Histoire Des Arabes - Louis Amelie Sedillot PDF

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HISTOIRE DES

ARABES PAR
L. A.

SEDILLOT

Louis Pierre Eugne Amlie


Sedillot

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HISTOIRE

DES ARABES
L. A.

SDILLOT

I'rufespcur d'histoire au lyce Saint-Louis

Membre du

cotseil de la Socit asiatique et de la

ceutrale de la Socit de gographie, etc

commission
etc.

>

Il

PAHIS
MllltAIItlK DR L. IIACIIKTT ET
RUE P E R R E-S A R R Z N, N 14
'

Cto

(Prs de l'cole de Mdecine)

1854

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HISTOIRE

DES ARABES.
LIVRE PREMIER.
GOGRAPHIE DE L ARABIE.

LES ARABES AVANT MAHOMET.

CHAPITRE PREMIER.

GOGRAPHIE DE L'ARABIE.

DIVISIONS ADOPTES
PAR LES ARABES: PRESQU'LE DU SINA ; DESERTS DE SYRIE, DE CIIALDESCRIPTION DE L'iIEDJAZ.
L'YMEN.
DE, ETC. ARABIE PROPREMENT DITE.
L'HADRAMAUT; LE MAHRAH ET L'OMAN; l'HAA, L'AHKAF ET LE NEDJED.
ASPECT GNRAL DE L'aRARIE LE SIMOUN ET LES SABLES DU DSERT;
ROSE, PLUIES PRIODIQUES VIE NOMADE.

OPINIONS DES ANCIENS SUR LA PNINSULE ARABIQUE.

opinion*

le

ancien* sur 1 ncnhiftiilc arabique.

L'Arabie est une vaste contre dont la superficie est prs


du double de celle de la France; les calculs les plus rcents
lui donnent cent vingt-six mille lieues carres. Entoure
d'eau de trois cts, elle touche par le quatrime l'Afrique
et l'Asie,

Persique, la

l'est,

ouest.

en quelque sorte isole. Le golfe


la mer Rouge forment ses limites
l'ouest l'isthme de Suez la borne au nord-

dont

elle est

mer des Indes,

au sud

et

Quant

la ligne frontire

du nord,

elle

commence

de Palestine situe sur les bords de la Mditerrane, passe au sud de la mer Morte, l'est du Jourdain et
Gaza,

ville

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LIVRE

-2

I,

CHAPITRE

I.

puis va de Damas gagner l'Euphrate dont elle suit le cours


jusqu'au golfe Persique
L'intrieur du pays n'tait pas connu des anciens; les
Grecs et les Romains n'eurent mme jamais une ide bien
nette des divisions gographiques de l'Arabie. Hrodote,
qui avait beaucoup voyag et qui sut runir sur les murs
des gyptiens et des Mdes tant de renseignements utiles,
dit seulement quelques mots de la pninsule arabique.
Aprs lui ratosthne et Agatarchide, Pline et Arrien, Strabon et Diodore de Sicile, nous fournissent des indications
plus tendues; mais ils attribuent souvent au sol qu'ils dcrivent des produits de l'Inde imports par le commerce.
De tous les crivains anciens, Ptolme est celui qui parat avoir le mieux apprci la situation de l'Arabie; il lui
tait facile de recueillir des informations authentiques sur
un pays qui, par sa proximit avec l'Egypte, restait ouvert
aux explorations des habitants des rives du Nil. Cependant
les divisions qu'il nous a transmises sont tout fait arbitraires, et les gographes arabes n'en ont point tenu compte.
l'Arabie P11 partageait l'Arabie en trois grandes rgions
tre, l'Arabie Dserte et l'Arabie Heureuse, noms qui expliquent d'ailleurs la nature du climat avec une exactitude
suffisante pour une description gnrale la premire comprenait la presqu'le situe entre les deux golfes que forme
la mer Rouge son extrmit septentrionale; la seconde
s'tendait depuis la limite orientale de ces golfes jusqu'aux
1

frontires de la Syrie et de la

golfe Persique jusqu' la

mer

Msopotamie
des Indes;

et le

partie mridionale, composait l'Arabie Heureuse,

me numrait de

long du

ou la
o Ptol-

le reste,

son temps cinquante-six peuples

diff-

rents, cent soixante-six villes, ports et bourgs, dont six

mtropoles et cinq

villes royales*.

Les auteurs dans leurs

Sur

la gographie gnrale de l'Arabie , consultez Cari Ritter, qui a donn,


XIII e volume de son grand trait, l'indication exacte de tous les auteurs
lui sur le mme sujet; Niebuhr , Description de l'Arabie;
Busching, Introduction la gographie de l'Asie; Ch. Korster, Gographie de
i' Arabie ancienne (en anglais).
Les tudes gographiques et historiques sur
l'Arabie, de M. Jomard (Paris, 1839), rsument trs-exacienient les travaux des
modernes. Voy. aussi de Humholdl, Cosmos, t. II, p. 248 de La traduction franaise.
2. Comparez Ptolme, Gographie, livres V et VI, et Strabon, livre XVII.
1.

dans

le

qui ont crit avant

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Googl

GOGRAPHIE DE L'ARABIE.

ne s'accordent pas sur l'tendue de cette dernire rgion; les uns l'agrandissent d'une manire dmesure; les
autres la resserrent entre les montagnes. voisines de l'ocan
rcits

Indien, et l'on conoit aisment cette divergence d'opinions,


ds que les fantaisies de l'imagination prennent la place de
la ralit.

Les divisions adoptes par

les

Arabes sont bien

prfrables; elles conviennent toutes les poques de


toire et s'adaptent parfaitement la configuration

du

l'his-

pays.

les limites gnrales, ce sont celles que nous avons


dj indiques; seulement elles n'embrassent point la pres-

Pour

qu'le

du

Sina et les dserts de Chalde et de Syrie, ainsi

qu'on peut

le voir

dans

la

gographie d'drisi

*.

Division* adoptes par les Arabes t presqu'le du sina ; dserts


de Syrie, de Chalde, ete. Arable proprement dite.

La presqu'le du Sina
et d'lath; elle s'tend

est forme par


au nord jusqu'

vastes dserts furent le sjour des

les golfes
la

de Suez

mer Morte;

Hbreux aprs leur

ses

sortie

de l'Egypte, et formrent plus tard, sous le nom de troisime


Palestine, une province de l'empire romain, dont la capitale tait Ptra*. Les monts Sina, Hor et Horeb ont t le
thtre de plusieurs des grandes scnes de la Bible.

Quant
aux dserts de Syrie de Msopotamie et de Chalde (aujourd'hui dserts de Damas, d'Alep, de Bagdad, deBassorah),
ils ferment aux habitants de l'Asie Mineure et de la Perse
l'entre de la pninsule arabique; la strilit du sol en
aurait loign tous les conqurants, s'il n'avait servi de
route de commerce. La traverse de ces plaines sablonneuses
abrge considrablement le chemin des marchands qui portent en Occident les produits de l'Inde, et rciproquement
chez les peuples de l'Orient, les denres de la Grce et de
,

1.

drist, traduction

d'Amdo Jaubert,

t.

p. 130, 147 et suiv.

2. On trouve une description trs-pittoresque do Ptra dans l'Histoire des sultans mamlouks de Makrizi dont M. Quatrcmre a donn la traduction (t. II,
3 m partie, p. 236 et suiv.). C'tait la clef de la roule du dsert; les caravanes qui se
rendaient de Damas la Mecque, ou qui en revenaient, toutes les troupes de marchands, toutes les armes qui faisaient le voyage de la capitale de la Syrie celle
de l'Egypte, devaient forcment passer sous les murs de cette ville ou dans les environs; si un seul homme se place au milieu d'un des passages qui existent dans
ces terrains abrupts, il peut fermer le chemin cent cavaliers; consultez aussi
sur cette contre Brocard, Descriptio terrx sanctx; Irby et Mangles, Travels in
Egypt and JSubia; Burckhardt, Travels in Syria, etc.

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LIVRE

I,

CHAPITRE

En effet, si de l'embouchure de l'Euphrate on se


rend directement Damas, on arrive de l facilement aux
ports de la Mditerrane, tandis qu'en remontant le fleuve
jusqu'aux montagnes de l'Armnie qu'on est oblig de franchir, on a encore traverser l'Asie Mineure tout entire, et
les frais sont bien plus considrables; voil pourquoi l'ancienne Palmyre ou Tadmor situe dans le dsert mme, avait
acquis une si grande importance; elle protgeait les caral'Italie.

vanes et assurait la scurit des transports; lorsqu'elle eut


succomb sous les armes romaines, les Arabes redevinrent
peu peu les matres absolus de ces voies de communication; habitus la vie nomade, connaissant le secret de
leurs forces, ils disposrent en souverains d'un territoire qui
ne leur tait plus contest. C'est dans ces rgions que nous
verrons successivement apparatre le royaume de Hira et
1
d'Anbar, la puissante tribu des Nabatens et les Ghassanides.

Au
ment
1

de

la

nous entrons dans l'Arabie proprequi se divise en huit provinces

del, vers le sud,


dite,

L'Hedjaz, au sud-est de

mer Rouge

la

presqu'le

du

Sina, le long

L'Ymen, au sud de l'Hedjaz;


L'Hadramaut, sur la mer ds Indes, l'est de l'Ymen
4 Le Mahrah, l'est de L'Hadramaut;
5 L'Oman, baign au nord par les eaux du golfe Persique, au sud et l'est par la mer des Indes, born au
sud-ouest par le Mahrah.
6 L'Haa, appel aussi Bahren cause de l'importance
2

qui l'avoisinent, et s'tendant le long du golfe Perl'Oman jusqu' l'Euphrate.


7 Le Nedjed, au sud des dserts de Syrie, occupant toute

des

les

sique, depuis la frontire de


la partie centrale

de

la

pninsule, entre l'Hedjaz et L'Haa

province d'Iemamah, ou d'El-Aroud, o se trouvait


la ville d'Hedjer, et compos principalement de collines sablonneuses.
avec

!.

la

M. Quatremre, dans son mmoire sur les Nabatens (1835), fournit les doles plus complets sur cette nation d'aprs Maktizi, Masoudi, fcbn

cuments

Khaldoun,

etc.

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GOGRAPHIE DE L'ARABIE
L'hkaf entre l'Oman, l'Haa, le Nedjed, l'Hadramaut
et le Mahrah.
Ces diverses provinces ne nous sont pas galement connues si quelques-unes ont t en partie dcrites par des
voyageurs d'autres sont restes fermes leurs explorations; il y a plus, les travaux qui ont t entrepris jusqu'
ce jour sur l'Hedjaz et l'Ymen, dont on s'est surtout proccup, offrent encore de nombreuses lacunes; c'est peine
si les limites de ces provinces ont t exactement dtermines on ignorait encore, dans ces derniers temps, l'existence
d'un vaste pays nomm syr, qui tient la fois aux deux
contres, et o se conserve une population nergique et
belliqueuse*. S'il en est ainsi du littoral de la mer Rouge
qui, par sa position mme, est d'un accs facile, que penser
de l'intrieur de l'Arabie, qui n'a t qu'une fois visit dans
toute son tendue d'un golfe l'autre par un Europen, ou
des ctes mridionales et orientales, dont les Anglais com8

mencent

peine faire lever le plan

Description de l'Hedjaz.

L'Hedjaz attire en premire ligne l'attention, parce qu'il


les deux villes principales de l'Arabie la Mecque
Mdine ou Iathreb. La Mecque, o naquit Mahomet, l'ancienne Macoraba, tait depuis des sicles un lieu de plerinage o l'on allait se prosterner dans le temple del Kaaba,
devant une pierre noire qu'on disait avoir t apporte du

renferme

et

1. Voy. M. Jomard, ludes gographiques, etc., p. 93, et V Arabie de Burckhardt;


Eyries , en publiant la traduction de ce dernier ouvrage , eite plus de trente relations d'auteurs europens, en portugais, eu italien, en franais, en allemand et en
anglais, etc , sur la pninsule arabique. Parmi les voyageurs les plus intrpides de
ces derniers temps , on peut compter Seetzen , qui n'avait pas craint d'embrasser
l'islamisme pour pntrer dans l'intrieur du pays; le capitaine Sadlier, qui se
rendit d'un golfe l'autre: Vincenz, Badia, Buivkhardt enfin, qui adoptrent les

noms de Scheik Mansour, d'Ali ney et de sheik Ibrahim, etc.


2. C'est M. Jomard qui nous a t'ait connatre l' Asyr, dans ses ludes gographiques, et qui en a dress la carte; on peut la comparer celle que II. Flandin a
donne dans l'atlas joint la relation de son voyage en Orient. Voy. aussi B Moresbv, Chart of Ihe Red sea aboce Jidduh, etc., et Tamisier, Voyage en Arabie,
.

1840'.
3. 1.0 Journal de la Socit gographique de Londres , t. V, Vil, VIII et IX a publi d'intressants rapports sur les explorations des officiers de la marine britan-

nique; non* mettrons au premier rang la description des ctes mridionales de


l'Arabie depuis l'embouchure de la mer Bouge jusqu' celle du golfe Persique, par
Vov. aussi Cruilenden, Voyage de
capitaine Staflord Bellesworth Haines.
Mokha Sanaa; Wellsted, Voyage n la cle d'Owui, etc.

le

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LIVRE

CHAPITRE

I.

au temps d'Abraham par les serviteurs du Dieu tout-puisMdine devait tre la rivale de la Mecque; ces deux cits,
bties dans l'intrieur des terres, ne trouvent pas sur le sol
qui les entoure de quoi suffire la subsistance de leurs habitants; elles tirent leurs provisions de deux autres villes situes sur la mer Rouge et qui leur servent de ports Yanbo est
le port de Mdine et Djedda celui de la Mecque. L'Hedjaz
est entrecoup de dunes et de collines fertiles, qui sont la
demeure ordinaire des tribus; l'en tour se forment des
villages. Au sommet, une citadelle offre une retraite assure
en cas d'attaque; les versants fournissent du grain, quelques
fruits, de l'herbe pour les troupeaux et des sources d'eau
vive; prs d'une de ces collines, s'lve la ville de Tayef, le
jardin de la Mecque, dont les fruits sont trs-renomms.
A l'Hedjaz se rattache le Thamah, ou pays qui s'tend des
montagnes vers la mer; c'est l qu'on place Kondofah mais
les gographes comprennent en gnral sous la dnomination de Thamah tout le littoral, par opposition au Nedjed,
lieu lev, recul dans les terres, et ils distinguent du Thamah de l'Hedjaz, le Thamah de l'Asyr et celui de l'Ymen
ciel

sant.

depuis Khoulan jusqu' Aden 1

I/Ymen.

L'Ymen rpond
a reu le

nom

la partie de l'Arabie mridionale qui


d'Heureuse; au nord est le pays d'Asyr; les

habitants, en relations continuelles avec les gyptiens, les

thiopiens, les Perses et tous les peuples qui naviguent sur


la mer des Indes, ont adopt de bonne heure un gouverne-

ment

rgulier.

Connus des anciens sous le nom d'Hmyariadonns constamment l'agriculture et au


n'ont trouv que fort tard le vritable produit

tes, ils se sont

commerce,

et

Aden nous

est reprsente parles Anglais, qui en font aujourd'hui les matres,


village ruin n'ayant que six eents habitants
Haynes, loc. /aud.,
l'aperoit aprs avoir contourn le cap Marsliigh ; elle est entoure,
du ct de la tene, par des hauteurs sommets pointus; la partie est de la ville
donne sur la mer, et directement en face est une lie rocheuse et fortifie nomme
Sirah qui protge la haie. Aden commande l'entre de la nier Houge: c'est une position excellente, et il serait facile de relever les fortifications qui la dfendaient,
au xvi* sicle, contfe les entreprises des Portugais. Voy. Lafitau, Histoire des dcouvertes et conqutes des Portugais. Paris, 1733, in-4,*t. 1 er , p. 484 ot t. II, p. 71,
l.

comme un
p. i3).

4 1,

On

etc.

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GOGRAPHIE DE L'ARABIE.

dont ils fournissent tous les marchs


employaient plus habilement les machines
et les instruments de travail, s'ils savaient se crer un meilleur systme d'irrigation, ils pourraient encore accrotre
cette source de leurs richesses une temprature gale, l'-

de leur

sol

du monde;

le caf,

s'ils

lvation et l'humidit des terres favorisent le

dveloppement

de cette plante plus que partout ailleurs; plusieurs vills


doivent encore aujourd'hui leur prosprit au seul commerce du caf, Moka, Hodeida, Lodea, Aden. L'or et l'encens taient aussi exports des ports de la pninsule, mais
c'est de l'archipel indien que les Arabes tirent la plus grande
partie des mtaux prcieux et des aromates qu'ils expdient
par les golfes d'Arabie et de Perse.
Au nombre des villes les plus clbres de l'Ymen, nous
mentionnerons Saba, appele aussi Mareb, et Saan, qui
pendant longtemps disputa la Mecque le titre de capitale
de l'Arabie. Les rois de l'Ymen ou Tobbas, et aprs eux,
les gouverneurs persans ou abyssins, avaient fix leur rsidence dans cette dernire place; c'est l que rgne encore
aujourd'hui le prince le plus puissant de la contre.
I/llAdramaut; le Mahrah et Oman
et le Medjed.
l

im< a

Abkaf

L'Hadramaut, o se trouve Dhafar et Schibam, touche


l'Ymen, jouit peu prs du mme climat et participe aux
mmes avantages son alos tait recherch des anciens.
:

Le Mahrah

fertile, ses habitants empruntent leurs


ressources du dehors; la mer, en cet endroit, est si poissonneuse, qu'elle fournit mme la nourriture des bes-

est

moins

L'Oman, plac en face de l'Inde, en aurait attir tous


s'il avait eu quelque chose lui donner en
change; malheureusement le pays n'offre qu'un peu de
cuivre et de plomb, des dattes et quelques lgumes aussi
n'a-t-il pas jou le rle commercial que sa position aurait
si bien justifi. L'Haa comprend toute la cte du golfe Peril prsente l'aspect
sique, depuis l'Oman jusqu' Bassorah
le plus triste et le plus dsol ceux qui naviguent en vue
de ses bords. Mais quand la saison de la pche des perles est
tiaux.

les

produits

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LIVRE

8
tout

arrive,

I,

CHAPITRE

change d'aspect

et

la

cemre d'un grand commerce. Les

I.

contre devient le
qui sjournent

tribus

ordinairement dans l'intrieur s'empressent alors de venir


sur les rivages de la mer pour entrer en relation avec les
liuiWiitb des ctes et des les Bahren. El-Katif, El-iiaa,
Li katha et Grn, ordinairement dsertes, reoivent une

Ce moment

foule affaire et tumultueuse.

pass, les tri-

abandonnes, les commerants vont porter leurs denres dans les marchs de
l'Inde et de la Perse, et l'Haa n'est plus qu'une vaste so-

bus se

retirent, les villes sont

'

.litude 1 .

..

Nous venons de parler des


1

Arabie, llledjaz, l'Ymen,

etl'IIaa;

^s

six

provinces maritimes de

Hadramaut.

deux dernires

le

Mahrah, l'Oman

Vendent dans

l'intrieur;

l'hkf, contre dserte laquelle on rattache quelquefois

l'imamah, est tout fait inconnu; quant au Nedjed, nous


savons qu'il renferme un* grand nombre d'oasis, que ses pturages y sont excellents, que le cheval et le chameau y sont

remarquables par leur vigueur, mais aucune poque


pays n'a t dcrit d'une manire complte*.

le

Aspect gnral de r Arable ; le simoun et les sables du dsert


rose, pluies priodiques; vie

nomade.

Ainsi divise, l'Arabie prsente dans toute son tendue

sommet abouau mont Taurus entre l'Halys et l'Euphrate. Deux chanes


de montagnes en constituent les cts: l'une descend travers la Syrie et la Palestine sous le nom de Liban et d'AntiLiban, puis arrive dans la pninsule o elle longe la mer
Rouge jusqu' Bab-el-Mandeb l'autre suit paralllement
le cours de i'Euphrate et le golfe Persique jusqu'au dtroit
d'Ormus. Le triangle vsi termin par une ligne de terrains trs-levs qui rejoint les deux dtroits. Le fond de
la valle forme une plaine trs-basse dont le climat est plus
l'aspect d'une seule valle triangulaire dont le
tit

1.

Niebubr, Description de l'Arabie,

nombreux

p. "29i

on peut voir, dans cet ouvrage, do


commerce de la p-

ci intressants dtails sur les productions et le

ninsule.
2.

p. 2!>6, distingue, dans le Nedjed, le district El-Aroud avec la ville do


et le district El-Kberdj, qui se termine l'Ymen et qui comprend la

Nibuhr,

Drrravch
ville

d'imaniab.

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GOGRAPHIE DE L'ARABIE.
redoutable que celui des ctes. Tandis qu'ici des pluies bienfaisantes fertilisent le sol, l rien ne peut rsister la scheresse et

la

chaleur. L'atmosphre est souvent charge

d'exhalaisons et de miasmes qui s'lvent de


et d'autres lacs sals;

un vent

terrible,

la

mer Morte

connu sous

le

nom

de simoun et que les Arabes prtendent reconnatre


l'odeur de soufre qu'il rpand, ruine les plantes que les
rayons du soleil n'ont pas entirement dessches non moins
cruel pour les hommes et les animaux, il asphyxie tous
ceux qui ne savent pas se prcautionner contre ses funestes
effets, et recouvre de sable leurs corps inanims. Il n'en est
pas de mme prs des rivages de l'Ocan dans l'Ymen
surtout, o l'air est toujours pur; la saison des plus grandes
chaleurs est en mme temps celle des pluies, et si les pluies
font dfaut, des roses trs-abondantes y supplent heureusement. Le terrain depuis les bords de la mer s'lve
comme par degr la diffrence de hauteur modifie la
temprature des diverses localits, et facilite les irrigations
l'action du soleil, tombant perpendiculairement au solstice
,

d't, est attnue par les

nombreux

accidents

du

sol.

De

avantages auraient d fixer sur ces ctes les habitants


de l'Arabie et cependant le dsert n'a jamais t abandonn; la vie nomade qu'il impose a des attraits irrsistibles, compensation ncessaire des prils incessants dont
on est environn; une terre sablonneuse et brlante, qui
ne produit ni mas , ni riz ni froment ; des citernes et des
puits qui tarissent chaque instant, quelques palmiers
bientt dpouills de leurs fruits, des pturages promptement puiss rien ne dtourne le pasteur arabe du genre
tels

de vie qu'il a choisi.


1
La pninsule arabe, dit Herder
l'une des contres les
plus remarquables du globe, parat destine, par la nature
mme, donner ses peuples un caractre particulier.
Comme une Tartarie mridionale, le grand dsert qui,
,

I. Herder , Ides sur la philosophie de l'histoire, liv. XIX, chap. iv et v, p. 391423 de la traduction franaise. Voy. aussi l'excellent mmoire d'OFlsner, intitul:
effets de la relia ion de Mohammed pendant les trois premiers sicles de sa
fondation sur l'esprit, les murs et le gouvernement des peuples chez lesquels
cette rtligion s'est tablie. Paris, mo.

Des

LIVRE

iO

I,

CHAPITRE

I.

d'Iep l'Euphrate, s'tend entre l'gypte et la Syrie,


de vastes espaces aux hordes vagabondes des Bdouins et des bergers, et ds les temps les plus reculs, il
fut occup par des Arabes errants; le genre de vie de ce
peuple, qui regarde une ville comme une prison son orgueil
fond sur l'antiquit de sa race, sur son dieu, sur la richesse
et la posie de son idiome sur la lgret de ses chevaux
sur ses cimeterres tincelants, sur ses javelots qu'il croit
possder comme un dpt sacr , vous diriez que tout cela
l'a prpar de loin au rle qu'il devait remplir un jour dans
les trois parties du monde d'une manire si diffrente des
Tartares du nord.

offrait

CHAPITRE
LES AUABES

II.

AVANT MAHOMET.

ANCIENNES
CARACTRE BT MOEURS DES ARABES ; DIVJBION EN TRIBUS.
LES ABABES SONT MENACS PAR
TRADITIONS (xX e -X e SICLE AV. J. C.).
LA
LES NABATENS.
LES CONQURANTS DE L'ASIE (97G-323 AV. J. C).
LUTTE DES ROMAINS ET DES PARTHES OU PERSES EST FAVORABLE AUX ARADE L'ARABIE SEPTENTRIONALE DU III 8 SIECLE AV. J. C. AU VII e SICLE
BES.
ABABIE MRIAPR. J. C; ROYAUME DE HIRA ET D'ANBAB; GHASSANIDES.
DIONALE (DE 167 AV. J. C. A 6D7 APR. J. C.); TOBBAS DE L'YMEN LES
ABYSSINS.
ARABIE CENTRALE (200-020 APR. J. C. ); LA MECQUE ET IATIIREB ; PUISSANCE DES CORISCHITES. TENDANCES DE L'ARABIE VERS
MOUVEL'UNIT POLITIQUE-, ASSEMBLES D'OCAZH ; LUTTES DE POSIE.
MENT RELIGIEUX DE L'ARABIE.

Caractre et

murs de Arabes; division en

Dj, dit Herder, dans les jours d'ignorance,

trllms.

comme

ils

appellent les premiers temps de leur histoire, les Arabes s'-

rpandus au del de leur pninsule, et avaient fond de


royaumes dans l'Irak et en Syrie; quelques-unes de
leurs tribus habitaient en gypte; les Abyssins descendaient
de leur race, et toute l'tendue des dserts d'Afrique semblait
tre leur hritage spars de la haute Asie par des mers

taient
petits

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LES ARABES AVANT MAHOMET.

1J

de sable, protgs contre les attaques des conqurants, rien

ne troubla ni leur libert ni l'orgueil qu'ils tiraient de leur


de la noblesse de leur famille, de leur valeur indomptable, de leur langue encore pure et native; joint
cela que, placs au centre du commerce du midi et de
l'orient, ils rflchissaient les lumires de tous les peuples
voisins, et partageaient avec eux une activit mercantile que
leur heureuse situation leur rendait naturelle; ainsi, ds
l'origine, se dveloppa au milieu d'eux une forme de culture
intellectuelle qui jamais n'et apparu sur les monts Ourals
ou Alta. A la fois subtile et nave, la langue des Arabes se
forma aux discours figurs et aux sentences morales longtemps avant qu'on et song l'crire. C'est sur leur mont
Sina que les Hbreux reurent les tables de la loi , et le
peuple de Mose habita presque toujours avec leurs tribus.
Les Arabes ont conserv les murs patriarcales de leurs
,

origine

anctres;

sont, par

ils

un

singulier contraste, sanguinaires

de croyances
semblent dous d'une ternelle jeunesse
et sont capables des plus grandes choses lorsqu'une ide
leve les domine. Libre gnreux et tier, l'Arabe est en
mme temps irascible et plein d'audace; on peut voir en lui
le type des vertus et des vices de sa nation
la ncessit de
pourvoir lui-mme ses besoins le rend actif; il est patient
cause des souffrances de toute nature qu'il est oblig do
supporter, il aime l'indpendance comme le seul bien dont
il lui est donn de jouir
mais il est querelleur par haine de
toute domination. Dur envers lui-mme, il devient cruel et
se montre trop souvent avide de vengeance.
L'analogie de situation et de sentiment inspirait tous
les mmes points d'honneur
le glaive, l'hospitalit, l'loquence faisaient leur gloire; l'pe tait l'unique garantie
de leurs droits; l'hospitalit embrassait pour eux le code de
l'humanit, et l'loquence, au dfaut d'criture, servait
terminer les diffrends qui ne se vidaient pas par les armes.
La division des Arabes en tribus est encore une consquence de cette vie nomade; des usages tenaient lieu de
lois et chaque famille se runissait autour d'un chef dont
et obsquieux, superstitieux et exalts, avides
et

de

fictions

ils

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LIVRE

12

CHAPITRE

I,

l'autorit toujours paternelle rsidait


le droit d'anesse.

gneur;

Ce chef

portait le

II.

ordinairement dans
de Scheik ou sei-

nom

les principales familles reprsentaient assez bien les

Rome et les nobles de l'Europe; un desscheiks


au-dessus des autres c'tait le gnral de cette
petite arme; quelquefois il prenait le titre d'mir (commandant ou prince), mais son autorit tait trs-limite; il
n'tait mme pas l'abri du talion, loi barbare qui voulait
que le sang vers ft rachet par le sang ou par la compopatriciens de
tait plac

Tous les intrts lui taient confis, mais il ne pouen sparer les siens; car la tribu tait sa famille et
portait son nom. Quoique dcidant par lui-mme toutes les
grandes affaires, l'mir devait couter l'avis des scheiks avant
de rien entreprendre. Toutes les tribus taient organises de
sition

vait

mme

plusieurs d'entre elles se runissaient quelquefois

pour former une seule masse l'autorit tait alors dcerne


au scheik de la plus puissante. Souvent aussi lorsqu'une
tribu avait vu ses ressources puises par une guerre malheureuse, elle venait se fondre dans une autre en tat de la
:

protger, et ces alliances expliquent

comment

les

noms d'un

grand nombre de tribus ne se sont pas perptus.


Tant que le peuple arabe resta attach la vie nomade,
cette organisation de la tribu qui en tait le rsultat immdiat
ne subit aucun changement; elle existe encore aujourd'hui,
modifie toutefois; partout o des villes ont t fondes,
le pouvoir des scheiks a pu se changer en despotisme, mais
la tribu comme aux premiers jours est le vritable lment
de cette socit si curieuse tudier.

aux descendants d'Au l/ ot :'


Les Arabes rappon
braham Kahtan ou Jectan et smal, sont les souches des
deux grandes races qui ont peupl la pninsule l'une au midi
l'autre au nord. Ces races sont ordinairement dsignes
sous les noms de Moutearriba et de Moustariba, par opposition aux Ariba ou Arabes primitifs, au premier rang des

1.

Vnln'py: RHti-ches nouvelles

la tk(

>en \

>*1

'

sur

l'histoire

rhutt de l'emnire

rom

anriennr.
i

v.

Gibbon,

Histoire de

LES ARABES AVANT MAHOMET.

43

quels on place les Adites et les malica(Amalcites) descendants de Sem, selon les uns, de Cham selon les autres 1 Les
Moutearriba ou Jectanides s'tablirent dans l'Ymen et y
.

la dynastie sabenne et la dyfondrent deux dynasties


nastie hmyarique; la langue des Ariba ou l'arabe proprement dit, usite dans l'Hedjaz et le Nedjed, continua
d'tre parle par les habitants des campagnes; mais les
:

de l'Ymen se servirent de l'idiome hmyarique que


de leurs anctres. Les Moustariba taient de beaucoup postrieurs aux Jectanides. Abraham ayant reu dit-on, la mission divine de btir la
Mecque un temple saint, quitta la Syrie pour obir aux
ordres de Dieu tout-puissant, et descendit en Arabie o il
fonda la Kaaba, qui fut longtemps l'objet exclusif de la vnration des Arabes. Les travaux du temple retinrent le
patriarche dans l'Hedjaz durant de longues annes, et il fut
aid dans ses travaux par son fils Ismal, n sur le territoire mme de la Mecque. La source dcouverte par Agar,
est celle du puits de Zemzem; c'est Ismal que fut porte
par l'ange Gabriel la fameuse pierre noire, longtemps enferme dans la Kaaba, qui au jour du jugement doit rendre
tmoignage en faveur de ceux qui se seront prosterns
devant elle. Les traditions des Arabes comptent encore plusieurs signes de la protection cleste, qui prouvent, leurs
yeux du moins, que leur race comme celle des Juifs, a t

villes

les Jectanides avaient appris

privilgie.

peine les descendants d'Jsmal commencrent-ils se


au lieu d'une seule tribu,
il s'en forma plusieurs, toutes organises de mme, mais
aussi toutes indpendantes. Quelques-unes choisirent un
multiplier qu'ils se sparrent

emplacement pour
le

s'y fixer

la

plupart allrent vivre dans

dsert sous des tentes et adoptrent la vie

nomade.

Lorsqu'un chef prenait possession d'un pturage, il n'employait d'autre formalit que de faire aboyer sa meute; le
rayon sonore de cette trange proclamation traait aussitt
celui d'un domaine interdit aux troupeaux d'alentour 2
.

l.

Caussin do Pcrceval. Essai sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme,


Pococke, Spcimen historix Arabum, p. 81.

t. I

er *

a. OElsoer, p. 5;

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LIVRE L CHAPITRE

II.

Les Jectanides de leur ct semblrent prfrer la vie


cependant un grand nombre de tribus quittrent la fertile province d'Ymen pour aller chercher fortune ailleurs. C'est ainsi que les Beni-Djorrhom vinrent la
Mecque, dont lsmal tait en possession, et contractrent
alliance avec lui
mais la rivalit des deux grandes familles des Moutearriba et des Moustariba n'en subsista pas
moins; il s'agissait de dterminer quel serait le chef sous
lequel, en cas d'attaque, tous les autres viendraient se
ranger, et de fixer le centre de la nationalit arabe. Chacun
des deux partis avait sa mtropole les Ismalites, pour assurer la Mecque la prminence, s'appuyaient sur l'origine sacre des monuments qu'elle renfermait; les Jectanides faisaient valoir la richesse de l'Ymen, son antique
population, et demandaient pour Saan le titre de capitale
de l'Arabie. La lutte ne devait se terminer qu'au vr sicle
de l're chrtienne, l'avantage de la Mecque au moment
mme o Mahomet se proposait d'tablir dans son pays
l'unit de religion.
Outre les Jectanides et les Ismalites, l'Arabie conservait
quelques dbris des races primitives, dont les traditions sont
couvertes d'obscurit; on sait seulement ou du moins on
suppose que les Adites sous Cheddad et Locman, parcoururent en vainqueurs l'Irak et l'Inde plus de deux mille ans
avant notre re, qu'ils rgnrent h Babylone en 2218 et
qu'ils envahirent l'gypte, la mme poque sous le nom
de Pasteurs ou Hycsos on prsume que chasss plus tard
de l'Ymen par les Jectanides, ils allrent peupler l'Ethiopie
et l'Abyssinie mais ils avaient laiss des traces de leur passage en Arabie, o l'on montre encore des monuments adites
comparables aux constructions cyclopennes* Les Amalica
ou Amalcites, que l'on met galement au nombre des
Pasteurs ou Hycsos , paraissent s'tre rpandus de bonne
heure dans toutes les parties de l'Arabie, et avoir donn
plusieurs Pharaons l'Egypte; toutefois ils ne fondent aucun tablissement durable ; ils finissent par se concentrer au
sdentaire

1.

Coran, chap. lxxxix,

p. 6; Tabari, trad.

de M. Dubcux,

p. 114.

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LES ARABES AVANT MAHOMET.


nord de

la

pninsule, avec les Idumens,

Ammonites occupant les


;

les

15
Moabites, les

plaines de l'Arabie Ptre et celles

de l'Arabie Dserte, voisines de la Palestine et de la Syrie


de Damas, ils s'opposent longtemps l'entre des Hbreux
dans la terre de Chanaan et ne cessent de leur faire une
guerre acharne. Vaincus parSal, ils sont soumis par David
qui reste matre du pays situ entre la mer Morte et le golfe
lanitique. Bientt Salomon porte ses vues plus loin encore
il ne se contente pas de dominer sur la mer Rouge, et de
la faire parcourir en tous sens par des flottes construites aux
au commerce de l'Arabie
ports d'Aiath et d'Asiongaber
Heureuse, il veut joindre celui de l'Inde, et le conserver son
peuple en rendant tributaires les Arabes errants des dserts
de la Chalde. Il y parvient mais sa mort (976) entrane
la sparation des royaumes de Juda et d'Isral; les communications sont interrompues entre Jrusalem et les villes
d'Assyrie
les tribus arabes cessent de payer l'impt et les
diffrents peuples, Moabites, Amalcites, Idumens recouvrent leur indpendance.
Le rgne de Salomon est nanmoins une date importante
,

l'histoire des Arabes; la gloire du grand roi s'tait rpandue dans toute la pninsule; une reine de Saba (ville de
l'Ymen) s'tait rendue Jrusalem pour vrifier ce qu'on

dans

de sa puissance, et la splendeur de la cour, qu'elle


au-dessus des rapports de la renomme, avait
encore accru son admiration pour le fils de David. Si les
Arabes avaient craint un instant pour leur libert, ils furent
bientt rassurs par la faiblesse et l'incapacit des successeurs de ce prince; le pril devait venir d'un autre ct.

disait

avait trouve

Les Arabe sont menacs par les conqurants de


(090 3*3 av. J. r.

l'Asie

Places entre l'Egypte et la Chalde, les plaines de l'Arabie Dserte et de l'Arabie Ptre semblent devoir tre la

proie de toutes les grandes dominations tablies dans ces ri-

ches contres ; elles sont ncessaires aux conqurants qui


veulent rgner la fois sur les bords de PEuphrate et du
Nil, et elles tentrent les rois de Ninive et de Babylone, dsi-

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LIVRE

16

I,

CHAPITRE

II.

reuxde se rapprocher des ctes de la Mditerrane. Ce fut


ces ennemis redoutables que les Arabes durent rsister
tout d'abord
ils le firent avec succs; leurs troupes nom:

breuses affranchirent plus d'une fois les Hbreux du joug


assyrien. Cyrus, instruit par les malheurs des rois qui l'avaient prcd, ne les attaqua point
il se contenta de repousser ceux qui menaaient de trop prs les frontires de
ses Etats. Cambyse, marchant contre l'gypte, traita avec
;

les habitants de l'Arabie Ptre ses successeurs suivirent


son exemple, et jusqu' la fin de l'empire des Mdes, les
Arabes, exempts de toute redevance, restrent pour eux
des allis fidles. Lorsque Alexandre vint attaquer Darius
;

Godoman

ils

se

dclarrent pour ce dernier

plusieurs

de Btis, arrtrent la marche du


hros macdonien sous les murs de Gaza d'autres voulurent l'empcher de pntrer en gypte. Mais Alexandre,
soutenu par sa flotte qui lui fournissait les provisions ncessaires, passa sans peine de Phnicie en gypte, en longeant les rivages de la mer. Il n'oublia pas nanmoins la conduite des Arabes, et s'il ne les chtia pas tout de suite, c'est
qu'il ne voulait pas retarder d'un instant l'excution de ses
grands projets contre le monarque persan. lly songea quand
il fut de retour Babylone, aprs s'tre avanc au del de
l'Indus; un autre motif que la vengeance le poussait alors.
La conqute de l'Arabie lui semblait le complment indispensable de ses victoires priv de la pninsule, il ne pouvait se dire avec vrit matre de l'Asie occidentale
son
ambition irrite voulut se satisfaire. Il envoya donc plusieurs
des officiers de sa flotte visiter les ctes du golfe Persique
et de la mer Rouge \ tandis que ses lieutenants disposaient
une arme en gypte et en Syrie. La mort qui le surprit
trente-quatre ans peine, sauva les Arabes; ses gnraux,
trop occups de leurs propres intrts, ne pensrent plus
les attaquer. L'Arabie Ptre tait alors au pouvoir de la
quelques tentatives isoles d'Antitribu des Nabatens
d'entre eux

la solde

l. On peut consulter, sur ce point, le journal de Narque qui nous a cl conserv


dans les Indiques d'Arrien: Sainte-Croix, Examen critique des anciens historiens
d'Alexandre; 1). Vincent, The voyages of Ncarchus, etc., I.undon, 1797.

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LES ARABES AVANT MAHOMET

J7

gone et de Dmtrius n'eurent aucun succs. Lorsque le>


Ptolmes et les Sleucides se furent solidement assis sur
le trne, ils entreprirent de soumettre les pays qui sparaient
les frontires de leur empire, sans pouvoir y parvenir; Pompe ne

heureux, et les Romains recherchrent


d'un peuple qu'ils n'avaient pu rduire.

fut pas plus

l'alliance

JLes

Xabatens.

Les Nabatens, que l'on ne rencontre pas durant les


guerres des Hbreux contre les Arabes, paraissent pour la
premire fois sur la scne aprs l'expdition d'Alexandre.

On croit cependant qu'ils s'taient

tablis Ptra,

du temps

de Nabuchodonosor II. M. Quatremre, dans le mmoire


que nous avons cit, leur attribue une origine aramenne
ou syrienne, et les fait venir des rives de l'Euphrale et du
Tigre. Diodore de Sicile nous donne une haute ide de leur
caractre en citant quelques-unes des lois qui les rgissaient, et de leur intelligence en racontant la manire de
combattre de leurs guerriers. Ils avaient dfendu sous peine
de mort de semer du bl, de planter des arbres fruit, de
construire des maisons, disant que pour garder de tels
biens on sacrifiait trop aisment sa libert. Ils n'avaient
point d'autre demeure que le dsert, point d'autre occupation que le commerce. Recevant sur la mer Rouge la
myrrhe, l'encens et d'autres aromates, ils les portaient dans
les ports de la Mditerrane. taient-ils menacs par un
ennemi suprieur en nombre ils l'attiraient adroitement
dans leurs solitudes, se retiraient sur un rocher inaccessible,
et foraient la paix le gnral tmraire qui avait mal pris
ses prcautions contre la faim et la soif. Ce rocher est clbre; c'est l que devait s'lever la ville de Ptra. Les Na,

batens, par leur habile tactique, rsistrent tous leurs

ennemis. Lorsque jElius Gallus entreprit par ordre d'Auguste (vers 24 ans av. J. C.) son expdition contre l'Ymen,
il prit un guide nabaten
gar au milieu des dserts, il
fut oblig de renoncer ses projets, aprs quelques succs
militaires tristement compenss par les fatigues de la route
;

sur son avis, les Romains abandonnrent toute idedecon-

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18

LIVRE

I,

CHAPITRE

II.

qute sur la pninsule, et c'est peine si nous devons mentionner l'expdition deCassiusen 170 sous Marc-Aurle, la

de Commode, la tentative de Svre sur


Heureuse en 195 ou 199; la victoire de Macrin si
chrement achete en 217, etc. Un rsultat important avait
t, toutefois, obtenu l'Arabie Ptre avait t incorpore
dans l'empire romain et Cornlius Palma, lieutenant de Trajan, en avait fait la troisime Palestine. La ville de Ptra, orne d'difices magnifiques, thtres, cirques, temples, aqueducs, devint l'entrept d'un grand commerce; vers la mme
poque, les Nabatens tombrent peu peu dans l'obscurit,
et leur nom finit mme par disparatre de l'histoire.
dfaite des troupes

l'Arabie

La

Bonialns et des Parthes ou Perses


est favorable aux Arabes.

lutte des

Les empereurs, matres de la navigation de la mer Rouge,


de porter atteinte l'indpendance de l'Arabie, la protgrent d'une manire indirecte, en engageant une guerre
acharne contre les Parthes tandis que les deux peuples
s'puisaient dans des expditions sans rsultat
les Arabes
surent profiter des circonstances pour fonder sur leurs fronloin

tires septentrionales

deux tats puissants,

les

royaumes

de Ilira ou d'Anbar (vers 195), et de Ghassan (vers 292).


Mais afin de bien faire comprendre la situation de la pninsule avant

Mahomet, nous

principales

rvolutions

allons considrer sparment les


survenues dans l'Arabie septen-

trionale, mridionale et centrale.

Oc l'Arable
upr.

V.

septentrionale du
l

.;

royaume de

nr sicle

Ilira

av.

.1.

au vu*

sicle

etd*Anbar$ Cibassanidcs.

mort d'Alexandre jusqu' leur soumission par


pays voisins de l'Arabie manqurent d'un gouvernement fort. Travaill par des discordes
intrieures, l'empire des Sleucides, sous une apparence
brillante, cachait une excessive faiblesse. Il ne put s'opposer ni la formation des royaumes indpendants de l'Asie
Mineure, ni au triomphe des Maccabes, ni aux ravages
Depuis

les

la

Romains

et les Parthes, les

des tribus arabes. Celles-ci s'taient habitues ne point


respecter les frontires des grands rois. Retenues du ct

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LES ARABES AVANT MAHOMET.

19

de l'Euphrate par la proximit de Sleucie, elles se vengeaient du ct de la Syrie par des incursions priodiques;

chaque anne, profitant propos des moments o les troupes ennemies taient occupes dans des courses lointaines,
main, un butin consile dsert. Ces brinom d'invasions, durrent

elles allaient recueillir, le fer la

drable, et rentraient

impunment dans

gandages, qui ne mritent pas le


la destruction de l'empire des Sleucides. La politique et les armes des Romains et des Parthes les firent
cesser. Ces deux peuples commencrent par lever des forteresses sur les frontires puis ils tablirent des corps de
troupes pour surveiller le mouvement des peuplades voi-

jusqu'

cherchrent diviser. Attirs par les offres des


Romains, plusieurs chefs s'engagrent contenir les tribus
errantes, et sous le nom de phylarques garantirent leurs
nouveaux allis des attaques continuelles qui menaaient
leur territoire; d'autres se dclarrent pour les Parthes. On
les vit souvent intervenir au milieu de la lutte des deux nations. C'est ainsi que le principal auteur du dsastre de Crassus fut un chef arabe nomm Ariamnes, qui, feignant le plus
grand attachement pour la cause romaine, parvint dtourner le gnral des pays montueux dans lesquels il voulait se
renfermer, et attira les lgions au milieu de plaines immenses
o l'on ne trouvait, dit Plutarque, ni arbres, ni eau, et o
l'il n'apercevait aucune borne qui ft esprer quelque repos. Les Parthes, qui taient d'intelligence avec lui, et dont
toute la force consistait en cavalerie, purent alors assaillir
sines, qu'ils

les

Romains avec tous

leurs avantages, et, grce cette tra-

hison, triomphrent facilement d'un

ennemi qui, dj puis

par de longues marches, avait encore lutter contre

la

faim

et la soif.

Les Arabes ne se montrent pas seulement dans la guerre


des Romains et des Parthes; si nous avions une connaissance approfondie de l'histoire des Arsacides, il est probable

que nous

les

retrouverions mls leurs rvolutions et

comme ils le furent aux discordes


de Rome, malgr leur loignement de cette capitale.
sait que Pescennius Niger, lu csar en Orient (193),

leurs luttes intrieures,


civiles

On

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LIVRE

20

I,

CHAPITRE

II.

s'appuyait principalement sur eux, et qu'un Arabe saisit

pourpre impriale en 246 c'tait Philippe, qui devenu


matre du trne, oublia sa patrie et ne fit rien pour elle.

la

Ils

paraissent aussi sur la scne la suite de Znobie, et

Mineure, quand l'arrive d'Aurlien et la


un coup terrible dont
ils ne se relevrent pas (271 ).
Au nombre des phylarques qui possdrent la Syrie
orientale et une partie de la Msopotamie, il faut placer les
Odheyna (Odenat), contemporains des premiers princes de
Hira et d'Anbar. Les Odheyna commandaient, selon toute
apparence, aux dbris de ces anciennes tribus amalica, qui
avaient encore une fois abandonn leurs demeures. On
suppose que le dernier de ces chefs n'tait autre que Septimius Odenat, poux de Znobie, mort assassin en 267. Les
Arabes le font prir dans un combat livr Djodhaima, roi
Tonoukhite de Hira, qui est victime, son tour, d'une ruse
de la reine Zebba (Znobie) Ils racontent ensuite la vengeance que le successeur de Djodhaima, Amr fils d'Adi, de
la dynastie des Lakhmites ou Nasrites, tire de cette princesse; Zebba, trompe par un nouveau Zopyre (Cossayr fds
de Sad), et surprise dans son palais, est frappe par son
vainqueur, au moment o elle cherche s'chapper, en traversant un souterrain pratiqu sous le lit del'Euphrate. Ces
rcits ont tout fait le caractre de lgendes composes
plaisir, et nous ne nous y arrterons pas. Il sufft de dire
qu'aprs la chute de Znobie, vers 272 de J. C, le gouvernement des Arabes de Syrie fut confi, par les Romains,
des chefs Tonoukhites, puis aux Salinits, qui furent renverss, en 292, par la tribu de Ghassan.
L'avnement des Sassanides, et la translation du sige de
l'empire romain dans la ville de Constantinople, ne devaient
point suspendre la fureur des peuples qui se disputaient
l'Euphrate; les Perses et les Grecs continurent la rivalit

menaaient

l'Asie

destruction de Palmyre leur portrent

I. Caussin de Perceval, t. H, p. 197; Flavii Vopisri Divus Aurelianus in Script.


Londres.
Histori Augusii; R. Wood, The ruin of Palmyra and liaalbec
1753 ei 1757. Les articles Odenath el Znobie dans la Moyraphie universelle de
,

Michaud,

etc.

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LES ARABES AVANT MAHOMET.


*

21

des Parthes et des Romains avec une obstination qui servit

merveilleusement les intrts des Arabes.


Les rois de Hira, dont les possessions s'tendaient sur les
deux rives du fleuve, devinrent les claireurs de l'arme des
Perses; tandis que les chefs ghassanides, revtus de la dignit
de phylarques, se rangrent du ct des Romains et s'enrichirent leurs dpens. Hira avait t fonde trois milles du
lieu o fut btie plus tard la ville de Koufah par les tribus qui,
sous le nom de Tonoukhites, avaient envahi l'Irak en 192 de
J. C. et s'taient empares d'nbar. LesTonoukhites appartenaient la grande famille des Codhaites, originaire de l'Y-

men, dont la branche principale s'tait fixe successivement


dans leThamah et le Bahren en 228, leur chef Djodhamah
se reconnaissait vassal d'Ardchir, fils deSassan, et aprs
lui, Amr, fils u'Adi, commenait la dynastie lakhmite ou nasrite, qui devait se prolonger jusqu'en l'anne 605 de J. C.
Amr ou Amrou, fils d'Adi, ne fit aucun effort pour soutenir les Arabes de Hadhr ou d'Atra, ville situe entre le
;

Tigre et l'Euphrate dans le dsert de Sindjar, qui avait rsist Trajan (116) et Svre (201), aux Sassanides(231) et
dont Sapor 1 er s'empara en 240; mais aprs la ruine de Palmyre, par Aurlien (272) , les rois de Hira dominrent sans
contestation sur les tribus de la Msopotamie ils tendirent
;

peu

peu leurs

frontires et pntrrent plusieurs fois jus-

Ils avaient le gnie de la guerre, et non celui


de l'administration et du gouvernement; il leur fut impossible de garder leurs conqutes, et ils s'en tinrent alors leur
vritable rle en combattant seulement pour le pillage. Oprant devant l'ennemi des retraites que la mollesse des Grecs
rendait presque toujours heureuses, ils laissaient ensuite aux
Perses le soin de continuer la guerre. Ces expditions accumulrent dans leur capitale tous les trsors de l'Asie Mineure
et permirent aux souverains de Hira de rivaliser de luxe avec
les monarques de Ctsiphon et de Constantinople. En mme
temps elles excitrent au plus haut degr la haine des Romains
qui cherchrent plus d'une fois se venger. Diocltien en 289,
Constance en 353 combattirent les Sarrasins; c'tait le nom
que lesRomains donnaient aux Arabes septentrionaux. Julien

qu' Antioche.

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LIVRE

I,

CHAPITRE

II.

Valens en 373 Thodose le j eune


ordonnrent de nouvelles attaques; le roi Moundhir I er ou Mondar, qui avait contribu replacer BahramGoursur le trne de Perse, essuya un sanglant chec (421);
l'historien Socrate prtend que cent mille Sarrasins prirent
dans les flots de l'Euphrate en 448. Anastase fut moins heureux (498) en renouvelant les hostilits contre les Perses, il
faillit perdre la Msopotamie tout entire (502). Noman III,

prit et dtruisit Anbar (363).

en 411

qui prit une part active cette guerre, eut repousser l'anne
suivante une invasion des tribus de l'Arabie centrale que
J. Stylits

appelle Thalabites

ou Bacrites; leur chef Harith

d'Amr-el-Macsour fut matre un instant du


royaume de llira il s'tait montr favorable aux doctrines du
manichen Mazdac, protg par Kobad ou Cabads et il chassa
du trne MoundhirHI en 518; mais cinq ans plus tard Mazdac tait mis mort par ordre de Khosrou ou Chosros et
Moundhir 111 tait rtabli dans tous ses droits. Ce prince,
ditProcope, fut pendant quarante-neuf ans (513-562) l'adversaire le plus redoutable qu'aient eu les Grecs. Exerant
une autorit souveraine sur les Sarrasins vassaux de la
Perse, il faisait irruption de tous cts sur nos terres, et
personne ne pouvait lui rsister, soit parmi nos gnraux
-grecs, soit parmi ceux qui commandaient nos Arabes. Ce
fut l'poque la plus brillante du royaume de Hira aprs
Moundhir, il tomba compltement sous la domination des
Sassanides qui ne se contentrent plus d'un tribut ou de
quelques signes de vassalit. Noman V fut le dernier prince
de la dynastie lakhmite (583-605) K La tribu des Bacrites
victorieuse des Perses la bataille de Dzou-Car en 61 1 mainmais Hira devint
tint son indpendance dans le Bahren
(Arethas),

fils

une

satrapie persane administre par des vice-rois.

Mahomet

paraissait alors sur la scne.

Msopotamie avaient redesroisdeHiraetd'Anbar;


ceux de Syrie se soumettaient vers le mme temps aux Ghassanides. La peuplade des Azdites, originaire de l'Ymen, tait
Les Arabes de

l'Irak et

connu ds l'anne 272

1.

Voy. l'appendice, n

de

la

l'autorit

1.

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LES ARABES AYANT MAHOMET

23

venue s'tablir vers Tanne 118 de J. C. Bath-Marr, prs


de la Mecque cent ans plus tard cette colonie se dispersa,
et plusieurs des tribus qui la composaient s'arrtrent prs
de l'tang de Ghassan , situ sur les frontires de L'Hedjaz
de l le nom de Ghassanides, sous lequel elles prennent rang
dans l'histoire. Aprs des alternatives de succs et de revers,
elles s'avancrent jusqu'au Borr, et en 292 leur chef Thalaba
recevait des Romains l'investiture de la charge de phylarque.
Son successeur Djafna I er est la tige d'une dynastie qui doit
se prolonger jusqu'en 637, poque laquelle Djabala VI,
dernier roi de Ghassan embrassa l'islamisme. Pendant cette
longue priode, les Ghassanides secondent les empereurs de
Constantinople dans leurs expditions contre les Perses, et,
devenus chrtiens vers le milieu du iv 8 sicle de J. C. ils
soutiennent contre les rois de Hira une guerre incessante
qui n'amne aucun rsultat dcisif. Uarith V el-Aradj, fils
d'Abou-Chammir, obtient de Justinien les titres de patrice
et de roi il est prsent en 531 la bataille de Callinique perdue par Blisaire mis en droute en 539 par Moundhir 111,
il rpare peu d'annes aprs cet chec et fait une expdition
heureuse en Arabie contre les Juifs de Khabar il entreprend
en 562 un voyage Constantinople et meurt en 572 les lgendes arabes et les chroniques grecques font aussi mention
de deux reines ghassanides trs-clbres, l'une, Mawia, qui en
377 secourut la veuve de Valens, assige par les Wisigoths
dans sa capitale; l'autre, Maria, surnomme Dzat-el-Courtain (aux pendants d'oreilles) parce qu'en se convertissant
au christianisme, elle fit prsent au temple de la Mecque de
deux perles d'une valeur inapprciable.
Les Ghassanides,
allis de Maurice (584-588) et d'Hraclius (610-641), contribuent aux victoires de ces deux empereurs ils combattent
Muta en 629, partagent la dfaite de l'Yermouk en 634
et ne se soumettent aux khalifes que trois ans plus tard 1
L'Arabie septentrionale tait donc au commencement du
vu c sicle resserre entre les Perses et les Grecs matres
de l'gypte, de la Palestine et de la presqu'le du Sina;
;

1.

Voy. l'appendice, n

2.

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2i

LIVRE

I,

CHAPITRE

II.

deux tats tributaires, l'un de Constantinople, l'aude Ctsiphon, qui exeraient sur les dserts de la Syrie,
de l'Irak et de la Msopotamie une prpondrance marque.
et entre

tre

Arable mridionale (de 16) av. J. . 5! apr.


Tobbas de l'Ymen; les Abyssins.

I. t

Le midi de la pninsule ne s'tait pas soustrait aussi


longtemps au joug tranger; les Jectanides y avaient form
de nombreux tablissements la suite de la dynastie sabenne, qui avait fond Mareb, Dhafar, Aden, Nadjran, etc.
des conjectures rcentes dont il nous est impossible d'admettre la parfaite exactitude, ne font pas remonter ces
tablissements au del de l'anne 794 av. J. C. les Hmyarites ou Homrites, appartenant la mme famille auraient commenc en 167 seulement la dynastie des Tobbas*,
qui ne- doit succomber qu'en 525 de J. C, sous les armes
des Abyssins. Harith Errai ch, premier Tobba, devait runir
toute l'autorit entre ses mains et soumettre l'Hadramaut,
le Mahrah et l'Oman.
Les habitants de l'Ymen s'adonnrent, sous les Tobbas,
aux travaux de l'agriculture et du commerce; un vaste
systme d'irrigation distribua l'eau dans toute la province.
L'encens et les parfums transports au dehors augmentrent leurs richesses. Les Hmyarites, dit Masoudi, jouissaient de toutes les aisances de la vie
ils avaient en abondance tous les moyens de subsistance, une terre fertile,
un air pur, un ciel serein, des sources nombreuses, une
;

puissance bien affermie.


ture hmyarite appele
isoles

ou dtaches,

Suivant Makrizi, l'ancienne cri-

Mousnad

tait

compose de

et plusieurs inscriptions

lettres

dcouvertes

MM. Wellsted

et Cruttenden paraissent offrir des chande cette criture mais l'opinion des savants n'est
pas encore fixe cet gard.
Un vnement peu important en apparence vint porter,
vers 120 de J. C, un coup funeste l'autorit des Hmyarites. Il existait prs de Mareb une digue immense, desti-

par

tillons

1.

Voy. l'appendice, n3.

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PRFACE.

En
mire

cherchant depuis plus de vingt ans mettre en lules services

que

Arabes ont rendus aux sciences et

les

la civilisation pendant l'intervalle de plusieurs sicles, qui

spare les Grecs d'Alexandrie des modernes,

j'ai

d consi-

drer dans leur ensemble les annales de ce peuple

temps ddaign

mme

comparer

les

matriaux que

rassembls, ceux qu'on avait dj

long-

si

j'avais

moi-

connatre, et

fait

jeter les premires bases d'une histoire gnrale des

Ara-

bes, vaste travail qui dpasserait peut-tre les forces d'un


seul

homme.

Le

livre

que nous publions aujourd'hui, en

offre

le

plan.

Avant de tracer l'esquisse rapide des documents de toute


espce que nous avons consults,

il

est ncessaire d'appeler

instant l'attention sur cette race arabe, quelquefois

un

conqu-

rante, jamais subjugue, qui, depuis quatre mille ans, n'a

pas cess de prsenter

murs,
que o

les

mmes

les

mmes

traits distinctifs, les

habitudes, les

mmes

qualits.

se forment les plus anciens empires

debout, et prte envahir

les territoires voisins

mmes

l'po-

elle est
;

elle

dj

donne

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'

PRFACE.

II

des rois Tgypte et


J. G.

la

Babylonie dix-neuf sicles avant

Plus tard, rentre dans ses limites naturelles,

elle lutte

avec succs contre les Pharaons, contre les monarques


assyriens; elle chappe la domination de Cyrus et d'A-

lexandre, elle conserve son indpendance en prsence des

Romains,

du monde;

les matres

et lorsque,

Mahomet

res-

serrant les liens qui unissent ses diverses tribus, dirige vers

une ide commune toutes

de l'Arabie

les forces vitales

on

voit se lever un grand peuple qui tend son empire depuis


le

Tage jusqu'au Gange

et

qui porte

le

flambeau de

la

civilisation en Orient et en Occident, tandis que l'Europe,

plonge dans
oubli

les tnbres

compltement

les

du moyen ge, semble

traditions

de

la

Grce

avoir
et

de

Rome.

Le dmembrement des
le

mouvement

Arabes;

les

tats

scientifique

khalifes

n'pargnent rien pour

et

musulmans
littraire

n'arrte point

produit

de Bagdad, de Cordoue
le

propager de plus en plus

par

les

du Caire

et
;

s'ils

per-

dent leur puissance politique, l'influence morale qu'ils ont


exerce continue de se faire partout sentir; les chrtiens

d'Espagne qui chassent

les

Arabes de

la

Pninsule leur

em-

pruntent leurs connaissances, leur industrie, leurs dcouvertes; les

Turcs

et les

Mongols, qui tour tour dominent en

Asie, deviennent, sous le rapport intellectuel, les tributaires

de ceux qu'ils ont vaincus. La race arabe, proprement


refoule dans

la

dite,

Pninsule et dans les dserts de P Afrique,

reprend sa vie indpendante; comprime plus tard par

Ottomans,
couer

le

elle n'attend

joug qui pse sur ses enfants; et

chou au commencement de ce
d'affranchissement

ils

les

qu'une occasion favorable pour se-

sicle

si les

Wahabis ont

dans leur tentative

sont encore prts se soulever au

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PREFACE
premier signal.

III

mme

pourrait bien en tre de

Il

des

Arabes d'Afrique rpandus dans nos possessions de l'Al-

ne sont que trop disposs

grie, Tunis, au Maroc, et qui

couter la voix de leurs chefs, ds qu'ils prchent la rbellion

ou

guerre sainte.

la

Quand on examine
l'Arabie,

on

la srie

des auteurs qui ont crit sur

pour

voit qu'ils ont trait

la

plupart certaines

priodes de l'histoire de ce pays, sans jamais la considrer

comme

dans toute son tendue. Les uns,


tens

Eichorn

Silvestre

de Sacy

Pococke, Schul-

Quatremre

Jomard

Gaussin de Perceval, etc., ont cherch claircir les poques


qui ont prcd l'islamisme

d'autres

Prideaux

Maracci

Sales, Gagnier, Boulainvilliers, Savary, Pastoret, etc., se sont

contents d'apprcier

Mahomet

et le

Coran. D'autres enfin,

en bien plus grand nombre ont tudi les changements


survenus dans les diverses contres que les Arabes ont sou,

mises leur domination et nous ont


frique et l'Europe

musulmanes

aussi trouvera-t-on leurs

de cet ouvrage.
mais

ils

Il

laiss

noms souvent

y a bien eu des

sur l'Asie

cits

dans

cours

le

essais d'histoire gnrale,

sont demeurs incomplets. Ockley s'est arrt en

705; Marigny et M. N. Desvergers en 1258. Conde,

durement

trait

lieu

une polmique

proccup que des Arabes d'Espagne


son rsum

les

fort

par M. Dozy dont les critiques ont tout r-

cemment donn

trs-vive

Mills a

les khalifes

ne

s'est

compris dans

peuplades turques et tartares et

beaucoup trop rapidement sur


cident;

l'A-

d'intressants matriaux

il

a pass

d'Orient et d'Oc-

l'ouvrage de Weil enfin n'est point termin; ce-

pendant ces publications nous ont fourni

Nous avons eu

aussi

d'utiles secours.

nous louer du zle de M. Gustave Hub-

bard, notre ancien lve et notre ami, qui, par

un premier

Digitized

PRFACE

IT

rendu notre tche plus

travail, a

crit, publi

facile, et

qu'un important

en 1852, sur l'Organisation des socits de

secours mutuels et de prvoyance a plac trs-haut dans


l'estime publique.

Jusqu' prsent les sources originales qui renferment les


traditions arabes, n'ont pas t toutes explores

si

nous

connaissons boulfda, El-Macin, Aboulpharage, nous ne

possdons encore que des fragments d'Ebn-Khaldoun

de

Makrizi, d'Ebn-al-Athir, et de tant d'autres historiens ara-

bes et persans, dont

il

serait dsirer

qu'on et enfin

traduction complte; ce qu'on nous en a transmis

nanmoins pour rectifier bien des ides

fausses, et l'on peut

Mahomet

discerner sous son vritable jour le caractre de

qu'on

s'est

plu travestir d'une singulire faon. Les uns

reprsentent

le fils

d'Abdallah

un ambitieux, dont

fourbe,

comme un
il

toutes les faiblesses et les erreurs

homme d'un gnie

enthousiaste,

serait difficile
;

pour

Il

un

d'numrer

les autres, c'est

un

incomparable, un de ces rares mtores

qui apparaissent de loin en loin pour changer la face

monde.

la

suffit

faut carter ces

jugements extrmes

et

du

en re-

un mmoire cou-

venir celui de M. Oelsner qui, dans

ronn en 1809 par l'Acadmie des Inscriptions

et Belles-

Lettres, a parfaitement apprci l'aptre des Arabes et l'in-

fluence exerce par l'islamisme sur les diverses contres

il

Le
des

s'est

rpandu.

rcit des

conqutes des premiers khalifes

Ommiades de Damas

Bagdad
tats

et

et des Fathimites d'gypte, le

musulmans

Mongols

l'histoire

de Cordoue, des Abbassides de

dmembrement des

d'Orient, envahis par les Turcs et les

ont t exposs avec beaucoup de soin

avons joint une partie nouvelle et originale,

nous y
de

le tableau

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PRFACE.

de

cette civilisation arabe qui a jet

profondes racines

si

dans l'ancien monde et dont on retrouve encore aujourd'hui les traces lorsqu'on recherche attentivement les pre-

miers germes de nos connaissances.

de notre re

la fin

du

vm

sicle

l'enthousiasme guerrier succde chez les

musulmans l'amour des

Cordoue et Tolde,

lettres;

le Caire,

Fez et Maroc, Racca, lspahan, Samarcande rivalisent bientt


avec

la capitale

des Abbassides;

comments sont

les livres grecs traduits et

tudis dans les coles

gence humaine

merveil-

l'activit

leuse des esprits s'tend toutes les branches

de

l'intelli-

des crations remarquables, de prcieuses

inventions font sentir leur action jusque sur l'Europe chr-

tienne et montrent que les Arabes ont t vraiment nos


matres. D'un ct

pour

des matriaux d'un prix inestimable

du moyen ge

l'histoire

des relations de voyage,

l'heureuse ide des dictionnaires biographiques et des en-

cyclopdies
fices

de

l'autre,

une

industrie sans gale, des di-

d'une pense et d'une excution grandioses, d'impor-

tantes dcouvertes dans les arts, voil ce qui doit relever

nos yeux un peuple trop longtemps mconnu.


plication

de

la

toire naturelle

mthode exprimentale,
,

la

la

Si

par l'ap-

mdecine

et l'his-

chimie et l'agriculture se sont enrichies

entre ses mains d'une foule de notions utiles, pourrait-

on croire

qu'il n'en et pas t

de

mme

pour

les

sciences

exactes qui furent cultives avec tant de persvrance et

d'ardeur du ix e au xv* sicle.


Schlegel, en 1832,
fort

mettait les indiens et les Chinois

au-dessus des Arabes et annonait

la

rvlation

de

trsors inesprs; vingt ans se sont couls et ce sont les

manuscrits arabes qui ont fourni soit en astronomie

en mathmatiques,

soit

en gographie,

les rsultats les

soit

plus

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PREFACE.

vi

considrables; les indianistes ont beaucoup crit et n'ont

point

un

fait

seul pas en avant; les sinologues et leurs ad-

hrents se sont efforcs d'exhumer quelques notions scienti-

annales

fiques des

du

Cleste

Empire

n'ont russi

ils

qu' faire passer les Chinois pour les plus ignorants des

hommes

confirmer

et

le

mme

qui les met sur

la

Non-seulement

l'cole

fameux passage d'Aboulpharage


ligne

que

les

Turcs

et les brutes.

de Bagdad a contribu au rveil de

l'Europe en comblant l'intervalle qui spare les Grecs d'Alexandrie des modernes, mais c'est

dans

l'Asie tout entire.

elle

qui a port

la

lumire

La science arabe pntre dans

l'Hindoustan avec Albirouni vers 1016, sous les auspices de

Mahmoud

le

Gaznvide; chez

les

Seldjoukides

avec

Omar

Kheiam

vers 1076; chez les Mongols, avec Nassir-Eddin-

Thousi

fondateur de l'observatoire de Mragah

chez les Ottomans vers 1337

par Co-Chou-King, lve de Djemal-Eddin, sous

de Kublai-Khan, chef de
et le tartare

Oloug Beg

et imprissable

la dynastie

lui lve

monument en

L se termine

la

en 1260;

elle est introduite la


le

Chine
rgne

des Yuen, vers 1280,

Samarcande un nouveau

1437.

priode des travaux scientifiques des

Orientaux; mais ces travaux auxquels l'Europe occidentale


s'est

peu

peu

initie

ne doivent pas rester condamns

un

injuste oubli;

et

encore prsent l'examen des manuscrits arabes nous

ils

ont prpar chez nous

la

Renaissance;

rvle des dcouvertes dont on faisait honneur bien tort

aux modernes. La conqute de l'Algrie


les

et

nos rapports avec

populations musulmanes de l'Afrique ajoutent un nou-

veau prix aux recherches que


cette

mine

si

mal explore

littrature arabes se

les orientalistes dirigent

l'tude de la

dans

langue et de

la

rpand chaque jour davantage, et sans

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PREFACE.

aucun doute

cette

VII

branche importante des tudes portera

ses fruits.

Heureux

si,

d'une manire
attirons

retraant l'histoire d'une nation qui a


si

clatante dans les annales

de plus en plus

marqu

du monde, nous

l'attention sur l'hritage qu'elle

nous

a lgu.

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LES AttABS AVANT MAHOMET.

25

ne contenir l'eau qui s'amassait au pied de deux montagnes, et qui resserre comme dans un puits entre leurs
versants levs, ne pouvait s'chapper que par une seule
issue. En fermant cette issue, on avait un vaste rservoir
qui permettait d'arroser les champs selon les besoins de la
culture. Une crue subite vint dtruire la digue; dlivres
des entraves que l'art des hommes leur avait imposes les
eaux se prcipitrent dans les campagnes et ravagrent tout
,

ce qui se trouvait sur leur passage. L'accident n'aurait pas

eu de suites

voulu recommencer
mais ils craignirent les fatigues et les
dangers d'une semblable entreprise, et attriburent la
vengeance divine cette catastrophe, qui devint pour eux
le point de dpart d'une re nouvelle 1 Exposs par leur iacurie des inondations priodiques, la plupart d'entre eux
abandonnrent la province d'Ymen et allrent fonder, les
uns le royaume de Hira, les autres celui de Ghassan. Quant
aux Tobbas, ils s'agitrent ds lors en inutiles efforts pour
recouvrer leur antique splendeur , et loin de s'tendre au
dehors de la pninsule, ils eurent beaucoup de peine
maintenir l'intgrit de leurs frontires. Lorsqu'au vi e sicle
de Jsus-Christ les trangers envahirent l'Ymen , on ne leur
opposa aucune rsistance srieuse
ils trouvrent le pays
les

si

les habitants avaient

anciens travaux

livr

une effroyable anarchie, priv de

ses principales ri-

chesses par l'migration des cultivateurs , et s'y tablirent


sans difficult. Ce fut vers l'anne 525 que la domination
fit place au despotisme des Abyssins et
des Perses; elle avait eu ses priodes de gloire, car les crivains arabes se sont plu en faire le type et le modle des
grands empires; s'il fallait en croire leur rcit, elle aurait
mme compris une partie des contres de l'Asie; les Tobbas
auraient soumis l'Inde, combattu les souverains de la Chine ;
tel d'entre eux se serait avanc dans le Magreb (Afrique
occidentale) jusqu'aux rivages mmes de l'ocan Atlantique; tel autre aurait renouvel l'expdition d'Alexandre.

nationale des Tobbas

aussi la
I. M. Jomard, tudes historiques et gographiques sur l'Arabie. Voy.
notice que nous avons donne de cet ouvrage, et notre trait du calendrier arabe
(Manuel de chronologie universelle, t. II, p. 340;.

LIVRE

26

Mais

il

CHAPITRE

I,

II.

est impossible d'accorder ces traditions avec celles

que nous possdons sur les autres peuples de l'Orient; il


faut donc les repousser comme des fictions, et se contenter
de reconnatre que l'Ymen a t de bonne heure le thtre
d'un gouvernement rgulier. D'ailleurs l'existence de ces
lgendes est

facile

expliquer. L'histoire des Arabes n'a

commenc pour eux

qu'aprs Mahomet, l'poque de leur


grandeur et de leur puissance. tonns eux-mmes de la rapidit de leurs triomphes, ils se sont persuads qu'ils devaient avoir pour anctres des conqurants clbres, et afin
de rehausser leur origine, ils ont donn de grandes proportions au seul tat de quelque importance dont leur pays
et conserv la mmoire de l ce Tobba Dzou'l-Carnen
qui n'est autre que le fils de Philippe de Macdoine; cet
Africous, vainqueur des Berbres (50 ans av. J. C); cette
reine Balkis, qui rgne longtemps aprs Africous et que les
Arabes confondent avec la reine de Saba, contemporaine de
Salomon; ce Schamar ou Chammir, fondateur de Sarnarcande, etc. On attribue les plus vastes conqutes des Tobbas qui ne sont peut-tre jamais sortis de la pninsule, et
comme l'intrieur leur histoire n'est qu'une suite de guerres
et d'usurpations, on y a ajout le rcit d'vnements extraor;

On

n'est pas non plus d'accord


rupture des digues de Mareb
de l'invasion des Abyssins nous indiquerons seulement les
plus considrables. On raconte que vers 206 de J. C, le
Tobba Abou-Carib fit une expdition en Perse et revint
charg de dpouilles; qu' son retour il s'empara de l'Hedjaz, assigea Iathreb rvolte, visita la Kaaba et embrassa le
judasme qu'il introduisit dans l'Ymen. Le christianisme y
fut ensuite prch vers 343 par Thophile, envoy de l'empereur Constantin; mais l'idoltrie resta la religion dominante du pays. bou-Nowas, qui rgnait la fin du v e sicle
sur les Hmyarites, ayant adopt la foi de Mose, fit
massacrer, en 524, la colonie chrtienne de Nadjran, qui
inform de cet
refusait d'imiter son exemple. Justin
acte de cruaut, engagea le Ngusch d'Abyssinie, qui profes-

dinaires et fort incertains

sur les

faits

qui sparent

la

sait le christianisme,

tirer vengeance d' Abou-Nowas, et une

LES ARABES AVANT MAHOMET.

27

arme de soixante et dix mille hommes envahit l'Ymen.


Aryat, charg du commandement, n'eut pas de peine soumettre un peuple puis par la guerre civile. Abou-Nowas
vaincu se prcipita dans la mer (525) et aprs la mort de
,

son successeur Ali-Dzou-Djadan dernier prince hmyarite


Aryat gouverna sans opposition au nom du Ngusch. Un de
ses officiers, Abrahah-el-Aschram jaloux de son autorit, le
tua par trahison, runit tous les Abyssins sous son commandement, et prit le titre de vice-roi; il eut plusieurs
guerres soutenir pour conserver le pouvoir qu'il avait
usurp il les termina toutes heureusement. Par ses ordres,
l'vque de Dhafar, Gregentius, rdigea un code de lois dont
l'original, crit en grec, se trouve la bibliothque impriale de Vienne. Une glise fut construite Saana avec la
plus grande magnificence; elle devait dtrner IaKaaba;
mais les efforts d'Abrahah , pour laire du christianisme la
seule religion de l'Arabie, furent inutiles. Vaincu devant
la Mecque dont il avait voulu dtruire le temple, il mourut
bientt aprs, et ses fils par leurs exactions rendirent insupportable la tyrannie des Abyssins. Les habitants de
l'Ymen n'ayant pu russir secouer le joug avec leurs
propres forces, demandrent la protection de princes trangers. L'empereur de Constantinople ne pouvait embrasser le
parti d'un peuple idoltre, il refusa; Chosros Parviz, sollicit par le roi de Hira, fit moins de difficults. 11 envoya
en 575, Aden, une flotte qui dbarqua des troupes aguerries. Les Abyssins furent dfaits, et chasss dfinitivement
de l'Ymen vers 597. Le sort. des habitants resta le mme;
ils durent obir aux Perses comme ils obissaient leurs
prdcesseurs; seulement ils ne furent pas violents dans
leurs pratiques religieuses. Quant aux nouveaux vice-rois,
ils ne se contentrent pas de rgner dans l'Ymen, ils s'tablirent aussi dans l'Hadramaut, l'Oman et le Bahren.
;

Arabie centrale (304M190 apr. #


la Mecque
pu l un ce dcH l'orlMChlte.

et

Iathreb;

L'Arabie, au vu* sicle, courait donc de grands dangers.


puissants s'taient fortement assis sur ses fron-

Deux voisins

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28

LIVRE

I,

CHAPITRE

II.

entame l'un (l'empereur grec) en avait


dtach une province pour l'enclaver dans son empire; l'autre (le roi de Perse) avait occup les plus riches contres de
la pninsule. Cependant, le Nedjed et l'Hedjaz taient rests
purs de toute domination trangre. C'est l que devait se
rfugier la nationalit arabe pour rayonner ensuite au dehors. Il n'y avait, dans ces provinces, aucun Etat hirarchiquement constitu comme celui des Tobbas le pays tait

tires et l'avaient

encore et avait toujours t possd par des tribus indpendantes, jalouses de se gouverner elles-mmes et sacrifiant
tout la conservation de leur libert. Depuis des sicles son
aspect n'avait pas chang pas plus que son histoire. C'tait encore le mme spectacle de petites socits intimement
unies par les murs, les coutumes, le caractre, mais spares en fait par l'organisation politique. C'tait le mme
rcit de querelles et de rivalits sanglantes. Aucune tribu
n'avait acquis de supriorit dcide, car elles disposaient
toutes peu prs des mmes forces et des mmes ressources. Les richesses que la fortune semble distribuer au hasard taient assez galement rparties. Quelques peuplades,
il est vrai, s'taient enrichies par le commerce
mais des relations plus tendues leur avaient impos en mme temps de
nouveaux besoins, ce qui rtablissait l'quilibre. Au premier
rang se trouvaient les tribus qui dominaient dans les deux
plus grandes villes de l'Hedjaz, la Mecque et Iathreb. La
garde du temple de la Kaaba avait t longtemps l'apanage
des Djorhom, venus de l'Ymen avec lesquels on suppose
qu'Ismal s'tait alli; l'idoltrie se mla de bonne heure
au culte du Dieu d'Abraham, et l'impit des Djorhom
amena leur expulsion, vers l'anne 206 aprs J. C. Plusieurs
familles jectanides avaient migr diffrentes poques dans
i'iedjaz; les Codhaa s'taient rpandus dans les cantons
situs au nord d'Iathreb les Azdites avant de passer dans
le Bahren et l'Irak, avaient fond la colonie de BatnMarr, dont nous avons parl plus haut, vers 180 de J. C.
Ce fut une branche des Azdites, les Khozaa, qui succdrent
aux Djorhom dans l'intendance du temple vers 207; ils introduisirent de nouveaux usages superstitieux en parlicu,

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LES ARABES AVANT MAHOMET.

29

la Kaaba runissait tous les dieux des


cent soixante idoles qu'elle contenait taient
des divinits subalternes servant d'intermdiaires auprs
d'Allah; les Khozaa trouvrent, au v e sicle de notre re,
des rivaux redoutables dans les Corischites descendants
d'Ismal, dont le chef, Cossa, s'empara de l'autorit suprme
en 440, et ils se retirrent Batn-Marr; Cossa rassembla
autour de lui toutes les tribus corischites; par ses soins,
la Mecque devint une ville considrable; le gouvernement
fut oligarchique; les diverses fonctions attaches l'intendance de la Kaaba furent partages entre les diverses

lier le culte

Arabes

de Hobal

les trois

la mme famille; les deux principales,


du Rifada (secours transform en une taxe annuelle)

branches de

celles
et

du

Sicaya (administration des eaux), devinrent successivement


l'apanage de Haschem, clbre par ses distributions journalires

de soupes appeles dachicha> de Mottaleb,

el-Mottaleb grand-pre de

Mahomet qui
,

fameux puits de Zemzem 1

le

fit

et

d'Abd-

creuser, dit-on,

en 540.

Iathreb, btie, selon les traditions, par les Amalica, passa

plus tard des peuplades juives, parmi lesquelles on dis-

lingue les Nadhirites, les Coraizha, les Caynoca, etc.; vers


l'anne 300 de notre re, deux tribus azdites, les Aus et les
Khazradjites, vinrent s'tablir sur leur territoire et s'em-

parrent de la ville, en 492. Aprs avoir rsist aux attaques des Tobbas de l'Ymen, ils se divisrent entre eux et
s'affaiblirent par des guerres intestines (497, 520, 583 et 615);
cinq ans plus tard, ramens des sentiments de conciliation ils entraient en rapports avec Mahomet.
,

Les tribus juives se livraient avec ardeur au commerce


de caravanes et Iathreb rivalisait de richesses avec la Mecque; cette dernire place venait d'chapper un grand
danger vnre des Arabes, qui tous croyaient la saintet du temple de la Kaaba, elle s'tait vue attaque par
les Abyssins qui voulaient propager, dans la pninsule,
la religion chrtienne. Abrahah-el-Aschram avait envahi
l'Hedjaz la tte d'une arme de quarante mille hommes
:

i.

Caus*in de Perceval, d'aprs

le

Sirrat-erraoul (vie du prophte).

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LIVRE

30

CHAPITRE

I,

II.

et rduit Tebala et Taef ; mais la

Mecque vaillamment d-

fendue par

chapp au sort dont rien

les Corischites, avait

ne semblait devoir

la

prserver, et sa dlivrance

attribue

par la superstition la protection des dieux, avait encore


accru le respect universel dont elle tait l'objet. C'tait bien
la vraie capitale de l'Arabie cependant les Arabes du Nedjed
et de i'IIedjaz ne reconnaissaient pas l'autorit politique des
Corischites; ils se gouvernaient tous eux-mmes, sans
souci des intrts communs; ils ne pouvaient ignorer, toutele sort des Nabatens
fois, ce qui s'tait pass autour d'eux
et des Hmyarites tait suspendu sur leur tte et une parfaite union leur offrait seule des chances de salut.
;

Tendances de l'Arable ver

Plusieurs

causes

l'unit arabe

1 la

assembles

l'un lt politique)

tl'Ocu/h; luttes

devaient

de posie.
favoriser

communaut

la

d'origine

ralisation

de

la rivalit

des

Ismaliens et des Jectanides avait disparu; l'invasion du

Ngusch d'Abyssinie

avait rapproch ces

deux grandes

fa-

milles, et elles n'avaient plus qu'un pas faire pour se

un mme drapeau

trouver sous

d'habitudes

ou

juives, la

si

2 l'identit

de murs

et

l'on excepte quelques tribus chrtiennes

masse de

la

nation restait attache aux supersti-

tions de l'idoltrie et aux anciennes

coutumes; l'usage de

gnral; partout on voyait le triste sacrifice d'un sexe l'autre, l'esclavage de la femme, la polygamie autorise, les filles enterres vives par le pre pauvre

la circoncision tait

qui craignait de voir un jour son

nom dshonor; une fiert

froce, mais aussi, avec le sentiment exagr de l'honneur,


ces ides chevaleresques qui produisent l'hrosme, inspirent le courage et la gnrosit, font prendre la dfense
de l'opprim au nom de la justice, et placent au-dessus de
la

vie

mme

l'accomplissement d'une promesse verbale.

D'un ct l'amour de
talion impose tous,

la
le

vengeance

et ses excs, la loi

besoin d'galit,

la

du

rapine et le

brigandage justifis par la victoire, l'adresse et la force substitues au droit; de l'autre, l'hospitalit pratique avec
une admirable abngation une soif ardente de renom,

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LES ARABES AVANT MAHOMET.

me

31

ce mobile des plus belles actions et des plus grands


crimes, tel tait le spectacle que prsentait l'Arabie ; la pas,

sion y jouait le principal rle, et l'on pouvait aisment prvoir que le jour o ces esprits bouillants et aventureux se

un

prendraient un lan
deux conditions
taient encore ncessaires, l'uniformit de langage et l'unit
de religion; la premire tait en partie obtenue. En effet,
les Arabes, en obissant leurs seuls instincts, avaient prpar la fusion en une seule langue des dialectes de leurs
nombreuses tribus. Jaloux de transmettre leurs descendants le souvenir de leurs exploits, ils aimaient la posie,
qui leur en fournissait le moyen
et voulaient que leur
gloire pt se rpandre dans toute la pninsule. Mais les
auteurs du Nedjed et de l'Hedjaz n'taient pas compris par
ceux de l'Ymen les tribus d'un mme pays elles-mmes
ne faisaient pas toujours usage de termes identiques. Les
potes reurent la mission de crer une langue plus gnrale. Leurs vers, rcits partout, fixrent les mots destins
reprsenter irrvocablement les ides; lorsque plusieurs
familles appliquaient deux expressions diffrentes la mme
pense, on adoptait celle que le pote avait choisie, et la
langue arabe se forma peu peu. On comprit en mme
porteraient vers
irrsistible.

Pour

objet unique,

arriver

un

ils

tel rsultat,

temps les avantages de la civilisation l'on rendit aux travaux


de l'esprit l'estime qui leur est due et qu'on n'avait accorde jusqu'alors qu'aux triomphes de la force physique. Il y
eut des assembles gnrales o l'on apprenait se connatre et s'aimer. Ces assembles, qui se tenaient Ocazh,
petite ville situe entre Taef et Nakhla, trois journes de
la Mecque, Macjna, et Dzou'l-Medjaz, derrire le mont
Arafat
n'taient vritablement que des congrs de posie;
du reste, malgr la simplicit qui y rgnait, rien n'tait plus
imposant c'tait comme aux jeux olympiques. Devant un
;

auditoire silencieux et recueilli, se levait

un guerrier

la

l. Eichorn, Di antiqui* hiatori Arahum monumenlis, p. 9 et 15; Asuemani,


Sayyio sull' nrifjiiie deyli Arabi.p. 45; le Camous au mot Ocazh. Nowairi ap.
Uasmussen. Hist. prc. ar. reg., p. 76; Kitab-al-agani, t. IV, p. 255; le Merraid-el-ittil, eit par M. Caussin de Perceval, t. I, p. 296, et VH istoire des Arabes
avant Mahomet de M. Rucliledo Lilicnatern, Uerlin, 1836.

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32

LIVRE

dmarche

fire

quait qu'il et

CHAPITRE

I,

II.

aucune dignit, aucun ornement

un rang suprieur,

et

n'indi-

pourtant tous les yeux

Il montait sur un tertre, et l,


d'une voix sonore, sans autre secours que celui de l'inspiration ou d'une mmoire prodigieuse, il rcitait un pome
entier. Tantt il chantait ses hauts faits, la noblesse de sa
tribu; tantt il dpeignait les plaisirs de la vengeance,
tantt les douceurs de l'hospitalit, tantt le courage, toujours l'honneur. D'autres fois il s'arrtait peindre les
merveilles de la nature, les solitudes du dsert, les oasis si
dsires la lgret de la gazelle. Suspendus ses lvres
les auditeurs se laissaient aller tous les sentiments que le
pote voulait leur inspirer sur leur figure attentive se peignaient l'admiration pour le hros patient dans l'adversit,
et le mpris pour le lche. Us ne dissimulaient point leurs
sentiments, et le pote, puisant une nergie plus vive encore
dans cet aveu de sapuissance , reprenait son rcit avec un nouvel enthousiasme. Dous d'une autorit sans gale, les potes
arabes devaient tre les historiens de leur pays avant Mahomet; matres de l'opinion, ils levaient ou abaissaient leur
gr les diffrentes tribus aussi taient-ils craints et respects.
Leurs uvres, quand elles avaient t accueillies au congrs
d'Ocazh, taient crites en lettres d'or sur des toiles d'une
toffe prcieuse, et suspendues dans la Kaaba pour tre con-

taient tourns vers lui.

serves la postrit.

Grce ce soin sept pomes oumoallakas* sont parvenus


jusqu' nous, et le nom de leurs auteurs est encore clbre.
Ce sont Imroulcays (m. en .540), arafa (m. en 564), mrou
(m. en 622),Harith (n en 540), Lebid (m. en 662), Zohyr,
(m. en 627), et Antara (m. en 615), ntara surtout, qui
personnifie trs-bien toute cette posie an t- islamique. Les

Arabes,

le soir,

sous la tente, coutent avec dlices ces

com-

charmes d'un rcit


dramatique une mlodie douce et passionne j

positions merveilleuses, qui joignent aux

touchant et
y trouvent runis tous les sentiments, toutes les passions
qui peuvent les animer, dans une langue qui semble avoir

ils

1.

On

appelait aussi ces

cimen historix Arabum,

pomes moudhahhabt, pomes dors; Pococke, Sp-

p. 164

Caussin de Perceval,

1.

1, p.

297.

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LES ARABES AVANT MAHOMET.

33

uniquement pour les exprimer. Ces potes, aussi


bien que quelques autres fort estims les deux Mourrakisch
t cre

Nabigha Dhobyani (v. 615 ), Dourayd, fils


de Simma (v. 610), Hatim ( v. 620 ) et Acha (m. v. 629), etc.,
font tous allusion, dans leurs vers, des. vnements survenus dans le Nedjed au milieu des tribus indpendantes
de l'Arabie centrale c'est d'abord la journe d'Al-Bayda qui,
en 354 arrte les irruptions des souverains de l'Ymen
les conqutes des premiers princes de la tribu de Kinda,
celles de Harith, qui devient roi de Hiraenl8; les victoires de Soullan (481) et de Khazaz 492), remportes par
Rabiaetson fils Colayb sur les Arabes bmyarites; la guerre
de Baous entre les Bacrites et les Taghlibites, qui se prolongea de 494 534; les victoires de Zohir, chef des Ghatafan, sur les Hawazin (v. 567), et la longue guerre de
Dahis entre les Benou-Abs et les Dhobyan principales
tribus des Ghatafan, de 568 608, avec l'pisode de la
guerre des Temim et des Amir vers 579; la lutte des BenouAbs runis aux Dhobyan contre les Hawazin et quelques
autres tribus de la race de Khaafa marque par les combats de Rakm, de Noubaa, de Liwa, de Sala et de Haur,
de 609 615 et enfin celle des Terni n et des Bacrites, qui
ne se termina qu'en 630 de J. C, poque de la conversion
de ces derniers l'islamisme. Nous retrouvons dans le rcit
des potes qui brillrent pendant cette priode une peinture fidle de la vie des Arabes du dsert dont le temps n'a
(

495 et 530

v.

),

jamais altr

les

murs

hroques

la

suite d'actions san-

de
mounfera; celle qui a lieu
en 620 chez les Benou-Amir peut nous en donner une ide
le commandement de la tribu devait tre confi au plus
digne
Alcama et Amir-ben-Zofal
tous deux potes et
guerriers, y prtendent et soumettent leur contestation au
chef vnr d'une autre famille. Le juge leur fait jurer de se
soumettre sans rclamation la dcision qu'il prononcera et
glantes,

il

n'est pas rare de voir s'engager des -luttes

gloire et de gnrosit appeles

I.

Voy. sur Mourrakisch l'article insr par M. Quniremrc dans le Journal asronovembre 1836, p. 506-521 cl M. Caussin du Perce vil, qui analyse dans son
11 la plupart de leurs crits.

tique.

tome

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34

LIVRE

I,

CHAPITRE

II.

ajourne un an ; en attendant l'poque fixe, les deux


rivaux cherchent se signaler par des actes de courage et
de vertu il semble que nous sommes au temps de la chequ'il

valerie. Dclars tous

deux dignes du commandement,

ils

partagent l'autorit et restent troitement unis. Ces sortes


de jugements se rendaient avec un grand appareil et laissaient

dans tes esprits une impression profonde; on n'est plus


tonn, aprs de tels exemples, des traits si admirables de
Hatim et de Zad-el-Khal, de la tribu de Benou-Tay, dont
la libralit tait devenue proverbiale au commencement du
vu* sicle dans toute l'Arabie.

Mouvement

religieux de l'Arable.

Tandis que les potes par leurs rcits imprimaient la


langue un caractre plus uniforme il s'oprait dans les
esprits un autre travail qui devait contribuer fonder la nationalit arabe d'une manire plus tranche; on ne croyait
plus aux idoles qui avaient remplac de bonne heure le
dieu unique, Allah; le sentiment religieux faisait irruption de toutes parts. Dj des scissions profondes s'taient
manifestes des tribus entires avaient abandonn l'ancien
,

On

comptait, outre l'idoltrie, plusieurs religions


en Arabie. Les Juifs, chasss de leur pays par les Assyriens , les Romains et les Grecs , y avaient t accueillis
avec empressement par les enfants d'ismal, qui retrouvaient dans les traditions des proscrits un respect profond
pour le Dieu d'Abraham; au moyen de ces souvenirs voqus adroitement, le judasme avait fait des proslytes; on
le voyait surtout rpandu dans l'Hedjaz, aux environs de
culte.

Khabaretd'Iathreb, o de puissantes tribus, celles des Corazha et des Nadhirites, taient depuis longtemps naturalises;
une fraction considrable des tribus de l'Ymen l'avait aussi
adopt; et l'on a fait observer plus haut que des Tobbas
avaient favoris l'introduction dans leurs tats de la

foi

de

Mose, notamment vers 225, 310 et -495 de J. C. Le sabisme


ou magisme tait galement pratiqu par les Hmyarites
et sur les ctes

du

golfe Persique

quelques sectateurs du

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LES ARABES AVANT MAHOMET.

35

brahmanisme se faisaient mme remarquer au milieu des


habitants de l'Oman *.
Le christianisme, prch avec succs dans plusieurs parties

de l'Arabie,

tait profess

parles Ghassanides ds l'anne

330, et par diverses tribus arabes de l'Irak et de

la

Msopota-

mie, du Bahren, du dsert de Faran et de Daumat-Djandal.


Les efforts combins du Ngusch d'Abyssinie et de l'empereur de Constantinople avaient contribu propager l'vandans l'Ymen. La colonie chrtienne de Nadjran avait
eu les honneurs de la perscution sous Abou-Nowas vers

gile

523; cinquante ans plus tard, Abrahah cherchait faire de


l'glise de Saana le but du plerinage des Arabes. Enfin
plusieurs rois de Hira s'taient montrs favorables la religion

du

Christ

Au milieu des

(v.

395, 513 et 582).

ides nouvelles

que les prdications avaient

pninsule, l'idoltrie tait nanmoins


reste la religion dominante. Les divinits intermdiaires
que certaines tribus rvraient ne ressemblaient point ces
crations des Grecs et des Romains qui adoraient des tres

rpandues dans

la

moraux revtus de formes

corporelles; c'taient,

comme

anciensgyptiens, des animaux et des plantes, la gazelle, le cheval, le chameau, des palmiers, des vgtaux, ou
des corps inorganiques, des rochers, des pierres, etc. Tous les
Arabes admettaient un dieu suprme, Allah; mais quelquesuns, sous la figure de leurs idoles, adoraient les anges BenatAllah (les filles de Dieu); d'autres les plantes ou les toiles

chez

les

telles

qu'Aldbaran

Sirius,

Canope,

etc.

On

croyait

aux

gnies Djinn^ aux ogres Ghoul, la magie Shir, la divination Kehana, aux sacrifices, aux oracles; on consultait le
sort au

moyen de flches sans pointes, kidah ou azlam,

et les

condamnables taient encore acceptes presque gnralement; un grnd nombre de tribus


avaient leurs idoles particulires, Hobal, Lat, etc., qu'on
honorait par de riches offrandes, et auxquelles on gorgeait
des victimes aucun temple toutefois n'avait le prestige de
la Kaaba, dont la prminence tait universellement admise.
superstitions les plus

i. Notice* et extraits des manuscrits,


l'empire ottoman, t. il, p. 401.

t.

Il,

p.

367; Cuntcmir, Histoire de

LIVRE

36

I,

CHAPITRE

II.

Ce temple, qu'avait voulu dtruire Abrahah-el-Aschram,


avait t de tout temps l'objet de la plus grande vnration
on le regardait comme un prsent fait par Jhovah Ja
race arabe pour tmoigner qu'elle tait privilgie entre
toutes. C'tait l'oratoire d'Abraham et d'Ismal, la maison
;

& Allah; en recevant les trois cent soixante idoles, puissances subalternes acceptes par les Arabes, il comprenait
toutes leurs divinits et devenait le Panthon de la nation;
les traditions qui s'y rapportaient taient chres tous. Ils
de

Kaaba un

de plerinage (haddj). Ils s'efforils auraient voulu qu'elle


surpasst en richesse tous les monuments de l'univers; ils
faisaient

la

lieu

aient de la parer, de l'embellir;

LE TtMPLS DE LA MECQUE, D'aPUKS MKBtUll.

y avaient mis les moallakas, comme pour y rattacher tous


les genres d'illustration. Les Sabens, les adorateurs du feu,

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LES ARABES AVANT MAHOMET.

37

y envoyaient leurs offrandes; les Juifs mmes manifestaient


pour cet endroit rvr un profond respect. Les gardiens du
temple,

les Corischites, avaient

une

sorle d'autorit reli-

gieuse que tous reconnaissaient sans difficult

ainsi

ils

avaient le droit de dsigner les mois sacrs pendant les-

du plerinage, devait rgner, dans toute


une suspension d'armes. Ainsi, ceux qui pouvaient
la foire d'Ocazh remettaient leurs armes entre leurs

quels, la suite
l'Arabie,
assister

mains avant d'entrer dans le congrs, qui, sans cette sage


prcaution, aurait souvent dgnr en luttes sanglantes.
C'tait donc sur la Mecque et sur les Corischites qu'il fallait
agir, si l'on voulait fonder une religion uniforme et nationale
en Arabie, et Mahomet le devina parfaitement.
Abd-el-Mottaleb, fils de Haschem, n en 497, avait exerc
l'autorit suprme la Mecque, de 520 579; il avait eu la
gloire de dlivrer sa patrie de l'invasion des Abyssins, et
il avait vu, avant de mourir, un prince hmyarite chasser
les trangers de l'Ymen avec les secours du roi de Perse.
Pre de dix-huit enfants, il se crut engag, par un vu
imprudent, immoler un de ses fils, en 569, devant les idoles
de la Kaaba; le sort dsigna celui qu'il aimait le plus,
g d'environ vingt-quatre ans. Au moment
des Corischites s'levrent contre une action
aussi barbare et d'un si funeste exemple; sur leur avis, on
consulta une devineresse, arrafa, qui dclara la vie d'Abdallah
rachetable au moyen de la Via (prix du sang humain), et

Abdallah

du

sacrifice,

du tirage au sort. La Dia tant de dix chameaux, on inscrivit


nombre dix sur une flche sans pointe, et sur une autre,

le
le

nom

d'Abdallah; neuf fois le

ce ne fut qu'

damns.

nombre
la

On en

la

dixime que

nom

d'Abdallah apparut, et

les

chameaux furent con-

tua donc cent la place d'Abdallah, et ce

devint dsormais parmi les Corischites le taux de

Dia.

Quelques jours aprs, Abdallah pousait mina, fille de


Wahb, chef de la famille des Zohri, et de cette union devait
natre Mahomet (Mohammed ou le Glorifi), vers le mois

d'aot 570.
3

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LIVRE IL
MAHOMET ET LE CORAN.

CHAPITRE PREMIER.

TAT DE L'ARABIE A LA FIN DU VI SICLE


DE NOTRE RE.
e

PREMIERS RFORMATEURS.

DCADENCE

DES EMPIRES VOISINS DE l/ARABlE.

Premiers rformateur!*.

A l'poque o nous sommes arrivs de l'histoire des Arabes,


tout tait prpar pour de grands changements dans la pnin-

L'antagonisme des races, les rivalits de familles ou de


peuplades s'effaaient de plus en plus, ainsi que nous l'avons
expos, devant le danger commun. Menacs au nord par
les Grecs, l'est par les Perses, au sud par les Abyssins,
les Arabes sentaient le besoin de s'unir, et les derniers vnements avaient dvelopp chez eux au plus haut degr les
ides de nationalit. Les habitants de l'Ymen avaient t
bien inspirs en opposant les Perses aux Abyssins, allis
des Grecs; ils affaiblissaient ainsi leurs ennemis les uns
par les autres; mais il tait craindre qu'ils ne fissent
que changer de matres. Les empereurs de Constantinople
taient en possession de l'Arabie Ptre ; la cour de Ctsiphon exerait une sorte de suzerainet sur tous les pays qui
bordent le golfe Persique, et sur l'Ymen. Contre cette
double pression il fallait organiser des lments de rsistance, et, fort heureusement, les circonstances vinrent au
secours des Arabes.
L'Hedjaz avait donn un grand exemple en repoussant
l'invasion d'Abrahah; la Mecque avait glorieusement reconquis le titre de mtropole, qu'on avait voulu lui enlever.
Abd-el-Mottaleb cherche rattacher ce centre commun
toutes les tribus indpendantes; il se rend Saana, aprs
sule.

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L'ARABIE A LA FIN DU VI e SICLE

39

droute des Abyssins, pour complimenter, au nom des


Corischites , le prince hmyarite, rtabli par l'arme des
Perses. Ce sont les enfants de la mme patrie qui se rapprochent et s'entendent; dj les potes ont imprim la langue
arabe un caractre de fixit qui la fera prvaloir sur les
dialectes particuliers en usage dans les diverses parties de
la pninsule; si l'unit religieuse manque encore, les anciennes croyances s'croulent de toutes parts; on s'lve
contre les sacrifices humains; on repousse le culte de vaines
idoles; on demande l'interdiction des mariages entre beauxfils et belles-mres; on attaque l'odieuse coutume qui permet aux parents pauvres d'enterrer leur fille vivante. Les
superstitions grossires qui dominent encore disparatront
devant les lumires d'une foi nouvelle. Le christianisme aurait eu cette puissance; mais la morale si pure de l'vangile, fonde sur Y abstention, ne pouvait satisfaire un peuple
quelques
trop docile la voix des passions matrielles
hommes inspirs s'rigent en rformateurs et appellent leurs
compatriotes la vraie religion; lorsque Waraca, Othman fils de Houwarith Obeidollah Zad fils d'mr, etc.
puisant une instruction suprieure dans leurs rapports avec
des juifs et des chrtiens, combattent le paganisme et invoquent le nom d'Abraham dans leur impuissance de rien
la

annoncent qu'un envoy du


terre et triomphera du dmon.

difier, ils

sur la

Dcadence

le

ciel paratra

bientt

empires voisina de l'Arable.

Tandis qu' l'intrieur cette tendance vers une fusion gles esprits, l'indpendance de
l'Arabie se trouve assure par les guerres sanglantes qui
clatent entre les Grecs et les Perses; la lutte des deux peuples prend mme, au commencement du vn e sicle, des
proportions colossales; Chosros soumet un instant sa
domination la Msopotamie, la Syrie, la Palestine, l'gypte;
plus tard la fortune est ramene Constantinople par les
exploitsd'IIraclius. Toutefois les deux empires sontpuiss;
les villes restent dmanteles; les populations sont crases
d'impts; elles supportent avec peine des gouvernements
nrale se manifeste dans

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LIVRE

40

II,

CHAPITRE

qui ont employ jusqu' leurs dernires ressources pour


des entreprises sans rsultats; bien loin de pouvoir encore
jouer le rle de nations conqurantes, elles ont perdu le
sentiment de leurs forces, et seront incapables de rsister
l'orage formidable que
contre elles.

En

la

voix de

Mahomet va

soulever

une puissance nouvelle venait de se former, et


pour la premire fois au moment mme
o Hraclius et Chosros Parviz signaient un trait de paix,
qui, en maintenant l'intgrit de leurs frontires, et en
laissant sans solution leurs prtentions respectives, ne faisait que suspendre une lutte fatale aux deux peuples. Chosros donnait audience dans son palais de Dastagerd aux ameffet,

elle allait se rvler

bassadeurs trangers. bloui par sa propre magnificence, il


regardait avec piti les adorations serviles de ses sujets. On
lui annonce que l'envoy d'un chef arabe a une mission
remplir prs de lui
il ordonne qu'il soit admis, et prenant la lettre qui lui est prsente, il s'arrte la sus;

cription.

encore

Quoique vaincu par Hraclius, Chosros

le roi

des

rois, et

nom avant
usages orientaux, tait considr

scheik arabe avait plac son

dans

les

que de

se croyait

venait de reconnatre qu'un petit

il

le sien,

ce qui,

comme une mar-

supriorit. Sans vouloir en lire davantage,

chira la missive et la foula aux pieds. Mais

l'effet

il dde cette

scne fut interprt diversement. On s'informa des projets et


des actions de ce chef inconnu, qui avait os crire au plus
grand souverain de l'Asie: Mohammed, fils d'Abdallah, prophte de Dieu, Kesra, fils d'Hormouz, roi de Perse. On
apprit avec tonnement, mais sans croire encore l'approche du danger, les rapides progrs du fils d'Abdallah ! .
<

i.

Voy. l'appendice, n*

4.

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CHAPITRE IL
MAIIOJHET

(1570-632).

SON ENFANCE, SES COMMENCEMENTS. SON CARACTRE, SES PROJETS. MAHOMET ANNONCE SA MISSION ET SE POSE COMME APTRE DE DIEU (Gl 1}. MAHOMET SUPPORTE AVEC COURAGE LES PERSCUTIONS DES CORISCHITES (61 4-622).
MIRACLES ATTRIBUS FAUSSEMENT A MAHOMET; IL ATTAQUE L'iDOLATRIE;
CONVERSION D'OMAR.
LES HABITANTS D'iATHREB SE MONTRENT FAVORABLES A LA NOUVELLE DOCTRINE.
VIOLENCES EXERCES PAR LES CORISCHITES ; FUITE DE MAHOMET OU HGIRE (622); IL SE FIXE A MD1NE.
LES
HOSTILITS COMMENCENT ENTRE MAHOMET ET LES CORISCHITES; RIVALIT
COMMERCIALE DE MD1NE ET DE LA MECQUE ; COMBAT DE BEDER (624). LES CORISCHITES SONT VAINQUEURS SUR LE MONTOHUD; MAHOMET TIRE VENGEANCE
DES TRIBUS JUIVES GUERRE DU FOSS OU DES NATIONS (626-627). MAHOMET
MARCHE SUR HODAIBIA SERMENT DE L'ACACIA ; TRVE DE DIX ANS (628);
GUERRE DE KHAIBAR PUISSANCE DE MAHOMET; SES AMBASSADES.
PLERINAGE DE MAHOMET (629) BATAILLE DE MUTA PRISE DE LA MECQUE (630) ;
GUERRE DE HONAIN SIGE DE TAEF.
EXPDITION DE TABOUC; ANNE
DES AMBASSADES ; L'ARABIE TOUT ENTIRE RECONNAIT LES LOIS DE MAHOMET.
SOULVEMENTS PARTIELS MORT DE MAHOMET (632).

Son enfance, ses commencements.


Les premires annes de Mahomet avaient t obscures,
son pre tait mort deux mois avant sa naissance. Confi
aux soins de sa mre mina, il l'avait perdue l'ge de six
ans, et

il

avait recueilli

noire appele

pour tout hritage une vieille esclave


et cinq chameaux.

Oumm-Aman

Recueilli par son aeul Abd-el-Mottaleb, qui semblait avoir

pressentiment de sa grandeur future (576-579), soumis


en dernier lieu la tutelle de son oncle Abou-Taleb, investi de la charge Rifada, il s'tait vu oblig de demander
au travail les moyens de subvenir aux ncessits de la vie.
Dou de qualits aimables, il se concilia l'affection de tous,
et pendant les guerres de Fidjar qui prirent naissance la
foire d'Ocazh, en 580, entre les Hawazin et les Corischites
et qui durrent neuf ans, il assista la journe de Nakllia
il avait fait un premier voyage
et celle de Samta (v. 586)
en Syrie avec Abou-Taleb en 583, et, arriv sur le territoire
de Jiostra, il avait rencontr un moine nomm Bahira, qui
le prit en amiti
ce moine tait appel par les chrtiens

le

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42

LIVRE

II,

CHAPITRE

Bjerdjis, Georges, et c'est de Djerdjis

II.

ou Sergis qu'on a fait

Sergius.

vingt-cinq ans,

Mahomet

avait mrit, par la rgularit

de sa conduite, le surnom d'Al-min (l'homme sr). Engag au service d'une riche veuve nomme Khadidjah, qui
faisait un commerce tendu, il entreprit dans l'intrt de
sa maison un voyage en Syrie, et ralisa de trs-grands bnfices; Khadidjah reconnaissante lui offrit sa main
et devenu chef de famille, il acquit une haute considration par
;

l'habilet avec laquelle


qu'il exerait sur ses

dait

il

grait ses biens, et par l'influence

nombreux

parents. Khadidjah descen-

d'une des premires familles de

chites

lui-mme appartenait

la tribu

des Coris

une branche non moins

respectable, celle des Haschemites qui comptait dans ses

rangs, ainsi que nous l'avons vu, plusieurs pontifes

du tem-

ple de la Kaaba.

Son caractre,

Mahomet

ses projets.

s'appliqua se faire considrer par tous ceux

comme leur meilleur conseil et leur plus


digne chef. Toutefois il avait dj atteint l'ge de quarante
ans que son nom n'tait pas sorti de l'enceinte de la Mecque aucun vnement remarquable ne l'avait encore dqui l'entouraient,

sign aux yeux des Arabes.


les

principaux

Il

avait bien

form en 595 avec

membres de la tribu des Corischites, une asso-

ciation appele hil/~el-Fodhoul (fdration des Fodhoul),

rprimer
avait

les injustices

pour

qui se commettaient parmi eux;

pris part la reconstruction

il

Kaaba
mme poque

du temple de

la

chouer la
de Houwarith, qui, aprs avoir
embrass le christianisme, avait voulu placer la Mecque sous
la domination romaine. Toutefois sa conduite n'avait rien
prsent d'extraordinaire. Plus tard en se chargeant de
l'ducation d'Ali (606), en adoptant et affranchissant Zeid,
jeune Codhate enlev par des Arabes d'une tribu ennemie
et vendu comme esclave, il avait fait preuve d'une gnrosit dont les exemples n'taient pas rares dans les autres
branches de sa famille enfin il avait montr de la bravoure
en 605

une

il

avait contribu faire

tentative

d'Othman

fils

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MAHOMET.

43

pendant la guerre de Fidjar mais cette vertu tait trop commune pour le signaler d'une manire particulire. Ignorant
comme ses compatriotes, il ne savait mme pas lire. Son
imagination brillante n'avait encore rien produit qui pt
faire deviner en lui le gnie potique; ce qui le distinguait
seulement, c'tait l'exprience qu'il avait acquise pendant
ses voyages et une connaissance trs-remarquable de la nature humaine, qui lui permettait d'apprcier en un instant
la valeur morale d'un individu. On observait la vrit, que
tous les ans il se retirait avec sa famille sur la montagne de
Hir, situe non loin de la Mecque, et que l, dans le silence
de la solitude, il passait des nuils entires plong dans une
profonde mditation. Nul n'avait jamais su quel tait l'objet
de ses rflexions; aucune parole imprudente de sa part n'avait pu mme le laisser souponner. Il agitait dans son esprit
les destines futures de sa patrie et voulait lui donner force et
grandeur. Rvant pour elle une autre organisation que celle
laquelle il la voyait presque irrvocablement condamne,
il se demandait comment il pourrait tirer les esprits de l'tat
de barbarie o ils taient plongs. 11 s'indignait du culte
public rendu aux idoles et cherchait les moyens de le ren;

verser; initi aux principaux

dogmes des

religions juive et

chrtienne, et jugeant qu'aucune de ces religions ne pouvait


raliser les projets de rgnration politique qu'il mditait,
il

rsolut d'en fonder

mense; mais

une nouvelle.
une fois

C'tait

la rsolution

une uvre imne l'arrta

prise, rien

plus (611).

Hahomct annonce sa mlsalon

et ae pose

comme

aptre

de Dieu (Oit).
Ses premires dmarches furent toutes individuelles il
parla Khadidjah, son cosin Ali, son affranchi Zeid,
;

son ami Abou-Bekre, de la ncessit de rendre l'antique


religion d'Abraham sa puret primitive il leur annona sa
mission. Tous y ajoutrent foi, et le reconnurent pour l'en;

voy de Dieu.
et reurent,
sets

Ils

admirent ses, entretiens avec l'ange Gabriel


drivant d'une source divine, les ver-

comme

d'un livre {ai-Coran,

la lecture),

que Mahomet

se pro-

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LIVRE

44

posait de rpandre

pour

II,
le

CHAPITRE

II.

succs de son entreprise.

Il

d-

signa sa nouvelle religion par les mots : islam, qui indique


un entier abandon la volont de Dieu, et iman, qui signifie

croyance (d'o sont drivs

moumin,

le

prophte des Arabes.

fidle), et

les adjectifs

mouslin, musulman,

Waraca, prs de mourir,

et

le

proclama

que de faibles commencements. Aboupre de la vierge), qui tait gnralement aim et


estim, conquit l'islamisme l'adhsion de quelques hommes

Ce

n'taient l

Bekre

le

recommandables parmi lesquels


,

Othman

tait

fils

d'Affan.

Au

bout de trois ans (614), le nombre des initis trahit le


mystre dont ils s'environnaient, et Mahomet voulut prcipiter le dnoment. 11 assemble sa famille et lui expose sa
doctrine. Pour la premire fois il lve hautement l'tendard contre les pratiques superstitieuses de ses compatriotes ;
il demande, au nom de la raison, la destruction des idoles
aux pieds desquelles on venait de si loin se prosterner. On
l'coute avec tonnement, et Ali, dans un moment d'enthousiasme, se dclare son vizir. Qui de vous, s'tait cri
,

tre mon frre, mon lieutenant, mon vicomme chacun gardait le silence, c'est moi,
qui serai cet homme aptre de Dieu, je te secon-

Mahomet, veut
caire?

dit Ali

Et

derai, et

si

quelqu'un te

je lui arracherai les

yeux

lui briserai les

rsiste, je

dents,

je lui fendrai le ventre et je lui

D'autres sont mus par l'loquence du


novateur et adorent le dieu qu'il annonce mais le plus grand
nombre s'offense de son impit. Il est signal comme l'ennemi de la religion, et l'on presse plusieurs reprises AbouTaleb de rprimer son audace. bou-Taleb le supplie de
renoncer ses projets; il le trouve inbranlable Quand
on viendrait moi disait Mahomet , le soleil dans une main,
et la lune dans l'autre, on ne me ferait pas reculer. Tout
en refusant d'ajouter foi ses prdications, Abou-Taleb ne
peut oublier qu'il est le fils de son frre et il le protge avec
les Haschmites contre ses ennemis.

casserai les jambes.

nahomet supporte avec courage


de* Corincliltes

Aprs ces vaines tentatives,

le* perscution*
-Stt).

les Corischites, rests fidles

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MAHOMET.

45

l'ancien culte, n'osant attaquer force ouverte


illustre

laquelle

ils

une

famille

sont attachs par tant de liens, se

contentent de dcrier Mahomet, et ils ne s'aperoivent pas


qu'ils ne font qu'tendre ainsi sa renomme. Ils l'accablent
d'outrages, et perscutent ses disciples. Toutes les fois qu'il
vient accomplir autour de la Kaaba le

tawaf (tourne pieuse),

entend des injures ou des menaces. Un jour il rentre chez


lui dsespr mais le lendemain il a retrouv tout son courage, et continue ses exhortations. La conversion de son
oncle Hamza rend ses adversaires plus circonspects , sans
rien changer leurs sentiments hostiles; ils accusent le
prophte de se faire dicter ses prtendues rvlations par
un chrtien de la Mecque , nomm Djaber Mahomet leur
rpond Un homme, dites-vous, m'endoctrine. Le langage
de celui que vous supposez tre l'auteur du Coran est un
langage barbare , et le Coran est de l'arabe le plus pur.
(S. XVI, p. 105.) Ils le soumettent des preuves
et dfendent de prter l'oreille ses discours sous des peines
svres chaque famille fait subir les plus durs traitements
ceux de ses membres qui embrassent l'islamisme , et la
colline Ramdha devient le lieu des tortures qu'on inflige
ces malheureux. Plusieurs musulmans se dcident quitter la Mecque et fuir en Abyssinie; leur nombre s'lve
cent un, quatre-vingt-trois hommes et dix-huit femmes. Les
Corischites envoient aussi une ambassade au ngusch pour
l'engager repousser les partisans de Mahomet; mais le ngusch se fait expliquer la nouvelle religion; satisfait du
sentiment exprim par les rfugis sur Jsus-Christ, il leur
accorde sa protection, et, suivant mme les auteurs arabes,
embrasse secrtement leur foi.
Mahomet ne se maintenait dans sa ville natale que par la
bienveillante protection d'Abou-Taleb. Sept ans se passent
encore (615-622), pendant lesquels il travaille avec un zle
infatigable la propagation de ses ides; rien ne peut l'arrter, ni les menaces des Corischites qui mettent sa famille
au ban de la tribu entire et l'obligent de se retirer, de 616
619, dans les montagnes voisines de la Mecque, ni la perte
d'Abou-Taleb, son gnreux tuteur (619), ni la mort de Khail

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LIVRE

46

II,

CHAPITRE

II.

chercha sa consolation
didjah , son pouse chrie (620).
dans les progrs de sa doctrine. Le retour de quelques-uns
des rfugis en Abyssinie, et surtout la conversion d'Omar,
jusqu'alors son plus redoutable ennemi, avaient accru son
qui lui
ascendant. Ces succs effrayent les Corischites
tendent des embches pour le faire prir. Il essaye d'abord
de s'y soustraire et va s'tablir Taef. Chass de cette ville
Il

par les habitants, qui refusent d'couter sa parole, il retourne la Mecque, esprant que le temps aura un peu
amorti les haines, et met plus de prudence dans toute sa
conduite. C'est cette poque qu'il pouse Sauda, veuve de

Sokran, et Aiescha, fille d'Abou-Bekre, qui n'tait encore


qu'une enfant. Il avait eu de Khadidjah trois fils, morts en
bas ge et quatre filles, Zeinab marie Aboul-As, Rocaa
et Oumm Kolthoum, qui pousrent successivement Othman
fils d'Affan, et Fathime, ne en 606, qui devint, en 621, la
femme d'Ali, fils d'Abou-Taleb.
,

Ullraeles attribus

faussement Jlahomet ;
conversion d'Omar.

attaque

Il

l'Idoltrie;

On rapporte aussi cette anne l'ascension merveilleuse


de Mahomet sur le Borac, animal mystrieux, qui l'avait
conduit en prsence du Trs-Haut mais ce fameux voyage
;

est considr par la plupart des docteurs

un simple rve ou comme une

vision

musulmans comme
du reste ces rcits
,

qui convenaient l'ardente imagination des Arabes, n'taient pas un des moyens d'influence recherchs par le nouvel
aptre; on avait bien souvent rclam de lui quelques miracles qui attestassent sa mission. Dieu
rpondait-il, ne
,

m'a pas envoy vers vous pour cela, il m'a envoy seulement pour prcher sa loi si vous acceptez ce que je vous
apporte, ce sera votre flicit dans ce monde et dans l'autre. (S. XXV, 8 .) C'tait surtout par le prestige de la parole
qu'il agissait sur les esprits, et l'on peut se faire une ide
;

de l'impression

qu'il produisait, lorsque, s'adressant

des

exprimait dans un langage harmonieux et rempli


d'images, les penses les plus leves. Voici, disait-il,

idoltres,

(S.

il

XLI) ce qu'a rvl

le

Dieu clment,

le

Dieu misricor-

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MAHOMET.

47

dieux; un livre dont les versets distincts forment un Coran


arabe pour les hommes qui ont de l'intelligence; un Coran
qui contient des promesses et des menaces; mais la plupart
s'en loignent et ne veulent pas l'entendre. Nos curs, rpondent-ils, sont ferms, nos oreilles sont sourdes tes pa-

un

nous et toi fais ta guise, nous


un homme comme vous, mais un
homme qui il a t rvl que le Dieu, votre matre, est un
Dieu unique; marchez droit lui; implorez son pardon.
Malheur ceux qui lui associent d'autres dieux Malheur
roles

voile s'lve entre

la ntre. Dis-leur, je suis

ceux qui rejettent le prcepte de l'aumne et nient la vie


future Ceux qui auront eu la foi et qui auront pratiqu la
vertu, jouiront d'une rcompense ternelle. Refuserez-vous
de croire au Dieu qui a cr la terre en deux jours lui
donnerez-vous des gaux! Il est souverain de l'univers... Il
a dit au ciel et la terre
Venez, obissez ma voix;
!

le

ciel et la

terre ont

rpondu: Nous

ferons subir aux infidles

un chtiment

obissons....

Nous

nous leur
rendrons le mal qu'ils ont fait. La rcompense des ennemis
de Dieu, c'est le feu. Us y demeureront ternellement, parce
qu'ils ont ni nos signes. Seigneur, s'crieront les rprouvs,
montre-nous ceux qui nous ont gars; hommes ou gnies,
nous les jetterons sous nos pieds nous les chargerons d'opprobres.... Des anges portent l'adorateur du Dieu unique,
au juste mourant, ces paroles consolantes Bannis la crainte
et le chagrin. Nous t'annonons le jardin de Dlices. Nous
fmes tes protecteurs sur la terre , nous le serons dans le
ciel; va goter des plaisirs ternels; forme des vux, ils
seront accomplis. Le misricordieux a prpar ce sjour
pour ses lus.
terrible;

Les auditeurs taient frapps d'tonnement en entendant


des paroles auxquelles ils taient si peu accoutums, et l'on

frquemment des conversions instantanes. Omar,


qui avait toujours t un des plus fougueux ennemis de
voyait

Mahomet, ayant saisi violemment entre les mains de sa


sur un fragment du Coran (S. XX), le lit, et, frapp d'admiration, va trouver

Mahomet

et lui dclare qu'il croit

en

Dieu et en son prophte.

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LIVRE

48

II,

CHAPITRE

II.

Le* hahltaul* d'Iathreb o montrent favorable*


nouvelle doetrlne.

h In

En

du plerinage, six habitants


Mahomet dvelopper les principes
reconnurent pour l'envoy du ciel et lui

620, pendant les ftes

d'Iathreb, ayant entendu

de l'islamisme le
promirent de travailler rpandre ses enseignements parmi
leurs compatriotes. L'anne suivante (621), douze musulmans d'Iathreb prtent serment d'obissance la personne
,

du prophte
prs de

la

d'Omayr

et

de

qui

sur la colline Acaba,


avec eux Mossab, fils

fidlit sa religion,

Mecque;
fait

ils

emmnent

de nouveaux proslytes et qui parvient

runir sous une loi commune les deux puissantes tribus


des Rhazradjites et des Aus, si longtemps divises; en 622,

soixante-quinze habitants d'Iathreb tiennent pendant la nuit,


sur la colline Acaba, une nouvelle confrence avec Mahomet; ils lui offrent un asile dans leur ville et lui demandent si, rappel par ses concitoyens, il abandonnera ses

pour revenir dans sa patrie. Jamais, leur dit-il;


mourrai avec vous; votre sang est mon sang,
votre ruine serait la mienne; je suis ds prsent votre
Mais si nous sommes
ami et l'ennemi de vos ennemis.
Le paradis.
tus pour toi, quelle sera notre rcompense ?
Cette entrevue fut appele le second ou le grand serment
d Acaba. Mahomet choisit parmi les personnes prsentes
douze chefs qui, sous le nom de na/cib, devaient tre ses
dlgus dans les tribus d'Iathreb, comme les aptres avaient
t les dlgus de Jsus. *

allis

je vivrai et je

Violences exerces par les Corlschltes ; fuite de


ou hgire (titt); Il se Axe lHdlne.

Mahomet

Les Corischites instruits de ce pacte d'alliance, redou-

musulmans continua.
qui le menaait l'arrt

blrent de violence, et l'migration des

Mahomet

semblait braver

le pril

de sa mort fut prononc; la maison o il se cachait ayant


t entoure par ses adversaires, il chercha son salut dans
la fuite et partit avec Abou-Bekre, tandis qu'Ali, revtu de
sa robe verte, dtournait par un gnreux dvouement l'attention des assaillants.

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MAHOMET.

Mahomet
Iathreb.

et

Ils

mont Thour,

Abou-Bekre avaient

49
pris

un chemin oppos
une caverne du

restrent trois jours dans


situ trois milles

au sud de

la

Mecque;

ils

dpistrent adroitement les recherches, gagnrent le bord


de la mer et aprs avoir chapp ceux qui les pour,

suivaient, arrivrent, six jours aprs, sur le territoire de

Iathreb, au village de Coha, o l'on fonda la premire


l'islamisme, mosque qui subsiste encore au-

mosque de

de Mahomet est devenue l're


gnralement au 16 juillet
(622 de J. C.)* Le calife Omar l'institua, l'imitation des
chrtiens qui faisaient usage de l're des martyrs (284 de
J. C.) poque de la perscution de Diocltien.
Aprs tre rest quatre jours Coba o Ali vint le rejoindre, Mahomet fit son entre Iathreb escort d'un nombreux cortge; il accepta l'hospitalit d'Abou-Aoub, et
bientt il acheta un vaste emplacement o son intention tait
de construire une mosque et une habitation pour sa
famille et pour lui-mme. Iathreb prit le nom de Mcdinetel-nabi, la ville du prophte, et les deux tribus qui s'taient rallies sous l'tendard de l'islamisme, se confondirent sous le nom d'El-Ansr ou auxiliaires; les musulmans
de la Mecque taient appels Mohadjir (migrs); Mahomet
voulut tablir entre les uns et les autres un ordre de
fraternit qui les runt tous dans un mme sentiment:
chaque mohadjir choisit un frre parmi les Ansars; quelques
conversions remarquables imprimrent un nouveau lustre
l'islamisme; Selinan, le Persan, les docteurs Moukharik
et Abdallah-ben-Sellam reconnurent Mahomet comme
l'aptre de Dieu; mais les tribus juives taient ennemies
des musulmans et elles devaient trouver un appui dans le
parti des Mounaficoun ou hypocrites, parti qui se composait de quelques Ansars mcontents. Aussi, le moment o
commence rellement le triomphe de Mahomet fut peuttre le temps le plus difficile de sa vie il avait besoin de
la plus grande circonspection, afin de mnager tous ses

ou

jourd'hui. L'hgire

des musulmans;

elle

fuite

est fixe

l.

Yoy. l'appendice, n

5.

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LIVRE

50

II,

CHAPITRE

II.

proslytes. Oblig de traiter avec autant d'affection ceux qui

avaient embrass sa cause par intrt que ceux qui l'avaient

par dvouement, mis en demeure par des questions inen vue,


lui fallait satisfaire tout le monde sans oublier un instant

fait

sidieuses de prouver la vrit de sa mission, toujours


il

son rle.

tous

moments on venait lui demander conseil,

et

devait avoir sans cesse sur les lvres des versets de son

il

pour indiquer les rgles de conduite qu'imposait


nouvelle religion. Tous ses actes taient contrls. Sa vie
publique, commente par tous, ne devait laisser percer aucune contradiction une seule aurait suffi pour dtourner
livre divin
la

jamais ceux qui, frapps de son assurance, hsitaient encore


voir en lui un tre suprieur au reste des hommes. Sa vie
prive n'tait un secret pour personne, et ses faiblesses
taient aussitt dvoiles. Et

comme

cette tache n'tait

si

encore s'occuper de la direction de


ses plus zls disciples, Ali, Zeid, Abou-Bekre, Omar, Othman; tous prenant leurs inspirations dans la socit intime
du prophte devaient montrer l'univers le type des vrais
pas suffisante,

il

avait

musulmans.
lien hofttllltf* commencent entre nahomet et 1cm Corlschlte ;
ri* alite commerciale de ftldlne et de la Mecque; combat

de Meder (94).

Un an

s'coula au milieu de ces preuves; ce temps pass,

Mahomet comprit que


consumer dans

sa doctrine prirait,

s'il

laissait

se

de ceux qui s'taient attachs sa cause. La guerre tait le meilleur moyen de


nourrir le fanatisme qu'il avait allum elle devait attirer
sur lui l'attention dont il avait besoin; enfin ses succs militaires taient la seule preuve miraculeuse qu'il pt offrir
de la protection divine dont il se disait l'objet. Il s'y rsolut donc, et elle devint son plus grand moyen de propagation. Jusque-l il avait exig des nouveaux convertis
une formule de serment loute pacifique; on jurait de n'adorer qu'un seul dieu, de ne point drober, de ne point
tuer ses enfants, de ne pas commettre d'adultre, de s'abstenir de propos calomnieux et d'tre docile tout ce que le
prophte ordonnerait de juste; il y ajouta l'engagement de
l'inaction l'ardeur

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MAHOMET.

51

combattre ses ennemis. 11 avait venger les injures qu'il


avait souffertes pendant son sjour la Mecque, et demander compte aux Corischites de l'exil auquel ils l'avaient
condamn. De plus, la rivalit commerciale de Mdine et de
a Mecque pouvait tre trs-habilement exploite. Aprs
avoir dict une charte qui rglait les rapports des musulmans entre eux, qui assurait aux juifs la libert de religion
et la paisible jouissance de leurs biens, en les assujettissant
toutefois payer une partie des frais de la guerre, il se mit
en campagne avec son oncle Hamza et fit plusieurs courses
infructueuses; Abdallah, fils de Djahch, ayant pill une caravane pendant le mois sacr de redjeb, fut blm par le
prophte (S. II, 214). Les Corischites ne ngligeaient
aucune occasion de critiquer les musulmans; leurs potes
ne cessaient de les attaquer dans des satires d'une violence
extrme; trois Khazradjites, Hassan fils de Thabit, Cab fils
de Malek, et Abdallah fils de Rowaha, furent chargs de
leur rpondre; mais cette guerre de plume ne faisait qu'irriter les esprits. Mahomet prparait une nouvelle expdition avant de l'entreprendre, il rgla le jene du ramadhan,
la dme aumnire, zecat; la kblah ou direction des oratoires musulmans vers le temple de la Mecque et Yedhan,
formule d'annonce pour les heures de la prire puis, ayant
su que les Corischites ramenaient de Syrie mille chameaux
chargs de marchandises prcieuses, il partit avec trois cent
quatorze hommes pour les attaquer; cette petite troupe se
composait de trois cavaliers et de trois cent onze fantassins.
Abou-Sophian, fils de Harb, tait la tte de la caravane instruit de la marche de ses ennemis, il parvint les viter; il
avait demand du secours la Mecque mille Corischites
commands par bou-Djah, s'taient dirigs vers la valle de
Beder; les musulmans les y avaient devancs Abou-Djah
apprend d'un message d' Abou-Sophian que la caravane est
sauve au lieu de rebrousser chemin, il se croit sr de la
victoire
engage le combat et perd la vie dans une action
;

dont le fugitif de la Mecque recueille toute la gloire. Plac


avec Abou-Bekre sur un trne de bois construit la hte et
hors de la porte des javelines, Mahomet animait les siens

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LIVRE

52

II

CHAPITRE

II.

par ses discours. Trois Corischites tant sortis des rangs


provoquent les partisans du prophte Hamza, Ali et Obeidah rpondent ce dfi et sont vainqueurs. L'engagement
devient gnral; tout coup Mahomet voit ses partisans
faiblir; il s'lance cheval, et jetant dans les airs une poigne de sable Que la face de nos ennemis, s'crie-t-il,
soit couverte de confusion. Ses troupes, animes d'une
nouvelle ardeur, reprennent l'offensive et la bataille est
gagne. Rien n'est dcisif dans les guerres de religion
comme un premier succs, tant les hommes sont disposs
confondre le droit et la.force. Le combat de Beder fit plus
pour l'islamisme que les plus loquentes prdications; les
croyants furent affermis dans leur foi; ceux qui hsitaient
se prononcrent; les incrdules furent branls.
;

I,es Corlsehltes sont vainqueurs sur le mont


tire vengeance des tribus juives j guerre
nations 4?<l-ti?? .

o lui Mahomet
du foss ou des
1 ;

L'anne suivante, Mahomet russit mettre sur pied mille


pour galer les Corischites
qui venaient avec trois mille hommes ravager les environs de
Mdine; nanmoins il pouvait esprer un nouveau triomphe
grce l'enthousiasme qu'il avait su inspirer ses proslytes; il avait rpondu une incursion d'Abou-Sophian par
le pillage d'une riche caravane dans le Nedjed au combat
d'Ohud il ne fut pas aussi heureux
une dfection des
Mounaficoun (les hypocrites ) et la dsobissance d'un corps
de cinquante archers qui se dbandrent pour courir au
butin avant d'avoir assur la victoire, lui firent courir les
plus grands dangers il n'chappa une mort certaine
qu'en payant de sa personne; frapp au visage couvert de
sang , il parvint avec peine se rfugier dans un dfil
du mont Ohud Ali, qui s'tait signal au commencement
de la bataille par un exploit chevaleresque, Abou-Bekre et
Omar taient blesss; Hamza avait perdu la vie. Les femmes
des Corischites qui avaient suivi leurs poux et qui excftaient par des cris de guerre leur fureur belliqueuse
se
livrrent des atrocits sans exemple sur les cadavres qui
jonchaient le champ de bataille.
soldats ; ce n'tait pas encore assez

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MAHOMET.

83

Dans cette journe Abou-Sophian commandait les idolmais c'tait Khaled, fils de Walid, qui avait habilement
profit de la fausse manuvre des archers pour reprendre
l'avantage les circonstances qui avaient amen la dfaite de
Mahomet, lui permirent de la faire considrer comme le
tres

juste chtiment d'une infraction ses ordres; rentr

dine,

il

runit autour de lui tous les

hommes

pris part l'action et s'avana leur tte jusqu'

Aad, pour montrer que

M-

qui avaient

Hamra-el

chec d'Ohud n'avait pas abattu

son courage.

Le

rsultat de la victoire des Corischites fut de donner


guerre un caractre de plus en plus sanguinaire. Aprs
Beder Mahomet avait rendu la libert aux prisonniers
deux hommes dont il avait reu les plus sanglants outrages,
avaient seuls t mis mort; la suite du combat d'Ohud
les musulmans rsolurent de ne plus faire de quartier aux
idoltres, et les meurtres isols se multiplirent tantt des
envoys du prophte taient massacrs ou condamns
d'affreux supplices tantt des Corischites payaient de leur
vie les crimes de leurs allis. Cependant Mahomet vitait de
recommencer les hostilits avec les habitants de la Mecque
et cherchait d'un autre ct des triomphes plus faciles; les
juifs n'avaient pas montr des dispositions favorables son
ils prtendaient que le nouveau culte n'avait rien
gard
de particulier, que le dieu de l'islamisme n'tait autre
que leur Jhovah dfigur; leur contenance quivoque attestait un mauvais vouloir et une inimiti cache. Dj
Mahomet avait attaqu les Canoca et aprs les avoir rduits
et dpouills de leurs richesses, il les avait bannis du territoire de Mdine le mme sort atteignit la tribu des Nadhirites dont les biens furent distribus aux migrs de la
Mecque, sur la demande des Ansars eux-mmes; effrays
de ces deux exemples et des meurtres commis par des musulmans fanatiques qui allaient frapper au milieu de leurs
familles les adversaires dclars du prophte, les autres tribus juives se coalisrent pour rsister un ennemi qui vou-

la

lait les

peine

dtruire toutes sparment


le

elles obtinrent sans

concours des Corischites et des Ghatafan qui

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LIVRE

II

CHAPITRE

musulmans pousser

leurs ex-

aux environs de Beder

et jusqu'

voyaient avec inquitude les


cursions dans le Nedjed

II

Daumat-Djandal Mahomet avait fait creuser un large foss


au-devant de Mdine et lorsque les allis voulurent forcer
leurs efforts furent inutiles. Le temps ne tarda
le passage
.

pas dissoudre la confdration laquelle s'taient joints


la division fut adroitement seme entre les
les Coraizha
chefs, et la suite de quelques escarmouches signales par de
nouveaux faits d'armes du courageux Ali le sige fut lev.
Mahomet reprit alors l'offensive et parvint craser succes;

sivement ceux qui, runis, auraient pu anantir sa puissance.


vainquit d'abord les Canoca qui furent dit-on gorgs
au nombre de sept cents et fit ensuite diverses expditions
contre les Corzha, les Lahyan et les Mostalik, tandis que ses
lieutenants chtiaient d'autres tribus ennemies.
Il

omet marche sur HoduYbla; serment de l'acacia; trOve


de dix ans (G* A); guerre de Khaibar; puissance de Mahomet; ses ambassades.

.Mali

Mahomet s'avana en 628 jusqu' Hodabia sous prtexte


d'accomplir le plerinage de la Kaaba consacr par le Coran,
mais en ralit avec l'intention secrte de former la Mecque
des relationsqui pussent lui en ouvrir l'entre. 11 reconnut bientt que l'entreprise tait prmature et il se contenta aprs un
nouveau serment defidlit que ses partisans lui prtrent sous
un acacia, de signer une trve de dix ans avec les Corischites
en se rservant le droit de visiter le temple l'anne suivante.

De retour Mdine, il envoya des ambassadeurs aux


souverains trangers pour les convertir l'islamisme et marcha contre les juifs de Khabar, qui, matres d'une position
formidable cinq lieues de la ville du prophte attiraient
eux la plus grande partie du commerce de l'Hedjaz et du
Nedjed; la valeur irrsistible d'Ali renversa tous les obstacles et l'occupation des chteaux fortifis o se trouvaient
entasss leurs trsors, dtruisit pour jamais la puissance
,

politique des juifs; la soumission de Fadac, de Wadi'l-Cora


et

de Tama complta leur ruine; ds ce moment, ils durent


la mission
du moins la supriorit de

reconnatre sinon

Mahomet, qui prleva sur

leurs dpouilles l'hritage qu'il

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MAHOMET.
voulait laisser sa famille.

Un

55

autre rsultat de cette exp-

au del de l'Hedjaz un
grand nombre de tribus du Nedjed vinrent saluer dans le
elles lui donnrent sur
fils d'Abdallah le chef de l'Arabie
elles-mmes une autorit absolue et demandrent le
suivre dans les guerres qu'il lui restait encore terminer.
Mahomet venait d'chapper au poison qu'une femme de
Khabar lui avait fait prendre il recevait de tous les musulmans des marques multiplies d'un dvouement toute

dition fut d'tendre l'islamisme

preuve, et runissait vritablement les attributions royales


et sacerdotales. J'ai admir, disait un Corischite, Csar
et Chosros dans toute la pompe de leur puissance mais
je n'ai jamais vu de souverain vnr comme l'est Mahomet par ses compagnons. A la mosque, le dos contre
,

un palmier, ou dans une chaire sans ornements, le prophte dicte ses lois, et ses paroles excitent l'enthousiasme;
il ne nglige aucune occasion d'annoncer la grandeur de
sa destine

un

lorsqu'il fait creuser

lui-mme saisit la pioche et fait


La premire de ces tincelles

jaillir

foss devant

du roc des

s'crie-t-il

Mdine

tincelles.

m'apprend

la

soumission de l'Ymen la seconde la conqute de la Syrie et de l'Occident., la troisime la conqute de l'Orient


ceux qui l'entendaient croyaient ces prdictions que
,

De nouveaux messages furent adresLorsque Mahomet sut que Chosros


avaitdchir sa lettre: Qu'ainsi son royaume soit dchir,
dit-il. Hraclius lui fit une rponse gracieuse
Mokawkas,

l'avenir devait justifier.

ss

aux

rois

de la

terre.

gouverneur de l'gypte

ngusch d'Abyssinie lui envoyrent des prsents Badhan, vice-roi de l'Ymen embrassa l'islamisme
mais Harith
prince ghassanide et
Haudha, prince de la tribu chrtienne des Hanifa dans Plet le

mamah, repoussrent les

propositions qui leur taient

faites.

Plerinage de fia home t Ht j bataille de Muta, prise de la


aiecque 30
guerre de nouai m slgc de Taef.
:

Cependant une anne


Hodabia.
la

Kaaba

coule depuis le trait de


de deux mille musulmans, visita
ce voyage pacifique produisit un grand

Mahomet,
(0*29), et

s'tait

suivi

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LIVRE

II

CHAPITRE

II.

sur les esprits; plusieurs conversions importantes eu


rent lieu celles de Khaled et d'Amrou fils d'El-As, annoncrent la chute prochaine de l'idoltrie.
Un chef ghassanide, tributaire d'Hraclius, Chourabhil,
effet

ayant mis mort un envoy de Mahomet qui se rendait h


Bostra, provoque une sanglante collision entre les Arabes
et les Grecs. Trois mille hommes, dirigs par Zeid , vont
attaquer les armes romaine et assyrienne prs de Muta,
au sud de Damas, dans le Balca (l'ancien pays des Moabites).
Zeid est tu. Djafar, fils d'Abou-Taleb le remplace il a les
deux mains coupes, serre l'tendard de l'islamisme entre
ses bras mutils, et meurt couvert de cinquante blessures
toutes reues par devant. Abdallah succombe son tour;
Khaled, plus heureux, repousse l'ennemi et regagne Mdine avec les honneurs de la guerre.
La Mecque manquait encore au triomphe de Mahomet
il lui fallait cette ville
le sanctuaire de l'idoltrie
la capitale de l'Arabie, pour tablir solidement son nouveau culte
sur les dbris de l'ancien. Une occasion se prsente; les
Mecquois rompent la trve en attaquant les Khozaa ses allis
renforc des tribus bdouines nouvellement converties, il se dirige vers la Mecque la tte de dix mille
hommes. Cette dmonstration en impose ses ennemis qui
ne font aucune rsistance au prophte; Abbas et AbouSophian se rendent sans combat (11 janv. 630).
Le vainqueur marcha aussitt Mers le temple et dtruisit
La vrit est venue, que le
toutes les idoles en disant
mensonge disparaisse. Toutes les dignits d'institution
,

paenne furent abolies

les fonctions

du hidjaba

et

du

sicaya

furent seules conserves.

acheve, quelques tribus dissidentes


dans THedjaz d'adopter la religion nouvelle; leur soumission devint la grande affaire de Mahomet;

L'uvre

refusaient

n'tait pas

mme

les Hawazin russirent


les Djadhima
mcontents la victoire de Honain chrement achete et le combat d'Auhas terminrent la guerre
des idoles. Les Thakifs, allis des Hawazin, obstinment attachs au culte du dieu Lat, soutinrent avec succs un sige

Khaled rduisit
rallier tous

les

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MAHOMET

57

de vingt jours dans la ville de Taef, et Mahomet esprant


que le temps amnerait leur conversion, opra sa retraite,
et aprs avoir visit de nouveau la Kaaba, rentra Mdine.
La prise de la Mecque, la conversion des Corischites, la
dfaite des Havvazin, et la destruction des temples consacrs

aux idoles avaient port le dernier coup l'ancien culte des


Arabes; des dputations venaient chaque jour annoncer au
prophte de nouvelles adhsions ses doctrines; le pote
Caab, qui l'avait attaqu violemment dans ses vers, obtint
son pardon par la Cacdat el Borda (le pome du Manteau),
et les Temim, la suite d'une lutte de gloire, firent profession de

foi

musulmane.

Expdition de Taboues anne de* ainhussadi s l'Arable


tout entire reconnat le* loi* de Mahomet.
:

Cependant un cri de guerre allait encore retentir. Sur la


que les Romains et les Arabes chrtiens rassemblaient leurs forces sur les frontires de la Syrie, la
fausse nouvelle

guerre sainte est prche, et tous

les

musulmans

aiss veu-

lent par le sacrifice de leurs biens contribuer au triomphe

on runit dix mille cavaliers, vingt mille


chameaux; le prophte, revtu de
sa robe verte, mont sur sa mule blanche part la tte de
cette arme; mais on ne rencontre d'autre ennemi que les
vents pestilentiels et les sables du dsert, une chaleur accablante et les tourments d'une soif ardente. Mahomet soutenait vainement le courage de ses compagnons en leur di L'enfer est plus brlant que les feux de l't.
sant
Arriv Taboue, mi-chemin entre Mdine et Damas, il
ordonne la retraite et se contente de rduire sous ses lois les
villes de Djerba, d'Adhroh, d'A'lath et de Daumat-Djandal.
Le reste de l'anne (630-631), appele par les historiens
Vanne des ambassades, est marqu par de nouvelles et
importantes conversions. Les habitants de Taef, les Thakifs,
les chefs hmyarites de l'Ymen et du Mahrah, les princes
de l'Hadramaut, de l'Oman, du Bahren et de l'Imamah, envoient des dputs chargs d'offrir Mahomet leur serment
d'obissance; quelques tribus retardataires, les Tay dans le
de l'islamisme

fantassins, douze mille

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LIVRE

58

II,

CHAPITRE

II.

Nedjed, les chrtiens de Nadjran, les Nakha, etc., dans l'Ymen, sont rduites parKhaledet Ali, ou font leur soumission.

Soulvements

partiels*,

mort de Mahomet (B39).

L'Arabie tait conquise l'islamisme; les lieutenants de


Mahomet, rpandus dans les provinces, percevaient les d-

mes et maintenaient

l'autorit de son nom. Cependant quelambitieux devaient bientt aspirer l'indpendance Mosseilamah, habitant de l'Imamah; Toulaah,
dansle Nedjed; El-Aswad, dans l'Ymen, s'rigrent en prophtes. Des expditions bien diriges devaient anantir ces
tentatives de rbellion
la mort ne permit pas Mahomet

ques

hommes
:

d'en connatre

le rsultat.

Plus souffrant depuis quelques mois

avait rsolu

au

commencement de 632 de couronner son uvre par un

p-

deux

il

depuis l'hgire, il avait accomappele omra, qui pouvait se


faire toutes les poques de l'anne; suivi de cent quatorze mille musulmans, il entreprit le grand plerinage elHaddj, prescrit par le Coran, et fix d'aprs l'usage aux premiers jours de dzoul-hiddjeh il fit ensuite au peuple, sur
0 mon Dieu,
le mont Arafat, une allocution loquente
dit-il en terminant, ai-je rempli ma mission? Mille voix
lerinage solennel

fois

pli la visite* <Jes lieux saints

pour

rpondre Oui, tu l'as remplie.


Et
Dieu, entends ce tmoignage.
De retour Mdine , il vit sa sant dcliner de jour en

s'levrent
il

ajouta

jour;

il

lui

Mon

avait alors soixante-trois ans;

hta les prparatifs

il

d'une nouvelle expdition en Syrie, et il en confia le commandement Oucama, fils de Zeid. Il comprit bientt que
sa dernire heure tait venue; jusqu'au troisime jour
avant sa mort il rcita la prire publique Est-il quelqu'un,
s'criait-il en chaire, que j'aie frapp injustement, je me
soumets au fouet des reprsailles; si j'ai outrag un musulman qu'il me fasse subir la peine du talion si je l'ai dUne
pouill de son bien, qu'il reprenne ce qui lui est d.
femme rclama trois drachmes d'argent qui lui furent payes
sur-le-champ. Mahomet s'affaiblissant de plus en plus
chargea son beau-pre bou-Bekre, de faire la prire sa
:

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MAHOMET.

