A.Saudreau Le État Mystique PDF
A.Saudreau Le État Mystique PDF
A.Saudreau Le État Mystique PDF
O
CO
CO
O
1^
G)
CO
co
L'TAT MYSTIQUE
SA NATURE
SES PHASES
LES
FAITS
EXTRAORDINAIRES
DE
LA VIE
SPIRITUELLE
SAUDREAU
Auguste
L'TAT MYSTIQUE
-
SA NATURE
LES
FAITS
SES PHASES
Deuxime dition
Deus.
Revue
et
augmente
agnione ejus.
Que Dieu vous donne l'esprit de sagesse,
et revelationis in
qu'il se rvle
Eph.,
17.
i,
ARRAS
PARIS
CHARLES AMAT
DITEUR
ii, rue Cassette (vi e
*bP
BRUNET
DITEUR
32,
rue Gambetta
ANGERS
Imp. G. GRA.SSIN,
40,
RIGHOU
rue du
1921
Frres, diteurs
Cornet
PROTESTATION
dcrets
du Saint-Sige apostolique s
les faits
Bienheureux ou. de
de.
rapports dans
n'entendons reconnatre
qiCune
et filiale
et
autorit
les
nous
Saint,, s'il
,
purement humaine
nous
le
S.
Hyvernat
0. P. censor.
Imprimatur
Andegavi, die 25 januarii 1921,
|
JOSEPHUS,
soumettons-
NlHIL OBSTAT
f.
ouvrage t
dans
cet
Episcopus Andegavensis..
LETTRE
DE
M GR G R EL LIER
AUJOURD'HUI
VQUE
ET ALORS VICAIRE
DE
GNRAL
LAVAL
d' ANGERS
Mon
Monsieur V Aumnier,
cher
got de la perfection.
En
effet,
et
V achvement normal de la perfection chrtienne, distinct et indpendant de certains phnomnes miraculeux, tels que les visions,
extases et ravissements. Essentiellement il renferme V oraison de
contemplation, on peut mme dire, la contemplation assez habituelle de Dieu, et Vunion Dieu par des actes d'amour aussi
sublimes qu'ils semblent jaillissants de source. Vous tablissez
que la contemplation diffre de la mditation, o l'esprit^ se
plaant d'ailleurs sous l'influence de la grce, produit une quan-
LETTRES D'APPROBATION
LETTRES D'APPROBATION
E.
GRELLIER,
Vie. gn.
10 janvier 1921.
J'ai examin les corrections, suppressions, additions faites aux
Les faits extraordinaires de
deux ouvrages : L'tat mystique
la vie spirituelle, qui vont tre rdits fondus en un seul. Je n'y ai
rien trouv qui s'oppose l'impression. Rien loin de l, j'estime
.
que
ces
LETTRE
DE
S.
G.
M GR RU M EAU
VQUE
d'
ANGERS
Vu
le
gnral,
Angers
le
18 fvrier 1903, en la
fte
de V Apparition
JOSEPH,
vque d'Angers.
PRFACE
et le
der.
platifs
(Tome
I er , p.
264.)
Un
PRFACE
10
donner
PRFACE
11
des grces
y a prsomption dsirer les grces extraordinaires, il est meilleur
et plus conforme l'humilit de ne pas aspirer aux grces
mystiques.
plation.
comme
il
gnreux pour
s'y disposer et
a su
ces grces clairent l'me de vives lumires sur Dieu, sur ses
bonts, sur son incomprhensible grandeur, sur elle-mme et
sur sa misre et mettent en elle le parfait amour. Ainsi claire
et remplie d'amour, l'me fidle trouve facilit et plaisir
fois
1
Amour
de Dieu,
VI, ch. in et
IV.
PRFACE
12
1
Le R. P. Lamballe tant mort saintement le 3 mars 1914, il nous
est aujourd'hui permis de dire qu'en traitant ces questions, il parlait
d'exprience, car il tait lui-mme fort avanc dans les voies mystiques..
Son autorit est par l mme incomparablement plus grande que celle,
(f 1909) lequel dclare n'avoir aucune exprience des tats qu'il dcrit. Nous sommes heureux de citer ici ce que
nous crivait
le
P. Lamballe,
dans
la
de
lui
grand bonheur
PRFACE
13
tout temps la rfutation des erreurs servi prciser la doctrine. Si nous sommes oblig de faire un peu longue cette rfutation, du moins les textes que nous donnerons, et, nous
l'esprons, les arguments que nous apporterons auront le grand
avantage de jeter plus de lumire sur des questions importantes
de la science mystique, et particulirement sur la nature des
grces donnes aux mes contemplatives.
A l'tude des tats mystiques se trouve jointe dans ce livre
l'tude des faits extraordinaires. Nous redirons ce sujet ce que
nous disions il y a douze ans dans notre premire dition; ce
qui tait vrai alors l'est plus encore aujourd'hui : nous avons
eu plus d'une fois l'occasion d'tudier des faits prternaturels
d'ordre cleste et d'ordre diabolique nous avons pu constater,
d'autre part, comment l'imagination peut tre cause d'erreur
totale ou partielle. En cette matire l'exprience est d'un grand
secours, elle rend, comme toujours, plus claire la thorie, elle
fait mieux comprendre la sagesse des rgles traces par les
docteurs, et elle aide les exposer.
;
puis bien mieux encore saint Jean de la Croix et saint Franois de Sales.
C'est donc parce que nous l'avons puise aux mmes sources que nous
avons l'un et l'autre la mme doctrine. Le P. Ludovic de Besse (f 1910)
tait, lui aussi, un contemplatif (V. Sa Fi'e^parle P. Hilaire de Barenton
Paris, 1913). De mme encore le P. Jean de la Croix (mort Angers
<en 1919).
MYSTIQUE
L'TAT
SA
NATURE
SES PHASES
ET
LES FAITS
EXTRAORDINAIRES
DE
LA
VIE
SPIRITUELLE
CHAPITRE PREMIER
Quelques exemples de
er
1 .
Sainte
l'tat
* Descriptions
Marguerite- Marie,
Vnrable
mystique
trop rares
Marie de V Incarnation
P
^
l'tat mystique
16
Sacrement, car je me sentais l une telle assurance, qu'encore que je fusse extrmement heureuse, je n'y pensais
plus ds que j'tais en ce lieu de mes plus chres dlices. Et
les veilles de communions, je me sentais abime dans un si
profond silence, que je ne pouvais parler qu'avec violence, pour
la grandeur de l'action que je devais faire; et lorsque je l'avais
faite, je n'aurais voulu ni boire, ni manger, ni voir, ni parler,
tant la consolation et la paix que je sentais taient grandes. Et
je me cachais autant que je pouvais, pour apprendre aimer
mon souverain Bien, qui me pressait si fort de Lui rendre
amour pour amour. {Autobiographie, p. 50.)
Gomme
que
je
(Ibid. t p. 127.)
<c
Je priais quelquefois
mon cur
QUELQUES EXEMPLES
\
17
m
je recevais, je
n'tiez pas
fums.
Mon me, dit-elle encore, ne cessait de se porter vers Dieu
d'une manire constante et toute spirituelle. J'tais tourmente
du dsir de Le possder d'une manire nouvelle que j'ignorais
encore et n'aurais pu dfinir. Je Le voyais dans toutes les cratures; je comprenais pour quelles fins elles avaient t cres, et
cette connaissance tait si spirituelle, elle tait en mon esprit
comme un rayon de contemplation si pure de la matire,
que ces cratures ne me causaient aucune distraction..; Je
m'adressais aussi la suprme majest de Dieu, et je Lui disais
cette parole de nos saints livres Vous tes digne, Seigneur, de
recevoir toute gloire et tout honneur, car vous avez tout cr,
et c'est par votre volont que tous les tres subsistent. Mon
ame se fondait alors en actions de grces, et bien qu'elle s'estimt basse et vile aux yeux de Dieu, elle se sentait nanmoins
attire vers Lui par je ne sais quel attrait puissant. {Vie, par
:
Dans
lieu
que
je fusse, je languissais
2.
Le paysan d'Ars,
la
Vnrable
Mre
Pelletier^
l'tat mystique
18
Oh
je
m'avise.
ne
rpondit
paysan,
le
je
L'avise, et
II
5. Les surs qui ont connu la Vnrable Mre Marie de SaintQ.Euphrasie Pelletier, nous disent que, lorsqu'elle tait l'oraison,
elle semblait un sraphin son attitude, son visage tout illumin
et fix sur le tabernacle, tout son extrieur indiquait ne pas
s'y mprendre combien tait ardente sa prire, combien tait
troite son union avec Dieu. Son recueillement au chur tait si
profond que, lorsqu'il tait ncessaire de l'en faire sortir, souvent
il ne suffisait pas de l'appeler doucement, il fallait la tirer par
son vtement pour attirer son attention. Elle se reposait volontiers
dans la pense des plus hauts mystres de notre foi, et elle
disait ses filles que le mystre de la Sainte Trinit suffisait
l'occuper l'oraison parfois pendant une semaine entire.
6. Sainte Jeanne de Chantai, nous dit la Mre de Chaugy
{Vie de la Sainte, ch. xxiv), fut pendant sept annes dans le
:
longtemps
QUELQUES EXEMPLES
19
quelquefois vocalement
la volont?
est impossible
3.
Ces exemples
accompagne de demandes
elles
20
l'tat mystique
1
Pour les personnes qui Dieu a fait cette grce- et qui ont su y
correspondre, l'tat mystique peut devenir comme habituel, elles le
retrouvent facilement ds qu'elles se mettent en oraison (Saint Jean
de la Croix, Monte, II, 12. dicion crilica, p. 154). C'tait le cas des
saintes mes dont nous venons de parler. Il n'en est pas de mme de
certains tats comme la prophtie, la vision, dans lesquels on ne peut
jamais entrer son gr, et qui sont trs diffrents de l'tat mystique
proprement
dit.
21
elles
difficiles
discerner.
mme
la
les
une
trs
mmes
rgles.
CHAPITRE
Origine et sens du
er
1 .
II
mot mystique
Doctrine de Denys
le
mystique
La connaissance mystique
saint
1
On trouve les termes : contemplation mystique, thologie mystique
chez Marc TErmite, qui semble avoir crit au dbut du v e sicle. P.
O. t. 65 De temper, II, V, col. 1053, 1056.
l'tat mystique
22
influence
il
exera dans l'glise, et comment tout l'enseignesur laspiritualit est imprgn de sa doc-
ment du moyen ge
trine.
13. Ce n'est point encore l le moyen le plus parfait pour acqurir de Dieu une juste ide; au-dessus il y a une science, dont
Denys parle souvent, d'est cette' parfaite connaissance de
Dieu qui s'obtient par ignorance en vertu d'une incomprhensible union; ceci a lieu lorsque l'me quittant toutes choses et
s' oubliant elle-mme, s'' unit aux clarts de la gloire divine et
s'claire parmi ces splendides abmes de la sagesse insondable .
(Noms
cause
premire,
(Noms
divins,
23
tout.
il, 7.)
t'5-tv
vritablement voir et connatre, c'est supersubstantiellement louer le supersubstantiel que de dclarer qu'il n'est
rien de ce que sont les autres tres. (Theol. myst., n).
Ainsi l'me unie Dieu dans une union d'amour reoit une
lumire qui lui fait comprendre que Dieu est l'tre incomprhensible, ineffable, et c'est l la vraie connaissance de Dieu.
Cette science, qui est donc obtenue non par les raisonnements
ni par une vue de Dieu, mail par une union pleine d'amour et
trs intime avec Dieu, Denys l'appelle la thologie mystique. Il
Les thologiens ont une double doctrine, l'une
dit encore
inexprimable, l'autre vidente et plus accessible, l'une qui sous
des symboles cache des mystres, l'autre philosophique et
dmonstrative. Mais la science mystrieuse et inexprimable
se trouve implique dans le symbole exprim; le symbole
persuade et inculque la vrit en question; le mystique, l'inexprimable pousse vers Dieu et unit Lui par une sorte d'initiation qu'aucun matre me peut enseigner. {Ep., ix, 1.)
C'est dans la partie suprme de l'me que s'accomplit l'opration mystique. A cette portion de l'me que les passions
n'atteignent pas, il faut assigner la contemplation des pures et
profondes vrits. (Ib id.)
Car
c'est
2.
La
douce
et
l'tat mystique
24
les salutaires
rayons de sa lumire.
et cette lumire, Dieu est toujours prt
la communiquer abondamment. (Hier, eccL, H, 3.)
L'tre bon.
chasse l'ignorance et Terreur de toutes les
mes o il rgne, il leur dispense toutes une lumire sainte.
d'abord II leur donne une petite clart, puis quand, ayant
gol la lumire elles en dsirent une plus grande, Il la leur
distribue avec plus d'abondance; parce qu'elles ont aim
beaucoup Il les monde de cette lumire ; et toujours II les pousse
plus avant en proportion du zle qu'elles mettent porter en haut
.
leurs regards.
Elle est
(Noms
lumire si
de perfection, pleines
confiante ardeur.
(Noms
la fois d'humilit et
divins,
i,
2.)
d'une noble et
avances,
(Ep., ix,
1.)
sion
(Noms
de l'me ne consiste pas uniquement recevoir la faveur divine, elle doit s'y disposer. On s'y dispose par
Avant tout que la prire nous conduise vers le
la prire
principe de tout bien, et que nous approchant de Lui l , nous
soyons initis aux trs saints dans qui l'environnent. . A la
vril II est toujours prsent tout, mais toutes choses ne Lui
sont pas toujours prsentes. Quand nous Lui adressons de trs
15.
Mais
le rle
Accedite ad
eum
et
illuminamini (Ps.
XXXIII,
6).
25
{Noms
On
divins,
m,
s'y dispose
1.)
le
. (H. E., n,
5.f On s'y dispose en faisant cesser
toute opration de l'entendement pour se jeter autant qu'il est
possible dans la splendeur supersubstantielle (c'est--dire
On
s'lve aux vrits
*en Disu.) {Noms divins, i, 4.)
.mystiques, comme le veut la tradition sacre, par un lan su$.er-
est contraire
intellectuel.
(Ibid. ,.u
7.)
raison
comme
comme
les
toutes les choses qui sont et celles qui ne sont pas, et d'un essor
surnaturel, va t'unir, aussi intimement qu'il est possible, .
Celui qui est au-dessus de toute essence et de toute notion. Car
c'est par ce sincre,
spontan
et total
abandon de toi-mme
et de
%%)
Ainsi donc laisse toute rflexion, oublie tout ce qui est cr,
donne le repos ton esprit, et demeure uni
dans une charit ardente l'tre ineffable et incomprhensible.
C'est un acte d'amour, silencieux, mais intense et trs pur, que
oublie-toi toi-mme,
grand Mystique. Car cette union qu'il recomdans l'amour qu'elle s'opre, comme il le remarque
conseille ici le
mande,
c'est
ailleurs
(Noms
divins t v, 12.)
Et
le rsultat
ce sera la dification
de
l'tat mystique
26
l'me la dification est, dans la mesure du possible, la ressemblance et l'union avec Dieu l (Hier, eccl., i, 3.)
Denys tablit donc ces deux vrits fondamentales : l'tat
mystique est une faveur de Dieu laquelle il serait insens de
penser s'lever par ses propres forces, mais c'est une faveur
laquelle il faut aspirer, laquelle on peut et on doit se disposer.
16. Telle est la doctrine mystique de Denys. Ce qui fit, sans
doute, sa grande fortune, c'est que les saints Docteurs du moyen
ge trouvaient l exactement dcrites les oprations divines
qu'ils constataient en eux-mmes 2 Aussi ils ne trouvrent rien
de mieux pour les exprimer que de lui emprunter les termes dont
repos ou quitude, silence, transport, contemplail s'tait servi
tion, union, termes qui deviendront classiques et formeront la
langue de la mystique.
:
3.
Mais
17.
le
Signification
du mot
mystique
et sa signification?
Denys
beaucoup sur
dans
donc pas
cette prcision qui permet de l'exprimer par des termes nets et
comprhensibles; elle est saisie confusment, et c'est pour cela
insiste
mystique
l'tat
ceci
que
la vrit saisie
1
Notons encore les paroles qui suivent ces dernires elles montrent
que Denys se faisait de la perfection l'ide qu'en ont eue depuis les
Le terme commun de toute hirarchie
la hirarautres mystiques
chie comme l'explique notre auteur, a t organise par Dieu pour
:
mener
c'est* la
27
Bienheureux Albert
le
car ce qui est connu d'aprs ses principes, est mis dans tout son
La science
jour et ne peut tre appel mystique. Il rpond
qui procde des donnes de la raison met dans tout leur jour les
vrits qu'elle dduit, mais cette science (mystique) ne procde
pas des donnes de la raison, elle procde plutt d'une certaine
lumire divine, qui n'est pas l'affirmation (nette et prcise)
d'une vrit. L'objet saisi par l'me (c'est Dieu lui-mme), agit
si fortement sur l'intelligence, que l'me veut a" tout prix
s'unir Lui. Cet objet tant au-dessus de la porte de l'intelligence ne s'en fait pas connatre clairement, aussi l'intelligence
s'appuie sur quelque chose qui n'est pas dtermin K
Ainsi connaissance leve mais mystrieuse de la divinit,
attrait puissant vers Dieu, attrait qui aboutit une union toute
d'amour, voil, nous pouvons dj le dire, les lments constitutifs de l'tat mystique. Si l'on ajoute, toujours d'aprs
Denys, que cette trs haute ide de Dieu ne s'obtient pas par
le raisonnement, mais est verse directement par l'EspritSaint dans la partie suprme de l'intelligence, et que l'amour
mystique est aussi un amour infus et non pas acquis par les
efforts de l'me fidle, on aura la notion exacte de l'tat mys:
tique.
CHAPITRE
III
Denys
l'tat
mystique
parmi
les Pres grecs celui qui prcisa davantage la nature de cette science mystique et qui popularisa ce
nom; il ne fut pas le seul la signaler; les autres Pres ont
parl aussi de cette connaissance suprieure de Dieu que
18.
In
libr.
fut
De Myst.
theol, Q.
l'tat mystique
28
Clment d'Alexandrie au
D'aprs lui, quand l'me se sera affranchie des frivolits des sens, de tous les dfauts auxquels donnent naissance les
ides vaines ou errones et des passions sensuelles, alors elle
recevra la lumire qui la sanctifiera. La plupart des hommes ne
sachant pas se dgager de leurs passions n'ont pas sur Dieu des
ides justes, ils se font un Dieu leur image la vraie connaissance de Dieu est uae grce qu'il accorde par les mrites de son
Fils. On ne parvient pas cette connaissance du Souverain
Bien, d" l'tre heureux et ternel, sans une ^rce insigne, qui
donne l'me des Mes et lui permet de s'lever jusqu' Dieu.
Et celui qui a reu cette grce insigne est devenu un homme
clair, un gnostique, un contemplatif saintement indiffrent
aux choses de la terre, il demeure constamment uni Dieu par
la prire et par l'amour r
20. Il est dit dans le livre De libertate mentis, attribu autrefois
saint Macaire, mais compos par un auteur bien postrieur
19. Telle est dj la doctrine de
im c
sicle.
(P. G.
et
2-
'
2.
Saint
Maxime
21. Saint Basile, dans la prface de son livre sur les constitutions monastiques, nous montre quel est le terme auquel doivent
l'tat mystique
30
spirituelle,
-de
Dieu K
coutons
mme
<lu
le
Psaume xxxn
1
Cf. Vie d'Union. Table analytique, IV. Moyens employer pour sa
disposer recevoir de Dieu, etc.
31
vous
approcher de
la
montagne.
cleste.
(Cent, v, 69.)
le mot Thoemploy par les Pres pour dsigner cette connaissancesuprieure de Dieu due aux lumires de la grce. Vie d'Union, n ot 53
logie avait t
32
l'tat mystique
3.
Saint Augustin,
Saint Grgoire
le
Grand
la sagesse.
Avant tout il faut par la cr ainte de Dieu se tourner vers Lui
pour connatre sa volont et savoir ce qu'il dfend et commande.
Cette crainte doit nous rappeler la pense de la mort. Puis il
faut que la pit nous rende doux et prts recevoir les leons
de l'criture. Ensuite doit venir la science on doit tudier
l'criture, o l'on apprend qu'il faut aimer Dieu pour Luimme et le prochain pour Dieu; aimer Dieu de tout son cur,
-de toute son me et le prochain comme soi-mme. On apprend
aussi par l'criture qu'tant retenu par l'attache aux choses
temporelles on est encore loin de ce grand amour de Dieu et du
prochain que l'criture prescrit. Alors grce la crainte qui fait
redouter le jugement de Dieu, grce la pit qui nous porte
bien recevoir les enseignements de l'criture, on ne peut pas
ne pas pleurer sur soi. De l des prires ardentes pour obtenir
le secours de Dieu, et l'me entre dans le quatrime degr, qui
-est celui de la force, c l'on a faim et soif de la justice et o l'on
se dtache de l'affection aux jouissances empoisonnes des
choses passagres et l'on s'prend d'amour pour les ternelles,
:
pour
le
Dieu unique
En voyant
et trine.
si
vive lumire,
comprenant qu'on ne peut, vu la faiblesse humaine, soutenir une telle gloire, dans le cinquime degr, qui est le conseil
de la.misricorde, on s'applique purifier son me, encore agite
et en
passions.
On s'applique alors pratiquer avec ardeur l'amour du prochain et quand on est arriv l'amour dos ennemis, on entre
dans le sixime degr, o l'il de l'me est purifi et rendu ca-
pable de contempler Dieu, autant qu'il peut l'tre par ceux, qui
s'efforcent selon leur pouvoir de mourir au sicle. Car autant
ils meurent au monde, autant ils eonlemplent Dieu, et autant ils
vivent encore au monde, autant ils sont empchs de contempler
Dieu. Bien que cette lumire qui leur est montre soit dj
plus certaine et non seulement plus supportable, mais aussi
'
33
P. L., xxxvn,
23.
Il
c.
1760.)
goire dans lesquels ce grand Pape, qui fut parmi les Pres de
l'glise latine l'interprte le plus sr et le plus complet de la
doctrine mystique, parle des lumires accordes aux contem Celui qui vit de la vie intplatifs. Qu'un seul passage suffise
rieure, celui-l reoit la lumire de la contemplation; ceux qui, au
contraire, se proccupent l'excs des choses extrieures, ceux-l
ne savent pas quel coulement de l'ternelle lumire se rpand
dans l'me par les fentes de la contemplation h Ce n'est point
en effet par des images et des formes sensibles que l'on peut
obtenir la lumire invisible. Celui qui aspire recevoir cette
lumire contemplative doit veiller avec un soin extrme
garder son cur dans l'humilit, ne jamais se< prvaloir de
la grce qui est verse dans son me. Il doit bien comprendre
pourquoi les esprits des contemplatifs sont figurs ici par des
fentres obliques 2 : c'est que par une fentre oblique la lumire
pntre, mais le voleur ne peut entrer; de mme les vrais
contemplatifs se maintenant toujours dans des sentiments de
:
1
Cette lumire qu'obtiennent les contemplatifs, vient de dire le
saint Docteur, est bien peu de chose (compare la plnitude de lumire qui claire les lus), mais ce peu suffit pour dilater leur cur
et augmenter en eux la ferveur et Vamour.
E. M.
Et
fenestras
l'tat mystique
34
CHAPITRE IV
L'tat
Saint Bernard
sa raison, sige de l'intelligence, et sa volont, sige $e la sagesse, afin de recevoir directement la double grce du trs saint
baiser.
35
2.
Thomas indique
Saint
Thomas
bien encore
le rle de l'intelligence
contemplation lorsqu'il montre le contemplatif fixant sa pense sur Dieu parce qu'il l'aime; et le saint
Docteur dclare en mme temps que l'me doit se disposer
l'acte contemplatif en se rappelant la grandeur et la bont de
Dieu. La vie contemplative, dit-il, consiste surtout dans une
opration de l'intelligence; le nom mme de contemplation
l'indique, car il signifie vision, regard. Pour arriver ce regard
de la contemplation auquel vise surtout le contemplatif, il se
sert des considrations de la raison
Bien que les cratures
visibles soient la voie pour arriver ]a contemplation du divin,
eependant la contemplation, ne consiste pas surtout dans ce qui
est la voie (les considrations pralables), mais dans ce qui est
.le terme de cette voie (le regard sur Dieu). (III Sent. D. 35,
25. Saint
et
du cur dans
la
La contemplation mystique
n'est pas,
aux yeux de
saint
l'tat mystique
36
sommes
par
37
la lumire, et c'est
la chaleur
la connaissance de la vrit
a. 1. c.)
Thomas, mais
lui-mme, puisqu'il est un tre libre :
aussi a-t-il besoin d'un habitus : Homo sic agitur a Spiritu
Sancto quod etiam agit, in quantum est lberi arbitrii : unde
de
Et commentant
le
mot
de saint Paul tous ceux qui sont agis par l'Esprit de Dieu sont
enfants de Dieu (Rom., vin, 14), saint Thomas dit Non seulement l'homme spirituel est instruit par le Saint-Esprit de ce
qu'il doit faire, mais encore son cur est m par ce divin
Esprit.
il est pouss l'action non pas principalement par le
mouvement de sa propre volont, mais par l'impulsion du Saint Les qualits propres du SaintEsprit. Et il dit ailleurs
Esprit se trouvent dans l'homme spirituel comme les qualits
du feu se trouvent dans le charbon enflamm. (In Joan. m.)
27. Mais pour que l'action du Saint-Esprit se produise, pour
que cet Esprit d'amour et de saintet transforme ainsi celui
dans lequel II opre, il faut qu'il ne rencontre pas d'obstacles
qui s'opposent son action
Les dons sont des biens que Dieu lui-mme nous donne,
mais pour que les dons puissent exercer leurs actes, il faut que
l'homme soit affranchi de ce qui est mauvais Quamvis dona sint
qusedam bona a Deo data, tamen ad hoc quod possint habere
dbitas operationes, oportet quod a malis liberetur homo. (III
Sent. D. 34, q. 1, a. 6, ad 3.)
Cette puret de l'me est ncessaire, non seulement pour
l'exercice du don de sagesse, qui prsuppose un amour pur et
:
l'tat mystique
38
ardent, mais aussi pour le don d'intelligence. Le don d'intelligence exige une telle puret de cur que celui-ci non seulement
soit exempt de la sduction des passions,
puret que ne
donne pas le don d'intelligence, il la prsuppose acquise par les
uvres de la vie active
mais encore que l'me soit affranchie
des erreurs, et aussi des reprsentations de l'imagination et des
concepts intellectuels (des raisonnements) de toutes ces choses,
comme l'enseigne saint Denys, ceux qui tendent la divine
contemplation doivent s'loigner. (III Sent. D. 34, q. 1, a. 4.)
28. Saint Thomas vient de dire que la puret de l'me est
prsuppose acquise par les uvres de la vie active parfaite
Munditia.
prsupponitur per vitam activant perfectam ;
c'est l'enseignement constant du saint docteur que les vertus
de la vie active prcdent et prparent a vie contemplative.
La vie active est une disposition la vie contemplative aussi
Celui qui d'abord profite bien dans la vie
saint Isidore a dit
active monte jusqu' la contemplation. C'est pourquoi tant que
l'homme n'est pas parvenu la perfection de la vie active, on
ne peut trouver en lui la vie contemplative, ou bien ce n'est
qu'un commencement encore bien imparfait. Mais quand la
vie active est parfaite, alors les uvres des vertus morales
sont devenues faciles; elles n'empchent plus de vaquer
la contemplation. Cependant selon que l'on est plus ou
moins parfait dans la vie active, on peut plus ou moins mler la
vie active la vie contemplative. Il est du devoir des suprieurs
d'tre parfaits dans l'une et l'autre vie; car, mdiateurs entre
Dieu et le peuple, ils reoivent de Dieu par la contemplation, et
ils donnent au peuple par l'action; aussi faut-il qu'ils soient
parfaits dans la pratique des vertus morales. Il en est de mme
des prdicateurs autrement les uns et les autres seraient
indignes d'assumer leurs charges . (III Sent. D. 35, q. 1, a. 3,
sol. 3.)
Il en est, dit-il encore, qui s'adonnent surtout aux uvres
de la vie active tout en accomplissant de temps en temps les
actes de la contemplation; d'autres apprciant moins les uvres
de la vie active, s'adonnent principalement la contemplation;
d'autres s'appliquent aux deux. Cependant il est certaines
uvres qui requirent l'une et l'autre, comme la prdication
et l'enseignement; ces uvres, en effet, commences par la
39
De
il
ces textes et de
rsulte clairement
parfait K
1
On pourra trouver dans la Vie d'union d'autres textes du saint docteur exprimant la mme doctrine. Nous avons voulu n'allguer ici que
les passages que nous n'avions pas cits dans cet ouvrage.
l'tat mystique
40
3.
Saint Bonaventure
de
la
plus
ardemment
41
naturam
dwinas illuminationes,
; et
et
supra se
l'tat mystique
42
comment
tione vit
s oror es
l'oraison mystique.
Il
(ch. v)
dit,
en
effet,
43
est de la gloire
consommante.
(Ibid. in
c.)
de Dieu et l'union amoureuse qui l'accompagne sont le fruit des dons du Saint-Esprit.
Tous les grands Docteurs l'enseignent expressment, saint
Bonaventure le dclare galement, comme nous l'avons vu, et
dclare au^i que, ce sont les dons qui tablissent l'me dans la
perfection. Les habitus des vertus, dit-il, disposent surtout la
vie active les habitus des dons prparent au repos contemplatif.
33. Cette connaissance suprieure
les
1
Par transports extatiques, le saint Docteur n'entend pas l'extase,
mais des lans d'amour qui font que l'me s'oublie pour ne penser qu'au
Bien-Aim. (V. Vie d'union, n 218. Cf. infra n 204.)
l'tat mystique
44
les
CHAPITRE V
de la Croix K
er
1 ,
Distinction
faite
dans ses
crits, sur la
1
Dans tous les passages que nous citons de ces deux grands Mystiques, nous nous rapprochons autant que possible du texte original;
aussi nos phrases seront moins lgantes que celles des autres traducteurs; nous voulons avant tout qu'elles soient trs fidles
dans ces
matires si dlicates, il suffit souvent d'un mot ajout ou mal traduit
pour que la pense ne soit plus exactement rendue. En citant sainte
Thrse, nous indiquons les rfrences d'aprs la nouvelle et excellente
dition de ses uvres de Burgos, qui sont en cours de publication. Dans
le Chemin de la perfection, Bouix compte deux chapitres, le iv e et le V e ,
l o les autres diteurs n'en marquent qu'un, sainte Thrse ellemme s'tant corrige et ayant indiqu que ces deux chapitres devaient
tre runis en un seul. Il s'ensuit que, partir du chapitre v, l'dition
Bouix est d'un chapitre en retard. Si donc nous indiquons le chapitre xxx
ce sera le xxxi e de l'dition Bouix.
:
podemos adquirir
surnaturelles
45
par
'
appellent
sainte,
l'tat mystique
46
adquirimos
par de pieuses considrations et
acqurons
j
qui procdent de notre nature
procde de nuestro natural
et les gots que Dieu produit directement dans l'me.
(p. 46)
Elle
2.
Les
la
marque
caractristique^
oraisons extatiques
disposer,
marques
visibles
ce qu'elle prouve.
Dans toutes
les oraisons
1
Sans le savoir sainte Thrse s'accorde admirablement avec les
thologiens, puisque ceux-ci donnent comme principe de la contemplation les dons du Saint Esprit et indiquent, comme caractre distinctif des dons, le mode ultra-humain, selon lequel Pme reoit lumires
et impulsions directement de Dieu sans le secours du raisonne-
ment.
2
Por senas
etc..
47
dont
j'ai
extatiques
gloire.
Ici
dans
comprendre ce dont
d'un bien qui renferme tous
jouissance sans
il n'y a
l'me est toute la
voit qu'elle
les biens,
le
l'tat mystique
48
cleste
6 ...
un
tombe du ciel
Pendant qu'elle cherche son Dieu, l'me
.
trs
c'est
comme
elle
se sent ave<l
va perdant
la respiratioi
si
Que
l'on
mme
dans
avis,,
le
cas
elle se
XIX,
1.
on a ferm la porte
qu'elle puisse mieux jouir de son Dieu.
elle
le
veuille
le
49
Dans
la
explique de la
mme
penser rien, quand mme elle le voudrait. Elle n'a besoin d'aucun artifice pour suspendre ses penses; elle ne comprend mme
pas comment elle aime, ni ce qu'elle aime, ni ce qu'elle veut, elle
elle est arrache toute
est de tout point morte au monde
les oprations qu'elle pourrait accomplir dans son corps
on
Cette me, vous le voyez,
8.
dirait qu'elle en est spare.
Dieu la rend toute niaise, afin de mieux imprimer en elle la
vritable sagesse, car elle ne voit ni n'entend, ni elle ne comprend,
tant qu'elle est dans cet tat, mais cet tat est toujours de
courte dure... 10. Dieu ne veut pas que Von ouvre la porte
des puissances et des sens, Il veut que tous soient endormis
lorsqu'il entre ainsi dans le centre de l'me. La Sainte rpte
ici, n 9, ce qu'elle avait dit au chap. xvm de sa Vie, que c'est
pour avoir t favorise de cette oraison qu'elle comprit, n'en
pouvoir douter, que Dieu est prsent nos mes.
38. Sainte Thrse fait encore une description de cette
oraison dans sa lettre au P. Rodrigue Alvarez, description tout
fait conforme aux deux premires. Quand il y a union de
toutes les puissances, celles-ci ne peuvent agir l'entendement
est comme pouvant, la volont aime plus qu'elle ne comprend;
mais on ne peut comprendre, de faon le dire, ni si l'on aime, ni
ce que Ton fait. De mmoire, il me semble qu'il n'y en a plus;
plus de pense les sens ne sont plus veills, on dirait qu'on les a
perdus, tout cela, mon avis, afin que l'me soit tout entire
sa jouissance; c'est pour cela que, pendant ces courts instants,
on n'a plus de sens.
Extase et suspension sont, mon avis,
la mme chose je me sers du mot suspension pour ne pas employer celui d'extase, dont on s'pouvante; mais l'union dont je
viens de parler peut bien, elle aussi, s'appeler vraiment une
suspension; la diffrence qu'il y a entre l'union et l'extase, c'est
que cette dernire dure plus longtemps et se fait plus sentir
l'extrieur; on va perdant la respiration, on ne peut ni parler
ni ouvrir les yeux. Il est bien vrai que la mme chose arrive dans
Vunion, mais l'extase produit cet effet avec une force beaucoup
plus grande. La Sainte avait dj dit au livre de sa Vie
.
l'tat mystique
50
(ch.
xvm,
p. 132)
que
le
Dieu, vin,
3.)
Il
tait
sions.
deux
le
rp-
reprises
fait
51
presque toutes ses Filles arrivaient la contemplation parfaite, quelques-unes seulement taient leves jusqu' l'extase.
Sainte Thrse dit encore Malgr tout ce que j'ai dit, il reste
encore quelque obscurit sur cette cinquime Demeure, or il y
a tant d'avantages entrer dans cette Demeure, qu'il sera
bon de ne pas laisser sans esprance ceux qui le Seigneur
que l'union
n'accorde pas des faveurs aussi surnaturelles
En effet la vritable union peut trs bien s'acquextatique.
rir, avec l'aide de Dieu, si nous nous efforons de n'avoir pas
d'autre volont que la volont divine p. 86. Ainsi ceux qui ne
sont pas levs l'union extatique, ne doivent pas dsesprer
d'entrer dans cette Demeure, si avantageuse habiter; ils y
entreront s'ils renoncent fidlement leur propre volont, et
l-dessus sainte Thrse, afin, dit-elle, qu'il ne reste aucune obscurit sur ce qu'est la cinquime Demeure, se met expliquer
l'union de conformit la volont divine.
