Henry Henry Khunrath - Androgyne
Henry Henry Khunrath - Androgyne
Henry Henry Khunrath - Androgyne
III
ANALYSE DE L'ANDROGYNE
n'HENRY KHUNRATII
E Grand Androgyne ami-corps constitue de prime aspect un pantacle hermetique.
C' est evidemment le sens immediat et capital de l' embleme : il est aise de· s' en convaincre par I' examen des accessoires groupes autour de la figure centrale et, pour peu qu'on en doutat, la lecture
. des textes latins, fort detailles, . dont la planche est couverte, suffirait a lever toute incertitude, en trahissant la preoccupation constante du theosophe, laquelle est avant tout d'alchimie.
Mais en Magie, les correspondances analogiques etant absolues, d'un monde a l'autre, il en resulte que tout verbe occulte, profere dans rune des trois spheres, eveille naturellement un echo dans
ANALYSE DE L' ANDROGYNE 125
les deux autres: c'est toujours la meme note, elevee ou descendue d'un octave. Le sens des symboles est done multiple et peut s' etahlir sur une echelle rigourousemcnt determinable a priori.
L' explication hermetique de notre planche correspond au sens naturel au positif. Le sens moral au comparatif requiert une explication psychologique, et le sens spirituel ou superlatif, une explication metaphysique.
Dans notre commentaire sur la Rose-Croix de Khunrath, nous avons pris a tache d'amalgameren quelque sorte les trois significations: nous essaierons cette fois de les indiquer a part.
Ici d'ailleurs, l'interet se concentre principalement sur I'interpretation alchimique, puisque de toute evidence elle domine les deux autres dans la pensee de l' auteur.
11 semble logique d'exposer celle-la tout d'abord - et nous pensons surprendre agreahlement notre public, en cedant ici laplume a un confrere aussi connu qu'~pprecie de lui." Papus, qui a pousse plus avant que nous l'etude pratique de la spagyrie (jusqu'a reussir diverses experiences d'un ordre tres particulier), Papus veut bien nous faire cadeau d'une de ces pages au lui seul, je crois, sait marier avec un art exquis la profondeur " des idees a la Iimpidite du style.
SENS POSITIF OU NATUREL DE L'EMBLEME
PAR PAPUS
OUS rendant au desir de notre ami et frere, Stanis las de Guaita, nous allons exposer en quelqueslignes le sens purement alchimique de la figure pantaculaire de Khunrath.
Le cadre que nous nous tracons est ainsi strictement limite etnous devons berner notre ambition a l' expose des grandes genera lites que reoele cette magnifique synthese symbolique.
La Pierre Philosophale a donne de son existence d'irrefutables preuves : c' est ce que nous nous semmes Jadis etforce de demontrer, histoire en main t.
Mon. Dieu, oui, lecteur sceptique, oous souries en vain au recit de toutes ces leqendes de oieucc alchimistes usant leur vie et dilapidant leur fortune dans la poursuite du Grand CEuvre; ce ne sont pas la brillantes chimeres ; au fond de tout
~ La Pierre Philosophale, preuves irrefutables de son existence, par Papus, chez Carre.
ANALYSE DE L'ANDROGYNE 127
cela se cache un eclaiani rayon de verite et les dio: mille volumes qui traitent de ces matieres ne sont pas l' ceuore de Jongleurs indignes ou d'impudents faussaires.
Les liores d' alchimie sent ecrits de telle sorte que »ous pourres, le plus facilement du monde, oous rendre compte de tous les phenomenes qui se succedent dans la preparation de la Pierre Philosophale, sans Jamais parvenir uous-meme a la preparer,
La raison en est bien 'simp le. Les maitres cachent
toujours le nom de la matiere premiere requise pour l' ceuore et le moyen d' elaborer et d' eoertuer cette matiere premiere par l'emploi du feu philosophique ou lumiere astrale humanisee. Or il est indispensable de dire deux mots des phenomenes qui marquent la preparation de la Pierre Philosophale, sous peine de ne Jamais rien comprendre ci l' explication que nous allons donner de la plamche symbolique de Khunrath, consideree alchimiquement.
