermatypiques (gnralement solitaires et de petite taille), de gorgones, hyalosponges et calcisponges,
de bryozoaires, de vers serpulids et de crinodes. A cette communaut fixe se joignent quelques
mollusques, chinodermes et arthropodes. Comme dans le cas des lithohermes, le caractre fin des
sdiments biohermaux (20% sable et gravier) contraste avec le caractre plus grossier des sdiments
interbiohermaux (entre 50% et 90% de sable et gravier). Ceci suggre encore un mcanisme de
pigeage par les organismes sur les monticules. L'analyse dtaille de la fraction grossire montre que
les lments graveleux proviennent essentiellement du remaniement des organismes colonisant les
monticules, alors que la fraction sableuse consiste surtout en foraminifres plagiques et ptropodes. La
composition minralogique du sdiment est la suivante: 50% aragonite, 15% calcite Mg et 35% calcite.
L'aragonite semble provenir des coraux et des ptropodes et aussi de boue issue du "Little Bahama
Bank", la calcite provient des foraminifres planctoniques et de coccolithes et enfin, la calcite Mg
driverait de fragments d'chinodermes et de foraminifres benthiques.
Le dveloppement de ce type d'difice semble correspondre la squence suivante:

colonisation d'un substrat dur (fond durci, bloc allochtone,...) par des coraux pionniers;
ces premires colonies pigent le sdiment en suspension; en mme temps, la destruction des
colonies coralliennes par des organismes endolithiques fournit un substrat stable pour
l'installation de nouvelles larves;
le monticule se dveloppe par la combinaison d'un processus de pigeage de sdiment en
suspension et de production in-situ de matriel plus grossier.

Critres de reconnaissance des monticules rcifaux profonds dans l'histoire gologique


- Absence d'algues;

- diversit spcifique moins leve: 60 100 espces de coraux en milieu rcifal peu profond actuel
pour 1 16 pour les biohermes profonds;
- microperforations souvent parallles la surface du substrat; en environnement peu profond, ces
microperforations sont gnralement perpendiculaires au substrat;
- contexte gnral trs diffrent: les rcifs peu profonds sont associs des environnements lagonaires,
intertidaux, tandis que les monticules profonds se dveloppent dans un contexte de talus; de mme, la
nature de la fraction sableuse est totalement diffrente, avec des grains de type "peu profond" (oolithes,
agrgats, algues,...) pour les rcifs et "profond" pour les monticules coraux ahermatypiques
(organismes plagiques et planctoniques).
- teneur en lments traces diffrente: les coraux ahermatypiques ont une teneur en Sr et U plus leve
que les coraux hermatypiques.

Mud mound ("kesskess") emsiens, Hmar Lakdad (Maroc). Il s'agit de monticules profonds ponges,
coraux et crinodes.
Exemple des monticules de l'Atlantique nord
Trs rcemment, suite l'exploration ptrolire dtaille de l'Atlantique nord, de trs nombreux
monticules coralliens profonds ont t dcouverts. Ces difices sont gnralement localiss entre 500 et
1500 m de profondeur (500 m semble tre leur profondeur minimale, elle correspond la sparation
entre les eaux atlantiques de surface chaudes et les eaux arctiques froides). Certains de ces monticules
peuvent atteindre une extension horizontale kilomtrique et un relief de prs de 200 m. Comme dans le
cas des autres bioconstructions profondes, la diversit spcifique des communauts organiques est
faible et le corail ahermatypique Lophelia semble dominer.
Une hypothse intressante est que ces cosystmes profonds seraient lis des arrives en surface de
mthane ("cold seepage"), alimentant une communaut de bactries chmolithotrophiques (dgradation
du mthane). Ces bactries formeraient ainsi la base d'une pyramide alimentaire non photosynthtique.
A l'appui de cette hypothse, outre de nombreuses structures sdimentaires probablement lies au
dgazage et outre des arrives de mthane mesures en surface, on a dcouvert des rcifs annulaires,
vritables "atolls" profonds, centrs autour d'un vent.
Critres de reconnaissance des monticules profonds lis au dgazage
Pour distinguer les monticules profonds lis au dgazage ("cold seep mounds" dont la pyramide
cologique est base sur le mthane) des autres monticules profonds ("marine mounds" dont la
pyramide cologique est base sur les nutriments en suspension dans l'eau marine), Peckmann, Reitner
& Neuweiler (1998, in "Carbonate mud mounds and cold water reefs") proposent les critres suivants:
- texture: les sdiments des "cold seep mud mounds" sont toujours fortement brchifis: ceci est d
des accumulations gazeuses ou la croissance dans le sdiment d'hydrates de mthane;