59

place. Le 8 juin 632, il se rendit la mosque et adressa encore aux musulmans de sages conseils. Quelques heures
aprs il expirait entre les bras d'Ayescha.
Telles furent les principales vicissitudes de la vie de cet

homme

extraordinaire. L'impulsion qu'il donna par son


gnie aux peuples de l'Orient fut si puissante, qu'aprs
douze sicles le mouvement dure encore. Certes, tout n'est

pas louer dans l'uvre immense qu'il avait entreprise;


mais quand on songe aux obstacles de tout genre qu'il devait rencontrer, aux profondes racines que les pratiques
barbares de l'idoltrie avaient jetes au milieu de ses compatriotes aux amliorations sans nombre dont le triomphe
,

de sa parole, on ne peut se dfendre d'un sentiment d'admiration en prsence des grands


rsultats qui lui sont dus.

fut assur par l'autorit

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CHAPITRE
LE

III.

C0IIA1V.

MAHOMET CONSIDRE* COMME LGISLATEUR.


DFINITION DE L'ISLAMISME? MAHOMET CROIT A L'EXCELLENCE DE SA DOCTRINE IL S'APPUIE SUR L'UNIT DE
DIEU.
TOUTE-PUISSANCE DE DIEU; LES ANGES; LES PROPHTES MAHOMET
;

DON DES MIRACLES, ET FAIT APPEL A LA RAISON HUMAINE.


LE
FATALISME DES MUSULMANS.
LA
LE PARADIS ET L'ENFER DE MAHOMET.
PRIERE ; LES ABLUTIONS ; LE JEUNE ; L'AUMNE.
PRCEPTES DE MORALE ;
CONTRADICTIONS APPARENTES.
LA VIE DE MAHOMET OFFRE DE NOMBREUX
EXEMPLES DE GNROSIT, DE COURAGE, DE SIMPLICIT.
MOTIFS QUI
DTERMINENT MAHOMET A MAINTENIR CERTAINES COUTUMES DES ARABES;
PLERINAGE DE LA MECQUE MOIS SACRS, ETC.
PRCEPTES D 'HYGINE
RECOMMANDS PAR MAHOMET; PROHIBITIONS DIVERSES; LA POLYGAMIE AUTORISE.
AMLIORATION DU SORT DE LA FEMME HRITAGES MARIAGE ET
DIVORCE? PUNITION DEVL'aDULTRE ET DU LIBERTINAGE.
DROIT DE REPRSAILLES; LOIS CONTRE LE VOL, CONTRE L'USURE ET LA FRAUDE DEVOIRS
DES TMOINS; DE L'ESCLAVAGE.
DE LA GUERRE CONTRE LES INFIDLES ;
ORGANISATION MILITAIRE DES ARARES PARTAGE DU BUTIN.
LE CORAN,
CODE CIVIL ET RELIGIEUX DES ARABES, NE POUVAIT TRE ACCEPT SANS
MODIFICATIONS PAR TOUS LES PEUPLES ET DANS DES CLIMATS DIFFRENTS.
M'A PAS LE

M u h uni ri
Il

coneidcr

comme

faut bien le reconnatre, dans

politique qui domine. Pour lui, le

un corps de nation
par un code la fois

runir en
l'Arabie

lgislateur.

Mahomet,

moment

les diffrentes

c'est l'ide

est arriv

de

peuplades de

religieux, civil et guerrier.

Incroyable mlange de tout ce que peut produire son pays


et son temps
marchand, prophte, orateur, pote, lgislateur, et sous chaque forme toujours fidle au type arabe
il comprend qu'aucune des croyances qui se partagent les
esprits, ne peutsatisfaire d'une manire gnrale des hommes

imbus de prjugs et d'erreurs ; il choisit avec une merveilleuse habilet dans ces croyances diverses tout ce qui satisfait

ou

la

raison des Arabes sans heurter leurs prventions

un miroir
moral o se rflchissent les vertus et les vices, les passions
et les fautes, les chimres et les ralits dont se compose
leur propre nature.
leurs faiblesses; le livre qu'il leur prsente est

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LE CORAN.

Le Coran n'a pas t


stance dictaient

crit

Mahomet

61

de suite : des motifs de circonles avertissements qu'il adres-

compatriotes et dj sa mort on tait fort embarrass de retrouver l'ordre chronologique des rvlations
du prophte; Abou-Bekre entreprit ce travail, qui ne fut
sait ses

vritablement achev que par

Le Coran,

le

troisime khalife

Othman.

nous a t transmis \ se compose de cent


quatorze chapitres ou sourates subdiviss en versets et de
longueur ingale. Dix-huit chapitres seulement sont dats
de Mdine; les autres ont t donns la Mecque, et les
quarante derniers ne contiennent que trois cinquante
versets; tous portent des titres diffrents; quelques-uns de
ces titres ne se composent que de lettres initiales dont
le sens n'a jamais t expliqu. Les plus anciens manuscrits
connus du Coran sont sur parchemin et crits en caractres coufiques ceux que l'on rencontre en caractres niskhi
ne remontent pas au del du troisime sicle de l'hgire \
Les musulmans professent la plus grande vnration pour
le Coran ils ne l'ouvrent qu'aprs certaines ablutions et y
puisent une grande partie de leurs prires ils en inscrivent les versets sur les murs de leurs mosques, sur leurs
tel qu'il

bannires, sur leurs

monuments,

presque toujours par

la

morale

la

et ces sentences, dictes

plus pure, leur rappel-

leurs devoirs envers Dieu,

lent sans cesse

envers leurs

semblables, envers eux-mmes.


Dfinition de Platonisme ) nitihomet croit l'excellence
de mo doctrine il s'appuie mur l'unit de Dieu.
;

La religion prche par Mahomet est d'une simplicit


remarquable. En quoi consiste l'islamisme? lui demande
A professer, rpond le fils
un ange dguis en bdouin.
d'Abdallah, qu'il n'y a qu'un seul dieu, et que je suis son
prophte; observer strictement les heures de la prire,

Voy. l'appendice, n 6.
Les caractres coutiques so rapprochent beaucoup du syriaque ; usits pendant
premiers sicles de L'hgire, ils fuient remplacs, en Orient, par le caractre niskhi, qui n'acquit sa forme dfinitive qu'au temps de Mostasem, dernier
khalife abbasside; ils continurent d'elle employs en Afrique et appliqus aux
inscriptions sur pierre et sur mtal,
1.

2.

les trois

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LIVRE

02

II

donner l'aumne, jener


si

l'on peut, le plerinage

CHAPITRE

III.

mois de ramadhan et accomplir,


de la Mecque. C'est cela mme,

le

en se faisant connatre.
Pour donner plus d'autorit son enseignement , Mahomet parle toujours au nom de Dieu il suppose que l'envoy

dit Gabriel

perptuellement les ordres du TrsHaut. Il y a videmment de la fraude dans ses extases, et


l'histoire de la colombe apprivoise prouve que son zle
cleste lui apporte

on doit
cependant admettre qu'il avait foi dans l'excellence de sa
doctrine, et qu'en gnral il ne croyait pas avoir besoin,
pour le succs de sa mission prophtique de recourir
l'imposture. Ses compagnons lui obissaient avec soumission et respect, mais ils n'taient pas sous sa main des instruments passifs une scne qui prcda sa mort, et qui
nous est rapporte par le meilleur de ses biographes, Aboulfeda, en est la preuve. La maladie qui devait le conduire
au tombeau tait arrive son dernier priode; tout coup
Apportez-moi de l'encre et du papier, je veux
il s'crie
crire quelque chose qui vous empchera de tomber jamais
dans l'erreur. Au lieu de lui donner ce qu'il dsire, les assistants hsitent et restent immobiles. Mahomet, irrit de se
voir si mal obi
leur ordonne de se retirer et renonce
son projet.
Qui donc aurait song repousser sa demande,
si tous avaient cru rellement l'autorit divine du prophte?
L'auraient-ils empch d'crire son testament? videmment
non. Omar n'accepte le Coran l'exemple d'Abou-Bekre et
d'Othman que parce qu'il approuve les rformes qui s'y trouvent prescrites, et qu'il le juge bon pour l'avenir du peuple
auquel il est destin. Lorsque, emport par la douleur,
quelques jours aprs, il s'crie Non, Mahomet n'est pas
mort, il est all visiter le Seigneur comme autrefois Mose,
qui reparut quarante jours plus tard aux yeux de sa nation
Abou-Bekre s'tonne. Musulmans, dit-il, si vous adoriez
Mahomet, sachez que Mahomet n'est plus; si c'est Dieu que
vous adoriez, Dieu est vivant, il ne meurt point; rappelezvous ce verset du Coran Mahomet n'est qu'un homme
charg d'une mission avantlui sont morts d'autres hommes
enthousiaste n'excluait pas toujours la fourberie

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LE CORAN

G3

qui avaient aussi reu des missions clestes. Et cet autre


Tu mourras, Mahomet,
XXIX, v. 31.)

verset
(S.

ceux

et

eux aussi mourront.

qui rclamaient de lui des miracles

n'avait-il pas

chose qu'un

rpondu constamment

homme

et

un aptre?

(S.

Suis-je

XVII,

le

>

prophte

donc autre
95 XVIII,

v.

110, etc.)

Compos de fragments pars offerts aux fidles comme


des rvlations du ciel, selon les besoins du moment, le
,

Coran

comme

rdig feuille par

feuille

et

pouvant s'adapter,

testament de Csar, aux circonstances , offre naturellement des contradictions; mais il faut considrer
l'uvre dans son ensemble, avant de songer faire la crile

tique des dtails K


L'ide sublime d'un seul Dieu retrouve au milieu d'un
peuple idoltre, tait bien propre embraser une me
leve et ardente; elle domine le Coran dans toute son
tendue et consacre son originalit. Mahomet fait de ce
principe la base de sa religion et la raison de la supriorit
qu'il rclame pour son culte sur tous les autres
ce disme
pur tranchait vivement avec la thologie embrouille des
,

sectes chrtiennes

ment

multiplies.

que les hrsies avaient si malheureuseLa grandeur de l'tre suprme, de sa

providence, de sa sagesse, de sa justice et de sa bont, devait


frapper des esprits imbus de superstitions grossires; dj
au combat de Beder, le cri de guerre des musulmans tait
Ahadoun ! ahadoun ! {il n'y a qu'un seul Dieu). Il n'est pas un
seul chapitre

du Coran o Mahomet ne prche

l'unit

de

Dieu.
I. /apprciation du Coran, par M. OElsner(Z)M effets de la religion de Mahomet
pendant les trois premiers sicles de sa fondation sur l'esprit, les murs et le
gouvernement des peuples chez lesquels cette religion s'est tablie, mmoire couronn par l'Institut en 1809), est laite avec un remarquable esprit d'impartialit;
on peut aussi consulter Herder, Philosophie de l'histoire de Pastoret, Zoroastre,
Confucius et Mahomet: Montesquieu, Esprit des Lois; Michaelis, Commentaires
sur la loi mosaque; l'ouvrage du chevalier d'Ohsson Forster. Mahometism unveiled : Weil, Historisrh kritische Einleitung in den Koran, Bielefeld, 1844 voy.
aussi Reland, de Religione muhammedv- Coita, Exrrcit. de rel. muh.; Pococke,
Sp. hist.ar.: Hottinguer, Hit. orient. de Fato, Much. diss hist. critica, Lipsiae,
1750 : Pitt, Expos de ta religion de Mahomet ; la dissertation de W. Jones sur les
Arabes; Garcin de Tassv, Ej position de la foi musulmane et l'ouvrage de C. Mills,
:

etc.

Voy. aussi l'appendice

n*

6.

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LIYRE

G4

II,

CHAPITRE

III.

il proclame
ne donne la sienne que
pour la continuation et l'achvement de celles qui l'ont prcde; mais il rejette le mystre do la Trinit qu'il ne parat pas comprendre
et proteste contre l'essence divine de
Jsus qu'il place cependant au premier rang des prophtes (S. II, v. 254), il entoure du plus profond respect
la Vierge, qu'il nomme immacule (S. III, v. 3 XIX, 20, etc.)
politique habile, il apporte le bienfait de la tolrance aux
dissidents rpandus en si grand nombre dans les provinces
de l'empire romain (S. II, v. 257; V, 73, etc.).
Envoy par le souverain Crateur, Mahomet enseigne
tous que Dieu ne saurait avoir ni fils, ni filles; qu'il est
seul, unique dans l'univers; qu' lui appartient toute la
puissance, et qu'il saura en faire usage contre ceux qui re-

Voulant se concilier

les juifs et les chrtiens,

leurs rvlations authentiques;

il

fusent d'entendre sa voix. Les chrtiens et les juifs sont


dj dans le

chemin de

la vrit, puisque le Pentateuque


de source divine; il leur suffira de reconnatre que ces deux livres ont besoin d'un dernier complment, qui est le Coran. Mais les idoltres, les sabens et
les mages doivent rompre entirement avec le pass il faut
qu'ils abjurent leurs anciennes croyances. ce prix seulement, ils entreront dans la religion de l'islam. On voit donc
que la pense du nouvel aptre se trouvait parfaitement
exprime par ce formulaire Il n'y a qu'un Dieu, et Mahomet est son prophte.

et l'vangile sont

Toute-puissance de Dieu; les nn;r es; le* prophtes; Mahomet n'a pas le don de miracles, et fait appel a la raison

humaine.
Il

n'est pas

amour de

une page du Coran qui ne respire un ardent

voulant attirer sans intermdiaire,


une adoration exclusive, Mahomet
s'efforce de donner une haute ide de sa toute-puissance,
en rappelant les merveilles de la cration. C'est lui qui a
la Divinit;

l'auteur de toutes choses,

produit des couples de toute espce; c'est lui qui fait descendre du ciel l'eau bienfaisante; par elle, il fait germer
les plantes et les

palmiers levs, dont

les

branches retom-

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63

LE CORAN,

bent avec des dattes , en grappes suspendues; il est le dispensateur de tout bien ; il n'a cr les mortels et les gnies
qu'afin d'tre glorifi; il sait ce qui est pass, ce qui doit
arriver, ce que renferme le cur de l'homme et les secrets
l'avenir. (S. XVI, v. 2-30; 4, 7-39; LXIV, 4, etc.)
D'abord on le prsente comme un Dieu de paix; il est
clment et misricordieux pour ceux qui se repentent.

de

mesure que l'islamisme s'tend,

il

est le trs -haut, le

prt anantir les peuples impies qui ne veulent pas reconnatre dans les paroles du prophte des signes
trs-fort

ardents de sa mission, et de
les terribles effets

de

la

nombreux exemples

justifient

colre clest.

Les ordres du souverain matre de l'univers sont transmis


par les anges, dont Mahomet reconnat l'existence (S. X1I11,
v.

12; XXXV,
Au premier

1, etc.).

rang se trouvent Gabriel ou l'esprit saint,


Michel, l'ange de la rvlation ; Azariei, l'ange de la mort ;
Israful, l'ange

de

la

eux viennent les


du monde. Miblis

rsurrection. Aprs

djins (gnies), qui seront jugs la fin

des musulmans, ou le chef des dmons, est le satan des juifs


et l'ahriman des mages (S. II, v. 32; XV, 31; XVI, 101;
XVIII, 48; etc.).

Mahomet admet des rvlations successives depuis le


commencement du monde parmi les prophtes et les ap;

entendre la parole de Dieu , il distingue


Adam, No, Abraham, Mose et le Christ; lui-mme ne se
considre que comme le dernier envoy du Tout-Puissant.
Il dclare que Jsus, fils de Marie, avait le don des miracles,
don qui lui a t refus, et souvent il proteste contre certains actes merveilleux que le zle trop ardent de ses distres qui ont fait

ciples lui attribue.


C'tait l, du reste, un grand sujet de peine pour les vrais
musulmans, qui auraient voulu que Mahomet attestt sa
mission par des signes vidents; pour attnuer l'effet que
devait produire sur les auditeurs du prophte l'aveu de son
impuissance ils ne se faisaient pas faute de dcouvrir dans
le Coran des prdictions qui s'taient vrifies, ou de donner pour des faits rels les rves d'une imagination exalte.
,

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LIVRE

II,

CHAPITRE

III

que Mahomet aurait prvu

les victoires d'Hraau commencement de


Les Grecs ont t dfaits dans un pays trsla 30 e sourate
rapproch du ntre mais ils triompheront leur tour de
leurs ennemis; avant comme aprs, les chefs dpendent de
Dieu ce jour-l les croyants se rjouiront d'un succs obtenu avec l'aide du matre des hommes. Et sur ce verset
e
Louange celui qui a transport
isol de la 17 sourate
pendant la nuit son serviteur du temple sacr de l Mecque
au temple loign de Jrusalem, dont nous avons bni l'enon a bti la fable
ceinte pour lui faire voir nos miracles,
de ce singulier voyage de Mahomet au milieu des sept
cieux, c'est--dire des sept sphres clestes dont nous avons

C'est ainsi

clius sur les Perses, parce qu'il dit,


:

dj parl.

Dans

le

mme

chapitre

du Coran

(v. 95),

disent

Mahomet semble

Les infidles
pas moins que tu ne fasses
terre une source d'eau vive qu'un fragment

dtruire l'avance tous ces vains rcits

Nous ne

te croirons

de la
du ciel ne tombe sur nous ou que tu n'amnes Dieu et les
anges comme garants de ta parole; que tu n'aies tout d'un
coup un jardin plant de palmiers et de vignes et que tu ne
fasses sortir des torrents du milieu de ce jardin; que tu ne
montes aux cieux au moyen d'une chelle et que tu ne nous
en rapportes un livre que nous puissions lire tous rpondsleur louanges Dieu suis-je donc autre chose qu'un homme,
qu'un aptre?
Mahomet en s'adressant principalement la raison humaine comprenait la ncessit de faire entendre une voix
plus puissante que la sienne; il menaait del colre divine
ceux qui refusaient de* se convertir et rappelait sans cesse
l'exemple des peuples de No, d'dd et de Thamoud,
punis de leur impit aussi bien que les Sodomites et les
Madianites (S. XXII, v. 42; XLI, 12; etc.); et lorsque ses
ennemis rptaient que le Coran tait l'uvre du fils
d'Abdallah: Composez donc, leur disait-il, un seul chapitre semblable, et convoquez pour cette uvre tous
ceux que vous voudrez, hormis Dieu, si vous tes sincres.
jaillir

(S. 11, v

21.)

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LE CORAN

67

Le fatalisme des musulmans.

On

a reproch

dcrets ternels

Mahomet

mais

le

d'avoir

admis

la

doctrine des

principe qui domine dans son livre

fatum des anciens ni la prdestination de quelques sectes modernes. Le destin du musulman n'a rien qui
puisse amortir ou glacer son courage, car ce n'est simplen'est pas le

ment que cette loi universelle qui plane sur toutes les ttes
et qui met un terme nos travaux. 0 prophte, disaient
quelques musulmans, puisque Dieu a marqu nos places
d'avance, nous pouvons avoir confiance et ngliger nos deNon, rpondait Mahomet, non,
voirs moraux et religieux.

parce que les gens heureux feront de bonnes uvres et les


malheureux de mauvaises. ( S. 11 v. 23; 4 25; X 27,
,

28, etc.) A chaque instant, il recommande ses compagnons


de persister dans le droit chemin, et de mriter, par leurs

XXVIII, v. 91, 92, etc.). Il


mal comprises, entranent aux plus
tristes abus avec quelle diffrence le dogme du destin ne
doit-il pas influer sur un peuple dgrad par la servitude, ou
sur des hommes, qui, pleins d'ardeur et d'enthousiasme, ne
respirent que guerre et conqutes.
De ce que le Coran donne Dieu le pouvoir de choisir
ici-bas ses lus , et de marquer dans les combats ceux qui
doivent vaincre ou prir, on a conclu qu'il niait entirement
la libert et la volont humaines, et qu'il restreignait
l'homme une indiffrence passive. De ce qu'il plaait pour
Jes rcompenses de la vie future la foi sur la mme ligne
que les bonnes uvres, on a conclu qu'il prononait l'inutilit de la vertu. Ces considrations ne sont pas justes. Mahomet admet au contraire, dans tout son livre, et la libert
de l'homme et l'action toute-puissante de sa volont pour
le bien et pour le mal. On doit aussi lui savoir gr, comme
le dit trs-bien M. OElsner, d'avoir consacr, quoique
sa manire, la croyance de l'immortalit de l'me. Peu
d'hommes sont appels vivre dans la mmoire de l'univers. Notre existence parat bien mprisable lorsqu'elle ne
se rattache pas quelque grande pense d'avenir. Certaiactes, la misricorde de Dieu (S.
est certaines ides qui,
;

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68

LIVRE

II,

CHAPITRE

III.

nementon

a raison de chasser les vaines terreurs, mai


nous rendrait un bien triste service qui essayerait de
nous dmontrer que le principe qui sent qui veut et qui
juge, est dissoluble comme la substance de nos organes.
L'instinct mme de l'humanit plaide en faveur du spiritualisme; quand nous voyons le gnie natre avec le sentiment confus de ses destines particulires, qui souvent
tardent s'accomplir, mais qui s'accomplissent la fin,
pourquoi regarder le pressentiment, en quelque sorte universel
d'une prolongation d'existence
comme absolument trompeur? Gardons-nous de le combattre; l'ide de
l'avenir est une des plus puissantes en morale et il est glorieux pour Mahomet de l'avoir fait ressortir avec plus de
force qu'aucun autre lgislateur. (S. II v. 26 45; VI, 32
XII, 57; XVI, 62, 112: XVII, 22, etc. )
celui-l

lie paradlf et l'enfer

En

de Mahomet.

attendant le jour de la rsurrection et

du jugement

dernier (S. LX1X, v. 13; LXXV, 6; etc.), les hommes sont


destins aux joies du paradis, ou bien au feu de l'enfer; deux

anges noirs aux yeux bleus, Mounkir et Nekir, les interrogent; Gabriel pse leurs actions dans une balance assez vaste

pour contenir
est

le ciel et la terre; le

dogme

admis, dfaut d'autre rparation;

donner

celui qu'il a offens

une

le

des reprsailles

musulman

doit

de ses bonnes
charg d'une partie des
partie

uvres, et, s'il n'en a pas, il est


crimes de l'autre (S. LXV, LXVI, LXXVI, 12, etc.). Le sort
qui lui sera rserv dpendra de la prpondrance du vice*
ou de la vertu; mais pour les infidles le chtiment sera
ternel

les juifs

il sera moindre
toutefois pour les chrtiens et
que pour les sabens, les mages et les idoltres,

qui subiront les supplices les


,
plus affreux. Les coupables sont conduits vers le pont
Al-Sirat, plus troit qu'un cheveu, plus effil que le tran-

et surtout les hypocrites

chant d'une pe et tombent dans l'enfer qui s'tend audessous, et dans lequel les moins criminels ont aux pieds
des souliers de feu qui font bouillir leurs crnes comme des
,

chaudires. Pour les vrais croyants,

ils

traversent l'abme

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LE CORAN
que

aussi vite

l'clair et

G9

vont habiter les jardins du septime

ou le paradis. C'est l que l'imagination orientale


donne ample carrire dans la description de ce lieu do

ciel

se

dlices.

Le musulman s'y trouve servi par quatre-vingts esclaves;


y dispose de richesses et de possessions immenses un
printemps ternel entretient la verdure de ses jardins, dont
les arbres donnent au gr du matre la fracheur des ombrages et toutes sortes de fruits exquis des bosquets odorifrants vous invitent rver au bruit d'une fontaine, si
l'on n'aime mieux se reposer dans un pavillon de nacre, de
rubis et d'hyacinthes, orn de tous les raffinements de la
mollesse. Soit qu'on se promne, soit qu'on s'tende ngligemment au bord d'un ruisseau qui roule ses ondes sur
un lit d'ambre jaune de diamants et d'meraudes , ni la
chaleur du jour ni les vapeurs humides de la nuit ne sauraient vous importuner. Couvert de soie et les jambes croises sur un beau tapis, au milieu des fleurs le serviteur de
Dieu commande; l'instant on lui apporte un repas splendide dans des plats d'or massif; trois cents plats chaque
service; trois cents jeunes pages qui, en dfilant, semblent
un collier de perles fines, portent des tasses et des vases de
cristal de roche et lui versent les breuvages du paradis, liqueurs dlicieuses qui rjouissent l'me sans garer la raison soixante-douze nymphes immortelles, houris aux yeux

il

dans leur conque, obiront


par leurs chants, augmenteront ses

noirs, semblables des perles

la

voix

dlices.

On

du

croyant,

et,

beaucoup reproch Mahomet les plaisirs sensuels


annonce dans son paradis, mais il ne faut ni leur attribuer une intluence qu'ils n'ont pu avoir, ni en faire pour
sa religion une cause de mpris. En promettant une flicit
suprme aux gens vertueux qui avoueraient sa mission, il
ne pouvait oublier qu'il s'adressait des Arabes, des orientaux il devait dfinir le bonheur par les divers lments
qui le constituaient pour eux ici-bas. D'autres religions regardant la mort comme une dissolution purement corporelle,
et supposant que l'me seule revivra, ne pouvaient admettre
a

qu'il

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LIVRE

70

CHAPITRE

II,

III.

que les sens fussent pour quelque chose dans les souffrances
ou les joies futures. 11 n'en tait pas de mme du mahomtisme, qui, le jour du jugement dernier, reconstruisait
l'homme tout entier avec les deux principes qui le composent. Le musulman croit que Dieu, qui a tout cr, peut
bien aussi faire tout revivre il n'y a donc rien d'tonnant
ce qu'il regarde les instruments de notre bonheur terrestre
comme ceux du bonheur auquel nous sommes appels dans
une autre vie. Du reste, il faut bien dire que Mahomet
:

n'avait pas consult sa seule imagination dans le plan

de

son paradis la plupart de ses tableaux sont emprunts aux


Persans, aux Juifs, aux Hindous; ses houris ne sont autre
chose que les Hoozani Behest, dont les mages peuplent le
sjour de la batitude. S'il numre avec complaisance les
dlices promises au vrai croyant, c'est surtout la multitude
;

qu'il s'adresse

et toutes ces merveilles avaient

sens allgorique.
spirituelles.

11

met en premire

Le plus favoris de Dieu,

verra sa face soir et matin


plaisirs

comme

des sens,

flicit

pour

lui

un

ligne les jouissances


dit-il,

sera celui qui

qui surpassera tous les

l'Ocan l'emporte sur une perle

de rose.
Les femmes n'taient pas, comme on l'a prtendu, exclues
de la vie future; Mahomet, aprs avoir amlior leur sort
sur la terre par des lois dont il sera question un peu plus
loin, les dclare

immortelles et responsables.

Ceux qui

croient et font de bonnes uvres, quel que soit leur sexe,


seront certainement levs par nous une destine heu-

reuse
(S.

nous

et

XVI,

v.

les

sont rservs aux


JLa

rcompenserons d'aprs leur mrite.

99; XXX111, 29, etc.) Les

femmes comme

l'lite

plaisirs spirituels

des fidles.

prire; le ablutions; le je Ane; l'aumne.

Nous venons d'exposer les principaux dogmes de la foi


musulmane; nous allons maintenant dire quelques mots des
prceptes contenus dans

La prire ou namaz

le

Coran.

important devoir des


croyants(S. II, v. 239; XX, 130; IV, 104, etc.), elle a lieu
cinq fois par jour, ds l'aurore (alfedjr), midi (alzhor)
est le plus

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LE CORAN
trois

heures aprs midi

(alasr),

71

au coucher du

greb), la nuit close (alacha), et se

nom

reka; c'est le

que prennent

soleil ( almacompose de plusieurs

qu'on donne aux huit


musulmans en priant;

attitudes diffrentes

ils rcitent d'abord


grand il n'y a pas
d'autre Dieu que Dieu Dieu est grand, louange Dieu.
Ils ajoutent
Que ton nom soit exalt, mon Dieu je te
sanctifie, je te loue; il n'y a pas d'autre Dieu que toi j'ai recours ton aide contre les embches du dmon
puis ils
rptent le premier chapitre du Coran
Au nom de Dieu clment et misricordieux,
Louange Dieu matre de l'univers,

le

iekbir

les

Dieu

est grand,

Dieu

est

Le clment, le misricordieux,
Le souverain au jour du jugement,
Nous t'adorons et nous implorons ton secours,
Dirige-nous dans le droit chemin,
Dans la voie de ceux que tu as combls de tes bienfaits,
Et non de ceux qui ont encouru ta colre et de ceux qui
s'garent.

Aprs quelques autres versets pris dans le Coran


le
reka se termine par deux tekbir que sparent ces mots
Dieu coute celui qui le loue, les louanges n'appartiennent
Les fidles prononcent jusqu' cent reka par
qu' Dieu.
,

>

jour.

Une ablution avant la prire, de la dcence dans ses vtements, un profond recueillement sont imposs au musulman, dont la figure doit toujours tre tourne du ct de la
kiblah, c'est--dire vers le temple de la Mecque (S. 11,
v. 139, 144, etc.). Cinq fois par jour le muezzin annonce
haute voix que l'heure de la prire est venue lorsqu'on eut
lev des tours ou minarets au-dessus des mosques, partir
du rgne du khalife Walid, le muezzin montait au sommet
de l'difice et faisait de l son appel aux fidles toutefois le
musulman pouvait lever son me au ciel en tous lieux, par
une courte invocation Mahomet ne voulait pas que les pratiques de la forme extrieure absorbassent tout le culte ;
la chair et le sang des victimes, disait-il, ne montent pas jusqu' Dieu, c'est votre pit qui monte jusqu' lui. (S. XXII,
;

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L1VKE

72
v. 38.)

tre juste,

II,

CHAPITRE

dit-il ailleurs,

III.

ce n'est point tourner le

ou l'occident, mais
aux anges, aux critures
et aux prophtes; c'est donner pour l'amour de Dieu, de
l'argent ses parents, aux orphelins, aux ncessiteux; racheter les captifs, tre assidu aux prires, faire l'aumne,
tenir ses engagements, se conduire avec patience dans les
circonstances difficiles, dans les temps de violence et d'advisage pendant la prire vers l'orient

croire en Dieu et au dernier jour,

versit, tre sincre et craindre Dieu.

S. II, v. 172.)

Les femmes ne devaient pas assister la mosque elles


sont mieux places dans leur maison pour accomplir leurs
devoirs religieux. Le vendredi devint le jour de repos, le
jour o l'on offrait Dieu des prires solennelles, o le prl'observation du
dicateur dsign commentait le Coran
;

sabbat n'interdisait pas toute occupation mondaine le reste


de la journe, ou les amusements admis par l'usage.
La prire nous conduit moiti chemin vers la Divinit
;

le

jene nous mne

nous y font entrer.

la

porte de son palais

les

aumnes

>

L'abstinence, certaines poques de l'anne, tait obligatoire : 0 croyants, le jene vous est prescrit, de mme
qu'il a t prescrit

ceux qui vous ont prcds; craignez


Seigneur vous jenerez pendant le mois de ramadhan, o
le Coran vous fut envoy du ciel; qu'il jene pendant ce
mois, celui d'entre vous qui se trouvera au logis; ceux qui
seront en voyage ou malades le feront plus tard, pendant
autant de jours. (S. 11, v. 179, 181, etc.)
Les charits qu'impose la loi musulmane chaque individu sont du dixime de ses biens en terres, troupeaux ou
marchandises s'il en a la possession depuis un an; il doit
exercer l'aumne envers son prochain, sans reproches ni
mauvais procds (S. H, v. 265, 269, 273, etc. ). Ceux dont
les largesses sont faites par ostentation, ceux-l ne tireront
aucun produit de leurs uvres; ils ressemblent une colline rocailleuse couverte de poussire; qu'une averse fonde
sur cette colline, elle n'y laissera qu'un rocher. (S. 11,
v. 266. ) Ceux qui dpensent leur avoir pour plaire Dieu
et affermir leurs ames, ressemblent un jardin plant sur un
le

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LE CORAN.

73

coteau dont les fruits arross par une pluie abondante sont
ports au double ( S. II, v. 267). Les croyants doivent donner aux pauvres les meilleures choses qu'ils ont acquises,
celles-l

mmes qu'ils

l'indigence (S.

quement

la

qu'ils l'exerceront

rice est

voudraient recevoir,

s'ils

taient dans

269, 270). Louables s'ils exercent publicharit, ils le seront encore plus toutes les fois
II, v.

en secret (S.

IT, v.

273, 275, etc.). L'avavoir cacher les

condamne par Dieu, qui n'aime pas

biens qu'il a accords (S. IV,

v. 41).

Prceptes de morale; contradictions apparentes.

Indpendamment de ces rglements spciaux de conduite


morale,

Coran multiplie

les exhortations la vertu (S. II,


V, 11, 12, etc.) les sentiments de bienveillance mutuelle, le mrite des intentions, le pardon des injures sont sans cesse invoqus; l'orgueil et la colre font
horreur; le vice peut tre dans la pense, dans le regard. Il
v. 85,

le

176, 191

foi, mme avec les infidles; avoir de la doumanires, de la modestie dans la tenue; les
hommes doivent prier pour ceux qui les ont offenss et non
les maudire.
Ils doivent tmoigner de la bont leur pre, leur
mre, leurs parents, aux orphelins, aux pauvres, aux voya-

faut garder sa

ceur dans

les

geurs, leurs compagnons, leurs clients (S.


40, etc.).

Le bien de

strictement
rgles,

l'orphelin est sacr.

Il

II, v.

77,

faut observer

tmoigner et juger toujours d'aprs les


contre soi-mme et contre ses proches (S. IV,

la justice,

mme

134; VI, 153, etc.). Dieu voit toutes les actions et en tient
compte ceux qui les font; il accueille avec joie toutes les
bonnes uvres et pardonne les mauvaises ceux qui se re-

v.

pentent, car

il

est indulgent et misricordieux. Toutefois le

repentir n'est d'aucune utilit ceux qui commettent con-

stamment de mauvaises actions, et qui s'crient seulement


l'approche de la mort Je me repens. Dieu ne chtiera
pas ceux qui manqueront un serment inconsidr mais
ceux qui manqueront un engagement rflchi (S. III,
:

129; V, 22, 110; VI, 132, etc.). Dieu n'aime pas qu'on divulgue le mal, moins qu'on ne soit victime de l'oppression
v.

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LIVRE

74
(

S. IV,

147

CHAPITRE

II,

III.

Malheur ceux qui faussent

).

la

mesure ou

le

poids, qui en achetant exigent une mesure pleine et qui,

quand ils mesurent ou psent aux autres, les trompent


LXXXI1I, v. 1,2,3). L'hypocrisie est un crime; il faut
s'loigner aussi bien des dehors que de l'intrieur des turpitudes (S. VI, v. 152; IX, 68, etc.). Celui qui n'empche
pas le pch quand il le peut en devient complice, et celui
qui dirige les autres vers le bien reoit une rcompense
aussi grande que celui qui leur en a fait. Aimez-vous les uns
les autres, dit le prophte ne vous calomniez pas, ne vous
donnez point de qualifications infamantes, ne recherchez
(S.

point avec curiosit les fautes de vos semblables, et qu'aucun de vous ne parle mal d'un absent.

Toutes ces maximes, pleines de sagesse et de bon sens,


pour montrer la puret de la morale, du Coran
aucune n'est en contradiction avec celles de l'vangile;
mais on ne trouve pas dans le Coran cette rsignation anglique, si utile dans les angoisses de la vie, et au milieu de
contradictions nombreuses, on voit Mahomet permettre de
rendre le mal pour le mal, comme si les hommes n'y

suffisent

taient pas dj trop disposs.


C'tait videmment une concession faite aux murs et
aux habitudes vindicatives de ses compatriotes car ct
de ce verset quiconque agira violemment votre gard
agissez de mme contre lui, un autre exprimait une ide
le mal et le bien ne sauraient
contraire (S. II, v. 190)
marcher de pair; rends le bien pour le mal et tu verras ton
ennemi se changer en protecteur et en ami. (S. XLI, v. 34.)
rfahomet portait le joug des prjugs de son temps et de sa
nation en maintenant la peine du talion (S. II, v. 173)
admise d'ailleurs par les Juifs c'est au reste ce qui explique
les opinions si diverses que certains critiques ont mises sur
le Coran; les uns en ont fait un recueil d'impostures mles
quelques ides sublimes; les autres, sans tenir compte
au prophte des entraves de toute espce qui gnaient sa
marche, lui ont reproch des actes que sa raison rprouvait mais que le caractre passionn et les prventions de
ceux qui l'entouraient ne lui permettaient pas de proscrire.
,

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LE CORAN.
La %le do Mahomet offre de nombreux exemples
de gnrosit , de courage , de simplicit.
Les crivains qui ont accus Mahomet de barbarie et de
failli la vrit de l'histoire. Ils oubliaient certainement qu'il n'avait rien nglig pour abolir l'excrable
usage des vengeances hrditaires (S. II, v. 78, 79; XVI,
127, etc.) en vogue chez les Arabes comme les duels l'ont
t en Europe. Ils n'avaient pas lu coup sr ces versets du
Coran, o Mahomet condamne la coutume horrible qui autorisait le pre et la mre enterrer vives leurs filles (S. VI,
v. 152; LXXX, 8, etc.); ils ne pensaient pas au gnreux
pardon qu'il octroya, aprs la prise de la Mecque, ses
plus mortels ennemis, la clmence avec laquelle il exera
envers plusieurs tribus les droits rigoureux de la guerre,
aux regrets qu'il manifesta de quelques condamnations trop
prcipites. Ils ne rflchissaient pas que le peuple arabe
faisait de la vengeance un devoir, et donnait chacun le
droit d'immoler sa propre sret ceux qui pouvaient la
mettre en danger; ils ne savaient pas que Mahomet, qui
avait entre les mains une immense puissance, loin d'en
abuser pour satisfaire des sentiments d'une basse cruaut,
s'effora souvent de modrer ceux de ses compagnons qui se
montraient coupables d'un abus de la force. Aprs le combat
de Beder, il repousse lavis d'Omar qui demandait la mort
des prisonniers; lorsqu'il s'agit de punir les Coraidhites, il
laisse Sad fils de Moadz
leur ancien alli prononcer sur
leur sort; il pardonne au meurtrier de son oncle Hamza, et
ne refuse jamais les grces qui lui sont demandes. Un de
ses plus braves gnraux le fougueux Khaled n'avait pas
su abjurer, en se convertissant k l'islamisme, l'esprit froce
et indomptable des temps de l'idoltrie; il lui arriva, pour
venger la mort d'un de ses parents, de dcimer une tribu
entire, la tribu des Djadhima. Son action fut blme par
lchet, ont

tous les musulmans.

Mahomet, quand

il

l'apprit

se hta

de dsavouer hautement son lieutenant Grand Dieu, dit-il


en levant les mains au ciel, je te prends tmoin que je
suis innocent d'une action si indigne. Les compagnons de
:

Digitizeci

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LIVRE

76

II,

CHAPITRE

III.

Khaled se dtournrent de lui; ils lui reprochrent tous,


par la bouche de l'un d'entre eux, de dshonorer leur cause
et de les ramener l'tat sauvage. Tant le prophte tait
de cette cruaut froide dont il voulait inspirer l'horreur
mpris ceux qui l'entouraient.
Il n'est pas plus exact de dire qu'il avait souvent donn
des preuves de lchet parce qu'au commencement de la
journe de Beder on raconte qu'il fut saisi d'un lger tremblement; que de fois n'avait-il pas expos sa vie pour le
triomphe de sa cause pendant son premier sjour la
Mecque A l'affaire du mont Ohud renvers de cheval dans
un trou profond bless au front la joue , les dents de
devant brises, il combat encore; renvers une seconde
fois, le visage dchir par les anneaux de son casque, il
conserve son sang-froid, soutient par ses paroles le courage
de ses amis et chappe ainsi une mort certaine; au combat d'Honain sa voix et son exemple dcident la victoire.
Tout le monde il est vrai , a su rendre hommage la force
de sa volont la puissance de son caractre son loquence, son talent potique et sa simplicit. On sait
que jusqu' la fin de ses jours il ne se dpartit point du
genre de vie et de la frugalit que la pauvret du dsert
impose ses habitants. Malgr ses richesses malgr son
immense autorit il ne prit jamais le ton d'un souverain.
Entour de ses amis et de ses parents qui lui servaient la
il fut toujours
le vrai
l'ois de gardes et de courtisans,
scheik arabe. Le sceau du prophte imposait l'obissance
aussi bien que les dcrets du roi des Perses ou l'dit de l'empereur de Constantinople.
Affable, gal avec tous, Mahomet amenait dans sa
maison des pauvres pour partager ses repas. Tous ceux
qui voulaient l'interroger trouvaient prs de lui un accueil bienveillant et facile. Sa figure maie et colore prenait alors un air de douceur qui enchantait ses interlocuteurs. Ne se lassant jamais des discours qui lui taient
adresss, il parlait peu, son tour, sans que ses paroles
loin

et le

respirassent l'orgueil ou la supriorit. Toutefois,


rait

le

il

inspi-

respect et savait mriter la considration que sa

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LE CORAN.
qualit d'aptre de

Dieu

lui assurait

77
de

la part

de tous

les

croyants.

dterminent Mahomet m maintenir certaines


coutumes des Arabes $ plerinage de la Mecque mois

Motifs qui

sacrs

etc.

Mahomet se montra politique trs-adroit en conservant


quelques usages anciens auxquels la multitude n'aurait
point renonc sans opposition. Il admit certaines crmonies sabennes, comme le plerinage de la Kaaba, et, relativement au rit extrieur, il se rapprocha plus des juifs que
des chrtiens. Le maintien d'institutions rpandues depuis
longtemps en Arabie tait ncessaire la ralisation de ses
projets.
le spectacle de la nature forme la raison,
apprend en la considrant s'lever jusqu' son crateur, sent natre en lui, avec le sentiment religieux, le besoin d'exprimer au dehors par des actes et des paroles, la
pense qui a mri au fond de son cur. Quiconque aspire
crer une religion, doit donc en mme temps crer des
symboles pour la rendre visible et palpable celui-l surtout est appel le faire, qui s'adresse un peuple distingu des autres par des traits tout fait caractristiques. Il
doit lui donner certaines formes originales que celui-ci est

L'homme dont

et qui

intress garder, parce qu'elles deviennent ainsi le signe

de sa nationalit.
L'tablissement des mosques, la voix du muezzin, les
gnuflexions, l'observation des mois sacrs, le plerinage

la Mecque et d'autres prescriptions qui touchent de


plus prs l'hygine publique, devaient trouver un assentiment gnral parmi les Arabes. Le retour si frquent

de

de

la

prire, souleva seul des rsistances

cette institution

pnible, mais infiniment importante, puisque jour et nuit


et sans relche elle ramne le musulman au sentiment de
sa religion, excita des rbellions trs-violentes; puis l'on se
fit

ce rgime

comme

le soldat s'habitue la discipline.

tablissant

un rapport soutenu avec une

et svre,

qui n'accordait rien aux sens mais beaucoup

divinit abstraite

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LIVRE

78
l'imagination

CHAPITRE

III

imprima l'islamisme l'ardeur


sombre et lamorgue religieuse qu'on

la prire

natique, l'austrit

marque dans

II,

fare-

ses sectateurs. Cette institution le maintient

sans autels, et

le

dispense de prtres pour garantir sa du-

re.

Les mois sacrs taient de vritables trves de Dieu ils


du sang en interrompant des guerres sanglantes. Mahomet devait-ii paralyser
pour l'avenir ce que cette coutume avait d'utile? Certainement non. 11 eut donc raison de ne pas la dtruire et de
lui donner une nouvelle force par sa conscration. Il fit
toutefois une exception au sujet des idoltres Le nombre
des mois, disait-il, est de douze devant Dieu quatre de ces
;

avaient de tout temps pargn bien

mois sont sacrs c'est la croyance constante. Pendant ces


mois (schoual, dzoul-cadeh, dzoul-hedjeh et moharrem),
n'agissez point avec iniquit envers vous-mmes, mais
combattez les idoltres dans tous les mois, de mme qu'ils
vous combattent toutes les poques de l'anne, et sachez
que Dieu est avec ceux qui le craignent. (S. IX, v. 36.) La
conservation du plerinage de la Mecque eut aussi une raison politique. Les anciens temples chez les Sabens n'taient,
proprement parler, que des places de commerce o l'on
attirait la foule par toutes sortes d'indulgences. Le plerinage
de la Kaaba rapportait beaucoup d'argent aux Mecquois, et
il ne fallait pas les indisposer. Omar interdit l'approche du
temple aux infidles, mais des ftes religieuses continurent
d'y faire affluer les ngociants comme jadis; elles les appelaient Siwah et Axum. Mahomet n'eut garde de proscrire un usage qui servait ses desseins secrets. Nous t'avons
donn, fait-il dire Dieu, la rvlation, un livre arabe, afin
que tu avertisses la mre des cits (c'tait le nom de la Mecque) et les peuplades d'alentour du jour de la runion.
(S. XL1I v. 5.) Si Mahomet, qui avait besoin d'une capitale pour rattacher un centre commun tous ceux qui appartenaient la race arabe, s'tait tabli dans une autre
ville, Mdine, par exemple, il et mis face face dans la
pninsule deux intrts opposs dont la lutte et t ternelle. Il comprit que, sous peine d'insuccs, il fallait ral,

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LE CORAN.

79

pourquoi malgr le
lier la Mecque
danger qu'il y avait pour lui tromper ainsi les habitants de
Mdine , qui en l'accueillant chez eux avaient compt qu'il
assurerait leur ville le rang de mtropole il fit du temple
de la Kaaba un point de ralliement universel et maintint
le plerinage avec toutes les observances rituelles que le
temps avait consacres. Il ne faut pas d'ailleurs oublier que
chaque peuple a ses gots et ses penchants, et l'Arabe
aime toute espce de crmonial; il suffit pour s'en assurer, de lire les rcits des voyageurs qui parlent de la
sa religion. C'est

manire dont il exerce l'hospitalit et reoit les trangers


dans sa demeure.
On a vu plus haut que Mahomet distinguait la visite des
lieux saints, omrah, qui pouvait se faire dans tous les mois
de l'anne, du grand plerinage al-haddj dont un usage
immmorial avait fix la clbration au dixime jour de
dzoul-hedjeh , douzime mois de l'anne. (S. II, v. 192,
,

193, etc.)

Le rcit du plerinage qu'il accomplit en 632, tel que le rapporte M. Caussin de Perceval, fait trs-bien connatre les rites
imposs au vrai croyant. Mahomet partit le 25 de dzoul-cadeh
(23 fvrier 632), suivi de quatre-vingt-dix mille hommes, quelques-uns disent de cent quatorze mille il menait avec lui
ses femmes, renfermes dans des litires, et un grand nombre de chameaux destins aux sacrifices et orns de festons.
Il passa la premire nuit Dzoul-Holayfa. L, comme il
avait fait en deux occasions prcdentes, il se constitua dans
l'tat pnitenciel iihram, oppos l'tat d'ihlal, qui consistait reprendre les habitudes ordinaires de la vie. Tous
les musulmans l'imitrent et prononcrent avec lui la prire
Me voici devant toi, 6 mon Dieu
telbiye
toi appartiennent la louange, la grce, la puissance; tu n'as pas d'assoIl continua ensuite sa route vers la Mecque. Il tait
ci.
vtu de deux pices d'toffe, dont l'une, izar, lui envelop;

>

pait la partie infrieure

du corps;

l'autre, rfcfa, lui couvrait

la poitrine et les paules.

Arriv
dzoul-hedjeh

la
(3

Mecque le matin du quatrime jour de


mars 632), il se rendit immdiatement la

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LIVRE

80

II,

CHAPITRE

III

Kaaba, baisa respectueusement la pierre noire, et fit les sept


tournes (tawaf) autour du temple les trois premires d'un
pas prcipit, et les autres plus lentement. Aprs avoir rcit une prire prs du makam-ibrahim, il revint baiser de
nouveau la pierre noire; puis, sortant de l'enceinte du
temple, il alla prier sur la colline de Safa, et termina la
journe par le sai, c'est--dire en parcourant sept fois l'espace compris entre cette colline et celle de Marwa. S'adressant ensuite tous les musulmans qui avaient form son
Que ceux d'entre vous qui n'ont point
cortge, il leur dit
amen de victimes reprennent l'tat 'ihlal et fassent de
leur voyage une simple visite, omrah. On obit, quoiqu'
regret, et les femmes elles-mmes durent renoncer au
grand plerinage le prophte et un petit nombre de ses
disciples, qui avaient conduit avec eux des victimes demeurrent seuls en tat \Kihratn.
Sur ces entrefaites, Ali, revenant de l'Ymen, parut
la Mecque il tait en tat d'ihram et avait amen quelques
chameaux destins tre sacrifis pour le prophte; mais il
ne s'tait point pourvu de victimes pour lui-mme. Mahomet
partagea avec lui les chameaux qu'il devait immoler, et
lui permit de faire le haddj.
Le 8 de dzoul-hedjeh ( 7 mars) Mahomet, entour de
la foule du peuple qui se pressait autour de lui, se transporta dans la valle de Mina o une tente lui fut dresse;
;

il

fit

les cinq prires, c'est--dire qu'il s'y arrta

jusqu'au

matin, 9 de dzoul-hedjeh; puis, lorsque le


soleil fut lev sur l'horizon, il monta la chamelle Cosiva, et
s'achemina vers le Djebel-Araft.
Plac sur une plate-forme de cette montagne, et sans descendre de sa chamelle, il adressa au peuple une allocution.
Aprs chaque phrase , il faisait une pause et les mots qu'il
avait prononcs taient rpts d'une voix retentissante
par le Corischite Rabia, fils d'Ommh, fils de Khalaf.
Lorsqu'il eut achev son discours, il mit pied terre, fit la
prire de midi, puis celle de l'asr, et, remontant sur sa
chamelle Coswa, il alla faire une station dans un autre en-

lendemain

droit

du mont Arafat,

nomm

Essakhardt. Ce fut

l qu'il

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LE COU AN

annona
j'ai

du

du Coran

o Dieu dit Aujourd'hui


de votre foi religieuse. Au coucher
se rendit Mouzdlifa, o il lit la prire du

le verset

termin
soleil,

il

81
:

l'difice

magreb, et passa la nuit.


Le lendemain, 10 de dzoul-hedjeh (9 mars 632), aprs
la prire de l'aurore, il fit une station au lieu nomm AlMechar-al-Haraw ; puis il traversa la hte le vallon appel
Bathn-Mohassar, et entra dans la valle de Mina. En passant prs de certains endroits, o le dmon s'tait, dit-on,
montr Abraham, il lana contre chacun de ces endroits
(Djamra) sept petits cailloux, et gagna la tente qui tait
dresse pour lui depuis l'avant-veille. Alors il se fit amener
les chameaux destins au sacritice; il en immola de sa
main soixante-trois, et donna la libert soixante-trois
esclaves, nombre gal aux annes de son ge, comptes
en annes lunaires; trente-sept autres chameaux furent
immols par Ali.
Aprs ce pompeux sacrifice le prophte appela un barbier qui lui rasa la tte, en commenant par le ct droit
ses cheveux, mesure qu'ils tombaient sous le rasoir, taient
rpartis entre ses disciples. Pendant ce temps
une partie
de la chair des victimes avait t apprte; Mahomet en
mangea avec Ali, en envoya ses femmes, et ordonna de
distribuer le reste aux assistants. Enfin, il retourna la
Mecque, rcita la prire de midi, et fit ensuite le taivaf autour de la Kaaba, avant de rentrer dans son logis.
Telle est la relation que les historiens nous ont laisse de
,

ce plerinage;

ils

le

nomment plerinage

de l'enseignement

prophte, par son exemple


et ses discours, enseigna et fixa tous les rites dont cet acte
de dvotion doit se composer on rappelle aussi haddjet(haddjet-al-belagh), parce

que

le

al-islam

comme

ayant t

le

seul

que Mahomet

ait

accompli aprs la propagation de sa doctrine et comme


ayant complt l'uvre de l'institution de la religion musulmane. Enfin, on le nomme plus communment le plerinage d'adieu, haddjet-al-widh, parce que Mahomet sembla,
en cette occasion, faire ses adieux aux musulmans et la
Mecque, sa patrie, qu'il voyait en effet pour la dernire fois.
,

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LIVRE

82

II,

CHAPITRE

III.

Chaque anne , de tous les pays musulmans des


vanes de plerins se dirigent vers la Mecque; ds
ont atteint le territoire sacr ils se purifient par une
tion, prennent Yirham, et prononcent haute voix
,

cara

qu'ils

ablucette

Mon

Dieu c'est ici ta rgion sainte; j'accomplis


les prescriptions de ton culte ta parole est la vrit mme;
celui qui entre dans ton temple y trouve son salut mon
Dieu! prserve du feu ma chair et mon sang , et sauve-moi
de ta colre au jour de la rsurrection de tes serviteurs.
Ils se rendent ensuite la Kaaba, quelque heure que ce
soit du jour ou de la nuit, et s'arrtant devant la pierre
noire enchsse dans la muraille, ils disent 0 mon Dieu!
prire

en toi et en ton livre je crois en ta parole je crois


en ta promesse j'observe les pratiques et les uvres de ton
prophte. Ce temple est ta maison ta demeure ton sanc-

je crois

tuaire

c'est le sjour

moi des feux de


et

commencent

du

salut

j'ai

recours

toi

sauve-

l'ternit. lis baisent alors la pierre noire,


les

taivafs,

comme Mahomet

leur en a

donn l'exemple.
prohibition* dUere $ la polygamie autorise.

Nous avons parl des ablutions exiges par la loi musulmane, avant la prire, pendant le plerinage de la Mecque, etc. En traversant les dserts, o l'eau manque, l'Arabe devait se rpandre sur le corps du sable fin; Mahomet
recommandait ces diffrentes lustrations, parce qu'elles
sont essentielles la sant dans les pays chauds, et en faisant d'un prcepte d'hygine une rgle invariable il rendait un service vritable sa nation (S. IV, v. 46 ; V, 8, 9).
,

Le mme esprit de sagesse le portait dfendre certaines


viandes malsaines et les liqueurs fermentes. Les animaux morts, le sang, la chair de porc, tout ce qui a t
tu sous l'invocation d'un autre nom que celui de Dieu, les

animaux suffoqus, assomms tus par quelque chute ou


d'un coup de corne ceux qui ont t atteints par une bte
froce, moins que vous ne les ayez purifis, ce qui a t
immol aux autels des idoles tout cela vous est interdit.
,

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LE CORAN.

Dans

le vin

tages

pour

comme
les

dans

le feu,

hommes; mais

83

y a du mal et des avanmal l'emporte sur le bien

il

le

qu'ils

procurent; abstenez - vo u s-en , vous serez heureux.


168, 216; V, 1, 4, 6, 90; VI, 146; XVI, 116, etc.)
On a beaucoup dissert sur ces textes du Coran, et l'on a
dit avec raison que l'interdiction du vin tait une loi
du
climat de l'Arabie. Mahomet ne faisait que consacrer un
usage dj ancien dans la pninsule. Il tait seulement
difficile de l'introduire chez des peuples que la conqute
soumettait l'islamisme, et qui devaient conserver leurs
habitudes et leur manire de vivre. C'est sur de semblables
(S. II, v.

questions que s'exerait particulirement la subtilit des


docteurs musulmans; ils allrent jusqu' prtendre que le
prophte avait condamn uniquement l'abus du vin
;

Mangez

buvez, mais sans excs, car


Dieu n'aime point ceux qui commettent des excs? (S. V,
v. 94; VII, 29.) Certes, pour des gens qui ne voulaient
point se conformer ce sage prcepte, il valait mieux une
n'avait-il

pas dit

et

prohibition absolue.
Il en tait de mme du jeu qui engendre les violences et
qui ruine les'Jamilles ; le lgislateur avait raison de le pros-

crire.

Il

tait fait

une exception pour

les

amusements qui

dlassent l'esprit, et l'iman le plus rigide n'aurait pas os


proscrire les checs (S. Il, v. 216; V, 92, 93).

On
lieu

par ce qui prcde, que le Coran donne souvent


des interprtations trs-diverses et qu'il faut se garder

voit,

de prendre

ou de

lui

la lettre

certaines prescriptions de

Mahomet,

attribuer de prtendues innovations dont

pas l'auteur;

du temps,

il

n'tait

ne faisait que maintenir des usages tellement enracins dans son pays qu'il
et t insens de vouloir les dtruire c'est ainsi que le rit
de la circoncision, qu'on trouve tabli dans les temps les
plus anciens, continua d'tre une rgle obligatoire pour
tous les musulmans. C'est ainsi que la polygamie resta gnralement admise (S. Il, v. 226 et suiv.; IV, 3 et suiv.); ce
serait une trs-grande injustice que d'accuser Mahomet de
la triste condition des femmes de l'Orient; il s'attacha
au
contraire, l'adoucir; les femmes arabes sont compltela

plupart

il

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LIVRE

84

ment dveloppes avant

II,

CHAPITRE

III.

d'avoir atteint l'ge de raison; elles

dprissent rapidement et semblent condamnes par la nature elle-mme un tat d'infriorit et de dpendance

qu'on ne saurait contester; Mahomet rduisit quatre le


nombre des femmes lgitimes c'tait dj un progrs il
conseilla mme, comme un acte louable, de se bornera
une seule; s'il drogea lui-mme la loi qu'il venait d'ta;

blir, ce fut surtout

par des raisons politiques; ses alliances

lui assuraient l'obissance

de nombreuses tribus.

Amlioration du sort de la femme; hritage**; mariage


et divorce; punition de l'adultre et du libertinage.

Le Coran, vritable code civil des musulmans, releva l'de la femme, bien loin de l'amoindrir; au temps du paganisme, les filles n'hritaient point de leurs parents;
tat

Mahomet

leur assigna la moiti de la part de leur frre. Il


maintint l'autorit du mari, mais en dclarant que la femme
avait droit des gards et la protection de son poux il
voulut que les veuves ne fissent plus partie de la succession
;

du pre de

famille

tait ncessaire

elles devaient recevoir tout ce qui leur

pendant un an reprendre leur mahr ou don


,

nuptial, et obtenaient

une

partie des biens laisss par le

dfunt (S. IV, v. 8, 14, etc.).


Rien n'est plus touchant que les soins dont
tourait l'enfance;

il

avait proscrit l'affreuse

Mahomet encoutume qui

permettait aux parents d'enterrer leurs filles vivantes, et se


proccupait sans cesse du sort des orphelins (S. II, v. 77 ; IV,

2; VI, 153; XC, 14 et 15, etc.); il trouvait, dans les caresses


des petits enfants, la plus douce jouissance qu'il est donn
l'homme d'prouver. Un jour, pendant la prire, Hossin,
fils d'Ali, monta sur son dos. Sans s'inquiter des regards
des assistants, il attendit patiemment qu'il plt l'enfant de descendre. D'un autre ct, quelle dlicatesse de
sentiment lorsque Mahomet parle de l'amour maternel et
de la pit filiale; quel hommage pour les femmes que ces
simples paroles
Un fils gagne le paradis aux pieds de sa
mre! Il y aurait, sur ce sujet, un charmant chapitre extraire de la vie de Mahomet.
:

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LE CORAN

85

Le mariage des musulmans n'tait point accompagn


il suffisait du consentement mutuel devant tmoins. Le mariage tait prohib certains degrs; on
N'pousez pas les femmes qui ont t
lit dans le Coran
les pouses de votre pre; n'pousez pas votre mre, vos
d'actes solennels;

filles, vos surs, vos tantes, vos nices, vos nourrices, vos
surs de lait, ni les mres et les filles de vos femmes, ni les
pouses de vos fils, ni les deux surs. (S. II, v. 220, 235;

IV, 26, 27, etc.)


Le divorce tait autoris (S.

II, v.

226

et suiv.),

mais assu-

une rpour qu'il ft irrvocable, trois dclarations successives un mois de distance


de plus, une femme divorce ne pouvait tre rappele par
son mari qu'aprs avoir pous un autre homme et divorc
de nouveau; mesure trs-sage qui rendait les sparations
plus rares. La femme n'avait droit de recourir au divorce
que dans le cas de mauvais traitement elle n'obtenait pas
alors les avantages que la loi lui accorde lorsqu'elle est rpudie par son mari (S. II, v. 226, 227, 230).
L'adultre tait svrement puni (S. IV, v. 19, 30 XVII,
34) chez les anciens Arabes, on levait autour des coupables
une enceinte de mur et on les laissait mourir de faim. Mahomet dcida que la femme serait lapide, que l'homme, s'il tait
mari, subirait le mme supplice, et dans le cas contraire
serait banni ou condamn recevoir cent coups de fouet;
il
fallait quatre tmoins pour constater le crime. Mahomet ne ngligeait rien d'ailleurs pour arrter les progrs du
libertinage. Dans le vingt-quatrime chapitre du Coran
intitul la lumire il donne aux croyants d'excellents conseils; il leur recommande une tenue pleine de rserve, il
rgle leur maintien en prsence de leurs serviteurs, de leurs
enfants, de leurs pre et mre, et cela avec une bienveillance
patriarcale qui se mle heureusement au ton ferme et imetti

des formalits qui permettaient de revenir sur

solution irrflchie ou prcipite ;

il

fallait,

posant du lgislateur.
Droit de reprsailles; loin eontre le vol, contre l'usure
et la fraude ; devoirs de tmoin* de l'esclavage.
:

On

a dit que

Mahomet

consacrait en quelque sorte les

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LIVRE H, CHAPITRE

8<>

III

en admettant le droit de repr77; IV, 94). Sans contredit la substitution de


la justice prive la justice publique, est un terrible flau;
les anciens Arabes considraient la ruse, la trahison, le
meurtre mme comme lgitimes lorsqu'il s'agissait de venger le sang vers. Mahomet ne dut songer qu' combattre
l'excs du mal il essaya d'introduire l'usage de la compensation en argent, et ne fut point cout. La famille offense
conserva seule le droit de punir ou de pardonner.
Les peines portes contre le vol (S. V, v. 42) peuvent aussi
paratre exagres. Les coupables avaient les mains coupes
et lorsqu'il s'agissait d'une attaque sur le grand chemin, la
main droite et le pied gauche. Les docteurs musulmans crrent cette rgle de nombreuses exceptions , et cherchrent adoucir ce qu'une semblable lgislation avait de barbare. Mahomet voulait inspirer une terreur salutaire ceux
qui convoitaient le bien d'autrui ; il se montrait sans piti
pour toute espce de fraude et de prvarication ; il condamnait expressment l'usure (S. II, v. 276 III, 125, etc.) il avait
ordonn, comme on l'a vu plus haut, que le dbiteur ne rendrait jamais que le capital reu le Coran ne voit dans le prt
intrt qu'un abus indigne fait de sa richesse par l'homme
opulent. L'argent, y est-il dit, que vous donnez usure pour
le grossir avec le bien des autres
ne grossira pas auprs
de Dieu ceux qui dvorent le produit de l'usure se lveront au jour de la rsurrection comme celui que Satan a
touch de son contact, et cela parce qu'ils disent l'usure
est la mme chose que la vente. Dieu a permis la vente et
il a interdit l'usure.

vengeances hrditaires

sailles (S. II, v.

ne faudrait pas croire cependant que Mahomet favod'une manire exclusive et contraire aux
lois de la justice. Il veut qu'ils remplissent fidlement leurs
engagements, et non-seulement il refuse de prier pour ceux
qui ne se sont pas acquitts de leur vivant, mais il les meIl

rist les dbiteurs

nace des peines ternelles

280; III, 68, 71, etc.).


par crit et devant
tmoins, dclare nulles les ventes entaches de fraude,
et dfend expressment le monopole et les accaparements.

Il

ordonne que

(S. II, v.

les contrats soient faits

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LE CORAN.

87

n'y a pas de plus grand crime, avait dit avant lui


Zoroastre, que d'acheter du grain et d'attendre qu'il soit

11

le vendre un prix plus lev.


Les tmoins sont obligs de faire leur dposition ds
qu'elle est requise; lorsqu'il s'agit de peines corporelles, ils
a Dieu, dit le Coran, dans ce monde
peuvent s'abstenir
et dans l'autre, tirera un voile sur les fautes de celui qui
cachera les vices de son frre.
(S. IV, v. 134 V, 11, etc.)
Deux tmoins suffisent pour constater le fait en matire
criminelle, except pour le cas d'adultre; en matire civile,
deux hommes ou un homme et deux femmes peuvent dcider la question. Le faux tmoignage est justement fltri.
Ce qu'on peut avec raison reprocher Mahomet, c'est
d'avoir maintenu l'esclavage en Arabie. Nul n'aurait enfreint
sa loi, l'poque de sa puissance, s'il avait dclar libres
ceux qui faisaient profession de foi musulmane ; il dit bien
quelque part u Les croyants sont tous frres, mais ailleurs
il parie d'hommes et de femmes esclaves, et rgle mme
les devoirs que leur possession impose leurs matres; sa
bont, toutefois, s'efforce d'allger leur sort. L'affranchissement est, de la part des croyants, une des rparations les
plus agrables Dieu (S. XVI, v. 73; XXIV, 33, etc.).

devenu cher pour

>

De

la guerre contre le Infidle* ; organisation militaire


de Arabes; partage du butin.

Mahomet ne

s'est pas content de rgler dans le Coran


des musulmans entre eux il a rgl aussi ceux
qu'ils devaient avoir avec les infidles. Ces derniers sont spars en deux classes d'un ct ceux qui croient en Dieu et
au jugement dernier tout en refusant d'ajouter foi la mission du prophte ; de l'autre ceux qui adorent les idoles et
rvoquent en doute la rsurrection des morts. Pour ceux-ci
comme pour les apostats et les schismatiques il est du devoir de tout bon musulman de les combattre jusqu' ce
qu'ils embrassent l'islamisme et de les tuer s'ils refusent de
se convertir. Quant aux autres il n'est pas besoin d'user de
violence leur gard il suffit de n'avoir aucune liaison de
famille et de ne pas contracter avec eux d'alliance trop

les rapports

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LIVRE

88
troite.

Du

reste, s'ils

Toute guerre

II,

CHAPITRE

menacent

il

est sainte contre les

111

faut leur faire la guerre.

ennemis de Dieu

et

du

prophte, autant qu'elle est impie entre les peuples croyants


quand elle est dclare on doit la poursuivre avec ardeur
et courage, car la religion est en pril, et Dieu veut avant
tout que ses serviteurs assurent son triomphe. Les
;

dans leurs foyers sans y tre contraints


ne seront pas traits comme ceux qui combattront dans le sentier de Dieu, avec le sacrifice de leurs biens
et de leurs personnes. Dieu a assign ceux-ci un rang plus
lev qu' ceux-l. (S. IV, v. 97.) Ces paroles avaient pour
but d'exciter le fanatisme guerrier des Arabes. Comme les
armes taient devenues pour Mahomet le plus puissant moyen
de propagation, et que les vicissitudes de la guerre devaient
tre celles de sa religion, il tait pour lui de la plus urgente
ncessit d'y engager tous ceux qui se joignaient lui et
qui l'espoir d'un riche butin ne suffisait pas. Plus tard quand
sa religion fut assise dans l'Hedjaz, il lui fallut trouver un
emploi l'esprit guerrier dont il avait anim les tribus s'il
ne les avait pousses contre l'tranger, elles se seraient
tournes contre elles-mmes, et Mahomet, au lieu d'tre le
bienfaiteur de son pays, en et t le plus funeste ennemi.
Il fut donc forc, dans l'intrt mme de sa cause, d'exciter
l'ardeur belliqueuse des Arabes cela lui fut toujours facile,
car il savait manier les ressorts du cur humain. Crainte,
esprance, courage, dsir de vaincre, ardeur de mourir, il

fidles qui resteront

par

la ncessit

du
Mecque

inspirait tous ces divers sentiments selon les besoins

moment.

Si les chapitres

du Coran

respirent le langage de la tolrance

rvls la

il
n'en est plus de
Le musulman devient un soldat au
service de Dieu qui lui a donn le monde en partage, et
s'enrle par conscience le maniement des armes est pour
lui un acte de religion qu'il ne saurait bien remplir sans
une fois sous les drapeaux il
s'y dvouer entirement
ne peut refuser de combattre mme en duel lorsque le
chef l'ordonne
la dsertion ou le refus de contribuer aux
frais de la guerre sainte est mis au rang des crimes les

mme

Mdine

plus odieux (S. IV, v. 73, 79, 103; IX, 38, 39, etc.).

En

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LE CORAN.

89

cas d'attaque de la part des infidles,

musulman de

il

est

du devoir d'un

quitter l'instant ses affaires particulires

el

sans attendre aucun ordre de venir de la distance de trente


lieues secourir le point menac ; il n'y a que les enfants, les
fous et les furieux qui soient dispenss de combattre tous
les autres individus libres ou esclaves, hommes ou femmes,
;

ou malades, aveugles ou estropis sont obligs de conmieux la dfense commune et de rsister


individuellement jusqu' la dernire extrmit un ou plusieurs ennemis une femme est coupable si elle ne prfre
pas la mort au sacrifice de son honneur. La svrit de ces
ordonnances n'est adoucie par aucun privilge car pour
sains

courir de leur

avoir le droit de rejoindre l'arme

il

faut auparavant payer

ses dettes, pourvoir au sort de sa famille, tre approvisionn et quip pour la campagne. L'extrme frugalit des
Arabes, qui n'ont besoin que de quelques livres de dattes
ou d'orge grille pour leur subsistance de deux mois fut
une des causes de leur supriorit. Chez eux, la vie des
camps prend un caractre grave et srieux; les jeux de hasard
les passe-temps frivoles , les conversations oiseuses
et profanes sont dfendus au soldat un sujet de morale, la
probit la pit, la crainte de Dieu doivent tre la base de
tous les entretiens; au milieu du fracas des armes on se
livre aux exercices du culte les intervalles de l'action sont
employs dans les prires, dans la mditation et dans l'tude
,

du Coran. La dvotion arme de ces braves exclut toute


l'usage du vin est puni avec rigueur. Un jour
des soldats qui se sont enivrs en secret sollicitent euxmmes la correction que la loi leur inflige. On n'admettait

ide d'excs

pas indistinctement tout volontaire; la conduite et les senti-

ments de chacun taient scruts avec soin; quelle peine


Abou-Sophian se donne pour obtenir la faveur de marcher
contre les Grecs
il
dplore ses erreurs passes. La gloire
qui doit s'attacher aux drapeaux musulmans convertira les
;

plus incrdules.

L'enthousiasme guerrier s'empare mme des femmes


non-seulement ces nouvelles Amazones contribueront au
triomphe de l'islamisme, mais elles auront encore le devoir
;

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LIVRE

00

II,

CHAPITRE

III.

de percer de leurs flches et de passer au

musulman

fil

de l'pe tout

qu'elles verraient fuir.

Le paradis est devant vous et l'enfer derrire. Avec ces


mots on obtenait des troupes des prodiges de va-

seuls

de leur prophte qu'on n'vite pas sa


meurt pas pour la foi que c'est vivre
que de prir pour elle. La loi du butin con-

leur. Elles savaient

destine, et qu'on ne

dans

l'ternit

tribuait aussi entretenir l'esprit militaire (S. VIII, v. 1 et


suiv.;

LX, 6,

l'arme

le

quatre cinquimes taient attribus


dernier cinquime tait rparti de manire

etc.); les

intresser la guerre les individus d'ailleurs les plus paci-

en revient quelque chose aux juges, aux moraaux potes, aux gens de lettres, aux matres d'cole,
aux veuves, aux orphelins, et mme aux trangers manquant des moyens ncessaires pour retourner dans leur
pays, et qui ds lors n'y reviennent que pour clbrer la
fiques. Il
listes,

gloire et la munificence des Arabes.

Coran, code civil et religieux des Arabes , ne pouvait tre


accept sans modification par tous les peuples et dans des
climats diffrents.

i.o

On

voit par le tableau qui

avoir tout prvu

prcde que

affaires religieuses

le

Coran semble

questions civiles

organisation militaire, rien n'est omis dans l'uvre de Mahomet. L'autorit de chef politique et celle de grand prtre
se trouvent runies dans la mme main au-dessous, point
de hirarchie, point de caste sacerdotale, aucune classe
privilgie. C'est l un caractre fort remarquable de la
nouvelle socit inaugure par le fils d'Abdallah et qu'on
;

ne saurait trop faire ressortir. Le gouvernement n'a d'autre


devoir que d'appliquer la loi crite toute personne peut
tre appele dire les prires publiques et faire des pr;

dications dans la

mosque. Les hommes

les plus clairs

sont chargs, sous diffrents titres, de rendre la justice en


prenant le Coran et les traditions pour base de leurs dcisions; ils ne doivent jamais accepter ces fonctions dli-

que comme contraints et forcs c'est la plus grande


preuve de dvouement la chose publique que de remplir

cates

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LE CORAN.
la charge

de cadi (juge

) ,

et

Mahomet, en traant

les devoirs

attachs cette magistrature, complte admirablement la

nouvelle lgislation des Arabes.


Nous avons expos les caractres principaux qui font du
Coran une uvre originale, quoi qu'en aient dit plusieurs
historiens qui pour y avoir lu des prceptes et des rcits de
la Bible, se sont empresss d'affirmer qu'il n'en tait qu'une

bauche imparfaite. En le composant le but de Mahomet


n'tait ni de donner l'humanit une morale suprieure
celle de l'vangile ou d'imposer un code uniforme toutes
les nations de TOrient, ni de restreindre le sentiment religieux dans des limites immuables et ternelles ce n'est donc
pas d'aprs ces divers points de vue qu'il faut l'apprcier.
,

Il

un centre commun

devait rattacher

toutes les tribus

de l'Arabie, les unir sous une mme domination, crer


entre elles une solidarit d'intrts assez forte pour leur
faire abandonner leur esprit goste d'indpendance locale,
les habituer obir aux mmes lois, de sorte qu'elles dposassent facilement leurs haines prives et travaillassent ensemble hter leur civilisation. Ainsi considr, le Coran
diffre entirement du Nouveau et de l'Ancien Testament,
auquel on s'est efforc de le comparer. Il peut sans plagiat
emprunter l'un sa morale l'autre sa lgislation il sera
coup sr une uvre utile si ses prceptes et ses lois satisfont les peuples de l'Arabie, pourvu toutefois qu'ils ne
violent aucune des grandes vrits rationnelles. Or, bien
loin qu'on puisse reprocher Mahomet d'avoir manqu
aucune de ces grandes vrits, il les proclame hautement
et y rappelle tous ceux qui semblent s'en carter. Ensuite
dans tous les dogmes dans tous les prceptes dans toutes
les crmonies, dans toutes les menaces, dans toutes les
esprances que renferme son livre, il n'y a rien qui ne soit
en parfaite harmonie avec les instincts de la race arabe. Le
Coran devait donc atteindre le rsultat auquel il tait destin;
rpondant la fois aux besoins moraux religieux, sociaux
d'une nation demi barbare rsumant toutes les institutions de nature la rendre puissante et claire, il fut accueilli par elle avec empressement. merveille du gnie
,

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9-2

LIVRE

II,

CHAPITRE

III.

commit une grande faute


en se privant du droit d'y apporter les changements que
le temps rend toujours ncessaires. Elle se condamnait ainsi
rester plus tard en arrire, et en forant les peuples de
l'Occident de se soumettre des rgles antipathiques leurs
ides et leurs habitudes, elle devait trouver des barrires
insurmontables et se heurter vainement contre un mur
d'airain; cette consquence de l'application fcheuse des
lois du Coran des nations si diverses ne pouvait apparatre
que plus tard, et Mahomet ne l'avait pas pressentie.
qui l'avait dict, elle l'adopta, mais

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LIVRE

III.

LES ARABES, PEUPLE CONQURANT, DEPUIS LA MORT DE


MAHOMET JUSQU'A LA LUTTE DES OMMADES ET DES
ABBASSIDES.
632-713 (ore ebriiennc)-

1-125 (re

musulmane.)

CHAPITRE PREMIER.
LES ARABES S'ORGANISENT POUR PORTER LA
GUERRE AU DEHORS. PREMIERS KHALIFES'.

INTRODUCTION; AUTORIT TOCTE-rUISSANTE DES COMPAGNONS DE MAHOMET.


ALI
ABOC-BEKRK OMAR ET OTHMAN.
SUCCESSEURS DE MAHOMET.
SA RIVALIT AVEC MOAWIAH ; AVNEMENT DES OMMADES (G&G-GGl).

Introduction $ autorit toute-puissante des compagnons de

Mahomet.

Un mouvement

inusit s'tait manifest en Arabie pende Mahomet; les tribus, jusqu'alors si jalouses
de leur indpendance et si fires de leur existence individuelle, s'taient soumises une domination unique, et groupes les unes ct des autres, n'allaient plus former
qu'un seul peuple. Ce mouvement cesserait-il avec l'homme
qui l'avait suscit ou bien les Arabes donneraient-ils un
successeur leur premier matre pour s'lancer sa suite
vers les hautes destines qui leur taient promises? Telle
tait l'alternative pose en 632 par la mort du prophte. Des

dant

la vie

raisons puissantes faisaient prsumer le retour l'ancien


ordre de choses; d'abord les penchants et les gots instinctifs des habitants, qui, contents de l'antique simplicit de
leurs murs, ne paraissaient point disposs en faire le sacrifice; puis leur haine de toute supriorit, haine qu'ils

avaient
l.

pu oublier pour un envoy de Dieu

Voy. l'appendice, n"

enfin les faibles

7.

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LIVRE

94

III,

CHAPITRE

I.

que semblait avoir prises dans la pninsule la nouLa dissolution qui tait craindre n'eut pas
elle fut empche par les hommes minents qui avaient

racines

velle religion.
lieu;

soutenu Mahomet dans sa longue et difficile mission et


qui s'en proclamrent hautement les continuateurs. Ils
montrrent tous le Coran qui tait entre leurs mains; et,
en se choisissant un chef charg de faire respecter la loi, ils
crrent un pouvoir suprme auquel les Arabes se plirent
sans discussion. Ce n'tait pas toutefois le despotisme d'un
seul qu'ils acceptaient ainsi un code d'institution divine
servait de base un gouvernement populaire, administr par
un monarque lectif et limit dans son autorit la prrogative du prince se rduisait des ordonnances concernant la
police, les charges, les emplois de l'tat et des rglements
pour la milice il n'avait pas de lois dicter le Coran, mettant l'ordre social dans un rapport intime avec la religion
imposait un joug salutaire aux souverains musulmans lorsque plus tard ils voulurent se soustraire la rigueur des
formes tablies par l'islamisme, ils ne purent le faire impunment. Ils se trouvrent toujours arrts par le corps des
jurisconsultes qui constitua peu peu une sorte de clerg;
dans les premiers temps ce furent les compagnons du prophte qui exercrent ce droit de censure sur celui qu'ils
avaient proclam khalife.
,

Successeurs de Mahomet*

Abou-Bekre (632-634), Omar (634-644), Othman (644*


655), Ali (655-660), qui occuprent tour tour le premier
rang, loin de s'enivrer de leur puissance et de rechercher
luxe et les richesses restrent opinitrment fidles
la vie austre et frugale dont Mahomet leur avait donn
l'exemple. Comme lui, ils allaient prcher et prier la
mosque; comme lui, ils accueillaient dans leurs maisons
le pauvre et l'opprim. Omar, allant prendre possession
de Jrusalem, fit le voyage de Mdine en Palestine, sans
suite et sans escorte. Abou-Bekre, en mourant, laissait
pour tout bien ses hritiers un habit , un esclave et un

le

chameau. Ali distribuait tous

les

vendredis aux malheu-

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LES ARABES PORTENT LA GUERRE AU DEHORS.

95

reux l'argent qui lui restait. Rappellerons -nous les cinq


drachmes par jour qu'Abou-Bekre s'tait allou sur le trsor
public; Omar dormant sur les degrs du temple parmi les
indigents, et la poigne de dattes d'Ali; ces traits, et bien
d'autres semblables sont assez connus. Le khalife tait responsable de ses actes Othman est oblig de rendre compte
des deniers de l'tat; on pouvait l'appeler en justice Ali ne
ddaigne pas de comparatre devant les tribunaux comme accusateur contre un chrtien souponn de lui avoir vol son
armure. Les dcisions des juges taient souveraines sous
ces quatre premiers khalifes appels khalifes Rachedis, aucun d'eux n'osa faire grce ceux qui avaient t condamns. Le droit tait le mme pour le pauvre et pour le riche,
pour l'homme en place et pour le simple particulier lorsque Djabalah, roi chrtien des Ghassanides, vient trouver
Omar aprs sa conversion l'islamisme, frappe un Arabe qui
le heurte par mgarde
le khalife exige qu'il se fasse pardonner l'outrage dont il s'est rendu coupable, ou qu'il se
soumette la peine du talion. Je suis roi, dit Djabalah et
cet Arabe n'est qu'un homme du peuple.
Cela ne fait
rien la question, reprend Omar, vous tes l'un et l'autre
musulmans, et comme tels, vous tes gaux devant la loi.
Djabalah s'enfuit auprs de l'empereur grec mais le khalife
ordonne que le rcit de ce qui vient de se passer soit lu
devant toute l'arme. Personne la ville ni dans les camps
ne reste ainsi tranger aux affaires publiques 1
;

Abou-Bekre, Omar

Mahomet

Othman.

n'avait point rgl l'ordre

toutes les ambitions

du

et

en l'absence de

lgislateur, s'taient

donn

de sa succession;
la

volont expresse

Chacun avait
du prophte; plusieurs,

libre carrire.

interprt en sa faveur le silence

pourtant, s'taient accords dire qu'en ne mentionnant


pas d'une manire spciale la transmission du pouvoir, il
avait implicitement dclar qu'Ali, son cousin, et poux de
sa fille Fathime, serait hritier de sa puissance. Si ce principe
1.

Ockley's the

Htory

of the Saracens, p, 171. Mentelle, Anecdotes arabes, etc.

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LIVRE

96

III,

CHAPITRE

et t admis, il et empch de natre les prtentions funestes qui ensanglantrent le premier sicle de l'islamisme;
majs Ali, craignant peut-tre qu'on ne lui oppost sa jeunesse, ne se montra point, et les compagnons de Mahomet,
apprenant que les principaux des ansars se disposaient
lire le Khazradjite Sad fils d'Obada, se htrent de reconnatre bou-Bekre, que Mahomet avait charg de dire la
prire sa place; Omar, en lui jurant solennellement obis-

sance et fidlit, entrana sa suite tous les musulmans.


Abou-Bekre, aprs avoir reu les serments, s'exprima en
Me voici charg du soin de vous gouverner;
ces termes
si je fais bien, aidez-moi; si je fais mal, redressez-moi; dire
la vrit au dpositaire du pouvoir est un acte de zle et de
dvouement; la lui cacher est une trahison; devant moi
l'homme faible et l'homme puissant sont gaux; je veux
rendre tous impartiale justice; si jamais je m'carte des
lois de Dieu et de son prophte je cesserai d'avoir droit
:

<

votre obissance.

Lorsqu'il mourut, deux ans plus tard, il dsigna Omar pour


son successeur, et ce choix, dict par l'intrt public, fut
unanimement accept. Omar ne suivit pas l'exemple d'AbouBekre il chargea une commission, compose des six principaux personnages de l'islamisme, du soin de nommer celui
qui devait le remplacer. Une intrigue carta encore Ali du
khalifat, et on ne choisit pas le plus mritant (644). Othman
quoique vertueux et honnte, n'avait pas assez de fermet
pas assez d'initiative personnelle pour diriger l'empire,
dont les conqutes augmentaient chaque jour l'importance.
Son lection tait l'ouvrage des Ommades, ces chefs des
Corischites qui s'taient opposs, pendant vingt ans, la
mission de Mahomet, et qui ne s'taient attachs la nouvelle
religion que par intrt. Unis troitement entre eux, les Corischites s'taient introduits dans tous les emplois; AbouSophian avait fait de son fils , Moawiah le secrtaire de
Mahomet; contenus par le gouvernement sage et ferme
d'Omar, les Corischites avaient espr exercer un entier
ascendant sur l'esprit d'Othman mcontents de ce khalife,
ils lui suscitrent des ennemis; Koufah, Bassorah, en
;

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LES ARABES PORTENT LA GUERRE AU DEHORS.

97

gypte, des orateurs prchaient la rvolte contre un prince


indulgent et faible Othman ne sut pas employer la puissance dont il tait investi, et ses propres fautes prcipitrent la catastrophe qui termina son rgne et sa vie, en 655.
Les Arabes, cette poque, n'taient pas encore forms
l'obissance passive et suivaient avec attention les moindres
actions de ceux qui les dirigeaient. Les prodigalits d'Othman pour ses parents, ses prventions en faveur de gens
qui n'taient dous d'aucun mrite, le peu d'gards qu'il tmoignait aux hros de l'islamisme, avaient d'ailleurs mcontent les esprits; Mdine devint le thtre de l'anarchie;
chass de la chaire du prophte, le malheureux khalife, mal
dfendu par le Coran dont il avait fait un rempart pour sa
poitrine, reut le coup mortel. Les suites de cet vnement ne rpondirent pas au vu des ambitieux qui l'avaient
provoqu; la guerre civile clata de tous cts. Ali, qui
n'avait pris aucune part cette sdition
fut proclam sans
opposition; il avait toujours conserv une noble indpendance de caractre, assistant aux conseils de Mdine, mais
livr surtout aux paisibles occupations de la vie domestique;
avec sa simplicit ordinaire, appuy sur son grand arc, il
reut le serment des chefs de tribus, en dclarant qu'il tait
prt rsigner le pouvoir un plus digne.
;

Ail; sa rivalit a%ec tlonwlah?

avnement de OnimVadeM

L'poux de Fathime runissait en sa personne les droits de


ceux de l'lection; on devait croire que tous
s'inclineraient devant cette gloire si pure et si grande; mais
il n'en fut point ainsi. Le refus que fit le khalife de donner
Telha et Zobir, amis de la maison de Moawiah, les gouvernements de Koufah et de Bassorah suffit pour changer
l'amiti incertaine de ces chefs en haine implacable; Ayescha,
fille d'Abou-Bekre et veuve de Mahomet, devint l'me de
toutes ces intrigues.
On court aux armes un lieutenant

l'hrdit et

d'Ali est surpris et accabl; celui-ci se porte aussitt vers la

Msopotamie, o s'taient retirs les meurtriers d'Othman:


Telha et Zobir sont vaincus Khoraiba et prissent dans le

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LIVRE

08

III,

CHAPITRE

I.

combat, appel la journe du chameau (656). yescha tomba


entre les mains d'Ali , qui la traita avec respect et la fit accompagner Mdine par ses deux fils, Hassan et Hossein.
Pour lui, il tablit sa rsidence Koufah, o il reut la soumission de l'Irak, de l'Arabie de la Perse et du Khorasan.
On y reconnut la supriorit de ses droits sur ceux des trois
khalifes qui l'avaient prcd et qui furent regards comme
des usurpateurs. Encore aujourd'hui les Persans le mettent
dans leurs prires au mme niveau que Mahomet. Les musulmans leur donnent le nom d'schiites (schismatiques,
sparatistes), prenant pour eux-mmes celui de sonnites
par lequel ils veulent indiquer leur estime pour Abou-Bekre,
Omar et Othman, et leur respect pour la tradition ou sonna.
Ali esprait avoir bris l'pe de la rbellion, mais en Syrie veillait l'ennemi de la famille des Haschmites , le fils
d'Abou-Sophian, Moawiah, qui, runi un homme justement clbre dans les annales de l'islamisme, Amrou, conqurant de l'gypte disputa le souverain pouvoir au gendre de Mahomet la tte de quatre-vingt mille hommes et
,

opposa une rsistance invincible dans l'espace de cent


il y eut quatre-vingt-dix combats ou escarmouches;
quarante-cinq mille des amis de Moawiah et vingt-cinq mille
des soldats d'Ali succombrent dans cette guerre civile; le

lui

dix jours

khalife, avec cette gnrosit chevaleresque qui l'avait tou-

jours distingu, commandait ses troupes d'attendre l'attaque, d'pargner les fuyards, de respecter les captives; il
offrit vainement son rival de vider leur querelle dans un

Aprs une bataille indcise livre dans les


deux comptiteurs furent forcs, par
leurs armes, de soumettre leur diffrend des arbitres qui
se prononcrent contre l'poux de Fathime, et proclamrent
Moawiah khalife. Cet arrt ne dcida rien. Ali ne pouvait accepter un tel jugement; il se plaignit avec raison de
la trahison de son mandataire et reprit les hostilits. C'est
alors que trois fanatiques, de la secte des khargites, rsolurent de mettre fin cette lutte impie en frappant la fois
Ali, Amrou et Moawiah celui-ci ne fut que bless; le secr-

combat

singulier.

plaines de Seffen, les

taire

d'Amrou reut

le

coup rserv son matre.

Ali seul

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LES ARABES PORTENT LA GUERRE AU DEHORS.

99

succomba. Hassan son fils fut salu khalife par les habitants de Koufah; mais Moawiah restait matre de la Syrie,
de Pgypte et de l'Arabie, et avec lui s'assit sur le trne la
dynastie des Ommades. Ds lors, dit OElsner, le rgime populaire, qui n'avait d'autre base que la simplicit patriarcale,
s'vanouit pour ne plus reparatre chez aucun peuple musulman la jurisprudence et les usages qui dpendent du
Coran survcurent la chute du gouvernement lectif.
Quelque chose de ces passions rpublicaines qui donnent
de la grandeur aux petits tats et aux grands un excs de
force, se conserva cependant dans la nation ainsi que dans
les armes jusque sous l'empire des usurpateurs.
,

CHAPITRE IL

TAT POLITIQUE DE L'ARABIE A LA MORT I>E


MAHOMET RPRESSION DES FAUX PROPHTES ;
;

INVASION DE L'ASIE OCCIDENTALE

(632-690).

SOULVEMENTS PARTIELS; EXPLOITS DE KHALED, D'iCRIMA, ETC. PREMIRE


DE l/ESPRIT DE PROSLYTISME ET DU GNIE MILITAIRE
COPIE DU CORAN.
CONQUTE DE LA SYRIE
INVASION DE L IRAK (G33-G34).
DES ARARES.
PRISE DE BOSRA SIEGE DE DAMAS ; BATAILLE d'aIZNADIN (633).
(633-638).
DISGRACE DE KHALED BATAILLE DE L'YERMOUK SOUMISSION DES GHASSADINES
PRISE DE JRUSALEM, D'ALEP, d'ANTIOCHE ET DES VILLES MARI(036).
L'ARMNIE ET L'ASIE MINEURE
TIMES; CONQUTE DE LA MSOPOTAMIE.
SONT MENACES; GUERRE MARITIME; SIEGE DE CONSTANTINOPLE ; FAUSSE
POLITIQUE DES EMPEREURS GRECS A L'GARD DES MARDA TES.

Soulvements partiel*; exploit* de Khaled, d'Icrlma,


premire copie du Coran.

etc.?

Pendant cette priode de vingt-huit ans (632-6G0), l'islamisme avait fait de grands progrs
le
vrai croyant
n'tait plus dans l'IIedjaz ou dans les dserts du Nedjed; il
campait sur les bords du Nil, du Tigre et du Jourdain.
Continuateurs de la politique de Mahomet, ses successeurs
avaient compris que le meilleur moyen d'assurer la gloire
de leur religion et la puissance de la nation arabe tait de
;

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LIVRE

400

III,

CHAPITRE

II.

la lancer contre les peuples voisins et d'exciter en elle l'ardeur du proslytisme et de la conqute; le premier soin
d'Abou-Bekre peine promu au khalifat, avait t d'appeler aux armes tous les musulmans mais l'Arabie tait loin
,

d'tre soumise.

Toulayha dans le Nedjed, Mosselamah dans l'Imamah


Cays, meurtrier d'El-Aswad dans l'Ymen, formaient des
partis redoutables. A peine le prophte eut-il ferm les
yeux que la rvolte s'tendit rapidement, mme parmi les
tribus de l'Oman
du Bahren , du Mahrah et de l'Iladra la
maut. Des mouvements clatrent dans l'Iedjaz
Mecque et Taief ils furent aisment comprims. AbouBekre avait envoy un corps de troupes en Syrie sous le
commandement d'Ouama, fils de Zid, pour se conformer
aux dernires volonts de Mahomet il n'avait pas prs de
;

pour commencer l'excution du


projet qu'il avait form de rduire les rebelles; les Ghatafan, la tte des tribus du Nedjed, profitrent de ces circonstances pour tenter un coup de main sur Mdine
repousss deux fois par le khalife, ils se retirrent auprs
de Toulayha, aprs avoir gorg ceux de leurs frres qui
avaient embrass l'islamisme.
Sur ces entrefaites la division se mit dans les rangs des
ennemis du successeur de Mahomet. Aux chefs redouts
Toulayha et Mosselamah se joignait la prophtesse Thejiah
qui, partie de la Msopotamie avec les Taghlibites, enchanait
lui'

une arme

suffisante

Benou-Temim, et se dirigeait vers l'Imamah,


dont elle se promettait de faire la conqute. Mosselamah vit
avec inquitude l'orage prta fondre sur lui dans une entrevue avec Thejiah, il lui persuada de l'pouser, et obtint en-

sa cause les

suite sa retraite

Le moment

moyennant une somme d'argentconsidrable.


venu o Khaled, plac la tte des mu-

tait

sulmans, allait enfin rduire les faux prophtes. Ouama


tait revenu de son expdition charg de butin, mais sans
refuge des mavoir rduit la ville de Daumat-Djandal
contents. En ordonnant Khaled d'attaquer d'abord les
tribus du Nedjed, Abou-Bckre lui donna les mmes instrucil devait exiger trois choses des
tions qu'au fils de Zeid
,

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GUERRES DANS L'ASIE OCCIDENTALE (632-090).


ennemis de

l'islam

la

profession de

zecat ou impt.

foi

musulmane

01
la

Combattez bravement et loyalement, ajoutait le khalife; ne mutilez pas les vaincus; ne


tuez ni les vieillards, ni les enfants, ni les femmes; ne dtruisez pas les palmiers, ne brlez pas les moissons, ne coupez pas les arbres fruitiers, respectez les champs en culture
si vous trouvez sur votre route des hommes vivant en solitude et adorant le Seigneur, ne leur faites point de mal.
A peine Khaled parat-il dans le Nedjed que les ay se
fuit vers les
joignent lui. Toulayha, dfait Bouzakha
dserts de Syrie. Les Benou-Asad, les Ghatafan, les Hawazin,
se soumettent et livrent aux vainqueurs ceux
les Soulaym
qui ont pris part au massacre des musulmans la suite de
leur tentative malheureuse sur Mdine; les uns sont lapids ou prcipits du haut des rochers; les autres brls
ou noys dans des puits, et ces cruelles reprsailles frappent les esprits de terreur.
Khaled marche ensuite contre les Hanzhala, l'une des
branches des Benou-Temim, qui avaient embrass avec ardeur le parti de la prophtesse Thejiah. Tous se dispersent
ou font des dmonstrations d'obissance leur chef, Malik,
fils de Nowara, est mis en pices sur un ordre de Khaled
qui pouse sa veuve; cet acte de barbarie soulve les
vrais croyants contre lui; le pote Moutemmem, frre de
Malik, vient demander justice au khalife, et Omar appuie sa
rclamation. Abou-Bekre reoit la justification de Khaled et
paye lui-mme le prix du sang rpandu.
Cependant Mosselamah tait toujours matre de l'Imamah. Il avait battu deux corps de musulmans commands
prire et

la

par Icrima, fils d'Abou-Djahl, et par Chourahbil, et inspirait


aux Hanifa une confiance sans bornes Khaled s'avance
contre Hedjer, et rien ne rsiste ses armes; Mosselamah
perd la bataille et la vie la journe d'Acrab; Hedjer capitule, et les Hanifa rentrent dans le devoir.
Jusque-l le Coran tait rest dans la mmoire des compagnons de Mahomet ou de personnages revtus du titre
ecourr, lecteurs, ou de hamalat-al-Coran porteurs du
Coran, qui conservaient prcieusement par tradition, la
;

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LIVRE

102

III,

CHAPITRE

II,

manire dont chaque passage devait tre lu. On ne possdait que des fragments du livre, crits sur des peaux ou sur
des branches de palmier. Plusieurs des courra les plus instruits, ayant perdu la vie au combat d'Acrab, Abou-Bekre
jugea prudent de former un corps d'ouvrage des divers
chapitres de la loi musulmane une commission s'acquitta
de ce soin sans retard, et la premire copie du Coran ainsi
complte, fut confie la garde de Hafsa, fille d'Omar, et
l'une des veuves de Mahomet.
Les soulvements qui avaient clat dans le Bahren
l'Oman et les autres parties de l'Arabie furent rapidement
comprims; El-Ala traversa le dsert de Dahn, dfit devant Djowatha les Bacrites qui, la voix de leur chef Hotam,
avaient proclam roi un prince de la famille Almoundhir,
de Hira et par la prise de l'le de Davayne , teignit les
dernires lueurs de la rbellion.
Icrima, qui cherchait faire oublier son chec dans
rimamah s'empare de Daba capitale de l'Oman et disperse les partisans du faux prophte Lakit-Dzou-Hadj; il
,

soumet ensuite le Mahrah et pntre jusqu' Aden puis,


runi un chef, El-Mohadjir, qui venait de dtruire les
derniers dbris du parti d'Aswad dans l'Ymen, il fait rentrer dans l'obissance les Kinda de l'Hadramaut; l'Arabie
proprement dite reconnaissait les lois d' Abou-Bekre le
;

khalife entreprit aussitt la guerre sainte.

l'esprit

de proslytisme et du gnie militaire des Arabes,

Mahomet s'tait appliqu dvelopper le gnie militaire


des Arabes en leur inspirant l'esprit de proslytisme. La
persuasion intime que Dieu avait donn aux fidles lo
,

monde en

partage, doublait leurs forces;

tation religieuse s'tait

mots

empare de toutes

une sorte d'exalmes avec ces

les

paradis est devant vous, l'enfer derrire, les chefs


entranaient leurs soldats au milieu d'une mle furieuse,
:

le

vhmence de sentiment
grands obstacles. En toute
gnraux payaient de leur personne; avant
bataille, ils provoquaient au combat le plus

et ce dlire superstitieux, cette


et d'action renversaient les plus

occasion les
d'engager la

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GUERRES DANS L'ASIE OCCIDENTALE

103

(632-G90).

de leurs ennemis, et presque toujours vainqueurs


homriques ils taient constamment les
premiers dans le chemin de l'honneur.
trangers toute ide de tactique savante les Arabes
n'avaient pour eux que la foi le courage et l'audace mais
ils tudiaient avec soin les dispositions de leurs adversaires
et les imitaient; c'est ainsi qu'ils donnrent peu peu

vaillant

clans ces luttes

leurs troupes

une organisation rgulire,

et surent tirer

de leur cavalerie en la plaant sur les ailes. A l'exemple de Mahomet, qui combattait vers le soir pour se couvrir
de la nuit, en cas d'un chec, ils vitaient l'engagement
avant les prires de midi, ou maintenaient l'quilibre de la
bataille jusqu'au soir, pour renouveler l'action avec des
troupes fraches tenues en rserve profitant ainsi de la
fatigue de l'ennemi qui ne s'attendait pas une nouvelle
attaque; mais inhabiles dans l'art des siges, ils auraient
chou dans leurs entreprises contre les Grecs et les
Perses, si ces peuples n'avaient pas puis dans leurs
guerres continuelles ce qui leur restait de sve et de vie
affaiblis par leurs succs comme par leurs revers, ils offraient, qui saurait la prendre une proie aussi riche que
facile. Les Grecs, diviss en factions ennemies par des sectes inconciliables, accoutums confier le soin de leur dfense des mercenaires, ne comprirent pas quels adversaires ils avaient affaire ils crurent que c'tait une de ces
guerres ordinaires o l'on finit par s'entendre et s'accorder,

parti

un temps prcieux ngocier avec des hommes


ou vaincus, rptaient sans se dconcerter
Devenez musulmans ou soyez tributtiires. D'un autre ct
et perdirent

qui, vainqueurs

populations acceptaient sans murmurer la domination


de leurs nouveaux matres, qui montraient de la loyaut
dans leurs engagements et n'taient point oppresseurs une
simple profession do foi les assimilait ceux-l mmes qui
venaient de conqurir leur territoire, et la fusion devenait
plus complte par la libert laisse l'Arabe de contracter
des alliances dans plusieurs familles %
les

1.

Consultez OElsner et Caussin de Perccval.

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104

LIVRE

III,

CHAPITRE

II.

In va* Ion de l'Irak (033-e.Y4).

La vigueur avec laquelle Abou-Bekre avait dtruit autour


de

lui les rebelles et les

faux prophtes n'avait pas permis

musulmans de se refroidir; il reprit


l'excution des plans de Mahomet, qui, on se le rappelle,
avait march vers la Syrie, puis la nouvelle des troubles
l'ardeur guerrire des

survenus dans l'intrieur, avait bientt


traite.

command

la re-

L'expdition d'Ouama n'avait t qu'une simple

reconnaissance; cette

fois l'entreprise

Munis des instructions du

khalife

devint plus srieuse.

instructions o respirait

l'me d'un peuple pasteur, lyadh et Khaled furent dirigs


le premier devait y entrer par Moucaak, aprs la rduction de Daumat-Djandal; le second,
parti de l'Imamah, se porter sur Obollah, ville voisine du
golfe Persique, et se runir son collgue sous les murs de
vers l'Irak occidental

Ilira.

On pouvait croire que les tribus arabes de la Msopotamie s'empresseraient de secouer le joug des Perses; elles
n'en firent rien; les musulmans ne trouvrent que des
ennemis dans ces rgions; trois victoires conduisirent Khaled sous les murs d'Amghichia, qu'il dtruisit de fond en
comble. Les excutions sanglantes qu'il ordonnait contre
tous ceux qui lui opposaient de la rsistance rpandaient
au loin la terreur de son nom Hira', Anbar et Ain-Tamr
capitulrent; la cour de Ctsiphon restait indcise; les dis;

sensions qui avaient suivi la mort

du

parricide Siros pre-

naient de nouveaux dveloppements,

et

prparaient la

chute de l'empire.
Khaled se dtourne un instant de la route qui lui est
trace; il marche au secours d'Iyadh qui se trouve arrt
devant Daumat-Djandal, et se rend matre de cette ville;
de retour Hira, il reprend l'offensive, dfait prs de Firadh, sur la rive orientale de l'Euphrate, les Grecs qui se
sont joints aux Perses et aux Arabes taghlibites
et, aprs
avoir accompli, l'insu de son arme, en 634, le plerinage de la Mecque il se dispose franchir les frontires
persanes, lorsqu'un ordre d' Abou-Bekre l'appelle en Syrie.
;

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GUERRES DANS L'ASIE OCCIDENTALE (632-690). 105


Conqute de la Syrie (G33-OS*
de ce ct que

C'tait
efforts

le khalife avait dirig ses

plus grands

plusieurs corps d'arme s'taient avancs jusque

cours suprieur du
Un premier
succs avait ouvert heureusement la campagne; mais un
combat livr une journe de Damas fut fatal aux Arabes,
et Abou-Obeda vint avec des renforts prendre le commandement des troupes avec Yzid , fils d'Abou-Sophiari et
Chourahbil.
La Syrie laquelle les Arabes donnent le nom de Barrel-Scham (pays de la gauche), ne comprend pas seulement
pour eux le territoire qui s'tend au sud du Taurus et
l'ouest de l'Euphrate jusqu'aux sources du Jourdain
elle
renferme tout l'espace qui s'tend entre les dserts de

dans l'Ordounn (Tyr, Ptolmas

et le

Jourdain), et dans la Palestine proprement dite.

l'Arabie et de l'isthme de Suez au sud,

Mditerrane
en suivant
ce fleuve depuis sa source jusqu'au lieu o, aprs avoir
coul du nord au sud dans la plaine de Sennaar, il tourne
l'ouest, le

Taurus au nord,

la

et l'Euphrate l'est

brusquement vers le golfe Persique.


Abou-Obeda menaait la fois Bosra

Damas

et

Tib-

en divisant ses troupes, il s'tait les moyens de


vaincre; Khaled, la voix du khalife, quitte Hira la tte
de neuf mille hommes. Il occupe presque sans coup frir
riade;

deux points de Tadmor et d'FIauran, qui lui donnent


accs jusqu'aux rives du Jourdain et de l'Oronte. Ce preles

mier pas

fait,

il

s'arrte

forts, et parat enfin

PrUe de Boara

sous

amu*

alge de

Aprs un combat o

pour attendre de nouveaux renmurs de Bosra.

les

bataille

dAUnadln

(33).

courage des assigs ne put tenir


contre l'ardeur fanatique des Arabes, la ville, trahie par
son gouverneur Romanus, qui se convertit au mahomtisme, tomba entre les mains de Khaled. Le droit de la
guerre autorisait le pillage le vainqueur le fit cesser ds
que les habitants eurent demand quartier, et il se contenta de les soumettre au tribut en leur laissant le libre
le

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LIVRE

106

III,

CHAPITRE

II.

exercice de leur religion. Bosra prise, les Arabes se portrent aussitt sur Damas cinq mille hommes y avaient t
envoys par Iraclius, alors tabli ntioche. L'empereur
ne pouvait comprendre le danger dont il tait menac.
Quel avantage ne devait-il pas conserver sur ces tribus misrables, avides de butin, par la tenue des troupes, l'exprience des officiers, la qualit des armes, la richesse des
;

la force des places, par la facilit des communications et des approvisionnements ; les Grecs connaissaient
le pays, tenaient la mer et avaient leur disposition des

arsenaux,

provinces peuples et fertiles; les Arabes taient ignorants,


pauvres, dnus de tout, ne sachant faire la guerre qu'en
Bdouins et en fuyant; leur arme offrait au premier coup
d'il des groupes de gens rassembls ple-mle, les cava-

au milieu des fantassins, les uns mal couverts, les aunus arms chacun sa fantaisie d'un arc, d'une pique
ou d'une massue , tirant le sabre ou brandissant la lance ;
leur expdition ne pouvait tre qu'une incursion passagre.
Iraclius changea de sentiment quand il reut de Damas
une lettre portant que la ville tait bloque de tous cts
par l'ennemi. Passant alors d'un excs un autre il leva
une de ces grandes armes la tte desquelles il avait combattu les Perses victorieux, et se priva maladroitement des
ressources que la Syrie lui offrait pour une guerre dfensive
si du moins il voulait en agir avec les Arabes comme
avec les Perses il aurait d se mettre lui-mme la tte des
troupes la vieillesse glaa son courage, et il se fit remplacer
par un de ses gnraux nomm Werdan ou Bahan. Celui-ci,
plein de confiance dans les forces dont il disposait, ne crut
pas ncessaire d'entrer en communication avec les habitants
de Damas il tait persuad qu' la nouvelle de son approche
les Arabes abandonneraient le sige, lis le firent, en effet,
mais ce fut pour venir au-devant des Grecs. Khaled avait
dtruit les dernires esprances des assigs repousss dans
une funeste sortie, et le sort de Damas ne dpendait plus
que du rsultat de la bataille qui allait s'engager.
A ne considrer que le nombre et la discipline, ce rsultat ne semblait pas douteux
Khaled avait tout au plus

liers

tres

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GUERRES DANS L'ASIE OGCIDENTAE


vingt mille

soixante mille, et malgr tous ses efforts,

n'avait

il

407

(632-090).

hommes opposer l'arme d'Hraclius,


pu

forte

de

plier les

Arabes une complte obissance. Tous ceux qui dans


ses troupes s'taient signals par quelque acte de courage,
se croyaient le droit d'agir leur guise, et de combattre
part. Mais l'enthousiasme tait gnral; excits par l'hrosme d'une troupe d'Amazones qui avaient reu l'ordre
d'atteindre de leurs flches tout

musulman

qu'elles verraient

de leurs chefs, dont les hauts faits se


trouvent exactement retracs dans les descriptions de
l'Arioste, ils ne songrent qu' s'illustrer par leurs exploits.
Au cri de Allah-Akbar (Dieu est grand), ils se jetaient
dans la mle et leur choc tait irrsistible. Aussi la lutte ne
fut pas longtemps indcise
les Grecs plirent et si Ton en
croit les rcits des Arabes, cinquante mille hommes prirent
dans la bataille d'Aiznadin le reste se sauva avec peine sous
les murs de Damas ou d'mse. Quelques-uns ne s'arrtrent dans leur fuite qu' Antioche (633).
L'arme arabe aprs le premier lan de la victoire se
reforma avec rapidit et reprit le chemin de Damas dont
Khaled voulait s'emparer tout prix. Les habitants comfuir,

et par l'exemple

que

Vainement esThomas, gendre de l'empereur, d'chapper leur redoutable ennemi. Vaincus dans

prirent

cette fois c'en tait fait d'eux.

sayrent-ils, sous la conduite de

toutes les sorties qu'ils tentrent,


qu'il leur faudrait

ils

reconnurent bientt

succomber avant qu'Hraclius pt leur

envoyer du secours

Abou-Obedah dont

ils

et ouvrirent

des ngociations avec

avaient entendu vanter la douceur

et la bienveillance l'gard des chrtiens

et

dont

le

carac-

honneur au sicle le plus polic, la nation la plus claire du globe. Abou-Obedah leur accorde
la vie sauve; il permet ceux qui prfreront s'expatrier,
d'emporter une partie de leurs richesses, avec l'engagement
qu'ils ne seront point poursuivis avant trois jours et trois
tre lev aurait fait

nuits couls; ces conditions les portes de la ville lui sont

ouvertes; mais lorsqu'il arrive sur la place publique,

il

ren-

contre les soldats de Khaled qui viennent de prendre d'assaut une des portes opposes et massacrent tout sur leur

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LIVRE

JUS

III,

CHAPITRE

il

fermet d'Abou-Obedah fait prvaloir les conet de la justice; et son collgue se contente, aprs les dlais convenus, de se mettre la poursuite
des habitants fugitifs. Rapide comme 1 clair, il les atteint,
passage;

seils

de

la

la

clmence

les disperse, les dpouille et revient victorieux

Damas.

Dlsgrdee de Khalcd; bataille de l-Yermouk; soumission


des Chassanidcs (30>

L Khaled apprend la mort d'Abou-Bekre, l'avnement


d'Omar, qui a toujours t son ennemi, et sa destitution du
titre d'mir. Il se

soumet sans murmurer

cette disgrce

continue de servir sous


les ordres d'Abou-Obedah, qui apprcie sa vaillance estime ses services, le consulte en toute occasion et ne cesse
de le considrer comme son gal.
Cette abngation, ce respect de la discipline s'alliant la
grandeur des sentiments tonnent de la part des Arabes, si
mal propos traits de barbares. Omar ne peut pardonner
Khaled les actes de cruaut dont il a souvent terni ses victoires; il montre contre ce gnral une animosit que ses
compagnons lui reprochent; mais ce mme Omar n'hsite
pas veiller la nuit pour que le repos de riches trangers
arrivs Mdine ne soit point troubl, et recevant les rclamations d'un juif contre un gouverneur de province, il
adresse celui-ci ces mots tracs sur une simple brique :
laites cesser les plaintes qu'on me fait de vous ou quittez
votre gouvernement.
Khaled ne rpond au coup qui l'a frapp que par de nouveaux exploits. Une troupe de cinq cents cavaliers s'tait
imprudemment aventure la foire d'Abyla qui leur promettait un riche butin il assure leur retraite. Bientt aprs
il contribue la prise de Hems (mse), et tandis qu'AbouObedah soumet par sa modration Arethuse sur l'Oronte,
Hamah ou piphania, Antartous, etc., Khaled aprs avoir
dfait dans une nouvelle rencontre les Romains et les
Arabes ghassanides, emporte d'assaut Kinnesrin. Les Arabes
prennent Baalbek ou Hliopolis et sur l'ordre d'Omar se
dirigent vers Antioche en suivant le cours de l'Oronte. Sur
ces entrefaites, ils apprennent les nouveaux prparatifs
qu'il

ne

croit pas avoir mrite

et

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GUERRES DANS L'ASIE OCCIDENTALE

(632-090).

109

deux armes pour chasser


Sarrasins (nom que les Grecs donnaient aux

d'Hraclius, qui vient de lever


enfin les

Arabes) des belles provinces qu'ils occupent. L'une de ces


armes devait partir d'Antioche et arrter l'ennemi dans sa
marche l'autre venant de Palestine le prendre revers (635).
Ce plan tait bien conu il choua par la msintelligence des gnraux grecs et par la prudence des Arabes, qui
devinant le danger dont ils taient menacs reculrent vers le
Jourdain pour s'opposer au passage de l'arme de Palestine;
Constantin, fils d'Hraclius, qui la commandait, se retira
dans Csare et se contenta de dissminer ses troupes dans
les villes de la cte, de Gaza Tripoli. Khaled et AbouObedah s'tablirent alors sur les bords de l'Yermouk, qui
se jette dans le Jourdain, au-dessous du lac de Tibriade,
et ce fut la que les Grecs virent se dcider le sort de la
Syrie. Cent quarante mille hommes composaient, selon les
rapports les moins exagrs, l'arme d'Hraclius; en tte
marchaient les Arabes de Ghassan, dont le chef, Djabalah,
converti d'abord au mahomtisme avait apostasi pour se
venger, comme on l'a vu plus haut, du khalife. Hraclius
Le diamant, dicomptait beaucoup sur leur secours
sait-il, ne se coupe qu'avec le diamant. Khaled, auquel
Abou-Obedah avait rsign le commandement en chef, inspirait aux musulmans une confiance sans bornes; il la justifia encore une fois. La lutte dura plusieurs jours; les Arabes
;

furent trois fois mis en fuite. Trois fois ils furent ramens
au combat par les femmes qui s'taient places i'arrire-

par se dclarer en leur faveur;


la soumission des Ghassanides qui se convertirent l'islamisme. Djabalah persista
dans son opposition, et regretta, plus tard, de s'tre spar
de ses frres; il mourut Constantinople et ses descendants devaient, au xv e sicle, se rfugier en Circassie pour
chapper la domination des Turcs ottomans.
garde. La victoire
elle

finit

eut pour principal rsultat

prise de Jrusalem, d' Alep, d'Antioche et des villes maritimes;


eonqute de la Msopotamie.

Cependant

le

chemin d'Antioche

et d'Alep tait ouvert

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410

LIVRE

III,

CHAPITRE

II.
,

aux Arabes ; Amrou tait devant Jrusalem que le patriarche


Sophroniqs dfendait vigoureusement. La prise de cette
ville que Mahomet rvrait presqu' l'gal de la Mecque et
de Mdine, importait beaucoup aux musulmans. AbouObedah l'investit avec toute son arme et la rduisit la
dernire extrmit. Sophronius consentit capituler, la
condition qu'il traiterait avec le khalife en personne. Omar
se rendit aux dsirs du patriarche malgr les reprsentations
d'Othman; il affecta pendant ce voyage une extrme simplicit et se montra gnreux. Les habitants de Jrusalem
obtinrent libert entire de conscience; leurs glises furent
respectes; un tribut seulement leur fut impos. Le khalife
rechercha l'emplacement du temple de Salomon et il y fit
btir une mosque superbe qui reut le nom de mosque
d'Omar. Ces soins accomplis , il reprit la route de Mdine,
emmenant avec lui Amrou, qu'il destinait la conqute de
l'Egypte (637). Il avait reu la soumission de Ramlah et
rendu Khaled le titre d'mir. L'arme traversa les plaines
de Damas pour gagner Alep et Anlioche on laissa en Palestine les fils d'Abou-Sophian, Yzid et Moawiah, avec ordre
de presser dans Csare le prince Constantin et de rduire
promptement les villes de la cte. Les dfaites d'Aiznadin
et de l'Yermouk avaient port le dcouragement parmi les
Grecs qui n'opposrent nulle part de rsistance srieuse;
Abou-Obedah et Khaled recouvrrent les places que dans
leur course rtrograde vers le lac de Tibriade, il leur avait
fallu abandonner, et arrivrent devant Alep. L ils furent
arrts quatre mois par un brave soldat, Youkinna, qui se
maintint dans un chteau voisin de la ville jusqu' ce qu'enfin un esclave sarrasin se traant un chemin au milieu de
rochers jugs impraticables, leur en ouvrit les portes. La
prise d'Alep donna aux Arabes un vaste territoire elle leur
permit d'apercevoir les plaines de la Msopotamie dont le
cours de l'Euphrate allait seul maintenant les sparer. 11
leur manquait Antioche pour tenir toutes les frontires de
la province; seulement il tait difficile de croire qu'Hraclius laisserait prendre cette ville qu'il venait peine de

quitter, sans tenter

un dernier

effort.

Aussi Abou-Obedah

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GUERRES DANS L'ASIE OCCIDENTALE

(632-690).

141

trouva sous ses murs une arme organise la hte et range en bataille. La dfaite des Grecs et la surprise de la forteresse d'Avrar, dfendue par Youkinna, qui embrassa la
religion et la politique des musulmans, dterminrent les
habitants capituler. Ils promirent de payer trois cent mille
pices d'or, et ce prix les Arabes leur laissrent la vie
sauve et leur pargnrent le pillage (638).
Matre d'Antioche, Abou-Obedah voulut s'emparer sans
aucun retard des villes o les Grecs tenaient encore garnison. Khaled rat envoy vers les bords de l'Euphrate pour
occuper Hiropolis, tandis que d'autres gnraux taient
chargs de soumettre les villes de la Phnicie. Le succs
tait facile; il accompagna partout les armes de l'islamisme.
Hiropolis accepta le tribut que lui imposait Khaled; Tyr et
Tripoli furent surpris par Youkinna, l'ancien dfenseur du
chteau d'lep. Csare, abandonne par Constantin, dont
les troupes taient dcimes par les escarmouches, les maladies et les dsertions, ouvrit elle-mme ses portes Yzid
et Moawiah. scalon, Gaza, Naplouse, Tibriade traitrent
avec l'ennemi ds qu'il fut en prsence de leurs murs. Acre,
Jopp, Bryle, Sidon suivirent leur exemple, bien que leur
position maritime facilitt pour elles l'arrive des secours de
la mtropole. La rduction de Gabalah et de Laodice
acheva enfin l'occupation entire de la SyrieQuelques auteurs placent en cette mme anne 638 une
tentative d'Hraclius pour recouvrer cette riche province;
une flotte dbarque sur les rivages voisins d'Antioche une
arme tire d'gypte tandis que les Romains de la Msopotamie, unis aux tribus arabes rpandues entre l'Euphrate
et le Tigre, paraissent tout coup devant mse; AbouObedah se hte de concentrer ses forces Antioche se soulve
Kinnesrin, Alep et les deux Hadhirs de ces villes
(c'tait le nom qu'on donnait des bourgades d'Arabes tablis dans les environs) imitent son exemple. Csare appartenait encore aux Grecs. Omar, la nouvelle du danger qui
menace sa conqute, ordonne que deux dtachements soient
dirigs sur la Msopotamie, afin d'oprer uqe utile diver,

sion

lui-mme

se dispose rejoindre

Abou-Obedah

mais

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LIVRE

III,

CHAPITRE IL

dj les Arabes de la Msopotamie et les tribus des

Hadhirs

avaient ouvert des ngociations secrtes avec Khaled

Romains, hors

d'tat

de tenir seuls

la

campagne,

et les

se reti-

en dsordre; les musulmans reprirent sans peine


Kinnesrin, Alep et Antioche; la conversion des Tonoukhites, des Djorhoms et des Kelb errants jusqu'aux environs
de Palmyre complta la soumission des tribus arabes de la
Syrie 1
Les musulmans avaient t sduits par la beaut du pays;
la plupart des conqurants s'y fixrent. A quelque temps
rrent

(639) une peste cruelle se rpandit sur toute la conplus de vingt-cinq mille personnes succombrent;
Abou-Obedah, Chourachbil et Yzid furent du nombre des
victimes; Khaled chappa au flau; mais il avait subi, de la

de

tre;

part du khalife, une nouvelle disgrce ; accus de s'tre appropri une partie du trsor public, accabl d'outrages
il
opposa aux attaques de ses ennemis une noble fermet et
,

sa mort, arrive en 642,

on trouva que son cheval, ses


une seule esclave composaient toute sa richesse.
Omar avait confi le gouvernement de Hems et de la Syrie
septentrionale Iyadh, fils de Ganem, et l'avait charg de
la conqute de la Msopotamie; cette province ne fit aucune rsistance. Les nombreuses villes qui la couvraient jadis avaient toutes t dmanteles pendant les longues
armes

et

luttes entre les Perses et les Grecs,

une seule expdition

dont

elle venait d'tre le

pour soumettre Racca,


Seroudje, Harran, desse, Constantine, Dara-Rhesena, Nisibe, Mossoul et Amida (640). La Msopotamie conquise
reut des Arabes le nom de Djezireh (l'le), et fut divise
par eux en quatre parties. La premire, appele Diar-alDjezireh, eut pour capitale Mossoul, btie sur le Tigre, en
thtre;

suffit

l. La conqute de la Syrie est trs-diversement raconte par les crivains grecs


ou arabes, ei l'on aura encore bien des questions rsoudre avant d'arriver des

rsultats positils et satisfaisants sur l'ensemble des oprations militaires des musulmans. I^ous avons sui>i le rcit d'ockley (p. 253 et suiv J, qui est genialement
adopte; M. Caussin de Perceval a lait ressortir il. III, p. 4'2i 518 les contradictions des
auteurs sans toutefois cUreir suffisamment le sujet qu'il avait traiter, l.e n'est
que par une comparai&on attentive oes historiens arabes entre eux et des chroniqueurs grecs, qu'on peut jeter quelque jour sur cette priode encore foi t obscure,
et, cet gard, il faudrait faire un appel l'rudition et au zle des jeunes orienta,

listes.

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GUERRES DANS L'ASIE OCCIDENTALE

113

(632-690).

face des ruines de l'ancienne Ninive; la seconde s'tendit


sur les bords de l'Euphrate, et sa capitale, l'ancienne Amida
des Grecs, prit le nom de Diar-Bkir; les deux autres,
Diar-Modhar, capitale Racca, et Diar-Rabiah, capitale Nisibe, comprirent l'ancienne Oshrone, et les districts situs entre l'Euphrate et le Tigre suprieur. La population
arabe de ces contres embrassa l'islamisme; les Taghlibites
seuls gardrent la foi chrtienne, en payant un impt considrable les Benou-lyad, n'ayant pu obtenir du faible Hraclius un asile en Cappadoce, se firent musulmans, et la
fin de l'anne 640 toutes les tribus arabes sans distinction se
trouvrent runies en un seul corps de nation, sous la do;

mination du

mme

chef.

et l\%sle Jllneure sont menace*; guerre maritime; sige de Constantlnople ; fausse politique des empereurs gres l'gard des Iflardates.

I/Armnle

A la suite de la rduction de la Msopotamie, les Arabes


attaqurent l'Armnie, qui semblait ne pas devoir s'opposer
mais dans ce pays de hautes montagnes, ils
leurs armes
;

rencontrrent une population fire et belliqueuse qui avait


toujours gard une sorte d'indpendance l'gard de ses
puissants voisins. Habitus se dfendre eux-mmes, sans
compter, comme les Syriens, sur les armes grecques les
Armniens soutinrent courageusement l'invasion des sectateurs de Mahomet, et peut-tre avec plus d'union les auraient-ils repousss, si les seigneurs du pays avaient su,
au moment du da nger, sacrifier leurs rivalits personnelles
ils n'eurent pas ce patriotisme, et les Arabes profitrent de
leurs divisions intestines pour surmonter toutes leurs r,

sistances et s'avancer jusqu'au Caucase travers llbrie et

Gorgie. L seulement ils se trouvrent face face avec les


Turcs Khozars, devant lesquels ils furent contraints de s'arrter. L'Armnie toutefois resta leur tributaire (646), et les
avantages qu'ils avaient obtenus de ce ct leur permirent
de pntrer dans l'Asie Mineure par la Cappadoce et la
Phrygie. C'tait s'ouvrir le chemin de Constantinople. Ils
tirent de vains efforts pour le franchir. Une seule fois, ils

la

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LIVRE

III,

CHAPITRE

II.

s'emparrent d'Amorium sans pouvoir la conserver (667), et ce ne fut qu'un demi-sicle plus
tard qu'ils renouvelrent leurs incursions de ce ct. La mer
leur offrait une voie plus directe vers la capitale de l'empire
grec. Moawiah, charg du gouvernement de la Syrie, se cra
bientt une marine redoutable. Ds l'anne 647, il avait impos l'le de Chypre un tribut qui galait la moiti de ses
revenus; en 649, il s'tait empar des les de Crte, de Cos
1
en 655 il osa se mesurer contre la marine
et de Rhodes
grecque et dtruisit une partie des vaisseaux de l'empereur
Constantin II dans le golfe Issalucke, sur les ctes de la
Lycie, au pied du mont Phnix. Encourag par ce succs,
il rsolut d'quiper une flotte considrable, et de l'envoyer
devant Constantinople; il tait matre du khalifat, lorsque
l'entreprise fut mise excution.
Au printemps de 672, une troupe considrable d'Arabes fut
dbarque sur les rives de la Propontide (mer de Marmara) et
vint camper vers le couchant de Constantinople, la base du
parurent en Galatie

et

triangle
et le

que forme

que les deux autres cts


Bosphore taient occups par

la place, tandis

sommet qui regarde

le

nombreuse. Les musulmans combattirent avec la


ils taient stimuls par la prsence de
trois compagnons du prophte, qui, malgr leur ge avanc,
avaient voulu contribuer une si belle conqute; un d'eux,
nomm Abou-Aoub, l'hte de Mahomet Mdine au temps
de l'hgire, ayant t tu en combattant, fut enseveli par les
Arabes au lieu mme o il avait succomb plus tard on
leva sur son tombeau une mosque, et c'est l que les sultans ottomans viennent ceindre l'pe lorsqu'ils prennent
possession du trne. Le sige dura six ans chaque anne,
au mois de novembre, la flotte se retirait dans le port de
Cyzique, dont elle s'tait empare; puis elle revenait au
commencement du printemps; les Grecs qui avaient eu le
temps de rparer leurs pertes, se dfendaient avec bravoure:
ils taient alors gouverns, contre la coutume, par un empereur habile et courageux; c'tait Constantin IV, surnomm

une

flotte

plus grande ardeur;

t.

OElsner,

p.

70, d'aprs Thoph.,

p. 285, et Bizara,

Reg. pers. Hist., p. 207.

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GUERRES DANS L'ASIE OCCIDENTALE (632-690). 115


Pogonat. Il se servit avec avantage d'une invention nouvelle
grgeois l, qui embrasait les vaisseaux ennemis d'un
incendie qu'on ne pouvait teindre. Irrits de cet obstacle,
contre lequel la vaillance ne pouvait rien, puiss par des
travaux inutiles, assaillis par des maux de toute sorte, les
Arabes abandonnrent enfin leur entreprise (679). Les troupes, ramenes Cyzique, revinrent, non sans peine, en
Syrie continuellement harceles par l'arme que Constantin avait mise leur poursuite. Quant la flotte, battue
par la tempte en entrant dans le golfe d'Antioche, elle
se perdit presque compltement sur les ctes de la Panile feu

phylie.

Quelques auteurs (Thophane, Cdrnus, etc.) prtendent qu' la suite de ce dsastre Moawiah aurait t rduit
implorer la paix, et se serait engag payer la cour de
Byzance un tribut de dix mille pices d'or, rendre cent
esclaves, et fournir cinquante chevaux de la meilleure
race. Mais dans cette circonstance, la vanit grecque a transform en contribution de guerre les prsents que le khalife
avait envoys son nouvel alli.
Constantinople aussi bien que l'Asie Mineure, se trouva
ds ce moment l'abri de l'agression des Arabes; on ne
vit pas davantage leur marine inquiter les possessions
grecques de la Mditerrane. Les empereurs byzantins voulurent profiter des querelles intestines qui troublaient le
khalifat pour recouvrer une partie de la Syrie. Ils se montrrent, vers 686, sur les frontires des musulmans. Abd-elMalek, quatrime successeur de Moawiah, qui se trouvait
press par trois rivaux, aima mieux acheter la retraite de
l'ennemi que de s'exposer une action douteuse. Justinien II accepta ses offres, au lieu de saisir habilement une
occasion qui ne devait plus se reprsenter. Il ne tarda pas
s'en repentir, car ds qu'Abd-el-Maiek eut consolid son
,

l. Du feu grgeois, des feux de guerre et des origines de la poudre canon, d'aprs MM. Heinaud et Kuv, Histoire de l'artillerie. 1845, t I, p. 89-97, 201 et 21 1 ;
M. de Humboldt. dans son Cosmos, t. II, p. 269 et 536, no discuie pas les questions
souleves dans ces derniers temps. Voy. aussi M. Quatremre, p. 65, sur le feu gr-

geois,

Journal asiatique, 1850,

t.

XV,

p. 214.

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LIVRE

416
autorit,

il

III,

CHAPITRE

II.

oublia ses engagements, et se montra plus fier

que jamais.
Les Grecs avaient perdu la Syrie avec une politiqne moins
ils auraient pu en conserver une partie. Quelques
chrtiens fervents, irrits de voir le triomphe d'une religion
nouvelle, s'taient retirs, sous le nom de Mardates, dans
les montagnes du Liban
o ils essayaient de sauver leur
indpendance, et de rappeler leur premire foi les Syriens qui l'avaient abandonne. De l'asile qu'ils avaient
choisi, ils harcelaient continuellement les Arabes et s'avanaient mme jusqu' Damas. Incapables, quoi qu'en aient
dit certains chroniqueurs, de faire une guerre ouverte aux
Arabes et de forcer les khalifes de payer tribut ils pouvaient, en s'aidant des localits, leur causer beaucoup de
mal. Leur refus de suivre la mme communion que les
Grecs, et leur rapprochement de l'glise latine, irritrent
les empereurs de Constantinople, qui, loin de s'en servir
;

aveugle,

comme

d'utiles auxiliaires, s'appliqurent les dtruire.

Justinien

Un de

II

y parvint en employant

la

ruse et

la

trahison.

en ngociation avec
leur chef, l'assassina au mpris des lois de l'hospitalit. Ce
crime pouvanta les Mardates, qui se laissrent surprendre
douze mille d'entre eux furent enlevs de la Svrie
et conm
duits par les Grecs en Asie Mineure. Ds lors le pays qu'ils
occupaient fut ouvert aux musulmans et reconnut leur auses gnraux, feignant d'entrer

torit (690).

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CHAPITRE

III.

CONQUTE DE I/GYPTE ET DE LA. PERSE; INVASIOX


DE L'AFRIQUE ET DE LA TRANSOXIANE (658-680).

LES ARABES ENTRENT EN GYPTE ; TAT DU PAYS A L'ARRIVE D'AMROU.


EXPDITION EN NUBIE ET DANS LA CYRNAQUE ;
PRISE D'ALEXANDRIE (640).
NOUVELLE INVASION DE L*ALES ARABES S'AVANCENT JUSQU'A SUFTULA.
TAT DE LA PERSE; CONFRIQUE SEPTENTRIONALE; BEN-HADiDJE; AKBAH.
IEZDEDJERD VEUT PRENDRE L'OFFENSIVE ; BATAILLE DE
QUTE DE CE PAYS.
FONDATION DE KOUFAH ET DE BASSORAH ; PRISE DE CTSIPHON;
CADESIAH.
BATAILLE DE DJALULAH ET DE NEHAVEND ; FUITE D'iEZDEDJERD ; RSISTANCE
SOUMISSION DE LA CARAMANIE ET DE LA GDRODU SATRAPE HERMOZAN.
S1E; INVASION DU K. HOU A SAN ; FIN DE L'EMPIRE DES PERSES; LES CONQUTES
DES ARABES SE TROUVENT INTERROMPUES A LA FIN DU VII e SICLE.

Les Arabes entrent en Egypte ? tat du pays l'arrive


<TA ni ro ti.

Ce n'tait pas seulement en Syrie que les Grecs, en proie


aux dissensions religieuses, se faisaient des ennemis de ceux
dont l'alliance leur tait le plus ncessaire. Chacune de leurs
provinces avait sa secte, son hrsie particulire on y voyait
toujours en prsence deux partis irrconciliables. Ces partis
n'taient souvent, comme Constantinople, que de simples
;

factions cachant des projets d'ambition sous le voile des


controverses thologiques; mais ils avaient un tout autre
caractre dans les pays que la force des armes avait soumis
aux Romains et qui transformait leur dissidence en uim
question de nationalit. L'gypte donnait, en 632, ce singulier spectacle d'un ct se trouvaient les Grecs conqu,

rants, presque tous orthodoxes; de l'autre les descendants

de l'ancienne population matresse du sol sous les Ptolmes, qui avaient gnralement embrass l'hrsie d'Eutychs ou des monophysites. A la voix de Jacques Barade,
mort vque d'desse en 578, ils s'taient organiss et arms
pour rsister leurs adversaires, sans que les empereurs
de Constantinople eussent compris la porte politique de
cette association, et ils avaient t assez loin pour se choisir
un chef dans la personne de Mokawkas, homme habile et
rus, qui avait t gouverneur de l'Egypte au temps de l'in-

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LIVRE

III,

CHAPITRE

III

vasion de Chosros, et qui s'tait appropri le tribut tout


entier de la province, au lieu de l'envoyer Constantinople

ou Ctsiphon. Possesseur de richesses considrables, il


s'tait montr trs-libral envers ses compatriotes, et sa gnrosit avait accru son influence. Nul ne lui contestait le
de reprsenter

la

(nom que donnrent

les

droit

race entire des Coptes, Al-Copti

Arabes aux gyptiens, par une aldu mot grec Aiyutttioi). Mahomet lui avait
envoy un ambassadeur et n'avait pas ddaign ses prsents; les Arabes devaient trouver plus tard en lui un utile
tration vidente

alli.

Omar, aprs

de Jrusalem, avait dtach de l'arde diriger contre


l'gypte. Amrou, pote et guerrier, s'tait illustr dans les
premiers combats de l'islamisme; il avait pris une part active la conqute de la Syrie, et c'tait combler ses vux que
de le charger d'une entreprise pleine de prils, mais glorieuse
sur un ordre quivoque du khalife, il part de Gaza
la tte de quatre mille hommes et s'avance sur Pluse.
Les Grecs n'avaient pas eu la prcaution de mettre la
province sur un pied de dfense respectable. Leur fiert
s'tait rvolte l'ide de payer le tribut auquel s'tait engag en leur nom le patriarche d'Alexandrie Cyrus aucun

me de

Syrie

la prise

mrou

qu'il se proposait

acte n'avait,

il

est vrai, suivi et lgitim leurs paroles arro-

nommer un nouveau
gouverneur de l'gypte. Quand Amrou parut, les Grecs
n'taient pas en tat de tenir la campagne battus dans un
premier combat non loin d'El-Misr, l'entre de l'isthme
de Suez ils durent se retirer dans les places fortes qui
n'taient pas suffisamment approvisionnes.
Amrou, ne rencontrant pas de rsistance, traversa l'isthme
de Suez et se prsenta devant la ville de Famiah, l'ancienne
Pluse, qui commande l'entre du delta. Malgr l'inexprience des Arabes dans l'attaque des places la ville ne
tint qu'un mois
au bout de ce temps elle se soumit et
ils eurent accs dans la plus belle partie de la province.
Famiah prise (639), deux routes s'ouvraient aux musulmans.
Ils pouvaient suivre le littoral
emporter toutes les places
gantes; l'empereur s'tait content de

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CONQUTES EN PERSE ET EN AFRIQUE

(638-680).

fortes jusqu' la ville d'Alexandrie, puis alors

ntrer dans l'intrieur

du

H9

seulement p-

pays, dont les communications

mer

eussent t coupes. C'tait la voie la plus raen adoptrent une autre qui leur et t fatale, s'ils avaient march au milieu d'une population ennemie. Prenant leur direction par les dserts qui s'tendent
du Nil l'isthme de Suez, ils s'avancrent vers la capitale de

avec

la

tionnelle

la

ils

moyenne gypte et en commencrent immdiatement


Memphis avait deux sortes de dfenseurs d'une
,

le sige.

Grecs matres du chteau, de l'autre les Coptes,


qui habitaient la ville et qui s'taient rangs sous les ordres
de Mokawkas. Tant que les deux partis furent d'accord,
Amrou s'puisa en vains efforts, et pendant sept mois il vit
tous ses assauts repousss; mais Mokawkas, par des rapports trompeurs, fit abandonner aux Grecs la forteresse et
part, les

avec Amrou. De la ngociation il rsulta que


Coptes durent reconnatre dans toute l'tendue de l'gypte la domination musulmane, qu'ils payeraient chaque
anne deux ducats par tte \ et pourraient pratiquer librement leur religion. Quand tout fut rgl, Amrou entra dans
la ville qui devint le sige de son gouvernement (640).
traita aussi
les

Prise d'Alexandrie

io

Cet habile capitaine savait que dans une guerre d'invapremier lment du succs; aussi s'empressa-t-il de reprendre les hostilits. De Mesrah il revint
vers le nord, dfit Kram'l-Shoraik les Grecs qui s'taient
un instant rallis, et les rejeta dans Alexandrie. Sans se mettre
en peine des hautes murailles de cette capitale , il n'hsita
pas l'assiger. Les habitants de leur ct ne ngligrent ausion, l'activit est le

cun moyen de dfense,


ressources,

ils

et

quoique abandonns leurs seules

tinrent quatorze mois (640-641). Enfin le fa-

natisme l'emporta, et une attaque furieuse permit aux musulmans de prendre la ville le 21 dcembre (641). Les Grecs
vaincus se rfugirent sur leurs vaisseaux un parti cepen;

Ce tribut produisit, la premire anne, douze millions de ducats un recensement de tous les Coptes avait donn six millions d'individus, parmi lesquels
n'taient compts ni les femmes , ni les vieillards, ni les enfants au-dessoua de
1.

seize ans.

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LIVRE

i20

III,

CHAPITRE

III.

dans l'intrieur des terres, et tenta encore une


dant
fois la fortune; Amrou ne lui laissa pas le temps de se fortifier; il quitta sa nouvelle conqute et courut l'craser. A
son retour, il trouva Alexandrie entre les mains des Grecs
dbarqus, qui avaient massacr la garnison musulmane. Un
dernier assaut les obligea d'abandonner pour jamais la capise retira

de l'Egypte. Sitt qu'il se vit matre de la province, Amcrivit au khalife pour lui demander s'il devait livrer
Omar lui reprocha
la ville au pillage et la destruction
d'en avoir eu un seul moment l'ide, et un systme de sage
et prudente administration fut aussitt mis en pratique.
L'impt tabli d'abord sur les Coptes fut tendu tous les
habitants puis en sus de cette capitation uniforme, ceux
qui possdaient des fermes et des mtairies furent soumis
une taxe proportionnelle la valeur de leur fonds. La
perception fut confie aux Coptes eux-mmes, mieux placs que les musulmans pour diriger ces diverses branches
de l'administration sous le rapport des relations et du langage. Les impts rapportrent bientt des sommes considrables dont le khalife employa la plus grande partie des
travaux utiles pour le pays. C'est par ses ordres qu'on rtablit l'ancien canal de Colzoum qui joignait le Nil la mer
Rouge. Amrou aurait voulu percer l'isthme de Suez, mais
Omar s'y opposa pour ne pas ouvrir aux Grecs le chemin
des villes saintes. Mesrah se releva sous le nom d'AI-Fostat
(aujourd'hui l'ancien Caire). Lorsque les eaux du Nil, au
moment de sa crue priodique, n'atteignaient pas une certaine hauteur, le peuple s'etfrayait, et l'ordre tait souvent
troubl
Amrou fit changer la longueur des coudes du
nilomtre, de manire pouvoir toujours prsenter un
chiffre rassurant, et les esprits ne se laissrent plus aller
de vaines frayeurs. Sous un gouvernement clair, de grands
travaux furent entrepris, et en quelque temps l'gypte se
trouva entirement rgnre *.
tale

rou

l. Aboul-Farage, Hist. dynast., p. 112, H4, 170, 185; Voyage de Norden, t. III
;
notes et claircissements de Langls, p. 240 ; d'Herbelot, Biblwth. orient.: Gibbon,
t. X, p. 22; Heeren, Geschicnle der sludiums der classischen litteratur. 1.
1,
p 44 et 72: Abdellatif, Relation de l'iyple, irad. par S. deSacv, p. 240; Parthey,
der Aies indrinische musum, p. 106, et de Humboldt, Cosmos, t. Il, p. 262 et 529.

CONQUTES EN PERSE ET EN AFRIQUE


Suivant quelques auteurs

1
,

la

(638-680).

121

prise d'Alexandrie aurait

de l'incendie de la fameuse bibliothque du Smais si l'on songe que la ville mme ne fut pas
rapion
saccage dans le premier lan de la victoire, on croira difficilement qu'un tel acte de barbarie ait t ordonn de
sang-froid. Cependant on ne saurait passer sous silence une
anecdote dont la plupart des crivains modernes ont fait
usage, et qui semble au premier abord acquise l'histoire
on suppose qu'Amrou ayant consult le khalife sur la destination donner aux livres trouvs dans la ville, Omar rpondit Si ces livres sont contraires au Coran, ils sont nuisibles; s'ils lui sont conformes, ils sont inutiles; ainsi
dtruis-les. Or, aucun historien contemporain ne raconte ce fait, qui, ft-il vrai, n'aurait port que sur un pela bibliothque ayant t dtruite
tit nombre de livres
en 390, sous Thodose. Il n'y eut Alexandrie que les murailles de sacrifies; et encore Amrou ne les fit abattre qu'
la suite d'un soulvement des habitants. Il avait t rappel
d'gypte par Othman aussitt que ce dernier avait pris en
t suivie
;

main les rnes du khalifat, et sa disgrce avait irrit les


gyptiens dont il s'tait fait aimer. Sur ces entrefaites,
les Grecs s'tant prsents devant Alexandrie reprirent le
chteau, et cherchrent rtablir leur autorit sur une
grande partie de la contre. Les Coptes, qui craignaient
d'avoir rendre compte de leur lche conduite, si jamais
les empereurs de Constantinople recouvraient leur puissance, demandrent grands cris le rappel d'Amrou. Othman l'accorda, et le grand capitaine revint assiger une
que dj deux fois il avait prise de vive force. Furieux
de voir rpandre l'attaque de ces hautes tnurai lies le sang
le plus gnreux de l'Arabie, il jura alors de les renverser
et de ne pas laisser une seule pierre debout. Il tint sa parole, mais en mme temps il fondait une mosque sur remplacement o il avait arrt ses soldats ivres de vengeance,
et donnait cette mosque le beau nom de Djami-el-Rahmet
(mosque de la misricorde).

ville

I. Aboul-Farage, qui vcut de 1226 1286 de


de 1273 1331.

l're

chrtienne, et Aboul-Fda

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LIVRE

III,

CHAPITRE

III.

Expdition en Nubie et dans la CyrnaYque; le Arabe


'avancent jusqu' Huftula.

Rien ne montre mieux l'ardeur des Arabes dans ces


guerres terribles que la rapidit avec laquelle ils poursuivent leurs expditions aventureuses; matres des pays
les plus riches et les plus fertiles, ils mprisent les tranquilles jouissances

que leur offre la paix


le Coran d'une main

de nouveaux succs

et

courent
de

et le sabre

l'autre.

L'Egypte est peine subjugue que dj une arme musulmane descend en Nubie (643) et impose un tribut au
souverain de cette contre *. Amrou renforce ses troupes
d'esclaves noirs d'une vigueur peu commune et voulant
montrer ses successeurs le chemin qu'il vient de leur
ouvrir, il pntre dans la Cyrnaque. Cette province tait
bien dchue de son ancienne splendeur. Jadis, sous le nom
de Pentapole elle avait mrit d'tre distingue au milieu
des dserts de l'Afrique la destruction de ses grandes cits lui avait fait rendre celui de Libye sous lequel elle tait
comprise dans le diocse d'gypte. Le chef arabe n'eut
qu' imposer un tribut la ville de Barcah pour pouvoir se
dire matre de toute la contre. Il n'alla pas plus loin, parce
qu'avant d'entrer dans la Tripolitaine, il lui aurait fallu des
approvisionnements suffisants pour une longue et difficile
campagne. Il revint en Egypte avec l'intention de disposer
tout pour que l'islamisme se rpandit rapidement dans
l'Afrique septentrionale mais la jalousie d'Othman devait
,

l'enlever

du poste

gnraux

le soin

qu'il occupait si bien, et confier d'autres

d'oprer de ce ct de

nouvelles con-

qutes (644).

Le premier qui en

fut charg, bdallah-ben-Saad, n'tait

pas en tat de supporter

avec son prdcesseur.


dans sa jeunesse
que par son esprit rus reproduisant d'une manire peu
fidle les versets du Coran que le prophte lui faisait crire,
Secrtaire de

Mahomet,

le parallle

il

ne

s'tait signal

et les altrant

t.

de sa propre autorit pour se donner ensuite

El-macin, Hi$t. Sarac,

1. 1,

p.

23

Etttych.,

i. II,

p. 318.

