Stratégie GCES Roose Sabir Bull. Réseau Erosion, 2002
Stratégie GCES Roose Sabir Bull. Réseau Erosion, 2002
Stratégie GCES Roose Sabir Bull. Réseau Erosion, 2002
INTRODUCTION
La zone mditerranenne a la rputation dtre sujet des risques rosifs trs levs
(Hudson, 1987). Dabord pour des raisons cologiques : les pluies sont erratiques, les sols
sont mal couverts durant la saison des pluies, le relief est trs jeune car des roches dures
protgent des roches argileuses tendres, la terre tremble souvent, les versants sont raides avec
des valles troites ou de longs glacis avec des valles larges mais sujettes la salinisation.
Durant lt torride, lrosion olienne est courante et les orages trs violents. Par contre la
fin de lhiver froid, les pluies tombant sur des sols saturs et encrots provoquent de forts
ruissellements : des rigoles voluent rapidement en ravines. Les crues qui dvastent les berges
des oueds, entrainent des inondations, des glissements de terrain, lenvasement rapide des
barrages (en 30 50 ans), la destruction des routes et autres ouvrages dart. Tant que la
vgtation couvre les versants, les phnomnes de ruissellement et drosion restent modrs,
mais on peut observer des dsastres l o de longues averses tombent sur des sols nus saturs
ou lors des orages violents dautomne (Demrnak, 1982).
Par ailleurs de nombreuses civilisations se sont succdes autours de la Mditerrane
de sorte que depuis trois mille ans, les forts ont t dfriches pour produire du bois de
chauffe et du bois doeuvre pour les constructions, les marines marchandes et militaires. Les
peuples ont construit de grandes cits (milieu impermable) et dvelopp lagriculture irrigue
dans les plaines (sa1inisation)et llevage extensif en montagne (pour chapper aux
envahisseurs). I1 sen est suivi la dgradation des couvertures vgtales et des sols,
lencrotement ou le dcapage des horizons humifres, le creusement des rigoles en ravines,
particulirement le long des pistes et des drailles empruntes rgulirement par le btail pour
rejoindre les points deau et les ptures (tassement).
Cest pourquoi, les paysans mditerranens ont dvelopp des stratgies pour
minimiser les risques drosion, la dgradation des ressources en eau, en biomasse et la
fertilit des sols (Lowdermilk, 1975, Roose, 1994). Vu la grande diversit cologique, le
bassin mditerranen est une zone intressante pour observer ces processus drosion et les
mthodes de gestion de leau et de la fertilit des sols avant la modernisation de lAgriculture
au 20 me sicle. Dans cette note, les auteurs prsentent une synthse des stratgies
traditionnelles observes dans le Maghreb (Maroc, Algrie, Tunisie), la Lybie, Israel et le sud
de lEurope (France, Espagne et Crte). Ceci ne veut pas dire quil ny en a pas ailleurs, mais
que la plupart des mthodes se retrouvent sous des climats voisins de chaque ct de la mer. I1
semble que beaucoup dentre elles ont t introduite par les arabes revenant de Chine par la
route de la soie, puis tendue &renouvelles par les romains (aqueduques, terrassaen gradin
irrigues) Aprs avoir dcrit la diversit des problmes poss par leau en montagne semiaride, les auteurs ont class les systmes antirosifs traditionnels en tenant compte des risques
de ruissellement lchelle des champs.
pertes en terre 1/an daprs Heusch (1970) sur les marnes du Pr-Rif et Laouina (1998) au
Maroc, Delhumeau (1981) et Delhoume (1987) sur les calcaires tunisiens et Roose et al.,
(1993) sur diffrents sols dAlgrie.
De nombreuses ravines hrites du pass ne sont plus fonctionnelles sauf durant les
averses exceptionnelles. Comme les sols sont gnralement mal couverts, les averses
exceptionelles ont un impact beaucoup plus fort quen zones tropicales SUT le ruissellement et
les manifestations spectaculaires de lrosion (ravines, glissements de terrain et inondations)
(Roose, 1972). Contrairement lopinion gnrale, linclinaison de la pente naugmente pas
forcment le ruissellement ni mme lrosion : des roches peuvent protger le sommet des
collines, tandis que les colluvions profondes au bas des versants concaves peuvent collecter
beaucoup de ruissellement lequel creuse des rigoles et des ravines profondes. La position
topographique sur un versant peut tre plus important que la pente (Heusch, 1970, Roose,
1972, Roose et al., 1993). Les colonisations successives, les pressions dmographiques et
conomiques de ces 50 dernires annes (dforestation, surpturage, extension rapide des
crales et localement du canabis pour la survie des paysans pauvres) ont rompu lquilibre de
ces paysages instables.
Contrairement lopinion gnrale, les pluies ordinaires ont cinq fois moins dnergie
dans les montagnes mditerranennes que les pluies tropicales (Roose et al., 1993). I1 est donc
important de noter que la source dnergie dont dpend lrosion est plus lie au ruissellement
concentr dans les ravines et les oueds que dans la battance des pluies. (Heusch, 1970).
Par consquent la lutte antirosive en rgion mditerranenne doit sorganiser autours de la
gestion des eaux sur les versants.
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marneuses recevant 300 mm de pluie par an. Le plus gros problme est de rduire lapport de
sdiments et de maintenir la qualit des eaux en tenant le btail hors de la mare.