- faune: les "cold seep mud mounds" semblent caractriss par des accumulations de grands bivalves
(dans la nature actuelle: Bathymodiolus, Calyptogena,...) ou de tubes de vers (Lamellibrachia,
Escarpia,...). Sont galement associs: dcapodes et ponges. Dans le cas des "marine mounds", la
faune est domine par des filtreurs: bryozoaires, ponges, coraux avec quelques brachiopodes,
foraminifres encrotants. Une zonation bathymtrique est souvent perceptible;
- diagense prcoce: l'aragonite semble souvent associe aux "cold seep mounds". D'un point de vue
isotopique, les valeurs de 13C sont trs basses, atteignant -30 o/oo (PDB).
Une fois ces critres tablis, l'tude d'une bioconstruction conduira l'identification des
communauts, de sa bathymtrie et surtout de son mode de fonctionnement (Fig. XI.13): s'agit-il
de la photosynthse seule (tapis algaires et cyanobactriens, cf. ch. X), d'un mlange
d'htrotrophie et de photosynthse (rcifs coraux hermatypiques), d'htrotrophie seule
(lithohermes, monticules des bahamas) ou enfin de chemolithotrophie ("seepage mounds")? Le
mode de production/stabilisation de la boue carbonate est galement un paramtre li au type
de bioconstruction, mme si plusieurs modes sont gnralement actifs au sein d'un mme
difice. La cimentation et la biominralisation sont les processus principaux dans les rcifs algocoralliens, tandis que l'organominralisation semble prpondrante dans les difices plus
profonds.
Nous allons envisager maintenant un certain nombre d'exemples anciens.

Fig. XI.13: principales caractristiques des diffrents types de bioconstructions.


Pour en savoir plus

Carbonate mud mounds and cold water reefs (Deep biosphere-geosphere coupling) TTR-7
post cruise conference, 7-11 February 1998, Gent, abstract book, 117 pp.

A.C. Neumann, J.W. Kofoed & G.H. Keller, 1977. Lithoherms in the Straits of Florida.
Geology, 5, 4-10.
H.T. Mullins, C.R. Newton, K. Heath, H.M. Vanburen, 1981. Modern deep-water coral
mounds north of Little Bahama Bank: criteria for recognition of deep-water coral bioherms in
the rock record. Journal of Sedimentary Petrology, 51 (3), 999-1013.

LES MONTICULES WAULSORTIENS


cf. excursions
LES MONTICULES MICRITIQUES FRASNIENS
cf. excursions
LES BIOSTROMES GIVETIENS
cf excursions

XII. Les sdiments organiques


INTRODUCTION
Mme dans les milieux o la production primaire de matire organique est leve, sa conservation dans
les sdiments et son insertion dans le cycle gologique est problmatique. Si l'on prend l'exemple de
l'ocan, la matire organique produite par le phytoplancton dans la zone photique est en grande partie
recycle dans la chane alimentaire. Une partie rduite de cette matire organique tombe travers la
colonne d'eau vers le fond marin en subissant encore des processus de dcomposition et enfin, dans le
sdiment, une part importante de la matire organique sera dtruite par oxydation dans la tranche
bioturbe (Fig. XII.1). On considre qu'il y a en gnral un rapport de 1 100 entre production primaire
et matire organique arrivant sur le fond marin.