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CONQUTES EN PERSE ET EN AFRIQUE


de

123

(638-680).

de mpriser la crdulit des fidles. Plus tard, il avait reconnu sa faute mais
ce souvenir avait port une atteinte profonde sa considration, et s'il n'eut t beau-frre du nouveau khalife, il
n'et jamais t nomm gouverneur de l'Egypte. Sous ses
ordres, les Arabes parurent dirigs bien moins par l'ardeur
du proslytisme que par la cupidit. Leur marche vers
le droit

railler leur origine divine, et

l'ouest fut d'abord! incertaine;

ils

assigrent Tripoli, puis

Cabs, et levrent le sige de ces deux villes (647); ils


retrouvrent bientt, en prsence de l'ennemi, leur ancienne valeur, et la voix d'un vrai musulman nomm
Zobir, auquel Abdallah avait cd le commandement, ils
marchrent contre le patrice Grgoire, qui s'avanait avec
une arme considrable. Cette arme, qui aurait mont
suivant quelques rcits jusqu' cent vingt mille hommes,
n'tait pas exclusivement compose de Grecs; les naturels
du pays, Maures ou Berbres, en formaient la plus grande
partie. Grgoire gouvernait toutes les possessions grecques
de l'Afrique occidentale, la Byzacne alors menace, le proconsulat ayant pour capitale Carthage, la Numidie, les Mauritanies csarienne et sitifienne qui comprenaient les provinces actuelles d'Alger et de Tlemcen, et enfin la partie
de la Mauritanie Tingitane qui n'tait pas occupe par les
Wisigoths d'Espagne. Depuis le dsert de Barcah jusqu'au
dtroit de Gibraltar, il n'y avait pas une ville qui ne dt
obir ses ordres, et lui envoyer l'impt fix par l'empereur. En revanche, il protgeait les habitants contre les excursions des Maures indpendants, qui descendaient tout
coup de l'Aurasius, s'lanaient dans la plaine, pillaient les
places ouvertes, massacraient les soldats isols, emportaient
les moissons et les troupeaux et retournaient ensuite dans
leurs montagnes o les gnraux grecs ne pouvaient les
suivre. En vain les successeurs de Blisaire s'taient-ils
efforcs de mettre obstacle ces invasions priodiques
aprs d'inutiles combats ils avaient prfr les ngociations
,

pacifiques ces luttes ternelles, et avaient cherch se


faire

des

sitt

que

allis

de ceux qu'ils n'avaient pu soumettre. AusGrgoire apprit l'arrive des Arabes, il

le patrice

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LIVRE H, CHAPITRE

III.

de se runir
barbares qui venaient troubler son repos. Il ne s'inquita pas s'il valait
mieux placer ses soldats dans les forteresses et se contenter
de harceler ses adversaires par de perptuelles attaques
troupes dont

ordonna toutes

les

au plus vite,

de chasser

afin

disposait

il

les insolents

malgr tant d'checs prouvs par les Grecs,


ne lui permettait pas de croire que vingt mille Arabes triompheraient de cent mille hommes rangs sous ses tendards.
On en vint aux mains prs d'Yacouba; comme sur les rives
de l'Yermouk, le combat dura plusieurs jours et il se termina l'avantage des Arabes, grce Zobir, dont la brasa

prsomption

et l'habilet excitrent l'admiration gnrale. L'aus-

voure
tre
il

musulman ne montra

pas moins de dsintressement;


ddaign sa fille, prix de

avait tu le patrice Grgoire, et

la victoire,

ne voulant pas

supposer que ses actions


de faire triompher
bataille, toutes les villes de la

laisser

eussent un autre mobile que


la foi

musulmane. Aprs

la

le dsir

Tripolitaine et de la Byzacne ouvrirent leurs portes.


ftula seule pouvait l'aide

de ses

Su-

fortifications essayer

quelque rsistance; la fortune lui fut contraire; les Arabes y entrrent en vainqueurs et s'emparrent des immenses richesses qu'elle contenait chaque cavalier eut
;

pour sa part
mille*

la

trois

mille pices d'or, et

nouvelle de ce dsastre

chaque fantassin

l'effroi

se

rpandit

dans toutes les provinces grecques de l'Afrique. Les Arabes


envoyaient dj des claireurs sur la route de Carthage.
On ouvrit des ngociations; Abdallah s'engagea ne pas
s'avancer plus loin si les Grecs lui payaient deux millions
cinq cent mille dinars. La somme fut immdiatement compte, et l'Arabe, fidle sa parole, se hta de rentrer en
gypte sans mme occuper les pays qu'il avait envahis.
Il sembla prouver par cette conduite qu'il n'avait eu d'autre
but que de recueillir un riche butin. Ce n'tait pas ainsi
qu'auraient agi Khaled, Amrou et Zobir lui-mme; mais
ce dernier n'tait dj plus l'arme; il avait t envoy
Mdine pour annoncer le succs de l'expdition. Othman
voulut qu'il proclamt lui-mme du haut de la chaire du
prophte les dtails du combat acte impolitique qui de,

CONQUTES EN PERSE ET EN AFRIQUE


vait exalter plus tard

(638-680).

d25

rimagination de Zobir, et le porter

prtendre au khalifat.

La cour de Constantinople apprit avec tonnement de


norme les Grecs d'Afrique avaient pay la re-

quelle taxe
traite

des Arabes. Elle se dit trahie par ses lieutenants et

rsolut d'exiger des contributions plus fortes. Vers 663,

Constant

somme

II fit

rclamer du gouverneur de

la

province une

gale celle qu'Abdallah avait obtenue. Le gouver-

neur ne put ou ne voulut pas obir, se retira auprs de


Moawiah, devenu khalife, et l'excita faire la conqute de
l'Afrique, lui montrant d'un ct la faiblesse des Grecs, de
l'autre la richesse et la fertilit du pays. Moawiah savait
avec quelle ardeur les Arabes accueillaient les guerres saintes. Il n'tait pas fch de donner un aliment leur activit
guerrire
et d'entourer son administration de quelque
gloire, afin d'assurer le pouvoir dans sa famille. L'expdition fut donc rsolue.
,

nouvelle Invasion de l'Afrique septentrionale; Ben-lIadUlje $

Akbah.

Le nouveau gouverneur de l'gypte, Ben-Hadidje,

se mit
Byzacne; l'entreprise n'eut pas de trselle se borna l'occupation de tout le
littoral, jusqu' El-Korn, la dfaite d'une arme greeque,
qui se rembarqua prcipitamment aprs une courte apparition, et enfin la prise de plusieurs places Djeloula, entre
autres, dont le pillage rapporta trois cents pices d'or
chaque soldat. Ce ne fut pas toutefois une simple incursion
les Arabes s'tablirent dans le pays, marquant par l leur
ferme volont de ne pas abandonner l'Afrique avant de
l'avoir entirement subjugue (665).

en marche pour
grands rsultats

la
:

On donna un chef aux nouvelles provinces, moins pour


s'occuper de l'intrieur que pour arborer aussi loin que
possible dans les villes grecques et chez les Maures l'tendard des croyants. Akbah-ben-Nasi

auquel cette mission

fut spcialement confie, avait toutes les qualits dsirables

bravoure toute preuve , dsintressement gnrosit


grandeur d'me. Il avait de plus une foi inbranlable. Aussi
,

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LIVRE

i2G
osa-t-il

CHAPITRE

III,

III.

la tte d'un faible corps d'arme

traverser toute

l'Afrique septentrionale et s'avancer jusqu' l'Atlantique,

au

milieu de peuples ennemis. Lanant son cheval au milieu de


la mer Dieu de Mahomet, s'cria-t-il dans son enthousiasme,
:

si

je n'tais retenu par les flots, j'irais porter la gloire

de

nom

jusqu'aux confins de l'univers. Les Berbres


taient tonns de tant d'audace ; Akbah leur paraissait un
tre suprieur; ils admiraient sans la connatre encore cette
religi on qui faisait entreprendre de si grandes choses. Nul ne
rsistait aux armes du courageux musulman. Pour contenir
les tribus dont il redoutait l'inconstance, Akbah crut ncessaire de btir une ville il choisit, quelques lieues de la mer,
non loin de Carthage un emplacement favorable et posa
les premires pierres de Cairowan
qui succda la rivale
de Rome comme mtropole de l'Afrique. Une fois matre de
ce point d'appui, il recommena ses incursions, et sous ses
puissants efforts l'uvre de la conqute avanait rapidement, lorsqu'une trahison enleva aux Arabes le fruit de ses
victoires. Akbah revenait d'une longue expdition; son
arme avait pris les devants lui-mme, plein de scurit ,
tait l'arrire-garde avec ses principaux officiers, et une
petite troupe d'environ trois cents hommes. Tout coup
il voit apparatre une nue de Berbres
commands par
un chef autrefois son prisonnier et dont il avait irrit l'orgueil envelopp de tous cts il cherche sauver quelune chance leur est offerte mais ils
ques-uns des siens
abandonneront leur chef prt se dvouer pour eux; tous
veulent partager son sort et mourir martyrs de la foi ils
rcitent donc la prire, tirent leurs pes, en brisent le fourreau, se prcipitent tte baisse dans les rangs ennemis
et y trouvent la mort.
A la nouvelle de ce dsastre les Arabes perdirent courage
les Maures, au contraire, exalts par le succs , vinrent assiger Cairowan. Ils furent assez heureux pour en chasser
leurs ennemis dmoraliss, qui se retirrent jusqu' Barcah (681).
Malgr cet chec, les expditions d'Akbah n'en furent
pas moins trs-utiles la cause de l'islamisme il avait fait
ton

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CONQUTES EN PERSE ET EN AFRIQUE


retentir le

nom du

lantique

avait trac la route

(638-680).

427

prophte jusque sur les bords de l'Atpour la conqute de l'Afrique


enfin il avait dtruit toutes le3 ressources des Grecs qui devaient uniquement leur salut aux Maures soulevs. Ceux-ci
devaient plus tard reconnatre chez les Arabes leurs murs,
;

il

leurs habitudes, leurs ides

mme

et devenir les auxiliaires

d'un vainqueur gnreux.


i

nt

de la Perse conqute
;

le

ce pays.

Pendant que l'islamisme se rpandait ainsi vers l'Occident, il avait fait l'Orient de grands et rapides progrs.
En 634 il n'avait pas encore dpass les bords de l'Euphrate;
quarante ans ne s'taient pas couls que dj le Gihon
(l'Oxus) et l'Indus le voyaient triompher sur leurs rives.
On put croire un moment aprs la prise de Hira et
d'Anbar que les Arabes n'attaqueraient pas l'empire des
Perses
dont Mahomet avait pourtant prdit la chute
Khaled avait bien crit la cour de Ctsiphon une lettre
menaante; mais appel au sige de Daumat-Djandal, et de
l en Syrie, il avait t oblig de ne laisser dans l'Irak qu'un
petit corps de troupes sous le commandement de Mothanna, fils de Haritha.
En Perse l'anarchie tait au comble-, depuis la mort du
parricide Siros, plusieurs princes s'taient succd sur le
trne; l'un d'eux, Schahriran avait envoy vers Hira dix
mille hommes qui avaient t taills en pices par les Arabes
sur l'emplacement de l'ancienne Babylone; les troubles qui
avaient suivi l'avnement des deux filles de Chosros,
Dokht-Zenan et Arzemidokht, avaient empch les Perses
de tenter de nouveaux efforts pour enlever aux musulmans
leurs conqutes Mothanna n'ayant pas de ressources suffisantes pour garder le vaste territoire envahi par Khaled,
sollicita des renforts Mdine, au moment mme de la mort
,

d'Abou-Bekre.
La premire province qui s'offrait aux yeux des Arabes,
l'ancienne Assyrie ou Chalde , runissait dans son sein
toutes les richesses de l'Asie que les Sleucides et les Perses s'taient plu y accumuler; arrose par des fleuves

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LIVRE

128

III,

CHAPITRE

III

majestueux pour lesquels ils ne trouvaient dans leur pays


aucun terme de comparaison, elle frappait leurs sens par son
faste, et leur imagination par les ruines immenses qu'elle
leurs regards. Mais s'ils taient victorieux cette
impression ne devait pas durer longtemps. En marchant
vers l'indus le pays change entirement d'aspect; au lieu
talait

de plaines fertiles, de valles dlicieuses et de jardins riants,


on ne rencontre plus qu'un terrain ingrat, des populations
clairsemes des montagnes inhabitables et des sables
,

arides.

peine

Omar

a-t-il t

la guerre de Perse

une

proclam khalife,

qu'il

imprime

par ses ordres,


Abou-Obeid se met la tte de l'arme, et, guid par Mothanna, il obtient des avantages signals Nemarik,
Saccaty et Cosyatha Roustem, tout-puissant la cour de
Ctsiphon, lui oppose Bahman; un terrible combat s'engage
Coss-Ennatif Abou-Obeid, confiant dans sa fortune,
passe l'Euphrate la vue de l'ennemi qu'il attaque dans
une position dsavantageuse; aprs des prodiges de valeur,
il est cras sous les pieds d'un lphant, et les Arabes
sont mis en pleine droute; Molhanna sauve avec peine les
dbris de l'arme et il n'chappe de nouveaux dsastres
que par suite de troubles survenus parmi les seigneurs
perses. Roustem, qui exerait l'autorit au nom de Bouautre fille de Chosros Parviz
voit son influence
rah
s'affaiblir, il est oblig de partager la souveraine puissance avec son collgue Firouzan ,et pendant ce temps Mothanna reprend l'offensive; vainqueur de Mihran, prs de
l'emplacement o fut leve depuis la ville de Koufah il
rentre Hira, passe l'Euphrate, pntre en Msopotamie
et dfait devant Tekrit les tribus de Namir et de Taghlib
restes fidles aux Perses, tandis que ses lieutenants dvastent la contre en tous sens. Ses succs provoquent une
raction violente; Roustem et Firouzan, accuss de sacrifier leurs passions l'intrt de leur patrie, oublient
leurs divisions et reconnaissent pour roi Iezdedjerd 111 fils
de Schahriar, fils de Chosros Parviz les factions s'teignent,
l'unit est rendue l'empire; des mesures vigoureuses sont
activit sans gale

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CONQUTES EN PERSE ET EN AFRIQUE


prises

pour chasser

retire vers le dsert

les
,

129

(638-680).

Arabes de l'Irak et Mothanna se


il prend une position dfensive
,

Iczdcdjeril veut prendre l'offensive; bataille de Cadeslah.

Ces vnements avaient

lieu

en 634;

lezdedjerd qui

avnement au 16 juin 63*2, jour


initial de l're qui porte son nom, ordonne Roustem
de marcher contre les musulmans, et cent vingt mille
devait faire remonter son

hommes

sont placs sous son

commandement. Sad,

fils

d'bou-Wacas, avait t nomm par le khalife gnral


en chef des troupes de l'Irak; priv des conseils de Mothar\pa qui venait de mourir de ses blessures reues la
journe de Coss-Ennatif, il avait rorganis l'arme et pris
position prs de Cadesiah; c'est l que devait se dcider le
sort de l'empire des Perses. Trois batailles sont livres coup
9
sur coup la premire, appele journe Armt , reste indcise; la seconde, ou journe d'Aghivat
se termine
l'avantage des Arabes; dans la troisime, ou journe d'Amas^
Roustem est tu et les Perses sont mis en pleine droute.
Le butin fut immense; Sad, aprs en avoir rserv le
cinquime pour le trsor public, donna la valeur de six
mille dirhemschaque cavalier et celle de deux mille diihems
chaque fantassin Omar voulut que tout ft distribu aux
vainqueurs, et accorda une part plus considrable ceux
qui pouvaient rciter de mmoire de longs passages du
:

Coran.

Fondation de H nu fa h et de Rassornli; prise de tlsiphoii $


bataille de Djalulah et de fteliavcnd ; fuite d'iezdedjerd
;

rsistance

du satrape

llerinozau.

Sad, poursuivant ses succs, prit possession de Hira,


allait dchoir de son importance; les musulmans, un
an plus tard, levaient, trois milles de distance vers le
sud-est, la. ville deKoufah, qui devint le chef-lieu de la
province et le sige du gouvernement d'un autre ct
Otba, fils de Gha2\van, s'tant empar d'Obollah, voisine du

qui

1. Nous trouvons, sur les affaires de Perse, la mme incertitude que pour les
laguerre de Syrie ; M. Caussin dePerceval, t. III, p. 45t, 4fi5, etc., a
essay de soulever un coin du voile qui couvre encore celle obscure priode.

faits relaiifs

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LIVRE

430

III,

CHAPITRE

Ilf.

de l les fondements de Bassorah, qui prit de rapides accroissements et


servit d'entrept au commerce de l'Inde et de l'Asie orien-

golfe Persique, avait jet quatre lieues

tale.

Cependant Sad soumettait tout le pays situ en de du


matre de Babel , de Sabt et de Nahr-Chir, il vint

Tigre

mettre le sige devant Ctsiphon.


Iezdedjerd avait pris la fuite la nouvelle de la bataille
de Cadesiah et s'tait retir Holwan, prt rentrer dans
sa capitale si elle rsistait courageusement aux Arabes ;
mais Ctsiphon ouvrit ses portes et livra aux musulmans
toutes les richesses qui s'y trouvaient accumules
la ville
#
fut dtruite de fond en comble; c'tait une rivale de moins
1

pour les deux nouvelles colonies (637). Le khalife reut la


couronne du grand Chosros et l'tendard de l'empire.
Le malheureux Iezdedjerd avait runi une arme la
hte pour arrter la marche des Arabes; vaincu Djalulah,
l'est du Khat-el-Arab (nom du Tigre et de i'Euphrate
va s'enfermer lstakhar, l'ancienne Perspolis;
le vainqueur, matre de la Babylonie ou IrakArabi envahit l'Assyrie ou Kurdistan le long du Tigre
s'empare de Tekrit, de Mossoul et enfin d llolwan, qui
conduisait de Madan dans la Mdie ou Irak-Adjemi par le
le jeune prince fait un appel
dfd du mont Zagros
dsespr aux dfenseurs de son trne et veut tenter encore
une fois Ja fortune des armes; une bataille sanglante et dau sud d'Ecbatane
la viccisive est livre Nehavend
toire des victoires , c'est le nom que lui donnent les Arabes,
est suivie de la conqute de l'Irak-Adjemi et de l'Aderbidjan
ou Mdie atropatne, sur la cte sud-ouest de la mer Caspienne; Ispahan, Hamadan, Caswin et Tauris sont prjses
successivement. L'Albanie ou Khirwan et l'Armnie voient
leurs frontires envahies. Les Arabes se trouvent arrts
par la concentration de la population chrtienne migre
de la Syrie dans l'Armnie romaine, et au nord de l'Aderrunis),

il

que

tandis

l. Les Arabes appelaient Ctsiphon, Madan ou les deux villes, parce qu'ils comprennent sous ce nom Ctsiphon et Sleucie , spares seulement par le Tigre
l'est de l'ancienne Babylone.

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CONQUTES EN PERSE ET EN AFRIQUE

(G38-680).

131

bidjan par les Khozars, qui ont dtruit les fortifications

du Caucase et dvast la Gorgie et l'Armnie persane ils


reviennent vers le Kurdistan, franchissent le Tigre Mossoul et donnent la main l'arme de Syrie qui victorieuse
des Grecs, avait achev de son ct la conqute de la Msopotamie ou Djezireh. Ainsi renforcs ils pntrent dans
la Suziane ou Khouzistan et dans la Perside ou Farsistan
s'emparent d'Ahwaz, au sud-est des ruines de l'ancienne
Suze, de Chouster et de Djondischabour Iezdedjerd, chass
de Perspolis, renonce dfendre ses provinces occidentales,
;

Mrou dans le
Khorasan o il porte le feu sacr.
Le satrape Hermozan s'tait montr le digne adversaire des
Arabes; ayant habilement distribu ses troupes dans les
places fortes de la Suziane, il avait longtemps soutenu tout
le poids de la guerre; rduit enfin la dernire extrmit,
il se rendit et embrassa l'islamisme. Conduit Mdine, il
trouve le khalife endormi parmi les pauvres de la ville, sur
les marches de la grande mosque surpris de cette simplicit de murs associe la puissance royale et n'attendant
aucune grce du vainqueur, il se plaint de la soif et cherche
profiter de la coutume des Orientaux, qui placent sous la
sauvegarde de l'hospitalit celui dont les lvres ont touch
leur coupe. Omar devine son dessein et lui dclare que sa
vie ne sera en danger que quand il aura pris le breuvage
et, aprs quelques tentatives, s'enfuit
,

qui

lui est

le khalife

les jours

le rus Perse brise le vase, et


observateur scrupuleux de sa parole, respecte

prsent; aussitt

du

prisonnier.

La rsistance de ce satrape

avait

seule tenu les Arabes en chec; sa soumission dcida la

conqute de l'empire des Perses; les lieutenants d'Omar


n'eurent plus compter qu'avec des peuples disposs accepter sans murmurer le tribut qui leur tait impos.
soumission de la Car a m an le et de la ttdroslef Invasion du
Hhorusan; fin de l'empire de Perses; les conqutes des
Arabes se trouvent Interrompues a la fin du vu sicle.

Ne voulant point laisser d'ennemis derrire eux, les musulmans, avant de se diriger vers le nord, commencent par

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LIVRE

132

III,

CHAPITRE

rduire l'obissance les habitants

III

du Kerman (Caramanie),

du Mekran (Gdrosie), le long de la mer des Indes, et rejettent au del du Sind les Indiens venus au secours des
provinces menaces. Libres de ce ct, ils se dirigent alors
vers Re, considre avec raison comme la clef du Khorasan, c'est--dire de l'Ane, de l'Hyrcanie, de la Margiane,
de la Bactriane, du Paropamisus et de FArachosie; Iezdedjerd
s'tait port de Perspolis dans le Kerman, et de l dans le
Sedjestan (ancienne Drangiane); l'alliance des Turcs de la

Transoxiane lui avait permis de reprendre un moment l'offensive; Ta-Tsong, premier empereur desTang, rgnait
alors en Chine, et son empire s'tendait jusqu' la mer Caspienne; il tait reconnu par les hordes du Turkestan, qu'il
mit au service du roi des Perses; cinquante mille hommes
vont s'opposer aux progrs de l'islamisme; mais la fiert des
Turcs s'irrite de la vanit prsomptueuse d'iezdedjerd, ils
se laissent corrompre et battre; le Sedjestan est occup;
Mrou, Hrat, Balkh, Nischabour tombent au pouvoir
d'Ahnaf, charg par le khalife de la conqute du Khorasan,
et une lutte de deux mois suffit pour achever la ruine de
l'ancienne religion des Perses et du dernier Sassanide (652);
lezdedjerd se rend auprs de Ta-Tsong; sur les bords
du Margal , il est mis mort par un hte perfide, et, avec
lui , finit la dynastie d'Ardeschir, fils de Babek, qui avait
rgn trois cent vingt-neuf ans. La Perse tout entire reconnat l'autorit des khalifes 1
Jusqu'alors, la marche des Arabes n'avait peu prs t
qu'une suite de victoires; leurs progrs allaient devenir plus
difficiles. Le passage de l'Oxus fut vivement disput, et si
les musulmans
vainqueurs des cavaliers turcs dans leurs
premires rencontres, traversant les plaines de la Bokharie
et de la Sogdiane, aperurent Bokhara et Samarcande, ils
n'occuprent qu'une trs-faible partie du pays et une seule
ville, Tarmud
tomba en leur pouvoir (673-674).
Ils furent plus heureux l'ouest de la Transoxiane et
.

l. L'itinraire des Arabes dans leur conqute de la Perse esl fort bien indiqu
par M. Duruy dans son Prcis gogr. du moyen ge. 11 faut aussi consulter
Gunther Wahl, Ailes, neues Vorder und Mittcl-sien, S. 725.

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CONQUTES EN PERSE ET EN AFRIQUE (638-680). *33


sur les bords de la mer Caspienne, dans le Kharizme ou
Khowaresm. La capitale de cette province et les villes de
Cath et de Zumakshar furent mises contribution (680), et
les Arabes

occuprent le Djordjan et

le

Mazandran mais ces


;

derniers avantages devaient passer inaperus en prsence


des magnifiques triomphes qui les avaient prcds; ce rala marche envahissante des musulmans
apparut d'une manire plus frappante encore, lorsqu'en 681,
l'autre extrmit de leur empire, ils furent chasss de
Cairowan par les Berbres et rduits se concentrer en de
de la Tripolitaine; c'est que, dans la moiti du vn e sicle,
les Arabes avaient dpens, dans des guerres civiles, cette
activit qui, porte au dehors, leur avait valu de si clatants

lentissement dans

succs.

HISTOIRE INTERIEURE DUKHALIFAT DEPUIS L AV"


M MI DES OJUMIADES (660-70S).

LE PARTI DES ALIDES SUCCOMBE. SOULVEMENT D'ABDALLAH PROCLAM KHALIFE A LA MECQUE; NOUVEAUX PRTENDANTS ; HGIAGE RTABLIT LA
CONSQUENCES DES GUERRES
TRANQUILLIT DANS L'EMPIRE MUSULMAN.

CIVILES.

le

parti de Alidcs

Dj, la mort d'Othman, le sang avait coul pour un


autre but que le but sacr de la propagation du Coran; le
khalifat d'Ali n'avait t qu'une longue srie de guerres intestines; les Corischites, ces fiers rivaux

de Mahomet, que

sa clmence avait ramens la cause de l'islamisme

for-

Arabes, une sorte de noblesse gnralement accepte et s'taient rendus matres insensiblement
de toutes les avenues du pouvoir; contenus par Omar, ils
avaient contribu l'lvation d'Othman s'en taient dlivrs ds qu'il avait voulu se soustraire leur influence;

maient, parmi

les

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434

LIVRE

III,

CHAPITRE

puis, sous prtexte de venger

vrage,

ils

avaient prch

la

IV.

un meurtre qui

tait leur

ou-

rvolte sur tous les points de

l'empire, et ne pouvant triompher d'Ali que personne n'-

en bravoure

et en magnanimit, ils l'avaient vaincu


ruse et l'avaient dsign au poignard d'un fanatique.
Le fils d'Abou-Sophian, une fois matre de l'autorit sou-

galait

par

la

un excellent chef d'tat; il rcompensa Amrou de l'appui qu'il lui avait prt, en lui rendant le gouvernement de l'gypte; sans crainte du ct d'Hassan, fils
an d'Ali, qui avait abdiqu solennellement en 661 et dont
l'ambition se bornait jouir d'une retraite paisible Mdine, il rprima la secte turbulente desKhargites, et fit, de
la Syrie, le sige de son empire; jusque-l le khalifat avait
t lectif; Moawiah voulut le rendre hrditaire dans sa famille; il trouva une opposition constante dans son frre
veraine, devint

qui faisait planer sur l'Orient une sombre


La mort de ce tyran cruel leva tous les obstacles,
etYzid fut reconnu comme hritier du trne; mais son
avnement (679) devait tre le signal de nouveaux troubles.
adoptif, Ziad,

terreur.

Les Ommades avaient trouv dans l'Hedjaz et dans l'Irak


qu'ils avaient eu grand'peine surmonter.
Les habitants de la Mecque et de Mdine prtendaient conserver le droit de proclamer les khalifes droit qu'AbouBekre, Omar, Othman et Ali avaient respect; ceux de Koufah
et de Bassorah arguaient de leur nombre, de leur courage
et du sjour d'Ali parmi eux, pour s'attribuer ce privilge
qui constituait une vritable suprmatie. Ces deux partis
avaient vu avec peine Damas devenir la capitale de l'empire; comprims par Ziad et son lieutenant Sambah, qui,
durant l'espace de moins de six mois, avaient fait prir plus
de huit mille personnes dans la seule ville de Bassorah; terrifis par l'excution sanglante d'Hejer, le plus vertueux
citoyen de Koufah, dont le seul crime tait de vnrer la
mmoire d'Ali, par la mort violente de Hassan, empoisonn Mdine en 661 d'Ayescha, mise mort par trahison
en 675, d'bderrahman fils de Khaled, que son mrite
faisait redouter, etc.
ils se continrent pendant le rgne de

une opposition

Moawiah,

et n'clatrent qu'au

moment o

il

s'agit

de

lui

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HISTOIRE DU KHALIFAT DE G60 A 705.

135

donner un successeur. Tandis que les musulmans de Syrie


fils Yzid, en faisant ressortir les avantages qui devaient rsulter pour l'empire d'une succession
hrditaire
l'Irak dvou aux intrts des Alides s'appuyait du mme principe pour rclamer la couronne en
faveur des eufants de Fathime comme tant les vrais hritiers de Mahomet; le gouverneur nomm par Yzid fut repouss, et Hossein, second fils d'Ali, appel par les hommes
les plus considrables de la province, quitta le fond de
l'Arabie, comptant se mettre la tte des mcontents; il
tait digne du poste lev qu'on lui offrait; il avait la bravoure et le courage de son pre plus ambitieux que son
frre Hassan qui, en abdiquant, avait port aux siens un
coup funeste, il avait su garder sa dignit, mme dans l'abaissement. La seule chose qui lui manquait, c'tait l'esprit
d'intrigue qui caractrisait les enfants d'Ommiah pendant
qu'il s'approchait du dsert, le lieutenant d'Yzid, Obeidollah, avait touff dans son germe, par des mesures vigoureuses, l'incendie qui, de Koufah, menaait de se propager
dans toute la contre; Hossein arriva sur les bords de l'Euphrate, ignorant encore ces fcheux vnements toute sa
famille l'avait accompagn. Sa caravane se composait en
tout de soixante-dix personnes. Grande fut son inquitude
quand, au lieu des auxiliaires qu'il attendait, il rencontra,
prs de Kerbelah, une arme ennemie tout entire. Le farouche Schamer avait reu l'ordre de ne faire aucun quarreconnaissaient son

impossible; le petit-fils du prophte voulut pourtant imposer ses conditions il demanda


trois choses d'tre conduit en sret devant Yzid, de retourner Mdine, ou d'tre employ dans une ville de la
frontire oppose aux Turcs; sur le refus de Schamer, il
prfra dans un sublime dsespoir la mort la captivit.
Envelopp de toutes parts, il tomba couvert de blessures
sur les corps de ses amis expirants. Ses surs, et un de ses
fils qui n'avait pas encore la force ncessaire pour combattre, furent seuls pargns, et le khalife les renvoya en
Arabie. Les Koufiens furent indigns du meurtre d'Hossein,
dont leurs avances directes et leur lchet avaient t pourtier; toute rsistance tait

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LIVRE

136
tant

Tunique cause;

III,

ils

able en rendant sa

CHAPITRE

IV.

crurent racheter cette tache ineffales plus grands honneurs.

mmoire

Encore aujourd'hui c'est pour les Schiites le plus vnr


des martyrs de l'islamisme; chaque anne, au 10 du mois
de moharrem, ils clbrent sa mort par une fte funbre,
o leur haine contre les Sonnites s'exhale dans de tristes
lamentations. Cette terrible catastrophe ne dtruisit pas le
parti des Alides qui essayrent encore de saisir le pouvoir;
mais elle les priva pour longtemps d'un chef capable et les
fora d'ajourner leurs esprances (680).

Soulvement d* Abdallah proclam khalife la Jlecque \


nouveaux prtendants; Hgiage rtablit la tranquillit
dans rempire musulman.
I/Hedjaz ressentit profondment l'impression pnible que
journe de Kerbelah avait produite dans le cur des mahomtans sincres. A la voix d'Abdallah , dj renomm
pour son loquence et ses talents militaires, et dont le pre,
Zobir, avait t l'adversaire d'Ali les Corischites se soulevrent Mdine l'appela dans ses murs, et chassa le gouverneur que lui avait envoy Yzid la Mecque et les villes
voisines suivirent son exemple, et Abdallah se crut autoris
prendre le titre de khalife; Yzid dirigea aussitt contre
lui un corps de troupes qui battit les Corischites, fora
l'entre de Mdine et mit le sige devant la Mecque. C'tait
une entreprise bien hardie, car il tait craindre qu'un tel
sacrilge ne soulevt tous les esprits. Quoi qu'il en soit la
prise de la ville tait imminente, lorsque la mort d'Yzid,
arrive le 4 e jour de rbi 1 er , 64 de l'hgire (683 de J. C.)
Hauwarin, sur le territoire de Hems, changea tout coup
la face des choses. L'arme assigeante se replia vers la Syrie,
tandis que l'Arabie, l'gypte, l'Irak et le Khorasan se dclaraient pour Abdallah. C'en tait fait du khalifat ommade
de Damas, si le fils de Zobir tait venu rclamer les armes
la main l'obissance des Syriens, mais il ne voulut pas
quitter l'IIedjaz il laissa ses ennemis le temps de se conla

certer
fusait

pour choisir un chef. Le fils d'Yzid, Moawiah II, rele pouvoir, et malgr les instances de sa famille, il

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HISTOIRE DU KHALIFAT DE 660 A 705.


rentrait dans la vie prive, six semaines aprs avoir

Merwan

er

Hakem

remplaa, la
condition qu'il dsignerait pour son successeur, Khaled,
autre fils d'Yzid, jeune prince de grande esprance. Sans
perdre un instant, il attaqua les partisans d'Abdallah, et
annona par ses victoires qu'on avait trop tt compt sur
la chute de la maison d'Ommah. Ayant reu la soumission
d'mse et d'une partie de la Msopotamie, il se tourna du
ct de l'gypte, battit le gouverneur de cette province,
la rduisit, et chargea un de ses fils de recevoir les contributions du pays. Les villes saintes se trouvrent prives
du bl qu'on leur envoyait par le canal de Colzoum , et la
position d'Abdallah fut compltement change. Son frre

proclam.

Musab

fils

s'tant avanc avec

en droute

de

le

une arme contre Damas,

fut

mis

et revint Bassorah.

Merwan venait de consolider sa puissance par ce nouveau


triomphe, mais ce fut son dernier succs; une mort subite
l'enleva en 684. Abdelmalek, son fils, mprisant les droits de
Khaled fils d'Yzid, s'empara du gouvernement de la Syrie et
de l'gypte, et fut inaugur khalife le 3 ramadhan, 65 de l'hgire (avril 685). Voyant la Mecque ferme ses partisans, il
ordonna que le plerinage se ferait Jrusalem, et s'occupa activement de runir l'empire arabe sous sa seule domination.
Ses premiers efforts se portrent sur l'Irak o rgnait le plus
grand dsordre depuis la mort d'Hossein. Les uns avaient reconnu Abdallah, les autres restaient obstinment fidles aux
Alides et refusaient d'obir quiconque n'avait pas t accept par les chefs de cette famille, appels imans. Un
parti avait sa tte Soliman, fils de Sorad, qui avait repouss
Obeidollah,
tar,

fils

de Ziad

un second tait dirig par Almokla Mecque la cause d'Abdallah,

qui aprs avoir dfendu

mcontent de voir ses services mal rcompenss, s'tait jet


au milieu des rebelles, esprant profiter des vnements et
s'lever la puissance souveraine. Enfin

des sectes reli-

gieuses contribuaient encore diviser les habitants de l'Irak


et leur ter cet esprit d'ensemble qui avait toujours fait la
force des premiers musulmans.

Abdelmalek laissa ces factions


Soliman s'tant port in-

se combattre et s'entre-dtruire.

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LIVRE

138

considrment sur

III,

CHAPITRE

les frontires

de

la

IV.

Syrie

fut taill

en

pices par Obeidollah. Al-Moktar rassembla les dbris de


1

le titre de khalife et vengea la mort


massacre de tous ceux qui s'taient signals
la funeste journe de Kerbelah; Schamer entre autres, tua
Obeidollah, qui fier de sa rcente victoire, s'avanait vers
Koufah et resta matre de tout l'Irak babylonien. Mais Musab commandait toujours Bassorah au nom de son frre
Abdallah; il reparut alors sur la scne, et plus heureux
qu'Obeidollah, vainquit l-Moktar. Celui-ci se retira dans le
chteau de Koufah et aprs une dfense hroque prit de la
mort des braves (686). Ses partisans au nombre de sept mille,
s tant rendus discrtion furent passs au fil de l'pe. Tristes effets des guerres civiles! Al-Moktar, indpendamment
des hommes tus dans les combats, avait immol prs de
cinquante mille personnes, sous prtexte de venger la mmoire d'Ali et de ses fils.
Abdelmalek voyait avec joie les divisions des partis qui
assuraient son prochain triomphe; il venait de punir Damas
la rbellion d'Amrou
fils de Sad
et n'avait plus qu'un
seul ennemi devant lui. Vainqueur de Musab la bataille
de Masken, il fut reu Koufah sans opposition. On lui apporta, dans le chteau de la ville, la tte du frre d'Abdallah qui avait prfr la mort une fuite honteuse. Chose
trange, dit un des assistants, j'ai vu dans cette forteresse
la tte d'Hossein prsente Obeidollah; celle d'Obeidollah
Al-Moktar; celle d'Al-Moktar Musab; celle de Musab
Abdelmalek. Le khalife, frapp de cette sinistre concidence, ordonna que le chteau serait ras de fond en comble.
Les lieutenants que Musab avait laisss Bassorah, Mausel
et en Perse, firent leur soumission. L'un d'eux, Al-Mohalled,
hommede courage et d'exprience, disperstes Azarakites ennemisjursdetoutgouvernementtablijSpirituelet temporel,
qui s'taient rpandus dans les environs d'Ahwaz et ds ce
moment l'autoritd'Abdelmalek fut reconnue dans toutes les
provinces orientales de l'empire musulman. Toutefois son
ambition ne pouvait tre satisfaite tant qu'il n'aurait pas
entre les mains les villes saintes occupes par Abdallah;

l'arme vaincue, prit

d'Hossein par

le

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HISTOIRE DU K II ALI FAT DE 000 A 703.

139

envoya donc dans l'Hedjaz le meilleur de ses gnraux,


Hgiage, fils de Joseph, dont l'loquence persuasive devait
exercer sur les esprits une salutaire influence. Hgiage
eut bientt rduit Abdallah se renfermer dans la Mecque,
et il n'hsita pas en commencer le sige. Le fils deZobir
y avait plac toutes ses ressources. La ville tait bien approil

visionne, ses murailles rpares, ses dfenseurs braves et


habiles. Hgiage avait peine

calmer

les

scrupules de con-

science de ses soldats, qui n'osaient attaquer les portes de

y russit cependant, et aprs huit mois de


fut emporte d'assaut. Abdallah et ses
principaux officiers prirent sur le seuil mme de la Kaaba;
le vainqueur s'empressa d'envoyer leurs ttes au khalife,
puis il s'occupa de rtablir l'ordre dans la Mecque. Il avait
intrt montrer, par des actes solennels, que la pit des
la cit sainte. Il

sige

la

Mecque

musulmans

tait toujours respecte

aussi le vit-on rparer

avec le plus grand soin tous les dgts que les machines de
guerre avaient causs dans la ville. Pendant le premier sige
que la Mecque avait soutenu en 683, la Kaaba avait dj
t renverse, et Abdallah avait d la rdifier compltement. Hgiage, en la relevant une seconde fois, imprima
un nouveau lustre sa gloire. Matre absolu de l'Arabie, il
se montra barbare l'gard des habitants de Mdine, qui
s'taient les premiers soulevs contre les Ommades. De
nouveaux mouvements provoqus par les azarakites dterminrent bdelmalek le rappeler et lui confier le gouvernement de l'Irak, du Khorasan et du Sedjestan. Dans
ces nouvelles fonctions, Hgiage servit puissamment la cause
de rislamisme, en resserrant les liens si faibles qui existaient entre ces diverses provinces il svit avec une exsans cesse
cessive rigueur contre les habitants de l'Irak
disposs se rvolter, et il enveloppa dans ses sanglantes
excutions les Corischite6 qui avaient pris part au meurtre d'Othman. Les azarakites reparurent en force. Deux
khargites, Shbib et Saleh, tinrent longtemps la campagne; la tte de leurs partisans appels safriens, ils livrrent** prs d'mide une bataille qui resta indcise, et se
signalrent par plusieurs actions d'clat. Bientt aprs
;

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LIVRE

440

III,

CHAPITRE

IV.

Saleh fut surpris et tu prs de Mausel. Shbib, plus


heureux, s'empara de Koufah pendant qu'Hgiage tait
Bassorah; mais, assailli par des troupes suprieures en nombre, traqu de retraite en retraite jusque dans la Perse et
le Kerman, il finit par succomber prs de Dojail-el-Aliwaz
(696). A partir de cette poque, l'empire arabe ne vit
plus qu'un dernier soulvement, provoqu en 701 par
un ennemi d'Hgiage, Abderrahman, fils de Mohammed.
Un instant l'Orient fut en feu. Abderrahman vainqueur
dans un premier combat, s'empara de Bassorah et de
Koufah puis la fortune se dclara contre lui et il se donna
la mort pour ne point tomber vivant entre les mains de son
,

rival.

Consquences des guerres

civiles.

Hgiage 1 avait assur le triomphe des Ommades, dont


l'autorit ne fut plus conteste. La Syrie conserva une sorte
de supriorit sur toutes les autres provinces; Damas resta
la capitale des tats musulmans, et l'Arabie rentra dans
une obscurit que le plerinage de la Mecque venait seul
interrompre par ses solennits. Les habitants du Nedjed et
de l'Hedjaz commencrent reprendre leur ancienne vie
indpendante , et cessrent de former l'lment principal
des armes de l'islamisme.
Ce ne fut pas l le seul rsultat des guerres civiles. Elles
modifirent sinon la nature du moins la forme du pouvoir des khalifes. Ce pouvoir resta bien ce qu'il avait t
ds l'origine , un despotisme la fois civil et religieux.
Mais en sjournant Damas, les successeurs de Mahomet
,

prirent les gots et les

murs

des souverains qu'ils avaient

de leurs nouveaux sujets leur inspira


l'orgueil des empereurs byzantins et des rois de Perse, en
mme temps qu'elle fit perdre aux Arabes leur fiert native.
On peut encore attribuer ces guerres l'attnuation qui se
manifeste dj dans le respect des peuples pour les prceptes
vaincus

l.

la bassesse

Hgiage a t jug trs-diffremment par les historiens arabes ;voy. flckley,


492 et suiv. L'ouvrage d'Oekley s'arrte la mort d'Abdelmalek, en l'anne

p. 84i,

702.

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HISTOIRE DU KHALIFAT DE 660 A 703,

141

de Mahomet. Le Coran est toujours invoqu, il est toujours


code unique des musulmans, et cependant Ton ne craint
pas de violer ses commandements. Les khalifes eux-mmes
en donnent l'exemple Yzid boit du vin malgr la dfense
expresse du prophte Abdelmalek frappe des monnaies o
il est reprsent ceint d'une pe.
Ces penchants exagrs par les courtisans furent suivis
du plus grand nombre; on en vint mpriser des pratiques trop svres, et l'exaltation religieuse qui avait t un
mobile si puissant dans les armes, devint le partage de quelques sectes qui prtendirent ramener les musulmans au
vritable esprit de l'islamisme. Parmi celles qui se signalrent pendant cette priode, on peut citer les khargites,
le

les motazlites

ou

sparatistes, les cadoniens, les azarakites

Les hommes qui en faisaient partie se distinguaient tous par une grande nergie ils voulaient le bien,
disaient-ils, et souffraient plus que personne des troubles qui
et les safriens.

dsolaient l'empire. Prts donner leur vie pour leur foi,


ils

poussrent

le

fanatisme jusqu' chercher dans l'assas-

moyens de

faire triompher leurs ides.


poignard par un khargite qui croyait par l
assurer la paix du monde; les motazlites s'annoncrent
comme les vengeurs du khalife Othman; les azarakites, autre secte de sparatistes, exercrent les plus affreuses cruauts, sans distinction d'ge ni de sexe, en invoquant toujours
le nom de Dieu. Les autres musulmans se sentaient sans
force contre ces hommes audacieux pour qui la mort n'tait
rien ils les voyaient souvent au nombre de cent ou de deux
cents, dfier au combat des milliers d'ennemis et quelquefois
sortir vainqueurs de ces luttes disproportionnes. Un tel
spectacle excitait l'admiration, mais ne faisait point accepter
des rformes qui se prsentaient sous un jour aussi sombre.
De part et d'autre on se livrait aux plus terribles excs; Hgiage, dont les historiens arabes vantent la grandeur et le
gnie, la bienveillance et la libralit, avait fait gorger cent
vingt mille personnes, et sa mort, plus de cinquante mille
languissaient encore dans les prisons.
C'tait <r urtout dans la Msopotamie, l'Aderbidjan , l'Irak

sinat les

Ali avait t

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LIVRE

442

III,

CHAPITRE

IV.

Adjemi, qu'affluaient

les sectes dont nous venons de parler ;


persistance et leur indomptable courage expliquent
les arrts cruels ports par les lieutenants des khalifes de

leur

Damas, qui

s'efforaient teindre dans des flots

cendie qui

les

menaait.

En Occident au

semblable ne s'tait manifest et l


marchait dj de nouveaux succs.
,

CHAPITRE

le

de sang

l'in-

contraire, rien

de

proslytisme raviv

Y.

NOUVELLE PERIODE DE CONQUTES INVASION DE


L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE, DE L'ESPAGNE, DE
LA GAULE, DE L'ASIE MINEURE, DE LA TRAN8O XIANE ET DES BORDS DE L l\Dl S.
;

CONQUTE DFINITIVE DE
LES OMMADES SONT PLUS PUISSANTS QUE JAMAIS.
INVASION DE l/ESPACNE (7 11).
L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE (704-708).
MOUSA PASSE EN ESPAGNE ET REOIT LA SOUMISSION DES HABITANTS ORGANISA*
TION DE LA CONQUTE ; DISGRACE DE MUSA ; MORT TRAGIQUE DE SON FILS ABDIVISION POLITIQUE DE L'ESPAGNE ; SON TAT PROSPRE ;
DELAZIS (713).
LES ARABES DANS LA
PREMIERS GERMES DE DCADENCE PARMI LES ARABES.
CHARLES MAHTEL VAINQUEUR DES MUSULMANS A LA BAGAULE (719-739).
GUERRES EN ORIENT; NOUVEAU SIGE DE CONTAILLE DE POITIERS (732).
CONQUTE DE LA TRANSOXIANE ET DE L'iNDE OCCIDENSTANTJNOPI.E (717).
TALE ; LA MAUVAISE POLITIQUE DU KHALIFE SOLIMAN ARRTE LES PROGRS

DES ARABES (707-712).


JLcm

ommlades

sont plus puissant que jamais.

Les victoires d'Hgiage avaient dlivr Abdelmalek de


dangereux ennemis; aussi la mort de ce prince,
en 705 n'y eut-il aucun mouvement dans l'empire. Walid 1 er
prit les rnes de l'tat sans opposition ;
son fils ain
aprs un rgne qui dura dix ans (705-715), on vit ses trois
frres, Soliman, Yzid et Hescham, se succder presque immdiatement de 715 743, ne laissant entre eux qu'un intervalle de trois ans, rempli par le rgne d'un de leurs cousins, Omar II (717-720). Conformment aux dsirs exprims
ses plus

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NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES

143

(704-750).

par Soliman, Omarl avait t proclam khalife il montra


des dispositions favorables aux Ajides et mourut empoisonn; il fut remplac par Yzid 11 , dont la courte domination (720-724) fait contraste avec le long rgne d'Hescham (724-743). Il ne faudrait pas supposer cependant que
les partis et les sectes, qui tout l'heure encore troublaient
si profondment l'tat
eussent entirement disparu leur
silence n'tait qu'un tmoignage de leur faiblesse; ils n'attendaient qu'une occasion favorable pour renouveler leurs
;

prtentions; les Alides crurent l'avoir trouve en 739; mais


leur tentative, mal conue et mal excute, n'eut pour eux
d'autre avantage que d'appeler l'attention sur leurs menes
clandestines.

Us n'avaient
du

choix d'un prince digne


Sonnites d'avoir trahi

la

mme pu
khalifat.

s'entendre

sur le

Us reprochaient aux

vraie religion, lorsqu'ils avaient

Hassan, llossein; et eux-mmes aprs


avoir choisi pour chef Zid, petit-fils d'IIossein, l'abandonnrent avec leur lgret ordinaire. Les uns taient entirement dvous la descendance do Fathime; les autres
rclamaient le pouvoir pour les entants qu'Ali avait eus d'un
cart

du trne

second

lit;

Ali

une troisime

faction, enfin, prtendait

quo

ces derniers avaient renonc leurs droits en faveur de la


postrit d'Abbas, oncle de Mahomet, qui avait t un de

fermes soutiens de

la politique

du prophte,

fervents adeptes de sa doctrine.

Une

et

un des plu*

fusion tait ncessaire

entre ces divers partis; tant qu'elle n'aurait pas lieu, les
Ommades n'avaient rien redouter. Aussi leur politique se
borna-t-elle fomenter les jalousies et les haines dans les
rangs des dissidents. Cependant les Abbassides devaient finir

par attirer sous leurs drapeaux les familles qui avaient jusque-l soutenu les Alides, et ce fut l, plus tard, le secret
de leur force.
Une autre cause encore, le prestige de la victoire, explir
que la facilit avec laquelle les fils d'Abdelmalek se transr
mirent l'autorit souveraine. On leur savait gr des triomphes nouveaux des armes musulmanes. C'tait en quelque
sorte la preuve que la Providence se dclarait en leur faveur,
et que la prosprit de l'empire tait lie la domination

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au

LIVRE

111,

CHAPITRE

V.

de
de ralentir l'ardeur sans gale
des musulmans, qui ne voyaient nulle part de barrires
qu'ils ne pussent franchir ils les poussrent eux-mmes en
leur famille. Aussi, loin

avant. L'tendue de l'empire, dj

si

vaste,

ne

les effraya

ou trop gnreux dans l'administration des


provinces dont ils auraient pu faire une source intarissable
de richesses, et auxquelles ils ne demandaient qu'un tribut

point

inhabiles

trs-modique,

ils

cherchaient dans

la

trsors qui leur taient indispensables


tisans et

rcompenser

le zle

les

les

de leurs amis. Les expditions

mme

temps les esprits les plus


dtournaient des questions de politique

lointaines occupaient en

entreprenants et

guerre trangre

pour acheter des par-

intrieure.

L'Europe tait devenue cette fois le principal thtre de


conqute; sans abandonner entirement les deux continents, dont ils ne possdaient qu'une partie, les Arabes allaient se diriger vers le ntre. Dj en 672, la rsistance de
Constantinople les avait empchs d'y pntrer par l'Orient ;
ils furent plus heureux du ct de l'Occident; aussitt qu'ils
eurent atteint le dtroit de Gibraltar, ils envahirent l'Espagne
et l Gaule, et les disputrent aux peuples de race germanique qui y dominaient depuis trois sicles.
la

Conqute dfinitive de

1*

Afrique septentrionale (301-30*

Dj, sous la conduite d'Akbah les Arabes avaient aperu


les lointains rivages de l'Atlantique. Et sans aucun doute,
si les guerres civiles leur avaient permis de recevoir les
,

e
renforts ncessaires, ils auraient pntr, avant le vm sicle,
Mais,
chasss
de
ibrique.
Cairowan
pninsule
par
dans la

Grecs runis, dnus de ressources, ils


presque de la
fortune, lorsque Abdelmalek, vainqueur de tous ses rivaux,
envoya au gouverneur de l'Egypte l'ordre de rtablir dans
l'Afrique septentrionale l'honneur de l'tendard du prophte,
compromis par les derniers vnements. Hassan, charg de
cette glorieuse entreprise, se dirigea d'abord sur la cit
d'Akbah, o il entra sans difficult. Avant d'attaquer les
Maures dont il devait tirer une vengeance clatante, il rles

Maures

et les

s'taient retirs Barcah, et dsespraient

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NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES (704-750).


solut de chasser les Grecs de l'Afrique

il

145

assigea Carthage,

qu'aucun chef arabe n'avait encore os attaquer, et qui,


grce ses puissantes fortifications, prsentait une ligne de
dfense formidable. Rien ne rsista l'imptuosit des troupes musulmanes; la ville fut emporte de vive force; ses richesses passrent entre les mains du vainqueur. Hassan
n'hsita pas la dtruire pour enlever Cairowan une rivale
redoutable. Quant aux Grecs la plupart avaient cherch leur
salut sur les vaisseaux rassembls dans le port de Carthage
les uns allrent s'tablir en Sicile, les autres en Andalousie
un trs-petit nombre eut le courage de continuer la lutte, et
forma, en dehors de l'Afrique consulaire, Setfoura et
Bizerte, un point de rassemblement o l'on attendit quelque temps des secours de Constantinople. Une flotte grecque parut en effet. Mais aprs avoir dbarqu plusieurs
fois sur la cte des troupes dont le plus bel exploit fut de
visiter les ruines de Carthage, elle remit la voile, et consacra, par sa retraite, l'abandon dfinitif que les empereurs
faisaient de la contre (704).
Il ne restait plus que les Maures soumettre
leurs tribus, ordinairement divises, taient alors runies en confdration, et toutes groupes autour de la prophtesse
Kahina. Cette femme se disait revtue d'une puissance surnaturelle; elle avait pris, la suite de quelques prdictions
qui s'taient ralises, un ascendant marqu sur les Berbres du mont Aurs sa renomme s'tait ensuite rpandue rapidement, et son courage au milieu de dangers de
toute espce, aussi bien que sa haine pour les Arabes en
qui elle ne voyait que des spoliateurs, avait rendu le soulvement gnral. Telles taient les forces dont elle disposait
qu'Hassan, conqurant de Carthage, craignant d'exposer
les dpouilles dont il s'tait empar
ne voulut mme pas
s'enfermer dans Cairowan et revint en gypte, afin de les
dposer en lieu de sret. Pendant son absence, les Berbres
avaient dvast tout le pays, s'attaquant indiffremment aux
Arabes et aux Grecs ils formaient une masse compacte
dont le choc tait irrsistible. Hassan comprit qu'il fallait
dtruire avant tout le lien qui unissait cette vaste confd;

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LIVRE

146

III,

CHAPITRE

V.

ration; ds qu'il eut runi des forces suffisantes,

il se mit
poursuite de Kahina, qui, de son ct, voulait tout
prix viter les hasards d'une bataille. Elle essaya d'chapper

la

son ennemi en faisant un dsert de l'Afrique et en affamant les Arabes par ses ordres les moissons furent dtruites,
les villes rases et les ctes de la mer changes en vritables
;

solitudes; mais Hassan continua

hardiment sa marche, at-

teignit la prophtesse et la contraignit d'accepter le combat.

Kahina, vaincue et tue, laissa aux musulmans la possession


dfinitive du littoral et de l'intrieur du pays, et les Maures
de l'Atlas, que les successeurs de Blisaire n'avaient jamais
pu soumettre au tribut, payrent le kharadj, que de hardis
cavaliers vinrent exiger au fond de leurs retraites les plus
secrtes (708).
Il serait difficile

qu'o s'tendit
rien ni sur le

la

de fixer aujourd'hui avec exactitude jusdomination arabe en Afrique; on ne sait

nombre des

tribus vaincues, ni sur le chiffre

de leur population, ni sur celui des sommes qu'elles eurent


payer. Tout ce qu'on peut dire, c'est que le Magreb (nom
que les Arabes donnrent toute la contre qui s'tend de
Barcah l'Atlantique) fut toujours leurs yeux une de

Le khalife Walid
un trs-haut rang dans la hirarchie des provinces
en lui donnant un vice-roi, et en la dgageant de toute dpendance l'gard du gouvernement de l'gypte. Les riches
dpouilles rapportes par Hassan provoqurent un mouvement d'migration considrable; tandis que trois cent mille
Berbres taient transports en Asie, on vit un grand nombre d'Arabes quitter leur pays pour aller chercher fortune
en Afrique, o ils rpandirent le code religieux de l'islamisme. Les Berbres taient comme eux indpendants et
pasteurs nomades
ils avaient les mmes instincts et les
leurs possessions les plus importantes.
l'leva

mmes

sentiments, la fiert hautaine, l'amour de la libert, l'esprit de rapine, le respect de l'hospitalit. L'analogie de leurs passions et de leurs murs renversa les barrires

que n'avaient pu franchir

les

Romains,

les

Vandales,

et les Grecs, et les Berbres devinrent les plus fermes ap-

puis des armes musulmanes. Lorsque la guerre fut porte

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NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES

(704-750).

147

en Espagne, quelques-uns cependant refusrent de se mler


la population arabe, et leurs descendants, sous le nom de
Kabyles, vivent aujourd'hui dans les montagnes de l'Algconservant leur caractre de nationalit et la haine
rie
de l'tranger.
,

Le successeur d'Hassan, Mousa-ben-Nosir, par une conduite habile, sut inspirer aux principaux chefs berbres
une confiance sans bornes il les attira prs de lui, les incorpora dans ses troupes, et, affectant leur gard une grande
bienveillance, il les dtermina le suivre partout o il voudrait les conduire (709-711). Son plan tait dj arrt; il
voulait franchir le dtroit de Calp, envahir l'Espagne, et
y faire triompher la religion qui s'acclimatait si bien sur le
;

sol africain

1
.

Invasion de l'Espagne (H).

Les Visigoths, qui possdaient la pninsule depuis le


commencement du ve sicle de notre re, paraissaient un
peuple aussi courageux que puissant. Ils avaient dfendu
contre Mousa la Mauritanie tingitane et Ceuta, qu'il avait
assige plusieurs fois inutilement. Son orgueil s'irritait de

deux

dfaites

que

Wamba (683)

tiza (709) avaient fait

subir sur

et un lieutenant du roi Vimer aux Arabes; il se sou-

venait aussi que la flotte des Visigoths s'tait jointe celle


des Grecs pour surveiller les ctes de l'Afrique consulaire
aprs la destruction de Carthage. Aussi quand le gouverneur
de Ceuta, le comte Julien, vint lui proposer, au nom d'un
parti considrable, de l'introduire dans la pninsule, ac-

avec empressement.
s'engager dans cette prilleuse entreprise,
il crut devoir toutefois en informer la cour de Damas. Il
crivit donc au khalife, et lui peignit sous les couleurs les
cepta

t-il

Au moment de

plus sduisantes la magnificence et les richesses de l'Espagne. Walid approuva les projets de son lieutenant, en lui
recommandant de se tenir l'gard des tratres dans une

prudente rserve, et de mnager surtout


I.

Notices et extraits des manuscrits, loc. laud.,


Sacy.

p.

les

15?, sur

le

vrais

mu-

K\lab~al-D)u-

man, par de

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LIVRE

III,

CHAPITRE V.

sulmans. C'tait lui dire d'employer les Berbres tant qu'il


n'y aurait pas apparence de succs. Mousa le comprit, et
prpara un corps expditionnaire principalement compos
d'indignes, command mme par un Berbre nomm Tarik , dont il avait prouv le mrite, et qui s'tait vou au
triomphe de l'islamisme. Tarik dans une exploration maritime, avait dj visit la cte mridionale qui regarde le
dtroit. Guid par le comte Julien, dont les immenses domaines taient situs dans cette partie de l'Espagne, et qui
lui livra le chteau d'Algziras, il opra heureusement le
dbarquement de sa petite arme, compose peine de
douze mille hommes. Le lieu o il tablit son camp a gard
des traces de son nom c'est aujourd'hui Gibraltar, mot
form par corruption de Djebel Tarik, montagne de Ta,

rik.
*

Le gnral berbre pour


,

exciter le courage des siens,

avait brl ses vaisseaux. Ses premiers pas furent

par des succs

la dfaite

d'Edeco apprit

temps d'agir avec vigueur,

qu'il tait

pela cent mille

hommes

marqus

cour de Tolde
roi Roderic ap-

la

et le

la dfense de la patrie.

La puis-

sance du royaume des Visigoths ne rpondait nullement


son tendue et au nombre de ses habitants. Il n'y avait pas,
il est vrai, comme en Gaule, opposition et lutte de peuple
peuple nulle part la fusion des Romains et des barbares
ne s'tait accomplie plus intimement. Les lments de faiblesse se trouvaient dans l'organisation de la socit divise
en classes ennemies, dans l'absence de tout esprit militaire
et dans les exigences d'un clerg intolrant. La couronne
tait lective, et le forum judicum compos dans les conciles de Tolde, offrait un singulier mlange de la loi romaine
et des coutumes germaniques. Les villes o rgnait encore
l'ancienne organisation municipale conservaient une sorte
d'indpendance locale, sauf les dons volontaires que rclamaient imprieusement les conciles et les prlats.v
< La servitude de la glbe avait teint dans les masses tout
sentiment national la foi religieuse n'tait plus aussi vive ;
les perscutions contre les juifs, forcs de choisir entre l'es:

clavage et l'apostasie, avaient

sem dans une

partie de la po-

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NOUVELLE PRIODE DE tONQUTES

(704-750).

149

pulation des ferments de haine prts clater et devaient


donner aux Arabes de nombreux allis^ Enfin la politique des
derniers rois, qui cherchaient rendre absolue et hrditaire

une

autorit

manant de

l'lection et resserre

dans d'-

de
couronne
comte Julien. Celui-ci anim

troites limites, avait irrit la noblesse et le clerg, jaloux

leurs prrogatives^ Roderic venait de ravir la

Witiza il avait outrag le


par le ressentiment, n'hsita pas trahir son pays. L'archevque de Sville, Oppas, tait entr dans la conjuration, et
Tarik put compter sur de puissants auxiliaires. Ces renforts
lui donnrent la victoire dans la bataille qui allait dcider du
sort de l'Espagne. L'action s'engagea dans une plaine du
Guadalte, situe non loin de la ville de Xrs. Les Visigoths taient commands par Rodericf qui s'tait empress
,

d'accourir avec toutes ses troupes et qui avait

fait

appel

ne les croyant pas capables de sacrifier


leur patrie des ides de vengeance ou d'ambition. 11 montrait une grande fermet, mais il n'avait pas abdiqu entirement la mollesse et le luxe dont il donnait la cour un funeste
exemple^Ses vtements couverts d'or, son char d'ivoire, sa
selle toute garnie de pierreries, cachaient sens leur clat le
fer, qui seul en ce moment, avait de la valeur*Les nobles qui
l'entouraient, quips magnifiquement, se fiaient bien moins
leur courage qu'au nombre des soldats, esclaves abrutis,
et ne combattant qu' regret^Pour les Berbres, habitus
ses propres ennemis,

la lutte, dirigs par

mort comme un

un chef intelligent,

prts accepter la

bienfait, puisqu'elle devait leur assurer le

semblaient avoir oubli leur infriorit numrique.


s'crie Tarik, l'ennemi est devant vous et la
mer derrire, o fuiriez-vous? suivez votre gnral il prira
ou foulera aux pieds le roi des Goths. Pendant sept jours,

ciel, ils

**Mes amis,

les

deux armes s'puisent en escarmouches et en combats


les Arabes ne peuvent rompre des bataillons qui

singuliers

se recrutent et se reforment
tte

sans cesse. Enfin Tarik, la

de sa cavalerie, charge imptueusement l'arme des

Yisigoths et parvient la traverser tout entire. Aussitt


l'archevque de Sville .se range sous sa bannire avec
les troupes qu'il commande, et ds ce moment Roderic est

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LIVRE

150

III,

CHAPITRE V

En vain cherche-t-il rallier ses escadrons perdus


mis en fuite lui-mme est entran et va prir dans les
eaux du Guadalquivir (711). ^
En grand capitaine, Tarik sut mettre profit l'effroi qu'il
avait rpandu sur le champ de bataille et dans toute la
pninsule. Il marcha vers la capitale; mais, craignant qu'il
ne se formt au loin une nouvelle arme, il dirigea de divers cts des corps isols avec ordre de s'emparer des
Elvira
principales villes. C'est ainsi qu'Ecija , Malaga
Grenade et Cordoue se soumirent ou furent emportes
d'assaut. Tarik approchait de Tolde, lorsqu'un envoy de
Mousa vint lui enjoindre d'attendre au lieu o il se trouvait
l'arrive du vice-roi^L' ordre tait formel. Tarik nanmoins
eut la gnreuse audace d'achever la conqute en intressant l'arme sa propre dsobissance
s'arrter, c'tait
laisser aux Visigoths le temps de se reconnatre, d'lire un
nouveau roi et de fortifier la capitale o les fuyards de
Xrs avaient port le trouble et le dsordre. Ds que le
vainqueur parut, Tolde capitula et se soumit sans murmure. Tarik y laissa, pour appuyer les juifs, une faible garnison charge spcialement de la surveillance des habitants,
continua sa route vers le nord, et tout le pays de Gibraltar
Gihon sur les bords de la baie de Biscaye reconnut ses
vaincu.

et

lois

l
.

Mousa passe en Espagne et reoit

la soumission des habitants;


organisation de la conqute; disgrce de Blousa; mort tragique de son fils Abdelasls (VIS).

Cependant Mousa jaloux des succs de son lieutenant, ve-^


Espagne avec de nouvelles troupes et pntrant dans l'Andalousie qui n'tait pas entirement subjunait de dbarquer en

gue, avait rduit

Carmona

etSville;

il

avait ensuite assig

Merida place forte ville florissante pleine de monuments


romains dont les traces existent encore aujourd'hui, et n'avait
pu vaincre d'abord l'hroque rsistance des Visigoths qui
s'y taient rfugis. Mais son fils Abdelazis lui avait amen
,

1.

Almakkari, trad. par de Gayangos,

t.

I.

Dans l'appendice,

p. 43

on trouve

d'intressants dtails sur Mousa.

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NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES

(704-750).

151

d'Afrique sept mille hommes de renfort et la ville en proie


la famine s'tait enfin rendue. L'Estrmadure et la Lusitanie, avaient fait leur soumission, lorsque Mousa prit le chemin de Tolde o il trouva le reste de l'arme expditionnaire
et manifesta hautement l'intention de punir son lieutenant.
N'osant devant les murmures des soldats enlever l'isla-

misme un de ses plus habiles capitaines, il le frappa de son


fouet et le condamna un emprisonnement auquel un ordre
exprs du khalife mit bientt fin. Walid rendit mme Tarik
son commandement il craignait les talents et l'ambition de
;

Mousa dont

la famille

nombreuse

et distingue pouvait aspi-

que la gloire de la
conqute restt partage. Dj le jeune Abdelazis mritait
l'amour des musulmans par les qualits les plus brillantes;
excellent gnral, adroit politique, charg aprs la prise de
Meridade pacifier Sville rvolte, il avait su, en alliant
avec habilet la rigueur et la clmence, maintenir les droits
du vainqueur et s'attirer l'affection des habitants. De l il
s'tait port dans le royaume de Murcie o le prince goth
Thodemir avait cr en quelque sorte une principaut indpendante, et il s'tait content de lui imposer tribut en signe
de vassalit tmoignant sans ostentation pour sa belle dfense une estime et une admiration qui les honoraient tous
deux galement. C'tait le meilleur moyen pour les chefs
arabes de faire aimer leur domination.
Mousa et Tarik, aprs avoir reu les instructions du khalife,
qui les plaait presque au mme niveau, se remirent en marche, le premier pour les Asturies o il refoula les derniers
dfenseurs de l'Espagne runis par Plage, le second vers
les pays situs au del de l'bre. Cette double expdition
soumit aux musulmans toute la pninsule jusqu'aux Pyrnes qui ne furent pas encore franchies. La longue rsistance de Saragosse avait rclam le concours des deux
armes et affaibli momentanment les Arabes. Il fallait d'ailrer l'indpendance;

il

voulait aussi

leurs rgler l'organisation

de l'Espagne,

et

Mousa suspendit

l'excution de ses projets contre la Gaule.

En changeant de matres, la pninsule retrouva bient t


son ancienne prosprit ; le tribut exig ne dpassait pas la

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LIVRE

152

III,

CHAPITRE

V.

taxe annuelle paye sous les rois visigoths

on

s'y

soumit

avec empressement cependant le pays diffrait trop par sa


constitution physique des dserts de l'Arabie et de l'Afrique
pour accepter les murs et les lois que leurs habitants lui
apportaient. Dj les khalifes de Damas avait fait, bien re;

gret,

subir au

mahomtisme

certaines modifications

ses par le climat de la Syrie et de la Perse

impo-

en Europe la
lettre du Coran devait avoir encore moins d'autorit. Mais
les concessions qu'il tait indispensable de faire s'accordaient mal avec une loi d'une inflexible rigueur
il tait
craindre que les dlgus de la puissance souveraine ne
rompissent peu peu les liens qui les rattachaient la mre
;

patrie

c'est

ce qui explique l'instabilit du gouvernement

dans la pninsule de 715 743 les walis ou mirs envoys


par la cour de Damas arrivaient avec l'intention de briser
toutes les rsistances d'imposer l'islamisme dans toute sa
puret; puis en prsence des difficults qui les attendaient,
clairs sur les vritables intrts de l'Espagne, ils tablissaient des rgles incompatibles avec leur mandat
et dnoncs aux khalifes, recevaient aussitt Tordre de rsigner
leurs pouvoirs. Mousa fut la premire victime de cette politique ombrageuse. Il lui fut enjoint de se rendre avec Tarik
auprs de leur souverain ils obirent tous deux et arrivrent sparment. Tarik tait pauvre aucune malversation
ne pouvait lui tre impute. On accorda des loges ses
succs seulement comme dans le Magreb sa gloire et pu
attirer autour de lui des Berbres enthousiastes, on le garda
en Asie. Quant Mousa il tait suivi d'un nombre immense
de captifs, et son entre triomphale Damas indisposa contre
lui Soliman qui venait de succder son pre Walid (715) ;
condamn une amende de deux cent mille pices d'or
l'exposition publique et au fouet pour la svrit qu'il
avait montre l'gard de son lieutenant , il fut ensuite
exil la Mecque o il mourut de douleur en apprenant la
mort tragique de ses enfants. Tandis, en effet, qu'il subissait
ces indignes traitements, ses fils Abdallah et Abdelazis
taient les matres de l'Afrique et de l'Espagne. On craignit
qu'ils ne se servissent de leur pouvoir pour venger l'injure
;

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NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES


de leur pre,

(704-750).

153

Soliman les fit massacrer (716). Abdelazis


tait surtout redoutable par l'affection qu'il avait gnralement inspire. Clment pour les vaincus dont il avait amlior la condition
il avait satisfait galement les Arabes et
les Maures conqurants, par des tablissements convenables
et il laissait l'Espagne dans la situation la plus florissante *.
et

ni Visio ii politique de l'Espagne; son tat prospre; premiers


germes de dcadence parmi les Arabes.

La pninsule se trouvait partage en quatre grands arrondissements ayant chacun leur gouverneur particulier charg
de veiller sur les caides ( administrateurs des cits ) , les
gouverneurs avaient t placs eux-mmes sous la direction immdiate d' Abdelazis qui tait instruit temps de
toutes les tentatives de troubles, et qui avait su conserver
l'Espagne une tranquillit inespre.
Le premier arrondissement comprenait l'Andalousie , province situe entre la mer et le Guadalquivir de sa source
son embouchure, et les terres qui s'tendent entre ce
fleuve et la Guadiana, avec les villes de Cordoue, Sville,
Malaga, Ecija, Jaen et Ossuna.
Le deuxime arrondissement comprenait toute la partie
centrale du pays, depuis la Mditerrane l'est jusqu'aux
,

frontires de la Lusitanie l'ouest, et s'tendait au nord


jusqu'au Duero, avec les villes de Tolde sur le Tage, Cuena
sur le Xucar, Sgovie sur un affluent du Duero, Guadalaxara, Valence, Dnia, Alicante, Carthagne, Murcie, Lorca,
Baeza.

Le troisime arrondissement comprenait la Galice et la


Lusitanie avec les villes deMerida, Evora, Beja, Lisbonne,
Combre, Lugo, Astorga, Zamora, Salamanque.
Le quatrime s'tendait des bords du Duero jusqu'aux
Pyrnes sur les deux rives de l'bre, et se trouvait born,
l'ouest, par la Galice. Il comprenait les villes de Saragosse, Tortose, Tarragone, Barcelone, Girone, Urgel,
Tudela, Valladolid, Huesca Jacca , Barbastro.
,

1.

Consultez Viardot, Essai sur

dans l'appendice, Mort


empire in Spain, etc.

les

d' Abdelazis;

A mbes d'Espagne

t.

Murpby, History of

I;

Almakkari,

the

t.

H,

Mahommedan

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LIVRE

III,

CHAPITRE

V.

Il y eut plus tard, au del des Pyrnes, un cinquime


arrondissement form de la Septimanie, dont les villes
taient Narbonne, Nmes, Carcassonne, Bziers, Agde,
Maguelonne et Lodve.
Toutes les conditions faites l'poque de la conqute
avaient t religieusement observes les armes et les chevaux avaient t livrs; on avait accord ceux des habitants qui voulaient se retirer, la libre sortie en renonant
tous leurs biens; ceux qui prfraient rester, la conservation
de leurs proprits de leurs magistrats de leurs lois de
leurs glises avec dfense d'en construire de nouvelles, et
le payement d'une redevance qui n'excdait pas gnralement le dixime du revenu. Les vainqueurs s'taient rserv
les terres abandonnes dont une grande partie ne fut occupe que longtemps aprs. Les Arabes et les Maures pr;

o ils se groupaient en tribus;


par l ils n'offraient point aux Espagnols l'occasion d'attaques isoles; mais un esprit de rivalit funeste devait les
fraient le sjour des villes

eux-mmes profondment et prparer insensiblement le triomphe de l'Espagne chrtienne. La lgion de


Damas s'tablit Cordoue, celle de Hems Sville et Nie-

diviser

bla; celle de Kinnesrin (l'ancienne Chalcis) Jaen; celle

de Palestine Medina-Sidonia et lgziras;

celle

de Perse

Xrs de la Frontera; celle de l'Ymen Tolde; celle de

Grenade; celle d'gypte Murcie et Lisbonne, etc.


Enfin dix mille cavaliers de l'Hedjaz se partagrent les
plaines les plus fertiles de l'intrieur. Abdelazis, loin
de s'riger en musulman fanatique , avait constitu un
l'Irak

conseil

ou divan pour adapter au pays les lois du Coran et


des deux peuples. A son instigation,

faciliter ainsi la fusion

des mariages s'taient

forms

contre les prescriptions

du prophte entre des individus de religion diffrente, et


lui-mme avait pous la veuve de Roderic. Les habitants
de Tolde prirent

le titre

de Mozarabes, et virent sans se

plaindre Sville puis Cordoue (720) leves au rang de capitale.

Venus de l'gypte, de
tiellement agricoles

la

dous

Syrie et de

comme

la

Perse, pays essen-

les juifs,

qui les sui-

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NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES


virent dans toutes leurs colonies,

ports vers l'industrie par la loi


devoir

du

(704-750).

155

du gnie commercial, et
du prophte qui fait un
,

double ncessit de
riches produits d'un sol fertile et de sa-

travail, autant

que par

la

mettre en uvre les


aux besoins nombreux du luxe oriental, les nouveaux conqurants de l'Espagne y apportrent des procds agronomiques fonds sur l'exprience et l'observation
ils dfrichrent ses campagnes incultes , repeuplrent ses
villes dsertes, les ornrent de monuments magnifiques et
les unirent entre elles par des relations commerciales multiplies. L'Espagne ainsi fconde et affranchie de la servitude de la glbe devint la plus populeuse et la plus industrieuse des contres europennes
Cependant des dissensions intestines troublrent de bonne
heure son repos et dvoilrent dans la domination musulmane l'existence du mal qui devait entraner sa ruine. Les
Arabes et les Maures avaient vu renatre en eux une haine
amortie quelque temps par la communaut de foi et d'intrts. Des jalousies rciproques amenrent des collisions
sanglantes qu'ternisrent le droit de reprsailles inscrit
dans le Coran, et l'esprit de vengeance qui animait les deux
peuples. Lorsqu'un Berbre recevait un outrage, la tribu
tisfaire

laquelle

il

appartenait prenait sa dfense. Si le gouverneur

envoyait pour la rduire des troupes venues de l'Asie, les


Maures faisaient appel leurs compatriotes; les Orientaux
oubliaient aussitt leurs propres divisions et la lutte

me-

naait de devenir gnrale. D'autres fois, c'taient des Sy-

riens migrs en Espagne qui ne recevant pas un tablissement en rapport avec leurs prtentions avaient recours
la force des armes, et s'emparaient d'une cit dont ils faisaient leur proprit. En 742, une bande de ces trangers
aprs avoir longtemps fait la guerre en Afrique, la solde
du vice-roi contre des Berbres rvolts, descendit en Espagne et ravagea l'Andalousie. Victorieuse de l'mir qui lui
elle remplit la pninsule d'affreux dsordres
fut oppos
,

l. Caairi, t. II, p. 32, 252, OElsner, Duruy, Gographie du moyen ge, et sur la
charte donne Combre en 734 (Idatii chronicon), Desmichels, Hisloire gnrale du moyen ge; Rosstuw Saint-Hilaire, Histoire d'Espagne, t. |lj etc.

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LIVRE

156

III,

CHAPITRE

Y.

qui ne cessrent que trois ans aprs, l'arrive d'un dlgu


du khalife (742-746).
Il n'y avait qu'un moyen d'arrter ces ferments de discorde, c'tait de proclamer la guerre sainte et de porter
au dehors l'activit des nouveaux conqurants. 11 fut em-

ploy avec succs par les premiers successeurs d'bdelazis ;


et c'est ce qui explique l'tat paisible de l'Espagne pendant
les

quinze premires annes qui suivirent

la

mort de ce

chef illustre.
I/O h

Arabe dans

la

Gaule

Du sommet

des Pyrnes, Mousa, suspendu sur l'Europe,


5e prparait subjuguer les peuples placs entre la Gaule
narbonaise et le Bosphore, lorsque sa disgrce vint arrter

en Occident les progrs de l'islamisme. Les Arabes, nervs


par la politique dissolvante de la cour de Damas, ne devaient
plus porter dans leurs entreprises cette ardeur et cet enthousiasme qui les rendaient invincibles ils allaient d'ailleurs trouver dans la Gaule un peuple anim aussi d'une foi
sincre, pouvant se recruter son berceau mme, et que
de rcentes victoires avaient rendu confiant en ses propres
forces. Les Francs austrasiens avaient, en 687, la suite de
impos leur joug aux Galio-Romains
la bataille de Testry
qui formaient l'lment principal de la population neustrienne; le rappel de Mousa leur donna le temps de se
reconnatre et d'opposer au flot de l'invasion une barrire
infranchissable. Les Arabes s'taient empars presque sans
rsistance d'une partie du midi de la Gaule qui formait une
dpendance du royaume des Visigoths; ds l'anne 719,
la Septimanie fut occupe par l'mir Alsamah. Narbonne
qui, par son admirable position, offrait un point d'appui
;

formidable, reut une colonie musulmane et devint le centre


d'oprations importantes. Ambizah, successeur d'Alsamah,

s'empara de Carcassonne, de Nimbes, et s'avana jusqu'en


Bourgogne o il pilla la ville d'Autun (725); mais l'Aquitaine
fit une rsistance inattendue. Elle tait gouverne par un
descendant de Clovis, le duc Eudes, qui avait ralli un grand
nombre de guerriers francs et tait en tat de tenir la campagne. Quand les Arabes se prsentrent devant Toulouse,

NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES


sa capitale en 721,

157

(704-750).

essuyer une droute complte.


Ceux-ci durent se contenter d'exiger des contributions des
villes secondaires, et dirigeant d'un autre ct leurs courses
aventureuses, ils s'avancrent sans obstacle sur les bords

du Rhne

et

de

se racheta par

la

il

leur

fit

Sane; Beaune

un

fut prise et saccage

tribut. L'Albigeois, le

Rouergue

le

Sens

G-

vaudan le Velay furent aussi exposs de frquentes incursions^, si l'on s'en rapportait la tradition, il faudrait
,

peindre des plus noires couleurs ; encore aujourd'hui


aux Sarrasins, nom adopt de prfrence par les Occidentaux, qu'on attribue toutes les ruines, toutes les dvastations dont on aperoit des traces dans les provinces qu'ils
ont parcourues et pourtant loin de combattre avec la fureur
et la barbarie des Huns ou des Northmans, ils taient gnralement modrs dans la victoire. Ne serait-ce pas l'effet de
l'impression qu'ils ont d produire sur l'imagination du
peuple? leur figure hle, leurs regards farouches, l'allure
prcipite de leurs chevaux, la singularit de leur costume,
les rcits exagrs des fuyards, jetaient dans les esprits une
terreur profonde; ils venaient avec une langue inintelligible,
et le fer la main
apporter une religion nouvelle des
hommes pleins de foi dans les enseignements de leurs vques, et le clerg ne pouvait avoir que des paroles de haine
contre les ennemis du Dieu des chrtiens.
En 730, les Arabes surprirent Avignon; jusque-l ils
n'avaient fait que des expditions passagres; l'mir Abderrahman rsolut de tenter la conqute de la Gaule entire.
Renomm par son courage, dont il avait donn une preuve
clatante, en arrtant, aprs la dfaite de Toulouse, tous
les efforts du duc d'Aquitaine, il vit accourir sous ses tendards des troupes considrables de volontaires. Il commena
par attaquer un gouverneur de la Tarraconaise, Munuza,
qui aspirait l'indpendance, et avait pous la princesse
Lampagie, fille du duc d'Aquitaine, l'assigea dans Puycerda,
et le contraignit se donner la mort. Puis, la tte d'une
ls

c'est

nombreuse arme, il envahit l'Aquitaine. Le duc


Eudes, battu sur les bords de la Garonne, ne put dfendre
Bordeaux, qui fut emport d'assaut. Aprs ce succs, Abbelle et

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LIVRE

158

III,

CHAPITRE

V.

vainqueur de nouveau au passage de la Dordogne, se dirigea vers Tours , dans le but de s'emparer de
l'abbaye de Saint-Martin, dont on vantait les trsors immenses. Charles, fils de Ppin d'flristal , tait alors le vritable roi des Gaules ; il rsolut de sauver la chrtient menace il appela les leudes aux armes et exigea de tous les
Francs le service militaire pour cette guerre nationale 1

derrahman

Charles martel vainqueur des musulmans la natalit


de Poitiers (98t).

Abderrahman avait quitt les bords de la Loire, et il atennemi entre Tours et Poitiers; c'est l qu'allait

tendait son

se dcider le sort de l'Occident ; les Arabes comptaient sur

une seconde bataille de Xrs et furent dus dans leurs


esprances. Les Francs austrasiens ne ressemblaient pas aux
Goths dgnrs; ils ne portaient point d'or sur leurs vtements

et se prsentaient

au combat tout bards de

fer.

L, point d'esclaves combattant pour des matres dtests,

mais de braves compagnons entourant un chef qui se disait


leur gal; pendant les six premiers jours, il n'y eut que des
engagements partiels o les musulmans eurent l'avantage;
le septime l'action devint gnrale; elle fut sanglante et solennelle. Les Orientaux furent accabls par la force et la
stature des Germains; leur droute fut cause par l'imptuosit de Charles qui gagna dans cette bataille le nom de
Martel, et par la mort d' Abderrahman. Pendant la nuit, le
dsordre et le dsespoir portrent les diffrentes tribus de
l'Ymen et de Damas, de l'Afrique et de l'Espagne, tourner leurs armes les unes contre les autres et les dbris de
cette arme se dispersrent le duc d'Aquitaine s'tait empress de retourner sur ses pas pour intercepter aux fugitifs le passage des montagnes; les Arabes comprirent le
danger; au lieu de se diriger vers l'Aquitaine, ils prirent
le chemin de la Septimanie, et se trouvrent bientt en
sret, l'abri des places fortes de Narbonne et de Car,

cassonne (732).
Quelques annes aprs (735-739),
i .

OElsner, p. 73

les lieutenants

de l'mir

voy. aussi M. Reinaud, Invasion des Sarrasins en France.

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NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES

(704-750).

159

firent des incursions en Provence, o ils taient


appels par des seigneurs mcontents Charles Martel et
son frre Childebrand reprirent Avignon et battirent les

Abdelmalek

musulmans sur la Berre mais ne purent s'emparer de Narbonne pour empcher les Arabes de s'tablir au nord de
l'Aude, ils dmantelrent Nimes, Agde, Bziers, et firent
du pays un vritable dsert; en 737, Mauronte, gouverneur
de Marseille, livra la Provence aux infidles, qui assigrent
,

et

occuprent

roi des

la ville

d'Arles; Charles, runi Luitprand,

Lombards qui

tait

ligurienne, fora l'ennemi

lui-mme menac sur la cte


la retraite (739); une heureuse

la Sicile racheta pour les Arabes la honte


de ces checs rpts qui consacraient la fortune et la puissance des Francs carlovingiens

expdition contre

Guerre** en Orient; nouveau glge de. Constantinople (*).

La victoire de Poitiers avait ferm aux musulmans l'Europe du ct de l'Occident; ils pouvaient nanmoins la prendre revers et y pntrer par Constantinople dj , en 672
ils avaient assig la capitale de l'empire grec, et leurs tentatives avaient chou; ils l'attaqurent de nouveau par mer,
sous Soliman et Omar II (717-719), et virent encore une
fois leurs flottes dtruites par le feu grgeois. Lon III,
llsaurien, qui venait de monter sur le trne, dploya dans
cette circonstance un courage toute preuve; dirigeant
lui-mme les brlots incendiaires, il ruina une partie des
btiments ennemis, et fora les autres la retraite. Les
troupes de dbarquement qui avaient pris terre la hauteur d'Abydos s'taient empares des villes qui bordent la
Propontide jusqu' Constantinople; la rsistance de Lon,
un hiver rigoureux, la famine et la peste triomphrent de
;

leurs efforts.

Les Arabes ne russirent pas mieux sur terre quoique


II et, par une mesure impolitique, oblig lesMardates descendre du Liban et du mont Taurus. En 692,
le khalife Abdelmalek avait obtenu quelques avantages dans
,

Justinien

1. Eginhart, dition publie par la Socit de l'Histoire de France; Fauriel, Bis


toin de la France mridionale, compilation plus que mdiocre.

160

LIVRE

111,

CHAPITRE

Y.

une bataille livre prs de l'le d'leuse avait t


aux Grecs par la trahison d'un corps d'Esclavons
mercenaires; sous Absimare Tibre, les hostilits prirent
un caractre de frocit sans exemple. Hraclius, frre de
l'empereur, remplit la Syrie de dsolation et de carnage.
Les habitants de La petite Armnie ayant massacr les garnisons musulmanes rpandues sur leur territoire- payrent
bientt le prix du sang; une arme de Sarrasins vint tondre
sur eux, gorgeant les populations sur son passage, et les
seigneurs de la province furent brls vifs. En 703, la Cilicie
tait le thtre de nouveaux combats
les succs des gnraux romains sauvrent les empereurs hraclides des danlaCiiicie;

fatale

gers qui les menaaient.

Cependant Justinien II, dpos en 695, avait ressaisi


couronne dix ans plus tard, et ne songeait qu' satisfaire
ses implacables vengeances. Moslemah, frre de Walid 1 er
qui s'tait dj signal par ses excursions en Asie Mineure,
s'empara de Tyane, capitale de la seconde Cappadoce. Tel
tait le mpris qu'inspirait l'empereur qu'un parti de trente
Arabes osa traverser toute la contre, pntra jusqu' Chrysopolis, vis--vis de Constantinople, mit le feu aux vaisseaux
runis dans le port et revint sans avoir perdu un seul
homme. En 711, sous le rgne de Philpique Bardanc,
Moslemah envahit le Pont et la Lycaonie, prit Antioche de
Pisidie, et fit plusieurs campagnes glorieuses, sans obtenir
toutefois de rsultats bien importants. Matres d'une grande
partie de l'Armnie, les Arabes fortifirent les dfils de
Derbend contre les Turcs khozars, dont les incursions
s'tendaient quelquefois jusqu' Mossoui; ils assigrent
successivement Amorion, Pergame, Nice, en Bithynie, et
aprs s'tre avancs jusqu'aux rives de la Propontide et du
Bosphore^ ils finirent par renoncer h des entreprises pour
lesquelles il et fallu plus d'ensemble et la runion de forces
considrables; les Grecs, en dfendant les murs de leur
capitale et les places fortes de l'Asie Mineure, si souvent
menaces, avaient eu du moins la gloire de sauver l'Europe
du ct de l'Orient.
la

NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES

(704-750).

461

Conqute de la Traiiftoxlnne et de Flnde occidentale In mauvaise politique du khalife Soliman arrte les progr des
Arabes (907-91 1).
:

Dans

l'Asie centrale

les

progrs de l'islamisme avaient

t plus remarquables ; l'Indus et l'Oxus avaient t franchis

Arabes ne s'taient arrts que sur les frontires du grand


empire chinois. Matres de Tarmidz, ils s'taient plusieurs
mais sans
fois approchs de Bokhara et de Samarcande
occuper ces deux villes. Kotabah, un de leurs meilleurs
gnraux, plac sous le commandement immdiat d'Hgiage, qu'Abdelmalek avait charg de gouverner toutes les
provinces situes l'est de l'Euphrate , s'avana contre les
Turcs, les battit compltement, et rduisit le Khowaresm ou Kharizme et le Mawarannahar o Salem-ben-Ziad
et Mohalleb n'avaient fait que des incursions passagres;
la grande partie du pays connu dans nos cartes sous le
nom de Tartarie indpendante se soumit l'autorit des
khalifes; non content d'avoir brl les idoles de Ferganah,
de Nakscheb, de Baikend, de Bokhara et de Samarcande
(712), Kotabh prit Kaschgar, Aksou Jerkhen, Khotan,
et envoya douze ambassadeurs l'empereur de la Chine,
qui dtourna l'orage dont il tait menac en rassasiant d'or
les

leur cupidit.

A l'est du Sedjestan, on se contenta d'imposer un tribut


au roi de Caboul. L'elFort des conqurants se porta principalement sur la valle de l'Indus o rgnaient des chefs
puissants. Une flotte remonta le fleuve bien avant dans l'intrieur des terres, en mme temps qu'une arme venait
travers le Mekran et se rpandait dans les plaines de
Caschmir..Des villes opulentes et magnifiques couvraient
les bords du fleuve; plusieurs d'entre elles essayrent vainement de rsister; il leur fallut reconnatre la puissance
des khalifes adopter une langue nouvelle et tolrer la propagation de l'islam qui remplaa peu peu le bouddhisme.
Les entreprises des Arabes contre les peuples de l'Inde
avaient commenc prs d'un sicle auparavant; ds 637
une flotte sortie de l'Oman avait fait une descente dans Me
de Tanah, non loin de la ville actuelle de Bombay; une au,

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LIVRE

162

III,

du Bahren
de Baroud

CHAPITRE

V.

avait attaqu dans le golfe

de
une troisime expdition avait t dirige vers les bouches de l'Indus. En 643,
Abdallah, fils d'Ammer, aprs avoir envahi leKerman et le
Sedjestan, avait vaincu le gouverneur persan du Mekran et
le roi du Sinde runis quelques annes plus tard Abderrahman, fils de Samrah, avait attaqu la province de Daver,
dtruit l'idole Zour et occup la ville deBost. Les royaumes
tre flotte partie

Cambaye,

la ville

enfin

de Caboul et du Sinde formrent alors la frontire des


possessions arabes; en 664, Mohalleb, fils d'Abou-Sopha,
rendit le souverain de Caboul tributaire ; les territoires de
Cosdar prs de Kelath et de Candabyl furent dvasts et les

musulmans s'approchrent de plus en plus de

la valle

de

qui clatrent sous les premiers Ommades permirent quelques princes de l'Inde de reconqurir leur indpendance mais du vivant mme de Moawiah , Abderrahman entrait en vainqueur dans Caboul et
l'Indus

les troubles

en 683 Abdelazis, fils d'Abdallah-ben-Ammer, faisait respecter au loin l'tendard du prophte. Lorsqu'en 707, par
les ordres d'Hgiage, Mohammed-ben-Cassem s'avana sur
les bords de l'Indus, il attaqua d'abord le roi Daher, le dfit, et
prit la ville deDaybal, Byroun, Bahman-Abad, Alor etMoultan qui devint le boulevard de l'islamisme 1 il se rapprochait de l'Himalaya et se disposait envahir l'empire dgnr de Canoge la mort d'Hgiage le rappela du ct de
l'Euphrate et il expia bientt aprs dans les supplices le
tort d'avoir pris un trop grand ascendant sur les populations indignes par la sagesse de son gouvernement et la
hauteur de son gnie.
Les musulmans s'taient montrs un instant sur les rives
du Gange; mais ils ne conservrent pas ces contres qu'ils
n'avaient fait que parcourir.
Ici s'arrtent les conqutes des Arabes les successeurs de
Mahomet n'avaient dj plus cet esprit de proslytisme qui,
soixante ans auparavant, renversait tous les obstacles. Les
khalifes redoutaient mme un accroissement de territoire,
;

1. Voy. le Mmoire sur l'Inde de M. Reinaud et le Rapport que nous avons fait
sur cet ouvrage {Bulletin de la Socit de gographie, anne 1851).

NOUVELLE PRIODE DE CONQUTES


dans

(704-750).

163

pense qu'au milieu des divisions des partis, de

la

nouvelles conqutes n'auraient

fait

que

favoriser les ides

ambitieuses de leurs gnraux, qu'ils regardaient dj d'un


il jaloux.

La disgrce qui frappait Mousa sur


teignait

les

bords du Tage at-

trois mille lieues de distance, Kotabah, qui ve-

d'immenses provinces la monarchie des


fils de Cassera, dont la sage politiaccepter des Hindous la domination musulmane.

nait d'ajouter
khalifes, et

Mohammed

que faisait
On ne pouvait prvoir ce qu'auraient

fait

ces trois

hommes

d'armes victorieuses et pleines d'enthousiasme,


si le khalife Soliman pour se venger d'Hgiage, qu'il considrait comme son plus cruel ennemi
n'avait fait porter le
poids de sa colre sur les gnraux choisis par cet habile
ministre. Mais les fils d'Abdelmalek taient arrivs l'apoge de leur puissance; dsormais ils ne pouvaient plus que
dchoir, car ils n'avaient pas cette main ferme et vigoureuse
qui seule pouvait maintenir l'unit dans leurs vastes tats;
ils n'avaient pas, l'exemple des compagnons du prophte,
le sentiment de leur force, et en s'abandonnant d'injuste3
soupons contre leurs propres partisans ils rallumrent euxmmes le feu de la guerre civile.

la tte

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LIVRE

IV.

GRANDEUR ET DCADENCE DES ARABES EN ORIENT.


742-1258 et 1538 (re chrtienne).

125-656 et 945 (re musulmane).

CHAPITRE PREMIER.
LIMITES DE L'EMPIRE ARABE

E1V 745;

OMMIADES ET DES YII VSS1DE S


D'ORIENT ET D'OCCIDENT.

LUTTE DES
KHALIFATS

TAT DES PARTIS; LES ALIDKS ; LES ABBASSIDES.


PUISSANCE DES OMMIADES.
DERNIERS KHALIFES OMMIADES; ABOUL-ABBAS TRIOMPHE DE MER VAN II.

ABOUL-ABBAS

PREMIER KHALIFE ABBASSIDE; ALMANZOR LUI SUCCDE;


FONDATION DE BAGDAD.

Puissance des Ommades.

L'empire arabe, en 743, est parvenu ses limites extrmes. Les successeurs de Mahomet ont trac le cercle au
del duquel leur action ne se fera point sentir. A partir de
cette poque, les dchirements vont commencer.
Trois continents, l'Asie, l'Afrique et l'Europe ont t
successivement envahis. En Europe les Arabes possdent
toute la pninsule ibrique , l'exception de quelques dfils dans les Asturies, o les compagnons de Plage font une
rsistance opinitre. La Septhnanie, l'le de Chypre, les Balares, la Crte et Rhodes, le nord de l'Afrique leur appartiennent galement. Leur domination est partout reconnue,
depuis le dtroit de Gibraltar jusqu' l'isthme de Suez. Ils
l'ouest,
ont divis les ctes en deux gouvernements
le Magreb, comprenant les anciennes provinces grecques de
la Byzacne , de l'Afrique consulaire , de la Numidie , des
Mauritanies csarienne et sitifienne, et de la Mauritanie tingitane; l'est, i'gypte et la Cyrnaque dont le gouverneur
reoit les tributs imposs par Amrou aux peuples de la
Nubie.
,

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LES DERNIERS OMMIADES, LES PREMIERS ABBASSIDES. 165

La plus grande partie de l'Asie est soumise aux khalifes ;


on leur obit des dserts du Sina aux steppes du Turkestan, et del valle de Caschmir aux versants du Taurus.
Si l'Asie Mineure a chapp leurs lois, les provinces frontires (la Cilicie , la Cappadoce et I Pont) sont devenues
leurs tributaires. Aucune partie de l'empire des Perses
n'a pu se soustraire leur autorit. Bien plus ce que les
,

princes sassanides n'avaient jamais pu faire,

l'ont accompli avec une rapidit sans exemple leurs gnraux ont
conquis, au del du Gihon et de l'indus, la Bukharie, la Sogdiane, dont ils ont form une seule province, et le Mawarannahar. Du ct de la mer Caspienne, le Khowaresm leur
est soumis; au del du Sedjestan, le roi de Caboul paye tribut; enfin, dans la valle de l'indus, ils envoient firement
rclamer l'impt des principaux chefs du pays.
En 743, cet immense empire, plus grand que celui d'Alexandre, presque gal celui des Romains, avait pour capitale Damas, embellie de monuments magnifiques elle avait
vu s'lever, sous le rgne de Walid I er , cette mosque clbre mise au rang des merveilles du monde , et que Tamerils

lan devait dtruire sept sicles plus tard. C'tait


lution qui avait lev
la

Syrie

nouvelle
le

au rang o

Damas,

elle se trouvait alors.

allait l'en faire

une rvo-

autrefois simple chef-lieu

Une

dchoir et dplacer en

de

rvolution

mme

temps

centre de l'empire.
Ktat des partis; les Alles les Abtiasstdes.
;

Les Syriens, nous l'avons vu, s'taient, ds l'origine, dvous au triomphe de la famille d'Ommah qui par reconnaissance, aussi bien que par une sage politique, avaient
fix leur rsidence au milieu d'une population fidle, toujours prte les soutenir les armes la main. Mais la prminence de la Syrie n'avait pas t accepte sans murmure.
La Mecque et Mdine avaient montr en plusieurs circon,

stances une opposition violente. Dans l'Irak, qui s'tait


peupl, plus que toute autre province, de familles arabes
parties

du

dsert, on disait hautement

avaient usurp la souveraine puissance

que

les

Ommades

Bassorah et Koufah,

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LIVRE

IV,

CHAPITRE

I.

importantes, avaient t plusieurs fois


devenues des
le thtre de rbellions sanglantes, et les habitants de l'Asie
villes

orientale taient disposs embrasser comme elles la


cause des descendants d'Ali K Mais le malheur et la trahison semblaient s'attacher aux pas des Alides; leurs tentatives avaient t touffes dans des flots de sang, et, il faut
le dire, ils devaient, en grande partie, s'attribuer euxmmes le mauvais succs de leurs efforts. Cette famille
s'tait partage en plusieurs branches dont chacune r-

clamait pour

un de

ses

membres

le titre

de

khalife

ou

prtentions de l'une taient, aux yeux des autres, compltement illgitimes; lorsqu'un des Alides pre-

d'iman;
nait les

les

armes,

il

tait

soutenu par ses parents, ses

allis

nombre de musulmans, pour qui un descendant de Mahomet tait toujours un digne hritier du trne;
et

un

certain

mais on ne voyait pas la famille d'Ali tout entire se lever


comme un seul homme pour dfendre les droits du prtendant armer en sa faveur les bras des nombreux partisans
qu'elle comptait dans tous les pays soumis l'islamisme;
aussi on n'obtenait que des succs partiels, et, aprs quelques instants d'une existence brillante, on finissait par succomber devant des forces suprieures.
D'un autre ct, les descendants d'Ali s'levrent rarement la hauteur du rle qu'ils taient appels jouer.
Parmi ceux qui diffrentes poques revendiqurent le
titre de khalifes, il n'en est pas un qui ne se distingut par
ses qualits morales et quelquefois mme par son courage
personnel mais aucun d'eux n'eut en partage cette prudence cette nergie cette volont ferme qui matrise les
vnements, et ils ne firent jamais que retarder la catastrophe terrible qui ne pouvait manquer de terminer des entreprises mal conues et conduites avec plus d'entranement
que de sagesse*.
Les fils d'Abbas, plus adroits et plus heureux, prparrent
de trs-loin leur grandeur future; pour colorer d'une appa,

t.

2.

Voy. l'appendice. n8.


M. Quairemcre, Mmoires historiques sur ta dynastie de* khalifes albassides,

1837.

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LES DERNIERS OMMIADES, LES PREMIERS ABRASSIDES. 167


rence de justice leurs prtentions ambitieuses,

ils

avaient

suppos qu'Abou-Haschem-bdallah petit-fils d'Ali empoisonn par ordre du khalife Soliman leur avait dlgu,
avant de mourir, la dignit d'iman Abou-Haschem ne descendait pas de Fathime, la fille du prophte. Son pre,
Mohammed, surnomm Ebn-Hanefiah parce qu'il avait eu
pour mre une femme de la tribu de Hanef avait mrit
l'estime gnrale par ses vertus; mais il n'avait pu disputer
le rang d'iman au fils de Hosen, arrire-petit-fils de Mahomet; aussi, les vritables titres des Abbassides se fondrent
exclusivement sur l'intrigue et la force. Leur audace dter,

mina
de

la

plupart des Alides, qui dsiraient avant tout

la

ruine

maison d'Ommah se dclarer pour eux et l'Irak


tout entier se disposa prendre les armes.
Les Ommades ne pouvaient ignorer le danger de leur
position; dj ils avaient aboli l'usage d'excommunier la
mmoire d'Ali, et le pieux Omar II avait mme song se
choisir un successeur dans la famille du gendre de Mahomet.
la

Cette disposition avait caus sa perte ; aprs lui (720) la division n'avait pas cess de troubler la famille rgnante ; et

de Zid qui, en 740 , avait disput le sceptre


n'avaient servi qu' mettre plus en vidence le

les revers

Hescham

parti des Abbassides.

Derniers khalifes ommades; Aboul-Abba* triomphe


de Mervaii II.

Le successeur dsign d'Hescham, Walid II, se montra


ds son avnement , par ses murs et son caractre
si peu digne d'tre le chef d'une religion et d'un grand
empire que la ville de Damas mconnut son autorit
et proclama khalife un autre Ommade, Yzid II (743).
Walid essaya vainement de rentrer Damas; vaincu dans
un combat o il trouva la mort, il laissa d'autres le soin
de punir son parent et la ville rebelle ses partisans, rfugis mse, tentrent une seconde fois la fortune sans
plus de succs, et un autre parent d' Yzid ayant soulev la
Palestine, ne fut pas plus heureux. Un membre de leur
famille, dou d'un mrite incontestable et gouverneur de la
,

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LIVRE

168

IV,

CHAPITRE

I.

de Merwan I er jugeant que


mal
assise au moment mme o il
l'autorit d'Yzid
fallait la tte de l'Etat un homme ferme et nergique, crut
pouvoir aspirer la puissance suprme. Soutenu par les
habitants du Djezireh, dont il avait su se faire aimer, il
marcha sur Damas, recevant sur la route l'hommage des
villes qui, comme mse, ne s'taient soumises qu'avec
peine aux armes d'Yzid, et son arrive il ne trouva plus que
des adversaires en dsarroi. Yzid II venait de mourir (7 A4) ;
un de ses frres chercha inutilement continuer la lutte
Merwan resta matre du khalifat en 746. Les Abbassides ne
demeurrent pas inactifs au milieu de ces dissensions, qui

Msopotamie, Merwan,

petit-fils

tait

dtournaient tous les gouverneurs des soins de l'adminisUs mirent le temps profit pour organiser une
ligue redoutable, et rallirent autour d'eux les mcontents
de tous les partis. Des missaires adroits parcoururent le

tration.

Khorasan et cette province donna le signal de l'insurrection


en proclamant khalife Mohammed, arrire-petit-fils d'Abbas, et la mort de Mohammed, son fils Ibrahim. L'auteur
principal de cette rvolution tait le farouche AbouMoslem, qui s'tait lev d'une condition infime aux plus
hautes dignits, et qui avait t nomm gouverneur du
Khorasan; il fit arborer Mrou, sur son palais, le drapeau noir , emblme du parti des Abbassides (750) qui
,

Ommades,

avaient proscrit le blanc, couleur des

guerre

civile

et la

recommena.

Merwan, la premire nouvelle de ces vnements, s'tait


assur de la personne d'Ibrahim qui affectait le got de la
retraite. Pour effrayer ses ennemis par une rsolution violente, il ordonna la mort de l'bbasside ce fut un acte de
mauvaise politique le frre d'Ibrahim, Aboul-Abbas, en apprenant cette cruelle excution, se hta d'accourir Mrou
et se fit proclamer khalife, suivant les crmonies ordinaires.
Du palais du gouverneur il se rendit en grande pompe la
mosque, o il rcita tout haut la kotbah ou prire publique, et se mettant la tte de ses partisans, il se disposa
consacrer son usurpation par la victoire. Merwan s'avanait
dans le Khorasan avec une nombreuse arme. Il avait pour
;

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i

LES DERNIERS OMMIADES, LES PREMIERS ARBASSIDES. 469


lui la supriorit

du nombre

vint aux mains sur les bords

et des talents militaires.

On en

du Zab. Un accident imprvu

la perte des Ommades ; Merwan ayant quitt son cheau moment o son triomphe semblait assur, l'animal
effray se prcipita au milieu des combattants, qui crurent
que le khalife avait t tu le dsordre se mit aussitt dans

causa
val

rangs des Syriens et Merwan fut rduit fuir. Poursuivi


par l'mir Abdallah son vainqueur, il traversa rapidement
le Djezireh, la Palestine, et se croyait en sret sur les
les

frontires de l'gypte, lorsqu'il fut surpris et tu dans

une

Les meurtriers lui couprent la tte, qui,


porte Koufah, et expose, suivant la coutume orientale,
aux regards de la population apprit tous la chute dfinitive de la maison d'Ommah ( 752). Ceux qui s'taient
spars de Merwan et n'avaient pas su combattre pour
soutenir sa cause eurent bientt lieu de s'en repentir.
Aboul-Abbas se promettait de punir d'un seul coup et la
mort de son frre et les longues souffrances que sa famille
avait supportes; sa vengeance surpassa tout ce que la haine
peut inventer de plus terrible. Les Ommades et leurs adhrents furent poignards par milliers; il y eut en un seul
jour Damas quatre-vingt-dix de leurs chefs qui prirent victimes de leur crdulit on les avait invits un festin de
tout coup, au milieu de la fte, des solrconciliation
dats aposts vinrent se ranger derrire chacun d'eux

un signal donn ils dchargrent sur leur tte un coup de


massue et les renversrent. Puis sur les morts et les mourants on fit placer des planches qu'on recouvrit de riches
tapis, et tous les officiers de l'anne furent appels un
nouveau repas. Aboul-Abbas, qui mrita si bien le surnom
d'El-saffah (le sanguinaire), voulait exterminer tous les
Ommades
un d'eux chapp au massacre gnral
allait faire porter aux Arabes d'Orient la peine de tant
de crimes.
glise copte.

Aboul-Abbas premier khalife abbasIde;Almaiisor lui succde;


fondation de Bagdad.

La rvolution qui
tre regarde

avait lev les Abbassides

comme une raction

de

au khalifat peut

l'Asie orientale contre

10

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170

LIVRE

l'Asie occidentale

IV,

CHAPITRE

elle avait t faite

I.

par les habitants du

Khorasan et de l'Irak ce furent eux aussi qui en profitrent. Les khalifes cessrent de rsider en Syrie; ils allrent
s'tablir dans la Babyionie. Aboul-Abbas, qui ne rgna que
deux ans (752-754), fixa son sjour Anbar; Almanzor, son
frre et son successeur, chercha une rsidence plus convenable et plus imposante. Il arrta d'abord son choix sur
Koufah mais l'esprit del population, mieux dispose pour
les Fathimites que pour sa propre famille, lui dplut. Il
songea crer lui-mme une ville nouvelle qui lui ft toute
dvoue; et en 762 il fonda Bagdad, dont la renomme
clipsa bientt celle de toutes les cits de l'Orient. Bagdad
fut construite au bord du Tigre
prs de l'ancienne Sautour d'une colline que dominait le pavillon
leucie
des khalifes une enceinte en briques, dfendue par cent
:

soixante-trois tours, la protgeait contre les attaques

du

dehors 1 Des sommes immenses furent consacres ses em.

bellissements.

Le changement de

capitale fut accueilli avec satisfaction


Orientaux, qui voyaient se rapprocher d'eux
le sige du gouvernement. Il n'en fut pas de mme des pays
de l'extrmit occidentale du khalifat, l'Espagne et le Magreb,
qui se plaignaient dj de leur isolement et qui, ne se considrant en quelque sorte que comme des provinces tributaires de l'empire, n'attendaient qu'une occasion favorable
pour devenir indpendants.
Rien sans doute ne pouvait tre plus funeste la
grandeur de l'islamisme qu'une semblable scission, mais
elle tait tellement dans la force des choses qu'elle s'accomplit sans effusion de sang et comme par un accord

par tous

les

tacite.

Ds que l'Espagne apprit l'avnement des Abbassides et


chute des Ommades, elle se spara de la mre patrie ;
puis ayant su qu'un membre de la famille d'Ommah se
trouvait dans le Magreb, elle n'hsita pas le proclamer
khalife (755). L'Afrique, sans aller aussi loin, parut approula

I. Marigny, Histoire des Arabes sous


mdiocre, Gibbou, dj cit, etc.

le

gouvernement des khalifes, ouvrage

LES PREMIERS ABBASSIDES.

174

ver l'acte de son gouverneur Abderrahman-ben-Habid, qui


hsitait reconnatre la souverainet d'Almanzor. Les

peuples de cette contre avaient depuis longtemps compris


leurs intrts n'taient point les mmes que ceux des
peuples de l'Asie toutefois ils ne voulurent point se rallier
au khalifat de Cordoue, et se partagrent en plusieurs groupes distincts avec des chefs particuliers; les faibles liens
qui les rattachaient la dynastie des Abbassides disparurent
bientt compltement.
C'est pour cela qu'au point o nous en sommes arrivs, il
faut scinder l'histoire des Arabes en deux parties; nous
tudierons d'abord les rvolutions du khalifat d'Orient et les
vnements accomplis en gypte qui se lient intimement
ces rvolutions puis nous traiterons dans un livre spcial
des Arabes de l'Espagne et de l'Afrique proprement dite.

que

CHAPITRE

II.

GRANDEUR DES ABBASSIDES; TENTATIVES


DE CENTRALISATION.
752-846 (de

J.

C).

137-232 (de l'hgire).

LES ABBASSIGRANDEUR DES ABBASSIDES ; HAROUN AL-RASCHID ; ALMAMOUN.


DES SE PROCCUPENT EXCLUSIVEMENT DE LA CIVILISATION DE L'ORIENT.
GOUVERNEMENT; FINANCES.
TRAVAUX PUBLICS; ADMINISTRATION INTRIEURE.
LETTRES, SCIENCES ET ARTS.
AGRICULTURE; INDUSTRIE.
MAGNIFICENCE DES ABBASSIDES.
PREMIERS GERMES DE DCADENCE.

Grandeur des %l>balde*; Haroun-al-Rattchld Almnmoiin.


5

Le rgne des premiers Abbassides est l'poque de la plus


grande splendeur des Arabes d'Orient. Le temps des conqutes est pass; celui de la civilisation commence. AboulAbbas n'avait rgn que deux ans; son frre, Abou-Giafar
Almanzor, ouvre la srie de ces khalifes minents, dont le
nom, rest toujours populaire en Asie, l'est devenu galement dans nos pays par le recueil clbre des Mille et une

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172

LIVRE

IV,

CHAPITRE

II.

jeune encore, avec les chefs de


mrita le surnom de Victorieux; mais son
principal titre de gloire est d'avoir cr un systme
de gouvernement qui atteste la profondeur de ses vues.
Dans les riches provinces de son vaste empire, les gouverneurs disposaient de la force militaire et des finances; ils
appliquaient une partie du produit des impositions aux
besoins des localits, et n'envoyaient que le surplus aux khalifes. Almanzor, n'osant modifier un tat de choses si favorable aux administrs, rigea en principe d'oprer de frquents changements dans le personnel des dlgus de la
puissance souveraine et d'carter les familles distingues du
maniement des affaires; la plus dangereuse de ses maximes fut de se jouer de la foi donne et de perdre, sans
gard pour d'anciens services , tout homme dont la grandeur devenait suspecte Abdallah le destructeur des Ommades, bou-Moslem lui-mme, et plus tard, sous Harounal-Raschid , les Barmcides furent sacrifis une politique
ombrageuse et impitoyable.
Almanzor employa une partie de sa vie augmenter ses
Nuits.

II

avait combattu,

sa famille, et

il

il
amassa un trsor immense, que quelques
ont valu sept cent cinquante millions de
francs. Ce dfaut ne l'empcha pas de se montrer libral
l'gard des gens instruits; il donna lui-mme l'exemple
d'un amour clair des sciences et des lettres, et nous le
retrouverons lorsqu'il sera question de l'histoire de l'astronomie chez les Arabes.
On s'habitua , sous son rgne considrer le khalife
comme l'image de la Divinit sur la terre. Il exigea toujours de ses sujets le respect le plus profond, et il l'obtint. L'autorit absolue de ses successeurs ne rencontra
pas plus d'opposition; la gnration qui les entourait
tait faonne l'obissance. Le seul cueil qu'ils eussent viter, c'tait l'excs de leur propre despotisme.
Les premiers successeurs d'Aboul-Abbas qui, sous bien
des rapports, ont t, juste titre, compars aux Antonins et aux Mdicis ne font servir leur suprme puissance
qu' l'amlioration intellectuelle et au bien-tre des Arabes.

richesses;
historiens

GRANDEUR DES ABBASSIDES

(752-84*5).

173

Respects de leurs voisins, l'abri des troubles que le fanatisme a si souvent excits, ils cherchent par une administration active et librale, par des entreprises grandes et
utiles, mriter l'estime de tous. A ct de Bagdad, d'autres cits s'lvent; on construit des routes, des caravansrails, des marchs, des canaux, des fontaines on forme un
grand nombre d'tablissements d'instruction et de bienfaisance le gouvernement excite et protge l'tude des lettres,
Les rgnes
le commerce et tous les arts de la paix.
d'Almahadi et d'Alhadi (775-786), dont la magnificence a
t si vante, furent effacs par celui d'Haroun-al-Raschid
;

ou Haroun

le

Juste (786-809).

homme

clbre, en qui peut se personnifier le gnie


de la race arabe parvenue son plus haut dveloppement,
mrite une mention particulire dans l'histoire des vicaires de Mahomet. Dou des meilleures qualits, brave,
gnreux, magnanime, il eut souvent la force de rsister aux
entranements du despotisme pour n'couter que la voix de
la raison. Charg de gouverner, sans aucune espce de contrle, un empire immense dont les habitants excutaient
sans murmure les moindres dcisions de sa volont, il ne

Cet

du fardeau des affaires publiques, et


du bonheur de ses sujets le principal mobile de ses

fut pas cras

Ami

sut faire
actions.

sincre de la vertu, prt reconnatre ses torts, cher-

chant toujours s'assurer par lui-mme de la situation et


des vux de ses peuples, il ne ngligeait aucune occasion de

montra si diffrent de lui-mme en


ordonnant le meurtre des Barmcides, il faut croire qu'il fut
tromp par de faux rapports sur cette famille, qui lui avait
donn ses meilleurs ministres, Fadhl et le grand vizir Giaffar. Les Barmcides, d'origine persane, avaient brill pendant
prs d'un sicle auprs des khalifes, d'abord comme prcurseurs des Abbassides, ensuite comme promoteurs du mouvement littraire et scientifique des Arabes. Ce ft principalement leur instigation qu'Haroun-al-Raschid protgea
les arts, le commerce et l'industrie; il reconnut plus tard
leur innocence, et regretta sa cruelle dcision. Aussi chaHaroun accomplit scrupuleusement
ritable que religieux
faire le bien. S'il se

LIVRE

174

tous les devoirs d'un

IV,

CHAPITRE

musulman

II

sincre; ses qualits sup-

une profonde impression sur les Arabes, et


en Orient du plus vif clat Par un
singulier contraste, Amin
fils an d'Haroun
n'avait aucune des vertus paternelles. Ds les premires annes de
son rgne, il s'alina les esprits, tandis que son frre, Almamoun, montrait la plus grande sagesse dans le gouvernement du Khorasan.Levu unanime des musulmans porta ce
dernier au khalifat, et Amin, en 813, dut rsigner l'autorit.
rieures firent

sa gloire brille encore

Almamoun, surnomm l'Auguste des Arabes, surpassa les


esprances qu'il avait fait concevoir. Moins brillant qu'Haroun, il lui fut suprieur par les connaissances et la hauteur
de son gnie. Lu seule faute politique qu'on ait lui reprocher fut un acte de reconnaissance et de bont il donna
Thaher, en rcompense des services qu'il en avait reus,
le gouvernement hrditaire du Khorasan ; ce fut le premier dmembrement du khalifat d'Orient, non pas Que les
;

Thahrites dussent abuser de leur indpendance et mconque le chef de leur famille avait reus des
bbassides; mais un funeste exemple avait t donn, et l'on
natre les bienfaits

gouverneurs des provinces chercher se soustraire


insensiblement l'autorit de leur souverain lgitime.

vit les

Almamoun

considrait l'instruction

comme

le vrai salut

des peuples; il ne voulut pas que le progrs des lumires


dpendt de la munificence accidentelle du chef de l'tat,
et mit la dignit des lettres l'abri des vnements par des
dotations permanentes; de tous cts des coles furent ouvertes, et l'on vit, pour la premire fois peut-tre dans
l'histoire du monde, un gouvernement religieux et despotique s'allier la philosophie, prparer et partager ses triomphes. Pntr des ides d'une sage tolrance, et runissant
autour de lui des savants grecs, persans, coptes, chaldens,
il ne voulut pas admettre de distinction en matire de religion.

Il fut tabli

que chaque fois qu'il y aurait dix chefs de


ou mages, ils pourraient se consti-

famille, chrtiens, juifs

tuer en glise ; tous furent dclars susceptibles d'exercer

1.

L'Arabie de H. K. Desvergers, 1847, p. 681 et suiv.


,

GRANDEUR DES ABBASSiDES (752-8 46).

175

des fonctions publiques, et les prjugs qui repoussaient


les dissidents de la socit des fidles parurent un instant
s'effacer. Ils devaient renatre plus violents que jamais sous
le khalife

Motawakkel

Lui-mme ne

fut

troisime successeur d'Almamoun.

pas toujours

l'abri d'injustes

atta-

ques. Les thologiens de Bagdad avaient dj provoqu des


perscutions contre le zendikisme, qui, n dans le Khorasan, n'offrait en ralit qu'un

Almanzor

amalgame

d'ides

mages

et

de leurs crits pour rendre odieuse la mmoire d'Abou-Moslem et Alhadi avait


ordonn de sanglantes excutions contre les novateurs. Almamoun fut accus de zendikisme pour rduire ses adversaires au silence il aggrava les peines portes contre les
sparatistes, et fidle cependant ses principes de tolrance il vita soigneusement de les appliquer.
Les deux successeurs d'Almamoun Motassem (833-842)
etWathek (842-816), furent dignes du trne; le premier,
prince charitable et gnreux, eut le seul tort de former sa
garde particulire de jeunes Turcs qui devaient plus tard renouveler, auprs des khalifes, les excs des prtoriens de
Rome auprs des empereurs. Pour Wathek , son rgne ne
fut troubl que par des querelles de doctrines. La divergence des opinions religieuses tait grande, puisque Ton
a compt chez les Arabes jusqu' soixante-treize sectes
principales; ajoutez cela les cent treize sciences coraniques
et vous aurez une ide de la confusion o devaient tomber souvent les esprits. Wathek pour avoir
apprci avec les lumires de sa raison le dogme de
l'ternit du Coran, soutenu avec vhmence par le docteur
Ahmed-ben-Nassar, se vit au moment d'tre dtrn et
remplac par ce rude adversaire. Jug trs-svrement
par des historiens prvenus, il fut cependant un excellent
prince; protecteur des lettres qu'il cultivait lui-mme, il
encouragea l'industrie, et sous son gouvernement il n'y
eut pas de mendiants dans ses tats; brave et rempli de
bienveillance pour tous, il mourut avec la rsignation pieuse
d'un caractre ferme et clair.
Ce qui distingue surtout les rgnes des premiers Abbassiislamites.

s'tait servi

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476

LIVRE

IV,

CHAPITRE

II.

des, c'est l'absence complte d'expditions entreprises dans


des vues d'agrandissement. Ces princes soutinrent plusieurs
fois la guerre contre leurs voisins, mais sans songer de
nouvelles invasions. Ce fut surtout avec les Grecs que, durant cette poque, les Arabes d'Orient eurent des dmls.

La

ligne de frontires qui les sparaient tait

frquemment

de collisions sanglantes. Les Grecs regrettaient la


perte de leurs plus belles provinces, et d'un autre ct ils
taient fiers d'avoir oppos, Constantinople et dans l'Asie
Mineure, une heureuse rsistance l'islamisme. Leurs gnraux, souvent battus, cherchaient cependant une occasion de gloire au milieu d'hostilits partielles. Un succs
flattait tel point la vanit de ces Grecs dgnrs, que celui
qui l'avait obtenu tait presque sr de la couronne. Cette
guerre d'escarmouches se prolongea sous la plupart des
successeurs d'Aboul-Abbas.
Pendant le rgne d'Almanzor , les empereurs de Byzance
perdirent MJitne, ville trs-importante de la Cappadoce ;
ils eurent la douleur de voir toute la Cilicie ravage et une
de leurs armes vaincue sur les bords du Mlas, en Pamphylie. Le khalife Almahadi leur fit prouver de nouveaux
revers (775-785). Ils avaient cru d'abord un instant que la
l'ennemi s'tait prfortune allait favoriser leurs armes
sent devant Doryle, ville de Phrygie, et aprs une attaque
de plusieurs semaines, il avait t forc de se retirer (771).
L'anne suivante, il avait t chass de toutes les places
fortes qu'il occupait en Cilicie. Mais les Arabes, irrits de
ces dfaites successives, se prparrent prendre une revanche clatante. Ils organisrent une expdition sur une
plus grande chelle, entrrent dans l'Asie Mineure par la
Cappadoce, battirent toutes les troupes qu'Irne, tutrice de
Constantin Copronyme envoya contre eux
et parurent
devant les murs de Constantinople. Rduite aux abois,
l'impratrice aima mieux se soumettre un tribut que
d'exposer sa capitale aux horreurs d'un sige. Elle rendit
les villes de Cilicie et s'engagea payer annuellement
soixante mille dinars. C'tait Haroun-al-Raschid que son
pre Almahadi avait mis la tte de l'arme ; il rentra en
le thtre

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GRANDEUR DES ABBASSIDES

177

(752-846).

Syrie avec un butin considrable et tranant sa suite plus


six mille prisonniers.
Irne , en 792 se crut assez forte pour pouvoir rompre

de

le trait et se soustraire ses obligations

on
ne

se prpara aux hostilits.

Haroun

tait

des deux cts

devenu

khalife.

Il

se contenta pas d'envoyer des troupes dans l'Asie Mi-

neure, il fit quiper des vaisseaux pour ravager les les de


la Mditerrane. Irne paya cher ses vellits belliqueuses. D'abord la Phrygie, la Bithynie, la Lydie furent dvastes; puis la marine grecque fut entirement dtruite
dans le golfe de Satalieh. Les Arabes, matres de la mer, allrent ravager l'Archipel, qu'ils mirent feu et sang. En
prsence de ces revers, qui constataient si videmment son
impuissance, Irne se rsigna de nouveau payer le tribut;
elle stipula de plus un change de captifs. Cet change eut
lieu sur les bords d'un petit fleuve de Cilicie, et dans la suite
cet usage prvalut toutes les fois qu'une trve avait lieu entre
les parties belligrantes. Irne avait reu de trop dures
leons pour songer dsormais recommencer la lutte.
Nicphore son successeur, se fiant son courage, n'hsita

pas tenter de nouveau

la fortune. Il

sive orgueilleuse au khalife, qui lui

Au nom du Dieu clment

fit

adressa une mis-

cette courte rponse

Haroun-alRaschid, commandeur des croyants, Nicphore, chien de


Romain. J'ai lu ta lettre, fils d'une infidle tu n'entendras
pas ma rponse, tu la verras ; et il l'crivit en caractres
de feu dans les plaines de l'Asie Mineure. Non-seulement
Nicphore ne put se dgager du tribut impos, mais encore
il exposa ses provinces des invasions ritres qui leur enlevrent leurs dernires richesses. On ne peut toutefois
mconnatre ses grandes qualits, comme l'ont fait les
historiens grecs. Il y a quelque chose de noble et de touchant dans la conduite de cet empereur qui, toujours battu,
ne voulut jamais reconnatre son infriorit et qui rduit
plusieurs fois la dernire extrmit, ne dposa jamais les
armes. On Fa accus d'avarice et d'avidit les blessures
qu'il reut en s'exposant dans les combats le montrent sous
un jour plus avantageux ses efforts, du reste, furent inuet misricordieux,

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LIVRE

478

CHAPITRE

IV,

II.

tiles;

Haroun demeura constamment vainqueur. Le Pont

fut dvast

et la ville d'Hracle assige

prise et rduite

en cendres. Les ctes de la Pamphylie, de la Mysie de la


Lydie furent saccages; l'le de Rhodes et pass tout entire sous la domination musulmane, sans la vigoureuse rsistance de la capitale. Ces guerres prouvent d'ailleurs que
si les Arabes n'avaient pas encore perdu leur science militaire, ils taient loin de ces temps d'hrosme o le moindre
revers excitait l'ardeur enthousiaste de la nation tout entire; les gnraux d'Omar ne se seraient arrts qu' Con,

stantinople.

En
texte.

829, la guerre recommena sous un singulier prAlmamoun qui aimait avec passion les mathmati,

ques, ayant appris qu'il existait Constantinople un savant


nomm Lon auquel nul ne pouvait tre compar dsira
le voir Bagdad. L'empereur, refusa de laisser partir Lon.
,

C'en fut assez pour dterminer le khalife reprendre les


armes il ne poussa point, il est vrai, la guerre avec activit. Quelques avantages obtenus par les Grecs enflrent le
cur de Thophile; il crut le moment venu de ressaisir
tout ce qui avait t enlev Constantinople au del des
anciennes limites, et il prit l'offensive (833). Motassem veil tait capable de repousser
nait de monter sur le trne
vigoureusement son ennemi. Les succs furent longtemps
balancs; l'empereur s'tant empar, en 836, de Sozopetra
ville natale du khalife, la traita, malgr les reprsentations
de ce prince, avec la plus grande rigueur; il dtruisit tous
les monuments, passa les habitants au fil de l'pe et rduisit les femmes et les enfants en esclavage. Motassem jura
de tirer de cet acte de barbarie une vengeante clatante. A
la tte d'une nombreuse arme, il marcha contre Amorion,
l'emporta d'assaut et lui fit subir le
patrie de Thophile
mme sort que Sozopetra (840). Pendant deux ans encore,
il resta sous les armes sans vouloir couter aucune propoil entrait chaque anne sur les terres de
sition de paix
l'empire, mettait contribution les villes ouvertes (840-842)
et revenait charg de butin. Wathek, son successeur, se
montra moins acharn; mais ce furent les Grecs qui voulu;

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GRANDEUR DES ABBSSIDES


rent alors continuer
Basile, ils furent plus

179

(752-846).

Commands par l'empereur


heureux, et recouvrrent en Cilicie

la lutte.

toutes les places qu'Haroun leur avait enleves (842-846).

Les Arabes eurent encore, pendant cette priode, repousser les incursions des Turcs khozars. Ce peuple envahit l'Armnie pendant le khalifat d'Haroun-ai-Raschid , et
enleva prs de cent mille captifs (787). Les Arabes se contentrent de fermer l'ennemi les dfils du Caucase
proccupent exel u Hivernent
de la clvllhiatlon de l'Orient.

lies Abbaflfildefi se

Les Abbassides ne

firent point voir

une

sollicitude trs-

vive pour leurs provinces occidentales; c'est peine

s'ils

cherchrent rattacher l'Espagne leur empire, et ils abandonnrent l'Afrique elle-mme; bien plus, ils contriburent eux-mmes l'lvation de la famille des Aglabites
en la dliant de toute obissance leur gard sous la seule
restriction de reconnatre leur souverainet, comme s'ils
taient las d'exercer leur autorit temporelle dans cette
}

partie

du monde,

et qu'il leur sufft

de savoir leur

nom

r-

pt dans les mosques. lnrahim-ben-Aglab , accepta ces


conditions d'Haroun-al-Raschid il s'empara du gouverne;

ment de

tout le Magreb, et l'investiture qu'il avait reue lui

donner sa dynastie une sorte de conscration reliempcher qu'un


reprsentant de la famille des Alides ne dtacht dfinitivement du khalifat de Bagdad la Mauritanie occidentale, o

servit

gieuse. Toutefois ses successeurs ne purent

les drissites s'tablirent.

Les Abbassides espraient peut-tre que les divisions,


qui ne pouvaient manquer de s'lever en Espagne , ramneraient la pninsule sous leur domination; ce qui expliquerait leur politique d'expectative et leurs ngociations
avec les rois francs. On connat les relation^ d'Haroun al-

Raschid avec Charlemagne, les ambassades qu'ils s'envoyrent, les prsents qu'ils changrent. Cependant les
Abbassides ne firent aucun armement contre les khalifes de
Cordoue, et eurent mme souffrir des entreprises des
I.

Lebcau, Histoire du Bas-Empire, donne les rcits des crivains grecs.

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LIVRE

180

IV,

CHAPITRE

II

Maures de la pninsule. Une escadre, monte par des pirates


andalous, vint piller, en 820 les ctes d'gypte. Les assaillants entrrent dans la ville d'Alexandrie, qu'ils mirent
feu et sang. lmamoun ne tira aucune vengeance de cette
attaque il ne songea mme pas occuper l'le de Crte
(Candie), que ces pirates avaient conquise sur les Grecs,
;

aprs avoir brl leurs vaisseaux pour s'imposer


de vaincre ou de mourir.

la ncessit

En

renonant aux entreprises guerrires, les khalifes abque cder l'esprit de leur temps ; les
Arabes de l'Orient commenaient comprendre les bienfaits
de la civilisation et les matres de Bagdad rpondirent aux
vux de leurs peuples en leur donnant un systme d'administration rgulier, en tablissant une justice svre, en rpandant partout l'instruction, en favorisant par le commerce
l'union plus intime des diffrentes provinces de l'empire
bassides ne faisaient

musulman.
Gouvernement; finance*.

On

avait d'abord

une chancellerie

institu

une chambre des finances

et

premire devait acquitter toutes


les dpenses des khalifes, et recevoir leurs revenus; la seconde, imprimer un caractre d'authenticit aux ordres qui
manaient de leur volont; elles avaient fonctionn quelque
d'tat

la

temps toutes seules puis, leur insuffisance s'tant fait senon avait remplac la chambre des finances par quatre
diwans dont l'un tait charg spcialement de la solde
des troupes; le second de la perception des impts; le troisime de la nomination des fonctionnaires subalternes et
dont le quatrime enfin contrlait la comptabilit.
:

tir,

cette organisation

ils

s'taient contents d'ajouter la

cration de la charge d'hadjed

qui
, espce de chambellan ,
pour mission d'introduire les ambassadeurs, et d'un
grand juge, qui les dbarrassa du soin de dcider dans les
affaires importantes, en cas d'appel, du jugement des cadis.
Les Abbassides, ds leur arrive au pouvoir, rsolurent de
donner puis d'unit et de force l'administration. Comme
le poids es affaires tait rellement trop lourd pour
avait

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GRANDEUR DES ABBASSIDES (752-846).

181

appelrent auprs d'eux un vizir (porqu'ils voulussent abdiquer entre


ses mains toute l'autorit; mais afin que celui-ci, espce
de premier ministre, prpart leurs dcisions par un travail
prliminaire. Ils fixrent ensuite, d'une manire rgulire,
les contributions que les diffrentes provinces devaient

une seule

tte,

ils

teur de fardeaux),

non pas

payer, de sorte qu'ils savaient d'avance de quelles ressources ils pouvaient disposer. Le total des revenus d'Haroun-al-Raschid , sans compter les prestations en nature, s'leva , en une anne, deux cent soixante-douze
millions trois cent cinq mille huit cents dirhems (pices

quatre millions quatre cent vingt mille


). C'est sur le Coran que les khalifes
s'appuyaient pour exiger l'impt. Un verset du chapitre ix
leur ordonnait d'exiger le djzich de tous les infidles qui
rsidaient sur le territoire musulman; le montant de cette
capitation fut fix un taux diffrent
suivant la fortune
des individus; le riche devait payer quarante-huit dirhems;
celui qui n'tait qu'ais, vingt-quatre le pauvre, douze seulement. Il y avait, en outre, une contribution foncire, diversement appele suivant qu'elle s'appliquait aux juifs et
d'argent

dinars

et

pices d'or 1

ou aux musulmans pour la premire catgorie, c'tait le kharadj; pour la seconde, la dime. Le kharadj, comme la capitation, eut un maximum qu'on ne pouvait pas dpasser; quant la dime, elle s'appliquait trois
1 les terres vagues, que les musulsortes de biens fonds
aux chrtiens

mans

avaient mises en culture; 2 les terres dont les pos-

sesseurs taient convertis l'islamisme


contraints par la force des
infidles
les

et

possdes

armes

titre

sans y avoir t

3 les terres prises sur les

de butin. On voit par-l que

biens antrieurs la conqute taient exempts de tout

impt. En prsence de ces catgories, on comprend aussi


combien, dans l'empire arabe, il y avait de voies ouvertes l'exaction des gouverneurs, et l'extrme ncessit
d'un pouvoir vigilant pour empcher les abus et les confusions. En dehors de la capitation, du kharadj et de la dime,

i.

Vovet l'appendice, N

8.

11

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LIVRE

IV,

CHAHTHK

II.

les khalifes avaient encore d'autres sources de revenus dans

les droits

de douane, l'exploitation des mines,

location

la

des terres vagues, l'appropriation des biens de ceux qui


mouraient sans hritiers, etc.

Travaux publie*; administration intrieure.

Le bon tat des finances permit aux Abbassides d'entreprendre de grands travaux. C'est ainsi qu'lmahadi fit
construire des caravansrails, creuser des citernes dans le
long trajet de Bagdad h la Mecque afin que les plerins et
les caravanes trouvassent un abri dans les mauvais temps et
des secours contre les souffrances de la soif, qu'il pera une
route entre la Mecqu et Mdine, qu'il tablit enfin entre
l'Hedjaz et l'Ymen des relais de chevaux et de chameaux,
pour faciliter les communications entre ces deux importantes provinces. Dj, depuis Moawiah, un service de
courriers reliait les chef-lieux des diffrents gouvernements

de l'empire arabe.

Ce

n'est pas tout les Abbassides institurent en divers


un grand nombre de fondations pieuses, en faveur de
mosques et d'coles qui grce ces biens de main-morte
:

lieux

subsistrent sans peine au milieu des rvolutions politiques.

runirent Bagdad les archives du khalifat, afin qu'on


pt consulter les ordonnances de leurs prdcesseurs, crrent dans cette mme ville une excellente police, dont la
mission n'tait pas seulement de protger les personnes,
mais aussi d'assurer le respect des proprits, et organisrent
un guet nocturne pour empcher les attaques main arme. Les marchands eux-mmes durent se constituer en
syndicats responsables, chargs de surveiller les transactions
et de rprimer les fraudes en matire de commerce. Ce fut
Almahadi qui cra la charge si utile de mohtesib, espce d'intendant des marchs qui se trouve confie toute la police
municipale. Le mohtesib parcourt de temps en temps la ville
la tte d'un certain nombre de soldats, s'assure de l'excution des ordonnances de police, et vrifie les poids et mesures
dont les marchands font usage; sa justice est sommaire:
il fait immdiatement chtier les coupables par ses soldats.
Ils

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tiKANDEUK DES ABBASS1DES (752-846


Les Bdouins,

depuis

que

les

18U

expditions guerrires

avaient cess, recommenaient dj dans leurs dserts

une

de dprdations. Le miradje eut pour


mission spciale de protger les plerins et les caravanes
qui se rendaient la Mecque.
vie

de pillage

C'est ainsi

surer

la

et

que

les khalifes

abbassides

s' efforcrent

d'as-

prosprit de leur empire; prfrant les travaux de

la paix la gloire des armes , ils imprimrent une vive impulsion l'activit des esprits. Les Arabes atteignirent rapi-

dement un haut degr de


dre avec cette

civilisation

on

les vit

entrepren-

mme ardeur qui avait caractris leurs succs

de surpasser les Grecs dans le commerce, l'indans les arts et mme dans les lettres et les sciences,
o les habitants de Constantinople croyaient au milieu de
leur dcadence tre rests sans rivaux.
militaires,

dustrie,

Agriculture; Industrie.

en honneur; une culture hades fruits de la


Perse, des fleurs du Mazanderan. Les vins de Schiraz
d'Yezd et d'Ispahan se rpandirent dans toute l'Asie et devinrent l'objet d'un commerce trs-suivi
on exploita les
mines de fer du Khorasan, les mines de plomb du Kerman
de belles toffes furent ds cette poque fabriques dans les
villes de l'Irak et de la Syrie, Mossoul, Alep, Damas;
le bitume, le naphte, la terre porcelaine, les marbres de
Tauris, les dpts de sel gemme, le soufre furent exploits avec intelligence; les arts mcaniques firent de remarquables progrs. On sait qu'Haroun- al- Raschid envoya
Charlemagne une horloge dont la perfection tonna les seigneurs de la cour, parmi lesquels il ne se trouva personne
capable d'en comprendre et d'en expliquer les ressorts.
L'agriculture fut surtout

bile

accrut le mrite et la rputation

Lettre, silence et art.

commerce ne marchrent point seuls en


avant ; on s'occupa aussi activement des arts, des lettres
et des sciences. L'architecture et la musique furent cultives avec zle; la peinture et la sculpture taient arrtes
L'industrie et le

LIVRE IV, CHAPITRE

II.

dans leur essor par le Coran qui interdit la reprsentation


soit des figures humaines, soit des images de la divinit
mais elles reurent d'autres applications. Un nombre considrable de monuments magnifiques s'levrent dans les principales villes, Bagdad, Bassorah, Mossoul, Racca dans
la Msopotamie, Samarcande dans le Mawarannahar. Quant
aux tudes littraires, la passion avec laquelle les Arabes s'y
adonnrent dpasse mme celle que manifesta l'Europe
l'poque de la renaissance. Les meilleurs crits de la langue grecque apports de Constantinople furent immdiate;

ment traduits une cole d'interprtes s'ouvrit Bagdad


sous la direction d'un mdecin nestorien; un revenu de
quinze mille dinars fut affect un collge o six mille lves
de toute condition puisrent une instruction gratuite des
bibliothques furent fondes, l'accs en fut ouvert tout le
monde, et ces tablissements furent agrandis de sicle en
;

sicle par des princes

dont quelques-uns, l'exemple d'Alaux cours publics des professeurs; la


langue arabe se propagea dans toutes les parties de l'Asie, et
dtrna dfinitivement les idiomes anciens; elle se plia aux
exigences d'une nomenclature nouvelle; les mathmatiques
brillrent d'un clat sans gal; l'astronomie s'enrichit de
dcouvertes importantes; on construisit des observatoires
munis d'instruments dont la grandeur tonne l'imagination.
Il y eut des hpitaux pour l'instruction des mdecins qui

mamoun,

assistaient

avant d'exercer leur profession devaient subir plusieurs


examens; il y eut galement des laboratoires pour les pharmaciens, qui dcouvrirent de nouvelles plantes mdicinales

remdes inconnus jusque-l.


Les Arabes enfin crrent la chimie, et s'ils tombrent
dans de grandes erreurs en accordant trop de confiance aux
donnes astrologiques et aux problmes de l'alchimie, ces
erreurs mmes contriburent indirectement au progrs des
et des

Nous ne nous tendrons pas sur ce


nous rservant de tracer sparment un tableau plus
complet des travaux des Arabes; rappelons seulement que

sciences d'observation.
sujet,

Abbassides, auteurs de ce mouvement intellectuel si


merveilleux virent l'cole de Bagdad briller du plus vif

les

GRANDEUR DES ABBASSIDES (7S-846>

18S

pendant prs de deux cents ans, plus fortuns que


Charlemagne, qui voulut tirer ses peuples de la barbarie
en s'appuyant sur les plus savants hommes de l'Occident
mais dont l'uvre prit avec lui.
clat

Magnificence ^cm Abbaflulde.


Si le sicle littraire des

Abbassides forme un heureux

contraste avec l'ignorance profonde de l'Europe au

moyen

ge, le luxe et la magnificence qu'ils dployrent ne pr-

sentent pas un spectacle moins curieux; seuls dpositaires

des richesses de tant de provinces, sans armes permanenils avaient la libre disposition des normes revenus
dont on vient d'indiquer la source. Ce furent souvent des
profusions sans rgle des dons prodigieux l'or et les perles
rpandus pleine main dans les palais, dans les jardins,
dans les mosques. lmahadi, pendant un seul plerinage
la Mecque, dpensa six millions de dinars. Zobide, la
femme d'Haroun ne se servait jamais que de vases d'or rehausss de pierres prcieuses et d'totts tissues avec des
fils d'argent
elle portait des vtements de soie doubls
d'hermine, et ses pantoufles taient brodes de perles fines.
Elle fit btir la Mecque un aqueduc afin de conduire

tes,

des montagnes voisines, et pour ce seul


dpens un million sept cent mille dinars.
Almamoun en distribua un jour ses courtisans quatre
cent mille
et organisa en mme temps une loterie o le

dans

objet

la ville l'eau
il

fut

nombre des
tait

lots

correspondait celui des invits qui

mon-

plus de deux cents, et o chaque lot rapportait

une

avec tout un personnel d'esclaves. Il


comptait, dit-on, dans son palais trente-huit mille pices
de tapisserie dont douze mille cinq cents broches en or, et
vingt-deux mille tapis de pied; la rception d'un ambassadeur grec, il fit lever dans la salle d'audience un arbre
terre considrable

d'or massif couvert de perles en guise de fruits. Sa maison


se composait de sept mille

eunuques dont

trois mille noirs;

sept cents gardes taient distribus dans les appartements,

du palais. Les
de Bagdad dans la

et des soldats d'lite dfendaient les abords

curies que Motassem

fit

btir

non

loin

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LIVRE

186
ville

IV,

CHAPITRE

II.

de Samara, auraient pu contenir, au rapport des his-

toriens arabes, jusqu' cent mille chevaux; et lorsque le


khalife fonda cette ville,

il

avait fait exhausser le terrain

compte des dpenses


immenses de cette uvre gigantesque.
Charlemagne avait entendu parler de la puissance des
souverains qui rsidaient Bagdad. Il voulut entrer en communication avec les khalifes
un juif et deux dputs
destin aux constructions, sans tenir

francs se rendirent par ses ordres dans l'Irak, et portrent

des prsents au

commandeur des

croyants;

le

prtexte

de cette ambassade tait de rclamer la protection du vicaire de Mahomet pour les chrtiens qui allaient Jrusalem. Haroun, qui redoutait une alliance entre le roi franc
et les Ommades d'Espagne, rpondit avec bienveillance
cette demande, et pour ne pas demeurer en reste de libralits, adressa Charlemagne des toffes prcieuses, des parfums, des bois aromatiques, un lphant, une vaste tente
dispose la manire arabe, et enfin, comme cela a dj
t dit, une horloge mcanique.
Premier** geriue de dcadence.

grandeur des bbassides avait fait impression sur


du matre de l'Occident, plus forte raison devaitagir sur les Chinois, les Hindous et les Tartares. Partout

Si la

l'esprit

elle

les khalifes taient

opulents de

considrs

comme

les

princes les plus

sur leur puissance relle. On croyait que la centralisation avait uni les
diverses provinces de leur immense empire, et qu'un long
avenir lui tait assur; cependant, pour un il attentif,
les germes d'une prochaine dcadence apparaissaient de
la terre, et l'on se faisait illusion

toutes parts.

Dans l'ordre matriel, le droit absolu du souverain sur


proprits de ses sujets devait dtruire les penses d'mulation et de progrs; les peuples n'ayant aucune garantie
pour la conservation des fruits de leur travail, ne pouvaient
que s'teindre au milieu de la mollesse et du dcouragement. Sous les premiers khalifes, ils n'eurent point sans
doute redouter la spoliation; mais lorsque les Turcs, race

les

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(GRANDEUR DES ABBASSIUES (752-846).

187

empars des avenues du


du Coran, confirme par les dcisions des
jurisconsultes, qui rapportait tout un seul individu reprsentant Dieu sur la terre, ne pouvait manquer de produire
inintelligente et brutale, se furent

pouvoir,

la loi

les plus funestes effets.

l'ordre moral, le mme vice se faisait sentir; les esenchans la lettre du livre de Mahomet, mais attirs
par les lumires de la science, avaient besoin d'tre affranchis du joug de principes trop absolus. 11 fallait qu'on reconnt la ncessit de modifier selon les temps et selon les

Dans

prits,

des institutions faites primitivement pour de certains


et pour un certain but; il fallait, en un mot, fonder la socit sur une base nouvelle; ce fut une des tentatives d'Almamoun, auquel se joignirent ses deux succeslieux

hommes

seurs Motassemet Watek; toutefois leurs efforts chourent


contre l'aveugle obstination des docteurs de la foi musul-

mane. Le

fils

d'Haroun-al-Raschid protgeait

la

secte des

Motazlitcs, dont les doctrines se rsument par les propo1 on ne peut sparer les attributs de Dieu
sitions suivantes
de son essence; 2 le Coran a t cr et n'est point temel
3 la foi ne se perd point; cependant on ne peut donner le
nom de fidle celui qui pche grossirement 4 Dieu n'a
qu'une influence gnrale sur les actions des hommes; il
leur laisse une entire libert, et c'est par l qu'ils mritent
d'tre rcompenss ou punis. Ces principes taient approu:

vs par les khalifes; le fanatisme les fit rejeter; les jurisconsultes de Bagdad triomphrent d'Almamoun, de Motas-

sem et de Watek et ce triomphe fut la premire cause de la


chute de l'empire. En maintenant que le Coran tait incr, et qu'il n'tait point permis d'y rien changer on laissa
l'autorit suprme, contre l'avis de ceux-l mme qui en
taient revtus, toutes les prrogatives d'un despotisme sans
frein. La socit continua de se concentrer tout entire entre les mains d'un seul auquel chacun dut le sacrifice de ses
Si les princes abbaspenses, de sa fortune et de sa vie
sides avaient toujours t des hommes d'une vertu prouve,
1

I.