Quand vous aoez pl~ce les deux produits, sur l' origine desquels les alchimistes gardent un prudent silence, dans l'ceuf de »erre de l'athanor et que vous faites agir le feu secret sur ce melange, . divers phenomenes fort interessante prennentnaissance SOU8 »os yeux.
La matiere contenue dans I' athanor devient
i28 ESSAIS DE SCIENCES MAUDIT-ES
tout d'obord absolument noire. su; semble putre-fiee et completement perdue. C' est alors cependant que l' alchimiste se rejouit ; car il reconnait le premier stade de l' evolution du Grand (Eucre, stade designe sous les noms de Tete de Corbeau et de Chaos.
Cette couleur persiste plusieure jours ou plusieurs heures selon l'habilete de l'artiste - et d sa suite, presque sans transition, la matiere prend une coloration blanche asses eclatante. Cette couleur indique. que la combinaison entre les deux produits places dans l' athanor est effectuee et la moitie du travail accomp lie.
A cette couleur blanche, succedent des couleurs variees, suivant une progression ascendante par: rapport au spectre solaire, c'est-a-dire commengant au violet pour s'eleoer par des nuances diverses au rouge pourpre qui indique la fin de l'(Euvre.
A ces phenomenes de coloration se rattachent d' autres faits purement physiques : alternatives de volatilisation: et de fix a tion , de solidification et de demi-liquefaction de la matiere; faits qui ont conduit les alchimistes d com parer la creation de la Pierre Philosophale par l'homme it la creation de l' Univers par Dieu (pheno·menalement parlant). La grande loi de la Science occulte, l' Analo gie, donne la raison d' etre de toutes ces deductions,
ANALYSE DE L'ANDPOGYNE 129
mais ce serait sortir de notre cadre que de nous etendre davantage sur ces chases,
Retenons simplement les trois grands etats par ou passe la matiere : le noir, le blanc, le rouge - et abordons, munis de ces donnees, l' explication de notre figure.
A u premier coup d' ceil, apparaissent trois grands cercles subdivises cum-memes chacun en trois autres.
Le cercle inferieur porte au centr-e ecrit en grosses lettres et en qrecle mot XAOlJ (Chaos).
Le cercle moyen laisse ressortir surtout le mot REBIS.
Enfin le cercle superieur- presenie le mot AZOTH.
Chaos. - Rebis. - Azoth, tels sont lee trois termes qui vont nous donner le sens general de notre figure.
CHAOS (1 er cercle)
,
Le cercle inferieur ens eigne la creation de la
Matiere premiere et nous montre l'image de l' Unioers, II symbolise particulierement la COULEUR NOIRE de l' ceuore ou Tete de Cor beau.
Nous n'aoons pas a entrer dans tousles details de la preparation reveles pat' les paroles conienues dan: ce cercle; montrons simplement la verite de 9
i30 ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES
notre explication par un extrait du Dictionnaire mytho-hermetique de Pernetty.
( Ce chaos se deoeloppani par la volatilisation, cet abime d' eau laisse voir peu a peu la
. terre-a mesure que l' humidite se sublime en haut du vase. C' est pourquoi les chimistes hermetiques ont cru pouooir com parer leur ceuore, ou ce qui s'y passe pendant les operations, au deoeloppement de l' Ilnioers tors de la creation »,
(Pernetty. )
REBIS (2e cercle)
Le second cercle nous presente la figure mysterieuse de l'Androgyne hermetique (Soleitet Lune). Notre savant frere de Guaita montrera le sens kabbalistique de cette importante (¥Jure. Qu'il nous suffise de dire qu' elle eccprime alchimiquerneni la COULEUR BLANCHE de l'ceuore, resultant de l'un~·on des deux principes positif et negatifo
L'adage Etiam Mundus Renovabitur Igne, correspondant au fameuco Igne Natura Renovatur Integra, (INRI de la Franc-Maconnerie occulte)., indique que c' est a ce moment que commence l' application a la matiere du feu philosophique.