Fig. XII.1: Flux de la matire organique depuis sa production dans la zone photique jusqu' son
enfouissement dans le sdiment.
La dgradation arobie de la matire organique correspond schmatiquement la raction suivante:
C6H12O6 + 6 O2 6 CO2 + 6 H2O
C'est en fait la raction inverse du processus mis en oeuvre dans la production primaire de sucre par la
photosynthse. Dans les sdiments bioturbs donc, la matire organique est oxyde. Dans les milieux
dficitaires en O2, la dcomposition de la matire organique est incomplte et certains composs
relativement stables peuvent tre prservs. Les conditions menant une diagense prcoce anarobie
sont:
- une production de matire organique tellement importante que sa dgradation consomme tout
l'oxygne disponible; c'est le cas de certaines zones ocaniques haute productivit (upwellings,...);
- la prsence d'eaux anoxiques au contact du sdiment: c'est le cas de bassins stratifis comme la Mer
Noire; c'est aussi le cas lorsque le fond marin est baign par la "zone d'oxygne minimum";

- un taux de sdimentation lev, inhibant la prsence d'endofaune;


- une granulomtrie fine, limitant les changes entre le sdiment et les eaux oxygnes.
A titre d'exemple, les grs contiennent en moyenne 0,05% de matire organique, les calcaires 0,3% et
les roches plitiques 2%.
Les principaux sdiments organiques sont les schistes bitumineux, le ptrole, le gaz, le charbon, la
lignite et son quivalent actuel, la tourbe. Passons les en revue.
LES SEDIMENTS ORGANIQUES ACTUELS
Les types principaux en sont l'humus, la tourbe et le sapropel. L'humus consiste en matire organique
frache, en voie de dgradation, localise dans la partie superficielle des sols. Au cours du temps, la
plus grande partie de l'humus est oxyde et n'est pas conserve dans les formations gologiques. Sa
prsence est cependant importante au travers de l'action exerce par les acides humiques sur les
minraux des sols. La tourbe est une accumulation de dbris vgtaux dans des zones marcageuses o
les conditions anarobies inhibent la dgradation de la matire organique. Enfin, le terme sapropel se
rfre des sdiments organiques, drivs du phytoplancton et dposs dans des bassins lacustres ou
marins.
LES SEDIMENTS ORGANIQUES ANCIENS
On les classe en deux groupes principaux: les sdiments organiques forms in-situ comme la tourbe et
l'humus (groupe humique) et les sdiments constitus de matire organique transporte ou dpose en
suspension comme les sapropels (groupe saproplique). La plupart des lignites et charbons
appartiennent au groupe humique, avec des contenus en matire inorganique infrieurs 33% (argile,
silt, sable) alors que les schistes bitumineux et certains charbons ("cannel coals", "boghead", forms
principalement de dbris allochtone de plante et d'algues) font partie du groupe saproplique; leur
contenu en matire inorganique peut dpasser 33%.
Les sdiments organiques anciens peuvent aussi tre secondaires et rsulter de la migration de
composs organiques partir d'une roche-mre vers un sdiment poreux (ptrole, gaz).
LES CHARBONS
Les charbons sont issus de l'volution diagntique de dbris vgtaux. Ainsi, les charbons humiques
forment une srie continue depuis la tourbe jusqu' l'anthracite, en passant par le lignite et le charbon
bitumineux. On appelle "houillification" les processus physico-chimiques et organiques intervenant au
cours de la transformation de la tourbe en charbon et "rang" un stade dtermin de cette volution. Un
rang croissant indique une teneur croissante en carbone et dcroissante en H2O, CO2, CH4, N2
(Tab. XII.1).
De manire simplifie, on peut dire que la diagense conduit des tourbes aux lignites (dans lesquelles
les dbris de plantes sont toujours visibles) jusqu' environ 1000 m d'enfouissement. Jusqu' 5000 m de
profondeur (soit 100-200C) se forment ensuite des charbons de plus en plus bitumineux, dans lesquels
un processus de glification fait disparatre les cellules vgtales au profit de la vitrinite. Enfin, les
anthracites apparaissent dans l'anchizone du mtamorphisme.
On reconnat l'anthracite son aspect brillant et sa cassure conchodale. Il faut noter que lors de la
transformation du charbon bitumineux en anthracite, du mthane est libr; c'est le "grisou", si
dangereux dans les mines de charbon.