41. Voil donc la pense de sainte Thrse, les faveurs extatiques rie doivent pas tre dsires, parce que l'on peut, sans
elles, atteindre la saintet. Ce sont des faveurs exceptionnelles
qui ne sont point comprises dans la providence ordinaire de
Dieu sur ses lus. Gomme nous le dirons plus loin, Dieu peut
communiquer des lumires mystiques trs leves et une
grande puissance d'amour sans que l'usage des sens soit suspendu. Il peut conduire l'me jusqu' l'union transformante,
au mariage spirituel, sans lui accorder de ravissements. Saint
Franois de Sales fait la mme remarque. Plusieurs Saints sont
au ciel qui jamais ne furent en extase ou ravissement de contemplation. (Amour de Dieu, vu, 7.)
:
3.
Les
l'tat mystique
52
Ces oraisons, elle les appelle de divers noms oraison de quitude ou de repos, gots, contemplation, contemplation parfaite,
thologie mystique, sommeil spirituel ou ivresse cleste.
et la Sainte le note avec soin
Toutes ont cela de commun
pour chacune
que les sens et les puissances de Pme ne se
perdent point; mme dans l'ivresse mystique, l'me n'est pas
tellement hors d'elle-mme qu'elle ne comprenne quelque chose
de ce qui se passe si parfois il en cote de parler, ce n'est pas
impossible comme dans les oraisons extatiques K
Ces oraisons sont cependant bien suprieures la mditation,
car s'il y a une part laisse l'activit de l'me, si dans toutes
ces oraisons le jardinier doit fournir quelque travail . (Vie,
xviii, p. 129), la part de Dieu est bien plus grande que dans la
mditation. Dans celle-ci Dieu donne seulement son concours
au travail de l'me qui rflchit et se livre de salutaires considrations; dans les oraisons surnaturelles il y a des lments
nouveaux, infus, que toutes les rflexions possibles ne sauraient
procurer et qui ne peuvent venir que de Dieu. (IVe Demeure,
:
ch. i et
il.)
essentielles.
La Sainte nomme
xxxi,
ouvrage (IV e Demeure) elle englobe tout sous le nom de gots gustos ,
se bornant remarquer que le sommeil spirituel est une oraison un peu
suprieure aux simples gots.
de travail
dans
la
53
sommeil
le
spirituel
ou ivresse
d'amour; dans
n'est pas
mme
cleste, cela
1
Chemin, xxv, p. 117. Ce n'est pas sainte Thrse, c'est le P. Bouix,
lequel paraphrase assez souvent, qui appelle contemplation parfaite
l'oraison dont il est question au ch. xxxi, p. 147 du Chemin de la Perfection et que la Sainte compare la quitude pour en montrer la diffrence. Cette oraison c'est l'union extatique, car elle se fait sans travail
aucun de la part de celui qui la reoit, il n'a pas mme avaler le lait
qu'il trouve au plus intime de lui-mme sans savoir comment le Seigneur l'a fait entrer.
volont...
le
4
6
Union rnuy conocida de toda el aima con Dios. Vie, xvn, p. 124.
Bien entendia que no era del todo union de todas las potentias.
l'tat mystique
54
tique : l'me lui parat plus unie Dieu dans ces oraisons o
tout travail est supprim, et o les sens sont devenus incapables d'exercer leurs fonctions.
Les lments
de V oraison mystique
Paix
III.
Douceurs
profonde.
IV. Lumires
Amour
distinctifs
4.
et
//.
satisfaction
I.
sensibles.
ardent.
Nous avons
oraisons mystiques
dit
il
l'me en
lui
et extrieure
dlices dans
le
satisfaction intrieure
1
Ces douceurs sensibles ne sont pas essentielles l'tat mystique :
sainte Thrse ne l'explique pas comme l'expliquent saint Jean de la
55
profonde de l'me
amour de Dieu
trs ardent. Ce trs suave amour de notre Dieu entre dans
l'me et y rpand une satisfaction profonde sans que l'on
sache d'o provient un si grand bien. (Penses sur le Cantiq.,
p. 248.) Cette oraison est une tincelle du vritable amour de
Dieu; en la donnant, Dieu veut faire comprendre ce qu'est cet
amour. (Vie, xv, p. 109.) Celles d'entre vous qui boivent
de cette eau (de la contemplation) et celles qui le Seigneur
47.
D'o viennent
et cette satisfaction
le
vritable amour...
dcrit
la
contemplation parfaite,
soit
qu'elle
l'appelle
l'tat mystique
56
ou ivresse
nomme
spirituelle.
1
L'auteur d'un article de Revue (5 janvier 1903) parlant de la contemplation loue ceux qui inspirent la crainte de ces tats extraordinaires, o l'on est si expos, soit s'garer dans les illusions, soit se
perdre par V orgueil . Nous avons rapport ailleurs (Vie d'union
n 419), des assertions analogues de Scaramelli. Les Saints se font une
tout autre ide de la contemplation. Loin de prtendre qu'on doit la
redouter pour ses dangers, dont ils ne parlent pas, ils veulent qu'on la
dsire pour ses avantages, dont ils parlent sans cesse. Loinfde croire que
57
bien suprieure celle que nous pourrions obtenir avec tous nos
pauvres raisonnements.
CHAPITRE VI
La nature de
l'tat
mystique
Clart de sa doctrine
49. D'o vient cette ide trop rpandue que saint Jean de la
Croix est un crivain obscur et presque inintelligible?
Au risque d'tonner beaucoup de nos lecteurs, nous dirons que
de tous les Mystiques, saint Jean de la Croix est au contraire
l'un des plus clairs et des plus faciles comprendre. Il faut, il est
vrai, pour le lire .avec fruit
et c'est l sans doute ce qui, trop
souvent, fait dfaut
avoir saisi les points fondamentaux de
sa doctrine et s'tre habitu sa terminologie mais une fois ceci
acquis, on trouve chez lui un enseignement trs substantiel et
trs salutaire. Ce qui le prouve c'est qu'il a toujours eu des
lecteurs assidus; pour notre part nous lui connaissons de nos
jours bon nombre de fervents disciples, qui reconnaissent volontiers les lumires et le profit spirituel dont ils lui sont redevables.
Sur la question qui nous occupe, l'enseignement de saint
Jean de la Croix est si prcis, il rsume si bien et expose si clairement la doctrine des autres Matres, qu'il ne devrait, nous
semble-t-il, rester aucun doute, qu'on ne devrait rencontrer
aucune divergence entre les auteurs.
la
l'tat mystique
58
2.
reue
et
non acquise,
est le
fondement de
l'tat
mystique
tion.
(Str. 27.)
effet,
la partie sensible.
xm
,
59
contemplation
comment
l'tat mystique
60
reue en
subtile et dlicate, et
comme
insensible.
rpte
Il
encore
le
61
et
indistincte
L'TAT MYSTIQUE
62
la fois lumire et amour, agit galement sur ces deux puissances, bien que parfois, Il blesse davantage l'une que l'autre.
Ainsi quelquefois il y a plus de connaissance que d'amour, mais
d'autres fois l'amour est plus intense que la connaissance.
(Vive flamme, str. 3, vers 3, 10, p. 455.) Quelquefois au
milieu de ces obscurits l'me se trouve claire et la lumire
luit
dans
II,
xn,
p. 91.)
3.
La
thologie mystique
nature de
mystique; saint Jean de la Croix le montre clairement
dans tous les passages o il explique ce que les Docteurs ont
entendu par thologie mystique. Ce que les contemplatifs,
dit-il, appellent thologie mystique ou contemplation infuse est
une influence de Dieu sur l'me qui la purifie de ses ignorances...
c'est une
L Dieu se plat instruire l'me dans le secret.
sagesse amoureuse de Dieu qui, en purifiant l'me et en l'clairant, la prpare l'union. (Nuit, II, v, p. 58.) La contemplation tnbreuse n'est autre que la thologie mystique nomme
par les thologiens sagesse secrte, laquelle, d'aprs le sentiment
de saint Thomas, se communique et s'infuse plus spcialement
53. Telle est bien la doctrine traditionnelle sur la
l'tat
1
L'entendement se purifie en se vidant des vaines penses, des conceptions humaines, des raisonnements et de tout ce qui est le produit
de son activit naturelle.
\
63
/
la voie de l'amour. (Nuit, II, xvn, p. 105.)
appelle thologie mystique ou sagesse secrte de Dieu cette
contemplation par laquelle l'esprit est divinement clair et
qui est cache mme celui qui la reoit. (Monte, II, vu,
On
p. 130.)
54.
Dans
ce vers
le
cette
elle est
savou-
reuse pour la volont, car elle est renferme dans l'amour qui
appartient la volont. (Str. 27, p. 306.)
Ailleurs expliquant ce vers
:
Durant
la nuit sereine,
l'tat mystique
64
temps
qu'elle
et l'clair
enflamme
en
lui
4.
La
et
une
(Ibid., v, p.
116.)
la
prsence
65
foi et
d'amour sans
mme
les formuler,
mais
se
II,
p.
M.
l'tat mystique
66
mme,
et
Dieu
5.
Dieu
L'union mystique
est V exercice
de V esprance
et
parfait de la foi,
de la charit.
foi
elle
Encore une fois comment peut-on dire qu'il ne s'agit, dans tout ce
de la Monte du Carmel, que d'une contemplation acquise?
2
Au contraire, les visions, les rvlations sont des grces en dehors
de l'ordre de la foi, car elles n'ont pas pour objet les vrits que l'glise
propose notre foi.
1
livre
67
avait
{Monte, n, p. 98.)
57. L'esprance, elle aussi, s'exerce plus parfaitement dans
l'tat mystique, pour cette raison que l'me, s'tant vide du
souvenir des choses cres, n'oppose aucune entrave l'action
de la grce mystique, qui la fait aspirer aux biens clestes,
Dieu, qui sera sa rcompense ternelle. Plus la mmoire
se dpouille (des images et des souvenirs qui la remplissent
d'ordinaire), plus elle a d'esprance; et plus elle a d'esprance, plus est grande son union avec Dieu. (Monte, III, vi,
p. 290.)
et
non
6.
Par
la transformation
Vme en Dieu
l'tat mystique
68
p.
112-113.)
09
7.
la foi
2
.
Dans
cet tat,
l'exercice
ad
Tanto alicui natur perfectius unitur Deus, dit saint Thomas (opusc.
cant. Antioch.), quanto in eam magis suam virtutem exercet : Dieu
est d'autant plus troitement uni une crature qu'il opre en elle de
plus grandes choses. Pour Dieu, en effet, tre quelque part c'est y agir,
pour cela que l'on tablit les degrs de la prsence de Dieu selon
les degrs de son opration.
et c'est
2
C'est ainsi que le Bienheureux Albert le Grand, dont la doctrine
prsente des ressemblances si frappantes avec celle de saint Jean de la
Croix, appelle aussi surnaturelle la lumire mystique et naturels les
autres modes de connaissances; voir Vie d'union, n 204, o nous avons
cru devoir traduire modos visionis naturales par modes ordinaires de
connaissances, le mot naturel, tant employ maintenant pour signifier
e qui se fait sans le secours de la grce, nous et paru un contre-sens.
l'tat mystique
70
yeux ouverts.
(Monte,
II, xiii,
p. 164.)
62. Si c'est l
yeux du
saint Docteur,
ne
veut pas que l'me dsire ni demande, sont des choses qui
peuvent s'ajouter l'tat mystique, comme visions, rvlations, etc., mais qui en sont trs diffrentes. L'tat mystique,
au contraire, tant l'tat de contemplation et d'union Dieu et,
comme il le dit souvent, l'tat de perfection, doit faire l'objet
des aspirations de l'me fervente, et Dieu ne demande qu' le
communiquer. Cette lumire, qui, dit le Saint, lve Vme
Vtat de perfection, est toujours prte rpandre ses clarts
dans l'me
Faites disparatre les obstacles, enlevez les voiles,
aussitt votre me, simplifie et purifie par le dnuement
spirituel, se transformera dans la puret et la simplicit de la
sagesse divine qui est le Verbe de Dieu. A mesure que l'me
prise de l'amour divin se dpouille de l'lment naturel
par
le renoncement et le recueillement,
l'lment divin se rpand
en elle naturellement 2 et surnaturellement, afin qu'il n'y ait pas
de vide dans la nature (Monte, II, xm, p. 165).
qu'il appelle extraordinaires
CHAPITRE
La nature de
l'tat
VII
contemplatif
d'aprs Suarez
63.
La
possible;
il
1
Le saint distingue'avec soin de ces biens spirituels, qui sont la base
de l'tat mystique et qui contribuent directement la perfection, les
dons gratuits, gratiae gratis date, qui ont pour but l'utilit du prochain.
Sainte Thrse, comme saint Jean de la Croix, rserve le mot extraordinaire aux visions (Fondations, ch. vi) la contemplation mystique
n'est point ses yeux chose extraordinaire.
* Naturellement veut dire ici normalement; 1
sens est donc l'me
s'tant vide du naturel, il est tout naturel qu'elle soit remplie du
;
surnaturel.
d'aprs suarez
la
solution
71
maxime supernaturales
piendis rbus fidei inter venire potest. (Ibid., xix, n. 8.) Il parat
certain, dit toujours Suarez, que l'esprit humain, mme dou
e la foi, ne peut pas toujours suffire par sa seule lumire
naturelle saisir, confirmer, expliquer les choses de la foi
72
l'tat mystique
pour
parfaites.
68. Suarez (De Orat., xi),indique comme tant l'objet de la!
contemplation les vrits de la foi, les choses divines sans prciser davantage. Ailleurs, expliquant le fameux texte dionysiaque, si souvent cit par les Matres, il dit que c'est dans la
pense des grandeurs incomprhensibles de Dieu, connu plutt
par des ngations que par des affirmations, que l'me contem-
l'union mystique
73
(Ibid.,
xiii,
28.)
CHAPITRE
Conclusion
VIII
L'Union
Comment on
mystique
la reconnat
1
Disons ici, pour empcher toute interprtation errone de notre
pense, que, par cette connaissance confuse, nous n'entendons nullement une reprsentation vague de formes mal dfinies, ou encore d'un
tre pntrant et enveloppant notre tre; ce sont l des produits de
l'imagination qui peuvent parfois accompagner, mais qui ne constituent
pas l'lment mystique l'lment mystique, c'est la perception intel:
lectuelle
l'union mystique
74
sicles
aussi fort
8
.
Ces principes poss, il est facile de montrer en quoi consiste l'union mystique.
Selon l'enseignement de saint Thomas et des thologiens, il y
a trois unions possibles entre Dieu et l'homme 4 car il y a trois
modes possibles de prsence de Dieu dans une me. Dieu est
71.
Cf.
Suarez qui
De
les rfute,
Oratione,
c.
xm.
Saint Alphonse de Liguori a trs bien expliqu ce phnomne mystique (Praxis conf., 135). Nous avons donn le texte dans les Degrs
livre
3
V,
Un
3.
auteur contemporain,
n 27.
la science
selon le
4
mode suprahumaia.
Sent, lib.
I,
dist. 37, q.
i.
a.
2.
75
dans tous
en Notre-Seigneur.
L'union mystique n'est videmment pas le fruit de cette
prsence de Dieu qui est commune tous les tres; elle n'est
certes pas l'union hypostatique; elle appartient donc au second
mode de prsence qui se ralise par la grce sanctifiante et qui
suppose connaissance et amour. C'est, en effet, la doctrine
constante de saint Thomas que nous nous unissons Dieu par
les actes de l'intelligence et de la volont, qui nous rendent
Gratia conjungit nos Deo per modum
semblables Lui 2
assimilationis, sed requiritur ut uniamur ei per operationes
intellectus et voluntatis. Q. unica de Charit. a. 2. Unio nostra
ad Deum est per operationem, inquantum scilicet eum cognoscimus et amamus.
talis unio est per gratiam habitualem. 3.
q. 6. a. 6. ad 1. Expliquant ce mot fameux de Denys patiens
divina ou jaovov pawv, aa xai 7rwv eia, mot si souvent
rpt par les Docteurs et les Saints comme dcrivant l'tat
mystique, saint Thomas dit encore
Passio divinorum ibi
dicitur afectio ad divina et conjunctio ad ipsa per a more m. 1. 2. q. 22., a. 3, ad. 1. Ptir les choses divines signifie
ressentir une tendance affectueuse aux choses divines et leur
ralis
1
Deus dicitur esse in re aliqua dupliciter uno modo per modum
causse agentis, et sic est in omnibus rbus.
alio modo sicut objectum
operationis est in oprante.
secundum quod cognitum est in cognoscente et desideratum in desiderante ... Et quia hoc habet rationalis
creatura per gratiam, dicitur esse hoc modo in sanctis per gratiam.
Nulla alia perfectio superaddita substantiaj facit Deum esse in aliquo
sicut objectum cognitum et amatum, nisi gratia, et ideo sola gratia facit
singularem modum essendi Deum in rbus. Est autem alius singularis
modus essendi Deum in homine per unionem (hypostaticam). i. q. 8.
a. 3 et ad. 4.
2
On remarquera combien cette doctrine de saint Thomas s'harmonise avec celle de saint Jean de la Croix qui fait consister l'union mystique dans des actes trs parfaits de foi, d'esprance, et d'amour. Du
reste, saint Thomas dit lui-mme
Virtutes theologicse sunt quibus
:
i.
l'union mystique
76
1
(Cf. De verit. q. 26, a. 3, ad 18 et 2. 2.
ad 2.) De la sorte nous nous portons vers Dieu
Vrit premire et Bien suprme, nous l'atteignons en Luimme 2 nous Le possdons, nous en jouissons, ce qui ne peut se
faire qu'en Le connaissant et qu'en L'aimant (Lect. 2 in cap. 2
Epist. ad Col.); cette possession et cette jouissance de Dieu est
le germe de la possession parfaite et de la jouissance consomme
q. 97, a. 2,
flicit.
Tant que
la connaissance de
la grce qui se
d'amour; c'est
mme en germe,
comme les enfants privs de raison,
sans
en produire les actes. Mais lorsque l'me obtient cette connaissance mystrieuse de Dieu que les raisonnements n'engendrent
pas, et cet amour nouveau, non moins mystrieux, qui est
produit par 'action directe de Dieu sur la facult affective, alors
son union est beaucoup plus parfaite. C'est l l'union secrte
ou mystique, symbolise par le baiser de l'poux divin, union si
justement dsire des mes ferventes. L'pouse qui ne prtend en toutes ses poursuites que d'tre unie avec son BienAim qu'il me baise, dit-elle, d'un baiser de sa bouche, comme
tant de soupirs et de traits enflamms que mon
si elle s'criait
amour jette incessamment n'obtiendront-ils jamais ce que mon
me dsire? Je cours; h, n'atteindrai-je jamais au prix pour
lequel je m'lance, qui est d'tre unie cur cur, esprit
1
Tous ceux qui ont l'exprience personnelle des tats mystiques
comprennent, comme saint Thomas, que ce divin que l'me ressent, qui
est opr en elle, n'est autre chose que de l'amour
ardeurs d'amour,
ou suavits d'amour ou langueurs d'amour. Il suffirait pour s'en convaincre de lire, entre beaucoup d'autres, les textes cits ci-dessous
(Append. Il) o les grands mystiques expliquent comment ils ont la
connaissance exprimentale de Dieu et le sentiment de sa prsence.
2
Secundo creatura attingit ad ipsum Deum secundum substantiam
et hoc est per operationem, scilicet quand
suam consideratum.
:
suram
bonitati.
GOMMENT ON LA RECONNAIT
esprit avec
que
77
je
mon
Dieu,
rpandrai
son
vivrons insparables
1
.
dans l'humilit
2
.
Que
Sales,
2
3
Sa
vie,
l'union mystique
78
er
.)
La
er .
Voir Vie d'union, n 210. Aux auteurs cits en cet endroit, on peut
encore ajouter sainte Thrse qui revient souvent sur cet effet de la vraiecontemplation [Vie, xxvi, p. 203; Chemin, xix, p. 88, 91, 92; xlii,
p. 204, et dans les Penses sur le Cantique le passage qui vient d'tre
a
Du
cit).
reste saint Thomas dcrivant les dispositions des mes parfaites les montre comme tendant principalement tre unies Dieu
ici-bas et dsireuses de sortir de cette vie pour tre avec le Christ. 2. 2>.
q. 24, a. 9, c.
79
Il
est certain
sres
plus
que
celles
CHAPITRE IX
Les seuls lments constitutifs de
l'tat
mystique
er
1
suffisent
dans
les
l'tat
une
privilgie
80
commun \
prcieux pour l'me, mrite une dnominal'a appel gnose, thologie mystique,,
contemplation, voie unitive, tat passif; de nos jours la dnomination qui a prvalu est celle d'tat mystique.
74. Quant, aux autres phnomnes, que certains auteurs nous
prsentent comme les lments distinctifs de l'tat mystique^
ils n'ont avec celui-ci aucune connexion ncessaire. Pour prendre
en effet les diffrentes opinions que nous discuterons tout
l'heure, Dieu ne peut-il pas communiquer les lumires contemplatives et l'amour unitif, sans rduire les facults de l'me
l'impuissance, sans rendre visible la prsence de la grce sanctifiante, sans faire ressentir de douces jouissances, sans faire
prouver son contact? Il suffit qu'il agisse sur l'intelligence et
sur la volont. Auprs de cette action de Dieu sur l'intelligence
et la volont, grce laquelle Vme est rendue capable d'actes trs
levs et trs mritoires, actes de foi, d'esprance et d'amour qui
l'unissent Dieu d'une manire admirable, combien paratront
moins importantes la ligature des puissances, les douceurs et les
consolations qui ne rendent pas Vme plus mritante, n'augmentent en aucune manire les vertus thologales et ne produisent
pas V union divine.
Mais voyons en dtail chacune des opinions que nous venons,
d'indiquer et examinons quelle en est la probabilit.
l'tat
tion
2.
si
particulire.
On
Elments
la conscience de
la ligature r
Vtat de grce
c'est l'impuissance
.
1
II est vrai que beaucoup, parmi ceux qui n'ont pas l'exprience
personnelle de pareils tats, n'aperoivent pas cette diffrence, ou ne
veulent pas en tenir compte ils n'attachent pas d'importance ce que
les lumires viennent par le raisonnement ou qu'elles soient le fruit
d'une opration directe du Saint-Esprit, ce que l'amour soit actif ou
ils sont
passif ils ne comprennent pas le prix de ces grces infuses
alors ports chercher d'autres distinctions, qu'ils s'imaginent devoir
tre tout fait extraordinaires.
* Instruction sur les tats d'or., 1. VII.
:
de l'tat mystique
81
Nous
m,
sect. 3.
'
82
3.
La
83
4.
Le sentiment de
n'est
pas
la prsence de
essentiel Vtat
Dieu
mystique
en
elle; soit
ces considrations.
Voir Vie d'Union, n 123.
Saint Jean de la Croix avait entendu cette expression (supra, n !)>.
mais comme nous l'avons vu, il avait t loin d'en conclure un contact
1
divin.
84
85
attire vers Lui, elle a soif de s'unir Lui; oubliant tout le reste
et ne
lui.
elle
mystique
Dios
par moments cependant II lui dcouvre ses grandeurs
de la manire la plus extraordinaire que l'on puisse concevoir.
(Vie, ch. xx, p. 149.) J'appelle transport
impetus Uamo
un dsir qui s'empare de l'me, parfois sans que l'oraison ait
prcd; mais un souvenir lui vient tout coup qu'elle est
absente de Dieu. (Relacion V, p. 35.)
Comme l'me connat de mieux en mieux les grandeurs de
son Dieu, et qu'elle se voit si absente de Lui
tan ausente
et
bien loigne de jouir de Lui, son dsir grandit beaucoup plus,
;
86
Quelquefois ni l'me
tat mystique aride quand il dit
n'out son Bien-Aim, ni elle ne Lui parle, ni elle ne sent
aucun signe de sa prsence, ains simplement elle sait qu'elle
est en la prsence de son Dieu, auquel il plat qu'elle soit l.
(Amour de Dieu, vi, 11.) Puis il donne la fameuse comparaison
de la statue immobile dans sa niche, comparaison qu'il avait
employe six ans auparavant dans une lettre (16 janvier 1610)
sainte Jeanne de Chantai; ce qui prouve bien qu'il dcrit ici
l'tat de cette grande Sainte.
85. L'tat mystique sans aucune douceur est frquent au
dbut de la voie contemplative, il constitue cette premire
preuve mystique que saint Jean de la Croix nomme la nuit des
:
87
sens.
<c
tion
ici
par touches.
88
commenait
infinie,
(Vie,
On
douceur de sa prsence.
6.)
i,
le
sentiment de
comme
la
prsence de Dieu,
la caractristique, la
marque
il
n'y
89
CHAPITRE X
Les phases de
er
1 .
l'tat
Il est impossible de
mystique
grces mystiques
Une
88.
tuelle, c'est
comme
le
complte des sens. L'tat mystique, en effet, est un tat essentiellement intime et cach et il n'y a aucune marque extrieure
permettant d'en mesurer V intensit avec certitude. Ainsi l'extase
est une phase de l'tat mystique, mais contrairement ce
qu'enseignent certains auteurs, nous ne pouvons y voir un degr
dtermin de l'ascension mystique, tel du moins que l'on puisse
dire l'extase a lieu quand l'me arrive tel degr de lumire
ou d'amour. Le P. Lallemant, qui rprouve cette division des
degrs de la contemplation fonde sur la plus ou moins complte
suspension des sens, en donne excellemment la raison Une
me aura parfois sans ravissement une lumire plus sublime,
une connaissance plus claire, une opration de Dieu plus excellente, qu'une autre avec des ravissements extraordinaires et
des extases. La Sainte Vierge tait plus leve dans la contemplation que tous les Anges et tous les Saints ensemble, et
cependant elle n'avait point de ravissements. Notre-Seigneur
jouissait de la vision batifique sans extase. Les Bienheureux
dans le ciel auront l'usage de leurs sens parfaitement libre.
(VII e Principe, ch. iv, a. 7.)
:
LES PHASES
90
89. On ne peut rvoquer en doute cette doctrine du P. Lallemant. Saint Jean de la Croix n'enseigne-t-il pas que quand une
me a subi une purification complte, les extases n'ont plus
lieu
cette
me
fort lev.
91. Et c'est prcisment pour cela que les Saints ne dsiraient
pas et ne voulaient pas qu'on dsirt les extases. Si elles eussent
t un degr plus lev dans l'ascension mystique, ils n'en
eussent pas condamn le dsir 2 Ils distinguaient donc, et avec
raison, l'extase des communications divines qui la produisent
ou du moins qui l'accompagnent. L'extase est-elle le rsultat
d'une action directe de Dieu sur les sens, les rduisant l'impuissance pour ne pas gner l'opration de la grce, ou bien ces
lumires elles-mmes sont-elles si vives, l'amour qui embrase
.
On
lit
Seigneur, sur sa
ch.
i,
Demeure,
ch.
m.
Mre Franoise de la Mre de Dieu que Notredemande instante, la fortifia pour qu'elle pt porter en
la
v,
sub
fine, p. 61).
2
Qu'on ne dise pas qu'il est permis de dsirer l'extase sans aucune
manifestation extrieure, car l'extase consiste prcisment dans l'alination des sens devenus incapables d'exercer leurs fonctions; dsirer
l'extase sans ce phnomne, ce serait dsirer l'extase sans extase.
de l'tat mystique
91
L'me dans
d'elle-mme.
le mariage spirituel
(P. de Clorivire.)
LES PHASES
92
contre les distractions, que chez une autre qui en sera affranchie.
Nous disons l'amour infus. Dans l'tat mystique en effet la
lumire peut tre plus grande que l'amour; mais l'amour
aussi peut tre plus grand que la lumire. C'est la lumire
mystique plutt que l'amour mystique qui arrte les actes de
l'entendement et de l'imagination, on peut donc avoir plus de
charit dans un tat o l'on raisonne encore quelque peu, que
dans un tat o l'on ne fait plus aucun raisonnement.
Ces rserves importantes faites, on peut diviser les tats
mystiques selon la part qu'y prennent les diverses facults on
s'abstiendra seulement de conclure que l'tat mystique est
ncessairement plus intense quand il est plus complet, c'est-dire, quand il s'tend davantage.
;
2.
Etat
mystique aride
est
Croix.
de l'tat mystique
93
formes intelligibles, qui sont les objets propres de l'entendement, que celui-ci est incapable de s'en apercevoir et de s'en
(Monte, II, xn, p. 158.) Cet amour, la
rendre compte.
personne qui le possde, parfois ne le remarque pas et ne le
sent pas, parce qu'il ne rside pas dans la partie sensible et n'y
produit pas de tendres motions 1 il rside dans l'me, et lui
communique bien plus de force et de courage qu'elle n'en avait
auparavant; quelquefois cependant il rejaillit sur cette partie
sensible par des effets pleins de tendresse et de douceur.
les
(Monte,
95.
il
lettres
En mme temps
unie.
elle
mais
constatait en elle
un amour
trs
amour
Dieu,
faisait
avoir
2
.
1
Ternura, c'est le mme mot qu'emploie sainte Thrse pour dsigner ces tendresses sensibles.
2
Parlant de cette oraison de simple prsence de Dieu, elle crivait
LES PHASES
94
3.
96.
et
doux
partie sensible;
trs dlicates.
Personne n'a mieux exprim que Suarez la part que peut avoir
dans les phnomnes mystiques l'apptit sensitif Que l'apptit sensitif puisse jouer son rle dans la contemplation, qui est
pourtant une chose toute spirituelle et divine, c'est un fait
manifeste et d'exprience notoire. C'est dans ce sens que les
auteurs entendent communment ce passage du Psaume mon
cur et ma chair ont tressailli dans le Dieu vivant. Et la raison
en est que dans la contemplation, l'apptit suprieur est excit
par la joie, l'amour et autres mouvements semblables, et qu'il
communique ses motions l'apptit infrieur. Il faut donc
reconnatre que du ct de la contemplation, quelque parfaite
et intense qu'elle soit, rien n'empche que l'apptit sensitif ne
partage les motions de la volont.
et cette coopration des
deux apptits, loin de diminuer la force des mouvements de
l'apptit suprieur ou volont, l'augmente plutt, car il y a
une liaison naturelle entre les deux apptits, qui s'excitent et
s'chauffent mutuellement. Ainsi donc, quand l'me contemple
Dieu et jouit de Lui par la volont, l'apptit sensitif, loin d'tre
rduit l'impuissance, est au contraire entran et prend sa
part du bien dont elle jouit.
Pour le dire en passant, cette dvotion qui se fait sentir
:
de l'tat mystique
95
hommes
spirituels, ni
regarde
comme
le lot
les
du
De
Oratione, ch.
xvm,
i,
2, 4.
LES PHASES
96
la
4.
Etat
mystique complet
participent.
la
vivante, qui n'a d'autre dsir que de Lui tre immole et sacripour me consommer en holocauste dans les pures flammes
de son amour. L je sens mon cur se perdre comme en une
fournaise ardente, sans que j'en aie plus la jouissance. Il me
semble quelquefois que mon esprit s'loigne de moi pour aller
s'unir et se perdre dans l'immense grandeur de son Dieu, sans
qu'il soit en mon pouvoir de l'appliquer au sujet que j'ai pr-
fie,
par.
Il
est content
une plnitude
si
de l'tat mystique
97
Monte,
antrieures.
II,
xn,
p.
158.
Ici l'dition
LES PHASES
98
L'me tant
5.
Les
trois
d'aprs la Vnrable
102.
Marie de V Incarnation
si
de l'tat mystique
WBft
-
lire. Il
ment au
troisime. Mais en
chacun de ces
le
trois tats, il y a
Saint-Esprit les lve selon sa
volont.-
LES PHASES
100
le
nom
o l'me,
la
la Vnrable n'entend
pour celle-ci l'union est un
tat transitoire et extatique; pour la Vnrable c'est un tat
durable, dans lequel il y a parfois des extases.
104. Le second tat de l'oraison surnaturelle est l'oraison
d'union, dans laquelle Dieu, aprs avoir enivr l'me des douceurs de l'oraison de quitude, l'enferme dans les celliers de ses
vins pour introduire en elle la parfaite charit. En cet tat, la
volont tient l'empire sur l'entendement, qui est tout tonn et
tout ravi des richesses qu'il voit en elle, et il y a, ainsi qu'au
prcdent, divers degrs qui rendent l'me un mme esprit avec
Dieu. Ce sont des touches *, des paroles intrieures, des caresses
l'union.
pas l'union
comme
d'o naissent
sainte Thrse
peuvent mieux
exprimenter que dire, parce que les sens n'y ont point de part,
l'me n'y faisant que patir et souffrir ce que le Saint-Esprit
opre en elle.
tuelles et d'autres grces trs sublimes, qui se
1
La Vnrable appelle touches divines certaines oprations de Dieu
sur la volont. Celle-ci reoit soudainement des impulsions trsMouces
et trs fortes qui la portent vers Dieu, et Le lui font goter comme son
souverain Bien. (Ibid., ch. x, addition.)
101
CHAPITRE XI
Origine de la division de la contemplation
la
contemplation mystique
Amour
LA CONTEMPLATION MYSTIQUE
102
2.
Du
107.
qu'ils ne
Amour
de Diu,
!.
Vi, ch.
il
et suiv.
103
table.
109. Saint
Jean de
reprises diffrentes
la
le
1
Afin qu'on ne nous accuse pas derechef de ne pas discuter les
textes qu'on nous oppose , nous dirons que le passage (Vie, ix) o
sainte Thrse parle d'une manire de procder dans l'oraison sans faire
de raisonnements, ne s'applique nullement l'oraison de simple regard.
Les raisonnements qu'elle veut exclure, ce sont seulement les raisonnements suivis et longuement dduits, et la mditat-ion avec sa marche
mthodique et calcule. Dans l'oraison dont elle parle, on remplace ces
raisonnements par des considrations plus simples et exigeant moins
d'efforts d'esprit, comme les faits de la vie de Notre-Seigneur et l'on
donne davantage aux panchements du cur. Elle vient de dire, en
effet, que ne pouvant elle-mme aller par la voie des raisonnements,
elle se figurait Notre-Seigneur au dedans d'elle; elle se reprsentait ses
mystres, elle se voyait prs de Lui dans le jardin de l'agonie, elle considrait la sueur qui l'inondait, elle et voulu l'essuyer, mais la vue de
ses pchs la retenait, etc. C'est la mme oraison qu'elle a dcrite dj
(iv) et qu'elle appellera plus tard oraison de recueillement (Chemin,
xxvm et xxix) elle y voit si peu une oraison contemplative qu'elle
l'appelle deux reprises une prire vocale (xxvm et xxix)
sans
doute cause des colloques affectueux qui remplissent cette oraison
cest ce que l'on nomme aujourd'hui' oraison affective.
2
Monte, n, 13, 14, 15. dic. crit. cap. 11, 12, 13. Nuit, i 8 et 9,
p. 26 et suiv. et Vive flam., str. 3, vers 3, 5. p. 445.
;
LA CONTEMPLATION MYSTIQUE
104
chacun
comment
auteur dfend
avant
d'avoir reu V lment mystique, qui est la connaissance infuse et
amoureuse de Dieu, et V avoir reu dans un degr suffisant pour
ressentir le dgot ds considrations et pour trouver un vrai
bien-tre demeurer seul avec Dieu. L'attention amoureuse
Dieu, dont csrtains auteurs 1 ont voulu faire une contemplation non mystique, est donc absolument la mmechose que
la quitude ou contemplation mystique. Dans un texte que nous
avons cit, n 94, et qui s'applique la contemplation mystique, il
la dsigne indiffremment par les mots de quitude ou d'attention amoureus?. Ainsi clans la doctrine si sage et si exacte de
saint Jean do la Croix il n'y a pas de place pour une contemplation non mystique.