Le carre des elements (Ignis, Aqua, Terra, Aer), enfermant le triangle de la constitution de tout eire (Anima,'Spiritns, Corpus), 't"ndique la theorie du 2e degre de l'(Euvre.
ANALYSE DE L'ANDROGYNE f3f
Le triangle Separa, Dissolve, Depura, domind par le quaternaire Solve, Fige, Coagula, Compone, indique la pratique de ce second deqr« de I' ceuore hermeiique.
Enfin toutes ces operations n' aboutissent qu' a la creation d'une seule et meme chose, REBIS, ainsi definie par Pernetty :
« L'esprit mineral cru comme de l'eau, dit le bon Treoiean; se mele avec son corps, dans la premiere decoction, en le dissolvant. C' est pourquoi on l' appelle Rebis, parce qu'il est fait de deux choses, saooir du male et de la (emelle, c' est-a-dire du dissolvant et du corp~ dissoluble, quoique dans le fond ce ne soit qu' une meme chose et une meme matiere »,
(Pernetty. )
AZOTH (3e cercle)
G'est le Phenix alchimique que symbolise le troisieme cercle, Le Feu astral avec tous ses mysteres est clairement indique dans cette mer-ceilleuse figure. Les plumes de paon symbolt"sent les couleurs variees que prend la matiere SOU8 l'infiuence de ce feu philosophique qui chauffe sans hruler, de ce feu humide et subtil (1fJure par les ailes du Phenix. "
Le mot Azoth indique du reste a lui seul le sens de, toute la f'lUure:
1.32 ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES
« Azoth, selon Planiscampi, signifie moyen d'union, de conservation ou medecine unioerselle. II tait aussi remarquer que le terme Azoth doit etre reqarde comme le principe et la fin de tout corp~ et qu'il renferme toutes les proprietes cabalistiques, comme il contient la premiere et la derniere lettre des trois langues matrices, l' Aleph et le Than des Hebreuco, l'Alpha et l'Omega des Grecs, l'A et le Z des Latins. »
(Pernetty. )
Au-dessus de ces trois cercles, rayonne dans le triangle mystique le nom sacre LUI-LES-DIEUX, ..Elo2m, symbolede laPierrePhilosophaleparfaite.
Nous enirons ici de plainpied dans le domaine de la kabbale; aussi croyons-nous devoir limiter lit cette exposition deja trop longue, que le lecteur pou,rra deoelopper lui-meme a sa guise, a l' aide des quelques elements que nous lui aeons fournis.
PAPus.
Nous ajouterons peu de chose it cette explication hermetique aussi large que precise. N ous nous bornerons it esquisser, en trai ts aussi brefs que possible, les deux sens kabbalistiques de la figure centrale.
SENS COMPARATIF OU PSYCHOLOGIQUE
DE L'EMBLEME .
'ANDROGYNE est la plus saisissante image du Regne hominal ramene a son principe
~!!!l intelligible.
C' est, en langue purement hieroglyphique, le symbole absolu de cet Etre Virtuel qui s'exteriorise au moyen de ce que Fabre d'Olivet appelle sa « faculte volitive efficiente »,; - de cet Etre Uni»ersel qui se part.icularise par sa sous-multiplication indefinie a travers l' espace et Ie temps; - de cet Etre Spirituel enfin, qui se corporise et tombe dans la matiere, pour avoir pretendu se faire centre et s'etre eloigne de l'Unite divine, principe central et source essentielle de to ute spiritualite.
Selon MOIse esoteriquerrient interprete 1, voici les etapes de la chute: l'Universel Adam O'N deploie Aishah. i1WN ; des lors lui-memo devient Aish. _W'N: c' est 1'Intellect potentiel de l'homme qui se realise en deployant la Volonie. Mais le mauvais
<I Voir Fabre d'Olivet, Langue hebraique restituee, tome II.
134 ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES
emploi de cette volonte les fait chuter tous deux, (homme et femme: Intellect et Vouloir), dans le monde elementaire : Aishah. se metamorphose en
.,
Revah rrm, la Vie Materiolieee , dont Adam de-
vient I' epoux.