Rang

C (%)

volatiles (%)

valeur
calorifique
(KJ/g)

tourbe

<50

>50

lignite

60

50

15-25

charbon subbitumineux

75

45

25-30

charbon
bitumineux

85

35

30-35

semi-anthracite

87

25

30-35

anthracite

90

10

30-35

graphite

>90

<5

Tab. XII.1: rang et caractristiques des charbons de la srie humique.


Depuis la fin du Dvonien (prolifration de la vgtation sur les continents), du charbon se forme dans
les zones climatiques humides. On distingue deux types d'environnements de formation de charbon: les
milieux paraliques et les milieux limniques. La plupart des charbons westphaliens (exemple:
Belgique) se sont dvelopps dans des environnements paraliques, probablement de type deltaque
ctier, alors que plus tard, au Stphanien, prdominent les charbons de milieux limniques,
correspondant des lacs, souvent localiss dans des fosss d'effondrement de la chane varisque
(exemple: Montagne Noire, France).

A: mine de charbon ciel ouvert de Graissessac (Montagne Noire, France); les veines de charbon
alternent avec des grs fluviatiles; l'chelle est donne par le personnage (flche). B: dtail montrant
un tronc prserv dans une des veines. Stphanien.
Dans les charbons de type paralique, la squence type est constitue d'une succession de sdiments
plitiques fossiles marins, suivie de plites, siltites et ventuellement grs fluviatiles, puis de la veine
de charbon. Le charbon surmonte un sol caractris par des traces de racines. Dans le cas des sols
dvelopps sur sable, le grs volue souvent en quartzite trs dur ("ganister"); dans le cas de sols sur
sdiments plus fins, ce sdiment contient des nodules de sidrite.

Dans beaucoup de sries houillres, on observe des niveaux de cendres volcaniques: tonsteins riches
en kaolinite et bentonites riches en smectites. Ces niveaux, de mme que les niveaux marins fossiles
servent dater ces sries.
LES SCHISTES BITUMINEUX
Il s'agit de sdiments fins contenant de 4 50% de bitume ou de krogne. On y observe une fine
lamination, faisant alterner lamines organiques et lamines dtritiques. L'origine de la matire organique
semble tre algaire. Ces deux observations permettent de supposer que ces schistes bitumineux se
forment dans des corps d'eau stratifis, o des blooms algaires en surface donnent lieu des apports
massifs et priodiques de matire organique sur le fond anoxique. Ceci peut se produire en
environnement lacustre aussi bien qu'en milieu marin.
LE PETROLE
Le ptrole est un mlange de solides (bitumes), de liquides (huiles) et de gaz. Sa formation rsulte de
l'volution, au cours de l'enfouissement, de la matire organique pige dans des sdiments (rochesmres). Cette matire organique l'origine du ptrole est appele "krogne". A partir de ce krogne,
des ractions thermocatalytiques produisent des alkanes et des naphtnes, les principaux constituants
du ptrole. Au fur et mesure de l'enfouissement et de l'augmentation de temprature, la production de
ptrole augmente, passe par un maximum ("fentre huile", entre 70 et 100C) et diminue ensuite (Fig.
XII.2). A plus grande profondeur, la production de ptrole dcrot au profit de la production de gaz
(craquage naturel du ptrole en hydrocarbures plus lgers); il s'agit d'abord de "gaz humides" puis, audessus de 150C, de "gaz secs". Le rsidu de ce craquage est appel krabitume.

