Liberte Religieuse MGR Tissier
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des devoirs envers la vraie religion (DH 1, 3) si on nen tient pas compte
dans lnonc mme du droit quon dclare. Cest mme une contradiction de
dire que la doctrine de la libert religieuse ne porte aucun prjudice la
doctrine catholique ce sujet (DH 1, 3), alors quelle lui porte le plus grand
prjudice, qui est de taire cette mme doctrine dans la dlimitation mme du
droit la libert religieuse.
Doctrine traditionnelle :
les devoirs de ltat envers la religion
7. Mais les dfenseurs du concile Vatican II refusent cette hermneutique
trop simple. Pour ne pas rompre demble la discussion thologique avec eux,
entrons dans le dtail de la comparaison de la doctrine de DH avec celle des
papes antrieurs. La doctrine constante de lglise sur les devoirs de ltat
1 Voir aussi Pie XI : le droit de tendre sa fin dernire dans la voie trace par
Dieu (EPS-PIN, 684).
2 MERKELBACH, Summa theologi moralis, t. I, n. 211.
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Le principe de rpression
8. La doctrine intgrale ci-dessus ne peut sappliquer qu une cit dont les
citoyens professent la foi catholique. Cest la situation normale, o la socit
satisfait son devoir moral envers la vraie religion et lunique glise du
Christ (DH 1, 3). Cest la situation modle de lunanimit religieuse catholique de la cit.
De cette situation idale se dpart la conjoncture o une minorit plus ou
moins dveloppe de citoyens nest pas catholique. Lattitude de ltat envers
eux est gouverne par la justice, la prudence politique et la charit. Or la
justice et la prudence ensemble dictent deux principes : le principe de rpression et le principe de tolrance.
Le principe de rpression est un principe mtaphysique, selon lequel tout
ce qui sinsurge contre un ordre de choses est consquemment rprim et
rduit par cet ordre ou par le principe de lordre (saint Thomas dAquin, I-II,
q. 87, a. 1). Appliqu la morale (politique), ce principe, dans le but de sauvegarder lordre catholique menac de la cit et de lglise, accorde au pouvoir
public le droit-devoir (loffice) de rprimer lexercice des faux cultes.
Ainsi sexprime le schma Ottaviani :
1 Des relations entre lglise et ltat et de la tolrance religieuse , commission
centrale prparatoire du concile Vatican II, schma dune constitution sur lglise propos
par la commission thologique, 2e partie, chap. 9 (reproduit dans Mgr LEFEBVRE, Ils lont
dcouronn, Escurolles, Fideliter, 1987, p. 253 et sq.).
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De mme que le pouvoir civil sestime en droit de protger la moralit publique, de mme, afin de protger les citoyens contre les sductions de lerreur,
afin de garder la cit dans lunit de la foi, ce qui est le bien suprme et la
source de multiples bienfaits mme temporels, le pouvoir civil peut, de luimme, rgler et modrer les manifestations publiques dautres cultes et dfendre
ses citoyens contre la diffusion des fausses doctrines qui, au jugement de
lglise, mettent en danger leur salut ternel 1.
Le pape Pie IX, au 19e sicle, enseigne la lgitimit de cet office de ltat, en
condamnant lopinion selon laquelle
la meilleure condition de la socit est celle o on ne reconnat pas au pouvoir le devoir de rprimer par des peines lgales les violations de la loi catholique, si ce nest dans la mesure o la tranquillit publique le demande optimam
esse conditionem societatis in qua imperio non agnoscitur officium coercendi
sancitis pnis violatores catholic religionis, nisi quatenus pax publica postulet. (Quanta cura, Dz 1689.)
Les violatores ne sont pas ceux qui exercent des violences physiques mais
ceux qui contreviennent extrieurement lordre catholique de lglise et de la
cit. En effet le texte ne dit pas violentias mais violatores, cest diffrent.