On a vu l'explication que j'ai donnee ailleurs de Revah ou de Heo« rnn, - Pour ne pas compliquer rna note dej a fort longue au sujet de I-eve et de Adam-eve, j'ai neglige de marquer alors la conversion en n Heth du premier i1 He de rnn, qui devient rnn. Ce durcissement de la voyelle initiale marque hieroglyphiquement la chute d'Adam et sa consequence: la materialisation de la Vie universelle en lui.
. Eh bien, l'Androgyne de Khunrath represente Ada1n-Eve, ou l'Homme Universel eparpille dans la matiere et sombre dans le devenir : ce qu' exprime Ie globe elementaire d'Hyle (YAH) 1 qu'il soutient de ses mains.
Dans ce globe est inscrit le carre des elements et dans ce carre, le triangle adamique : corps, arne, esprit.
Ce schema geometrique equivaut et correspond strictementa I'hicroglyphe dont usentles alchimistes pour embleme de l'oouvre hermetique parachevee, de la pierre philosophale obtenue : ~. - Le Grand
~ Mot inscrit au centre du globe et du triangle.
ANALYSE DE L'ANDROGYNE 135
(Euvre consiste en effet a comprimer I'Esprit (symbolise par le triangle), sous l' etreinte de la matiere (symbolises par la croix des 4 elements). Le soufre des alchimistes, au contraire, c'est la Matiere dominee par I'Esprit; aussi les adeptes, qui sont logiques, l'expriment-ils par le meme signe renverse : ~ 1.
Pour en revenir au triangle qu' emprisonne un carre inscrit dans un cercle, peut-on mieux figurer la decheance de I'homme, claquemure entre les quatre parois de sa geele sinistre?.. Et si nous pas sons du general au particulier, les inities n' entreverront-ils pas dans ce vivant ternaire, que
~ Claude de Saint-Marlin, dans son Tableau naturel (pages 26i-262 du premier tome), a donne une explication foncierement erronee de ces deux signes. Ce qu'il dit de l'un s applique avec rigueur a l'autre et reciproquernent. Rien de plus surprenant qu'une confusion pareille chez un theosophe de cette valeur.
:t36 ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES
comprime et retient captif Ie quaternaire des elemenis, l' emblems d'un redoutabIe arcane? N e songeront-iIs point a I'ame adamique d'abord entrainee au vertigineux vortex des generations, puis se debattant, en proie aux quatre torrents elcmcntaircs qui se la disputent? Pauvre arne, ecartelee entre ces quatre puissances de perdition, elle lutte desesperement pour atteindre et conquerir le point central, equilibre ; 1'intersection cruciale, unique; Ie lieu sauveur ou son incarnation pourra s'effectuer du moins sous la forme harmonieuse, ponderee et synthet'l'que de l'homme !
Si, par malheur, elle se Iaisse entrainer a Ia derive d'un des courants, quel sera son sort? - CE~ qu' elle deviendra ? Quelque elemental dans la nature, ou bien, si elle trouve a s'incarner, une pauvre ineonscience, etincelle divine pour longtemps obscuree, et captive sous l'une des formes ana lytiques , outrancieres, anarehiques de l'animalite 1 !
~ Et pour envisager d'un coup d'ceil les deux geneses complementaires : celle des principes d'ordre intelligible et celie des origines d'ordre sensible, evoquons un instant le spectacle des milliers de spermatozoaires luttant pour l'existence dans une gouUe de sperme humain! Quelle course au clocher l. .. - Ah I ne dons pas, ce serait presque un sacrilege, un crime de lese-humanite. Chacun de ces petits etres represente une existence humaine en possibilite, ou, comme dirait Fabre d'OIivet, en puissance contingente d'etre dans une puissance d'etre, Car celui qui, parvenant au but le premier, Iecoude
ANALYSE DE L'ANDROGYNE 1.37
Reportons-nous a la figure magique, a cette sphere substantielle d'Hyle, qu'elabore et renove. perpetuellement la Lumiere secrete de l'univers :
Etiam mundus renooabiiur igne ... Du principe de I'incarnation, correspondant a ladite sphere, passons a la realisation, a la mise en acte de ce principe. C' est descendre a la sphere inlerieure ou Khunrath a dessine des continents et des mers; c' est fixer nos yeux sur le globe terrestre, envisage comme type de tous les centres de condensation materielle, OU I'universel Adam-Eve disperse ses sous-multiples.