Fig. XII.2: formation du ptrole. Les profondeurs sont indicatives et dpendent du gradient
gothermique.
La formation d'un gisement de ptrole ncessite aussi un mcanisme de migration. La plupart des
roches-mres sont en effet des sdiments fins dont il n'est pas possible d'extraire le ptrole. Une
premire migration a lieu sous l'effet de la compaction des sdiments (migration primaire); ensuite, le
ptrole est amen au rservoir par des drains (migration secondaire) sous l'effet de la gravit (le ptrole

est moins dense que l'eau). La roche jouant le rle de rservoir peut possder une micro-porosit (sable,
grs, craie, dolomie) ou une porosit en grand (calcaire). La gomtrie des rservoirs peut rsulter de la
tectonique (anticlinaux, failles, diapirs) ou de la sdimentation (discontinuit, onlap,...). Enfin, pour que
le ptrole demeure dans le rservoir, il faut que celui-ci soit surmont d'une barrire impermable. Les
roches-barrires les plus frquentes sont les argiles et les vaporites.
Pour en savoir plus

Gluyas, J. & Swarbrick, R.E., 2001. Petroleum geoscience, Blackwell, 400 pp.
Lyons, P.C. & Alpern, B. (Eds.), 1989. Coal. Elsevier, 678 pp.
Whateley, M.K.G. & Spears, D.A. (Eds.), 1995. European coal geology. Sp. Publ. 41, Geol.
Soc. London, 500 pp.

XIII. Dpts volcano-sdimentaires


INTRODUCTION
Prcisons d'abord le sens des termes utiliss. D'une manire gnrale, le terme "volcano-sdimentaire"
pourrait s'appliquer n'importe quel sdiment renfermant du matriel volcanique en proportion
importante. Mais on rserve plutt le terme aux dpts labors par des processus o le volcanisme est
dominant. C'est ce sens que nous utiliserons dans la suite du chapitre; il implique donc la
contemporanit de la sdimentation et du phnomne volcanique. Le terme "pyroclastique"
s'applique aux roches rsultant de l'accumulation de dbris volcaniques provenant de l'expulsion de
matriaux volcaniques.
L'importance des dpts volcano-sdimentaires reflte plus que leur simple abondance crustale, dj
remarquable (environ le quart des roches sdimentaires). Ces sdiments sont en effet essentiels pour
comprendre la dynamique des orognes; de plus, beaucoup de dpts volcano-sdimentaires sont
associs des minralisations d'importance conomique et enfin, il n'est pas ncessaire d'insister sur
l'importance des manifestations volcaniques sur l'activit humaine. Malgr cela, ces sdiments ont t
peu tudis, probablement par suite de leur identification malaise et de leur sensibilit l'altration,
mais aussi du fait de leur caractre mixte, impliquant la fois des processus sdimentaires et
magmatiques (les spcialistes des deux disciplines se renvoyant la balle et hsitant s'aventurer dans
des matires qu'ils matrisent plus difficilement).
Les dpts volcano-sdimentaires ont ceci de particulier qu'ils chappent la distribution zonale ou
bathymtrique de beaucoup de sdiments : ils peuvent donc tre associs n'importe quel type de
facis : glaciaire, olien, bathyal, littoral, etc. En outre, leur vitesse d'accumulation est trs rapide :
entre 103 et 106 fois plus que la sdimentation normale, d'o une oblitration des caractres du milieu
ambiant.
Les diffrents matriaux impliqus dans une manifestation volcanique comprennent les fractions
solides (cendres, lapilli, bombes), les solutions hydrothermales (enrichies en Si02, Mn, Fe, Al, Cu,
As, P, Pb, Zn,...) et les manations gazeuses (H2O, CO, CO2, NH3, H2S, HCl, SO3,...). Il faut aussi
insister sur le fait que les matriaux jects durant les processus volcaniques ont un caractre rducteur.
Par consquent, tous les lments susceptibles d'tre rduits vont l'tre (Fe++, Mn++,...). De plus, si H2S
est prsent, les lments lourds vont migrer sous forme de sulfures (ce qui est tout fait diffrent des
processus de l'altration superficielle).
Notons galement qu'au cours d'une ruption volcanique subarienne, seuls les produits solides sont
incorpors dans la sdimentation environnante, tandis que les solutions hydrothermales sont dilues par
les eaux mtoriques et que les manations gazeuses sont disperses dans l'atmosphre, alors que dans
le cas des ruptions sous-marines ou sous-lacustres, c'est la totalit de l'apport magmatique qui sera
impliqu dans la sdimentation.