OElaner, dj cit: Hamnier Pnrgstall, Galerie biographique des souverains


etc.; en ail., Leipzig. 1837.

mahomtavs,

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LIVRE

188

IV,

CHAPITRE

1.

d'un talent suprieur, sans aucun doute ils n'auraient fait


usage de leur puissance absolue que pour le bien de leurs
peuples, et ils eussent ramen l'ge d'or des Antonins; malheureusement on ne voit plus sur le trne, dans la seconde
moiti du ix e sicle, que des esclaves couronns. Le mpris qu'ils inspirent dtruit tous les ressorts du gouvernement; l'anarchie est au comble, et les partis, un instant
comprims, reprennent les armes et rpandent partout le
dsordre et l'effroi.
Les lides avaient plusieurs fois fait revivre leurs prtentions sous Alhadi, en 785, sous flaroun, en 792, et mme
sous Almamoun. Ce dernier, pour mettre fin des divisions
qu'il dplorait, avait mme un instant song remettre sa
couronne entre les mains des Alides, reconnaissant ainsi la
lgitimit de leurs droits; c'tait renouveler les projets de
;

l'Ommade Omar II, et susciter les mmes protestations;


une rvolte clata immdiatement Bagdad. Les membres
de la maison d'Abbas et leurs partisans, au nombre de trentetrois mille, forcrent Almamoun de renoncer l'ide de
dpossder sa propre famille. Quoique sans rsultat, cette
disposition du khalife devait cependant inspirer aux Alides
une nouvelle confiance dans leur fortune; au lieu de se
soumettre sans murmure la domination des Abbassides,
ils ne ngligrent rien pour profiter des divisions que l'absence d'une loi de succession rendait invitables *.
L'empire arabe, sous Haroun et Almamoun, avait atteint
en Orient le plus haut degr de splendeur. Nous allons assister maintenant sa dissolution.
1. C'est ainsi qu'Abdallah, oncle d'Almanzor, avait voulu s'emparor de la couronne d'Abonl-Abbas ; qu'Almahadi avait dsigne pi-ur son hritier Haroun, son second lils. au prjudice de l'an Alhadi; et qu'Alhadi ne put faire prvaloir les
droits de son propre fils centre Haroun, son Irre. A la mort de celui-ci, Arain et
AlniHnmun se dputrent le pouvoir et l'on comprend pourquoi ce dernier avait
conu l'ide demeure fin tous ces tiraillements en rendant le trne aux descendants lgitimes de Mahomet.

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CHAPITRE

III.

UACTIOX DES NATIONALITS COXTUE LE POUVOIR CENTRAL; DCADENCE DE L'AUTORITE TEMPORELLE DES KHALIFES; ETABLISSEMENT DES FATH1MITES EN EGYPTE; DERNIERS ARBASSIDES.
846-1055 (re chrtienne).

Q32-447 (re musulmane).

TROUBLES CIVILS; MOTAYVAKKEL ET SES SUCCESSEURS NE PEUVENT RPRIMER


LES EXCS DE LA MILICE TURQUE.
DES DYNASTIES INDPENDANTES S* LVENT DANS L'ASIE ORIENTALE; LES THAHRITES , LES SOFFARIDES LES
NOUVEAUX SOULVEMENTS DANS L'ASIE OCCIDENTALE ET
SAMAMDES, ETC.
LES THOULONIDES.
SUCCS PHMRES
EN EGYPTE LES ZENGHIENS
DES KHALIFES A LA FIN DU IX e SICLE ET AU COMMENCEMENT DU X e
LES ABBASSIDES SONT RDUITS A LA SUPRMATIE SPIRITUELLE; CRATION
DES MIRS-AL-OMRAH PUISSANCE DES BOUIDES.
NOUVELLES SECTES RELIGIEUSES ; LEURS DOCTRINES ANTI-SOCIALES; LES ZENDIENS, ISMALIENS,
KARMATHES, ETC.
LES AUDES RENOUVELLENT LEURS PRTENTIONS; LES
FATHIMITES FONDENT LE KHALIFAT DU CAIHE ET ENCOURAGENT LES SCIENCES HAKEM ET L*S DHUZES.
LES BOUIDES PROTECTEURS DES LETTRES;
FORMATION DE L'EMPIRE DES GHAZNVIDES.
LES TURCS SELDJOUKIDES
RENVERSENT LES GHAZNVIDES ET S'AVANCENT JUSQU'A BAGDAD; PROGRS
DES GRECS EN SYRIE.

Trouble m

H vils Hotawnkkcl
:

rprimer

le

et me ueeeineur ne peu veut


exe de la milice turque.

du rgne de Watek (846) le khalifat est livr


Bagdad ne fait chaque instant que changer de matre, et tombe le plus souvent sous le joug de despotes cruels ou incapables.
Motaivakkel, le Nron des Arabes, ouvre cette nouvelle
partir

l'anarchie.

priode, ses vengeances et sa cruaut dpassrent toute


ide pour punir un vizir qui l'avait offens, il le fit brler
vif dans un fourneau garni de pointes de fer; il laissait circuler librement dans son palais des bles froces et veni;

meuses, dont

les courtisans

ne devaient

ni fuir ni

repous-

ser les atteintes. Craignant sans cesse qu'une conjuration ne


se tramt contre lui il invita un festin tous les officiers
de sa cour, les fit entourer par ses sicaires et ordonna un
massacre gnral auquel il prit part lui-mme. L'horreur
qu'inspiraient ses forfaits arma la main parricide de son
,

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UYHK

190

IV,

CHAPITRE

III.

Mostanser qui ne jouit pas longtemps de son crime il


inourut de douleur et de remords l'anne mme de son
avnement (861). On choisit pour lui succder un petit-fils
de Motassem nomm Mostain, au dtriment de ses quatre
frres dont deux Motaz et Molamed parvinrent plus tard
au khalifat. Mostain occupa le trne un peu plus de trois ans
(862-866), et fut remplac par Motaz qu'une faction proclama
fils

khalife (866).

Une autre

faction le dposa en 869, et ce fut

un fils de Watek Mothadi qui monta sur le trne (869-870).


Ce prince conut des projets de rforme qui devinrent son
arrt de mort
il
fut massacr dans son propre palais.
Aprs lui Molamed rgna vingt-deux ans (870-892), grce
au dvouement et au mrite de Mowaffek, son frre, devant
lequel se brisrent toutes les tentatives de rvolte. Ces bou,

leversements perptuels taient causs par la milice turque


dont Motassem avait fait sa garde particulire. Ces esclaves
enrgiments et fixs Bagdad auprs de la personne du souverain s'taient ds l'origine ports de tels excs que Motassem avait t oblig d'abandonner sa capitale et de se
retirer dans la petite ville de Samara; leur nombre et leur
influence n'avaient fait que crotre sous le rgne de Watek
sa mort, ils taient dj une puissance dans l'tat et il
leur avait suffi de demander Motawakkel pour dcider son
:

lvation

Ces Turcs pour la plupart avaient t faits prisonniers


dans les guerres que les gouverneurs du Mawarannahar et
du Khowaresm soutenaient sur les bords du Gihon. Presses du ct de l'Orient par les Chinois, dcimes par leurs
dissensions intestines, les hordes turques venaient se prcipiter sur les frontires de l'empire arabe, et toujours vaincues jusqu'alors, laissaient entre les mains de leurs ennemis
un grand nombre d'esclaves que les gnraux pour plaire
aux^halifes envoyaient Bagdad.
On sait combien sont dangereuses ces milices organises
dont le monarque veut faire l'instrument de sa toute-puissance et dont il devient lui-mme la premire victime.
Les Turcs commands par des chefs pris dans leurs rangs
ne recevaient d'ordre que des khalifes. Sparant leurs int,

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MKMEMBHEMEXT DU

K H AU FAT DE BAGDAD.

Jl

de ceux des Arabes, ils firent rsider leurs droits dans


pour se venger de quelques largesses que
Motawakkel leur avait refuses ils furent les complices du
crime de Mostanser ils forcrent ensuite ce prince d'exclure ses frres du trne et de dsigner Mostain comme
son successeur. Ils se partagrent plus tard entre Mostain et
Motaz, qui avait pour lui les Arabes et qui ne sut pas dtruire cette redoutable milice quand l'occasion lui en tait
offerte. Un retard dans le payement de la solde suffit pour
exciter une meute, et rduire le khalife signer son abdication. Mothadi eut un plus triste sort, pour avoir voulu
soumettre les Turcs une discipline svre; et Mowaffeo
ne russit dtourner leurs esprits des intrigues de palais
qu'en appliquant leur activit des entreprises lointaines.
rets

la

force brutale

ne* dynasties Indpendante* s'lvent dan* l\%sle orientale


les Thahrltes, les Boffarldes, les gamanldes, etc.

Les troubles qui avaient tenu, pendant un demi-sicle, le


en dehors de Bagdad et dans
tout l'empire, les plus graves consquences. D'une part, les
gouverneurs, restant seuls dpositaires du pouvoir durant
les interrgnes, aspiraient l'indpendance, et marchandaient ensuite leur soumission au nouveau souverain. De
l'autre, les provinces cessaient de respecter l'autorit centrale; elles regrettaient les richesses que les impts leur
enlevaient et qui allaient alimenter les dsordres de la capitale. Elles tendaient recouvrer leur ancienne nationalit
et encourageaient les prtentions ambitieuses de leurs gouverneurs qui , se transformant en grands feudataires des
khalifes rduisirent dsormais ceux-ci une suprmatie
purement nominale.
L'histoire des dynasties qui apparurent dans l'empire
arabe, de 814 1055, ressemble celle des familles puissantes qui, en France, ont occup les duchs de Normandie, de Bourgogne ou de Guyenne; seulement le rgime
fodal, en Orient, s'arrte au sommet, et loin de s'attacher les populations, en les enlaant fortement, les opprime, les irrite, et bientt les poussera au-devant des
khalifat chancelant, eurent,

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LIVRE IV, CHAPITRE

192

III.

conqurants trangers qu'elles considreront

comme

des

librateurs.

Le dmembrement de l'Espagne et de l'Afrique avait


port un premier coup l'unit des tats musulmans; les
khalifes abbassides, pour ne point perdre entirement le

Magreb, en avaient donn l'investiture aux Aglabites, sans


comprendre que c'tait de leur part une abdication dfinitive; en Asie, ce travail de dcomposition avait t plus
lent. Almamoun avait commis la faute, dans un moment de
reconnaissance, de donner son gnral Thaher le Khorasan en toute souverainet (814). Thaher sut si bien disposer
les esprits en sa faveur, que son nom seul fut bientt prononc dans les prires publiques Ses fils lui succdrent
sans aucune difficult; ils se tirent donner l'investiture par
les khalifes et conservrent toujours avec eux d'excellentes
1

ils furent mme quelquefois chargs de commander leurs armes (8H-873); le quatrime prince de cette
dynastie, Thaher -ben-bdallah
se montra le protecteur
clair de l'astronomie
on a conserv une observation de
Tquinoxe d'automne de 851 , faite en sa prsence Nischabour, capitale du Khorasan, avec une grande ami lie
qui marquait les minutes. Il eut en 862, pour successeur,
Mohammed qui tomba dans la mollesse et ne sut pas se dfendre contre les attaques des Softarides.
Les Thahrites trouvrent, en effet, des imitateurs et

relations

Bagdad restant en proie l'anarchie, toute


chappa aux Abbassides.

l'Asie orientale

En 864, dans le Tabarestan (province voisine de la mer


Caspienne), une branche de la famille deslides se rendit
indpendante du reste de l'empire; le chef de cette famille,
Hassan-ben-Zid, fut un instant en possession du Dilem et
du Djordjan, mais il succomba presque en mme temps
que les Thahrites devant une puissance plus redoutable,
dans le Sedjestan en 870.
pre Leitz avait t ouvrier en cuivre {soffar,
chaudronnier), aprs avoir exerc quelque temps le mtier

celle des Soffarides, qui s'leva

Yacoub, dont

le

I.

rum

Voy. Mirchont hiitoria


Persil?

principum persic

Tahendarum
et

historien noiis hucusque incognito*

latin* eidit, E. Mitscherlich GOtl., 1814, in-8.

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DMEMBREMENT DU KHALIFAT DE BAGDAD.

1*9

de son pre, s'tait lanc avec succs dans la carrire des


armes; il entra dans le Rhorasan la tte d'un corps de
troupes considrable, conquit le Sedjestan, mit fin la
dynastie des Thahrites (873), enleva aux lides le Taba-*
restan et se trouva ainsi matre d'une vaste contre.
blit sa
le

11

ta-

rsidence tantt Merou, tantt Nischabour, dans

Khorasan; ses succs enflrent son orgueil, et il voulut


la ville mme de Bagdad (874). Mowaffec, qui

attaquer

commandait

cette place, alla lui prsenter la bataille, le

vainquit prs de

Wascth

et

ne se

sentit pas la force

poursuivre. Yacoub se retira dans ses tats

de

le

ds l'anne
suivante il avait rpar ses pertes; il menaait dj le khalife d une ruine complte
lorsque la mort vint le surprendre Djondisabour,879 son frre et son successeur mrou
;

fit

la

paix avec

Motamed,

par lettres patentes,

et obtint,

la

libre possession des pays qu'il occupait (877).

L'tablissement de

la

KhocomKhowaresm et

dynastie des Sotfarides dans

le

rasan, le Sedjestan et le Tabarestan coupait toutes les

munications du centre de l'empire avec le


le Mawarannahar; le gouverneur de ces provinces, sr de
l'impunit, se dclara indpendant. C'tait Ismal, arrirepetit-Pils d'un conducteur de chameaux, nomm Sanian. En
819, les fils d'sad-ben-Saman avaient obtenu d'lmamoun
des commandements Samarcande, Ferghanah etBalkh;
un d'eux Ahmed transmit sa puissance son fils an
Naser, qui s'empara de Bokhara et devint par le fait souverain de laTransoxiane; Naser avait pour mission de dfendre
cette province contre les irruptions des Turcs et les empitements des SolVarides. Souponnant son frre Ismael d'avoir des intelligences secrtes avec ses ennemis, il le poursuivit en 888 les arms la main se laissa surprendre et
fut fait prisonnier. Ismael rvla dans cette occasion toute la
grandeur de son caractre au lieu de profiter de ses avantages, il rendit Naser les honneurs dus son rang,
fit respecter son autoet jusqu' sa mort, arrive en 892
rit. Libre alors d'agir en souverain , il ne ngligea rien
pour consolider son pouvoir, rejeta les Turcs au del de
l'Iaxarte et fonda la dynastie des Samanides sur des bases
,

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LIVRE

194
solides

1
.

la

mme

IV,

CHAPITRE

III.

poque, d'autres principauts pre-

naient aussi naissance dans l'Asie occidentale.

Soin eau \ soulvements dans l'Asie occidentale et en Kgypte


le Zenghiens, les Thoulonides.

Un aventurier osa se rendre matre de la ville de Bassorah,


aux portes mmes de Bagdad il appela prs de lui des
noirs du Zanguebar et rsista toutes les attaques durant
les rgnes de Motaz et de Mothaded. Presque tout l'IrakArabi reconnut la domination des Zenghiens ils s'taient
mme avancs dans la province d'hwaz et dans le Khousistan. Ce fut Mowaffec, le vainqueur d'Yacoub, qui eut
encore la gloire de les repousser et d'anantir leur autorit;
;

il

reprit l'Irak-Arabi, les provinces persiques, et

mme la ville

de Bassorah (882).
Mowaffec ne fut pas aussi heureux l'gard des Thoulonides qui dtachaient de l'empire arabe l'gypte et la Syrie.
Ahmed-Ben-Thouloun tait un de ces Turcs affranchis que
les' khalifes levaient leur cour; il s'tait distingu par
son mrite et par son courage, et avait t jug digne de gouverner l'gypte et la Syrie. Une fois tabli dans ces provinces, il sut s'y maintenir avec l'appui des chefs de la milice
turque, et rsolut, enfin, de se rendre indpendant; il fit
si bien, que tous les mirs placs sous ses ordres n'hsitrent pas seconder son entreprise. Quand tout fut prt, il
s'attribua la perception des impts (877). C'tait rompre ouvertement avec les khalifes, qui, sentant leur faiblesse, cherchrent seulement susciter des embarras aux Thoulonides,
en leur opposant des mirs de Syrie, qui tentrent des
rvoltes partielles. Ahmed sortit vainqueur de ces difficults,
et Mowaffec, occup contre les Zenghiens, le laissa consolider son pouvoir. A la mort d'Ahmed .(884), son fils Khoma,

rouiah se
et

fit

reconnatre Damas, o

il

fixa sa rsidence,

rprima avec succs l'opposition de quelques

partis

hos-

tiles (889).
I.

rum

Voy.
,

Mnhammedi

etc., illuttr., Fr.

Chavenchahi rulgo Mirchondi hittoria Sammanida.


Wilken Guit. 1808 ; et l'dition Iranaiae de M. Del'remery.

filii

DMEMBREMENT Dl KH ALI FAT DE BAGDAD.


Loin d'tre funeste l'gypte et

ment des Thoulonides

Ahmed

la

1if,

Syrie, le gouverne-

leur fut, au contraire, avantageux.

aimait les sciences

il tait gnreux, libral, chariCes diverses qualits le tirent chrir de ses


sujets. Fostat, la capitale de l'gypte, lui dut de grands accroissements il y fit btir une superbe mosque qui existe
encore aujourd'hui sous le nom de mosque de Thouloun
On construisit aussi, par ses ordres, des palais et des mar:

table surtout.

OSQUfiC

t>R

THOl'LOt'K.

chs destins aux commerants des diffrentes nations qui


en gypte. Pour Khomarouiah il brilla par son
luxe et sa magnificence; il fit, dit-on btir Mesrah une
affluaient

immense mnagerie, o Ton

animaux de toute
espce; chacun d'eux avait sa loge et un bassin de marbre
o l'eau tait apporte par des canaux de bronze. Ce prince
entretint des

l. Abul Abbasi Ahmedis Tulonidarum primi rita et res gestse, ed. Roorda,
Luyd. lldtav , 18'25.
Dissrrtatio academicn sisten* histariam primi in JEgypto
sultani Ahmed ben Tulon, ed. Jones Olsson, Lond. Golh, 1785 et 1787. Silr le second des Thoulonides , dont la magnificence galait relie des Abbassides , voy. l'article Khomarouiah de la Biographie universelle , et notre mmoire sur les instruments astronomiques des Arabes, 1845, in-4, insr dans le tome l f des Mmoires
des savants trangers publis par l'Acadmie des Inscriptions et belles leures, o
nous donnons la description du cadran de la mosque de Thouloun.

196

LIVRE

IV,

CHAPITRE

III.

mme faste dans ses quipages de chasse, dans ses


dans l'ornement de ses chteaux un petit lac de vif
argent soutenait et berait mollement le lit sur lequel il reposait; il prit assassin et avec lui s'anantit la splendeur
des Thoulonides.
talait le
ftes,

phmres des khalifes

ftuce*

la fin

commencement du

du v
1

sicle et

au

x*.

Ainsi
ds 892
trois grands tats s'taient constitus
en Orient; c'taient ceux des Softarides, des Samanideset
des Thoulonides. Il restait aux khalifesde Bagdad, l'Arabie
le Djezireh
l'Irak- Adjemi l'Aderbidjan l'Armnie, les
provinces de la mer Caspienne, celles de la mer des Indes
et enfin l'Irak-Arabi. C'tait encore un assez bel empire, s'ils
,

avaient su

le

conserver.

On

put croire un instant qu'ils y parviendraient, car sous


les rgnes de Mothaded, fils de Mowaffec (892-902), de
Moctafl (902-908) et dans les commencements de celui de
Moctader (908-913), il n'y eut pas de nouveau dmembrement. Au contraire, des vnements favorables contriburent affermir la puissance de ces princes qui runirent
leurs possessions quelques-unes des provinces dj dtaches. A peine mont sur le trne, Mothaded reut la soumission de Khomarouiah, qui demandait l'investiture et
s'engageait payer, comme redevance, un million de pices
d'or; il repoussa ensuite du Djezireh, des Arabes et des

Curdes, qui, sortant des dserts de la Syrie, avaient voulu


s'emparer de Mossoul. Dans la mme province il rprima la
tentative de l'mir Hamadan, qui s'tait dclar indpendant. A la mort de Khomarouiah une guerre de succession
ayant clat entre ses fils, Geish et Haroun Mothaded fora
le vainqueur d'augmenter son tribut de quatre cent quatrevingt mille pices d'or (899). Moctafl fut plus heureux encore
il fit attaquer Haroun
par terre et par mer, et sans livrer
bataille, reut la soumission de tous les mirs; les descendants de Thouloun turent abandonns par ceux qu'ils avaient
combls de richesses (90.)).
Les Sotfarides s'etfarent
la mme poque. La politique des khalifes avait russi
,

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DMEMBREMENT DO KHALIFAT DE BAGDAD.

197

les mettre aux prises avec les Samanides, et le souverain du


Mawarannahar, bientt matre du Khorasan avait envoy
Bagdad le dernier reprsentant d'une dynastie abattue
pour jamais. Cet vnement, prpar de longue main ne
,

devait toutefois profiter qu'au vainqueur.

leurs Etats dj

considrables, les Samanides ajoutrent, aprs le Khorasan le Tabarestan dont ils reurent l'investiture dans des
,

lettres patentes.

Plus tard,

ils

conquirent

le

Sedjestan, o

un descendant de la famille des Softarides.


Moctafi leur en donna galement l'investiture, et les remercia, comme s'ils lui avaient rendu un service minent,
s'tait

retir

quoique en ralit il y et peu gagn. Au lieu de voir ses


portes deux princes rivaux, il eut pour voisin un seul chef
dont l'autorit s'tendait sur six grandes provinces, et qui
aurait pu devenir redoutable si les Turcs ne l'avaient pas
tenu dans de continuelles alarmes. Jusqu' la fin de son
rgne, Moctafi continua de conserver sa domination intacte *; il n'en fut pas de mme de son successeur Moctader (908-932), que des factions insolentes firent plus d'une
fois trembler sur son trne; impuissant dans sa capitale,
il ne fut point respect en dehors de l'Irak-Arabi. De toutes
parts recommencrent les dchirements que ses prdcesseurs avaient un instant suspendus. Ds lors rien n'arrta
la rapide dcadence et la chute du khalifat. Caher(93l934), Rhadi (934-941), Motadi (941-944 ), Mosrafi (944945), perdirent leurs dernires provinces, et l'autorit temporelle que les khalifes exeraient dans la ville de Bagdad
disparut entirement.

loh Abhnsftldes Mont rdnlts la nuprmutlc pi rituelle;


eratlon de nili -tt-al-onirau puissance de* Boulden.
;

Le signal fut donn dans le Djezireh en 930, un descendant de l'mir Hamadan, qui, sous Mothaded, avait
arbor dj le drapeau de l'indpendance , parvint s'emparer de plusieurs places fortes de cette province, pntra
jusque dans le nord-est de la Syrie (937), et se forma une
:

i.

Marignv, Histoire de* Arabes; G, Wcil

(ieschichte der chalifen, Manlieim,

1846-1848-1851.

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LIVRE

198

CHAPITRE

IV,

III.

principaut assez importante, dont Mossoul fut la capitale.


Ses deux successeurs, Nasser-Eddaulah et Seif-Eddaulah ,
ont laiss dans l'histoire arabe un certain renom. Le premier
intervint plus d'une fois dans les luttes intestines de Bagdad ;
le second soutint contre les Grecs une guerre hroque.
L'tablissement des Hamadanites dans le Djezireh facilita
la rbellion de l'gypte. Depuis la chute des Thoulonides ,
les khalifes avaient eu le tort de laisser runies l'Egypte et
la Syrie, croyant qu'il suffisait de changer frquemment leurs
dlgus. Le Turc Ischkid prvoyant une prochaine disgrce, se hta, pendant le court intervalle de son administration, de se faire un grand nombre de partisans, et quand
on voulut le remplacer, il refusa d'obir. Comme on n'avait
1

aucune force

lui

opposer,

il

fallut

bien subir son usurpa-

tion*; alors l'gypte et la Syrie furent dfinitivement

perdues
pour les Abbassides (936). Ce qu'ils n'avaient pu faire, les
Hamadanites le tentrent on les vit disputer Ischkid et
ses successeurs les plaines de la Syrie avec des succs balancs; ils occuprent plus d'une fois la ville de Damas et
restrent en possession d'Alep.
Les environs de Bagdad virent aussi s'lever des princi;

pauts indpendantes. Les Raikites et les Baridiens (940-941)


, de Waseth, et la pro-

se disputrent les villes de Bassorah

vince

un

d'Ahwaz en

mme

temps

qu'ils

rle politique dans la capitale

cherchrent jouer

Les seigneurs d'Armnie et de Gorgie cessrent de payer


aux khalifes des tributs qu'on ne venait plus rclamer; ils
s'unirent ensemble pour rsister leurs voisins, et ces deux
provinces commencrent ds cette poque former des
royaumes spars.
Sur les bords de la mer Caspienne, dans le Mazandran,
le Ghilan
le Djordjan le mme mouvement
le Schirwan
eut lieu. Sous Moctader, un chef de la province du Ghilan
nomm Mardawige, avait pris les armes, conquis ces pro,

1. Voy. noire Manuel de chronologie universelle, t. , p. 160.


Abou-Bekre Mohammed
2. I<1. pour la succession des premiers Isehkidites
Ishkid; Ahoul-Casem Ahou-I.our Mahmoud; Ahoul- Hassan Ali ; Ctour, et AhoulFouai is Ahmed.
2. DUernelot, artic'e Baridah, p. 199, et Radhi. p. 70..
:

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DMEMBREMENT DU KHAL1FAT DE BAGDAD.


aux Samanides,
descendu dans l'Aderbidjan dont il avait soumis la
plus grande partie. H n'eut pas cependant la gloire de fonder une nouvelle dynastie; celte gloire lui fut ravie par
trois frres qui se trouvaient dans son arme et qui prtendaient descendre des anciens rois sassanides, bien que leur
pre Buieh (d'o leur vient le nom de Bouides) n'et t
qu'un pauvre pcheur. Les populations dont ils frapprent
en mme temps les regards par leur courage et leur mrite,
vinces, et aprs avoir enlev le Tabarestan
il

tait

se rangrent avec joie sous leurs tendards. Bientt

gnirent aux tats de Mardawige


l'Irak-Adjemi,
tan (933-940)

le

Laristan,

le

le

Kerman,

Susistan et

le

mme

le

ils joi-

Mekran
Kousis-

Ds ce moment, Bagdad

fut

environne de tous cts de

principauts indpendantes. Le territoire des khalifes se r-

mme o ils rsidaient; encore leur autorit


y tait-elle purement nominale. Les rvolutions de palais
qui avaient commenc sous Motawakkel n'avaient pas cess
de se renouveler des intervalles trs-rapprochs, et devaient se prolonger jusqu' la tin du khalifat. L'histoire des
bbassides n'est plus que le tableau mouvant d'excutions
continuelles de gnraux , de vizirs de prtendants et de
souverains. Sur cinquante-neuf commandeurs des croyants,
trente-huit subiront une mort violente ou des catastrophes
pires que la mort. Dans la crainte de verser le sang sacr
de la famille du prophte, on fait prir les uns du supplice
de la faim les autres sont murs ou jets dans des glacires; Caher sort de prison les yeux crevs pour aller,
couvert de haillons
demander l'aumne aux portes des
mosques. Rhadi , son successeur, pour chapper la domination des officiers turcs qui se sont dgots d'un rle
subalterne et disposent de toutes les branches du gouvernement, profite d'un instant de libert pour crer la charge
d'mir-Al-Omrah (mir des mirs); le nouveau ministre,
duisit la ville

Mirchond, Geschichte der Sultane aus Gesc.hle.chte Bujeh... par Fr. Wilken,
und Erganzung einiger Stellen aus der ron Mir1 335. Erlaute ru ng
des stamins liuwteh, par. F. Erdmanti, Casnn,
Voy.
sur
les mirs Al-Omrah. Gottingue, 1816.
1836.
aussi timbrait,
I.

Berlin,

chawend rerfasstm Geschirhte

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LIVRE

IV,

CHAPITRE

III.

du palais, a le commandement gnral des


troupes et l'administration des finances. Son nom est prononc dans la mosque avec celui des khalifes; il parle au
peuple lorsque les circonstances l'exigent; il est le vritable souverain. Rhadi ne se rserve rien, pas mme la
gestion des revenus ncessaires son entretien. Retir au
fond de son palais, il ne veut prendre aucune part au gouvritable maire

et il dtourne sur Ymir-Al-Omrah les vues


ambitieuses qui ne craignaient pas de s'lever jusqu'au vicaire de Mahomet. Mais en croyant donner un matre la

vernement,

milice turque, Rhadi ne


ses chefs.

Un

d'eux,

fait

Yakcm,

qu'augmenter
irrit de voir

la

puissance de

l'autorit entre

mains d'Ibn-Raiek, vient assiger avec ses soldats la ville


de Bagdad s'empare de Rhadi et le force de le reconnatre
pour mir-Al-Omrah (940). Il gouverne sans opposition
arrive la seconde anne du rgne de
jusqu' sa mort
Motaki (943); c'est le signal de nouveaux troubles. Les Turcs
ont combattre les prtentions des Raikites, des Baridiens
de Waselh et mme des Hamadanites de Mossoul n se
dispute la charge d'mir-Al-Omrah comme autrefois le khalifat lui-mme. Motaki qui ne peut que sanctionner le triomphe du plus fort, songe un instant se mettre entre les mains
des Ischkidites; le chef de la milice turque, Tozun, vainqueur de ses rivaux, lui fait payer cher son hsitation; il
ordonne sa mort et proclame sa place Mostacfi. Les habitants de Bagdad irrits de ces dplorables excs appellent
leur secours les frres Bouides, qui viennent de s'tablir
dans les provinces de l'ancien empire des Perses. On leur
ouvre les portes de la ville et les Turcs sont chasss (945).
Moez-Eddauhih se saisit de la charge d'mir-al-Omrah, cre
un nouveau khalife entirement dvou ses intrts, et
commence la srie des mirs Bouides, qui doit se continuer pendant plus d'un sicle.
Par un singulier contraste tandis que les avenues du
pouvoir taient ensanglantes et que la garde prtorienne
de Bagdad dictait la loi aux successeurs du prophte, les
Arabes fatigus de la guerre et des discordes civiles se livraient l'tude des sciences et des lettres. L'uvre d'Alles

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DMEMBREMENT DU K H ALI F AT DE BAGDAD.

mamoun

201

de prir avec lui, s'tait dveloppe de plus


Abbassides retirs au fond de leur palais
s'entouraient de savants, c'est--dire de ceux qui, suivant
Aboulfaradje
s'loignent des choses que convoitent les
brutes , les Turcs et les Chinois, et se consolaient de leur
6ort infortun dans l'entretien de gens clairs. Aprs la
mort de Rhadi, le dernier des khalifes qui firent des lettrs leur socit intime, on vit les princes Bouides imiter
l'exemple d'Almamoun et donner un nouvel essor l'astronomie et aux mathmatiques. Puisant en dehors de Bagdad, dans les provinces soumises leur domination, des

en plus

loin
les

forces suffisantes

pour imposer silence aux factions,

ils

s'attriburent sans difficult le pouvoir suprme. Les kha-

Mothi (945-973), Ta (973-991), Cader (991-1031), Caiem


(1031-1055), sans autorit, privs de leurs revenus, rduits
n'avoir auprs d'eux qu'un simple kateb ou secrtaire,
jourent tout fait le rle des rois fainants de la race
lifes

mrovingienne placs sous la tutelle des maires du palais. La


plupart des familles qui dominaient en Asie tenaient pourtant encore recevoir d'eux des lettres d'investiture. Pour
les musulmans sincres les Abbassides taient toujours leurs
lgitimes souverains. On avait dtruit leur pouvoir temporel; il leur restait l'autorit spirituelle que les Sonnites
respectaient encore.

Nouvelles sectes religieuses; leurs doctrines untl-soc laies


les Zendlens, les Ismaliens, les Karaiaihes, etc.

Des sectes dans tous les temps avaient troubl l'empire


musulman. Les Ommades avaient eu combattre les Kharegites, les Cadariens, les Azarakites et les Safriens.

Sous

Abbassides, celle des Motazlites protge par Almamoun


s'tait propos un plus noble but, et si elle ne sut pas
triompher, elle exera du moins une heureuse inlluence sur
les

les

mes

leves.

D'autres se contentrent de protester

murs et l'oubli de la morale du


Coran, ou demandrent des rformes sociales. Quelquesunes semblent n'avoir servi que les projets d'ambitieux
subalternes on voit cependant dans certaines occasions des
contre la dpravation des

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L1VKE

202
fanatiques de

bonne

foi

IV,

CHAPITRE

c'est ainsi

111.

que

les

Ravendiens prcomme des

tendaient que les khalifes devaient tre adors


divinits, et qu'il fallait considrer leur palais

comme une

nouvelle Kaaba. Pour se soustraire leur zle importun


Almanzor.fut oblig de les faire attaquer par ses troupes et
tailler

en pices;

ils

combattirent avec

le

plus grand cou-

rage pour adorer le khalife malgr lui.


11 y eut des
sectes plus srieuses et plus redoutables; celle des Zendiens soutenait hardiment que la proprit est un crime,

qu'on ne doit possder aucun bien en propre, et qu'il est


dfendu l'homme de manger la chair des animaux elle
fut poursuivie avec acharnement et extermine. Parmi les
imposteurs et les faux prophtes, certains hommes jourent
un rle assez important ainsi Moanna en 781, excita une
rvolte dans le Khorasan. Plus tard (834), Babek fonda dans
l'Aderbidjan la secte des Ismaliens, qui professait, si nous
en croyons les historiens arabes, le matrialisme le plus
complet et qui rsista quatre ans toutes les forces du khalife Motassem. Aucune ne se rpandit avec plus de rapidit
e
et de succs que celle des Karmathes, qui dans le x sicle infesta l'Arabie et enleva toute la partie orientale de la
;

pninsule l'autorit spirituelle et temporelle des khalifes


Karmath conservait la plupart des pratiques du Coran il
:

disait appartenir la secte

des Schiites et reconnaissait en

Imams pour hritiers directs de Mahomet.


admettant toutefois les principaux dogmes, l'unit de
Dieu, les rcompenses venir, l'utilit de la prire, il niait
effet Ali et les sept

En
la

rvlation et propageait des doctrines anti-sociale3.

Il

pour ceux qui se


vouaient sa fortune. Le dernier chelon de cette initiation
tait, selon Nowairi et Makrizi, l'athisme. Il serait difficile
de croire qu'une semblable doctrine et trouv un grand
nombre d'adhrents, si Karmath n'et prch en mme
temps l'abolition de l'esclavage Ses partisans, combattant
au nom de la libert, renversrent tous les obstacles; lorsavait imagin plusieurs degrs d'initiation

qu'ils

l.

se

furent enrichis par

Mills. Histoire

le

pillage,

ils

se livrrent

du mahomlisme.

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DMEMBREMENT DU KHAL1FAT DE BAGDAD.

2(K*

aux plus grands excs, oublirent les principes que leur


chef avait mis en avant, et tombrent dans le mpris. Ils
eurent toutefois un moment d'clat; ils firent trembler
l'Arabie tout entire, Tgypte

mme

la

Syrie, l'Irak-Arabi et

de Bagdad. C'tait surtout dans les dserts de la Syrie et de la Chalde, dans l'Imamah et le
Bahren qu'ils avaient form leurs tablissements; de l on
les voyait souvent partir par corps de troupes pour ravager
les habitants

l'Hedjaz et l'Irak. Ils commencrent leurs expditions sous


Mothaded(898), battirent un de ses gnraux et s'avancrent
jusqu' Koufah, qu'ils pillrent. Pendant le rgne de Moctafi,
ils portrent leurs armes dans la Palestine, dans la Syrie, et
menacrent Damas. Interceptant les caravanes qui se rendaient la Mecque, ils arrtaient la fois le commerce de
l'Irak etcelui de l'Hedjaz. Leur meilleur chef, Abou-Thaher
leur donna dans Hedjer, capitale du Bahren, une rsidence fixe. Ils firent avec lui plusieurs courses, dtruisirent
Koufah de fond en comble, s'approchrent de Bagdad, et
sous les murs de cette ville repoussrent une arme de
trente mille hommes. Votre matre, disait Abou-Thaher
au gnral des musulmans, a-t-il des soldats aussi dvous
que les miens, et sur son ordre, l'un se plonge une pe
dans le sein, un autre s'lance dans le Tigre, un troisime
se jette au fond d'un prcipice (935). Quelques annes avant
(930), les Karmathes avaient assig la Alecque, et dans
cette ville prise d'assaut, massacr plus de deux mille personnes. Ils avaient dtruit le temple de la Kaaba, enlev la
fameuse pierre noire et combl le puits de Zemzem. Enfin
ils se rendirent tellement redoutables que les khalifes Caher
et Rhadi se rsignrent leur payer tribut Ils trouvrent
pourtant des rivaux en tat de leur rsister dans les princes
Hamadanites et Ischkidites. Vaincus en plusieurs rencontres, ils rentrrent dans les dserts de l'Arabie, le Bahren
l'Imamah, et disparurent peu peu. On raconte seulement qu'ils renvoyrent la Mecque la pierre noire qu'ils
avaient enleve, et le khalife de Bagdad, en la faisant replacer,
en exigea un morceau qu'il fit mettre sur la porte de sa
demeure. De l vient le nom de Porte (porte par excellence),

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L1VHE

IV,

CHAPITRE

111.

dont on se servit pour dsigner le palais du khalife, et plus


pour la mme
tard celui des sultans de Constantinople
raison les gnuflexions sont imposes aux musulmans
lorsqu'ils entrent dans le sjour de leurs souverains.
A ct de ces rformateurs puissants qui ne s'attaquaient
pas moins l'autorit spirituelle des khalifes qu' leur autorit temporelle, il se trouva des jurisconsultes, des asctes,
des philosophes qui organisrent au sein de l'islamisme des
schismes nombreux. Le plus considrable fut sans contredit celui des Soufis, qui n'avaient d'autre but que de
tenir l'me en communaut perptuelle avec Dieu par la
destruction de tous les sentiments du cur. Ils furent souvent perscuts par les khalifes, ou plutt par les docteurs de
Bagdad, qui soutiraient de ne pouvoir combattre ces esprits
exalts par des raisonnements tirs du Coran.
Le soufisme devait surtout se propager chez les Persans,
qui cherchaient renouer sous cette forme incompltement
dfinie, le lien de la tradition avec la religion de leurs
pres 1 L'islamisme, en effet, loin de s'tendre de plus en
;

plus,

commenait reculer. Dans

l'Inde

il

avait

un instant

triomph des doctrines brahmaniques, mais chaque jour il


perdait du terrain. La division des Suhiites et des Sonnites
nuisait galement aux progrs de la foi musulmane, et les
premiers Abbassides, aussi bien que les mirs Al-Omrah,
n'ayant point russi tablir l'unit religieuse,

le

trouble

que s'accrotre. Les uns vouaient


mmoire de Moawiah, et demandaient

et la confusion n'avaient fait

l'excration la

qu'on institut des crmonies en faveur d'Ali et d'Hussein;


les autres au contraire se montraient partisans sincres de
la Sonna, et voulaient que les prceptes en fussent fidlement suivis; quoique les Abbassides fussent les ennemis ns
des Ommades, qu'ils avaient renverss, ils craignaient que
les Alides n'acquissent trop d'influence, et se dclarant
Sonnites, perscutrent ceux qui ne partageaient pas leur
opinion,

i.

Sufmmus,

ttt* theosophia

Persarum, elc.,Ed. thoiuck. Berlio, 1821.

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DMEMBREMENT DL KHALIFAT DE BAGDAD.

20.)

Alldes renouvellent leurs prtention* le Fathlnilte rndent le khallfot du Cuire et encouragent le clonces llu-

tA s

kem

et les

Druses.

Les Alides aprs avoir vainement tent de s'emparer du


de Bagdad dvoue aux
Abbassides, songrent lever une domination nouvelle
dans quelques-unes des provinces dmembres. Un de leurs
mais il
frres se trouva un instant matre du Tabarestan
ne put s'y maintenir. En Afrique ils furent plus heureux;
les Edrissites taient parvenus former un tablissement
dans la Mauritanie, en ralliant les populations au nom
d'Ali ; un de ceux qui s'attribuaient tort ou raison le titre
d'imam, Abou-Obeidollah, souleva le Magreb en sa faveur,
et renversa la dynastie des Aglabites (908). Il tendit peu
peu ses lois sur tout le littoral et jeta les premiers fondekhalifat, trouvant toujours la ville

la puissance des Falhimites Cairowan et Mahadia; dj il menaait l'gypte lorsque la mort vint le
surprendre. Ses deux premiers successeurs, Caiem-Biam-

ments de

Al-Mansour (946-953), se brisrent conmrite d'Ischkid; mais ils se mirent


en communication avec les Arabes Schiites de l'Hedjaz, de
l'Ymen, et se firent de ce ct des amis nombreux par des
largesses sagement distribues. A la mort d'Ischkid, des
discussions s'tant leves en gypte et en Syrie pour sa
succession, Moezz-Ledinillah qui avait remplac Al-Mansour (953), pntra dans l'intrieur du pays, reut la soumission des mirs et devint le premier khalife fathimite
d'gypte (968). De quelle branche de la famille d'Ali et
de Faihime descendez-vous donc? lui dit un chef arabe.
Voici mes anctres, rpondit-il en montrant son cimeterre, et voici mes enfants,
ajouta-t-il, en jetant de l'or
ses soldats. A partir de cette poque, les Falhimites soutinrent avec avantage la lutte spirituelle contre les khalifes
abbassides; aprs avoir fond le Grand Caire (972), conquis
la Syrie et une partie du Djezireh, ils furent reconnus
par une grande partie de l'Arabie, qui esprait trouver eu
eux un appui contre de nouveaux Karmathes.
Le nom d'Ali et celui des successeurs de Moezz furent
rillah (913-946), et

tre la

bravoure et

le

>

12

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LIVKE

206

IV,

CHAPITRE

111.

mosques des Fathimites;

seuls prononcs dans les

le

nom

des princes abbassides continua d'tre proclam haute


voix dans les mosques des Bouides et des Samanides.
Ces trois tats formaient, la fin du x c sicle, tout l'em-

un

pire arabe d'orient, et leur histoire offre


table.

Les princes Bouides s'effacent


se dplace; ce n'est plus

civilisation

intrt vri-

insensiblement;

la

Bagdad, mais au

que les coles arabes jettent le plus vif clat.


Les Fathimites firent fleurir en gypte le commerce,

Caire,

l'industrie, l'agriculture, les lettres, les arts et les sciences

avec autant de succs que les premiers Abbassides. Ils


avaient runi, par de magnifiques travaux la petite ville de
Fstat celle de Mesrah et leur nouvelle capitale allait rivaliser avec les plus belles villes de l'Asie; de magnifiques
,

mosques furent ajoutes

Thouloun. Ebn-Jounis,

celles de

eut son observatoire, comme les astronomes de


l'Irak. Les khalifes semblaient ne vouloir rien pargner pour
faire oublier Bagdad. Ils donnrent aussi tous leurs soins
l'administration et la perception des impts grce aux
richesses et la fertilit de cet admirable pays qui n'a jal'gyptien

mais refus de produire pour tous ceux qui, en change de


quelques sages mesures lui ont demand les plus grands
sacrifices, ils eurent bientt un revenu presque quivalent
celui d'Haroun-al-Raschid. Moezz (953-975) et Aziz-Billah
mais Ha(975-996) surent en faire un usage raisonnable
kem, qui leur succda (996-1020) apparut sur le trne
comme le gnie du mal. Pendant un rgne de vingt-quatre
ans il condamna ses sujets la plus abjecte soumission
chacun tremblait devant lui, car il se faisait suivre d'esclaves arms, prts immoler quiconque osait lui dplaire.
Un espionnage trs-habilement organis l'instruisait des
moindres vnements, et faisait croire qu'il avait le don de
,

la

science infinie

l'adora

qu'il voyait

comme une

tout, qu'il savait tout.

l'imposture; on proclama tout haut qu'il tait


ciel, et qu'il reparatrait
1.

On

divinit, et sa disparition subite favorisa

un jour sur

la terre.

mont au
Le Persan

Quatremre, Mmoires historiques sur la dynastie des khalifes fathimites,

1837.

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DMEMBREMENT DU KHALIFAT DE BAGDAD.


Hamza enseigna publiquement que Dieu pouvait

407

s'incarner

sous une forme humaine, que dj

il s'tait incarn pluqu'en dernier lieu il avait pris la figure du


khalife Hakem. Chass du Caire par la colre et le bon sens
des habitants, il s'enfuit en Syrie o il parvint rpandre
sa doctrine, dite religion unitaire, parmi les Druzes qui la
pratiquent encore aujourd'hui *. On peut juger, par divers
faits, de l'aveugle despotisme de Hakem. Il jetait au hasard par
la fentre du palais des billets qu'il fallait porter un mir
dsign, et celui-ci recevait l'ordre de donner au porteur une
somme considrable ou de lui infliger les plus affreux traitements. Il fit incendier le Caire, pour jouir lui-mme de la
vue d'une cit en flammes; une autre fois, il accorda le pillage de la ville ses soldats. Souvent il faisait torturer des
juifs et des chrtiens Jusqu' ce qu'ils dsavouassent leur
religion, puis il leur permettait de reprendre leur ancien culte. La terreur rgnait autour de lui Il fut, dit
Nowairi, comme un lion furieux au milieu des hommes ;
et cependant il respectait et encourageait les savants, et se
faisait ddier par Ebn-Jounis les Tables astronomiques qui
portent son nom. On suppose qu'il fut assassin par une de
ses surs, qui s'empara de la tutelle de son fils Dhaher,
encore enfant ( 1020-1036 ). A la mort de Dhaher, le trne
fut occup par Mostanser-Billah pendant cinquante-huit
ans (1036-1094). Jusqu' la majorit de ce prince, l'autorit
resta entre les mains d'un vizir, qui russit jouer au Caire
le mme rle que les mirs- al-omrah de Bagdad. Plus tard,
Mostanser fut au moment de rtablir le khalifat universel
il tait reconnu par l'Afrique et l'Arabie; les habitants de
Bagdad, mcontents de Caem-Biamrillah, qui s'tait jet
entre les bras du Turc Seldjoukide Togrul-Beg, proclamrent Mostanser leur souverain spirituel; mais ce ne fut qu'un
clat passager Mostanser lut mme puni de ses vues beau-

sieurs fois

et

coup trop ambitieuses par


la

Syrie;
I.

il

la perte de la meilleure partie de


ne se maintint qu' grand'peine en Palestine.

Silvestre de Sar.y,

Expos

de,

la religion des Druses, 1838.

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LIVRE
ii"*

IV,

CHAPITRE

III.

nouille* protecteur de lettre; formation de l'empire

de GhaEnUde.
Les Bouides, qui s'taient empars de

la

Perse en 933,

tout-puissants dans l'Irak- Arabi, et Bagdad, par la charge


d'mir-al-omrah n'eurent pas une existence aussi longue
,

que

eu avant eux leur pdernire moiti du X e sicle, ils demeurrent sans rivaux en Asie
la milice turque
avait t anantie; les Hamadanites furent chasss du
les Fathimites; niais ils avaient

riode de splendeur. Pendant

la

Djezireh et de Mossoul leur capitale, et la tranquillit rtablie dans les provinces permit aux Bouides de continuer l'uvre d'Almamoun. Deux de leurs princes, AdhadEddaulah et Scharf-Eddaulah (949-989), ranimrent le zle
des lettrs, en s'iniliant leurs travaux ils eurent l'honneur de relever l'cole de Bagdad, qui avait un peu souf:

fert des rvolutions du khalifat, et qui produisit, sous leur


rgne, Ebn-al-Aalam, Abderrahman-Soufi, et le clbre
astronome et gomtre Aboul-Wfa. Adhad-Eddaulah ne
se contenta pas de rpandre .ses bienfaits sur les potes
et les savants il ordonna de grands travaux d'utilit gnrale; des ingnieurs du plus haut mrite furent chargs de
canaliser la rivire de Bendemir, prs Schiraz dans la Perse
proprement dite. Ils parvinrent empcher des inondations qui se reproduisaient rgulirement et dtruisaient
les cultures des belles campagnes de ce pays, et livrrent
au commerce une nouvelle voie de communication. On
construisit Bagdad un hpital magnifique, dont l'inauguration fut le prtexte d'une fte reste clbre dans les
annales orientales l Malheureusement, les Bouides, comme
les khalifes, ne russirent pas poser des rgles fixes pour
ces
la transmission de leurs tats a leurs descendants;
princes, par des partages impolitiques entre leurs divers
;

enfants, prparrent le

dmembrement de

avaient fond, et en ouvrant

la

l'empire qu'ils

porte aux luttes intestines

provoqurent de nouvelles rvolutions.


l. Casiri, dj cit ; Stuwe, Expditions
butsides, eic. En ail., Berlin, 1836.

eommncialrs

dt$

Arabe* tous

les

Ab~

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DMEMBREMENT DU KHAL1FAT DE BAGDAD.

209

La domination des Samanides, qui avait subsist pendant plus d'un sicle (874-999) s'croulait vers la mme
poque. Un esclave turc s'tait lev aux premires dignits sous le rgne d'bdel-Malck; il s'appelait Alp-Teghin.
A la mort de son matre, il voulut s'emparer du gouvernement, choua dans son entreprise, et oblig de quitter
Bokhara, s'tablit Ghazna, o, pendant seize ans, il sut
rsister tous les efforts

que

firent les

Samanides pour

le

Sebecteghin, son gendre, son gnral et son


conseiller, lui succda en 995 et mrita, par sa vigoureuse
l'amour de ses sujets et le respect
et sage administration
de ses voisins il porta ses armes et la foi musulmane dans
l'Inde, ravagea le Pendjab, fonda les villes de Bost et de
Kosdar, et alli fidle de Noah, petit-fils d'Abdel-Malek, dfendit les Samanides contre les incursions des Turcs, qui
avaient envahi le Mawarannahar. Il dsigna son plus jeune
renverser.

fils,

Ismal,

comme

l'hritier

Mahmoud, revendiqua,

de sa puissance

mais

l'an

armes la main, les droits de sa


naissance se proclama souverain indpendant et s'enrichit
des dpouilles de l'Inde. Il vainquit sans peine les Samanides
et se rendit matre du Rhorasan (1000). Le khalife, soumis
auxmirs-al-omrah, lui envoya des lettres d'investiture, sans
russir toutefois le dtourner de ses projets de conqute;
les

Mahmoud

attaqua les Bouides, auxquels il enleva le Djordjan et l'Irak persique. La mer Caspienne devint la limite
d'un empire qui commenait aux sources de l'Indus et du

Gange, embrassant de ce ct ce que l'on comprend aujournoms d'Afghanistan, de royaume de Hrat et


mme de Beloutchistan. Mahmoud fut le premier des princes
de l'Orient qui prit le nom de sultan. Partisan des Sonnites,
il s'annona partout comme le propagateur de la foi musulmane et fut constamment le dfenseur de la race arabe.
Ghazna tait sa capitale; de l le nom de Ghaznvide que
les historiens lui ont donn. C'est surtout ses expditions dans l'Inde qu'il dut sa grande renomme. Les villes
de Canoge, Lahor, Delhi et Muttra lui payaient tribut. Il
dvasta le royaume de Guzzarate, et dtruisit la pagode de
Somenat, dont la magnificence dpassait les rves de l'imad'hui sous les

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LIVRK

IV, lH.VlMTRE

III.

la plus brillante. Le dme, recouvert de lames d'or et


incrust de pierres prcieuses, reposait sur cinquante-six pi-

gination

au moyen d'une lampe dont la lumire tait rflchie par d'innombrables diamants. L'idole de
Somenat tait d'une seule pierre de cinquante coudes deux
mille brahmines taient chargs du service de la pagode. On
offrit au vainqueur plus de deux cents millions pour racheter
la principale divinit de l'Hindostan. Mahmoud fut inexoraliers. L'difice tait clair

ble

il lit

briser la statue, et

il

vit

tomber

ses pieds avec des

perles, des diamants et des rubis de toute espce, des richesses

bien plus considrables que toutes celles qu'on lui avait offerd'enthousiasme pour la religion de Mahomet, il
galait par son ardeur de proslytisme les premiers successeurs du prophte, et reut du khalife de Bagdad, Cader-Billah, le titre justement mrit de protecteurdes vrais croyants

tes. Plein

I,e*

Tares seldjoukldes renversent les Ghasnvldes et i'avaneent jusqu' Bagdad progrs les Cres en Syrie.
;

Pendant que les troupes de Mahmoud se rpandaient


dans l'Inde, le Mawarannahar tombait au pouvoir des tribus
du Turkestan. Le sultan Ghaznvide commit la faute de
les laisser en possession de cette province et d'introduire lui-mme en de du Djihon ou Oxus, limite difficile franchir, les Turcs seldjoukides
qui venaient de
,

se convertir l'islamisme et avaient

demand des

terres

dans le Khorasan. Masoud, qui hrita, en 1030, de la puissance de son pre, essaya vainement de se dlivrer de
leur redoutable voisinage;

il

fut

vaincu et rduit se

tenir sur la dfensive. Togrul-Beg, petit-fils de Seldjouk, se

couronner Nischabour. Il gagna bientt aprs sur les


Ghazn vides une nouvelle bataille plus dcisive que la pre-

fit

mire, et les rejeta vers l'Inde. N'tant plus inquit de


ce ct, il tourna ses regards sur l'occident, envahit le Khowarezm, le Djordjan, l'Irak-Adjemi, et se trouva en prsence
des princes bouides. Le plus grand dsordre rgnait Bagdad. Le khalife Caem tait press de tous cts et par des
I.

Mirkhondi

Historia

Ghaznavidarum, Persic et

latin edid.

Fr. VVilkcn.

Berlin, 1832, in-4.

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DEMEMBREMENT DU KHALIFAT DE BAGDAD.

211

par les fathimites d'gypte, et par les


vizirs rebelles
mirs de Syrie. Frapp de la pit de Togrul-Beg, qui dans
toutes les villes conquises levait un temple au dieu de Mahomet il se mit sous sa protection et lui dlgua la puissance temporelle sur tous les tats de l'islamisme. La crmonie de l'investiture eut lieu Bagdad mme. Togrul-Beg
se rendit dans la salle d'audience, suivi de ses capitaines
et sans armes; il baisa la poussire devant le khalife, qui
portait le vtement noir des Abbassides prit place sur un
trne qui lui tait prpar, et entendit la lecture de l'acte
public qui le dclarait matre suprme de tous les musulmans. Le khalife, qui n'tait plus que le chef spirituel de
l'empire, mit sur sa tte deux couronnes, emblme du pouvoir dont il investissait le prince seldjoukide sur l'Arabie et
la Perse, et lui ceignit une pe magnifique. On le revtit
successivement de sept robes d'honneur et on lui fit prsent
de sept esclaves ns dans les sept contres de l'empire musulman. Les hrauts terminrent la crmonie en proclamant Togrul-Beg souverain de l'Orient et de l'Occident.
Le mariage de la sur du prince Seldjoukide avec le khalife
et l'introduction du nom du sultan dans la Khotbah cimentrent cette union mais peine les Turcs s'taient-ils retirs qu'un soulvement gnral eut lieu Bagdad; Mostanser-Billah khalife fathimite d'gypte, fut proclam la
place de Caiem. 11 fallut que le sultan vnt dlivrer celui-ci
et le replacer sur le trne. Fidle sa politique, il conduisit lui-mme par la bride la mule qui portait le commandeur des croyants de la prison au palais
Tandis que la domination des Arabes disparaissait pice
pice les Grecs faisaient quelques efforts pour reconqurir
leurs anciennes provinces dj en 852 leur flotte avait saccag la ville de Damiette un sicle plus tard ils avaient pntr jusqu' Alep et avaient pill les trsors du prince Hamadanite Seif-Eddaulah deux de leurs empereurs Nicphore
Phocas et Jean Zimiscs (963-976) avaient pass TEuphrate
et inond le Djezireh de leurs troupes; Zimiscs avait con,

1.

De rbus indicis lori et npuscula, etc.; Cf. Scbauffelherger


,
script, vet. qui de indi scripserunt. Bonn. 8 45.

GilHemeister

Corpus

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LIVRE

21

quis dans cette province

de plus
toute

il

IV,

CHAPITRE

III.

un grand nombre de places fortes;


Antioche s'tait empar de

avait pris en Syrie

recouvr l'le de Chypre.


Incapable de rsister aux Grecs, comment les khalifes de
Bagdad auraient-ils pu arrter les hordes guerrires du Turkestan, que les Seldjoukides avaient groupes sous leurs
tendards, en leur promettant une part des dpouilles qu'ils
allaient conqurir
ces tribus que les Samanides avaient
facilement repousses, en 893, lorsqu'elles taient rpandues isolment sur leurs frontires, runies maintenant sous
un seul chef, allaient briser tous les obstacles, subjuguer
l'Asie occidentale et y maintenir leur ascendant pendant
la Cilicie et avait

plusieurs sicles.

CHAPITRE

IV.

EMPIRE DES TURCS SELDJOUKIDES; ANANTISSEMENT DE L'AUTORIT SPIRITUELLE DES KHALIFES


ABBASSIDES; INVASION DES MONGOLS ET DES
TURCS ORIENTAUX; FIN DE LA DOMINATION DES
ARABES EN ASIE.

RGNE IlE MACARACTRE DES TURCS SELDJOUKIDES LEURS CONQUTES.


LEK-SCHAH; PARTAGE DE SES TATS DCADENCE DES SELDJOUKIDES.
PUISSANCE DE MOHAMMED, SULTAN DU KHARIZME OU KHOWARESM ; L*1NFLUENCE ARABE SE FAIT ENCORE SENTIR; LES KHALIFES DE BAGDAD RETAT DE L'ASIE OCCIDENTALE A LA FIM
COUVRENT QUELQUE Al'TOHIT.
DERNIERS KHALIFES FATHIMITES;
DU XI e SICLE PltEMlRE CHOISADE.
MORT DE SALADIN SES SUCCESSEURS
ZENGHI, NOUREDD1N ET SALADIN.
INVACONSERVENT LA PRMINENCE JUSQU'A L'ARRIVE DES MONGOLS.
COURAGEUSE RSISTANCE DE DJELALEDDIN ; FIS tj
SION DES MONGOLS
VAINES TENTATIVES DES MONGOLS CONTRE LA
KHALIFAT DE BAGDAD.
SVRIE ET L'GYPTE LES MAMLOUKS DTRNENT LES SULTANS AYOUBITES
ET SONT PLUS TARD RENVERSS PAR LES TURCS OTTOMANS.
LA CIVILISATION DES ARABES NE DISPARAT PAS AVEC LEUR EMPIRE.
;

Caractre

le*

Turcs *eldjouklde

leur* eanqule.

La dnomination de Seldjoukides donne aux Turcs qui


ne
la suite de Togrul-Beg prirent part ses conqutes
doit pas faire illusion sur leur nombre il ne s'agit pas d une

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EMPIRE DES Tl'HCS SELDJOUKIDES.

fia

horde spciale; dans les dserts du Turkestan comme dans


ceux de l'Arabie, toute tribu qui tablissait sur d'autres sa
souverainet, leur imposait le nom de ses chefs. Les Turcs
appartenaient la race scythique comme les Huns qui nous
ont t prsents par les historiens Grecs sous un jour si
,

effrayant,

comme

qui s'avan-

les terribles cavaliers alains

crent jusqu'au dtroit de Gibraltar,

comme

Bulgares
Avares , les Hongrois les Khozares
les Petschengues les Comans et les Mongols qui plus d'une fois ravagrent l'Europe et l'Asie occidentale.
Une distinction est cependant ncessaire; tandis qu'l'ex*
trmit de l'Asie les Tartares et Mongols (Tatares et Mogols)
conservent leur caractre primitif et vivent en quelque sorte
dans l'tat sauvage, ne reconnaissant d'autre dieu qu'un
sabre nu plant en terre, les populations qui se rapprochent davantage de l'Occident et qui paraissent dans l'histoire a partir du v e sicle sous le nom de Turcs , se sont
modifies au contact de la civilisation et de la race arabe
ils n'ont dj plus les traits repoussants des anciens Scythes;
ils s'occupent d'agriculture et de commerce; orgueilleux et
vains ils sacrifient tout l'amour du pouvoir et consentent
devenir esclaves pour s'emparer de l'esprit de leur matre
par une sorte d'oppression matrielle qui touffe l'intelligence. Lorsque les Seldjoukides envahissent la Perse, ils
trouvent partout des frres au milieu des rangs ennemis;
musulmans et Sonnites, ils demandent aux Abbassides l'investiture de leurs conqutes. Anims de l'instinct guerrier,
pleins d'ardeur et d'enthousiasme, lorsque !es Arabes
cherchent dj le repos dans les arts de la paix ils rgnent
bientt sans partage. Vainqueurs des Grecs auxquels ils enlvent l'Asie Mineure, ils tendent leur domination de lindus au Bosphore. Mais ils ne savent point s'organiser fortepartout se fait sentir l'absence d'une autorit
tement
suprieure des chefs indpendants rivaux les uns des autres se disputent les lambeaux de la puissance souveraine
et leurs divisions les livreront presque sans dfense au fer
des Mongols, lorsqu'au commencement du xiu' sicle Genles

les

giskhaii se prcipitera sur l'Occident.

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LIVRE

IV,

CHAPITRE

IV.

L'poque la plus brillante de l'histoire des Seldjoukides fut


de l'invasion de 1055 1092 ils ne reconnaissaient
alors qu'un seul chef, le dispensateur du butin. TogrulBeg pouvait distribuer de nombreux gouvernements
ses parents et ses serviteurs les plus dvous; reconnu
par les khalifes comme sultan suprme, il s'avana jusque dans le Djezireh et l'Armnie qui se soumirent ses
lois. La mort le surprit au milieu de ses exploits (1062).
Son neveu Alp-rslan lui succda et rgna avec autant d'clat. 11 envahit la Cilicie; l'empereur romain Diogne essaya vainement de protger les conqutes de Jean Zimiscs
il fut battu compltement et fait prisonnier, mais trait par le
vainqueur avec tous les honneurs dus son rang. Les habitants de la Mecque cessrent dans la Khotbah de prononcer
le nom du khalife fathimite, et le remplacrent par ceux du
khalife abbasside et du sultan seldjoukide. Ce fut aussi Alpcelle

Arslan qui dtruisit l'indpendance des Gorgiens. Il venait


d'assaillir le Turkestan lorsqu'il prit frapp du poignard d'un
la plus belle partie de l'Asie reconnaisKhowarezmien
1

douze cents chefs lui rendaient hommage;


deux cent mille soldats marchaient sous sa bannire et
cependant malgr sa magnificence, son courage et ses
brillantes expditions, il ne fut pas le plus grand prince de

sait

son autorit

sa famille

cette gloire tait rserve son

fils

Djelal-ed-

din Malek-Schah (ou Melik-Schah) (1072-1092).


ns tat*. dcadence de*
Seldjoukides.

Rgne de Malek-Uchah, partage de


*

Malek-Schah tait dou des plus belles qualits, et il fut


merveilleusement second dans ses projets par son grand
vizir Nedham-el-Mulk, dont le nom est rest populaire en
Orient, comme celui de tous ceux qui ont donn aux sciences et aux lettres une protection efficace. On vit s'lever

Bagdad

les

collges

appels medreseh

al-hanifiah et al-

nezamiah; des mosques furent construites; des routes


et des canaux facilitrent les communications dans toute
l'tendue de l'empire. C'est sous le rgne de Malek-Schah
i.

Mirchondi, Ilintoria se.ldtrhukidarum Persicedid. \'u\\ers.

f.iss:i,

1837, in-R.

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EMPIRE DES TURKS SELDJOI'KIDES.

21

qu'Omar-Keam entreprit la rforme du calendrier persan


connu sous le nom d're djlalenne, suprieure en exactitude au calendrier grgorien
Pendant que Nedham-elMulk s'occupait des utiles travaux de l'administration, son
1

matre ne cessait de parcourir dans tous les sens ses lats et


en reculait les frontires. Son nom retentissait dans les
prires, la Mecque, Mdine, Jrusalem, Bagdad,
spahan, Re, Samarcande, Bokhara et Kaschgar; il
affermit sa domination dans le Djezireh, la Syrie, la Palestine mme, et se rendit matre de l'Asie Mineure. Par
ses ordres, un de ses parents, Soliman, entra sur le territoire des Grecs et s'avana jusqu'au Bosphore aprs avoir
conquis tous les pays situs entre la Grande Armnie, la
Gorgie, la mer Noire, la Mditerrane, l'Albanie et la petite Armnie (1081). Ce fut l l'origine de la Sultanie d'Iconium ou de Roum, plus tard Turquie d'Asie, qui joua, dans
les croisades, un rle si important. Les Grecs, furent chasss de l'Asie par les victoires de Soliman. Antioche et les
villes de la Msopotamie, malgr leur population toute
chrtienne, durent se soumettre au joug des nouveaux conqurants. Malek-Schah, dans une de ces expditions, fut
fait prisonnier; la simplicit de ses vtements le fit confondre au milieu des captifs, et son ministre Nedham-el-Mulk,
assura sa dlivrance par une conduite aussi prudente qu'habile; plus tard, le sultan, tromp par de faux rapports, disgrcia cet homme minent qui avait t la colonne de l'empire et que le glaive des Ismaliens frappa l'ge de 93 ans.
Malek-Schah
avait pntr
l'imitation d'Alp-Arslan
dans le Tuikestan et impos sa souverainet plusieurs
chefs de cette contre; ses frontires s'tendaient du Bosphore l'Inclus. A sa mort (1092), l'empire des Seldjoukides perdit son unit et forma plusieurs principauts indpendantes. Ce fut en vain que le sultan de Perse prtendit
exercer une sorte de suprmatie sur les autres princes de sa
famille; les quatre fils de Malek-Schah, Mahmoud, Barkiarok,Sandgiar etMhammed se partagrent ses Etats la suite
,

i.Voy. nos prolgomnes d'Oloug-Beg, le Bulletin de la Socit de Gographie,


erie, 1. 1", p. t63, et notre lettre M. de Humboldt, 1853, p. 28.

1851, IV"

L1VHE

216

IV,

CHAPITRE

de longues guerres, qui puisrent

IV.

les forces

des Seldjou-

pour
Kerman,

kides sans aucun rsultat, ni pour la race turque, ni

l'islamisme (1092-1 154). Les sultanies de Perse, de

Roum ou de l'Asie Mineure restrent


gouverneurs particuliers des villes ou des provinces, les atabeks, les mirs, mconnurent l'autorit des
fils de Seldjouk; Atziz le Kharizmien, lieutenant de MalekSchah, avait port les armes de son matre jusque sur les
bords du Nil; rejet en Syrie par les habitants du Caire
rallis autour du khalife Mostanser, il pilla Jrusalem; ds
l'anne 1096, l'mir Ortok s'tablissait dans cette ville et
cherchait rendre sa puissance hrditaire. Quelques annes plus tard, l'atabek Zenghi, matre de Mossoul, prparait la grandeur de son fils Noureddin. Plus loin, un gouverneur du Khowaresm, profitant des dissensions intestines
des Seldjoukides devenait indpendant, malgr les etorts
du sultan de Perse Sandgiar, le dernier hros de sa race
(1127); et ses successeurs commenant une srie de conqutes qui devaient comprendre le Mawarannahar, le Khod'Alep ou de Syrie, de
isoles; les

rasan, l'Jrak persique et le Kerman, renouvelrent l'empire


des Ghaznvides. Des princes de cette famille avaient conserv
les provinces contigus aux deux rives de l'indus jusqu'au

moment o les Ghourides tablirent k Lahor (1183-1205),


puis Delhi, le sige de la puissance mahomtane dans
l'Iode, saccagrent Benars, soumirent le Bengale et donnrent naissance la dynastie patane ou des Afghans, dans
l'ancien Paropamisus.
PtilMftancc de Mohammed, ultan du Khurlxmc ou Khowa*
rcam; l'Influence ara ho me fait encore sentir; les khalifes
de Bngdud recouvrent quelque autorit.
11 y avait dj vingt-cinq ans que les Ghourides avaient
fond leur domination sur les ruines des derniers Ghaznvides, lorsque Mohammed, sultan du Khowaresm, leur enleva leurs provinces occidentales et se trouva (1208) presque aussi puissant que l'avait t Malek-Schah; leTurkestan
reconnaissait sa souverainet; mais, au moment de sa plus
grande splendeur, il devait succomber devant l'invasion

mongole (1208-1218).

TURCS, MONGOLS ET LES CROISADES (1055-1258). 217

Nous avons vu se dvelopper l'antagonisme de la race


turque et de la race arabe et les progrs incessants des tribus du nord en lutte avec celles du midi c'est la matire
aux prises avec l'intelligence. La bartmrie menace de s'tendre sur tous les tats musulmans, comme en Europe, quelques sicles auparavant, elle se mlait aux flots des conqurants germains cependant, par un juste retour, les Turcs,
en faisant prvaloir autour d'eux l'autorit du sabre, subissent l'influence de la civilisation des Arabes ils adoptent leur
religion leur langage; ils respectent les savants, protgent
les lettres et puisent leurs inspirations auprs de ceux-l
mme qu'ils ont vaincus. Le tableau de la dcadence de
l'empire arabe et de l'empire romain offre les plus curieux
rapprochements les sultans renouvellent en Orient les rgnes brillants de Thodoric, de Charlemagne, et l'cole de
Bagdad continuera de rayonner sur toute l'Asie jusqu' la
e
1
fin du xv sicle
Les khalifes abbassides qui avaient recouvr l'indpendance par suite de l'affaiblissement des Seldjoukides restrent sans influence. Ils ne sortirent jamais de leur capitale
leur autorit ne s'tendait point au del. Kaiem, qui avait
appel Thogrul-Beg, s'tait aperu bientt qu'il n'avait fait
que changer de matre (1055-1074). Aprs lui, ses successeurs, Moctadi (1075-1094) et Mostadher (1094-1 118), s'taient
contents d'envoyer aux matres d'Ispahan un diadme, un
collier, des bracelets et une veste d'honneur, en signe d'investiture. Il n'en fut pas de mme de Mostarched (11181135) et de Rasched (1135-1136). Ces deux princes cherchrent relever le khalifat. Le premier repoussa un Seldjoukide qui voulait le contraindre lui donner le titre de
sultan; le second prit en dfendant Bagdad contre le sultan Massoud, dont il avait refus obstinment de reconnatre
la supriorit. Massoud, petit-fils de Malek-Schah par Mohammed, son pre, tait encore assez fort pour se faire respecter des khalifes; aussi, jusqu' sa mort, Moctafi II (11361160), successeur de Rasched, n'osa faire aucun acte de
;

Voy. nos Matriaux pour servir V histoire des sciences mathmatique* chex
Grect et les Orientaux. 1845-1849.

1.

les

13

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LIVRE

IV,

CHAPITRE

IV.

Massoud ayant provoqu


des troubles parmi les Seldjoukides , le khalife se posa ouvertement comme prince souverain , triompha des attaques
diriges contre Bagdad , et se fit reconnatre dans l'IrakArabi ; seulement, il permit que le nom du sultan ft prononc aprs le sien dans les prires publiques. Les choses se
rsistance; mais, la succession de

passrent ainsi pendant tout un sicle (1152-1258), et Mostandged (1160-1170), Mosthadi (1170-1179) Naser Ledinillah

(1180-1225), Dhaher (1225-1226), Mostanser (1226-1243),


Mostasem (1243-1258) n'eurent pas la honte de laisser
d'autres le soin du gouvernement; ils purent, par euxmmes et selon leur caractre protger le commerce et
l'industrie, les lettres et les sciences, sans que nul entreprt
,

de censurer leur conduite. Naser fit lever de nouveaux


collges, des hpitaux, des mosques, et son rgne trop court
ne fut pas sans clat. Bagdad, au milieu des bouleversements
qui clataient de tous les cts en Asie, semblait une forteresse inaccessible; peine quelques luttes sanglantes entre
les Sonnites exalts et les intraitables Schiites, ou les prtentions armes de quelques parents des khalifes rgnants
vinrent-elles troubler le repos de la cit.
La puissance des Seldjoukides, si considrable la fin du
e
e
XI sicle, s'tait donc au xn beaucoup amoindrie dans les
provinces orientales de l'empire arabe. Au commencement
du xui e sicle, les Atabeks de Y Aderbidjan , du Laristan et
du Farsistan taient pour ainsi dire indpendants, et partageaient avec les sultans

Bagdad
r.iat

l'autorit

du Khowaresm

et les khalifes

de

suprme.

de l'Asie occidentale la

fin

du

\i<

sicle

premire

croisade.

Que s'tait-il donc pass dans les provinces occcidentales?


Malek-Shah avait soumis sa domination le Djezireh, l'Asie
Mineure et la Syrie. A sa mort (1092) trois sultanies s'taient
formes celles d'iconion d'Alep et de Damas, tout fait
distinctes l'une de l'autre t et sans aucun rapport avec les
sultanies de la Perse et du Kerman. La premire s'tendait sur l'Asie Mineure, pays que les Arabes n'avaient point
,

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TURCS, MONGOLS ET LES CROISADES (1035-1258). 219


occup; les deux autres se disputaient avec acharnement
les grandes villes du Djezireh et de la Syrie. C'tait une
occasion favorable pour les khalifes fathimites du Caire
de reconqurir leur prpondrance dans ces contres mais
ils taient bien dchus de leur ancienne puissance
ils
les habitants de
avaient laiss , sans aucune opposition
l'Hedjaz prononcer dans la prire publique le nom des sultans seldjoukides. Loin de chercher rallier les Arabes contre les Turcs, Mostali, successeur de Mostanser (1094-1101),
n'avait eu d'autre pense que d'intervenir dans les querelles
des princes seldjoukides, pour obtenir d'eux, par l'intrigue,
quelques concessions striles. 11 est vrai qu'un incident imprvu avait dtourn les esprits des luttes intrieures et des
proccupations de nationalit. L'arrive de plusieurs armes
chrtiennes venant en Palestine dlivrer la ville sainte avait
rveill chez les musulmans le fanatisme religieux. Nul, en
prsence de la gacie [Gliaza, guerre contre les infidles), n'aurait song prendre les armes pour une autre cause. Les Arabes et les Turcs allaient suspendre leurs rivalits et s'unir
contre l'ennemi commun mais une fois le premier danger
;

disparu, les divisions devaient renatre et favoriser les progrs


des chrtiens. Les croisades ont t quelquefois regardes

comme une

sorte de raction contre l'Asie, et comme une


revanche des invasions arabes sur notre continent. Mais la
cause qui les a produites fut ce merveilleux enthousiasme
que les pontifes de Rome surent allumer dans les mes, d'un
bout l'autre du monde catholique. La perspective de sauver
Constantinople menace par les Turcs seldjoukides, n'tait
pour les premiers croiss qu'une question secondaire ; on
leur avait parl du tombeau du Rdempteur souill par
des barbares, on leur avait dit qu'il fallait prserver de la
profanation le berceau de leur religion; et des milliers de
voix avaient aussitt rpondu un appel fait au nom du
Dieu des chrtiens. Avant l'arrive de Godefroy de Bouillon ( 1097 ), les armes de Pierre l'Ermite et de Gautier sans
Avoir, dj dcimes en Hongrie et en Bulgarie, avaient pri
tout entires dans les tats du sultan d'Iconion les musulmans crurent alors n'avoir rien craindre des ennemis du
;

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LIVRE

220

IV,

CHAPITRE

IV.

dehors et recommencrent leurs guerres intestines aussi


lorsque les troupes disciplines des chefs de la premire
elles n'eurent comcroisade eurent pass le Bosphore
battre que les Turcs seldjoukides diviss entre eux, et triomphrent de leurs efforts partiels. Les croiss, aprs avoir travers les montagnes de la Cilicie, pris Antioche et ngoci
avec les mirs de la Syrie, entrrent dans la Palestine. Ils y
trouvrent pour adversaire le khalife fathimite qui venait
de reprendre Jrusalem sur les Turcs ortokides (1099) et le
vainquirent. Une fois tablis dans la ville sainte et ses environs, les chrtiens firent peu de progrs; Baudouin seul
qui s'tait empar de la ville d'desse dans le Djzireh, essaya d'avancer du ct de Bagdad.
;

Dernier khalifes fathimite*

Zcnghl, Noureddln et Baladin.

Les musulmans restaient fractionns


khalifes fathimites, Mostali (1094-1101),

Haphed (1130-1149), Dhaher

et sans chef;

les

Amer (1101-1130),

1149-1154)

Jaieh-ben-

Nasrillah (1154-1160), Adhed-Ledinillah (1160-1171),

ou

plutt leurs grands vizirs, ne songrent jamais s'unir aux


princes indpendants de la Syrie, pour rejeter dans la M-

diterrane les ennemis de leur

commune

religion. Il

sem-

au contraire, que leurs dmls avec les mirs turcs


fussent le principal objet de leur politique, et que la guerre
contre les Francs ne dt venir qu'en seconde ligne; mais,
aprs la mort de Barkiaroc, et au milieu des dchirements
de l'empire seldjoukide, il s'leva tout coup un nouveau
dfenseur de l'islamisme K
Emadeddin-Zenghi (appel Sanguin par nos chroniqueurs)
s'tait distingu la cour des Seldjoukides de Mossoul et
d'Alep. Sous le nom d'Atabek, il se forma d'abord, entre
le Djzireh et l'Irak-Arabi , un petit tat indpendant
(1122), et se rendit tellement redoutable aux mirs voisins,
que nul n'osa lui refuser obissance. 11 lit de Mossoul sa

blait

capitale

attaqua le sultan seldjoukide d'Alep

et se rendit

1. Michaud, Histoire des croisades, les Extraits des crivains arabes de M. Reinaud, et le Recueil des historiens des croisades publi par l'Acadmie des inscrip-

tions et belles-lettres.

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TURCS, MONGOLS ET LES CROISADES (1055-1258). 221


matre de cette ville (1127). Rveillant ensuite chez les musulmans la haine du nom chrtien , il commena contre les
Francs une guerre d'escarmouches , qui se termina par la
prise d'desse, et

il

fora les rois de Jrusalem de faire appel

l'Europe. Alors eut lieu

l'empereur Conrad

III

si

la

croisade de Louis VII et de

dsastreuse par ses rsultats. Zen-

ghi tant mort avait eu pour successeurs ses fils , Seifddin


et Noureddin. Ce dernier se montra le digne continuateur de

son pre;

il

fatigua les Francs par des attaques multiplies,

rois s'puiser en vains efforts contre Damas,


soumise encore aux Seldjoukides. Lorsque Louis et Conrad
se furent retirs , il assaillit lui-mme le sultan de Damas
affaibli par une longue et hroque rsistance, lui enleva
sa capitale et entra en Palestine qu'il ravagea dans tous les
sens. Bientt une heureuse circonstance lui permit de s'immiscer dans les affaires intrieures de l'gypte; il fournit des troupes un vizir pour opprimer le khalife Adhed,
et, n'ayant pas obtenu l'excution des promesses chan-

et vit les

deux

ges,

ouvrit les hostilits, sans se laisser intimider par

il

des Francs et des gyptiens. Les chances de la


guerre tournrent en sa faveur ; il dfit plusieurs fois le
roi de Jrusalem, notamment dans un grand combat prs
d'Artsie, tandis que son lieutenant Schirkouk devenait
matre de l'gypte et se faisait donner par le khalife la
charge de grand vizir: c'tait l'arrt de mort des Fathimites.
Le neveu de Schirkouk Saladin , hritier des secrets desseins de son oncle, n'hsita pas consommer la rvolution.
En moins d'un mois la prire fut dite dans toutes les mosques au nom du khalife de Bagdad Mosthadi, et Adhed, le
dernier de sa race fut dpos sans qu'une voix s'levt en
sa faveur (1171). L'gypte, de schiite qu'elle tait, devint
sonnite. Saladin suivait la doctrine de Schaffe il ne laissa
professer dans les coles que ceux qui se dclarrent partisans de cette secte, et la gnration qui succda celle
qu'il avait vaincue se trouva imbue des ides religieuses
qu'il dsirait voir se propager autour de lui.
A peine eut-il entre ses mains les ressources de l'gypte,
qu'il commena contre les Francs cette srie de combats

l'alliance

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222

LIVRE

qui ont rendu son

IV,

CHAPITRE

nom si clbre.

IV.

Lieutenant de Noureddin,

oubliait dj l'obissance qu'il devait son matre, lors*

il

qu'un vnement inattendu l'leva au rang suprme. Noureddin expira en 1174; son fils fut sacrifi. Les musulmans
se rangrent du ct de Saladin et le chef de la guerre
sainte ne rsida plus Alep, mais au Caire.
Saladin est un personnage trs- intressant dans l'histoire
des croisades et son rgne reprsente pour nous le plus
haut point de la civilisation des Arabes. Kurde de naissance,
mais il en
il n'appartient pas prcisment la race turque
,

y joint une intelligence suprieure.


On a personnifi dans Godefroy de Bouillon et Richard Cur
de Lion, la foi, la gnrosit, la bravoure des chevaliers chrtiens Saladin est au mme titre, le hros desmusulmans. En
lui viennent se rsumer leurs plus belles qualits. Courage
toute preuve grandeur d'me fidlit inbranlable aux
esprit do justice, modration dans la
traits, pit sincre
victoire, simplicit de murs, s'unissant quelquefois toute
la magnificence orientale, tels sont les traits principaux de
son caractre. Passant sa vie au milieu des combats il ne
nous apparat pas comme le protecteur des lettres, des arts
et des sciences, mais il ne leur est pas tranger; il possde toutes les connaissances arabes et il ne nglige aucun
moyen de s'lever dans l'estime des peuples Saladin fut le
premier qui runit entre ses mains les forces de l'Egypte
et de la Syrie l est le secret des revers qu'il fit prouver
aux croiss. A peine eut-il appris la mort de Noureddin,
qui le laissait seul matre de l'gypte, qu'il envahit la Syrie
et s'empara de Damas, d'Hems et d'Alep (1174-1182). Ce
ne fut qu'aprs ces conqutes qu'il songea raliser son
projet favori, l'expulsion des Francs de la Palestine. Le
a

l'instinct guerrier et

il

royaume de Jrusalem tait livr des discordes funestes;


lieu de songer uniquement se maintenir dans les saints

au

lieux dont la chrtient leur avait confi la garde, les chefs

des croiss se disputaient sans cesse le gouvernement des


villes et des places fortes. Une expdition mal conue avait

1.

Y ta
t

et

retgettx Sa lad i ni... Ed. Scbultens. 1732.

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TURCS, MONGOLS ET LES CROISADES (1055-1258). 223

diminu leurs ressources. Renaud de Cht il Ion avait voulu


pntrer, malgr un engagement pris, jusqu'aux villes de
la Mecque et de Mdine et s'tait avanc dans le dsert o
il avait perdu la plus grande partie de ses troupes, 6ans
autre avantage que le pillage d'une caravane.
,

Telle tait la situation des chrtiens

en Palestine;

quand Saladin entra

de Tibriade, et se
prsenta devant Jrusalem, qui tomba bientt en son pou*
voir. Les musulmans rigrent tous les temples en mosques, et, profitant de leurs rapides succs, assigrent
les places maritimes un chec devant Tyr rendit le courage
aux Francs et leur permit d'attendre l'arrive de Richard et
de Philippe Auguste. La troisime croisade (1187-1192)
releva les curs abattus. On ne put cependant rendre la
malgr toute la bravoure du roi
chrtient Jrusalem qui
d'Angleterre, resta aux mains du sultan d'gypte.
il

remporta

la victoire

Mort de Baladin, ses suceesseurs eonservent la prminence


Jusqu' l'arrive de Mongols.

Quelques mois aprs le dpart de Richard, Saladin mou Damas, admir de ses ennemis et regrett des musul*
mans, qui prvoyaient de nouvelles divisions ; on vit, en effet,
s'lever trois tats aoubites (du nom d'Aoub aeul de Saladin), l'un en gypte, l'autre Damas, Jrusalem et dans la
basse Syrie; le troisime enfinAlepet dans la haute Syrie.
Trois fils de Saladin s'taient partag les tats de leur pre;
deux d'entre eux furent dpouills par leur oncle MalekAdhel Seif-eddin-Abou-Bekre, qui resta matre de l'gypte
et de Damas. Malek-Adhel, nomm dans nos choniques Saphadin (1200-1218), fut l'ennemi acharn des Francs; il
leur enleva la ville de Tripoli, et dtermina la cinquime
croisade. Le roi de Hongrie, les ducs de Bavire et d'Aurait

triche, chefs des Latins, devaient se porter contre Damiette;


Jean de Brienne et le lgat Plage dirigeaient l'expdition
qui fut dsastreuse pour les chrtiens. Meledin ou Malek-

Camel,

fils de Malek-Adhel (1218), venait d'tre reconnu


sultan d'gypte, tandis qu'un de ses frres s'emparait de

Damas. Les Francs ne surent pas

profiter

de ces

luttes

de

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LIVRE

224

IV,

CHAPITRE

IV.

famille. Ils trouvrent toutefois

dans Meledin un ennemi gnreux. Quand Frdric H, le chef de la sixime croisade,


se prsenta en Palestine, ce prince accepta ses prsents et
lui cda gracieusement cette ville de Jrusalem qui avait
cot aux musulmans tant d'efforts et de sang (1228).

Il

s'y

rserva pourtant une mosque, ce qui valut l'empereur d'Al-

lemagne de nouveaux anathmes de

Rome. Ds ce moment
premier caractre;

les

celles

la

part de la cour de

croisades cessent d'avoir leur

de saint Louis ne seront plus

commandes par l'esprit gnral de

l'Europe, elles tiendront

des faits particuliers et n'auront de retentissement que


sur un thtre fort restreint. Les sultans aoubites , aprs
Meledin, regardent les Francs comme des ennemis implacables qu'il faut expulser de l'Asie. Ils ne leur laissent que
quelques villes maritimes, Joppe, Acre (Ptolmas), Csare,
Arsouf et Antioche. Jrusalem retombe aux mains des infidles et appartient tantt au sultan d'gypte tantt au sultan

de Damas 1
Ainsi, au commencement du xur sicle, dans la partie
occidentale de l'empire arabe la famille de Saladin se parun descendant de Nouredtage l'obissance des peuples
din possde, il est vrai, une partie du Djezireh mais
elle domine dans la Syrie, une partie de la Palestine et l'Egypte. Certaines provinces de la pninsule arabique ont pour
gouverneurs des princes aoubites, l'Ymen, par exemple,
qui, en 1173, avait t soumis par un frre de Saladin, dont
.

rgnrent jusqu' l'invasion mongole (1258); toutereprsentants de la puissance des Arabes, est encore proclam dans les prires publiques; les Alidesou Fathimites ne forment plus qu'une secte,
sans unit comme sans influence politique.
L'Armnie et

les

fils

fois le

nom des Abbassides, derniers

Gorgie sont redevenues chrtiennes; enfin un parti considrable connu dans l'histoire sous le nom d'Ismaliens*, de
Bathniens ou Assassins, et qui a jou un rle important penla

t. Voir, dans la Biographie universelle, les articles de M. udiffret, et particulirement celui de Malek-Adhel, t. XXVIII.
2. Mmoire sur les Ismalis et les Nosairis de Syrie, par M. Rousseau, t. XLII des
Annales des voyages de MaUebrun.

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TURCS, MONGOLS ET LES CROISADES (1055-1258). 225


dant

toute la dure des croisades

conserve encore une

certaine prpondrance.

es Bathnlens ou Assassins ;

Vers

la fin

du xr

sicle,

le

vieux de la montagne.

Hassan Sabbah avait commenc

prcher une nouvelle doctrine qui se rapprochait, selon


toute apparence, de celle de Karmath il s'tait dclar la
;

l'ennemi des chrtiens et des musulmans. Matre de


plusieurs forteresses, il avait tabli sa principale rsidence
au chteau d'Almout (chteau de la mort), situ sur une
hauteur prs de Caswin de l le nom de Seheik-al-Djebel
(vieux de la montagne) que lui donnent les anciennes chroniques. C'tait un homme vers dans les sciences. Il avait
beaucoup voyag et connaissait fond les sectes de l'islamisme. Comme Abou-Abdallah, le dernier chef des Karmathes, il avait pris un empire absolu sur l'esprit de ses
partisans au moindre signe de sa volont, ils se prcipitaient
du sommet d'une tour sur la pointe des piques, ou s'enfonaient un poignard dans le cur. Il lui suffisait d'ordonner, pour qu'ils allassent frapper ceux qu'il avait dsigns
leurs coups, fussent- ils vizirs, rois, sultans ou khalifes. Le
nom d'assassins qui leur a t donn, est une corruption du
mot assissins, buveurs de haschich, sorte de boisson enivrante au moyen de laquelle Hassan leur persuadait qu'il
pouvait leur faire goter toutes les joies du paradis; ces
fois

hommes

moiti abrutis par l'ivresse, taient prts commettre les plus grands forfaits pour revoir ces jardins de dlices dont leur imagination avait t frappe. Hassan se posa
donc comme une seconde providence charge de redresser
les torts et de punir les parjures il autorisa en mme temps
les brigandages de ses sectaires, et sa dynastie fit trembler
l'Asie occidentale pendant prs de deux sicles; on a prtendu qu'il favorisait secrtement les khalifes fathimites,
parce que les meurtres qu'il commanda frapprent plus
souvent les ennemis des souverains de l'gypte que ces
princes eux-mmes. Pourtant les rcits contemporains ne
confirment point cette hypothse; il parat seulement que
les assassins, en faisant une guerre implacable aux Sonnites,
;

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LIVRE

226

IV,

CHAPITRE

IV.

commune

avec les lides. tablis ds Tanne


1161 dans l'Irak persique ils y bravrent les efforts de Malek-Schah. Nizam, le grand vizir du sultan, prit, dit-on,
de la main d'un fanatique du chteau d'lmout. Ils portrent leurs armes en Syrie, jusqu'aux montagnes du Liban,
o ils eurent des postes fortifis. Toutes les caravanes qui
passaient prs de leur territoire taient pilles; ils ne soufraient pas plus que les Karmathes le plerinage de la Mecque; ils infestaient les routes, et nul n'osait les poursuivre
dans leurs retraites. Ils possdaient encore au commencement du xur sicle un grand nombre de stations dans
l'Irak et en Syrie, Cadmous, Mafiat voisine de Tripoli, et
plusieurs autres places non loin de Damas et d'Alep.
firent cause

invasion de Mongol; courageuse reelutance de Djelal-Eddluj


Un du khallfat de Bagdad.
Telle tait la situation de l'Orient, lorsqu'une nouvelle

race de conqurants, celle des Mongols

ou Mogols,

s'abattre sur l'Asie tout entire. Les Mongols,

Turcs, formaient une horde particulire de


scythique; ils avaient conserv au fond de

murs

vint

comme

les

la

grande famille

la

Tartarie leurs

coutumes, vie nomade, lgislation, gouvernement, organisation en tribus, obissance


leurs chefs, amour du pillage et de la guerre, c'tait touprimitives

religion,

mmes traits distinctifs. Leur arrive causa une


profonde terreur, non-seulement chez les Arabes, mais
chez les Turcs eux-mmes, qui, au contact de la civilisation
de leurs devanciers avaient dj abandonn une partie e\e
leurs habitudes sauvages.
Gengis-Khan tait dj matre de la Tartarie et de la Chine

jours les

septentrionale 1 , lorsqu'il se dirigea vers l'occident et

naa
alors

me-

Mawarannahar (1219). Cette province appartenait


au sultan du Khowaresm, Mohammed, qui tait en

le

I. Histoire des Mongols depuis Tchinqhiz Khan jusqu' Timour Lenc, par
1824.
AbulHanking, Histor. Besearches, etc. Londres, 1828.
,
ghazi Behadur Khan, Hitt. Mongolorum, Ca*an, 1825. La traduction de cet ouvrage, a t publie par Varennes en 1726, et celle de Mcsserscbmid (en ail.), Gottiogue, 1780, etc.

C. d'Ohsson

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TURCS, MONGOLS ET LES CROISADES (1055-1258). 227


Naser Ledinillah cette
le khalife de Bagdad
une cause srieuse. Nasser, effray de la puissance
de Mohammed, avait arm contre lui les princes Ghourides.
Le sultan voulait se venger il assembla dans son palais un
grand conseil de jurisconsultes et de docteurs, dont la d*
cision ne pouvait tre douteuse, et dclara que les Abbasguerre avec

lutte avait

Miles usurpateurs
petit-fils d'Ali,

d'Ali,

nomm

du

khalifat sur les descendants d'Hossein,

Un

avaient cess de rgner.

descendant

Ala-eddin, qui rsidait dans le Mawarannahar,

fut proclam khalife, et une grande expdition fut prpare


contre Bagdad. L'arrive des Mongols sauva Naser Ledinillah; le 6ultan fut oblig de diriger toutes ses forces vers le

Mawarannahar, o

elles furent tailles

repassa rapidement

le

Dihon

en pices. Lui-mme
dans une le de

et se rfugia

mer Caspienne, laissant son fils Djelal-Eddin le soin


de tenir tte aux ennemis (1220). Djelal-Eddin tait digne
d'une semblable mission d'un courage toute preuve, s'il
et t soutenu par un peuple dtermin dfendre pied
pied ses foyers, il aurait rsist aux Mongols; mais, abandonn et trahi de toutes parts, il eut la douleur de voir les
hordes de Gengis-Khan inonder le Mawarannahar, le Khowaresme, le Khorasan, le Ghilan, l'Aderbidjan. Lorsque le
vainqueur, matre de dix-sept cents lieues de pays fut retourn Caracorum, sa capitale, situe prs du dsert de
Ghamo (1220-1227), Djelal-Eddin, qui avait cherch un re*
fuge dans l'Inde, revint sur ses pas, et comme sa bravoure
tait partout clbre, les peuples non encore soumis se rangrent sous ses drapeaux. Il forma des dbris des possessions de son pre Mohammed un nouvel empire qui s'tendait des sources du Gange aux portes de Mossoul dans
le Djezireh, et Bagdad se trouva encore garantie pour quelque temps du contact immdiat des Mongols. Mais Octa,
devenu par la volont de Gengis son pre et le consentement de tous les grands, khan suprme de la nation mongole, fit envahir immdiatement les tats de Djelal-Eddin
qui, rduit de nouveau prendre la fuite, finit par tre
assassin dans le Diarbekir.
Octa fut moins heureux dans ses tentatives contre le
la

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LIVRE

228

IV,

CHAPITRE

IV.

sultan d'Iconion , et contre Bagdad, dfendue par le khalife


Mostanser (1235-1241). Gaiouk, son successeur (1241-1251),
fit aussi peu de progrs, et se contenta de chasser de sa
cour les ambassadeurs du khalife, du Vieux de la Montagne et des sultans Seldjoukides ; aprs lui, Mangou-Khan,
anim d'une nouvelle ardeur de conqutes chargea ses
frres Kubla et Houlagou, d'tendre au loin les frontires
de son empire. Tandis que Kubla allait achever la soumission de la Chine, Houlagou partit de Caracorum la tte
d'une nombreuse arme, et se portant vers l'occident,
anantit en moins de deux ans, les dernires traces de la domination des assassins en Perse. Puis il vint assiger Bagdad,
o il entretenait dj des intelligences. Le khalife Mostasem,
instruit de son approche, ne songea point faire rsistance ;
il voulut ngocier, ne fut point cout, et vit dans le mois
de sapher 656 de l'hgire (1258), sa capitale emporte d'assaut, et saccage sept jours entiers par les Mongols; les
manuscrits les plus prcieux, trouvs dans les bibliothques
et les collges, furent en partie brls, en partie jets dans
les eaux du Tigre qui, selon le rcit fort exagr d'un historien arabe, devinrent toutes noires d'encre. Les Tartares
furent tonns eux-mmes des prodigieuses richesses que
contenait la ville d'Almanzor, et cependant ils avaient dj
pill Bokhara, Samarcande, Mrou, Nischabour, Ispahan.
Quant Mostasem , il fut trangl sur l'ordre d'Houlagou,
et son cadavre sanglant fut tran sous les murs de Bagdad,
tmoins tour tour de la grandeur des bbassides, de leur
dchance et de leur ignominie 1 .
,

Vaincs tentatives de* mongols eontre la Syrie et l'Egypte,


les Mamelouks dtrnent les sultan aoubltes et sont plus
tard renverss par les Turcs ottomans.

Les Mongols n'avaient plus qu'un pas faire pour s'emparer de la Syrie et de l'gypte mais ils y rencontrrent
les Mamelouks et ne purent les vaincre les Mamelouks, ainsi
;

que leur
1.

fol.,

nom l'indique, taient des esclaves circassiens, pour

Raschid-el-din, Hi$t. et Mongol* de la Perte, trad. par M. Quatremre, in1836,

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TUR(S,

MONGOLS ET LES CROISADES

(1055-1258). 229

la plupart, que les successeurs de Saladin avaient introduits


dans leur palais et qui renouvelaient au Caire les dsordres
et les prtentions de la milice turque de Bagdad.
Lorsque les Kharizmiens fuyant devant Gengis-Khan
s'taient prcipits sur la Syrie, le sultan de Damas pour
obtenir les secours des Francs leur avait abandonn Tibriade, Jrusalem et Ascalon le sultan d'Egypte et ses Mamelouks s'unirent aux Kharizmiens, et aprs une lutte pendant laquelle Jrusalem fut prise et reprise plusieurs fois,
ils finirent par combattre leurs propres allis et les taillrent en pices ( 1240-1245) trois ans plus tard ils repoussaient la Massoure l'agression de saint Louis qui venait
d'envahir l'gypte. En 1250 une rvolution vint changer la
face de ce pays.
Les Mamelouks peu satisfaits du trait conclu avec le roi
de France leur prisonnier, se soulevrent et proclamrent
sultan un de leurs chefs, Moezzeddin Ibegh; ils avaient
leur disposition toutes les ressources de l'tat; nul ne
put s'opposer leur usurpation saint Louis retir en Palestine chercha inutilement leur susciter des ennemis, en
ouvrant des relations avec le khan des Mongols et le Vieux
de la montagne ; la Syrie aprs avoir t occupe un instant par Houlagou, qui mit fin (1258) aux sultanies d'Alep
et de Damas, resta dfinitivement, ainsi que le Djzireh au
pouvoir des Mamelouks les Francs perdirent successivement
leurs dernires possessions, et une nouvelle dynastie de
khalifes abbassides, pontifes sans autorit , ne servit qu'
donner la domination des souverains de l'gypte une
sorte de conscration religieuse jusqu'en 1517 1 cette poque les Turcs ottomans dj matres de Constantinople et
de l'Asie Mineure, exterminrent les Mamelouks et tendi;

rent leur autorit sur toutes les contres dsignes aujourd'hui par le nom de Turquie d'Asie.

i. Histoire des sultans Mamelouks de Makrizi, publie par H. Qaatremre.


Voy. aussi les diverses notices que nous avons donnes de cet ouvrage dans lo
et sur la deuxime branche des khalifes Abbassides (1261-1538)
notre Manuel de chronologie universelle, t. 1 er , p. 160.

Journal asiatique ;

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230

U%

LIVRE

CHAPITRE

IV.

Arabes ne disparat pas avec leur empire.

civilisation des

Au

IV,

milieu de ces rvolutions incessantes, les Arabes s'ef-

facent devant les barbares du nord, Turcs et Mongols; ils


n'ont plus d'existence politique eu dehors de la pninsule,
et disparaissent

l'Orient

mais

la

civilisation

de

l'Asie

pour ainsi dire de l'histoire des peuples de


grand mouvement qu'ils ont imprim

le

se manifeste

encore;

bouleversements

les

ne font que le consacrer de la manire la plus


clatante; nous avons vu le sedjoukide Malek-Schah emprunter l'cole de Bagdad la rforme du calendrier persan; avant lui, Mahmoud le ghaznvide avait appel ses
un gnie universel, Albirouni qui exera une si remarquable influence sur son sicle son tour le Mongol
Houlagou, qui n'a pas su prserver des flammes tant de
riches monuments recueillis par un zle clair, cde l'ascendant de Nassir-Eddin-Thousi et permet ce clbre
Conseils

mathmaticien de btir un magnifique observatoire Mragah; son frre Kubla, devenu empereur de la Chine,
transporte enfin dans le cleste empire les connaissances de
l'Occident. Lorsque deux sicles plus tard s'lvera sur la
ruine des dynasties mongoles, celle de Tamerlan, qui, la
tte des Turcs orientaux, pourra se croire un instant appel
rgner sur l'Asie tout entire, son fils Schah-Rokh et son
petit-fils OIoug-Beg, mriteront d'tre regards comme les
derniers reprsentants de l'cole arabe. Enfin l'Hindoustan
qui du temps des Ghaznvides s'est clair de la science
d'Albirouni, recevra de Baber, petit-neveu d'Oloug-Beg et
fondateur de l'empire du Grand Mogol, une impulsion f-

conde 1
Sous

les premiers empereurs ottomans nous aurons encore signaler des crivains illustres faisant usage du
dialecte des Abbassides ou du persan moderne qui n'en est
plus qu'un driv mais ce seront les derniers rayons de
,

le tableau que nous avons trac de l'tat des sciences cette poque
1. Voy.
dans notre Introduction aux prolgomnes d'Oloug-Beg', notre notice sur la Gographie au moyen ge de Lelewel (Bulletin de la Socit de gographie 1851) ;
M. Quatremre, Mmoires historiques'jsur la vie de Schah-Rokh, 1837, et Mmoire
sur le got des livres chex les Orientaux.
,

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TURCS, MONGOLS ET LES CROISADES (1055-1258). 231


cette longue priode de gloire. Le despotisme du sabre
rgnera sur tout le continent asiatique; Test chez les Tartares Mantchous, au nord chez les Usbecks, dans l'Inde au
milieu des guerres civiles, dans la Perse chez les Sophis,
l'ouest enfin chez les Turcs ottomans. Sous le rapport intellectuel l'Orient retombe dans l'immobilit et la barbarie,
jusqu' ce que l'Occident, reprenant en grand l'uvre des
Arabes, dveloppe merveilleusement toutes les sources de
la science

l'Asie

et

de

l'industrie

humaine,

et,

ragissant sur

pntre ses vastes contres d'une vie nouvelle.

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LIVRE

V.

GRANDEUR ET DCADENCE DES ARABES EN OCCIDENT, DEPUIS


LA LUTTE DES OMMIADES ET DES ABBASSIDES, JUSQU'A
L'TABLISSEMENT DES TURCS EN AFRIQUE ET l'eXPULSION COMPLTE DES

MAURES DE

ESPAGNE

l'

125-1018 (re musulmane).

743-1609 (re chrtienne).

CHAPITRE

er

LES AGLABITES ET LES DRIS8ITES, LES FATHIMITES


ET LES ZEIRITES EN AFRIQUE } LES OMMIADES EN
ESPAGNE.
743-1008 (de

J.

C).

125-399

(de l'hgire).

TAT DE L'ESPAGNE; ARRIVE D'ABDERRAHMAN OU ABDRAME ; IL FONDE LE


L'AFRIQUE EST TROUBLE PAR LA RIVALIT DES
KHAL1FAT DE CORDOUE.
LES DRISSITES S'EMPARENT
ARABES ET DES BERBRES; LES AGLABITES.
DE TLEMCEN ET FONDENT LA VILLE DE FEZ ; LES AGLABITES* CONTRIBUENT
EXPDITIONS MARITIMES DES AGLABIAUX PROGRS DE LA CIVILISATION.
TES ; ILS S'EMPARENT DE LA SICILE QUI DEVIENT FLORISSANTE SOUS LEUR DOMINATION.
LES AGLABITES PNTRENT EN ITALIE ET FONDENT DES COLONIES SUR LES CTES DE LA MDITERRANE.
DCADENCE DES AGLABITES;
ILS SONT RENVERSS PAR LES FATHIMITES ; INTERVENTION DES KHALIFES DE
CORDOUE.
LES FATHIMITES ABANDONNENT LE MAGREB AUX ZERITES DONT
LA PUISSANCE NE FAIT QUE DCROTRE; LES HAMADITES S'TABLISSENT A BOUGIE.
PROSPRIT DE L'ESPAGNE SOUS LES KHALIFES OMMADES; RGNE
D'ABDERRAHMAN I er .
LES SUCCESSEURS D'ABDERRAHMAN MARCHENT SUR
SES TRACES; MAGNIFICENCE D'ABDERRAHMAN III. ALHAKEM H ET HESCHAM II;
POLITIQUE DES OMMADES; TROUBLES INGOUVERNEMENT D'ALMANZOR.
TRIEURS.
LES ARABES D'ESPAGNE
GUERRES CONTRE LES CHRTIENS.
FORMENT, A L'EXEMPLE DES AGLABITES, DES TABLISSEMENTS DANS LES ILES
DE LA MDITERRANE ILS ATTAQUENT LA PROVENCE ET FONDENT LA COLONIE DE FRAXINET; INCURSION DES NORMANDS.
DVELOPPEMENT MORAL ET
INTELLECTUEL DES ARABES D'ESPAGNE.
INDUSTRIE, COMMERCE, AGRICULTURE; MONUMENTS ET TRAVAUX PUBLICS,

La

lutte des

Ommades

rsultat la sparation des

eu pour
Arabes en deux grandes frac-

et des bbassides avait

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.


tions,

d'un ct

d'Occident.

dans l'Asie
maintenant

les

Arabes d'Orient, de l'autre

les

233

Arabes

Nous avons expos les rvolutions accomplies


musulmane et dans l'gypte; nous allons

faire connatre les vnements dont l'Espagne


Magreb avaient t le thtre pendant la mme priode; nous pourrons ensuite apprcier d'une manire

et le

le rle de la race arabe dans


son influence sur la civilisation.

gnrale
et

tat de l'Espagne

l'histoire

arrive d' Abderrabman ou


le khallfat de Cordoue.

du monde,

Abdrame

fonde

Il

Des deux contres occidentales conquises par les succesMahomet, l'Espagne, plus encore que le Magreb,
souffrait de son loignement de la mtropole. Les walis des
provinces, et mme les moindres scheiks se considraient
comme des chefs indpendants , sachant bien que le pouvoir central ne pourrait contrler leurs actes et sanctionnerait toujours les dcisions de la force. D'autres causes
seurs de

d'anarchie existaient dans la pninsule. Les tribus hmyari-

syriennes n'avaient pas cess leurs rivalits


d'un il jaloux les tribus africaines l'ardeur
guerrire, l'amour du butin, qui ne pouvaient plus se satisfaire au dehors depuis les victoires de Charles-Martel, cherchaient des aliments l'intrieur, et le dsordre tait devenu tel, que l'autorit des mirs n'tait plus respecte; les
murs et les habitudes des Espagnols ne pouvaient d'ailleurs se plier aux exigences rigoureuses d'une multitude de
despotes. Au milieu de tous ces tiraillements, un parti
considrable rsolut de constituer un gouvernement qu'on
ne pouvait attendre de l'impuissance des khalifes d'Orient. A
la nouvelle qu'un descendant de la famille d'Ommah avait
chapp au massacre command par boul-Abbas-al-Saffah,
et s'tait rfugi en Afrique, trois dputs vinrent lui offrir
une arme et un trne. Abderrahman, qui tait petit-fils du
tes,

irakiennes

et regardaient

Hescham, n'hsita point un instant. Il se trouvait alors


au milieu de la tribu berbre des Zentes qui lui avait
donn une gnreuse hospitalit il obtint du chef de cette
tribu, la plus importante de toute l'Afrique, une troupe de

khalife

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LIVRE

V,

CHAPITRE

er
.

sept cent cinquante cavaliers, et suivi des trois envoys

qui s'taient prsents au nom d'un peuple opprim, il


s'embarqua immdiatement pour l'Espagne. Son arrive
Almunecar, petit port quinze lieues de Grenade, fut accueillie dans toute l'Andalousie .avec enthousiasme. Les
Arabes, comme les Maures, se rangrent autour de son
drapeau il entra Sville au milieu d'acclamations universelles. Chacun admirait sa bonne mine, sa jeunesse, et rappelait les malheurs qui l'avaient dj frapp. Les tmoignages de sympathie ne suffisaient point pour lui assurer
l'autorit suprme. Il fallait vaincre Yousouf et Samail, les
deux chefs qui, avant son arrive, se disputaient le comman;

dement et qui s'taient unis contre l'ennemi commun.


Cordoue tait en leur pouvoir ils furent contraints de
cder au vu des habitants et de livrer cette ville Abderrahman ils ne devaient pas tre plus heureux en rase
campagne. La victoire deMusara dcida non-seulement que
le gouvernement de l'Espagne passerait entre les mains de
rOmmade, mais encore que cette province n'appartiendrait
plus aux Abbassides, car Yousouf avait t reconnu par AboulAbbas comme son dlgu. Abderrahman triompha de ses
adversaires dans une seconde rencontre et se montra gnreux leur gard en leur laissant la vie sauve et la possession
de leurs biens; il obtint que toutes les places de la pninsule seraient remises entre ses mains. Le trait fut sign en
;

756,

et,

ds cette poque, l'unit du khalifat fut

1/ Afrique est

rompue

1
,

trouble par la rivalit des Arabes et des


Berbres; les Aglabltes.

En

Afrique, la situation n'tait pas la mme; d'un ct


Arabes venus d'Asie s'appuyaient de l'autorit des khalifes pour maintenir leur prpondrance sur les populations
parses de la contre ; de l'autre les Maures ou Berbres
tout en restant fidles leur nouvelle religion cherchaient
s'assurer la libert politique pendant la lutte des Ommades et des Abbassides (746-752), le gouverneur Abderrahmanben-IIabib sut, par une habile administration, s'attirer l'esles

l.

Aechbach, Geschichte Ommaijadtn in Spaniin. Fraocfort-sur-Mein, 1829.

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.


time gnrale;

il

comme aucune

se

fit

235

des partisans dans les deux camps,

instruction

ne venait de

et,

l'Orient, en butte

aux dissentions intestines, il avait l'initiative aussi bien que


l'honneur de toutes les bonnes mesures, et pouvait se considrer comme chef suprme. Aprs le triomphe des Abbassides, il reconnut la suzerainet d'Aboul-bbas (753); mais,
deux ans plus tard, les exigences d'Almanzor l'irritrent, et il
se dclara indpendant, en proclamant, dans la mosque de
Cairowan , que la prire ne serait plus faite qu'en son propre
nom (755). Sa conduite ne trouva d'abord aucun opposant,
et l'on pouvait croire sa domination solidement tablie, lorsque l'ambition de son frre Elyas arma les Arabes contre

deux partis qui semblaient avoir


abjur tout sentiment de haine et de rivalit; la lutte fut
longue et sanglante, marque par des assassinats et de terribles reprsailles; elle se termina, en 770, l'avantage des
Arabes. Leur chef, El-Aglab, fit partout reconnatre l'auto-

les Berbres, et rveilla les

du khalife Almanzor. Sous les rgnes d'AImahadi, et mme


sous celui d'Haroun-al-Raschid,ily eut, de la part des Berbres, de continuelles rvoltes qui imposrent aux khalifes
de Bagdad de grands sacrifices; Haroun prit enfin le parti
de renoncer son pouvoir temporel en faveur d'Ibrahim,
fils d'El-Aglab (800). A la suite d'un acte solennel, qui rservait aux Abbassides une souverainet purement spirituelle,

rit

l'Afrique

comme l'Espagne, eut un gouvernement indpen-

dant; seulement, la dynastie des Aglabites ne donna pas


le funeste exemple d'une nouvelle scission dans le khalifat.

Un

des rsultats

le

plus heureux de l'administration des

Aglabites, qui dura plus d'un sicle (800-91


dfinitive des

Arabes

1)

fut la fusion

et des Berbres. L'identit

de murs

et de religion dtruisit la force des souvenirs et

fit

dispa-

de la conqute; les grandes tribus


Zentes, Marmuda, Zanhaga, Ketama, Hohara ne renouvelrent plus leurs confdrations, se dispersrent dans tout
le Magreb, et payrent volontiers la faible redevance qui leur
tait impose par le Coran, depuis qu'elles taient converties l'islamisme. L'autorit dlbrahim-ben-Aglab, tait
ratre les dernires traces

reconnue de l'Atlantique aux frontires d'gypte,

et son

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LIVRE V, CHAPITRE

236

nom

prononc dans

basside

les

1".

mosques avec

celui

du

khalife ab-

*.

lies Kdrlusitea 'emparent de Tlemcen et fondent la ville de


le Aglabites contribuent aux progrea de la elvlllaatlon.

Des divisions partielles ne tardrent pas clater dans les


provinces occidentales de l'Afrique. Un personnage de la famille des Alides, dris, rveilla avec adresse les querelles
religieuses, et se

ft

un

parti puissant

contre. Bientt levant le masque,

parmi

il

les tribus

de

la

parvint s'emparer

de Tlemcen, et fixant sa rsidence Valili resta matre du


Magreb-el-Acsa (803). Les prtentions des Alides blessaient
autant les khalifes de Bagdad que les Aglabites eux-mmes :
ceux-ci y voyaient une atteinte leur autorit temporelle,
ceux-l leur autorit spirituelle. Aussi cbercha-t-on des
deux cts dtruire leur domination; ce fut en vain. Les
drissites se maintinrent dans leurs possessions, et subsistrent mme plus longtemps que la dynastie aglabite(803-949).
Du reste le pays qui reconnut leurs lois leur dut beaucoup
pour les immenses travaux qu'ils y firent excuter. Ils fonet cette ville acquit en peu de temps une haute
Sa mosque devint un objet de vnration pour
tous les habitants. Des coles et des bibliothques favorisrent le mouvement scientifique dont les Abbassides taient
les promoteurs en Orient. Enfin la nouvelle capitale fut
l'entrept d'un vaste commerce entre les Arabes d'Espagne
et ceux d'Afrique*.
La dynastie des Aglabites rduite au Magreb-el-Aoustha
et l'Afrikia n'en brilla pas moins du plus vif clat. A l'intrieur elle protgea, d'une manire remarquable, toutes
les branches de l'administration publique; au dehors, elle

drent Fez

clbrit.

1.

Voy. sur les rois aglabites, Casiri,

gers, Arabie, p. 387 ei suiv.


2. Moura, Historia dos Soberanos

t. II,

p. i9l, d'aprs

Ebn Alkhalibi. Desver-

mahometanos que reinarao na Mauritania.

Almakkari, t. II, appendix, p. 27, sur les drissites d'Espagne. Histoire des
rois de Mauritanie, compose par l'historien arabe Ebul-Ha6san-Aly-hen-Abdallahben-Ebi-Zeraa , trad. de l'arabe avec des remarques par Fr. de Dombay. Agram,
1794, en ail. C'est l'histoire des dynasties arabes d'Afrique depuis le milieu du
vin sicle jusqu'au commencement du xiv. L'ouvrage arabe est connu sous le nom
de Petit Kartas.

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.

237

entreprit d'heureuses expditions contre les tats chrtiens


les rivages de la Mditerrane.
Contemporain des Haroun-al-Raschid et des lmamoun,
les Aglabites marchrent sur leurs traces et introduisirent
en Afrique tous les lments de la civilisation qui existaient
dans la Syrie et dans l'Irak. Par eux, de nouvelles villes,
Casr-El-Cadim et Resada furent fondes; Tunis, Cairowan,
Tripoli
o ils fixrent successivement leur rsidence, se
couvrirent de monuments magnifiques dont les vestiges

sur

existent encore aujourd'hui et frappent d'admiration les


voyageurs qui tout prs des dbris de l'art romain voient
l'architecture

mauresque

taler ses arcs aigus et ses riches

colonnettes. Des ingnieurs minents jetrent des ponts sur

des torrents rapides et creusrent de nouveaux ports. On


tudier les sciences auxquelles les Arabes de
Bagdad se livraient avec ardeur. Tout ce qui peut aider le
commerce, l'industrie, l'agriculture dans un pays riche et
fertile fut galement tent par les Aglabites
ils facilitrent
les relations entre les habitants du dsert et ceux de la cte
par la cration de nombreux entrepts on construisit des
routes, on veilla la sret des communications. Une surintendance gnrale des postes, dont on confia la direction
aux principaux personnages du pays, avait pour mission
de maintenir un systme complet de courriers et de relais
depuis les frontires du Magret) jusqu' l'gypte. Enfin des
chantiers s'levrent dans les principaux ports, et les Aglabites eurent leur disposition une puissante marine qui

commena

les rendit les matres

de

la

mer 1

Expditions maritime* des Aglabites. Ils s'emparent de 1


Sicile qui devient florissante sous leur domination.

Leurs entreprises maritimes commencrent par des dprdations et finirent par des conqutes. Dj avant eux les
gouverneurs de l'Afrique avaient organis contre les chrtiens

un

I.

systme de razzias; de temps en temps ils


de leurs ports de petites flottilles qui, diriges

terrible

faisaient partir

Histoire de l'Afrique sous la dynastie des qlabitts et de la Sicile sous la


irad. d'Ebn Khaldoun par M. N. Desvergers. 1841

domination musulmane,

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LIVRE

V,

CHAPITRE

er
.

par des hommes hardis, allaient ravager les ctes de l'Italie, de la France, de la Corse , de la Sardaigne et de la Sicile; ces expditions se renouvelrent surtout au vm e sicle
et semrent la terreur dans les provinces du littoral de la
Mditerrane. Les chroniques italiennes et franaises sont
pleines de rcits effrayants, mais souvent exagrs, au sujet
des incursions des Sarrasins qui descendaient sur le rivage,
au milieu d'une population paisible, entraient dans les villages ouverts , saccageaient l'glise, massacraient ceux qui
tentaient de faire rsistance , et emmenaient les habitants en

Du reste, les historiens du temps sont peu au fait


des vnements , et avec leurs seuls crits, le travail le plus
consciencieux ne peut que donner une ide trs -imparfaite
esclavage.

des incursions arabes sur les ctes de la Mditerrane.


Ils fixent la premire apparition des musulmans avant l'poque mme o Mahomet rpandit sa doctrine, et ne s'accordent point pour la date des invasions. C'est aux crivains
arabes qu'il faut s'adresser pour connatre exactement les
faits

gnraux .

Jusqu' l'avnement des Aglabites on compte de nombreuses expditions en Corse vers, 710, 713, 772 ; en Sardaigne, vers 724, 739; en Sicile, vers 720, 724, 728, 743, 747,

773; dans

les les de Lerins, de Malte et de Gozzo, et sur


de la Pouille et de la Calabre dans le mme temps
mais elles ne furent suivies d'aucun tablissement durable.
Il s'agit uniquement d'actes de piraterie.
Peut-tre mme
ceux qui montaient les flottilles n'taient-ils dj qu'un
ramassis de juifs et de chrtiens, de rengats de toutes les

les ctes

nations, vivant

du

des esclaves, ayant des intelligences


vendant fort cher
leurs services aux musulmans, et frappant toujours coup
sr. Quoi qu'il en soit, ces razzias continurent pendant
tout le vin sicle dans la Mditerrane. Les Grecs qui, seuls,
tenaient la mer, furent forcs d'abandonner leur destine
les Balares, la Corse et la Sardaigne, et le pape voyant ces
les sans secours
demanda aux rois francs de les prendre

dans

trafic

les places qu'ils allaient attaquer,

I.

Voy. Almakkari, 1

1,

appendix, p. 35.

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AGLABITS, FATHMlTES, OMMADS, ETC.

239

sous leur protection. Chariemagne quipa une flotte considrable, qui, sous les ordres de Ppin, roi d'Italie, et du
conntable urchard, prserva quelque temps les places
maritimes de nouvelles agressions; mais sa mort (814) et
au milieu des luttes intrieures qui clatrent sous Louis le
Dbonnaire, les Sarrasins reprirent leurs courses aventureuses avec le plus grand succs.

Les Arabes d'Espagne inquitrent plus spcialement les


ceux d'Afrique, l'Italie, la Sardaigne et la Sicile. L'ide vint mme aux Aglabites de conqurir l'islamisme cette dernire le, et une occasion
favorable s'tant prsente, ils s'empressrent de la saisir.
Un officier grec, Euphmios, ayant reu une injure grave
du gouverneur, arbora le drapeau de la rvolte et se fit proclamer chef souverain par les habitants. Bientt un de ses
compagnons d'armes, jaloux de son lvation, parvint lui
opposer un parti redoutable et lui enlever Palerme et Syracuse. Euphmios se rendit en Afrique et implora le secours de Ziadet- Allah, successeur d'Ibrahim. L'glabite
organisa aussitt une expdition dont il confia le commandement un homme connu par ses talents militaires et par
son habilet dans l'administration, le cadi Aad-ben-el- Jirat,
auteur de l'ouvrage intitul : El-Aadieh. La flotte, partie
de Sousa (port considrable quarante lieues sud de Tunis),
prit terre Mazzara (827). Le cadi et Euphmios commencrent immdiatement les hostilits et furent victorieux en
rase campagne; mais les villes refusrent d'ouvrir leurs portes
des infidles; Syracuse, Palerme, Casr-Jani, aujourd'hui Castro Giovanni, l'ancienne Enna, repoussrent toutes les attaques; Euphmios jugeant la partie perdue, engagea ses allis
se retirer. Les Arabes, privs de leur gnral qui venait de
succomber une maladie pidmique, coutrent d'abord
les conseils de la prudence. Au moment de mettre la
voile, ils aperoivent une flotte grecque prte leur barrer le passage. Aussitt comme les soldats de Tarik et les
pirates de Candie, ils brlent leurs vaisseaux et font serment de mourir sur le sol sicilien ou de le soumettre
l'islamisme (828). Leurs premiers efforts les rendent malctes de France et la Corse

no

LIVRE V, CHAPITRE I"

de Girgenti et de Mazzara o ils se fortifient et se


maintiennent pendant deux ans. Euphmios avait pri en
combattant au milieu d'eux, et ils taient rduits la dernire extrmit, lorsqu'une flotte de trois cents voiles vint
ranimer leur courage. Le nouveau chef qu'on leur envoyait
avec le titre de wali, Mohammed-ben-Aglab, assigea
Palerme, s'en empara malgr une hroque dfense (831),
et accorda aux habitants la vie sauve avec la facult d'emporter leurs richesses en Italie. La prise de cette place importante avait dcid du sort de la Sicile; ds ce jour la
conqute ft assure. Les Arabes n'eurent plus que des
luttes partielles supporter. Une arme , envoye en 836
par l'empereur de Constantinople, fut vaincue sous les murs
de Casr-Jani. Les villes, situes dans l'intrieur du pays,
rsistrent mieux : Casr-Jani mrita le titre d'imprenable
et ne se rendit qu'en 859. Noto, aormine, Catane, imitrent ce noble exemple; Syracuse ne succomba qu'en 878.
Ce n'taient point les Grecs de Constantinople qui montraient cette opinitret
les habitants du pays seuls puitrs

srent dans la haine de la domination

du

musulmane

l'nergie

grecque ne leur prta aucun secours. L'amiral fut mis mort pour avoir laiss prendre Syracuse sans avoir combattu et la cour de Byzance ne s'inquita plus de la Sicile.
Des dissensions intestines avaient retard le triomphe
des Arabes; de 871 873, sept walis diffrents s'taient
succd dans le gouvernement, les uns nomms par les
Aglabites, les autres lus par l'arme. Un nouveau chef
venu d'Afrique, Abou-Melek, rendit enfin aux armes musulmanes l'unit d'action ncessaire et jusqu'en 899 sut
faire respecter son autorit. Ce n'tait point chose aise pour
les musulmans vainqueurs que de s'tablir fortement au
milieu d'une population toute chrtienne; ls taient trop
peu nombreux pour se rpandre sur toute la surface du
pays aussi durent-ils se contenter d'occuper les points fortifis et les villes principales. Sans doute ils cherchrent
faire des proslytes, dtruisirent des glises, et s'emparrent des trsors des diffrentes abbayes, mais ils ne poudsespoir.

La

flotte

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AGLABITES, FATH1MITES

OMMADES, ETC.

241

vaient songer faire prir dans les tourments ceux qui


refusaient d'apostasier ; c'et t contraire la loi de

Mahomet

et aux habitudes des Arabes, qui cherchaient


accepter leur domination. Les Siciliens furent soumis
des contributions moins pesantes qu'auparavant et surtout
plus rgulires; l'impt une fois dtermin, ne subit plus ces
variations continuelles dont les ministres des empereurs
grecs profitaient seuls. L'administration fut plus quitable
et plus sage. On laissa aux habitants le droit de choisir les
faire

stratges qui devaient connatre de leurs intrts et s'en-

tendre avec les cads et les walis arabes. Le pays, partag


depuis les Carthaginois en deux grandes provinces, la Syracusaine et la Panormitane, reut une nouvelle division plus
approprie sa situation. Il y eut trois wls (vls de Mazzara,
de Noto et de Mona). Chacun de ces wls eut un gouverneur
plac au-dessus des cads, auxquels tait confie la direction des districts infrieurs.

Outre les bienfaits d'une bonne organisation, les Siciliens


durent encore aux Arabes l'importation de nombreux perfectionnements dans l'agriculture, les arts et l'industrie. Il
y eut par le fait de la conqute un remarquable lan donn
l'activit nationale; de nouvelles plantes furent introduites
dans l'le; l'arbre coton de Syrie, la canne sucre de
Tripoli, le frne, le pistachier s'levrent ct des orangers et des citronniers. Les procds de culture reurent de
grandes amliorations. Les Arabes firent connatre aux Siciliens ce systme si renomm d'aqueducs ea siphon, dont ils
font usage encore aujourd'hui. L'industrie et le commerce
prirent aussi un accroissement considrable. C'est de Sicile,
selon les rcits les plus probables,

xn e

sicle

en Europe

richesses naturelles

l'art

de

le

coration des

de soie

du pays furent mises en uvre

le fer, le cuivre, le soufre, le sel

marbres,

que se rpandit au

tisser les toffes

porphyre,

les

l'argent,

gemme furent exploits

le granit, le jaspe, servirent

la

les

d-

monuments. La plupart des

difices de l'archicependant il en reste assez pour


que nous puissions encore admirer l'lgance du style, et
surtout la finesse des dtails. On trouve dans les environs de

tecture arabe ont disparu

14

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242

LIVRE V, CHAPITRE

I.

Palerme, dont les Arabes firent leur capitale, un certain


nombre de petits chteaux qui donnent une trs-haute ide
du mrite de leurs architectes. Tels taient ces barbares
dont nos chroniqueurs tracent un si affreux portrait; tandis
qu'on les accusait de se nourrir de chair humaine, ils apportaient avec eux la richesse et la civilisation 1 .
lies

Aglabltes pntrent en Italie et fondent des colonies


sur les cote m de la Mditerrane.

Au reste , ces travaux intrieurs n'empchaient point les


Arabes de s'avancer de plus en plus en Italie, qu'ils nommaient la Grande Terre. Ils avaient dj ravag les les
de Ponza et d'Ischia, et pill les ctes de la Calabre ils
s'taient mme montrs l'embouchure du Tibre. Matres
de Palerme (836), ils profitrent des dmls du successeur
de Charlemagne avec ses fils, et des Grecs de l'Apulie avec
les ducs lombards de Bnvent pour s'emparer de Brindes, et quelques annes aprs de Bari (839).
En possession d'un port sur l'Adriatique, ils pouvaient
dvaster impunment les ctes de la Dalmatie et celles de
l'Italie orientale, menacer le Ploponnse et les les laisses
sans secours par les empereurs de Constantinople.
L'esprit d'indpendance locale commenait agiter les
principales villes de l'Italie; dj Naples, en 817, avait
chass les Grecs de ses murs et s'tait place sous l'autorit
d'un duc lectif plusieurs places se montraient disposes
suivre son exemple, et ces divisions favorisaient les progrs
des Arabes. Ils enlevrent Tarente en 844, pntrrent
dans le duch de Bnvent et ruinrent mme la riche abbaye du mont Cassin. Gate, Amalfi, abandonnes leurs
propres ressources, n'chapprent une perte presque certaine que par l'hroque dfense de leurs habitants; Salerne
et Naples furent en pril ; les musulmans btirent une forteresse l'embouchure du Garigliano et cherchrent bientt remonter le Tibre. Le pape fit relever les murailles
d'Ostie, sans pouvoir arrter les Musulmans les faubourgs
;

l.

Voy. Appendice, ne.

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.


de

Rome

furent envahis, les deux glises Saint-Pierre et

Saint-Paul saccages.
les

243

En

se retirant chargs de dpouilles,

vainqueurs dtruisirent

les fortifications

de Civita-Vec-

chia (846).

Deux ans aprs,

renouvelrent

ils

la

mme

tentative;

trouvrent l'entre du Tibre barre par des chanes de


fer, et une population tout entire sous les armes, comils

mande par

le

pape Lon IV, dont

la

prsence excitait

plus grand enthousiasme; forcs de cder au nombre,


regagnrent le Garigliano (848).

le
ils

Les dangers qu'avait courus la Ville sainte murent enfin


Louis II qui prit en mains la cause de la
chrtient. Il descendit dans la Pouille avec une arme, dfit
les Arabes Lucera (867) et leur enleva Bari, qui rsista trois
ans (871); avec l'appui d'une flotte grecque, il fit chouer
leurs attaques sur Salerne, en 873, et ne leur laissa que la
ville de Tarente. Aprs sa retraite (875), les infidles s'allirent aux habitants de Napfes
d'Amalfi et de Salerne
et tournrent leurs eiforts contre les tats de l'glise
Jean VIII, incapable de leur rsister, se voyant menac
jusque dans Rome et dans Ravenne, les loigna en leur promettant un tribut de vingt-cinq mille marcs d'argent, et
se rendit en France, puis en Allemagne, pour chercher des
secours (880) mais les Arabes ne reparurent plus, et le pillage de Capoue fut leur dernier exploit jusqu' la fin du
le roi d'Italie

ix e sicle.

C'est pourtant cette poque que commenait cette longue anarchie, au milieu de laquelle les noms de Thodora
et de Marozie dominent les vnements; les Arabes eux-

mmes

taient diviss;

des luttes intestines dchiraient

l'Afrique, centre de leur puissance. Brenger Ier , roi d'Ita-

en 916, dtruire la colonie musulmane du


Ce n'est pas seulement au point de vue politique que les tablissements des Arabes sur les rives de la
lie, russit,

Garigliano.

Mditerrane doivent attirer l'attention; ils avaient aussi


une trs-grande importance commerciale. A ct de la forteresse se trouvait le comptoir on y faisait de nombreux
changes avec les marchands lombards dont l'active indus;

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LIVRE V, CHAPITRE

244
trie portait

er
.

dj ses fruits; la rpublique d'Amalfi avait ob-

tenu, par un trait spcial, un faubourg de Palerme, et ce


un avantage marqu sur ses rivales.
Venise avait longtemps souffert de l'inimiti des Arabes;

privilge lui donnait

perdu , non
de laquelle les musulmans s'taient prsents devant Grado Aussi,
pendant la dernire moiti du ix 6 sicle, elle leur avait
abandonn l'empire de la mer. Outre la Sicile, les Arabes
possdaient les les de Malte Gozzo , Camino Pantellaria ;
quelque temps aprs la prise de Palerme, ils avaient envoy une flotte en Sardaigne et y avaient fait reconnatre
leur domination. Candie avait t conquise par des pirates
ds 870

loin

sa flotte , unie celle des Grecs

de Grotone

une

avait

mmorable

bataille

la suite

andalous; d'autres expditions, parties des ports d'Espagne,


avaient soumis outre la Corse et les les Balares, le poste
important de Fraxinet, prs Saint-Tropez, qui assurait aux
,

Arabes

le libre

passage des Alpes. Ainsi

l'islamisme obte-

nait dans la Mditerrane des triomphes qui rehaussaient la


gloire des Arabes d'Afrique et d'Espagne.

Dcadence des

% Inti! tcn ; Us sont renvers par les Yathl*


mites $ Intervention des khalifes de Cordone.

Grce la popularit dont ils avaient su s'entourer, les


Aglabites avaient maintenu leur autorit intacte; ils avaient
repouss les invasions des Thoulonides qui , aprs s'tre
dclars indpendants en gypte, avaient voulu s'agrandir
du ct de l'Occident. Mais un de leurs derniers princes,
Abou-Ishac (877-902), sembla prendre tche de faire dtester, par ses atroces cruauts, le nom de sa famille, et en
mme temps il rendit mprisable le chef spirituel qui tait
impuissant rprimer de tels excs. Le parti des Alides,
soutenu par lesEdrissites, avait profit du mcontentement
gnral et fait secrtement de grands progrs. Des dais (nom
qu'on donne gnralement aux Arabes missionnaires), commencrent se rpandre et annoncrent que le pouvoir
allait passer aux mains d'un vritable iman , que Mahomet
,

avait prdit
et

que

le

pour

l'an

300 de l'hgire un nouveau Mahadi,

peuple devait se hter de

lui

jurer obissance.

Ce

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.

245

prtendu descendant de Fathi me et d'Ali, Abou-Obeidollah,


quelque temps dans les environs de Sedjelmesse, au milieu de la tribu des Ketama qui se dclara en

vivait depuis

sa faveur et lui assura de

nombreux

partisans.

L'Aglabite rgnant Abou-Nasr-Ziadet-Allah

ne se doutait

point de la rvolution qui s'tait effectue dans les esprits.


Aussi, les mesures qu'il crut devoir prendre ne suffirent point

pour comprimer la rvolte; vaincu par les rebelles, chass


de Cairowan par son propre frre qui choisit, pour usurper
la couronne, le moment o la dynastie aglabite expirait, il
se hta de fuir en gypte et de l en Msopotamie. bouObeidollah, qui s'tait jusque-l content du titre de mahadi,
prit le titre solennel d'mir al-moumenin (commandeur des
croyants), d'o l'on a fait par corruption le nom de Miramolin l'exemple des Abbassides, qui avaient fond Bagdad,
les Fathimites rsolurent d'abandonner Cairowan et de crer
une ville qui fut le sige de leur dynastie ils en choisirent
l'emplacement cinquante-cinq lieues de Tunis, quinze
du port de Sous, et l'appelrent Mahadia. Cette capitale fut
peine btie , qu'ils entreprirent de nouvelles conqutes.
Obeidollah fit reconnatre son autorit des Arabes de Sicile
et de Sardaigne et s'avana du ct de l'gypte
il ne put
dpasser les dserts de Lybie, et son expdition n'eut d'autre rsultat que de le rendre matre de Barcah. Du ct
de l'Occident, il rendit tributaires, et le prince Edrissite qui
;

rgnait dans le Magreb-el-Acsa

et plusieurs autres familles

qui s'taient constitues d'une manire indpendante, telles


que les Mequinez 1 de Miknasa, les Medrarites* de Seldjel8

Rostamites de Tahart et les Abdoulouates de


prsence de son arme victorieuse
pouvait seule les maintenir dans l'obissance. Ds qu'il se fut
loign , les divisions recommencrent. L'mir de Miknasa

messe,

les

Tlemcen

(931). Mais la

s'avana contre Fez et en chassante descendant d'Edris. Les

1.

Sur Miknasa, Hartmann

logie universelle,

t.

Africa, p. 174; voy. aussi notre

Manuel de chrono-

l r , p. 123.

Gramaye, Africa illustrata, lib. X, 1622; Vfrique de Marmol, Lon l'Africain; M. Quatreoire, Notice sur Becri, 831 p. 168.
3. Walckenaer, Recherches gographiques sur ^intrieur de l'Afrique septen2.

trionale. 1821.

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LIVRE

24G

CHAPITRE

V,

e
I '.

Zentes, dvous ce prince, rclamrent le secours du


khalife Ommade d'Espagne qui s'empressa de rpondre
leur appel. Des troupes, parties de l'Andalousie, occu-

prent d'abord les villes de Tanger et de Ceuta, dont elles


rparrent promptement les fortifications pour s'assurer un
point d'appui ; elles marchrent ensuite contre Fez, o les
Fathimites s'taient retranchs, aprs en avoir chass l'mir
(933). Fez fut emporte d'assaut, et la suzerainet des Ommades reconnue dans tout le Magreb-ei-Acsa.
Un prince drissite devait exercer l'autorit sous la tutelle
d'un wali institu par le khalife.
Les Fathimites, pendant vingt ans (934-954), ne parurent
1
pas se proccuper des progrs des Ommades , qui s'taient
avancs jusqu' Tiemcen, tandis qu'un de leurs gnraux,
pour venger i'inj ure que lui avaient fait prouver des vaisseaux
africains en pillant une galre o se trouvaient des esclaves
destines au khalife de Cordoue, pntrait dans Tunis et imposait une forte contribution aux habitants de cette ville ;
Moz-Ledinillah se dcide enfin rprimer ces courses audacieuses. A la tte des vaillantes tribus Ketama et Zanhaga,
auxquelles il promet un riche butin, il attaque le wali
espagnol dans les environs de Tahart et taille son arme en

de Miknasa

pices (960). Fez et Seldjelmesse ouvrent leurs portes toutes


exemple, l'exception de Ceuta, Tan;

les villes suivent leur

geret Tiemcen, o s'taient retirs les dbris de l'arme vaincue; mais Moez-Ledinillah satisfait de l'humiliation de ses
ennemis, abandonne bientt le pays, et le nom du khalife de
Cordoue est de nouveau proclam dans les mosques.
,

&e Yathlmlteti abandonnent le Bflagreb aux zerltes dont la


puissance ne fait que dcrotre; le* Haraadltes tabli*;
meut Bougie.
L'ambition des Fathimites les entranait du ct de l'Orient ;
voulaient dtruire la puissance spirituelle des Abbassides ; Obeidollah avait laiss entrevoir que c'tait le but prin-

ils

cipal

I.

de sa politique

et ses successeurs avaient poursuivi

Voy. sur les Obadites ou Fathimiles, Casiri,

la Kabylie,

t. II.

t.

II, p.

193; Carotte, tudts tur

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMDES, ETC.

247

ce but avec ardeur. Plusieurs expditions avaient t diriges contre l'gypte, mais sans succs jusqu'au moment o
Djauher, gnral de Moz parvint se rendre matre de
,

cette province tant dsire (969).

fondent un troisime khalifat, celui


appartiennent l'histoire d'Orient; ils montrent pour leurs possessions dans le Magreb une complte
indiffrence. Ils proposent au chef de la tribu des Zanhaga

Ds

lors les Fathimites

du Caire,

et ils

d'exercer toute l'autorit, la seule condition de reconnatre


leur souverainet (971). Ce chef, Yousouf-Balkin-ben-Zeiri,

accepte avec empressement ces propositions et devient le


fondateur d'une dynastie nouvelle qui se met en posses,

sion de l'hritage des Aglabites, et qui dure plus d'un sicle


et

demi

L'Afrique tout entire aurait pu se trouver runie entre


les mains des Fathimites ; l'avnement des Zerites dtruisit
l'unit qu'on avait pu croire un instant prs de se raliser.

L'gypte fut jamais spare des provinces occidentales.


les efforts de Balkin, de se gouverner sous la protection des Ommades. Balkin au lieu de
l'attaquer de vive force comme Moz ngocia secrtement
avec les Edrissites et les Zentes dont il rveilla l'esprit d'indpendance, et parvint les soulever contre les khalifes de
Cordoue cette rbellion amena la chute totale des Edrissi-

Le Magreb continua, malgr

tes (976-985), qui se brisrent contre la puissance des

Om-

mades. Balkin tenta lui-mme la fortune des armes; elle


lui fut contraire, aussi bien qu' son fils Mansour, et les
Zerites durent renoncer leurs projets d'agrandissement
(1005). Ils ne furent pas plus heureux dans leurs rapports
avec les chrtiens et ne purent conserver les conqutes
des Aglabites dans la Mditerrane. Les rois de Germanie
taient devenus matres de la plus grande partie de l'Italie.
Pour leur rsister, les Arabes eurent l'habilet de s'unir

aux Grecs; leurs armes combines repoussrent Othon le


Grand (972), et gagnrent sur Othon II la bataille de Basentello (982). Mais Othon III (1000) ne leur laissa que la
I.

Voy. l'appendice, n

10.

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LIVRE V, CHAPITRE

248

I".

de Tarente. D'un autre ct, les Walis de Sardaigne


voyaient avec effroi s'lever les rpubliques de Gnes et de
Pise, dont la marine faisait de rapides progrs. Ils essayville

rent plusieurs fois de saccager ces deux villes, et d'arrter


leur prosprit dans son principe. Gnes avait eu, en 936,
supporter de leur part un terrible assaut, et depuis ce

moment

les habitants,

toujours sur leurs gardes, avaient su

se prserver d'une nouvelle surprise. Pise,

n'avait pas claire


truite

toute

la

faillit

en 1005

que l'exprience

tre entirement d-

jeunesse pisane tait absente, et les Arabes

allaient franchir les


le

courage d'une

murs

et

femme

emporter

sauva

la citadelle

la ville.

lors

que

Les musulmans

n'avaient plus cette supriorit maritime qui avait assur


le

succs de leurs expditions; ils devaient bientt tre assur leur propre territoire.

saillis

l'intrieur, les Zerites taient loin d'avoir la puissance

leur domination ne s'tendait rellement que sur la province de Tunis et le littoral, Alger,
Bougie, etc. Au del les liens de l'obissance s'taient partout relchs. La tribu des Ketama, qui avait le plus contriet l'clat des glabites

bu

la fortune des Fathimites, s'tait refuse reconnatre

du chef des Zanhaga; elle s'tait tablie non loin


de Seldjelmesse et de Tahart et prenait souvent part la
lutte des Walis d'Espagne contre les tribus Zentes. A quelque distance de la tribu de Ketama, prs de Massalia,
au sud des plaines de Bougie, un prince de la famille des
Zerites, nomm Hamad, avait proclam son indpendance. Il commandait la ville d'Aschir, que Zeri avait fonde dans les premiers temps de son lvation. D'autres chefs
s'taient tablis dans diffrentes villes ou gouvernaient les
tribus des dserts. Les Zerites se trouvaient donc confins
en quelque sorte dans leur capitale. Ayant un riche trsor
leur disposition , ils s'abandonnaient au luxe du srail, et

l'autorit

sacrifiaient

tout leurs passions brutales.

d'espoir qu'avec de tels princes

la civilisation

Il

avait

peu
en

se maintnt

Afrique au point o elle avait t porte sous les Aglabites;


mais le contact de l'gypte et du Magreb o, sous l'impulsion des Fathimites et des Ommades les sciences et les
,

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AGLABITES, FATHIMITES, 0MMADES, ETC.


arts continuaient

de

fleurir, corrigea

249

indirectement ces fu-

nestes tendances.
Telle tait la situation des Arabes d'Afrique au
xi e sicle

cement du

plus, et touchaient au

ils

allaient se fractionner

temps de

la

commen-

de plus en

dcadence. Le

mme fait

se produisait d'une manire aussi tranche chez les Arabes

d'Espagne
grandeur.

aprs une priode admirable de gloire et de

Prosprit de l'Espagne iod les khalifes Ommladei;

rgne dAbderrahman 1 er .
L'histoire de la pninsule nous offre pendant trois cents
ans le tableau d'une civilisation qui fait contraste avec l'ignorance et la barbarie des peuples de l'occident. Tandis que
l'abus de la force rgne sans partage sur l'Europe chrtienne, les Arabes d'Espagne, tout en conservant l'nergie de
caractre que donne l'habitude des combats, comprennent
les travaux de la paix et respectent les uvres de l'intelligence. S'ils cultivent les sciences et les arts , ce n'est point
comme les Francs qui obissent l'esprit dominateur de
Charlemagne ; ils y sont ports par leur nature mme les
khajifes ne font que s'associer au mouvement gnral de
;

l'opinion; les

encouragements

au commerce

et l'industrie

qu'ils

donnent aux

lettres,

sont accueillis avec reconnaissance par un peuple qui en sent dj tout le prix.
De 711 755, les premiers germes de la civilisation
arabe s'taient manifests sous l'influence des institutions
que la conqute avait apportes ou maintenues. Si la guerre
,

avait un instant suspendu l'organisation politique


du pays l'avnement d'Abderrahman I" et la proclamation du khalifat d'occident, en mettant un terme ces tristes
luttes, substitua les rgles du droit aux caprices de despotes ambitieux, et sous un gouvernement sage et bienveilcivile

lant, toutes les sources de la prosprit publique se dvelopprent avec rapidit.


La stabilit du pouvoir, qui ne sortit plus de la famille
d'Ommah, contribua surtout cet heureux tat de choses.
Il n'y eut pas en Espagne, comme en Afrique, de ces riva-

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LIVRE V, CHAPITRE

250
lits

sanglantes, substituant tout

er
.

coup une dynastie nou-

velle celle qui tenait les rnes de l'administration; la


pninsule ne connut pas non plus les dissensions thologiques. A peine install sur le trne, Abderrahman voulut faire oublier aux Musulmans le plerinage de la Mecque. Pour cela, il fit btir Cordoue, dont il avait fait sa
capitale, une mosque magnifique que la curiosit d'abord, et
ensuite la vnration, portrent les fidles venir visiter une
fois par an. Observateur exact des rgles et des crmonies
imposes par Mahomet, et que ses anctres avaient pratiques eux-mmes Damas, Abderrahman associa dans l'esprit de ses sujets le respect de sa race l'adoration religieuse. Aussi les Abbassides et les Alides ne purent exciter
aucune de ces insurrections que le fanatisme entretenait,
et qui, en Asie, taient toujours suivies d'une grande effusion de sang de ce ct, les Ommades n'eurent jamais d'inquitude. Les sectes qui apparurent, restrent toujours en
dehors de la politique, et se renfermrent dans la morale
;

et la philosophie.

L comme

mes pour noncer des

ailleurs

il

se trouva des

hom-

ides nouvelles et hardies, mais les

discussions ne sortirent point des limites d'une rserve pru-

dente. Les matres de l'Espagne taient Sonnites

les

que-

quelques difficults d'interprtations ;


les alfaquis ou docteurs de la loi taient partags en deux
coles rivales, l'cole de Malek et celle de Baqui, qui eurent
relles se rduisaient

parfois des diffrends assez vifs,

notamment

vers 852, sans

provoquer du reste aucun schisme.

Une

autre cause contribua l'affermissement de la domi-

nation musulmane : la famille d'Ommah eut le bonheur


de produire plusieurs hommes d'un mrite minent. Ab-

derrahman I,r (755-787), un coup d'oeil juste en politique


une grande amnit de caractre. Actif, brave, il
fut surnomm le juste par un peuple pour qui l'quit tait
la premire des vertus *. Recherchant le luxe et la magnificence, il aimait moins encore les ornements surchargs
d'or et de pierreries que les uvres d'art parlant au senti-

joignait

I. Sur les Ommades d'Espagne, Casiri, t. II, p. 197 ; de


tion d'Al-Makkari , et l'ouvrage si incomplet de Cardonne.