110. Nous pourrions continuer et faire la mme dmonstration pour les autres grands Docteurs, mais ce serait tomber
dans de fatigantes rptitions. Ceux-l, du reste, suffisent il
est bien permis de ne pas admettre l'existence d'une contemplation que de tels Matres n'ont pas mme souponne.
N'est-il donc pas possible, objectera-t-on peut-tre, aprs
avoir souvent mdit, par exemple, sur la prsence de Dieu, de
demeurer dans cette panss que Dieu est prsent, sans avoir
reu d?s lumires nouvelles? Quand on a longtemps approfondi quelque vrit, ne peut-on se la rappeler sommairement
sans s'astreindre suivre de nouveau la filire des raisonnements
et des rflexions mthodiques, et alors demeurer longtemps
occup par la mme pense, sans multiplier beaucoup les affections? Cet tat, rpondrons-nous, qui ne serait en ralit qu'une
varit de l'oraison affective, en thorie parat possible, en
pratique est trs rare, si rare qu'il ne mrite pas d'tre class
parmi les degrs d'oraison que parcourent d'ordinaire les mes
fidles. La contemplation naturelle est produite ou par un beau
spectacle, comme la vue d'un magnifique paysage, surtout si
c'est un spectacle inaccoutum, ou par un ardent amour, ainsi
une mre contemple son enfant. Que l'on fasse comprendre une
me neuve, jusque-l peu instruite, les grandeurs et les bonts
de Dieu, elle pourra, rester quelque temps suspendue dans
plation
absolument
or,
et
sait
Von
le
saint
quitte la mditation
105
calles-ci
1
On cite parfois comme admettant ce genre de contemplation
Richard de Saint-Victor. Dans un passage de son Benjamin major
(L V, ch. ii) cet auteur parle d'une contemplation par dilatation d'esprit,
grce. Ce
par
l'art,
quand
laquelle a lieu
vif sans
le
cependant dpasser
TA CONTEMPLATION MYSTIQUE
106
3.
111. Comment donc s'introduisit cette notion d'une contemplation non mystique, appele acquise ou active, et oppose ce
que les Matres appelaient simplement la contemplation, oraison
mystique qu'on appela alors passive ou infuse?
L Q s auteurs pams avaient parl de contemplation, mais ce
qu'ils entendaient par ce mot diffrait grandement de la contemplation dont parlent les auteurs chr Liens. Albert le Grand
le premier, croyons-nous, en a fait la remarque
les paens ont
pu, remarque-t-il, arriver une certaine contemplation qui
tait le fruit de leurs recherches, et qui restait dans l'intelligence
sans produire l'amour dans la volont. (De adhrendo Deo
:
ch. ix.)
sages recherches comment on doit s'y prendre, par l'exercice, par l'attention, en s'appliquant avec un soin extrme l'uvre que l'on fait. Les
partisans d'une contemplation acquise pensent que c'est d'elle que parle
ici Richard de Saint-Victor; il semble plus exact d'appliquer ces paroles
une mditation mthodique, aboutissant une oraison affective. Cet
auteur qui a trait si longuement et si judicieusement de la contemplation, dsigne partout ailleurs sous ce nom la contemplation mystique, et il dclare nettement que la contemplation est un pur don de
Dieu et que l'me ne peut s'y lever par ses propres efforts (Benjamin
minor, ch. lxxiii).
Rdit par Dalgairns, Londres, Art and Book Company.
J
107
s'obtient pas par nos efforts, mais est verse (infundi solei) par
Dieu dans nos mes par une grce singulire, il dit qu'elle
s'exerce par le don de sagesse. Il y a, ajouie-t-il, une contemplation naturelle qui a pour objet Dieu en tant qu'auteur de la
les choses et les vrits naturelles. Il y a une contemplation surnaturelle, dans laquelle on regarde Dieu en tant
qu'auteur de la grce et aussi les mystres et les uvres surnaturelles. C'est de cette manire que de temps en temps
contemplent les serviteurs de Dieu qui ont une admirable
connaissance des mystres de la grce, ils s'arrtent cette
considration paisible et pntrante ainsi font d'ordinaire les
prophtes, soit qu'ils considrent les choses surnaturelles, soit
mme qu'ils regardent les choses de la nature avec des lumires
surnaturelles. Enfin il y a la contemplation divine, dans laquelle
on contemple Dieu et ses perfections, et cela par le don de
sagesse. C'est l, dit-il, la divine contemplation, si grandement
clbre par les saints auteurs, laquelle aspirent de -toutes
leurs forces ceux qui mnent la vie contemplative.
nature et
(Ibid.
la
uniquement
la
1
;
contemplation mystique,
Saint-Esprit.
1
Plusieurs semblent oublier que la contemplation naturelle dont
parlent parfois les auteurs n'est nullement une oraison, mais une admiration suspensive produite par l'tude, qui a fait dcouvrir des vrits
trs leves.
LA CONTEMPLATION MYSTIQUE
108
4.
Thomas
: Joseph de Jsus-Marie,
de Jsus, Philippe de la Sainte-Trinit, Honor de
Croix fut l'objet de critiques ardentes; ses dtracteurs voucondamner ses ouvrages. Alors, et, nous semblet-il, pour dfendre le saint auteur, certains Carmes imaginrent
de soutenir que les tats contemplatifs dont il parle, sont des
tats ^infrieurs ceux que dcrit sainte Thrse et d'une autre
.espce; ils n'auraient pas t ces tats mystiques qui faisaient
peur. Saint Jean de la Croix ne serait donc pas un docteur
mystique. Notons que sainte Thrse, morte neuf ans avant
saint Jean de la Croix et qui fut batifie soixante ans avant lui,
jouissait dj d'une autorit inconteste et point n'tait besoin
de la dfendre. Sainte Thrse, disait-on, a trait de la contemplation extraordinaire, laquelle lve l'me une connaissance
et un amour de Dieu qui dpasse notre mode humain. Au
contraire, ajoutait-on, notre saint Pre, le Frre Jean de la
Croix, est le grand Matre d'un autre 'genre de contemplation,
celle que nous pouvons obtenir selon notre mode humain par
le moyen de la lumire de la foi et les secours ordinaires de la
grce. Ainsi lisons-nous dans un trait du premier historien
gnral de la Rforme carmlitaine, le P. Joseph de JsusMarie, trait compos dans les premires annes du xvn e sicle,
et publi dans l'dition critique des uvres de saint Jean de la
Croix, (t. III, p. 511 et 534.) Ainsi d'aprs cet auteur, saint
Jean de la Croix n'aurait trait que de l'asctisme.
la
laient faire
Il
est impossible
traite saint
3 dition, n 347.
109
1
Le P. Poulain (Grac. d'or. IV, 7) attribue le mot contemplation
acquise Denys le Chartreux et renvoie son opuscule De Fonte Lucis,
art. vin. Or ni dans cet opuscule, ni ailleurs, Denys n'admet ni le mot,
ni la chose; il donne, au contraire, mme l'endroit cit, la doctrine commune. Quand l'me, dit-il ici-mme, est affranchie de ses vices, bien
purifie des restes du pch, elle est bientt capable d'obtenir ces lumires d'en Haut, elle est apte recevoir le rayon d'une salutaire sagesse
et d'tre leve la contemplation des choses divines et ternelles.
Donc quand l'homme s'est exerc comme il faut le faire dans la voie
purgative, il doit entrer dans. la voie illuminative. L il s'applique
considrer les perfections divines, il occupe son esprit cette tude,
studium seu occupatio mentis circa contemplanda sublimia Dei...
en mme temps, il acquiert les vertus d'humilit, de patience, de mansutude, de chastet, de justice; Dieu qui le voit pratiquer ces vertus,
qui le voit avide de la vrit, soupirant aprs la fontaine de la sagesse,
cherchant tre clair, bien vite fait briller sur lui son visage. Il l'illumine du rayon de sa sagesse, Il lui donne de Lui-mme une connaissance
plus claire, plus dlicieuse, c'est--dire, qu'il l'introduit dans la voie
contemplative et unitive.
LA CONTEMPLATION MYSTIQUE
110
montr
35), la doctrine
l'on trouve
ou extase
faible.
Il
1
Le P. Poulain distingue tort deux Thomas de Jsus, dont l'un
serait l'auteur des Grados de oracwn et l'autre du livre De Contemplatione devina. C'est bien un seul et mme Thomas de Jsus qui a compos
ces deux ouvrages.
-
il
est trait de la
F AS
DE CONTEMPLATION ACQUISE
111
fit
paratre en 1656 sa
Summa
tlieol.
Jean de Jsus-Marie avait dit trs justement en parlant de la contemplation naturelle qui est celle des philosophes et qui ne s'appuie pas
circa Deum, in quantum ipse natur est auctor et in verisur la foi
circa
tates naturales versatur et de la contemplation des chrtiens
Deum in quantum ipse grati est auctor et circa mysteria et opra
supernaturalia versatur . Philippe de la Sainte-Trinit nous semble
moins heureux il dit de*"la contemplation acquise qu'il attribue pourtant aux croyants
naturam ipsam pro principio immediato et Deum
ut auctorem natur pro principio primo cognocit; contemplatio autem
infusa Deum ut auctorem grati pro suo agnoscit immediato principio.
:
LA CONTEMPLATION MYSTIQUE
112
ralit.
er
3, art. 1
,
2.
C'est
un
113
mystique?
119. Lopez Ezquerra dans sa Lucerna mystica, qui parut
dans les dernires annes du xvn e sicle l avait dfendu la
contemplation acquis^. Il cite, dit le P. Poulain, vingt-cinq
Pres et traite assez durement ceux qui regardaient cette contemplation comme une invention moderne. (Grc. d'oraison,
iv, 9.) Ainsi les partisans d'une contemplation acquise n'taient
pas sans contradicteurs, qui voulaient avec raison s'en tenir
l'ancienne doctrine. Parmi eux citons le P. Vicente Calatayud,
de l'Oratoire de Valence. Cet auteur combattit fortement
l'auteur de la Lucerna mystica, lui reprochant de faire dire
aux saints Docteurs ce qu'ils n'enseignrent jamais 2 ii ddia
son livre Benot XIV, qui, ayant suivi Brancati de Laurea,
avait admis la contemplation acquise. Le savant pape lui crivit
ces remarquables paroles
Quod a nostris scriptis recessisti, nec
tibi nec nobis grave esse dbet. In his quse scribimus uti privati
* doctores scimus nos falli posse, nec etiam dubitamus nos
aliquomodo etsi inadertenter a eritate recessise. In his onus
est aliorum nostra refellere, corrigere, emendare ; et irrationabiles profecto essemus si in his tristaremur.
,
1
Le vritable auteur de cet ouvrage est le P. Auguste Nagore, chartreux de Saragosse, qui ne l'avait pas publi. Lopez Ezquerra fit imprimer sous son propre nom Bilbao le manuscrit, qui tait tomb entre
ses mains.
Si les citations
qu de
les
produire
man-
LA CONTEMPLATION MYSTIQUE
114
contemplation acquise.
5.
Doctrine
exacte,
plus expriments
11 la
active.
nomme
aussi acquise,
1.
er
,
ch. xv,
mais
il
dit
ordinairement
lire
(L.
I er ,
ch. vin.)
ne
Il
fait
cette oraison,
11S
il
ni ngation, ni
comme un
de Belley.
LA CONTEMPLATION MYSTIQUE
1*16
il
possde
le
lui ter.
C'est dans ce fond qu'il gote cette paix qui surpasse tout
sentiment.
La demeure du contemplatif est dans la paix, et
la paix demeure continuellement dans la cime de son me.
L'exercice de la foi est fond sur une lumire spirituelle, savoir
qu'il faut uniquement aimer et se complaire en l'tre divin,
prsent en nous plus que nous-mmes.
Cette lumire se conserve aisment, n'tant pas dpendante des organes corporels 1
sujets se lasser, et mme n'occupant pas les puissances de
l'me, l'intellect 2 et la volont n'empchant pas les discours
et affaires qui se prsentent, de sorte que presque en toutes
sortes d'occurences l'me est assiste de ce rayon qui s'offre
de soi-mme et lui bat devant les yeux, sans empcher le reste
de ses puissances, et mme lui donne clart pour les bien con.
duire.
(Ch. xviii.)
Cette oraison n'est pas encore celle que Boudon appelle passive, dont il parlera seulement plus loin (ch. xx), c'est pourtant
bien certainement un tat mystique. Ce qu'i dit en dernier lieu,
phnomne frappant
deux reprises 3 par sainte Thrse, la persistance de
mystique au milieu des travaux et des occupations de la
signal
l'tat
vie?
122.
de son
appel
pleine-
spirituelle,
vu Princ,
117
raison tout* fait rare et extraordinaire et pour ainsi dire inacesAussi les rgles donnes par les Matres pour l'oraison
sible.
1
II s'y conformait mme pour ce qui regarde le dsir des oraisons passives (ch. xxxn), tant tait alors accrdite la doctrine de Rodriguez
et de Scaramelli condamnant le dsir de la contemplation, doctrine si
contraire pourtant l'enseignement des Matres.
Ht-;'
'
LA CONTEMPLATION MYSTIQUE
118
que passager
dans
devient
comme
l'tat
habituel
videmment
6.
assertion.
Bossuet a donn, en effet, dans un clbre opuscule la description d'une oraison qu'il appelle de simplicit et de simple
prsence de Dieu >u Cette description est remarquable d'exactitude; il est vident que Bossuet avait suivi de trs prs des
mes qui cette oraison tait familire. Dans cette oraison
Bossuet constatait la prsence d'lments qui ne se rencontrent
pas dans les oraisons infrieures, d'abord d'un attrait particulier
de la grce qui loigne de la mditation et condjiit la contemplation, puis d'une action particulire de l'Esprit-Saint communiquant lumires et vertus.
119
soit Jsus-Christ
travail est
doux
et
fait
peu
et reoit
et
le
Saint-
beaucoup
et
son
comme
elle
1
:
active, ni acquise
ici
elle est
Pour
la
tifier et
mot
le
LA VOIE UNITIVE
120
1
o il voyait une impuissance absolue de raisonner,
me de la Maisonfort
rendait hsitant. Il crivait, en effet,
Je suis bien persuad qu'en se livrant la seule foi, qui de sa
nature n'est pas discursive, ni raisonneuse, on peut faire cesser
le discours, sans tre dans V impuissance d'en faire. Je ne veux
pas assurer qu'on soit alors dans Vtat oV oraison passive, ainsi que
l'appelle le bienheureux Jean de la Croix, etc. Mais il n'y a
aucun doute possible, c'est bien l'entre dans l'tat mystique
qu'a si bien dcrite le grand vque de Meaux.
termes
le
CHAPITRE
La
XII
voie unitive
V
er
1
Les
le
mme
tat
tes
lui
est
fidle,
les
inc inatio
is
mauvaises perdent de
-leur
1.
vu.
LA VOIE UNITIVE
121
prie
tive.
recueillir,
par
la
ment,
il
don de
force.
velle
forme
122
uni*'
LA VOIE UNIT1VE
Dieu.
Quand
communiques,
LA VOIE UNITIVE
vivement
volont
Dans
1
;
et la-petitesse
123
las
du Saint-Esprit ne
1
II est vrai que leur volont est devenue plus forie que ne Test celle
des commenants et mme des profitants, mais elle est bien trop faible
encore pour pouvoir se maintenir, avec le secours des seules grces
communes, dans l'tat de perfection.
2
II est, certes, des hommes chez qui on constate une grande nergie
de volont, mais mme chez eux cette nergie est mle de faiblesse,
elle ne s'tend pas tout
ardents, tenaces, le plus souvent jusqu'
la raideur, quand ils poursuivent l'objet de leurs dsirs, ils se sentent
faibles ou inconstants en maintes circonstances.
3
Le P. Poulain (Grc. d'Or., Bibl. n 140) a crit que personne
:
LA VOIE UNITIVE
124
don de
don de
de grand cur
le
les obstacles
On comprend
pendant tant de
sicles
'2.
1
Que le lecteur veuille bien, pour s'en convaincre, prendre dans la
Vie d'union la table analytique, et se reporter aux textes nombreux
indiqus l comme exprimant ces doctrines.
LA VOIE UNITIVE
125
Dieu les fait sortir de l'tat des commenants, car les commenants sont ceux qui s'avancent dans le chemin spirituel par la
mditation. Dieu fait donc entrer ces mes dans l'tat des
personnes avances, qui est dj l'tat des contemplatifs. Il
veut par ce moyen les amener l'tat des parfaits, qui est l'tat
de l'union divine. (Nuit obscure, I, i, p. 6.) Ainsi les dbutants
mditent, les personnes avances commencent entrer dans la
les parfaits sont
dans la contemplation
"contemplation 1
nous avons
habituelle et l'union divine. D'aprs lui encore
c'est la lumire contemplative
cit ce texte (n 62)
qui lve l'me l'tat de perfection . Le but que le
Saint se propose dans ses premiers ouvrages, la Monte
du Carmel et la Nuit obscure, c'est, il le rpte souvent,
d'apprendre gravir la montagne de la perfection 2 arriver
du
Comment
a-t-on donc
pu
LA VOIE UNITIVE
126
l'union divine
1
la transformation de l'me en Dieu 2 pour
un. Que cette union divine, d'aprs saint Jean
de la Croix s'opre par la contemplation, c'est, tous ses lecteurs le savent, la base de tout son enseignement, la voie unitive ou la voie contemplative se confondent donc ses yeux.
Il ne faudrait pas croire que par l'union de l'me avec Dieu, le
saint auteur entende ce suprme degr d'union qu'il appelle le
mariage spirituel. Non, il distingue fort bien et diffrentes
reprises de cette union suprme et exceptionnelle, ce qu'il
nomme l'union commune. (Vive flamme, str. I, vers 3, p. 396.)
Il reconnat qu'il y a bien des degrs dans l'union, Dieu
selon les capacits de chacun, et bien que tous ceux qui sont
arrivs par l'union l'tat de perfection y trouvent satisfaction
et paix, ils sont loin d'tre galement parfaits. (Monte, II, iv,
p. 115.) Pour atteindre les degrs infrieurs, qui sont le cas
ordinaire, il n'est pas ncessaire de passer par les purifications
terribles rserves aux mes d'lite. (Nuit, II, xn, p. 52; et
,
c'est tout
lui
II,
i,
p. 90.)
deux mots
que ses livres ne concernaient .que les personnes menes par les voies
-exceptionnelles? C'est qu'il fait tout reposer sur la contemplation et
qu'on regardait la contemplation comme une faveur en dehors de la
voie
1
commune.
Monte, Expos, du
suj., prolog.,
1-2, 3, 4, 5,
13;
II-i, 4, 5.
Edic.
critica, p. 27, 29, 38, 43, 44, 45, 51, 90, 95, 99, 106, 107, 108, 111, 112,
150.
2
Monte, 1-4;
II-i, 4, 15.
Edic.
106, 165.
127
LA VOIE UNITIVE
mme
myst.,
c. 2.)
Un
platives.
Cum
du
mme xvn e
sicle,
un Jsuite bien
1
vita spiritualis duplex sit, activa et contemplai iv a
il dit ailleurs
(cap. n) activa et passiva
ad activant duo priores status (incipientium
et proficientium) pertinent; tertius (perfectorum) ad
conlemplativam*
(Via compendii ad Deum, ch. vin, n 6.)
LA VOIE UNITIVE
128
on et parl de distinguer deux voies unitives tout fait diffrentes l'une de l'autre, on les et plus tonns encore en assurant
que la voie unitive sans les grces mystiques tait la voie com-
et
Considrations sur
les
LA VOIE UNITIVE
129
art. 2, 2.)
Mais quand
s'agit
le
si
EL
M.
On
trouyera
LA VOIE UNITIVE
130
aux gens maris eux-mmes. Saepe hanc (contemplationis gratiam) summi, ssepe minimi, saepius remoti,
aliquando etiam conjugati percipiunt. Honor de Sainte
Marie 1 entend summi des parfaits, minimi des gens peu avancs, remoti de ceux qui paraissent moins disposs pour cela ;
ce sont eux, d'aprs sa traduction, qui reoivent le plus souvent
la grce de la contemplation
On ne voit plus gure quel
propos saint Grgoire place ici les gens maris Et voil une
preuve de plus que la contemplation n'a pas de rapports avec
la perfection
Le mme auteur allgue encore le passage de sainte Thrse
auquel nous avons plusieurs fois fait allusion (Supra, n08 40,
116, 117), o la sainte dclare que l'union extatique, et non pas
l'union mystique, n'est pas indispensable et ne doit pas tre
dsire. Il est vrai que, d'aprs la faon dont il entend l'union
mystique, celle-ci ne diffre gure de l'union extatique, il va
mme jusqu' les confondre. Nous devons demander Dieu
de Lui tre unis
c'est dans cette union que consiste tout
notre bonheur en cette vie. Il n'en est pas de mme de l'union
mystique ou extatique, qu'on ne peut pas, selon les thologiens 2 ,
demander Dieu sans prsomption et sans s'exposer plusieurs
parfois aussi
illusions.
il
fait allusion.
9
Conf., IV, n 5.
DE l'tat MYSTIQUE
131
CHAPITRE
XIII
de
l'tat
mystique
er
1
1S9.
Quand une me
fidle s'est
ANALYSE PSYCHOLOGIQUE
132
Et cependant
cette
me
souvent
le
ch.
mystiques, mais faibles et passagres et cause de cela difficiles discerner. Trs souvent, du reste, ceux-l mmes qui sont plus avancs dans
l'tat mystique ne s'en doutent pas; ils ne savent pas que les sentiments
qu'ils prouvent, et mme que leurs impuissances et preuves intrieures appartiennent la voie mystique.
* Nous devons dire qu'on rencontre des exceptions, mme chez les
mes gnreuses, quand elles sont accables d'occupations et que le
recueillement leur est difficile, et surtout quand elles n'ont pas t formes la vie intrieure et qu'elles n'en comprennent pas la ncessit.
Immense est l'avantage de ceux qui ont appris tout le prix de l'union
intime avec Dieu et qui a t enseigne la manire de l'obtenir on
:
de l'tat mystique
133
140.
2.
Que
se passe-t-il
la partie
suprme de
la volont
l'amour, puisque ce n'est point en s'excitaht, point en se raisonnant qu'on l'obtient. L'attrait vers Dieu est le signe de cet
amour on n'est attir que vers l'objet qu'on aime; l'adhsion
la volont divine en est un acte; la satisfaction profonde de la
volont en est un effet
c'est parce qu'on L'aime que l'on se
trouve si bien avec Lui. Cet amour, qui ne nat pas des considrations, n'en est pas moins trs raisonnable on sait qui l'on
aime, on sait que l'tre aim est mille fois digne de cet amour,
aussi c'est un amour pur, fond sur les perfections incomprhensibles du Bien-Aim, perfections que l'on ne prcise pas,
que l'on saisit d'une faon gnrale et confuse, mais dont on est
intimement pntr. C'est un amour trs libre 1 si on l'a reu
et non acquis par ses efforts, il n'en est pas moins accept trs
librement, on n'a mme qu'un dsir, c'est de le voir s'accrotre
:
encore.
141. Ce n'est pas sans raison que les auteurs spirituels attribuent aux parties suprmes de l'me les oprations mystiques.
Ceux qui sont dans cet tat remarquent souvent, en effet, un
curieux phnomne dans ces moments mmes o ils prouvent
cet attrait puissant, cette paix profonde, cette union de leur
:
1
Tout en tant trs libres les actes d'amour qui sont faits dans cet
tat sont pour la plupart trs rapides, non rflchis, souvent mme
non aperus ce sont alors des actes directs. Nous avons expliqu ce
que sont ces actes directs. Degrs, 1. V, I re partie, ch. iv, 2.
:
ANALYSE PSYCHOLOGIQUE
134
3.
prend aucune part. Elle est moins trangre aux oprations raisonnables qu'aux oprations mystiques. Il arrive
bien, il est vrai, que des dterminations, des rsolutions fermes
sible n'y
phnomnes contemplatifs et des carts de l'imagination. Sainte Thrse a recommand avec insistance aux mes n^stiques de ne point
s'en troubler (V. Degrs de la vie spir.
t.
II,
de l'tat mystique
135
la partie infrieure
paroles
*,
cet tat.
mon
Jsus, et
mon
Mais
c'est l
que
la partie infrieure ne
1
Instr. sur les tats d'oraison, 1. IX. Cf. Dposition de sainte Jeanne
de Chantai pour la canonisation de saint Franois de Sales, art. 33 et
Lettre de la mme sainte Dom Jean de Saint Franois sur les vertus
de saint Franois de Sales.
ANALYSE PSYCHOLOGIQUE
136
leur me.
La
la partie
4.
145.
Quant
de l'me,
elle
1
Le souvenir de la Passion, qui revient souvent chez le contemplatif,
est bien plus une vue intellectuelle qu'une reprsentation imaginative
celui qui est arriv l'tat mystique est trs frapp des souffrances
morales et physiques de Notre-Seigneur, mais il les comprend plutt
qu'il ne se les dpeint.
;
de l'tat mystique
137
moi.
Toutefois
ma
comme un
peine si
cet
volont
je
2
.
Dieu
pouvais me rendre compte de
acquiescement de
ma
147.
il n'y a ni ces tiraillements, ni mme de distracgote un grand bonheur. Si c'est l'action de Dieu
Quand
tions, l'me
1
C'tait au contraire un amour infus trs intense, mais non senti, qui
ramenait sans cesse sa pense vers Dieu et qui lui faisait si vivement
dsirer de l'aimer davantage.
ANALYSE PSYCHOLOGIQUE
138
prvenante et
En mme temps
suprme, Dieu agit parfois puissamment dans l'intelligence, prsentant avec de grandes lumires certaines penses
distinctes, en complte harmonie avec la vue gnrale et confuse
qui rside dans la cime de l'esprit.
Ces lumires varient beaucoup. Parfois Dieu presse l'me,
lui faisant comprendre qu'elle est encore loin de L'aimer comme
Il le mrite, et II excite dans la volont des dsirs d'amour plus
ardent, d'union plus intime, qui charment et torturent la fois.
Le sentiment de tristesse domine, quand les lumires divines
portent surtout sur la saintet de Dieu et l'indignit de la pauvre
crature; c'est ainsi que se produisent les preuves mystiques;
mais si une grande confiance se joint ces anxits d'amour, elle
en tempre l'amertume et produit mme un sentiment de bonheur.
D'autres fois, c'est sur l'infinie bont, sur l'amour de son Dieu
que l'me reoit de grandes lumires; une impression trs- vive
entre en elle tout coup et lui fait comprendre que Dieu
Paime; elle sent natre en elle cette conviction aussi parfaitement que si Dieu Lui-mme lui disait je t'aime . Ou bien elle
se sent manifestement unie Dieu, dans une union trs suave et
trs dlicieuse, et elle s'abandonne tout entire la joie de cette
union. Dilectus meus mihi et ego illi ; mon Bien-Aim est moi
et je suis Lui..
d'autres moments l'me est trs frappe de certaines penses distinctes sur les bienfaits de Dieu, si mal pay de retour,
sur sa toute-puissance, ses grandeurs infinies, sur les mystres, la
Trinit, l'amour mutuel des trois Personnes divines et leur
la partie
inaltrable
rend
claires
et
brillantes
pour
le
Rdemption,
La lumire
les
divine
il
les saisit
de l'tat mystique
139
moins
mme comme
5.
On
reuse
peut appeler ces actes, selon l'expression trs juste et trs heu-
du
140
ANALYSE PSYCHOLOGIQUE
Sainte Jeanne de Chantai pouvait d'autant mieux donner ce conreu elle-mme surnaturellement on lit en effet dans
les Mmoires de la Mre de Changy (p. 467) qu'un jour au plus fort de
Ce n'est plus vous trases impuissances elle entendit ces paroles
vailler dans votre intrieur, mais de laisser faire le divin Matre, qui
1
de l'tat mystique
141
sentie.
152.
c'est le
sentir,
toutes
Lui et se perdre dans l'amour. Ce transport d'asouvent de courte dure, mais on peut le ritrer et,
dans les intervalles, suivre les mouvements de la grce et produire avec calme et douceur les actes qu'elle inspire.
sible, s'unir
mour
est
6.
Commuent
les
puissances' suprieures
infrieures
mieux;
les
n'a point besoin que vous Lui aidiez dans son ouvrage. Une autre
fois, le 8 juin 1636, priant dans l'oratoire de son bienheureux Pre, avec
grande angoisse cause de ses tentations, elle out clairement son
aimable voix, qui lui dit Regardez Dieu et lui laissez faire.
:
ANALYSE PSYCHOLOGIQUE
142
Tous
attraits
pour
dans
la partie infrieure et
sances spirituelles et
de s'unir Dieu. Dans les commencements, ces perscutions
influent sur elles pour les entraner ; plus tard, quand ces
puissances se fortifient dj et se dtachent , les attraits infrieurs continuent de les tourmenter, de les troubler, et de cette
manire, les drangent encore, cause de l'incertitude o elles
sont si elles adhrent ces mauvais effets, et de la crainte qu'elles
ont de dplaire Dieu. Quand les puissances spirituelles se fortifient davantage, elles commencent ne plus y faire attention, et
il s'tablit peu peu comme une espce de sparation entre les
deux ;les puissances suprieures s'unissent Dieu par la contemplation, et les sens n'ont plus aucun pouvoir sur elles.
154. C'est aussi pour cette raison .que les personnes qui ne
sont pas entres dans l'tat mystique dpendent beaucoup plus
de leurs malaises, de leurs humeurs. Si elles ont des peines et de
vives Contrarits, elles sont domines par elles; le chagrin,
l'amertume, les angoisses les distraient et diminuent leurs
forces pour le bien; du moins elles ont beaucoup de peine
ragir, se maintenir dans le recueillement et la pense de
Dieu et dans la ferveur de l'oraison. Si elles demandent parfois
avec ardeur d'tre dlivres de leurs maux, leur ferveur est de
courte dure. Les mes arrives l'tat mystique ne sont
jamais, au contraire, plus intimement et plus constamment unies
Dieu que dans la souffrance.
Les premires ont aussi un plus grand besoin des moyens
extrieurs, des crmonies touchantes, des beauts du culte, des
charmes de la musique les mes mystiques aiment le culte d'une
faon plus anglique et moins humaine, par amour de l'ordre et
pour l'honneur de Dieu, mais souvent elles se rendent compte
qu'elles sont aussi troitement unies Dieu dans la solitude
complte et dans le silence de l'oraison.
155. Un autre avantage extrmement prcieux de l'tat mystique, c'est la frquence des actes qu'il produit. Gomme ces
;
3,
crits spirit.
no 1.
Complment des
instr.
de l'tat mystique
143
7.
Incompatibilit
156. Nous avons dit qu'il ne fallait pas confondre l'tat extatique avec les affections morbides o l'me perd l'usage des
sens, mais perd en mme temps l'usage des facults suprieures.
Les mmes savants incrdules qui confondent le ravissement
avec la lthargie ou l'hypnose, prsentent volontiers l'tat mystique comme une surexcitation-nerveuse, ou comme une prdominance de l'imagination et de la sensibilit. Ils ne peuvent
gure avoir ide des oprations mystiques, et comme ils veulent
disserter de ce qu'ils ne connaissent en aucune manire, ils ne
peuvent manquer de commettre de grossires erreurs. Nous
7e
3,
3.
ANALYSE PSYCHOLOGIQUE
144
On
1
Les personnes d'un temprament nerveux peuvent recevoir des,
grces mystiques, si elles savent assez se dominer pour pratiquer gnreusement le renoncement, mais leur trop grande sensibilit entrave
souvent les oprations mystiques et il est difficile de les dmler de ce
qui est l'effet de l'imagination et de l'apptit sensitif.
ASCTISME ET MYSTICISME
145
CHAPITRE XIV
Diffrences entre l'tat asctique
et l'tat
er
1
Pourquoi
158.
cette
O commence
tude
mystique
Ressemblance
l'extraordinaire
dans
entre ces
deux tats
la vie spirituelle?
mystique; d'autres appellent la contemplation mystique contemplation ordinaire lesquels faut-il croire?
videmment, nous l'avons expliqu plus haut, cette divergence d'opinion vient de la conception diffrente que l'on se
fait de l'tat mystique. Nous n'avons pas rpter ce que nous
avons dit; mais, pour rendre la doctrine plus prcise, pour
donner de l'tat mystique une ide plus nette et p.us claire,
nous croyons utile de le comparer aux autres tats spirituels et
particulirement l'tat asctique, auquel il succde. Nous
tablirons donc les ressemblances qui les unissent, les diffrences qui les sparent; on verra par l s'il convient d'appeier
extraordinaire l'tat mystique. Il suffira plus tard d'exposer
la nature des tats notoirement extraordinaires, savoir J'tat
anglique, l'tat extatique, les visions, etc., pour faire comprendre quel point ils diffrent de l'tat mystique et comment
:
ils
naturels.
en quoi
il
en
l'tat
mystique ressemble
diffre.
1
Le mot extraordinaire, nous le reconnaissons, manque de prcision
plusieurs appellent extraordinaire toute grce minente, parce que tout
ce qui est minent est relativement rare. Mais pour amener la perfection des grces minentes sont ncessaires, elles sont rgulirement
donnes toute me fidle, elles ne 'doivent donc pas tre non n es
extraordinaires; on doit entendre par extraordinaire, extra ordinem,
ce qui est hors de la voie normale, mme de ses degrs les plus levs,
et qui suppose une vocation exceptionnelle; c'est dans ce sens que
nous l'entendons.
:
ASCTISME ET MYSTICISME
146
de tholog., au
dure toute
mot
la vie et s'impose
mot
l'union divine
beaucoup plus
secrte.
Dans
l'tat
LUMIRES MYSTIQUES
ils
147
ment
levs.
2.
Lumires
1
Est-il besoin d'avertir que nous prenons ce mot dans un sens relatif?
Absolument parlant, mme dans l'tat asctique, les lumires, l'amour
ne sont pas purement acquis, puisqu'ils sont surnaturels et que tout
surnaturel est infus, mais ce sont les habitus qui sont infus, les vertus
de foi, d'amour, et l'me qui les possde peut produire des actes. Dans
l'tat mystique, ce sont les actes qui sont mis par Dieu dans l'me,
c'est la foi et
l'amour en exercice.
148
ASCTISME ET MYSTICISME
N'y
l'tat
a-t-il
mystique?
1
que d'autres ont suivi
m'a toujours reproch
Le P. Poulain
de ne pas admettre une distinction spcifique entre l'tat asctique et
d'aprs moi, affirmait-il, ce serait le mme tat intenl'tat mystique
:
il
LUMIRES MYSTIQUES
prsent
Pme
149
De
le
don
Gratia,
t H,
19.)
ASCTISME ET MYSTICISME
150
3.
166.
L'amour
asctique
L'amour, avons-nous
dit,
et l'autre tat.
V amour mystique
et
le
Mme
mme
au
objet et le mme
charit sera sub-
ciel la
l'amour mystique
151
les
me
Christus.
manque jamais
d'agir
et
ce
ASCTISME ET MYSTICISME
152
Il
cette passivit.
On lit dans les uvres de sainte Gertrude (i, 16) qu'une de ses
surs connut par rv ation que tous les dons que Gertrude
avait reus de Dieu jusqu'alors taient peu de chose en comparaison de ceux qu'elle devait encore recevoir, et qu'elle arriverait une union si parfaite avec Dieu qu'elle ne verrait que ce
que Dieu voudrait voir par ses yeux, qu'elle ne dirait que ce que
Dieu voudrait dire par sa bouche et ainsi de tous les autres sens.