* Les citernes cimentes. Les romains et les arabes ont construit bon nombre de citernes
enfouies dans le sol, captant les eaux du toit (Mazets de Montpellier) ou dun impluvium
rocheux (citerne Telman tudie par Bourges et al, 1979 prs de Gabs en Tunisie). Van
Wesemael et al. (1998) ont tudi 51 citernes enfouies (aljibes) dans la province de Almria
(Espagne). Ce systme est encore viable de nos jours pourvu que la citerne et le volume
ruissel soit suffisant pour remplir la citerne (>60 m3).
313. Le stokape du ruissellement dans la valle.
* Construction de terrasses troites dans loued. Dans les zones semi-arides o il est
difficile de cultiver les versants, des haies vives sont implantes en bordure de loued pour
ralentir la vitesse du courant, capter les eaux et leur charge en sdiments pour construire
progressivement un jardin de saison sche ou alimenter une << sguia >> (canal courrant le long
de la colline pour irriguer une terrasse en aval). Ces haies sont constitues de cannes de
Provence, divers peupliers, saules, frnes,tamaris, eucalyptus et lauriers roses, carex et joncs.
* Les jessours. Dans les zones arides du sud de la Tunisie, des digues en terre sont construites
en srie dans les valles pour capter le ruissellement et sa charge solide en vue de construire
une suite de terrasses plantes progressivement en arbres fruitiers (palmiers, figuiers et
oliviers), en crales et lgumineuses (Bonvallot, 1986).
* Limans. I1 sagit dune digue barrant une tte de valle dans le Nguev pour intercepter les
rares crues. La culture est organise en amont ds que linfiltration du ruissellement est
complte.(Eveneri et al, 1968).
* Des barrages collinaires sont construits en Tunisie Centrale pour rcolter le ruissellement
qui sera redistribu pour lirrigation de petites terrasses en aval, ou pompe sur les bords.
(Alberge1 et al. 1998).
* Les sillons de diversion (drayures) peuvent servir vacuer rapidement les excs deau
la surface des champs de crales. Cest le cas sur les sols argileux tant en Algrie, dans le Rif
quen Aveyron dans le sud de la France. La pente de ces sillons ne doit pas dpasser 5% sous
peine dtre lorigine dune ravine. Dans le vignoble de Banyuls (midi de la France) des
murettes en pierres retiennent la terre sur les versants raides schisteux. Mais pour viter les
glissements de terrain, il a fallu ouvrir des fosss obliques qui drainent les eaux excdentaires
vers des collecteurs principaux empierrs : ces drains en arrtes de poisson fonctionnent
comme le billonnage oblique, pratique culturale qui permet un lent drainage des eaux vers
des exutoires amnags en bordure des parcelles. Ces systmes de diversion rduisent les
risques de ravinement dans les parcelles cultives, mais acclrent le drainage du versant,
tendent raviner les exutoires et augmenter les dbits de pointe dans les valles (rosion des
berges et inondations).
* Des fosss de diversion (Rfoussi en berbre) peuvent aussi capter les eaux des impluviums
(route ou glacis) pour les taler sur les champs de culture o les orienter vers les cuvettes des
oliviers (plaine de Midar dans le Rif oriental)(Communication orale de Abbassi, 2000).
4.3. La gestion de leau et de la fertilit des sols en montagne. La majorit des techniques
de LAE en montagne semi-aride vise dabord la gestion de leau, sa capture , son stockage et
sa valorisation. Mais en mme temps quil << irrigue >> les terres, le ruissellement capt apporte
des matires en suspension et amliore la fertilit du sol.
Dans les zones semi-arides, la production vgtale nest pas seulement limite par la
disponibilit en eau mais aussi par les carences du sol en nutriments, principalement en
phosphore et en azote, continuellement exports par les rcoltes de crales. Pour restaurer la
capacit de production des terres, les paysans pratiquent toute une srie de techniques
traditionnelles : la rotation ou lassociation des crales et des lgumineuses, le fumier
(gnralement pauvre qualitativement et en faible quantit), divers systmes de compostage, la
jachre pture, des systmes agro-forestiers (rotation craleslfves sous oliviers, amandiers
ou figuiers) et sylvo-pastoraux (parcours sous divers chnes). Ces systmes complexes aident
maintenir un niveau minimal de production (4 15 quintaux/ha/an), mais un apport
complmentaire dengrais minraux (N+P) est indispensable pour valoriser les apports deau
si on veut intensifier la production.
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5. CONCLUSION.
5.1. Lchec partiel des stratgies dquipement et de restauration des sols.
Devant lacclration des mfaits de lrosion durant le 20me sicle, les
gouvernements centraux ont propos deux approches :
* la conservation de leau et des sols (CES) (Bennet, 1939) : 1Etat finance des projets de
protection des sols en vue de maintenir la qualit des eaux des barrages ou de protger des
amnagements ou la productivit des sols. Or le rythme denvasement des barrages na pas
baiss et la dgradation des sols continue entre les banquettes. Actuellement les sols sont si
dgrads quil est rarement rentable de les restaurer.
* la dfense et restauration des sols (DRS) par la plantation des forts, le terrassement des
versants cultivs et la correction torrentielle. Au bout dun demi sicle, bien des arbres plants
nont pu se dvelopper correctement et les sols sous litires de pin ou deucalyptus sont
puiss. I1 faut durgence trouver des terres productives. Aprs lanalyse de 150 programmes
de CES ou DRS, Hudson (1987) a du conclure lchec de ces stratgies : les sols continuent
se dgrader, les lacs senvaser et les diverses formes drosion stendre. Les tentatives
de compensation par lapport des structures de base en montagne nont pas rsolu le
problme.
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