Gayangos dans son di-

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.


ment,

et les crations

de

l'intelligence susceptibles d'lever

On

raconte de lui un trait simple et touchant,


qui prouva que sur le trne il avait conserv fidlement les
souvenirs de son enfance, et un tendre amour pour sa terre
l'esprit.

natale. Il avait fait planter dans ses jardins de Gordoue un


palmier originaire du dsert souvent, assis sous son feuillage, il rptait ces vers bien connus Beau palmier, tu es
comme moi tranger en ces lieux, mais les vents de l'ouest
caressent mollement tes rameaux, tes racines trouvent un sol
fcond, et ta tte s'tale au milieu d'un air pur. h comme
moi, tu verserais des larmes, si tu pouvais ressentir les soucis qui me dvorent. Tu n'as rien craindre de la mauvaise fortune, et moi je suis toujours expos ses atteintes.
Quand le sort cruel et la fureur d'l-bbas me bannirent
de ma chre patrie, mes pleurs arrosrent souvent les palmiers qui croissent sur les bords de l'Euphrate; ni les
palmiers , ni le fleuve n'ont conserv la mmoire de mes
douleurs. Toi, beau palmier, tu ne regrettes point la pa;

trie.

Le MiceesBcurB d'Abderraaman I marchent sur me trace*)


magnificence d'Abderrahinan III.
er
I
fils et successeur d'bderrahman (787-795),
pour qualits principales la douceur et la charit; elles
le firent chrir de ses sujets. Nul prince ne s'inquita plus
d'assurer le bonheur matriel du peuple. Outre les aum-

Hescham

avait

nes qu'il distribuait profusion, il veillait la construction de nombreux difices o les malheureux trouvaient
des moyens de travail et une subsistance assure. Les dernires paroles qu'il adressait en mourant son fils Alhakem sont empreintes d'une haute sagesse Mon fils, lui
dit-il, les royaumes appartiennent Dieu, il les donne ou
les te son gr. Puisqu'il nous a placs sur le trne d'Espagne, rendons-lui d'ternelles grces, et, pour nous conformer sa volont sainte, faisons du bien aux hommes. Ce
n'est que pour cela qu'il a mis en nous la suprme puis:

sance.

Que

ta justice, toujours gale,

pauvre sans distinction. Traite

protge le riche et le
avec bont; qu'ils

tes soldats

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LIVRE V f CHAPITRE

252

er

non les tyrans du pays. Protge les


laboureurs dont les travaux nous nourrissent, veille sur
leurs champs et leurs rcoites. Que le peuple soit heureux
l'ombre du trne , et qu'il jouisse avec scurit des biens

soient les dfenseurs,

et des plaisirs

de

la vie.

Alhakem I er (795-821) ternit par une arrogance prsomptueuse et une svrit cruelle l'instruction et la bravoure
qui le recommandaient l'estime publique. Il tait n pour
indpendante; son caractre sauvage, ml quelqued'une sombre mlancolie, s'irrita avec l'ge, et lui fit
commettre des actes d'une vengeance aveugle aussi les rela vie

fois

moments. Abderrahman II
contemporain d'Almamoun, fit oublier pendant

mords assigrent-ils
(821-852),

ses derniers

son long rgne les torts de son prdcesseur; plus rapproch par ses penchants des sentiments de son aeul Hescham,
il avait de plus que lui un ardent amour des lettres et des
arts; toujours entour de potes et de musiciens, il contribua plus que personne introduire dans les murs arabes
cette dlicatesse et cette lgance qui, plus tard, furent
l'apanage de la chevalerie. Tout le monde connat l'histoire
de cette esclave favorite dont il fit murer la porte en pices
d'argent pour la punir d'un caprice, en lui laissant le soin
de dmolir elle-mme cette barrire de nouvelle espce.
Les trois princes qui succdrent immdiatement Ab-

derrahman

11,

Muhamad

er

(852-886),

Almondhir (886-888),

Abdallah (888-912), occuprent dignement le trne, sans


abuser jamais de l'autorit qui leur tait dvolue mais des
luttes intrieures ne leur permirent pas d'lever de nouveaux monuments la gloire du khalifat. Il n'en fut pas de
mme d'Abderrahman III (912-961). Son rgne, qui dura
prs d'un demi-sicle, est l'poque la plus brillante de la
domination des Arabes en Espagne. Taudis qu'un de ses
parents, le prince Almudaffar, apaisait les discordes civiles,
et dfendait contre les chrtiens l'intgrit du territoire,
tandis qu'un autre gnral soumettait en Afrique le MagrebEl-Acsa, lui-mme renouvelait Cordoue les efforts de
;

ses anctres, embellissait sa capitale et les principales villes

de l'Andalousie, introduisait en Espagne

les sciences

de

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.


l'cole

de Bagdad,

et donnait

aux

lettres et

aux

2S3
arts

une

plus vive impulsion. C'est lui qui fit btir, non loin de Cordoue, pour une de ses favorites, le fameux palais de Zehra,

dont la description dpasse tout ce que l'imagination peut


concevoir de plus merveilleux. Ainsi gloire militaire, connaissances suprieures,

richesses, luxe, magnificence, ce


prince possda tous les genres d'illustration, et cependant
il fut personnellement malheureux. II lui fallut punir de la
peine capitale un de ses fils, qui, pour arriver au trne,
troublait la paix publique par de continuelles conspirations;
la contrainte qu'il s'imposa en cette occasion brisa dans son
me tous les lments de bonheur que la fortune lui avait
prodigus. On trouva sa mort, dans ses papiers, les paroles suivantes : Cinquante ans se sont couls depuis que
je suis khalife. Trsors, honneurs, plaisirs, j'ai joui de tout,
j'ai tout puis. Les rois mes rivaux m'estiment, me redoutent et m'envient. Tout ce que les hommes dsirent m'a
t accord par le ciel. Dans ce long espace d'apparente
flicit, j'ai calcul le nombre de jours o je me suis trouv
heureux ce nombre se monte quatorze. Mortels, apprciez la grandeur, le monde et la vie *.
:

Alhakem II

et Ilescliam II;

gouvernement d'Almanxor.

Alhakem II (961-976) tait bien digne de succder Abderrahman moins dsireux de gloire, il n'eut d'autre pense
que le bonheur de ses peuples. Satisfait d'une reprsentation modeste, il trouvait dans une sage conomie les moyens
;

de diminuer les impts et de multiplier les travaux d'utilit


publique. Son quit peut tre caractrise par le fait suivant qui devait se reproduire, sous une autre forme, dans
l'histoire d'un des plus grands hros des temps modernes.

Une pauvre femme possdait un champ contigu aux jardins


du khalife. Alhakem voulant btir un pavillon en cet endroit,
charge son intendant de l'acheter, en lui indiquant ce qu'il
dsire faire. L'intendantcourtchez cette femme; sur son refus
de vendre, il l'exproprie et construit le pavillon. La pauvre
1.
1.

Condc, Histoire de la domination des Arabes


Almakkari, trad. de M. de Gayangos, etc.

et

des

Maures en Espagne,

15

LIVRE V, CHAPITRE

254

I".

Cordou et lui expose sa plainte


entendue lui promet justice. Un
jour le khalife se reposant dans son nouveau pavillon voit
arriver Bechir mont sur un ne et portant un sac vide;
Bechir le prie de lui permettre de remplir son sac de la terre
qu'il foule en ce moment ses pieds, et quand le sac est
plein, il lui demande comme une dernire grce de vouloir
bien l'aider le charger sur son ne. Alhakem y consent dans
l'espoir de comprendre enfin le but de cette action il cher-

femme

s'adresse au cadi de

le cadi Bechir, aprs l'avoir

mais ses efforts sont inutiles Prince


des croyants, lui dit alors Bechir avec gravit, ce sac que tu
trouves si lourd ne contient qu'une petite parcelle du champ
que tu as usurp sur une de tes sujettes si tu ne peux la

che soulever le

sac,

soulever aujourd'hui , comment supporteras-tu le poids de


ce champ tout entier au jour du jugement. Alhakem
frapp de ce discours se

fait

expliquer

l'affaire

il

reconnat

immdiatement le champ la pauvre femme


don en mme temps du pavillon qu'on avait

sa faute, rend
et lui fait
lev.

Ce prince si recommandable par ses vertus mourut aprs


quinze ans de rgne. Son fils Hescham II, destin le remplacer tait encore enfant, et l'Espagne musulmane allait
devenir le thtre de la guerre civile, lorsque, prs du
trne, se rvla un homme de gnie , le clbre manzor
qui, revtu de la dignit 'hadjeb, prit en main les rnes de
l'administration, et fut khalife de fait jusqu'en 1001 (voy.
p. 264). sa mort, son fils Abdelmalec rgna sous le mme
titre et avec la mme autorit jusqu'en 1008. Hescham II
rduit alors gouverner lui-mme, ne sut pas rsister ses
ennemis, et la dynastie des Ommades si puissante jusquel, trouva la principale cause de sa dcadence et de sa
chute dans l'incapacit et la faiblesse de ce prince.
Politique des ommlftdes; troubles Intrieurs.

nous considrons maintenant, d'une manire gndes khalifes de Cordoue pendant les trois
sicles qui viennent de s'couler, nous rencontrerons dans
cette tude de prcieux enseignements. Ils eurent la sagesso
Si

rale, la politique

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.

255

de ne pas dpenser dans des expditions lointaines les revenus de l'Espagne, ils touffrent au fond de leurs curs
leur haine contre les Abbassides bourreaux de leur famille.
Aprs avoir vaincu l'mir Yousouf, qui avait voulu rgner au
nom des khalifes de l'Irak, ils se contentrent de repousser
son alli le wali de Cairowan Ali-ben-Mogueith, vers 761,
et ne prirent point l'offensive. Plus d'une fois, en 823, 841,
949, les empereurs grecs de Constantinople cherchrent
les entraner dans une alliance troite contre les Arabes
d'Orient. Les khalifes de Cordoue accueillirent ces avances
froidement et firent des promesses de secours qu'ils ne mirent jamais excution.
L'Afrique fut le seul pays o

ils

songrent fonder quel-

ques tablissements; encore se bornrent-ils au Magreb-elAcsa o ils pouvaient facilement envoyer des troupes. Cette
conqute (931) en montrant les forces dont ils disposaient,
eut pour effet d'arrter lesFathimites, qui auraient pu songer dans leur ardeur belliqueuse envahir l'Espagne et
laisser de ct leurs projets sur l'gypte mais la ncessit
de soumettre les Zntes toujours rebelles, la rendit onreuse en exigeant de continuels sacrifices d'hommes et d'ar,

gent.

l'intrieur, les

Ommades firent respecter leur autorit et

rprimrent avec succs toutes les tentatives de rvolte une


tranquillit absolue et t nanmoins incompatible avec le
caractre des Arabes aussi ne faut-il pas se proccuper outre
mesure des rbellions qui eurent lieu dans ce long espace
de temps. Le pouvoir resta constamment concentr dans
une seule main et Cordoue, centre du gouvernement, ne
fut point un instant menace de perdre sa suprmatie; aucune ville arabe ne lui disputa le rang de capitale.
Il y eut cependant, ds le vnr sicle, une guerre de succession qui menaa de compromettre l'avenir de la nouvelle
dynastie, et de crer dans le pays une source inpuisable de
er
en mourant, avait dsign pour
dissensions. Abderrahman 1
hritier du trne, le troisime de ses fils, Hescham I er dont
les vertus justifiaient un pareil choix. Les deux ans Suleimanet Abdallah, supportrent avec peine cette exclusion bles;

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LIVRE V, CHAPITRE

256

I".

eux le droit national des


coutume de leur propre famille, ils prirent les
armes pour dpossder leur frre ou du moins s'assurer
une indpendance absolue dans les provinces de Merida et
de Tolde (789). Aprs deux ans d'efforts infructueux,

sant, et bien qu'ils eussent contre

Arabes et

la

battus Bulche par le khalife lui-mme, Lorca par son


fils Alhakem, ils se soumirent et obtinrent un gnreux

pardon.

A lamortd'Hescham, en 796,

ils

renouvelrent leurs pr-

demandant ouvertement le partage de l'Espagne


musulmane; un grand nombre de walis et de cads arborrent avec eux l'tendard de la rvolte. Alhakem fut vainqueur dans les plaines de Murcie Suleiman prit en combattant, et Abdallah obtint une seconde fois sa grce (800).
Ce prince incorrigible ayant appris la mort d'Alhakem
(821), Tanger o il s'tait retir, se prcipita en Espagne la tte d'un grand nombre d'Africains qu'il avait
soudoys et russit se fortifier dans Valence. Le nouveau
khalife Abderrahman II ne lui laissa pas le temps d'tendre
ses relations; il accourut sous les murs de la ville rebelle et
tentions,

offrit la bataille

son grand-oncle,

s'il

ne voulait pas recon-

natre sesdroits. Abdallah qui, avant d'engager l'action, avait

pri Allah de lui exprimer sa volont par

un

signe, et

qu'un

accident avait persuad du mauvais succs de sa cause, se


remit entre les mains d' Abderrahman, qui, plein de respect

pour son grand ge, l'accueillit honorablement et lui laissa


la libre disposition de ses biens (821 ). Cette guerre de succession fut la seule qui troubla jusqu'au xi e sicle

la dynastie
des Ommades. Abdallah (895) et Abderrahman III (949)
eurent, il est vrai, conjurerdeux sditions occasionnes par
leurs propres fils ; mais ces leves de boucliers n'avaient

rien de srieux.

Les walis firent une opposition plus inquitante au gouver-

nement des khalifes; en excutant les ordres qu'ils recevaient


de Cordoue, la plupart taient moins guids par le sentiment du devoir que par la crainte de se voir enlever l'audont ils disposaient. Ds qu'ils se croyaient assez
pour jeter le masque, ils aspiraient l'indpendance.

torit

forts

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.

Une prompte
revers

du

257

rpression tait ncessaire, car au moindre

khalife, dix

gouverneurs taient prts

lui refuser

leur concours et se dclarer souverains dans leurs domaines.

Aprs

la dispersion des partisans d'Yousouf , les walis qui


causrent l'islamisme les plus grands embarras, furentceux

de Carmona et de Baeza, qui favorisrent l'expdition d'Aliben-Mogueith (761 ), celui de Tortose qui prit part aux diverses insurrections de Suleiman et d'Abdallah
et enfin
ceux de Saragosse, Merida, Tolde et Huesca qui pendant
quarante ans mirent en feu le nord et le centre de l'Espagne, sous la pression de deux personnages dont l'origine et
le caractre sont peu connus.
Omar-ben-Hassan et Caleb son fils, c'taient leurs noms,
ont jou pendant prs d'un demi-sicle un rle important
dans l'histoire de la pninsule. Placs entre les chrtiens
et les musulmans, sans se dclarer compltement ni pour
l'un ni pour l'autre parti ils ont paru vouloir crer entre
les deux peuples une sorte de terrain neutre, o les deux
,

religions se seraient trouves sur

un pied

d'galit parfaite.

Soutenu par un grand nombre de walis et de cads, Omarben-Ilassan, aprs une vie de brigandages, tait parvenu
tablir sa domination dans la plus grande partie de l'Aragon (863-866); battu par Muhamad, il se retira dans les
Pyrnes pour organiser une troupe plus brave et mieux
discipline. Puis, avec le secours du roi de Navarre, il reconquit l'Aragon depuis les Pyrnes jusqu' l'bre. Vaincu
et tu la bataille d'Aybar, il eut pour vengeur son fils
Caleb, qui se maintint contre les attaques d'Almondhir
et acquit mme par suite de circonstances favorables une
puissance trs-tendue. Une rvolte lui ouvrit les portes de Tolde, une autre celles de Cuena (886). Il s'approcha de la Guadiana et du Guadalquivir, suscitant partout des ennemis aux khalifes (888-890). Abdallah, forc de
combattre son propre fils, ne put diriger contre Caleb des

matre de tout le bassin


source m"me du fleuve,
de l'Aragon, d'une partie de la Catalogne et du littoral
de Tortose Murcie. N'tant plus inquit par les musul-

troupes suffisantes

il

le

laissa

du Tage depuis Talavera jusqu'

la

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LIVRE V, CHAPITRE

mans

Caleb cessa de mnager

les

1".

chrtiens

comme

il

prcdemment, et n'hsita pas les attaquer.


Mais il avait trop prsum de ses forces et il prouva une
terrible droute dans la journe de Zamora (901). Ce dsastre fut le signal de sa ruine; les rois de Lon et les khalifes
s'unirent contre lui. Abderrahman III (913) remporta
Cuena une victoire dcisive qui lui rendit toute la partie
orientale de l'Espagne en un mois, deux cents villes ou
villages fortifis se soumirent sans rsistance. Il ne resta
bientt plus Caleb que Tolde et quelques places en Aragon; mais telle tait la terreur de son nom, qu'il se maintint dix ans encore dans ces diffrentes positions. Sa mort
l'avait fait

seule cause par un accident, dtruisit son parti (922).


Tolde rsista encore quelque temps et ne reconnut l'autorit du khalife, qu'aprs avoir souffert toutes les horreurs
de la famine en 927.

Cette

ville,

il

faut le dire, se distingua entre toutes les

de l'Espagne par une opposition constante la domination musulmane. Sa population nombreuse tait tout
entire compose de juifs et de chrtiens, ennemis secrets
du gouvernement; c'tait avec peine que cette ancienne capitale des Goths s'tait vu prfrer Cordoue. Les habitants
qui, dans l'origine, s'taient plis sans regret au joug tranger
et qui avaient mme reu dans le pays le nom de mozarabes irrits maintenant d'avoir perdu toute influence politique, tchaient d'en acqurir une nouvelle en se faisant le
centre de l'ancien parti vaincu. Dj avant le commencement de la guerre de Caleb, Alhakem (800), Abderrahman II
(828-838) et Muhamad I er (853-859) avaient t forcs de
les rduire par la force, et d'entreprendre contre eux des
siges en rgle. Ces khalifes auraient pu dtruire leurs fortifications ils ne le voulurent point pour ne pas affaiblir leur
ligne de dfense, sans songer qu'entre les mains d'une population ennemie , elles ne pouvaient leur tre d'aucune
cits

utilit.
*

Le grave caractre des rvoltes de Tolde ne se retrouve


point dans les autres soulvements que les khalifes eurent
apaiser comme en 827 celui de Merida, et en 926 celui
,

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AGLAB1TES, FATHIMITES, 0MMADES, ETC.

259

des montagnards d'Elvira ; ils furent causs uniquement par


la rigueur excessive qu'on apportait dans le recouvrement
de l'impt et bien qu'ils aient occasionn de longues luttes
dans les Alpuxarras et sur les bords duTage, ils n'eurent jamais une porte bien redoutable. Il en fut de mme de l'insurrection de Cordoue sous Alhakem (817). Ce prince voulant subvenir aux dpenses d'une nombreuse garde qu'il
avait institue auprs de sa personne, tablit un droit d'entre sur les marchandises importes. 11 en rsulta une fermentation gnrale dans les esprits, on refusa d'obir; Alhakem voulut punir les rcalcitrants; alors la population se
prcipita sur les gardes, en massacra un grand nombre et
contraignit le reste se retirer dans le palais. Outr de colre, le khalife se met la tte de ses cavaliers, et marche
contre l'meute. Les Cordouans fuient devant lui ou essayent
vainement de se dfendre; leurs maisons dans les faubourgs,
sont pilles; eux-mmes sont rduits s'expatrier avec
leurs familles. Une partie de ces exils alla peupler un faubourg de Fez o ils furent accueillis par Edris ben-Edris ;
les autres se firent pirates et en 820, aprs avoir saccag
Alexandrie, conquirent l'le de Crte o ils fondrent Can;

die (843).

Les khalifes eurent toujours

le soin

de s'entourer d'une
d'Abderrahman 1 er

milice trangre les premiers successeurs


;

en eurent une zente, les autres depuis Abdallah (900), firent


venir de Constantinople des esclaves de Slavonie qu'ils levrent au maniement des armes et dont ils se firent des satellites dvous. Grce ces soldats, ils surent prvenir
toute collision entre les Arabes et les Alabdaris ( Africains
Maures ou Berbres), et, de 755 1008, ces deux partis n'en
vinrent point aux mains quoiqu'ils eussent conserv l'un
,

contre l'autre les sentiments les plus hostiles. Il faut reconnatre cependant qu'il y avait dans l'arme de Caleb plus
de soixante mille Berbres. Quant la garde slavonne, la
force

du pouvoir l'empcha

d'avoir,

comme

en Orient, une

influence nuisible, et son rle politique n'apparatra qu'


partir

du

xi sicle

quand

la

dynastie des

Ommades

s'-

croulera.

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LIVRE V, CHAPITRE

26(1

Ci

1".

iiorros contre les chrtien*.

Outre ces embarras intrieurs, les Arabes d'Espagne


avaient un sujet de proccupation bien autrement grave :
c'tait la lutte contre les chrtiens des Asturies et de la
il leur fallait rsister aux Francs qui soufvivement de les voir tablis dans la Septimanie au
del des Pyrnes de l'autre, ils trouvaient dans ces montagnes comme dans celles du royaume d'Ovido une popula-

Gaule. D'une part,


fraient

tion belliqueuse contre laquelle venaient se briser tous leurs


efforts.

Dj

les

mirs qui avaient prcd Abderrahman

1er

avaient t contraints par le Goth Plage de laisser se former


sur les confins de la Galice une petite principaut chrtienne :
les

successeurs de Plage avaient profit de tous les troubles


la pninsule pour attirer autour d'eux les

survenus dans

du joug de l'islamisme. Quand Abderrahman futdfinitivementpromuaukhalifat, il trouva ce petit royaume solidement tabli au nord du Minho. Bien plus,
les montagnards des Pyrnes sans possder aucune orgachrtiens impatients

nisation politique

refusaient obstinment tous les corps

Catalogne en Septimanie, tanle Bref assigeaient Narbonne


prive de tout secours (756). Abderrahman s'adressa d'abord
aux rois d'Ovido, qu'il effraya par ses immenses prparatifs
et qui se soumirent un tribut de dix mille onces d'or, dix
mille livres d'argent, dix mille chevaux et autant de mulets,

de troupes

dis

que

les

le

passage de

Francs

et

la

Ppin

mille cuirasses, lances et pes (759). Mais peine avait-il

obtenu cet avantage qu'il apprit la reddition de Narbonne


et la perte de la Septimanie tout entire (760). La crainte de ne
pouvoir s'ouvrir le passage des Pyrnes lui fit souscrire au
triomphe des Francs. Quelques annes plus tard (778), Charlemagne prenant en main la cause du christianisme et cherchant aussi oprer la fusion des anciens sujets romains
avec les races germaniques, en les conduisant contre les infidles se jetait sur la Catalogne et l'ragon. Dans une premire expdition, les Francs s'avancrent jusqu'aux bords
de l'bre et ravagrent tout le pays; mais la trahison des
chefs navarrois et vascons unis aux Arabes leur fit prou,

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.


ver

un chec sanglant au moment o

rnes
les

cette dfaite

prit

romans de chevalerie sous

ils

Roland
le

261

repassaient les

Py-

reste clbre dans

nom de combat de Ronce-

vaux, leur fit perdre leur butin. Abderrahman reprit toutes


les villes de la Catalogne et de l'Aragon, l'exception de

Girone, que son fils Hescham ne rduisit qu'en 793. Hescham voulait reconqurir la Septimanie; il envoya dans
cette province une arme qui s'empara de Narbonne ; ce
ne fut qu'un succs passager. Charlemagne, en apprenant cette incursion, chargea spcialement son fils Louis,
roi d'Aquitaine, d'en arrter les progrs; pendant seize
annes, de 796 812, il y eut sur les frontires des Pyrnes une longue guerre la suite de laquelle la Navarre et
la partie de la Catalogne qui s'tend depuis la Sgre jusqu'

mer devinrent des marches franaises gouvernes par


des comtes relevant de l'Aquitaine.
Les Francs avaient combin la plupart de leurs expditions avec les chrtiens des Asturies qui
srs de leur
protection avaient refus le tribut et pris courageusement
la

armes. Les musulmans obligs de diviser leurs forces


par l'insubordination des walis et des cads, taient
rduits la dfensive. Aussi Alphonse II le Chaste, qui rgna Ovido, de 793 842, parvint-il accrotre considrablement le territoire de ses anctres; du Minho en de
duquel il se trouvait jusqu'alors resserr , il s'avana jusqu'aux rives du Duero et concentra la lutte autour de la
forte ville de Zamora.
La mort de Charlemagne et le dmembrement de son
empire ne devaient point relever la cause musulmane. Les
comtes des marches espagnoles, en se rendant indpendants, devinrent chers aux habitants du pays qui, sous leur
conduite, entreprirent bravement de combattre les ennemis
de leur religion. Le comte de Navarre en 835 prit le titre
de roi et commena entamer la Castille et l'Aragon que
le comte de Rarcelone attaquait d'un autre ct.
Ds ce moment commena cette croisade acharne dans
laquelle les deux peuples n'abandonnrent pas un pouce
de terrain qui ne ft couvert de leur sang. Malgr les susles

affaiblis

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26 -

UVK

CHAPITRE

V,

I".

pensions d'armes signes par les khalifes et les princes


chrtiens
il n'y eut jamais de
trve pour les habitants des
frontires. Les meilleurs guerriers des
deux nations se donnaient rendez-vous sur ces limites qui variaient
selon les
chances des combats. En 872 et 878, il se livra deux batailles
,

sanglantes; l'une sur les bords

du Sahagon, affluent du
dans les plaines de Zamora la premire,
o les rois de Navarre et de Lon furent runis sous les
mmes tendards , resta indcise la seconde, gagne par
Alphonse III , dit le Grand lui assura la possession de ZaDuero;

l'autre,

mora

et lui ouvrit le bassin du Tage. Alors


s'organisrent les
courses des Galiciens sur Lamego, Viseu, Coimbre,
Salamanque et mme Talavera; alors apparurent pour la pre-

mire fois les comtes de Castille qui profitant habilement


des rvoltes d'Omar-ben-Hassan et
de Caleb, accrurent
promptement leur puissance (882-900).
Distraits par des querelles intestines,
les khalifes ne pou,

vaient arrter ces progrs; mais

ils

furent heureusement

servis par les divisions des chrtiens


eux-mmes : les comtes
de Castille, les rois de Navarre et de
Lon se disputrent
quelques parcelles de territoire, et ne surent point s'unir

contre l'ennemi

commun quand

Ds qu'Abderrahman

musulmans

rebelles

III

eut

l'occasion tait favorable.

rduit l'obissance

les

songea relever l'honneur de ses


armes. Ramire II, excit par les fils de
Caleb, s'tait avanc
dans l'intrieur du pays jusqu' Talavera, qu'il avait
mise
feu et sang; pour se venger de
ce dsastre, le khalife envoya un corps de troupes considrable dans
la Galice et le
royaume de Lon, et commanda ses gnraux de ravager
les
,

il

villes ouvertes sans assiger


aucun chteau fort. Ses ordres
furent excuts ponctuellement et bien plus,
;
le roi de Lon,
ayant voulu s'opposer au retour de cette

arme, prouva une


bords du Duero (929). Bientt aprs
les chrtiens, s'tant ports en
Lusitanie jusqu' Badajoz
et Lisbonne, furent contraints
de rtrograder devant des
forces suprieures (934). Enfin, en
938, Abderrahman proclama l'algehed ou guerre sainte, et passa lui-mme
le
Duero la tte d'une nombreuse arme. Il mit d'abord le

grande dfaite sur

les

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AGLAB1TES, FATH1M1TES, OM Ml A DES, ETC.


sige devant Zamora,

que l'ennemi

263

entoure
de sept enceintes de murailles, dfendues elles-mmes par
un double foss rempli d'eau. Ramire II, comptant sur le
courage de ses soldats, crut pouvoir surprendre les musulmans et osa les attaquer en rase campagne; il prouva ,
Simancas, une dfaite plus sanglante encore que celle du
Duero, malgr les exploits du comte de Castille, Ferdinand
Gonzalez et les secours que lui avaient fourni des auxiliaires arabes tratres envers leurs frres et leur patrie. Zamora, abandonne elle-mme la suite de cette dfaite,
fut prise d'assaut. Aprs avoir renvers un pan de muraille,
les musulmans s'taient prcipits par la brche, persuads qu'aucun obstacle ne les sparait plus de l'ennemi.
Tout coup un large foss s'offre eux; dans leur ardeur,
ils cherchent le franchir et tombent par milliers sous les
coups des Espagnols. A la fin, ceux qui survivent, se servant comme d'un pont des cadavres de leurs frres, parviennent sur l'autre bord et pntrent enfin dans la ville.
Les hostilits continurent deux ans encore, et les musulmans conservrent l'avantage. Ce fut Ramire II qui
demanda le premier une trve de cinq ans (941); cette trve
se prolongea jusqu' la mort d'Alhakem II en 976; les
chrtiens, affaiblis par des troubles civils que fomentaient
dans le royaume de Lon le comte de Castille et le roi de
Navarre, n'taient point en tat de reprendre les hostilits ;
et Abderrahman, bien que dispos combattre vaillamment
avait fortifie et

tous les ennemis qui se prsenteraient, aimait mieux jouir


des bienfaits de la paix plus tard une troite amiti l'unit
au roi de Castille, Sanche et celui-ci ne voulut point de
;

son vivant combattre les musulmans.


La lutte recommena l'avnement d'Hescham le nouveau khalife, g de onze ans, se trouvait sous la tutelle d'une
femme, et les musulmans auraient pu craindre des revers
si les rnes de l'tat n'avaient pas t confies Muhamadben-Abdallah-ben-Ali mir dont le courage et les talents
taient dj apprcis dans toute l'Andalousie. La nation
accueillit avec joie cette lvation, que le mrite seul sem;

blait avoir dicte, et

quand

l'hadjeb annona l'algehed, elle

LIVRE V, CHAPITRE

204

er
.

manifesta
accourut en foute sous ses drapeaux. Muhamad
entire, et
tout
l'Espagne
conqurir
de
l'intention
hautement
ennemis de sa rejura, comme Annibal, haine ternelle aux
du moins il tint
projet,
son
dans
point
russit
ne
ligion. S'il
il envason serment. Chaque anne, la tte de ses troupes,
la Naencore
mme
ou
Castille,
la
Galice,
la
Lon,
hissait le
loin ses dpret la Catalogne et, aprs avoir port au
varre

ramenait son arme dans ses cantonnements jouir


de son triomphe et partager un riche butin. En 978, aprs
avoir ravag la Galice et conquis sur les champs de bataille
il est plus
le nom d'Almanzor (le Victorieux), sous lequel
dations,

il

connu, il se porta en Catalogne et rpandit la terreur jusque


sous les murs de Barcelone. Les chrtiens taient obligs de
se retirer dans les places fortes ou dans les montagnes ils
;

n'osaient plus habiter les villes ouvertes ni tenir la campagne. De 978 983, ils n'prouvrent que des checs. Ils per-

dirent successivement les villes de Lon et d'Astorgadont les


murailles furent dtruites. En 984, Almanzor se dirigea sur la
Catalogne, o le comte de Barcelone, Borel, relevant des rois

de France avait tabli sa suzerainet sur les comtes d'Ampurias, de Girone, d'Urgel et de Roussillon. Borel essaya vainement de rsister l'invasion des Maures aprs avoir subi une
premire droute, il chercha se dfendre derrire les murailles de Barcelone et fut forc de fuir; les habitants, pour
se racheter du pillage, durent se soumettre l'impt du
sang. De 986 994 Almanzor pntra encore plusieurs fois
en Galice dans une de ces expditions il s'avana jusqu'
Compostelle, o il brla la fameuse glise de Saint-Jacques,
objet d'une si grande vnration parmi les chrtiens; il en
rserva avec soin les cloches, qui furent places dans la
grande cour de la mosque de Cordoue. En 995, il battit
dans la Castille le comte Garcie Fernandez. Peut-tre, aprs
tous ces exploits, aurait-il song tendre encore ses conqutes s'il n'avait eu rduire les Zentes d'Afrique. A
peine se fut-il retir que les chrtiens reprirent l'offensive.
Borel chass de Barcelone, recouvra ses lats avec l'appui
des chrtiens de France. Lorsque Almanzor reparut, il fut
vainqueur la journe de Cervera (1000), mais les princes
:

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AGLAB1TES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.

265

chrtiens, irrits de tant de dsastres, rsolurent d'opposer

toutes leurs forces cet indomptable ennemi. Sanche le

Grand, le comte de Castille et le jeune roi de Lon, Alphonse V, ligus ensemble, livrrent l'hadjeb une action dcisive aux environs de Calat-Annosor. La lutte dura
une journe entire sans aucun rsultat; enfin les cavaliers
chrtiens, bards de fer, donnant la mort sans la recevoir,
percrent les bataillons arabes
il
s'ensuivit un affreux
massacre des musulmans, qui ne voulaient point abandonner le champ de bataille. Ce ne fut que le lendemain,
l'approche du jour , qu'Almanzor donna le signal de la
retraite
et les chrtiens puiss ne purent les poursui;

vre (1001).
C'tait la

premire

bataille

que perdait Almanzor; aussi


il ne voulut point y sur-

abattu, humili de cette dfaite,

Il refusa de soigner les blessures qu'il avait reues dans le combat, et expira de dsespoir, pleurant ses
triomphes inutiles et son nom dshonor. L'arme, la
nouvelle de sa mort, manifesta les plus vifs sentiments de
regret; il semblait qu'avec lui la cause des Arabes ft
anantie. Cependant , sous la conduite d'Abdelmalek, fils
d'Almanzor, ils vengrent ce dsastre, et pendant sept ans
(1001-1008) les plaines de la Catalogne et de Lon furent de
nouveau le thtre d'actions sanglantes. Ce fut le dernier
pisode de ces longues hostilits; la guerre civile allait

vivre.

dvorer
tiens

les

un

plus braves des

musulmans

et

donner aux chr-

avantage, dcisif. Ceux-ci avaient

militaire incontestable; les triomphes

dus qu'au seul mrite de ce gnral

une

supriorit

d'Almanzor n'taient

et l'ardeur qu'il savait

inspirer ses troupes. Sa force principale rsidait dans sa

en adoptant
armures et les cuirasses de fer, les Espagnols s'taient
aussi donn eux-mmes une arme spciale plus terrible.
Leurs chefs passaient leur jeunesse entire manier la lance
cavalerie, dont l'imptuosit tait irrsistible;
les

et Tpe, dont plus tard


infidles, tandis

ils

devaient faire usage contre les

que ceux-ci n'entendaient point

sacrifier

aux nabitudes guerrires les travaux de l'agriculture ou


jouissances d'une civilisation avance.

les

LIVKE

266

V,

CHAPITRE

1".

Dans les tats chrtiens, chacun devaitle service militaire;


seigneurs taient forcs de suivre leur souverain dans
ses expditions, et entranaient avec eux leurs vassaux. Chez
les Arabes, au contraire, on restait libre de ne point partir.
les

Les khalifes, avec leurs ressources, levaient les troupes dont


ils avaient besoin ; les habitants en masse ne venaient sous
les drapeaux que quand on proclamait l'algehed ; encore
ne pouvait-on les retenir que pendant un temps limit.
Les institutions des Espagnols taient donc toutes militaires, et ils devaient acqurir dans les combats une supriorit plus marque. Sur mer, la vrit, ils taient
loin de pouvoir entrer en parallle avec les Arabes, qui
disposaient de forces redoutables; les khalifes comptaient
de nombreux vaisseaux dans les ports de Cadix, Algziras,
Almunecar, Almeria, Tortose, Tarragone. Ces trois dernires villes possdaient, en outre, des arsenaux trs-bien
approvisionns, et chaque anne de nouveaux navires taient
mis flot dans les chantiers de construction de Carthagne
et de Sville. Beaucoup de particuliers quipaient des btiments de commerce et rapportaient en Espagne les marchandises du Levant. D'autres, vritables corsaires, allaient
faire des incursions en pays ennemi
et non-seulement les
chrtiens rpandus sur le littoral de la pninsule, mais
encore les Francs et les Italiens taient sans cesse in,

quits.

Lcm Arabes d'Kspagne forment, l'exemple des Aglabltcs,


de tablissement dans le le de la Mditerrane ; Ils attaquent la Provence et fondent la colonie de rraxlnet; Incursions des A'orthmans.
Les Arabes s'taient tablis dans les les Balares (820).
s'emparrent galement de la Corse, qui resta indpendante de 840 8.r>0; les environs d'Arles et de Marseille furent plus d'une fois ravags. A la fin du IX e sicle, en 889,
les musulmans, trouvant dans les environs de Saint-Tropez,
un emplacement des plus favorables d'o ils pouvaient s'Ils

lancer sur tous les points de

la

Provence, se fixrent dans

poste de Fraxinet. Ils s'y maintinrent durant tout le


x e sicle et tandis qu'une partie d'entre eux, s'unissant aux
le

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AGLAB1TES, FATH1MLTES, OMMADES, ETC.

267

femmes du pays, s'adonnait l'agriculture, les autres cherchaient tendre l'islamisme par des courses aventureuses
dans l'intrieur du continent. C'est ainsi qu'en 935 aprs
,

temps

passage de France en Italie, ils pntrrent dans laTarentaise, le Valais et la Suisse,


qui tait dj pille par les Hongrois, et, en 942, ils forcrent s'expatrier les populations de Frjus et de Toulon *.
L'Espagne tait assaillie de son ct par les barbares Scanavoir intercept quelque

le

dinaves. En 843, cinquante-quatre vaisseaux avaient dbarqu en Lusitanie une arme de Northmans qui avaient
voulu surprendre Lisbonne. Le wali, pour les chasser, avaitd
implorer le secours de ses voisins; et les pirates, obligs de
reprendre la mer, avaient t attaquer dans l'Igarbe la ville
de Sidonia. L'anne suivante (844) , ils avaient remont le
Guadalquivir jusqu' Sville, dont ils ruinrent les faubourgs;

dj mme ils songeaient s'y tablir, quand les scheiks des


environs vinrent les dloger la tte de leurs tribus. Enfin,
en 860, ils avaient abord non loin de Malaga et de Cartha-

gne, et ne s'taient retirs qu'en pillant la fameuse mosque d'Algziras. Tant de ravages avaient excit la vigilance
des khalifes; ils avaient ordonn que des navires stationneraient sur tous les points de la cte pour les dfendre de
toute surprise; et une flotte, charge de donner la chasse

aux Northmans, s'avana si loin que, suivant les chroniques


bretonnes, on vit un gros vaisseau sarrasin l'embouchure
de la Loire.
Dveloppement moral et

intellectuel des

Arabes d'Espagne.

Sous le point de vue moral scientifique industriel , les


Arabes taient bien suprieurs aux chrtiens; leur caractre,
leurs murs avaient quelque chose de gnreux de dvou,
de charitable, qu'on et vainement cherch ailleurs. On
trouvait chez eux ce sentiment de la dignit humaine qui
les avait toujours distingus, et dont l'abus devait produire
la funeste manie des duels. Un jour le khalife Abdallah se
,

I. Voy. M. Reinaud, Invasions des Sarrasins en France, ni Desmiche^Histoire


gnrale du moyen aye, t. IL

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LIVRE V, CHAPITRE

268
Permit de

I".

longue barbe d'un de ses capitaines


de ne plus reparatre devant son souverain et

railler la

celui-ci jura
tint parole.

Les rois de Castille et de Navarre avaient tellement confiance dans la loyaut et l'hospitalit arabes,

que plusieurs

d'entre eux n'hsitrent pas se rendre Cordoue pour

consulter les mdecins si renomms de cette ville. Le plus


pauvre des musulmans tenait autant conserver intact
l'honneur de sa famille que le scheik le plus orgueilleux.
L'obscurit de l'origine n'empchait point d'arriver aux
premires dignits; la noblesse de race ne donnait point
seule la considration il fallait y joindre le mrite personnel. La religion du Coran s'tait pure
on apprciait les
vertus et les bonnes uvres la libert de l'homme n'tait
plus crase, comme au temps de la conqute, sous la foi
religieuse le travail tait encourag, la proprit respecte;
l'obissance au pre de famille, la vnration pour la vieillesse, un vif sentiment de la justice se faisaient partout
remarquer; les cadis se considraient plutt comme des
;

que comme des juges, et n'abusaient que bien rarement de leur autorit.
Ce qui contribua surtout la grandeur des Arabes d'Espagne, ce fut le haut dveloppement qu'atteignirent, sous
arbitres

leur domination , les lettres les sciences et les arts aussi


bien que l'agriculture et l'industrie. Le got des jouissances
,

intellectuelles tait

descendu dans toutes

les classes

de

la

posie levait les mes. Les magistrats devaient


avoir une instruction profonde pour conserver l'estime

socit

la

publique dans l'exercice de leurs fonctions. Une noble


mulation inspirait les esprits; sur tous les monuments
on permettait d'inscrire le nom des architectes aussi bien
que le nom de ceux qui en avaient ordonn l'rection, et le
peuple accordait ses louanges non-seulement au protecteur
clair, mais encore au vritable artiste.
Les Arabes portrent un haut degr de perfection l'architecture, la musique et la danse. On tudie encore aujourd'hui le style particulier qu'ils donnaient leurs difices,
on admire les ornements dont ils les dcoraient. Quant la

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AGLABITES, FATH1M1TES, OMMADES, ETC.

260

musique, Ali-Znab fonda Cordoue une cole clbre. Il


avait fait une srieuse, tude de la nature des sons et des
ressources de la voix humaine; le luth jusqu'alors ne se
composait que de quatre cordes, Znab en ajouta une cinquime.
En fait de posie, les Arabes cultivaient surtout la romance
ou la nouvelle un grand nombre d'auteurs, plusieurs femmes
mme, se distingurent et s'acquirent une grande renomme. Nous les trouvons recherchs dans leurs images et
leurs sentiments; mais ils s'adressaient des imaginations
ardentes, des caractres naturellement exalts.
Les sciences attirrent aussi l'attention des Arabes. On apprenait dans les coles l'astronomie, la gographie, la dialectique, la mdecine, la grammaire, ainsi que des lments
de physique, de chimie et d'histoire naturelle les bibliothques taient pleines de copies des anciens auteurs grecs
et des philosophes alexandrins les sciences mathmatiques
l'algbre et la gomtrie taient cultives avec succs. Le fameux Gerbert, qui depuis fut pape la fin du X e sicle sous
le nom de Sylvestre 11, avait puis en Espagne des connaissances qui tonnaient ses contemporains et le tirent
accuser de magie.
;

Industrie, commerce, agriculture $


publics.

monument*

et travaux

L'ardeur que les Arabes dployrent dans les travaux


de l'industrie fut plus grande encore ayant retrouv les
mines dont les Romains et les Phniciens tiraient leurs mtaux, ils s'empressrent de les exploiter
ils en ouvrirent
de nouvelles, et l'on ajustement vant leurs mines de mercure prs d'Almaden, de rubis prs de Malaga et de Beja
des Camrs. Du corail fut pch sur les ctes de l'Andalousie, et des perles sur celles de Tarragone. On perfectionna la manire de tanner et de prparer le cuir, de tisser
le coton, le lin et le chanvre. La fabrication des toffes de
soie et de laine fut porte sa dernire perfection. Bientt l'on ne parla, dan s le Levant et sur la cte d'Afrique,
que des lames de Tolde, des soies de Grenade, des har:

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LIVRE

270

nais, des selles et des

V,

CHAPITRE

1".

maroquins de Cordoue. L'Europe

tout entire recherchait les draps bleus et verts de Cuena,


les piceries et le sucre de Valence. Ces produits n'taient

pas les seuls objets du commerce les Maures et les juifs,


qui s'occupaient plus spcialement du trafic, envoyaient
encore en diffrents pays des huiles, du sucre, de la cochenille, de l'ambre gris, du cristal de roche, du soufre,
du safran, du gingembre ; dj peut-tre ils se servaient des
lettres de change dont l'invention a t attribue aux Lombards et si ce moyen leur manquait, du moins ils y supplaient dj par un procd analogue. Ils avaient dans
le Levant des correspondants nombreux et recevaient,
en change de leurs envois, de l'alos , du camphre,
des fourrures de martres du Khorasan et des tapis de
Perse.
Quant l'agriculture, les services que les Arabes rendirent
l'Espagne sont incontestables; ils sont inscrits encore
dans la Huesta de Valence et la Vga de Grenade que les
travaux d'arrosement portrent au plus haut degr de fertilit. Rien n'est plus ingnieux que le systme d'irrigation
qui fut tabli dans la huesta. Cette plaine, admirable du
reste par sa fcondit naturelle, est partage dans son milieu
par le Tuna dont les eaux vont se jeter dans la mer un peu
au-dessous de Valence. Les Arabes arrtrent d'abord ces
eaux par une digue deux lieues environ de leur embouchure, puis ils pratiqurent sept coupures principales, dont
trois sur une rive et quatre sur l'autre. La Huesta se trouva
ainsi enveloppe par les branches du fleuve qui se dployaient en ventail. Ce n'est pas tout chaque artre prin;

dcoupe en sept veines secondaires, de manire


que l'eau pntrait jusqu'au plus petit carr de terre. Pour
cela, il fallait que le terrain offrt une gradation de descente
gomtrique, et, comme la plaine ne se prsentait pas tout
fait dans ces conditions, on organisa un systme de petits
canaux (acequias) et de ponts en acqueducs, qui facilita la
distribution des eaux du fleuve. Chacune des sept branches
tait ouverte un jour de la semaine, de faon que les eaux
pussent s'lever au niveau ncessaire, et les veines seconcipale fut

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AGLAB1TES, FATH1MITES, OMMADES, ETC.

271

La Huesta avait mde jardin de l'Espagne ailleurs o le terrain


se prtait mal une disposition semblable
les Arabes
avaient creus des puits nombreux ou norias dont l'eau
tait tire par des btes de somme et conserve dans des
bassins ou des rigoles, pour tre utilise en temps opdaires avaient ensuite leur heure fixe.
rit

nom

le

portun.

Avec de tels procds, sous le climat fertile de l'Andaon obtenait trois rcoltes par an il suffisait d'ensemencer immdiatement aprs la moisson. 'C'tait d'Asie,
des plaines de la Chalde et des valles de la Syrie que les
Arabes avaient import en Espagne leur savante culture
l ne se borna point leur bienfaisante influence dans
lousie,

Us y introduisirent le riz, le coton, le mrier, la


canne sucre, le palmier, le pistachier , le bananier, et,
outre ces produits prcieux des fleurs et des lgumes
qui de l se rpandirent plus tard dans toute l'urope
occidentale, la rose du Japon, le camlia rouge et blanc,
le pays.

l'asperge, etc.
II ne faut point juger, par l'tat actuel de l'Andalousie,
de son tat sous la domination Arabe. La population tait
alors bien plus considrable. Il y avait dans toute la partie
d'Espagne possde par les musulmans, six villes capi-

tales,

quatre-vingts cits, trois cents villes du

ordre, et un

nombre

troisime

de bourgades, de villages et de
hameaux. A Cordoue seulement, on comptait deux cent
mille maisons, six cents mosques, cinquante hospices,
quatre-vingts coles publiques, neuf cents bains publics. La
ville contenait un million d'habitants. Ds lors il n'y a plus
lieu de s'tonner de l'opulence et du luxe dont les historiens arabes nous apprennent que les khalifes faisaient talage. Par l'azaque ou dme sur les produits de la terre, le
kharadj ou droit d'entre et de sortie sur toutes les denres,
et le taadil ou imposition sur les marchands en dtail
infini

du pays; on conoit
mont jusqu' la somme
de douze millions quarante-cinq mille dinars d'or. Nous
savons dj que l'tat se rservait la cinquime partie du

ils

atteignaient toutes les richesses

sans peine que les revenus aient

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LIVRE V, CHAPITRE

272
butin

et

que

les

1".

chrtiens et les juifs payaient

une capita-

tion part.

Nanmoins l'esprit reste toujours tonn des richesses que


Arabes ont prodigues et dans leurs monuments, et dans
leurs ftes publiques. La mosque de Cordoue qui subsiste
encore aujourd'hui, gale en magnificence celle de Damas,
aussi vnre que l'alaksa de Jrusalem, a six cents pieds de
long sur deux cent* cinquante de large. En ce dernier sens,
les

MOSQUE DE CORDOUE.

nets
elle a trente-huit nefs et dix-neuf dans le sens oppos ; les
sont soutenues par mille quatre-vingt-treize colonnes de
marbre. On entre du ct du midi par dix-neuf portes couvertes de lames de bronze d'un travail exquis; parmi ces
portes, celle

du milieu

est incruste

de lames d'or. En haut

boules dores surmontes d'une grenade


d'or. Ce vaste difice tait clair la nuit par quatre mille
sept cents lampes pour l'entretien desquelles on dpensait tous les ans vingt-quatre mille livres d'huile et cents'lvent

trois

vingt livres d'ambre et d'alos; la lampe du mihrab ou du


sanctuaire tait d'or massif. Quant aux fOtes de Cordoue,
rien ne pourrait nous donner une ide du luxe qui y r-

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AGLABITES, FATHIMITES, OMMADES, ETC.

273

gnait et de l'enivrement gnral. Toute la nuit, la ville tait


illumine; les rues taient jonches de fleurs partout dans
;

promenades, les places publiques, le son des instruments


retentissait dans les airs, et la population se livrait des

les

danses joyeuses.
Nous avons parl de
fit

construire

la

du palais de Zehra, que


sur les bords du Guadal-

ville et

Abderrahman

III,

quivir, quelques lieues

de Cordoue. Il n'en reste aucune


mais voici ce que disent les auteurs arabes les votes
du palais taient soutenues par quatre mille trois cents colonnes de marbres divers, lgamment sculptes les pavs
taient composs de carreaux de marbre de plusieurs couleurs rparties avec got les murailles taient lambrisses
de la mme manire les planchers peints d'azur et d'or.
Dans les grands appartements, des fontaines d'eau douce allaient se perdre au milieu de bassins d'albtre et de jaspe
de formes varies au salon du khalife, on voyait sortir du
milieu de la fontaine, un cygne d'or sur la tte duquel tait
suspendue une grosse perle. Le cygne avait t fait Constantinople, et la perle donne par l'empereur Lon. Autour
du palais s'levaient de vastes jardins au milieu desquels on
avait encore construit un pavillon pour que le roi pt se
reposer au retour de la chasse. Ce pavillon tait support
par des colonnes de marbre chapiteaux dors ; au centre
jaillissait une gerbe de mercure dans une conque de por-

trace,

phyre.

Toutes les richesses des princes ne se dpensaient point


en monuments de luxe; ils firent aussi construire des difices trs-utiles, surtout Alhakem et Almanzor qui ne fut
pas moins grand administrateur que grand guerrier. Alha-

kem

des ponts et ouvrit des routes sur lesquelles on


pour les voyageurs. Almanzor
termina un grand aqueduc qui conduisait Ecija les eaux
du Guadalquivir; il fit lever Cordoue par les soins du
saheb-xaita, une nouvelle mosque qui prit son nom 1
Ce saheb-xaita tait le prfet ou directeur de la police ; il
btit

tablit aussi des htelleries

!.

Viardot, Essai sur Vhtoire des Arabes d'Espagne.

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LIVRE V, CHAPITRE

274

I".

avait le commandement de la force arme pour veiller la


sret publique. Son autorit tait toute diffrente de celle

wali, qui, d'accord avec les wizirs, ses assesseurs, trai-

du

toutes les questions administratives.


Les Arabes d'Espagne taient donc rellement, au xr sicle, la tte des nations civilises; ils l'emportaient, cette
poque sur tous les autres peuples de l'Europe. Mais l'esprit de discorde vint souffler l'incendie parmi eux, et prcipiter leur ruine, au moment o pour rsister aux chrtiens, ils n'auraient eu besoin que de se fortifier dans une
tait

imposante unit.

CHAPITRE IL
LES SUCCS DES CHRTIENS SUR LES ARABES
D'OCCIDENT SONT ARRTES PAR LES ALMORAVIDES ET LES ALMOHADES.
1008-1232 (re chrtienne).

399-629 (hgire).

CHUTE DES OMMADES D'ESPAGNE; DMEMBREMENT DU KHALIFAT DE CORDOCE.


LES ROIS DE SVILLE CHERCHENT VAINEMENT A TENDRE LEUR DOMINATION SUR L'ESPAGNE MUSULMANE; LES DIVISIONS DES ARABES FAVOLES MUSULMANS ABANDONNENT
RISENT LES PROGRS DES CHRTIENS.
LES ALMOUNE PARTIE DE LEURS POSSESSIONS DANS LA MDITERRANE.
les princes chrtiens reils passent en espagne.
r avides.
les musulmans perdent la sicile et sont
prennent l'offensive.
les almohades succdent aux almoravides
refouls en afrique.
l'espagne musulmane se soulve conet s'tendent en Afrique.
ESPAGNE.
LES ALMOHADES ENVAHISSENT
tre LES ALMORAVIDES.
LES ALMOHADES PROCLAMENT LA GUERRE SAINTE CONTRE LES PRINCES
nouvelles luttes;
chrtiens; PUISSANCE d'vousef et d'yakoub.
BATAILLE DE TOLOSA ; CHUTE DE LA DOMINATION DES ALMOHADES.

I.

Chute de* Ommnde* dEwpagnej dmembrement du k hall fat


de Cordoue.

d'Hescham II, en permettant Almanzor et


Abdelmalek de dployer dans le gouvernement touressources de leur gnie, n'avait produit jusqu'en

L'incapacit

son

fils

tes les

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LES ALMOR AVIDES ET LES ALMOHADES (1008-1232). 275


1008 que d'heureux rsultats; partir de cette poque seulement, par la libre carrire qu'elle ouvrit toutes les ambitions et tous les partis, elle devint la premire cause de
la chute des Ommades et hta la dcadence des Arabes
d'Espagne.
Les triomphes d'Imanzor avaient fait une si vive impression sur les musulmans, qu'ils dsiraient pour la plupart
voir l'autorit se perptuer chez ses descendants. Hescham 11
n'avait point d'enfants, on le pressa de dsigner comme son
hritier Abderrahman, frre d'Abdelmalek. La famille des
Ommades ne pouvait souscrire sans protestation une pa-

'

et elle opposa une rsistance opinitre


reille dchance
aux Alameris (nom des partisans des fils d'AImanzor). Elle
trouva un appui dans la garde slavonne, jalouse des Zentes
qui avaient t appels du Magreb par Almanzor, et qui s'taient dclars en faveur d'Abderrahman. Ces haines et ces
rivalits firent clater une guerre de six ans, dont les vicissitudes placrent successivement sur le trne l'Ommade
Muhamad-el-Mahadi (1008-1010) et le chef des Africains,
Suleiman, puis rtablirent un instant Hescham 11 (1010-1012)
pour lui substituer encore Suleiman. C'tait prs de Cordoue que les plus terribles engagements avaient lieu, et cette
ville fut plusieurs fois pille et saccage par les musulmans
,

diviss.

L'avnement de Suleiman, qui ne se prsentait avec aucun titre lgitime la souverainet, ne pouvait mettre fin
aux dissensions elles recommencrent en effet au bout de
deux ans et se compliqurent de l'apparition d'une nouvelle
famille, celle des Beni-Hamud, dont le chef, Ali-ben-Hamud, avait t choisi par Hescham 11 pour gouverner le
Magreb. Cette famille descendait de l'poux deFathime par
;

la branche des drissites et, faisant valoir son origine, elle


prtendit remplacer la dynastie ommade. Ali profita des re;

venus de sa province, dont nul ne

lui

demandait compte, pour

trouva des soldats dvous parmi


les tribus arabes, maures ou berbres et, en mme temps,
ayant fait venir de l'intrieur de l'Afrique un grand nombre
de ngres, il en forma un corps de cavalerie redoutable

rassembler des troupes;

il

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LIVRE V, CHAPITRE

276

II

il se dirigea vers l'Espagne; son


de Malaga et d'Algziras, facilita son
dbarquement, et Suleiman, dtest de tous, fut en un
instant renvers; mais les plus rudes ennemis d'Ali devaient tre les derniers survivants de la famille d'Ommah.
L'Andalousie leur tait reste fidle, et, s'ils s'taient runis
sous un mme drapeau, ils auraient eu quelque chance de
malheureusement Abderrahman ou Abdrame IV
succs

ses prparatifs termins,

frre Alcassim, wali

(1017-1023),

Abdrame V

(1023),

Muhamad

II

(1023-1025),

llescham-ben-Muhamad (1026-1029), engagrent entre eux


des luttes fratricides qui dtruisirent leurs dernires ressources. Les

Beni-Hamud imitant ce funeste exemple, per-

dirent de leur ct l'occasion favorable d'asseoir solidement


leur autorit; la mort d'Ali, son frre Alcassim et son

fils

Yahia se sparrent en deux camps opposs et plongrent


l'Espagne musulmane dans tous les maux de l'anarchie
(1029). Les guerres intrieures occasionnes par la faiblesse
d'flescham II n'avaient pu amener la cration d'un pouvoir
central; il en rsulta une sparation complte entre les
diverses provinces soumises aux Arabes elles cessrent de
se confondre sous une mme domination et formrent des
tats indpendants.
Si l'on se rappelle la conduite des walis envers les plus
;

comprendra facilement tout l'avantage


des Ommades contre les AlamTous faisaient leurs conditions en prenant

puissants khalifes, on
qu'ils retirrent
ris et les^Alides.

de

la lutte

pour tel ou tel comptiteur, et cherchaient s'assurer


perptuit de leurs gouvernements, soit titre viager,

parti
la

soit titre hrditaire. Ils contraignirent

et les

descendants de

la famille

mme

d'Ommah

les Alides

d'aliner entre

leurs mains la suzerainet des provinces qu'ils se disputaient,

de

moyennant un

fidlit

strile

hommage, un simple serment


en Espagne du systme

c'tait l'tablissement

fodal.

Les walis n'taient pas seuls domins par cet esprit d'in-

dpendance

les wizirs se considraient

comme

matres

du

territoire sur lequel s'exerait leur juridiction, et les cads

leur tour se prtendaient souverains dans l'enceinte

des

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LES ALMORVIDES ET LES LMOHADES (1008-1232). 277


ambitieux semblaient oublier que les chrde leurs divisions. L'intrt gnral disparaissait au milieu de ces luttes d'un gosme

villes; tous ces

tiens seuls profiteraient

aveugle.

En dtruisant tout pouvoir central, les Arabes auraient


pu du moins former des groupes d'tats capables d'opposer
une rsistance srieuse aux chrtiens qui, eux-mmes,
avaient fond plusieurs royaumes distincts. Si, par exemple,
les quatre gouvernements de Cordoue, Tolde, Merida, Saragosse, tablis parles khalifes, et auxquels on avait associ
plus tard ceux de Murcie et de Valence avaient conserv
leurs limites, la dcadence n'et pas t aussi rapide
et
,

le

dmembrement
Dans

la

aussi gnral.

seule Andalousie,

on

en 1029, indsecondaires qui taient

vit s'lever,

pendamment des petites principauts

fort nombreuses, six tats dont les chefs prirent le titre


de rois: ce furent les tats de Cordoue, de Sville, de
Cannona et Ecija, de Malaga, d'Algziras et de Grenade.
Tolde devint la capitale d'un royaume spar. L'Algarve
et la Lusitanie eurent leur roi Lisbonne et Badajoz. Sur
la cte orientale d'Almeria Murviedo, il y eut les trois
royaumes de Murcie, entre Almeria et la rivire de Segura,
de Dnia, de la Segura au Xucar, et de Valence, du Xucar
Murviedo. Quant aux provinces septentrionales, elles se
partagrent entre les rois de Saragosse, de Tortose et

d'Huesca.

En se refusant l'obissance des khalifes,


d

les walis auraient

eux et former des confdrations; ils eussent


assur ainsi chacun l'indpendance et, en faisant taire les
rivalits, eussent oppos aux chrtiens une barrire infranchissable
mais tous prtendirent une souverainet universelle, s'attaqurent les uns les autres, et portrent un
dernier coup la race arabe en lui enlevant ses meilleurs
dfenseurs au moment o elle n'avait pas trop de toutes
ses forces pour rsister au flot qui la menaait
s'unir entre

1. Almakkari, t. II, appeiidix, p. 10 et suiv. Casiri, t. II, p. 208 et suiv. sur les
dynasties indpendantes qui se forment en Fspagne, les Abadites, les Hamadites,
les Beni-Hud, les Beni-Alaphtas, les lluaharites, etc.

16

LIVRE. V, CHAPITRE

278

II.

r* roi de sville cherchent vainement a tendre leur domination sur l'Kspagne musulmane; les divisions des Arabes favorisent les progrs des chrtiens.

De tous ceux qui aspirrent relever le khalifat, les plus


*
persvrants furent sans contredit les rois de Sville et de
Tolde; leurs puissants voisins, les rois de Saragosse et de
Badajoz se contentrent d'imposer leur souverainet leurs
voisins les plus rapprochs de l'Aragon et de l'Algarve. Les
rois de Sville approchrent du but qu'ils s'taient propos
d'atteindre places au milieu de la province la plus divise,
ils purent facilement s'tendre; puis la ville o ils dominaient, admirablement situe, avait en elle des lments de
grandeur et de richesse que les autres ne possdaient point
un mme degr. Politiques adroits, ils suivirent avec
talent le plan qui leur avait l trac par le fondateur de
leur autorit, Ben-Abad, appel aussi Aben-Aded. Celui-ci
;

rpandre dans toute l'Espagne qu'Hescham H avait


reparu Sville et l'avait reconnu hautement pour le lgitime
hritier des khalifes de Cordoue. Ses successeurs laissrent
pendant quelque temps les petits princes de l'Andalousie
s'affaiblir par les luttes intestines saisissant le moment favorable, ils entrrent en campagne, soumirent les seigneurs
de Gibraltar, Niebla, Huelva, s'emparrent de Carmona et
intervinrent ensuite dans les dmls des rois de Tolde et
de Cordoue. Ce dernier prince aprs avoir t battu
l'Algothor, tait assig dans sa capitale (1060). Le roi de
Sville, Almoateded I er
ou selon les chroniques BenAbad Il accourut son secours; mais, aprs avoir chass les
ennemis, il le fit lui-mme prisonnier et se rendit matre
de ses tats. Un tel succs ne lui parut pas suffisant il voulut encore possder Malaga Grenade , et surtout la ville
d'Ecija. Le souverain de Malaga, qui appartenait la famille
des Beni-Hamud, et se trouvait en rapports constants avec
le souverain du Magreb, son parent, lui opposa des troupes
avait fait

nombreuses, aguerries, et repoussa ses tentatives. Almoateded II ou Ben-Abad 111 ne fut pas d'abord plus heureux;
il se vit mme enlever par le roi de Tolde, que soutenait
Alphonse VI de Castille, les deux plus importantes villes de

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LES ALM0AAV1DES ET LES ALMOHADES (1008-1432).

Cordoue

ses tats,

et Sville

l'affection

271

des habitants ne

tarda pas les lui rendre, et la vengeance vint accrotre encore son ardeur des combats. Il contribua trs-habilement

au dmembrement des tats de Tolde, qui s'taient accrus


par l'adjonction de Cuena et de plusieurs districts de la
cte, Murcie, Valence, Alicante; puis il attaqua les nouveaux
possesseurs et les vainquit sparment; Murcie succomba;
quelque temps aprs Ben-Abad s'emparait de Malaga, d'lgziras et les princes drissites se retirrent Tanger ou
Ceuta (1079). Les rois de Saragosse et de Badajoz s'murent enfin la nouvelle de ses succs et formrent contre
lui une ligue formidable. Ben-Abad rechercha aussitt l'appui des chrtiens, et fit avec le roi deCastille, Alphonse VI,
un trait par lequel il se rservait dans les conqutes projetes en commun Badajoz, Grenade, Almeria, et renonait
la possession de Tolde (1080). Cette dernire ville tomba
seule au pouvoir des deux allis (1085), et Alphonse y planta
ses tendards. A cette nouvelle, toute l'Andalousie se souleva contre Ben-Abad et l'obligea de renoncer une politique qui livrait ses ennemis naturels l'Espagne musul,

mane.
La prise de Tolde dvoilait, en effet, les tristes consquences de ces guerres civiles. Ce n'tait pas assez que d'avoir interrompu les travaux de la paix et les progrs immenses obtenus dans toutes les branches de l'industrie
humaine d'avoir rempli les campagnes de dsolation et
expos les villes aux plus terribles assauts; d'avoir dtruit
la grandeur de Cordoue,, que ne pouvait remplacer la ville
de Sville elles avaient donn aux chrtiens un triomphe
incontest, leur avaient permis de rparer leurs dsastres
passs, et de s'avancer de plus en plus au centre de la p,

ninsule.

Dj, de 1008 1014, en se mlant aux luttes de Muhamad-el-Alohdi et de Suleiman , le comte de Castille et le
comte de Barcelone s'taient fait cder des places importantes; on avait vu ces princes dans les batailles de Quintos et d'Acbatabahar, soutenant des causes contraires et
trois vques prendre part l'action au milieu des rangs
,

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LIVRE V, CHAPITRE

280

musulmans

II.

n'en tait pas moins rsult pour les Arabes la


perte de leurs chteaux forts des frontires. Plus tard, pendant la rivalit des Ommades et des Alides, le roi de Lon,
Alphonse V, avait entrepris de conqurir la partie du Por;

il

tugal situe au sud du Duero il tait mort au sige de Viseu(1026), et avait lgu cette conqute son fils, Bermude III. Celui-ci tourna ses armes contre le roi de Navarre,
qui avait runi ses tats le comt de Castille et lui causait de l'ombrage; et, en 1035, l'Espagne chrtienne fut
soumise une nouvelle division les royaumes d'Aragon et
de Castille allaient tre spcialement chargs de la guerre
contre les infidles; la Navarre, resserre dans d'troites
limites, forma comme un corps de rserve et le royaume
de Lon fut runi en 1037 la Castille, dsormais sentinelle
avance du christianisme; Ferdinand I er , matre des Asturies, de la Galice, de Biscaye, de Lon et de Castille, prit en
Portugal Yiseu, Lamego, Coimbre, et se rendit formidable
aux musulmans (1035-1044).
Pendant ce temps le roi d'Aragon, d'accord avec le comte
de Barcelone, pressait les rois de Saragosse et d'Huesca, et
les obligeait de se reconnatre ses tributaires (1063-1066).
Telle tait la consquence des querelles qui avaient clat
parmi les Arabes; ils ne durent leur salut qu' la guerre civile qui pendant sept ans (1066-1073) dsola la Castille. Les
trois fils de Ferdinand se disputrent l'hritage paternel ;
Sanche, l'an, chassa d'abord ses deux frres, Garcie et
Alphonse, de la Galice et de Lon, et les fora d'aller demander asile , l'un au roi de Sville, Almoateded, et l'autre
au roi de Tolde, connu dans les chroniques sous le nom
d'Almamoun ; mais il prit au sige de Zamora , qu'occupait sa sur dona Urraca; et Alphonse , rappel d'une voix
unanime, runit entre ses mains toute la puissance de son
pre (1073).
Ce prince se regardait comme engag par la reconnaissance envers le roi de Tolde, qui lui avait accord une gnreuse hospitalit; il lui envoya une arme qui contribua
la prise deCordoue et de Sville sur Almoateded II; aprs
la mort de son alli il n'hsita pas reprendre la croisade
;

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LES ALMORAVIDES ET LES ALMOHADES (4008-1232).

281

Il avait son service des hommes


d'un courage prouv, et par-dessus tous, le Cid Rodrigue de Bivar, qui porta aux Arabes les coups les plus funestes, et qui, de 1081 1085, ne cessa de ravager la plaine
qui s'tend des limites de la Vieille-Castille aux rives du
Tage. Avec de tels soldats, Alphonse pouvait compter sur
la victoire; il ne craignit pas de mettre le sige devant Tolde second, comme on l'a vu, par Ben-Abad, favoris secrtement par les habitants, pour la plupart juifs et chrtiens, il reut les clefs de la ville, s'engageant respecter les
mosques et maintenir la juridiction des cadis pour les
musulmans. Quant au roi dpossd , il put emporter ses
richesses, et, suivi de sa noblesse, aller s'tablir Valence.
La conqute de Tolde tait de la plus grande importance
pour les Espagnols; toutes les forteresses qui se trouvaient
en de du Tage, Maqueda, Madrid, Guadalaxara, Coria, se
soumirent; le bassin de la Guadiana fut envahi, et l'Andalousie vit avec terreur les progrs des princes chrtiens que
ses propres dchirements avaient favoriss.

contre les musulmans.

Les musulman* abandonnent une partie de leur possessions dnus la Mditerrane.

Ce

n'tait point

perdait

du

terrain

seulement en Espagne que l'islamisme


dans les les de la Mditerrane, les

chrtiens resaisissaient aussi l'avantage, et reparaissaient


peu peu dans les pays qui leur avaient t enlevs.
Ainsi, en 10t7, les Gnois et les Pisans avaient dbarqu
dans la Sardaigne et en avaient chass le wali des Zeirites.
Les Pisans seuls repoussrent ensuite les tentatives que
firent les Zeirites pour rentrer en possession de l'le, et dtruisirent compltement prs de Cagliari une arme partie

d'Afrique.

Plus tard, les Gnois s'emparrent de la Corse sur les pien taient matres , et qui, dlaisss par
les musulmans d'Espagne, implorrent en vain le secours
des souverains d'Afrique.
rates andalous qui

Les Arabes n'avaient pas cess leurs incursions en

Italie

m ais, ds l'an 1000, ils avaient trouv Salerne de nouveau*

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LIVRE

282

V,

CHAPITRE

II

adversaires dans les aventuriers normands. Tarente, qui

leur appartenait encore, leur fut arrache par les Grecs,

Normands, en 1035. Us furent la mme poque attaqus en Sicile et comme ils taient diviss entre
eux, ils auraient succomb si les Grecs et les Normands
n'avaient eu de graves contestations suivies d'une rupture
aids des

complte (1043).
Quant aux Balares les rpubliques italiennes ne purent
s'en emparer; un des walis indpendants de l'Espagne, le
wali de Dnia, les avait enleves aux pirates qui en avaient
fait le centre de leurs oprations , et il s'y tait fortement
,

tabli.

Si les Zeirites n'avaient pu empcher les revers de l'islamisme, c'est qu'ils taient eux-mmes tourments en Afrique par les plus tristes et les plus sanglantes dissensions.
Chaque anne voyait surgir dans leurs principales villes de
nouvelles rvoltes qui n'avaient d'autre rsultat que de remplacer un despote par un autre. Les Beni-Hammad, tablis

Aschir et Bougie, empitaient souvent sur les frontires


voisines pour tendre leur propre territoire; les Fathimites

envoyaient parfois du Caire des armes menacer Tripoli.


Enfin, les tribus du dsert refusaient de payer l'impt et

augmentaient chaque jour, en se rapprochant des ctes de la


mer, le cercle de leur courses nomades et de leurs dvasta1
tions priodiques .

lies Almoravldet*.

Les Arabes d'Orient restaient indiffrents au sort de l'Afrique et de l'Espagne, et les seuls dfenseurs de la religion

de Mahomet se trouvrent dans les dserts du Magreb parmi


ces tribus africaines, si impatientes du joug tranger, si braves,

si faciles

exalter.

Deux

d'entre elles, les tribus

Lam-

tuna et Gudala, qui faisaient elles-mmes partie de la grande


tribu des Zanhaga, excites par un alfaqui de Sous, nomm
Abdallah-ben-Tasfn , se crurent destines par la Providence relever la gloire de l'islamisme. Elles adoptrent le
nom de Morabethin (hommes de Dieu, lis la religion),
j.

Dombay, Uittoire dts

rois de la

Mauritanie(en

ail.).

Agram, 1794,

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LES A LMOR AVIDES ET LES ALMOHADES (1008-1232). 283


Espagnols ont fait Marabouts et Almoravides ; et,
d'Abdallah qui n'avait eu d'autre pense, en rveillant dans leur me le sentiment religieux, que de les entraner de nouvelles conqutes, elles soumirent Seldjelmesse,
puis le pays de Dahrah
imposrent leur domination la
tribu de Mazmuda, l'une des cinq grandes tribus de l'Afrid'o

les

la voix

que septentrionale, et traversrent l'Atlas pour s'tablir aux


environs d'Agmat , entre les montagnes et la mer (1068).
Abou-Bekre, qu'Abdallah avait mis leur tte, se contenta
quelque temps de la ville d'Agmat; bientt il jugea que l'tendue de la cit ne rpondait pas sa puissance relle, et,
l'exemple de toutes les dynasties qui s'taient tablies en Afrique, il fonda une ville qui, sous le nom de Maroc, est encore aujourd'hui la capitale d'un grand empire. Son cousin,
Yousef-ben-Tastin s'empara bientt de toute l'autorit. 11
,

gnreux, d'une grande dvotion, trs-habile


administrateur; il avait un air imposant et les qualits de
l'me qui imposent aux peuples. En peu de temps, il fut
salu par les Almoravides comme le chef qui devait les contait hardi,

duire

la victoire.

Aprs

une garde nombreuse, compose


ngres achets sur les ctes de Guine, et

s'tre organis

la fois d'esclaves

d'esclaves chrtiens qu'il avait fait venir d'Andalousie,

You-

Mequinez, alors possdes par des


familles arabes et berbres, et s'en rendit matre. Rien
ne put rsister l'imptuosit de ses terribles cavaliers
une partie de ses soldats abandonnrent ses tendards pour
se livrer l'agriculture; les autres, en plus grand nombre,
s'associrent sa fortune, et prirent successivement Ceuta,
Tanger, Sal, o s'taient retirs les Beni-Hamud, chasss
de Malaga et de Fez. Tout le Magreb reconnaissait les lois
d'Yousef en 1084
sef

marcha contre Fez

et

ils

passent en Espagne.

Les Arabes d'Espagne, dans leur dtresse, tournrent les


yeux du ct des Almoravides. Les rois de Sville, de Badajoz et de Grenade, furent auprs de Yousef les interprtes
l.

Casiri,

t.

Il, p.

216, nous

donne

lu liste

dos rois Almoravides.

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LIVRE V, CHAPITRE

284

du sentiment

II.

gnral, et invoqurent son secours contre les

princes chrtiens.
Yousef n'eut garde de repousser des propositions qui ouvraient son ambition une nouvelle carrire. Il prpara
sur-le-champ une expdition, et aprs s'tre fait livrer d'a-

vance par Almoateded la ville d'lgziras il dbarqua dans


la pninsule avec une nombreuse arme (1086). Son arrive
causa dans toute l'Andalousie le plus grand enthousiasme
cependant les Almoravides n'accomplirent pas l'uvre
qu'on attendait de leur fanatisme et de leur bravoure. Vainqueurs l'importante bataille de Zlaca, ils ne surent pas
profiter de leurs avantages. Alphonse VI et Sanche d'Aragon
se remirent bientt en campagne. Le Cid descendit jusque
dans la province de Murcie et s'empara de la forte ville
d'Alid (1087). Sanche emporta Huesca d'assaut (1088), et
Alphonse VI maintint non-seulement ses frontires intactes,
mais encore dirigea de Tolde des courses dvastatrices
jusqu'aux rives de la Guadiana (1090).
La premire condition de succs pour les musulmans,
c'tait que les Andalous et les Africains restassent d'accord
et s'entendissent dans leurs oprations. La bonne harmonie ne devait pas subsister longtemps entre eux. Yousef
,

pu voir les belles plaines de l'Espagne sans ressentir


un ardent dsir de les possder et les Andalous, qui avaient

n'avait

devin ses vues secrtes, songeaient dj

les faire chouer.


Yousef levapromptement le masque, et en
quatre ans (1090-1094), il n'y eut dans tous les pays musulmans de l'Espagne mridionale, d'autre autorit que celle
des Almoravides. Cordoue, Carmona, Baza furent prises;
les royaumes d'Almeria, de Malaga, de Grenade se soumirent sans rsistance devant un ennemi suprieur en forces;
Sville, o rsidait Almoateded II, n'chappa au pillage que
par la gnrosit de ce prince qui, se sacrifiant lui et sa famille, se livra sans dfense son puissant rival; enfin les

Tout

fut inutile:

lieutenants d'Yousef rduisirent Xativa, Dnia, Valence, les

de TAIgarve et de la Lusitanie
serva son indpendance (1094).
rois

La rapidit de

l'invasion

Saragosse seule con-

prouve que

les

Andalous taient

Digitizeci

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LES ALMORAVIDES ET LES ALMOHADES (1008-1232).

285

bien dgnrs de leur ancienne vigueur; peut-tre aussi


espraient-ils qu'Yousef, disposant des ressources de l'Afri-

mieux consentiment religieux n'avait pas seul dirig la conduite de ce chef entreprenant; il laissa le Cid s'tablir Valence (1095), et
demeura plusieurs annes inactif au milieu des ftes et
des plaisirs, se transportant de Cordoue Maroc et de
l'Afrique dans la pninsule, sans s'inquiter en aucune manire des dangers de l'islamisme.
Les Arabes d'Espagne, au lieu d'accepter leur dfaite,
qu'ils avaient cru devoir servir les intrts de la religion, ne
cherchrent plus qu' secouer le joug qui leur tait impos.
Plusieurs walis des environs de Valence, s'unirent Chimne, l'pouse du Cid, pour dfendre Valence, conqute
de son poux, menace par les Almoravides, et il ne tint pas

que

et des provinces espagnoles, les protgerait

tre les chrtiens;

on reconnut bientt que

le

eux que cette ville ne restt aux chrtiens (1099).


Le mme sentiment se manifesta dans le reste de

ninsule

musulmane; ce n'tait plus

la

p-

les chrtiens

qui taient
redouter, mais bien les trangers qu'il fallait expulser.

Yousef tant mort (1107), son fils Ali fit triompher un instant son parti parla victoire d'Ucls, remporte sur Alphonse VI; mais il attaqua le roi de Saragosse et les Andalous, et fit son tour cause commune avec les chrtiens, qui
s'emparrent, en 1118, de la capitale mme et, en 1120, de
Calatajud et de Daroca. Le roi de Saragosse avait t cras
entre les troupes des Almoravides et celles du roi d'Aragon; ds lors le fils d' Yousef resta le seul reprsentant
de la cause arabe. Son autorit (1107-1 144) et celle de son
successeur, Tasfin-ben-Ali (1144) furent trs-chancelantes.
Cordoue tait devenue le sige de leur domination ; et les

Almoravides traitaient
une premire rvolte clata en 1121; toutes les forces
d'Ali suffirent peine pour faire rentrer la ville dans le devoir. Afin de donner une sorte de conscration religieuse
son usurpation Yousef s'tait fait investir par le khalife
de Bagdad du gouvernement de l'Espagne Ali son fils,
en introduisant dans la pninsule une foule de tribus afri,

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286

LIVRE

V,

CHAPITRE

II.

caines qu'il devait enrichir de la dpouille des anciennes


familles arabes, ranima les haines qui avaient autrefois divis les tribus asiatiques et les labdaris, et spara de nouveau l'Espagne musulmane en deux camps opposs *.

Les prlnceH chrtiens reprennent l'offensive.

champ de bataille les chrtiens, qui


depuis l'invasion des Almoravides avaient presque toujours
gard la dfensive, et qui allaient profiter de l'occasion pour
continuer leurs empitements. Le grand mouvement des
croisades agitait alors l'Europe entire de nombreux chevaliers qui voulaient concourir la guerre sainte contre les infidles accoururent en Espagne. Raymond de Bourgogne et
Henri de Besanon rendirent de si grands services la cause
chrtienne, que le roi Alphonse, dans sa reconnaissance, leur
offrit la main de ses filles Urraque et Thrse. Le premier,
avec Urraque, eut la perspective du trne de Castilie, et le
second se fit un royaume avec la dot de Thrse, qui lui
apporta le comt de Portugal, c'est--dire toute la partie do
la Lusitanie qui avait dj t conquise.
Les Espagnols taient matres, en 1120, des pays qui s'tendent de Tolde jusqu' l'bre Alphonse d'Aragon, rvant de nouveaux succs, menaa Valence et battit prs
d'Alcarah les walis africains coaliss contre lui. Cette victoire lui ouvrit les plaines de l'Andalousie
les Mozarabes
des environs de Grenade , au nombre de douze mille , se
rallirent sous ses drapeaux, et il envahit le royaume de
Murcie (1125); le rsultat de l'expdition ne rpondit pas
ses esprances; mais il pntra plus avant, il pilla la campagne de Grenade, et emmena avec lui un grand nombre
de Mozarabes qui se fixrent Saragosse ; ce fut le seul
avantage qu'il obtint. Le souverain des Almoravides donna
l'ordre ses lieutenants de se saisir de tous les chrtiens
des frontires , et de les disperser dans l'intrieur ; on fit
plus : eux qu'on pouvait souponner d'entretenir des rapC'tait appeler sur le

t. Almakknri . t. II, appendix, p 22, H star y of Mohammedan Spain from the


death of Ai Hakem al Mustanter Billah titl the arrivai of the Altnohades.
\

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LES ALMOR AVIDES ET LES ALMOHADES (1008-1232).

2S7

ports avec l'ennemi furent contraints de vendre leurs biens,


et on les transporta en Afrique.

Ces mesures violentes n'empchrent point Alphonse


roi de Castille et de Lon, de descendre
encore avec une puissante arme en Andalousie (1133); il
ravagea les faubourgs de Sville, et mme ceux de Cadix,
et mrita par ses expditions autant que par la mdiation
qu'il exera entre le roi de Navarre et celui d'Aragon, le titre ftempereur. Le comte de Portugal, Alphonse Henriqucz,
dirigea aussi une expdition vers l'Algarve, dans le dessein
de soumettre toute cette province. Les walis de Badajoz, de
Beja, d'Evora et d'Elvaz vinrent lui prsenter la bataille; il
l'accepta, et remporta prs des hauteurs d'Ourique une
victoire clbre qui consolida sa puissance et lui fit dcerner la royaut (1143) \

Raymond devenu
,

e*

musulmans perdent

Sa Bielle et

sont refouls eu Afrique

Les Almoravides n'avaient fait que retarder un instant la


ruine de l'islamisme ils n'taient point sortis de la pninsule et n'avaient entrepris dans la Mditerrane aucune expdition maritime au del des Balares, qu'ils avaient enleves, en 1096, un wali andaious. Ils n'avaient point cherch
reprendre Candie , dont les Vnitiens s'taient empars
sur les musulmans. La Sicile elle-mme tait tombe dfinitivement aux mains des chevaliers normands, qui aprs
s'tre tablis dans le comt d'Aversa et la principaut de
Capoue, avaient fond dans l'Italie mridionale un tat indpendant, malgr l'opposition des pontifes de Rome, des
Grecs et des Allemands. Robert Guiscard et son frre Roger
se dcidrent passer le dtroit en 1064 ; l'occasion tait
favorable les cinq mirs de Palerme, Pyranse, Messine
f
Trapani et Patti se disputaient l'autorit souveraine que
les Zerites n'taient plus en tat d'exercer. Roger feignit
d'abord d'entrer dans ces querelles intrieures; puis quand
;

il

crut le

moment opportun

il

jeta le

masque,

quitta les

Documentes arabicos para a historia porlugueza, etc.. Ed. de Sousa. LisVestigios da linqua arabica etn Portugal, par le mme, et dans
notre collection YHisioire du Portugal, de M. Bouchot 1853.
1.

bonne, 1790

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LIVRE V, CHAPITRE

288

II.

rangs des musulmans, et runit autour de lui les chrtiens de


la Sicile (1068). La guerre fut longue. Le chef normand,
priv des secours de son frre , rduit se tenir sur la dfaillit tre cras par des
fensive dans la ville de Messine
,

troupes que les Zeirites avaient envoyes d'Afrique ; le


retour de Guiscard avec des renforts changea les choses de
iace; Catane, Palerme, se soumirent; l'arme musulmane
fut repousse (1071), et

l'le

demeura acquise aux Normands.

Les Arabes et les Maures qui voulurent y demeurer obtinrent des garanties nombreuses. Le vainqueur craignait qu'ils
n'emportassent avec leurs richesses cette science agricole et
industrielle qui avait assur la prosprit de la Sicile on
leur promit la libert de leur culte, le maintien de leurs
coutumes; mais, dans les deux sicles qui suivirent, la population musulmane disparut compltement. Roger fit de la
Sicile une puissance maritime, et voulut enlever aux Arabes l'empire de la Mditerrane 1 Il les poursuivit d'abord
sur le rocher de Malte, qui vit flotter son drapeau en 1098.
Plus tard son fils, Roger H, menaa l'Afrique elle-mme et
s'empara des les situes prs du littoral (1125-1143).
Profitant, en 1 146, des dissensions qui avaient clat parmi
les Zeirites, Roger se prsenta devant Tripoli. La ville ne
put rsister aux efforts de l'amiral Giorgi, et bientt Sfaks,
Sousa, Mahadia, Cairowan et Tunis reconnurent son autorit
(1148). Les Zeirites se retirrent dans l'intrieur des terres,
et laissrent entre les mains des chrtiens ces villes, o ils
dominaient depuis cent soixante-dix- sept ans (971-1148).
L'islamisme tait donc, au milieu du xir sicle, en
pleine dcadence, du ct de l'Occident la domination de
il reculait en Espagne,
la Mditerrane lui avait chapp
et dj une partie de l'Afrique lui chappait ; de nouveaux
dfenseurs vinrent tout coup lui rendre un clat passager ;
ils sortaient, comme les Almoravides, des dserts du Magreb,
et ils allaient se rpandre comme un torrent sur l'Afrique
;

et l'Espagne.

t.

Voy. la traduction que M. Jaubcrt a donne de la Gt'ographie d'drisi, 2 vol.

in 4.

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LES ALMORAVIDES ET LES ALMOHADES.


i tvs

Almohade* Diieedent aux Almoravldeg

289

et N'tendent

en

Afrique.

Parmi

peuplades qui taient soumises aux Almoravu avec jalousie l'lvation des
tribus Lamtuna et Gudula, et dsiraient ardemment acqu
rir, pour elles-mmes, les richesses qu'Youset'et Ali avaient
procures leurs rivales. Ce sentiment fut habilement exploit par un homme d'une instruction profonde qui tait
venu au Magreb propager les doctrines de son matre le clbre philosophe Al-Gazzali, Muhamad-ben-Abdallah fils d'un
employ subalterne dans la mosque de Cordoue. Initi de
bonne heure, par suite d'heureuses circonstances, aux premiers lments des sciences, envoy plus tard en Orient, et
admis, Bagdad, recevoir l'enseignement d'Al-Gazzali, il
comprit l'influence qu'on pouvait exercer au moyen des
ides religieuses sur le gouvernement des socits, et entreprit, par la seule force de son intelligence, de renverser la dynastie des Almoravides. 11 commena par critiquer,
dans la conduite de leurs principaux chefs, tout ce qui poules

vides, quelques-unes avaient

aux prescriptions

vait paratre contraire


v

du Coran. Chass de Maroc pour

les plus rigoureuses


avoir insult les femmes

d'Ali qui sortaient le visage dcouvert,

s'attacha persuader

il

temps de revenir la morale et aux


commandements de Mahomet, annonant en mme temps
l'arrive d'un nouveau Mahadi qui allait ramener sur terre
la vertu et la justice. Ses intrigues ne se bornrent pas
au peuple

qu'il tait

des prdications publiques il russit s'entourer d'hommes


capables de le soutenir dans sa difficile mission, et
leur action ne tarda pas se manifester au grand jour ;
;

actifs et

dans les villes de Maroc et d'Agmat, une foule innombrable


accourut leur voix et applaudit leurs projets de rforme.
Les Almoravides s'aperurent trop tard* du danger qui les
menaait; lorsqu'ils voulurent le conjurer, Abdallah s'tait
organis

un

parti considrable

aux souverains du pays; que


et

il

les

il

vit qu'il portait

yeux

se retira Tinmal, dans la province de Sous,

ses adhrents,

dans ce

lieu

nomms

que

la

ombrage

taient fixs sur lui,

Al mohades (unitaires).

nature elle-mme avait

Il

fortifi,

appela

il

fit

lever,

un

chft-

17

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L1V. V,

291

CHAPITRE

II.

teau presque inattaquable, et exera une autorit absolue


avec le seul titre de Mahadi. Il voulut toutefois que l'administration restt confie un grand conseil compos de
dix de ses disciples les plus dvous au nombre desquels
,

Abdeimoumen, et une assemble de soixante


et dix musulmans. Bientt les ennemis des Almoravides
vinrent se ranger autour de lui, et surtout les tribus Henteta, Herga, Gidmuya, qui formaient la principale fraction
de la grande tribu des Marmuda. Ds 1120, trouvant ses
forces suffisantes, il entra en campagne les trois premires
se distinguait

batailles qu'il livra devinrent autant

de victoires par

le

cou-

rage de ses soldats et le fanatisme qu'il sut leur inspirer.

Aprs ces succs (1123),

il

crut pouvoir assiger Maroc et

vritable centre de la puissance des Almoravides en Afrique; vainqueur au dbut dans


quelques rencontres, il fut ensuite trahi par la fortune, et
ses troupes subirent le plus sanglant chec (1125). Luimme fut au moment de dsesprer de sa cause, et d'abandonner, devant ce funeste jeu de la guerre, les esprances
de grandeur qu'il avait pu concevoir. Le gnie et l'activit
d' Abdeimoumen lui crrent de nouvelles ressources il parvint peu peu ranimer l'ardeur de ses partisans abattus,
et, en 1130, ses pertes furent tout fait rpares. Il rsolut de tenter encore une fois le sort des armes, et fut
plus heureux, grce au gnie d'Abdelmoumen, qu'il dsigna
comme son successeur quatre jours avant sa mort.
Abdeimoumen tait digne de poursuivre la tche difficile

se prsenta devant cette ville

entreprise par le Mahadi; moins rigide que son matre , il


de plus que lui, l'habitude de la guerre et du com-

avait,

mandement; dou d'une grande persvrance


lont ferme,

et d'une vo*
imposait tous par une reprsentation pleine
son esprit savait concevoir des projets hardis,
il

de dignit
il y avait en lui l'nergie ncessaire pour les excuter.
Les Almohades accueillirent son avnement avec acclamation, et il justifia les esprances que leur avaient fait concevoir ses rares qualits* En peu de temps, il leur donna un
empire beaucoup plus vaste que ne l'tait celui des Almo;

et

ravides.

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LES ALMORAVIDES ET LES ALMOHADES.

291

De Tinmal, sa capitale, situe au fond des montagnes du


Dahrah, il commena, ds 1132, soumettre toutes les tribus limitrophes qui s'tendaient jusqu' Sal. Quand cette
il envahit le pays de Fez et
opposrent qu'une faible rsistance
(1137). A la mort d'Ali-ben-Yousef (1144), son fils Tasfin
tait encore la tte d'une arme aguerrie, mais il ne possdait plus que quelques provinces voisines de Maroc et les
deux places importantes d'Oran et de Tlemcen. Ce fut sous
les murs de cette dernire ville que se dcidrent les destins
de l'Afrique. Abdelmoumen dut la victoire ses habiles dispositions; il forma de ses troupes un bataillon carr dont
le premier rang se composait des soldats les plus vaillants
arms de longues piques qu'ils appuyaient contre terre dans
une direction oblique. Des boucliers les protgeaient contre
les flches ennemies. Les arbaltriers et les frondeurs venaient
ensuite, et la cavalerie se trouvait au milieu de ce carr,
d'o elle s'lanait par des issues qui se. refermaient immdiatement. Les Almoravides, quoique suprieurs en nombre,
ne purent jamais rompre cet ordre de bataille et finirent
par essuyer une droute complte. Tasfin, dsespr, s'enfuit Tlemcen, puis Oran, o un accident funeste, en lui
enlevant la vie, priva les Almoravides d'une direction qui leur

ville lui

celui

eut ouvert ses portes,

de Taza, qui ne

lui

tait ncessaire (1145).

En peu de temps les villes qui avaient jusque-l repouss l'autorit d' Abdelmoumen furent forces de la reconnatre. On raconte que ce hardi conqurant, irrit de la
rsistance qu'une de ces places lui opposait, fit construire
une forte digue pour lever les eaux d'une rivire qui traver,

sait la ville assige

les retenait, et les

En

puis

il

enleva tout coup l'obstacle qui

lana sur les remparts, qui s'croulrent

aux Almoravides que


Almohades se trouvrent en possession de tout le Magreb.
Abdelmoumen, aprs avoir acquis l'hritage de Yousef,
chercha, sans aucun retard, s'immiscer dans les affaires
d'Espagne. Mais l ne se borna point son ambition il prtendit renouveler en Afrique l'ancienne domination des Aglaavec fracas.

Maroc, qui

1146,

il

ne

restait plus

fut prise d'assaut,

et les

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LIV.

V,

CHAPITRE

tourna du ct de

bites, et se

la

11.

Cyrnaque,

comme

s'il

et reu du Mahadi l'injonction de runir dans une mme


pense et sous un mme chef tous les musulmans d'Occident. Sa longue carrire ne fut plus marque que par
des succs. De 1146 1158, il soumit Seldjelmesse et les
tribus qui demeuraient entre Oran et Tlemcen. Il mit fin
dont les derniers reprsenla dynastie des Beni-Hammad
,

parmi les tribus


en 1159, se trouva en face des Normands
chrtiens, qui s'taient tablis en Afrique, et avaient vainement essay, en secourant les souverains de Bougie, de s'opposer ses envahissements. Il avait entendu vanter leur
courage et prpara contre eux une expdition formidable.
Les crivains arabes ont fait de sa marche, depuis Sal jusqu' Tunis, travers les plaines du littoral de l'Afrique, une
description pompeuse; ils rapportent que le matin le signal
du dpart tait donn au moyen d'un immense tambour
ayant quinze coudes de profondeur et dont le son s'entendait une demi-journe de distance l'arme tait divise
en quatre corps chaque tribu avait son tendard ses bagages et ses troupeaux. On s'arrtait midi pour se reposer
le reste du jour. Le roi tait entour de ses gnraux et de
ses scheiks les plus considrs monts sur de superbes chevaux dont les harnais taient tissus d'or et d'argent, et
ayant dans leurs mains des lances dont le manche tait garni
d'ivoire et le fer orn de banderoles de diverses couleurs
puis venait une foule innombrable de musiciens dont les
principaux instruments taient des clairons et des cymbales.
Quand on arrivait au lieu de campement, les places taient
aussitt distribues avec autant d'ordre que de promptitude, et chacun trouvait auprs de lui les provisions dont il

tante allrent rejoindre les Zerites, refouls

du dsert,

et,

avait besoin.

Les Francs ne purent rsister et perdirent successivement


Tunis, Tripoli, Sfaks, Mahadia, Cabes, Cairowan et les autres
villes qu'ils possdaient depuis 1148.
Une fois matres de l'Afrique, les Almohades eurentde continuels efforts faire pour la conserver.

De nombreux ennemis

leur en disputaient la possession. Outre les tribus

du dsert

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LES ALMORAVIDES ET LES ALMOHADES.

393

qui se rvoltaient sans cesse pour se soustraire l'impt, outre


le roi de Sicile qui essaya, jusqu'en 1180, de reprendre ce

qu'on lui avait enlev, et ne se dsista de ses prtentions


qu'en signant un trait de paix avec le successeur d'Abdelmoumen, ils eurent repousser les incursions d'un chef
almoravide qui, des Balares, o il tait tabli, dbarqua en
1184 prs de Bougie, s'empara de cette ville, de Cabes et de
Sfaks, et ft dire la prire au nom du khalife de Bagdad.
Ils furent attaqus par le sultan d'gypte Saladin qui conquit, en 1 172, la ville de Tripoli, et ne purent tirer vengeance
des Aoubites, tout-puissants en Orient mais ils reprirent
assez rapidement sur l'Almoravide les places dont il s'tait
rendu matre, et le poursuivirent mme jusque dans les
Balares, qu'ils rduisirent en 1205.
;

I/Espagne niunalmane me soulve contre les Almoravlde*.

La

d'Alphonse Henriquez Ourique avait t dans


la dissolution complte de l'empire
Ils taient dj presss au Magreb
par les Almohades, et n'avaient pu envoyer de secours aux
walis de Badajoz et d'EIvas. L'Andalousie se souleva aussitt contre les chefs nomms par Ali-Ben Yousef, et ces nouveaux dchirements favorisrent les progrs des princes
victoire

pninsule le signal de
des Almoravides (1143).
la

chrtiens.

Alphonse III, roi de Castille et de Lon, ravagea au del


la Guadiana et de la Sierra Morena, les villes d'Andujar
et de Baeza(ll46); il prit Calatrava (1 147) et s'approcha
mme des murs d'Almeria, qui fut oblige de capituler
aprs un blocus de trois mois, auquel avaient pris part les
de

vaisseaux catalans.

Le

de Portugal, de son ct, vint assiger l'imporcette conqute en lui donnant la


navigation du Tage, lui ouvrait le chemin de l'Algarve. Il
Tachevaglorieusement.avec l'assistance d'une flotte de croiss anglais et flamands qui avait jet l'ancre l'embouchure
du fleuve (1147.) Une entreprise d'Alphonse III contre Cordoue ne fut pas aussi heureuse, il se vengea en dvastant le
pays (1152).
roi

tante ville de Lisbonne

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29

LIV. V,

CHAPITRE

11

Si en secouant le joug des Almoravides, les Arabes d'Espagne avaient su rtablir au milieu d'eux l'unit de gouver-

nement

et centraliser leurs ressources,

ils

eussent peut-tre

aux chrtiens. Mais d'accord


pour la rvolte, ils ne l'taient plus pour se donner un chef.
On vit se renouveler les divisions qui avaient perdu la maison d'Ommah, et le mal fut plus grand encore, parce que
le prestige de ce nom rvr n'existait plus.
Dans toutes les villes un peu importantes (1144), Murcie, Valence, Grenade, Sville, Cordoue, des ambitieux
usurprent la dignit royale et s'isolrent les uns des
autres. Les Almoravides abandonnrent l'Espagne et se retirrent (1146) en Afrique et dans les les Balares. Ils ne
laissrent en Andalousie qu'une faible arme sous la conduite d'Abdallah-ben-Gania qui chercha, en s'alliant aux
chrtiens, fonder une petite principaut. Quelques troupes, qu'il jeta dans l'Alcazaba, lui assurrent pour quelque
temps la possession de Grenade; il fut un instant matre de
Cordoue et de Sville. L'arrive des Almohades le fora
de renoncer ses prtentions incapable de rsister la
fois ses voisins et aux soldats d'Abdelmoumen, il prit les
armes la main, victime de son courage, et il n'y eut plus
d'Almoravides dans la pninsule.
t en

mesure de

tenir tte

Iam Almohade* en vah liment l'Espagne.

Les Almohades avaient t appels en Espagne par un


wali de l'Algarve, partisan des doctrines religieuses d'AlGazzali et du Mahadi. Une premire arme, envoye par

Abdelmoumen,

la plus grande partie de l'Algarve


de Portugal (1147). Une seconde
reprit sur Alphonse VI Almeria, qui subit un sige de cinq
ans (1152-1156). Une troisime enfin remporta un avantage
signal sur le souverain de Valence, qui, matre de toute la
cte orientale de l'Espagne, s'tait alli aux chrtiens, et assura aux Almohades la possession de Grenade et du pays
qui s'tend jusqu' la Guadiana (1156-1160).
Valence avait, en 1160, chapp la suzerainet africaine, en rsistant Abdelmoumen
aprs lui son fils

et arrta la

lui

soumit

marche du

roi

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LES A.LMOR VIDES ET LES ALMOHADES.


Yousef, rsolut de
les chrtiens

la

298

rduire avant d'entreprendre contre


la lutte fut hroque;

aucune guerre srieuse

Arabes de l'Andalousie, qui soutenaient Valence dployrent dans la dfense de cette ville le plus grand courage
et se signalrent la journe d'Al-Gelb, ou des Clameurs;
ils succombrent la fin et Valence tut prise; Murcie subit
le mme sort. Les walis de Dnia, d'Alicante et d'autres
villes s'empressrent alors de faire leur soumission au chef
des Almohades ( 1165-1172).
les

IiCft

Almohades proclament

la guerre sainte contre les princes chrtien*; puissance l'iouscf et d'Yakoul.


'

Ce

fut alors

seulement que

les

conqurants entrrent en

guerre ouverte avec les princes chrtiens jusque-l ils s'taient contents de secourir les places menaces, et d'empcher de nouvelles incursions. Le moment leur parut
arriv de prendre l'offensive ; l'Aragon et la Catalogne
;

D'un autre ct, la Castille et Lon s'taient


mort d'Alphonse. De tous les princes chrtiens,
le plus dangereux pour les musulmans tait le roi de Portugal, qui ne voulait point dposer les armes, et ne cessait
d'tendre ses frontires. Ce fut contre lui que Yousef dirigea
tous ses efforts. 11 se contenta de reprendre aux Aragonais
la ville de Tarragone, et leur laissa les cantons de Lerida et
s'taient runis.

spars

la

de Fraga, se rservant d'attaquer plus tard les Castillans,


devenus matres de l'importante ville de Cuena. Il se porta
rapidement contre Santarem, dont les Portugais s'taient
empars (1184). Le sige tait pouss avec vigueur et promettait d'heureux rsultats, quand une panique inexplicable saisit les Almohades dans une sortie habilement prpare, et cota la vie Yousef lui-mme. Yakoub vengea la
mort de son pre, et aprs un terrible assaut emporta la
place de vive force.
Le nouveau chef des Almohades n'avait pas moins de mrite que ses deux prdcesseurs, Yousef et Abdelmoumen ;
possesseur d'un vaste empire qui s'tendait depuis Tripoli
jusqu'aux rives de l'fcbre et du Tage, il rsolut d'illustrer
son rgne par une entreprise glorieuse contre les ennemis

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UY.

29C

de sa

V,

CHAPITRE

II.

de 1184 1195 contre les chrtiens une guerre d'extermination. Les deux peuples se plaisaient porter l'un chez l'autre la mort et le pillage; l'algehed fut proclame dans les dserts de l'Afrique et dans
religion.

Il

entreprit,

l'Espagne musulmane. Une nombreuse arme se runit


sous les tendards de Yakoub et vint fondre non loin d'Alarcos sur Alphonse VIII. Ce prince, sans attendre l'arrive des
rois de Lon et de Navarre, engagea le combat. Il prouva
une droute complte, plus complte encore que celle de
Zlaca; Yakoub fit vingt mille prisonniers, et par un mouvement chevaleresque les rendit la libert (1195). Cette
victoire entrana la chute de Calatrava, Guadalaxara, Escalona et Madrid les Almohades tentrent vainement de s'emparer de Tolde et s'en consolrent en remontant jusqu'
;

Salamanque dont les habitants furent passs au fil de l'pe,


et en parcourant les tats de Castille, de Lon et de Portugal, le fer et la flamme la main (1197).
Ces succs donnrent un grand clat la domination des
Almohades, en Espagne. Ils arrtrent la marche envahissante des chrtiens et les vainqueurs firent revivre pour
l'Andalousie les temps fortuns des khalifes ommades; protecteurs des sciences, des arts et de l'industrie, Abdelmoumen, Yousef, Yakoub, tout en se montrant rigides observateurs de la loi musulmane, ressuscitrent le luxe et les ftes
splendides des Abdrames. Ils fondrent des collges publics et de nombreuses coles, et comblrent de bienfaits les
savants arabes. Alors fleurirent verros et Abenzoar, tous
deux mdecins, philosophes et potes. Mais ce qui caractrisa surtout les princes almohades, ce fut leur got

pour

les constructions.

difices

sur

le

Yousef

fit

btir Sville plusieurs

somptueux et une mosque magnifique; il jeta


fleuve un pont de bateaux, rpara les murailles,

amena au moyen d'aqueducs des eaux abondantes dans la


ville et embellit de deux quais les bords du Guadalquivir.
Yakoub fonda son tour, en mmoire de la journe d'Alarcos, une grande mosque dont la tour est encore aujourd'hui connue sous le nom de Giralda; l'architecte Al-Geber
lui avait donn cent soixante-douze pieds d'lvation
elle
;

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LES ALMORAVIDES ET LES ALMOHADES.


tait

couronne par un globe de

dinars d'or, reposant sur

un

297

fer dor, valu cent mille

pivot qui pesait lui seul dix

globe fut enlev, la tour rehausse


et surmonte d'une statue colossale reprsentant la Foi. La fondation de la Giralda ne fit pas
oublier Yakoub les tablissements d'utilit publique il
cra dans toutes les parties de son empire des hpitaux pour
les malades, des hospices pour les indigents et les invalides.
Il fit creuser des puits dans les campagnes, lever des htelleries sur les routes. On raconte qu'il augmenta les appointements des cadis et des alfaquis, pour prmunir les
uns contre les sductions des riches, et permettre aux auquintaux. Plus tard

le

de quatre-vingt-six pieds

tres

de se livrer exclusivement l'tude de

la lgislation

musulmane.
Nouvelle lutte; bataille de Tolosa; chute de la domination
de Almohude.

Les Arabes d'Espagne devaient au triomphe des Almohades une tranquillit qu'ils n'avaient pas su conqurir
eux-mmes; mais ils n'acceptaient ce joug tranger qu'en
affectant de se sacrifier aux intrts de l'islamisme. Il fallait
donc que les princes Almohades satisfissent leur vanit en
abaissant les rois chrtiens.

Yakoub

avait russi.

Son

Mu-

fils

hamad-el-Nasir, qui monta sur le trne en 1 199, ne ngligea


rien pour s'assurer de nouveaux succs; ses longs prparatifs, qui ne furent interrompus que par une expdition contre les Balares en 1205, furent achevs cinq ans aprs
(1210). Alors seulement il quitta Maroc, son sjour ordinaire,
et descendit en Espagne avec une arme que des tmoignages exagrs ont porte six cent mille hommes elle
se composait de cinq divisions; dans Tune se trouvaient les
Berbres, dans l'autre les soldats du Magreb, dans la troisime les volontaires de tous les pays. La quatrime tait
;

exclusivement forme par les Almohades, et la cinquime


par les Arabes d'Espagne. On conoit quel effet dut produire dans toute la chrtient l'annonce d'une semblable
expdition; les esprits se souvenaient encore du dsastre
d'Alarcos et des ravages qui en avaient t la suite. Tous

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29s
les

L1V. V,

CHAPITRE

II.

princes espagnols galement menacs, s'engagrent se

secourir mutuellement et implorrent les secours de l'Eu-

rope orientale. Le pape Innocent III publia une croisade


l'archevque de Tolde, Rodrigue, qui avait t la solliciter,
prcha sur sa route, en Italie et en France, la guerre contre les musulmans, et ramena avec lui un grand nombre de
;

combattants.

Soixante mille chrtiens passrent les Py-

rnes.

On devait s'attendre un choc sanglant entre les deux


armes ennemies, toutes deux composes d'lments divers,
de peuples confdrs; il eut lieu au pied de la Sierra Morena dans les plaines (las Navas) de Tolosa. L'avantage du
terrain semblait appartenir
flancs

de

la

Muhamad, qui

montagne au moment o

occupait les

les chrtiens s'avan-

aient contre lui et s'engageaient dans d'troits dfils;

mais guids par un berger au travers de sentiers inconnus sur des hauteurs presque inaccessibles, ils purent compenser par l'excellence de la position l'infriorit de leur
nombre. Les musulmans ne se dcouragrent point; Muha,

mad, aprs avoir dispos

planter son pavild'une forte chane


de fer, et il en confia la garde l'lite de ses soldats luimme, sous ce pavillon, s' offrit aux regards de toute son
arme, tenant d'une main le glaive des combats, et de l'autre le Coran, le livre des rcompenses ternelles. Sa vue excita dans tous les rangs le plus vif enthousiasme. Nanmoins
l'ardeur des chrtiens, leur discipline, l'habile direction de
leurs chefs l'emportrent. Renversant tous les obstacles,
Sanche de Navarre rompit la chane de fer qui dfendait le
pavillon de Muhamad; il mit sa garde en droute et le fora
lui-mme de chercher son salut dans la fuite (1212).
ses troupes,

lon rouge en leur prsence.

fit

On l'entoura

Le dsastre de Las Navas, que les musulmans appellent la


journe d'lacab, leur porta un coup dont ils ne se relevrent pas. Selon quelques crivains, plus de deux cent mille
hommes prirent en combattant; mais c'est plutt par les
immenses rsultats de la bataille qu'il faut en apprcier
l'importance. Elle amena l'entire dissolution de l'empire
des Almohades, et donna aux chrtiens un ascendant mar-

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LES ALMOR AVIDES ET LES ALMOHADES.

299

qu; les musulmans ne furent plus agresseurs et restrent


dsormais sur la dfensive. Muhamad de retour Maroc
de sa funeste expdition, abdiqua la couronne en faveur
de son fils bou-Yakoub cet acte politique n'exera aucune influence sur la situation de l'empire, par suite de
l'incapacit du nouveau chef. Les walis, que le pre avait institus dans les divers gouvernements d'Espagne et d'Afrique, mconnurent les ordres du pouvoir central, et, en 1223,
la mort d'Abou-Yakoub, les dissensions intrieures prcipitrent la ruine des Almohades.
Les chrtiens, diviss eux-mmes, n'avaient pas su profiter de la dfaite de Tolosa; tous leurs succs s'taient borns la prise de cette ville, de Bliche, de Baeza, d'Ubeda
(1213), d'Alcantara (1216), et de quelques places dans l'Ai
;

garve. En 1223, toutes les querelles cessrent; deux princes, dous des plus belles qualits, Jacques 1 er et Ferdi-

nand

111

montrent sur les trnes d'Aragon


une nouvelle croisade contre

et entreprirent

et

de

Castille,

les Etats

mu-

sulmans, livrs la plus affreuse anarchie. Les walis de


Valence, de Tolde, de Svilleet de Murcie, s'taient dclars indpendants et combattaient les uns contre le6 autres,
tandis que les descendants d'Abdelmoumen venaient se disputer dans les champs de l'Andalousie un pouvoir qui s'croulait de toutes parts.
Les deux conseils institus par le mahadi aspiraient disposer de toute l'autorit menacs par Almamoun, qu'un
parti puissant avait proclam en 1227, ils lui suscitrent un
rival redoutable, Yahia-ben-Anasir, qui succomba dans les
;

plaines de Sidonia, et payrent

Tous

les

chrement leur opposition.

scheiksqui s'taient dclars contre

rent mis mort

et leurs ttes

Almamoun

fu-

suspendues aux remparts de

Maroc. Les habitants se plaignirent des manations, pestilentielles qu'elles rpandaient. L'odeur de ces ttes, dit
Almamoun, doit tre agrable ceux qui me sont fidles
elle ne peut incommoder que mes ennemis.
Il ne se contenta point des supplices qu'il avait ordonns, il rforma
l'uvre politique du mahadi, dont le nom ne fut plus prononc dans les prires publiques les deux conseils furent
;

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300

LIV.

V,

CHAPITRE

II.

supprims, et les scheiks survivants devinrent de simples


assesseurs des cadis pour les affaires particulires.
Les cruauts d'Almamoun avaient dtruit au Magreb tout
esprit de rbellion (1228); il n'en fut pas de mme en Andalousie; un descendant des anciens rois de Saragosse,
Muhamad-ben-Hud, excitant propos la haine des Maures
espagnols contre les Africains, runit autour de lui une arme nombreuse avec laquelle il battit compltement prs de
Tarifa les troupes d'Almamoun, qui fut oblig de se retirer
dfinitivement dans le Maroc (1229). Aussitt les villes de
Murcie, Dnia, Xativa, reconnurent l'aulorit de Muhamed (1230-1232). Grenade, Cordoue, Sville et Merida furent rduites capituler.

Dj Valence tait passe entre les mains d'un mir puisGiomail-ben-Zeyaz; Yacz et les places voisines taient
soumises un autre mir, Muhamad-ben-Alhamar; TA1garve avait recouvr son indpendance. H ne restait plus en
Espagne aux Almohades, la fin de 1232, que les les Balares; elles leur furent enleves par les chrtiens, qui depuis cinq ans n'taient pas demeurs inactifs le roi de Portugal, en 1227, avait pris la ville d'Elvas, voisine de laGuadiana; le roi de Lon, aprs avoir ruin Badajoz, s'tait
avanc jusqu'au Guadalquivir; enfin Ferdinand 111 avait pntr au cur de l'Andalousie et conquis non loin de Grenade Loja et Aihambra les habitants de cette dernire place,
forcs de fuir devant son arme victorieuse, trouvrent un
refuge Grenade, o ils peuplrent un quartier, qui prit le
nom de leur ancienne cit. De son ct Jacques I er fatigu
des dprdations qu'exeraient les Almohades sur le littoral de Catalogne, les combattit avec succs, envahit les
sant,

emporta Majorque d'assaut; Minorque et Ivia se


soumirent au vainqueur, qui se contenta d'un simple hommage.
Ainsi, en 1232, la domination des Almohades tait entirement dtruite en Espagne; en Afrique elle se maintint
quelque temps encore, mais dj les walis de Tunis et de
Tlemcen, dont le gouvernement tait hrditaire, se regardaient comme princes indpendants, et Ton pouvait prvoir
Balares,

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LES ALMORA VIDES ET LES ALMOHADES.

301

que ces deux tats se partageraient la plus grande partie de


o les lmohades seraient eux-mmes dans
le Magreb aux prises avec de nouveaux comptiteurs.
l'Afrique le jour

CHAPITRE

III.

DECADENCE DE LA RACE ARABE EN OCCIDENT; TABLISSEMENT DES TURCS A ALGER ET A TUNIS;


LA DYNASTIE DES CHRIFS DANS LE MAROC.
1232-1609 (re chrtienne). 629-1018 (hgire).

LE MAGREB SE SOULVE CONTRE LES ALMOHADES; LES ABOU-HAFS A TUNIS ;


LES ARALES BENI-ZIAN A TLEMCEM ; LES MR1N1DES DANS LE MAROC.
BES D'AFRIQUE MENACS PAR LES ROIS DE FRANCE, D'ES PAGNE ET DE
PORTUGAL, S'ADRESSENT AUX TURCS OTTOMANS TATS BARBARESQUES.
LE MAROC CONSERVE
DERNIRES ENTREPRISES DES PRINCES CHRTIENS.
SON INDPENDANCE; LES CHRIFS.

I*e

magreb me soulve contre le Almohade*; les Abou-Hafa


les Renl-Zian a Tlemcen-, les Mrlnlde dans le

a TunI*;
Jfaroc.

Aprs

la dissolution

de l'empire des Almohades, l'Afrique

et l'Espagne, sans dchirer les liens qui

unissaient

leurs

populations, cessrent pour toujours d'obir au mme gouvernement. Cette sparation n'aurait pas eu de consquence
funeste pour l'islamisme

si

les tribus

du Magreb

avaient

pninsule titre d'allies mais


comme le prix qu'elles mettaient leur assistance tait une
domination oppressive, elles ne pouvaient tre accueillies
qu'avec dfiance par les Arabes d'Espagne. Elles passrent, il est vrai, le dtroit plusieurs reprises depuis 1232;
mais ces expditions ne servirent qu' assurer le triomphe

consenti intervenir dans

la

des chrtiens, qui se serraient de plus eu plus

les

uns contre

les autres.

La dfaite de Tolosa, en dmontrant l'incapacit de Muhamad-el-Nasir, avait dtermin l'insurrection de l'Andalousie. En Afrique la puissance fonde par Abdelmoumen
,

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302

LIV. V,

dclina aussi rapidement;

CHAPITRE
il

III.

aurait fallu

que

les princes

almohades montrassent plus de dcision et d'adresse. Almamoun, en dtruisant la constitution du Mahadi, porta
l'autorit le coup le plus funeste ses successeurs, dpouills de tout prestige, ne purent empcher que de nouvelles
familles ne leur disputassent avec avantage la suprme
puissance, et ne trouvrent plus dans les tribus le respect
et le dvouement qu'ils devaient en attendre.
Ds l'anne 1242, le wali de Tunis refusa de renouveler
l'hommage auquel il s'tait engag titre de vassal il se fit
reconnatre dans sa capitale comme souverain indpendant,
et assura dans le pays sur des bases solides l'avenir de sa
dynastie, celle des Abou-Hafs, destine plusieurs sicles
d'existence K
Plus l'ouest, les Beni-Zian tablirent, en 1248, leur suprmatie Tlemcen, Alger, et jusqu'aux environs de Fez *.
Enfin dans leMagreb la tribu des Beni-Mrin leva l'tendard de la rvolte et menaa Fez, Taza, Maroc. Les Almohades rsistrent vingt ans cet ennemi intrieur (12501270); tout le courage qu'ils dployrent fut inutile par
suite de leurs divisions intestines, et, en 1270, le Mrinide
Abou-Yousef recevait l'hommage des Arabes Maures ou
Berbres de l'Afrique occidentale 3
Il serait impossible aujourd'hui de dterminer avec exactitude les frontires respectives des Abou-Hafs des BeniZian et des Beni-Mrin on peut affirmer que, dans l'origine,
les premiers s'tendaient jusqu' Bougie inclusivement; que
les seconds dominaient la fois sur Tlemcen et Alger; et
que les autres possdaient tout le pays de Tlemcen l'Atlantique. Ces frontires d'ailleurs subirent de frquents
changements en raison des guerres que ces trois tats se
faisaient sans cesse, et du dplacement de telle ou telle tribu
qui, en migrant sur d'autres territoires, modifiait compl;

1. Les Abou-Hafs ou Beni-Haps; Casiri, t.U, p. 225, donne la srie chronologique


de ces princes voy. aussi Lon Africain, Hv. V. etAIrnakkari, t. il, apmndix, p. 78.
2. Les Beni-Zian, rois de Tlemcen ; Casiri, l II, p. 228; Carette, Etudes sur la
;

kabyie, l. IL
3. Voy. la srie dos mis mrinides dans Casiri,
Dombay, ton. laid.

t. Il, p.

233, d'aprs Ebn-Kbatib.

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DCADENCE DE LA RACE ARABE EN OCCIDENT.

303

tement leur situation respective. Si une srie chronologique


de princes pouvait suppler l'histoire d'un peuple, nous
donnerions ici le nom de ceux qui se sont succd Tunis,
Tlemcen et Maroc, du xiii* sicle au xvr9 sicle, la couronne
s'tant conserve dans les mmes familles pendant cette
longue priode; mais ces noms et ces dates nous apprendraient peu de chose d'une poque pour laquelle les documents font dfaut, et qu'aucun caractre intressant ne
recommande notre attention ce qui importe surtout, c'est
de montrer quelles vicissitudes la race arabe a d traverser
jusqu' nos jours. Or, il n'est rien qui prte moins aux rcits historiques que la vie des peuples nomades. Toutefois,
les villes que les Arabes avaient leves un si haut degr
de prosprit conservrent leur importance et leur clat
Tunis, Bougie, Alger, Tlemcen, Fez et Maroc, sous les Abou;

Hafs, les Beni-Zian et les Beni-Mrin,


rites et les

Ommades,

comme

sous

citrent avec orgueil les

les

leurs savants et de leurs artistes. Si l'ancienne puissance

ritime des Aglabites ne put se relever,

du moins

Ze-

noms de
il

ma-

s'orga-

nisa des armes de pirates qui causrent aux chrtiens de


grands dommages des vaisseaux sortant des ports de l'Atlantique commencrent descendre le long des ctes de
l'Afrique, s'approcher des tropiques
et firent ds lors
un grand trafic d'esclaves ngres, d'or, de gomme et d'am;

bre.

Les Arabes se trouvent naturellement mls toutes les


de l'Afrique, du
e
xiii" au xvi sicle
et qui n'amenrent aucun rsultat srieux. Deux fois, en 1347 et 1359, les chefs Mrinides
parvinrent soumettre Tlemcen et Tunis; mais les princes
dpossds ne tardrent pas recouvrer leur trne et
maintenir leur domination sur les peuplades qu'ils avaient
habitues l'obissance.
La dynastie des Abou-Hafs fut des trois dynasties africaines celle qui prouva le moins de troubles et de dsordres.
Dans le Magreb, on vit souvent deux rivaux d'gale force
se disputer la suprmatie dans les deux capitales de Fez et
de Maroc. Les Beni-Zian, tablis Tlemcen, eurent comluttes qui clatrent entre les souverains
,

<

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304

LIV. V,

CHAPITRE

III.

battre des comptiteurs redoutables, matres de la ville


d'Alger et de ses dpendances. Tunis seule garda une supriorit inconteste sur les villes voisines; ses rois furent

mme

assez puissants

mamelouks de

pour enlever Tripoli aux belliqueux

1'gypte, successeurs des sultans ayoubites.

Les Arabes d'Afrique menaces par les rois de France, iT Espagne et de Portugal, s'adressent aux Turcs Ottomans;
Ktats barbaresques.
Les Arabes semblent avoir achev leur mission ils ne
songent plus faire triompher la cause de l'islamisme; s'ils
tendent la main leurs frres d'Espagne, c'est plutt pour
recueillir leurs tribus disperses que pour chercher relever leur courage et les entraner de nouveaux combats
ils reprennent peu peu l'existence uniforme du dsert et
recherchent l'obscurit. Dj, en 1270, l'poque de la
dernire croisade de saint Louis, ils ne montrent point le
courage qu'ils avaient dploy en d'autres circonstances au
lieu de profiter habilement des maladies et des souffrances
que les Francs supportent sous les murailles de Tunis pour
les exterminer, au lieu d'attaquer l'arme des Francs que la
mort du roi chrtien avait dmoralise ils signent avec
Charles d'Anjou, roi des Deux-Siciles, une convention dsavantageuse par laquelle ils s'engagent , sans rciprocit,
recevoir les marchandises italiennes et franaises exemptes
de droits , et permettent la libre pratique du catholicisme
dans leur propre pays.
Plus tard, les Espagnols et les Portugais conquirent par
la force des armes les villes qui dominent le dtroit de Gibraltar du ct de l'Afrique, et dirigrent vers ce continent
autant de troupes que les Africains avaient pu jadis en envoyer en Espagne quand ils taient matres d'Algziras et de
Tarifa. Les Portugais avaient les premiers tent l'entreprise.
Une fois en possession de l'Alentejo et de l'AIgarve, resserrs par la Castille, ils songrent de bonne heure reporter
sur d'autres contres cet esprit aventureux qui leur fit
demander l'immensit des mers les richesses et la puissance que la terre leur refusait. Ds le commencement du
;

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DCADENCE DE LA RACE ARABE EN OCCIDENT.

XV

30r.

ils s'emparrent de Ceuta; ils eurent, il est


de la peine conserver cette ville sous le rgne
d'douard deuxime prince de la maison de Bragance
mais enfin ils y parvinrent en laissant dans les fers un infant qu'ils avaient livr comme otage. Plus tard, Alphonse V
(1438-1481), plus heureux, s'empara des deux importantes
villes de Tanger et d'rzille. Cependant les Portugais ne songrent point tendre de ce ct leurs conqutes; tout entiers aux intrts du commerce et de la navigation, ils commencrent cette longue suite de dcouvertes maritimes qui
devaient les lever si haut dj Madre
les Acores et les
les du cap Vert avaient vu leurs vaisseaux; dj ils approchaient du cap de Bonne-Esprance.
On n'a pas assez fait remarquer combien l'occupation de
Tanger, Ceuta et Arzille par les Portugais fut fatale la
cause des Arabes d'Espagne. Jusqu'alors sans se regarder
comme partie intresse dans leur lutte contre les Espagnols, les musulmans du Magreb pouvaient dans une circonstance donne, venir au secours de leurs frres, et l'effet
moral d'une semblable ventualit tait seul un lment de

vrai

sicle(t4l5),
,

force; lorsque les Portugais


qu'ils

interceptrent

continents

les

les princes

commandrent

le dtroit, et

communications entre

les

deux

chrtiens frapprent les derniers

coups.

A la bataille de Rio

Salado (1340), un

roi

mrinide avait es-

say pour la dernire fois de soutenir la cause chancelante de


l'islamisme et les souverains catholiques n'avaient pas encore

song prendre

l'offensive l'gard des Africains ds qu'ils


furent matres des grands ports de la pninsule sur la Mdi;

terrane, ils commencrent tendre leur marine, tinrent


en respect les flottes musulmanes , et, aprs la chute du
royaume de Grenade, pntrrent eux-mmes en Afrique.
En 1504, Digo de Cordoue, parti du port de Malaga, s'empara de plusieurs places entre Ceuta et Oran de Penon, de
Vlez, de Mers-el-Kbir, etc. Plus tard (1509), le cardinal
Ximens, ministre de Ferdinand d'Aragon, organisa ses
propres frais et dirigea une expdition plus importante.
Au lieu de s'attaquer aux souverains de Maroc, les Oatazes,
,

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306

LIV. V,

CHAPITRE

III.

branche cadette desMrinides, il s'avana vers les tats des


Beni-Zian forms des deux royaumes de Tlemcen et d'Alger, s'empara de la ville d'Oran et y mit une forte garnison. Enfin, en 1510, Pierre de Navarre fut envoy des Balares Bougie, et imposa un tribut au souverain de Tunis.
Il fallait tout prix arrter ces progrs
le roi d'Alger,
Eutemi, ne trouvant dans les Arabes et les Maures qu'indiffrence et mollesse, implora l'assistance d'un pirate clbre,
Horoudj de Mitylne qui tait la tte d'une flotte considrable. Horoudj accueillit ses ouvertures avec empressement, runit une troupe de cinq mille hommes et se rendit Alger (1516). Une fois dans la ville
il ne songea plus
qu' s'y tablir en matre; il fit assassiner Eutemi et s'empara du gouvernement. Profitant aussitt de la terreur qu'il
inspirait, il attaqua le royaume de Tlemcen, dont il expulsa
les Beni-Zian, et repoussa les Espagnols. Mais en 1518 ces
derniers ayant reu des secours, lui livrrent une bataille
qui lui cota la vie et s'emparrent de Tlemcen.
La confiance et le courage des pirates ne furent pas
branls par cet chec. Le frre d'Horoudj, Khaireddin,
plus connu sous le nom de Barberousse, fut reconnu par les
habitants d'Alger; il tablit solidement sa domination dans
le pays, et resserra les Espagnols dans Oran, leur premire
conqute. Redoutant les forces suprieures des chrtiens
et la mobilit des Arabes, il rsolut de mettre ses tats sous
la protection du Grand-Seigneur, et d'introduire en Afrique la milice turque de Constantinople* Sur sa demande,
le sultan lui envoya les troupes dont il avait besoin. L'tat
d'Alger prit le nom de rgence, et Barberousse y exera
l'autorit suprme au nom du monarque ottoman.
Nous avons vu qu'en Asie les Turcs s'taient substitus
aux Arabes comme dfenseurs de la religion musulmane
le mme fait va se produire en Afrique. C'tait d'ailleurs la
grande poque des sultans de Constantinople Soliman
matre de l'Egypte, de l'Asie Mineure, de la Grce et de la
Bulgarie, menaait la Perse en mme temps que la Hongrie.
Seul il tait capable de protger l'Afrique contre la terrible
puissance que Charles-Quint tait occup fonder. Loin
,

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DCADENCE DE LA RACE ARABE EN OCCIDENT.

307

donc de nuire l'islamisme, l'arrive de ces nouveaux


auxiliaires dans le Magreb devait lui tre favorable toutefois
la race arabe se trouva compltement annihile du jour o
elle fut soumise aux Turcs les nobles sentiments, les lans
gnreux qui existaient en elle s'effacrent pour faire place
un tat de servilit et de dgradation sans issue courbe
;

sous le joug d'une milice insolente qui se faisait obir le


sabre la main, elle perdit cette fiert naturelle qui l'avait
toujours distingue et tomba peu peu dans cet abrutissement o nous l'avons trouve dans ces derniers temps, et
,

qui nous la fait juger bien tort


ide de civilisation.

comme antipathique

toute

Les Turcs ne possdrent pas seulement la rgence d'Alger Tunis et Tripoli reconnurent leur souverainet, et ce
fut encore Barberousse qui les y introduisit. Appel par
Soliman commander, comme capitan-pacha la flotte ottomane, le frre d'Horoudj crut devoir rpondre cette distinction par d'clatants services. Il avait accueilli Alger un
prince de la famille des Abou-Hafs , qui avait t renvers
du trne; il se prsenta devant Tunis , sous prtexte de rtablir le roi lgitime, mais en ralit pour y fonder la domination ottomane. Soliman, instruit de ses desseins, ne
craignit point de se rendre complice d'une ruse indigne en
donnant publiquement l'investiture au protg de Barberousse, qu'on fit secrtement disparatre, et, ds que Barberousse se fut empar du fort de la Goulette et de la ville
elle-mme, il parla en matre; les habitants se soulevrent,
furent vaincus et se soumirent aux Ottomans 1
;

Dernire* entreprise* des prince* chrtien*.

Cependant

les

chrtiens voyaient avec inquitude les ca-

pitales des tats barbaresques (c'est ainsi qu'ils

l'Afrique septentrionale) passer entre les

sance dj formidable. Les pirates de

la

nommaient

mains d'une puisMditerrane, srs

l. Hist. de Barbarie et de ses corsaires, etc., par S. Dan, Paria, 1649.


Hist.
des Etats barbaresques, etc., trad. de l'aniil. (par Boyer de Pbrandier). Pari.
History and prsent condition of the Barbary states, ele., by Russell,
1757.
Edinburgh, 1835.
Voy. aussi le Catalogue de la bibliothque de S. de Sacy, t. III,
p. 381-392.

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LIV. V,

CHAPITRE

III.

de trouver en Barbarie des dbouchs pour les marchandises et les esclaves dont ils s'emparaient, ne pouvaient manquer de donner plus d'extension leurs courses maritimes,
et de faire de nouveau trembler les ctes d'Espagne et
d'Italie. Aussi Charles-Quint, roi d'Espagne et des DeuxSiciles, et empereur d'Allemagne, rsolut d'arrter les progrs des Ottomans. Prenant parti pour les Abou-Hafs il
fit en 1535 les prparatifs d'une expdition contre Tunis.
Des troupes appeles des Pays-Bas de Naples et de Sicile
arrivrent en toute hte Cagliari o tait indiqu le rendez-vous gnral il se mit lui-mme leur tte, et, aprs
une courte navigation , dbarqua non loin des ruines de
Carthage. Barberousse avait approvisionn le fort de la Goulette mais il n'avait pu attirer sa cause les tribus arabes,
indiffrentes au rsultat de la lutte engage. La Goulette,
bravement dfendue par le rengat juif Sinn, fut emporte
par les Allemands les Espagnols et les Italiens, anims de
la plus vive ardeur. Tunis elle-mme, aprs une droute
que Barberousse essuya sous ses murs, fut force par dix
,

mille esclaves chrtiens qui avaient

rompu

leurs chanes,

d'ouvrir ses portes au vainqueur. Elle ne put viter le pillage

et toutes ses richesses devinrent la proie des soldats

de Charles-Quint. Le prince de la famille des Abou-Hafs


dont Charles avait embrass les intrts fut rtabli sur le
trne aux conditions suivantes 1 0 qu'il tiendrait le royaume
de Tunis en fief de la couronne d'Espagne 2 que les esclaves chrtiens seraient remis en libert sans ranon
3 que les sujets de l'empereur auraient dans son royaume
la libert de faire le commerce et de pratiquer la religion
chrtienne 4 qu'il y aurait dans le fort de la Goulette une
garnison espagnole, pour l'entretien de laquelle il payerait
douze mille cus 5 que tous les ports du royaume de Tunis seraient remis entre les mains de l'empereur (1535).
Charles-Quint donna en mme temps Tripoli aux chevaliers
de Saint-Jean de Jrusalem, que les Ottomans venaient de
chasser de Rhodes, et remit aussitt la voile. Cette brillante
expdition ne devait pas nanmoins arrter la piraterie
africaine; il restait encore la rgence d'Alger. Le succs,

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DCADENCE DE LA H ACE ARABE EN OCCIDENT.


seurde Barberousse, Hassan-Aga,

lui

309

imprimant un nouvel

commerce de

la Mditeren Espagne, on fut oblig pour


repousser les incursiens des Barbaresques d'tablir des
corps de garde sur les ctes, de distance en distance. On
prtendait que les corsaires taient soutenus en secret par
les Arabes qui rsidaient encore sur le continent
parce
que leurs villages taient pargns. Charles-Quint arma
une nouvelle flotte et entreprit de rduire Alger (1541). Les
lments combattirent contre lui contrarie dans son dbarquement par une tempte effroyable assaillie propos
par les tribus arabes dont on avait rveill le fanatisme religieux et par les Turcs d'Alger, l'arme impriale essuya
le dsastre le plus complet. Pour comble de malheur, les
vaisseaux de qui dpendait la subsistance des troupes ne
purent tenir la mer la plupart se brisrent les uns contre
ou contre les rochers une partie seulement
les autres
trouva un abri sous le cap Metafut (aujourd'hui Matifou),
situ quatre journes de marche et les chrtiens ne l'at-

essor, intercepta bientt tout le

rane.

En

Italie,

en

Sicile,

teignirent qu'aprs la retraite la plus dsastreuse.

Cette malheureuse entreprise rendit aux Turcs leur prpondrance. Quand les vnements le permirent, ils envoyrent une flotte contre les chevaliers de Saint-Jean
matres de Tripoli, qui fut reprise en 1551 le gouvernement
en fut confi au clbre Dragut, qui, dix ans plus tard(1560),
remporta, de concert avec Piali-pacha, une nouvelle vic;

toire navale.

Aprs

de Lpante , don Juan d'Autriche se


rendit la Goulette, et marcha sur Tunis, qui ne lui opposa aucune rsistance peine se fut-il loign (1572), que
Sinan-pacha accourut de Tripoli, et rtablit partout l'autola bataille

du sultan. Ds lors les Turcs restrent matres des tats


de Tunis et d'Alger; les expditions diriges contre eux
n'eurent plus d'autre objet que d'obtenir des rparations ou
de punir des actes de piraterie. C'est ainsi que, sous
Louis X1V T les Algriens furent rprims par le duc de
Beaufort en 1G65, par le marquis de Martel en 16/0, bombards par Duqucsnc (1682-1684), par le marchal d'Esrit

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310

LIV.

tres (1688-1689).

sort

Y,

CHAPITRE

III

Sous Louis XV, Tripoli prouva

le

mme

en 1728.
IjC

Maroc conwerve *on Indpendance

Ie chcrlf.

Quant au Maroc,

resta

toujours indpendant de

la

Aux premiers Mrinides

puissance ottomane.
cd, dans

il

le xv* sicle, les

Oatazes 1

avaient succeux-ci furent rempla-

en 1559, par une nouvelle dynastie, celle des chrifs, qui


subsiste encore aujourd'hui. Les personnages habiles qui
crrent la grandeur du Maroc taient considrs comme
les descendants lgitimes de Mahomet, et les frres du prince
rgnant devaient lui succder de prfrence ses propres enfants. Cette loi causa de grands troubles dans l'tat. En 1578,
elle fut le prtexte d'une expdition fameuse dirige contre
le Maroc par le roi de Portugal, don Sbastien. Le chrif Abdallah tant mort, deux comptiteurs s'taient disput sa succession. Son fils, Muley-Mohammed, disposant de richesses
considrables, l'avait d'abord emport; mais, vaincu dans
trois batailles par son frre, Muley-Moiuc, et forc de s'expatrier, il se rendit auprs du roi de Portugal, esprant l'intresser sa cause et remonter sur le trne avec les secours de
l'tranger. Sbastien entran par ses rcits et ses promesses,
s'embarqua avec quelques troupes pour Arzille, o il ne
trouva aucun des nombreux auxiliaires que Mohammed lui
avait annoncs. Comme il avait reu de Philippe 11 le casque
et la cotte d'armes que Charles-Quint avait ports lors de
son entre Tunis, il s'imagina, dans son enthousiasme chevaleresque, qu'il clipserait la gloire de l'empereur, et rsolut d'arborer la croix sur les mosques de Fez et de Maroc.
Il s'engagea inconsidrment a poursuite de quelques
troupes dtaches que Muley-Moluc avait envoyes contre
lui pour l'attirer dans l'intrieur des terres, et plein de confiance, il crut son triomphe certain. Cependant, quand il
fut arriv prs d'Alcazar-Quivir, les Arabes, faisant tout
coup volte-face, lui prsentrent le combat. Sa petite arme
fut entoure par une cavalerie considrable i et il se trouva
cs,

1.

Drapper, Desrription de l'Afrique,

p. 57.

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LES CHRI FS DANS LE MAROC.

311

dure ncessit de vaincre ou de mourir. En ce mole courage et l'hrosme ne l'abandonnrent point; ils ne servirent qu' illustrer sa dfaite et ses
derniers moments. Les deux comptiteurs moururent galement dans cette mme journe, l'un en se noyant dans la
rivire de Mucazen, l'autre des suites d'une fivre violente
qu'il avait surmonte par un suprme effort pour faire les
prparatifs de l'action et laquelle il succomba au milieu
de la lutte. Instruits par cette terrible preuve les Portugais ne renouvelrent pas leurs tentatives contre l'Afrique,
et les cbrifs n'eurent plus rprimer que les dissensions
intrieures qui agitrent souvent leurs tats.
Telle tait, au xvir sicle, la situation des Arabes d'Afrique.
Ils avaient conserv dans le Maroc une sorte de prpondrance. Dans les rgences d'Alger, de Tunis et de Tripoli une poigne de Turcs, matres des villes de la cte,
leur imposaient la plus dure loi. Les tribus, armes les unes
contre les autres par la politique astucieuse de leurs oppresseurs, effrayes par des excutions rapides et sanglantes, payaient l'impt sans oser murmurer et ne songeaient
pas mme secouer le joug qui pesait sur elles; un bien
petit nombre taient encore indpendantes sous l'admidans

la

ment suprme

nistration des cheiks qu'elles s'taient choisis.

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CHAPITRE IV

DCADENCE ET EXPULSION DES ARABES D'ESPAGNE.


PLUSIEURS DES TATS MUSULMANS TOMBENT AU POUVOIR DES PRINCES CHRTIENS.
MOHAMMED-ALHAMAR RSISTE GLORIEUSEMENT ; SPLENDEUR DU
ROYAUME DE GRENADE.
TROUBLES EN CASTILLE ; INVASION DES MRINIDES ; BATAILLE DE RIO SALADO.
DESTRUCTION DU ROYAUME DE GRENADE.
POLITIQUE DES ROIS D'ESPAGNE A L'GARD DES ARABES QUI
SONT EXPULSS DFINITIVEMENT DE LA PNINSULE EN 1G09.

iMusleur des Ktat* musulman g tombent au pouvoir de*


princes chrtien.

Nous reprenons maintenant l'histoire des Arabes d'Espagne qui avaient port l'empire des lmohades le premier et le plus terrible coup. La population, en se soulevant de toutes parts contre les garnisons africaines, avait
secou,

il

un joug dtest; mais ce

est vrai,

ennemi

qu'elle et combattre.

n'tait point

en core repousser les chrtiens, et, pour arriver ce rsultat,


organiser une vigoureuse rsistance par le sacrifice de tous

l le seul

Il

lui fallait

grande cause nationale. Il n'en fut


l'a vu; au lieu d'un gouvernement
central et fortement constitu, il y eut une infinit de petits
tats indpendants parmi lesquels les royaumes de l'Algarve et de Valence, aussi bien que ceux de Ben-Hud et
de Mohammed-lhamar acquirent seuls quelque puissance
et les princes catholiques profitrent de leur morcellement
pour les accabler sparment.
Jacques I er que la conqute des Balares n'avait point satisfait, entreprit de conqurir Valence. Tout entier ce
projet, il refusa, en 1234, de faire valoir contre Thibaut de
Champagne les droits que lui donnait sa naissance la couronne de Navarre, et par sa noble conduite il se fit un alli
fidle d'un prince qui devait lui fournir d'utiles secours.
Le roi de Valence fit les plus grands efforts pour conserver
les places qui dpendaient de son royaume; la dsunion
des musulmans et ie mauvais vouloir des walis, qui, abjurant tout patriotisme, cherchaient, en prsence des chrles intrts privs la

point ainsi,

comme on
,

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DECADENCE ET EXPULSION DES AKABES D'ESPAGNE. 313


rendre indpendants et vendaient pour quelques
pays qu'ils taient chargs de dfendre, livrrent aux
Aragonais, dans l'espace de quelques annes (1232-1238)
les villes situes aux alentours de la capitale. Rduite ses
seules forces, Valence elle-mme fut investie par terre et
par mer. Le roi musulman trop faible pour rsister, implora le secours de Ben-Hud , de Mohammed-Alhamar et
des souverains d'Afrique. Aucun d'eux ne rpondit son
appel ils taient trop occups dans leurs propres tats.
Cependant Jacques pressait le blocus avec vigueur; les habitants capitulrent. Il fut convenu qu'ils jouiraient d'une
sret complte pour leurs biens et leurs personnes ils
taient libres d'abandonner la ville avec leur famille leurs
tiens, se

fiefs le

ceux qui prfraient y demeuprotgs dans leur culte et leurs proprits, taient
assujettis aux mmes impts que les autres sujets du roi d'Aesclaves et leurs richesses

rer,

ragon (1238).
Matre de Valence, Jacques s'occupait de soumettre sa
domination Villena, Dnia, Xativa, pour se porter ensuite
sur le royaume de Murcie; il fut devanc par le roi de
Castille (1241), qui, se plaant entre les Aragonais et les
musulmans, lui enleva dsormais tout espoir d'agrandissement. Le royaume de Murcie n'tait pas aussi puissant que
d'Alicelui de Valence. Divis entre les walis de Murcie
cante, d'Orihuela, de Chinchilla, d'Alhama, il n'opposa
aucune rsistance Ferdinand 111. Ces divers chefs, jaloux
de leur autorit, ennemis les uns des autres, s'empressrent
de se soumettre, ne songeant qu' obtenir les conditions
les plus avantageuses. Le seul wali de Lorca qui commandait Mula et Carthagne, maintint ses prtentions les
armes la main deux ans aprs (1243), les villes qu'il
possdait furent emportes d'assaut, et le royaume de
Murcie fut runi tout entier la couronne de Castille.
Cette couronne avait fait depuis 1232 une acquisition
bien plus importante. De la Guadiana, sur les bords de
laquelle un gnral castillan, Alvar Perez, avait, en 1233,
montr dans un combat acharn une bravoure hroque
elle avait d'abord
et une grandeur d'me admirable
,

18

314

L1V. V,

CHAPITRE

IV.

tendu ses possessions jusqu'au Guadalquivir. Ben-Hud,

que pressaient d'un ct Mohammed-Alhamar, et de l'autre, le roi de l'Algarve, entour d'une troupe nombreuse
d'Almohades, avait assez d'nergie pour lutter contre Ferdinand III; mais il manquait totalement des ressources
ncessaires; il ne put l'empcher de prendre Ubeda, Andujar

ni

mme

esprait-il

de mettre le sige devant Cordoue. Peut-tre


que cette ville avec son immense population, ses

hautes murailles, ses approvisionnements, tiendrait contre


l'ennemi et lui permettrait de harceler longtemps l'arme
castillane. C'tait le moment o Valence tait aussi presse
par les Aragonais (1238). L'attaque simultane de ces deux
villes importantes aurait d exciter le courage et l'ardeur
des musulmans.

11

n'en fut rien.

Ben-Hud fut assassin par le

wali d'Almeria, au milieu de ses prparatifs, et les Cordouans

On leur accorda la vie, et le roi de


de leur ville. C'en tait fait de la mtropole de l'islamisme en Occident, lacit des arts, du luxe,
de la magnificence musulmane. Ferdinand III arborait la
croix sur les minarets de la grande mosque, et renvoyait
Compostelle les cloches de Saint-Jacques conquises par Almanzor. C'tait pour les Arabes le signe avant-coureur de
leur prochain asservissement. Il fallait dire adieu tous les
souvenirs de la gloire passe, tout ce qui rappelait leur
ancienne domination, leurs triomphes, leurs exploits guerriers. Ils voyaient profaner les sanctuaires de leur religion,
furent rduits capituler.
Castille prit possession

et ne songeaient mme pas tenter un suprme effort.


Ferdinand ne marcha plus que de succs en succs il prit
Baeza, Estepa, Ecija et Almodovar, et vint assiger Jaen
(1245). Mohammed-Alhamar s'tait fait reconnatre dans les
tats de Ben-Hud qui avaient chapp aux chrtiens; il
rassembla des troupes, livra bataille aux Castillans, et fut
vaincu devant Alcala. Les musulmans avaient fait preuve
dans l'action du plus grand courage, et Ferdinand 1U se
montra gnreux et habile politique. 11 accepta l'hommage
que Mohammed-Alhamar lui fit spontanment de ses vastes
possessions qui s'tendaient d'Algeziras Almeria, le long
des montagnes, entre Gibraltar et Huesca, et s'engagea
;

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DCADENCE ET EXPULSION DES ARABES D'ESPAGNE. 313


en paix, sous la
une redevance annuelle,

le laisser

stipulation expresse qu'il payerait

un secours de cavaliers
en cas de guerre, et se rendrait en personne aux assembles
ou corts de Castille. Le roi chrtien se rservait d'agir contre
les Arabes de l'Algarve et du Guadalquivir, toujours diviss
en petits tats. Sville, l'ancienne capitale des Almoravides et des Almohades, dont la prise empchait jamais la
runion des musulmans de l'Algarve et ceux de la Sierra
Nevada, fut tout coup investie et elle voyait dans le camp
ennemi Mohammed-Alhamar et ses cinq cents cavaliers. Elle
rsista longtemps, recevant par le Guadalquivir des secours
de toute espce, communiquant librement par un pont de
bateaux jet sur le fleuve avec la petite ville de Triana, que
les musulmans de l'Algarve avaient soin de tenir bien
approvisionne. Sville pouvait braver Ferdinand III. Ce
prince fit quiper dans la Biscaye et dans les ports de la
Galice une petite flotte, qui s'empara de l'embouchure du
Guadalquivir et de lourds vaisseaux lancs voiles dployes, contre le pont de bateaux, le rompirent par le milieu. Les habitants, menacs de la famine, demandrent
capituler. Ils obtinrent des conditions aussi favorables que
les Arabes de Valence, et mme un dlai plus long pour
fournirait

raliser leurs biens (1248).

La prise de

Sville entrana

rapidement

tous les pays situs sur la rive droite

que

dis

les

la

soumission de

du Guadalquivir. Tan-

Portugais, dj matres de l'Alentejo, s'avan-

aient dans l'Algarve et s'emparaient de Loul et d'Ayamonte

(1249), les Castillans, srs de ne pas tre inquits de ce


ct, parcoururent en vainqueurs le littoral

de

la

mer

entre

Guadalquivir et la Guadiana, o les musulmans possdaient encore quelques villes fortes et florissantes 1
le

nohanimed Alhamar rsiste glorieusement $ splendeur


du royaume de Grenade.
Le jour de
l.

Conde,

1618.
1811.
p.

la

ruine complte des Arabes ne semblait pas

Coronica de los Moros de Espana,


par
Bleda, Valence,
A concisecitHistory
the Moors in Spam,
par Th. Bourke, Londres
Htstoire des rois deof Grenade, par Ebn-al-Khatibi dans Casiri,
dj*

etc.,

J.

etc.,

t.