Dans ce chapitre, nous allons passer rapidement en revue les diffrents types de dpts volcanosdimentaires en insistant sur leur gense.

A: dpts volcanosdimentaires dforms par la chute d'une bombe volcanique (Laacherzee); B:


dpts volcanosdimentaires dcals par un jeu de failles et recoups par un dyke (Causse du Larzac).
ROCHES PYROCLASTIQUES
Ces roches sont le rsultat de la lithification des tephra. Le terme "tephra" est synonyme de dpt
volcanoclastique, c'est--dire d'accumulation de matriaux jects par une ruption. Comme pour les
roches dtritiques, une classification granulomtrique est utilise (Tab. XIII.1). Cette classification ne
tient pas compte de la composition des tephra.
Taille des
constituants

Equivalent
dtritique

Tephra

Roche
pyroclastique

>62 mm

galets, blocs

blocs (anguleux)

brche volcanique

bombes
(arrondies1)

agglomrat

2-62 mm

graviers, granules

lapilli

tuf lapilli

62 m-2 mm

sable

cendre grossire

tuf grossier

<62 m

silt et argile

cendre fine

tuf fin

Tableau XIII.1 : classification granulomtrique des roches pyroclastiques. 1les blocs anguleux sont des
fragments de lave refroidie avant leur jection; les bombes sont des paquets de lave qui se figent
durant leur projection.
D'autres classifications sont bases sur des critres ptrographiques, c'est le cas par exemple de la
classification de Friedman et al. (1992) qui utilise un diagramme triangulaire (Fig. XIII.1). Ce
diagramme permet de subdiviser les tufs en fonction de la proportion relative de trois constituants : les
dbris lithiques, les cristaux (surtout des feldspaths et du quartz, euhdraux et zons) et les fragments
de verre volcanique. Les tufs fragments de verre volcanique sont issus de la dsagrgation de laves,
les tufs cristallins se forment quand une partie du magma a commenc cristalliser avant l'ruption et
les tufs lithiques sont constitus de fragments de roche volcanique ou de l'encaissant remanis au cours
de l'ruption. Les deux classifications cites ci-dessus sont souvent combines pour donner des noms
du type "tuf lithique lapilli", "tuf cristallin grossier", etc.

Fig. XIII.1: classification des roches pyroclastiques.