Je sentais Notre-S igneur en moi, raconte le P. Surin,
comme un souverain qui gouverne tout avec une puissance
je sentais
absolue, mais pieine de douceurs et de charmes;.
souvent qu'L faisait son plaisir de rgner sur tous les mouvements de mon me et de mon corps. Ii le faisait comme s'il et
.
paroles,
mon
Lui-mme.
La
vie de cette
SENTIMENTS MYSTIQUES
tristesse
mon
que
comme
153
II lui
d'amour.
Il faut donc, dans l'tat asctique, faire effort; il faut raisonner pour obtenir la lumire, il faut se faire violence pour avoir
la force d'agir. Sans doute, Dieu aide faire l'effort, mais la grce
dsire, la grce qui clairera grce qui fortifie ne vient que par
suite de cet effort. Si l'me voit devant elle un obstacle, ellcse raisonne, elle s'anime, elle se rsout se faire violence pour le briser;
ainsi elle obtient laborieusement la grce. Dans l'tat mystique,
surtout quand il a atteint son plein dveloppement, l'action
divine est plus prvenante elle devance nos dlibrations sans
que l'me raisonne, Dieu verse en elle une grce qui l'clair,
qui l'embrase; Il la sollicite, souvent II la pousse briser les
obstacles, ou plutt Lui-mme les brise, l'me n'est que son
instrument libre et heureux, car elle trouve paix et bonheur dans
les violences qu'elle s'impose, dans les souffrances qu'elle endure.
;
4.
on comprendra mal
ASCTISME ET MYSTICISME
154
Les
joies de
elle seule
est
SENTIMENTS MYSTIQUES
155
Ce trs suave
contemplation sont des joies d'amour infus
amour de notre Dieu entre dans Pme et y rpand une certaine
satisfaction profonde, sans que Ton sache d'o provient un si
grand bien. (Penses sur le Cant. iv, p. 248.) De cette grande
satisfaction qu'prouve l'me dans l'oraison de quitude je
conclus que la plus grande partie du temps la volont doit s'y
trouver unie^(par l'amour) Celui qui est seul capable de la
satisfaire. (Chemin, xxxi, p. 145.)
La paix mystique tant produite par l'amour n'est pas dtruite par les douleurs qui, parfois, accompagnent cet amour;
elle est, dans ce cas, difficile discerner, mais elle subsiste malgr la violence des peines, qui vont quelquefois jusqu' causer
l'me un vritable martyre.
172. A cette paix mystique peuvent s'ajouter d'autres joies
d'une grande suavit, telle la joie de se voir prs de Dieu, de
goter les charmes de sa prsence celui qui aime ne gote-t-il
pas un vrai bonheur par cela seul qu'il est prs de l'tre aim?
Telle encore la joie de Le savoir au dedans de soi-mme, de Le
possder par la communion; la joie d'tre aim de ce Dieu si
aimable, d'tre par Lui combl de bienfaits; la joie de Le savoir
si bon, si beau, si grand, si heureux; la joie de Le voir aim
par les justes de la terre, par les lus du ciel; la joie d'avoir
travaill pour Lui, la joie de souffrir pour Lui. Et ces joies,
qu'on pourrait, dans les tats infrieurs, acqurir par ia considration de ces mmes vrits, ont une suavit diffrente dans
l'tat mystique, quand c'est Dieu qui fait saisir ces vrits,
quand c'est Lui-mme qui communique l'me les joies qui y
:
sont jointes.
Cette intervention de Dieu est surtout manifeste dans la
dernire espce de joie que nous venons de signaler, cette joie
qui est occasionne par ce qui, autrefois, ne causait que des
peines, comme les humiliations, les souffrances. Les raisonnements les plus solides peuvent bien faire accepter avec rsignation les tribulations ,les mpris, mais non pas les faire aimer, au
moins d'un amour fort et durable, les faire dsirer, les faire
accueillir avec cette joie paisible, profonde, quelquefois dbordante, que Dieu communique ses amis souffrants.
Les joies mystiques peuvent donner lieu des transports;
plus gnralement, elles apaisent l'me, mais outre les joies,
ASCTISME ET MYSTICISME
156
l'preuve de l'impuissance
meure, ch.
157
ii.)
II
amne l'me
haute saintet.
5.
-f-
ASCTISME ET MYSTICISME
158
mour
ch.
l'preuve de l'impuissance
159
comme l'or du
y
glorificada, ce qui
si elle
mas afinada
restait inerte et
sans amour.
Il ne nous semble pas douteux que, dans cet tat d'apparente
impuissance, la volont, sous l'action de l'Esprit-Saint, persiste
dans une disposition libre d'amour de Dieu avec des rsolutions
fermes et un abandon absolu la volont divine. Si elle ne
ressent pas la joie d'aimer, elle aime cependant son insu et
d'un amour trs mritoire, ne se rait-ce que par cet attachement
la volont divine, que Dieu lui communique et qu'elle accepte
pleinement, sans bien pouvoir s'en rendre tmoignage. Dans
tous ces tais d'preuves mystiques les dons du Saint-Esprit
continuent d'oprer : ainsi dans ces mes entnbres le don
d'intelligence maintient cette haute ide de Dieu que les raisonnements ne procurent pas; le don de science leur rvle leur
misre et le nant de toute crature le don de force les soutient,
seul il les rend fermes et constantes.
177. L'tat mystique peut trs bien subsister au milieu des
tentations les plus envahissantes, alors mme que l'me se croit
devenue la proie des vices les plus tyranniques. N'est-ce pas
comme une rgle de la vie spirituelle que beaucoup de vertus ne
s'affermissent que grce aux tentations qui les battent en brche
et que l'on n'arrive l'hrosme que par suite de combats
;
ASCTISME ET MYSTICISME
160
Influence
6.
aux mes
De
161
la droiture de volont et
passions et des attaches
naturelles, lui communiquent une grande rectitude de jugement.
179. Il faut noter, cependant, que ces hautes lumires n'empchent pas toute erreur; certains faits d'ignorance ou d'erreur,
qui, du reste, ne diminuent pas le mrite, peuvent se rencontrer
chez les plus saintes mes. Saint Alphonse Rodriguez, ayant
reu de son suprieur l'ordre de manger une assiette de soupe,
raclait son assiette, ne distinguant pas entre le contenant et le
contenu. Une autre fois, il refusait obstinment d'ouvrir la
porte au vice-roi et l'vque, qui venaient assister une tragdie, parce que son suprieur, qui ne croyait pas que ces hauts
personnages arriveraient si tt, voulant viter l'invasion de la
foule, avait fix une heure un peu plus tardive pour l'ouverture
des portes. Le Saint tait favoris de trs hautes lumires sur la
grandeur et le prix de l'obissance, mais il y avait en lui erreur
de jugement sur la manire d'obir.
Ce qui arriva au P. Surin est plus extraordinaire encore. Pendant plusieurs annes, tout en conservant dans le fond de son
me des dispositions hroques, il se croyait damn sans rmission et draisonnait tel point que les personnages les plus
graves le regardaient comme fou. Non seulement son imagination tait gare, mais sa raison mme tait partiellement
aveugle. Pendant tout ce temps, dit-il, j'avais une notion
de la grandeur et de la majest de Dieu, qui ne sortait presque
point de mon esprit et m'accablait de son poids (ch. x). Il y
avait en mme temps, en quelque autre partie de mon intrieur,
un amour intime pour Jsus-Christ... Mon me ne perdit
jamais l'attention Dieu, ni le dsir de faire ce que je croyais
tre sa volont.
elle dsirait se conformer Jsus-Christ, se
livrait Lui pour honorer les dlaissements et les abattements
de sa Sainte Humanit (ch. vin). (Hist. abrge de la possession, etc., 3 e part., 1. I.) Sa raison, affaiblie, trouble par le
dmon et, semble-t-il aussi, par la maladie, ne voyait pas que la
persuasion continuelle qu'il avait de sa damnation tait en
contradiction avec les ides trs justes qu'il avait de la bont, de
la saintet de Dieu. Il tait la fois trs fou et trs sage, trs
mpris des hommes et trs mritant devant Dieu.
de l'influence
l'affranchissant
E. M.
des
ASCTISME ET MYSTICISME
162
7.
Les
seul?
xiv,
9.)
163
second.
Les convoitise^ de l'me peuvent se porter vers les biens
vritables, comme vers les faux biens et les jouissances illicites
qui sollicitent la nature; de mme, ses rpugnances peuvent
avoir pour objet des maux vritables, mais aussi ce qui n'est
un mal qu'en apparence et qui, aux yeux de la foi, est un avantage, par exemple la douleur. Les passions peuvent donc s'mouvoir justement, comme elles peuvent, au contraire, poursuivre
de faux biens ou s'opposer avec violence des maux qui ne sont
pas de vrais maux. Dans ce dernier cas, elles sont en rvolte
contre la raison et contre la foi.
devant
les
mmes,
biens ou les
maux
elles-
elles
On compte
la fuite
ou rpulsion,
dsespoir,
la joie
l'amour, la haine,
ou dlectation,
l'audace, la crainte,
la
colre.
le dsir,
la tristesse, l'esprance, le
164
ASCTISME ET MYSTICISME
165
ne laissa-t-Il pas, en maintes circonstances, clater son indignation devant l'hypocrisie des pharisiens et mme une sainte
colre en voyant profane la maison de son Pre?
Les mystiques, plus encore que les autres chrtiens, reschez eux, les passions de l'me
semblent Notre-Seigneur
bien diriges sont des principes de force et non de faiblesse. Aussi
trouve-t-on parmi eux des artistes, des potes, des orateurs leur
parole a souvent les accents d'une loquence forte et touchante,
et la plupart excellent communiquer leurs auditeurs les
saintes motions qu'ils prouvent.
:
CHAPITRE XV
Lumires,
joies,
amour mystiques
183. Sainte Vronique Juliani, aprs avoir racont qu'elle
Aprs ces
avait eu des tentations de gourmandise, ajoute
:
166
VNRABLE MARIE DE
raison de ce que
je ressens est
mon Dieu
opre dans
mon
167
(Ibid., p. 740.)
peu peu
il
devient
L'me, se
nager dans les suavits et la paix; elle voudrait toujours demeurer dans cette mer
de la divine grce; elle dcouvre que cette mer est le divin
amour et elle se sent transporte par les flots imptueux et
furieux sur divers rivages, c'est--dire dans des connaissances
varies. D'abord Dieu lui fait connatre que ce premier ruisseau
qu'elle sent dans son cur est un premier message de l'amour
divin. Quand ensuite ce ruisseau devient un fleuve, c'est que
peu peu l'amour divin se dilate, s'tend, commence prendre
possession du cur; l'me se sent de plus en plus illumine,
peu peu elle devient comme une mer, ce qui a lieu quand
l'amour a pris possession du cur. Alors l'me reste l, nageant
tout en paix dans cette mer infinie. (Ibid., p. 756.)
s'tend, il se dilate dans toutes
voyant entoure des ondes clestes,
il
les puissances.
se sent
La Vnrable Marie de
168
satisfaite,
mouvement.
VNRABLE MARIE DE
'
1 1\
A R N A T 10 N
169,
tel
90, 91.)
si
secrtes
caches l'me mme, qu' peine en dcouvrait-elle les vestiges. C'taient des touches intrieures et des
coulements divins si subtils, si intenses, si intimes et si imperceptibles qu'il semblait l'me qu'elle tait absente de son
Bien-Aim, ou, s'il tait proche, elle avait les mmes souhaits
que l'pouse des Cantiques et l'invitait, Lui disant comme elle
Venez, mon Bien-Aim, venez en mon jardin. Alors elle reconnaissait qu'il tait proche d'elle et elle entendait sa voix, qui
n'tait autre chose qu'une manfestation de Lui-mme faite la
drobe, qui la faisait tressaillir d'aise et lui faisait dire par ses
J'entends la voix: de mon Bien- Aim; voil
lans amoureux
qu'il regarde; Il est derrire la muraille, Il me regarde au travers des treillis. Or dans cette manifestation la chose se passait
de la sorte cette muraille et ces treillis taient la grande distance qu'il y avait entre Dieu en ses grandeurs et l'me en sa
bassesse; nonobstant quoi II en tait, ce me semblait, si passionn qu'il en voulait faire les approches et, comme l'me se sentait
attire passivement par l'excs de l'amour, elle tait contrainte,
quoiqu'elle et la vue de sa bassesse et de son nant, de pousser
ses lans conformment cet attrait, sans pouvoir en aucune
faon y rsister... Ces touches divines si dlicates, mais trs
crucifiantes, sont une purgation d l'intime de l'me pour la
rendre digne d'tre la couche royale de l'poux. Je me suis vue
jusqu' la dfaillance l'aspect de la grandeur de sa Majest,
et
si
170
si
Pme en
'
p. 132.)
<
171
(Vie, p. 174.)
Ailleurs, elle raconte
une autre illumination, qui lui fit condu Verbe en elle, et l'embrasement d'amour
qui accompagna cette lumire
Le jour du Mariage de la
Sainte Vierge, j'eus une connaissance trs sublime du Verbe
divin prsent au plus intime de mon me. Cette vue intellecnatre la prsence
si
172
je
pus me contenir ni m'empcher d'clater.
tonnant qu'on puisse se possder dans de pareils
tats, tant la grce est abondante et submergeante. (Ibid.,
comment
p.
est fort
249.)
me
J'ai reu, ce
4.
173
Joies mystiques
174
une
On
5.
Joies, peines
mys-
tiques.
Un vendredi, raconte-t-elle, ayant reu mon Sauveur, Il
mit ma bouche sur la plaie de son sacr cl, m'y tenant serre
fortement l'espace de trois ou quatre heures, avec des dlices
que je ne puis exprimer, entendant continuellement ces paroles
Tu vois maintenant que rien ne se perd dans la puissance et que
tout se trouve dans ma jouissance. (Cont., n 280, p. 263.)
Quand mon Souverain, dit-elle ailleurs, voulait me gratifier
de quelque croix nouvelle, Il m'y disposait par une abondance de
caresses et de plaisirs spirituels si grands, qu'il m'aurait t
impossible de les soutenir s'ils avaient dur. (Autobiogr.
:
n 110, p. 116.)
Ce que dclare ici sainte Marguerite-Marie se rencontre soul'exprience le prouve
dans la vie des mes contemvent
joies et douleurs mystiques alternent, les unes
platives
prparant et pour ainsi dire annonant les autres. Une des
peines mystiques que cette fidle pouse de Jsus endura le
plus souvent, fut celle que lui faisait prouver l'intelligence trs
Dans la previve qui lui tait donne de la saintet de Dieu
mire solitude qui suivit ma profession, raconte-t-elle, les deux
ou trois premiers jours, cette saintet divine s'appesantit et
:
SAINTE MARGUERITE-MARIE
s'imprima
me
si
175
que
je sentais, si
mme
la
Voir dans
le
comment
grandeurs de Dieu et en
la grce
mme temps
mystique
l'embrasait
d'amour.
* Allusion vidente un clbre passage de saint Bernard
d'Union, n 163).
(Cf.
Vie
176
7.
Zle, lumires,
amour,
dsirs,
martyre mystiques
unes
zle
Je sens que
c'est
pour sa gloire
et ce
chacune
et
II
non vision
177
don
mon
J'ai
du
La
i,
23.
178
sume de
suffoque, et
comme
raisonnements?
CHAPITRE XVI
Notion gnrale
NOTIONS GNRALES
179
lettre le
Je dors, mais
privilge.
180
2.
Vues angliques
197. Quand une me fidle est leve cet tat anglique, elle
peut embrasser d'un seul regard de son intelligence un horizon
si vaste, elle peut saisir des vrits si tendues que de longs
discours ne suffiraient pas les exprimer. Et ce n'est pas seulement en raison de leur profondeur et de leurs richesses, c'est
plus encore cause de leur nature que les connaissances purement intellectuelles sont impossibles traduire en langage
humain, les conceptions forcment circonscrites que nous pouvons avoir en notre tat actuel tant trs diffrentes de celles
qu'ont les anges et que nous-mmes nous aurons ds que notre
me
mmes.
181
La Vnrable Marie de
En un moment,
vues angliques sur la Trinit
raconte-t-elle, mes yeux furent ferms et mon esprit lev et
absorb dans la vue de la Trs Sainte et Trs Auguste Trinit,
d'une manire que je ne puis exprimer. En ce moment, toutes
les puissances de mon me furent arrtes et ptissantes dans
Y impression 1 qui leur tait donne de ce sacr mystre, laquelle
impression tait sans forme ni figure, mais plus claire et plus
intelligible que toute lumire, me faisant connatre d'abord
que mon me tait dans la vrit, puis, en un moment, me faisant voir le divin commerce que les trois divines Personnes ont
ensemble, l'intelligence du Pre, qui, se contemplant soimme, engendre son Fils, ce qui a t de toute ternit et sera
ternellement. Mon me tait informe de cette vrit d'une faon
ineffable qui me fit perdre toute parole, car elle tait abme
dans cette lumire. Ensuite, elle voyait l'amour mutuel du
Pre et du Fils produisant le Saint-Esprit, ce qui se faisait
par un rciproque plongement d'amour, mais sans mlange et
sans confusion
je recevais l'impression de cette production,
entendant ce que c'tait que spiration et production, spiration
active et spiration passive. Mais la puret de cette spiration
et production est si haute et si sublime que je n'ai point de
terme pour le dire ni pour l'exprimer. Voyant les distinctions,
rise de ces
1
Les mystiques, surtout au xvn e sicle, emploient volontiers ce
terme
impression , pour signifier une ide infuse
anglique ou
mystique
qui, sans qu'on la cherche, vient s'imprimer dans l'intel:
ligence.
182
soit hors
d'elle-mme
Dans le mme
attrait et
dans
la
mme
ch. ix.)
jouit
183
veilleuse.
3.
199.
La
Actes d'amour
et
sentiments angliques
hommes, elle
1
Relation, xvi, p. 50. Dans la traduction nouvelle faite
mlites, c' st la Relation xiv.
par
les
Car-
184
les
phnomnes mystiques
et
il
lit
de
faire le discernement.
si
La
vite
sainte emploie le
il
mot
SENSATIONS SPIRITUELLES
185
quitt le corps.
m.)
passait souvent
devant le Saint Sacrement. A certaines poques, elle y
sommeillait pendant quelques instants, quelques heures tout
au plus; mais toujours, mme pendant cette somnolence,
l'poux cleste lui a accord cette grce singulire que son cur
continuait veiller en lui restant uni par un sentiment d'adoration et de religion. Et cette union intime, cette continuit
d'adoration en la prsence de Dieu continuait le jour au milieu
la nuit
4.
201.
Sensations spirituelles
186
l'intelligence
beau
et
ressentir,
et xi.
2
Qu'on nous pardonne cet assemblage de deux mots qui semblent
jurer de se voir accoupls. Mais, pour dsigner ces phnomnes extraordinaires, les termes font dfaut. Le lecteur comprendra que nous prenons le mot sensation dans le sens vulgaire, signifiant plaisir ou douleur, et non dans le sens philosophique de perception sensible. Dans les
Grces d'oraison, le P. Poulain admet une sensation spirituelle analogue
aux sensations qui nous permettent de percevoir les objets qui nous
entourent, il prend le mot de sensation spirituelle dans le sens philosophique de moyen de perception; tout autre est le sens que nous donnons ici ces deux mots par l, nous entendons les motions agrables
ou pnibles qui peuvent tre ressenties dans la nature spirituelle. Disons,
pour parler comme les philosophes, que les sensations de plaisir et de
douleur ne manifestent qu'un tat du moi; la perception, au contraire,
:
fait saisir le
non-moi.
SENSATIONS SPIRITUELLES
187
volont.
(Relacion v. p. 36.)
Sainte Vronique Juliani raconte comment Notre-Seigneur
la fit participer aux douleurs de la Passion; et les douleurs
qu'elle dcrit semblent bien avoir t la fois des peines
d'amour et des sensations spirituelles semblables celles dont
vient de parler sainte Thrse Notre-Seigneur me fit pntrer
-
un peu dans
188
SENSATIONS SPIRITUELLES
joie
mon intrieur,
189
plaies,
vous
me
Parmi
phnomnes
anglique.
ces
sensations spirituelles.
en met
le sige
LES EXTASES
190
le
saint auteur
CHAPITRE XVIII
Les extases
er
1 .
Action sur
les
absorption
et
ligature
204. Dans tous les genres d'oraison que nous avons dcrits
abstraction faite de l'tat anglique
plus haut
l'homme ne sort pas de sa condition normale; s'il est parfois
tellement absorb qu'il faut un effort pour attirer son attention.
1
ces sentiments, tout en
Les premiers diteurs avaient ajout
ayant leur sige dans la volont, sont si intenses, si levs, si profonds
et si secrets qu'ils ne semblent pas la toucher, mais se produire dans la
substance mme de l'me . Il est certain que l'on se tromperait si
l'on mettait le sige de ces sentiments dans la substance; nous agissons
et nous souffrons par nos facults; except en Dieu, qui est l'acte pur,
et dont la puissance se confond avec son essence, la substance ne peut
tre principe d'opration, active ou passive. S. Th. I. q. 77 a. 1. Les
mots ajouts expriment bien la pense de saint Jean de la Croix, car
il dit immdiatement aprs que ces sentiments, qui sont dans la substance de l'me, appartiennent non seulement l'intelligence, mais
:
crit.
t.
I,
264, 265.
ABSORPTION ET LIGATURE
191
il
2. q. a 3. Cf., 2. 2. q. 175. a
Vie d'union, n 218.
1.
2.
LES EXTASES
192
comment l'tat
bien
du sommeil hypnotique, de
comme dans
c'est
les tats
au contraire
la vie spirituelle
perfection.
Cependant, nous
le disons encore
l'extase n'est pas une
d'un tat mystique trs lev; Dieu peut
avoir ses raisons de produire l'extase et ces raisons sont souvent
des motifs extrinsques, indpendants de l'intensit des grces
mystiques. L'tat extatique de Bernadette, Lourdes, frappait
les multitudes et aidait les mes droites croire qu'il y avait l'
du surnature]. Un jour, dit sainte Thrse, que j'tais chercher quelle pouvait tre la raison pour laquelle je n'avais presque
Mainplus de ravissements en public, j'entendis ces paroles
tenant, ce n'est plus opportun, tu as assez de crdit pour ce que
je prtends; nous avons gard la faiblesse de ceux qui sont
malicieux. (Relacion xn, t. II, p. 46.) Aussi faut-il admettre
que nombre de Saints qui n'ont eu que peu ou point d'extase,
ont eu des grces mystiques tout aussi leves que d'autres
mes dont la vie fut une suite de ravissements.
marque
infaillible
ABSORPTION ET LIGATURE
193
nuer ses oprations, les sens aussi peuvent agir. {Ibid., xvn, 10.)
Alors donc, moins que Dieu ne produise l'extase par une
action directe sur les sens, l'me, tout naturellement, accomplira ces deux sortes d'oprations et rien ne pourra faire souponner au dehors les merveilles de grce qu'elle reoit et les
actes minents qu'elle accomplit.
Saint Jean de la Croix semble bien attribuer l'extase l'ac Le Bien-Aim,
tion des lumires mystiques, quand il dit
accdant aux dsirs de l'me, lui a dcouvert quelques rayons
de sa grandeur et de sa divinit, et cette communication s'est
faite d'une manire si leve et avec une si grande force qu'elle
a fait sortir l'me d'elle-mme par un ravissement extatique.
:
(Cantiq.,
xm,
p. 227.)
Il
l'me des sens, parce que, si, sans perdre l'usage de ses sens, elle
se voyait si prs de cette grande Majest, peut-tre ne pourraitelle continuer de vivre.
Cette action divine sur le corps est manifeste quand il est
soustrait aux lois de la nature
Souvent, dit sainte Thrse,
mon corps devenait si lger qu'il n'avait plus de pesanteur,
:
Diario,
E.
i.
M.
p. 292.
LES EXTASES
194
1
Le D r Imbert-Gourbeyre donne les noms de soixante-six serviteurs
de Dieu qui eurent des extases ascensionnelles .
2
On trouvera une bonne tude de ces phnomnes dans l'ouvrage
La stigmatisation, V extase divine.
dj cit du D r Imbert-Gourbeyre
:
ABSORPTION ET LIGATURE
195
tion.
Le corps
209.
malgr
lui
196
LES EXTASES
qu'il
ch. xxi.)
2.
La
aux
tats extatiques
210. Cette action de Dieu sur le corps, liant les facults sen-
comme
se rencontre
la quitude. Il
ABSORPTION ET LIGATURE
197
dit-elle.
(Ibid., p. 145.)
un cas frquent
Ne
signale-t-elle pas,
et certes
il
est frquent
du
reste,
comme
la persistance
LES EXTASES
198
3.
Pendant que
d'agir,
que
les
se passe-t-il
I,
p.
70-71.)
199
pro-
commucomme nous
et II
commence
lui est
prpar.
L'amour
lui
du royaume qui
n'est pas
de lumires, mais
il
qu'il est
accompagn
ou plutt l'me
Le vol de l'esprit dont parle ici saint Jean de la Croix n'est pas le
ravissement imptueux que sainte Thrse appelle de ce nom, mais,
comme il le dclare ici-mme, une illumination de l'entendement.
1
LES EXTASES
200
se
1
je considrais le Bien immense
me possde et savoure quand elle a reu
O amour, amour Gomme je poussais ce cri,
peu
recueillie
notre
et infini
que
Jsus-Hostie.
il me sembla
comprendre quelque' peu l'union amoureuse des trois Personnes divines j'avais, en effet, une certaine
lumire intrieure sur les oprations d'amour entre les divines
Personnes, qui sont^ toujours oprantes et communiquantes.
De leur opration et communication les mes aimantes reoivent
comme une petite participation; et aussitt que l'me entrevoit
!
que l'amour
me
faisait
La
201
LES EXTASES
202
de
p.
sit, la force et la
il
me semble impossible
me dans mon
Quant
esprit.
me
ce
diriez
j'ai
203
vu.
Tout
p.
762, 766.)
sors de
du 15
avril 1571.)
1
Tutto cio
perception.
le
viene
fede.
LES EXTASES
204
il
lui
comme
veut,
Il les fait
quand
205
de justice
le Soleil
le
que je dis durer peu de temps. ( Vie, xx, p. 153.) Ainsi expfiquet-on que les extases peuvent se prolonger; si l'tat extrieur de
-l'extatique reste le mme, il passe intrieurement par des tats
parfois, toutes les puissances sont suspendues
fort diffrents
et l'me ne fait plus que savourer son amour; plus souvent,
l'entendement reoit des lumires, et les penses et les solfrenirs
:
se succdent.
si elle
n'tait le-
Cf.
M. Ribet,
t.
II, p.
391.
LES EXTASES
206
4.
Fin de V extase
Le rappel
veut et la
1
M. Ribet
Langeac.
cite sainte
Madeleine de Pazzi
et la
quando
vult et
quomodo
vult.
Bona. De
207
de Lui
le
droit de
commander.
Si le
commandement
est
mental,
Dieu, qui
le
commandements humains.
218. Le rappel, s'il est brusque, est souvent douloureux; aussi
du moins nous en savons des exemples
semble-t-il meilleur
monde
il
a t
command
Dans
ce
condition
fait la crature.
rappel, comme dans l'ordre d'entrer en extase, ce
n'est pas l'extatique qui obit, c'est Dieu qui agit. Le souverain
respect qui Lui est du exige que l'ordre ne soit donn que pour
Dans
le
LEURS EFFORTS
208
C'tait lorsque les dmons, qui les possdaient, les tourmentaient outre mesure et empchaient l'exorciste de les soulager,
que celui-ci ordonnait ces mes de partir en Dieu, si tel tait
le
5.
Effets de V extase
219. Par les descriptions que nous avons rapportes, le lecteur a pu se convaincre que les grces que- l'me reoit dans
l'extase ne diffrent pas des autres grces, ordinaires ou extraordinaires, que Dieu peut aussi bien dpartir en dehors de l'extase.
Parfois, l'me favorise de ravissements a des visions
les
Anges, les Saints, Marie, Notre-Seigneur lui apparaissent et lui
parlent; souvent, elle y est leve l'tat ang^ique; mais,
souvent aussi et plus souvent perU-tre, elle reoit ces lumires
mystiques et ces impulsions, ces jouissances d'amour, que
d'autres mes reoivent sans perdre l'usage de leurs sens.
:
de merveilles et ose
regarder; enfin, un souverain mpris pour toutes les
choses de la terre, except celles qu'elle peut consacrer au service d'un si grand Dieu. (VI e Demeure, V, 12).
mme Le
209
CHAPITRE XVIII
220. On englobe souvent parmi les grces mystiques des phnomnes extranaturels, comme visions et rvlations, qui en
sont trs diffrents. Les grces mystiques, tant des grces de
lumire et d'amour, sanctifient ncessairement ceux qui les
et il faut en dire autant des rvlations
reoivent les visions
ne sont pas des moyens directs de sanctification Nec faciunt
sanctum, nec ostendunt; elles ne donnent pas la saintet ni ne
la prouvent; autrement, Balaam et t saint et mme son
nesse, car l'nesse elle-mme eut la vision de l'ange Alioquin
Balaam sanctus esset et ejus asina qu vidit angelum l Nous
avons cit le mot trs juste de sainte Thrse, dont nous avons
Quant ce
eu, nous aussi, l'occasion de vrifier l'exactitude
qui est de mriter davantage, cela ne dpend point de ces sortes
de grces, puisqu'il y a plusieurs personnes saintes qui n'en ont
jamais reu et d'autres qui ne sont pas saintes qui en ont reu.
VI e Demeure,
1 Dans
notre premire dition nous avions attribu ces mots
saint Bonaventure. Le livre d'o ils sont tirs : De profectu religiosorum,
a t souvent attribu ce saint docteur, mais il est de David d'Augsbourg, franciscain, qui le composa vers l'an 1240. Il y eut cette poque
une vritable pidmie de fausses visions et de fausses prophties,
comme en tmoigne cet auteur Vaticiniis jam usque ad fastidium repleti sumus, quibus etiam viri graves et devoti plus quam oportuit creduli
extiterunt.
k
:
RVLATIONS PRIVES
210
Incarn, qui fut pour les uns une cause de rsurrection spirituelle, fut pour les autres l'occasion d'une ruine plus complte
Positus in ruinam et resurrectionem multorum. Ceux qui reoivent
les visites et entendent les paroles des Anges, des Saints, de
:
1
Ces objets et ces tres qui sont ainsi perus '$ffftvent fort bien tre
peints dans la rtine du voyant, soit qu'il s'agisse de visions clestes
ou d'apparitions diaboliques, car il arrive parfois que les assistants aper-
211
formes corporelles et se montrer aux yeux, qui peuvent galement former dans l'imagination des reprsentations et produire
des visions imaginatives, ne peuvent donner des visions intellectuelles. Dieu nous ayant tablis dans l'tat o nous sommes
et dans lequel l'me ne peut agir indpendamment du corps.
Lui seul peut changer cet tat, mme momentanment, et lever l'me humaine au rang des purs esprits.
222. Les mes les moins vertueuses, les pcheurs eux-mmes,
aussi les plus grands Saints, peuvent avoir des visions
corporelles et imaginatives. Les mes avances, remarque
saint Jean de la Croix, sont plus souvent favorises de visions
imaginatives que de visions extrieures et corporelles (Monte,
II, 14, p. 167). Mais ces mes seulement que Dieu lve
l'tat anglique peuvent avoir des visions intellectuelles, et
il n'y a pas d'exemple, croyons : iious, que Dieu ait accord cette
faveur a des mes qui ne fussent pas encore entres dans l'tat
mystique et chez qui, par consquent, les puissances suprieures ne fussent pas dgages de la domination des facults
comme
sensibles.
avec
Il
les
oivent dans l'il du voyant une modification anormale qui les avertit
de la vision. Les phnomnes de vue distance, sur lesquels on a beaucoup crit, semblent bien tre des visions imaginatives produites par
des anges ou des dmons. Nous savons des cas trs certains o des vues
de scnes loignes et mme futures furent ainsi produites par des tres
surhumains, esprits bons et esprits mauvais. Il est trange que des
savants catholiques s'vertuent trouver ces phnomnes des explications naturelles sans paratre mme souponner que les anges et les
dmons peuvent en tre les auteurs.
RVLATIONS PRIVES
212
d'aprs lui, ce serait par une vision intellectuelle que les Mages
auraient compris ce que signifiait l'toile. C'est possible, mais
rien ne le prouve. Les lumires que l'Esprit-Saint communique
par ses dons, les penses qu'il met dans l'esprit avec une clart
parfois blouissante et une conviction ferme de leur vrit,
comme celles qu'inspirent les saints anges, sont bien dans l'intelligence mais celle-ci saisit les vrits sans sortir de son tat normal d'intelligence humaine elle est donc trs loin de connatre
et de penser la faon des purs esprits. Il y a, dans ce cas, illumination, c'est--dire impression ou infusion d'ides, il n'y a pas
vision intellectuelle ou anglique. Est-ce de cette faon ou par
vue anglique que Daniel et les Mages furent clairs, l'criture
ne nous fournit sur ce point aucun indice. Les mes leves
l'tat anglique' ont souvent les deux visions ensemble ; sainte
;
Paroles surnaturelles
parler.
PAROLES SURNATURELLES
213
l.
RVLATIONS PRIVES
214
communique
amiti.
ses
secrets
et
tmoigne
lui
une
si
grande
Monte,
Dieu
Jean de
la
PAROLES SURNATURELLES
Tant
les rgles
du discernement des
esprits
215
-exposes ailleurs K
3 Les paroles auriculaires divines appartiennent la voie
extraordinaire elles sont rares nous n'avons rien de particulier
;
en
dire.
le
son de voix
qui frappe nos oreilles que la parole vient d'un tre qui n'est pas
nous, mais nous le comprenons tout aussi bien parles ides qui
nous sont suggres et que nous discernons trs aisment de
celles qui viennent de l'activit de notre esprit. Ces paroles
surnaturelles s'imposent, l'me ne peut pas ne pas les entendre
pour celles qui frappent les sens on peut en se bouchant les
oreilles ne pas les entendre; pour celles qui viennent frapper
l'imagination, rien ne peut les empcher d'entrer dans l'esprit 2
Enfin 5 les paroles intellectuelles sont trs improprement
appeles des paroles ce sont des lumires angliques qu'aucun
mot ne peut rendre; si l'me les traduit ensuite en langage
humain, ce qui n'est pas toujours possible, la traduction est
forcment trs imparfaite.
226. Les paroles ne sont pas lies aux visions, elles peuvent
;
les
Parfois donc
distinctes.
et paroles,
216
prciser le
mode.
CHAPITRE XIX
Faits historiques
FAITS HISTORIQUES
Sous Pancienne
loi trs
217
mme
218
apparu dans
le
FAITS HISTORIQUES
iations
qui
produisirent
de
merveilleux
219
fruits
dans
i'-
glise.
cienne, la B. Julienne du Mont-Gornilon. Cette sainte religieuse eut en 1208, l'ge de seize ans, ses premires visions.
Elle tait morte depuis six ans quand, en 1264, Urbain IV, qui
l'avait connue Lige, en 1246, et avait examin ses rvlations,
donna la Bulle qui institua la fte demande par le Seigneur;
en 1312 le concile de Vienne confirma la Bulle d'Urbain IV, et
ce fut seulement cinquante-deux ans plus tard, en 1316, centhuit
ans aprs les premires visions, quand Clment
eut renouvel
le dcret d'Urbain IV, que cette fte fut solennellement clbre.