C'est Iii le regne de ce XAO:E, la substance premiere creee ; de ce Theou w' behou 'iI-:" 'ill1; de cet abime potentiel (Th61n C'ill1), generateur des doubles-eaux (Maim t:::::l'o), sur la face desquelles le souffle generateur (Rouach AJJlohim, t:::::l'iI'N rm) exerce sa puissance fecondante. Le theosophe de Leipzig revele ici, pour qui sait le lire, plusieurs arcanes touchant la genese materielle des mondes. Les formules gravees sont d'ailleurs limpides, et valent d'etre consultees attentivement. ..
L'universel Adam en mal de desintegration a roule jusqu'au fond de l'orniere ; il s'est vautre
l'ovaire, ouvre litteralement la porte de la vie terrestre, pour laisser passer l'une de ces ames adamiques, apres au gain d'un corps physique, et qui se pressent en Ioule au seuil de l'existence objective.
138 ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES
dans Ie cloaque de Ia substance differenciee, produit de sa chute memo ; il s'est eparpille, sans pouvoir s'epuiser jamais, semant a profusion des ames de vie de mains en mains intelligentes, de moins en moins morales et conscientes.rjusque dans Ies formes les plus humbles de l' existence et du devenir. Mais tout n'est pas dit: apres s'etre divise a l'infini, sa destinee veut qu'il se reconstitue dans son unite ontoloqique ; apres etre descendu, elle veut qu'il remonie; elle vent qu'il eoolue eniin, apres s'etre inoola«.
_N ous ne toucherons pas au probleme - si troublant dans sa profondeur occulte - des redemptions minerals, vegetale et animale: jamais ce rnystere ne sera totalement devoile 1.-Mais en prenant l'etre
i Un mot seulement; ecoutez, vous to us qui savez saisir l'esprit d'un arcane, SOllS Ie travestissernent d'une image grossiere et materielle, Je ne dirai qu'un mot,
Si l'ame spirituelle est totalement obscuree dans Ia pierre, terme ultime ou plutot abouiissement infime de i'inooluiion, comment la Conscience peut-elle s'eveiller petit a petit, dans Yeoolutioti des formes progressives, a travers les regnes mineral, vegetal, animal s.;
Quel Deus ex maenirui lui vient donc en aide? Comment, en un mot, Ia Conscience va-t-elle se degager de Ylnconseience absolue, au fur eta mesure de revolution?
Je vous demanderai, moi, si l'Eternelle Sagesse n'a pas mis un terrne a la decheance d'Adam, et borne, par I'interposition d'une infranchissable barriers. sa deseente au» enfers du non-etre t
Ce rempart providentiel a nom la Matiere. One fois entierement posssde par elle, l'esprit ne peut pius deseendre. Dieu meme lui a dit : Tu n'iras pas plus loin.
ANALYSE DE L'ANDROGYNE
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adamique aux deux tiers de son voyage deretour, alors que, deja delivre en partie des etroites et despotiques entraves dont Ie destin de la .nature physiquel'accablait, il a pu evoluer jusqu'a l'hominalite ; il nous est permis de supputer en quelques lignes son retour a sa synthese verbale, l'Adam celeste.
Par quels efforts l'homme de chair peut-il travailler a reconquerir I' eden de sa divinite collective? - Avant tout, par l' etablissement , des ici-bas, d'un Etat social hierarchique,
Sur quoi se fonde un tel Etat social? - Avant tout, sur.Ia Famille.