Envisageons maintenant la gense des diffrents types de roches pyroclastiques.
Les retombes pyroclastiques (" pyroclastic air-fall deposits ") se forment proximit des volcans
avec un granoclassement latral (les lments les plus grossiers se situant le plus prs des centres
d'mission) et une paisseur variable, fonction de la distance au volcan. L'extension des dpts
pyroclastiques est largement dpendante du volume des ejecta et des caractristiques des vents
dominants. Chaque retombe peut tre grossirement granoclasse, avec les dpts les plus fins au
sommet. Les tephra peuvent tre plus ou moins souds entre eux, en fonction de leur temprature au
moment de leur dpt.
Les ignimbrites sont produites par des nues ardentes. Celles-ci sont des nuages d'un mlange de
tephra chauds (fragments de verre, cristaux et dbris lithiques) et de gaz, se propageant sous l'effet de la
gravit des vitesses atteignant 200 km/h. Ce sont en fait des courants de densit dont les grains sont
maintenus en suspension sous l'effet des chocs interparticulaires et de l'chappement des gaz. D'un
point de vue textural, les ignimbrites montrent une grande varit de granulomtrie, les lments les
plus grossiers tant gnralement concentrs vers le haut (il s'agit donc d'un granuloclassement
inverse). Une des caractristiques importantes des ignimbrites est la prsence de grains souds par la
chaleur dans leur partie la plus interne et le caractre plan de la surface suprieure des dpts:
contrairement aux retombes pyroclastiques, les ignimbrites ne nappent pas le relief prexistant mais
s'coulent dans les dpressions, la manire des fluides (Fig. XIII.2).
Les dpts de "pyroclastic surge" sont galement des coulements de matriaux pyroclastiques, mais
la diffrence des ignimbrites, ils sont plus fins et montrent des laminations planes, en auge, des
antidunes, etc. Ils possdent un granoclassement modr faible, avec une dcroissance
granulomtrique rapide lorsqu'on s'loigne de la source. On pense que les "pyroclastic surge" sont des
coulements gravitaires de faible densit, dont les particules sont maintenues en suspension par la
turbulence d'un fluide (gaz, eau). Ils se forment lors du collapse d'un panache volcanique satur en
vapeur d'eau (en fait, ce phnomne a t mis en vidence lors des premires explosions nuclaires) ou
lorsqu'un magma entre en contact avec de l'eau. Les pyroclastic surges ont tendance napper les
reliefs, mais montrent quand mme une paisseur plus importante dans les dpressions (Fig. XIII.2).

Dpts de "pyroclastic surge" au Cap d'Agde. A: lamination planes; B: antidunes.


Les lahars sont des mudflows constitus d'une majorit de matriel volcanique. Ils se forment lorsque
des dpts pyroclastiques non consolids sont mis en mouvement sur le flanc d'un volcan suite de
fortes pluies ou lors d'une ruption sous-glaciaire. Ces lahars possdent les caractres des autres
mudflows comme leur richesse en matrice et leur trs faible classement (sauf un grossier
granoclassement inverse, voire un granoclassement inverse la base de l'unit, suivi d'un
granoclassement normal son sommet). Les lahars peuvent tre distingus facilement des pyroclastic
surges par l'absence de stratifications et par la prsence de matriaux divers comme des troncs d'arbre,
branches, etc.

Fig. XIII.2: gomtrie de diffrents types de dpts volcano-sdimentaires par rapport au relief
prexistant.
AUTRES DEPOTS VOLCANO-SEDIMENTAIRES

D'autres types de roches sdimentaires sont lis une activit magmatique autre qu'une ruption
volcanique. Citons essentiellement les brches autoclastiques qui sont dues au refroidissement et la
brchification de la partie suprieure d'une coule de lave en mouvement et surtout les hyaloclastites
qui rsultent de la fragmentation d'un verre volcanique par contact avec l'eau. Beaucoup de pillow-lava
sont associes des hyaloclastites.
Revenons aussi sur les manations gazeuses et les solutions hydrothermales qui se propagent dans la
mer ou dans les lacs lors des ruptions sous-aquatiques. La silice, diffrents composs de Fe, Mn, Al ou
des lments mineurs comme As, Ba,... vont prcipiter pour former une partie du sdiment. Le
processus de prcipitation de ces composs est apparemment purement chimique et non biochimique
comme dans la sdimentogense "normale".
Des changements dans le milieu physico-chimique de secteurs o se manifestent des ruptions sousaquatiques peuvent provoquer une prcipitation chimique temporaire et des phnomnes locaux
particulier. Relevons entre autre:

beaucoup de CO2 et parfois du HCl, HF et SO3 sont injects dans le milieu de sdimentation
dont ils abaissent le pH. Ceci retarde invitablement la prcipitation carbonate (avec une
remonte ventuelle de la lysocline);
quand des solutions hydrothermales dpourvues d'oxygne sont injectes dans l'ocan, de
grandes masses d'eau peuvent acqurir un caractre rducteur, provoquant la prcipitation de
carbonates et de silicates de Fe et Mn ;
lorsque de grandes quantits de H2S sont mises, des conditions favorables la prcipitation
des sulfures de Fe, Pb, Zn partir des eaux marines sont ralises.