Il,

246 et suiv.

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L1Y. V,

31 (i

CHAPITRE

loign. Elle fut retarde par


le

mrite et

IV.

Mohammed- Alhamar

les vertus rappelaient

aux Arabes

dont

le clbre

Almanzor; il sut crer, avec une persvrance merveilleuse, un tat puissant capable d'opposer aux chrtiens une
barrire formidable. Il dtruisit dans les walis, que lui-

mme

choisissait

d'indpendance
fit

enfin

si

toujours avec discernement, cette soif


funeste aux intrts de l'islamisme; il

comprendre

ses sujets la ncessit de l'union

par la sagesse
de son administration. Grenade, devenue sa capitale, offrit
un nouveau centre aux musulmans disperss, et la prosprit du pays seconda merveilleusement les desseins de ce
prince si remarquable. Les bienfaits de son gouvernement
attirrent dans ses tats ceux qui ne voulaient point subir
la domination des Espagnols. Les migrs de Cordoue de
Sville avaient trouv auprs de lui une hospitalit gnreuse leur nombre s'accrut encore lorsque le roi Jacques
entreprit, en 1249, de chasser des plaines de Valence toute
la population musulmane.
On conoit facilement quelle force immense apportrent
au royaume de Grenade ces milliers d'habitants si actifs et
ils lui rendirent les lments de richesses
si industrieux
que les Arabes avaient rpandus sur la surface entire de
la pninsule; l'islamisme se relevant tout coup brilla d'un
clat inattendu aux yeux de l'Espagne tonne, et se maintint encore au milieu des chrtiens pendant plus de deux
la plus troite et les rallia tous sa politique

sicles (1238-1492).

La galanterie des Grenadins est reste clbre. On donnait,


la capitale, des tournois et des joutes. Il y avait des combats de taureaux, des courses, des jeux de bague. Le peuple
dans

souvent convi par le souverain des ftes solende grands banquets, et ce luxe n'tait point le
rsultat de l'oppression; l'aisance tait rpandue dans toutes
les classes par suite de l'habile direction imprime aux travaux de l'agriculture et de l'industrie. La Veja, cette plaine
admirablement fertile au milieu de laquelle Grenade est situe, produisait alors le triple de ce qu'elle rapporte aujourd'hui, et nourrissait une population considrable. La fabritait

nelles et

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DCADENCE ET EXPULSION DES ARADES D'ESPAGNE. 317


cation des soieries et des autres toffes atteignit le plus
haut degr de perfection. Les rois de Grenade, comme plus

tard Louis

XIV

et Colbert, voulant exciter l'mulation et

d'invention, institurent des prix et


crrent des exemptions de charges. Les beaux-arts furent

encourager

l'esprit

cultivs avec le

mme

succs qu' Cordoue

l'architecture

leva des coupoles et des colonnades d'un got inimitable.

Les

noms de l'Alhambra

l'ide la plus

haute de

et
la

du Gnralif

rveillent l'esprit

richesse et de l'lgance.

COUR DES LIONS A l'ALHAMIHU

Dans

'.

mdecine, la chimie, les mathmatiques furent encourages la poudre canon date


de cette poque. On enseignait, dans des universits qui
furent astreintes un mode unique d'enseignement
la
grammaire, la gographie, la dialectique, auxquelles malheureusement se joignit une thologie fort obscure. Enfin
les sciences, l'astronomie, la

les nouvelles

i.

L'Alhambra

et

les

romances, qui composent

tait la fois

un palais

et

une forteresse des

la partie

rois maures.

Le

Generalif tait un mHgnihque palais de plaisance, construit pri>s de l'Alhambra, sur


le sommet d'une colline et qui servait d< rsident e la roui- pendant Tt.

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LIVRE V, CHAPITRE

318

IV.

la plus intressante de la littrature des Arabes d'Espagne, sont encore recherches et trouvent aujourd'hui,
parmi nous, malgr leur affectation, des admirateurs pas-

sionns.

Les institutions politiques reurent des souverains de


Grenade des amliorations qui ne doivent pas tre passes
sous silence. Us tablirent, dans chaque ville une sorte de
garde nationale. Tous les citoyens reurent des armes; il
est vrai qu'ils ne devaient s'en servir qu'en cas d'attaque de
,

la part

des trangers; mais, en ralil

ils les

tournrent

plusieurs fois contre des princes qui mconnaissaient leurs

devoirs ou ne tenaient aucun compte de l'opinion publique.

Afin que les frontires fussent mieux dfendues

les sol-

dats devenaient propritaires de lots de terre qui suffisaient


leur entretien, celui de leur famille, et ils devaient s'entendre pour les garantir des invasions ennemies.
Les rois de Grenade, comme les souverains de l'Afrique,
s'imposaient le devoir de tenir bas prix les denres les
plus ncessaires aux classes indigentes ils tenaient la main
a ce que le march ft toujours bien approvisionn. Dans
leur capitale, qui avait plus de trois lieues de circuit, ils
tablirent une police excellente; chaque quartier eut son
;

vizir

ou commissaire;

rues

le

de

la

la nuit, des rondes parcouraient les


hioins frquentes. t)es rglements fixrent l'heure

fermeture des lieux publics. Les artisans de chaque

profession formrent des communauts, et toutes les conditions taient galement protges. Plusieurs princes, suivant les prescriptions rigoureuses du Coran interdirent
,

l'usage des liqueurs spiritueuses, mais l'abus seul tait sv-

rement puni;

d'autres, sans maltraiter les juifs, voulurent

qu'ils se distinguassent des

spciale;

ils

musulmans par une marque

surent tous empcher qu'on

l'usure avec autant d'audace

que dans

ne pratiqut

les autres pays. Ils

imaginrent, pour les actes publics, des formulaires clairs


de prvenir toute contestation, et firent composer, par les savants, des traits spciaux sur toutes les
professions mcaniques et industrielles. Les imans, les alfaquis, jusque-l un peu trop libres dans la sphre de leur

et prcis, afin

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DCADENCE ET EXPULSION DES ARABES D'ESPAGNE. 319


juridiction

furent forcs de se soumettre des rglements

rdigs avec la plus grande sagesse. Des dispositions d'une


rare prudence furent appliques l'exercice du culte et

Tintroduction des fidles dans les mosques


elles rvlaient un profond sentiment religieux joint des ides
d'une raison leve et d'une haute moralit les femmes
;

hommes, et
du Ramadhan, au lieu

taient spares des

Les ftes
lies

se retiraient les premires.

d'tre consacres des focarnavalesques, taient l'occasion de bonnes uvres et

de pratiques srieuses. Des aumnes taient distribues aux


pauvres et aux orphelins, ou rserves la construction
d'difices publics. Les processions
qu'il tait d'usage de
faire dans les temps de scheresse
pour implorer la pluie
du ciel, furent prohibes, ainsi que les runions nocturnes.
On supprima les pleureuses de profession dans les enterrements; il n'tait permis que de prononcer des prires sur
la tombe des morts, qui y taient descendus dpouills des
amulettes ou des guirlandes dont jusque-l on avait coutume de les couvrir.
,

Dans les lois pnales, la rclusion fut substitue aux


peines du fouet, du bannissement ou de l'exposition; la lapidation fut abolie; les condamns mort durent tre en-

comme

musulmans.
royaume de Grenade mrite une
place honorable dans l'histoire; malheureusement, la loi de

sevelis

On

les autres

voit quel titre le

succession n'tait pas tablie sur des bases solides, et ct

de princes dignes de l'admiration de la postrit, il y eut des


despotes cruels et incapables qui prcipitrent la ruine des
musulmans. Nous allons indiquer rapidement la suite de
ces souverains. Mohammed I er Alhamar (1238-1273) et

Mohammed H

(1273-1302), surent rprimer dans leurs


Mohammed
fut moins
heureux; aprs sept ans de rgne (1302-1309), un de ses
frres, Nasar Aboul Giuz, parvint soulever contre lui la
population de Grenade et se faire proclamer sa place;
quatre ans ne s'taient pas couls (1309-1313) qu'il tait
forc lui-mme de cder la couronne son neveu Ismal
ben Farag, qui descendait, par sa mre, de Mohammedtats toute tentative de dsordre;

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320

L1V. V,

CHAPITRE

IV

Alhamar. Cet Ismal rgna douze ans (1313-1325), et fut successivement remplac par ses deux fils, Mohammed IV (13251333), et Yousef I" (1333- 1354). Ce dernier fut l'auteur principal des diverses rformes que nous avons signales, et, sans
contredit, le plus remarquable des princes grenadins, malgr
la grande dfaite du Rio Salado, que les chrtiens lui firent
prouver. A la mort d'Yousef, Mohammed V Guadix, son
fils, proclam roi, fut exclu du trne par son frre Ismal
et un de ses parents loigns Abou-Said. Il y remonta en
1363 et s'y maintint jusqu'en 1390. Le trne fut ensuite
occup par Yousef II (1390-1 396) et Mohammed VI, qui condamna son frre an, Yousef, une prison perptuelle, et,
se sentant prs de mourir , donna l'ordre de le tuer immdiatement; le prince ainsi condamn jouait aux checs
quand l'excuteur se prsenta devant lui; il demanda et
obtint de terminer sa partie avant qu'elle ft acheve , des
seigneurs de la cour vinrent lui annoncer la mort de Mohammed VI et son propre avnement. Yousef III (1409)
conserva la couronne jusqu'en 1423. Alors commencrent
ces dissensions civiles qui devaient, la fin du sicle, entraner la chute dfinitive de Grenade et auxquelles se trouvent mles les puissantes familles des Zegris, des Abencerrages, des Vanegas
etc.
Un prince, Mohammed VII, surnomm El-Mayzain ou le
Gaucher, aprs cinq ans de rgne (1423-1428), se rendit
odieux ses sujets. On proclama sa place un de ses parents,
Mohammed-el-Zaghir ou le Petit, que les Grenadins dposrent un an aprs pour revenir leur ancien matre. Plus
,

tard

(1432), une faction vendue

Yousef IV Alhamar; mais

proclama
recouvra l'autorit

la Castille

Mohammed

la mme anne. En 1445, deux nouveaux compMohammed IX Osmin et Ismal 111, s'unirent pour

suprme
titeurs,

renverser ce malheureux prince et se disputrent ensuite


Mohammed triompha de ses rivaux en 1454 et fut
plus tard vaincu par Ismal, qui laissa le pouvoir, sa

le trne.

mort, son
I.

de

fils,

Muley-Hacen (1465).

Hintoria de los Vanrios, de los Zegris y A bencerrages, etc., de Ginez Perez


! 631, et la trad. de cet ouvrage par San, Paris,
80.

Hila, Madrid,

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DCADENCE ET EXPULSION DES ARABES D'ESPAGNE. 3*1

Un

funeste exemple avait t

donn un

sicle auparavant.

Abou-Said et Mohammed V Guadix n'avaient pas craint de


rclamer l'assistance de Pierre le Cruel, roi de Castille. Ce
prince assassina, dans le champ de la Tablada, Abou-Said
rfugi sa cour, pour s'emparer de ses richesses et soutint ensuite Mohammed-Guadix ; plus tard, en 1432, Yousef IV Alhamar se joignit aux Castillans qui envahissaient
le territoire de Grenade, et reut, des mains des chrtiens, une couronne avilie.
,

Trouble* en Castille; Invasion le* Iflrlnlde*; bataille


Rio Balado.

le

Nous reprenons maintenant notre rcit depuis la conqute de Murcie et de Sville par Ferdinand 111 , les Castillans taient devenus les seuls ennemis que les rois de
Grenade eussent redouter; aussi cherchaient-ils conserver la paix avec leurs voisins en rpandant leurs libralits
parmi les ministres et les principaux courtisans ou bien en
se conciliant les esprits par des procds chevaleresques.
Les seigneurs de la Castille taient parfaitement accueillis
la cour de Grenade; s'ils avaient des diffrends, le prince
intervenait comme arbitrent s'il ne pouvait mettre les parties d'accord, il fournissait aux deux champions les moyens
de faire briller leur valeur dans un combat singulier.
Mais l'opposition de race et de religion devait rendre tout
rapprochement inutile. Les deux peuples restaient toujours
ennemis, et si, pendant les deux sicles d'existence du
royaume de Grenade les Castillans ne cherchrent pas
accomplir les projets de Ferdinand 111 c'est qu'ils furent
eux-mmes en proie des discordes perptuelles. Le fils de
Ferdinand 111, Alphonse X, qui, plus que personne, contribua rpandre en Europe les travaux scientifiques des
Arabes et se rendit clbre par la publication des Tables
Alphonsines aprs avoir pass la premire partie de sa vie
briguer la dignit d'empereur d'Allemagne, employa la
seconde lutter contre son second fils, Sanche le Brave,
que les tats dclarrent roi de Castille, mme de son vivant. Les enfants de La Cerda, hritiers lgitimes du trne,
;

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LIV. V,

3S9

CHAPITRE

IV

de Saint-Louis par Blanche leur mre soutinrent leurs droits avec l'appui de la France et de l' Aragon,
et ces guerres de succession taient peine termines que
la tyrannie de Pierre le Cruel (1354-1370) faisait surgir le
parti de Translamarre, et livrait l'Espagne aux bandes de du
Guesclin et du prince Noir. Enfin, au xv e sicle, la longue
minorit de Jean II et la faiblesse de Henri IV l'Impuissant
condamnrent la Castille ne rien entreprendre au dehors.
Si les Grenadins avaient su profiter des troubles de la
Castille, ils auraient pu relever en Espagne l'tendard du
prophte ; mais l'esprit de conqute les avait tout fait
abandonns. La guerre, durant ce long intervalle de temps,
se rduisit l'attaque de quelques places situes aux deux
d'un
extrmits des montagnes qui protgent Grenade
ct, Gibraltar, Algeziras, Tarifa; de l'autre, Huesca, Baeza,
Guadix, Almeria. Il y eut cependant un dernier effort tent
la fin du xnr5 sicle par les Arabes unis aux Alrinides d'Afrique. En 1275, Mohammed II livra au prince Abou-Yousef
les deux villes de Tarifa et d'Algeziras, et tous deux envahirent l'Algarve. Sanche le Brave, quoique la flotte de Castille et t dtruite prs d'Algeziras par les musulmans, ne
se laissa pas intimider, et couvrit avec succs l'intrieur du
pays (1280). Plus tard, lorsque les tats lui eurent dcern
la couronne pour prix de sa vaillance, Alphonse X (1283)
implora son tour le secours du prince mrinide contre
un fils rebelle. Si le roi de Grenade avait accueilli sa demande comme Abou-Yousef, les Arabes se seraient trouvs
dans la position la plus favorable pour pntrer au cur de
la Castille; Mohammed II prfra, en s'alliant Sanche,
s'assurer l'amiti d'un guerrier puissant. La fortune se dclara contre le roi de Maroc sa flotte fut brle des deux
villes qu'il possdait, l'une, Tarifa, fut emporte d'assaut
par les Castillans l'autre, Algeziras, reut une garnison de
et petits-fils

Mohammed
Des

hostilits partielles signalrent la

xiv e sicle.
et

(1296).

En

premire moiti du

1309, les Castillans s'emparrent de Gibraltar,

mirent le sige devant Algeziras. Pour

les loigner,

il

fallut

leur cder plusieurs villes moins importantes. Pendant

la

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DECADENCE ET EXPULSION DES ARABES D'ESPAGNE. 323


minorit d'Alphonse XI, Ismal-ben-Farag voulut profiter des
inimitis qui s'taient leves entre les infants chargs de
la rgence. Deux d'entre eux, clairs par l'aggression des

Arabes, mirent
contre Grenade

fin

leur rivalit et portrent

mme

la

guerre

leur ardeur inconsidre leur

ngliger toute prudence, et

ils

fit

se laissrent envelopper dans

les montagnes par un corps nombreux de musulmans.


Leurs troupes malgr des prodiges de valeur, essuyrent
une droute complte. Eux-mmes reurent la mort,
soit qu'ils fussent tombs de lassitude sur le champ de bataille, selon le rcit des Espagnols; soit que, suivant les
Arabes, ils aient t tus au plus fort de la mle en combattant comme des lions. Le lieu tmoin de cette catastrophe est encore aujourd'hui clbre sous le nom de Sierra de
,

los Infantes (1319).

Un

tel

succs ranima le courage des Grenadins.

Ils

conu-

rent l'espoir de recouvrer les villes qu'ils avaient perdues, et,


en 1329, ils avaient repris Baeza, Martos, Ubeda et mme Gibraltar. Peut-tre auraient-ils

ges,

de

si

les Africains avaient

lui prter

secours,

pouss plus loin leurs avanta-

appuy

ils

lui

le roi

Mohammed V

loin

enlevrent Algeziras, Mar-

Ronda. Ce ne fut qu' l'avnement de Yousef II


qu'une alliance sincre runit enfin tous les musulmans
sous le mme drapeau. Le prince mrinide Abul-Hacen
descendit en Espagne, la tte d'une arme nombreuse,
bella et

tandis

que

sa flotte repoussait

du

dtroit les vaisseaux por-

tugais et castillans. Yousef se hta de le rejoindre, et les

deux souverains attaqurent Tarifa. Ils avaient de l'artillerie leur disposition. Nanmoins le sige trana en longueur
les armes castillane et portugaise cherchrent dgager
la place. Une grande bataille se livra sur les bords du Rio
Salado, et ce fut une seconde journe de Tolosa. Abulflacen, vaincu, laissa aux Grenadins tout ce qu'il possdait
en Espagne et alla cacher Fez sa dfaite et sa honte (1340).
;

Sa

flotte fut bientt

aprs dtruite par les galres gnoises,

aragonaises, castillanes et portugaises, unies ensemble pour

assurer aux chrtiens l'empire de


ziras leur

la mer, et la prise d'AIgedonna, en 1342, un port excellent pour surveiller

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LIV. Y, CHAlM'i

KK

IV.

Les Arabes d'Espagne furent ds


de
la pninsule hispanique, ils ne songrent plus qu' se faire
oublier. Les Castillans, tout entiers leurs discordes civiles, ne cherchrent pas mme s'emparer des deux villes
deGibraltar et d'Almeria, qui leur auraient assur la possession exclusive du dtroit mais les Portugais par la conqute de plusieurs places fortes d'Afrique, vinrent leur
tout le littoral africain

lors rduits leurs propres forces. Placs l'extrmit

aide et interceptrent toute communication entre les

deux

continents.

Destruction du royaume de Grenade.

Ce ne fut qu'en 1432 que la guerre recommena avec


quelque vigueur Yousef IV Alhamar et Mohammed VII se
disputaient la couronne. L'un des deux comptiteurs implora le secours des Castillans, qui le firent triompher dans
les champs de Grenade.
:

Si l'on prtendait reproduire tous les faits particuliers


qui se rattachent la lutte des deux peuples, il faudrait raconter une suite non interrompue de combats dont les
frontires des deux tats taient sans cesse le thtre les
nobles castillans et les cheiks arabes, qui voulaient s'il;

lustrer par leurs exploits, faisaient de frquentes incursions

en pays ennemi; mais ces hostilits n'entranaient pas de


gderre gnrale c'tait en quelque sorte des joutes et des
passes d'armes qui prparaient seulement les esprits une
;

lutte

suprme

et invitable.

Quand Muley-Hacen monta

sur le trne (1465), les Grenadins n'taient pas en tat de rsister aux Castillans. Le
nouveau roi, malgr son courage, ses vertus, son patrio-

tisme sa foi religieuse ne s'tait point concili l'affection


des Grenadins qui lui reprochaient trop d'arrogance et de
cruaut, et surtout l'empire qu'une esclave chrtienne avait
pris sur son esprit. On rpandait le bruit qu'il voulait
choisir pour son hritier un fils de cette esclave, l'exclusion d'Abou-Abdallah (d'o l'on a fait Boabdil et Boadillin),
,

1. Cardonne, Histoire de l'Afrique et de l'Espayne, etc., avec les dissertations


de de Murr, Nuremberg, mo: J. u. Murphy, the Histonj of the Mahometan em-

pire in Spain, etc., Londres, 1816.

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DCADENCE ET EXPULSION DES AKABES D'ESPAGNE. 325


n de la sultane Zoraya. Deux partis bien tranchs se formrent dans le royaume et contriburent l'affaiblir encore (1476).

En Castille, au contraire, les grands, aprs avoir rduit


Henri IV l'Impuissant au dernier degr d'abaissement et
d'humiliation s'taient runis, sa mort, autour de l'infante Isabelle (1474). Cette princesse tait marie Ferdinand, roi de Navarre et de plus hritier prsomptif du roi
d'Aragon. En 1479, les deux poux pouvaient disposer des
ressources de trois royaumes ils allaient fonder la grandeur
de l'Espagne et lui donner l'unit en dtruisant pour jamais
lad omination des Arabes dans la Pninsule. Muley-flacen
provoqua leur ressentiment en refusant de payer le tribut
auquel son pre s'tait engag il rpondit firement leurs
ambassadeurs Allez dire vos matres que Grenade n'a
pas d'or, mais du fer pour ses ennemis. 11 ne craignit
mme pas de commencer les hostilits en attaquant la ville
de Zahara, dont il s'empara en 1480. On apprit Grenade son
succs avec enthousiasme; mais, suivant une prdiction sinistre, les ruines de Zahara devaient retomber sur la tte des
vainqueurs. L'importante ville d'Alhama, un des soutiens
de Grenade, fut emporte par les Castillans, qui se prsentrent bientt sous les murs de la capitale. La guerre civile
venait d'clater; les partisans d'Abou-Abdallah avaient renvers du trne Muley-Hacen. Vainement ce prince essaya-til de montrer par son triomphe sur les Castillans devant JLoxa
il fut forc de se retirer
qu'il tait digne de la couronne
dans les provinces, et se vit abandonn de la plupart de ses
capitaines. Les Castillans entretinrent habilement le feu de
la rvolte parmi les musulmans et poussrent pendant
quelque temps la guerre avec mollesse. Le hasard des combats ayant fait tomber entre leurs mains le lche Abou-Abdallah, ils s'empressrent mme de lui rendre la libert,
persuads que sa coupable ambition servirait mieux leurs
,

intrts

que

la

plus belle victoire (1484).


rtabli un instant sur le trne, avait ensuite

Muley-Hacen,

en faveur de son oncle, El-Zagal. AbouAbdallah, qui tait tomb dans le mpris de ses compa19

t forc d'abdiquer

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L1VKE

326

CHAPITRE

V,

IV

du roi Ferdinand. Celui-ci envahit


royaume de Grenade les villes de la Vega furent

trotes, inlplora l'appui

aussitt le

enleves, et El-Zagal, dont les partisans s'taient jusque-l

maintenus dans l'Alhambra, ayant t battu devant Lorca,


cda Grenade son rival (1486). Le but de l'expdition
de Ferdinand tait atteint; ce prince, au lieu de se retirer,
conclut avec Abou-Abdallah une nouvelle convention qui
t'autorisait poursuivre El-Zagal dans toutes les places

Arm de ce prtexte, il assigea et prit Malaga, puis dirigea ses troupes contre Almria,
Baza et Vera.
El-Zagal
aprs avoir essay de soutenir la lutte resta
bientt convaincu qu'Allah, dans sa toute-puissance, avait
prononc l'arrt de Grenade, et fit proposer une capitulation gnrale aux Espagnols
Ferdinand se garda bien
de refuser ces ouvertures, qui lui permettaient de suivre
sans obstacles l'excution de ses autres desseins
il
de
montra gnreux. Le roi musulman livrait ses tats,
Almria Guadix t plusieurs autres cits et recevait en
change de vastes domaines en toute proprit. Quant aux
habitants ils devaient tre admis au rang de sujets de la
couronne de Castille conserver leur libert , leurs biens
l'exercice de leur religion et payer l'impt exig auparavant par leur souverain (1490).
Cette convention eut une grande influence sur la destine
du royaume de Grenade; la plupart des Arabes qui redoutaient les dures lois de la guerre, et avaient jur de se
dfendre jusqu' la dernire extrmit virent dans la conduite de Ferdinand le prsage d'une paix durable, et, prexistence paisible au tumulte des combats,
frant
se soumirent aux chrtiens. Les musulmans fidles crirent la trahison et coururent aux armes ils forcrent
El-Zgal se retirer en Afrique, fortifirent Grenade, et rsolurent de s'ensevelir sous ses ruines. Le 9 mai 1491 Ferdinand se prsentait dvant les murs de cette ville la tte
de quatre-vingt mille hommes ; Abdallah laissa des gnraux habiles le ioift d'organiser la dfense ; tous les habitants, femmes, etifonts, vieillards* prirent leur part des
fortes qu'il avait conserves.

um

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LiOOQle

DCADENCE ET EXPULSION DES ARABES D'ESPAGNE. 327


dangers et des fatigues du sige. Tous rivalisrent de zle
Ferdinand et Isabelle avaient pour eux la

et d'ardeur, mais

une volont persvrante.


Grenade est btie sur deux collines non loiri de la Sierra
Nevada et des Alpuxarras. Le Daro et le Xenil la traversent
et l'entourent elle tait protge par des remparts inexpugnables que protgeaient quatre cent trente tours deux grandes forteresses, l'Alhambra et l'Albaycin, pouvant chacune
contenir quarante mille hommes, en dfendaient l'approche;
enfin il tait possible de garder un passage libre avec les
Alpuxarras et de faire arriver par l dans la ville les seforce jointe

cours et les provisions ncessaires.


Isabelle,

pour montrer

sa ferme rsolution de

retirer avant d'avoir achev sa

conqute

fit

ne point se

construire

une

qui existe encore aujourd'hui sous le nom deSanta-F.


Des fosss et des retranchements inattaquables garantirent
de toute surprise le camp des Espagnols puis Ferdinand

ville

s'occupa d'intercepter les communications et d'empcher


les sorties trop frquentes. A la suite de travaux vraiment
gigantesques, Grenade se trouva bloque de toutes parts;
les musulmans risqurent leur dernire chance de salut
dans une bataille gnrale elle eut lieu sous les murs de la
;

vainqueurs. Abou-Abdallah comque tout espoir tait perdu; il entra en arrangement


avec le roi d'Aragon malgr l'avis d'un grand nombre de
scheiks dcids mourir en combattant pour la patrie. Ferdinand demanda que Grenade lui t remise dans deux mois
dater du jour de la signature du trait, si pendant ce dlai
elle ne recevait aucun renfort par terre ou par mer. Les
Arabes avaient fait un dernier appel aux souverains d'Afrique et mme aux sultans de Constantinople. Aucun n'eut
le dvouement de tenter une grande entreprise pour sauver
le dernier rempart de l'islamisme en occident. Les Ottomans seuls, en i486, avaient arm une flotte qui s'tait
contente de ravager les ctes de la Pninsule.
Il fallait donc que Grenade succombt. Abou-Abdallah,
craignant un soulvement populaire rendit la ville sans
attendre l terme convenu. Des terres lui taient assures
ville

les chrtiens furent

prit

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LIVRE V, CHAPITRE

328

IV.

avec un revenu suffisant dans les lpuxarras. Il ne voulut


point demeurer sur le sol de l'Espagne , tmoin de son
ignominie, et alla finir ses jours dans les dserts de l'Afrique. Quant aux habitants, retirs au fond de leurs demeures ils laissrent les chrtiens prendre possession de leur
ville, qui semblait entirement abandonne. On arbora sur
le sommet de l'lhambra et de l'Albaycin les tendards de
Castille et de Saint-Jacques, l'on dcora la grande mosque des ornements du culte catholique, et le fanatisme
,

barbare de Ximens fit livrer aux flammes les manuscrits


arabes conservs prcieusement depuis tant de sicles. Fer-

dinand put, sans tre inquit , se saisir des positions importantes des montagnes et du royaume de Grenade. Les
vaincus semblrent rester indiffrents aux clauses mmes de
la capitulation qui leur laissaient leur libert, leurs biens,

armes , leur religion , leurs mosques leurs usages


maintenaient l'institution des cadis et des cads chargs de
juger leurs diffrends d'aprs la lgislation musulmane et
enfin ne les astreignaient qu'aux impts qu'ils payaient leurs
rois nationaux *. La chute de Grenade semblait tre leur arrt de mort ; elle marquait, en effet, la fin de la domination
des Arabes en Espagne, qui avait dur 782 ans (710-1492).

leurs

Politique de roi* d'E*pagne l'gard de* Arabe* qui ont


expulses dfinitivement de la Pninsule en f00.

Ferdinand n'avait point l'intention d'excuter consciencieusement les articles de la capitulation ; il possdait Grenade , c'tait l le but de son ambition. Quant aux musulmans, il s'inquitait peu de leur sort; habitu, en
politique, sacrifier tout ses intrts, il reconnut bientt
qu'une population riche, nombreuse, et conservant toujours un esprit d'indpendance, serait un embarras srieux
pour son gouvernement il rsolut de fondre les Arabes
malgr eux avec le reste de la nation, en leur faisant abjurer
graduellement et leur culte et leurs murs. Annoncer ou;

l.

mo,

du cardinal Ximens ; Mignot, Histoire des rois catholiques FerHistoria del rbellion y casligo de los MorisIsabelle, Paris, 1766.
par Carjaval, Madrid, 1797.

Robles, Vie

dinand

et

etc.,

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DCADENCE ET EXPULSION DES ARABES D'ESPAGNE. 329


vertement ses projets c'tait s'exposer les voir avorter ;
il chargea donc l'inquisition d'amener peu peu les musulmans se convertir au catholicisme. On commena par les
endormir dans une certaine confiance, en exaltant la loyaut
castillane. On affecta d'observer rigoureusement les engagements pris; et l'on ne s'attaqua qu'aux juifs qui tenaient
entre leurs mains une grande partie des richesses du pays,
et qui furent contraints de s'expatrier ou de renier la foi
de leurs pres; on les fit prir dans les tortures; les supplices et les auto-da-f frapprent de terreur les Arabes
qu'on essayait de convertir la religion du Christ, et qui pouvaient craindre pour eux-mmes un sort aussi cruel (1402).
Un peu plus tard on interdit l'exercice public du culte
musulman ; on distribua de l'or a ceux qui abjuraient l'islamisme. Enfin, en 1499, Ferdinand, levant le masque, pronona l'expulsion des infidles qui refuseraient le baptme.
Des cris d'indignation retentirent dans le royaume de Grenade. Ce fut en vain, les villes se soumirent et leurs habitants
allrent l'glise adorer le nom de Jsus-Christ, pour revenir
le blasphmer au fond de leurs demeures , et demander
pardon au prophte de leur indigne faiblesse. Les montagnards des Alpuxarras population plus nergique , refusrent hautement d'obir et prirent les armes. Ferdinand
marcha contre eux avec des forces suprieures et, aprs
avoir dvast leurs champs ajouta pour les vaincus aux rigueurs de l'exil la confiscation de tous leurs biens.
Les musulmans de Valence dont l'industrie formait une
des principales sources de la prosprit de l'Espagne , furent tolrs jusqu'au rgne de Charles-Quint (1524). Alors
les seigneurs du pays les contraignirent de recevoir le
baptme, et le roi, au lieu d'couter leurs plaintes, les renvoyaau tribunal de l'inquisition, qui sanctionna la conduite
des oppresseurs. L'anne suivante (1525), un dcret, provoqu par l'archevque de Sville, grand inquisiteur, obligea les Arabes de Grenade de renoncer en un jour leurs
habitudes, leurs vtements, leur langage tous les chrtiens eurent le droit de surveillance, et un tribunal spcial
reut les dnonciations. Pour obtenir quelque adoucis,

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LIVRE V, CHAPITRE

IV.

musulmans payrent en 1562


cent mille ducats; si le gouvernement

sment leur sort, les

Philippe II, huit


et l'inquisition suspendaient leurs perscutions, le peuple
espagnol, portant l'intolrance ses dernires limites,

poursuivait le glaive d'une main et la croix de l'autre, jusque dans les montagnes, les malheureux Arabes qui refusaient de se convertir.

Enfin, en 1568, l'archevque de Grenade, jaloux d'attacher son nom une mesure encore plus vexatoire obtint
de Philippe II un dcret qui interdisait aux infidles
l'usage frquept des bains, les danses mauresques, l'emploi
de la langue arabe, et qui dfendait aux femmes de sortir
,

voiles. C'tait vouloir les pousser la rvolte, ce qui eut

en effet ils s'armrent, essayrent de surprendre Grenade et nourent des relations avec les Africains ; suivis
de prs par le marquis de Mondejar, ils ne purent s'tablir sur aucun point important, et se rfugirent daps les
montagnes, sous la conduite de Mohammed-ben-Ompnah
qui prtendait descendre des anciens khalifes de Cordoue.
La lutte se soutint pendant plusieurs annes; enfin la division se mit dans le camp des rebelles
Mohammed prit
assassin. Muley-Abdallah, qui lui succda, ne fut pas plus
heureqx; don Juan d'Autriche (1570), par ses ngociations
habiles, lui enleva la plus grande partie de ses soldats. Les
uns se soumirent; les autres furent transports en Afrique.
Muley fut rduit traiter lui-mme avec le vainqueur. On
dispersa les montagnards des Alpuxarras dans les provinces des Asturies, de la Galice et de (a Castille, et on les
plaa sous une troite surveillance.
Un dernier coup leur fut port en 1609; malgr les protestations de quelques seigneurs gnreux, les Arabes de
Valence et de Murcie furent jets ple-mle, par ordre du
Conseil de Philippe III, sur des vaisseaux qui les transportrent sur les rivages de l'Afrique. Un grand nombre passa
les Pyrnes et Henri IV les accueillit avec bienveillance
ce grand roi offrit aux uns un asile et des terres, aux autres
les moyens de s'embarquer dans les ports de la Guienne et
du Languedoc.
lieu

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DCADENCE ET EXPULSION DES ARABES D'ESPAGNE. 331

On a calcul que depuis la conqute de Grenade jusqu'en


1609, trois millions d'Arabes furent expulss du sol espagnol. C'tait l'lite de la population au point de vue de l'industrie et de l'agriculture; aussi leur dpart laissa-t-il dans
la Pninsule un vide que plusieurs sicles n'ont pu combler.
Jamais les Espagnols n'ont rendu aux plaines de Valence,
de Murcie et de Grenade l'aspect florissant qu'elles prsentaient sous la domination des Arabes. Le dcret de 1609
fut aussi funeste l'Espagne que quatre-vingts ans plus
tard la rvocation de l'dit de Nantes pour la France.
l. Histoire du rgne de Philippe III. par Watson, 177S, et celle deDavila, puUUoa dans sa Monarquia de Espana; voy. aussi les Annale
Ferdinanaei d corme Fr. Chr. de Khevenhuller.
Masden, Hntori critica de
Espana, Madrid, 1783-1800. - Robenson, Histoire de Charles K, etc.

blie en 1771 par D.

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LIVRE

VI.

TABLEAU DE LA CIVILISATION ARABE.

CHAPITRE PREMIER.
L'ECOLE DE BAGDAD CONTINUE L'COLE D'ALEXANDRIE. PROGRS DES SCIENCES EXACTES.

LES ARABES SE LIVRENT A L'TUDE DES SCIENCES A PARTIR


LES NESTORIENS SONT LES PREMIERS MAITRES
DU RGNE D'ALIIANZOR.
DES ARABES COLE D'DESSE ; DOCTRINES INDIENNES.
COLE DE BAGDAD; LES LIVRES GRECS SONT TRADUITS; TRAVAUX ASTRONOMIQUES DES
ARABES SOUS A LM A MO UN.
OBSERVATIONS NOUVELLES NOMBREUX PERFECTIONNEMENTS APPORTS AUX TABLES GRECQUES.
ALBATEGNI (ALBALES PRINCES ROUIDES CONTINUENT L'OEUTANl) ET LES BENOU-AMADJOUR.
VRE D'ALMAMOUN. - DCOUVERTES NOUVELLES AROULWEFA SIGNALE LA
VARIATION OU TROISIME INGALIT LUNAIRE.
AU COMMENCEMENT DU
XI* SICLE LE CENTRE DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES SE DPLACE ; COLE DU
CAIRE; EBN-JOUNIS ET LA GRANDE TABLE HAKMITE.
ASTRONOMES DE
L'ESPAGNE ET DE L'AFRIQUE OCCIDENTALE; INSUFFISANCE DES SOURCES ORIEN ORIENT L'ASTRONOMIE EST CULTIVE SOUS LES AUSPICES DE
GINALES.
NOUVEAUX CONQURANTS QUI CDENT A L'INFLUENCE DE LA CIVILISATION
LES GAZNEVIDES ET AL-BIROUNI.
LES SELDJOUKIDES ET OMARARABE.
LES MONGOLS ET NASSIR-EDKEIAM; RFORME DU CALENDRIER PERSAN.
DIN-THOUSI; L'ASTRONOMIE ARABE PNTRE A LA CHINE.
EBN-SCHATHIR
ET LES SULTANS MAMELOUKS.
LES TIMOURIDES ; OLOUG-BEG FONDE L*OBSERVATOIRE DE SAMARCANDE ET CONSTRUIT DE NOUVELLES TABLES ASTRONOMIQUES.
LES ARABES TUDIENT LES MATHMATIQUES PURES; ALGBRE;
NUMRATION DCIMALE; GOMTRIE.
DE LA GOGRAPHIE MATHMATIQUE ;
IMPERFECTION DES TRAITS GRECS.
L'COLE- DE RAVENNE S'CARTE DE
PTOLME.
LES ARABES CORRIGENT LES GRECS; PREMIRE POQUE (820).
SECONDE POQUE (1025).
TROISIME POQUE (123Q); COUPOLE
d'arine; derniers travaux (1250-1648).
rsum des principales
DCOUVERTES DES ARABES EN ASTRONOMIE , EN MATHMATIQUES ET EN
GOGRAPHIE.

INTRODUCTION.

introduction.

Les Arabes sont, au moyen ge,

de

la

civilisation

ils

les seuls

reprsentants

font reculer la barbarie qui s'tait

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COLE DE BAGDAD

SCIENCES MATHMATIQUES.

333

tendue sur l'Europe, branle par les invasions des peuils remontent aux sources ternelles de la
ples du nord
philosophie grecque , et, loin de se borner prserver de
;

toute

atteinte le trsor

des connaissances acquises,

ils

l'agrandissent et ouvrent des voies nouvelles l'tude de la

nature.

Des guerres d'invasion, peine interrompues par

les

discordes civiles, des expditions lointaines et d'clatants


triomphes avaient rempli le premier sicle de l'hgire mme
;

en 750, aprs la chute des Ommades, rien n'annonait


qu'au tumulte des armes allait succder, dans fempire
des khalifes, une priode illustre par les seuls travaux
de l'intelligence. Plus occups faire des conqutes et
propager leur systme religieux qu' favoriser les lettres et les sciences, les successeurs de Mahomet avaient
jusque-l ravag la Syrie, la Perse jusqu' Pindus et la
mer Caspienne, tout le nord de l'Afrique, la majeure partie
de l'Espagne, menaant d'envahir la Gaule, si Charles
Martel n'et arrt ce torrent dvastateur en taillant en
pices les troupes d' Abdrame dans les plaines de la Loire
mais, sous les Abbassides, une noble mulation et par-dessus tout l'exemple et la protection du souverain devaient
faire disparatre l'ignorance et la grossiret justement reproches aux disciples de Mahomet. Les esprits se pntr;

rent d'ides

nombre

nouvelles, et l'on vit natre alors un grand


de tout genre, source d'une infinit d'au-

d'crits

de
de tous

tres qui firent

l'Orient et

la

langue arabe

les tats

la

langue savante de

musulmans.

Presque tous ces crits subsistent encore et leur ru


nion forme une des plus vastes littratures que l'on con,

naisse.
ftVCW

Arabe* Me livrent a l'tude des clence partir du rgne


dMInianxor.

C'est au khalife Abou-Giafar-Almanzor qu'est due la premire impulsion donne l'tude des sciences exactes. Au
milieu des traditions incompltes ou confuses qu'on a
runies sur l'histoire des anciens Arabes, on distingue

LIVRE

331

VI,

CHAPITRE

peine quelques notions d'astronomie pratique. Le spectacle


ciel avait attir leur attention comme celle de tous les
peuples que la douceur du climat et la srnit de l'air invitent observer les astres, sans leur inspirer nanmoins ]e

du

dsir de dterminer les lois des

mouvements

clestes.

Les

noms

des plantes et de certaines toiles dont ils faisaient


des divinits, une indication assez exacte des mansions de la

lune et des croyances purement astrologiques, voil tout ce


qu'ils avaient invent ou recueilli dans leurs rapports avec
les nations qui les environnaient
ils employaient l'anne
;

ne parat pas qu'ils aient jamais cherch


fixer l'incertitude des temps par des res ou poques d'un
usage gnral. Aussi est-il presque impossible d'tablir un
ordre rgulier dans cette longue srie de faits dont se composent les annales de l'Arabie jusqu'au moment o une rvolution habilment prpare vint briser les cultes divers de
ses populations nomades, les runir sous la loi du Coran et
dvelopper chez elles de nouvelles inclinations *.
Les Arabes, dit M. de Humboldt dans son Cosmos, taient
admirablement disposs pour jouer )e rle de mdiateurs
et pour agir sur les peuples compris depuis TEuphrate jusqu'au Guadalquivir et la partie mridionale de l'Afrique
moyenne. Ils possdaient une activit sans exemple, qui
marque une poque distincte dans l'histoire du monde
une tendance oppose l'esprit intolrant des Isralites, qui
lunaire, mais

il

les portait se fondre

avec

les

peuples vaincus, sans abju-

rer toutefois, en dpit de ce perptuel change de contres,


leur caractre national et les souvenirs traditionnels de
leur patrie originaire. Tandis que les races de la Germanie

ne commencrent se polir que longtemps aprs leurs


migrations, les Arabes apportaient avec eux non-seujement leur religion mais aussi une langue perfectionne
et les fleurs dlicates d'une posie qui ne devait pas tre
perdue pour les troubadours provenaux ni pour les minne
,

singers.
I. Pococke, Spcimen hi*t. Arabum, 1650, p. 33 ; S. de Sacy, mmoire sur divers
l'histoire des Arabes avant Mahomet, dans le t.
des Mmoires
de l'Acadmie des inscriptions et belles-lettres, p. 484 et suiv.

vnements de

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SCIENCES MATHMATIQUES.

333

Les Nestoriens sont les premiers matres des Arabes) cole


d'Kdesse 5 doctrines Indiennes.
Si l'on veut rechercher comment l'invasion des Arabes
en Syrie et en Palestine, et plus tard la prise de possession
de l'Egypte veillrent chez eux le got de la science et le
,

dsir d'en hter les progrs par

compte de leurs

eux-mmes,

dispositions naturelles

pour

il

faut tenir

les jouissances

de la configuration particulire du sol et des


1 esprit,
anciennes relations de commerc qui unissaient les ctes
de l'Arabie avec les tats voisins parvenus une haute civilisation. Il entrait sans doute dans les merveilleux desseins de l'harmonie du monde que la secte chrtienne des
nestoriens, qui a si utilement contribu rpandre au lpin

de

connaissances acquises, clairt aussi les Arabes avant


dans la savante et sophistique Alexandrie
et que le nestoriaiu'sme chrtien pt pntrer dans les
contres orientales de l'Asie sous la protection arme flp
l'islamisme. Les Arabes, en effet, furent initis la littrales

qu'ils entrassent

ture grecque par les Syriens, qui taient, comme eux, de


race smitique, et les Syriens- avaiept eux-ipmes reu
cette connaissance des nestoriens poursuivis pour crime
d'Jirsie.

Mecque

Dj Mahomet et Abou-Bkre vivaient,

la

en relations d'amiti avec des mdecins qui s'taient forms par les leons des Grecs et dans |e clbre
tablissement qu'avaient fond les nestoriens dessp, en
Msopotamie.
Ce fut dans l'cole d'Jdesse, qui semble avoir servi (|p
modle aux coles des bndictins du mont Cassiq et de
Salerne, que prit naissance l'tude scientifique des supstances mdicinales empruntes aux minraux et aux plantes. Lorsque cet institut fut dtruit, sous 2non l'Isaurien
,

par un fanatisme irrflchi , les nestoriens se rpandirent


dans la Perse, o ils acquirent bientt une grande influence
politique, et fondrent Djondisabour, dans le Khoustetan,
un npuveau collge mdical qui fut trs-frquent; vers le
milieu du vu* sicle, ils avaient dj propag dans l'Inde et
la Chine leurs ides et leur croyance. Les semences de

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LIVRE

336

VI,

CHAPITRE

I.

rpandues en Perse par des moines


de l'cole platonicienne d'Athnes la suite des perscutions de Justinien
furent recueillies et mises profit par les Arabes pendant
leurs premires incursions en Asie. Pourtant le khalife
Almanzor parat avoir reu d'un Indien ses premires notions d'astronomie; mais, comme nous l'avons fait remarquer, les doctrines indiennes n'avaient pas sans doute
beaucoup de valeur, puisque les Arabes les abandonnrent
ds qu'ils furent en possession des livres grecs
civilisation occidentale

instruits et par des philosophes exils

cole de Bagdad; le livre* grec* sont traduit; travaux aa-

Les successeurs d'Abou-Giafar-Almanzor imitrent son


exemple, et favorisrent le dveloppement de toutes les
branches de l'intelligence humaine une poque o les
sciences et les lettres taient gnralement ngliges en
Europe. Pendant que Charlemagne essayait vainement d'en
ranimer le got, ces khalifes, appelant auprs d'eux les hom-

mes les plus instruits des provinces qu'ils avaient runies


sous leur domination, faisaient traduire du grec les ouvrages
les plus estims et formaient de vastes tablissements destins de riches bibliothques et des coles publiques. On'
enseignait, concurremment avec le texte et les commentaires du Coran, les livres d'Aristote, d'Hippocrate, de Galien,
de Dioscoride, d'Euclide, d'Archimde, d'Apollonius, de Ptolme, etc., dont plusieurs nous ont t transmis immdiatement par les Arabes avant qu'on en et retrouv les originaux grecs. Les mmes princes instituaient Bagdad des
acadmies o se discutaient les objets qui ne pouvaient tre
traits que par d'habiles matres, et ils fondaient cette cole
l. Sur les nestoriens et l'cole d desse, Jourdain, Recherches critiques sur les
traductions d'Aristote, s 43 p. Bi
de Humboldt, Cosmos, p. 257.
Assemani
S.), Bibliotheca orientalis Clem. Vat.,eic,
1 9- 1 728, el (S. E.), Acta sanctorum martyrum Orient, et Occid., etc., 1748, Bibl. avost. vatic. cod. manuscr. calai. y 1756.
Pour l'Inde, Chasle* Recherches sur l'astronomie indienne,
1846 ; Reinauu, mmoire gographique et historique sur l'Inde d'aprs les crivains
arabes, persans et chinois, antrieurement au milieu du xi sicle de l're chrtienne , 1846 et le rapport que nous avons fait de cet ouvrage (Bulletin de la socit de gographie, 1851, t. II). Voy. aussi ce que nous disons des Indiens dans
le t. II de nns Matriaux pour servir l'histoire compare des sciences mathmatiques chez les Grecs et les Orientaux, 1845-1849.
i

(J.

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COLE DE BAGDAD

SCIENCES MATHMATIQUES.

clbre qui devait lever les plus beaux

337

monuments de

du moyen ge.
lmamoun, le septime khalife de

l'astronomie

la maison d'Abbas, fut,


aprs Almanzor, celui des souverains de Bagdad qui se
rendit le plus recommandable par son' instruction et ses

pour

progrs des sciences. Mais si ce


au sicle dont il assura la gloire littraire, il ne faut pas cependant oublier ses prdcesseurs,
Mohammed-al-Mahadi et Haroun-al-Raschid, qui portrent
par leurs vertus et leur magnificence le khalifat d'Orient au
plus haut point de splendeur. Les productions des savants
et des potes, qu'ils, comblaient de bienfaits, ajoutrent
plusieurs ouvrages grecs et persans
l'clat de leur rgne
furent traduits en Syriaque et en Arabe, et les chrtiens
rpandus en Asie secondrent par leurs travaux le zle de ces
khalifes. Alors tleurirent l'astronome Mashallah, si vant par
Aboul-Pharadje, Ahmed-ben-Mohammed-Alnehavendi le
plus ancien des observateurs arabes, et le mathmaticien
Hegia-ben-Yousef le premier traducteur d'Euclide. Nous
n'avons pas besoin de rappeler quel degr de perfection
les arts mcaniques taient parvenus ds cette poque;
l'horloge eau envoye par Haroun-al-Raschid CharleYnagne, et dont la description a t conserve, suffirait pour
en donner une ide, si les rcits des historiens ne faisaient
pas connatre en dtail toutes les merveilles de ce genre accumules la cour de Bagdad. C'est surtout au fils de
Haroun Almamoun l'Auguste des Arabes qu'appartient
l'honneur d'avoir achev l'ouvrage commenc par son aeul
Almanzor. Ce prince, entour de l'lite des savants et des
artistes, recueillit grands frais tes crits de l'cole d'Alexandrie, et ses rapports avec les empereurs de Constantinople lui permirent de faire rechercher jusque dans Athnes
les ouvrages philosophiques des Grecs. Il ordonna d'abord
la rvision de YAlmageste de Ptolme, dont une premire
traduction avait t faite , sous Haroun-al-Raschid par les
soins d'Iahia-ben-Khaled le Barmecide. Les instruments ncessaires furent construits par d'habiles artistes, et la Table
vrifie, dont Iahia ben-abi-Mansour est considr comme

efforts constants

prince donna son

le

nom

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LIVRE

338
le

VI,

CHAPITRE

I.

principal auteur, prsenta bientt les rsultats des obser-

vations entreprises simultanment

Damas

et

Bagdad 1

Send-ben-Ali

qui avait t le collaborateur d'Iahia, fit


,
d'autres observations, en 832 et 833, avec Khaled-ben-Ab-

delmalek Almerouroudi. C'est ces deux astronomes, aset d'Ali ben-AIbahtari, que l'on doit
mesure d'un degr du mridien. Aprs s'tre rendus
dans la plaine de Sennaar, ils marchrent vers le suc], puis
vers le nord, jusqu' ce que la hauteur du ple et vari de
soixante minutes, et trouvrent pour la valeur du degr
terrestre, les uns cinquante-sept milles, les autres cinquante-six milles et un quart, chaque mille contenant
quatre mille coudes noires; cette mesure offre la mme
incertitude que celle d'ratosthne relativement la longueur du module dont on fit usage. Laplace adopte le chiffre
de deux cent mille cinq cents coudes noires. Ce nombre
doit tre port soit deux cent vingt- cinq mille, soit
deux cent vingt-huit mille. Montuela, en prenant pour
rsultat cinquante-six milles et cinquante-six milles deux
tiers, discute d'une manire fort judicieuse quelle confiance on doit accorder cette valuation. Send-ben-Ali
et Khaled firent leur observation, au rapport de Rlasoudi
entre Racca et Tadmor, tandis que M. Caussin a nomm,

sists d'Ali-ben-Isa

aussi la

Wamia,

d'aprs Ebn-Jounis,

Tadmor

Apame. M. Caussin

n'a pas pris garde

et

qu'il croit tre

que

la ville dont il
mridien de Tadmor et un degr de
distance au nord ou au sud, ef qu'Apame de Syrie se
trouve deux degrs l'ouest de Tadmor. Il raisonne d'aprs l'orthographe du mot au lieu de consulter la position
gographique du lieu. Le nom est d'ailleurs crit de telle
sorte qu'on peut lire Waset, ville voisine de Racca, qui sa-

s'agit doit tre

tisfait

sur

le

toutes les conditions.

la

mme

poque, Ahmed- ben-Abdallah-JIabasch rdi-

geait trois tables sur les

mouvements des

plantes, aprs

Aboul Pharadje, Hist. dyn., p. 160; Casiri. t. I; Cedrenus (Comp. hist.,


548); Fabricius, Bibl. grc, t. XIII, p. 2fli ; Weldler, fflM. attron.; Montuela,
t. I; Colebrooke, Mite, essay, t. Il, p. 348; Golius in Alferganum, p. 67, ei notre introd. aux tables d'Oloug Beg, 1839, !*' lasc. p. 4o et
suivantes.
I.

p.

Mit. des nw// M

'

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lui-mme

330

dterminations de ses devanciers,


par ses travaux illustrer le rgne d'Almamoun. A ct de ces astronomes clbres se placent naturellement les noms d'EbnIshak-ben-Kesouf, d'Abdallah-ben-Shabl-ben-Naoubackh et
d'Alfragan (Alfergani), qui prirent une part trs-active la
correction des tables grecques; non-seulement les erreurs
dePtolme furent rectifies sur plusieurs points importants, mais encore le mouvement de l'apoge du soleil reconnu. On valua l'obliquit de l'cliptique 23 33' 52", et
des observations d'quinoxes faites avec beaucoup de soin
conduisirent une estimation trs-prcise de la longueur
de Tanne; les clipses, les apparitions de comtes, les
autres phnomnes clestes devinrent l'objet d'une scrupuleuse attention, et les taches du soleil furent mmes si-

avoir vrifi

les

et Al-Abbas-ben-Sad-al-.Tauheri, contribuait

gnales.

rendirent la science un
ne faut pas croire cependant qu'ils introduisirent les premiers chez les Arabes cette mthode positive qui soumet tout aux lois de l'exprience. Avant eux,
Si les auteurs

immense

de

service,

la table vrifie

il

Aiohammed-ben-Ibrahim-al-Fazari comparait l'astronomie


des Indiens celle des Grecs; Ahmed-ben-Mohammed-alNehavendi observait dans la ville de Djondisabour et composait, en 803 de notre re, de nouvelles tables intitules :
Almostamal; enfin Mashallah, qui florissait dj sous le
rgne d'Abou-Giafar-Almanzor, et qu'Aboulpharadje appelle
le phnix de son sicle, crivait ses traits de l'astrolabe et
de l'armille, et exprimait sur la nature des corps clestes
des ides trs-sages.

Mohammed-ben-Musa-AIkhowarezmi qui rdigea, la


demande d'Almamoun un abrg du Sind-Hind ou des
tables indiennes, est plus connu comme mathmaticien que
,

comme

astronome, et nous parlerons plus loin de son

trait

ne parat pas non


plus devoir tre mis au rang des observateurs, mais ce fut
l'un des savants les plus estims de son temps; polygraphe
d'un ordre suprieur, il composa plus de deux cents ouvrages dont les titres divers nous ont t conservs, sur l'arithd'algbre. Alkendi, son contemporain,

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LIVRE

340

VI,

CHAPITRE

I.

gomtrie, la philosophie, l'astrologie, la mtorologie, l'optique, la mdecine, etc. Vers dans la


connaissance de la langue grecque, il sut tirer trs-habilement parti des crits des coles d'Athnes et d'Alexandrie,
et y ajouta de savants commentaires ses livres sont remplis

mtique,

la

de

faits

curieux et intressants; on les a mis souvent con-

tribution au

moyen

ge.

Albumazar (Abou-Maaschar), lve d'Alkendi, se livra plus


spcialement l'tude des phnomnes clestes; il fit d'utiles observations d'aprs lesquelles la table

appele Zidj-abou-

Maaschar a t calcule. Quoiqu'on ne le connaisse gure


en Europe que par ses nombreux opuscules sur l'astrologie,
on ne peut lui refuser une place distingue parmi les astronomes observateurs dont l'Orient s'honore ajuste titre 1 .
Observations nouvelle**
te

nombreux perfectionnement appor-

aux table grecque.

Aprs la mort d'Almamoun, les travaux n'avaient pas t


interrompus; les auteurs de la Table vrifie avaient eu
dans les fils de Musa-ben-Schakir, Mohammed Ahmed et
Hassan des continuateurs trs-zls. lbn Jounis s'appuie
,

frquemment sur

leurs observations et les estimait trs-

On voit dans la table hakmite qu'ils faisaient le


moyen mouvement du soleil dans l'anne persane de 11'

exactes.

29 39' 8" 2", en degrs 359,45' 39" 58"'

2'"', sa plus grande


quation de 2 0' 50", le lieu de son apoge au temps d'Iezdedjerd (16 juin 632 de l're vulgaire) de 20 44' 19" des
gmeaux, son mouvement de len soixante-six annes per-

sanes.

Ahmed,

second des trois frres, qui s'tait surtout


mcanique, fit en 851 une table particulire
dans laquelle il tablit que le moyen mouvement du soleil
dans l'anne persane tait de 1 1 29* 45 40", en degrs 359
45' 40", sa plus grande quation 2 0' 8", et le lieu de son

adonn

le

la

t. Les lments d'astronomie d'Alfragan onl l publis Ferrare en 1493,


Nuremberg en 1537, Francfort en 1590 ei Amsterdam en 1669. Nous n'avons
d'Albumazar que ses traites d'astrologie, imprims Augsbourg en 1488 et H8y.
On peut les comparer a celui d'Alchabitius, i478 et t484, astrologue du x sicle,
et celui d'Albohazen-Hali-Filius-Abeni agel, Venise, 1485.
Pour Mohammed

ben-Musa,

c'est l'auteur

du Trait d'algbre traduit par Kosen, 1831.

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COLE DE BAGDAD; SCIENCES MATHEMATIQUES.

341

apoge 24 33' des gmeaux. Ces valuations s'loignent


peu de celles des modernes.
Cependant la prcession des quinoxes suppose de
1 en soixante-six ans n'tait point ramene sa juste
Habasch avait trouv pour le lieu de Rgulus
valeur
Tan 630 de notre re, 13 du lion environ, les trois frres
et reconnurent
observrent cette toile en 840 et 847
qu'elle avait avanc dans ces sept annes de 6' 15", ce qui
donnerait par an 53" 24'"; ce ne fut qu'un sicle plus tard
;

que Ton corrigea cette estimation qui se rapprochait dj


de la vrit.
L'observatoire des fils de Musa tait situ sur le pont de
Bagdad qui aboutissait la porte Bab-al- Tac; c'est l qu'ils
avaient fix 23 35' l'obliquit de l'cliptique et qu'ils
avaient remarqu pour la premire fois les diffrences de
la plus grande latitude de la lune. L'an des trois frres,
Mohammed (Abou-Djafar-ben-Musa-ben-Schakir), avait
dress des phmrides pour les lieux des plantes, et
les lments de ses tables servaient encore dans les calculs
longtemps aprs lui Thebit-ben-Corrah fut son disciple en
,

astronomie.
Ce qui caractrise surtout l'cole de Bagdad son dbut,
c'est l'esprit vritablement scientifique qui prside ses
travaux; marcher du connu l'inconnu, se rendre un
compte exact des phnomnes pour remonter ensuite des
effets aux causes , n'accepter que ce qui a t dmontr par
l'exprience, tels sont les principes enseigns par les matres.

Les Arabes, au

ix e sicle, taient

en possession de cette

mthode fconde qui devait tre si longtemps aprs entre


les mains des modernes l'instrument de leurs plus belles
dcouvertes. Thebit-ben-Corrah
qui mourut l'an 900 de
,

qui avait sa disposition les observations


astronomiques faites depuis le rgne d'Almamoun , regrettait qu'on n'en et pas recueilli un plus grand nombre, et
l're chrtienne, et

reconnaissait hautement qu'elles seules pouvaient assurer

progrs de la science. Cet habile mathmaticien qui paappliqu le premier l'algbre la gomtrie, traduisit de nouveau l'Almageste, fit ressortir avec soin les
le

rat avoir

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LIVRE

VI,

CHAPITRE

I.

corrections que les auteurs de la Table vrifie avaient apportes aux dterminations de Ptolme, et y ajouta luimme de trs-bonnes remarques. S'il admit la doctrine au jourd'hui abandonne de la trpidation, des fixes, i\ ne faut
pas oublier que c'tait une ide grecque. Aussi doit-on repousser le jugement trop absolu de Delambre sur un savant
qui fut rellement un des promoteurs les plus actifs de l'astronomie.
L'intervalle qui spare les fils de Musa-ben-Schakir d'Albatgni se trouve aussi rempli par les observations d'Aboulbbas-Fadhl-ben-Hatem-al-Nairizi et par celles de Mohammed-ben-Isa-Abou-Abdallah, surnomm le Mahani.
Al-Nairizi s'appliqua surtout rectifier les erreurs quj
s'taient glisses dans les crits des astronomes d'Almamoun,
et qui avaient t reproduites jusqu' lui sans examen nouveau; observateur zl, excellent gomtre, il composa un
commentaire sur l'Almageste et laissa des tables qui taient
encore un sicle plus tard consultes avec fruit; Ebn-Jounis,
qui le cite trs- frquemment, lui reproche et l quelques inexactitudes, mais il se plat, en toute occasion,
rendre justice son mrite
La Bibliothque des philosophes , d'Al?ouzni nous fait
plus particulirement connatre le Mahani comme mathmaticien , mais la grande table hakmite nous le montre
marchant sur les traces des auteurs de la Table vrifie, et
dterminant avec une extrme prcision tous les phnomnes clestes survenus de son temps, clipses de soleil et de
lune , conjonctions de plantes, etc., de 854 868. Ces indications parses, dont on peut apprcier l'importance pour
l'valuation des moyens mouvements , nous font regretter
plus vivement que jamais la perte ou l'absence des ouvrages
,

originaux o elles sont consignes, et l'on ne comprend pas


que les voyageurs entretenus grands frais en Orienf
n'aient pas pour mission spciale de rechercher et d'acqurir tant

de manuscrits qui nous manquent, pt qui jetteraient

i. Voy. nos prolgomnes d'Oloug-Beg, introd.,


que nous avons cits dans cet ouvrage.

p. 19, et

la srie

des auteurs

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SCIENCES MATHMATIQUES.

un jour nouveau sur une des priodes


de

l'histoire

343

les plus intressantes

des sciences.

Albatgni (Albatanl) et le* Bon ou- imadjour.

On s'est accoutum considrer Albatgni, qui suit presque immdiatement leMahani, comme le reprsentant de
e
l'cole arabe au ix sicle, parce que son trait d'astronomie
nous est seul connu et l'on a mis sous son nom plusieurs
dcouvertes dont l'honneur revient de droit ses devan,

ciers.

nous a laiss quatre observade la lune, qui avec celles de


Thius sont utiles pour remplir les dserts qui sparent les
astronomes d'Alexandrie des astronomes modernes; il y a
dans les observations une lacune de douze treize sicles.
Cette opinion est compltement renverse par le tableau
que nous venons de tracer des premiers progrs de l'astronomie chez les Arabes; Bailly toutefois avait une excuse : il
ne faisait que rpter une erreur adopte presque gnralement par les savants du xvi e et du xvn e sicle. Montucla
n'tait pas plus heureux lorsqu'il attribuait Albatgni,
dans son Histoire des mathmatiques, la correction du
mouvement de prcession des quinoxes suppos par les
anciens d'un degr en cent ans. Cette correction avait t
faite longtemps avant lui: le mouvement de l'apoge du
soleil, inconnu Hipparque et Ptolme, et l'excentricit
de l'orbite de cet astre , avaient t galement signals ds
et il serait tout aussi tmraire d'afle rgne d'Almamoun
firmer qu'Albatgni eut la premire ide de la substitution
des sinus aux cordes, tant qu'on ne possdera pas et qu'on
ne pourra consulter les crits de ceux qui l'ont prcd.
Cet astronome si vant des Europens a jou chez les
Arabes le mme rle que Ptolme chez les Grecs tous
deux ont reproduit l'expos des connaissances acquises de
leur temps et leurs ouvrages ayant presque seuls surnag
au milieu des rvolutions des empires on n'a point hsit
les regarder comme la dernire expression de la science
grecque et de la science arabe mais, comme Ptolme,

Albatgni

tions d'clipss

disait Bailly,

du

soleil et

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LIVRE

344

VI,

CHAPITRE

I.

Albatgni fut dpass par ses successeurs


il

n'a

que

qu'un

titre fort

comme Ptolme,

contestable la qualification d'inventeur

certains crivains s'obstinent lui

l'heure n'est pas peut-tre loigne

il

donner encore et
sera enfin permis
,

de rendre chacun

le bien qui lui appartient


Albatgni observait Racca en 880 ; il mourut en 929 ; et
on lui doit assurment beaucoup de reconnaissance pour la
part trs-active qu'il a prise aux grands travaux de l'cole

de Bagdad combien il est regretter, dans l'intrt mme


de sa gloire, que ses Tables astronomiques, si clbres
dans tout l'Orient, ne nous soient point parvenues La version latine de son trait De Scientia stellarum que l'on
suppose tre de Plato Tiburtinus, et qui fut commente par
Regiomontan fourmille de fautes et malheureusement le
texte arabe n'a pu tre retrouv nous avons pourtant de
fortes raisons de croire qu'il existe dans la bibliothque du
;

Vatican et l'Escurial, et peut-tre un jour russira-t-on


rectifier les passages mal traduits. Dj Halley a propos
dans les Transactions philosophiques, un assez grand nombre
de corrections qu'il serait intressant de vrifier sur le texte
de l'auteur arabe, une copie de la traduction que contient
le manuscrit latin de la Bibliothque nationale, n 7266, et
que nous avons eu l'occasion d'examiner, tout en justifiant
sur quelques points l'opinion du savant anglais, offre en
gnral

les

mmes

erreurs que les ditions de 1597 et de

1645

Parmi les astronomes arabes qui fleurirent dans le mme


temps, nous devons encore mentionner Sehel-ben-Bashar
et Mohammed-ben-Mohammed-ben-Iousef-al-Samarcandi
qui contriburent par leurs observations perfectionner la
Table vrifie, Ali-Aboul-Hassan-ben-Ismal-Jauheri, Abou-

Djafar-ben-hmed-ben-Abdallah-ben-Habasch, Costa-benLuka, l'mule d'Alkendi Mohammed-ben-Alhosain-ben-Hamid-ben-Aladami, qui parat avoir fait usage des tables in;

1. Albatgni a t traduit en latin nar Plato Tiburtinus; deux ditions ont t publies de son livre de Scientia stellarum. toutes deux trs fautives. Nous avons
apprci Albatgni dans le t. I de nos Matriaux dj cits ; voy. aussi Boncompagni, Dlie versioni fatte da Platone Tiburtino,etc. Roma, 18SI

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SCIENCES MATHEMATIQUES.

345

diennes, etc., mais c'est aux fils d'Amadjour-al-Turki qu'il


faut assigner le rang le plus distingu.
Les Benou-Amadjour, et sous ce nom l'on comprend Ali-

ben-Amadjour et son fils Aboul-Hassan-Ali-ben-Amadjour,


observrent pendant prs d'un demi-sicle, de 885 933,
et rdigrent la Table al-bedia (la nouvelle, la merveilleuse),
ouvrant par leurs travaux une voie nouvelle d'importantes dcouvertes ; ils se faisaient aider ordinairement par un
affranchi appel Moflih qui composa lui-mme des tables
astronomiques, et ils avaient signal de notables diffrences
dans les mouvements de la lune tels qu'ils avaient t calculs avant eux, soit par les Grecs, soit par les Arabes;
,

Aboul-Hassan-Ali-ben-Amadjour remarqua aussi que les limites de la plus grande latitude de la lune n'taient pas constamment les mmes, comme le supposaient Ptolme et
Albatgni; il faut encore, sur ce point, rformer le jugement
que M. Biot a port sur les Arabes dans le Journal des Savanta (1843, p. 610). Si les Benou-Amadjour ne poussrent
point leurs investigations jusqu' la dcouverte d'une troisime ingalit ils avaient du moins fray la route leurs
,

successeurs

il

tait

impossible que des savants entrans

vers l'tude de l'astronomie par le seul dsir de connatre,

ne fussent point frapps des anomalies signales par les fils


d'Amadjour, et ne cherchassent point, aprs s'en tre
rendu un compte exact, les expliquer par des hypothses
nouvelles

\.

C'est en effet ce qui devait arriver cinquante ans plus


tard.

Le* prince* Boulde continuent


Mais dj

le khalifat

l'cruvrc

rAlniamoun.

d'Orient avait t branl par des r-

volutions successives; depuis la mort

d'Almamoun

(833)

douze princes avaient occup le trne; tous s'taient


montrs anims d'un amour clair des sciences et des lettandis qu'ils cherchaient oublier dans l'entretres
tien d'hommes instruits les dangers qui les menaaient,
;

1.

T.a

grande table Hakimite,

p. 106 et suiv.; Casiri,

jxi.wm, et no* prolgomnes

d'Oloug-Beg, p. 33.

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LIVRE

316

CHAPITRE

VI,

l'meute grondait aux portes de leur palais, et le dmembrement de l'empire musulman s'avanait grands pas. De
toutes parts, on l'a vu plus haut, s'taient leves des dyl'Espagne tait depuis longtemps
nasties indpendantes
;

bassides; en Afrique, les Edrissites,


dominaient Fez Miknasa,
les Medrarites
,
Sedjelmesse; les Rostamites et les Abdoulouates possdaient Tahart et Tlemcen ; Cairwan rgnaient ies gla-

perdue pour
les Mequinez

les

et dj les Falhi mites marchaient la conqute


de Tgypte dont les Thoulonides s'taient empars de 867
905. L'Orient tait le thtre de mouvements semblables.
Almamoun avait donn le funeste exemple d'accorder
Thaher, en rcompense des minents services qu'il en avait
reus, le Khorasan en toute souverainet. Dans la suite,
d'autres gouverneurs avaient sollicit le mme privilge et
taient devenus tout fait indpendants. A ces rebelles,
sous le prtexte spcieux de
il s'en tait joint d'autres qui
replacer la couronne sur la tte des Alides, avaient refus
d'obir aux descendants d'Abbas, et qui, n'ayant pu russir
dans leur projet principal taient du moins venus bout
de se saisir de quelques provinces et d'y rgner en souverains. Dj aux Thahrites avaient succd les Soffarides
(87-2-905) et lesSamanides (874) les Dilemites s'tablissaient
dans le Tabarestan en 927 enfin ies Bouides matres de la
Perse, allaient, sous le titre d'mirs-al-Omrah prendre
Bagdad les rnes du gouvernement, et, nouveaux maires
du palais, ne laisser aux Abassides qu'une autorit purement
nominale.
Au milieu de ces grands changements, l'impulsion imprime aux tudes ne s'tait point ralentie et dans la plupart des villes de l'empire la science avait ses reprsentants

bites,

Damas

Schiraz

Samarcande

l'astronomie tait tou-

jours cultive, et sous Thaher-ben-Abdallah , quatrime


prince de la dynastie des Thahrites, on faisait des obser-

une grande armille dont parle


Ebn-Jounis.
On peut croire cependant que les rvolutions qui se multipliaient avec tant de rapidit dans les tats musulmans

vations Nischabour avec

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347

par faire disparatre entirement pendant la


seconde moiti du x e sicle les dernires lueurs de L'cole
arabe si deux princes de la famille des Bouides AdhadEddaulah et Scharf-Eddaulah, n'avaient su ranimer le zle

auraient

fini

des savants en s'initiant leurs travaux en les encourageant par leurs bienfaits.
Aux Benou-Amadjour avait succd le shrif Aboul-Cassem - Ali-ben- Alhonain-ben -Mohammed -ben-Issa surhotum Ebn-al-Aalam qui fit de nombreuses observations
et rdigea une table astronomique dont nous n'avons malheureusement que le titre; mais si nous apprcions Ebn-alAalam d'aprs le sentiment des Arabes eux-mmes , c'tait
un homme trs-habile, et qui devait soutenir avec honneur
l'uvre de ses devanciers il dtermina d'une manire trsexacte la prcession des quinoxes, et les instruments dont
,

il

faisait

main.
Vers

usage pour ses observations taient fabriqus de sa


le

mme

Uranographie.
tout
,

temps, Abderrahman-Soufi composait son


avait cru d'abord que cet ouvrage tait

On

fait original

et

Hyde

n'hsitait pas placer l'auteur

au premier rang des astronomes de l'Orient nous savons


aujourd'hui qu'Abderrahman-Soufi avait seulement considr les grandeurs des toiles comprises dans le catalogue
;

dePtolme,

qu'il avait

qu'il s'tait content


afin

de

les rduire

au

conserv toutes

pour
1

er

les latitudes, et

les longitudes d'ajouter 12 42',

octobre 964

on ne peut douter

toutefois qu'il n'ait t observateur, et cet gard les as-

un jour confirmes par l'examen approfondi de ses ouvrages.


Adhad-Eddaulah apprit l'astronomie d'Ebn-al-Aalam il

sertions de ses contemporains se trouveront

tudia le ciel toil avec Abderrahman-Soufi, et

il

aimait

se vanter d'avoir eu de tels matres; ce J>rince, ami des let-

sa cour tous les hommes de science, et


ne reut pas comme Almamoun le surnom d'Auguste
des Arabes, on peut dire qu'il imprima une activit remarquable l'cole de Bagdad. Abdallah-ben-Alhassan-Aboulassem et At-Colzi se distingurent sous ses auspices;
tres, devait attirer

s'il

Djafar,

fils

tlu khalife Moktafi-Billah, crivit

un

trait

sur les

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LIVRE

348

comtes

VI,

CHAPITRE

I.

lmauzeli et Mogtabi sont galement cits avec

En Syrie , Alsaraki trouvait un protecteur clair dans Seif-Eddaulahet Al-Hassan-ben-Ahmed-al-

loge par Alzouzni.

Hamdani

originaire de l'Ymen

s'illustrait

par ses crits

aussi bien qu'Abou-Nasser-al-Comi.

Au-dessus de cette pliade de savants, dont nous possdons peine quelques fragments brillent les astronomes Alkuhi et Aboul-wfa , qui fleurirent sous les rgnes
d'Adhad-Eddaulah et de Scharf-Eddaulah non-seulement
les rcits des biographes , mais encore les traits qui nous
ont t conservs du dernier de ces auteurs, nous apprennent qu'ils firent un trs-grand nombre d'observations, et
qu'ils les comparrent attentivement celles de leurs prdcesseurs, compltant sur plusieurs points importants les
thories de l'cole d'Alexandrie.
Alkuhi - Vaidjan - ben-Vastem-Abou-Sahl , astronome et
gomtre, fut spcialement charg de dterminer de nouveau les mouvements des sept plantes et de discuter les
hypothses grecques. Ses ouvrages admirs de ses compatriotes, renfermaient sans doute de curieuses dcouvertes;
il ne nous a t transmis
de cet astronome que deux observations rapportes par Alzouzni
celles d'un solstice
d't et d'un quinoxe d'automne , de l'an 378 de l'hgire.
On ne sait gure quel degr de confiance accorder des
observations perdues pour ainsi dire dans un dictionnaire
biographique il est seulement un fait digne de remarque :
c'est qu' l'exemple d'Almamoun
Scharf-Eddaulah voulait que tous les astronomes contribuassent par leurs travaux au succs de l'uvre commune; Alkuhi tait sans
cesse entour des savants les plus estims de son temps :
Abou-Bekre-ben-Saber, Aboul-Hossein-Alkhuzi, Abou-IsaacIbrahim-ben-Helal , Abou-Saad-ai-Fadhl-ben-Polos-Alschi,

Aboul-wefa-Mohammed-ben-Mohammed-al-Haseb
Aboul-Hamed-ben-Mohammed-al-Sagani Aboul-HassanMohammed-al-Samari, Aboul-Hassan-al-Magrebi, etc. *.
razi,

l. Pour les princes Bouides, C.ibbon, t. X; Casiri, 1. 1, Wilken, Geschichte, etc.,


Berlin, 1835: Erdmann, Erlauterung, eic.,Kasan. 1836, et nos prolgomnes d'OlougBeg, introd., p, 44 et suiv.
Voy. aussi l'article que nous avons insr sur Abder-

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SCIENCES MATHEMATIQUES.

349

Dcouverte* nouvelle* $ Aboul-wfa signale la variation ou


troisime Ingalit lunaire.

Abou-Isaac, l-Sagani et boul-wfa taient des hompremier entretenait avec ses


; le
amis une correspondance mathmatique qui aurait pu servir
de modle des publications de ce genre fort rapproches
de nous le second tait profondment vers dans la mcanique, et c'est peut-tre lui que sont dus quelques-uns
de ces grands et magnifiques instruments dont les livres
arabes font mention. Ainsi l'obliquit de l'cliptique fut
observe l'an 995 de J.-C, avec un quart de cercle de
quinze coudes de rayon ; or cet instrument, suivant l'valuation ordinaire de la coude, ne pouvait avoir moins de
vingt et un pieds et demi; notre astronomie moderne, dit
Bailly, n'en connat pas de si grands ; mais ce qui est plus

mes d'un mrite minent

extraordinaire, c'est le sextant d'Abou-Mohammed-al-Chogandi, dont on s'tait servi en 992, et qui avait quarante

coudes de rayon le rayon tait donc de cinquante- sept


pieds neuf pouces environ nous avons donn la description de ce sextant, qui tait divis en secondes, et dmontr
que, dj au x e sicle, les Arabes possdaient le gnomon
;

trou, invention qui leur tait conteste.

Aboul-wfa, dont le nom a retenti si souvent au milieu


de nos discussions acadmiques, tait n en 939, fiouzdjan,
petite ville du Khorasan il vint s'tablir en 959 dans l'Irak,
;

et s'appliqua principalement corriger les erreurs des astro-

nomes qui

l'avaient prcd.

La table qui contient les rsul-

de ses observations, appele al-Zidj-al-Schamil (table


gnrale), fut commente par le seid Ali-Couschgi et son fils
le seid Hassan. Aboul-wfa, premier traducteur de Z)ophante, crivit beaucoup sur les diverses branches des
sciences exactes, et son Almagcste, le plus important de ses
ouvrages, nous a rvl des dcouvertes du plus haut intrt. On y trouve les formules des tangentes et des scantes
tats

rahman-Soufl dans le Supplment au dictionnaire de la conversation, notre Mmoire sur les instruments, astronomiques des Arabes, p. in t et Assemani , Globns clestis Cuf. Arab. 1790.
}

20

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LIVRE

350

VI,

CHAPITRE

dont les gomtres arabes faisaient le mme emploi qu'aujourd'hui dans les calculs trigonomtriques ; au temps d'lbatgni, on avait dj substitu les sinus aux cordes Aboul;

wefa

simplifiait,

un

sicle plus tard, par l'introduction des

tangentes, l'expression des rapports circulaires, d'abord

longue et

si

embarrasse.
Ce n'est pas tout frapp de l'imperfection de la thorie
lunaire de Ptolme, il vrifia les anciennes observations et
signala, indpendamment de Y quation du centre et de l'rection, une troisime ingalit qui n'est autre que la variation dtermine six cents ans plus tard par Tycho-Brah. On
a vainement cherch obscurcir la question en produisant
une version inintelligible de l'auteur arabe; les termes qui
constatent la dcouverte sont si formels et si positifs, qu'elle
si

elle prouve que l'cole


parvenue l'extrme limite des connaissances qu'il tait possible d'acqurir sans le secours des
lunettes et du tlescope. boul-wfa semble terminer cette
srie non interrompue d'observations, qui avait commenc
sous les premiers khalifes abbassides et s'tait continue
pendant deux cents ans; aprs lui, on n'a plus mentionner qu'Haroun-ben-Ali, qui se fit remarquer par ses nouvelles tables et son habilet dans l'art de construire les instruments 1

restera dsormais acquise la science

de Bagdad

tait

Au commencement du

xi sicle le

tlflqnes *e dplace; cole

centre des travaux elen1 im-jouni et la grande

du Caire;

table hakmite.

poque

de Bagdad s'efface peu


de rvolutions politiques incessantes. Mahmoud-le-Ghaznvide prend, en 997, le titre
de sultan et fonde un nouvel empire; bientt aprs les

peu

partir de cette

l'cole

l'Asie devient le thtre

Seldjoukides le remplacent, puis se divisent eux-mmes,


Kerman, d'lep,

et l'on voit s'lever en 1095 les sultanies de

i. Nous avons runi, dans le t. I de nos matriaux, etc., tout ce qni concerne
Aboul-wfa; les objections souleves l'Acadmie des sciences au sujet de la dcouverte de la troisime ingalit lunaire; les rponses que nous avons fuites.
Voy. les comptes rendus des sances de l'Acadmie des sciences, de 1836 18J1.
On y remarquera les expressions peu mesures de M. Biot dsertant le terrain de
la science pour se jeter dans des personnalits.

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COLE DE BAGDAD

SCIENCES MATHMATIQUES.

351

de Roum et de Damas, tributaires de la Perse. Alors que le


grand mouvement des croisades se fait sentir, et absorbe
pendant plus de deux sicles tous les autres intrts, au
milieu de ces luttes ardentes qui se compliquent de l'invasion des Mongols, le flambeau des sciences ne s'teint pas
entirement; seulement c'est en Afrique et en Espagne qu'il
son plus

jette

vif clat.

du x e sicle de notre re, l'gypte s'tait


spare du khalifat de Bagdad; la capitale des Fathimites
allait devenir pour les travaux scientifiques un centre nouDj, vers la fin

veau ; sous les rgnes d'Aziz et de Hakem, Alotkj et EhnJounis se distingurent par leurs vastes connaissances; le
second surtout, inventeur du pendule et du gnomon
trou
vou entirement l'tude de l'astronomie, allait se
montrer digne de marcher sur les traces d'Aboul-wfa et
,

rdiger son observatoire

du mont Mocattam

la

grande

table hakmite, qui succda dans tout l'Orient l'Almageste

de Ptolme et aux

traits

de l'cole de Bagdad

devait tre reproduite chez les Persans par

cette table

Omar Kheiam

(1079); chez les Grecs, dans la syntaxe de Chrysococca;


chez les Mongols, dans les tables ilkhaniennes de Nassjr-

Eddin-Thousi, vers 1260; chez les Chinois enfin, dans l'astronomie de Co-Cheou-King, 1280.
Ebn-Jounis mourut en 1007, et son zle trouva des imitateurs; Ben-al-Nabdi, qui rsidait au Caire en 1040, rapporte que la bibliothque de cette ville renfermait alors six
mille manuscrits sur les mathmatiques et l'astronomie, et
de plus deux globes clestes fabriqus l'un par Ptolme,
l'autre par Abderrahman-Soufi. Le plus illustre successeur d'gbn-Jounis fut sans contredit Hassan -ben-Haithem,
qui composa plus de quatre-vingts ouvrages ; il avait fait un
recueil d'observations dont on ne saurait trop dplorer la
perte, compos un commentaire sur l'Almageste, un autre
sur |es dfinitions qui sont en tte des lments d'Euclide,
et un trait d'optique traduit par Risner. Un opuscule de ce

mathmaticien intitul
des Connues gomtriques, offre
quelque analogie avec les porismes d'Euclide, qui ont fait si
longtemps le dsespoir des rudits, et l'on doit regretter le
:

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LIVRE

352

CHAPITRE

VI,

I.

peu d'encouragement que Ton donne des recherches entreprises pour remettre en lumire les curieux dpts des
connaissances d'un autre ge
1

11

faut bien l'avouer, la plupart des traits spciaux qui

existent dans nos bibliothques n'ont jamais t examins,

d'un autre ct, nous sommes loin d'avoir tous les crits
des auteurs justement clbres que nous venons de mentionner encore nous sommes-nous born parler des astronomes qui ont observ si nous avions voulu prsenter
la liste complte des savants de l'cole de Bagdad, nous auet,

rions eu bien d'autres

un regard sur

noms

enregistrer.

de jeter

Il suffit

ouvrages de Montucla, de Dherbelot,


d'Edw. Bernard, pour comprendre qu'en nous attachant ne
produire que des documents incontestables, nous n'avons
fait ressortir qu'une partie fort restreinte des travaux des
Arabes; le catalogue d'Alzouzeni, que Gasiri a mis si heureusement contribution dans le sicle dernier, offre galeles

ment de nombreuses

On

lacunes.

appuy sur l'ignorance o nous sommes de tant


de manuscrits prcieux que l'Orient nous cache encore,
pour soutenir que les Arabes s'taient peine levs la
s'est

hauteur des hypothses grecques, et qu'ils ont tout

une

leurs rves astrologiques;

admise

s'il

s'agissait

crmonies et

sacrifi

telle assertion pourrait tre

des Chinois qui, transportant dans

le

grands dignitaires de la cour impriale, faisaient marcher arbitrairement les corps clestes,
et qui n'ont eu jamais d'astronomie proprement dite; mais,
applique aux Arabes, elle ne saurait soutenir l'examen. On
a dit que la science avait t cultive sous les khalifes
abbassides cause de l'astrologie plutt que par le sentiment
de sa propre beaut; le premier de ces deux motifs n'exclut
pas l'autre, et lorsqu'on voit les Arabes, excits par le seul

ciel les

les

l. La grande table hakmite d'Ebn-Jounis est encore indite. M. Caussin en a publi des extraits dans les notices des man. de la Bibt. nation.; voy. aussi les beaux
travaux de J.-J. Sedillot dans V Histoire de l'astronomie au moyen ge de DiM amOn peutcons. Histoire du collge de France, t. III, p 364; notre notice
bre.
sur Hassan-oen-Haithem ; son Opticx Thsaurus, publi par Kisner, Basil., 1572;
Assemani, Glob. Cl. cuf. arab., p. 33 Montucla, Histoire des mathmatiques, t. I,
p. 359; Aboul-pharadje, p. 223 et 340, et nos prolgomnes d'Oloug-Beg, introd.
p. 72.

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COLE DE BAGDAD; SCIENCES MATHMATIQUES.

333

que

celui

dsir de s'instruire, poursuivre, sans autre mobile

de la vrit, le dveloppement des diverses branches des


connaissances humaines, on admire sans restriction les efde ce peuple nouveau, qui a favoris par son noble
exemple la renaissance des lettres et des arts en Europe.
Sans doute l'astrologie marchait ct de la vraie science
mais elle tait pour elle, au temps qui nous occupe, un

forts

utile auxiliaire; les astrolabes, ces

cation

si facile,

instruments d'une appli-

s'taient multiplis l'infini, et l'habitude,

devenue presque gnrale, de porter ses regards vers la


vete cleste et de suivre avec attention le mouvement des
plantes, devait entraner les esprits suprieurs,

imbus de

la

lecture des livres grecs, la recherche des lois qui rgissent


l'univers.

Astronome* de l'EMpagne

et

de l'Afrique occidentale

Nous manquons encore plus de renseignements sur


coles

si

les

clbres de l'Espagne et de l'Afrique occidentale

qui se sont occups dans ces derniers temps


des annales de la Pninsule, sont cet gard d'une faiblesse
dsesprante; Casiri, Middeldorff, deGayangos, n'ont pu que
les historiens

constater le

mouvement

littraire

que

les khalifes

de Cordoue

avaient encourag dans toute l'tendue de leurs tats, et qui


se fit ressentir encore plusieurs sicles aprs eux. On sait

que

Sville, Cordoue, Grenade, Murcie, Tolde, etc., avaient


de riches bibliothques, et des collges o les mathmatiques taient enseignes. Malheureusement les matres de la
science nous sont presque aussi inconnus que leurs uvres; le nom d'Arzachel est cependant assez clbre pour
qu'on lui consacre une mention particulire, et ceux de Moslemah-al-Magrithi d'Omar-ben-Khaldoun d'Iacoub-benTarik, d'Ebn-abi-Thalta, d'Ebn-al-Massih, de Djaber-benAfflah et d' Averros, ne doivent pas tre passs sous silence.
Moslemah-al-Magrithi, contemporain de l'astrologue Aben,

Ragel, donna

un

extrait des tables d'Albatgni, et les au-

teurs des Tables alphonsines paraissent s'en tre beaucoup


servis.

Ebn-abi-Thalta

fit,

pendant trente annes conscu-

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354

LIVRE

VI,

CHAPITRE

I.

des observations rputes trs-exactes; Arzaehel suidirection; outre quatre cent deux observations
pour la dtermination de l'apoge du soleil, il en avait fait
d'autres dont on n'a pas tenu compte, et qui tablissent avec

tives,
vit la

mme

une prcision remarquable

la

valeur relle

du mouvement

de prcession des quinoxes; elle tait ses yeux de 49


50", et nos tables modernes portent 50". On sait que Ptolme, Thon et Proclus faisaient la prcession de 36'. Nous
avons dmontr qu'ils n'avaient pas su tirer parti des dterminations d'Hipparque, puisque ces dterminations donnent
pour rsultat 46",8. M. Biot, qui s'tait attribu le mrite
de cette remarque aprs avoir eu notre travail entre les
mains, a reconnu notre droit de priorit, dans le Journal
des Savants (1843, p. 719); mais il ne dit pas que les Arabes
avaient atteint les dernires limites de l'exactitude, dans
leur thorie de la prcession. Arzacjiel se servait, pour ses
observations, d'instruments de son invention. Il avait con,

un shafiah qui porte son nom (Zarcallicum), et si l'on


en croit Al-Makkari, ses horloges excitaient Tolde l'admiration gnrale. Les manuscrits latins de la Bibliothque
nationaje contiennent la traduction de quelques opuscules
d'Arzachel qui font vivement regretter la perte des principaux traits de ce savant.
Delambre, en le prsentant comme l'auteur des Tables
toltanes, ajoute que ces tables n'inspirrent pas une grande
confiance, et qu'on leur prfra toujours celles d'Albatgni;
c'est une erreur, que les astronomes du roi Alphonse, co-

struit

contriburent h rpandre. Aben-Ezra


une haute admiration pour Arzaphel; il nous fait
connatre son hypothse sur l'excentricit du soleil, hypothse qui consistait faire tourner dans un petit cercle |e
centre de l'excentrique, ainsi que Ptolme en avait donn
l'exemple pour la lune. Aboul-Hassan de Maroc, qui le cite
frquemment, nous apprend aussi qu'AIkeipap! avait dduit
pistes d'Albatgni,

professait

des observations d'Arzachel trois tables fort estimes.


Djaber-ben-Afflah de Sville, est auteur d'un petit trait
que Grard de Crmone traduisit en latin, et dont une analyse rapide se trouve dans l'histoire de l'astronomie de De-

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COLE DE BAGDAD; SCIENCES MATHMATIQUES.

^55

lambre. Il est difficile de dterminer l'poque laquelle


Djaber crivait. Weidler le croit postrieur Arzachel, et
nous nous rangeons de son avis. Quant au mdecin Averros,
dont nous parlerons plus loin, i| Qorissait vers 1150 et s'tait, sans aucun doute, occup d'astronomie; on lui attribue un commentaire sur PAlmageste; il aimait observer
et avait cru apercevoir un point noir sur |e soleil, un jour
o le calcul lui annonait un passage de Mercure. Nous
avons fait connatre un opuscule sur la trigonomtrie sphrique d'un certain Aboul-Walid, qui n'est autre qu'AboulWalid-Mohammed-ben-Roschd ou Ayerros.
Nous pourrions comprendre dans cette nomenclature bien
des savants dont parle Casiri, et qui, jusqu'au xr sicle,
cultivrent les mathmatiques avec succs; mais nous ne

remarquons parmi eux aucun observateur proprement dit,


et le titre des ouvrages qu'ils ont composs n'est pas mme
indiqu il y a encore l une lacune remplir
Pendant cette priode, qui finit avec le moyen ge, l'Afrique occidentale ne resta pas inactive; Ceuta et Tanger,
Fez et Maroc, rivalisaient avecCordoue, Sville et Grenade;
de leurs coles sortaient des professeurs habiles, et de nombreux traits sur toutes les branches des sciences tmoignent
de leur ardeur infatigable. Alptrage et Aboul-Hassan nous
sont seuls aujourd'hui connus par leurs crits le premier,
Iui florissait vers 1150, observait cette poque l'obliquit
e Tcliptique. Rvolt la lecture de Ptolme, de cette
1

complication d'excentriques et d'picycles tournant autour


de centres vides et mobiles eux-mmes, il proposa un nou-

veau systme tomb depuis dans un oubli profond, mais


qui dcle- une heureuse tendance se dgager des fausses
hypothses de l'antiquit; le second, Aboul-Hassan, observateur clair, parcourait au commencement du xm e sicle
le midi de l'Espagne, une grande partie de l'Afrique septentrionale, et relevait la hauteur du ple dans quarante et une
l. Middeldorff, Commentatio de imtituti$ litterariit in Hitpania anse arabes
auctores habuerunL Gott., mo; Al Makkari, d. de Gayangos; Casiri, pastim;
notre dition d'Aboul-Hassn , introd., p. 8 , et notre mmoire sur les instruments
astronomiques des Arabes, 1845.

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LIVRE

356

VI,

CHAPITRE

I.

jusqu' la cade l'gypte, c'est--dire sur un espace de neuf cents


Des commencelieues de l'est l'ouest. Son livre, intitul
ments et des fins dont la traduction, publie par nous en
1834 et 1836, mrita J. J. Sdillot, mon pre, un des
grands prix dcennaux en appelant l'attention des rudits
sur plusieurs points obscurs d'astronomie et de gographie
mathmatique, a fait faire un pas important la science et
prouv que si tous les monuments de cette poque taient
srieusement explors, on serait assur de recueillir une
ample moisson de dtails curieux et intressants 1 les Arabes s'affranchissent peu peu des rgles tablies ce respect
superstitieux pour tout ce qui vient des anciens, reproch
par Halley lbatgni, s'efface de plus en plus, les thories
de Ptolme sont attaques avec force et l'immobilit de la
terre mise en question on peut dj pressentir Copernic.
villes,

depuis Ifrane, sur

la cte occidentale,

pitale

En Orient

l'astronomie est cultive sons les auspices de nouveaux conqurant h qui cdent a 1 Influence de lu civilisation

Revenons

l'Orient, qui n'avait pas cess d'tre

commencement du xr

en feu

Les conqutes de
Mahmoud le Gaznvide, l'invasion des Turcs seldjoukides,
les croisades, la destruction du khalifat du Caire en 1171,
par Saladin, le premier des sultans aoubites, celle du khalifat de Bagdad, par le khan des Mongols Houlagou, en 1258,
avaient modifi profondment la situation politique de l'Asie;
la science cependant tait reste en honneur, et ses reprsentants n'avaient point laiss prir le dpt confi

depuis

le

sicle.

leurs soins. On n'a, jusqu' prsent, aucune donne exacte


sur les travaux qui se rattachent cette longue priode
quelques noms seuls ont surnag; Alcasari, mort Bagdad

en 1022; Avicenne, mdecin et astronome, mort en 1036;


Fath-ben-Nagebah, constructeur d'astrolabes, mort en 1058;
Abou-Feth-Abderrahman, vers 1064 et une poque incertaine, Al-Tonukhi, Al-Hassan-ben-Masbah, Alkhasen,Mohammed-ben-Omar-Alpherkan, etc. - Almon observait l'obliI.

Delambre, Astronomie au moyen ge.

Dechalles, Cur$.

mathm.

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COLE DE BAGDAD

SCIENCES MATHMATIQUES.
1140; on voyait fleurir

quit de l'cliptique en

357

Damas

Altuphiki vers 1120; Ispahan,

Abdallah-ben-Schakerben-Ali-al-Mothaher-Almadani vers 1170, et Abou-Hanifah, auteur de tables astronomiques estimes vers 1220;
Meragah, Schamoul-ben-louda vers 1160; enfin, nous trouvons Bagdad Algazel (Abou-Ahmed) en 1090, Hebath-Allah en 1120, Alkhacani mort vers 1135; Mobaschar-benAhmed, mort en 1 193 Mohammed-ben-Mobaschar, mort en
1
1221, et Nassir-Eddin-Thousi, dont il sera question plus loin
Des circonstances heureuses entretinrent l'activit scientifique des esprits; pendant que le khalifat d'Orient perdait
successivement ses plus belles provinces, les vainqueurs
rendaient hommage la supriorit intellectuelle de ceux
qu'ils venaient de soumettre en tudiant leurs livres, en s'clairant de leurs lumires; Mahmoud le Ghaznvide (9971030), appelait sa cour Albirouni, dont la rputation devait s'tendre dans tout l'Orient; Gelal-Eddin-Melik-Schah
(1072-1092), sultan seldjoukide, runissait autour de lui l'lite des astronomes de son temps et donnait son nom
Y re glalenne; deux cents ans plus tard le petit-fils de
Gengis-Khan (Tchinghiz-Khan), Houlagou, matre de Bagdad
(1259), confiait Nassir-Eddin-Thousi la direction du nouvel
observatoire de Alragah, tandis que Gemal-Eddin transportait en Chine avec le khan suprme Kublai les sciences des
Arabes. Le sultan Mamelouk Mohammed-ben-Kelaoun (13101341) protgeait les lettres, et au milieu des troubles qui
clatrent aprs sa mort, Ebn-Schathir observait Damas
et composait des tables encore plus exactes que celles de
ses devanciers ; enfin les premiers sultans ottomans ne se
montrent pas moins favorables aux travaux de l'intelligence,
et d'un autre ct le Tartare Oloug-Beg, petit-fils de Tamerlan (Timourlenk), fonde au xv e sicle, un observatoire
Samarcande, prside lui-mme aux observations astronomiques et laisse dans ses tables, comme on le verra plus
loin , un monument glorieux de ses efforts et de son gnie.

I. Voy. no9 prolgomnes d'Oloug-Beg, introd,, p. 86; Bouillau, Astronomia


1645; d'Herhelot, Bibl or: Chardin, Voyage en Perse, etc. M. Bioi,
dans le Journal des lavants, a port sur Aboul-Hassan uu jugement contre lequel
uoub avons protest (Bulletin de Ui socit de gographie, dcembre 1851).

philolatca,

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LIVRE

3f>8

VI,

CHAPITRE

I.

Le Envldes et Al-Mrowil.
C'est vraiment

fluence de

un

spectacle imposant

que de voir

l'in-

arabe triompher de la barbarie de


ces conqurants du Nord qui s'abattent sur l'Asie occiden-?
taie et mridionale; Albirouni (bou-Rihan-Mohammed-s
la civilisation

ben-Ahmed),

le

conseiller et l'ami de

Mahmoud

le

Gazn-

vide (1030), profita d'un sjour prolong chez les Hindous


pour changer avec eux les connaissances de l'cole de

Bagdad contre les traditions de l'Inde ancienne et moderne;


s'il retrouva au milieu de ces traditions des traces de la
science grecque importe en Orient vers les premiers sicles
de l're chrtienne , ou plus tard par les Nestoriens il dut
,

communiquer

ses htes les dcouvertes de ses compatriotes et rpandre sur son passage bien des ides nouvelles,

tes Hindous

comme

emprunt du dehors
sances scientifiques.

les
la

Il

Chinois paraissent, en

effet, avoir

plus grande partie de leurs connais-

est vrai

que le Sind-Hind (Siddhanta),

traduit en arabe sous le khalifat d'Almanzor, semble avoir,

sur quelques points, un caractre d'originalit; mais s'il y


eu dans l'Inde, du temps d'Alexandre, une science

avait

astronomique dj avance Aristote l'aurait su et l'aurait


dit. Il est probable que les Grecs exils qui portrent en
Asie les ides grecques, aux premiers sicles de l're chrtienne, y introduisirent leurs propres mthodes, qui pouvaient fort bien diffrer de l'Almageste de Ptolme; voil
pourquoi les Arabes, qui puisrent dans un trait hindou
leurs premires notions d'astronomie mathmatique, nommrent la gomtrie la science de l'Inde, cercle indien
l'instrument dcrit par Proclus pour dterminer la ligne
mridienne, chiflFres indiens le sYstme de numration d,

cimale, qui appartient, selon toute apparence, l'Occident,


et qu'ils attriburent une origine indienne la trpidation

des fixes, qu'on trouve indique dans Thon. Quant au zodiaque lunaire, dont les anciens livres des Hindous font mention et dont M.Biot a essay rcemment, par une misrable
confusion de mots, faire, bien tort, honneur aux Chinois , il ne faut pas en chercher l'ide premire chez tel ou

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ECOLE DE BAGDAD
tel

peuple

les

mouvements de

elle est

SCIENCES MATHEMATIQUES.

commune toutes les nations


la

359

qui ont pris

lune pour base de leur calendrier 1

qui dclare lui-mme avoir fait pour les Hindous des extraits des manuscrits grecs et arabes exera
longtemps, en Orient, une trs-grande influence; partout

Albirouni

on s'en rfre son autorit le gographe Aboul-Feda lui


emprunte ses tables de longitude et de latitude des lieux
boul-Hassan de Maroc s'appuie sans cesse sur
terrestres
ses opinions en astronomie; tous les mathmaticiens le
citent avec loge, et si ses principaux ouvrages ne nous sont
pas parvenus les fragments que nous possdons de ce savant suffisent pour faire reconnatre en lui un mrite aussi
solide que vari.
;

lscs

Seldjoukides et Omar-Helam ; rforme du calendrier


per*an.

Les observations astronomiques ordonnes cinquante ans


plus tard par le sultan seldjoukide Melik-Schah condui-

en 1079, tte rforme du calendrier qui prcde


rforme grgorienne, et qui est mme plus
exacte Y Annuaire du bureau des longitudes de 1851 donne,
pour l'anne moyenne, trois cent soixante-cinq jours 2422,
et suppose que la nouvelle anne persane ne prsentait
qu'une erreur de deux jours en dix mille ans, tandis que
l'erreur est encore de trois jours par l'intercalation grgorienne; les astronomes arabes, la tte desquels se trouvaient Omar lkheiam et Abderrahman-Hazeni, avaient t%
beaucoup plus prs de la vrit; au lieu d'adopter unifor-*
sirent,

de

six sicles la
;

mment huit bissextiles en trente-trois ans, ils comptaient


trente-neuf bissextiles en cent soixante et un ans, ce qui
donnait, pour l'anne moyenne, trois cent soixante-cinq
jours, 2422, la mme prcisment que celle de nos tables
modernes 2

.Voy. nos Matriaux, t.


Aboul-Pharadje, p. 2.>9 ci 348 ;

II ; Casiri , Bibl. hisp, arab. Escur.,L I. p. 32;


le mmoire sur l'Inde, de M. Keinaud , 184-1846 ,
et notre rapport dj cite.
2. Prolgomnes <i'Oloug-Beg , p. 309 du texte, et les notes que nous y avons
jointes; Beveridje, Instit, ahronolng., 1 734 { Velehii, Comment, in ruzname naurus, u
V Annuaire du breau des longitudes de 1850. et les articles que nous
avons donns dans le Bulletin de la socit de gographie, 4 srie , t. I , p. 165 et
suivantes.
.

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360

LlVltfc

Ni,

CHAPITRE

I.

Le* Mongol* et NatMilr-Eddln-ThouMl; l'astronomie arabe


pntre la Chine.
L'histoire des sultans seldjoukides se confond, partir

du xn e

sicle avec les grands rcits des croisades et pendant la dure des guerres saintes, l'tat des sciences, en
Orient, reste couvert d'un voile que personne n'a encore
soulev. Il tait certain toutefois, que les tudes srieuses
n'avaient point t abandonnes, puisque le khan des Mongols Houlagou accueillait sa cour (1259) des hommes
distingus par leur savoir en mathmatiques et en astronomie.
Le plus illustre de ces savants, Nassir-Eddin-Thousi, auteur des Tables Ilkhaniennes, encourag par les bienfaits de
son nouveau souverain, fit lever l'observatoire de Mragah,
rassembla soigneusement les manuscrits pars dans le Khorasan, en Syrie, Bagdad et Mossoul, et s'attacha perfectionner les instruments dont il devait se servir pour ses observations. Un trou, pratiqu sur la coupole mme de l'difice,
permettait de connatre, par la projection des rayons du soleil, les degrs et les minutes de son mouvement diurne, sa
hauteur dans les diverses saisons de l'anne et la succession
des heures. C'tait une nouvelle application du Gnomon
trou, employ par les Arabes ds le x e sicle; de grandes ar,

un mural que l'on a compar celui de Tychodes quarts de cercle mobiles, des sphres clestes et
terrestres formaient, avec des astrolabes de toute espce
'un matriel considrable. Nassir-Eddin, aid dans ses oprations par Mouvvaiad-Eddin-l-Oredhi de Damas AlfakrEddin-Alkhalathi de Tflis , Nedjm-Eddin-ben-Debbiran de
Cazwin, Fakr-Eddin-Almaraghi de Mossoul, Mohi-Eddin-alMagrebi, etc., termina, en douze annes, un travail qui
d'aprs les premiers calculs, devait en exiger trente. On sait
maintenant qu'il se contenta de reproduire la table Hakmite
d'Ebn Jounis en y introduisant un petit nombre de modifications utiles; mais il n'en est pas moins vrai qu'on se
livra ds lors, avec une nouvelle vivacit, aux observations.
Les Tables ilkhaniennes, abrges par li-Schah-al-Bokhari,
par Alnoddam, et par Nedjm-Eddin-al-Neboudi, et corriges
milles,

Brah

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ECOLE DE BAGDAD; SCIENCES MATHMATIQUES.

361

par Gaiath-Eddin-Djemschid-ben-Massoud-lkhatibi furent


suivies dans toutes les coles jusqu'au temps d'Ebn-Schathir,

qui apporta, en 1360, quelques changements aux


admis par ses devanciers.

rsultats

Les' Mongols de la Perse rendaient donc l'cole arabe


une partie de son ancien clat; d'un autre ct, KublaKhan, frre de Houlagou, achevait la conqute de la Chine
et transportait dans le cleste empire les traits des savants
de Bagdad et du Caire. Co-Cheou-King recevait, en 1280, du
persan Gemal-Eddin, les tables d'Ebn-Jounis, et les tudiait

dans tous leurs dtails. L'expos de ses travaux par Gaubil


en rvle clairement l'origine K
Kbn-Sehathlr et le sultans mamelouks.

Ebn-Schathir, qui, vers


hriter de la

le

milieu

du

xiv e sicle, devait

renomme de Nassir-Eddin-Thousi,

tait ori-

Damas. Ed. Bernard rapporte quelques-unes de


ses observations dans une lettre adresse Flamsteed, et
fixe la date exacte de ses travaux. Dherbelot nous apprend
que Schems-Eddin-al-Halebi, Schehab-Eddin-Ahmed-benGatemallah-ben-Alhasseb et Mohammed-ben-lbrahim, surnomm Ben-Zrin-AIkhairi se rglrent, pour la composition
de leurs tables astronomiques, sur celles d'Ebn-Schathir,

ginaire de

mais ces ouvrages n'ont t

l'objet

d'aucun examen

et

si

catalogues des principales bibliothques de l'Europe en


mentionnent et l quelques-uns, ces prcieux dbris
vont grossir le nombre des manuscrits dont les auteurs sont

les

rests inconnus

et

que personne ne

s'est

donn

la

peine

de parcourir*.
Les Timon rides; Oloug-Bejc fonde l'observatoire de feJamarcaude
et dresse de nouvelles tables astronomiques.

Pendant qu'Ebn-Schathir publiait ses tables Damas, sous


Raschid-cldin, Mit. des Mongols, trad parM. Quatremre; Jourdain, Mmoire
sur l'observatoire de Mragah; Bailly, Histoire de l'astronomie moderne, X. I;
Souciet, Observations, eu*., t. I, p. 202; noire Lettre au bureau des longitudes,
le t. II de nos MatParis, 1834; non prolgomnes d'Oloug-Beg p. 101
riaux, etc., et l'art de M Bazin dans le journal asiatique, 1852, p. 356.
2. Ed, Bernard, Philosoph. transact., n* 163, p. 721 ; Veterum mathematicorum
synopsis, p. 25; catalogue des manuscrits de la bibliothque de Leyde. d'Angleterre
et d'Irlande, etc.; GnHut ad A Ifergon. Noue, p. 252; D'Herbclot, Hibliotn. orientale; Flamsteed, llist. c<el. profe^omwto, p. 28.
!.

21

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LIVRE

VI,

CHAPITRE

I.

un nouveau conqurant
au nord de l'Asie. Tamerlan (Timour-lenk) simple
mir de Kesch, aprs avoir fait ses premires armes dans la
province de Khiva, profitait de l'affaiblissement de la domination mongole pour fonder Samarcande un empire qui
devait bientt prendre des dimensions colossales.
Matre de la Transoxiane en 1370, Tamerlan soumet sucle Khorasan
cessivement le Kaptschak , le Kharizme
VAderbidjan, la Gorgie. Aprs avoir vainement attaqu les
Mamelouks , il se replie sur l'Orient et va conqurir le TurDelhi tombe
kestan et la Perse quelques annes aprs
en son pouvoir, et l'Inde reconnat ses lois. 11 reprend alors
l'excution de ses projets contre les Mamelouks, se jette sur
la Syrie, saccage Damas, dont il dtruit la clbre mosque,
et ruine Bagdad en 1401.
L ne s'arrtent pas les succs du vainqueur de tant de
peuples; appel par Michel Palologue et par des mirs
indpendants que menaaient les Turcs ottomans, il marche
la rencontre du sultan Bajazet, le dfait la bataille
d'Ancyre, et dispose de ses tats en faveur de Musa.
Ces rapides et vastes conqutes avaient renouvel les prodiges du rgne de Gengis-Khan la Chine cependant manquait encore l'ambition du nouveau souverain de l'Asie
au moment o il allait envahir le Cathay et venger les descendants de Kubla, chasss en 1368 du cleste empire,
il expire dans la ville d'Otrar (1405) l'ge de soixante-neuf
ans. Sa mort entrane aussitt le dmembrement de la mon%||hie qu'il avait fonde les contres situes l'ouest du
Tigre^au nord de l'Araxe, au sud et l'est du Sihoun, recouvrenWfe*c indpendance; la Perse, la Transoxiane et les
provinces septentrionales de l'Hindostan seules sont maintenues dans l'obissance par la sagesse et la fermet de
Schah-Rokh, quatrime fils de Tamerlan qui rgne paisiblement jusqu'au milieu du xv* sicle.
la

protection des sultans mamelouks,

s'levait

tait devenue la ville la plus riche et la plus


de l'Orient; Tamerlan y avait attir des savants,
des gens de lettres, des artistes clbres; lui-mme possdait quelque teinture des mathmatiques et de la philoso-

Samarcande

florissante

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COLE DE BAGDAD; SCIENCES MATHMATIQUES.

363

dans sa capitale une acadmie des


phie et
sciences. Schah-Rokh, imitant son exemple, composa une
magnifique bibliothque, et profita de ses relations avec les
principaux souverains de son temps pour acqurir les ma,

il

avait institu

nuscrits les plus rares et les plus prcieux.


Lorsqu'il eut transport sa cour Hrat,

perdit rien de sa splendeur; Oloug-Beg,

fils

Samarcande ne
de Schah-Rokh

charg du gouvernement de la Transoxiane, se livra tout entier, l'ombre de l'autorit paternelle, son got naturel

pour l'astronomie. Prsidant lui-mme aux observations, il fit


dresser de nouvelles tables qui ont immortalis son nom et
qui forment le complment ncessaire des travaux de l'cole
arabe. Afin que les dterminations fussent exactes, il n'avait
rien nglig pour se procurer de bons instruments le quart
de cercle dont il se servait dans ses relevs de la hauteur du
ple Samarcande tait aussi haut que l'glise de Sainte;

Sophie, Constantinople il devait avoir, par consquent,


prs de cent quatre-vingts pieds; l'ide premire de ces
grands instruments n'appartenait pas, il est vrai, OlougBeg, ainsi qu'on l'a vu plus haut, mais c'tait un mrite
;

que d'en avoir compris toute l'importance et d'en avoir fait


une heureuse application. Parmi les savants que cet illustre
prince avait runis autour de lui, se trouvaient Hassan-

Tchelebi, vulgairement appel Cadhi-Zadeh, Gaialh-el-Milah-el-Din-Djemschid et Ali-ben-Mohammed-Koschdji qui


seul survcut son matre. ces noms justement sauvs de
,

il faut joindre celui de Meriem-al-Tchelebi


fils de
Cadhi-Zadeh qui composa un excellent commentaire sur
les tables d'Oloug-Beg, et Mahmoud-Schah-Cholg , dont
Greaves a fait connatre un intressant opuscule.
Oloug-Beg est considr, juste titre, comme le dernier
reprsentant de l cole de Bagdad un sicle et demi spare
peine de ce prince l'immortel Kepler, qui renversa de
fond en comble les hypothses et les mthodes grecques, et
qui par la nouveaut et la grandeur de ses conceptions
devint l'un des crateurs de l'astronomie moderne 1

l'oubli

!.

Comparer Dclambre, Histoire de Vagronomie au moyen ge, et nos prolgoParis, 1847; Kehr, Monarvhi asiatico saracenic* stai. etc.;

mnes d'Oloug-Beg,

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3G4

LIVRE

Le Arabe tudient

VI,

CHAPITRE

i.

mathmatique!* pure*; algbre


nuuiratlou dcimale; gomtrie.
le*

En cultivant la science des astres les Arabes devaient


donner une attention toute particulire aux diverses branches des mathmatiques; ils firent en effet, dans cette direction, des travaux considrables, et l'on peut dire que,
sous ce rapport, ils ont t nos instituteurs. Non-seulement la
,

gomtrie, l'arithmtique et l'algbre, mais l'optique et la


mcanique firent entre leurs mains de remarquables progrs les pneumatiques et les hydrauliques de Ctsibius et
de Hron d'Alexandrie avaient t traduites; il en tait de
mme du livre des machines de guerre de Hron le jeune,
et l'on sait que Golius apporta de l'Orient une version du
trait appel Barulcon. Mais si les ouvrags spciaux des
Arabes sur celle partie de la science nous manquent aujourd'hui
si nous avons regretter l'ouvrage que Hassan-benHaithem crivit sur la vision directe, rflchie et rompue, et
sur les miroirs ardents, du moins pouvons-nous citer l'optique d'lhazen, qui offre des rflexions judicieuses sur la
rfraction, sur le lieu apparent de l'image dans les miroirs
courbes, le foyer des miroirs caustiques, sur la grandeur
apparente des objets et le grossissement du soleil et de la
lune vus l'horizon.
L'algbre reut aussi d'utiles applications chez les Arabes,
;

qui lui donnrent son nom d'algebr w mocabalah (opposition et rduction). L'origine indienne de cette science n'a

pas t jusqu' prsent dmontre, et si le trait de Mo


hammed-ben-Musa, compos d'aprs les ides des Hindous,
prsente de notables diffrences avec les fragments que

nous possdons de Diophante tout fait prsumer que la


mthode usite dans l'Inde tait une importation grecque
nous avons expos ailleurs les considrations qui tendent
justifier cette opinion; nous ajouterons que l'algbre ne
devait pas rester stationnaire entre les mains des Arabes qui
ont trait les premiers des quations cubiques. Malheureusement, les documents historiques que nous possdons sur
,

Lipsia\ 172
l'aris,

notre

mmoire sur

i&3y, et la vie

les monnaies dos TmonriiJes de


du sultan Srliah Itokh par M. Quaiien. ie.

la

Transoxiane,

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COLE DE BAGDAD; SCIENCES MATHEMATIQUES.

3(;ri

branche des mathmatiques se rduisent bien peu


de chose, et si nos propres recherches ont confirm les hypothses de Montucla, on doit regretter qu'on n'ait pas attach plus d'importance aux traits d'algbre que l'cole de
Bagdad a mis au jour. Nous en dirons autant de l'arithmtique, que les Arabes nous ont transmise avec notre systme de numration; nous ne possdons pas encore une
seule version authentique d'un de leurs ouvrages sur les

cette

nombres ou algorithmes; ce que l'on sait aujourd'hui incontestablement, c'est que les Hindous n'ont adopt l'usage
des chiffres qu' une poque fort moderne, et que, selon
ils les avaient reus de l'Occident. Les
Arabes les leur empruntrent leur tour, et nous les transmirent sous une forme diffrente. On suit avec intrt les
diverses modifications que subirent les chiffres en Afrique
et en Espagne, au moyen ge, avant de nous arriver tels
ue nous les employons prsent. C'est galement aux
rabes que nous devons les petites figures qui servent
dsigner dans nos almanachs les sept plantes des -nripns\
En gomtrie, nous sommes un peu plus au courant des
travaux de nos devanciers; ds le rgne d'Almamoun
Euclide
Thodose
Apollonius
flypsicls et Mnlaus
avaient t traduits; les traits d'Archimde de sphra et
cylindro, et probablement ses autres crits, taient comments, et les productions multiplies des gomtres arabes
prouvent que, pendant plusieurs sicles, ils s'occuprent
des questions les plus ardues de la science l'ardeur qu'ils
apportaient dans leurs discussions se rvle surtout par
leur correspondance matfimatique
dont nous avons recueilli des fragments.
On a longtemps prtendu que les Arabes n'avaient fait
que copier les Grecs; l'on ne peut plus maintenant soutenir une semblable thse sans tre tax d'ignorance et d'erreur; non-seulement nous devons de la reconnaissance
l'cole de Bagdad pour nous avoir conserv les plus impor-

toute apparence

l. Consultez nos Matriaux pour servir l'histoire compare des sciences mathmatiques hez les Tires et les Orientaux, 845- 1849, t. I, nos prolgomnes
d'Olotig-bei, lntrod. et pa-e 77 de In traduction.
1

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LIVRE

360

VI,

CHAPITRE

I.

tants crits des savants d'Alexandrie, mais encore la

qu'elle a

donne

forme

la trigonomtrie sphrique ne lui fait pas

moins d'honneur. Les Arabes introduisent les tangentes


les calculs et substituent aux mthodes anciennes des
solutions plus simples en proposant trois ou quatre thormes qui sont le fondement de notre trigonomtrie modans

derne.

Le petit trait de gomtrie spculative de Hassan-benHaithem, que nous avons fait connatre, donne une ide
assez juste des considrations mtaphysiques que les Arabes
ont rpandues dans leurs crits; nous y avons joint trois
opuscules d'AI-Sindjiari que Montucla cite comme l'auteur
d'un trait sur les sections coniques, un chapitre de l'pitome de l'imam Muzaffer-al-Isferledi sur les lments d'Euclide, et un fragment d'Averros sur la trigonomtrie
sphrique. On pourrait remplir des volumes d'extraits intressants des mathmaticiens arabes. Nous ne rappelons
pas ici les titres de leurs ouvrages, parce que l'histoire de
la science chez un peuple, consiste moins accumuler de
sches nomenclatures qu' montrer les progrs qu'elle a pu
faire
nous nous contenterons de renvoyer aux catalogues
des principales bibliothques de l'Europe o se trouvent encore enfouies tant de richesses inexplores, et de donner
l'extrait suivant d'un excellent mmoire de M. Chasles sur
les mthodes en gomtrie
Thbit-ben-Corah, disciple de Mohammed-ben-Musa, fut
un gomtre clbre qui embrassa les mathmatiques dans
toute leur tendue. Parmi les nombreux ouvrages qu'il a
laisss, et dont on trouve le catalogue dans Casiri, il en est
un dont le titre De problematibus algebricis geometric ratione comprobandis, aurait d piquer vivemept la curiosit
des gomtres car il annonce que Thbit avait appliqu
l'algbre la gomtrie. C'est sans doute le titre de cet ouvrage qui a fait dire Montucla que Thbit a crit sur la
certitude des dmonstrations du calcul algbrique, ce qui
pourrait donner lieu de penser que les Arabes avaient eu
l'ide heureuse d'appliquer l'algbre la gomtrie. Cette
conjecture est devenue un fait certain, par la publication de
;

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SCIENCES MATHMATIQUES.

367

Mohammed-ben-Musa et par celle d'un fragment d'algbre (trouv dans le manuscrit arabe n 1104 de
la Bibl. impriale), o les quations du troisime degr sont
1

l'ouvrage de

rsolues gomtriquement 2

Mais

il

ne

s'agit encore

que d'quations numriques

c'est

pas immense qu'il fallait franchir pour


arriver l'ide et la considration d'quations littrales.
Toutefois, malgr cette restriction dans les spculations
algbriques des Arabes, on peut dire que non-seulement
Vite qu'est d

le

ont possd l'algbre, mais qu'ils ont connu aussi l'art


d'exprimer graphiquement les formules, et d'en prsenter
aux yeux la signification art si beau et si prcieux que
Kepler regrettait de ne pas savoir, et qui a t l'une des
grandes conceptions de Vite.
On avait toujours pens que les Arabes n'avaient pas
t au del des quations du second degr. On fondait cette
opinion sur ce que Fibonacci et Lucas de Burgo s'taient
arrts ce point de la science. Montucla, le premier, l'a
mise en doute, et a pens que les Arabes pouvaient bien
avoir trait des quations du troisime degr; il se fondait
sur le titre (Algebra cubica, seu de problematum solidorum
resolutione), d'un manuscrit apport de l'Orient par le clbre Golius, et qui se trouve dans la bibliothque de Leyde.
Le fragment d'algbre trouv dans le manuscrit n 1104
confirme la conjecture de Montucla, et en fait un des points
les plus importants de l'histoire scientifique des Arabes.
La trigonomtrie est une des parties des mathmatiques
que les Arabes cultivrent avec le plus de soin, cause de
ses applications l'astronomie. Aussi leur dut-elle de nombreux perfectionnements qui lui donnrent une forme nouvelle, et la rendirent propre des applications que les
Grecs n'auraient pu faire que trs-pniblement.
Les premiers progrs de la trigonomtrie datent d'Albatgni. Ce grand astronome, surnomm le Ptolme des
Arabes, (ou tout au moins ses devanciers de l'cole de Bagils

1. The algebra, etc. Ed. Rosen, 1836.


2. Voy. la notice que nous avons donne de ce manuscrit dans le tome XII! des
Notices et extraits des manuscrits, 1838.

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LIVRE

368

dad

j ,

eut l'heureuse

VI,

et

CHAPITRE

I.

fconde ide de substituer aux

cordes des ares, dont les Grecs se servaient dans leurs cal-

demi-cordes des arcs doubles,


Ptolme, dit-il, ne
se servait des cordes entires que pour la facilit des d monstrations; mais nous, nous avons pris les moitis des
arcs doubles.
Albatgni est parvenu la formule fondamentale de la trigonomtrie sphrique, dont il a fait diverses applications. On trouve dans ses ouvrages la premire ide des tangentes des arcs, et l'expression
dont
les Grecs ne se sont pas servis. Albatgni la fait entrer dans
les calculs de gnomonique et l'appelle ombre tendue. C'est
la tangente trigonomtrique des modernes. On voit qu'Albaigni avait des tables doubles, qui donnaient les ombres
correspondantes aux hauteurs du soleil, et les hauteurs correspondantes des ombres; c'est--dire les tangentes des
arcs, et les arcs correspondants des tangentes. Mais ses
tables taient calcules pour le rayon 1, tandis que celles
des sinus l'taient pour le rayon 60 ; ce qui prouve qu'il
n'a pas eu la pense d'introduire ces tangentes dans les cal-

culs trigonomtriques, les

c'est--dire les sinus des arcs proposs.

culs trigonomtriques.
C'est

Aboul-Wfa et Ebn-Jounis, qui lui sont pos-

d ce nouveau pas.
Aboul-Wfa (937-998), aprs avoir expos

trieurs d'un sicle, qu'est

la thorie

des sinus, dfinit d'autres lignes trigonomtriques qu'il


emploie dans son ouvrage pour les faire servir la solu tion de diffrents problmes de l'astronomie sphrique.
Ce sont les tangentes et cotangentes, qu'il appelle

ombre verse

et

ombre droite

et les scantes qu'il appelle

diamtre de l'ombre. Aboul-Wfa a calcul sa table de tangentes pour un rayon gal 60 il n'a pas calcul les s;

cantes.
On n'a point cette table des tangentes; mais ce qu'il
importait de savoir, c'tait la date certaine de leur intro-

duction dans le calcul trigonomtrique.


Cette heureuse rvolution dans la science, qui en bannissait ces expressions composes et incommodes qui contenaient le sinus et le cosinus de l'inconnue, ne s'est opre

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SCIENCES MATHMATIQUES.

389

que cinq cents ans plus tard chez les modernes; on en a


fait honneur Regiomontan; et prs d'un sicle aprs lui,
Copernic ne la connaissait pas encore.
Ebn-Jounis (979-1008) se servit aussi des ombres ou
tangentes et cotangentes, et en eut aussi des tables sexagsimales.
Il eut le premier l'ide de calculer des arcs subsidiaires
qui simplifient les formules, et dispensent de ces extractions de racines carres qui rendaient les mthodes si p-

Ces artifices de calcul, aujourd'hui si communs, sont


longtemps inconnus en Europe, et ce n'est que sept
cents ans plus tard qu'on en trouve quelques exemples dans
les ouvrages de Simpson.
La trigonomtrie sphrique doit Geber
astronome
qu'on suppose avoir vcu vers l'an 1050, la cinquime des
six formules qui servent la rsolution des triangles rectangles. La sixime est reste inconnue jusqu'au xvi e sicle;
on la doit Vite.
Ces deux formules sont celles qui contiennent les deux
angles obliques du triangle. Les Grecs n'avaient eu que les
quatre premires, qui leur suffisaient, parce que dans leurs
le cas des
applications de la trigonomtrie l'astronomie
trois angles connus ne se prsentait pas.
Tel
sont les principaux perfectionnements que les
Arabes apportrent la trigonomtrie.
h Ils purent ainsi cultiver l'astronomie avec succs. Aussi
compte-t-on un trs-grand nombre d'auteurs arabes qui
s'adonnrent cette science. Nous n'avons point parler
ici des progrs qu'ils y firent; et nous dirons seulement
quelques mots de l'une de ses applications, la gnomonique,
qui n'est au fond qu'une question de pure gomtrie.
' Les Arabes attachrent une grande importance la construction des cadrans qui taient peu prs leur seul moyen
de compter le temps. Ds le ixe sicle, des gomtres clnibles.

rests

bres s'en occupaient.


C'est cet art que se rapportaient sans doute deux ouvrages d'Alkindi, intituls
De horolog. sciathericorvm
descriptione et De horolog. horisontali prstantiore et les
:

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370

LIVRE

VI,

CHAPITRE

deux suivants de Thbit-ben-Corah


diurnis ac nocturnis

metrum

(styli apicis

et

De

De horometri seu horis


gnomoCe dernier titre

figura linearum quas

umbra)

percurrit.

semble annoncer que Thbit se servait de la considration


des sections coniques dans la construction des cadrans.

Nous allons voir cette mthode pratique savamment par


un gomtre arabe du xur3 sicle. Maurolycus en a eu la
premire ide chez les modernes et elle a donn son ouvrage un caractre d'originalit qui lui a fait honneur.
L'crivain arabe auquel la gnomonique parat le plus
,

redevable, est boul Hassan-Ali, auteur d'un trait complet


et trs-dtaill

On

de

la

gnomonique des Arabes

trouve pour

1
.

premire fois dans ce trait les


lignes des heures gales, dont les Grecs n'avaient point fait
usage. Il parat que cette innovation qui a t conserve
chez les modernes, est due Aboul -Hassan lui-mme
(liv. III, chap. xiv). U expose dans le plus grand dtail la

la

construction des lignes d'heures temporaires ( appeles aussi

heures antiques, ingales, judaques). Il se sert des proprits des sections coniques pour dcrire les arcs des
signes. Il calcule les paramtres et les axes de ces courbes,
en fonction de la latitude du lieu, de la dclinaison du
soleil et de la hauteur du gnomon.
Cette partie de l'ouvrage prouve que le gomtre astronome Aboul-Hassan tait un homme de mrite. 11 ne donne
pas la dmonstration de ses rgles, mais elle devait se
trouver dans un Trait des sections coniques qu'il avait
compos. Delambre, qui a approfondi toute cette partie
gomtrique de l'ouvrage d'Aboul-Hassan la trouve bien
prfrable aux procds enseigns par Commandin et Clavius, qui* ont aussi trac leurs arcs des signes par des
moyens tirs de la thorie des coniques.
e
On attribue Mahomet-Bagdadin, gomtre du X sicle,
,

un lgant
1.
J. J.

mon

trait

sur

la division

des surfaces, qui a t tra-

le Traite' des instruments astronomiques d'Aboul-Hassan, trad. par


Sedillot et publi par nous en 1834-1835. Les extraits des auteurs arabes que
pre a communiqus Delambre forme la partie vraiment originale de son

Voy

Httotre de l'astronomie

au moyen- ge.

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COLE DE BAGDAD
duit par Jean

une

diviser

De

et

SCIENCES MATHMATIQUES.

Commandin,

et qui a

371

pour objet de
nombres

figure en parties proportionnelles des

donns, par une droite mene d'aprs certaines conditions.


On y trouve vingt-deux propositions, dont sept sont relatives au triangle, neuf au quadrilatre et six au pentagone.
L'auteur les nonce sous la forme de problmes, dont il

donne

la solution, qu'il

dmontre ensuite.

Cet ouvrage, par sa nature, est le complment ncessaire d'un trait de godsie; aussi il a t imit par tous les
gomtres modernes dans leurs traits de gomtrie pra

tique.
De et Commandin pensrent que ce trait pouvait
provenir d'Euclide, qui, au rapport de Proclus, dans son
commentaire sur le premier livre des lments, avait aussi
crit sur la division des figures. Cette opinion n'a pas t partage par Savile, et depuis, la question est reste indcise.
L'optique a t traite chez les Arabes par un grand
nombre d'auteurs, dont le plus clbre est Alhazen. Son
ouvrage qui nous est parvenu, se recommande par des considrations de gomtrie savantes et tendues. On y remarque surtout la solution d'un problme qui dpendrait,

en analyse, d'une quation du quatrime degr. Il s'agit de


le point de rflexion sur un miroir sphrique, le lieu
de l'il et celui de l'objet tant donns Ce problme a occup de clbres gomtres modernes, tels que Sluze, Huyghens, Barrow, le marquis de L'hpital, R. Simson. Ce dernier l'a rsolu trs-simplement par de pures considrations
de gomtrie.
On a pens que l'ouvrage d'Alhazen tait imit du trait
d'optique de Ptolme. C'a t l'opinion de Montucla. Mais
Delambre, quoiqu'il ft gnralement port en faveur des
Grecs, ne l'a pas partage. II a mme pens qu'il se pouvait
qu'Alhazen n'et pas eu connaissance du trait de Ptolme,
parce que le sien lui est trs- suprieur. Quoi qu'il en soit,
l'ouvrage d'Alhazen fait honneur aux Arabes, et nous devons le regarder comme ayant t l'origine de nos connaissances en optique. Vitellion, gomtre polonais, l'un des
plus savants du xiu 8 sicle, y a puis utilement pour la
trouver

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LIVRE

37*

composition de son

CHAPITRE

VI,

I.

trait d'optique, le premier qu'ait

fait

un gomtre europen.
Enfin Hassan-ben-Haithem qui mourut au Caire, en
1038, a compos un ouvrage original sur les donnes gomtriques 1 qui est une imitation et une continuation du
livre des donnes d'Euclide
mais avec cette diffrence que
les propositions du premier livre choses tout fait neuves,
et dont le genre mme n'a pas t connu des anciens,
roulent sur des propositions locales, tandis que celles d'Euclide taient des thormes ordinaires o tout est dterparatre

min.

Plusieurs des propositions sont dans

rimes du gomtre

le

genre des po-

grec, entendus suivant la doctrine de

R. Simson, et c'est le seul ouvrage qui jusqu' ce jour,


nous ait prsent de l'analogie, ou du moins une apparence
d'analogie, avec le clbre trait d'Euclide. Cette circonet la dcouverte de cet
lui donne du prix nos yeux
opuscule, qui vient confirmer en quelque sorte l'opinion
du savant gomtre Castillon, qui pensait qu'au xiu e sicle
le trait d'Euclide existait encore en Orient, nous permet du
moins d'esprer de trouver encore parmi les nombreux

stance

manuscrits arabes, rests jusqu'ici inconnus au fond des


bibliothques, quelques traces de cette doctrine des porismes. Nous ne savons si c'est cette thorie que se rapporte un ouvrage de Thbit-ben-Corrah, que nous trouvons
indiqu sous le titre suivant dans le catalogue des manuscrits
orientaux de la bibliothque de Leyde Datorum sive determinatorum liber continens problemata geometrica. Cet
ouvrage, par son titre et par le nom de l'auteur, se recommande l'attention des gomtres qui possdent la langue
:

arabe.

Toutes

sont dans

le

du second livre des connues


genre, mais diffrentes de celles d'Euclide ;

les propositions

appartiennent, comme celles-ci, la Gomtrie lmentaire ( la ligne droite et au cercle); mais plusieurs
offrent un degr de plus de difficult. Elles sont de celles

elles

l.

Nour avons donn l'analyse de ce

trait

dans

le

Journal asiatique en 18S7.

COLE DK BAGDAD ; SCIENCES MATHMATIQUES.

373

qu'on propose aujourd'hui comme exercices, aux jeunes


tudiants qui possdent dj les lments de la gomtrie.
L'ouvrage d'Hassan-ben-Haithem mrite par sa nature,
d'tre plac entre les donnes et les porismes d'Euclide,
les lieux plans d'Apollonius, d'une part, et les ouvrages de
R. Simson et de Stewart, de l'autre il forme comme eux
des complments de la gomtrie lmentaire, destins faciliter la rsolution des problmes.
;

De

la gographie

mathmatique ehez
de** traits

les

Arabe; Imperfection

grecs.

Les progrs des Arabes dans la gographie mathmatique


ne furent pas moins remarquables. Lorsqu' la fin du
xvi e sicle, Sanson et de l'Isle commenaient signaler les
erreurs des tables de Ptolme, on ne se doutait gure que
les Arabes avaient dj rform l'uvre du gographe
d'Alexandrie, et que les Latins eux-mmes s'taient carts
de la voie trace par ce guide peu fidle jusqu'au temps de
la renaissance. On sait qu'ratosthne fut le premier, parmi
les Grecs, qui rduisit en systme la description du globe;
ses connaissances particulires en gographie et celles de
ses contemporains taient trs-bornes; il parat, toutefois,
qu'il avait sous les yeux des travaux d'une exactitude assez
remarquable ; il ne se trompait que de 26 environ sur
l'tendue des terres habitables de l'ocan Atlantique l'embouchure du Gange qu'il supposait se jeter dans la mer
orientale, et qu'il considrait comme la limite extrme du
,

continent.

Mais il existait pour les dterminations gographiques


des monuments d'une valeur inestimable c'taient des itinraires dont les anciens devaient tirer parti. Marin deTyr,
sans parler de Posidonius, entreprit de composer avec ces
itinraires une gographie gnrale. Il renferma tonte la
longueur des terres entre deux mridiens loigns l'un de
l'autre de 225 le premier passait par les les Fortunes, et
le second par Sera et Thinae. Il exagrait les fausses valuations d'ratosthne, puisqu'il comptait 145 des les Fortunes l'embouchure du Gange, au lieu de 126 7' 34", et
80 entre le Gange et Thinae.
:

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374

LIVRE

VI,

CHAPITRE

I.

Ptolme vint ensuite il rduisit les 225 de Marin de


Tyr 180. Toutefois loin de soumettre un examen appro;

fondi les travaux de ses devanciers, d'en faire ressortir les

un mot, une uvre nouvelle


vraiment scientifique il se contenta de reproduire sans
aucune critique les donnes les plus incertaines, n'apportant aucune modification aux longitudes que Marin de Tyr
avait adoptes depuis tes les Fortunes jusqu'au promontoire de Cory, de l'Inde, 125 20' du premier mridien, et
fixant systmatiquement 54 40' l'espace de 100 compris
entre le promontoire Cory et Thinae, afin d'arriver un
nombre rond de 180 pour toute l'tendue du continent.
Certes personne plus que nous n'admire le vaste difice
auquel il a attach son nom son trait de gographie est
pour l'histoire de la science, un monument aussi important
dans sa spcialit que l'lmageste. S'il prit pour guide
Marin de Tyr, il avait du moins rejet ses cartes projection
plate pour adopter la mthode d'flipparque, dans laquelle
tous les mridiens et les parallles sont reprsents par des
portions de cercle, qui, leurs points de rencontre, doivent
se couper angles droits et les meilleurs gographes emploient encore aujourd'hui cette projection pour dcrire les
parties du globe comprises entre 'quateur et le ple mais
l'on s'est lourdement tromp en disant que l'esprit minemment ordonnateur de Ptolme n'avait pu consentir
employer les lments qui se trouvaient sa disposition
qu'aprs une nouvelle discussion dirige avec toutes les connaissances mathmatiques et astronomiques qu'il possdait.
Son livre consacre au contraire toutes les anciennes erreurs
et n'offre aucune trace d'un perfectionnement mme partiel
dans la rduction des longitudes aussi devait-il exercer une
funeste influence sur la marche et les progrs des tudes gographiques. Les Latins et les Arabes s'affranchirent de cette
chane, comme on le verra plus loin, pendant le moyen
ge. Ptolme reparut avec la renaissance des lettres; ses
tables servirent de base la science, de modle la cartographie, et les rudits modernes, ignorant les travaux antrieurs, ne s'aperurent qu'ils faisaient fausse route qu'aprs
inexactitudes, de composer, en
et

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de longs ttonnements,

375

et lorsque toute espce d'applica-

tion leur devint impossible.

une observation trs-importante et facile justiTandis qu'au v* sicle de notre re Agathodamon dessinait des cartes Alexandrie suivant les longitudes et les
latitudes donnes par Ptolme et Marin deTyr, s'efforant
ainsi de faire prvaloir leur systme, qui surchargeait le
globe de continents inconnus, des gographes de diffrentes
coles signalaient les vices de leur construction et prfraient donner aux terres habitables une forme ronde ovale
ou carre les chrtiens adaptaient bien mieux ces ides
la gographie biblique. Les descriptions de saint Jrme
(367), d'thicus(400), d'Orose(416), de Jules Honorius (500),
taient bien loignes de la tradition des Alexandrins. Cassiodore recommandait aux moines, d'une manire toute
particulire
l'ouvrage de Jules Honorius Cosmas Indicopleusts (550) supposait l'habitable carre; la rotondit de la
terre devait cependant prvaloir; elle permettait de placer
Jrusalem au centre du monde
quasi umbilicus terr,
disait Isidore de Sville (600) *.
C'est l

fier.

/cole de Ravenne carte de Ptolme.

L'empereur de Constantinople Thodose II, imprima,


ds l'anne 435, une nouvelle activit aux travaux gographiques, en ordonnant la refonte de la carte de l'empire,
et ce fut Ravenne qui devint le foyer principal des
tudes. La bibliothque de cette ville possdait des itinraires annots et des tables routires peintes, annotat et
pict. Le livre de Gui, liber Guidonis, tait compos de
nombreux extraits des cosmographes qui l'avaient prcd.
Gui n Ravenne, florissait entre 668 et 698. 11 devait tre
copi son tour, et nous possdons une compilation d'un
autre Ravennate commente dans ces derniers temps.
,

Lorsque la barbarie du moyen ge se fut tendue sur tout


l'Occident, on cultiva encore dans les clotres les connais1. Nous avons trait longuement cei te question dans notre mmoire sur les systmes gographiques des Grecs et des Arabes, Paris, 1842, et dans nos Matriaux, etc., dj cits, t. II.

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LIVRE M, CHAPITRE

37G
sances profanes et
tions

tures

de pays

on

auxquelles

la

gographie.

I.

On y rdigeait des

la

nomenclature

sche

Ravenne semble avoir donn naissance. On


vii

descrip-

crivait, dessinait et prparait les pein-

sicle, le fondateur de l'abbaye

une carte d'un dessin lgant

de

l'cole

voit dj,

de
au

de Saint-Gall possder

muppa

subtili opre.

En

Ir-

lande et chez les Anglo-Saxons, au vm e sicle, les moines


Fidelis, Suibneus, etc., se racontaient mutuellement les
aventures de leurs plerinages, apportaient des nouvelles de
contres loignes, et augmentaient leur bibliothque assez
riche pour ce temps-l en ouvrages de gographie.

En France , Charlemagne s'efforait de runir les savants


autour de lui, et concevait l'ide de construire une carte
gnrale du monde. Cette carte qui fut en effet entreprise
et acheve, tait grave sur trois tables d'argent. On y avait
reprsent la terre entire les villes de Rome et de Constantinople. Les couvents avaient pu fournir des matriaux
prcieux, comme le prouve le Polyptyque de l'abb Irminon, contemporain du roi frank. Mais dans la guerre que
fils de Louis le Dbonnaire, soutint contre ses
Lothaire
frres (841), la premire de ces tables, qui tait la plus
grande, fut mise en pices et distribue par morceaux aux
soldats. Il en fut de mme des deux autres, selon toute ap,

parence.

Vers le mme temps, le moine irlandais Dicuil (825) compose un ouvrage de gographie descriptive qui rappelle la
carte Thodosienne, et montre combien on s'intressait encore aux ludes de ce genre.
Alfred le Grand, digne mule de Charlemagne, donna
une grande activit la navigation anglo-saxonne, et rsolut
de faire explorer les parages d'o venaient les pirates danois. Wulfstan et Olher, chargs de cette mission, ctoyrent les rivages, les les, les pninsules et la terre
ferme, reconnurent la Raltique jusqu' la Vistule, les ctes
de Norvge, et rapportrent la relation de tout ce qu'ils
avaient appris dans leur voyage. Cette relation fut mise par
crit en anglo-saxon. En mme temps, Alfred fit traduire
en langue vulgaire la description du monde de Paul Orose,

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.

en

compltant avec

la

les

377

connaissances acquises sous son

rgne. C'est l'ouvrage connu sous le titre de Hormesta;

il

probable qu'il n'tait point accompagn de cartes go^


graphiques. Toutefois, les Anglo-Saxons savaient les dessiner celle qui est jointe au manuscrit de Priscien, du Muse
britannique, est de l'poque et pour l'poque d'Alfred. C'est
le dernier monument bien authentique de l'cole gographique de Ravenne.
Ainsi, chez les Latins jusqu'au X e sicle de notre re, Ptolme est inconnu ou rejet 1
est

Ees Arabe* corrigent Ptolme; premire poque

Lorsque, sous

les

premiers Abbassides,

les

Arabes se livrent

l'tude des sciences exactes, et puisent dans les livres

grecs des notions positives sur les mathmatiques et la gographie, Ptolme est leur principal guide; pourtant, ils

n'adoptent pas ses ides sans examen. Almamoun ordonne,


en 820 de J. C, que de nouvelles observations astronomiques soient faites Bagdad et la table vrifie corrige
l'Almageste il veut aussi que les longitudes terrestres soient
dtermines avec plus de prcision et le Rasm-al-Ardh
(trac ou description de la terre) reproduit le systme grec,
mais avec de notables amliorations. On peut croire qu'une
partie de ces amliorations tait due aux savants nestoriens,
qui avaient conserv intact le dpt des connaissances des
derniers temps de l'cole d'Alexandrie, et dont les khalifes
,

s'assurrent l'utile coopration par leurs bienfaits.

mme
la

fois

fjievi;

Il est

vraisemblable que le Rasm-al-Ardh fut compos


en arabe, et en grec sous le titre de puyuo; t9); otxoutoutefois

d'Almamoun

il

faut

reconnatre

que

les

qui avaient mesur un degr

astronomes

du mridien

de Sennaar, contriburent surtout aux rectiaux tables de Ptolme. Ce qui


justifie cette hypothse, c'est que les corrections s'appliquent
principalement aux pays qui environnent Bagdad c'est--

dans

tes plaines

fications partielles apportes

l. Voy. la Gographie du moyen ge de T.elewel, le magnifique atlas qu'il ajoint


son travail et la notice que nous en avons donne dans le Journal asiatique et
dans le llulletin de la socit de qographie (t85l\

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378

LIVRE

CHAPITRE

VI,

dire au centre des tats

I.

musulmans. L'Arabie,

le golfe

Per-

sique, les contres arroses par le Tigre et l'Euphrate, dont


le

cours est mieux tudi

ctes mridionales de la

la

Perse proprement dite, les


la Mditerrane

mer Caspienne,

orientale, dont l'tendue est diminue de dix degrs de la

Syrie la grande Syrte et

la Sardaigne
telles sont les
rgions qui reoivent du Rasm-al-rdh une dlimitation
plus exacte.
:

Jusqu'au xi e sicle de l're chrtienne, la gographie mathmatique ne fait point de progrs sensibles; mais la
gographie descriptive prend un dveloppement considrable. Dj les Arabes, au milieu de leurs conqutes, avaient
recueilli de nombreux itinraires. Lorsque leur empire
s'tend de l'ocan Atlantique aux frontires de la Chine, il
s'tablit peu peu de grandes routes commerciales, qu'on
peut rduire quatre principales de Cadix et de Tanger
aux extrmits de l'Asie. La premire traverse l'Espagne et
le continent europen, la Slavonie jusqu' la mer Caspienne,
Balkh et le pays des Tagazgaz. La seconde, l'Afrique septentrionale, l'gypte, Damas, Koufah, Bagdad, Bassorah, Ahwaz,
le Fars, le Kerman, le Sind et l'Hind; les deux dernires
franchissent la Mditerrane, se dirigent l'une par la Syrie,
et le golfe Persique, l'autre par Alexandrie et la mer Rouge,
pour se rejoindre dans la mer des Indes. Les voyages particuliers se multiplient et vont porter au loin les ides et la
civilisation des Arabes les relations les plus intressantes
viennent clairer les navigateurs sur les dangers qui les
attendent dans des contres encore mal explores, lbnHaukal, Al-lstakari, Masoudi, qui florissaient au milieu du
x 6 sicle de notre re, retracent dans leurs crits le tableau
des dcouvertes nouvelles et fournissent la science de
prcieux documents. Alcomi, en 1007, comptait les longitudes partir de l'extrmit orientale du continent; mais si
;

que rdigent Albatgni Racca,


J. C, on n'y
reproduction du Rasm-al-Ardh, sans

l'on considre les tables

vers 900, et Ebn-Jounis au Caire, vers 1000 de

trouve encore que la


aucun changement capital.
C'est cette premire priode que se rattachent

les tra-

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379

on suppose que les Arabes ont fait


cependant que des lments d'astronomie, dsigns sous le titre de Sind-Hind, aient t apports
au khalife Almanzor vers 775 de J. C, il faut bien avouer,
comme nous l'avons dj dit, que cet ouvrage n'avait pas
une grande valeur, puisque les Arabes, mis bientt en
possession des traits grecs, le ngligent compltement ou
ne le citent que pour en relever les erreurs. Dans tout ce
qui concerne la gographie, les livres de l'Inde n'offrent
ditions indiennes dont

usage;

est vrai

s'il

aucune ressource. On y
tait place

marquait

le

voit

que cette presqu'le


que le mridien qui en
Ougein et l'le de Lanka

bien

au milieu de l'univers,

et

point central traversait

Kanka; et comme il est question dans les


auteurs arabes du mridien de la coupole de la terre ou
d' Arine, pour l'nonciation des longitudes on a cru qu'on
devait identifier Arine avec Ougein, que cette coupole d'Arine tait d'origine indienne, etc Malheureusement elle formait le point d'intersection du 90 e degr de Ptolme avec
la ligne quinoxiale, gale distance des quatre points
cardinaux comme fOfxcpaA 8a>affayjc, Yumbilicm terr des

(Ceylan) ou de

Ce ne pouvait

tre la ville d'Ougein. dont les Arabes connaissaient fort bien la position gographique; Arine
tait un terme systmatique, c'tait le nom d'une le imaginaire situe entre l'Inde et l'Abyssinie, que Diodore de
Sicile avait le premier appele l'le d'Uranus. Jamais d'ailleurs les Hindous n'avaient song dresser une table des

anciens.

longitudes terrestres partir d'Ougein les Arabes substituaient le mridien d'Arine ou de la coupole de la terre
celui des les Fortunes, par une ingnieuse innovation qui
;

ne devait du reste avoir lieu que du xr au xm e


nous ne devons pas intervertir l'ordre des temps

sicle

et

I. Voy. notre mmoire sur les Systmes de gographie compare des Grecs et
des Arabes. Paris, i8tl ; Tailas de Lflewel, loc. cit.; Albatgni et Ehri-Jouiiis, dans
Y Astronomie au moyen gr. de Delambre, d'aprs J. J Sedillot. Zenker, dans Sji
Bibl. orient. , ne cite pas mme Altiatgui; Liber climatum d'Abou-lsbak-elFaresi-al-lsiachri
Ed Moller Goih, 1839, et la trad. en allemand do Mordtmann.
Hamb., 1845; il Segistan, du mme. Milan, 1842; Diuputatio d* bn-!lauknlo y
par [Uylenbrock, Ludg. Batav., 1822; Frhn (Ihn-Fozlan, p. 9, 22 et 256-263) a
montr que la gographie d'Ibn-rfaukal, publie Londres en 1800 par Ouseley, est
celle d'Abou-Ishak-al-lstachri.
,

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380

LIVRE

VI,

CHAPITRE

l.