Nos lecteurs savent comment le Cur de Jsus ne pouvant
plus, selon ses propres paroles, contenir en lui-mme les flammes
de son ardente charit voulut les rpandre par le moyen
de sa fidle servante, sainte Marguerite-Marie et se manifester aux hommes pour les enrichir de ses prcieux trsors et
les retirer de l'abme de perdition . Ils savent comment il
demanda cette humble religieuse que le premier vendredi
d'aprs l'Octave du Saint Sacrement soit ddi une fte parti-
culire
220
FAITS HISTORIQUES
221
par Notre -Seigneur pour lui dire de travailler avec plus d'nergie
la rforme de l'glise. Personne tout d'abord ne voulait croire
sa mission. Le Pape la fit examiner par des cardinaux, des
thologiens, et plus spcialement par saint Philippe Nri qui,
aprs sept mois d'preuves et d'examens, reconnut que la Bienheureuse tait conduite par l'Esprit de, Dieu 1 Le Pape tint
compte de ses avertissements l'uvre de la rfprmation fut
mene avec beaucoup plus de vigueur et produisit de trs grands
fruits. De nos jours les rvlations de la Salette, de Lourdes, de
Pontmain, qu'il nous sufft de mentionner, ont rappel aux
chrtiens oublieux de leurs devoirs, qu'ils devaient observer les
commandements divins, prier et faire pnitence, s'ils voulaient
chapper aux chtiments clestes. De combien de grces ces
apparitions de la Trs Sainte Vierge n'ont-elles pas t l'occa.
sion?
Parmi
les
compter
le
l'institution des
celles
qui jamais ne
er
t. 1
,
222
Dvotion au Sacr-Cur,
1.
II,
pp.
FAITS HISTORIQUES
2.
223
les rvlations
prives
aliquando et non
d'obir? Il n'est pas rare, rpond de Lugo,
qu'il y ait pour lui obligation de croire au fait mme de
raro
la rvlation et aux vrits qui lui sont manifestes et d'obir
aux ordres qui lui sont donns. Sans doute il n'y a pour lui
obligation que s'il y a certitude, mais les motifs de croire
peuvent tre tels que tout doute prudent soit rendu impossible;
celui qui alors refuserait de croire et d'obir manquerait de
respect et de soumission Dieu et pcherait gravement \ Si les
preuves ne sont pas de nature apporter dans l'me une pleine
Cf.
Lugo De Vin.
servorum Dei
2
Telle est
omnino
Fid. div. D.
beatificatione,
du moins
1.
l'opinion
commune
Hc
Benot XIV,
De
224
peut tre
le
Abraham, qui
cette promesse; il en est lou par l'criture : creet reputatum est illi ad justitiam (Gen. xv, 6).
Il avait dj auparavant acquis de grands mrites par sa foi et
sa docilit la voix de Dieu, qui lui avait fait quitter son pays
et sa parent, sans lui dire o II voulait le conduire
Fide qui
vocatur Abraham obedwit in locum exire quem accepturus erat
in hreditatem et exiit nesciens quo iret (Heb. xi, 8).
Mme si le croyant mle le faux au vrai dans les choses auxquelles il donne son assentiment, mme s'il ne distingue pas ce
qui est vraiment rvl des conclusions qu'il en tire et qui ne
sont pas toujours justes, ou des crations de son imagination,
l'acte d'adhsion ce que Dieu lui a dit reste un acte de foi.
Il en est pour lui comme pour les protestants sincres
Newman,
Faber, Manning avant leur conversion croyaient la divinit de
Jsus-Christ et la lgitimit de l'glise anglicane dans le premier cas, ils faisaient avec l'aide du Saint-Esprit un acte surnaturel; dans le second cas, sans s'en rendre compte, ils faisaient
un acte purement naturel et erron; le concours de la grce
leur faisait dfaut et le motif de leur croyance n'tait plus le
ajouta
didit
foi
Abraham Deo
mme.
234. S'il arrive assez souvent que l'on doive croire la rvil est plus rare que l'on soit oblig de
croire
tiers et
transmise par
lui
si
catholique, puisque celuil mme qui reoit la rvlation ne fait pas cet acte de foi catholique. L'glise, en effet, alors mme qu'elle approuve des rvlations prives, dclare seulement qu'elles ne contiennent rien
de contraire au dogme et la morale et qu'on peut les croire
foi
FAITS HISTORIQUES
225
On en donne
chtiment svre inflig l'officier de Joram,
qui avait refus de croire la prophtie d'lise (IV, Rois, vu).
En punition de son incrdulit, il mourut le lendemain, cras
par les habitants de Samarie, qui couraient en foule au camp des
Syriens pour se procurer des vivres. N'et-on mme que des
prsomptions, mais des prsomptions srieuses, on serait
reprhensible, si on ne voulait en tenir aucun compte et sans
les examiner tenir les messages divins pour non avenus; ce
serait dire Dieu au cas o il y aurait en ceci une grce offerte
par vous, je refuse d'en profiter; au cas o il y aurait dans ce
qui m'est propos une manifestation vritable de votre volont,
parl, cette obligation peut exister par ailleurs.
comme preuve
le
je refuse d'obir.
M.
226
la sainte son heure d'oraison. Sept ans plus tard la Mre Melin
communion du premier vendredi
du mois que Notre-Seigneur lui a demande; aussitt une des
religieuses, la sur Franoise-Rosalie Verehre, tombe malade.
Dis ta suprieure
Notre-Seigneur dit Marguerite-Marie
qu'elle m'a fait un grand dplaisir de ce que, pour plaire la
crature, elle n'a point eu de crainte de me fcher en te retranchant la communion que je t'avais ordonn de faire... En
mme temps qu'elle t'a dfendu d'accomplir rfia volont en cela,
je me suis rsolu de me sacrifier cette victime, qui souffre maintenant. La malade ne gurit que lorsque la Mre Melin eut
rendu sa sainte Fille la communion qu'elle avait interdite.
236. Prophetias nolite spernere : ne mprisez pas les prophties, dit l'Aptre (I, Ths, v). Plus Dieu tmoigne de condescendance, plus on doit se montrer reconnaissant et docile; s'il fait
des grces qui tiennent du miracle, n'est-ce pas ingratitude et
folie de les rejeter? Saint Paul avait donn aux marins qui
l'emmenaient captif Rome un conseil qu'ils ne suivirent pas;
s'ils l'avaient cout, ils n'eussent pas perdu leur navire (Actes
xxvn, 21). Sainte Thrse regretta amrement de n'avoir pas
cru la premire apparition de Notre-Seigneur, qui eut lieu
presque au dbut de sa vie religieuse, en 1537. Plt sa divine
Majest, dit-elle, que j'eusse compris, comme je l'ai compris
depuis, que cette vision tait vritable; elle ne m'et pas t
de peu de profit l Vers la fin de sa vie, elle se flicite d'tre
Les paroles intrieures ne cessent point, critplus docile
elle; quand il en est besoin, Notre-Seigneur me donne quelques
conseils; et mme prsentement, s'il ne l'et pas fait, nous
aurions fait ici Palencia une grosse bvue 2 . Notre-Seigneur
en effet, l'avait empche d'acheter, pour fonder un monastre
la maison qu'elle avait en vue, et, lui en dsignant une autre
celle-ci te convient, lui avait-Il dit, on ne sait pas combie
Je suis offens en ce lieu, cet tablissement y apportera un gran
remde. La Sainte craignit un instant d'tre victime d'un
Cependant, dit-elle, l'effet de ces paroles sur mo
illusion
me montrait qu'elles venaient de Dieu. Alors le divin Matr
interdit Marguerite-Marie la
Vie,
xxv,
p. 196.
FAITS HISTORIQUES
me
dit
mes doutes
et
me
227
rendirent
le
calme.
[Fondations, xxix,
p. 276),
'
228
tissaient.
Tout fut
inutile.
times.
FAITS HISTORIQUES
229
230
ne peut contester la
'
Narbonne,
V.
Ami du
FAITS HISTORIQUES
231
cations,
mme parmi
les Saints,
Paris,
232
d'Ars.
Vie, par Mgr Languet, p. 124.
Vie de Saint Alphonse par le P. Berthe, l re partie. L'histoire de
Marie-Cleste, raconte dans cet ouvrage, est tonnante et instructive.
Elle montre comment des divergences de vue trs grandes peuvent
exister chez des personnes galement saintes.
1
233
CHAPITRE XX
Dangers
er
1 .
Quelques
d'illusion
Sur
les
Un mot sur
les visions, et
DANGERS D'ILLUSION
234
cet crivain,
dans des erreurs funestes, niant la vertu des sacrements. Or, ses
disciples furent sduits par de prtendues rvlations et
prophties. On les appelle enthousiastes, dit d'eux Thodoret,
parce qu'ils sont agits par un dmon, dont ils prennent la
2
Cm
*
8
Uhomrne
spir.,
l re part.,
ch. xi.
nu
235
surde
ou que du moins
elle
se
figurait tels.
chez
Parmi
elle,
bonne
foi
les
DANGERS D'ILLUSION
236
La vitesse fut si
jour et demi; encore reut-elle des visites.
prodigieuse que son bras enfla et devint si raide qu'elle crut ne
pouvoir crire de longtemps. Mais une me du purgatoire, qui
la pressait de prier pour sa d ivrance, la gurit instantanment,
en signe et pour rcompense de cette d ivrance. Ayant gar
une partie considrable du Livre des Juges, qui lui avait t
ainsi dict3, quand elle la retrouva, elle reconnut que l'ancienne
et la nouvelle dicte taient en tout parfaitement conformes
entre elles, etc.
.
Un
peu
jour, le
d'effroi,
M me Guyon dit
sur
le
Bizouard,
V. Fnelon
1.
et
XI, ch.
Mme
iv.
3
Nous disons humaines ou diaboliques il ne parat pas que tout ce
qu'elle raconte ait t contrl; si les faits taient vrais, il ne faudrait
pas hsiter y voir une intervention diabolique; sinon, et ceci nous
semble de beaucoup plus probable, elle tait hystrique un haut degr
et le dmon la trompa, comme il trompe toute me prsomptueuse, par
des tentations qu'elle ne sut pas reconnatre et repousser. En tous cas
ses ouvrages n'ont en aucune faon cet accent de saintet que l'on trouve
:
ERREURS D'INTERPRTATION
237
drables.
faire le
Nous avons vu en
Rouen, qui
ce sicle, dit
le
mauvaise
P. Surin,
une personne,
tenant JsusChrist entre ses mains (car c'tait un prtre qui disait la messe),
croyait entendre des paroles et recevoir des conseils, qui se
n'tait pas de
vie, qui,
spir.,
t. I,
mme
liberavit vos ; seule, elle leur fait du bien; l'erreur est toujours
nuisib.e et quiconque se laisse tromper par de fausses rvla-
2.
chez
les vrais
mystiques.
On
238
DANGERS D'ILLUSION
et
aux
rvlations,
alors
mme
comme
ERREURS D'INTERPRTATION
que tu reviendras,
voulait-Il dire que
et
ego inde
adducam
239
revertentem
te
Dieu
pouvons
le
le
dcider.
Un crime infme
la tribu
de Benjamin
Actes,
I,
6.
DANGERS D'ILLUSION
240
Jsus. Celui-ci, aprs lui avoir pos des questions sur les mes
du purgatoire, qui, souvent, se montraient elle, lui recom-
manda deux mes, deux de ses frres, dont l'un tait mort
aprs avoir reu les sacrements et l'autre tait mort, seul,
dlaiss, sans le secours de la religion. Anna-Maria pria pour les
deux dfunts. Vers minuit, quelqu'un lui apparut dans la
chambre o elle reposait, habill comme les Pres de la Compagnie; il avait un visage tout rayonnant de beaut, les yeux
levs au ciel et tait revtu d'un habit de chur trs brillant.
Quelques instants aprs, elle entendit dans la chambre voisine
un tapage horrible, puis un bruit semblable un bruit de chanes
et celui d'un objet qu'on pousse et qu'on tire en tous sens;
c'tait si pouvantable que jamais elle n'avait prouv une telle
frayeur. Puis elle entendit que l'tre inconnu vomissait comme
s'il voulait rejeter tout ce qu'il avait dans l'estomac. AnnaMaria demanda au Seigneur de la protger contre cet esprit et
contre tous les esprits maudits. Le Pre lui avait demande une
rponse trs prompte le matin, ds qu'elle fut rveille, sans
prendre la prcaution de prier le Signeur de l'clairer, elle
s'empressa d'crire au Pre que les deux mes recommandes
devaient tre au ciel, car elles n'taient pas venues faire connatre
leurs besoins. tant alle ensuite prier la chapelle, le Seigneur
lui reprocha svrement d'avoir donn sa rponse sans l'avoir
consult dans la prire; Il lui fit comprendre que les deux
frres dont le Pre lui avait parl, n'taient pas ses frres
selon la chair, mais saint Franois-Xavier et Judas, ses frres,
l'un et l'autre, par le sacerdoce, le premier mort dans la solitude,
loin de ses frres et sans recevoir aucun sacrement, le second
:
ERREURS D'INTERPRTATION
241
mort aprs
(2, 2, q.
174,
si les
m'aura rendu
gloire,
me
ceux qui
2
Lors mme que j'aurai dit au juste qu'il vivra, si, se confiant dans
sa justice, il fait le mal, on ne se rappellera plus rien de sa justice, et
cause du mal qu'il aura fait, il mourra. Et lors mme que j'aurai dit
au mchant Tu mourras s'il se dtourne de son pch, et fait ce
qui est juste et droit; si ce mchant rend le gage, s'il restitue ce qu'il a
ravi, s'il suit les prceptes qui donnent la vie, sans faire aucun mal,
certainement il vivra; on ne se rappellera plus aucun des pchs qu'il
aura commis; il a fait ce qui est droit et juste il vivra. (Ezchiel,
xxxiii, 13-16.)
:
DANGERS D ILLUSION
242
aise,
Nous avons
mentalement,
mais d'une faon trs claire, d'aller prcher par le
monde, et lui avait fait comprendre qu'il attendait les rsultats
de cette prdication avant d'ouvrir les assises suprmes du
jugement dernier. S'appuyant sur cette rvlation et sur
d'autres communications faites d'autres personnes, le Saint
croyait et prchait en tout lieu que la fin du monde aurait lieu
bientt. De tous ces faits, disait-il, il s'est form dans mon
esprit une opinion et une croyance vraisemblable, mais non pas
une certitude suffisante pour la prcher, que l'Antchrist est n
depuis neuf ans. Quant la venue elle-mme de l'Antchrist et
cito, bene cito et valde
la fin du monde trs prochaine
Ferrier. Jsus-Christ lui avait confi la mission
dit le Saint,
breviter
le
ERREURS D'INTERPRTATION
243
249. Ces exemples prouvent que les paroles divines les plus
certaines peuvent tre mal comprises par les mes les plus
saintes. Ce qui est plus tonnant encore et ce dont pourtant on a
des exemples, c'est que mme des mes saintes peuvent prendre
pour des rvlations ce qui n'est que Je produit de leur activit
humaine. Ceci est plus frquent chez celles qui n'ont pas encore
atteint le suprme degr de la saintet celle qui l'a atteint et qui
est comme transforme en Dieu connat plus distinctement,
dit un auteur mystique 2 et plus srement tout ce que Dieu
opre en elle par l'habitude parfaite qu'elle a de fermer l'il de
son esprit et d'arrter les mouvements ou l'activit de sa volont, et de leur interdire en quelque faon leur propre action.
C'est pour cela que cette me reoit sans mlange de sa propre
lumire tout ce qu'il plat Dieu d'imprimer en elle ou de lui
donner connatre, et qu'elle est par consquent moins sujette
se tromper dans cet tat sur le discernement de ce qui vient de
Dieu ou de son propre esprit qu'on ne l'est dans les tats o il y
;
Dans son
explication
terre de
Paris, 1720.
DANGERS D ILLUSION
244
245
CHAPITRE XXI
Rgles pratiques de discernement
er
1 .
Prire ncessaire
communication
ncessaire.
246
RGLES DE DISCERNEMENT
exemple
homme
DISPOSITION D'INDIFFRENCE
247
lisent
248
RGLES DE DISCERNEMENT
Non seulement le directeur doit se mettre lui-mme dans ces dispositions toutes surnaturelles de renoncement et d'abandon, mais
doit les inculquer celui qu'il dirige. S'il y a lieu de craindre
que les communications soient trop favorablement accueillies, il
se montrera au dbut difficile, port au doute, il exigera que le
voyant repousse doucement et respectueusement les faveurs
dont il est l'objet, demandant Dieu de lui donner plutt des
grces d'un autre ordre qui fortifient son amour en le laissant
dans les obscurits de la foi. Il vaut toujours mieux, au dbut,
dit sainte Thrse, renoncer ces faveurs, car si elles viennent
de Dieu, ces dispositions d'humilit aideront en profiter; du
reste ces faveurs augmentent plutt si on les met l'preuve.
Cependant il ne faut pas pour cela resserrer l'me, ni l'inquiter, car elle ne peut faire davantage (VI e Demeure, ch. m,
p. 114); il n'est pas en son pouvoir d'empcher ce qui lui
il
arrive.
255. Si, au lieu de dsirer ces communications, l'me les redoute parce que celui qui lui parle, sans la dcourager, la
reprend de ses faiblesses et exige d'elle des actes de vertu
pnibles, mais sages et salutaires, son guide devra, sans se
prononcer tout d'abord sur la nature des paroles qu'elle croit
entendre, y faire cho et doucement encourager l'me marcher
dans la voie qui lui est trace. Quand les paroles que vous
croyez entendre n'ont d'autre but que de vous consoler ou vous
avertir de vos fautes, dit sainte Thrse, quel qu'en soit
l'auteur, fussent-elles mme pure illusion, elles ne peuvent vous
nuire. (VI e Demeure, ch. m, p. 114.)
256. Il n'est pas rare que des ides prconues et peu fondes
inclinent juger dfavorablement les faits surnaturels; on
oublie que les jugements de Dieu ne sont point nos jugements
et qu'il trouve parfois bon et utile ce qui choque nos petites
ides humaines. On dira par exemple
telle rvlation ne peut
tre divine, car Dieu ne fait pas choix d'un infrieur pour
donner des leons. ses suprieurs. Dieu choisit bien Samuel,
qu'un
qui n'tait alors
qu'on nous pardonne l'expression,
simple enfant de chur, pour donner au grand-prtre une
terrible leon, Il envoya bien au Souverain Pontife une jeune
fille de Sienne pour lui faire renoncer au sjour d'Avignon, Il
chargea une jeune fille de dix-sept ans de conduire les armes
:
249
cette
franaises et de diriger les gnraux. On dira encore
objection comme la prcdente a t formule dans un cas que
Dieu ne fait pas connatre mme ses
nous connaissons
amis les fautes du prochain. Or, tout au contraire, les exemples
abondent dans
RGLES DE DISCERNEMENT
250
Mathilde r Le gentilhabitu qu'il tait rece.voir de semblables demandes. La Prieure s'tant alors procur
plusieurs autres photographies, glissa parmi elles celle de Mathilde de Ndonchel; puis, les montrant Sur de Jsus
crucifi, elle l'invita dsigner la personne qui lui tait apparue.
Sans hsiter sur Marie indiqua Mathilde. La Prieure se dcida
alors crire et exposer au comte ses dsirs. Le rsultat
atteignit et dpassa mme de beaucoup les esprances que Ton
homme
fille
avait conues.
2.
v..
Caractres
et effets
et
trs diffrents
1
Mathilde de Ndonchel, d'une noble famille de Belgique, tait
morte Rome, en odeur de saintet, le 27 juin 1867. Sa vie a t publie
(Casterman,
9
Tournai).
Degrs de
la vie spir.,
MARQUES DIABOLIQUES
251
cedit
gaudium, a Domino
RGLES DE DISCERNEMENT
252
sainte Thrse la
seur.
que
le
la lire
de bte.
2
Nous avons
MARQUES DIVINES
et brillante qui
253
cherche
se faire
254
RGLES DE DISCERNEMENT
faute,
1
Voir le petit opuscule si complet, si intressant, si difiant et qu'on
ne saurait trop rpandre, publi par la librairie Saint-Paul, Vie et rvlations de la Bienheureuse Marguerite-Marie.
MARQUES DIVINES
255
(Diario, 16
579.)
RGLES DE DISCERNEMENT
256
inspirs de
songe
leurs fruits*
3.
intervention
264. Malgr toutes ces marques, si les communications divines sont frquentes, si les visions se succdent, le directeur fera
sagement de demander un signe qui le rassure dans ses doutes
ou le confirme dans sa foi. Ainsi Abraham demanda un signe
(Gen., xv, 8) et le Seigneur fit un prodige (v. 17), ainsi Gdon
sollicita et obtint aussi un signe (Jud., vi, 17, seq.). Mose, au
nom du Seigneur, promit aux Hbreux qu'il leur serait envoy
des prophtes pour les clairer et leur manifester les volonts
divines, et parlant toujours au nom de Jhovah, il ajouta
Que si tu dis dans ton cur
Comment reconnatrons-nous
la parole que Jhovah n'aura pas dite? Quand un prophte
t'aura parl au nom de Jhovah, si ce qu'il a dit n'arrive pas
et ne se ralise pas, c'est l une parole que Jhovah n'a pas dite.
(Deuter., xvm, 21, 22.) Dieu indiquait donc un critre l'aide
duquel on pourrait reconnatre les vraies rvlations, et ce
critre est la ralisation des prdictions faites par le voyant..
Le bienheureux Raymond de Gapoue raconte dans la Vie
de sainte Catherine de Sienne qu'ayant eu, quand il entra en
rapports familiers avec ejle,des doutes sur les faveurs accordes
la Sainte, il lui vint subitement l'esprit cette pense si je
pouvais constater srement que les prires de la Sainte m'obtinssent du Seigneur une contrition extraordinaire de mes
pchs, plus grande que la contrition commune qui m'est habituelle, j'aurais un signe irrcusable que toutes les uvres de
cette vierge viennent de l'Esprit-Saint. Il lui demanda donc de
lui obtenir le pardon complet de ses pchs et comme signe de
pardon une trs grande contrition de ses pchs. Catherine le lui
promit. Le lendemain, ne pensant plus sa demande ni la
promesse de la vierge, il fut saisi de la pense de ses pchs, il
en conut une vive douleur, il poussa de tels sanglots et versa
tant de larmes qu'il craignit de voir sa poitrine et son cur se
briser. (Vie de sainte Catherine, l re partie, ch. ix.)
En 1674, la Mre de Saumaise demanda la gurison de sainte
:
257
Marguerite-Marie
On me
dit,
du jeudi au vendredi. Aussitt, MargueriteMarie fut gurie par la Sainte Vierge. Six ans plus tard, la Mre
Greyfi demanda, pour preuve que tout ce qui se passait en la
Sainte tait de l'Esprit de Dieu, qu'il la mt dans une parfaite
sant pendant cinq mois. Elle l'obtint et Notre-Seigneur dit
Je te promets que, pour preuve du bon
Marguerite-Marie
Esprit qui te conduit, je lui aurais bien accord autant d'annes
de sant qu'elle m'a demand de mois, et mme toutes les
autres assurances qu'elle m'aurait voulu demander. Une des
religieuses, voyant sa sur retomber malade ds que les cinq
Vous devriez commois furent couls, dit la suprieure
mander ma sur de ne point rentrer l'infirmerie de deux ans,
puisque vous avez si bien r issi pour cinq mois. Mais la Mre
rpondit sagement Ce temps me sufft pour me prouver que la
voie que tient cette fille est de Dieu l S'il est, en effet, trs
sage de demander Dieu des signes, il serait irrespectueux et
tmraire, quand II a suffisamment rendu manifeste son intervention, de Lui poser indiscrtement des conditions nouvelles et
de vouloir mettre sans cesse l'preuve sa puissance et sa bont.
C'est Dieu, au contraire, qui a le droit d'tre obi quand II a
dj donn quelques marques frappantes, souvent, alors, Il
attend, pour en donner de plus convaincantes encore, que ses
cratures ne se montrent pas revches, mais fassent preuve de
confiance et de soumission. Les premiers signes de la mission
de Jeanne d'Arc furent son affirmation des voix qu'elle entendait, affirmation que rendaient trs probable sa grande vertu et
son bon jugement, la prophtie, trs connue alors, qui annonait que la France serait sauve par une jeune fille des Marches
de Lorraine, enfin la rvlation qu'elle fit Charles VII d'un
secret connu de lui seul. Ces motifs dcidrent les examinateurs de Poitiers se prononcer en sa faveur; mais Jeanne
souhaitait, la nuit
1
Voir la trs intressante et trs documente Vie de la Bienheureuse
Marguerite- Marie, par A. Hamon, Paris, Beauchesne, 1907.
E M.
258
RGLES DE DISCERNEMENT
mon
divin Sauveur m'ayant fait connatre qu'il les avait tellel'obissance, que, si je venais m'en loigner
tant soit peu, Il s'loignerait de moi avec toutes ses faveurs;
enfin que cet esprit, qui me conduit et qui rgne en moi avec tant
1 aimer d'un amour
d'empire, me porterait cinq choses
ment soumises
259
4.
II faut s'attacher
ce qu'il
266. Quand les communications surnaturelles sont accompagnes des signes que nous venons d'numrer, on arrive facilement la certitude morale qu'elles sont, dans leur ensemble,
d'origine cleste mais on n'a pas pour cela la certitude que telle
ou telle parmi ces rvlations est surnaturelle et divine. Nous
avons dit et montr par des exemples qu'une personne favorise
de visites clestes peut se mprendre en interprtant mal les
paroles qu'elle entend, en mlant aux vrits qui lui sont dites
les conclusions qu'elle en tire, en traduisant inexactement les
impressions qu'elle a reues ou les vues intellectuelles qui lui ont
t donnes, en ne distinguant pas toujours, quand il s'agit
d'impressions, ce qui est d'elle de ce qui est de la grce.
;
RVLATIONS PRIVES
260
ou
telle
voyant commettre quelques erreurs pour les rendre plus rservs. Par ailleurs, celui qui sont faites les communications ne
le
261
probate : quod bonum est tenete? Ne mprisez pas les prophties, mais prouvez tout et retenez ce qui est bon. (I Thess.
v, 20.) Ce bon qu'il faut retenir, ce qu'elles contiennent de substantiel et de sr, ce sont les leons qu'elles donnent, les conseils
qu'elles noncent et qui sont
gile et
aux
et
mme,
dclare saint
Jean de
la Croix, si l'on
pas.
Une
en dehors
d'elle,
262
demand
RVLATIONS PR)VES
les
HUMILIT ET DISCRTION
263
la foi
en
la parole
ordres, puisqu'ils se
5.
Discrtion
et
humilit ncessaires
se
communique
l'humilit,
Chasle,
RVLATIONS PRIVES
264
HUMILIT ET DISCRTION
265
il
serait aussi
p.
167.)
communique
se
peut-elle l'interroger et
le faire.
RVLATIONS PRIVES
266
demandes
Schoenau.
273. Si cette rserve s'impose aux voyants, elle est encore
plus obligatoire pour ceux qui les approchent. Il est toujours
louable d'avoir recours aux consils de ces mes privilgies,
qui, en. dehors des rvlations, grce leur prudence, leur
connaissance des voies de Dieu, possdent de prcieuses lumires; mais il est beaucoup plus dlicat
sans pourtant
de chercher profitr de leurs
qu'aucun prcepte le dtende
rvlations; celui-l serait irrespectueux envers Dieu et tmraire qui voudrait, par curiosit ou par des vues humaines,
provoquer des communications divines. Si, au contraire, pareille demande tait faite avec respect, discrtion et uniquement
pour la gloire de Dieu, elle ne serait pas condamnable.
Mgr de Belzunce recourait aux lumires de la Vnrable
Anne-Madeleine Rmuzat dans les circonstances difficiles et
importantes de son ministre. La biographie de 1760 mentionne,
en particulier, un voyage auquel le prlat avait quelque peine
se rsoudre, parce qu'il en apprhendait les consquences.
Cependant,
PROPHTIES CONTEMPORAINES
267
22.)
il,
6.
Un mot
sur
les rvlations
actuelles
De
RVLATIONS PRIVES
268
remt tout en place. Plus la tempte augmentait, plus on prenait joyeusement confiance, sans quitter le coin du feu. Car
les prophties disaient que, lorsque tout paratrait perdu,
tout serait sauv . Tant mieux donc si la perte tait imminente Que de chrtiens ont t, leur insu, dsarms par ces
promesses dcevantes On semblait leur verser un cordial
c'tait un narcotique. ( La Mystique de saint Jean de la Croix,
!
p. 48.)
Ces fausses prdictions n'taient-elles pas une ruse de l'ennemi, pour en faire oublier d'autres qui eurent un tout autre
caractre? Quand Marie, sur la montagne de la Salette, chargea
Maximin et Mlanie de faire passer un message son peuple, son
langage tait bien diffrent. Faisant le tableau des pchs qui
irritaient la justice de Dieu, elle annonait que tant d'iniquits
amneraient de redoutables chtiments; mais elle ajoutait que,
si son peuple se convertissait, les flaux qui le menaaient se
changeraient en bndictions. N'tait-ce pas pour rappeler ces
graves avertissements que, onze ans plus tard, Lourdes, elle
disait avec une insistance touchante
Pnitence, pnitence,
pnitence ?
276. Ces avis du Ciel devraient suffire; mais
pourquoi ne le
sur divers points de notre cher pays, des
dirions-nous pas?
communications surnaturelles, offrant des garanties trs srieuses, ont fait cho ces paroles de Marie et prdit de mme
des chtiments ou des bndictions, selon que le peuple chrtien
les vnements n'ont que
mriterait l'un ou l'autre. Hlas
trop ralis, jusqu'ici, les prdictions et nous Voyons les ruines
annonces jadis, une poque o elles ne paraissaient pas vraisemblables. Aujourd'hui, il n'est plus besoin d'tre prophte
pour prvoir un cataclysme que tout prpare, une rvo'ution
il suffit du
dj commence et qui ne peut que s'accentuer
simple bon sens pour annoncer celui qui coupe la branche sur
laquelle il est assis qu'il va faire une chute. Gomment chapper
une catastrophe quand on sape tous les fondements de l'difice social, comment chapper la colre divine quand on fait
:
PROPHTIES CONTEMPORAINES
269
par
lui,
1
Ces lignes ont t crites en 1907. Depuis lors d'effroyables flaux
ont frapp les nations. Celles-ci ont-elles suffisamment profit de la
terrible leon? Et ces flaux seront-ils les derniers?
FAITS DIABOLIQUES
270
CHAPITRE XXII
Faits prternaturels diaboliques
er
1 .
Modes
dmons
Le dmon agit sur tous les hommes en les tentant il agit alors
la volont
sur le^ facults de l'me, surtout sur l'imagination
ne peut subir qu'indirectement son action
^t, par des reprsentations, par des suggestions, par la surexcitation des passions, il pousse les hommes au pch. Personne n'chappe ces
assauts du dmon ce sont donc l ses oprations ordinaires.
Dans d'autres cas beaucoup plus rares, les dmons manifestent leur prsence par des vexations pnibles, mats plus
effrayantes que douloureuses; ils font entendre des bruits, ils
remuent, transportent, renversent et. parfois, brisent certains
c'est ce
D'autres
:
fois, ils
LA POSSESSION
271
mme
2.
La
Possession
LA POSSESSION
272
nommer;
c'est
et
comme une
singerie de l'In-
carnation.
Mais, d'un autre ct, ]e dmon est resserr dans son action
par les dispositions et les habitudes du possd l'artiste le plus
habile dpend beaucoup de l'instrument dont il se sert. Ainsi
:
arrivera-t-il
comme
au dmon d'emprunter,
malgr
lui,
les
sistible.
SES CAUSES
273
dans le ciel; les anges rebelles ayant gard leur nature, des diffrences dont nous ne nous faisons pas l'ide, sous le rapport de
la porte de l'intelligence, de l'intensit de la volont, de la
tnacit dans la rsistance, de la puissance d'action, existent
parmi eux. Dans les possessions clbres qui durrent longtemps
et exigrent de la part des exorcistes une lutte opinitre, la
guerre tait soutenue par des princes de l'enfer. Quand les vexations sont produites par des dmons de dernier ordre, quelques
prires ou pratiques pieuses, quelques adjurations suffisent,
d'ordinaire, pour les faire cesser.
3.
282. Les
Causes de la possession
dmons sont
Les
fautes
du possd
mal
leur infernale
les
ils
traiteraient les
damns;
ils
274
tation, de l'obsession
ou de
Quand
la possession.
pourquoi
et
Parfois,
de certaines
fautes. Grgoire de Tours rapporte que es soldats de Thodoric,
ayant commis des abominations dans la basilique de SaintJulien, en Auvergne, furent tous possds du dmon. Saint
Gilles de Portugal avait, pendant sa jeunesse, pratiqu la magie
grce un pacte avec le dmon, il tait devenu capable de gurir
un grand nombre de maladies. A la suite d'une vision, il se
convertit et entra dans l'ordre de saint Dominique, mais,' en
punition de ses fautps, surtout du pacte qu'il avait fait avec eux,
les dmons le tourmentrent cruellement l'espace de sept ans;
il vcut dans une grande pnitence. et, aprs sa mort, il fut
;
comme un saint.
Parmi les possds qui furent dlivrs au tombeau de saint
Jean Gualbert, la suite d'exorcismes, quatre frres d'Arezzo
taient devenus les victimes de Satan pour s'tre empars par
fraude et par ruse du bien d'un autre homme un prtre avait t
saisi par le dmon pour une raison analogue un autre pour s'tre
rendu coupable d'homicide et de sacrilge; une femme ge
tait devenue possde parce qu'elle portait sur elle un crit
magique. (P. Verdun, Le diable dans la vie des Saints.) Nous
honor
1
On a souvent .trouv dans les exorcismes, des dmons qui, forcs
de se nommer, dclinrent les noms des faux dieux du paganisme
Bel, Jupiter, Cerbre, les Parques, etc. C'taient donc des diables qui
se faisaient adorer sous ces noms, comme les Pres Font souvent affirm.
Quand des paens font des sacrifices leurs dieux, dit saint Paul, c'est
aux dmons qu'ils les font qu immolant gentes, dsemoniis immolant.
:
I,
Cor., x, 20.
SES CAUSES
LES SORTILGES
275
'
4.
Les
sortilges,
284. L'une des causes les plus frquentes des vexations diaboliques est le malfice. Les malfices sont les sacrements du
diable. Ce singe de Dieu a institu des signes sensibles auxquels
1
1.
276
FATTS
est attache
DIABOLIQUES. POSSESSION
l'efficacit
Le dmon, en
maux
mme la
quand
le
5.
SES CAUSES
PERMISSION DE DIEU
277
possession est pour celui qui la subit une souffrance terrible, mais
qui peut tourner au plus grand bien de son me et dont il se
rjouira et remerciera Dieu pendant toute l'ternit; elle est
plus souvent une preuve qu'un chtiment. Dieu a souvent
permis que cette preuve atteigne les mes les plus innocentes
sans que les hommes aient contribu en rien la produire. Les
cas de Stagyrius, l'ami de saint Jean Chrysostome, qui lui
adressa des lettres pour le consoler et le rconforter dans son
preuve, du P. Surin sont connus. Nicole Aubry, de Vervins,
dont la possession mut la France entire (1565), n'avait pas
t malficie; les dmons, dans les exorcismes, durent, bien
malgr eux, dclarer que cette possession avait lieu par la volont
ils
FAITS DIABOLIQUES
278
Dans la
POSSESSION
Boudon raconte
que cette sainte me fut possde pendant dix ou onze ans. Les
exorcismes faits pendant ce temps furent grandement utiles, non
seulement parce qu'ils sanctifirent les exorcistes, mais surtout
parce, qu'ils soutinrent puissamment la victime et l'aidrent
rsister aux terribles assa ts de ses ennemis *t pratiquer
d'hroques vertus. Malgr les adjurations les dmons ne
partaient pas; ils se plaignaient d'tre retenus par une force
secrte et divine dans le corps d'Iisabeth et d'y souffrir
beaucoup. Elisabeth fut dlivre plus tard en faisant des plerinages dans des sanctuaires consacrs la Sainte Vierge.