Comme un metal en fusion, des qu'il bouillonne loin'du foyer central, se fige soudain, prisonnier de sa propre nature, qui est de durcir au froid : ainsi l'esprit, eloigne de sa source divine, se compacte en s'objeetivant : telle est l'origine de la matiere, espece de moyen terme, de eompromis entre l'etre et Ie non-etre : concretion passive que l' esprit peut penetrer et elaborer, mais outre passer, non pas!
Et comme, emporte dans sa chute, l'esprit se heurte it cet invincible obstacle, it doit neeessairement rebondir ; d'ou ce mouvement redempteur : Ieootuiion. reeurrenie !
L'impulsion meme de la chute adamique determine la reascension. La loi de Reaction proportionnelle est inter-venue.
A jamais incompatible avec le Neant, ou it est en voie de sornbrer, I'ame spirituelle dechue trouve dans la profondite de sa nature oeeuIte, un principe occasionnel d'arret brusque et qui Ie rejeUe en arriere.
L'Involution se heurte it son terme irrefragable, fatal ou providentiel. - Le mouvement acquis ne saurait s'aneantir ou se perdre ... il se fait repercussif et retrograde.
La decadence inooluiioe est enrayee : la force merne des choses necessite une reaction: l'Evolution redemptrice a pris naissance.
140 ESSAIS DE· SCIENCES MAUDITES
Sur quoi repose la Famille ? - Avant tout, sur l'An~our.
L' Amour nous apparait, sons ses divers modes, lo principe essentiel de la redemption et l'instrument primordial de la reintegration.
Par rapport aux individus, l' Amour est en effet lc ncoud moral qui lie l'homme a. la femme; - relativement aux ames, il est encore le magnetique appel a. la vie objective: c' est lui qui, les envahissant d'un trouble delicieux, les sollicite de s'inearner et les fait rouler, vaincues, au tourbillon fatal des generations. - Vis-a-vis de l'Etat social, l'amour est enfin l'irresistible facteur des races: il obsede les amants, les possede, les hante - et leur insufflant une fureur qu'eux-memes ne peuvent assouvir que par l'union des sexes, il ouvre sans cesse aux pauvres ames la porte etroite de l'existence physique et terrestre.
Ce n' est pas tout : l'etrange propagation des types individuels au long de la chaine des filiations; ce phenomene que le nom tres vague d' atavisme ne designs a. l'attention de tant de penseurs qu'a titre d'impenetrable mystere, eh bien, l' Amour en tient les clefs! ... Nous verrons ailleurs que, sous sa forme sublimee - la Charite - c' est encore l'Amour qui opere, pour l'ascension d'ahord individuelle des ames, puis pour leur addition nuptiale par groupes bisexues et cornplementaires,
ANALYSE DE L'ANDROGYNE 141.
dont la fusion harmonieuse, en progression rnathematique, resserre la synthese relative, qui ne trouve son terme absolu qu'en Dieu.
L' Amour est la troisieme personne de la trinite adamique; car constituant le rapport commun des deux epoux , leur relativite sentimentale, leur moyen terme, en un mot, il precede de l'hornme et de la femme, comme le Saint-Esprit pro cede duo Pere et du Fils 1, L'Amour n'est-il pas aussi le veritable agent de l'incarnation? Celui de qui l' enfant est en verite concu ? De men;e, il nous est mystiquement enseigne que, bien qu' enqendre du Pere, le Christ est conou du Saint-Esprit. Toutes ces analogies sont de la derniere rigueur.
Le Saint-Esprit n'est d'ailleurs Iui-msme que l'Amour divin, l'Amour eccalt« dans le monde spirituel: comme l'attraction n' est que l' Amour cosmique, l'amour refracte dans le monde elementaire.
Ce qui est vrai dans les mondes diV'/,"n ou super'latif et naturel ou positif, ne rest pas mains dans le monde moral au comparaiif : L' Amour est le troisieme terme de la Trinite humaine, puisque c'est lie lui, nous I'avons vu, qu'est concu l'enfant, ne du Pere et de la Mere; et c'est pourquoi Ie
~ Ainsi l'Azoth des Sages; principe de Y attraetion, constitue la troisierne personne de la trinite hermetique : ~, e et ~, souJre, sel et mereure (ou a:.oth).