Seconde poque lOi.

Avec le savant Albirouni, vers 1025 de J. C, s'ouvre la


seconde priode des perfectionnements introduits par les
Arabes dans les tables de Ptolme. L'cole de Bagdad brillait encore du plus vif clat. Aboul-Wfa venait de s'illustrer
par des travaux de premier ordre, et de former des lves
dignes de les continuer. Albirouni appel la cour de
Mahmoud le Ghaznvide, conqurant d'une partie de l'Asie,
allait rformer les erreurs qui affectaient encore les longitudes du pays de Roum, de Mawarannahar (la Transoxiane),
et du Sinde, faire en un mot, pour l'Orient, ce que le Rasmal-Ardh avait commenc pour le centre de l'empire musulman. A partir de cette poque, son Canoun, titre qu'il
avait donn son trait gographique, sert de base la plupart des cosmographies orientales. Le persan Kouschiar le
revise dans quelques-unes de ses parties, tandis que l'astronome Omar-Kheam rectifie le calendrier (1076) par ordre
du sultan Mlik-Schah, et dtermine de la manire la plus
exacte la dure de l'anne tropique. Plus tard, Nassir-EddinThousi et l'anonyme persan, vers 1260; le Kyas ou table
d'analogie, Fauteur du Zidj-al-Harair, vers 1295, nous donnent le dernier terme des connaissances arabes sur le continent asiatique. A cette poque, nous n'avons plus mentionner que des rcits de voyages ou des compilations.
Pendant cette priode (1000-1300) paraissent Bekr
(1067) que M. Quatremre a mis au jour; Edrisi (1154),
traduit par P. Am. Jaubert; Yacout (1225), auteur d'un
dictionnaire gographique trs-estim. Edrisi tablit le
premier point de contact entre la gographie des Latins
et la gographie des coles musulmanes. N Ceuta en 1099,
il avait fait ses tudes Cordoue et s'tait rendu ensuite la
cour de Roger, roi de Sicile; il fabriqua pour ce prince une
table ronde en argent du poids de huit cents marcs sur laquelle il avait fait graver en arabe tout ce qu'il avait pu savoir des diverses contres de la terre alors connues; il avait,
aussi compos un trait de gographie qui nous est seul
parvenu, et que pendant trois sicles et demi les cartogra,

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phes de l'Europe n'ont
peu importantes 1

fait

que copier avec des

384

variations

Troisime poque l*30: coupole d\%rlne: derniers travaux

(llMtll).

On

vu que

centre et l'orient avaient t transforms,


pour ainsi dire, par le Rasm-al-rdh et le Canoun d'AIbirouni. La partie occidentale prsentait encore une longue
srie

le

de fausses indications,

l'Afrique

septentrionale

le littoral

conservait

de l'Espagne

et

de

une tendue dmesu-

re. L'astronome Arzachel, de l'Andalousie, avait eu cependant sous les yeux, en 1080, une bonne observation
sur la longitude de Tolde, qu'il plaait 4 h , ou 61 30'
d'Anne. La longueur de la mer Mditerrane, fixe d'abord
62 par Ptolme, puis rduite 54 par le Rasm-al-Ardh,
se trouvait ramene presque sa juste valeur, ou 42; mais
on ne tira aucun parti de cette observation, et il tait rserv
Aboul-Hassan-Ali, de Maroc, qui florissait vers 1230, d'o-

prer cette dernire et importante rforme. L'ouvrage


d'Aboul-Hassan est un des plus beaux monuments de la

gographie arabe.
Dj les Arabes, aprs une premire rduction de dix degrs, avaient distingu de l'occident habit l'occident vrai,
qui touchait aux Aores. Comme ils ne connaissaient pas
encore ce groupe d'les, ils avaient adopt le mridien de
e
la coupole d'Arine, qui s'identifiait avec le 90 degr de
Ptolme, et qui leur offrait un moyen ingnieux de donner
leurs nouvelles tables toute la perfection dsirable; on
peut croire qu'Aboul-Hassan s'tait servi d'une carte trsinexacte dresse antrieurement, aussi bien qu'un autre
gographe de l'Occident, nomm Ibn-Sad. Mais il opra la
refonte d'une partie de cette carte, tandis que Jbn-Sad et
ses copistes, ignorant cette refonte, transmirent aux gographes de l'Orient la carte primitive avec ses erreurs ; voil

Albirouni ne nous est connu que par les extraits d'Aboul-Feda; voy. Lelewel
laud.
Avant la traduction d'Am. Jaubert (Paris, 1836-1840, nous n'avions
que la version latine de Cabr. Sionita, Paris, 1G19 ; l'Afrique de Hartmann,
(ioti., i7yc; l'F.spagne de Cunde, Madrid,
la Sicile de Tardia, Paterne, 1790,
to
et la Syrie de Kosen muller dans ses Analeta arabica.
l.

lor.

d'F.drisi

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LIVRE

382

VI,

CHAPITRE

I.

pourquoi Aboul-Feda, tranger aux travaux accomplis sur


l'Afrique et l'Espagne, laissa subsister plus tard de si regrettables lacunes dans une des plus importantes sections de
son grand trait
Aprs boul-Hassan et les gographes de la Perse que
nous avons cits, commence chez les Arabes une priode
de dcadence qui ne doit plus s'arrter. Cazwini (mort en
1283), surnomm avec raison le Pline de l'Orient, ne fit que
transcrire les rcits de ses devanciers, et porta toute son
attention sur l'histoire naturelle. L'encyclopdie de l'gyptien Nowair (vers 1320) ne contient, dans sa partie gographique, aucune observation nouvelle. Ibn-Bathoutha, qui
abandonna Tanger, sa patrie, en 1325, pour visiter l'Egypte,
la Perse, la Transoxiane, l'Inde et la Chine, et qui, vingt
ans plus tard, parcourait l'Espagne, et l'Afrique jusqu'
Tombouktou, nous a laiss une relation de ses voyages qui
offrent un vif intrt. Mais il dictait de mmoire, et le souvenir devait lui faire souvent dfaut; avec plus d'instruction, il aurait pu rendre d'immenses services la science
dispos ajouter foi aux rcits les plus absurdes, il ne se
montre pas assez svre dans le choix de ses descriptions, et
1

manque

par cela

mme d'autorit.

Ibn-al-Ouardi, qui ilorissait Alep vers la

mme

poque,

(1292-1349), est auteur d'une compilation intitule Perle


des merveilles, qui se trouve dans la plupart des bibliothques de l'Europe, et qui a eu un certain retentissement.
:

tait extrme, et l'on ne doit se servir de son


qu'avec circonspection.
Aboul-Feda, prince de Hamah (1271-1331), qui ne fut
aussi qu'un abrviateur, mrite cependant un rang plus honorable. S'appuyant avant tout sur les donnes mathmatiques, reprochant ceux qui suivaient un autre plan dans

Son ignorance
livre

leurs ouvrages, la ngligence des longitudes et des latitudes


terrestres,

composa

il

gographes
I.

prix

en copiant celles de quatre


nous a conserv ainsi un vritable

ses tables

la fois, et

Aboul-Hassan-Ali, de Maroc, dont la traduction fut juge digne d'un des grands
dcennaux en 1809. etque nous avons publie en 1835 \oy. auss-i nos Mat-

riaux,

etc.,

t. Il,

et Lelewel, loc. laud.

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trsor.

En

SCIENCES MATHMATIQUES.

383

transcrivant ce qu'il trouvait dans les manuscrits

il
ne fit point assez attention aux
erreurs et l'altration de certains chiffres qu'il reproduisit
sans examen il accepta pour exactes des leons videm-

placs sous ses yeux,

ment
que
les

fausses, et chargea ses auteurs de bvues impossibles,

le

bon sens repousse. Aprs lui, on rencontre encore


d'l-Dzehebi, mort en 1347; de Bakoui, qui flo-

noms

1397, et dont la compilation a t analyse par


Deguignes; deMakrizi (1367-1443); d'Ibn-Ayias, et d'Alhassan (J. Lon l'Africain), vers 1516.
Lorsque les Timourides eurent boulevers l'Asie, on vit
s'ouvrir, au commencement du xv e sicle, une priode nouvelle de travaux scientifiques. Schah-Rokh, matre de la
Perse et d'une partie de l'Inde, voulut tablir des relations
avec les chefs des autres tats; il envoya, en 1420, une
ambassade solennelle l'empereur de la Chine. Plus tard,
1442, Abderrazzak, de Samarcande, se rendit dans l'Hindostan auprs du roi de Calicut.
OIoug-Beg, fils de Schah-Rokh, si clbre par ses tables
astronomiques, entreprit, en 1437, de dresser une carte
gnrale du monde; il s'appuya sur les crits de NassirEddin-Thousi. Ali-Koschdji, qui voyagea par ses ordres en
Chine, vrifia, dit-on la mesure d'un degr du mridien
et la grandeur du globe.
La gographie mahomtane avait aussi ses cartes nautiques. Vasco de Gama, en 1497, en vit une chez Malem Cana,
Maure de Guzzarate, qu'il prit pour pilote Mlinde; une
autre dessine par l'Arabe Omar, servait au grand Albuquerque dans la navigation de la mer d'Oman et du golfe Persi-

rissait vers

que.

Le Djihan-Numah, de Katib-Tchlbi ou de Hadji-Khalfa,


1648, termine la srie des traits de gographie composs

par les Orientaux; mais dj l'auteur s'tait aid des livres


europens, qui exposaient les nouvelles et importantes
dcouvertes des Portugais et des Espagnols 1
.

Travels of Ibn Batuta; Ed. S Lee, Londun, 1829, elles Dissertations de Kul.
segarten et d'Apetz, lerm, 1 8 8 et i8i9.
Des fragments d'Ebo-el-Vardiontt
publies par Aurivillius, Upsal, 1752 ; Faxe, Lund, 178G ; Frhn, Hal, 1804, A. Hy1

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LIVRE

384

VI,

CHAPITRE

I.

'

en mathmatiques et en gographie.

Nous avons compris dans

tableau que nous venons de


parce que .tous sont
,

le

tracer les crivains arabes et persans

la mme cole; la nomenclature scientifique des Orientaux tait toute arabe, et depuis longtemps la langue persane
s'tait modifie au contact du Coran et du grand mouvement intellectuel qui s'tait manifest au vm e sicle avec les

de

bbassides; elle s'tait enrichie des expressions nouvelles


introduites par les traducteurs des livres grecs et pouvait

aisment s'adapter aux ides mathmatiques de l'ordre le


plus lev; aussi n'est-ce pas un des moindres avantages de
la publication que nous avons faite d'Oloug-Beg, que de
montrer cette langue si belle par sa simplicit mme , se
dveloppant sous l'influence de la civilisation arabe et s'assimilant en quelque sorte les expressions techniques qui
permettaient d'interprter les secrets d'une science nouvelle.

En rsumant

cet expos des progrs que les Arabes ont


aux sciences exactes, nous voyons apparatre la
plupart des dcouvertes dont on attribuait l'honneur nos
fait faire

savants

du xv e

et

du

xvi e sicle.

I. La substitution des sinus aux cordes, l'introduction


des tangentes dans les calculs trigonomtriques, l'application

de l'algbre la- gomtrie, la rsolution des quations


cubiques, les ides les plus ingnieuses en mathmatiques,
voil ce que dj les manuscrits arabes nous ont rvl.

Le mouvement de l'apoge du soleil, l'excentricit de


de cet astre, la dure de l'anne avaient t dtermins avec une exactitude remarquable par les astronomes
II.

l'orbite

de Bagdad.

Gographie d'Aboullander, l.ond. Gothorum, 1824 ; Thornberg,Upsal, 1835-1839.


Reioaud et Slane, 1840; Aboul-Feda a donn li( a de nombreux iraFeda par
vaux; nous citerons ceux de dieuves, Londres, i650;de l.aroque, Amsierd., 1718;
d'Arvieux. Londres, 1723; Kohler, Lipsi, 1766; Gagnier, Oxon , 1740; Michaelis,
Gott., 1776; Eichorn, Gott., 1791 ; Rinck, Leips., 1791 ; Wustenfeld, Gott . 1835;
Voy. les Extrait* que Greaves a donns de Nassir-EdSenior, Urcsde. 1842-1845.
din-Thousi et d'Oloug-Be^, ifitK et 16.V2 etlelijihan nnmah , d. de C. P., 1732,
avec la traduction latine de Nrberg, I.ouditli Gothorum. 1016.

MM

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385

III. La gographie mathmatique n'tait pas resie stationnais entre leurs mains; les tables de Ptolme avaient
reu les corrections que Delisle proposait d'y apporter, seulement, vers 1705.
IV. A peine pouvait-on compter du vr au xvi e sicle de
J. C. quelques observations astronomiques imparfaitement
indiques; le grand nombre d'observateurs arabes mentionns plus haut comble l'immense lacune qui existait dans les
annales de la science.
V. Tycho-Brah fondait en 1576 l'observatoire d'Uranibourg; dans le sicle prcdent, l'observatoire de Samarcande faisait l'admiration desastronomes de l'Orient.
VI. Au milieu des instruments de toutes sortes employs
par Tycho-Brah, on citait le mural, dont l'invention, disaiton lui tait due; on trouve le mural aussi bien que le
gnomon trou dans l'observatoire de Mragah; le pendule
,

mme

connu des Arabes.


La diminution progressive de l'obliquit de l'cliptique avait t signale longtemps avant les modernes.
VIII. La quantit de la prcession tait estime ds le
tait

VII.

xi c sicle sa juste valeur.

IX.
rits

Tycho

de

la

n'avait pas le

premier dcouvert les irrgulala lune, observes plus

plus grande latitude de

de six-cents ans auparavant


X. Enfin la dtermination de la troisime ingalit lunaire
ou variation tait son principal titre de gloire; Aboul;

Wfa
De

devait

le lui

disputer.

donnent l'astronomie orientale un caractre


d'originalit qu'on ne saurait dsormais lui dnier, et l'on
peut dj prsumer que plus on avancera dans l'exploration
des manuscrits, et plus on recueillera de tmoignages du
progrs des sciences mathmatiques chez les Arabes
Si maintenant nous recherchons quels furent les premiers
emprunts faits par les Latins aux Arabes, nous voyons
tels faits

l. Voy. nos prolgomnes d'Oloug-Beg, introd., p. cxxiv, et l'ariicle insr dans


Journ.il des savants par M. Quatienire, novembre, 1847. On voil par l le cas
l'on doit faire des opinions oaradoxalcs que A. W. de Sclilegel dveloppait en
rore en 1832 dans ses refU-xions sur l'lude des langues asiatiques, imprimes en

\c

que

franais Rouen.

22

LIVRE

386

De 970
vestre

980,

VI,

CHAPITRE

II.

Gerbert, qui fut pape sous

le

nom

de

Sil-

introduire parmi nous les connaissances math-

II,

matiques qu'il avait puises en Espagne;


De 1100 1120, l'Anglais Adhlard voyager dans ce pays
et en gypte, et traduire son retour de l'arabe les lments
d'Euclide, inconnu encore en Occident;
Platon, de Tivoli, traduire de l'arabe les Sphriques de
Thodose et Rodolphe de Bruges le Planisphre de Ptolme
Vers 1200, Lonard de Pise composer un trait sur l'algbre qu'il avait apprise chez les Arabes
Au xiu - sicle, Campanus de Novarre traduire de nouveau
,

et

commenter Euclide;

Vitellion Polonais traduire l'optique

Grard de Crmone rpandre la vritable et


solide astronomie par la traduction de l'Almageste de Ptolme, du commentaire de Geber, etc. ;
Vers 1250, Alphonse de Castille fait publier les tables
astronomiques qui portent son nom. Si le roi des Deux-Sier
ciles, Roger 1
encouragea les travaux des savants arabes de
la Sicile et en particulier ceux d'drisi cent ans plus tard
l'empereur Frdric II ne se montrait pas moins favorable
l'tude des sciences et des lettres orientales; les fils
d'Averros vivaient sa cour et lui enseignaient l'histoire
naturelle des plantes et des animaux.
d'Alhazen

CHAPITRE IL
DES SCIENCES PHYSIQUES CHEZ LES ARABES.

introduction.
chimie.
botanique ; matire mdicale ; conomie
rurale.
mdecine; coles grecque, arabe; rhazes et avicenne.
COLE ESPAGNOLE; ALBUCASIS, A YEN -/OH AU, ETC.

Les sciences physiques avaient acquis, pendant cette mme


priode,

un

aussi

grand dveloppement que

les sciences

ma-

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DES SCIENCES PHYSIQUES CHEZ LES ARABES.

387

thmatiques. Les Arabes, dit M. de Humboldt, doivent tre


regards comme les vritables fondateurs des sciences phy-

en prenant cette dnomination dans le sens auquel


nous sommes habitus aujourd'hui.
Sans doute, dans le domaine de l'intelligence, l'enchanement intime de toutes les ides rend trs-difficile d'assigner l'poque prcise de leur naissance de bonne heure on
voit briller et l quelques points lumineux dans l'histoire
de la science, et des procds qui peuvent y conduire. Quel
long temps ne s'coula pas entre Dioscoride qui extrayait
le mercure du cinabre, et le chimiste arabe Djeber entre
les dcouvertes de Ptolme en optique et celles d'Alhazen
Mais les sciences physiques, et plus gnralement les sciences
naturelles, ne peuvent tre considres comme fondes que
du moment o un grand nombre d'hommes marchent de concert dans les voies nouvelles, bien qu'avec un succs ingal.
Aprs la simple contemplation de la nature, aprs l'obsersiques

phnomnes qui se produisent accidentellement


dans les espaces du ciel et de la terre, vient la recherche et l'analyse de ces phnomnes, la mesure du mouvement et de l'espace dans lequel il s'accomplit. C'est l'poque d'Aristote que pour la premire fois fut mis en usage ce
mode de recherche; encore resta-t-il born le plus souvent
la nature organique. Il y a, dans la connaissance progressive des faits physiques, un troisime degr plus lev que
les deux autres; c'est l'tude approfondie des forces de la
nature, de la transformation laquelle ces forces travaillent
et des substances premires que la science dcompose, pour
les faire entrer dans des combinaisons nouvelles. Le moyen
d'oprer cette dissolution, c'est de provoquer soi-mme, et
son gr, les phnomnes en un mot, c'est Vexprimentavation des

tion.
Les Arabes s'levrent ce troisime degr, presque
compltement inconnu des anciens, en s'attachant surtout
aux laits gnraux; ils habitaient un pays o rgne partout
le climat des palmiers, et sur la plus grande partie de sa
surface, celui des tropiques. Le tropique du Cancer, en effet, traverse la presqu'le peu prs depuis Mascate jusqu'

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388

LIVRE

VI,

CHAPITRE

II

Mecque. Aussi, dans cette contre, en mme temps que


organes sont dous d'une force vitale plus intense, le
rgne vgtal fournit en abondance des armes, des sucs
la

les

balsamiques et des substances bienfaisantes ou dangereuses


pour l'homme. 11 en rsulta que de bonne heure l'attention
de ces peuples dut tre attire par les productions de leur
sol et par celles des ctes de Malabar, de Ceylan et de l'Afrique orientale, avec lesquelles ils taient en relation de ngoce dans ces parties de la zone torride, les formes organiques affectent des caractres singuliers qui se diversifient
presque tous les pas. Chaque coin de terre offre des pro;

en veillant continuellement la curiocommerce de l'homme


avec la nature. Il fallait soigneusement distinguer entre
elles des productions si utiles pour la mdecine, pour l'industrie, pour le luxe des temples et des palais; il fallait
rechercher le pays d'o elles provenaient et que dissimulaient souvent des hommes avides et russ. Partant de l'entrept de Gerrha, sur le golfe Persique et du district de
l'Ymen qui produit l'encens, de nombreuses caravanes
traversaient toute la partie intrieure de la presqu'le arabique jusqu' la Phnicie et la Syrie, et en rpandant partout
les noms de ces agents nergiques, les rendaient de plus en
ductions spciales,

rend plus

sit,

et,

actif et plus vari le

plus prcieux.

L'tude des substances mdicales prconise par Dios-

coride l'cole d'Alexandrie, est dans sa forme scientifique


cie

une cration des Arabes; ils constiturent la pharmac'est d'eux que sont venues les premires

chimique;

nommes aujourd'hui dispensarpandirent de l'cole de Salerne dans


l'Europe mridionale. La pharmacie et la matire mdicale,
les deux premiers besoins de l'art de gurir, conduisirent
en mme temps, par deux voies diffrentes, l'tude de la
botanique et celle de la chimie.
prescriptions magistrales
toires, qui plus tard se

Chimie.

Avec les Arabes commena pour cette science une re


nouvelle; sans doute l'alchimie et les fantaisies noplatoni-

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DES SCIENCES PHYSIQUES CHEZ LES ARABES.


ciennes altraient

mme

que

le

389

mais de
aux progrs de la

caractre des recherches;

l'astrologie avait contribu

connaissance des astres, de mme des oprations hermtiques sur les mtaux amenrent les plus curieuses dcouvertes; les travaux de Djeber ( bou-Moussah-Djafar-alKoufi) qu'on suppose avoir fleuri au viu e sicle, ceux de
Rhazes (Abou-Bekre-Arrasi) mort vers 923, ont eu d'importantes consquences. On trouve dans leurs crits la composition de l'acide sulfurique, de l'acide nitrique et de l'eau
rgale, la prparation du mercure et d'autres oxydes de
mtaux, la fermentation alcoolique, etc.
1

Botanique; matire nidleale; conomie rurale.

Arabes acquirent du monde vde Dioscoride de


deux mille plantes et d'en comprendre dans leur pharmacope, plusieurs entirement inconnues aux Grecs. Avicenne parle dans sa matire mdicale du cdre Deodvara,
qui crot sur PHimalaya et le considre comme une espce
du genre juniperus, qui entre dans la composition de l'huile
de trbenthine. Les fils d'Averros avaient communiqu
Frdric II des notions d'histoire naturelle, et nous avons
eu dj l'occasion de rappeler que le khalife Abdrame I"
avait, plusieurs sicles auparavant, fond un jardin botanique
prs de Cordoue, et envoy en Syrie et dans les autres
contres de l'Asie, des voyageurs chargs de recueillir des
semences rares il avait plant prs du palais de la Rissafah le premier dattier, et l'avait chant dans une pice de
vers o, comme on Ta vu, il se reportait en termes mlancoliques, la ville de Damas, son pays natal.
On doit aux Arabes l'usage de la rhubarbe, de la pulpe
de tamarin et de cassia, de la manne, des feuilles de sn,
des mirobolans et du camphre. L'emploi du sucre, qu'ils
prfraient au miel des anciens, les conduisit une foule
de prparations salutaires et agrables l'aide du sucre ils

La connaissance que

gtal

les

leur permit d'enrichir l'herbier

Hofcr, Histoire de la chimie , et notre introduction aux TiinleR d'Oloug-Beg,


fasr., p.

3'2.

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390

LIVRE

VI,

CHAPITRE

II.

composrent des sirops, des juleps, des conserves d'herbes


et de fruits', et des lectuaires.
Le gouvernement surveillait cette industrie si ncessaire
au bien-tre des citoyens les pharmaciens taient responsables de la bonne qualit et du juste prix des mdicaments.
L'histoire prsente le gnral fehin, visitant en personne
les pharmacies de campagne, pour s'informer si elles taient
pourvues de tous les objets contenus dans leurs dispen;

saires.

Les Arabes nous ont fait connatre des aromates, tels que
noix de muscade, le clou de girofle. Correa de Serra,
juge trs-comptent, a remarqu qu'en cultivant plusieurs
arbres fruits dioques, ils avaient eu des ides trs-nettes
sur la fcondation sexuelle. Dans son excellent aperu de
l'ouvrage d'Abou-Zacharia, il a clairement dmontr la vaste
instruction des Arabes en conomie rurale. Quoique la superstition s'en mlt, ils avaient des procds qui mritent
l'attention des cultivateurs; l'Espagne leur devait les noria
ou roues chapelet sur le contour desquelles des sceaux
taient adapts. Ils avaient port l'agriculture au plus haut
degr de perfection et s'taient aussi occups de gologie;
le rcent ouvrage de Lyell leur rend cet gard la justice
qui leur est due M. de Sacy a publi plusieurs parties intressantes de l'ouvrage de Cazwini, surnomm avec raison
le Pline des Orientaux; nous devons aussi mentionner le
nom d'Aldemiri, le Buffon des Arabes, dont l'histoire des
animaux est justement clbre; on peut donc affirmer que
toutes les branches des sciences naturelles taient consciencieusement tudies".
la

Elments of geology, introd.; Extraits de Cazwini, trad. nar Chezy et


le l. III d la Chrestomathie arabe de M. de Sary; Catalogue d'Assrnani, t. II, p. 251 ; Tychsen, lments de la langue arabe, et la lin de l'dition
d'Op^ien donne psir M. Belin de Balu; voy. aussi Bocburl, Humzocon.
2. De proprietatibus ac virlutibus meoMcisanimalium, plantarum aegemniarum
1.

Lyell,

insrs dans

pnmum ex arabicoidiomate latinilatednnatusab Abrahamo


l.ibro de agrieultura. su autor el doctor
Paris, 1647.
excellente Abu-Zaccaria-Jahia-Aben-Mobafnnied-ben-Ahened-Ebn-el-Awani. *> Sevilluno, trad. par don Jo>ef Antonio Banqueri. Madrid, 1802.
Extrait du Livre des
Ravii specimerveille de la nuture de Kazwini, trad. par Chezy, Paris, 1805.
men arabi um continens descriptionem et exeerpla libri Ahmedis Teiusi hii de
gemmiset lapidibus pretiosis traj. ad Bhen , 1784.
Ebn-Bttar, de malis limonicis ven., 1583; Grosse zusammen stellung der Bekannten einfacben Ueil-Uud
nuhrungsmittel ven... Ebn-Baithar ; d. J. Sontheimer, Stuttgart, 1840.
tractatus triplex nu ne

eecliellonsi uiaroniiu.

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DES SCIENCES PHYSIQUES CHEZ LES ARABES.


Mdecine; cole* grecque

et

394

arabe; llhaKeM et Avlcenne.

Les mdecins arabes ont presque toujours t des hommes


mathmatiques celle de la
philosophie, mais obligs d'employer le charlatanisme pour
rpondre au got du merveilleux si commun parmi leurs
compatriotes; ils se disaient disciples d'Aristote et ne ngligeaient aucun des moyens que la magie et l'astrologie
mettaient leur disposition, pour agir d'une manire plus
nergique sur l'esprit de leurs clients. De l ces talismans
de toute espce qui n'taient autres que les amulettes des
Grecs, et les abracadabras des auteurs du Bas-Empire; del
cette science mystrieuse de l'interprtation des songes dans
laquelle les Arabes ont excell
Ds le troisime sicle de 1re chrtienne, les rois de
Perse avaient appel auprs d'eux des mdecins grecs, qui
avaient rpandu dans l'Orient les doctrines d'Hippocrate;
l'cole de Djondischabour avait bientt rivalis avec celle
d'Alexandrie; la suite des conqutes des Arabes, An tioche
et Harran devinrent des centres d'tude d'o sortirent cette
pliade de savants qui joignaient la pratique de la mdecine, la connaissance des langues grecque et arabe et qui
traduisirent les ouvrages d'Aristote, d'Euclide et de Ptolme. Honain recevait d'Almamoun, un poids d'or gal
celui de chacun des volumes grecs qu'il achevait. C'tait un
des lves les plus distingus d'Iahia-ben-Masouiah, appel
vulgairement Mesu, qui pendant prs d'un sicle mrita
la confiance des princes abbassides. Mdecin de Haroun-alRaiched Mesu avait compos sur son art beaucoup de
traits fort estims chez les Orientaux, et parmi lesquels on
remarque ses Dmonstrations en trente livres, une pharmacope, des traits sur les fivres, les aliments, les catarrhes,
les bains
les cphalalgies etc. ; plusieurs de ces traits ont
t traduits en hbreu et l'on en trouve quelques-uns, soit
en cette langue, soit en original, dans les principales bibliodistingus, alliant l'tude des

Essai historique et littraire sur la mdecine des Arabes, par Amoreux,


Montpellier, 1805; Histoire d* la mdecine de Freind, et surtout celle de
Sprengel.
l.

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LIVRE

392

VI,

CHAPITRE

II.

thques de l'Europe. Il mourut en 855 de J. C, l'ge de


quatre-vingts ans. Honain ne fut pas moins clbre; charg

de missions scientifiques, il avait t chercher jusqu'en


Grce une ample moisson de livres, sur toutes les parties de
la philosophie on lui est redevable de la version des uvres
de Galien et d'Hippocrate, etc.; il composa de plus un grand
nombre d'ouvrages sur la mdecine et la dialectique. Le khalife Motawakkel ayant conu quelques soupons contre lui,
le fit venir en sa prsence et lui demanda, afin de l'prouver,
un poison assez subtil et assez violent pour donner immdiatement la mort; Honain rpondit qu'il ne connaissait que
des mdicaments salutaires et qu'il n'en fournirait jamais
d'autres; les plus belles promesses ne purent branler sa
fermet. Le khalife lui rendit toute sa confiance et le combla
de bienfaits; Honain mourut en 874.
On vit fleurir la mme poque plusieurs mdecins du
;

nom deBaktishua; l'un d'eux, Gabriel se fit connatre par des


cures vraiment merveilleuses; mais nul n'gala Rhazes et Avicenne dont les crits ont longtemps domin dans nos coles.
Rhazes ou plutt Mohammed -Abou-Bkre-ben- Zacharia,
appel Razi du nom de la ville de Re sa patrie, joignit,
l'exemple des grands mdecins de l'antiquit, la pratique
de son art, une dude approfondie de ses devanciers dton vivre mille ans, disait-il, on ne pourrait voir par ses
,

yeux tout ce qui a t observ dans


dans les divers pays de la terre; aussi

la suite

des temps et

de la
mit contribution les crits d'une infinit de docteurs qu'il cite et dont Haller a fait le dnombrement, dirigea successivement les grands hpitaux de
Bagdad, de Re et de Djondischabour et publia sous le
titre de Hawi (continens), un Corpus mdical fort estim.
Son trait de la petite vrole et de la rougeole a t consult
par les mdecins de toutes les nations ; les dix livres
qu'il ddia au prince lmanzor, prince samanide qui commandait au x e sicle dans le Khorasan, et qui furent imprims Venise en 1510, lui ont fait beaucoup d'honneur;
ils brillent surtout par un esprit de mthode remarquable;
Rhazes
il y est question pour la premire fois de l'eau-de-vie
science d'autrui.

faut-il s'clairer

11

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DES SCIENCES PHYSIQUES CHEZ LES ARABES.

393

composa plus de deux cents ouvrages; il introduisit dans


la pharmacie l'usage des minoratifs ou purgatifs doux, et
des prparations chimiques appliques la mdecine; il
passe pour l'inventeur du ston qu'il employait frquemment. Il attachait une grande importance Tanatomie; et
distingua le premier le nerf laryng du rcurrent qui est
quelquefois double du ct droit. L'on raconte qu'ayant
perdu la vue dans un ge avanc, il ne voulut se faire faire
l'opration de la cataracte que par un chirurgien qui pt
lui dire combien l'il avait de membranes. Il avait voyag
en Syrie, en gypte et mme jusqu'en Espagne; la mort le
surprit vers l'anne 932.
Cinquante ans plus tard florissait Ali-ben-al-Abbas, Persan
d'origine et mage de profession qui composa un cours complet de mdecine, sous le titre de Maleki (royal) et le ddia
au sultan Bouide-Adhad-Eddaulah. Ce cours contient dix
livres de thorie et dix livres de pratique; il fut traduit en
latin par tienne d'ntioche en 1127, et imprim en 1523
Lyon par Michel Capella. Ali-ben-al-Abbas avait signal les
erreurs qu'il avait cru apercevoir dans Hippocrate, Galien,
Oribaze et Paul d'gine; il cite parmi ses prdcesseurs
Srapion dont nous avons un livre intitul Practica dicta
:

Breviarium, traduit par Grard de Crmone et rimprim


plusieurs fois.

Vers la mme poque, 980, naissait Avicenne (AbouAli-Hosein-ben-Sina) A fchanah, bourg dpendant de Schiraz, dont son pre tait gouverneur. Il fit ses tudes mdicales Bokhara, et, peine g de dix-huit ans, il gurit
l'mir Nouh d'une maladie fort grave; cette cure jeta les

fondemenls de sa rputation et lui mrita la faveur des


princes Samanides; mais ayant rejet les brillantes propositions de Mahmoud le Ghaznvide, le protecteur d'Albirouni, qui joignait l'clat des conqutes l'amour des
sciences, il se vit condamn une vie errante et remplie de
vicissitudes. Aprs avoir rsid quelque temps auprs de
Cabous, gouverneur du Djordjan, et renouvel sa cour le
trait d'rasistrate, il trouva un asile Re o rgnait MadjEddaulah, puisHamadan donJle souverain Sehems-Eddau

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LIVRE

39 4

VI,

CHAPITRE

II.

lah le choisit pour son vizir et son mdecin plus tard il fut
appel remplir les mmes fonctions Ispahan par Ala-Eddaulah, et au milieu des affaires de l'tat et des soins de la
;

politique,
la

il

composer des ouvrages de


mourut en 1037; c'tait sans con-

trouvait le temps de

plus haute valeur;

il

tredit un des hommes les plus extraordinaires de son sicle


dou d'une mmoire prodigieuse et d'une rare facilit, il
crivit sur toutes les sciences. Il n'est connu en Europe
que comme mdecin il exera pendant prs de six sicles un
empire absolu dans les coles; ses Canons ou rgles, diviss en cinq livres, traduits et imprims plusieurs fois, servaient de base aux tudes dans les universits de France et
d'Italie; aujourd'hui on les a abandonns pour revenir aux
monuments si prcieux de la mdecine grecque mais il faut
convenir aussi que d'un excs on est pass l'autre, et
qu'aujourd'hui Avicenne est trop nglig. Sprengel a donn
;

des dtails trs-tendus sur ce savant docteur dans son


Histoire de la

mdecine

/oie espagnole; Aven-Zohar, Averros, AlbucawlM, ete.

L'Espagne musulmane eut aussi ses grands docteurs


Albucasis mort en 1107, Aven-Zohar en 1161, Averros
en 1198, Aben-Bithar en 1248. Le premier dont le vritable nom tait Aboul-Caem-Khalaf-ben-Abbas, fut le restaurateur de la chirurgie qui commenait dchoir depuis
Avicenne; il donna une description exacte des instruments et apprit l'usage qu'on en doit faire, en signalant
les exceptions pour les cas difficiles et le danger qu'il y a
:

I.a premire ditiun d'Avicenne (Aboali-Abin-Sceni) est de Milan, 1473; de


l
Rhazs, 1480 et 1481: de J. Srapton Venise, 1479; de Serapion Junior, Milan,
Isaac, Padoue, 487 n'Ali-ben-Abbas, Venise, 1492; de Jean Mesu ,
1473; du J
Milan, 1473: de Mesu. Junior, Venise, 1 47 1 ; de Kaby Moyses (Mairnomdej, Florence,
;
483 l'dition de Mesu, Venise, 1549, contient plusieurs autres traits
,

ii

1 1

d'Ibn-Wafed-el-l aklimi, d'Alkimli, etc. Voy. aussi la traduction d'Aboul-llassanel-Moukbtar-ben-Boll.m de Baitdad, Aruentor , 1531, et celle d'Abiu-Ali-Ialiiaben-Isa-ben-Ojezlu de Bagdad, Argentor., 1632. lias Diuietiscbe sands chreibon
des Maimonides (Haniban) au den sultan Saladin , ein Beitrag zur gescbicble der
medicin, mit noten von Dr. Wintermolz Wien, 1843; Ali-ben-lsa monitorii ocularorum S. Conipendii opbthalmiatriei, d. C. A. Hille, bresd et Lips., 1845. Voyez
aussi la curieuse dissertation de M. Daremberg sur le Zad-el-.Mouatir d'Aboubjarar et l Maleki d'Ali-Abbas ou d'isaac, Archives des missions, septembre i85l,
p. 506 et 507.

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DES SCIENCES PHYSIQUES CHEZ LES ARABES.


de pratiquer
tomie,

il

telle

ou

telle

indique pour

opration.
la

En

section le

dcrivant

mme

395

la litho-

endroit que

nos chirurgiens modernes. Ses ouvrages ne furent connus


en Europe qu'au milieu du xv sicle, et personne ne lui
a rendu plus de justice que M. Portai, dans son Histoire de
l'anatomie et de la chirurgie.

Aven-Zoar ( Abou-Merwan-ben-bdelmalek-ben-Zohr )
n Penaflor, entra au service du prince de Maroc Yousefben-Tasfin, qui le combla d'honneurs et de richesses
il
voulut ramener la mdecine aux lois de l'observation et il
osa, contre les prjugs de son temps, unir l'tude de cet
art, celle de la chirurgie et de la pharmacie la matire mdicale lui doit l'emploi de plusieurs mdicaments utiles; la
;

chirurgie la premire ide de

la

bronchotomie, des indica-

tions fort exactes sur les luxations et les fractures

la

mde-

cine la description de quelques maladies nouvelles telles


que l'inflammation du mdiastin du pricarde, etc. Ses principaux ouvrages furent traduits en latin, mais fort incom-

pltement. Lon l'Africain nous fait connatre une anecdote


fort curieuse sur le fils d'Aben-Zohar, qui avait suivi la
mme carrire que son pre et qui avait accompagn Yousef
Maroc. Il avait crit quelques vers o il exprimait le regret
d'tre spar de sa famille. Le roi les ayant lus par hasard,
ordonna secrtement au gouverneur de Sville de faire
partir en toute hte pour l'Afrique, la famille de son mdecin, et il la fit loger Maroc dans une maison richement
meuble, dont il lui fit prsent; Aben-Zohar le jeune y fut
envoy sous prtexte d'y voir des malades et fut agrablement surpris du spectacle qui l'attendait. On trouve peu de
princes capables d'une semblable dlicatesse de sentiments,
et l'on est tonn de trouver chez les Orientaux, ct de
caractres d'une frocit sans gale, des exemples de gnrosit et de grandeur dignes de l'admiration de tous les temps.
Averros (Aboul-Walid-Mohammed-ben-Rosch) avait t
aussi l'un des lves d'Aben-Zohar l'ancien

toujours avec

la

plus haute vnration:

dont

il

parle

Pour parvenir

dit-il quelque part, une connaissance approfondie de la


mdecine, il faut lire avec soin les ouvrages de notre savant

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LiVKE

VI,

CHAPITRE

II.

matre, qui en sont le trsor le plus parfait;

il a su tout ce
permis l'homme de connatre dans ces matires,
et c'est sa famille qu'on doit la vraie science mdicale.
Ce
jugement fait honneur Averros qui dans ses crits s'at-

qu'il est

>

tacha beaucoup plus la partie spculative qu'

pratique;

se

il

partie

la

montra plus qu'aucun autre, imbu des prin-

cipes de la philosophie pripatticienne, et professa toujours

une grande estime pour Galien ; on a de lui, outre ses Commentaires sur Aristote et sur les Canons d'Avicenne, un
trait sur la thriaque, un livre sur les poisons et sur les
fivres; son principal ouvrage publi sous le titre de Collyget,
a eu de nombreuses ditions Venise, Lyon, etc
Aprs Averros, nous mentionnerons le clbre mdecin et
botaniste Aben-Bithar (Abdallah-ben-Ahmed-ben-ali-Beithar
le vtrinaire), qui tait n Bnana, village situ prs de
Malaga, et qui voyagea longtemps en Orient; il fut accueilli
engypte par Saladin, qui faisait le plus grand cas de son mrite, et il trouva la mme faveur auprs du prince de Damas
Mlik-al-Kamel. Son recueil des Mdicaments simples qui se
divise en quatre parties, contient la description de toutes
1

mtaux et animaux, qui ont une vertu


quelconque en mdecine; les ouvrages de Dioscoride, de

les plantes, pierres,

Galien et d'Oribaze y sont souvent corrigs, et l'on y trouve


des faits et des dtails que l'on chercherait vainement dans
ces auteurs.

Nous nous bornons

parler des mdecins arabes les plus


pouvons donner qu'une faible ide des
travaux dont les sciences naturelles ont t l'objet pendant
cette priode de plusieurs sicles; quand on pense que les
souverains de l'Orient se plaisaient combler d'honneurs et

clbres, et nous ne

de fortune

les savants qu'ils appelaient leur cour,

on

n'est

1. 1/dition de Venise de 1490, plusieurs fois rimprime, comprend Avenzoar et


Avenos (Albumeron Avenzobar et Auvenoysj; l'dition de 1496 porte Abbomeron,
Abyn-Z"har, Colliget, Auerrnys.
La traduction d'Albucasis est intitule Liber
theorim nec non yraciirx Almharawii qui vvlgo Aravurim dicitur, etc., Aug.
Vindel , 15 9 voy. aussi Albucasis, de Vhirurgfa, ed. Cbanning, Oxon., 1778;
Albucasis, Methodus medendi cutn instrument
ad omnes fere morbos depictis,
Basil., 1541; Heiske, Miscellanea medica, etc., publi par Gruner; Kossi, Dizionario degli autori arabi, et Abou-Osaibah apnd de Gayangos, appendix du

,n

t.

d'Almakkari.

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J>ES

SCIENCES PHYSIQUES CHEZ LES ARABES,

plus surpris de voir le

nombre

infini

397

d'hommes remar-

quables dont l'histoire a conserv les noms; nous devons


citer encore Thbit-ben-Corrah (850), qui fut en mme
temps un trs-habile astronome; Aboul-Hassan-ben-Telmid,
auteur de YElmalihl (994); Abou-Djafar-Ahmed-ben-Moharnmed-al-Thalib qui crivit sur la pleursie, la frnsie, etc.
vers 970; Ali-ben-Reduan (1060), Giazlah-ben-Giazlah
(1100), Abderrazzak (1150), Hbatallah (1155), Aboul-Farage (1286), Isaac-ben-lbrahim (1300), etc. Giuldeki, en
1252, rdige un livre sur la pierre philosophale qu'il
appelle alacsir; c'est de ce

mot que nous avons

en 1134, Cohen-Attar compose un

fait

lixir;

de pharmacie o
il fait connatre
la prparation des potions, des bols, des
confections, des sirops, et des pilules dores. C'est aux
Arabes enfin que nous avons emprunt les alambics, cornues, aludels, etc. La nomenclature des mdecins arabes
dans la biographie d'Abou-Osaibah forme a elle seule un
volume et nous y renvoyons ceux qui voudraient avoir des
dtails plus tendus sur ce sujet.
trait

23

uigitize

CHAPITRE

111.

LA. PHILOSOPHIE CHEZ LES ARABES. THOLOGIE ET JURISPRUDENCE LETTRES ET ARTS}

DE

INVENTIOx\S.

LES
LES PHILOSOPHES ARABES NE SE BORNENT PAS A COMMENTER AR1STOTE.
MOTAZLITES, LES MOTAKHALLIMS ET LES MYSTIQUES, ETC. JURISPRUDENCE
LITTRATURE DES ARAMUSULMANE; LES QUATRE SECTES ORTHODOXES.
GRAMMAIRIENS,
BES ; LE CORAN FIXE ET MAINTIENT L'UNIT DE LANGAGE.
PHILOLOGIE, CONTES, FABLES ET NOUSCOLIASTES ET RHTEURS ARABES.
PROVERBES ET RECUEILS. DE CHANSONS, PREMIRE PARTIE DES
VELLES.
POSIES ARABES , DEUXIME PARTIE DES SOURCES
SOURCES HISTORIQUES.

HISTORIENS ARABES, ABOULFEDA,


LES SEPT MOALLACAT, ETC.
ABOULFARAGE, BOHAEDDIN. EBN KHALDOUN ; MAKRIZl ; AL-SOOUTHI, ETC.
PRINCIPAUX HISTORIENS
MASOCDI, TABARI, EBN AL-ATHIR, NOVVAIRI, ETC.

HISTORIQUES

NCESSIT D'TUDIER LES HISTORIENS PERSANS.


DICTIONNAIRES BIOGRAPHIQUES. LES ARABES NE SE FONT PAS MOINS REMARQUER PAR L'IMPULSION QU'ILS DONNENT AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE.

ARABES DE L'ESPAGNE.

DES RELATIONS COMMERCIALES DES ARABES AVEC L'AFRIQUE ET L'ASIE OCCIINVENTIONS ET DCOUVERTES; LA BOUSSOLE ; LE PAPIER DE
DENTALE.
COTON; LA POUDRE ET LES ARMES A FEU.

us

philosophes arabe* ne se bornent pas commenter


Arlstote.

On a souvent dit qu'il n'avait jamais exist de philosophie


arabe proprement dite; que des doctrines en dsaccord
avec une religion fonde sur la lettre mme du Coran,
n'avaient pu se dvelopper et prendre un libre essor; mais
une fois de l'ignorance o
nous tions des travaux des Arabes, et l'on reconnat aujourd'hui que toute la scolastique du moyen ge a t
puise dans leurs crits.
La traduction des livres d'ristote, commence par Honain
et Iahia le grammairien, fut sans contredit le point de dcette opinion provenait encore

part des tudes philosophiques. Alkendi,

Mohammed-ben-

Masoud, Abou-Tamam de Nischabour, Ebn-Satil de Balkh,


Talhaah-al-Nasaft, lsfraini, Alamiri, etc., furent considrs
comme de grands philosophes jusqu' l'arrive d'Alfarabi et

d'Avicenne (Ebn-Sina), qui devaient tre

les chefs les

distingus de la nouvelle cole. Ces savants docteurs

plus

donnent

DE LA PHILOSOPHIE CHEZ LES ARABES.


la

philosophie cette forme systmatique qui

lui

399

a t con-

serve par leurs successeurs. Ebn-Bajah (Avenpace), Athir-

Eddin-Alabhar, Ali-al-Khowenji, Abou-Roschd (Averros),


Aboul-Salat et principalement Nassir-Eddin de Thous, suivirent leurs traces et pntrrent plus tard dans les coles de
l'Occident. Il ne faudrait pas croire pourtant que les Arabes
se bornrent

commenter Aristote

ils

connaissaient

le

Ph-

don, leCratyle de Platon, et particulirement son grand ouvrage sur les lois; ils possdaient plusieurs livres attribus
Pythagore, et attachaient la plushaute valeur ses prceptes.

Ils

les

citent,

parmi

les anciens,

Orphe

mme

et

Homre

empreintes d'une philosophie divine,


sept sages, Empdocle et Anaxagore, Hraclite et Dmo-

dont

les posies taient

crite,les lates, Socrate et ses disciples, Euclide, Antisthne,

Diogne le Cynique, ristippe, picure et les stociens ils


ont des notions trs-exactes sur ce qu'ils appellent la seconde partie de l'histoire de la philosophie, pour tout ce
qui concerne les continuateurs les commentateurs d'Aris;

d'Alexandrie, et ils affectionnent particulirement Thmistius, Alexandre Aphrodisias, Ammonius et Porphyre ; Plotin et Proclus jouissent de la plus
haute faveur auprs d'eux; les propositions d'Apollonius de
tote

et

l'cole

Thyane, de Plutarchus, de Valentinien, leur sont familires;


on voit qu'ils jugent les anciens d'aprs les ides noplatoniciennes et nopythagoriennes et ils forment videm,

ment

chane qui joint l'ancienne philosophie la scolastique. C'est ainsi que la dispute qui a dur des sicles entiers
entre les nominalistes et les ralistes sparait dj les coles
la

orientales; les Arabes avaient leurs ralistes, leurs

comme

nomi-

appede Bagdad et philosophes. Les doctrines d'Albert le Grand pourraient tre avec
raison revendiques par les Arabes dont l'influence s'est
fait sentir jusque sur les mystiques du moyen ge comme
saint Bonaventure
nalistes,

leurs

conceptualistes,

ou,

ils

les

laient, motazlites bashriens, motazlites

traductions] d' Aristote. Eugoge, i. c. ireve introl. Jourdain. Essai


ductorium arabicum in scientiam logices, etc., Rome, 1625; Sytwpsis prophi losophor um imrr iota spfulum mundum rearabum
sapieniix
positorum
prsentans, d'Abraham Ecchellensis, Paris, 1641 Tabula Cebetis, Lugd. Batav.,
.sur les

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LIVRE Vi, CHAPITRE

100

111

Lc iiiotn/clHcM. le mot akhal Unis, le nnMi

s.

vie.

Il ne faut pas supposer, d'un autre ct, que les philosophes


proprement dits, qui faisaient abstraction del religion, vritables prcurseurs de Locke et deWolf, constituassent une
cole distincte et gnralement accepte. Ils avaient de re-

doutables antagonistes. Les motazlites plaaient les exigences de la raison au-dessus de la foi tout en cherchant
les accorder. Les motakhallims considraient au contraire
les dogmes de la religion comme les bases du raisonnement; les mystiques enfin ou soufis, rejetant tout raisonnement comme conduisant Terreur, se laissaient guider
par les seules inspirations de la foi.
C'est cette dernire cole qu'appartenait l-Gazzali.
(bou-Hamed-Mohammed fils de Mohammed), n en 1058
Thous, o son pre faisait le commerce de fil de coton
(Gazzal); aprs avoir tudi Djordjan et Nischabour, il
fut appel une chaire de thologie Bagdad et professa
avec le plus grand succs plus tard, il se fixa Damas, et
,

se voua pendant dix ans la vie contemplative

ensuite

la

il

carrire de l'enseignement Nischabour

mourut en 1111. On peut comparer

reprit
,

et

sa logique, publie par

Petrus Liechtenstein en 1506, avec celle d'Avicenne, traelles offrent peu de diffrence;
un homme minemment religieux; ses ouvrages, dont on compte prs de cent, eurent tous pour but
principal de relever le mahomtisme. Le plus important, in-

duite par Vattier en 1658

l-Gazzali tait

titul
le

une
si

Vrification des sciences de la religion, qui lui valut

surnom de Hujiat
telle

vogue que

al islam (preuve

les fidles avaient

tout l'islam venait se perdre,

de l'islamisme), eut

coutume de

la

dire

que

perte serait peu de

Pour l-Gazzali la rvne peut tre rvoque en doute; il reconnat les


droits sacrs de la raison; mais, ajoute-t-il, les vrits
consacres par la raison ne sont pas les seules il y en a
d'autres auxquelles notre entendement est absolument in-

chose, pourvu que ce livre restt.


lation

16<0;

Documenta

philosophiie

Arabum,

l>hu# autu-didactus stveepistola


Genve, 1 671 et 1686.

Ed. Schmolders Bonniu. 1836 PhiloxoAbi^Jaufar-Ehn-Tophail, eic.fcd F. Pococke.


;

DE LA PHILOSOPHIE CHEZ LES ARABES.

tOI

capable de parvenir; force nous est de les accepter, quoique


nous ne puissions les dduire, l'aide de la logique, de
principes connus. 11 n'y a rien de draisonnable dans la
supposition qu'au-dessus* de la sphre de la raison il y ait
une autre sphre celle de la manifestation divine si
nous ignorons compltement ses lois et ses droits il suffit
que la raison puisse en admettre la possibilit. Il joignait
ces tendances religieuses un grand amour d la morale,
,

science trop souvent nglige par l'cole arabe

tous ses

crits sont remplis d'exhortations faire le bien, viter le

mal

sions.

montrer des murs austres matriser ses pasOn s'est compltement mpris dans l'apprciation d'un

de ses ouvrages, intitul


Destructio philosophorum.
Comme il le dit lui-mme dans un passage dont personne n'a
tenu compte il ne cherche pas leur opposer des arguments tirs de sa propre philosophie, mais il range mthodiquement les opinions antiques des philosophes pour tablir qu'ils ne s'accordent pas, que tel systme en dtruit un
autre, en un mot, que parmi les philosophes la discorde
rgne perptuellement.
Si nous jetons maintenant un regard sur les sectes secondaires qu'on peut rattacher aux divisions que nous avons
indiques d'une manire gnrale, nous voyons que les
Arabes comprenaient les sceptiques sous le nom de sophistes, de somanites, et de mathmaticiens; venaient ensuite
les dahriites ou fatalistes, dont les ides absolues servaient de
:

champ

la polmique, et les naturalistes, qui rejetaient

l'immortalit de l'me et la rsurrection.

Parmi

les sectes matrialistes,

on distingumes sifatites, les

tashbihites, leskharamites,leshaidhamites, les moattellas,etc.

Les hernanites qui formaient une branche de la grande


souche sabenne, et qui drivaient, selon le tmoignage de
Khatibi, d'un certain Hernan, professaient la doctrine de la
mtempsycose et mlaient au sabisme les ides noplatoniciennes on retrouve leurs opinions dans Raymond Lulle
et chez les astrologues ou alchimistes de l'Europe.
Les ta imites, appels dans le Khorasan malhadet, et dans
l'Irak batinistes (allgoristes), kharamites et mazdakites, se
,

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LIVRE VI, CHAPITRE

i02

prsentaient eux-mmes
ils

III.

comme appartenant aux ismaiiens

s'attachaient surtout la philosophie pythagoricienne.

Quant aux soufis vous la vie contemplative, les disde MM. Brucker, Graham, Malcolm, Hammer,
Tholuk de Sacy les ont fait suffisamment connatre ils
existaient certainement en Perse avant l'tablissement du
mahomtisme.
Il nous reste dire quelques mots des motakhallims, qui
sertations
,

sont les thologiens par excellence des sectes orthodoxes, et


des motazlistes, les protestants de l'glise musulmane. Ls
premiers reconnaissent pour leurs principaux docteurs

Fakreddin-Mohammed-ben-Omar-al-Razi mort en 1209,


mort en 1276, Beidhawi (AbouSaid-Abdallah-ben-Mohammed-ben-Ali), mort en 1286,
selon les uns, en 1316, selon les autres, Nasafi (boul-Berkat-Abdallah-Ahmed-ben-Mahmoud), mort en 1310, Schemsd'Ispahan
El-din
commentateur de Beidhawi mort en
1348, et Alhosan, de Schiraz. MoyseMaimonide, qui donne
sur eux une notice assez tendue, croit qu'ils ont emprunt
leurs meilleurs arguments des anciens philosophes chrtiens, et les oppose comme interprtes du Coran aux fokahas,
ou jurisconsultes qui s'appliquaient dduire du livre de
Mahomet des rgles pour la vie pratique, des ordonnances
pour les affaires temporelles, en un mot, la loi civile.
Les motazlites, qui trouvrent comme on l'a vu, dans les
Abbassides l'appui le plus ferme, faisaient remonter l'origine
de leur secte trois thologiens qui aprs la mort du prophte, mirent en doute le dogme de la prdestination
Gilan de Damas et Younis l'AsMohabbed-al-Djohani
warite. Abou-Hadifah-Wacil, fils d'Ata, disciple du fameux
,

Ali-ben-Omar-al-Khatibi

docteur Alhasan de Bassorah, adopta leur opinion et devint


le chef des motazlites. Ils se partagrent ds lors en une
multitude de sectes qui ne pouvaient s'entendre sur les
questions secondaires; c'taient les hodailites, les bashriites, les mazdarites, les Chiiatites
les djahizites, les nizamites, etc., qui se rattachaient deux grandes coles,
celles de Bagdad et de Bassorah. Dans cette dernire ville, on
vit fleurir, aprs Wacil, Abou-Ali-al-Djubbai, Abou-Hashem,

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DE LA PHILOSOPHIE CHEZ LES ARABES.

403

Abd-al-Salam,Aboul-Casem, deBalkh,etc.On n'y traitait pas


seulement des questions pineuses et subtiles, on cherchait
populariser les opinions philosophiques motazlites, et la

grande encyclopdie Tofat-Ichtran-al-Safa sur laquelle


M. Nauwerck a publi une notice en 1837, en est la preuve.
Parmi les plus clbres docteurs motazlites, nous raentiolfc
lierons encore le chef d'cole Ebn-Ayash, Abou-IakoubAl-Sahham, Ibrahim-ben-Siyar-ben-Hani-al-Nizam, etc.
1

Jiirl*prudcncc iniiHiilmane; les quatre ftecte orthodoxe.

On

pu reconnatre, par ce qui prcde, que la thologie


jurisprudence musulmanes ne forment, en ralit,
qu'une seule science base sur l'interprtation du Coran
or, il tait impossible que letloran pt suffire tous les
prceptes religieux et toutes les questions de droit; aussi,
ds l'origine, avait on recours, en certain cas, la dcision
du prophte et de ses compagnons. Aprs leur mort, on
rassembla les traditions orales de leurs prceptes et c'est
ainsi que fut compose la Sonnah, ds le premier sicle do
et

la

l'hgire.

Le Coran
on

et la

Sonnah

n'offrant point

un systme rgulier,
un pour la tho-

sentit bientt la ncessit d'en possder

quatre docteurs entreprirent ce


considrrent d'abord les ibadat ou pratiques
religieuses, c'est--dire les principes qui rglent la vie religieuse du musulman, et les maamelat ou actes civils, c'est-dire les principes qui rglent la conduite du musulman
dans la vie sociale. Ils appelrent scheria la loi suprme
logie et la jurisprudence
travail.

Ils

fondamentale, mane de Dieu

mme,

et les dispositions

susceptibles d'tre abroges par la volont

circonstances ou des

ou

le

caprice des

hommes, canoun, rglements, aouamir^

ordres, aouamir-al-siacieh, ordres politiques ou civils. Les


traits des quatre docteurs, quoique diffrant en quelques
parties les

uns des autres

furent reconnus

comme

ortho-

t. E**ai sur le* cole* philosophique* chez le* Arabe*, et notamment sur la
Doctrine d'Al-dazzali ynr A. Schnioldtr, Puris, I8V2 ; QKlsner, p. HSetsuiv ;
lionk ofreliffiouH ami philn*oph>cal *ect*.by Mob. Althnratani, Kd. W. ('.union,
Londres. 184?.
,

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LIVRE VI, CHAPITRE


doxcs;

III.

nom

de leurs auteurs, et l'on distingue


malkite et hanbalite.
*Le premier de ces chefs de doctrine ou imams tait AbouHanifah-Noman-ben-Thabit, n Koufah en 699, et mort
Bagdad l'ge de soixante et dix ans; ses principes furent
rsums par Ibrahim-ben-Molmmmed-ben-Ibrahim-el-Hails

portent le

les rites hanfite, schafite,

lebi (d'Alep).

Le second, l'imam Schafi, tait n Gaza en 767, et


mourut en gypte vers 819; le troisime, Malek, fils d'Anas,
naquit Mdine en 712, et y mourut en 795 le quatrime,
l'imam Hanbal, mourut Bagdad en 855, l'ge de quatre;

vingts ans.

D'autres jurisconsultes, parmi lesquels nous mettrons au


premier rang Mohammed-ben-Schehab-al-Zoheiri, s'taient
empresss de consigner par crit les traditions lgislatives
qu'ils avaient pu recueillir, et l'tude de la loi s'tait peu
peu rpandue. Ce fut le khalife Haroun-al-Raschid qui russit fixer d'une manire convenable l'administration de la
justice; en 786, il investit de la judicature Abou-YousefIakoub-ben-Ibrahim, disciple d'Abou-Hanifah, et. partir de
cette poque, il ne confia les fonctions de juge, dans toute
l'tendue de son vaste empire, qu' des hommes instruits

que

Yousef.
sous le rgne d'Al-Hakkam, Iahia qui avait
entendu les leons de Malek, celles d'Ebn-al-Casem, mort en
806, et d'Ebn-Ouahb mort en 812, exera la mme autorit
lui dsignait

En Espagne

qu'Yousef; il substitua la jurisprudence hanfite d'Alaouzai (mort en 773) les principes du rite malkite, et il en fut
de mme en Afrique, o Sehnoun, qui vcut de l'anne 776
854, imita l'exemple d'iahia. Depuis cette poque, la ju-

risprudence malkite n'a pas cess d'tre en honneur dans


le Magreb et chez tous les musulmans d'Afrique, jusqu'au
Soudan il n'y a d'except que l'gypte o les schafites
prdominent et o cependant les tribunaux suivent le rite
hanfite adopt en Turquie, en Tartarie et dans une grande
partie de l'Inde, parce que le grand cadi sigeant au Caire
est envoy chaque anne de Constantinople
Par suite de nos rapports avec les Arabes d'Afrique, c'est
,

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DE LA JURISPRUDENCE CHEZ LES ARABES.

405

malkite qui doit attirer particulirement notre atgouvernement a charg M. le docteur Perron
de traduire en franais le MouJchtasar, ou prcis de jurisprudence de Khalil-ben-lshak-ben-Iakoub, qui est, sans contrele rite

tention; le

dit,

le

meilleur code des jurisconsultes malkites; Khalil


14*22 de J.-C. il avait pu profiter, par cons-

mourut en

quent, des nombreux traits dont le rite de Malek avait t


et le
le sujet; les principaux sont le Moud'aouaneh

Moukhtaleha (propositions enregistres et propositions mattribus Sehnoun


le Meouazieh de Mohammedben-al-Mouaz, mort en 894; YOtbieh de Mohammed-benAhmed-ben-bdelaziz-al-Otbi, de Cordoue, mort en 867; le
Ouadiha (les propositions videntes) d'Abou-Merouan-abdal-Melik-ben-Habib-al-Selemi, de Cordoue, mort en 852 le
Mebsouth
Ytal,
d'Abou-shak-Ismail-ben-Ishak-benIsmail , cadi de Bagdad mort en 895 et le Medjmoua (les
propositions rassembles) d'Abou-Abdallah-Mohammedben-Ibrahim-ben-Abdou, jurisconsulte de Cairowan, mort
en 873.
Jusqu'au temps de Khalil, d'autres jurisconsultes malkites acquirent une grande rputation. Nous citerons parmi
eux Ebn-el-Hadjeb, mort au Caire en 1248, Abou-Mohammed-Abdallah-ben-Abi-Zeid, de Cairowan, mort en 970,
Ebn-Farhoun, de Mdine, mort en 1377; mais les juristes
dont Khalil invoque surtout l'autorit sont Ellakhmi (AboulHassan-li-ben-Mohammed al-Rabihi), mort en 1085, EbnYounis (Abou-Bekre-Mohammed-ben-bdallah, le Sicilien),
mort en 1059, Ebn-Roschd (Mohammed-ben-hmed-AboulWalid), mort en 1126 et El-Mazeri (Abou-Abdallah-Mohammed-ben-Ali-ben-Omar, le tamimide), n Mazara en
Sicile et mort en 1141.
Le rite hanbalite est tout fait abandonn.
Les doctrines d'Abou-Hanifah ont donn lieu d'importantes compilations; le Hedaia f il forou ou Guide dans les branches
del loi, compos vers 1180 par Borhan-eddin, et le Mischatal-Masabih ou Collection des traditions les plus authentiques rdige en 1336 par Abou-Abdallah-Mahmoud, d'aprs
imam Houssain qui florissait Bagdad vers 1220, ont

les),

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LIVRE VI, CHAPITRE

*06

mis contribution par

t traduits en anglais et ont t

M.

III.

du mahomtisme. On ne

Mills dans son Histoire

saurait

imaginer combien les Arabes ont attach d'importance


ces recueils de jurisprudence, que des commentateurs habiles dveloppaient sans cesse deux-cents ans aprs la mort
de Mahomet, Abou-Abdaliah-Mohammed al-Bokhari avait
dj fait choix de sept mille deux cent soixante-quinze traditions vraies, sur cent mille douteuses et plus de deux
cent mille fausses; son livre (le Sahih) fut approuv par les
quatre sectes orthodoxes des sonnites on sait que les points
sur lesquels s'accordent les quatre imams sont regards
comme lois fondamentales on distingue ces lois par le nom
d'/dchma (concordance) elles- sont , aprs le Coran et la
Sonnah la troisime source de la thologie et de la jurisprudence musulmanes. La quatrime source de ces sciences,
c'est Y analogie, qui ne s'emploie que pour les cas o il
n'existe point encore de rgles fixes dans les causes extraordinaires, on a recours aux dcisions des princes (fetwa) dont
on a fait une quantit de recueils. La connaissance des
fetwas forme une branche spare de la jurisprudence 1
;

Littrature de* Arabe*; le Coran llxe et maintient l'unit

de tangage.
Aprs avoir ainsi pass en revue ce qui se rapporte la
philosophie et la jurisprudence chez les Arabes, nous
nous trouvons encore une fois ramens au Coran, qui conpremire de leur littrature. Mahomet devait
langue de son pays, que les potes avaient
dj perfectionne et que tous les peuples soumis au joug
de l'islamisme s'empressrent d'adopter; le Coran servit
de modle pour les rgles de la grammaire et du style.
stitue la base
fixer

en

Comme

effet la

il

tait crit sans voyelles,

il

pouvait tre lu et expli-

I. Hedayah or guidera commentait] on the moossolman lacs, translated by


Hamilton, London, 1791. On a imprim en 1831. une dition du Hedaiah Calcutta,
Inayah et Kipiyah. W. .loties, en 1792, publiait
avec les commentaires intituls
le Sirajiah. or ihe mohammednn laxo of inluritance, otc. ; voy. aussi Ho^enmuller,
Institutions juris mnhammedani. etc l.ipsie. 1 825. C'est >iatthews qui a donn,
en 1809, h Calcutta, la traduction du Miscliat-oul-Mnsabih. M. Perron Tait imprimer en ce moment le Prcis de jurisprudence musulmane de Klmlil-ben-lsliak On
a lu avec intrt, dans le Journal asiatique, les mmoires de MM. Worms et Ducanrois sur la mme matire
:

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DES LETTRES CHEZ LES ARAIES.

qu de

diffrentes manires;

en inventant

vaste

la vocalisation

champ aux

Aboul-swad (mort en 688)


livre

par excellence, ouvrit

explications grammaticales; la lexico-

graphie prit naissance;

du discours,
ments et des

du

407

la

la disposition

syntaxe indiqua
des priodes,

le

la

composition

choix des orne-

figures de rhtorique. L'art de lire et d'interCoran forma plus de cent branches diverses, qui
donnrent lieu une infinit d'crits de tout genre. Bien
loin de se corrompre au contact des autres idiomes, l'arabe
s'enrichit d'une foule d'expressions nouvelles, se dveloppa
de plus en plus avec l'lude des auteurs grecs, et devint la
langue savante de l'Orient. La littrature persane ne fut
qu'une division de la littrature arabe. De mme qu'en Allemagne au moyen ge les ouvrages scientifiques taient crits
en latin, tandis que les Minnesingers craient la posie nationale, de mme chez les Persans et les Turcs les livres de
science ont conserv la nomenclature arabe, et l'on ne peut
encore aujourd'hui les tudier fond sans avoir acquis la
connaissance pralable de la langue de Mahomet.
C'est ln un fait remarquable qu'au milieu des nombreux
dialectes que parlent les nations musulmanes, en Asie jusque
dans l'Inde, en Afrique jusqu'au Soudan, et qui offrent des
diffrences si tranches, le Coran est compris de tous; il
maintient au milieu de ces populations, si opposes par
leurs murs et leurs usages, une sorte d'unit de langage et
de sentiments. Dans les coles ou Mekteb, on donne aux
enfants comme exercices des Inschallah et Maschallah(ce
que Dieu veut), des Allah Akbar et Allah Krim (Dieu est
grand), puis un fatiha ( la premire sourate du Coran). Dans
les acadmies ou medreseh, ils apprennent Y Adjarouma
de Mohammed-ben-Daoud-Alsanadji, le Tesrif du seheikelIman l'alfiya ou la quintessence de la grammaire arabe de
Djemal-Eddin-Mohammed-ben-Malek le Flambeau de Motarrzi; la syntaxe des dsinences d'Ebn-Hescham. Nous
possdons un cours complet de grammaire arabe, etc., qui
contient le Mirah-el-Arwah d'Ahmed-ben-Ali-ben-Masoud
YFssi du scheick Isseddin-Aboul-Fodhail-Abdel-WahabAmadeddin-ben-Ibrahim-el-Sendjani; le Maksoud; ou doc

prter

le

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LIVRE VI, CHAPITRE

408

III.

de l'intlexion des noms et des verbes de l'imam Youou doctrine des parties indclinables du
discours; les Emsile, ou tableaux de conjugaison.
Nous ferions connatre plus en dtail les travaux des scoliastes et des grammairiens arabes, si M. de Sacy n'avait
pas donn dans son immortel ouvrage, tout ce qu'il est possible de savoir ce sujet; l'illustre savant a jet la plus
vive lumire sur la nomenclature grammaticale des Arabes,
en remontant aux principes gnraux du langage et en comparant terme par terme les diverses parties de deux systmes
aussi trangers l'un l'autre, que celui des Orientaux et celui des Europens
trine

sef-Ilanifi; le Bina,

Craninialrlenfi, grollafttes et rhteur* arabes.

On

que la langue arabe avait t


tudie avec plus de zle par les peuples soumis, que par
les conqurants eux-mmes; les plus anciens grammairiens,
a fait observer avec raison

Sibavaihi, Faresi, Zedjadj, ainsi

giens, taient Persans.


les plus clbres, parait

que

les

principaux tholodes lexicographes

Au premier rang

Ismal-ben-Hammad-Djewheri, n

Transoxiane, vers le milieu du iv e sicle de


l'hgire, et Firouzabadi, n en 1328 de J. C, Cazerin, dans
les environs de Schiraz. Djewheri parcourut la Perse, la
Farab, dans

la

Msopotamie,

la Syrie,

l'gypte, revint en Khorasan et fixa

sa rsidence Nischabour.

Ce

fut l qu'il publia

en 999,

puret du langage, le
dictionnaire le plus parfait qu'aient eu les Arabes; lui-mme
reut le surnom d'Imam-Alloghat le matre suprme de la
langue son ouvrage a servi de matire un grand nombre
de commentaires, et il a t misa contribution par Golius et
Meninski qui en faisaient le plus grand cas. Firouzabadi

sous

le titre

de Sihah-al-Loghat,

la

(Medjid-Eddin-Abou-Thaher-Mohammed-ben-Iacoub

vint

Lugd. lta1. \?Ajaroum\ah a ou de nombreuses ditions, Rome, 1592 et 1631


tav.,
6 7 ; Amsterdam, 1755-1756. l'aris, 1834, etc. l'armi les auteurs europens
qui ont trait de la grammaire arabe, S. de Sacy occupe le premier rani;. Voy. la
Je ne
notice de J. i. Seriillot, insre dans le Moniteur du 2 septembre 1810.
sais ce que j'aimerais le mieux avoir fait, crivait alurs M de Sacy, notre excellent matre, de la grammaire tirabe ou de l'extrait de M. Sdillot: c'est un morceau
parlait dont je le remercie beaucoup: il y rgne une justesse d esprit, une pr:

cision d'expressions qu'on


faire plus long.

ne sautait surpasser;

il

eut t bien plus fncile de le

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W)

DES LETTRES CHEZ LES ARABES.


une poque de dcadence

prcieux matriaux et

il

mais

il

avait entre les

rsolut de

composer un

contnt toutes les richesses de la langue arabe.

mains de
livre qui
Il

existait

deux dictionnaires d'une grande tendue le Mokaddem d'Aboul -Hassan - Ali - ben - lsmal, surnomm Ebn-Sed ( mort
en 1065), et le Obab, en vingt volumes, de l'iman Hassanben-Mohammed de Saana (mort en 1252). Firouzabadi entreprit de les refondre dans un vaste recueil qui devait avoir
soixante volumes aussi forts que le dictionnaire de Djewheri. Son Camous(al-Camous-al-Mohit, l'Ocan environnant),
que nous possdons, est le rsum de ce travail dont il forme
peine la trentime partie. Aprs avoir longtemps voyag
:

et s'tre

instruit l'cole des scheiks les plus estims des

il finit par s'tablir Zbid o il mourut


en 1415, g de quatre-vingts ans. Le souverain de l'Ymen,
lsmail-ben-Abbas, surnomm Alascraf, ne cessa de le protger, et on prtend mme que Bajazet etTamerlan, frapps
de la haute considration dont il jouissait, lui envoyrent
des prsents. II composa plus de quarante ouvrages qui,
malheureusement, ne nous sont pas parvenus.
Nous n'abandonnerons pas cette branche importante de
la littrature arabe, sans dire quelques mots d'Aboul-CasemMahmoud-Zamakschari grammairien, lexicographe et interprte du Coran (mort en 1143), qui acquit aussi par ses
crits une grande renomme; il partageait les opinions des
motazlites et s'en faisait honneur. On cite de cet auteur un
commentaire sur le Coran intitul: Casschaf, un trait de la
syntaxe arabe, une introduction h l'tude de la grammaire
et un lexique arabe persan qui a t publi dans ces derniers temps.
La rhtorique et l'loquence tiennent aussi une place importante dans la littrature orientale; on peut consulter cet
gard les gloses et commentaire et Djordjani sur le Telkhisel-Miftah de l'imam Djelaleddin -Mahmoud- ben -Abderrahman-el-Cazwini, par Saad-Eddin-el-Teftasani, le Hadaik- el-Blaghat de Mir Schems-Eddin, qui contient un
trait complet de la rhtorique et de la prosodie persane,
ou trait du style et des divers genres
et \\\(1ab-el-Khatib

lieux qu'il visitait,

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LIVRE VI, CHAPITRE

410

III.

d'loquence d'Ebn-Cotaibah mort en 890. Ce fut Khaiilben-Ahmad qui le premier rdigea, d'aprs les anciens
potes, les rgles de la mtrique adoptes par toutes les nations musulmanes. Le Persan Ebn-al-Sekaki,rhteurclbre,
a t compar Quintilien pour la clart et la justesse des
prceptes; Cicron pour la beaut et la richesse du style.
Dans sa Mlhole universelle lgazri expose les diffrentes
espces de connaissances qu'il juge ncessaires l'orateur;
enfin, dans un livre sur le mme sujet, lsoouthi traite de la
puret, de l'lgance, de l'nergie de la langue arabe, et
joignant l'exemple au prcepte, il cite des passages des au,

teurs les plus estims avec leurs tmoignages l'appui


ses doctrines

de

Philologie, conte*, fahir* et nouvelle.

A ct des rhteurs que nous venons de nommer, nous


devons placer les philologues Hariri parat en premire
ligne; ses mcamt, ou sances, au nombre de cinquante,
dont M. de Sacy a donn une si belle dition, sont clbres
dans tout l'Orient; elles se composent de nouvelles racontes par un personnage suppos, et sont entremles de
prose et de vers; l'auteur affecte d'employer des expressions figures ou nigmatiques peu usites; les allusions et
les proverbes dont son ouvrage est sem en rendent la lecture difficile; aussi est-il peu de livres qui ait eu autant de
commentateurs.
Ebn-Khallican nous apprend, dansson Dictionnaire biographique, qu'Hariri tait n en 1054 et qu'il mourut Bassorah
en 1 121 c'tait dit-il, un des premiers docteurs de son sicle
ses mcamt renferment une grande partie des richesses de la
langue arabe et de ses dialectes quiconque les connat fond
et comme elles mritent de l'tre, peut se faire une ide du
talent de cet crivain, de l'abondance de ses lectures et des
ressources de son rudition la sance appele Haramiah
:

l. njewheri a l imprim Constantinnple en 1728, 1758 et 1802, et le Camout


de Fin>nzab:*di en I8t4-I8i7; l'dition de Calcutta a paru en 1817. M. J. G. Wetztein
a comment l.eipsig. en 1844, la publication du Lericon de Zamachscliari Vov.
VAntholofiie grammaticale de M. S. de Sacy. lu Rhtorique musulmane de M. Garc.in de Tasuy, et Zenker, Bibl. orient., p. 18. 4i et 45.

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DES LETTRES CHEZ LES ARABES.

411

tomba entre les mains de Schrif-Eddin-Abou-Nasr-nouschirwan-ben-Khaled-ben-Mohammed-Caschani, visir de


Mostarsehed-Billah, qui la trouva parfaite, et engagea l'auteur en composer d'autres; le visir Djlal-Eddin-Omaid-

Eddaulah-Aboulhassan-Ali,

fut

aussi le

protecteur de

on lui
en vers sur la grammaire arabe,
Molhat'Aliraby et un commentaire en prose sur ce

Hariri qui consacra sa vie la culture des lettres;

doit encore
intitul

mme

un

trait

trait.

Avant lui, Iamadani (Aboul-fadhl-hmed-ben-Hosain),


mort en 1007 l'ge de quarante ans, s'tait exerc dans le
mme genre de compositions et se vantait d'avoir fait quatre
cents mcamt; il tait dou d'une mmoire prodigieuse et
rcitait sans hsitation un pome qu'il avait entendu lire
une seule fois; il improvisait avec la plus grande facilit, et
tout ce qu'il disait tait remarquable par le choix des expressions, la puret et l'lgance

du langage.

C'est cette branche de la littrature arabe qu'il faut

maximes morales de Locman, que


cherch identifier avec sope, et que les Orientaux
appellent le sage par excellence; les contes et apologues
d'Ebn-Arabschah de Damas; l'ouvrage d'Ebn-al-Mokaffa
intitul Calila et Dimna, premire traduction qui ait t
donne en arabe des fables de Bidpai, et le recueil des Mille
et une Nuits, dont l'auteur est inconnu, chef-d'uvre inimirattacher les fables et les
l'on a

que l'imaginasemer d'pisodes charmants, de

table qui allie des faits historiques tout ce

tion la plus brillante peut

penses leves et quelquefois dlicates

Proverbes et reeuells de chanson*

*.

premire partie de*

sources historiques.
Ceci nous conduit parler des recueils de proverbes et
de chansons que possdent les Arabes et qui sont une
source fconde de renseignements historiques. Le livre des
,

I. Les sances de Hariri ont t publies diverses reprises par Sehultens


Reiske, Caussiri de Perceval I8i9), Peiper (.1832 et 1836), Biukett, 1836-1838. etc.;
mais rien n'gale la belle dition rie Silvestre de Sacv(Patis, 1822), que rimprime en ce moment M. Haenette. On compte plus de douze ditions des Fables de
Lorman six de Cbla et Dimna, et plu3 de trente des Mille et une ntriix, en fran,

ais,

en allemand et eu anglais.

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LIVRE VI, CHAPITRE

412

III

Proverbes, de Meidani, a souvent exerc la sagacit de nos


niais c'est surtout le Kitab alagani, ou le livre des chansons, d'Aboul-Faradje-Ali-benHosain-Isfahani (d'Ispahan), qui a jet une vive lumire sur
les anciennes annales de l'Arabie. Isfahani tait vers dans

plus illustres orientalistes

connaissance des combats fameux et des faits mmoradans celle des gnalogies et de la
bibliographie
il composa
plusieurs ouvrages jusqu' sa
mort, arrive en 356 de l'hgire; mais le>plus important,
sans contredit, comme le plus volumineux est son recueil
de chansons dont la Bibliothque nationale possde un
exemplaire en quatre volumes in-folio. On se tromperait si
l'on jugeait ce livre d'aprs son titre d'un genre frivole
ce
sont de vritables morceaux de posie empruntes diffrents
auteurs, avant ou aprs l'islamisme, qui fournissent de nombreux et intressants matriaux pour l'histoire civile et littraire des Arabes. L'abondance, la varit et le piquant des
anecdotes de toute espce qui y sont racontes, font passer
rapidement sur des particularits dpourvues d'intrt auxquelles l'auteur s'est peut-tre un peu trop attach. Cet ouvrage, qui n'est connu en Europe que depuis l'expdition
d'gypte, est fond sur un recueil de. cent chansons fait
pour le khalife Raschid par Ibrahim-Mauseli, Ismal-benDjami et Folaih-ben-Aoura plus tard, par l'ordre de Wathek, Ish'ak fils d'Ibrahim, ajouta cette collection les
chansons de Mabed , d'Ebn-Soraidj d'Younis celles de
plusieurs khalifes ou de leurs fils et quelques pices de
la

bles de ses anctres

une

ou
chansons dont il fit choix les faits qui les expliquaient, des noet pour pitices sur les potes qui les avaient composes
quer davantage la curiosit du lecteur, vita de s'assujettir
La gnalogie du pote Abou aucun ordre rgulier
Katifah, petit-fils d'Okbah tu de sang-froid aprs le combat de Beder par ordre de Mahomet, pour ne citer qu'un
posie auxquelles se rattachait

histoire instructive

intressante. Isfahani, qui vint ensuite, joignit aux

l.

M. Quatremere, Notice sur Meidani, et Mmoire sur le Kilab-Alaqani : MeiA. Schultens, l.ttdg. Rat 1795 l'extrait
{Arabum pmre.rbia), 3 vol.,

danU prmerbiorttm arabicorum pars, par

de Habicht, VratUlaviap, i826, et l'ouvrage de Freytag

Bonn,

1838-184*2.

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DES LETTRES CHEZ LES ARABES

413

exemple, fournit l'auteur des digressions historiques


pleines d'intrt. Nadr-ben-Hareth partagea le sort d'Okbah
c'tait un homme distingu par ses connaissances
il avait
voyag hors de son pays tudi les langues trangres lu
;

avec soin les monuments littraires des Perses et des Grecs,


et apport ces ouvrages la Mecque, o il avait introduit le
got de la musique; mais, fier de son rudition
il s'tait
,

l'ennemi du faux prophte, relevant ses contradictions,


l'accusant d'ignorance. Il paya cher cette hostilit. Le sort

fait

des armes l'ayant

fait tomber dans les mains de son rival


de se dbarrasser d'un ennemi incommode.
Mahomet cependant regretta d'avoir cd un sentiment de
vengeance condamnable
en entendant Kotailah sur de
Nadr dplorer dans les vers suivants le malheur de son

celui-ci se hta

frre

que Nadr avait reu le coup mortel), est un


o tu arriveras le matin du cinquime jour si tu es bien guid.
Vas trouver celui qui repose en cet endroit , et porte lui de ma part un
adieu dont le lger bruit ne cessera de faire palpiter nos chameaux.
Dpeins-mi mes regrets, qui tantt arrachent de mes yeux des larmes
cavalier! Othail (c'est l

lieu

abondantes, tantt m'oppressent et me suffoquent.


Nadr entendrait-il ma voix ; peut-on croire qu'un mort qui ne peut parler soit capable d'entendre?
Il a pri par le glaive des enfants de son pre; grand Dieu, quels liens
de parent ils ont ainsi briss.
Fatigu charg de chanes, captif, il a t lentement conduit au supplice comme un animal garrott.
0 Mahomet, fils d'une mre distingue dans toute la tribu , et du pre le
,

plus illustre

L'indulgence ne t'aurait caus aucun prjudice; souvent l'homme gnreux , quoique agit par les transports de la haine et de la colre , pardonne a son ennemi.
Si tu avais voulu accepter une ranon, nous t'aurions offert les objets qui
eussent t pour toi les plus rares et les plus prcieux.
Nadr tait de tous ceux dont tu as puni les fautes, celui qui te touchait
de plus prs, et le plus digne de la libert, si quelqu'un avait d l'obtenir.

Les anecdotes abondent dans les rcits de Meidani, et quelques-unes sont curieuses propos de ce proverbe Certes,
il rapporte que ces mots
il y a de la magie dans l'loquence
furent prononcs par Mahomet lorsqu'il reut, en 630, une
:

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LIVRE VI, CHAPITRE

III.

dputation compose d'mrou-ben-Ahtem , Zibrikan-benBedr et Kas-ben-Asem, qui embrassrent alors l'islamisme.


Il est souvent fait mention de Kas-ben-Asem dans l'ancienne histoire des Arabes et dans les vnements qui sui-

mort de Mahomet. Lorsqu'il fut l'article de la


montra ses enfants un faisceau de flches, et leur
dit d'essayer de les rompre, voulant ainsi leur faire sentir
les avantages qui doivent rsulter de l'union. Dans un autre
endroit, Meidani cite ce proverbe Le bton provient du petit bton^ pour indiquer que parfois une grande chose nat
d'une petite, et il donne ce sujet quelques dtails qui ont
fourni un auteur clbre le sujet d'un conte bien connu
virent

mort,

la

il

Les quatre fils de Nizar,Modar, Ai;td,Rebiah, Anmar, n'ayant


pu s'entendre sur le partage des biens paternels , se rendirent auprs d'Af-le-Djoramide, qui tait le juge des Arabes;
sur la route, ils rencontrrent un homme qui cherchait

un chameau
point borgne

ils

lui

demandrent

penchant d'un ct

si

ce chameau n'tait

sans queue, et d'un na-

turel farouche l'homme rpondit affirmativement et s'imagina que les quatre frres s'taient empars de l'animal
mais ils dclarrent ne l'avoir pas mme aperu. Interrogs par Af, Modar dit qu'en voyant les restes d'un
;

champ dont

l'herbe avait t mange seulement d'un ct,


en avait conclu que la bte qui tait venue patre en cet
endroit tait borgne; Rbiah avait remarqu qu'un des
pieds de devant avait laiss sur la terre une trace bien imprime, tandis que la trace de l'autre pied tait mal forme
Aiad avait jug qu'il n'avait pas de queue parce que ses
excrments n'laient point disperss; Anmar enfin avait
observ que l'animal se trouvant dans un lieu dont l'herbe
tait abondante, l'avait quitte pour une herbe beaucoup plus maigre. Les Arabes aimaient beaucoup exercer
ainsi leur sagacit et on rencontre dans leurs crits plusieurs traits de ce genre.
il

Pofile* arabe

deuxime partie des *ouree

hltttoriqaes; les

nept moulinent, etc.

On

a dit avec raison

que

les

poles arabes avaient t les

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DES LETTRES CHEZ LES ARABES.

44

premiers historiens de leur pays. Tous les ans la foire


d'Ocazh on entendait le rcit des hauts faits des guerriers
en renom; chacun vantait la noblesse et l'illustration de sa
tribu. Lorsqu'une pice de vers ou cacida obtenait l'admiration gnrale elle tait crite en lettres d'or et attache
aux murs de la Kaaba; de l les moallacat dont nous avons
parl. Celle de Harith-ben-Hilliz rappelle le diffrend des
bacrites et des taghlibites, les combats o ses adversaires
ont eu le dessous, les affronts qu'ils ont reus et qui sont
rests impunis.
Zoheir clbre dans sa moallacat la rconciliation des
Abs et des Dhobyan. Amr ou Amrou, fils de Colthoum, fait
dans la sienne un loge emphatique de la tribu des Taghlibites en gnral et de la famille de Djohram en particulier.
Les moallacat d'Imroulkas, de Tarafa, d'Antara et de Lebid
ont un autre caractre c'est une suite de tableaux o se
peint l'imagination de Fauteur les riches dtails, les comparaisons varies, les figures hardies dont ces pomes sont
sems, ont servi de modle aux crivains des sicles suivants.
Imroulkais, n vers l'an 500, avait longtemps men une vie
errante. Son pre tait chef des Abou-Asad il prit assassin, etlmroulkays, pour venger sa mort, s'adressa inutilement aux Arabes nomades du dsert, aux princes de
l'Ymen et l'empereur Justinien il expira lui-mme prs
d'ncyre peut-tre empoisonn. Tarafa eut une destine
plus cruelle encore ayant encouru la disgrce du roi de Hira
Amr, fils de Hind et de Moundhir III qui l'avait accueilli
avec faveur, il fut enterr vivant, peine g de vingt ans.
Antara, qui s'illustra par ses exploits et son gnie potique,
n'eut pas des aventures moins surprenantes fils de Cheddad
et d'une esclave abyssinienne, il suivit le sort de sa mre dclar libre au milieu d'une action sanglante, il fit plus d'une
fois des prodiges de valeur et devint un vritable hros;
ses hauts faits ont donn naissance un roman moderne
trcs-populaire en Orient, et qui ne comprend pas moins de
trente-quatre volumes in-4. L'auteur, Sayyid-Yousef fils
d'Ismail a fait une peinture exacte de l'existence des Arabas du dsert dont il dcrit avec une verve singulire les
,

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-41

LIVRE VI, CHAPITRE

(>

111.

vertus et les vices, introduisant dans son rcit les vnements et les personnages les plus remarquables du sicle de

Mahomet. Antara fut tu dans un ge avanc par un Arabe


de la tribu de Nebhan, nomm Wizr, qui fut un des dputs envoys au prophte en 629 par les Benou-Tay l
.

ct des sept potes qui eurent l'honneur d'attacher

nom aux

moallacat, se trouvent des hommes d'un mminent, parmi lesquels nous devons mentionner
les deux Mourrakisch , qui prirent part la guerre de Bacous Schanfara, de la tribu d'Ard Taabbata-Scharran Nabigha-Dhobyani qui se concilia successivement la faveur
des rois de Hira et des princes Gassanides, et qui vcut jusqu'au commencement du vu c sicle de notre re enfin Dourayd, fils de Simma, qui prit la bataille de Honan aprs
leur

rite aussi

une extrme vieillesse.


Ds les premiers temps de l'islamisme, ce furent les potes de la Mecque qui commencrent l'attaque contre les
nouvelles doctrines. Mahomet fut en butte aux satires

avoir atteint

fils de Zibara; d'Abou-Sophian fils de Harith


d'Abdelmotaleb et d'Amrou fils d'El-As fils d'Ommiah il chargea trois potes khazradjites de sa dfense :
Hassan fils de Thabit, Abdallah fils de Rowaha et Caab
fils de Malik. Les hostilits furent vives de part et d'autre,
et les victoires de Mahomet purent seules arrter cette
guerre de rcriminations et d'allusions mordantes. Un autre
Caab fils de Zoheir l'auteur d'une des moallacat, ayant
parl du prophte et de sa religion en termes mprisants,
fut frapp de proscription plus tard
il se fit musulman
pour sauver sa vie, et composa la Cacida si clbre connue
sous le nom de Pome du manteau (Gacida-el-borda). Lors-

d'Abdallah,
fils

que Mahomet

l'entendit rciter ces vers

Le prophte est un flambeau qui claire le monde.


C'est un glaive que Dieu a tir pour frapper l'impit,
il

lui jeta

son manteau

comme marque

manteau, achet depuis par

les khalifes

de satisfaction; ce
bbassides, est con-

or Seven arabian poems, etc.. Ed. W. Jones, l.ondon, 1*81 les


I, Moallakat
Moallacat ont t imprimes plusieurs fois sparment: voy Zenker, Bihlior/raphie orientale (potes arabes), p. 51-59, et la chrestotnothie arabe de S. do Saey.
;

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417

DES LETTRES CHEZ LES ARABES.

serve, dit-on, encore aujourd'hui Constantinople dans le

ottomans l
Les recueils d'anciennes posies arabes qui comprenaient
les productions d'un auteur ou d'une tribu entire, portaient le nom de divan, et Ja connaissance des divans formait une branche des tudes historiques; quelques ouvrages comme le Hamasa offrent au contraire la collection
palais des sultans

des meilleurs morceaux d'crivains diffrents. La posie


ne se conserva avec son nergie primitive que dans l'Arabie
mme au dehors elle perdit de sa force et de sa dignit,
on rappliquait toutes les sciences la thologie la philosophie, l'algbre et mme la grammaire furent quelquefois
traites en vers.
Au ixc sicle de notre re, Motenabbi composait plusieurs
pomes en l'honneur de l'mir Seif-Eddaulah-Aboul-Has;

'

san-Ali-ben Hamdan Abou-Temam-Habib-ben-Aws surnomm Al-Thaii rdigeait le Hamasa on admirait plus


tard Abou-Nowas, mort en 810 Ebn-Doreid, mort en 933;
Abou-Ola, mort en 1057; Ebn-Faredh, mort en 1235, etc.;
vers 1092, Tantarani mettait en vers arabes le trait de jurisprudence de l'iman Gazzali-Omar-ben-Faredh (n en 1 180,
mort en 1234), et publiait un pome sur la doctrine et les
pratiques dej 'ordre des fakirs ses ouvrages, trs-estims des
Orientaux, taient recueillis en un divan par son disciple Ali.
On reproche gnralement la posie arabe de manquer
d'tendue de varit et de plan si l'on excepte quelques
contes des Mille et une Nuits crits moiti en prose, moiti
en vers, les pomes historiques d'Abou-Temam de Gemaleddin, etc., certains ouvrages o paraissent des interlocuteurs, tels que le Babillard, l'Homme qui lve trop
et l'Homme qui baisse trop la voix , par Abou-Jali-ben-alHobaria, et les dialogues de Mohammed-ben-Mo^a m/z(/, introduisant sur la scne cinquante professions qui toutes parlent
leur langage particulier, on rencontre peu d'crits de longue haleine la plupart des morceaux qui brillent par la
beaut des dtails sont resserrs dans un cadre uniforme et
,

1.

Carmeu mysiicum liorda dietum, Ed.

V. Edleu

J.

Uri, Lugd. Bat

1761, et l'dition

de

von Rosenzweig. Wien, 1824.

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LIVKE VI, CHAPITRE

418

III.

parfois dcousu cependant il faut reconnatre que les potes


de la grande poque du khalifat n'ont pas cette recherche
de sentiment, cette exagration d'images qui dparent le
plus souvent les compositions orientales on pourrait mme
les accuser d'un dfaut contraire si on les jugeait d'aprs
les sentences d'Ali. La ballade de Maiounah est d'un style
chaste et pur; le mauvais got n'envahit la littrature qu'au
temps de la dcadence 1
C'est surtout dans la posie lyrique que se rvle le gnie
des Arabes leur lgie est pleine de sensibilit leur pigramme est vive et mordante; leur apologue est quelquefois sublime; leur idylle pleine de grces et de vrit; ils
;

n'ont qu' retracer les scnes qui sont sous leurs yeux sans
qu'il leur soit ncessaire de rien changer au langage de

'

leurs hros; aussi excellent-ils dans le genre pastoral.

En Espagne

l'imagination des potes s'exerait dans les

Mahomet furent
rassemblaient sous
leurs tentes pour entendre quelque rcit merveilleux auquel

nouvelles et les romances; les sectateurs de

toujours de grands conteurs;

le soir ils se

se mlaient comme Grenade la musique et le chant; le Romancero compos de pices traduites ou imites de l'Arabe
retrace avec exactitude les ftes du temps, les jeux de Bra-

gues, les courses de taureaux, les combats des chrtiens et des


musulmans les hauts faits et les danses des chevaliers et
,

cette galanterie dlicate et recherche qui rendit les

espagnols fameux dans toute l'Europe. Le

nom

Maures

seul des

le titre de leurs ouvrages qui nous, sont encore


presqu'inconnus, rempliraient des volumes. C'est de leurs
divans que les Provenaux empruntrent la rime, employe
de temps immmorial par les Arabes*. Ahmed-ben-Mohammed (Abou-Amrou) mort en 970, considr comme
le meilleur pote arabe de l'Espagne, crivit aussi les annales
de la Pninsule et clbra les entreprises des Ommiades.

potes

Proverbia quaedam Alis imp. muslemici


Abou-Stnz$ Ed. J. Golio, I.ugd. Bat., 1629

et carmen Tograi nec non disserta; le mme ouvrage en franais, publi


1760: Ockley, Htst. des Sarrasins, etc., page 337.
Hamasx carmina, ed Freytag, Bonn, 1828.
2. Yiardot, t. II, p. 158; et Middeldorf dj cit, d'aprs Casiri.
t.

tio

par

P. Vatiier,

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DES LETTRES CHEZ LES ARABES.


frlltttorien*

il 9

arabes Aboulfeda, Aboulfarage, liohaeddhi.

[I ne faudrait pas croire cependant que les sources que


nous venons d'indiquer fussent les seules consulter pour
bien connatre les traditions des Arabes ils avaient aussi
on a coutume de placer au premier rang
leurs historiens
Aboulfeda, Aboulfarage etBohaeddin, qui ont t mis tout
particulirement contribution par les savants de l'Occident; mais Ebn-Khaldoun, Makrizi, Schems-eddin Soyouthi
Nowairi et d'autres que nous aurons l'occasion de
mentionner, n'ont certes pas une moindre valeur. Hadji;

Khalfa cite treize cents ouvrages appartenant ce genre, et


le Nethaidje de Jahia-Effendi en dsigne quinze comme
classiques. Ils ont en gnral la scheresse des chroniques;
on n'y trouve pas cette liaison morale des vnements qui
constitue vritablement

l'art

d'crire

l'histoire

toutefois

l'exactitude avec laquelle sont indiqus les lieux et les dates

des vnements, offre un mrite qu'on ne saurait trop apprcier et permet aux esprits d'un ordre lev d'appuyer
leurs considrations et leurs jugements sur une base solide
et relle.

Aboulfeda dont nous avons dj parl en traitant des gographes arabes, ml tous les grands intrts de son
temps, exeraitllamah la puissance souveraineau commencement du xiv e sicle. Dou de qualits minentes, il brillait
par son courage la guerre et par sa prudence dans les conseils il aimait avec passion les lettres et les sciences, et il crivit une Histoire abrge du genre humain, divise en cinq
parties et remplie de faits curieux. La premire partie comprend les patriarches, les prophtes, les juges et les rois
d'Isral la seconde les quatre dynasties des anciens rois de
Perse; la troisime, les Pharaons d'gypte, les rois de la
Grce, les empereurs romains; la quatrime, les rois de
l'Arabie avant Mahomet; la cinquime, l'histoire des diffrentes nations, des Syriens, des Sabens, des* Coptes, des
Persans etc., et les vnements arrivs depuis la naissance
de Mahomet jusqu'en 1328 de J. C. Aboulfeda mourut trois
ans plus lard. Son livre n'est pour les temps anciens qu'une
;

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LIVRE VI, CHAPITRE

i0

111

mais il peut tre conpour l'histoire politique et littraire de


l'islamisme et pour celle des empereurs grecs des viir3 ix e et
Xe sicles.
Nous possdons d'Aboulfarage une chronique ou histoire universelle depuis la cration du monde, qui fournit
de prcieux documents sur les Arabes, les Mongols et les
conqutes de Gengis-Khan; n en 1220 Malatia, mort
en 1286, Aboulfarage nomm aussi Bar-Hebrseus, tait de
la secte des chrtiens jacobites il fut successivement vque
de Gouba, d'Alep et primat des jacobites d'Orient; il composa plusieurs ouvrages de thologie et de philosophie, et
aprs avoir crit son histoire gnrale en syriaque, il la traduisit lui-mme en arabe la prire de ses amis.
Pour Bohaeddin il nous est connu par son histoire de
Saladin; n Mossoul en 1145, il tudia avec ardeur les
traditions et la jurisprudence, professa quelque temps
Bagdad dans le collge de Nedham-el-Muik, puis dans celui
que le cadi Kemal-Eddin-Mohammed-Chehrezouri avait
fond Mossoul. S'tant concili la faveur de Saladin il fut
nomm parce prince cadi'lasker ou juge de l'arme, et juge
de Jrusalem. Aprs la mort du sultan, laquelle il assista,
il conserva sous ses fils une trs-grande inlluence et devint
cadi d'Alep o il fonda un collge et une cole; vers 1231
il renona aux affaires publiques et ne cessa jusqu' sa mort
arrive en 1235 de professer avec distinction
compilation de valeur mdiocre

sult avec fruit

Kbn

On

Klinldoiin ; Hakrlzl; Al-Soloutlil. etc.

conoit trs-bien qu'en prsence du despotisme orien-

tal, les historiens manquassent de la libert ncessaire pour


exprimer leurs penses lorsqu'un prince dfendait sous
peine de mort d'crire les annales de son rgne, ils taient
avertis qu'ils devaient mettre la plus grande rserve dans
;

I. Abulfeda, Annales motlemini. latino* e.rarabicis fecit Uciske, 1794, et l'dition d'Adler,, 1789-1791: de Vitd Afohammedis, d. J liagnier, 172*2: trad. en anglais par Murra-y et en franais par M. Desvergers, 837; et enlin Vtihtoria anteislamica de Fleisclier, l.ipsiu.', 1831. Hisloria cornpendtosa dynaistiarum autore
Gregorio Abulpharttjio , etc., trad. par Pococke (Osoitix, 1663 et 1672 , avec le
supplaient; l'dition en allemand de G. I.. Bauer (I.cipsig, 1783- 1785), Lcrtiones
abulphrirarpanif, de Koeper (Danizig, i84i\ etc.
Vita et res (jestir Saladini,
Auctore Buhadino F. Sjeuadi, ed. Alb. Schultens, l.ugd. Datav., 1733 et 173.

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DES LETTRES CHEZ LES ARABES.

121

poudu souverain. Cependant Ibn-

leurs apprciations et se borner rappeler les faits qui

vaient rehausser la gloire

parat sortir de la classe commune; n Tunis


en 1332, jet jeune encore au milieu des rvolutions dont
l'Afrique fut le thtre au xiv c sicle, il servit quelque temps
les rois de Fez, et se rendit ensuite au Caire o il enseigna
publiquement. Nomm chef des cadis de la secte de Malec
en Egypte, souvent destitu, mais rappel presque aussitt
par les sultans qui comprenaient toute la valeur de ses services, il mourut l'ge de soixante-seize ans en 1406.
Parmi les ouvrages qu'il avait composs, il en est un qui
rvle un gnie vritable et dont nous aurons bientt une

Khaldoun

connu sous le nom d'annales


indpendamment de prolgomnes tendus, l'histoire des Arabes jusqu' la fin du xiv e siexcellente traduction;

d'Ebn-Khaldoun

il

est

et contient

des Berbres.
L'auteur traite d'abord de la critique historique puis il tudie la socit son origine, donne une description succincte
du globe et recherche quelle influence la di versit des climats
peut exercer sur l'homme; il examine ensuite les causes du
dveloppement et de la dcadence des tats chez les peuples
nomades et au milieu des grandes agglomrations d'indi-

cle, et celle

vidus;

il

traite

du

travail

en gnral, numre

les diverses

professions librales et mcaniques, et termine par

une

animant son rcit par des exemples curieux et instructifs puiss dans les annales de toutes
les nations. Il existe une version turque de ces prolgomnes faite sous le rgne d'Achmet III, par Mohammed
Pirizadeh et qui est d'un tiers plus longue que le texte

classification des sciences,

original.

Makrizi (Taki-Eddin- Ahmed) contemporain d'Ebn-Khalil mourut


fut pas moins clbre comme crivain
en 1442, laissant deux ouvrages d'une gale importance,

doun ne

des sultans mamlouks traduite par M. Quatremre,


topographique de l'gypte,
mine inpuisable d'anecdotes relatives l'histoire religieuse,
politique, administrative et commerciale de cette contre
depuis sa conqute par les Arabes.
l'histoire

et la description historique et

M
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LIVRE VI, CHAPITRE

i22

La

111

famille de Makrizi tait originaire

de Baalbek; luin au Caire en 1364, y grandit et y fit ses tudes


ses heureuses dispositions le firent entrer bientt dans les
bureaux de la chancellerie auprs du cadi Bedreddin-Mohammed-ben-Fadhl-lIah-Omari. 11 fut plusieurs reprises
revtu de la charge de mohtsib et exera divers emplois
relatifs la religion. Il avait d'abord adopt les opinions de
la secte des hanfis; il embrassa plus tard les dogmes
de Schafe et montra contre les partisans d'bou-Hanifah
une partialit qui lui a t reproche par ses contemporains.
Les vastes connaissances qu'il avait acquises et un got
trs-vif pour la vie retire, lui permirent de se livrer entirement la composition de nombreux ouvrages qui lui ont
valu dans ces derniers temps le surnom de Yarron de l'gypte musulmane; il est regretter que plusieurs de ses
crits ne nous soient point parvenus, mais on peut se faire
une ide de l'activit littraire de Makrizi, en songeant qu'il
avait entrepris de rdiger une chronique gnrale qui devait avoir plus de quatre-vingts volumes. Ce recueil qui ne
fut point achev comprenait par ordre alphabtique l'histoire
de tous les princes qui avaient rgn en gypte, de tous les
personnages qui avaient fleuri dans cette contre, et mme
de ceux qui l'avaient habite ou visite momentanment.
11 existe la Bibliothque nationale un volume de ce dictionnaire, de la main mme de Fauteur, qui permet de

mme

juger l'ensemble et les dtails du plan que s'tait trac


Makrizi 1
L'gypte compte de nombreux historiens indpendamment de Djemal-Eddin-ben-Wasel, qui vivait en 1250, et que
Makrizi a souvent mis contribution nous pouvons men.

1. M. Quairemre publie en ce moment les prolgomnes d'Ebn-Khaldoun ;


M. Slane a donn le texte de Y Histoire des Berbre*: M. Desvergers ['Histoire de
l'Afrique ous les aglabiles ( 1841); Tornberg, les expditions des Francs sur les
terres soumises l'islamisme Upsal, 1841 ). Nous connaissons encore d'Ebn Khaldoun un extrait sur l'art de l'architecture par Coquebert de Monlbret, 1827,
et VArticolo sull'avtica e varia arte di scrivere appresso gi arabi, imprim
L'Histoire des sultans mamlouks de Makrizi a t commence
Rome en 1820.
par M. Quairemre en 1837. Nous avons rendu compte de cet important ouvrage
(Journal asiatique, 1839 - 1846 ). On a de Makrizi ; 1 Historia rerum islamitirarum in Abyssinia, d. Rink, l.ngd. Rat., 1798; 2 Historia monetx arabicx et
traclatus de l'egalibus arabum punderibus ac mensuris, d. Tycbseu, 1797 et
1800. M. de Sacy a traduit ces deux traits en franais, 1797 et 1799.
i

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DES LETTRES CHEZ LES ARABES.

423

tionner Aboul-Mahasen-ben-Taghri-Berdi, qui nous a laiss


de cette contre, depuis l'invasion des Arabes

les annales

jusqu'en 1453, poque laquelle lui-mme florissait; EbnAyyas (Mohammed-ben-Ahmed) qui les a continues jusqu'en 1522 de J. C; Schems-Eddin fils d'Aboul-Sorour qui
s'arrte en 1652; on sait quel service immense M. de Sacy
a rendu aux lettres orientales, en traduisant la description
de Vgypte d'Abdallatif contemporain du sultan Saladin,
(n Bagdad en 1161, mort en 1231); Al-Soouthi (Aboulfadhl-Abderrahman-Djelaleddin ) n'est pas moins clbre
qu'Abdallatif, par son histoire de l'gypte qui s'tend depuis le commencement du monde jusqu'au rgne du sultan Abou-Nasser-el-Melik-al-Aschraf-Caitba; cet crivain,

qui composa plus de livres que beaucoup de personnes n'jsn


le cours de leur vie
tait n Siout en gypt
vers l'anne 1445 de J. C. il mourut en 1505 et sa biographie pourrait se borner la liste de ses ouvrages s'il tait

ont lu dans

de

possible

donner complte
M. Auditret dans la
donne sur Soouthi n'en compte pas moins

la

notice qu'il a

de cinquante-six 1

9Iaoudl, Taburl

Kbn-al-Athlr, Xowalrl, etc.

Cette fcondit merveilleuse se retrouve dans la plupart

des auteurs arabes des beaux jours de l'islamisme ;Masoudi


qui vivait au xc sicle et qui jouit comme historien
d'une grande rputation, brillait surtout par l'tendue de
ses connaissances. Anim, ds on enfance, d'une vive
passion pour l'tude, il approfondit tour tour les sciences,
la philosophie, la littrature, la gographie et l'histoire.
Lorsqu'on parcourt ses ouvrages, dit M. Quatremre, on
est vraiment stupfait en songeant sur quelles matires diverses il avait crit et combien de questions importantes et
l. Relation de l'yypte d'Abdallatif, eic, par S. de Sacv, Paris, 1810, l'dition de Pococke et de J. White. 1800, et les .fSgyptiaca de W.'White. I80i ; Mousley
a donn, en 1808, la Vie d Abdallatif d'aprs ai u-Oseibah. - Nous avons encore
de Makrizi l Narratio de expeditionibm a Grxcis francisque adversus Dimyatham, d. Hamacker, 1824; 2" Historia Coptorum christianorum in Egypto, d.
Wetze. Voy. aussi Denkwurdiykeiten seyyptens in Hinsiclit auf naiurreich
and physische besc.haffenheit des Landss und der Eimvotiner, etc.. ed.Wuhl.
;

1790. et le Maured Allatafrt Jamaleddini Tor/ri-Hardii seu rerum rfyyotiacarum annale* ab anno Christi 971 u*q6 ad anuum 1453, d. J fi. CarhlV,'l792.

LIVRE VI, CHAPITRE

424

III.

trouvaient rsolues dans ses diverses producSon rudition tait immense pour le temps o il tlorissait; non-seulement il avait lu et mdit tous les livres

difficiles se

tions.

qui concernaient les Arabes, mais

embrass dans ses


Romains et de
toutes les nations orientales soit anciennes soit modernes.
Les opinions religieuses des juifs, des chrtiens-, des hrtiques, des musulmans, des mages, des idoltres, lui taient
galement familires et l'on pourrait assurer, sans crainte
d'tre dmenti que chez les Arabes, aucun crivain n'a
runi au mme degr une rudition presque universelle. Si
Masoudi manque quelquefois de critique, il faut se souvenir que son active curiosit le porta visiter les lieux
dont il voulait faire connatre l'histoire, et que souvent il se
trouva entran reproduire des rcits d'origine quelque
peu suspecte. On croit qu'il mourut vers 956 dans la capitale de l'gypte sans avoir revu l'Irak sa patrie
on ignore
il

avait

vastes recherches l'histoire des Grecs, des

prolongea sa carrire jusqu' un ge avanc. Ses deux


principaux ouvrages, les Histoires du temps Akbar-al-Zeman
et le Livre moyen Kitab-Aousat, qui forment plus de vingt

s'il

volumes

in-4,

ne sont pas connus en Europe; mais son

Moroud Addheheb ou Maadiu Aldjewahir,

les

Prairies d'or

Mines de pierreries nous est parvenu et nous a fourni


une ample moisson de faits curieux et instructifs; l'ouvrage
est divis en cent vingt-six chapitres dont soixante-cinq
pour l'histoire ancienne des Arabes et des nations trangres, et soixante et un pour celle de Mahomet et de ses
successeurs. Ces chapitres contiennent bien moins une
histoire suivie que des documents pars qui sans doute n'avaient point trouv place dans les grandes collections historiques de l'auteur.
Prs d'un sicle auparavant, Tabari (Abou-Djafar-Mohammed fils de Djorair), composait sa chronique universelle qui s'tend depuis le commencement du monde jusqu' l'an 302 de l'hgire (914 de J. C ); il tait d'Amol
capitale du Tabaristan et il mourut Bagdad en 922 l'ge
de quatre-vingt-trois ans vers dans la connaissance des
traditions et de la jurisprudence, il tait compt au nombre
et les

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DES LETTRES CHEZ LES ARABES.

425

des docteurs appels Moudjtehed parce que dans les questions controverses, ils ne suivaient l'opinion d'aucune cole

ne consultaient que leur propre autorit. On croit que


que nous possdons de cet crivain est l'extrait
d'un ouvrage beaucoup plus considrable qu'il avait abrg
lui-mme; quoi qu'il en soit, cette histoire telle que nous la
possdons fort estime des Orientaux qui en ont fait des
traductions en turc et en persan, passe pour trs-vridique.
Elle a t rsume et continue par George fils d'Amid
connu sous le nom d'Elmacin, chrtien d'gypte n en 1223
de J. C, et mort Damas en 1273. Une partie de ce travail
d'Elmacin a t traduit en latin par Erpenius et en franais
par Vattier, et malgr les erreurs dont ces versions fourmillent, on y trouve des faits intressants avec des dates
exactes; tant que les grands monuments historiques laisss
par les Arabes ne seront pas mis notre disposition Elmacin sera consult avec fruit, et soumis une critique svre,
fournira d'utiles matriaux aux amis des lettres orientales
Nous devons encore mentionner parmi les historiens
Nowairi, Ebn-Forat etc.; Ebn-alarabes Ebn-al-Athir
Athir, surnomm Azzeddin, Ja gloire de la religion
et
Djzri du lieu de sa naissance, passa ses premires annes
Djzireh-beni-Omar en Msopotamie, et se fixa ensuite
Mossoul, o sa maison devint le rendez-vous des hommes
les plus distingus
c'est l qu'il composa son Kemal-alTewarikh (chronique complte) qui commence la cration
du monde et se termine l'an 1231 de J. C. Abou-ThalebAli la continua jusqu'en 1258, et Moulana-Nedjm-EddinAlnedhari en fit une traduction persane sous le rgne de
Mirza-Miran-Schah, fils de Tamerlan. Ebn-al-Athir crivit
aussi l'histoire des Atabeks de Syrie, celle des compagnons
de Mahomet et un abrg du trait des gnalogies d'Abet

l'histoire

I. M. Sprenier a donn, en
84
le premier volume de Y Encyclopdie historien*
de Masoudi, et M. Dubeux, en 1836, le premier volume de la Chronique rie Tabari
voy aussi le Tabari de Kosegarten, GryphiswaldiP, I83l-i83d .VHtttrto snracenicp d'Rlmacin, trad. par Erpenius, Uuzd. Hat., 1625. et par Vattier, Paris, 165", a
t souvent mise contribution. La traduction latine offre de singulires mprises,
on y Ht. par exemple Dedicemt ventorum xtationes: und notus eut tentas al<
mamonis. Il s'agit au lieu de vent d'une table astronomique zig au lieu de ri/t)
Weidleret Bailly lui-mme ont rpt celte trange erreur.
1

1 ,

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LIVRE

VI,

CHAPITRE

III.

doul-Kerim-al-Samani qui a remplac l'original aujourd'hui


perdu.
Nowairi compt parmi les historiens originaires de l'gypte, avait adopt les doctrines de Schafe; on connat de
lui une encyclopdie historique qui comprend dix volumes
et qui donne sur les antiquits des Arabes des renseignements prcieux 11 tait presque aussi clbre, comme calligraphe, qu'Ebn-al-Bawad, si renomm Bagdad vers la fin
du x c sicle il avait copi huit fois le grand recueil des traditions de Bokhari intitul Sahih, et vendu, dit-on, chaque
exemplaire mille pices d'argent il mourut vers 1331 de
J. C, l'ge d'environ cinquante ans. Aprs lui Ebn-alForat, n en 1335, mort en 1405, nous laissait une chronique en vingt-cinq volumes qui' remonte l'an 622 de
J. C. Enfin Ahmed-ben-Arabschah crivait en
1430 la
biographie de Timour ou amerlan.
;

Le xni c

sicle vit aussi fleurir

Ebn-Wasel (Mohammed-

ben-Salem), auteur prsum de la chronique du faux Tabari, et Ebn-Djouzi, auquel on attribue le Miroir du temps.

Un

autre Ebn-Djouzi, de 1117 1201 s'tait

comme

fait

remarquer

jurisconsulte, historien et prdicateur loquent.

Otbi, vers 1050, n probablement dans

la

Transoxiane, r-

de Mahmoud le
Ghaznvide; enfin Ebn-Kothaibah de Bagdad, mort en 890,
avait bien antrieurement recueilli d'importants matriaux
sur les gnalogies arabes et compos une histoire des
digeait dans sa chronique la biographie

potes 1

Principaux historiens arabes de

Nous ne nous tendrons pas plus


sant sujet

les

noms

l'Ktfpagiie.

loin sur cet intres-

viendraient en foule se ranger sous

plume et nous serions oblig de dpasser les limites


qui nous sont fixes; nous devons dire nanmoins, que
notre

l'Espagne produisit galement un grand nombre d'historiens d'un mrite rel. Ebn-al-Couthiah mort en 978 Cor

public, en 1821, des extraits de Nowairi ; Silvesire do


^t. IV des notices et extraits des man.). Pour la vie
do Timoard'Ahmed-Arubachah, voy. l'dit. de Gobus, l.ugd. Bat., it36 et la trad. de
Mauger, Lt-svardine, 1*67-1772.
1.

J.

I.assen

Sacy nous a

Rasmussen a

fait

connatre Otbi

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DES LETTRES CHEZ LES ARABES.

427

doue, raconta la conqute de la Pninsule par les Arabes.


Le pote Ahmed-ben-Mohammed, crivit vers la mme poque, comme on l'a vu plus haut, les annales de cette contre et
les entreprises desOmmiades; Ebn-al-Faradhi, morten 1012,
au moment de la prise de Cordoue par les Berbres, avait
compos une chronique des potes et des savants plus tard
Ebn-Khattib, n en 1313 Grenade, mort en 1374, rassemblait les plus curieux documents sur les annales des khalifes *et rois d'Afrique et d'Espagne. Almakkari, que M. P. de
Gayangos a traduit et publi dans ces dernires annes, avait
fait un grand usage de l'ouvrage d'Ebn-Khattib.
N Tlemcen Achmed-ben-Mohammed-Almakkari appartenait une trs-ancienne famille des environs de cette
ville; il se rendit Fez vers 1600, et y rechercha la socit
des hommes les plus clairs de ce temps; en 1618 il entreprit le plerinage de la Mecque et alla s'tablir au Caire; dix
;

ans aprs

il

compltait

musulmane,

Damas

ses dynasties de l'Espagne

un commentaire sur les prolgomnes


d'Ebn-Khaldoun, et prparait une nouvelle biographie de
Mahomet. M. de Gayangos, en nous faisant connatre cet estimable crivain, nous a donn une liste assez considrable
dictait

d'historiens arabes, qui ont trait diverses parties des annales

de

la

pninsule ibrique. Alkaisi rdigea, vers 1125, un dic-

tionnaire biographique des potes etdes savantsdu

xr

sicle

bn llayian composait une histoire gnrale des musulmans d'Espagne, dont Alazdial-IIomadi de Majorque a fait
un abrg en 1095; Ebn-Sabihi-s-Salat du xiir sicle de
notre re, retraait l'histoire de l'Espagne sous les Almo,

ravides et les Almohades; Ebn-habib-as-Solami publiait une


chronique, qui comprenait le rgne des sept premiers khalifes ommiades. Ebn-Harith al-Khoshni rsumait l'histoire
des cadis de Cordoue jusqu' la fin du x 8 sicle; SchehabEdilin-Ahmed-Alfasi crivait une histoire universelle, qui
devait tre abrge par Sidi-Alhadj-Ash-Ashatili, etc.
1.

Tlie history of ihe

P. de Gayangos,
Casiri.

Mohammedan

London, 1140,

et les

dynasties in Spain by al-Mukkari. transi. Iy


ouvrages cits dans l'introduction; xoy. aussi

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LIVRE VI, CHAPITRE

128

III.

*<>cclt d'tudier le crit* des hlmtorlens

En

esquissant

le

ponani.

tableau des principaux historiens arabes,

les noms des historiens


persans les plus clbres car il y a entre ces crivains les
mmes rapports, les mmes analogies qu'entre les astro-

nous ne pouvons passer sous silence


;

nomes

mathmaticiens qui ont crit indiffremment


langue; Mirkhond, Daulet - Sehah
Khondemir, Schahrestani, etc., nous ont laiss tous les
lments d'une histoire gnrale de l'Orient, et l'on
ne saurait tudier les annales du khalifat sans consulter
leurs uvres;
Mirkhond (Hamam-Eddin-MirkhavendMohammcd) n en 1433, mort en 1498, composa sous les
auspices d'Ali-Schir, vizir du sultan Timouride AboulGhazi-Houcein-Behadour une histoire universelle, qui se
termine avec le rgne de Schah-Rokh; son fils et son
et les

dans l'une

et l'autre

abrviateur Khondemir, n'est pas moins estim;


le

il rdigea
Khelasse - al - Akbar (quintessence de l'histoire, etc.) qui

en 1499, et YHabib-al-Seiar, etc. (l'ami des biographies et des hommes distingus) qui comprend les vne-

s'arrte

ments de 1525; c'est dans ce dernier ouvrage qu'on voit la


preuve de l'usage du papier-monnaie ds la fin du xur sicle.
Parlerais-je de l'histoire des potes de Daulet-Schah, de l'histoire des Mongols de Raschid-Eddin traduite par M. Quatremre, de la chronique de Ferischtah, de la vie de Timourde
Scherif-eddin-Ali, etc.
ce serait un appendice ncessaire
de l'cole historique des Arabes; mais pour ne point nous
carter des limites de notre sujet, nous nous bornerons
ces indications succinctes; nous devons d'ailleurs entrer
dans quelques dveloppements sur une branche de la littrature orientale que nous n'avons encore fait qu'effleurer.
1

Dictionnaire biographique.

On

a vu dj mentionner et l quelques dictionnaires


biographiques. On se ferait difficilement une ide du grand

nombre d'ouvrages de ce genre que

l'on trouve chez les

On

trouve, l'indication <Jes extraits publis jusqu' ce jour des historiens persans dans la Hxbliotheru oriental de Zenker, Leipsig, i846 ;il faut y joindre les
notices et extraits des manuscrits de la Bibliothque impriale.
l.

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DES LETTRES CHEZ LES ARABES.

429

Arabes Casiri a fait beaucoup d'extraits de la bibliothque des


philosophes de Zouzni Ebn-Osaibah mort en 1269, dans
son histoire des mdecins est demeur sans rival. Enfin,
Ebn-Khallican et Hadji-Khalfa, en rsumant les travaux de
;

leurs devanciers ont trac le tableau le plus parfait et le plus


intressant de la littrature des Arabes, en donnant la no-

menclature et en indiquant les productions d'un nombre


Ebn-Khallican (Schems-Eddin-Aboul-AbbasAhmedj n en 1211 de J. C. Arbel, appartenait l'illustre
famille des Barmcides; il remplit successivement la charge
de grand cadi au Caire et Damas, et mourut dans cette
dernire ville en 1281 son dictionnaire historique comprenait huit cent quarante-six articles; mais les manuscrits que
nous possdons de ce livre ne sont pas tout fait complets.
La bibliothque orientale d'Hadji-Khalfa, recueil bien autrement considrable, ne contient pas moins de dix-huit
mille cinq cent cinquante indications d'ouvrages orientaux
avec le nom des auteurs et une notice biographique sur
chacun d'eux. Hadji-Khalfa (Moustafa fils d'Abdallah), appel quelquefois Katib-Tchelebi, tait premier secrtaire et
ministre des finances d'Amurat IV; il mourut Constantinople, sa ville natale, en 1658 de notre re; il avait aussi
compos un trait de gographie sous le titre de DjihanNumah (miroir du monde), et parmi d'autres ouvrages
qui ne nous sont point parvenus, une grande chronique (Tariki-Kebir) qui s'tendait depuis la cration jusqu'en 1654
Nous ne saurions mieux terminer cet expos du dveloppement des sciences et des lettres chez les Arabes, que
par le nom d'Hadji-Khalfa qui en est l'historien le plus

infini d'auteurs.

estim.

On

a pu apprcier l'influence toute-puissante que

de Bagdad avait exerce la fois sur l'Orient et sur


l'Occident; nous retrouvons chez les Arabes la plupart
des ides dont l'Europe moderne se glorifie et de plus
l'cole

Voy. l'dition de Hadji Khalfa par Flcugel Leipsig, 1835-1850, l'Ibn Khallican
I
de M. Slane, Paris, 1838 184.2. ei celai de F. Wuslenfeld, Goitirig. 1835-1840; le
Dictionnaire des hommes illustres d'Abou-Zacharia-Yahia-al-Nawawi, publi par
I*. Wustenfeld, Gotting. 1841. Voy-. aussi Ylfatoite de la littrature des Arabes,
pnr M. do Hamrner.
.

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DES ARTS CHEZ LES ARABES.

431

M. Girault de Prangey a tudi avec soin l'art arabe


compar les monuments architectoniques de l'Espagne
de l'Orient 1

Pour

la

pninsule,

il

et
et

distingue trois poques

du vnr au Xe sicle, accuse une


mal dguise des difices chrtiens et romains. La
mosque de Cordoue tait sans doute du mme style que
celle de Damas qu'elle devait surpasser en magnificence,
et Ton ne peut douter que les glises dcrites par Eusbe
de Csare dans sa Vie de Constantin avec des cours des
portiques, des fontaines et des logements pour les prtres,
n'aient servi de modle aux mosques de la Syrie de la Palestine et de l'gypte. On trouve dans ces mosques les
mosaques des artistes Byzantins. Mais dj en 965 l'ornementation grecque si somptueuse semble insuffisante; on
recherche les dcorations clatantes, on multiplie les dtails,
la forme des arcs se complique de festons et de courbes varies, comme on le voit Cordoue par la chapelle Villaviciosa construite sous le khalifat de Hakem.
La seconde poque du x e au xu e sicle, marque les premiers
dveloppements de l'architecture mauresque encourage
par les princes lmoravides et Almohades. Les Arabes
s'loignent de la route suivie jusqu-l l'arc ogive, les mosaques en faence, les broderies les plus capricieuses, les
ornements couls en stuc sont la mode les inscriptions
abondent et font partie des dcors. C'est surtout Sville
que se fait sentir cette transformation, dans la Giralda,
l'Alcasar et la mosque que la cathdrale actuelle a remsuccessives. La premire,

imitation

place.

troisime poque

o l'art arabe atteint son


temps celle de la splendeur du
royaume de Grenade L'Alhambraen est l'expression la plus
haute. L'extrieur simple, et imposant du palais est conforme aux habitudes du Maure qui fuit les regards trangers
Enfin

apoge,

la

en

est

mme

Monuments arabes et mauresques

de Cordoue, Sville et Grenade, 1836-1839,


in-fol. Essai sur V architecture des Arabes et des Maures en Espagne, en Sicile et
en Barbarie, 1 841 ei l'article consacr ces deux ouvrages par M. heinaud (Journ.
asiatique, avril 1842); Don Pablo l.ozano, Antiqudade* Arabes de Espana. 1804;
A. de Labi-rde. Voyage pittoresque et historique en Espagne; Murpby Arabian
antiquities of Spam, Londres, 1816.
1.

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LIVRE VI, CHAPITRE

432

111.

qu'un arc immense dcor de quelques emblmes et d'une inscription qui rappelle le nom du fondateur de l'difice les murailles sont construites avec une espce de mortier ml de petites pierres que le soleil
colore diversement; l'intrieur, au contraire, le gnie de
l'entre n'est

l'homme dploie

toutes ses ressources.

De

vastes galeries

peintes et dores, ornes d'arcades de toutes formes, sont

dcoupes en festons, en stalactites, et charges de denen stuc; les appartements percs de fentres
claire- voie la salle des ambassadeurs, celle des deux surs,
le cabinets des infantes, la tour de Comars, la cour et la
fontaine des Lions, la cour de l'Alberca au-dessous de
laquelle se trouvent des bains imits de l'antique, offrent
la vue d'admirables effets ici l'eau jaillit travers des millions de colonnettes lgantes, isoles ou groupes del
manire la plus pittoresque; l elle se rpand dans des
rigoles de marbre; elle forme tantt des cascades, tantt
des jets lancs et alimentent des bassins dans les patios
entours d'arbustes et de fleurs. Partout des inscriptions
habilement combines avec les sculptures expriment des
sentiments nobles, levs, et ajoutent un nouveau prestige
aux merveilles de ce palais, que les rois chrtiens ont en
partie dtruit. Les ornements intrieurs des salles principales de cette ancienne rsidence des rois maures sont en
pltre les mouvements et les dessins en relief reprsentent
des formes gomtriques qui bien que se rptant constamment, n'en ont pas moins d'lgance et de dlicatesse.
Les peintures, distribues avec art et protges par le climat
de l'Andalousie, sont encore aujourd'hui ce qu'elles taient
du temps des Abencerrages. Dans quelques-unes des salles
qui entourent la cour des Lions, on voit briller les couleurs
appliques jadis par les Arabes; elles sont trs-simples et ne
se composent que de rouge, de bleu, de jaune et de vert;
les matires bleue et
on en a fait rcemment l'analyse
rouge qui dominent sont formes de bleu d'outremer et de
vermillon ou sulfure de mercure.
telles

l.

Moniteur universel, 25 mai 1852.

DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE CHEZ LES ARABES. 133


Il

est assez difficile d'apprcier

comparativement

les

mo-

numents de Palerme, la Ziza et la Cuba, ceux de Tunis,


de Cairowan et d'Alger o Ton retrouve peu d'difices qui
la belle priode de l'art mauresque. Au
mosques semblent rvler une connaissance plus
sre de la mcanique, un choix plus intelligent des mat-

appartiennent
Caire les

riaux

mais rien dans l'ornementation n'approche de

perfection des dessins de l'Alhambra.

que

On

la

doit aussi regret-

encore tudi d'une manire gnrale


Arabes ont levs en Syrie, en Msopotamie, en Perse et mme dans l'Inde, aux diffrentes poques
de leur domination; ils doivent offrir des caractres particuliers qu'il serait utile de dterminer exactement; nous
avons lieu d'esprer que d'habiles artistes combleront bientt

ter

l'on n'ait pas

les difices

que

les

cette lacune.

L'tendue de l'empire des khalifes

les richesses

de son
des

sol, la varit des climats, la population, l'tat polic

provinces devaient exciter ncessairement des spculations


commerciales; les productions de l'Espagne, de la Barbarie,
de Tgypte, de l'Abyssinie, de l'Arabie, de la Perse et de la
Russie ceUes des contres que baigne la mer Caspienne, les
;

marchandises de l'Inde et de la Chine affluaient la Mecque,


Mdine, Koufah, Bassorah, Damas, Bagdad, Mossoul, Madan; l'tablissement des colonies avait cr de
nouveaux centres d'affaires et ouvert des routes importantes.
Les Arabes taient d'ailleurs ports vers l'industrie par la
loi mme du Prophte qui fait un devoir du travail
et re,

commande

le

commerce

et l'agriculture

comme

mritoires

Dieu aussi respectaient-ils l'tat de ngociant


personne de celui qui 1 exerait; les gouverneurs de
provinces, les gnraux les savants ne rougissaient point
de s'appeler Cajan le tailleur, Atari le droguiste, Jouaeri
le joailler, etc. Le libre passage des marchandises au milieu
des armes et la sret des grands chemins taient maintenus sur tous les points; des puits et des citernes taient
creuss dans le dsert, des caravansrails levs de distance
en distance, et les voyageurs y trouvaient les secours qui leur
et agrables

et la

taient ncessaires sans frais considrables.

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M, CHAPITRE

LIVRE

43 i

Des

III

de l'Espagne aux limites de


une flotte arabe avait franchi le dtroit de
une tempte, en la rejetant sur la cte lui

relations s'taient tablies

l'Asie orientale;

Gibraltar, et

avait enlev l'honneur

de dcouvrir

les

Aores et peut-tre

l'Amrique; mais rduits l'ancien continent, les musulmans avaient imprim sur tous les points une active impulsion l'industrie humaine. L'Espagne s'enrichissait des produits de son agriculture et de ses fabriques; la canne
sucre, le riz, le coton, le safran, le gingembre, la myrrhe,
l'ambre gris, le pistachier, le bananier, les mriers, le hinn
pour la teinture, le mohaleb qui favorise l'embonpoint,
fournissaient aux changes de la Pninsule. Les tapisseries
en cuir de Cordoue, les lames de Tolde, les draps de
Murcie fabriqus avec les belles laines de ses troupeaux
les soieries de Grenade, d'Almeria et de Sville, le papier de
coton de Salibah taient recherchs dans toutes les parties

du monde. Le

soufre, le mercure, le cuivre, le fer taient

exploits avec succs

la

trempe de

l'acier

d'Espagne

faisait

acheter avec empressement les casques et les cuirasses qui


sortaient de ses manufactures. Les environs de Sville, couverts d'oliviers, contenaient cent mille fermes ou moulins
huile la province de Valence donnait l'Europe les fruits
;

des pays mridionaux des ports de Malaga, de Carthagne,


de Barcelone et de Cadix on faisait des exportations considrables, et les nations chrtiennes empruntaient aux Arabes
les rgles du droit maritime.
Sous les Maures, comme l'a dit M. Duruy, Tolde avait
deux cent mille habitants et Sville trois cent mille. Elles
n'en comptent aujourd'hui, l'une que vingt-cinq mille, l'au;

tre

que quatre-vingt-seize

mille.

Cordoue avait huit

lieues

de

circonfrence, soixante mille palais et deux cent quatre-vingttrois mille

maisons; aujourd'hui

elle

a peine cinquante-

Le diocse de Salamanque renfermait


alors cent vingt-cinq villes ou bourgs; ce nombre se trouve
rduit treize. Sville avait six mille mtiers pour la soie
seulement, et en 1742 on n'en comptait dans toute la Pninsule que dix mille pour la soie et la laine. Le gographe
Edrisi
qui visita l'Espagne au milieu du xr5 sicle, assure
six mille habitants.

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DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE CHEZ LES ARABES. 435


royaume de Jaen plus de six cents
commerce de la soie. L'expulsion des Maures eut pour cette contre un rsultat aussi
funeste que la rvocation de l'dit de Nantes pour l'industrie franaise et le cardinal Ximens voulut faire disparatre
qu'il

y avait dans

villes et

le seul

hameaux qui

faisaient le

jusqu'aux souvenirs des services qu'ils avaient rendus en


ordonnant par un dcret, digne des temps barbares que
quatre-vingt mille manuscrits arabes seraient brls sur les
places publiques de Grenade *.
Les ctes de l'Afrique septentrionale avaient galement
pris un grand dveloppement commercial; il s'y levait de
nombreuses fabriques, et la Mauritanie Tingitane rivalisait avec la Pninsule par son activit manufacturire et
rurale
le pays de Sous rappelait l'Andalousie par sa fertilit et l'intelligence de ses habitants.
L'Orient tait
son tour entran par cet lan industriel; Siraf et Aden,
on changeait des denres de la Chine, de llnde, de la
Perse, de l'ihiopie et del'gypte; les esclaves de Nubie et
du Habaschy les peaux de tigre, la soie, le coton, l'ivoire
et la poudre d'or du Zanguebar venaient des thiopiens;
l'Inde et la Chine envoyaient des toffes, des broderies, de la
porcelaine, des armes, des housses, du bois de sandal, des
aromates, de l'bne, du plomb et de l'tain, des perles et
des pierres prcieuses; d'Aden ces marchandises taient
transportes Djedda, puis Suez et se partageaient entre
les ports de l'Egypte et les villes maritimes de la Syrie; les
pays qui avoisinent la mer Caspienne s'approvisionnaient
la foire de Caboul
et les caravanes de Samarcande Alep
distribuaient les soieries de la Chine, les draperies de Cachemire, le musc et les drogues mdicinales du Tokhares,

tan

I>cm relation*

commerciales de* Arabe* avec l'Afrique


et l'Asie occidentale.

Les musulmans de l'Orient laissant aux Arabes occiden1. Abu-Zacharia, t.


I; Duruy, Gographie du moyen ge; Almakkari, trad. de
Gayangos, t. 1, introd.
2. OElsner, p. 215-228; Voyage de Chardin; tableau de l'empire ottoman par
d'Ohssoo ; Anderson ou Hist, dduction of the origine of commerce.

uigitize

LIVRE VI, CHAPITRE

43G

III.

taux le commerce de la Mditerrane, se portaient de prfrence du ct del'ocan Indien. Ils parviennent, en suivant

de l'Afrique

les rivages

Mandeb

d'abord jusqu'au dtroit Bab-el-

successivement jusqu'au Zanguebar et au pays


des Cafres ils fondent Brava , Mombaza, Quiloa o se retire
un frre du souverain de Schiraz Mozambique Sofala, Melinde et Magadoxo; ils occupent les les voisines des ctes et
plusieurs points de Madagascar; ils pntrent dans l'Inde et
la Chine, et leur nombre se multiplie rapidement par l'achat et la conversion la foi musulmane des esclaves et des
enfants qu'on expose. Ds l'anne 850 de notre re, on
compte dj dans le Coromandel une population maure ou
arabe de huit cent mille mes et l'on voit un souverain du
et

Malabar aller finir ses jours la Mecque. Les btiments de


commerce ne se bornent pas au port de Calicut, ils atteignent Sumatra, les grandes les de l'Archipel indien traversent le golfe de Siam et arrivent Canton. Ds l'anne
651 des disciples de Mahomet avaient pntr dans le ClesteEmpire par le nord en partant de Samarcande; mais il fallait
deux mois pour faire ce trajet, et la voie maritime, plus
avantageuse pour le transport des marchandises fut bientt
prfre; les Arabes eurent Canton un cadi que l'empereur de la Chine leur permettait d'lire, et ds l'anne 758
,

taient assez puissants pour oser piller impunment les


magasins de cette ville. Les Malais avaient pour la plupart
embrass l'islamisme, et depuis le golfe Persique jusqu'
l'extrmit orientale de l'Asie, on entendait et on parlait la
langue arabe
L'influence du Coran ne se fit pas sentir avec moins de
force dans l'Afrique centrale, qui nous est encore aujourd'hui si peu connue; les tablissements que les Arabes
avaient forms sur la cte orientale leur facilitait de ce ct
l'accs de l'intrieur de la contre
le pays des Somaulis
peuple doux et hospitalier, qui forme avec Socotora un entrept de commerce fort important, l'Abyssinie, le Sennaar

ils

I. Relation des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et Ifc
Chine, et le discours prliminaire de M. Keinaud. p. 118; Deguigues, Journal des
savants, nov. 1764, p. 21.

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DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE CHEZ LES ARABES.

Ml

Kordofan en rapports continuels avec 1'gypte et vritable clef du Darfour et de l'Ouaday taient visits par
les musulmans; de Tripoli on se rendait aussi dans le
Fezzan; les caravanes parties du.Magreb ne craignaient
pas de s'aventurer au milieu des sables du dsert de Sahara
qui recouvrent, des bords du Nil l'Ocan, une surface value deux cent mille lieues carres, et de se rpandre dans
le Soudan ou la Nigritie. La race arabe devait marquer son
passage au milieu des populations africaines en caractres
ineffaables, et les voyageurs modernes s'accordent tous
signaler les amliorations qui en ont rsult sous le rapport physique, moral et intellectuel

et le

Inventions et dcouverte la boussole; le papier de coton x


la poudre et les armes feu.
5

Nous venons d'exposer les causes et les principaux effets


du grand mouvement de civilisation qui s'est propag avec
Arabes, au moyen ge, des colonnes d'Hercule aux conde l'Asie il nous reste, pour complter ce vaste tableau,

les

fins

un mot de quelques dcouvertes qui leur sont dues


qui ont chang l'tat littraire, politique et militaire du

dire
et

monde entier le papier, la boussole


On a vu dj combien d'inventions
,

nous ont

et la

poudre canon.

utiles et

t transmises par les Arabes

importantes

quand

mme

ils

n'en auraient pas t les vritables auteurs, on ne saurait


leur refuser la gloire de les avoir mises en lumire et de les
avoir propages d'un bout

du monde

l'autre. C'est ce qu'ils

ont fait pour le papier, la boussole et la poudre canon.


Parce qu'on s'est imagin, d'aprs quelques textes apocryphes, que les Chinois en avaient connu l'usage une
poque ancienne, on a cru qu'on pouvait enlever aux Arabes
l'honneur d'en avoir dot l'Europe mais c'tait une profonde injustice. On a dit aussi que l'imprimerie existait la
Chine ds le vnr sicle, et cependant les noms de Guttenberg, de Faust et de Schffer n'ont rien perdu de leur clat.
Est-ce que les Arabes, prenant des Chinois le papier de
;

l.

VA frique de

Ritter, dition franaise, Paris, 183fi.

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LIVRE

438

VI,

ne leur auraient pas en

soie,

CHAPITRE

mme

III.

temps emprunt Pim-

primerie s'ils l'avaient connue ? Est-ce que les peuples du


Cleste-Empire ont jamais su tirer parti des dcouvertes que
le hasard seul leur a peut-tre rvles? Quel usage ont-ils
fait de la boussole, eux qui croyaient encore en 1850 que
le ple sud tait une fournaise ardente et la poudre a-t-elle
jamais reu entre leurs mains ces applications si varies
;

dont on trouve

la trace

chez les Arabes?

qu'au sige de la Mecque, en


690, on employait dj des espces de bombes; qu'au
xm e sicle, en gypte, on se servait de la poudre de nitre
pour lancer des projectiles avec un bruit semblable au tonnerre. II en est fait galement mention l'occasion d'un
combat naval livr par le roi de Tunis l'mir de Sville au
e
xi sicle; en 1308 au sige de Gibraltar, en 1324 celui
de Baeza , entrepris par Ismal roi de Grenade de Tarifa en 1340, d'Algziras en 1342, et Ferrras dit positivement que les balles taient lances au moyen de la
poudre. Les Espagnols commencrent ds lors s'en servir,
et l'on voit peu peu les armes de l'Europe pourvues de
canons sans qu'il soit question de ces essais, de ces tentatives qui auraient ncessairement prcd l'organisation de
l'artillerie, si l'invention de la poudre avait eu lieu chez les
nations chrtiennes, comme quelques crivains l'ont afIl

faut bien reconnatre

firm

1
.

Pour la boussole, rien ne prouve que les Chinois l'aient


employe pour la navigation, tandis que nous la trouvons
ds le xi e sicle chez les Arabes, qui s'en servent non-seulement dans leurs traverses maritimes, mais dans les
voyages de caravanes au milieu des dserts, et pour dterminer l'azimut de la kblah, c'est--dire la direction des
oratoires musulmans vers la Mecque*.
Il en est de mme pour le papier. Vers l'anne 650 on
fabriquait dj Samarcande et Bokhara du papier avec de
I. Voy. Piobert, Trait d'artillerie, I83G; Beckmann, technologie; Viardot, Estai *ur l'histoire des Arabes d'Espagne, t. Il, p. 147.
1. Klaproth, Lettre M. de Humbuldt sur l'invention de la boussole, 1834 ;
Aziini, Dissertation sur l'origine de lu boussole, 1805.

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DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE CHEZ LES ARABES. 430


la soie

en 700 lousef Amrou imaginait la Mecque de


de l le papier de Damas
le coton la soie

substituer

dont parlent \es historiens grecs. En Espagne o le lin


et le chanvre sont plus communs, s'lvent des fabriques de
papier de linge. Le papier de Xativa, dit le gographe
Edrisi, est excellent et incomparable. Valence et la Catalogne font bientt Xativa une concurrence redoutable; au
xm e sicle la Castille se sert du papier des Arabes, qui de
l pntre" en France, en Italie
en Angleterre et en Allemagne mais les manuscrits arabes l'emportent toujours par
,

la finesse et l'clat du papier, aussi bien que par le choix


des ornements aux couleurs vives et brillantes
C'est ainsi que l'influence exerce par les Arabes se manifesta sur toutes les branches de la civilisation moderne.
Du ixe au xv e sicle on vit se former une des plus vastes
littratures qui existent; des productions multiplies, de
prcieuses inventions attestent l'activit merveilleuse des
1

esprits cette

poque,

et, faisant sentir leur action

dans

l'Europe chrtienne justifient l'opinion que les Arabes ont


t en tout nos matres. D'un ct, des matriaux inesti,

mables pour

l'histoire

du moyen ge, des

de

relations

voyages, l'heureuse ide des dictionnaires biographiques de


des difices d'une pense
l'autre, une industrie sans gale
;

et d'une excution grandioses, d'importantes dcouvertes

dans

les arts

voil ce qui doit relever nos

yeux ce peuple

trop longtemps ddaign.


Histoire du mahomtisme, rappelle, p. 85. que les anciens connaispapier de linge ei que les Arabes firent revivre cet urt; il cite Tite l.ive,
v. IV, op. 31 , le Searque de Vincent, p. 15. Voy. aussi
7, Symmaque,
Andrs, Uni. gn. des science*, t. 1, p. 105: Montlaucon, Palmographic{qrpm %
p. 18; Nouveau traite de diplomatique, 1. 1, ch. vu, eic.
I.

Mills,

saient
liv.

IV,

le

c.

I i

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LIVRE

VII.

TAT ACTUEL DE LA RACE AR*ABE.

INTRODUCTION.
Nous avons

trac le tableau de cette civilisation admirable

qui se trouve

si

heureusement place entre

la civilisation

grecque et la civilisation moderne mais il ne suffit pas de


et de
montrer les Arabes aux jours de leur prosprit
faire ressortir l'influence qu'ils ont exerce sur l'Orient et
l'Occident, il faut les suivre dans leur dcadence mme et
rechercher s'il n'existe pas au milieu d'eux un travail de
transformation insensible et de rnovation politique. S'ils
disparaissent de la scne du monde, l'uvre immense qu'ils
ont cre continue de subsister; les barbares du nord qui
ont renvers leur domination sont devenus leurs tributaires,
au point de vue de l'intelligence l'islamisme est encore
tout puissant en Asie et en Afrique il a dj rpar la perte
de l'Espagne par ses conqutes dans la Turquie d'Europe
malheureusement le fatalisme des Ottomans jettera comme un
manteau de glace sur tous les peuples soumis leur empire.
;

I<e Ai-abcs

* le du dsert ; en Afrique,
subissent le joug des Tures.

reprennent la

Ils

Les Arabes ne se mlent plus aux rvolutions de l'Orient;


toute leur vie se concentre dans les dserts et dans les villes
parses de leur pninsule; les Bdouins des frontires de la

du Nedjed reprennent leurs habitudes d'indpendance sauvage et semblent avoir oubli les grandes entreprises de leurs pres. Les habitants de l'Hedjaz sont moins
trangers aux vnements du dehors parce qu'ils ont la
garde des villes saintes
la Mecque et Mdine, qui attirent le respect de tous les musulmans quelque race
Syrie et

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TAT ACTUEL DE LA RACE ARABE.