La principale possde de Marseille, Madeleine de la Palud,
put bien tre dlivre d'Asmode et de deux autres dmons
(1611), mais Beelzbuth, par permission divine resta captif
dans son corps.
Quand les dmons sont ainsi lis dans un corps o ils sont
entrs, l'exorciste peut bien resserrer leurs liens, diminuer leur
force de nuire, mais non les expulser; il soulage le possd, lui
rend possible l'acceptation de son preuve, il lui en fait mme
retirer de grands avantages spirituels, mais il ne le dlivre pas.
Le dmon reste dans le possd>comme une bte froce dans sa
physiquement et moralement sa victime. Le possd continue donc de souffrir, mais ses souffrances
sont trs mritoires pour lui et extrmement utiles l'glise, le
dmon ne pouvant p^us agir que sur une me, qu'il sanctifie
malgr lui; combien d'mes faibles chappent ses sductions
l'exorciste, fait souffrir
jours
nous
le
feES
CAUSES
PERMISSION DE DIEU
279
celle-ci reoive
comme
le
rsistance.
280
6.
Possession latente
Satan, dont ce pcheur obstin veut rester tout prix l'obissant esclave? L'exemple de Judas porterait , le croire
Post
buccellam introwit in eum Satanas, dit saint Jean
Quand
Notre-Seigneur lui eut donn cette bouche, Satan entra en lui.
Introwit, ajoute saint Augustin, ut sibi jam traditum plenius
possideret : Il entra pour possder plus compltement
celui
qui s'tait dj livr lui.
;
CHAPITRE XXIII
Les dbuts de
la possession
281
luttes contre le
Il
s'il
l'exorcisme,
il
291.
Si
en prsence de
faits
montrent trop ports nier a priori toute intervention de l'esprit mauvais, d'autres, au contraire, lui attribueraient trop vite
et trop facilement des faits purement naturels. Dans les sicles
de foi, on tait beaucoup plus que de nos jours exposs ces
mprises; ce fut la principale raison pour laquelle, au dixseptime sicle, les vques dfendirent de procder publique-
ment
FAITS DIABOLIQUES
282
1
Solis cleripis exorcistis licitum est ex officio adjurare dmonem solemniter
Imo in quibusdam dicesibus, ut in Leodiensi, prohibentur hac
potestate uti sine speciali licentia Ordinarii; quam tamen prokibitionem
non existimo obligare plus quam sub veniali, nisi aliud appareat ex
forma prohibitions. Adjurare vero prwatim dmonem, sive possidentem r
sive per spectra et terrores infestantem, cuilibet licitum est. De religione r
Dis. V, art. 10.
.
2
Prwatim omnibus licitum est adjurare; solemniter autem tantum
Ecclesi ministris ad id constitutis et cum episcopi expressa licentia.
De II 0 prcepto, appendix.
8
Nvroses et possessions. Le diagnostic. Dans cet ouvrage et^dans
divers opuscules (collection Bloud
Science et Religion) le D r Hlot
a trait avec science et sagesse la question des possessions, il a sur beaucoup d'autres auteurs un trs grand avantage, celui d'avoir vu des
exemples des phnomnes dont il traite, de les avoir observs avec soin
et trs srieusement tudis.
:
283
invisible
*
;
Des dformations
subitement
riture bnite.
Quand on se trouve en prsence de ces faits tranges, le premier devoir est de prier, de solliciter avec instance les lumires
qui sont ncessaires pour discerner l'uvre du dmon des maladies naturelles et de se mettre dans la disposition sincre de faire
tout son devoir et de combattre courageusement le dmon, si sa
prsence est reconnue.
293. La perspective de longues luttes soutenir effraie
souvent ceux qui ce devoir incombe et les incline fortement
nier la prsence de l'ennemi. Par ailleurs, les dmons, comme
le dit le rituel, s'efforcent de persuader que la maladie est
naturelle
conantur persuadere infirmitatem esse naturalem ; ils
:
284
FAITS DIABOLIQUES
1
Ceux qui veulent faire l'histoire des possessions clbres devraient
toujours tenir compte de ce fait et ne pas accorder aux ngateurs de
la possession un crdit qu'ils ne mritent pas. Malheureusement mme
des auteurs catholiques oublient cette rgle
ils se laissent influencer
par des historiens, qui eux-mmes ont subi l'influence du grand men:
teur.
les
285
De ces deux sortes d'inconvnients, les premiers sont beaucoup moins graves et beaucoup plus faciles viter. Quelques
prcautions suffiront pour empcher le scandale ou l'tonnement
des faibles. Quant aux criailleries des impies, doivent-elles
empcher un ministre de Dieu de faire son devoir 1 ?
dmon peut
causer, puisqu'il
Nous avons
tait
durent,
le silence est
d'or.
286
Comme
sion,
le
devoir
s*
2.
Exercices
probatoires
se dcouvrir.
EXERCICES PROBATOIRES
287
gner
le
s'ils
sont naturels,
dmon, diminuer
et, s'ils
1
On peut se
Saint-Aubin.
les
288
on leur
refuse.
3.
Possession avre
ampliandi.
POSSESSION AVRE
289
contre une vote, rester immobile malgr les efforts des hommes
plus robustes runissant leurs forces, etc.
Celui qui, en faisant un exorcisme rencontre le dmon,
arrive souvent une conviction inbranlable et la certitude
absolu^ de sa prsence; il se rend compte qu'il a devant lui un
tre intelligent et dgrad, auquel il ne suggre nullemenc ses
rparties, car elles sont souvent tout fait inattendues et qui,
vu la science dont il fait preuve, n'est pas et ne peut pas tre
la personne possde. Quand le dmon a t oblig de se dcouvrir, il est aussi facile d'arriver cette conviction que de savoir
avec certitude les autres faits de la vie ordinaire.
Si tous n'ont pas la mme conviction, c'est que par moments
l'ennemi se drobe, refuse de rpondre et ne donne pas de signes'
de sa prsence; ceux qui voient le possd dans ces moments
et qui ne veulent pas tenir compte des faits qu'on leur raconte
et dont ils ne sont pas tmoins, s'obstinent parfois d'une faon
trange dans leur scepticisme.
On allgue alors le plus souvent la nvrose ; on traite d'hystriques les personnes les moins nerveuses. Du reste elles peuvent
tre nvroses et possdes l'enfant que Jsus gurit le lendemain de sa transfiguration, semble bien avoir eu des crises
d'pilepsie; cependant le Sauveur dcouvrit en lui un esprit
mauvais, qui ne parlait point et qui mlait ses uvres aux
effets de la maladie. Les personnes dont le systme nerveux est
branl sont d'excellents sujets pour le dmon, qui se dissimule
plus facilement en elles. Si, outre les phnomnes d'ordre physique qu'une nvrose pourrait produire, on dcouvre les marques
certaines qu'il y a l un tre intelligent et trs distinct du patient,
on doit reconnatre la ralit de la possession.
299. Quand la possession est relle, quand surtout elle est
produite par des dmons capables d'opposer une longue rsistance, l'exorciste doit s'armer de courage et entreprendre avec
vaillance et gnrosit la guerre contre l'ange maudit. Cette
guerre peut se prolonger longtemps la possession des Ursulines
de Loudun dura sept annes; cependant les exorcistes taient
nombreux, ils passaient chaque jour des heures entires tourmenter les dmons. Si Dieu permet que la lutte se prolonge, si
parfois mme II ne veut pas que la victime soit jamais entirement dlivre, c'est toujours pour le bien du patient et de ceux
les
E.
M.
10
290
qui le soutiennent et le soulagent dans son infortune. J'entendais, dit le P. Surin, plusieurs personnes murmurer et dire que
peut faire ce jsuite tous les jours avec une possde. Je leur
rpondais en moi-mme
vous ne savez pas la grande affaire
que je traite et de quelle importance elle est. Je croyais voir
clairement le Ciel et PEnfer en ardeur pour cette me, l'un
par amour, l'autre par rage, s'efforant chacun de l'emporter. >
L'effet de cette longue lutte fut que la Mre Jeanne des Anges
devint une fervente religieuse 1 et le P. Surin s'leva jusqu' une
trs haute saintet. D'autres exorcistes, le P. Lactance, rcollet
et le P. Tranquille, capucin, qui moururent l'un et l'autre
Loudun avant la fin de cette guerre terrible, aprs avoir subi
de grands maux de la part des dmons
sans avoir t possds
comme le P. Surin
profitrent aussi grandement le P. Tranquille mourut en odeur de saintet. Parmi ceux qui furent
:
1
L'minente vertu de la Mre Jeanne des Anges fut reconnue, non
seulement par le P. Surin* trs bon. juge en la matire, mais aussi
par sainte Jeanne d Chantai et par la sainte veuve de Rennes,
M me du Houx, qui eut avec elle les rapports les plus intimes. M. l'abb
Brmond (Hist. lit. du sent, relig. T. V) se montre trs svre pour la
Mre Jeanne des Anges, mais il a t tromp par Dom Lobineau, qui,
ngateur passionn du surnaturel diabolique dans l'affaire de Loudun,.
a odieusement altr le tmoignage de l'auteur de la vie de M me du
Houx (V. Revue prat. d'Apolog., avril, 1921), comme il a vilainement
29
Nous avons dit que les fautes du patient taient pour son
bourreau comme autant de points d'appui, comme des forts o
il se retranche et d'o il peut beaucoup p'us facilement braver
les attaques de l'exorciste et leur opposer une rsistance tenace.
Tant que le possd persiste opinitrment dans des dispositions
de pch, tant qu'il refuse avec obstination de pratiquer certains
actes de vertu qui sont, pour lui, des devoirs imprieux, alors
mme qu'il n'y a, de sa part, que faute vnielle d'agir de la sorte,
l'exorciste se voit comme impuissant, ses prires et ses adjurations ne semblent gure faire souffrir le dmon. Elles peuvent,
il est vrai, diminuer la violence de la tentation, attirer des
grces sur le dmoniaque et l'amener des dispositions meilleures; mais s'il est possible en agissant directement sur sa
volont, surtout en lui faisant faire une bonne confession, de
-changer ses sentiments, il sera beaucoup plus facile ensuite de
dompter l'ennemi et de briser ses forces.
Le possd doit avoir une pleine ouverture de cur pour son
en uvre pour
le
perdre
Moneatur
ennemi met
ul
communions
292
5.
les
vexations
diaboliques
301. Comme nous l'avons dit dj, de bons moyens de se
dfendre contre le dmon sont le port des objets bnits, des
reliques, des mdailles, des Agnus Dei, les plerinages au tombeau des Saints, aux sanctuaires de Marie 1 aucun de ces
moyens ne doit tre nglig. Dans une guerre contre un ennemi
redoutable un bon gnral emploie tous les engins que l'art
militaire lui fournit, U fait marcher les troupes de toutes armes,
il use de
toutes les ressources de la stratgie. Ainsi faut-il faire
contre les ennemis infernaux; l'enjeu de cette guerre terrible
en vaut bien la peine.
Le dmon souffre de toutes ces pratiques. Or ce n'est qu'
force de le faire souffrir qu'on l'oblige cesser ses vexations. Par
un phnomne inexplicable mais absolument certain, le contact
des objets saints le brle et le torture. Il souffre encore non
seulement moralement, mais aussi physiquement, quand on
rsiste ses tentations, surtout quand on les repousse l'aide
de la mortification 2 et de l'humilit il souffre quand celui qu'il
possde reoit le Dieu de l'Eucharistie il souffre quand on rcite
contre lui des prires, quand on invoque contre lui les anges et
les saints, quand on les prie dt le flageller, de l'craser.
Satan reconnat que les exorcismes le font souffrir plus que
les peines qu'il subit ordinairement dans l'enfer, et il en donne
l'a preuve, quand, li par le commandement de l'exorciste, il
;
tombeau des
Bien
les
qu'ils
par exemple
i,
9.
PRATIQUES PIEUSES
293
demande
l'abme.
les dmons n'opposent pas l'exorciste une rsistance qui le fatigue et l'oblige cesser la lutte, ils ont souvent
souffrir de la part de leurs chefs, qui les chtient et leur font
endurer un redoublement de tourments. En effet, ils se battent
entre eux d'une manire que nous ne pouvons comprendre, et les
plus forts infligent aux plus faibles de trs rudes souffrances. Il
faut donc que les tortures que leur fait subir l'exorciste soient
de telle nature qu'ils prfrent s'exposer aux coups de leurs
compagnons plutt que de continuer endurer ceux de leur
Lorsque
adversaire.
ses
se
coups
montre
chappe
avec une vaillance
dsespre contre l'ennemi, le-'dmon alors met tout en uvre,
il bande ses forces, et, ne craignant pas d'ffronter de nouveaux
.tourments, il augmente la violence des tentations, ajoute de
nouvelles vexations et se flatte de remporter la victoire. L'exorciste et le possd doivent alors redoubler eux-mmes de vaillance et de gnrosit, car jamais on ne doit cder au dmon, ce
n'est qu'aprs l'avoir vaincu qu'on peut se reposer."
font
un suprme
6.
la victoire leur
effort et se prcipitent
Prires rituelles
du
et
adjurations
294
mme que ces prires sont rcidu possd, le dmon les ressent et
en souffre. On voit un exemple de cette efficacit d'exorcismes
lointains dans la vie de Gemma Galgani. Un jour le dmon
avait emport un manuscrit crit par la sainte jeune fille.
Le directeur qui tenait beaucoup ce manuscrit, se trouvait alors trs loin de Lucques o rsidait Gemma; il tait
Isola du Grand-Rocher, prs de la tombe du bienheureux
L'exprience prouve que, lors
Gabriel.
la
Alors
il
tombe du bienheureux
adjurant
le
il
et
l'eau
bnite, et de
dmon de rapporter
le
manuscrit.
Il
fut
aussitt
obi.
Il n'y a pas lieu de s'tonner de cette puissance de l'exorciste,
puisque les pratiques magiques peuvent tre nuisibles, alors
mme qu'elles s'oprent au loin. Mais l'exprience prouve
aussi que, rcites en prsence du patient, les prires rituelles
sont beaucoup plus efficaces. L'exprience dmontre encore que
le dmon est momentanment loign, les prires et exorcismes, quoique moins efficaces, ne sont pas inutiles; le maudit
en ressent les effets, il les ressentira surtout quand il prendra
si
295
de monter jusqu'au
quitter l'a partie du corps o ils se cachent
cerveau et de rpondre aux questions qu'on va leur poser. Les
dmons de rang infrieur obissent d'ordinaire assez vite,
surtout si la victime est dans de trs bonnes dispositions et si
eux-mmes sont peu nombreux et tous des derniers degrs de la
hirarchie. Plus ils sont nombreux, plus ils ont de force de rsis]
tance.
Dans la plupart des cas, comme nous l'avons dit, les dmons
pour rpondre endorment leur victime et se substituent elle;
quand ils lui rendent l'usage de ses sens, elle ignore compltement ce qu'ils ont dit par sa bouche. Certains dmons cependant
n'endorment jamais le patient; de ceux-l il est beaucoup plus
de tirer des rponses claires et instructives. Quand ils ne
aprs avoir
parlent pas, on peut recourir un autre moyen
pos la question dans une langue inconnue du patient, on exige
que le dmon clorme un signe dtermin pour l'affirmative ou un
autre galement choisi par l'exorciste pour la ngative, puis on
fixe quel moment il le donnera, par exemple aprs une ou
plusieurs dizaines de chapelet.
difficile
nom
s'ils
attaques.
1
Plus ordinairement ces cratures dgrades se plaisent tablir
leur sige dans les intestins, l o se trouvent les lments les plus vils
296
moyens
avancer dans
pour
les
combattre
et
pour
faire
time.
7.
305.
Pratiques conjuratoires
expriments ajoutent
l'eau
1
il ne
Donc
qu'on nous permette en passant cette remarque
faut pas dire, comme le font ceux qui parlant de la possession de Loudun plaident l'innocence d'Urbain Grandier, qu'il n'y a aucun indice
tirer de l'affirmation des dmons. Ceux-ci aux questions des exorcistes,
questions prescrites par V Eglise, rpondirent toujours que ce misrable
tait l'auteur de la possession.
297
souvent projete dans les escaliers et recevait ainsi des contudouloureuses ses bourreaux enfreignaient toutes les
dfenses qui leur taient faites de continuer ces vexations; ils
cessrent compltement aprs qu'eurent t faits sur ses
jambes de trs nombreux signes de croix. Il semble que le contact
avec les parties du corps ainsi protges leur cause des brsions
lures.
N.
et super omnem virtutem inimici, et les paroles correspondantes de l'oraison qui, dans le rituel, suit les vangiles;
le nom de leur victime plac sous l'ostensoir avec des formules
de prires pour elle et des imprcations contre ses bourreaux;
quelques coups lgers frapps avec l'tole sur le membre o le
dmon se manifeste, toutes ces pratiques et d'autres semblables
mettent les dmons dans des accs de rage qui prouvent combien, accomplies avec grand esprit de foi, elles leur sont pnibles. Elles sont l'oppos des sortilges et pratiques magiques;
c'est pour cela sans doute que, par la permission de Dieu, elle
les' contrebalancent et annihilent leurs effets. Quand l'vque
de Laon exorcisait Nicole Aubry, en 1565, les dmons se plaignaient vivement de ce que le prlat, clbrant la messe en
prsence de la possde, tenait quelque temps la sainte hostie
et le calice levs au moment de la conscration, en demandant Dieu de les brler.
Les dmons tmoignent souffrir beaucoup quand on prie la
Vierge Immacule d'craser de son pied virginal la tte de ces
maudits serpents, quand on prie avec ferveur les anges ou quelque saint de les flageller, de les lier et de les empcher de produire des mouvements dsordonns. Ce moyen est souvent
ncessaire, tant les dmons se dbattent avec fureur lorsqu'ils
ne sont pas suffisamment affaiblis. Il est bon, dans ce cas, de
scorpiones
298
s'adresser
les
Les louanges donnes Dieu, par exemple la rcitation fervente du Gloria in excelsis, la proclamation du souverain domaine de Dieu, de sa bont, des victoires du Christ Christus
:
et des
dmons
d'humi-
tortures. Mais,
s'il
drobent et se substituent
leurs subordonns.
Quand
ils
soient contraints,
terrestrium
infernorum.
et
Toutes les pratiques qui glorifient Dieu et humilient ses ennemis sont bonnes employer; elles ont d'autant p:us d'efficacit
qu'elles sont faites avec plus de foi et d'amour de Dieu.
8.
uvres personnelles de
Vexorciste
306. Les Aptres avaient reu du Sauveur un pouvoir miraculeux de chasser les dmons. Il leur suffisait d'un ordre donn
au nom de leur Dieu pour arracher Satan ses victimes. Un jour,
cependant, ils chourent. Jsus leur en expliqua la raison
Hoc genus
nullo potest exire nisi in oratione et jejunio : Cette
espce do dmon ne peut tre chasse qu' l'aide de la prire
:
et
du jene.
Contre les dmons dont nous parlons ici, qui ont fait preuve;
d'une certaine force de rsistance, il faut recourir aux armes
299
indiques par Notre-Seigneur comme indispensables. L'exorciste fera donc bien de ne pas se contenter des prires du rituel,
mais demander Dieu que les actes de pit qu'il accomplit,
ses oraisons, ses messes et actions de grce, la rcitation de son
brviaire, surtout ses jenes et austrits, aient la vertu d'un
exorcisme et torturent les diables.
S'il apprend, par les aveux de ces maudits, que des sortilges
se font encore pour prolonger les tourments dos possds, il doit
faire lui-mme des pratiques contraires pour annuler celles des
suppts de Satan; s'il sait, par exemple, que des profanations
d'hostie se commettent, il fera et fera faire des rparations,
des heures d'adoration.
9.
Expulsion
des
dmons
Le
rituel
dfinitive; le
im poser ce signe.
Les dmons possesseurs sont parfois comme pris au pige;
par ordre di"in, ils sont, retenus captifs dans le corps o ils sont
entrs. I s voudraient le quitter, au moins de temps autre, et
ils ne le peuvent p us. Dans ce chs, l'exorcisme n'a plus pour but
de les expu ser, mais de resserrer leurs liens, de diminuer leurs
forces, et finalement, de les mettre dans la quasi impossibilit
de nuire. A ors, tous les moyens employs contre eux, les efforts
gnreux de leur victime, les prires et adjurations, les uvres
et les pratiques de l'exorciste les afaib.issent
graduellement;
p.upart des actes qu'ils pouvaient faire
tout d'abord leur deviennent impossibles. D'autres dmons plus
puissants peuvent venir leur prter main-forte, surtout si les
un moment vient o
300
sortilges
Pratiques
10.
contre V Infestation
mmos que
mmes
les
aussi
qu'il
De
la sorte, ces
blissent, et leur
dmons
s'affai-
tel est,
du
que
dmons
les
reste, le rsultat
se
1
Un missionnaire racontait rcemment [Missions catholiques, 13
aot 1920) des faits d'infestation, qui ne cessrent qu'aprs un exorcisme
rgle,
mais ils cessrent aussitt que fut employ ce moyen.
en
APPENDICE
Les
crits de
Denys
le
Mystique
302
Non, il y a entre le noplatonisme et Denys des diffrences fondamentales; notons-en quelques unes
:
la source
de
la
puissance
lre personnel,
mais un
commun
>
Nous l'avons
303
Denys
de Denys.
Voir
de Lonissa dans
le
Jahrbuch du
le
R. P. Joseph,
304
Denys.
Je laisse de plus comptents que moi de discuter la valeur de ces
arguments; j'ai pens devoir les rsumer, parce que gnralement on
ne les donne pas on dirait que de nos jours un certain respect humain
empche et de faire l'loge des crits dionysiaques et d'admettre qu'ils
peuvent avoir t composs l'poque apostolique. Mais quel que soit
:
le
lirement sa doctrine mystique, non pas dans les lucubrations incohrentes des noplatoniciens, mais dans l'criture et la tradition.
APPENDICE
II
de l'tre divin
I.
"
305
de l'tat mystique; de plus elle fait de tout tat mystiqua un tat extraordinaire et en donne une ide trs diffrente de celle que nous avons
expose. Ce n'est pas que les partisans de cette thorie nient l'existence
de ces grces infuses de lumires et d'amour dont nous avons parl,
mais ils sont loin d'y attacher toute l'importance qu'elles ont; ils en
parlent trs peu et d'une faon certainement incomplte, car ils ne
dcrivent pas, comme ils mriteraient de l'tre, les effets excellents que
ces grces produisent dans l'me, effets que nous avons essay de
faire connatre aux chapitres xh, xm, xiv, xv,,de cet ouvrage 1 De plus,
ils pensent que ce ne sont pas ces grces qui constituent l'tat mystique; ils vont donc jusqu' croire que l'on pourrait avoir reu ces
grces, si leves, si videmment suprahumaines et n'tre pas sorti de
l'tat asctique!! Ce qui, d'aprs eux, constitue l'tat mystique, ce qui
en est l'lment fondamental et caractristique, c'est une perception
de l'tre divin. Dans l'tat asctique, disent-ils, on pense Dieu, dans
.
phrases
Dieu par
1
Voir aussi nos autres ouvrages
Degrs, Liv. V, VI, VII; Manuel
de spiritualit, ch. xxxvil, Idal passimr
8
Percevoir, d'aprs Littr, signifie
ou bien recevoir l'impression
d'un objet, prouver une sensation, ou bien concevoir l'ide qu'elle
veille. C'est dans le premier sens et non dans le second que les partisans
de cette thorie prennent le mot
percevoir.
3
On l'a compar assez justement une photographie.
:
306
par
vision intuitive.
312. coutons les auteurs qui soutiennent cette thorie
Quel est
l'lment constitutif de la vie mystique?... C'est le sentiment que
la
<c
tion
La
ligibles
-est
1
II est vident que, mdiatement, extrinsquement, elle se termine
Dieu, comme toute pense, comme tout souvenir se terminent extrinsquement l'objet pens par l'intelligence ou rappel par la mmoire.
Si je pense l'empereur du Japon, ma pense se termine intrinsquement au concept que j'en ai et extrinsquement ce monarque; si je
ma
mmoire et extrinsquement
la reprsentation qui est dans
crucifix, si je touche
la basilique. Si je regarde, au contraire,
perception se termine intrinsquement ces
porte-plume,
ment
mon
mon
ma
objets eux-mmes et non l'impression, species impressa, qu'ils produisent sur ma rtine ou sur ma main.
2
tion,
mme,
article
Contempla
307
or,
lignes;
avec
lui,
nous dirons
308
EXPOS
CETTE THORIE
DE'
309
mme
1899,
P.
le
Poulain racontait
310
peroit
verte.
-des
311
(cf.
par un toucher, tantt par une vue, que l'me percevrait Dieu dans
l'tat mystique.
Ailleurs, l'auteur compare cette perception de la Divinit la perception de l'Humanit de Notre-Seigneur ou des mes bienheureuses
qu'on a dans les visions intellectuelles Il y a une vision intellectuelle
de Jsus-Christ et des Saints; elle fait connatre leur prsence, mais sans
manifester aucune forme matrielle. Par analogie, on doit admettre
qu'il y a de mme une connaissance exprimentale et intellectuelle de
la prsence de Dieu (v, 19, n 4). L'auteur croit que, grce aux sens
spirituels, les mystiques acquirent la facult toute nouvelle de voir
une substance spirituelle qui n'est autre que Dieu (vi, 27, note 1).
317. Cette perception de l'tre divin, obscure d'abord, se fait plus
Dans les
claire dans l'extase, o elle est souvent une vritable vision
degrs qui prcdent l'extase, Dieu permettait l'me de se plonger en
Lui plus ou moins profondment, mais 11 ne se laissait pas voir. Dans le
:
ravissement, le contraire arrive le plus souvent... Une des communications les plus hautes et souvent indiques par les auteurs est la vision
intellectuelle de la Sainte Trinit. Quand bien mme on ne saurait point,
par l'enseignement des auteurs, combien il y a de Personnes en Dieu
et comment elles procdent les unes des autres, on arriverait alors le
savoir, et d'une manire exprimentale,' en le voyant (xvni, 23).
Par la vision intellectuelle, on peut voir Dieu ou les anges, etc.
(xx, 10). Les mystiques aperoivent par moments la Sainte Trinit
(xxxi, 49). Les Saints peuvent dire Je vois Dieu avec autant de vrit
-que nous disons
je vois un arbre. Dans les deux cas on voit certaines
gr Farges
qualits, mais non. pas le fond de la nature . (xxxi, 32.)
suit ici encore le P. Poulain et admet oomme lui que les contemplatifs
souvent voient Dieu, sans avoir la vision de gloire des lus (pp. 89,
92, 100).
318.,>Quel est le genre de sensation spirituelle, en dehors de la vision,
qui permet au contemplatif de percevoir Dieu et qui constitue le
C'est une
fond commun de tous les degrs de l'union mystique?.
sensation d'imbibition, de fusion, d'immersion (vi, 8). Notre percepdans les premiers degrs de la contemplation mystique,
tion de Dieu.
se demande M. Lejeune..., a-t-elle de l'analogie avec celle que nous
fait prouver le toucher? Oui, rpondent les crivains mystiques l
nous avons la sensation d'tre comme immergs en Dieu. Notre sensation a quelque chose de comparable celle d'une ponge qui est plonge
dans l'ocan et qui, de toutes parts, est pntre par l'eau. Nous nous
sentons comme placs en Dieu, envelopps par Lui, en contact avec Lui 2 .
:
1
Quels sont ces crivains qui enseignent que le fond de l'tat mystique c'est une sensation d'immersion? Nous n'en connaissons pas
d'autres que le P. Poulain et ses disciples.
n'est qu'un
Cet article
312
319.
Il
est facile de voir, d'aprs cet expos, que, pour ces auteurs,
est un tat extraordinaire et de mme ordre que les
mystique
l'tat
II.
Rsum
ma
doctrine
320.
er
1.
La
thorie de la perception de
s'accorder
avec
313
ne pouvons l'admettre.
^Dieu est un tre part, tout fait diffrent de ses cratures; Il est
l'tre infiniment simple, Il est l'acte pur. Tous les autres tres sont'
composs, leurs qualits sont rellement distinctes, et c'est pour cette
raison que l'on peut percevoir les unes sans percevoir les autres, la
bont sans la force, le talent sans la vertu. Pour cette raison aussi,
plusieurs sens nous sont ncessaires, dont chacun peroit dans le mme
objet des proprits diffrentes; ainsi, le toucher peroit la forme et la
duret, l'odorat peroit le parfum, le got la saveur, l'oue le son, la vue
la couleur. Dieu est toutes ses perfections, il est son essence, son existence, son immutabilit et sa toute-puissance toujours agissante. Si
nous distinguons ses attributs, c'est que nous Le connaissons mdiatement, par des ides abstraites, qui sont des notions fort imparfaites
et fort loignes de la vritable reprsentation de Dieu. Mais toute crature qui Le peroit Lui-mme, non seulement Le peroit prsent, mais,
comme la prsence de Dieu ne se distingue pas de ses attributs, elle voit
qu'il est essentiellement simple, que son existence se confond avec son
essence, que sa nature est une et qu'elle est commune trois Personnes
distinctes, etc. En un mot, comme disent les thologiens, elle Le voit
totus licet
non
totaliter.
videmment non.
THORIE DE LA PERCEPTION DE D EU
314
vidit
et
quod anima non indiget lumine glori ipsam levante ad Deum videndum
et eo bate jruendum. Les partisans de la perception directe, immdiate,
intuitive de Dieu par les mystiques, sans doute ne connaissent pas
Quand Dieu se montrera nous, dit encore
cette., condamnation.
saint Jean, nous serons semblables Lui et nous Le verrons tel qu'il
est. (I Jean, ni, 2.) La vision intuitive peut bien tre accorde une
v
me
saint
1
Quelques philosophes, parmi les no-scolastiques, feraient, croyonsnous, une exception pour certaines perceptions o l'objet est spar du
sujet et ne se rvle lui qu'en traversant un milieu qui peut le dformer, comme la perception des sons et des couleurs. Mais, pour les sensations o l'objet atteint immdiatement le sujet, comme le toucher
ils sont unanimes.
et ce serait le cas si Dieu tait peru
315
0
Lorsque je touche du doigt une pointe ou quelque
objet en relief, c'est le relief mme que je perois et non l'impression de
mon doigt qui est en creux (Mgr Farges, Le cerveau, Vme et les
telle sensation.
est.
Si la perception se terminait
trs bien
qui disent que, dans l'tat mystique, on peroit Dieu
tel qu'il n'est pas ne sont pas des subjectivistes, parce qu'ils rejettent
les consquences que d'autres tirent de leur principe; mais pourquoi
admettent-ils le principe? Les consquences que d'autres en tirent sont
logiques et dmontrent qu'il est faux.
:
que
les crivains
316
un
objet
La Revue Augustinienne
Que
contemplatives,
il
Du
mme
points de vue. Eh bien non, les attributs que nous prtons Dieu
par analogie n'existent pas formellement en Lui; Ce qui vraiment existe
en Lui est autre et bien mieux que tout ce que nous pouvons concevoir.
Ne pouvant Le connatre tel qu'il est, nous sommes rduits, pour nous
faire de Lui une ide trs imparfaite et trs loigne de la ralit, Lui
attribuer des qualits qui ne peuvent se trouver que dans les cratures.
Dieu n'a qu'une seule perfection ou plutt est une seule perfection
infinie, fort dissemblable des ntres; cette perfection infinie, sui generis,
quivaut aux perfections que nous Lui prtons, les remplace avantageusement, mais n'est pas ces perfections. Dieu lui-mme ne peut donc pas
317
faire voir ces perfections, puisqu'elles n'existent pas. Celui qui n'aurait
billets de banque possderait quivalemment, minemment,
disent les thologiens, des louis d'or, des pices d'argent et de
la monnaie de billon, mais il ne les possderait pas rellement, et il lui
serait impossible de les faire apercevoir ou toucher 1 .
327. Nous ne pouvons pas davantage admettre que l'tre divin produise dans l'me une sensation d'imbibition, de fusion, d'immersion.
Une sensation semblant ne suppose-t-elle pas ncessairement deux
objets matriels, tendus, qui s'enveloppent et se pntrent l'un l'autre;
comment pourrait-elle convenir deux esprits, comme Dieu et l'me?
N'oublions pas que l'immensit de Dieu ne doit pas s'entendre d'une
tendue sans limite, l'tendue n'tant compatible ni avec la nature spirituelle, ni avec l'infinit de Dieu. Sans doute, tant donne notre impuis
san ce connatre Dieu tel qu'il est,- il nous est bon, pour mieux nous
mettre en sa prsence, de nous considrer comme plongs en Lui,
comme pntrs par Lui, mais alors c'est l'imagination qui travaille;,
ou c'est, tout au plus, un concept analogique trs imparfait.
Nous^ne trouvons pas plus juste cette comparaison du mme auteur
que des
comme
celle-ci
la
contemplation
se fait
dans
la foi;
saint Jean de la Croix insiste souvent sur cette vrit admise par tous
les Mystiques; le mariage spirituel lui-mme se fait dans la foi 2 Si la
foi n'tait pas la base des tats mystiques, ils ne seraient pas n^ritoires. Or la perception et la foi s'excluent. Si certains thologiens, contre
beaucoup d'autres, pensent que la foi en une vrit et la science de- cette
vrit peuvent exister collatralement dans le mme sujet, qui ferait
successivement les actes de l'une et de l'autre, aucun n'a jamais admis
que l'acte mme de science ft un acte de foi; si la contemplation est
une perception de Dieu, elle n'est plus un acte de foi en Dieu.
329. La contemplation mystique est l'effet des dons du Saint-Esprit.
.
1
propos de cette remarque faite ici qu'une perception qui ferait
voir les attributs de Dieu spars les uns des autres et spars de son
essence ferait voir Dieu tel qu'il n'est pas, Mgr Farges a dit (Phn.
myst. p. 98) que c'est l une objection purile. Mais c'est plus qu'une
objection, c'est une vrit incontestable. Il y fait cette rponse
Il
nous suffit de connatre Dieu tel qu'il se montre, partiellement, pour
le connatre tel qu'il est . Mais Dieu n'ayant pas de partie, ne peut en
aucune faon se montrer partiellement, pas plus qu'il ne peut faire un
cercle carr; c'est mtaphysiquement impossible.
2
Notre-Seigneur dit un jour distinctement la Vn. Marie de l'Incarnation
Je t'pouserai dans la foi. (Vie, par Cl. Martin,
p. 50.)
:
318
2.
La
thorie de la perception de
prte.
332. Le P. Poulain fait grand fond sur ces mots connaissance exprimentale; la connaissance exprimentale, dit-il, <=>st analogue celle
des sens qui ne raisonnent pas; l'me peroit, elle ne conclut pas; dans
l'oraison ordinaire on n'a qu'une connaissance 'abstraite de la prsence
de Dieu; dans l'oraison mystique on exprimente la prsence de Dieu
comme on exprimente la prsence d'un ami en Jui serrant la main.
:
Le Rvrend Pre
a toujours repouss notre doctrine au lieu d'explisentiment de la prsence de Dieu par une perception analogue
celle des sens, nous disons l'me peroit l'action de Dieu, non pas
dans son principe, in agente, o, du reste, elle ne serait pas sensible
quer
le
319
se
Lui.