Donc Pie IX enseigne quivalemment : est meilleure ou au moins aussi
bonne, donc lgitime, lorganisation de la socit o est reconnu ltat le
droit-devoir (officium) de rprimer des pratiques religieuses extrieures
contraires aux pratiques catholiques, et pas seulement pour sauvegarder la
paix publique, mais pour cela mme que, ntant pas catholiques, ces pratiques sont nuisibles ipso facto et cela pour plusieurs raisons :
1) Dabord elles offensent la majest et la vracit du seul vrai Dieu et
sont donc un scandale.
2) Dautre part elles menacent ou blessent de fait le bien commun de la
cit en rompant la concorde des citoyens dans la vraie foi, qui est la part
suprme du bien commun.
3) De plus elles menacent darracher ou arrachent de fait lglise catholique, Corps mystique de Jsus-Christ, certains de ses membres, leur faisant manquer leur salut ternel, qui est la fin ultime de lhomme et aussi de
la cit.
4) En outre, elles sment souvent le pch et le vice, comme par exemple
le divorce ou la polygamie.
5) Enfin elles maintiennent des mes loin de la vrit de Jsus-Christ et
de lglise, les gardant prisonnires de lerreur par un carcan socioreligieux.
1 Des relations entre lglise et ltat et de la tolrance religieuse , schma doctrinal prsent par le cardinal Ottaviani, n. 5 (reproduit dans Mgr LEFEBVRE, Ils lont dcouronn, Escurolles, Fideliter, 1987, p. 258-259).
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Le principe de tolrance
10. Le second principe de la doctrine traditionnelle concerne encore une socit catholique dans laquelle apparaissent et se dveloppent dautres religions. Cest le principe de tolrance : dans certaines circonstances, la tolrance
peut tre meilleure que la rpression. Pour promouvoir un plus grand
bien , par exemple la paix civile ou une plus grande efficacit de la prdication de lglise parmi les non-catholiques, ltat peut tolrer lexercice extrieur de certains cultes errons et sanctionner limmunit de leurs adeptes par
un droit civil 3.
Pie XII transmet fidlement cette doctrine en 1953 :
Le devoir de rprimer les dviations morales et religieuses ne peut [...] tre
une norme ultime daction ; il doit tre subordonn des normes plus hautes et
plus gnrales qui, dans certaines circonstances, permettent et mme font peuttre apparatre comme le parti le meilleur celui de ne pas empcher lerreur,
pour promouvoir un plus grand bien 4.
De cette doctrine, saint Thomas dAquin nonce le principe en rappelant
que le sens commun (la synse, vertu qui fait juger selon la norme ordinaire)
doit tre modr par le sens de lexception (vertu gnm). Lagent moral doit
savoir aussi juger et dcider selon cette seconde vertu : Oportet de huiusmodi
judicare secundum aliqua altiora principia quam sint regul communes secundum
1 LON XIII, lettre Longiqua oceani, 6 janvier 1896, Actes de S .S. Lon XIII, Bonne
Presse, t. IV, p. 161-165.
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2 PIE XII, discours au 10 congrs des sciences historiques, 7 septembre 1955.
3 LON XIII, Immortale Dei (Dz 1874) ; Libertas (Dz 1932).
4 Allocution Ci riesce, 6 dcembre 1953, EPS-PIN 3040.
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quas judicat synesis il faut juger de ces cas selon des principes plus levs que
les rgles communes dont sinspire la synse (II-II, q. 51, a. 4).
Ces normes ou principes plus levs et plus gnraux sont tout simplement le bien commun de la cit dans ses lments les plus fondamentaux et
gnraux : la paix publique et la scurit des personnes, etc. ; mais aussi le
bien de lglise dans sa part la plus ncessaire : la libert de sa prdication.
Bien sr ces principes de base sont plus humbles et moins parfaits que ceux
qui sauvegardent lunanimit religieuse de la cit et le rgne social du ChristRoi, mais ils sont plus levs au sens de primordiaux.
Le Sel de la terre
Couvent de la Haye-auxBonshommes,
49240 Avrill
[email protected]