Ainsi, les manations volcaniques provoquent l'apparition locale de minraux qui, dans les conditions
normales de la sdimentogense, ne se formeraient que durant la diagense ou dans des
environnements trs riches en matire organique.
DIAGENESE DES MATERIAUX VOLCANO-SEDIMENTAIRES
Les verres volcaniques sont mtastables: dans la plupart des cas, ils ne sont pas observs dans des
roches plus anciennes que le Tertiaire. De ce fait, les dpts volcano-sdimentaires anciens sont
souvent difficiles mettre en vidence. Les produits de l'altration des verres volcaniques sont les
argiles, les zolites et la palagonite (altration sous-marine des basaltes).
Les argiles issus de la diagense des verres volcaniques sont la montmorillonite, la saponite et la
kaolinite. Les bentonites sont des lits riches en smectite issus de l'altration de cendres
volcaniques. L'quivalent riche en kaolinite est appel tonstein. Outre la nature minralogique des
argiles, la prsence de (pseudomorphes de) fragments de verre et de cristaux euhdraux zonaires de
quartz, feldspath ou de pyroxne peuvent aider identifier l'origine volcano-sdimentaire d'un niveau
argileux.
En ce qui concerne la palagonite, c'est un matriau amorphe, translucide, orang, souvent observ en
bordure des grains d'hyaloclastite. Il s'agit d'une altration du verre volcanique par hydratation,
oxydation du fer, augmentation du K et Fe et perte de Na et Mg. La palagonite n'est pas un minral,
mais un mlange de montmorillonite et de phillipsite.
Enfin, beaucoup d'hyaloclastites sont cimentes par de la calcite.

F. Boulvain, 2007
AUTRES COURS EN LIGNE proposs par le Laboratoire de Ptrologie
sdimentaire:
cartographie gologique

gologie de la Wallonie
excursions
processus sdimentaires
une brve histoire de la gologie
complments de ptrologie sdimentaire
notes de TP de ptrologie sdimentaire
AUTRES SITES (slectionns par L. Hauregard):

http://www.epoc.u-bordeaux.fr/fr/eqsedimento.htm (Equipe "Sdimentologie et Gologie Marines")


http://www.shom.fr/index.htm (Service Hydrographique et Ocanographique de la Marine-Activits
scientifiques-Gosciences-Sdimentologie)
http://www.unifr.ch/geoscience/geologie/welcome.html (University of Fribourg, Switzerland: Department
of Geosciences-Geology and paleontology-Research-Sedimentology)
http://www.unibas.ch/earth/sedi/index.htm (Geological & Paleontological Institute: Sedimentology Group)
http://www.blackwell-science.com/~cgilib/jnlpage.asp?journal=sed&file=sed&page=aims (Blackwell Science:
Sedimentology)
http://www.blacksci.co.uk/uk/society/ias/ (International Association of Sedimentologists)
http://darkwing.uoregon.edu/~dogsci/dorsey/SedResources.html (Web Resources for Sedimentary
Geologists)
http://www.palmod.uni-bremen.de/FB5/geochron/index.htm (Bremen University Geosciences: Stratigraphy
and Sedimentology)
http://www.dur.ac.uk/~dgl0mew/BSRG/index.html (The British Sedimentological Research Group)

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Date de dernire mise jour : 13/4/2007
Ptrologie sdimentaire, B20, Universit de Lige, B-4000 Lige

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