333. Rassemblons ici les textes dj allgus par nous dans la premire dition de ce livre, textes que le P. Poulain n'a jamais fait connatre ses lecteurs et qu'il n'a jamais consenti discuter.
1
Certains thologiens enseignent que quand l'me contemplative
regarde Dieu, elle voit du mme coup d'oeil et les effets que Dieu produit en elle et Dieu les produisant; elle saisit sans raisonnement, mais
par une sorte d'intuition que ces effets qu'elle voit ont Dieu pour auteur.
C'est une connaissance non discursive et cependant mdiate, dit le
P. Huby; ainsi faut-il entendre le simplex intuitus veritatis de saint
Thomas quand il parle de la contemplation Recherches de science
religieuse 1919, p. 152. L'intuitus veritatis de saint Thomas veut-il
dire tout cela, on peut le contester et nous ne le croyons pas; il arrive,
du reste, souvent aux mes d'tre dans l'tat mystique sans qu'elles
remarquent en elle aucun effet produit par Dieu. En tout cas cette
thorie, d'aprs laquelle la cause premire est connue et contemple
dans ses effets, est compltement diffrente de celle du P. Poulain^
lequel affirme que toute me contemplative sent la prsence d Dieu
par une sensation d'imbibition, d'immersion, qu'elle peroit cette prsence comme un ange peroit la prsence d'un autre ange, trs diffrente de la thorie de Mgr Farges, qui admet une intuition atteignant
non pas les effets, mais Dieu lui-mme rel et prsent et l'atteignan
immdiatement comme la sensation atteint son objet.
320
Richard de Saint-Victor sera tout l'heure cit par Suarez qui fait
sienne sa doctrine.
Saint Thomas explique le mot du Psalmiste
Gustate et videte quniam suavis est Dominus : Il y a deux manires de connatre la bont
divine; l'une est spculative
sous ce rapport il n'est point permis de
douter ou d'prouver si la bont de Dieu est bonne, si Dieu est plein
de douceur. L'autre mode par lequel on connat la volont (bienveillante) de Dieu ( notre gard) et sa bont, c'est la connaissance exprimentale. On a cette connaissance exprimentale quand on gote au dedans
de soi les divines douceurs (2. 2. q. 97, a. 2. ad 2.) Et le saint docteur
dans un autre endroit de la Somme i, q. 43, a. 5, ad 2 appelle encore
cette connaissance exprimentale la science savoureuse, qui est l'effet
du don de sagesse.
Saint Bonaventure parle de mme dans le texte par nous cit plus
:
haut
(n 30).
Gerson, dans son livre de la Thologie mystique, dit que la connaissance de Dieu s'obtient par l'union de la facult aimante avec Lui
Cognitio experimentalis habita de Deo per conjunctionem affectas spiritualis cum eodem. C'est la science savoureuse, sapida scientia, appele
encore par le divin Denys la sagesse irraisonnable, parce qu'elle surpasse toute raison. (Gons. 43.)
Suarez, (De gratia, 1. II, ch. xvm, n 18, 19; clr. xix, n 6), expliquant
cette connaissance exprimentale de l'amour et de la bont de Dieu,
la fait consister dans des effets surnaturels produits dans l'me, dans
les sentiments affectifs, qui ne peuvent tre que le rsultat d'une action
particulire de l'Esprit-Saint
Ita explicuit hoc sapientiae dnum
Albertusin 3 dist. 35, a. 1, ad 1, dicens sapientiam esse quoddam lumen
divinorum sub quo videntur et gustantur divina per experimentum.
Et similiter dicit Richardus, ibi, art. 2, q. 1, actum sapientiae esse contemplari Deum ex dilectione, cum qudam experimentali suavitate
in affectu. Atque haec sententia satis pia et probabilis est, et juxta illam
facile distinguitur actus sapientiae ab actu fidei, quia sapientia non est
credulitas veritatis, sed supponit illam et consistit veluti in qudam
Experimentum illud est per
scientia experimentali veritatis crdite.
effectus supernaturales et ex peculiari operatione Spiritus Sancti conferentis quemdam peculiarem sensum spiritualem illorum effectuum et
affectuum internorum.
334. Le P. Poulain ne cite pas comme parlant de la connaissance exprimentale de Dieu ces grands docteurs; il allgue (vi, 28) un texte du
Vnrable 7 Louis Dupont, qui reconnat en effet cette connaissance
exprimentale de Dieu; mais pourquoi n'avoir pas fait connatre au
lecteur l'explication trs claire que cet auteur en donne? Le Vnrable
P. Dupont, en effet, dans son livre La Guide spirituelle, traite la question ex professo; il donne pour titre du premier paragraphe du chapitre x du III e Trait ces mots
De la connaissance exprimentale de
Dieu, et voici sa doctrine
Si admirables sont les sentiments et les effets intrieurs que les spirituels prouvent dans la contemplation et l'entretien familier avec Dieu
que par eux ils en viennent Le connatre d'une manire nouvelle et
dlicieuse, comme celui qui palpe, touche et sent la grandeur infinie et
:
321
..
L. t. 77, c. 156.)
Saint Bernard explique la visite du Seigneur par les ardeurs d'amour
qu'prouve F me fidle. Tune scit anima quoniam juxta est Dominu
cum se senserit Mo igne succensam et dixerit cum propheta : De excelso
misit ignem in ossibus meis et erudivit me et illud Concaluit cor meum
intra me et in meditatione mea exardescet ignis. (Gant. Serai, xxxi, 4.)
Revenant sur ce sujet dans le sermon lxxiv, 2, il parle avec la mme
clart
cum sentit gratiam, agnoscit prsentiam quand l'me sent la
grce, elle reconnat la prsence du Verbe. Et un peu plus loin
6. Si ses voies sont insaisissables, vous me demanderez comment je
connais sa prsence. Le Verbe est vivant et efficace; ds qu'il est entr
en moi, Il a rveill mon me endormie, Il l'a remue et amollie; Il a
bless mon cur, mon cur dur comme la pierre, et qui tait malade.
En entrant ainsi en moi de temps en temps, le Verbe poux ne m'a
(P.
<
.*
E.
M.
il
322
rvl son arrive par aucun indice, ni par la voix, ni par l'extrieur, ni
par la marche. 77 ne s'est trahi par aucun mouvement; acune sensation
prsence. La fuite de mes vices, la compression de nies inclinations charnelles m'ont prouv sa puissance et sa vertu. L'examen ou les reproches
batifique.
Le saint
jam melius
perfectius et
videre.
(De
323
est videre et
non
verit. n, 18.)
Thomas
enseigne
qu'en dehors d'une rvlation particulire on peut avoir de la prsence
4e Dieu au fond de son cur un triple signe conjectural le tmoignage
de sa conscience, lorsqu'on a conscience d'aimer Dieu; ensuite l'empressement couter, surtout mettre en pratique la parole de Dieu; enfin
ce savourement intrieur de la divine sagesse, qui est comme un avantgot de la flicit future l
338. De sainte Angle de Foligno sont les paroles suivantes Remanet
tanta ltitia quod nullo modo dubitat quin Deus sit prsens :
in anima.
il reste dans l'me une telle joie qu'elle ne doute en aucune manire
que Dieu ne soit prsent. (Vie, ,ch. xm, n 154, Bollandistes, t. I,
p. 211.) Ainsi la prsence de Dieu est connue par la grande joie qu'il
produit.
Sainte Catherine de Sienne nous donne ces paroles dites elle par le
A ceux qui demeurent dans la charit commune je me
Pre ternel
manifeste et je prouve mon amour en leur accordant de nombreux
bienfaits. Mais mes amis je me manifeste d'une manire plus parti-,
-culire. En plus de la manifestation commune, ceux-l gotent et connaissent, ils prouvent, ils sentent par exprience ma charit au fond de
leur me. (Dialog. ch. 61)... Je m'en vais et je reviens, non que je retire
ma grce, mais bien le sentiment de ma prsence.
C'est par amour
que je m'en vais, c'est par amour que je reviens, non pas moi, proprement parler je suis le Dieu immuable, je ne me meus pas c'est le sentiment que mon amour produit dans l'me qui disparat et qui revient
non propriamente lo (ch Io so lo Idio vestro immobile che non mi muvo) t
ma el sentimento che da la rnia carita ne V anima e quello che va e torna
(ch. 78). Quand mes serviteurs me voient et me gotent, ce n'est pas dans
mon essence, mais dans les sentiments d'amour, qui s'oprent de diverses
Christi, c. 24, saint
339. C'est
-t-
324
sence
foi,
contribue
Quand
surnaturelle, je veux
dire de quitude... il me semblait sentir la prsence de Dieu, et, en
effet il en est ainsi. Comment se faisait sentir cette douce prsence la
sainte ne le dit pas, mais elle ajoute aussitt C'est une oraison agrable,
si Dieu y aide, et les dlices y sont grandes (Vie, xxn, p. 167). videmment ces dlices viennent de l'amour.
coutons-la nous dire comment l'me dans la quitude comprend
qu'elle est tout prs de Dieu. Notons que la sainte se sert en effet du
mot entiende, comprend, ce qui est bien diffrent de percevoir. Cette
je
met l'me dans la paix, ou pour mieux dire, le Seigneur l'tadans la paix par sa divine prsence, comme II fit au juste Simon.
Toutes les puissances, en effet, entrent dans le repos. L'me comprend
par les sens extrieurs, qu'elle est dj proche de son Dieu, et que, avec
un peu plus, elle arriverait faire une seule chose avec Lui par union.
Ce n'est pas qu'elle voit cela des yeux de l'esprit, ni des yeux de l'me. Le
juste Simon n'en voyait pas davantage dans ce pauvre petit bb. A en
juger par la manire dont cet Enfant tait couvert et envelopp et par
oraison
blit
plutt pour
cleste
le petit
le fils
mais
le
1
Non pas par une vue, car Simon ne voyait pas la Divinit, mais
par une illumination intrieure et par les consolations clestes qui
remplirent le saint vieillard et lui inspirrent le J\unc dimittis.
325
'<
On
326
si elle
mais cet empereur, ce Seigneur de nos mes veut ici nous faire comprendre qu'il nous entend, Il veut nous faire comprendre ce que produit
en nous sa prsence, et particulirement II veut commencer oprer en
notre me, versant en elle une grande satisfaction intrieure et ext-
La
le
contentement qu'prouve
la
Sainte Thrse avait connu ces angoisses. Cf. Vie, ch. xxv.
Sainte Thrse aurait-elle employ ce mot souvent , se. seraitelle exprime comme elle le fait, si elle avait regard le sentiment de
1
327
il
dresse ternura
Le P. Poulain qui avait d'abord allgu en sa faveur ce texte de
sainte Thrse a reconnu plus tard qu'il lui est dfavorable; il essaie
d'chapper l'objection qu'on ne peut pas ne pas lui faire, en disant :
La sainte parle probablement de ce qui arrive non pas pendant ces
tats, (oraisons d'union et de quitude), mais dans les intervalles qui les
sparent (Grces d'or., v, 22). Cette rponse est inadmissible. Dans ce
passage sainte Thrse, qui vient de parler de la vision intellectuelle de
Notre-Seigneur, voulant faire bien comprendre en quoi elle consiste,
.
mme
qu'elle l'explique
ici,
comme
la base
Du
1
reste si cette foi dont elle parle reposait sur de savantes dductions, elle ne serait en aucune manire un signe de la prsence de Dieu,
mais un signe de la vigueur de l'intelligence ou de la droiture du juge-
ment.
8
Alvarez
Mme
mme
les autres.
..
328
explique que cette vision, qui est bien une perception de la sainte Humanit, n'a pas d'analogie avec la prsence de Dieu qui se fait souvent
sentir ceux qui ont l'oraison d'union et de quitude . IJt Ton voudrait que ce sentiment de la prsence de Dieu ne ft pas le sentiment
de la prsence de Dieu qu'elle attribue ailleurs aux mmes oraisons,
mais un autre tout fait distinct. Sainte Thrse admettrait donc,
si l'on en croyait le P. Poulain, un sentiment de la prsence de Dieu
qui serait accord dans ces oraisons, non pas souvent, mais toujours, qui serait le fondement ncessaire de l'tat mystique, qui
aurait un rapport troit avec la vision intellectuelle; et l o elle se
propose de bien distinguer la vision intellectuelle de tout autre fait
psychologique, elle n'en parlerait pas, mais elle parlerait d'un sentiment de la prsence de Dieu tout nouveau, et cela sans avertir que dans
ces oraisons il y a deux sentiments tout diffrents de la prsence de
Dieu
La
sainte aprs avoir expliqu que l'on comprend que Dieu est l
par les effets qu'il produit en l'me , dclare formellement que c'est
de cette manire que sa majest veut se faire sentir . Qu'on ne dise
donc pas non, c'est d'une tout autre manire. Elle continue Dans
la vision intellectuelle on peroit l'humanit de Notre-Seigneur; dans
et non pas dans les intervalles
ce sont les influences
ces oraisons
de la Divinit que l'on peroit, influencicts de la Divinidad. Dire
ce ne sont pas les influences de la Divinit,' mais la Divinit elle-mme
que l'on peroit, c'est contredire manifestement sainte Thrse. Et
notons que le Pre Poulain attribue sainte Thrse le mrite d'avoir
ce qui, il
jet une grande lumire sur l'tat mystique en tablissant
le reconnat, n'avait pas t fait avant elle, ou, tout au plus, n'avait t
que cet tat a pour lment essentiel la
que trs lgrement indiqu
prsence de Dieu non conclue de ses effets, mais directement perue.
343. Saint Jean de la Croix n'est ni moins clair ni moins prcis que
sainte Thrse dans l'explication qu'il donne du sentiment de la prsence de Dieu. Dieu, dit-il, peut tre prsent l'me de trois manires
diffrentes; 1 par son essence ainsi II est prsent toutes les cratures;
2 par la grce sanctifiante
ainsi est-Il prsent dans toute me juste.
:
..
329
se colle
divine.
(Ibid. v, 14.)
mystique expriment, crit dans ses Maximes spiri Il est une prsence de Dieu qui consiste dans
une paix infuse et habituelle.
L'me sent cette prsence en soi, elle
n'en peut douter; elle en exprimente des effets si intimes et si suaves
qu'il lui est vident que Dieu seul peut les produire.
La Mre Vronique du Cur de Jsus sentait Dieu Lui-mme
penser, parler, agir en elle et se rendre le principe de tous ses mouvements. Parlant des divines Personnes, elle dit Je les sens en moi.
renouvelant les oprations et les grces de mon baptme.
346. Il n'y a donc pas de doute possible, les mystiques les plus expriments donnent du sentiment de la prsence de Dieu une explication
qui concorde parfaitement avec ce que les docteurs enseignent de la
Le
P. Gro,
tuelles (4 e et
10 e Max.)
330
docirine est
que
la
doctrine
commune.
Commenons par
348.
c'est la lecture
de sa dcouverte, nous avons cit plus haut ses paroles il avait cherch en vain pendant de longues annes l point de dmarcation entre
les tats asctiques et les tats mystiques, quand certaines paroles de
Scaramelli l'amenrent croire que dans les tats asctiques Pme pense
Dieu, et que dans les tats mystiques^elle Le peroit. Cette ligne de
dmarcation serait en effet d'une grande clart, et elle tablirait, si elle
tait juste, une distinction si nette et si lumineuse que, certainement,
on n'aurait pas attendu le xx e sicle pour la signaler.
Voici les paroles du Jsuite italien qui frapprent le P. Poulain
De mme que le corps humain touche un autre corps et en est touch,
qu'il sent ainsi sa prsence et parfois avec jouissance, ainsi l'me
touche une substance spirituelle ou en est touche, et elle en sent la
prsence avec la sensation propre un pur esprit, et parfois avec une
grande jouissance, par exemple quand c'est Dieu qui la touche et qui lui
est prsent. [Dirett. myst. tr. III, n 24. Voir autres expressions sem:
blables
Mais
aux
le
[Ibid. n 25.)
Ces auteurs ne citent pas non plus ces autres paroles du mme auteur
expliquant les mots de la Sainte criture Osculetur me osculo oris sui.
Lva ejus sub capite meo et dextera illius amplexabitur me. Que l'on
:
331
.332
cum Deo. (P. 3, tr. I, dis.I, q. a. 2.) videmment ce passage est inspir
par ce que dit saint Jean de la Croix, et reproduit une glose qu'avaient
ajoute les premiers diteurs, (Monte, n, 30. V. supra, n 203. Cf.
Nuit obsc. n, 23, p. 130) qui explique bien la pense du saint, si diffrente de celle du P. Poulain.
351. Le Rvrend Pre allgue fvi, 34) Antoine du Saint-Esprit
(t 1674): La prsence de Dieu est connue ici, non par la vue, mais par
une sorte de toucher exprimental. Antoine du Saint-Esprit a bien
donne de
n17.)
Antoine du Saint-Esprit a raison
si Dieu produit dans l'me des
effets de saveur spirituelle, on ne devra pas dire l'Etre divin est savoureux et je perois sa saveur; parce que ces effets ne peuvent tre une
reprsentation propre d'aucune perfection de Dieu; ils ne peuvent tre
un mdium quo, une espce impresse, mais Yobjectum quod, le terme de
.
333
Deum
334
'
354. Le Pre Poulain a raison d'en appeler au tmoignage du Vnrable Louis de Blois (1506-1565), plus autoris encore que ceux que nous
venons de nommer, tant lui-mme un mystique trs expriment.
Louis de Blois parle donc des embrassements divins, mais il explique
fort clairement cet embrassement, ce contact de Dieu, et le Pre Poulain eut bien d faire connatre ses lecteurs ces explications
In vi
amativ sentit stum quemdam quieti amoris sive contactum Spiritus
Sancti, tanquam fontem vivum rivulis ternae suavitatis manantem,
atque ita ad excellentem cum Deo unionem introducitur. 2 Per intimum amoris complexum contactumque melius Deum cognscit quam
exteriores oculi visibilem solem cognoscunt. (Spec. spir. cap. xi.)
Dduit amans anima, dficit a seips et velut ad nihilum redacta in
abyssum seterni amoris collabitur, ubi sibi mortua vivit in Deo hihil
sciens, nihil sentiens prter amorem quem gustat. (Inst. spir. C. Xii, 2.)
Ist trs pseclarse potenti (intellectus, memoria, voluntas) sunt spiri:
nam
tions?
335
soient.
Actus
quidam gustus
tactus
itemque amplexus animas.
exponens
August.
de
tango.
Vox amo.
voluntatis est
et
intellec-
tualis ac spiritualis,
Vox
Trin. c. 9,
illud Christi
tangere, tactus, ait, finem facit notionis,
S.
lib. I
Magdelenam Noli me
nimirum cum Filius hominis in sua Detate per contemplationem
cognoscitur, tum copiam sui facit ut amore tangatur et hic contempla-
.ad
viol,
char.)
Le Pre Poulain
encore
la citation
cite
demande
336
Le second mode, que le saint dit tre par voie d'entendement, est une
conviction mise soudain par Dieu dans l'intelligence qu'il est prsent
dans l'me et en tout li^u. Es una certidumbrp espiritual que le han dado %
sensible, que esta Dios en el aima y en todo lugar. Souvent aussi la conviction lui tait donne et lui venait subitement que le Seigneur tait l
devant lui. C'est l, dit-il, une prsence intellectuelle. Et en effet c'est
l'intelligence qui est claire directement par Dieu et cette grce nous
parat tre encore un effet du don d'intelligence. Le troisime mode
(omis compltement par le Pre Poulain) est la prsence de Dieu par
voie d'amour; c'est elle que nous avons vue si souvent signale par les
saints; elle provient des grands sentiments d'amour de Dieu : per los
grandes affcctos que es tan en ella de amor de Dios, qui causent en l'me
un embrasement. Alors l'me sent Dieu en elle et dans toutes les
cratures quand Dieu lui donne ce sentiment, qui lui est d'un grand
fruit; elle a la certitude que Dieu est en elle, mais elle ne Le voit pas.
Dieu donne donc l'me ce sentiment et ceUe certitude qu'il est non
seulement dans son me et dans son corps, mais encore en toutes
De cet enseignement du saint Frre, ressort manifestement
ne croit pas une perception directe de Dieu.
358. Nous avons donn les textes si clairs o saint Franois de Sales
explique le sentiment de la prsence de Dieu, non par une perception,
mais par les suavits de l'amour infus; nous avons dit que le Pre Poulain n'a jamais prsent ses lecteurs ces textes du saint vque. Ce
qui est plus trange encore, c'est qu'il le cite (v, 24) pour appuyer sa
thorie, mais il supprime dans le texte cit par lui les passages qui
montrent ique le saint Docteur explique cette prsence de Dieu, non
pas par une perception directe, mais, comme toujours par les douceurs
d'amour communiques la volont. Voici le texte complet, nous laissons en caractres ordinaires ce que cite le Pre Poulain, et nous souli-
choses.
qu'il
gnons
ce qu'il passe
si
les discours
lui seraient
337
vision et
doute sur la pense vraie d'Alvarez de Paz. Ainsi fait aussi Mgr Farges
(Phnom. myst. p. 93).
Il
n'a point traduit non plus les deux phrases o Alvarez de Paz
reconnat que les Pres de l'glise aussi bien que la multitude des docteurs scolastiques n'admettent pas que Dieu ait ainsi coutume d'accorder cette faveur de la claire vision de son essence; et o il conclut que
les plus favoriss des saints personnages n'ont eu que la vision intellectuelle par concepts infus dont il a parl
Profecto antiquis Ecclesise
Patribus et mulfitudini scholasticorum doctorum adhserere malumus
qui constanter negant claram Dei visionem mortali homini solere concedi.
Tenendum est igitur Augustinum, Benedictum, /Egidium, Ignatium et alios quoscumque ad supremum gradum contemplationis evectos quartum decimum gradum supra descriptum attigisse, quo mirabili
modo, infra visionem, tamen claram, per supernaturale lumen et speciem infusam Deum contemplati sunt et ex parte cognoverunt. (De inq.
pac. 1, v, p. 3. c. xiv et xv).
L o cet auteur traite ex professo du don de la prsence de Dieu,
que reoivent d'ordinaire les mes parfaites, il ne fait aucune mention
d'une perception directe de l'Etre divin, mais il parle d'une connaissance sublime et trs sre qui, rendant l'me attentive Dieu prsent
en elle, la pntre de crainte, de respect et d'amour sublimi quadam
et certissima cognitione ad timorem, reverentiam et amorem excitandum Deumintraseprsesentem animadvertit.fL.V, Part. I,app.II cap.ix.)
360. Le P. Poulain a cherch prouver sa thse par des textes des
mystiques, Mgr Farges tente de la dmontrer par des textes de saint
Thomas *. Il cite d'abord (p. 75 et 76) et c'est l son argument fonda:
thologiens
338
mental, deux textes du saint docteur; premirement celui-ci, o parlant de la contemplation, saint Thomas dit Pertinet ad ipsum simplicen^ intuitum veritatis... ad afectum terminatus. 2. 2. q. 180, a. 3,adl.
Saint Thomas, ici oppose avec raison la mditation qui recherche
la vrit, la contemplation, qui, quand la vrit est connue, fixe son
regard sur elle. videmment il n'y a rien l qui prouve la perce ption
immdiate de Dieu. Du reste l'article suivant, saint Thomas
rappelle que la contemplation ici-bas se fait per spculum et in
per divinos effectus in Dei cogniaenigmate, et il ajoute
tionem manu ducimur. Aprs avoir donn ce texte, Mgr Farges rappelle que saint Thomas cite et approuve le mot fameux de Denys
Non solum discens sed et patiens divina. Didicit divina ex compassione
ad ipsa. Saint Thomas ici-mme, 2, 2. q. 97, a. 2, ad 2, explique que
cette opration divine est celle qui produit dans l'me le got de la
divine douceur , par elle nous gotons la suavit de Dieu et alors
nous connaissons Dieu par les effets qu'il produiten nous. Que ces douceurs soient des douceurs d'amour, comme nous l'avons dit plus haut
(n 71), saint Thomas l'affirme constamment et aucune me ayant l'exprience des grces mystiques, n'aura, l-dessus, le moindre doute. Au
texte dj cit (n 71) ajoutons d'autres encore. Dans son commentaire
sur le livre des Noms divins il explique ainsi ce passage Non solum
discens sed et patiens divina, ici est, non solum divinorum scientiam in
intellectu accipiens, sed etiam diligendo, eis unitus per afectum. Il
revient une troisime fois sur ce texte dans le De. veritate, et il dit
Passio illa, de qua loquitur. Dionysius, nihil aliud est quam affectio
ad divina, quae habet magis rationem passionis quam simplex
apprehensio. Ex ipsa enim divinorum affectione provenit manifes:
tuelles. Mgr Farges en fait une connaissance par espces impresses, analogues celles de la sensation. Il renvoie saint Thomas (1. q. 56, a.
339
2, 6.) qui dit que Dieu a mis dans l'intellect des anges les concepts des
Deus menti angelicae impressit
choses que ceux-ci doivent savoir
rerum similitudines. Il croit que cela veut dire que Dieu agit sur eux
pour se faire connatre, comme un objet agit sur mon il pour se faire
il doit dire aussi les dmons
volent
voir. Il conclut que les anges
Dieu naturellement et que c'est ainsi que Dieu est, dans la contemplation immdiatement peru dans son action reue par l'me, comme
l'agent matriel est directement peru dans son action sur les sens
externes, . Tout au contraire, saint Thomas explique (ibid. a. 3) que
l'ange connat Dieu en se connaissant lui-mr<e, en voyant sa propre
substance-, qui en tant que cre par Dieu, est une certaine ressemblance
de Dieu (Cf. De ver il. q. 8, a. 3). Non tamen essentiam Dei vida, quia
:
nulla simihtudo creata est sufficiens ad reprsentandam divinam essentiam. Ici encore saint Thomas enseigne juste le contraire de ce que lui
Mgr Fargs. Aussi les thologiens resteront dconcerts aprs
cette explication.
Dans un autre passage (In III, d. 35, q. 1, a. 2.) saint Thomas fait
remarquer que la contemplation, provenant de l'amour, s'exerce surtout
l'gard du Bien-Aim; c'est donc sur Dieu principalement que se fixe
prte
tuelle, le
est le
lumen
intellectus agentis; le
mdium quo
340
qu
intellectus possibilis
fit
donc
le
rejette
par
lui.
Tels sont les textes de saint Thomas allgus par Mgr Farges pour
appuyer la doctrine du P. Poulain non seulement dans aucun d'entre
eux n'est enseigne cette perception immdiate, cette intuition directe
de Dieu, imagine par le Rvrend Pre et accepte par ses disciples,
mais ces textes eux-mmes et combien d'autres doivent tre invoqus
contre cette fausse thorie. Mgr Farges dit encore : Qu'est-ce que la
contemplation mystique? N'ayant pas l'exprience personnelle de ce
phnomne, nous ne pouvons rpondre qu'en interrogeant l'exprience
des saints qui en furent favoriss (p. 75), et plus loin (pp. 86, 93) il
en appelle aux tmoignages innombrables des saints en faveur de sa
thorie. Nous demandons bien pardon Mgr Farges, mais nous devons
dire qu'aprs avoir pass la plus grande partie de notre vie dans l'tude
des mystiques, nous n'avons jamais trouv chez eux cette doctrine
:
341
suprieure (V. supra, ch. xiv, xv) et les lumires de mode anglique,
par exemple la vision intellectuelle de la Sainte Trinit, fournissent
une connaissance pncore plus leve (Supra, n 198). Ne trouvant pas
de termas pour dsigner de si hautes faveurs, les auteurs emploient
paifois, comme nous l'avons vu plus haut, des expressions images
qui peuvent tromper un lecteur inattentif, mais ils n'enseignent
aucunement que ces lumires sont produites par une perception
immdiate, par une intuition de Dieu ; ils n'encourent donc pas la
condamnation du Concile de Vienne, d'aprs lequel il ne peut y avoir
de vision de Dieu qu' l'aida de la lumire de g'oire 1
La Rdaction de la Vie spirituelle (juin 1921) rejette fermement la
thse de Mgr Fa g?s. Outre les arguments que nous avons donns nous.
mmes,
elle fait
otte remarque
trs juste,
que
la
contemplation mys-
Dieu essentielle
la
contemplation mystique.
De
tuels,
spiridiff-
342
surabondamment.
363. Saint Jean de la Croix parle diverses reprises de touches
divines. Nous avons cit (n 52) le passage o il parle de la touche
d'amour ou d'embrasement que reoit la volont et de la touche de
lumire ou d'une parfaite connaissance que reoit l'intelligence. Les
touches sont donc, ses yeux, non pas un moyen de percevoir Dieu,
comme, le contact matriel est un moyen de percevoir les corps, mais des
oprations de la grce dans les facults de Vme.
Dans le Cantique (str. XIX, p. 264 et 589) l'me qui a dj t admise
aux fianailles spirituelles est prsente comme faisant une prire qui
renferme les plus grandes grces qu'elle puisse demander. Elle ne se
fit
il
traite
justement de
ces touches divines (Vive flamme, str. II, v. 3 Ed. crit. p. 416) fait
Manus Domini tetigit me O douce
allusion cette parole de Job
main, que vous avez t dure et rigoureuse pour Job . preuve qa'il
toucher
de Dieu dans le sens d'opration
touche,
bien
ce
mot
prend
divine et non de moyen de perception.
:
2
Un passage de saint Thomas va nous dire comment il entend le
Per visionem fit quasi quidam contactus Dei ad intelcontact divin
lectum, cum omne cognitum sit in cognoscente secundum quod cognoscitur. Sent, iv, D. 49. q. 1, a. 1, sol. 2.
:
343
de
dement,
il
364. Nous avons expliqu comment les mes fidles pouvaient tre
leves l'tat anglique. Si dans cet tat elles reoivent des touches
de connaissance et d'amour, ou encore, comme le dit sainte Vronique
Juliani, des touches de douleur, ces touches sont beaucoup plus fortes
et plus profondes. De ces touches, saint Jean de la Croix parle diverses
reprises (Monte, n, ch. xxn, p. 228, ch. xxiv, p. 237; ch. xxx, p. 265;
Nuit, n, 23, p. 129, 130. Cant. esp., cane, xix, p! 264 et 589, (texte que
nous venons de citer). Ce sont surtout les textes o il en traite que l'on
invoque oour prouver la thse qu'il y a un toucher spirituel par lequel
l'me peroit Dieu, toucher qui serait l'lment premier de tout tat
mystique, celui qui se rencontrerait ds le dbut de cet tat.
Or, a) loin de former le dbut de l'tat mystique, ces touches sont
des faveurs exceptionnelles, mme pour les mes ' contemplatives, et b)
elles rie sont nullement une perception directe de Dieu. Ces deux assertions sont faciles prouver.
a) Saint Jean de la Croix (Monte, n, 10) distingue formellement la
contemplation gnrale et indistincte, qui se fait dans la foi et qui constitue l'tat mystique (cf. Monte, n, ch. xi,xii,xin) de toutes ces faveurs
d'ordre angbque. De plus, il dit (Nuit, n; 23) qu' ces faveurs, personne ne peut p tendre sans^avoir pass par une purification complte,
par la nudit de l'esprit et sans s'tre spar de tout ce qui est
crature.
O mon Dieu et ma vie, dit-il ailleurs (Vive flamme, str. II, vers 3,
p 418), ceux-l seuls vous sentiront et vous reconnatront la dlica-
sublime qu'elle pntre jusque dans la substance de l'me.. Ces conuaissances ont le got de l'essence divine et de la vie ternelle; et le dmon
ne peut simulerune chose aussi leve. (Monte, II, ch. xxiv, p. 237.)
On ne peut recevoir ces 'touches sublimes de connaissance et d'amour
de Dieu avant d'avoir subi de grandes preuves et d'tre presque entirement purifi; pour atteindre les degrs moins levs
de connaissance et d'amour
qui sont les plus ordinaires, une purification aussi
rigoureuse n'est pas ncessaire. (Nuit il, 12, p. 90.)
Les faveurs ici dcrites sont donc totalement inconnues de ceux cfui
ne sont pas trs avancs dans l'tat mystique; car il faut tre depuis
longtemps dans cet tat pour avoir dpass la nuit de l'esprit.
si
344
profondes; ailleurs
substantiels:
como
1
Pour dire que Dieu a mis dans l'me un fond de connaissance amoureuse, sans que l'me ait eu besoin par des actes rpts de se faire
elle-mme ce fond, saint Jean de la Croix emploie encore le mot substance et le donne comme quivalent du mot habitus Se ha hecho en
ella habito y sustancia de una noticia amorosa gnerai. (Monte II,
xn, p. 154.)
2
Dans le Cantique (str. XIV, p. 537) saint Jean de la Croix parle du
toucher des vertus du Bien-Aim qui se sent dans le contact de l'me
et qui est dans la substance de l'me. Mais pour qu'on ne s'y mprenne
pas, dans la seconde rdaction qu'il fit de son ouvrage, ces mots dans
fa substance de l'me; il eut soin oV&jouter : par l'intermdiaire de
mediante la voluntad (p. 233).
la volont
:
345
cesse de dclarer que l'union entre Dieu et l'me s'accomplit par la foi,
a imagin de dire que cette foi dont parle saint Jean de la Croix, est
une foi qui fait voir avec plus ou moins de clart. 1 (Gr. d'or., xv, 43.)
C'est l une assertion plus qu'trange, car toute la thologie et le plus
simple bon sens nous disent que foi et vision s'excluent.
coutons, du reste, saint Jean de la Croix (Cantiq. str. 1. Il veut aider
l'me trouver son poux et s'unir avec Lui par l'union d'amour,
comme elle peut le faire en cette vie . (Edit. cr. p. 174.) Il faut noter,
dit le grand docteur mystique, que quelque grandes que soient les communications et prsences, quelques hautes et sublimes que soient les
connaissances qu'une me peut avoir de Dieu en cette vie, ce n'est point
essentiellement Dieu et cela n'a rien voir avec Lui, parce que, mme
Si l'me sent une grande commudans ce cas, Il reste cach l'me.
nication ou sentiment ou connaissance spciale de Dieu, elle ne doit pas
pour cela se persuader que ce qu'elle sent, c'est possder ou voir Dieu
clairement et dans son Essence. {Ed. crit. t. II, p. 172, 173.)
Courage donc, belle me, puisque tu sais que ton Bien-Aim,
l'objet de tes dsirs, demeure cach dans ton sein, fais en sorte d'y
rester bien cache avec Lui, et l tu l'embrasseras, tu le sentiras avec
affection d'amour.
En cette vie mortelle. si l'me se cache, comme
Mose, dans la caverne de la pierre, c'est--dire dans la vritable imitaelle mritera.
de s'lever
tion de la vie parfaite du Fils de Dieu.
en cette. vie une telle perfection qu'elle s'unisse et se transforme par
amour en ce Fils de Dieu, son poux. Elle se sentira alors trs unie Lui,
Cherchez-Le dans la foi,
trs instruite et claire dans ses mystres
dans l'amour, sans vouloir trouver ni satisfaction ni jouissance en quoi
que ce soit et sans vouloir comprendre plus que vous n'en devez savoir...
La foi et l'amour vous guideront par des sentiers inconnus jusqu'
l'endroit cach o Dieu habite... L'me mritera que l'amour lui
dcouvre ce que la foi enserre en elle, c'est--dire l'poux qu'elle dsire
possder en cette vie par grce spirituelle et par l'union avec Dieu.
Quelque lev que soit le degr d'union auquel l'me puisse atteindre
l'Epoux reste cach pour elle dans le sein du Pre.
en cette vie.
et
toujours elle dit o vous tes-vous cach? (p. 176). Vraiment est-ce
l la doctrine de la nouvelle cole? N'est-ce pas videmment la ntre?