142 ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES
phenix, qui renait de ses cendres, s' epanouit et bat des ailes entre les deux tetes de femme et d'homme, Embleme de l'eternelle fecondite, le phenix :figure kabbalistiquement I'Amour , dans le pantacle de Khunrath.
N aturellement, a considerer le grand androgyne, la tete d'homme apparait solaire; 1a tete de femme, selenique. Du sein droit, marque du signe sulfureux:F et du sein gauche marque du signe salin e, jaillissent deux sources perpetuelles : symbole des deux energies, active et passive, qui reagissent mutuellement l'une sur l'autre, pour animer et pour evertuer la substance proli:fique du Compost philosophal. Le signe mercuriel ~, place sur le nombril, indique le facteur moyen de e par ~.
Les deux bras, ou sontinscrits ces deux preceptes rnysterieux : Coagula, Solve, soutiennent 1a sphere des elements occultes. Par la, Khunrath nous enseigne que le Mage ou l'homme complet, designe par l'Androgyne, peut tenir Ie sceptre sur Ie monde elementaire tout entier, et agir sur la Nature naturee avec une sorte de toute-puissance, en projetant ou en attirant a soi la Lumiere astrale, substratum de la quintessence.
Envisagee comme instrument des universelles transmutations dont l'homme peut devenir le maitre et Ie regulateur, la Lumiere astrale se revele, dans
ANALYSE DE L'ANDROGYNE 143
toute r etendue de son action, par la formule decoupee en caracteres d'ombre sur la gerbe de feu, triple et sextuple, qui s'irradie et flamboie a la base de la sphere centrale.
Mais, consideree comme la subs lance meme de l'Ame vivante universelle (Nephesh-ha-Hai'ah W;JJ n-nn), qui se distingue et se specifle sous d'innombrables modes, pour donner naissance aux etres des quatre regnes 1: la Lumiere astra1e devint l'Azoth des Sages, etKhunrath l'exprime par I'hieroglyphe du phenix, installe comme un diaderne singulier, sur le double front de l'androgyne. La queue de paon~ dont cet etrange oiseau se voit affuble par surcroit, est en alchimie, comme l'a dit Papus, l'embleme de l'eeuvre, a un point donne de son evolution spagyrique. N ombre de couleurs changeantes paraissant alors dans I' ceuf, miroitent et semblent s'irriser de mille reflets trompeurs. - Au sens comparatif, la queue de paoll, riche et multicolore, figure les innombrables formes et les nuances varices [usqu'a I'infini, dont la matiere - penetree, elaboree, evertuee par l'esprit - se revet dans la progression ascendante de tous les etres vers l'Etre. C'est le regne d'Ionah (n.Ji'), cette intarissable fecondite que deploie, suivant la multiplication quaternaire, I'ame de vie distri-
~ Mineral, vegetal, animal, hominal.
J 44 ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES
huco sans distinction a. toutes les creatures de l'univers 1. L'hierographe s'en explique en termes precis: L'Oiseau d' Hermes, c'est le bienheureuai principe de la vie vegetative, qui, agissant dans
la profondite spiritueuse des choses corporelles, est T ame meme de la Nature, ou la quintessence apte a [aire germer toutes choses ..
Enfin Ie triangle supreme, figuratif de la pierre philosophale parfaite, ce triangle ou Papus lit .1Elohim (O'i1'N, Lui-les-Dieux) et ou nous croyons plutot dechiffrer le mot Aourim C"~N, les Lumieres (c' est-a-dire Ie principe de toutes les lumieres : naturelle, hyperphysique et spirituelle), c' est la manifestation ternaire du feu divin qui s'irradie d' en haut : UYN LEsch. Ce feu dissimule it. jamais, sous un voile d'impenetrahle splendeur, l' essence merne de l'incommunicable unite: principe causal d'ou l'Universel Adam est emane a la racine de l'involution; principe final ou, pour clore l' evolution generale des etres, il doit se reintegrer et s' occulter enfln.
~ Voir dans le Lotus, no 12, page 338-343, ce que je dis d'I6nah .