.
. .
1
Comme preuve il ne cite que ce texte Ne cherchez jamais vous
contenter de ce que vous comprenez de Dieu, mais nourrissez-vous
plutt de ce que vous ne comprenez pas en Lui.
c'est l, en vrit
Le chercher par la foi. (Cant. str. I, v. 1.) Ce qui peut dire considrez surtout les incomprhensibles perfections de Dieu: redites-vous
que Dieu est au-dessus de tout ce que vous pouvez concevoir; ces
paroles ne prouvent nullement que la foi fasse voir.
:
346
unum
mari immersus,
Comme
Comment ceux
qui ont mis cette thorie n'ont-ils pas t dtouren voyant le trs petit nombre de textes qu'ils pouvaient
allguer l'appui, et qui du reste ne sont que des mtaphores? Si la
sensation d'immersion tait le fond commun de tous les degrs de
l'union mystique elle serait partout signale. Or on ne cite et on ne
peut citer aucun passage de sainte Thrse, de saint Franois de Sales,
de saint Jean de la Croix, de saint Bernard, etc., etc.
2
Inst. XII-4.
3
Lettre du 29 juillet 1663.
* Saint Augustin le premier
entre autres endroits dans ses Confessions, I. VII, ch. v
et depuis nombre d'auteurs spirituels ont recom1
ns de
le faire
par distinction
suspendues,
elle
347
des
effets
Un
mand
348
>
me
3,
V hypothse d'une
sans
elle
on
tablit
distinguent des vertus en ce que les dons supposent une motion spciale
de l'Esprit-Saint, tandis que les vertus disposent agir selon les
lumires et les impulsions de la raison claire par la foi; dans ce dernier cas, la grce s'adapte aux procds ordinaires de la nature humaine,
elle suit
comme
saint
Thomas
8
,
le,
1
Depuis que ces lignes ont paru, le P. Poulain a maintenu ces deux
traductions si manifestement inexactes.
2
C'est d'une faon analogue que Dieu se manifeste l'me au moment
du jugement
8
particulier.
XXXIV,
q. 1, a. 1.
mode humain
349
c'est
quand
dcisives.
350
1
C'est donc la mme doctrine que celle des
auteurs qui expliquent l'tat mystique par les dons du Saint-Esprit et
enseignent que l'me, au lieu de s'exciter par les considrations, y
reoit, directement de l'Esprit-Saint les lumires et les attraits d'amour.
Nous avons rappel dj que sainte Thrse traite ex professo de la
distinction entre les contentements, qui sont les consolations et douceurs donnes aux mes pieuses non mystiques, et les gots mystiques,
et qu'elle nonce trs nettement le mme principe de distinction.
Saint Franois de Sales n'est pas moins explicite. Commentant le
passage de l'criture Tes mamelles surpassent le vin, il dit Le lait,
qui est une viande cordiale et toute d'amour reprsente la science et la
thologie mystique, c'est--dire le doux savourement (joie d'amour)
que l'esprit reoit lorsqu'il mdite les perfections de la bont divine;
mais le vin signifie la science ordinaire et acquise, qui se tire force de
spculations, sous le pressoir de plusieurs arguments et disputes.
{Amour de Dieu, v, 2Jj
1
Voir plus haut le chapitre vi o est expose sa doctrine. Les partisans de la perception directe de Dieu passent toujours sous silence tous
ces textes, qui sont pourtant d'une si grande importance.
351
quant lumires et amour de Dieu, les descriptions que les Saints font de
mystique lui conviennent, et les rgles qu'ils tracent pour la voie
contemplative, abandon des mthodes de mditation, acceptation
douce et paisible des impulsions mystiques, s'imposent elles.
L'hypothse de la perception divine est donc, tout le moins, superflue
l'tat
Vhypothse de
4.
ne pouvant
s* appliquer
la perception de
Dieu
est insuffisante,
Hamon,
352
5.
La
tant
(Grces
la doctrine
d'oraison,
353
COMMUNIS SENTENTIA.
375. Si Poraison par concepts purement spirituels la manire des
anges et des mes spares est trs rare, non moins rares seraient des
impressions purement spirituelles, agrables ou pnibles, telle que des
anges peuvent en ressentir. Seraient-ce ces sortes d'impressions que
certains auteurs entendent par sensations spirituelles, ou par contact
divin? K
sige de
phnomnes de
pouvons nous en faire aucune ide. Aussi les mots que nous employons
pour les dsigner sont ncessairement impropres. Les" esprits se connaissent on appelle parfois cette connaissance spirituelle vision intellectuelle; le mot est reu, mais qu'on prenne garde ne pas se laisser
induire en erreur par le mot vision dans la connaissance intellectuelle
il n'y a pas d'image, et nous ne pouvons nullement savoir en quoi consiste cette connaissance qu'un esprit a d'un autre esprit ou mme des
tres corporels. Nous disons encore que les esprits se parlent, mais le
mot parole est fort impropre il n'y a aucun son, aucun mot dans le
langage anglique, pas mme ce mot pens que nous exprimons intrieurement quand nous nous parlons nous-mme. Nous incarnons en
effet l'ide dans un mot, qui est pour nous le signe sensible indispensable
^'rien de tout cela dans la pense, dans le langage angliques. Les esprits
peuvent galement agir les uns sur les autres, et cette action peut tre
agrable ou dsagrable subir. Si on veut appeler cette action un toucher par analogie avec l'action produite par un corps sur un autre corps,
:
gage
1
Le toucher est un moyen de connaissance, mais c'est aussi une sen
sation agrable ou pnible ainsi les caresses et les coups sont des contacts, mais ils veillent plutt l'ide de plaisir et de douleur que celle
de connaissance. Les auteurs contemporains qui admettent le contact
divin semblent y voir surtout une sensation pleine de douceur; et s'ils
y voient un moyen de connaissance, ils le regardent comme distinct de
;
E.
M.
12
354
6.
La
inconnue
376. Nous avons montr comment les textes que l'on cite des grands
Mystiques en faveur de la perception de Dieu ne doivent pas tre pris
dans ce sens. Nous le disons hautement, nous avons lu et tudi avec
soin les plus grands Matres de la mystique, nous n'en connaissons pas
qui fasse de cette soi-disant perception de Dieu le fond de l'tat contemplatif.
Faisant allusion ce silence des Matres le P. Poulain a crit De ceque saint Grgoire le Grand, Denys le Mystique, saint Bernard, Albert
le Grand, etc., n'ont pas signal dans leurs peintures telle circonstancedlicate, on ne peut nullement conclure qu'elle n'existe pas. Il y a cent
autres choses qu'ils n'ont pas dites. (Revue du Clerg franais, 1 er juillet
:
1907.)
il
il
dans
la
mystique
1
Nous avons toujours dclar et dclarons encore \mq nous ne voyons
aucune trace d'un changement aussi radical, que nous trouvons, au
contraire, la mme doctrine chez ces grands Matres et chez ceux du
xvi e sicle. Cette assertion nous a valu une trange remarque du
La mthode de M. SauP. Poulain (Grces d'oraison, Bibliogr. n 140)
dreau consiste citer surtout les auteurs antrieurs sainte Thrse,
:
355
377.
omme ils n'indiquent pas, entre les tats d'oraison, de lignes de dmarcation bien nettes, il veut qu'on s'en tienne ce systme, et regarde
comme une dcadence la tendance des modernes tre plus prcis
Il nous semble cependant avoir fait dans nos divers ouvrages sainte
-Thrse et ceux qui l'ont suivie, saint Jean de la Croix, Suarez, etc.
une part assez large, de beaucoup plus large qu'aux auteurs plus anciens;
il nous semble aussi que nous n'avons jamais eu horreur de la prcision
!
dans
la doctrine.
Le P. Poulain (vi, 19 bis) voulant prouver la supriorit de la docdonne la perception de Dieu comme marque distinctive, a
demand ironiquement si, pour s'assurer qu'une me tait dans l'tat
mystique, on devait lui poser cette question oprez-vous par les dons
<lu Saint-Esprit, et par quel don? Mais les marques donnes par les
Matres permettent prcisment de constater que le mode d'opration
de la grce a chang, que les dons du Saint-Esprit, qui existaient bien
l'tat d'habitus, mais qui ne produisaient que des actes passagers,
maintenant s'exercent frquemment et produisent un genre nouveau
1
* r me, qui
d'oraison.
* Les signes qu'il donne conviennent, en effet, tout aussi bien
356
Thrse qui, voulant faire bien comprendre ses Filles quelle tait la
diffrence entre les. gots mystiques et les contentements non mystiques, n'aurait pas mme song la diffrence capitale. Il faudrait la
plaindre d'avoir tant insist sur d'autres lments qui ne seraient que
secondaires, comme l'amour infus, les lumires infuses, les joies d'amour
verses spontanment dans l'me, sans donner l'lment fondamental;
d'avoir expliqu si formellement par ces effets le sentiment de la prsence de Dieu, de n'avoir dit nulle part que Dieu est vritablement
peru dans l'tat contemplatif; d'avoir dit, au contraire, aprs avoir
parl de cette certitude donne l'me qu'elle a t en Dieu et Dieu en
Comment pouvons-nous avoir une si grande certitude de ce que
elle
nous ne voyons pas ? Je n'en sais rien, c'est uvre de Dieu l Si l'me
avait vu -ou touch Dieu, il n'y aurait rien d'tonnant qu'elle en et
la certitude et la Sainte ne serait pas embarrasse pour l'expliquer.
:
7.
La
thorie de la perception de
Dieu
est contredite
par Vexprience
cerveau,
le
et
ils
feraient l'orai-
son en dormant. Or l'exprience prouve qu'il n'en est ainsi que pour
mes trs rares qui sont leves l'tat anglique.
les
non mystique.
1
Ve Demeure, I, 9. Como lo que no vimos, se nos queda con esa certidumbre? Eso no lo s yo, son obras suyas. Ces paroles s'expliquent d'elles-
si
c'est
APPENDICE
III
357
Motifs trs divers et non fonds que l'on invoque pour distinguer la contemplation acquise ou active de la contemplation infuse ou passive.
380. On a vu dj par les exemples donns que les auteurs qui
parlent de contemplation acquise et infuse, active et passive sont loin
d'tre d'accord sur le sens qu'ils donnent ces mots 2 Les uns, qui
appellent contemplation infuse tout ce que nous appelons contemplation surnaturelle, soit l'ordinaire, soit l'extraordinaire, dsignent par les
termes de contemplation active ou acquise, l'oraison affective, o le
raisonnement cesse souvent pour faire place la demande et toutes
sortes de protestations d'amour 3 Ainsi, saint Alphonse dcrit sous le
nom de Oratio otii contemplativi, une oraison affective (v. Degrs t. 1,
n 272).
.
1 Q et 2 e dition.
le
n 108)
comme
358
381. Nous avons dit qu'au dbut du xvn e sicle, un auteur carme
enseignait que l'oraison contemplative dcrite par saint Jean de la
Croix, tait une contemplation selon le mode humain et les oraisons
contemplatives dcrites par sainte Thrse, une contemplation au-dessus du mode humain. D'autres auteurs carmes de nos jours, qui s'appuient
sur des auteurs de leur Ordre du xvn e sicle, reconnaissent avec raison
que c'est le mme genre de contemplation que dcrivent saint Jean de
la Croix et sainte Thrse, mais'ils appellent acquise cette contemplation, et ils rservent le nom de contemplation infuse aux modes extraordinaires, comme l'extase, dans lesquels l'me voit tomber sur elle les
gres contemplatives, comme le jardinier voit tomber la pluie du ciel.
Aussi longtemps,
disent-ils, qu'on voit le sujet dployer quelque
activit, on est dans la contemplation acquise. (Etudes carmlitaines,
avril 1920.) Ces auteurs ont tout fait raison de ne pas vouloir ajouter
une espce nouvelle d'oraison celles qu'ont si bien dcrites sainte Thrse et saint Jean de la Croix. Sainte Thrse, pour distinguer les diffrentes graisons a pris pour symboles les divers modes d'arrosage et elle
n'admet aucun mode intermdiaire entre le premier mode o l'on tire
l'eau du puits force de bras, ce qui reprsente l'oraison de discours,
et le second, o l'eau, grce la noria, arrive bien plus abondante, alors
qu'il y a beaucoup moins de travail, ce qui reprsente, d'aprs elle,
i'oraison surnaturelle de quitude. Ils ont aussi raison de penser qu'il
n'y a pas "glisser aucune oraison intermdiaire entre les deux genres
d'oraison dont parle saint Jean de la Croix (Monte, L II; Vive flamme,
str. III, v. 3 et passim) savoir l'oraison de discours, mditative ou affective, et cette oraison contemplative dans laquelle le saint dclare qu'il
est tmraire d'entrer si on ne constate pas en soi les signes de la prsence des grces mystiques. Ils mritent encore d'tre lous de ce qu'ils
rprouvent l'erreur de ceux qui n'admettent pas d'intermdiaire entre
la mditation et la contemplation extraordinaire et de ce qu'ils montrent
trs bien combien il importe de viser cette oraison contemplative, si
recommande par sainte Thrse et saint Jean de la Croix. Mais appeler
acquise cette oraison contemplative, affirmer que l'me peut, moyennant l'habitude de la foi, l'atteindre par ses efforts personnels, par son
propre travail , c'est une doctrine laquelle nous ne pouvons souscrire
nous avons dit pourquoi (n os 35 et 51) et nous avons donn les
paroles vraiment dcisives de saint Jean de la Croix et de sainte Thrse, paroles que nous regrettons de voir passes sous silence par l'auteur qui nous combat.
382. Le cardinal Brancati de Laursea, dont la doctrine a t rsume
par Benot XIV (De canonizatione sanctorum), qui a t suivi par un
grand nombre d'auteurs, donne de la contemplation infuse 1 une
:
1
Les caractres qu'il assigne la contemplation acquise conviennent,
les uns, l'oraison affective, les autres, la contemplation ordinaire.
'
359
383. D'autres, enfin, veulent partager en deux espces de contemplation l'infuse et l'active, ce que nous avons appel la contemplation surnaturelle ordinaire il y aurait mme, d'aprs plusieurs, deux quitudes:
la quitude active et la quitude passive l Mais alors, comment les
distinguera-t-on? C'est que la premire, disent-ils a s'acquiert par le
travail de l'me dj recueillie; l'autre est accorde par un pur don de
Dieu, subitement, mme en dehors de l'oraison; c'est elle qu'il faudrait rserver le nom de surnaturelle.
Il est certain que les divers modes de contemplation dont nous avons
ceci est plus facile constater pour la contemplation sensible
parl
sont parfois donns l'me sans travail de sa part, et au moment o
elle y pense le moins, et d'autres fois ne lui sont donns qu'aprs une
certaine prparation, quand elle s'est dj recueillie. Mais ceci ne change
en rien la nature de cette grce, c'est, au fond, la mme contemplation,
et les personnes qui ont l'exprience de ces tats contemplatifs n'y
mettent pas de diffrence.
Ce serait donc, notre avis, une trs grosse erreur de prtendre que la
contemplation surnaturelle vient toujours subitement, et que la prparation, le travail de l'me ne la favorise jamais en rien. Les saints et les
docteurs aiment rappeler et commenter le fameux texte de Denys
indiquant comment l'me doit se disposer entrer dans l'union mystique; ils regardent comme une exception, sur laquelle il ne faut pas
compter, l'invasion subite et inattendue de l'opration divine. C'est
aussi la doctrine trs nette de sainte Thrse. Si, diverses reprises,
elle appelle l'oraison de quitude une oraison surnaturelle, c'est--dire,
comme elle l'explique elle-mme, une oraison que l'me, malgr tous
ses efforts, serait incapable de se procurer, elle reconnat cependant
(Relation v. p. 31) que l'on doit s'y disposer d'une certaine faon,
Ayant parl de cette manire
et dans sa Vie elle s'exprime ainsi
pnible d'arroser le jardin en tirant l'eau du puits force de bras
:
Meynard
2
Voir Scaramelli
vu, n 72,
360
'
faut donc dire, avec tous les Matres de la vie spirituelle que. de
qu'aprs avoir atteint la fin, on cesse de faire, usage des moyens
qu'aprs tre entr au port, on cesse le travail de la navigation, de mme
quand celui qui mdite est parvenu au repos et au got de la contemplation, il doit laisser les pieuses mais laborieuses recherches de la mditation et, content d'une vue simple et d'un souvenir de Dieu, comm^
s'il Le voyait prsent, jouir du sentiment de sa prsence, selon qu'il lui
est accord, qu'il soit d'amour, d'admiration, de joie ou de tout autre
nature. La raison de ce conseil, c'est que la fin de tout travail consistant
dans l'amour et dans les affections de la volont, et non dans la spculation de l'entendement, lorsque la volont est dj prise et possde de
cette affection, nous devons carter tous les raisonnements et toutes les
recherches de l'esprit, autant qu'il nous est possible, afin que notre
me emploie cet amour toutes ses forces et que les actes des autres
puissances ne viennent pas la distraire. Voici, ce sujet, le conseil d'un
docteur ds qu'on a le cur enflamm de l'amour de Dieu, on doit
aussitt abandonner les penses et les raisonnements de l'esprit, quelque
levs qu'ils soient, non parce qu'ils sont mauvais, mais parce qu'ils
sont un obstacle un bien plus grand. Cela veut dire qu'il faut cesser
le mouvement, quand on est arriv au terme, et laisser la mditation
pour l'amour de la contemplation. C'est ce que l'on peut faire, en particulier vers la fin de l'exercice, aprs la demande de l'amour de Dieu,
parce qu'alors on peut supposer que le travail et la mditation qui vient
de finir ont d produire quelque affection et quelque sentiment pour Dieu.
Il faut alors renoncer toutes les images qui se sont prsentes l'imagination, dtendre l'esprit, dbarrasser la mmoire et la fixer en NotreSeigneur, considrant que l'on est en sa prsence, sans toutefois rien
envisager de particulier relativement Dieu, se contentant de la connaisc'est bien l la connaissance gnrale
sance qu'on a de Lui par la foi
et appliquer sur Lui le cur
et amoureuse de saint Jean de la Croix
et la volont; c'est le seul moyen de s'embraser du divin amour, et
c'est en^cela que consiste le fruit de la mditation. Ce que l'entendement
peut connatre de Dieu n'est presque rien, mais le cur peut l'aimer
beaucoup. Il faut s'enfermer au milieu de soi-mme, dans le fond de son
me o est l'image de Dieu, et l Lui tre attentif, comme celui qui en
coute un autre qui lui parle du haut d'une haute tour, ou comme si on
l'avait dans son cur, ou comme si dans le monde entier il n'y avait
que soi-mme et Dieu seul. Or, ce n'est pas seulement la -fin de Vexercice mais encore au milieu, mais en tout autre endroit que nous devons
prendre ce sommeil spirituel o l'entendement est endormi par la
volont. Lorsqu'il vient, nous devons faire une pause et jouir de ce
bienfait, puis retourner notre travail lorsque nous n'avons plus rien
digrer ni goter de cet aliment. Ce que l'me prouve alors, la joie
qu'elle trouve dans la lumire et le rassasiement de la paix ne sauraient
s'exprimer par des paroles. C'est l qu'est la paix qui surpasse tout sentiment et toute la flicit dont on peut jouir en cette vie Le Saint dsigne
videmment par ces paroles ce que sainte Thrse appelle les gots
divins de la quitude.
// en est qui sont si pris de V amour de Dieu qu' peine ont-ils commenc penser Lui que le souvenir de son doux nom leur enflamme les
Il
mme
361
362
entrailles.
le
recueillement.
le simple
lors qu'il y a vraiment quitude, la mditation ou
toujours
recueillement ont pu la favoriser, non la produire; elle reste
un don de Dieu plus qu'un rsultat de l'activit humaine. Il n'en est pas
nos conside mme pour les sentiments amoureux qui sont un effet de
que
drations; mais ceux-ci appartiennent l'oraison affective. Donc,
qu'elle se fasse au conla contemplation soit soudaine et imprvue, ou
ce sont l des
traire sentir l'me qui s'est mise en prsence de Dieu,
modes purement accidentels de la mme oraison, et il n'y a pas l df
Ds
fondement pour
tablir
de la
en est de la contemplation comme des inspirations secrtes
pendant
grce bons dsirs, pieuses penses qu'elles surprennent l'me
arrivent dans
qu'elle est occupe de soins tout diffrents, ou qu'elles lui
un moment o elle s'adonne au recueillement et la prire, cela n en
l
change ni le caractre ni la nature
Il
.:
i
Nous croyions cette opinion de Sca'ramelli abandonne de nos jours,
mais n'est-ce point elle que nous retrouvons chez un savant auteur
contemporain? En mystique, dit M. Pourrat (Spirit. chrt., p. vi),
363
soutenir.
387.
On
invoque encore
comme marque
de la contemplation passive
celle-ci
ait
1
C'est du reste, on peut le dire, l'enseignement commun
les Pres,
saint Thomas, Benot XIV, etc., s'accordent sur ce point. V. P. Meynard.
Trait de la vie intrieure, t. II, n 239; Suarez, De dev. et orat. ment,
ch. xix et ch. xx, n 8.
:
364
-<
365
l'activit
'
tire
366
recommandations
et
imper-
grand
bien
si
(Vie, par
Hamon,
i,
p.
75.)
L'tat mystique, avait-il dit plus haut (1. VII), est comme la prophtie ou le don des langues ou des miracles, il ressemble cette sorte
S'il
de grce qu'on nomme gratuitement donne, gratia gratis data.
faut encore aller plus avant, nous dirons que l'tat mystique consistant
principalement dans quelque chose que Dieu fait en nous sans nous,
i
et o, par consquent, il n'y a ni ne peut avoir de mrite, etc.
1
...
367
1
la seconde phase de l'oraison affective
(p. 200). Il ajoute
Dieu commence-t-il rpandre secrtement dans l'me sa lumire
-et sa chaleur? On a peine comprendre que Von puisse persvrer sans
nela dans une forme d'oraison si peu propre captiver Vesprit. Mais cet
lment mystique, s'il existe, demeure tellement cach qu'on n'en a pas
conscience (p. 206). Ce qui fait penser au vnrable auteur que
l'lment mystique est absent, c'est que la difficult de mditer est
<sst
Dom
de
et lui
1
Cette notion, il importe de le remarquer, est bien diffrente de celle
que donnent les autres partisans de la contemplation acquise. Beaucoup d'auteurs, remarque avec raison Dom Vital Lehodey (AvantPropos, p. 11) ont cr une confusion dconcertante par leurs descrip-
368
contemplation surnaturelle.
On dit encore que, dans la contemplation infuse, l'me est tellement
absorbe par la vue des vrits divines, que les carts de l'imagination
sont impossibles. On pourrait allguer contre cette opinion de nombreux passages de sainte Thrse. Qu'on se reporte seulement ce passage o la Sainte nous montre la volont gotant les dlices ineffables
de l'union avec Dieu, pendant que l'entendement et l'imagination sont
livrs aux plus pnibles garements.
391. Enfin de nos jours ceux qui admettent cette thorie toute nouvelle d'aprs laquelle l'tat mystique est constitu par une perception
directe de l'tre divin, appellent contemplation acquise ou oraison
de simplicit certaines oraisons o ils ne voient pas signal cet lment,
dclar par eux essentiel et caractristique l Cette distinction tombe
d'elle-mme quand on sait, comme nous l'avons tabli, que c'est une
grave erreur d'attribuer l'tat mystique cette perception immdiate
de Dieu.
Cette opinion nouvelle rend impossible en beaucoup de cas le discernement des oraisons mystiques. Ceux qui l'admettent ne sauront certainement pas reconnatre l'tat mystique partout o il existe. Ils demanderont ceux qu'ils verront attirs l'oraison de simple vue Sentezvous en vous quelque chose d'extraordinaire; sentez-vous Dieu au dedans de vous-mme? et ils concluront de la rponse affirmative ou
ngative la prsence ou l'absence de l'tat mystique.
A. une question ainsi pose ceux qui prouveront les douceurs sensibles rpondront par l'affirmative; ceux, au contraire, qui ne ressentiront que le calme et la satisfaction de la volont, plus forte raison
ceux qui seront dans l'tat mystique aride et douloureux, rpondront
.
Ces auteurs
et du reste de nos jours la plupart des partisans de
contemplation acquise
reconnaissent tys justement que les oraisons contemplatives dont parlent saint Jean de la Croix et sainte Thrse sont des oraisons infuses. Alors ils intercalent leur contemplation
acquise entre la premire et la deuxime eau de sainte Thrse (Vie,
ch. xi et suiv.) entre Poraison de discours et l'oraison contemplative
;ui d'aprs saint Jean de la Croix, saint Franois de Sales, et tous
les princes de la mystique, lui succde immdiatement.
1
la
369
sensitif.
Il
Chose trange,
d'or.,
370
Combien il est plus juste de voir dans l'un et l'autre cas le mme phnomne, la mme loi observe par Bossuet lui-mme et si bien explique
avant lui par saint Jean de la Croix, loi en vertu de laquelle les mes
pleinement fidles la grce sont tires des oraisons infrieures, pour
tre leves une oraison plus simple et cependant plus prcieuse et
passent de l'tat mditatif et asctique l'tat contemplatif et mystique.
393. Si nous ne croyons pas devoir admettre cette classification
introduite en ces derniers sicles entre la contemplation mystique et la
contemplation acquise, nous croyons, au contraire, fonde la division
de la contemplation mystique en contemplation ordinaire et contemplation extraordinaire.
Saint Franois de Sales (Amour de Dieu, vu, 4) qualifie d'extraordinaire la contemplation qui produit l'extase; c'est donc
et d'ailleurs
tout son trait le fait bien comprendre
qu'il regarde tous les autres
modes de contemplation comme ordinaires.
On peut distinguer deux sortes de contemLe P. Lallemant dit
plation
l'une ordinaire et, l'autre extraordinaire. La contemplation
Ordinaire est une habitude surnaturelle, par laquelle Dieu lve les
puissances de l'me des connaissances et des lumires sublimes, de
grands sentiments et des gots spirituels, quand II ne trouve plus en
l'me de pchs, de passions, d'affections, de sollicitudes qui empchent
les communications qu'il veut faire.
Il y a une autre sorte de contemplation plus releve, qui est dans les ravissements, dans les extases,
dans les visions et autres effets extraordinaires. (Doct. spir. 7 e princ.
ch. iv.)
Le P. Grou, aprs avoir dcrit l'oraison contemplative d'aprs
Je ne parle ici que
sainte Thrse et saint Franois de Sales, ajoute
de la voie passive ordinaire, autrement nomme la voie de foi nue.
L'extraordinaire, qui est trs rare, est celle o l'on a des ravissements,
des extases, des rvlations, des visions et d'autres faveurs semblables
(Maxim, spir., 9 e max.)
Que l'on ne qualifie donc plus la contemplation mystique d'oraison
extraordinaire, comme on l'a trop fait dans les derniers sicles. Saint
Jean de la Croix dit (Max. 276, t. III, p. 47) que l'oraison s'ordonne
la contemplation comme sa fin . Saint Franois de Sales (Amour
de Dieu, vi, 6) dit que la contemplation est la fin et le but auquel
tendent tous les autres exercices . Et tous les matres sont d'accord
sur ce point. Ce qui est l'aboutissement normal de la vie spirituelle ne
peut tre tax d'extraordinaire. Ceux qui garderaient cette manire
de parler s'exposeraient au danger soit de persuader aux contemplatifs
:
possible, que son oraison tait une oraison mystique. Voir dans
notre Vie de la Mre Clment l'appendice I V oraison la Visitation^
o il est montr comment et pourquoi les faveurs visibles comme les
ravissements et extases, d'abord frquentes, devinrent ensuite moins
nombreuses la Visitation qu'au Carmel, sans que les grces mystiques
y fussent moins abondantes et moins prcieuses.
doute
APPENDICE
IV
371
APPENDICE IV
La contemplation demande-t-elle une
'
vocation spciale
et trs rare ?
394. Dans notre premire dition nous avons consacr tout un chapitre rfuter le P. de Maumigny, f 1918, dont l'ouvrage
Pratique de
P oraison mentale, rcemment paru, avait alors une grande vogue. Le
:
mystiques
les
ses thses, et
il
APPENDICE IV
372
vrit.
'
testables vrits
*
!
Pages
Lettres d'approbation
Prface
.,
CHAPITRE PREMIER
QUELQUES EXEMPLES DE L'TAT MYSTIQUE
Sainte Marguerite-Marie,
Vnrable Marie de l'Incarnation?
Le paysan d'Ars, la Vnrable Mre Pelletier, sainte
I.
11.
Jeanne de Chantai
III.
15
17
CHAPITRE
19
II
Doctrine de Denys
I.
II
trois
111.
'mystique. Les
manires
La connaissance mystique
le
de connatre Dieu.
21
dsire accorder
on doit se disposer
du mot mystique
23
26
Signification
CHAPITRE
III
I.
II.
III.
le
27
Grand
29
32
374
CHAPITRE IV
l'tat mystique d'aprs les docteurs DU
I.
Saint Bernard
II.
Saint
III.
MOYEN AGE
34
Thomas
35
40
Saint Bonaventure
CHAPITRE V
ENSEIGNEMENT DE SAINTE THRSE SUR L'TAT MYSTIQUE
I.
44
III.
IV.
4&
51
54
CHAPITRE VI
LA NATURE DE L'TAT MYSTIQUE D'APRS SAINT JEAN DE LA CROIX
57
I.
Clart de sa doctrine
II.
le
fondement de l'tat
58
mystique
III.
IV.
La
La
VI.
VII.
62
thologie mystique
la
contemplation mystique
la foi,
64
de
l'esprance et de la charit
66
67
69
CHAPITRE
La nature de l'tat
l'union mystique.
VII
CHAPITRE
Conclusion
375
70
VIII
Comment on
la reconnat
73
CHAPITRE IX
LES SEULS LMENTS CONSTITUTIFS DE L'TAT MYSTIQUE
I.
l'tat
mys-
tique
79
S II.
$ III.
La
IV.
Le sentiment de
la ligature, la
l'tat
80
mystique
82
la
l'tat mystique
83
CHAPITRE X
LES PHASES DE L'TAT MYSTIQUE
I.
Il
est impossible de
tiques
II.
S III.
IV.
V.
92
94
96
98
376
CHAPITRE XI
ORIGINE DE LA DIVISION DE LA CONTEMPLATION EN CONTEMPLATIO
MYSTIQUE ET CONTEMPLATION ACQUISE OU NON MYSTIQUE
I.
la
contemplation mys101
tique
II.
La contemplation
Doctrine
IV.
102
1066
nit,
-
Fuente
V.
VI.
auteurs expriments
Boudon, P. de
CJorivire
son mystique
08Q
114
118
CHAPITRE
XII
LA VOIE UNITIVE
I.
III
mme
tat
CHAPITRE
120
124
128
XIII
I.
II.
131
133
Comment
III.
IV.
V.
VI.
VII.
377
136
139
141
facults infrieures
'
134
143
CHAPITRE XIV
DIFFRENCE ENTRE L'TAT ASCTIQUE ET L'TAT MYSTIQUE
tats
11.
111.
IV.
V.
VI
VII.
Lumires asctiques
mystiques
L'amour asctique et l'amour mystique
Les sentiments mystiques paix, suavits, dsirs, peines.
L'preuve mystique de, l'impuissance. Tentations dans
l'tat mystique
Influence des dons mystiques sur la conduite de la vie
Les passions dans l'tat mystique
et lumires
147
150
153
157
160
162
CHAPITRE XV
EXEMPLES DE LUMIRES ET DE SENTIMENTS MYSTIQUES
I.
amour mys-
tiques
II.
III.]
IV.
V.
VI.
165
174
176
Zle,
167
171
173
lumires,
378
CHAPITRE XVI
LES PHNOMNES D'ORDRE ANGLIQUE
I.
II.
111.
IV.
17$
180
183
185
Notion gnrale
Vues angliques
Actes d'amour et sentiments angliques
Sensations spirituelles
CHAPITRE XVII
LES EXTASES
I.
Notion de
l'tat extatique.
Action sur
les sens
absorp-
190
tion et ligature
11.
III.
IV.
V.
La
aux tatsvextatiques.
Faveurs intimes qui accompagnent l'extase. Diverses
ligature corporelle est propre
varits de ravissements
Fin de l'extase. Le rappel
Effets de l'extase
196
198
206
208
CHAPITRE XVIII
DES RVLATIONS PRIVES
I.
II.
209
212
CHAPITRE XIX
AVANTAGES DES RVLATIONS PRIVES
I.
Faits historiques
II.
216
22
379
CHAPITRE XX
DANGERS D'ILLUSION
I.
II.
233
237
divines
CHAPITRE XXI
RGLES PRATIQUES DE DISCERNEMENT
I.
II.
Caractres
III.
IV.
Il
245
effets
trs
diffrents
des
apparitions
250
substantiel et de sr
V.
| VI.
256
Un mot
'.
259
263
267
CHAPITRE XXII
FAITS PRTERNATURELS DIABOLIQUES
I.
II,
La possession
III.
V.
Causes de la possession.
Les fautes du possd
Les sortilges, deuxime cause de possession
Possession permise par Dieu sans cause connue
VI.
Possession latente
IV.
270
271
273
275
276
...t.
280
CHAPITRE XXIII
REMDES AUX PERSCUTIONS DIABOLIQUES
I.
II.
Exercices probatoires
280
286
380
III.
Possession avre
IV.
V.
les
288
290
vexations
Pratiques conjuratoires
292
293
296
uvres
personnelles de l'exorciste
Expulsion des dmons
298
230
diaboliques
Prires rituelles et adjurations
VI.
VII.
VIII.
IX.
X.
299
Appendices
Les
Mystique
de Denys
L'tat mystique ne comporte nullement
divin
Motifs
divers
non fonds que
la
la
Appendice
Appendice
I.
crits
301-
le
II.
304
perception de l'Etre
Appendice
trs
III.
et
l'on
357
371
le
R. P.
SAUDREAU
M.
le
Chanoine
SAUDREAU
Deux volumes
Prix
fr.
40 (majo-
ration comprise).
10 35
9 70
Autres ouvrages de M.
le
Chanoine Saudreau
Un volume
la Visitation de
Montargis
Melun
in-12.
fut une
des premires
disciple de
saint Franois de Sales et de sainte Jeanne de Chantai. On
sait quelles admirables religieuses furent formes par ces deux
grands saints et comment- les dbuts de la Visitation furent
merveilleux de ferveur, de gnrosit et de douce simplicit.
Or, la Mre Clment fut peut-tre la plus remarquable de cette
pliade de saintes mes. Plus qu'aucune autre elle fut favorise
du Seigneur, qui lui parlait comme il. le fit sainte Gertrude,
sainte Thrse, sainte Marguerite-Marie. Sainte Jeanne de
Chantai avait toute confiance dans les grces accordes sa
vertueuse fille. L'illustre cardinal Bona, approuvant la vie crite
par le P. Galice, se dclare convaincu qu'elle a t exempte de
toute tromperie . La peinture de ses vertus n'difie pas moins
que les leons qu'elle recueillit des lvres du Sauveur.
religieuses de l'Ordre de la Visitation
elle
fut la
TROISIME DITION
Prix
10
50; franco, 8
Nature de
Perfection Doctrine des Pres de
La MysDoctrine des Grands Matres du xn au xvn
Conclusions pratiques.
tique depuis
xvir
Un volume
in-12.
7 fr.
fr.
l'glise.
la
le
sicle.
8 sicle.
Dniversity of Toronto
Library
O
CQ
fc.
DO NOT
REMOVE
THE
CARD
FROM
THIS
POCKET
!
CQ
u
0
J5
'