. ~
SENS SUPERLATIF OU METAPHYSIQUE
OUR degager la signification de notre pantacle, au point de vue metaphysique pur,. il faudrait reveler tous les mystercs du Tetragramme incommunicable i1~i1~ (Iod-he-vauhe), synthese divine de l'Univers vivant.
Or d'une part, il serait oiseux de repeter ici les explications assez detaillees et dsoisives, deja produites a diverses pages de ce livre; et d'un autre cote, le caractere ineffable de l' Absolu, cet Inno-
. mable manifests par le nom de i1~i1\ defie l'effort de nos langues analytiques et relatives.
Nous serons done extremement sobre de developpements : il convient de limiter cette notice a quelques indications fort breves.
. Qu'il nous suffise d' o.bserver qu' /Esch UiN represente l'Esprit pur, universel, principiant, qui tisse un vetement de lumiere intelligible au mystique Ain-Soph. 9~b pN, l'etre-non-etre : Etre absolu par 'rapport a lui-meme, ear il est seulau .sens pri-
10
146 ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES
mordial t ; non-etre par rapport a nous, etres finis et contingents, car le Relatif ne peut comprendre l'Absolu.
Le triangle d'Aourl1n C~"N figure le Verbe, indestructible conjonction de l'Esprit et de l'Ame
,
universelle: Comme Adam-principe produit Eve-
Faculte et ne fait qu'un avec elle ; comme le Feu WN produit la Lumiere "N et ne fait qu'un avec elle ; ainsi l'Esprit unioersel produit l' An~e collective et ne fait plus avec elle qu'une seule et memo chose : le Verbe.
Cet arcane semble encore plus parfaitement exprime par la figure centrale du grand Androgyne. - Du male " emane la {emelle n. - Leur synthese lah iP constitue une assimilation homogene, cohesive: symbole eternel du Pere I engendrant Ie Fils (par le moyen de la Mere celeste ou N ature-naturante), et se reproduisant lui-mente dans la personne de ce Fils. Quant a l' oiseau d'Hermes, planant au-dessus de l'Androgyne, il faut y voir le Saint-Esprit, " qui precede du Pere et du Fils, de Dieu et de l'Humanite. - Entin les globes d'en bas figurent le Royaume (Malhouth r1'~~o), sphere d'action du deuxieme n, ou s'exerce l'intarissable
1 £ieie asher AEieie il~ilN 'WN il~ilN : l'Etre est l'Etre.
Axiome fondamental de la theologie kabbalislique. Son corollaire, d'une incalculable portee, peut se formuler ainsi : Sum, ergo Esse.
ANALYSE .DE L'ANDROGYNE 147
fecondite du Tetragramme dans lc domaine de la nature naiuree, monde de la substance plastique, des formes sensibles, des effigies.
Au meme titre que le quaternaire Iod-heoe i"i"", le quaternaire Agla N~~N peut servir de clef a notre embleme :
Le premi~r Aleph (N = 1) exprimera des lors I'U nite principian te de I'D ni vers ; Ghime l (~ = 3), le ternairedes personnes enDieu; Lammed (t, = 12), Ie deploiement du ternaire spirituel multiplie par le quaternaire sensible (3 X 4 = 12) et la diffusion de l'.EtreUniversel dans le Temps et dansl'Espace. ,_ Enfin le dernier Aleph, I'Unite principiante et finale, point de depart et point d'arrivee ; l'unite supreme ou tout rentre apres le double mouvement hemi-cyclique de la Descente et de I'Ascension 1, de la Desintegration et de la Reintegration, de la Chuteet de la Redemption.
En rapprochant ceci des notions precedemment emises, il sera loisible au lecteur ingenieux de developper et de completer a son profit le sens superlatif ou divin du Grand Androgyne kabbalistique.
Nous n'avons rien neglige d'cssentiel ; mais en posant des principes, nous n'avons pas pretendu les demontrer, encore moins les elucider jusque dans les consequences qu' on en peut deduire.
1 Sur l'echelle de Jacob.