441

qu'ils appartiennent; depuis la prise

de Bagdad, parle khan

des Mongols Houlagou,

mamlouks

les sultans

leur ont accord leur protection. Dans l'Ymen (1258), les princes
ayoubites sont chasss du pays que Saladin a su runir ses
tats, et des chefs indignes ont fond de nouvelles princi-

pauts. Aden, fortifie reste un des plus riches entrepts

commerce de

du

L'Hadramaut, l'Oman et le Bahren


jouissent dans une paix profonde du fruit de leurs transactions avec les peuples de l'Inde et de la pche du corail sur
les bords du golfe persique. L'est de l'Afrique, les les de la
mer des Indes les ctes du Malabar et des contres qui s'
tendent jusqu' Malaca et mme jusqu' la Chine, sont visites par les voyageurs et les ngociants arabes, qui y rpanl'Orient.

dent encore leurs ides, leurs usages et leur religion.


Tandis que Bagdad succombe le royaume de Grenade
,

en Espagne un vif clat et prolonge son existence


jusqu'en 1492. Ce n'est qu'en 1609 que les Arabes abandonnent dfinitivement la Pninsule et se dirigent vers
jette

barbaresques. Mais les populations du littoral, loin


avec empressement, ne leur permettent de
s'tablir parmi elles qu'au prix des plus grands sacrifices.
Dpouills de leurs richesses ils sont presque traits en
ennemis. Qu'on tait loin des temps des Tarik et des
les tats

de

les accueillir

Mousa, o
les

les

Berbres et les Arabes marchaient unis sous


et confondaient leurs intrts A me-

mmes drapeaux

sure que l'ardeur du proslytisme religieux s'tait teinte


dans les curs, les familles qui, sous son influence, s'taient
rallies la

grande pense de

l'unit

musulmane,

taient

rentres dans leur sphre primitive. En 1609 les diverses


tribus de l'intrieur des terres restaient divises entre elles

sous

la domination vigoureuse des Turcs


toujours matres
de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Tlemcen depuis les brillantes expditions de Barberousse des rengats de tous les
pays, des juifs, des chrtiens, des colouglis, ns du mariage
des Turcs avec des femmes arabes ou berbres, s'taient
tablis de tous cts et n'avaient entre eux aucun lien de
fraternit. Les Arabes formaient peine le quart ou le tiers
de la population des tats barbaresques un petit nombre
,

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LIVRE

443

VII,

CHAPITRE

I.

prfrait le sjour des villes et principalement

au Maroc,

sous l'autorit des schri fs, conservait les habitudes studieuses


et comme un reflet des beaux jours du khalifat; la plupart,
toutefois vous la vie nomade, recherchaient l'indpen1

du dsert
On comprend que dans une telle situation la race arabe
n'offre l'histoire qu'un champ fort aride; nous allons cependant indiquer les faits qui rvlent et l son existence
et qui peuvent rpandre quelque lumire sur son avenir.

dance

et l'obscurit

CHAPITRE PREMIER.
LES ARABES D'ORIENT.

LES SULTANS MAMLOUKS RTABLISSENT LE KHALIFAT; LEUR INFLUENCE.


PROGRES DES OTTOMANS; LES PORTUGAIS S'EMPARENT DU COMMERCE DE
LES OTTOMAMS RENL'ORIENT; SITUATION DE L'ARABIE MRIDIONALE.
VERSENT LES SULTANS MAMLOUKS; LE NORD DE L'ARABIE NE PEUT CONLA SITUASOUMISSION DE L'YMEN.
SERVER SON INDPENDANCE.

TION DE L'ARABIE S'AMLIORE DANS LA PREMIRE MOI1I DU XVII SICLE.


L'EXPDITION DES FRANAIS EN GYPTE
SOULVEMENT DES WAHABIS.

LES OTTOMANS RECOUVRENT EN 1815


TOUTE LEUR PRPONDRANCE ; POLHIQUE DE MOHAMMED-ALI, PACHA D'FAVORISE LE PARTI WAHABITE.
GYPTK.

Le*AHltaniiiaiiiloukn rtablteaent le khalifat 2 ; leur Influence.

Lorsque

les

Mongols envahirent

moiti du xui e sicle,

ils

la

Syrie dans la seconde

trouvrent dans

la rsistance et le

courage des mamlouks un obstacle infranchissable

de nom-

1. De la domination turqu* dans V ancienne rirent e d'Alger, par M. Walsin


Les Bdouins ou Arabes du dsert, etc., par Mayeux,
Esterhazy, Paris, 1840.
a Description de l'Egypte, etc.
1816, 1818.
2. L'histoire des derniers khalifes a t crite par Diarbecri, et insre dans
F.n voici la liste chronologique : Mustaiibersa chronique, intitule Alkhamisi.
Billah-Ahmed, 1261; Hakcm, 1261 1302: Mosiakfi, i302-i34o; Watek, 1340-1341 ;
Hakem, 1341-1352; Molhuded. 1352-1362; Molawakkel, 1362 , 1377, 1383 et
1389-1406: Mostazem, 1377; Watek, 1383-1385 Motassem, 385-1389 Mosiain,
1454-1479; Mo1406-1415; Mothaded, 1415-1451 Zaro, 1451-1454 : Mostandged
tawakkel, H79-1496; Mostamsek et Molawakkel, dernier khalife, 1496-1538.

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LES ARABES D'ORIENT.

443

breuses tribus d'Arabes venaient se mler aux armes gyptiennes et contribuaient leur succs. Bibars le plus c,

lbre des sultans Baharites

n'avait pas hsit se poser

comme le dfenseur de l'islamisme, au moment o nul


souverain de l'Asie ne pouvait songer remplir ce rle.
Aussi habile politique que soldat valeureux il appela au
,

un descendant de la famille d'Abbas, qui avait


chapp au sac de Bagdad et dans une crmonie solennelle le proclama khalife. Il est vrai que le personnage revtu de ce titre demeura sans aucune autorit qu'il dut
prs de lui

investir Bibars d'une souverainet absolue sur l'gypte et la

Syrie, et s'engager

h consacrer

au

des mamlouks.
lifat

mme

en

nom

de

la

Nanmoins

impressionna vivement

aucun

cloute

les

temps,

lui et ses

successeurs,

religion, toutes les usurpations


,

cette

rsurrection

du kha-

sans
,
habitants de l'Arabie au parti de Biles esprits

et entrana

ce prince se conciliait d'un autre ct leur amiti


par les prsents, qu' l'poque du plerinage, il envoyait
dans les villes saintes ainsi que par les difices qu'il y fit
construire, comme tmoignage de sa pit. Les autres sultans, fidles au plan de conduite qu'il leur avait trac,
mnageaient avec soin les tribus arabes qui constituaient
leur principale force et pouvaient mettre au premier appel
soixante-dix mille hommes sur pied. Plusieurs fois cependant il leur fallut imposer une obissance qui leur tait conteste
ainsi, en 1301, les Arabes des dserts de Suez tentrent de couper les communications de l'gypte et de la
Syrie, et le prince rgnant ne les dompta qu'aprs de puissants efforts et d'affreux massacres.
L'Ymen, toujours en proie aux discordes civiles, faillit,
en 1325, tomber au pouvoir des mamlouks ils y furent
appels par l'un des chefs les plus considrables, et cher'chrent, en s'aidant des haines et des rivalits, devenir les
bars

matres du pays. Les Hmyarites souponnrent leurs desseins, s'unirent contre l'ennemi

commun

et l'expdition

des mamlouks n'eut d'autre rsultat que le pillage de


quelques villes importantes, Zebid, Ana, Haditha. Ils firent
une autre tentative en 1350, mais sans succs ils russi:

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LIVRE

444

VII,

CHAPITRE

I.

rent peine assurer la prpondrance

du chef qui

avait

invoqu leur appui.


Les Arabes souffrirent des luttes qui prcdrent et qui
suivirent le remplacement dfinitif des mamlouks baharites
par les Bordjites ou Circassiens (1375-1384). Ils furent plus
cruellement prouvs encore en Syrie l'arrive de Tamerlan dans Tlrak-rabi et le Djezireh 1400. Ce conqurant ne songea point renverser l'empire des mamlouks
mais il attaqua la Syrie pour venger une injure faite ses
ambassadeurs par le sultan du Caire; et plus d'une tte
arabe, aprs la prise de Bagdad, Hamah, Hems, Baalbec et
Damas, servit la construction des pyramides humaines que
le barbare laissait sur son passage comme un trophe de sa
victoire. Les mamlouks virent avec joie ce torrent dvastateur envahir l'Asie Mineure et briser les Ottomans, dont ils
commenaient craindre les rapides accroissements. La
bataille d'Angora, o prirent inutilement tant de milliers
d'hommes, la captivit de Bajazet, et, plus tard, la mort de
Tamerlan consolidaient leur puissance; ils restaient seuls
avec leurs forces presque intactes au milieu de la ruine gnrale, et des dputs de Schah-Rokh, fils deTimour, tant
venus demander que la prire publique ft faite au nom
de leur matre au Caire, la Mecque et Mdine, le monarque mamlouk les chassa honteusement de sa capi,

tale (1425).

Proir des Ottomans

meree de

l'Orient

les Portugais n'emparent du cou


situation de l'Arable mridionale.
:

Les souverains de l'gypte s'taient exagr leur propre grandeur


ds le quinzime sicle ils commencrent perdre de leur influence en Arabie. D'abord un
des fils de Bajazet, Mahomet I tr avait su faire oublier le.
dsastre de son pre; les prsents qu'il adressa aux villes
saintes de l'Iledjaz lui firent de nombreux partisans. Le nom
;

l. Histoire des sultan* mamlouks de Makrizi, trad. par M. Quatremre et les


diverses notices que nous avons donnes de cet ouvrage (Journal asiatique
1839, 1840 et 1846).

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LES ARABES D'ORIENT.


des sultans de Brousse se propagea dans la Pninsule; on y
avec intrt leurs progrs sur les chrtiens et bien
des musulmans rendirent Dieu des actions de grce
la nouvelle de la prise de Constantinople (1453). Le voyage
du prince Zizim en 1481 et les subsides fournis par Bajazet
pour la restauration des forteresses et des citernes
qui bordent la route des caravanes quelques rapports directs avec la famille Kitada laquelle appartenaient les schrifs de la Mecque, habiturent les esprits l'intervention
des Ottomans dans les affaires intrieures du pays.
Plus tard
une puissance nouvelle enleva aux mamlouks le commerce de l'Orient. Depuis la prise de Bagdad
par les Mongols, l'gypte tait devenue l'entrept des denqui se rpandaient ensuite
res de l'Inde et de l'Arabie
par la Mditerrane, dans l'Europe entire. Les musulmans,
matres de la navigation de l'Ocan indien, du golfe Persique
et de la mer Rouge, apportaient Suez les toiles de coton
suivit

de

les toffes

la
la

gomme,

soie, le poivre, la cannelle

les

myrrhe et le

l'caill, l'ivoire,

diamants et les perles de l'Hindostan, l'encens,


baume de l'Arabie, et rapportaient en change

de laine, la verrerie, le fer, le plomb et le cuivre


de l'occident. De Suez les marchandises taient transfres
Damas et Alexandrie, o les Pisans les Florentins, les
les toffes

Catalans et les Gnois, et surtout les Vnitiens, entretenaient

des comptoirs florissants. Ce commerce tait une des principales causes de la richesse des sultans du Caire. Ils ne
virent pas sans inquitude apparatre dans la mer des Indes
les vaisseaux de Vasco de Gama qui venait de doubler le
cap de Bonne-Esprance. Sentant combien la dcouverte

de cette route nouvelle

allait

leur porter de prjudice,

s'allirent troitement avec les Vnitiens

ils

menacs gale-

ment dans

leurs plus chers intrts, et rsolurent d'entraver


par tous les moyens possibles le triomphe des Portugais.
Des ngociations furent entames avec diffrents princes de
l'Hindostan on avait des intermdiaires srs dans les ngo;

Mecque et de l'Ymen, qu'irritait aussi le parcommerce dont ils avaient eu si longtemps le mo-

ciants de la

tage d'un

nopole. Enfin, par de sourdes menes, on souleva contre les

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LIVRE

VII,

CHAPITRE

I.

Europens le peuple deCalicut, particulirement dvou la


musulmane. Les Portugais canonnrent la ville cou-

foi

pable, brlrent tous les vaisseaux arabes qui se trouvaient

dans le port, et s'imposrent par la terreur leurs ennemis.


Les btiments qui servaient au transport des marchandises
ne pouvaient tre opposs aux vaisseaux portugais. Venise
procura au sultan du bois et les matriaux ncessaires pour
construire une flotte, et, en 1508, douze gros navires sortirent de Suez, et runis aux forces du roi de Cambaye, obtinrent d'abord quelques avantages dans leurs premires
rencontres avec les Portugais
mais la face des choses
changea l'arrive d'Albuquerque. Ce grand homme dtruisit l'escadre musulmane, tablit dans l'le de Socotora un
poste fortifi pour commander le dtroit de Bab-el-Mandeb
et comprima
et surveiller la navigation de la mer Rouge
ainsi pour toujours l'essor maritime des sultans mamlouks
;

(1510-1515).
Matre de quelques citadelles sur les rivages de l'Ymen

de l'Hadramaut Albuqnerque intercepta le commerce


de cabotage qui se faisait entre ces deux provinces
et
fora les habitants de se rduire aux communications
par terre. Il prit ensuite dans l'Oman la ville de Mascate, l'entrept des marchandises de la Perse, de l'Arabie
et des Indes. Puis non content de ces succs, il s'arrogea
une domination exclusive sur le golfe Persique par la conqute de l'le d'Ormuz et la construction de plusieurs cita-

et

delles sur la cte orientale du golfe Persique, o vivaient


des tribus arabes indpendantes de la Perse. Une de ces
citadelles devait garantir le port de Lundsje, une autre
l'ile de Qas (selon Niebuhr),
keish (selon d'Anville). Ses successeurs assurrent aux Portugais la pche des les Bahren, en levant de petites forteresses dont on aperoit encore aujourd'hui les ruines dans
la principale de ces les et non loin d'EIkatif sur la cto
de PHaa mais Aden la clef de la mer Rouge leur manquait, et tous leurs efforts pour s'emparer de ce poste si
important restrent infructueux. Les Arabes se voyaient
fermer nanmoins par des chrtiens la mer sur laquelle ils

Bender Rischahr, une troisime

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Ul

LES ARABES D'ORIENT,

avaient toujours pu s'lancer en toute libert, et dans l'impuissance de lutter contre un ennemi qui leur tait aussi
suprieur, ils se fortifirent sur les ctes tandis que leurs
tribus, divises entre elles, taient

uniquement occupes de

conserver leur indpendance sous


qu'elles s'taient choisis 1

la

direction des scheiks

le* ottomans renversent les mil tans mumloiike* le nord


de l'Arable ne peut conserver son Indpendance.
;

Tandis que

le

sud

et Test

de

la

Pninsule s'effaaient de

plus en plus, il se passait au nord et l'ouest des vnements qui allaient donner de nouveaux matres l'Arabie.

L'gypte et la Syrie, des mains des mamlouks, tombaient


au pouvoir des Ottomans (1516- 1518). Slim I er annona
hautement qu'il ne changerait rien la politique des sultans
Baharites et Bordjites envers les Arabes. Aprs sa premire
victoire il prit le titre de protecteur des deux villes saintes
(la Mecque et Mdine) plus tard au Caire, il accueillit avec
bienveillance l'ambassadeur du schrif de la Mecque qui,
abandonnant la cause des khalifes Abbassides et des sultans
mamlouks, tait venu lui offrir les clefs de la Kaaba et faire
acte de vassalit. Il se chargea de l'entretien des pauvres
de l'IIedjaz, combla les scheiks de riches dons, et
maintint la belle crmonie qui avait lieu tous les ans au
Caire pour le dpart de la caravane portant la Mecque le
rnikmeL Le dernier des khalifes Abbassides Motawakkel *,
lui avait cd les droits de l'Imamat en lui remettant l'tendard du Prophte et les princes ottomans se trouvaient
ainsi placs au-dessus de tous les Musulmans (1517). Parmi
les Arabes d'gypte et de Syrie quelques-uns, avant la
lutte, mcontents de n'avoir aucune part au gouvernement
du pays s'taient joints aux Ottomans peine Touman-bey
put-il obtenir le secours de la tribu de Haram les autres
malet surtout celle des Gazli refusrent de le servir
gr l'engagement qu'il prenait de les affranchir pour trois
;

I.afitau,

Monde,
2.

Hist. des dcouvertes

et

des conqutes des Portugais dans

le

Nouveau-

l'aria, 1733.

Voyez plua haut,

p.

'22<J.

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LIVRE

448

VII,

CHAPITRE

1.

ans du montant des taxes. Aprs une telle conduite Slim


ne pouvait se montrer cruel leur gard. S'il ne les rcompensa point du moins il n'aggrava pas leur sort. Elles euqui rsidant plus loin
fut
rent un nouveau souverain
moins exigeant. Du reste, la Porte ottomane se serait facilement assur l'affection des fellahs, d'origine arabe pour
,

la plupart, par quelques sages rglements d'administration.


Tandis que dans les provinces turques les propritaires
payaient eux-mmes au trsor imprial une contribution
sur leurs revenus, en Egypte, par une mauvaise organisation des fermes et des impts, le fellah seul tait imposable il fallait que sur son travail il satisfit ses propres besoins et aux exigences du propritaire aussi bien qu' celles
du fisc. Tel tait le systme conomique des mamlouks. Il
et t d'une bonne politique de le modifier; mais parmi
les chefs ottomans chargs du gouvernement, les uns se
laissrent effrayer par rinlluence encore redoutable des anciens mamlouks, les autres furent gagns par des prsents,
et cette utile rforme n'eut pas lieu.
l'avnement du grand Soliman (1520) des tribus arabes
essayrent de soutenir le soulvement de l'gypte et de la
Syrie, dans l'esprance qu'au milieu des luttes dont ces
deux provinces taient le thtre, elles recouvreraient une
certaine indpendance. Leur espoir fut du par la prompte
rpression des rebelles *.
;

Bonmlflslon de l'Ymen*

Un

des derniers sultans mamlouks, Kansouh-a-Gauri,


envoy en 1517 des troupes dans l'Ymen, moins
pour s'assurer la possession de cette province, que pour y
combattre l'influence des Portugais. Les Ottomans, matres
de l'gypte devaient suivre naturellement la mme ligne
de conduite toutefois Slim qui avait reu le serment
d'obissance des troupes de Gauri installes Zbid, les avait
rappeles au Caire. Soliman agit autrement; ds 1526, lecaavait

1. Histoire de l'gypte depuis la conqute des Arabes, etc., par Marcel,


1834; et
insre par M. Tercier dans le t XXI des Mmoiresde l'Acadmie
des inscriptions.

la dissertation

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LES ARABES D'ORIENT.

lift

pitan Selman-Reis reut Tordre de dbarquer dans l'Ymen,

il traita svrement quelques chefs mal disposs pour*


son souverain. Plus tard, en 1538, Suleyman-Pacha charg
d'une mission dans l'Hindostan, auprs du sultan deGuzzarate, dbarqua dans le pays, vainquit les princes d'Aden et
de Zebid et transforma leur territoire en Sandjak.W se dirigea ensuite vers le golfe Persique et dploya firement son
escadre devant les tablissements des Portugais; il reprochait ces derniers d'avoir appris aux Persans l'usage des
armes feu et l'art de fondre les canons. Aprs cet acte de
pure forfanterie, et quelques courses heureuses, il revint
Djedda et de l envoya la Mecque une partie de son riche
butin. Depuis cette expdition un capitan-pacha fut maintenu dans le port de Suez pour soutenir dans la mer des
Indes l'influence ottomane, y faire respecter par les Portugais le pavillon du sultan, et imposer sa souverainet tous
les Arabes du littoral. Piri-Reis dtruisit, en 1551, la ville
de Mascate, dont les Portugais s'taient empars pour dominer l'Oman. Il entreprit ensuite le sige d'Ormuz, mais,
au lieu de le poursuivre avec vigueur, comme c'tait son
devoir, il ne tarda pas se retirer, gagn par des sommes
considrables. Un autre capitan Mourad (1553), prouva
devant Ormuz un chec d'autant plus regrettable qu'il tait
dj matre de la navigation du golfe Persique, o il avait
longtemps stationn, qu'il avait aid avec succs les Arabes
dtruire dans l'Haa et le Bahren , les forteresses portugaises, et qu'il avait assur aux Turcs une incontestable
supriorit dans la partie orientale de la Pninsule arabique. Sidi-Ali essaya deux ans aprs (1555) de rparer le dsastre de Mourad
il remporta d'abord des avantages assez
marqus, mais son csca<jre fut disperse par la tempte, et
lui-mme se vit oblig de descendre dans un port de l'Hindostan, d'o il revint par terre Constantinople.
Pendant ce temps, les pachas du Caire avaient dirig plusieurs expditions dans l'Ymen, qu'enrichissait la culture
du caf. L'usage de cette plante commenait s'tendre sur
tout le littoral de l'Afrique, dans l'Asie occidentale, et
mme en Europe; on sait que le premier caf fut ouvert
,

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LIVRE

VII,

CHAPITRE

1.

Constantinople sous le rgne de Soliman et que le nombre


de ces maisons devint en quelques annes considrable. Ce
n'tait pas seulement par mer que les pachas envoyaient des
troupes envahir l'Ymen; d'autres suivaient la roule de
terre trace par les caravanes et suffisamment garnie de caravansrails, de puits ou de citernes. La rsistance des
Arabes fut plus grande qu'on ne s'y attendait. Ils taient
soutenus et par leur amour de l'indpendance et par le
fanatisme religieux. Tandis que les soldats du sultan taient
Sonnites, les Hmyarites appartenaient presque tous la
secte des Zeidites. Cette secte se rapprochait des Schiites,
parce qu'elle croyait avec eux qu'Ali avait t frustr du
khalifat par Abou-Bekre, OmaretOthman,mais au lieu d'admettre douze imams, elle n'en reconnaissait que quatre; le
dernier de ces quatre imams, fondateur de leur secte tait
Zeid, fils de Mohammed Albaker fils d'Uossein fils d'Ali.
Les Ottomans avaient trouv dans les habitants de la Mecque des musulmans fidles la Sonnah quoique partags
entre les quatre sectes orthodoxes de Shafei, Hanbal, Malek,
et Abou-Hanifah dans l'Ymen ils rencontrrent les sentiments de haine que leur avaient vous les Persans Schiites.
La guerre fut longue et sanglante (1539-1568). Les principales villes, Sanaa, Aden, Moka, Taaz, Zebid, furent plusieurs
fois prises et reprises. Les pachas du Caire commirent
la faute de partager l'Ymen en deux gouvernements; le
dfaut d'unit en paralysant les mouvements des troupes
turques donna aux Arabes un avantage marqu. Ils taient
matres de toutes les villes de l'Ymen l'exception de Zebid, et venaient de proclamer khalife l'imam Mou tablier,
lorsque Sinan-Pacha fut charg, en 1568, par Selim II, de
frapper un coup dcisif. Sinan russit semer la discorde
entre les Zeidites et la secte des Ismalis; puis, s'attachant
la poursuite de Moutahher, il le fora signer la paix aux
conditions suivantes que les droits rgaliens de l'islamisme
,

i. D. Cantemir, Histoire de l'empire ottoman, t. II et suiv.


De Hammer, Histoire de l'empire ottoman, 3* cdit. fran., 1835.
History of the ottoman empire, etc., by Upham, Kdinburgh, 1829.
Hintnri* lemavr, F.did. Joliannsen,
Bonn, 1838.

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LES ARABES D'ORIENT.


seraient exercs par le sultan dans tout l'Ymen,

que

la

Porte, matresse de toute l'extrmit sud-ouest de la Pnin-

communication entre
que Moutahher se contenterait de
principaut de Kaukeban (1568).

sule, maintiendrait libre la route de

i'Hedjaz et l'Ymen
la petite

Ta

situation

et

de l'Arable M'amliore dan la premire moiti


du xvn sicle.

L'empire turc tait parvenu l'apcge de sa puissance; ce fut aussi l'poque du plus grand abaissement des
Arabes. Jamais ils ne s'taient trouvs, vis--vis des trangers dans une aussi troite dpendance. Presss par les Ot-

tomans matres de l'Ymen par les Portugais tablis dans


l'Oman et par les Persans dont l'influence se faisait sentir
dans le golfe Persique, ils ne pouvaient plus attendre leur
dlivrance que de la faiblesse de leurs vainqueurs; ils ne
l'attendirent pas en vain; ni les Portugais, ni les Ottomans
n'eurent la force de persvrer dans leurs entreprises. Attaqus sur d'autres points, mins par la corruption, ces
deux peuples eurent trop d'embarras intrieurs combattre
pour s'occuper de l'Arabie. Loin d'augmenter les ressources
,

de leurs tablissements maritimes par l'envoi de nouvelles


garnisons, ils laissrent les soldats s'user dans la mollesse
et l'inaction. Les Arabes reprirent courage, et avec le
xvn e sicle s'ouvrit pour eux une re plus favorable; diffrentes tribus, voisines des comptoirs de commerce, les
assaillirent successivement et les dtruisirent bientt il n'y
eut plus d'trangers sur le sol de l'Arabie mridionale.
Soixante ans (1568-1628) s'taient peine coules depuis
que Sinan-Pacha avait pris possession de l'Ymen, lorsqu'un
des parents de l'ancien khalife Moutahher, nomm Cassem,
arbora l'tendard de la rvolte et fit battre monnaie en son
nom Kaukeban. Les Turcs avaient cru anantir cette famille qui offrait un point de ralliement aux Hmyarites en
s'emparant par ruse des deuxnls de Moutahher qui avaient
t conduits Constantinople et enferms dans le srail. Le
courage et le mrite de Cassem, qui mrita le surnom d'AlKbir (le grand), renversrent toutes leurs prvisions. Les
;

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LIVRE

(52

CHAPITRE

VII,

I.

d'mir l-Moumenin (comen foule se ranger sous ses drapeaux. La ville de Sanaa tomba au pouvoir
des rebelles, et Aidin-Pacha, ancien gouverneur d'thiopie,
charg par Amurath IV de les soumettre, fut rduit se fortifier dans Moka. Le schrif de la Mecque, avec lequel ils
entretenaient de secrtes relations leur fut d'un grand secours en interceptant plusieurs convois partis du Caire.
Kaussoun-Pacha, successeur d'Aidin, venu la tte de nouvelles troupes et confiant dans ses forces obligea l'ennemi

Hmyarites lui donnrent

mandeur des croyants)

le titre

les Zeidites vinrent

de Djann et fut
pas cependant
toujours contraire, il reprit Taaz et Zebid. Mais les Arabes
ayant rompu les communications de l'Ymen et de lHedjaz,
en comblant les puits et couvrant la route d'obstacles de
toute espce, le pacha dsespra de dompter la rvolte, et
abandonna l'Ymen l'imam Zeidite.
Pendant cette mme priode les Portugais taient chasss
de l'Oman. En 1658 les Arabes s'emparrent de Mascate
qui avait t reconstruite aprs le dpart de Piri-Reis (1551),
et occuprent tout le pays. La famille des Arrabi qui se
disait issue des Corischites de la Mecque, prit en main
l'autorit, tendit sa domination jusqu' Ormuz, Bahren,
dans l'Haa, et possda mme sur la cte d'Afrique Quiloa
d'engager une
compltement

bataille

dfait.

range dans

la valle

La fortune ne

lui fut

et Zanzibar.
le nord la situation tait galement change. Il avait
convenu entre la cour de Constantinople et les Arabes
des dserts de Syrie, que pour le passage des caravanes l'mir Al-Haddj (ou chef du plerinage) recevrait annuellement
une somme de vingt-trois mille piastres distribuer aux
tribus des Beni-Mahmour, Wahidan, Ghaza, etc. Le sultan
avait plusieurs fois manqu ses engagements les caravanes

Vers

furent pilles

meux Fakreddin
un

Arabes mcontents, s'unissant au fal'aidrenU se maintenir vingt ans dans

et les
,

de rbellion ouverte (1623-1643).


A la Mecque la puissance ottomane n'tait pas plus respecte; le schrif avait soutenu les Hmyarites dans leur
soulvement contre les Turcs et pourtant la Porte faisait
tat

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LES ARABES D'OKIEIST.

153

grands efforts pour se concilier l'affection des habitants de l'Hedjaz. En 1624 elle avait augment ses dons
annuels de deux mille piastres que le bey d'Alger payait auparavant au bey de Tunis. En 1630 la Kaaba, renverse par
une inondation avait t rdifie de fond en comble, sur
les ordres d'murath IV avec la capitation des Coptes
d'Egypte en 1651 les dsastres causs par des pluies torles plus

rentielles avaient t rpars

aux

frais

du

sultan.

Nanmoins

commissaires envoys la Mecque et Mdine taient


mal vus. Le schrif nomm par les sultans de Constantinople
convenait rarement aux Arabes de l'Hedjaz qui lui refusaient l'obissance et prenaient un autre chef. Le souverain
de Constantinople tait forc de ratifier leur choix. Aussi
les schrifs jouissaient-ils d'une certaine indpendance; toujours en lutte avec les mirs-al-haddj de la Syrie et de
l'Egypte et avec les gouverneurs de Djedda ils causaient
souvent de graves embarras la Sublime-Porte. Les Ottomans attachaient surtout de l'importance la possession de
Djedda , entrept d'un vaste commerce
tous les ans
quarante mille sacs de caf taient transports de l'Ymen
quinze mille 'taient destins l'gypte et l'Arabie, et
vingt-cinq mille aux autres provinces de l'empire. Mdine
ne recevait qu'une garnison turque de cinquante soldats,
dont l'unique mission tait de garder le tombeau du prophte, et les troupes de Djedda et de Mdine ne suffisaient
point balancer l'influence du schrif, qui pouvait facilement mettre dix mille hommes sur pied et se retirer au fond
des dserts lorsqu'il tait menac d'un danger imminent.
Il fallait donc composer. En 1695 le sultan Moustapha IV
fut contraint de reconnatre un schrif qu'il tait impossible
de vaincre.
Du ct de l'Irak les Arabes n'taient pas moins redoutables aux Turcs ils se vengrent plusieurs fois par
de violentes rvoltes, d'injustes entreprises que tentrent sur
leurs biens les gouverneurs de Bassorah et de Bagdad. Voisins des Persans, ils pouvaient s'allier eux et favoriser
leurs agressions contre les Ottomans. Les annes 1650,
1667, 1695 furent marques par des soulvements qui exiles

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LIVHE

toi

VII,

CHAIMTKE

I.

grent l'envoi d'armes considrables. En 1695 les Arabes


de l'Euphrate, sous la conduite du scheik Mani, livrrent
Bassorah au souverain d'Ispahan et, lorsque celui-ci eut
sign la paix avec le sultan de Constantinople, ils continurent de tenir la campagne jusqu'en 1701. La rbellion
de la tribu des Mentefik en 1706 fut moins longue, mais
,

trs-sanglante. Enfin, quelques Arabes de la tribu de

Lamm

mis en 1716 sous la protection du gouverneur persan de Houweir, les tribus arabes du Nedjed et de Bassorah arborrent le drapeau noir et, toutes runies, repoussrent trente mille Persans, qui avaient envahi leur
territoire
Ds lors le dsert tout entier leur appartint.

s'tant

Soulvement des Wahabl*.


L'Arabie au commencement du xvui" sicle avait donc
recouvr presque entirement son indpendance par son
nergie et par la faiblesse de ses adversaires ; il ne lui manquait
pour consolider sa victoire, qu'un centre autour
duquel tous les esprits vinssent se rallier. Vers 1749 une
,

du Nedjed entreprit de le lui donner; c'taient


Wahabis dont le nom exerce encore aujourd'hui un
certain prestige, et qui auront sans aucun doute une in-

tribu sortie
les

fluence durable sur les destines de la Pninsule*.

Le fonditeur de cette nouvelle puissance fut un certain


Abd-el-Wahab, qui appartenait la grande tribu des Temim.
Ds sa jeunesse il avait t initi aux lettres et aux sciences
des Arabes il s'tait surtout occup d'tudes juridiques,
et s'tait mis au courant des opinions soutenues par les divers chefs d'cole. Des voyages Bagdad Bassorah, dans
;

Abrg chronologique de l'histoire ottomane: Description de


1, Delacroix,
Crichton, Hittory ofarabia ancient and modem, etc.,
par Nibuhr.
l'A rabie
Edinburgh, 1838; el les rcents voyages de MM. Loitin de Laval, de Laborde, Sait.

lev, etc.
2. Mmoire sur les trois plus fameuses sectes du musulmanisme, les wahabis
les nosairis et les ismalis. par llousseau. 818 ; Description du pachalik de BagHisdad, suivi d'une notice historique sur les wahabis, etc., par le mme. 1809
toire des uahabit depuis leur origine jusqu' la lin de 18"9, par Cmancez, in-8,
1810.
History of seid snid sultan of Masrat icith an account of the countries
1

and people on the shores of the Pereian Gulf, particularly of the Wahabysby
Shask Mansur, etc., in-8, 1819.
Notes on the bdouins and tvahabys, etc., bj

J.

L. Burckhardt, Londres, 1830.

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LES ARABES D'ORIENT.


Perse dvelopprent de bonne heure son intelligence,
longtemps mdit sur la situation de ses
compatriotes, leurs penchants leurs instincts, la nature
la

et, aprs avoir

musulmans
observation du Coran il leur rendrait l'enthousiasme dont ils avaient besoin pour reconqurir leur grandeur passe. La rforme dont il se fit le chef n'avait d'autre
de leurs forces

une

il

crut qu'en ramenant les

stricte

objet

que de

rtablir

dans sa puret originale

la loi

du pro-

phte.

Abd-el-Wahab combattait la vnration excessive des


croyants pour Mahomet, vnration contre laquelle le fils
d'Abdallah avait essay lui-mme de les prmunir dans
plusieurs de ses versets sacrs.

Il s'levait contre le culte


des saints, dont il faisait dtruire les tombeaux par ses partisans, contre la corruption des murs, si justement reproche aux Turcs, enfin contre l'usage des liqueurs eni-

vrantes.

Il

rappelait

ordonnait chacun
cinquime de ses biens, qu'elle
imposait aux cadis l'intgrit la plus

que

la loi religieuse

de convertir en aumnes
dfendait le luxe et

scrupuleuse.

Il

le

Rattachait surtout rveiller chez ses

com-

patriotes l'esprit guerrier qui avait produit quelques sicles

auparavant de si merveilleux triomphes. Ses discours, qui


n'taient en gnral que la reproduction des sourates du Coran, ne pouvaient tre taxs d'hrsie; toujours d'accord avec
les vrais principes de l'islam, ils produisaient une profonde
impression. Dans toutes les tribus du Nedjed les hommes
les plus nergiques vinrent se ranger sous son tendard et

formrent une petite arme commande par Mohammedben-So'oud, de la tribu Msalih. So'oud avait embrass
Derreyeh la nouvelle doctrine et , comme Abd-el-Wahab
avait reconnu en lui les qualits militaires dont il tait priv,
il lui avait donn sa fille en mariage et confi le gouvernement politique de la tribu des Wahahis.
So'oud fit publier dans la suite la Mecque un petit catchisme pour expliquer la pense du matre. Voici, d'aprs
ce document, quelle tait la] nature de ses ides reli,

gieuses.

La science divine consiste eu

trois points

1 connais-

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LIVRE

Vil,

CHAPITRE

1.

sance de Dieu; 2 connaissance des principes religieux;


3 connaissance du prophte.
Pour le premier point, la connaissance de Dieu se rsume
dans cette proposition Il n'y a qu'un Dieu et Mahomet est
son prophte.
Les principes religieux touchent soit l'islamisme (sou:

soit aux bonnes


la volont de Dieu), soit la foi
uvres. Dans l'islamisme il faut sparer les cinq points sui1 rpter ces paroles
Il n'y a qu'un Dieu, et Mavants
homet est son prophte; 2 faire sa prire cinq fois par
jour; 3 donner en aumne le cinquime de son bien;

mission

jener pendant le mois de ramadhan; 5* faire au moins


La profois dans sa vie le plerinage de la Mecque.
1 croyance Dieu ;
fession de foi embrasse six articles
2 croyance aux anges; 3 croyance aux saintes critures
4 croyance au prophte
5 croyance en ses qualits ;
6 croyance au jugement dernier. Les bonnes uvres consistent toutes dans l'excution de ce commandement de
Dieu Adore Dieu comme si tu le voyais car si tu ne
peux le voir, sache bien qu'il te voit.
La connaissance du prophte se rsume ainsi: Mahomet est
un prophte envoy par Dieu tous les peuples il n'y a que
sa religion de vraie il n'y aura plus de prophte aprs lui.
Par ses paroles ardentes bd-el-Wahab forait les Arabes
sortir de leur indiffrence il imprimait un nouveau lustre
la religion de Mahomet , dtruisait les superstitions qui
s'taient multiplies par la suite des temps, et dgageait la
morale du Coran de toutes les imperfections qu'on lui avait
imputes. Les esprits dlivrs des longs et obscurs commentaires des docteurs musulmans ramens la lettre
simple et claire de quelques propositions gnrales, accueillirent avec empressement les projets de rforme d'Abd-elWahab. Les Wahabis faisaient appel la vertu au lieu
d'invoquer, comme les Karmates, les mauvais penchants et
de chercher la satisfaction de leur intrt peut-tre auraientils renouvel l'uvre de Mahomet, s'ils n'avaient point eu
le pacha d'gypte pour adversaire de 1811 1815.
4

une

Au moment o Abd-el-Wahab commenaitses prdications

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LES ARABES D'OKIENT.


l'Arabie orientale tait expose de

i57
formidables inva-

sions; dj le clbre Nadir- Schah, vainqueur des Turcs,

contre lesquels

de Bagdad

il

s'tait

aid des tribus voisines de Bassorah

domination dans le
Ds 1730 il avait tent une attaque sur
l'Oman sans pouvoir surmonter la rsistance des indignes.
Aprs avoir rassembl une flotte de vingt-cinq gros vaisseaux dont une partie avait t construite Bender Rigk
Abuschahr et Bombay, et l'autre partie achete grands
frais de marchands occidentaux, il n'avait pu runir un
nombre de matelots suffisant, ceux qui appartenaient la
secte sonnite refusant de servir contre leurs coreligionaires
oblig d'abandonner l'excution de ses desseins
il avait
rsolu de transporter les habitants du golfe Persique sur les
bords de la mer Caspienne et de les remplacer par de nouvelles colonies lorsque la mort vint le surprendre! En 1740
un chef arabe introduisit les Persans Mascate, et de l
ils se rpandirent dans toute la province
mais, abandonns
leurs propres forces, ils ne purent repousser longtemps

et

avait tent d'tablir sa

golfe Persique.

les

attaques incessantes

des Arabes, et vacurent d-

finitivement le pays. Aprs eux de nouveaux ennemis ap-

parurent c'taient les Hollandais les Franais et les Anappels par le commerce vers ces parages. Les
Europens ne cherchaient qu'une occasion pour s'tablir
sur les ctes de la Pninsule. Mascate surtout attirait leurs
regards par sa position avantageuse elle rsista toutes les
entreprises des trangers. En 1755 seulement, les Hollan,

glais

dais s'emparrent de

de onze ans; cette

l'le

de Karek

et la conservrent prs

petite le leur fut alors enleve par

un

des principaux pirates arabes, Mir-Mahenna, qui fut longtemps matre de la navigation du golfe Persique.

Pendant ce temps le reste de la Pninsule semblait jouir


d'une grande tranquillit. Au Nord, les tribus , aprs avoir
pris une part tout fait secondaire la lutte des Persans et
des Turcs, taient rentrs dans leurs dserts. L'Hedjaz demeurait soumis l'autorit des schrifs, et, en dehors de Djedda,
les Ottomans n'avaient d'autre influence que celle de chefs
de caravane, soutenus d'un petit nombre de troupes. L'Y-

26

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LIVRE

158

men

VII,

CHAPITRE

I.

continuait de s'enrichir des produits de son sol et de

il avait eu souffrir, en 1738, du bombardement de Moka par les* Franais . La politique du


gouvernement anglais, qui jetait dj les yeux sur les villes
du littoral, se manifestait par une habile immixtion dans

son industrie, mais

des Scheiks. Enfin les Arabes de l'Egypte et


manquant de but, ne songeaient nullement
se soustraire la suprmatie ottomane.
On apprit tout coup que les tribus du Nedjed, jusqu'alors divises taient runies sous un mme commandement qu'elles avaient adopt une religion d'une morale
les querelles

de

la

Syrie,

musulmans sonnites qu'un llui-mme l'application des rformes,

plus austre que celle des


gislateur dirigeait

tandis qu'un vaillant guerrier,

imposait par

la

sait la justice.

Mohammed-ben-Sooud

les

armes quiconque en mconnaisUne partie du Nedjed avait embrass avec

force des

nouvelle doctrine; les Scheiks du district d'Ell'flaa avaient succomb dans leurs tentatives de rsistance, et dj les cavaliers wahabis venaient sur

ardeur

Aroud

la

et

ceux de

de l'Hedjaz et dans les dserts de Syrie annoncer


aux Bdouins le rveil de l'Arabie. Les sultans de Constantinople ordonnrent aussitt aux gouverneurs de Bassorah
de Bagdad et de Djedda, aux pachas d'gypte et de Syrie et
au schrif de la Mecque de mettre tout en uvre pour extirper ce qu'ils appelaient une dangereuse hrsie, et pour
s'assurer des villes saintes, dont la possession aurait donn
une influence incalculable aux novateurs. Mahmoud 1 er et
Mustapha III envoyrent au schrit des prsents magnifiques. Malgr ces prcautions, Mohammed ben So'oud continua d'avancer; les villages d'El-Ayeyneh deHoreymla,
d'El-Ammaryeh et de Manfoudah embrassrent sa cause, et
les confins

il

reut la soumission des provinces voisines.

en 1765,

un pouvoir affermi son

Il

mourut

Abd-el-Aziz,
qui dj s'tait signal dans plusieurs expditions et qui
subjugua entirement le Nedjed (de 1763 1803). Son fils

1.

laissant

Relation de l'expdition de

Moka en

fils

1737 sous les ordres de M. Delagarde

Ja-

zicr, Paris, 173.

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LES ARABES D'OCCIDENT


So'oud commandait
aprs avoir tabli

et,

4Ti9

dtachements envoys au loin,


son autorit dans l'Hedjaz, envahit le
les

pays d'Asyr. Les Bni-Chehr, Belcarn et Chomran , Ghmed


et Zahran reconnurent ses lois; il en fut de mme de Taef,
de la Mecque, de Mdine et de Djedda; et, tandis que, d'un
ct, Bagdad mme tait menace, la ville d'Abou-Arisch
dans l'Ymen, se rendait la suite d'une guerre longue
et prilleuse. Parmi les contres qui avaient adopt la doctrine des Wahabis, et sur lesquelles So'oud avait impos sa
domination, on comptait le pays d'El-Haa, Bassorah, Rasel-Kheymeh, Bahren, O'neyzeh Alrassa, Boureydeh, ElRyad, la montagne de Choumer et Aneyzeh. Le chef militaire des Wahabis rgnait jusque dans le Hauran, entre
la Mecque et Damas, ainsi que dans le Nedjed et l'Ymen
jusqu' Sanaa.
,

/expdition dos Franeal* en Kgypte favorise

le parti

wa habite.
Nous n'avons pas de dtails bien prcis sur les expdiWahabis qui prsentent toutes d'ailleurs le mme

tions des

caractre; les succs de ces sectaires s'expliquent facilement


la faiblesse des Turcs qui avaient la fin du xvm e et
au commencement du xix e sicle, combattre l'invasion
de Napolon en gypte, et arracher de ses mains la
Syrie, si miraculeusement sauve par la rsistance imprvue de Saint- Jean-d' Acre. Occupe raffermir son autorit
dans ces deux provinces o les tribus Arabes pouvaient encore la lui disputer, attentive aux combats de gants
dont l'Europe tait le thtre, la Porte restait indiffrente
au sort de l'Arabie. Quelques documents nous apprennent
nanmoins que la diplomatie britannique pntra jusqu'
Derreyeh, la capitale de So'oud. Devenus matres de l'le de
Karek dans le golfe Persique, ayant de nombreux agents
Moka, Suez, Djedda, Bahren, convoitant Mascate et Aden,
les Anglais, on le conoit, suivaient avec une vive sollicitude les vnements de la Pninsule.
Un fait plus curieux encore, c'est que Napolon lui

par

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LIVRE

4G0

VII,

CHAPITRE

mme

entra en rapport avec le chef des Wahabis. Il nous a


dans son Mmorial la trace des plans conus par sou
gnie aprs la conqute de l'gypte; on sait qu'il voulait se
rendre aux Indes pour y dtruire la formidable puissance
de la Grande-Bretagne. Empereur, il envoya en Arabie un
agent spcial, M. de Lascaris, charg de runir en une confdration les tribus des dserts de la Syrie, de l'Irak et
de la Perse, qui s'engageraient faciliter la marche de son
laiss

arme jusqu'

l'Indus, et lui ouvriraient le

chemin

autre-*

par Alexandre. M. de Lascaris accomplit sa mission avec un dvouement admirable; parti d'Alepsans autre
suite qu'un secrtaire de qui l'on tient le rcit de ses
aventures, il s'enfona sans crainte par les ruines de Palfois fray

myre dans les sables de l'Arabie. La premire tribu qu'il


rencontra lui apprit que les Bdouins se partageaient
en quatre grands partis; l'un, ami des Turcs, tait form
des diverses branches de la tribu des Anazs et campait
sur

la

frontire de la Syrie;

l'autre, plus considrable,

compos des vritables reprsentants de la race Arabe, et


anim d'une haine profonde pour tout ce qui appartenait
un autre sang, sjournait plutt dans les dserts de l'Irak;
le troisime comprenait les Bdouins de la Perse; le quatrime les Wahabis. C'est vers le second parti que M. de
Lascaris se tourna de prfrence. Mais il fallait y rattacher
les Wahabis, et il n'en eut pas alors la pense. La ncessit

rsister aux Turcs avait dj forc les nouveaux allis de


France de concentrer l'autorit entre les mains d'un seul
chef, le Drayhy, homme d'une haute intelligence et d'une
grande capacit guerrire. Le Drayhy devint l'homme de
Napolon dans les dserts de l'Arabie. Un grand nombre de
scheiks signrent en 1811 un trait par lequel ils s'engageaient 1 vivre en tat d'hostilit perptuelle avec les
Osmanlis; 2 faire une guerre outrance aux Wahabis
3 ne point mler la religion aux questions politiques
4 combattre les tribus qui refuseraient de se joindre
eux; 5 punir de mort ceux qui trahiraient la cause commune; 6 obir au Drayhy. Ayant eu connaissance de ces
faits, les Anglais, par l'entremise de lady Stanhope, cher-

de

la

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LES ARABES D'OCCIDENT.

401

Bdouins de Syrie avec

chrent runir

les

et soldrent les

Wahabis pour dissoudre

la

les

Ottomans,

confdration

qui comptait dj prs de sept mille six cents tentes. Il y


eut une grande bataille prs de Hamah entre quatre-vingt
mille Arabes
le

de la ligue et cent mille Wahabis; ce fut


Drayhy qui l'emporta il fora ses adversaires la fuite,
;

jusqu'aux confins du Nedjed.


So'oud voulut connatre fond la
nature et l'objet de la confdration. M. de Lascaris se rendit
avec le Drayhy dans sa capitale Derreyeh pour le lui expliquer, et le sentiment national qui sparait les deux chefs
plus diffiarabes des ottomans les eut bientt runis
cile sur d'autres points cause de ses relations avec les
Anglais, So'oud finit par cder quand il sut que c'tait le
Pre du feu, nom donn par les Arabes Napolon durant
son expdition d'gypte, qui rclamait son intervention
pour aller renverser les puissances de l'Inde l'enthousiasme
et les poursuivit avec succs

clair par ce dsastre,

fil

taire chez lui l'intrt politique.

M. de Lascaris, en 1802,

avait donc russi dans sa mismais son retour, la fortune de


Napolon avait bien chang. C'tait le moment o la grande
arme, toujours victorieuse, oprait sa retraite de Moscou,
et cherchait regagner le sol de la patrie o bientt un
destin impitoyable allait la poursuivre. M. de Lascaris vit
s'vanouir les rves brillants qu'il avait forms et mourut de
douleur. Ses papiers, pour comble de malheur, tombrent
aux mains de l'ennemi; c'est peine si le rcit de Jatella
Sayeyhir, rapport par M. de Lamartine, peut compenser

sion au del de ses dsirs

pour nous

cette perte irrparable.

Le* Ottoman* recouvrent en


tonte lenr prpondrance;
politique de Mohammed- AU pacha d'Egypte.

La catastrophe qui renversa Napolon rendit leur libert


aux troupes ottomanes jusqu'alors retenues par la
crainte des vnements. Mohammed Ali, pacha du Caire,
qui devait profiter des lments de civilisation rpandus sur
les bords du Nil par les compagnons de Bonaparte Klber,
Desaix et Menou et faire de grands efforts pour restituer
d'action

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LIVRE

402
l'Egypte une

CHAPITRE

VII,

I.

de
combattre les Wahabis et de renverser leur domination l
Une premire expdition avait eu lieu en 1811 sous le
commandement de son second fils, Toussoun- Pacha. Toussoun s'empara d'Ianbo et de Soueyg, puis vainqueur prs
de Bedr, il se porta en avant de Safra; mais les Wahabis occupant les dfils et le haut des montagnes, et profitant habilement des avantages de leur position, mirent l'arme gyptienne en pleine droute. Toussoun-Pacha, retir Yanbo,
reut bientt des renforts de son pre, et, saisissant l'offensive, il se rendit matre en 1812, deMdine et de Djedda
de Bessel de Taef et de la Mecque que les Wahabis abandonnrent en emportant ses innombrables richesses. So'oud
jusqu'alors n'avait pris que des mesures de dfense; au
commencement de l'anne 1813 il dploya une activit qui
fit promptement changer les affaires de face. L'arme gyptienne fut de nouveau dfaite devant Tarabeh; Mdine fut
assige par So'oud en personne et la garnison d'El-Henakyeh passe au fil de lepe; les Arabes de l'Ymen, secrtement excits par le chef des Wahabis, se rpandirent
dans les environs de la Mecque et de Djedda et couprent
toutes les communications; les gyptiens se trouvaient
dans une position presque dsespre lorsque Mohammedpartie de son ancienne splendeur, entreprit

lui-mme en Arabie.
Jusqu' la mort de So'oud, le vice-roi eut peu de succs;
vaincu prs de Tarabeh, chass de Gonfodah, dont il s'tait
d'abord empar, il laissa bloquer par les Wahabis l'importante
place de Taef. Mais So'oud succomba et parmi ses douze
fils aucun n'tait capable de le remplacer. Mohammed prit
Ali passa

tout

fait

l'avantage.

Il

dlivra Taef, vainquit les

Wahabis

10 janvier 1815, prs de Koulakh, reprit Gonfodah et


fora la soumission les tribus de l'Asyr pendant que TousJe

soun-Pacha dictait au pusillanime Abdallah, fils de So'oud,


un trait de paix humiliant.
En 1816, comme Abdallah n'excutait pas fidlement les
l. Voy. les hUudes historiques et gographiques sur l'Arabie de M. 4<>mard:!a
noiiee que nous avons donne de cet ouvrage {Journal asiatique, 1840), elle

Voyage en Orient de M. do Lamartine,

l.

II.

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LES ARABES D'ORIENT.

463

conditions du trait, Mohammed-Ali prpara une troisime


expdition dont le commandement fut confi Ibrahim-Pacha. Ce prince, en moins de dix-huit mois soumit la plus
grande partie du Nedjed. Il s'empara d'abord d'IIenakyeh
et d'El-Xaouyeh puis aprs avoir assig inutilement ElRass, il occupa successivement El-Khabra, Aneyzeh, Boureydeh, Chacra, Dorama, et le 22 mars 1818 il campait
sous les murs de Derreyeh. Abdallah se rendit au mois
d'octobre suivant, et reut de son vainqueur un accueil
favorable. Il partit bientt aprs pour Constantinople; le
;

vice-roi avait

demand

sa grce;

la politique

du divan

de So'oud, aprs avoir t promen


jours dans toute la ville, fut dcapit sur la

fut implacable, et le

fils

pendant trois
place de Sainte-Sophie.

Ainsi fut dompte cette puissance qui semblait destine


renouveler les grands jours de l'islamisme; elle fut resserre
dans les dserts d'o elle tait sortie si glorieuse. Cependant elle ne fut pas anantie, et les gyptiens eurent souvent compter avec elle. Vers l'anne 1827, il leur fallut

du Harb; en 1832, pendant


un Turc, Turchke-Bilms, essaya

apaiser la rvolte des tribus

leur rupture avec

la

Porte,

sans succs de soulever les tribus arabes

chass de l'Hedjaz,
au fond de l'Ymen et chercha un
asil dans la ville de Moka.
Enfin, en 1836 et 1837, la guerre clata de nouveau et
enveloppa toute l'Arabie. Mohammed-Ali eut combattre
la fois dans l'Asyr, l'Ymen, l'Hedjaz et le Nedjed; quatre
armes envahirent la Pninsule; une, sous Kourchid-Pacha s'lana dans le Nedjed la poursuite d'un descendant
de So'oud nomm Faysal qui commenait se rendre redoutable; elle l'atteignit dans les plaines de Dalam, le battit
compltement et pntra jusqu'aux bords du golfe Persique
aux environs d'El-Haa et d'El-Katif. Kulschuk Ibrahim
la tte de la seconde, obligea l'iman de Sanaa abdiquer en
faveur de son matre. Les deux dernires, commandes par
Ahmed-Pacha et Slim-Pacha, rduisirent enfin l'obissance les populations mcontentes de l'Asyr et de l'Hedjaz.
Il semblait que Mohammed-Ali dt tre dsormais le
il

fut rduit s'enfuir

LIVRE

4(U

VII,

CHAPITRE

I.

Cependant il n'en fut rien


empcher que le pacha ne s'empart des voies de communication et du monopole du commerce de l'Inde. Aprs la victoire de Kourchid
Dalam, le gnral gyptien ayant voulu prendre possesvritable souverain de l'Arabie.
les

Anglais avaient un grand intrt

ils protestrent avec tant d'nergie


sion des les Bahren
contre cette occupation qu'il fallut l'ajourner. Ils menaaient
de dbarquer des troupes Bassorah et de se jeter sur la
Syrie. Un peu plus tard, Mohammed-Ali tant entr en relations avec l'iman de Mascate, vit tous ses projets contre,

carrs par la politique des Anglais dont l'attitude dans l'Y-

men

empars d'Aden veille aujourd'hui


gouvernements de l'Europe.
Dsesprant de raliser le rve de toute sa vie, la fusion
des Arabes de l'Egypte et de l'Arabie, Mohammed-Ali a
rendu la Porte le gouvernement des villes saintes de
l'Hedjaz qui lui cotait par an prs de dix-huit millions de
francs. Sa mort et celle d'Ibrahim Pacha, 1848, en diminuant la force des gyptiens, permettra peut-tre un jour
aux Wahabis de relever le drapeau de la nationalit Arabe.
,

ils

se sont

l'attention des

CHAPITRE

II.

LES ARABES D'AFRIQUE.


Egypte, tats barbaresques

afriqde occidentale et centrale;

MAROC ; ALGRIE.

gyptc, rta(* barbaresques $ Afrique occidentale et centrale.

Les Turcs ottomans ont pu tendre leur domination sur


rgypte et dans les rgences de Tripoli de Tunis et d'Alger mais s'ils ont russi comprimer les populations, ils
n'ont en rien altr le caractre des tribus arabes qui sont
restes, des bords du Nil l'Atlantique, ce qu'elles taient
,

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LES ARABES D'AFRIQUE.


au temps de

mmes

la

conqute

mmes

avec les

465
qualits et les

dfauts, toujours prtes payer l'impt

laisse leur vie

indpendante.

On

on leur

si

a remarqu souvent chez

gyptiens modernes cet esprit rsign mais actif et


si haut degr les Arabes, et
l'on comprend que Mohammed-Ali aprs ses victoires sur
ait eu l'ide d'opposer la puissance turque
les Wahabis
un tat nouveau , vivifi au contact de la civilisation europenne. Les traductions qu'il a fait faire en arabe de nos
livres de science, les nombreuses ditions de Boulacq destines rpandre de tous cts les connaissances de l'cole
moderne, attestaient des vues leves et un ardent dsir de
rgnrer les peuples soumis ses lois. Malheureusement
ses projets, combattus secrtement par la politique anglaise,
devaient mourir avec lui toutefois la ligne de dmarcation
qui spare les Arabes des Ottomans a t profondment creuse et l'on peut dire que l'gypte aussi bien que les tats
barbaresques ne reconnaissent plus que l'autorit nominale
des sultans de Constantinople.
Ce n'est pas seulement au nord de l'Afrique que l'influence arabe se faisait sentir ; les ctes orientales n'ont jamais cess d'obir des chefs musulmans. Le Coran pntrait au commencement du xvn c sicle dans le Soudan
oriental
un descendant des Abbassides, Saleh, devenait
cette poque le chef politique et religieux du Ouaday dont
les

observateur qui distingue un

les habitants se convertissaient l'islamisme.

Tout rcem-

ment encore le sultan Saboun, actuellement rgnant, s'emparait du Baghirmeh en invoquant le nom de Mahomet, et
s'avanait jusqu'au lac Tchad. Les voyageurs

europens qui
de pntrer au centre de l'Afrique en
suivant les Arabes par le Kordofan et le Darfour
ou en
s'lanant de Tripoli au travers du dsert ont pu constater
ce nouveau mouvement des esprits. Tandis que les Wahabis
cherchent relever l'lan dans la foi religieuse en Arabie,
les foullah se font les rformateurs et les missionnaires arms de la Nigritie.
s'efforcent aujourd'hui

1. Voy. la notice que nous avons insre dans le Journal asiatique (1847) sur
les grandes voies de communication dans l'intrieur de l'Afrique, l'occasion du
voyage an Darfour du scheik Mnhammed-el-Tounsi.

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LIVRE

CHAPITRE

VII,

Maroc

11

l'Algrie.

L'Afrique occidentale a aussi reu du Maroc quelques


civilisation ; cet empire, rest pur de toute domination trangre , aurait relev avec honneur le drapeau de

germes de

arabe, si les dissensions intestines de la famillergnante n'avaient prcipit sa dcadence. Le prince rgnant, Muley-bderrahman, est mont sur le trne en 1822;
Mquinez, Fez et Maroc, les trois rsidences de l'empereur
ont encore quelque splendeur ; Fez surtout que l'on considre comme le dernier asile des lettres orientales et qui
compte de nombreuses coles , avec une bibliothque remplie de manuscrits prcieux. On doit seulement regretter
que les savants jaloux de ce trsor inestimable confi leurs
soins ne permettent aucun Europen d'en approcher.
On peut valuer la population du Maroc six millions
d'habitants qui se subdivisent en Berbres, Arabes, Juifs,
Ngres, etc. Les Berbres sont rpandus sur la chane montagneuse qui s'tend du sud-ouest au nord-est; plus prs de
la cte sont les montagnes du Rif, dfendues par des tribus
indpendantes dont nous connaissons peine les noms.
Le territoire se partage en Tell et en Sahara; le Tell a
soixante-quinze myriamtres de longueur sur trente ou quarante de largeur, le double peu prs du Tell algrien sa
superficie est de trois mille deux cent vingt-cinq myriamtres carrs; les Sahara des deux tats sont d'une tendue
peu prs gale; au sud et l'est se trouve le petit tat de
Sidi-IIescham fond en 1810 et compos d'Arabes et de Chillouks. Talent en est la capitale ; elle sert d'entrept entre
Tombouctou et Maroc.
Les montagnes sont trs-leves dans cette partie de l'Afrique; la pente gnrale uniforme les fleuves plus considrables que dans la contre orientale le Mlouia, le Loukkos, l'Ouarra, le Sbou, l'Omm-er-Rbia, le Bouragraz, se
dirigent au nord
le Guir, le Ziz, l'Ouad-Draa rpandent
leurs eaux vers le midi; c'est un pays magnifique, et dont
on ne connat pas toutes les ressources.
Les rapports des schrifs et des souverains d'Alger, de

la nationalit

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LES ARABES D'AFRIQUE.

467

Tunis et de Tripoli avec les diverses puissances chrtiennes


qui ont voulu occuper des points importants sur le littoral,
fonder des tablissements de commerce ou faire respecter
leur pavillon, n'ont offert dans les premires annes du
xix e sicle qu'un intrt secondaire jusqu'au moment o les
armes franaises sont venues en 1830 changer compltement
la situation de l'Afrique septentrionale. Les hostilits commences contre le dey d'Alger en 1827 s'taient termines
trois ans aprs par la prise de sa capitale, et Ton pouvait
croire

que

du gouvernement

les liens

d'un seul coup

turc se trouvant briss

France profiterait aisment des divisions


qui allaient clater de toutes parts pour porter au loin sa
domination; mais la rvolution de juillet 1830 devait laisser
en suspens la question d'Afrique et faire prvaloir le systme
de l'occupation restreinte; d'ailleurs si les populations turques, arabes et kabyles se montraient hostiles les unes aux
autres; si des chefs audacieux, tels que Hadji-Ahmed, BenAissa, Ben-Zamoun, l'est, Mbarek, Elbarkani, Bou-Mezrag, etc., l'ouest, songeaient satisfaire leur propre ambition au milieu du dsordre gnral tous se runissaient
dans un sentiment commun, la haine des chrtiens, et Fespoir de leur prochaine expulsion.
La rgence d'Alger se composait de quatre provinces
Oran, Constantine Titery et Alger. Trois de ces provinces
taient soumises l'autorit d'un bey ou lieutenant du dey ;
la quatrime, celle d'Alger, tait administre par l'agha des
Arabes dont la juridiction comprenait Blidah et la plaine
de Hamza jusqu'aux portes de Fer. A l'ouest, la province
d'Oran resserre troitement par le petit Allas, touchait aux
frontires du Maroc; la province de Constantine l'est embrassait le bassin de l'Ouad-Rummel la province de Titery
au sud bordait les rives du Schelif et se prolongeait sur les
flancs du grand Atlas.
Aprs la chute du dey, Hadji-Ahmed Constantine sut
maintenir son autorit, et ne fut pas inquit. Les Kabyles
ou Kabales restrent indpendants; dans les provinces
d'Oran et de Titery les scheiks des tribus arabes constamment carts des affaires par les Turcs cherchrent recon,

la

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L1VHE VU, CHAPITRE H.

468

qurir leur ancienne prpondrance; les uns recherchrent


l'alliance

de l'empereur du Maroc, Muley-Abderrahman,

qui envoya des troupes Mascara et Tlemcen; les autres


se mirent sous la protection des Franais qui avaient paru

un

instant

Bone

et

Mers-el-Kebir , mais sans y former

d'tablissement durable.

Au mois de septembre 1830, le gnral Clausel arrivait


Alger et imprimait aux affaires une allure plus dcide
tendre peu peu l'influence franaise en s'appuyant sur
les chefs arabes le plus renomms, telle fut la politique
inaugure en Afrique et suivie partir de cette poque avec
une heureuse persvrance. Mais il y avait bien des obsta;

que Bou-Mezrag, tout-puissant


province de Titery, aprs avoir fait en apparence sa soumission, excitait secrtement les Arabes la
guerre sainte et entretenait des intelligences avec le Maroc.
11 fallut le combattre, et le rsultat de cette premire expdition lui fut dfavorable; fait prisonnier, il fut remplac
par Mustapha-ben-Omar qui promettait de se montrer plus
cles vaincre

Medeah, dans

c'est ainsi

la

fidle.

Vers le nord- ouest, les Coulougiis c'est le nom qu'on


donne aux enfants des Turcs et des femmes maures ou arabes) chargs par le gouvernement dchu de la dfense des
places fortes, taient serrs de prs par les Arabes en armes,
et le bey Hassan implorait les secours de la France. Le gnral Clausel lit occuper Mers-el-Kebir au mois de novembre, et Oran le 10 dcembre; par suite de conventions pro(

visoires, cette

ne purent

dernire

ville

fut

s'y maintenir, et le 18

remise aux Tunisiens qui


aot 1831 ils taient dfi-

nitivement remplacs par les Franais.


Le gnral Berthezne avait pris le commandement de
l'arme ds le mois de fvrier 1831 ; mais il tait bout de
ressources et comptait peine neuf mille hommes sous
ses ordres. De tous cts les Arabes s'agitaient
Medeah
tait assige par le fils de Bou-Mezrag, et Mustapha-benOmar rduit aux dernires extrmits la ville fut dgage
le 25 juin
on ne pouvait songer cependant y laisser une
garnison suffisante ; la retraite fut ordonne et elle se fit
:

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LES ARABS D'AFRIQUE.

4Gu

dans des conditions trs-dfavorables; l'ennemi plein de confiance croyait dj notre prochaine expulsion de l'Algrie.

A Tlemcen

et

Mostaganem

les

divers partis taient

en prsence ; Mascara devenue un centre d'action aprs


le massacre de la milice turque
le marabout Mahi-Eddin
prparait la voie son fils Abd-el-Kader. Le gnral Boyer
russit tenir les Arabes en chec de ce ct, et le cadi
d'Arzew alli des Franais fournit toutes les provisions
ncessaires aux garnisons d'Oran et de Mers-el-Kebir.
Pendant ce temps, aux environs d'Alger, une vaste conjuration s'tait forme Blidah et Coleah venaient d'y entrer
Mdah se plaait sous la suzerainet de l'empereur du Maroc. Le gnral Berthezne
vainqueur au gu de l'Arrach
et ja ferme-modle dissipa ce nouvel orage, et Ali-Mbarek, nomm agha des Arabes, maintint comme il s'y tait
engag la tranquillit de la plaine.
Au mois de novembre 1831, le duc de Rovigo arrivait
Alger, et quelques mois plus tard les hostilits recommenaient sur une grande chelle. Le scheikh El-Farhat, ennemi du bey de Constantine avait fait des ouvertures au
gnral franais et ses envoys avaient t assassins sur les
terres de la tribu d'El-Ouftia; la destruction de cette tribu
fut rsolue; elle eut lieu le 10 avril et provoqua une coalition laquelle la dfection d'Ali -Mbarek donna quoique
consistance et qui ne fut entirement dissipe qu'en oc,

tobre 1832.

mme

poque, d'importants vnements se pasun instant occupe en 1830, s'tant


soustraite l'autorit du bey de Constantine Hadji-Ahmed,
celui-ci, qui avait besoin d'un port, s'en empara aprs une
attaque vigoureuse le 5 mars 1832, et se signala par d'affreux massacres; son triomphe ne fut pas de longue dure.
Un coup de main hardi rendit les capitaines d'Armandy et
Yousouf matres de la Casbah, et au mois de mai, Bone
tait au pouvoir des Franais. Hadji-Ahmed fit de vains efforts pour la reprendre il s'tait attir la haine d'un grand
nombre de tribus arabes qui se dclarrent ouvertement
Vers

la

saient dans l'est; Bone,

contre

lui et

htrent sa dfaite.

27

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LlVRfc VII, OHAPITKIi

47U

11.

L'anne 1833 s'annona sous d'heureux auspices;

la ville

d'Alger, la banlieue, le territoire situ entre l'Arrach, la

Metidja,

le

Mazafran et

la

mer, taient soumis. Le gnral

Voirol faisait tracer des routes militaires, organisait des

camps retranchs et assurait la prpondrance franaise par


des razzias contre les tribus qui ne se montraient pas disposes la paix. La possession de Bone obligeait HadjiAhmed de reporter ses vues sur Bougie et il allait assiger
inutilement Mdah. A l'ouest, les Franais occupaient
Oran et une lieue de rayon autour de la place, le fort Mersel-Kebir; ils avaient les Coulougiis pour allis Tiemcen et
Mostaganem, et l'empereur du Maroc sentant son impuissance abandonnait ses ides d'agrandissement.
Un ennemi redoutable surgit tout coup et ralluma le
feu de la guerre sainte.
Cet ennemi tait Abd-el-Kader. A la mort de son pre,
Mahi-Eddin, il s'tait fait reconnatre chef des tribus du
pays de Mascara et il excitait de tous cts les Arabes
prendre les armes. Les succs du gnral Desmichels et les
journes de Kaddour-Debby et de Sidi-Mahattan n'arrtrent point sa marche progressive; proclam bey de la province Tiemcen, o les Colouglis ne conservaient que le
Mchouar, il s'empara d'Arzew dont il fit dcapiter le cadi,
notre alli, et menaa Mostaganem. Les Franais couvrent
appuys par les tribus des
aussitt cette dernire ville
Douiiirs et des Zmlas, ils chassent d'Arzew le nouvel mir,
er
octobre, Tamezouat le 3 dle dfont Ain-Beda le 1
cembre et lui imposent le 26 fvrier 1834 un trait qui met
fin aux hostilits.
A l'est, le bey de Constantine, Ahmed, voyait tous ses
projets djous Bone avait de nouveau rsist ses attaques
et Bougie tait tombe au pouvoir du gnral Trzel le 29 septembre 1833. Les Kabyles qui avait occup cette place ds
l'anne 1831 et qui avaient plusieurs fois repouss les bti*
ments franais de la cte, taient punis de leurs actes de
;

barbarie et les tribus arabes intimides venaient offrir leur

appui au vainqueur.
Il en tait de mme dans

la

plaine d'Alger

o Ton rpa-

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LES ARABES D'AFRIQUE.

471

rait les ponts de Bouffarick; Mdah et Blidah entretenaient


des rapports de bonne intelligence avec le gnral en chef
le camp de Doueira tait fond, et les tribus de la Metidja
n'taient plus craindre.
La France pouvait donc consolider en paix sa conqute
la grande commission d'Afrique tudia les moyens d'en recueillir le fruit, et le 22 juillet 1834, une ordonnance constitua sur de nouvelles bases l'organisation politique de la
rgence. On cra un gouverneur gnral, ayant sous ses
ordres un lieutenant gnral commandant les troupes, et
les services divers reurent des chefs spciaux.
Le gnral Drouet d'Erlon charg de la haute direction
des affaires, s'attacha surtout rduire les dpenses d'occupation il forma un corps d'indignes (spahis rguliers) et
rtablit la charge d'agha qui avait t supprime depuis la
dfection d'Ali-Mbarek. Le nouveau poste de HaouchChaouch, prs de Bouffarick, protgea les colons.
Cependant Abd-el-Kader avait profit d'un an de paix
pour se fortifier de plus en plus on le considrait comme
le reprsentant de la nationalit arabe et son autorit tait
respecte partout o la France n'avait pas encore dploy
dans les provinces d'Oran et deTitery, il comptait
la sienne
de nombreux allis. Par un hasard singulier, un vnement qui devait semer la division parmi les Arabes et par
consquent les affaiblir, vint accrotre le pouvoir de l'mir.
Un fanatique, Mousa-el-Darkaoui ayant entran sous son
tendard prs de deux mille musulmans, surprit Mdah
qui jusque-l avait repouss les ouvertures d'Ab-el-Kader
et vint assiger Milianah. Le fils de Mahi-Eddin se dclare
aussitt contre El-Darkaoui, le dfait compltement, entre
en vainqueur dans Mdah, et, parvenu au but secret de son
ambition, nomme des cads jusque dans la Metidja.
De retour Mascara, il ne cache plus ses projets et fait
de grands prparatifs pour la prochaine campagne; il reoit
de l'tranger des munitions de guerre par l'embouchure de
la Tafna et se dispose punir les Douairs et les Zmelas de
leur fidlit la France. Le gnral Trzel, qui a remplac
Oran le gnral Desmichels ds le mois de fvrier 1835.
;

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UVHE

47*

VII,

CUA.PITRE

11.

du territoire de ces tribus au commenet donne ainsi le signal des hostilits; aprs

se porte en avant

cement de juin*
une suite de combats sans rsultats importants, assailli de
toutes parts par un ennemi suprieur en nombre il opre
sa retraite sur les bords de la Macta, rivire forme de la
runion du Sig et de l'Habrah essuie des pertes considrables et regagne avec peine Arzew.
Le dsastre de la Macta produit un grand mouvement
,

chez les Arabes


tous s'empressent de reconnatre Abd-elKader pour chef; Blidah mme accepte de l'mir un hakem
;

ou gouverneur. Coleah n'est maintenu dans l'obissance que


par le nouveau camp retranch de Mahelma, en avaut et
l'ouest de Doueira. Mais le moment n'en est pas moins fort
critique et le marchal Clauzel, nomm gouverneur gnral
au mois d'aot 1835, comprend qu'il est ncessaire de
frapper un coup dcisif; il annonce hautement sa rsolution
daller attaquer Abd-el-Kader Mascara, au centre mme
de sa puissance fait occuper la hauteur de Tlemcen
l'ile Haschgoun qui domine l'embouchure de la Tafna
et
le 26 novembre, ses prparatifs termins, se met en marche
avec le duc d'Orlans.
L'mir avait cherch organiser un corps d'infanterie
,

rgulire

mais

il

ne pouvait songer

la

rsistance

il

en-

leva ses richesses de sa capitale et la livra aux flammes; le

5 dcembre, l'arme franaise y pntrait et, aprs avoir


dtruit l'artillerie et le matriel de guerre que l'ennemi
avait abandonn, elle opra le 8 sa retraite, sans se laisser

entamer.
Cette expdition devait avoir pour effet principal de dtruire le prestige dont

Abd-el-Kader

tait

plusieurs tribus arabes viennent-elles faire

entour

aussi

leur soumis-

de Mahi-Eddin tente de se relever par un


il menace le Mechouar de Tlemcen; il est
prvenu par les Franais et forc de renoncer ses projets.
Poursuivi, d'aprs lesordres du marchal Glausel, il voit son
infanterie mise en pleine droute, et lui-mme ne doit son
salut qu' la vitesse de son cheval.
A peine un ennemi a-t-il disparu qu'un autre se lve

sion.

Le

coup

d'clat;

fils

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LES ARABES D'AFRIQUE.

473

son tour. Cette fois ce sont les Kabyles de la rive gauche de


la Tafna et les Marocains de la frontire toujours prts
violer le droit des gens, qui offrent Abd-el-Kader un nou-

veau point d'appui dfait dans deux engagements successifs, il se contente de harceler le corps expditionnaire qui
regagne Tlemcen et Oran.
Le dfaut de ressources ne permet pas au gouverneur
gnral d'achever l'uvre si glorieusement commence
mais il recueille les fruits de cette expdition conduite avec
hardiesse et fermet. Les chefs de tribus rclament l'investiture en grand nombre. L'ordre et la paix renaissent aux
environs d'Alger; des tablissements agricoles sont forms
en dehors des avant-postes franais. Vers l'est, la situation
s'amliore aussi de plus en plus; Bougie, on profite habilement des divisions des Kabyles pour les tenir en respect ;
Bone on exploite les sentiments de haine que le bey Ahmed
a excit chez les Arabes pour s'en faire d'utiles allis et l'on
ouvre peu peu nos armes la route de Constantine.
Dans les premiers mois de l'anne 1836, Abd-el-Kader
;

renouvelle ses aggressions, etl'agitalion s'tend vers le sud.


troisime expdition contre Mdah est juge nces-

Une

saire

pour raffermir

la

confiance des Arabes qui ont reconnu

troupes aprs quelques combats


heureux pntrent dans la ville. Mais ds qu'elles ont repris
le chemin d'Alger, de faux bruits se rpandent, les Kabyles
reparaissent en armes, et au mois de mai Ali-Mbarek est
matre de Mdah.
A l'ouest, il a fallu soutenir les Douairs et les Zmelas
contre les attaques des Garabas. Le gnral Perregaux s'est
l'autorit franaise;

les

port sur l'Habrah et la valle du Schelif;


langes a t charg d'tablir un camp sur

gnral d'ArTafna; assailli


par les tribus du Maroc, oblig'de rentrer dans ses retranchements le 15 avril, il demande du renfort. Le gnral
Bugeaud vient prendre le commandement de la division
d'Oran au commencement de juin, il parcourt le pays, repousse deux fois l'ennemi dfait Abd-el-Kader le 6 juillet
au combat de la Sickah et l'oblige de regagner Mascara.
L'empereur du Maroc s'engage retenir en de de ses
le

la

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LIVRE

474

VII,

CHAPITRE H.

frontires les tribus qui se sont empresses de faire cause

commune

avec l'mir.
Libre de toute inquitude de ce ct, le gouverneur gnral songe raliser ses projets contre le bey de Constantine qui depuis cinq ans est rest paisible possesseur de
,

cette ville et n'a jamais cess

de tenir

l'offensive.

Dj

le

chef d'escadron Yousouf nomm par le marchal Clausel


bey de la province s'est avanc jusqu' Dran six lieues
au sud de Bone et s'est mis en relations avec plusieurs chefs
de tribus ennemies d'Ahmed. Il occupe sur le littoral la
Calle qui, de 1520 1799, a fait partie de nos tablissements
,

connus sous

le

noms de

concessions d'Afrique, et qui, cde

l'Angleterre en 1807, reprise en 1816, a t dtruite en


1827 par le dey d'Alger. Ce point trs-important pour la

pche du corail se relve peu peu de ses ruines, et les


Kabyles du voisinage montrent des dispositions moins hos,

tiles.

8 novembre tout est prt pour l'expdition. Le maraccompagn du duc de Nemours se met en marche
le 15, on arrive Ghelma;
la tte de neuf mille hommes
le 21 on est sous les murs de Constantine. Mais les lments
semblent se dchaner contre l'arme un hiver rigoureux,
des pluies torrentielles paralysent tous les mouvements, et
aprs d'inutiles attaques, il faut se replier sur Bone et rsister un ennemi qui, fier d'un succs si facilement achet,

Le

chal

cherche rendre encore le dsastre plus complet par des


charges continuelles. L'hroque courage de nos soldats
assure la retraite, et l'effet de cet chec est presque insenLes Arabes comprennent que la France prendra sa
revanche et qu'une saison plus favorable lui offrira bientt
l'occasion de venger l'honneur de ses armes.
L'anne 1837 se passe en prparatifs on adopte les plus
sages mesures pour maintenir les Arabes dans l'obissance
et pour rendre impossible le soulvement gnral que rve
encore Abd-el-Kader. Le gnral Damrmont, troisime
gouverneur gnral, part de Bouffarick avec sept mille
hommes le 27 avril, se rend Blidah et Coleah, reconnat
le cours de la ChifFa, l'embouchure du Mazafran, puis se rap-

sible.

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LES ARABES D'AFRIQUE.

47S

proche de Milianah et de la valle suprieure du Schlif;


une heureuse expdition contre les Isser et les Amraouas
montre encore une fois aux Arabes leur impuissance, et le
gnral Bugeaud oppos dans l'ouest Abd-el-Kader, signe
avec l'mir le trait de la Tafna qui rend la paix toute la
contre.

Ce trait a t apprci diversement; il est certain qu'il


donnait Abd-el-Kader un prestige inattendu qu'on lui
reconnaissait une sorte de souverainet sur les Arabes, et
que la France tait en droit d'attendre des conditions plus
favorables aprs les sacrifices d'hommes et d'argent qu'elle
avait faits. Mais l'on peut dire aussi qu'il tait d'une bonne
politique de terminer une guerre qui exigeait de continuels
efforts pour concentrer toute son attention sur la prochaine
expdition de Constantine. Des camps avaient dj t ta,

Ghelma, Neehmeya Hammam-Berda; on


juillet Medjez-el-Ahmar dont la
position domine un des passages les plus dangereux de la
Seybouse. Le 12 septembre, une premire reconnaissance
eut lieu sur la route de Constantine on traversa sans obstacle le Rass-el-Akbah, et, aprs un engagement avec quelblis

Dran

avait atteint

au mois de

ques cavaliers arabes, on atteignit la vaste plaine l'extrmit de laquelle coule l'Oued-Zenati. Le 13 on tait de
retour Medjez-el-Ahmar. Du 21 au 23 on eut soutenir
plusieurs attaques o l'ennemi dploya beaucoup de rsolution et de bravoure, mais fort inutilement. Le 28, le duc de
Nemours arrivait au camp et le 1 er octobre le gnral Damrmont se mettait en marche le 3 on bivouaquait au marabout de Sidi-amtam, au del de l'Oued-Zenati; le 5, on
passait le Bou-Mezrough, petite rivire qui coule deux
lieues de Constantine le 6, toute l'arme tait runie sous
les murs de la ville, situe au milieu d'une gorge forme
droite par les hauteurs de Mansourah,et gauche par celles
du Coudiat-Ati. Le sige commena du 7 au 9, une pluie
affreuse menaa l'arme d'un nouveau dsastre; Ben-Aissa,

lieutenant d'Ahmed, dfendait


ide de capitulation

brche

tait faite.

Le

mais

le

mme

la

place et repoussait toute

temps
jour, la

s'tait

remis et

le

12

la

mort du gnral Dam-

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LIVRE

476

VII,

CHAPITRE

II.

rmont, aussitt remplac par le gnral Vale, exaltait le


et le lendemain Constantine tait prise
d'assaut Ahmed, retir vers le sud,, fait de vaines tentatives
pour rentrer dans sa capitale toutefois sa soumission dfinitive n'eut lieu qu'ap mois de mai 1848.
La France avait plant son drapeau sur les trois principales villes de l'ancienne rgence Alger, Oran, Constantine;
les Arabes, diviss entre eux, semblaient fatigus de la
guerre; cependant on ne pouvait encore se fier leurs dispositions pacifiques. Abd-el-Kader avait refus de ratifier la
convention du 4 juillet qui devait servir d'interprtation au
trait de la Tafna, attendant une occasion favorable pour
reprendre les armes l'activit qu'il dployait rvlait ses
vues ambitieuses. En dcembre 1837, il tait sur les frontires de la province de Constantine en avril 1838, Mdah, en mai Tagdempt; il s'lanait ensuite cent
lieues de la cte pour aller attaquer An-Madhy le marabout Tedjini qui se rendait le 15 janvier 1839. Six mois
plus tard, il se rapprochait du Maroc, pntrait sur le territoire de Zouaoua, et, par ses intrigues, entretenait de tous
cts une sourde agitation.
Pendant cette mme priode, le nouveau gouverneur gnral avait mis le temps profit il avait organis Concourage des troupes,
1

stantine trois khalifats et

un hakem

la ville

nomm

trois cads;

il

avait

donn

elle-mme, et confi Ben-Ghanah la

charge de scheikh-el-arab. Philippeville s'tait leve on


une route sur Stif par Djemilah ; au mois de
mai 1839, Milah, Djidjelli Djemilah taient occupes. La
plaine de la Medjana tait soumise, et les habitants repoussaient eux-mmes les attaques des Kabyles et des partisans
d'Ahmed; enfin on avait dirig de Bougie une reconnaissance au col de Tizi. A la fin de 1839, on jugea ncessaire
d'opposer aux menes d'bd-el-Kader une dmonstration
militaire de nature contenir les tribus et l'expdition des
portes de Fer fut rsolue. Parti de Stif au mois de septem;

avait ouvert

I.

Voy.

de la Campagne de
frre. Paris, 1838.

la relation

Ch. Sdillot,

mon

Can<tantme de

1837. par le docteur

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LES ARABES D'AFRIQUE.


bre, le

duc d'Orlans

477

franchissait ce pas redoutable et re-

Hamza. Les Hadjoutes, allis


d'Abd-el-Kader, paraissent en armes et livrent les combats
de la Chifa et d'Ouad-el-Alig bientt les hostilits sont
reprises sur toute la ligne. Blidah mise en tat de dfense,
est l'objet de vives attaques de la part des Arabes qui prouvent plusieurs dfaites successives en dcembre 1839, et la
campagne de 1840 s'ouvre de nouveau pour la France sous
les plus heureux auspices.
Tandis que, dans la province d'Oran, le gnral Lamoricire multiplie les razzias, tandis que la belle dfense de
Mazagran (2 fvrier 1840) fait ressortir l'hroque courage
de nos soldats, la province de Constantine reste tranquille
Ben-Ghanah met en fuite au combat de Selsous (24 mars) un
lieutenant d'Abd-el-Kader, et le chtiment inflig aux Haractah et aux Kabyles de Beni-Moussa (22 avril) fait cesser
tout mouvement parmi les tribus; Ghelma et Sidi-Tamtam
sont fortifis et le camp d'Ain-Turk est tabli sept lieues
de Stif (15 mai).
Le feu de la guerre se concentre dans la province d'Alger Cherchell est occupe le 16 mars la suite du combat
de Miserguin au mois d'avril, l'expdition de Mdah laquelle prennent part le duc d'Orlans et le duc d'Aumale,
et dont les deux vnements principaux sont le combat de
l'Afroun et le passage du col de Mouzaia, a pour rsultat
la prise de possession de cette ville (17 mai), et celle de Milianah (8 juin) ravitaille le 7 octobre et le 11 novembre de
la mme anne. bd-el-Kader ne fait plus qu'une guerre
de dprdations et d'attaques isoles. Mais il organise des
venait Alger par le pays de

bataillons rguliers et parat toujours redoutable.

Le 22

fvrier 1841, le gnral

Bugeaud remplace

le

g-

veut terminer la guerre en dtruisant le


sige principal de la puissance de l'mir. Rejoint par le duc
de Nemours au mois de mai, il se dirige vers l'ouest, s'empare de Tagdempt le 25 et de Mascara le 30 vainqueur le
nral Vale

il

er

combat d'kbet-Khedda, il reste matre de sa


conqute pendant ce temps l'expdition de Msilah vingthuit lieues de Stif, nous faisait faire un pas dplus vers l'est
1

juin au
;

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LIVRE
au centre, Mdah
tailles, et le

et Taaza.

la

CHAPITRE

VII,

et Milianah taient

II.

encore une

fois ravi-

gnral Baraguay-d'Hilliers dtruisait Boghar


fin de l'anne 1841 Abd-el-Kader tait rduit
,

sur tous les points la dfensive. Les campagnes de 1842


et de 1843 consolident la domination franaise; la colonisation se dveloppe de plus en plus on touche dj l'entre du Sahara; les populations se soumettent; elles sem;

blent fatigues de leur longue rsistance. La prise de la


smala d'Abd-el-Kader aux environs de Taghlin par le duc
(T A u maie (14 mai 1843), porte un nouveau coup l'mir,
sans l'abattre. Fertile en ressources, il cherche de nouveaux allis, et on le verra bientt engager le Maroc dans
la cause de l'indpendance arabe.
A partir de 1844, les progrs de notre puissance sont de
plus en plus apprciables les tribus sont assujetties un rgime administratif rgulier; le cercle de nos conqutes s'tend chaque jour davantage l'est, parla prise de Biscara,
par la soumission des Ziban,duBeIezma, de l'urs Alger,
par les expditions de Laghoua et d'Ain-Madhi, l'occupation
de Dellys (29 avril) la cration du poste d'Aumale et la rduction du Sebaou l'ouest, par la possession de Sebdou,
de Nemours (Djema-Ghazaouat),de Lella-Maghnia, de Daya,
de Sidi-bel-Abbs, par l'invasion des Kessours, etc. Le duc
d'Aumale, commandant de Constantine reconnat la ligne
frontire qui nous spare de Tunis; on s'avance cent vingt
lieues au sud d'Alger. On punit l'empereur du Maroc qui
protge Abd-el-Kader de ses infractions aux traits qui le
lient; le 30 mai, les Franais opposent aux Marocains le
camp de Lella-Maghnia; ils occupent Ouchda; le 6 aot,
Tanger est bombard; le 14, le gnral Bugeaud gagne la
bataille d'isly et le mme jour le prince de Joinville renverse coups de canon les remparts de Mogador. MuleyAbderrahman demande merci et la convention du 10 septembre est change en paix dfinitive le 18 mars suivant.
En 1845, l'insurrection du Dahra clatait et une terrible
rpression ne se faisait point attendre. Un nouvel ennemi
se levait contre les Franais: c'tait Bou-Maza qui, venu du
Maroc, entranait sa suite un grand nombre de tribus;
;

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LES ARABES D'AFRIQUE.

479

aprs avoir t battu in-Meran il menaa Orlansville,


et favorisa par cette utile diversion les projets d'Abd-elKader mais, aprs une vie d'aventures et plusieurs dfaites
,

successives,

il

fut oblig

de se rendre (13

avril 1847) et fut

intern en France.

Le

fils

de Mahi-Eddin

n'tait pas plus

heureux

il

avait

essay inutilement de soulever les Kabyles; une expdition

dans l'Aurs (mai-juin 1845),

la

soumission des tribus voitemps dans le

sines de Bougie, des dmonstrations faites

Jurjura avaient eu pour rsultats d'affermir partout notre


domination. L'infatigable mir, dfait Bcn-Nahar(7 mars
1846), oblig de se retirer vers l'ouest, en dsaccord avec

Bou-Maza qui

tenait encore la

sacre des prisonniers de

campagne, ordonna

le

mas-

Deira le 9 mai et se vit rejet


dans le Maroc. Son influence sur l'esprit des populations
excita bientt la dfiance de Muley-Abderrahman qui se
la

dclara ouvertement contre lui, et le 23 dcembre 1847,


press de toutes parts, bout de ressources, Abd-el-Kader
se livra au gnral Lamoricire Sidi-Brahim.

Envoy en

y fut retenu captif. Bendu la libert, en 1853,


par Napolon III, il vit aujourd'hui dans la retraite Brousse

France,

il

(Turquie d'Asie).
Depuis la chute d'Abd-cl-Kader, l'Algrie tout entire reconnat nos lois; l'expdition du gnral Bugeaud dans la
grande Kabylie (mai 1847) devait inspirer une terreur salutaire aux tribus belliqueuses de cette contre
on n'a plus
enregistrer que des faits isols, tels que l'attaque malheureuse de Zaatcha (16 juillet 1849), venge le 6 octobre;
quelques oprations militaires dans les deux Chott et contre les Kabyles, une razzia contre la tribu marocaine de
Mzaouir en 1850, l'expdition du gnral Saint-Arnaud
dans la Kabylie et la soumission des Flissas par le gnral
Plissier en 1851, etc.
Les gouverneurs gnraux qui succdent au marchal
Bugeaud, le duc d'Aumale (27 aot 1847), Cavaignac (25 fvrier 1848), Changarnier (29 avril), Marey-Monge (14 juin),
Charon (9 septembre), d'IIautpoul (22 octobre 1850), Plissier (10 mai 1851), Bandon (U dcembre 1851), se pr;

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LIVRE

4riO

VII,

CHAPITRE

II.

occupent surtout de l'organisation administrative du pays


les tribus sont rendues responsables des crimes commis sur
;

leur territoire

ments assurent

le tarif

des amendes est

fix, d'utiles

conservation des forts

rgle-

provinces
d'Alger, de Constantine et d'Oran reoivent une dlimitala

et les

tion dfinitive.

Ces

provinces forment autant de divisions militaires


comprend six subdivisions dont les chefslieux sont Alger, Blidah Mdah, Aumale, Milianah, Orla

trois

division d'Alger

avec les villes de Boghar, Cherchell, Tns,


Bougie, Dellys, Coleah, etc. La province d'Oran compte
cinq subdivisions: Oran, Mascara, Moslaganem, Sidi-belAbbs et Tlemcen* avec rzew, Nemours, Tiaret, Saida,
Misserghin, Mazagran, Daya, Lella-Maghnia, Sebdou. Enfin
lansville

province de Constantine est partage en quatre subdiviConstantine, Bone, Stif, Batna, avec Biskara, Phi1
lippeville, Ghelma, Djidjelli, laCalle, Tebessa, etc
L'Algrie borne au nord par la Mditerrane, l'ouest
par l'empire de Maroc, l'est par la rgence de Tunis,
s'tend au sud jusqu' Ghardeia dans l'oasis de l'Oued-Mzab
par 31 50' de latitude borale.
La Kabylie proprement dite, toujours difficile contenir,
embrasse sur le bord de la mer un espace de cent quarante-six kilomtres entre Dellys et Bougie elle se prolonge
du ct du continent jusqu'au Biban ou portes de Fer au

la

sions

sud-ouest et jusqu' Stif au sud-est. L vivent les descendants de ces Musulans et Quinqugentiens qui dans les
premiers sicles de l're chrtienne, opposrent une si vive
rsistance aux Bomains. Ce pays tait alors appel mons
ferratus, la montagne barde de fer; pour les Arabes ce fut
ils y introduisirent l'islamisme
la terre ennemie bl-adou
par l'entremise pacifique des marabouts, sans jamais y fouderune domination durable ; il en fut de mme des Turcs,
et personne ne peut encore prvoir si nous serons plus ha,

biles

ou plus heureux*.

1. Voyez le tableau de la situation des tablissements franais en Algrie, publi


annuellement par le minisire de la guerre.
2. Marmol Carvajal, Description ynralr de l'Afnque et histoire de* guerre*

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LES ARABES D'AFRIQUE

481

en contact avec la civilipeu peu; quelle sera


sur la race arabe de l'Afrique?

L'Algrie, soumise nos armes,

sation europenne, se transforme


l'influence

de cette

civilisation

L'avenir seul nous l'apprendra.


contre

les Infidles et les Chrtiens, 2 vol. in-folio, 1573-1 599; Caretie, Etudes sur
la Kabylte,2 vol. in-8. 1848. Consulter aussi Shaler, Etquisse de l'tat d'Alger,
1830; Ch. Sdillot, Campagne de Constantine, 1838, etc., et l'exploration scientifi-

que de

l'Algrie, publie

sous les auspices du gouvernement.

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APPENDICE.
Note

page 22.

Srie chronologique des rois de Hira

Malk, v. [Sh de

H. Djodhayma,

215;
III. Amr I", v. 2G8i
fr
v. 288;
IV. Imroulcas
V. Amr IL v. 338 ;
VI. Aus fils de Callam, v. 303
VII. ImroulcaTs II, v. CEi
VIII. Nomn I", v. 390j
IX. Moundhir I% v. 418j
X. Nomn II, v. 462j
v.

XI.

Aswad,

v.

XIV. Abou Djar Alcam, v. 5n3;


XV. ImroulcaTs III, v. 505 ;
XVI. Moundhir IJL v. 5l3j
XVII. Amr, Ois do Hlnd, 5G2 ;
XVIII. Cabous, Nomn IV, v. 574
XIX. Zad, v. 679;
XX. Moundhir IV, v. 580;
XXI. Nomn V, Abou Cabous, v. 583
XXII. Yias, fils de Cabissa, v. G05.

4U

XII. Moundhir II, v. 4L1


XIII. Nomn 1IK v. 49i

Les auteurs ne sont pas d'accord sur la date exacte de l'avnement de


ces divers princes; on peut consulter ce sujet Hamza, ap. Rasmusscn
dit. de.Gottwaldt, Ebn-Nobata, ap. Rasmussen, additam. ad hist. arab.,

Kbn Khaldoun

et le Kitab-Alagani

cits par

M. Caussin de l>erceval

(t.

II,

sur la
p. 8 et suiv.), dont le travail est ce qu'on a publi de plus rcent
matire.

Note

2j

page 23^

Srie chronologique des rois de Ghassan:


er

Djafna

II.

Amr

er

, v.

v.

Acbar ou Djabala III de 4M 629;


de 520 572 ;
XII Djabala IV ou Harith VI, de 572

205^
248j

III. Thalaba, v. 300_A


IV. Harlth I er , v.
V. Djabala 1", v. 330
IV. Harith II, 360 ;

3M

XI. Harith V. v.

687

VII. Mawia, v. 373^


er
VIII. Moundhir I, Nomn I , Djabala II, Ayham l ,r , et Amr II, de

3SO 420;
IX. Djafna H et Nomn II,
Nomn IV, Harith III,
de 42 490 ;

Amr

Nomn III,
Noman V,

Hodjr I r
Abou -Chammir- Harith IV, Kl

MoundhiTTi;

Amr IV, de 587 597;


XIV. Noman VI (Abou-Carib), de 577

XIII.

III,

600;
II, et Amr V, de 690
615;
XVI. Harith VII fils d'Abou-Chammir, Chourahbil , Ayham II, et
Moundhir III, de G00 G30;

XV. Hodjr

XVII. Amr VI, Djabala V, Djabala VI,


de G30 iiiL

Comparez Pococke, Spcc. hist. arab., Alb. Schultens , mon. retust.


arab., Kichhorn, de antiquiss. hit. aralh monum., AbuKVdae, hist, anteist; Ammien Marcellin, ch. XXII et suiv., et les auteurs cits par M. C.
de

P.,

t.

II, p. 2Q et suiv.

4*1

APPENDICE.
Note

3,

page

24.

Tobbas de Ui dynottie Hmyarite


I.

Harith Erraich;

II.

III.

Essab Dzoul Carnan;


Abrahah Dzoul Menar;

IV. Africous;

V- Dzoul Adhar;
VI. Chouralibil
VII. Hodhad ;

La Keine Belkis;
IX. Yacer;
X. Chammir Yerach
XI. Abou-Malik et Zavd-el-Acran
de 90 140 de J. C;
XII. Tobba Ben-el- Acran , de 150
180;
XIII. CaJki Cariba, de 180 200;
XIV. Abou-Carib, de 200 236;
XV. Hassan Tobba, de 236 250 ;
XVI Amr Al-Mauthaban, de 250
270;
XVII. Quatre frres, et Abdhaa leur
sur, de 270 273;
XVIII. Abd-Kelal, de 293 297 ;
VIII.

XIX. Tobba Ben Hassan, de 207


320;
XX. Harith, de 320 330;
XXI. Marlhad, de 330 360;
XXII. Walia, de 30 a 370;
XXIII. Abrahah, de 370 400;
XXIV. Sahban, de 400 440 ;
XXV. Sabbah, de 440 460;
XXVI. Amr Dzou-Kifan, v. 460;
XXVII. Hassan, de 460 a 478
XXVIII. Laknia Tanouf Dzou Chenaiir, de 478 490;
XXIX. Dzou-Nowas , de 490 625;
XXX. Als Dzou Djadan, v. 525.;
vice rois Abyssins; Aryat,v. 525;
Abrahah - el - Aschram, v. 637 ;
Yacsoum, fils d'Abrahah, v. 570
Masrouk, frre d'Yacsoum, v. 572;
Madi-Carib, prince Hmyarite,
;

rgne v. 675, comme vassal des


souverains de la Perse qui jusqu'en 606 envoient des vice-rois
dans l'Ymen.

Les rudits ont encore un grand nombre de dissertations crire sur cette
prsume des princes de l'Ymen ; le dernier travail de M. C. de P.
soulve bien des objections. Voyez Silvestre de Sacy (Mmoires de l'Acadmie des inscriptions et belles lettres, t. XLV1I1 et L), les opuscules de
M. Fresnel, Nowairi, Hist. imp. vet. Foc*., et M. Jomard, tudes sur VAliste

rabie, p. 107.

Note

page 40.

Les principaux ouvrages a consulter pour la biographie de Mahomet,


sont
l la Vie de Mahomet, extraite d'Aboulfeda, publie par Gagnier,
Oxford, en 1723, in-fol. et sous un autre format, Amsterdam 1732,
2 vol.; 2 Abulfed annales Moslemici, trad. de J. Reiske publie
par Adler, 1789-1701 ; la Vie de Mahomet, d'Aboulfeda, a t donne en anglais par M. Murray, et en franais par M. Desverger; 3 la Vie de Mahomet, par Prideaux, 1697 , in-8 4 la Vie de Mahomet avec des rflexions sur la religion mahomtane, par Boulainvillicrs, Londres, 1730,
pangyrique souvent inexact ; 5 Histoire de la vie de Mahomet lgislateur
de l'Arabie, par Turpin, 1773, in-12, ouvrage peu estim; 6 VHistoire
universelle traduite de l'anglais, t. XLI, in-8, critique quelquefois injuste ;
7" Sales, Introduction de la traduction anglaise du Coran, 1751, et Duryer en tte de la Traduction de VAlcoran y Amsterdam, 1775; 8' Maracci
(Mahomelis auctores alcorani vitae rerumque gestarum synopsis), dans son
Prodromusad r e fut ationem Alcorani, Rome, 1691, in-fol., etc.; 9" Ockley,
The historu of the Saraccns, chap. I"; 10 la notice publie par MM. Audi flVet et Silvestre de Sacy , dans la Biographie universelle de
Michaud etc. 11 Caussin de Perceval dj cit, etc.; 12" C. Mills, His:

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APPENDICE.
du mahomtismc en

etc.,

Stuttgard,

York, 1860,

485

anglais; 13 G. Weil, Mohammed der prophet,


1843; 14 Washington Irving, Life of Mahomet, New-

toire

etc.

Note 5, page

49.

Erpenius, Colins, Pococke, ZechendotT, Clenardus, Ravins, P. Fuffcrus et Danzitis , ont donn quelques parties du Coran (C. Mills, trad.
franc., p. 207). La premire dition de l'ouvrage entier en arabe fut publie Venise, en 1530, par Paganinus de Brescia; une autre parut in-4,
Hambourg, en ;694, par les soins de Hinckleman (Reinesii historia Alcorani, scct. 8, 9, 10, Lipsiae, 1721). La plus clbre est celle de SaintPtersbourg imprime en 1787, aux frais de C.itherine 11, par Molla Osman Ismal, reproduite en 1790, 1793, 1796, 1798 a Saint-Ptersbourg, et
Kasan en 180:5, 180), 1 8 7, I8l9, 1821, 1839 et 1843 ; l'dition de Flugel,
Lipsia, 1834 et 1842, celle de Redslob, Lipsiae, 1737, sont particulirement recherches. Les versions du Coran, en persan et en turc, sont peu
nombreuses. 11 en existe aussi dans les dialectes javanais et malais ; ces traductions sont interlinaires, bien que postrieures au khalife Walid, qui
avait dcrt que la langue arabe serait celle de tous les musulmans.
Bibliander publia une traduction latine du Coran, en 1513, la demande
de Pierre, abb de Cluni. Arrivabene le traduisit en ilalien, 1547. En
1606 et 1641, parut l'ouvrage de Salomon Schweiggers, et Andr Duryer
publia, pour la premire fois, Paris, en IG49, une version franaise du
livre de Mahomet. La traduction latine de Louis Maracci (Padouc 1098),
fit oublier les essais qui l'avaient prcde et partage encore aujourd'hui
avec le beau travail de Sales [the Koran translated inlo cnglish, London 1734), l'approbation des orientalistes de tous les pays. Savary a donn,
en 1783, une traduction franaise du Coran avec un abrg de la vie de
Mahomet, qui jouit d une grande estime; la plus rcente est celle de M. Kasimirski. Paris, 1840. Nous parlerons ailleurs des commentaires du Coran.
On peut encore citer les crits distingus de Bh. Arnold, 1746,01. Domay, 1754, F. E. Boysen, i773, C. W. Augusti , 1798, F. G. Wahl 1828,
L. LMImann
1840, E. W. Lane, 1814, etc. Voyez aussi M. Garcin de Tassy
Sur un chapitre mconnu du Coran (journal asiatique, mai 1842), De la
religion musulmane dans l'Inde, Paris, 1831 Exposition de la foi musulmane, etc. ouvrages dont la rimpression serait fort dsirable.
L'apprciation du Coran par M. Oelsner (des Effets de la religion de
Mahomet pendant les trois premiers sicles de sa fondation, sur l'esprit, les murs et le gouvernement des peuples chez lesquels cette religion s'est tablie (Mmoire couronn par l'Institut, en 1809), est faite avec
un remarquable esprit d'impartialit ; on peut aussi consulter Herder,
Philosophie de l'histoire ; de Pastoret, Zoroastre, Confucius et Mahomet;
Montesquieu, Esprit des Lois; Michelin, Comment, sur la loi Mosaque;
l'ouvrage du chevalier d'Ohsson ; Forster, Mahometism unweiled ; Weil
Histori Kristiche einleitung in den Koran, Bielefeld, 1844. Voyez aussi
Reland, de Heligionne muhammedica; Cotta, Exercit. de rel. muh.; Pococke, Sp. hist. ar.; Holtinger, Hist. Orient. : de fato muh. diss. hist.
critica, Lipsix, 1750, etc.; Pitt, Expos de la religion de Mahomet ; la
dissertation de M. Joncs sur les Arabes, etc.
1

Note G
Voyez notre
selle,

l.

H,

page

61.

du Calendrier arabe {Manuel de chronologie univer340 ). Mahomet avait ordonn que chaque anne serait

trait
p.

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APPENDICE.

48G

distingue par un des vnements les plus importants qui aurait signal
son cours. La premire , celle de V hgire ou fuite , fut d'abord nomme
l'anne du pardon; la seconde, Tanne de Vappel aux armes et il en fut
de mme des quinze annes suivantes. Mais sous le khalifat d'Omar (036),
rassemble des principaux compagnons de Mahomet dcida qu'on adopterait l'hgire comme point de dpart unique et on la fit concider avec
er
moharrem qui rpondait, selon la conjonction moyenne, la cinquime
le 1
fri, c'est--dire au jeudi 15 juillet, 022 de J. C.
Les anciens Arabes
se servaient de Tanne lunaire de 354 jours huit heures quarante huit secondes, divise en douze mois de trente et de vingt-neuf jours. Pour la
faire concorder avec Tanne solaire des Grecs et des Syriens , ils ajoutaient
un mois tous les trois ans. Cette intercalalion tait appele nai, retard,
et quoiqu'elle ne lt pas parfaitement exacte , elle suflisait pour maintenir
une sorte de corrlation entre les dnominations des mois et des saisons.
Mahomet supprima le nu a, et imposa aux Arabes Tanne lunaire vague, en
conservant nanmoins les noms des mois qui ne se rapportrent plus aux
Les douze mois arabes sont moharrem (mois sacr), safar (mois
saisons.
du dpart), rebi 1 er (premier mois du printemps), rebi 2 (deuxime mois
du printemps), djoumada er (premier mois de la scheresse), djoumada 2
(deuxime mois de la scheresse), redjed (respect ), schaaban (pousse des
arbres), ramadhan (grande chaleur) , schoual (mois de l'accouplement)
dzoulcadeh (mois de la trve), dzoulhedjeh (mois du plerinage). On a remarqu avec raison que safar signifiait vide et non dpart; mais les scoliastes arabes expliquent que les Arabes laissaient leurs maisons dsertes
ou vides en partant pour la guerre sainte. Le mot schoual prsente aussi
quelques difficults d'interprtation qui n'ont pas t rsolues.
Les
Arabes d'Afrique ont substitu les noms de aschour, de schal-al-aschour,
de mouloud et de scha-al-mouloud, ceux de moharrem , de safar, de rebi
et de rebi 2. Aschour (le dixime), et mouloud (la naissance du Proplite), sont des jours de fte qui tombent le 10 moharrem et le 11 rebi 1 er .
Les trois derniers mois schoual , dzoulcadeh et dzoulhedjeh , sont remplacs par schahar afthour (cessation du jene), bou'l-djelaib (mois du colportage), et al-ad-al-kebir (la grande fle). Ces modifications s'expliquent
par la clbration de certaines solennits du Calendrier africain. Nous

avons donn ailleurs ( Manuel de chronologie universelle, t. II, p. 345),


l'indication de ces diverses ftes et des annes bissextiles de Thgirc avec
des tables de concordance entre cette re et celle de Jsus-Christ.

Note

7,

page 93.

l'usage, en crivant Mahomet et non Mosi nous avons rtabli l'orthographe du mot khalife, nous
que consacrer une rectification gnralement admise. L'A-

Nous nous sommes conform

hammed,
n'avons

cl

fait

cadmie franaise semble, il est vrai, dans son dictionnaire, rester fidle au
mot Calife; mais elle est renie par son secrtaire perptuel lui-mme qui,
dans une rcente publication {Introduction a l'ouvrage de Montesquieu
Grandeur et dcadence des Romains. Paris, Ducrocq, 1851), remplace le
c par un k et prend, d'aprs je ne sais quelle autorit, le mot kalife comme
moyen terme. L'initiative de M. Villemain n'est pas heureuse, car il reprsente la mme lettre par un k,dans kalife, et un peu plus loin, par kh.
L'illustre rhteur citant le clbre biographe, Hadjt-Kualfa, qui llorissait
au xvil" sicle et non pas au xr% et dont l'ouvrage a t traduit par
M. Flugel en 4 volumes, estropie son nom et l'appelle Nadyi-Khaffa; H
:

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APPENDICE.

487

parle des traductions arabes d'Aristote , et oublie , ou parat Ignorer, que


Jourdain a trait ce sujet avec une rare rudition; du reste il n'est pas
le seul qui donne prise la critique sur le terrain de l'orientalisme, et nous
avons dj eu l'occasion de faire observer aux diteurs des uvres de Laplace, publies sous les auspices du gouvernement, que le nom de l'astronome Al-Nehavendi ( le Nhavendien, de la ville de Nliavend), ne doit

pas s'crire Alne-Vahendi.


Aujourd'hui que la possession de l'Algrie nous met continuellement en
contact a\cc les Arabes, il n'est plus permis de dfigurer, comme on le fait
si souvent, les mots que nous leur empruntons, et la connaissance de leur
alphabet, entrera bientt ,nous n'en doutons pas, dans les conditions d'une
bonne ducation ; mais, il faut l'avouer, ce ne sera pas chose facile que de
rgulariser certaines expressions qui ont pris droit de cit dans les livres
modernes. Quand on rflchit que les orientalistes n'ont jamais t d'accord entre eux sur la valeur relle des lettres arabes, et qu'il suffit du
dplacement d'un point diacritique pour produire les plus singulires
transformations, on peut se faire une ide des combinaisons bizarres auxquelles l'esprit de systme ou une lecture inexacte a plus d'une fois donn
naissanc e, (.'est ainsi qu'Abderrahman , dont nous avons fait Abderame
,
est devenu Gabdorrhachaman dans l' Histoire wa/iomc'/a?d Elmaein traduite par P. Vatiier; Moa wiah, MSga vie; \bdc\az\z, Gabdolquesige ; que
du mdecin Hakstishua on a fait laktisou, etc.
Je crois que le meilleur parti serait de prendre pour base d'une classification commune la grammaire arabe dcSilvestre de Sacy, qui fait loi dans
toute l'Europe; le plus grave reproche qu'on puisse adressera l'illustre philologue c'est d'avoir indiqu une seule et mme lettre pour reprsenter le
kaf et le kef ; il en rsulte qu'il crit galement al-kalb le cur, et al-kalb
le chien, quoiqu'en arabe l'initiale des deux mots soit diffrente. Plusieurs
savants, et parmi eux M. Jomard, ont propos d'adopter le q pour le kaf :
mais fera-t-on accepter par un lecteur franais les mots; qoran, qahtdn
qorciscli ? 11 serait, peut-tre, prfrable d'exprimer le kaf par un c devant les voyelles a, o , u , comme dans calb coran , nr.vh, etc., et par
un k avec une apostrophe ( k' ) devant les voyelles e et i. On distinguerait
le H et le Ha par H et H', le Schin et le Sad par S et S', en supprimant
le , Tan para' t u o'. De cette manire, on pourrait reconstruire aisment
les noms arabes, si frquemment altrs par les transcriptions les plus disparates. Mais il faudrait que ce systme ft approuv de tous les orientalistes et gnralement suivi. Jusqu' ce qu'une rsolution unanime soit
prise cet gard, nous sommes oblig de reproduire l'orthographe de
chacun des auteurs que nous avons citer: Mahomet, pour le fds d'Abdallah; Mohammed, pour le pacha d'Egypte; Muhamad, pour les Khalifes
ommiades d'Espagne etc., lousef, Yousouf, Yusef, pour Yousef ou Joseph,
Isaac et Ishak etc. En l'absence de toute rgle
il
faut bien respecter
l'usage maintes fols plus puissant que la raison.
,

Note

page 1GG.

Les musulmans qui considrent Ali et ses descendants comme les lgitimes successeurs de Mahomet admettent une succession de douze imans
(Imams) dont le dernier existe encore et doit reparatre avec le prophte
Elie au second avnement de Jsus-Christ. Ces douze imans sont
,

1.

Ali.

2.

Hassan,

fils

an d'Ali.

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APPENDICE.

488

Hosseln, frre d'Hassan.


4. A)i Zinalabedin.
5. Mohammed Baker fils de Zinalabedin.
6. Djafar Sadik , fils de Mohammed Baker.
7. Mousa-al-Kadhcm , fils de Djafar.
8. Ali Ridha, fils de Mousa.
9. Aboti Djafar Mohammed, fils d'Ali Ridha.
10. Ali Askeri, fils d'Abou Djafar.
H. Hassan Askeri, fils d'Ali Askeri.
12. Mohammed, surnomm Maliadi ou le directeur dont on attend la rapparition. Voyez ces diffrents noms dans la Bibliothque orientale de
d'Herbelot. Ebn-al-Sabbagh a crit la biographie des douze imams. Le
titre tVImam , qui signifie celui qui est la tte de l'assemble dans les
mosques (antisles) lait port en gnral par les Khalifes; on le voit galement attribu certains auteurs qui ont excell par leurs doctrines, etc. Les
Ismaliens ne reconnaissent que sept Imams.
3.

Note

9,

page 181.

des Monnaies musulmanes de Makrizi , publi par


Silvestre de Sacy, en 1797, et l'ouvrage d'Ed. Bernard intitul
de Ponderibus et mensuris, Oxoni, 1G88, donnent des dtails intressants sur
la numismatique arabe.
Le Khalife ommiade Abdelmalek fit frapper les premires monnaies
musulmanes; jusque-l, on s'tait servi des pices d'or et d'argent de
(onstantinople et de Clsiphon, ou l'on s'tait content d'en reproduire le
type en y ajoutant quelques lgendes arabes telles que : Louange Dieu ,
Mahomet aptre de Dieu, il n'y a point d'autre Dieu que Dieu, Dieu
est grand, ou les noms d'Omar, d'Othman, etc. Makrizi affirme mme que
Moawiah s'tait fait reprsenter ceint d'une pe sur quelques rares empreintes, mais cette assertion a t conteste.
Abdelmalek, la suite d'une discussion avec l'empereur byzantin, rsolut
de proscrire les monnaies grecques et chargea le juif Somai d'en frapper
de nouvelles en l'anne 76 de Ihgire, (95 de J. C).
C'est paitir de cette poque que commence vritablement l'histoire de
la numismatique arabe.
On distingue en premier lieu le dinar ou denier d'or, le dirhem ou
drachme d'argent, le danek, fols ou obole d'airain ou de cuivre.
Le dinar tait gal au mithcal; le poids de six dirhems tait le mme
que celui de sept mithcal ; un dit hem pesait autant que six daneks. On
peut voir dans Ed. Bernard (p. 82,9i. 101 110, Ii9 et 187), les diverses valuations de ces monnaies qui variaient, selon le temps, de poids
et de forme. On suppose que la valeur moyenne du dinar tait de 12
13 francs, et celle du dirhem de 12 sous. De trs-habiles numismates ont
dd it avec soin non-seulement les monnaies des Khalifes d'Orient et d'Occident, mais encore celles des dynasties qui se sont leves en Afrique et
en Asie sur les ruines de l'empire arabe. On peut consulter ce sujet
l'excellent ouvrage de Marsden intitul
The oriental Coins, etc., Londres,
Clewberg, 1755, Aurivilius, 1775, Tychsen, 1796, Frhn, 1819,
1823.
M. de Saulcy, 184 G, etc., se sont occups des mmes tudes; nous mme,
nous avons publi, en 1838, un mmoire sur les monnaies des Titnourides
de la Transoxiane.

Le

petit trait

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AM'ENDICIS.
Note

10,

189

page 242.

L'histoire des Arabes en Sicile a t l'objet de nombreuses recherches.


On sait quelle influence ils ont exerce pendant plusieurs sicles, sur le
mouvement des esprits en Italie, mme aprs la conqute de l'Ile par les
Normands; Roger I er encourageait par ses bienfaits le gographe Edrisi;
Frdric II appelait sa cour les fils d'Averros. J.-B. Carusio a publi, au commencement du xvur sicle, de prcieux dtails sur les rsultats fort peu connus de la domination musulmane ( Bibliotheca historica
regni Si cilix, etc. , 1723); \oyez aussi Historix sai acenico-siculx varia
monumenta 1720, dans le tome l ,r , n partie, des rerum italicarum
scrivlores de Muratori et le livre de Ros. Gregorio, intitul : Rerum
araoicarum qu<v ad historiam siculam spectant, 1790. LcCodicediplomatico sotio il governo degli Arabi, d'Airoldi (1789-1792) in-4, a donn
Joseph Vella , n iMallc et chapelieu une controverse fort curieuse
lain de l'ordre, s'tant mis en relations, en 1 78?, avec l'ambassadeur du
Maroc, Moharauicd-ben-Olhman Paenne, prtendit bientt avoir reu
de ce ministre un manuscrit renfermant la correspondance entre les
gouverneurs arabes de Sicile et les souverains de l'Afrique, un autre
ouvrage qui en tait la suite et se rattachait l'invasion normande eu
Sicile, et en dernier lieu une srie de mdailles qui devaient servir
rsoudre plusieurs difficults historiques d'un assez grand intrt. Alphonse Airoldi, archevque d'Hraclc, juge de la lgation apostolique
et de la monarchie de la Sicile, engagea Vella publier la traduction de
ces documents, et dj en 1 78!), six volumes avaient paru du Codi ce diplomatico etc., lorsque des doutes s'levrent sur l'authenticit du texte
original. Vella fit Imprimer, en 1793, sous les auspices du roi de Naples,
la premire partie de ce texte, avec une version italienne, sous le titre de
Lxbro del consiglio in EgitIO (Ketab divan Mesr) mais un nouvel examen
amena d'nergiques rclamations, et Vella, accus d'imposture, fut condamn 15 ans de prison, sans que la piti lui tnt aucun compte des incroyables efforts qu'il avait d faire pour composer en italien et en arabe sa pre^
tendue dcouverte. Le docteur Hager, en 1794, Silvestre de Sacy, (Magasin
encyclopdique, v* anne, vr* partie, 330 et vi e Mnne, t. V, p. 328), Gregorio dans ses lettres Tychsen, 1794, ont contribu clairer le public
On peut consulter aussi sur
sur la valeur relle du manuscrit de Vella.
l'histoire des Arabes en Sicile, les extraits de Nowairi, publis par Caussin,
Morso, Descrizione di Palermo antiquo, 1827, Lanza, degli Arabi in Sicilia y 1832, Rampoldi cit par Martorana, Not. hist. dei Saraceni Siciliani*
Edrisi, et le Voyage en Sicile de Mohammed-ben-Djobair sous le rgne de
Guillaume le Bon, par M. Amari, 1846.
,

Note

11,

page 247.

Il ne faut pas confoiulre les Zeirites ou Beni-Mnad dont les tats s'tendaient d'Alger Tripoli et qui faisaient partie de la tribu des Sanhadiites,
avec les Zeirites ou Zenetes de Fez, qui rgnrent de 988 1070 voy. Becri
(Ap. Quatremre), p. 85, et d'Hcrbelot, Bibliothque orienlale t 'au mot
Zeiri.
Quaul aux Hamadites ou Beui-Hainmad de Bougie , qui formaient aussi
une branche des Sanhadjiles, voici la Ibte de leurs princes:
;

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APPENDICE.

490

Hammad

I.

VI. El Mansour.
VII. El Naser.

ben Jousef Balkin.

Alkaid bon

II.

III.

Hammad.

Mohammed ben Hammad.

IV. Balkin bon Mohammed.


V. Naser ben ala elnes ben

VIII. Badis

Moham-

med.
Voyez

l'histoire d'El-Kairouani, traduite

Note

12,

ben

el

Mansour ben

el

Naser.
IX. El Aziz ben el Mansour.
X. Jahia ben el Aziz.

par

MM.

Policier et Kinusat

page 310.

On donne le nom de chrif ou schc'rif aux descendants de Mahomet


par Hassan et Hossein, fils d'Ali et de Falhime. Les rois de Perse et les
autres schrifs de l'Asie sont sortis d'Hossein, si l'on s'en rapporte aux
traditions orientales; quant la maison d'Hassan, elle s'est partage eu
deux branches principales; la premire subdivise eu Beni-Jiader, BeniIlassan, Beni-Haschem et Beni-Kitada donne des schrifs la Mecque et
Mdine. A la seconde appartiennent les rois du Maroc.
On peut voir dans l'ouvrage de Torrs [relation de l'origine et succs
des chrifset de l'tat des royaumes de Maroc, Fes et Tarudant , traduit
par M. Charles de Valois, duc d'Angoulme, 1030), comment le Schrif Mahamet ou Benhamet prpara ds l'anne 1508, la grandeur de sa famille en
envoyant ses fils Hamet ou Mahamet et Mohammed, la cour de Fez. Les
deux frres se distingurent dans quelques rencontres avec les chrtiens ;
matres de Tarudant, en 1515, ils s'emparrent, en 15 i9, de Maroc o
l'an se fit proclamer roi. Le plus jeune, en 1544, s'attribua toute l'autorit, prit le litre de souverain de l'Afrique et fit huit ans aprs la conqute
du royaume de Fez; il pril assassin en 1557, aprs quelques dmls
avec les Turcs qui ne voulaient reconnatre en lui que le scheikh des Arabes.
Muley Abd- Allah* son troisime fils, lui succda el rgna jusqu'en 1574;
pouvoir son lils Muleu-Mokammed, qui, menac par son
il transmit le
oncle Muley Moluc {Muley Abd-el-Malek) rclama les secours du roi de
Portugal , don Sbastien. On sait quel fut le rsultai de la journe d'Alcazar
o les trois rois perdirent la vie. Muley Ahmed Labass, fut proclam sur le
champ de bataille, gouverna ses sujets au milieu des fles et des plaisirs de
1573 1C03, et laissa le trne Muley Cheikh qui ne sut pas le conserver.
A la suite d'une guerre civile qui se prolongea quelque temps, le plus
jeune des fils de Muley Ahmed demeura en possession de la couronne.
Muley Ali* gouverneur de Talilet, devait commencer bientt aprs la
seconde dynastie des Schrifs nomme Filely ; Muley Mohammed, fils an
et successeur de Muley Ali, fut renvers en GG4 par son frre Muley A rch ?/d,
qui tendit ses tats du dtroit de Gibraltar au cap Non, et fut le plus puissant monarque de l'Afrique. Ce prince, de iGGi 1672, inaugura ce systme
de cruauts inours que son frre Muley Ismnl, devait perfectionner encore (1G72-1727) avec un raffinement dont l'histoire heureusement offre
peu d'exemples. Muley Ahmed Dchaby , quatrime fils de Muley Ismal5,
n'occupa le trne que deux ans, 1727-1729; il fut remplac par son frre,
Muley Abd- Allah. Ce prince, dpos cinq fois par des prtendants la
couronne, resta enfin paisible possesseur de l'autorit, de 1742 1757
il ne laissa qu'un fils, Sidi Mohammed, qui, pendant un rgne-de trentetrois ans (1757-1790), chercha civiliser ses sujets et ouvrit des relations
pacifiques avec les principales puissances de l'Europe. On lui doit la fon,

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APPENDICE.

4yl

Muley-MohammedrMahdi-al-Tzid second
fils, de Sidi-Moliammed et Muley Haschem, ne firent que paratre sur le
trne. Aprs eux viennent Sidi-Soliman (1792-1822), et Muley -Ab de rrahman, aujourd'hui rgnant.
dation de Mogador en 1760.

On peut consulter sur l'histoire des Schrifs, outre l'ouvrage indiqu en


ltede celle note, celle de Dombay (Agram. I94 et 1801), les Relations de
nos missionnaires de 1724, 1731 et 1742; Clinier, Recherches historiques
sur les Maures et Histoire de l'empire de Maroc, 1787, etc.

FIN.

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ERRATA.
Page

13, ligne 17,

retranchez
lieu de

au

dans ses travaux.

Slylits,

lisez

bcyhtzs.

22,

11,

41,

24,

recueilli,

eu.

44,

4,

Mousiin,

LuOllM

49,

H,

Calife,

(vnauie.

II

60,

33,

propagation

il dit o
proslytisme.

66,

11,

ardents,

vidents.

78,

27,

132,

23,

138,

5,

t \ 1'/

\w

Margal,

Margab.

142,

4,

d\

14C,

1,

runi

rassembl.

149,

24,

des,

de leurs.

153,

11,

Cades

Cads.

143 et suiv. titre courant,

760

743.

181,

nu 8

il"

38,

L'erreur se continue pour les notes 9 12.

Gihon ;Djihoun\

227,

14,

Dihon,

299,
317,

28,

Anasir,

El-Nasir.

dans.

protgeaient

surmontaient.

327,

8,

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TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES

Les

abbassides, 165,

'229,

chiffres indiquent

abencerragls, 320
abenzoar, 296.
Ablutions, 71, 82.

442, 465.

Abdallah, 167, 169. 172. 188.


Abdallah, '.252, 256, 258, 267.
Abdallah. 3o.

m ju (pre d'Abdallah

225, 325.

Arou-Abdallau-ben-abduii, 405.
ABOU-ABDALLAII-.MAHMOFD, 405.
ABOU-ABDALLAU-MoIIAMMED, 406.

Abdallaii-Aboil-Cassf.m, 347.

ARDALLAn-BKN-UAXIA, 294.
Abdali.au -BEN -Sa AD. 122, I2i.
ABDAUMI LU n Shahl-ben Naoubacku

ABOU-AIUUII, 49. 114.

ABOL-ALI-AL-DJUBBA, 402.

339.

ABOe-BEKRE,

ABDALLAH-DEN-TASttlFIX, 282.
Abdallah, fils d'Animer, 102.
Abdallah , fils de Djacli, 5i.
Abdallah, tils de Rowalia, 51, 416.
Abdallah, His de So'oud, K2.
Abdallah, fils de Zibara, 416.
Abdallah, tils de Zobcir, 136, 139.
ABDALLATIF, 423*
AbdFLAZIS, 150, 153.
Abdelazis, fils d'Abdallali, 162.
ABDELAZIZ, 458.

Abd-el-Kadeb,

469, 470 et suiv.


, 137 , 138, 141

ABD-EL-MALEK, 115

Abou-Djah, 51.
Abol-Kath-abderrahman, 356.
Abuu-Giafar-almanzor, 333, 379,
AbOU-HaFS (U'S 302, 308.
Abou-Hadifaii Wacil, 402.
Abou-HaN.FAH, 357, 404.
Aboo Haschem, 167.
159,

ABD-EL-MOl'MEN, 290.291, 294.

1,223, 260, 261, 389.


252, 256, 258.
III, 252, 258, 262.
ABDRRAHMAN IV, V, 276.
ABDERRAHMAN BEN HABIB, 171, 231.
Abderrahman, fils d'Almanzor, 275.
ABDERRAHMAN, His de Kliuled, 134.
Abderrahman, (Ils de Mohammed, 140.
Abderrahman, tils de Sammh, i62.
Abdekrahman Hazeni, 359.
ABDERRAHMAN SOOFI, 208,347, 351.
ABDERRAZZAK, 383, 397.
ABDOULOOATES, 346.
Aben-Aded. V. HEN Abad.
II,

331, 394.

392.

ABD-EL-WAIIAB, 454.
ABDERAME. V. ABDERRAHMAN.
ABDERRAHMAN, 157. 156.

ABDERRAlIMAN

62, 91, 96,

Abuc-DjafakbenHabascd, 344.

Abd-el-Maler, fils d'Alrr.anzor, 265.


ABD-EL-MOTALLEB, 29, 37, 38, 4l.

ABDERRAHMAN
ABDERRAHMAN

43, 4, 52, 59,

100. 103, 108, 127, 283.

ABOU-CARIB, 26.
Aboo Djafar-al-Thalib, 397.

100, 254.

AUEN-UlTHAR

les pages.

1IKM-ABD-AL-SU. VM, 403.


Abou-Iakolb-al-Saiiham, 43.
AB0U-I01>EF-IAK01B-BEN-1BBAHIM, 401.
ABOU-ISAAC, 349
ABOU-IsnAC, 244.
aboo-Ishak-Ismail, 405.
ABOIT-JALI BEN AL-HOBARIA, 4l7.
AbOL -KaL FAH, 412
ABOLL-ABBAS, 168, 170, 233, 231.
i:

Alton. -A

s,

46.

ABOl'L-ASWAD, 407.

Aboul-Casem, 403
AboI L-KarADJE, 397, 4 12,
Aboll Feu a, 61, 382, 419.
Aboul-Haen, 323

4 19.

ABOCI. Hassan Ali, 354, 359. 370, 381.


Aboll-Hassan-ben-Telmid, 397.
ABOUL-MAIIASSEN, 423.

ABOL'L-OLA, 4 17.

ABOIL-SALAT,

399.

ABOUL-WEFA, 208, 348 et suiv., 368, 383.


ABOU-MELEK, 240
Abou Mohammf.dren-Abi-Zeid, 405-

28

TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.

194

ABOD-MOSLEM, 168, 172,


ABOU-NoWAS, 26, 417.
ABOU-OBEID.

AOUBITES. 223.
Aiznadin (bat. d'), 107.

175.

AKBAH.

128.

125.

ABOI' -OBEIDAH, 105, 107, 109,112.

ALABDARIS, 259.

ABOU-OBEIDOLLAU,205, 245.
Abou-Rosciid, 399 voy. Averroes.
AbOE-SaiD, 320.
Abou-Sophian , fils de Harb, 51, 53,

Alacab journe
i

d'), 298.

Aladami. 344.

56,

ala-f.ddin. 227.
alaiieris, 275.

ALAMIRI, 398.

89, 96.

Abou-Sophian, fils de Harith, 416.


Arou-Taleb, 41, 44, 45.

ABOU-TEHAM

398, 417

A bou -Temam-Habib-ben-Aws,

4 1 7.

ABOU-THAHER.203.
ABOU-TlULEB-ALI, 425.
ABOU-YAROLB. 299. V. ABOU lAKOUB.
ABOU-YoUSEF. 302, 322. V. ABOU-lOUSEF.
ABOU-ZACHARIA 390.
AbRAHAU-EL-ASCHRAM, 27, 29.
ABYLA, 108.
,

ACBATARAHAR

(bat. d'), 296.

ALAZDIAL-HOMAID1, 427.
ALBAHTARI, 338.
ALBATEGNI. 343, 368, 378.
ALBAYCIN (1), 327.
Albayda, 33.
ALBIROUNI, 230, 357, 359, 380.
ALBOKHARI, 360.
ALBUCASIS, 394.

ALBUMAZAR, 340.
ALCAIDS, 153.

Abyssins, 25, 27, 37, 436.


Acaba, 48.
AAD-BEN-EL-SlRAT, 239.

ALCAMA, 33.
AlCAMTaRA, 299.
ALCarah (bat. d,), 286.
ALCASAR (l'y, 431.

(bat d'j, 279.

ACEQt:iAS,270.

ACUA, 33.
ACRABA, 101.
ADD, 66.
ADE.N, 6,7, 24,27,

ALAilT7.A, 404.

ALARCOS

At.CASSIM, 275.
alcazaba. 294.

Alcazar Quibir, 310.


102, 435, 441, 446,449,

alcazari, 356.

AL COLUZI,

450, 464.

347.

ADERBIDJAN, 130, 227.


AbHAD-l DDAULAI1, 208, 347, 393.

ALCOMI. 347, 378.


ALDEBARAN, 35.

ADIIED-IF.DINILLAII, 220, 221.


Adhi.ARD, 386.

ALDEMIRI, 390.
ALDJEZIREH, 112. Y. Djezirlh.
Aldzemebi, 383.
ALEP, 110, 183. 198, 216,218.
ALEXANDRIE, 119, 179.
Alfaquis, Docteurs de la loi, 250.
Alfarabi, 398.
ALFAZARI, 339.
ALFOSTAT, 120.

ADI1RUH, 57.
Adites, 12, 14.
AdjaroL'MIA, 407.
JSLIUS GALLIS, 17.
Afa, le Djoramide, 414.

Afghans, 216.
AFRIKIA, 236.
AFRItOl S, 26.

Afrique centrale, 436, 437, 461.


AFROUN, 477.
ACHA DES ARABES, 471.
AGLABITES 179, 192, 235, 346.
AGMAT, 283. 289.
Afrique septentrionale 125.
,

Ka

il

5, 7.
,

Al

il.

3, 15, 57.
,

470.

ALGEDER,

2<J6.

Algehed ( guerre

sainte

),

262, 263, 266,

296.

Algelab bat. d'j,295.


ALGER 248, 302, 306, 308, 441, 464 et
,

suiv.

ALGERIE. 468 et suiv.


ALGE7.IRAS, 147, 275. 279, 284, 323, 324.

ALHADI, 173, 175, 188.


ALHAKEM 1, 251,256, 259, 273.
ALIIAKEM II. 253, 263.

ALUAMA 325.
Alhambua , 300,
,

AN-MAIlDl, 476, 478.

AN-MERAN, 478.
AlN-TAMR, 104.
AiN-Tl'RK, 477.

ARBET-KuEDbA,

V. Gazzali.
Al.GAZRI, 410.

Ahmed-ben-Ali-ben-Mesoid 407.
Ahmed ben-Arabschah, 426.
AHMED BEN-MOHAMMED, 418, 427.
Ahmfd-ben-Nassar, 175.
AhMED-BEN-THOI'LOCN 193.
AHNAF, 132.
AnwAZ, 131, 193, 198.
AN-HDA

ALFRAGAN, 339.
ALGARVE. 287, 294, 300.
ALGAZZALI, AL GAZEL, ALGAZELI 357, 400.

3l6, 327) 431, 433.

ALUAMDANI. 348.
Alhasan (de Bassorali), 402.
Ai iiassan Lon l'Africain), 383.
Alhassan-den-Masbau, 356.

477.

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TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.


A lu \ zen, 36ii 37lj 386.

ALUOSAIN,402.
ALI.

43, 44, 46^ 48j 52, 54, 58j 80,

97, 98,
Ali, 2fii

m,

9^

4M,

ALI-AL-KnOVENJI 3!J9.
Ali-ren-al Addas, afi
ALI BEN HAML'D, 211.

ALP-TtCHlN, 20fi*
Alpixarras, 258,

Ali-ben-Isa, 33
ALI-BEN-MOGUEITII

Alsagam, ^ 10.
Alsamar, 151.

055, 257.

ALSAMARCANDI, 34
Alsarari, 348.

Ali-den-Yousef, 291, 293.

ALSAUNADJI, 407.
Alselemi, lui

ALl-CoisciIDJi, 349, 26_3_, 3JL1


Ali DES, 161, I8JL 192, 205, 284.

ALTHAU, 417.
Altonukhi, 316,

ALI-SCHIR, 428.
Ali-Istakaiu, 378.
Ali-Zenab, 2fil
ALJAI HKRI, 3_39_.
Alraisi, 42L

Altlpiiiri,

3r,:.

Alzoheiri,

loi.

Amadjolr,

AllALICA, 12, 14, 2iL

Amazones,

Alremad, 31L

fil,

111/ Ail.

111^
22u.
A.MGIIICIHA liLL
Ami de, i_3i
.M

Amer.

Ifii,

357.

ALKIIARIZMI. VOV.

i.

ALSINDJIARt, 36JL
Alsoioi tui, 410^ 421

Ali-I)zou-Djadan,2L
Ali-Mrarer, 46?^ 411*471,
ali-schah- alrokhari, MO.

Alrendi, 339, 369,

3H

Alrazi, 4ojl

Ali-ben-Omar al Khatibi, 40JL


Ali-ben-Uedcan, 397.

Al.RIlACANI

49r>

Alphonse Ha le Chaste, 26i.


Alphons 111.262.
Alphonse VI, 279, 28^., 21L
Alphonse X, 322, 38ft.
Alphonse Henriquez, 267.293.

MOHAMMED-REN-MUSA.

Alehatibi, 361, 402.


Alriiazen, 311

AMIN, 174, fifi,


Amina, tille de Wahab, 37, 41.

ALRIIIII, 348.

Amir-ben-Tofal, 23.
4
Amoiuim,
Amr, fils d'Adi, 20, 21*
Amraouas, 475Amrou, il.
AMROO, 98, 110. 117, 121, 134,
Amrou, fils d fil-As. 4i6.
Amrou, tils de Colthouni,
Ami rath IV, 452, ilL
ANDAR, 4j IL 22, 104, 170.
ANDUJAR, 293.
ANSARS, 91
Antar, Ant\ra, 32, 415.
Antartous, uul
Antiocue, 107,
1, 301.

Allah, 2iL

35_i

3iL

ALMADAM,
Al.M.Eo.N, 356.

AlMAHADI,

173, nfij [82,

185,

188. 235,

337.

Ai.MAKKARI. 427.

ALMAM01N,

174, 178, 185, 1G2, 337.

3Gj,

377. 391.

Almamoi n l'Almohare, 29JL


Almamoi n, roi deToh de, -iso.
ALMANSOUR, 205.
ALMANX.on,

m), 172, 175, 17G, 202, 235,


254. 263, 273,275.

AlUai

zi.li, 348.

387. 2111

280, 2JLL

Alnedhari, 42JL
Alnehavrndi, 337, 312.
360.

ALPRTRAGF, 355.
ALPIIEREAN,

41L

ARABIE,

97_,

334,

4fi5T

Arabes d'Afrioae, 234.

Almou avides, 282_, 293, etc.


ALMOL'T, 22S.
Alnairizi, 142,
Ai.nerofdi, 3_fi0_,
Alnoddam,

Aouamir-al-Siacieh, 4o:i.
Arabes, 9, io, 1 2, 14, 15, 1 6, 38,

A LM ou Al s, 289, 294, 3jlL


ALMONDI1IR, 252, '51.

ALOTBI, 405.
ALOTKI, 31L
ALP ARSLAN, 214.

138, 193.

lu

ALMEOIAZ, 405.
Almfria. 294. 321L
ALMEROUROUDI, 338.

ALMOATEDED L 278.
ALMOATEDED II, 278,

<

4fl4.

L, 3, 8, 11, [5, 27,

139, 140, 205,

441,

Arafat, 3JL
Aragon, 251.
Ariba, 12

Arine (coupole d'), 313.


Armnie, n 3, ni,
Aruach, 469.
ARRAFA, 3i
Aryat, 2L
Arzachel, 353, 381.

ARZEW,

469, 470.

ASCHIR, 211
ASHATILl, 427.
Asie Mineure, M3, 213, 216,

211

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TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.


Basrif.ns, Basbrhtes, 399, 402.
BASSORAH, 7, 96, 97, 129, 165, 184, 193,

AMox-ftAnr.R. 15.
A^i\. 71. 80.

ASSASSINS, 224, 228.


AstoiujA. 2 3.
AsTt liiES. 151. 261.
ASNVAD. 58, 100, 102.
Asyr,
t59
Atabek, 216, 218
Athir-Kudin Alariiar, 398.
.'>,

Atra

21

atziz, le Kharizmicn,2i6.
Ai'HAs combat d') , 57.

BEPEB.

ST~75.

BEMU/INS. 182.
Beidiia\m 402.
BEJA. 269. 283.
,

Belezma. 487.
Ben-Abad I, 278.
BEN-ABAD II. 111-

Al'F, 29, 48.


AETL'N, 156.

AVEN-PacE, 398.
AVEN ZohaR, 394.
Avekroes, 296,353, 366, 386, 389, 395,
399.

AviCEXNE, 356, 389, 393, 398, 400A M' M, 78.


(bal, d')

r.EM'.l, 380.

AUMONE, 71.
AIRES 0' 478.

Avnvu

198. 453.

Bathniens, 224 et sujv.


Batimstes, 401.
Batn-.Mark 23, 28.
Batn -MoHA&SAR, 81.
Beciur, 254.

257.

A Y r.si.II A 46, 59, 97, 134.


A/Vgt E OU 1)1 ME, 271. V. ZC.AT.

278.

Bev-Aissa. 467. 475.

Ben-al->addi ,351Benakes. 216.


BEN AT- ALLAH, 35.
Bexdemir, 208.
Ben-i:haxah.47C
BeX-MaPiQJE, 125.
Bex-Htd. 312.

AZARAKITES, 1J7, 135.


A 1) T E s '23, 28, 29.
7.

A zi z- Bill a h

A/LAM,

206, 351

3.').

B
RaALBER, 108.
BABEK '202.
Bab-el-Mandeb,

Beni-Djorhom,

Bem-Hammap,

277.
14. 28,

Bem-Hami-d, 275, 278, 283, 292.

Bem-Hi

d. 277.

BENI-MERIX (lCS). V. MRINIDES.


Beni-Mnad. 489
Heni-Miu ss v. 477.
Beni-Zian lies), 302. 30C.
I'em) -Ans 13.
Benol-Amadjoi.R, 345.
Benui-Amu;. 33.
Benoi-Asad loi.
Bexul-Tai, 34.
,

8, 446.

Baber. 230.
de). 33.

B\ (.rites, 22, 33, 102


BADAJOZ, 262, 276, '283 , 287, 293, 300.
BADHAN. 55.
BAEZA, 257, 284, 293, 299, 3l4.
BAGDAD, 182, 188, 190, 192, 199, 200, 203,
228. 362.444. 453, 459.
BAUHIRMEII, 465.
Bauira , moine chrtien , 41. V. Djerd118.

BABRAM,

106.
4, 21, 22, 27, 58, 100, 103, 446,
449, 452, 464.
Bakoim, 33.
BAKTIMU'A. 392.
Balares, 238, 266, 287, 297, 300.
RALMS, 26.
H un i. 25U.
Barbekousse, V. KflAlREDDIN, 306.

BAHt EIN.

BEXoU-Tf.MIM, 100, 101.


Benoi-Yiad. 113.
Ben -Zamqin, <67.
Ben Zerin-alkbairi, 361.
BerbRKS.{466. 145, 146,234. V. Maires
INDEPENDANTS.
BlB\N. 480.
BlBARS. 443.
IHSCARA. 478.
,
Bivar llodritfue de\ Le Cid, 280.
>

BUDAH,

469, 47

Boabuil.

4.

477.

AnorTnnAU.*H.

V'y

BoaiAR.

478.
BullAEDIUN, 419.
BokllAUA, 132, 161 438.
BnNE. 4ti8, 470, 472.
,

BtiRAC (le;, 46,60.

BaR), 212, 243.


bar1diens. 198.

BolUL, 26 4.
BORIIAN-KDDIN, 405.
Bosr, 209RnSTRA. ID5.

barkiarok, 215, 220.


barmcides, 172.

BOUFFARICK, 470, 474.


BorciE 248 282 292

B ARC Ali,

12.

282

Ben Nahar, 479.

Bacocs <guerre

Bem-Alaphtar.

122, 245.

Barcelone, 26 i, 263.

Barr-f.l-Scbam, 105.

473. 489.

302

30(

470

TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.


BOIDES, 'MOi

20JT, 208,

BOU-MAZA, 478.
BOU-MeZHAC, 467,

BoU-MERZOUG

chillour8

m.

466.

Chimie, iJl
Chine, rjQ, 41/L
ClIOSROES, 39_, 40, Sj.

468.

47 5,

Boussole,
Buuzakiia, 101.
BRlNDES,242.

Cbourahbil, ull ios,

Broussa

Christianisme,

Cbott ,

4 i:>.

Coda,

5JL

Caaba. V. Kaa a.
Caboul, 161.
Caab, UU de Malik, 4m
Cacidat el Borda p-nne,
Cacem- Biamrillab 20 s.
,

CODBAITES OU CODHAA,
COBEX-ATTAR, 397.
COMBRE, 262, 28".
COLAYR, 3JL
COLEAM, 469, 474.

57.

CadEsiab

bat. de),

49.

Co-CllEOU-KlNC. 35 1 . 361

11

Cadis, Cadbis, II.

112.

3 s.

ClD (le). 280. 283. 284, 28f,.


ClLICIE, I60_i i76j 212. 214
Civita-Vecchia, 24JL

c
,

41&.

CHRYSOCOCCA, 15_L
Chypre, 114, 212.

Bl'SENTELLO, 247.
Butin (partage du\ 9JL

Caab

497

CBIIATITRS, 402.

lii,

lhl

21.

COLOUGLIS, 441, 468, 470.

'8<>.

Cadhi Zadkii. 3M,


Cadix, 28 7.

COLZOUM, 120.
Compagnons du PropbF.te,

CaEM, 201, 207. 210. 2l7.

COMPOSTELLB. 264.
Constantin, lils d'Hraclius, im
CONSTANTINE. 467j 474. 475, 480.
constantinople, in* 159, 450.
Coptes, lia,
CoraIdhites, 7JL

Cainoca (les ', 29, tL


Caire (le, 2oi

C.MROWaN ,
288, 2yi

|25_, 133, l45j 205,

CALATATUD, 285.
Calatannosor (bat. de),
Calatrava, TA<L
Caleb,
Calendrier arabe, ml

237, 245j

265.

HL

CALICUT,

COP.AIZHA, 29,

Coran (le), 43.


CORDOUE , lii)

271

45, 4JL6I, 91,


L5_4

276. 278

2M

2Jtf_,

llfi.

Cordoue (Mosque

de), 272.

Coreiscbitks, 29 et suiv.,

Candie, 244, 25JL

CANOGE, 162, 20JL


CANOPE, 35.
CANOUN, il,
Canton, 4M.

COROMANDEL,

13JL

Corse, 238, 21k


CORZBA. 5_L

Cappadoce, 16IL
CARACORUM, 221.

CARMONA

COSs-Ennatik combat de)

150* 257j 276j 278j 211,

Coudiat-Ati , 475.
Coufiques (caractres), jl
Courra, lOi.
COZHAA. 28.

2t>i.

m.

CHAIILES-QUiNT,

Cheddad,

Crte, il^ 25JL


Croisades, 219.
Ctsipbon, 130.

CUENA, 257, 258,

Ceuta. 147, 246, 283, 305, 355, Il G.

CHAMMIR, 26Charlemagne, 260.


Charles Martel, 157.

269_,

f.TRNAlQUK, L22,
CYZIQUB, 114. It5.

tr.9.

S 08.

4.

L28,

COSWA.

Cats, 10JL
CAZWiNI, 382, 390, 120.
Cf.rvui k bai de
2b 4.

Csarb,

COSTA-BEN-l,UKA, 344.

CARTIIAGE. 14 5C ASR-EL- C AU1M , 211,


CASR-JANI, 239, 2*JL
CASv\IN,225.

Catalogne, 257,
Catane , 28JL

H .4I,

L3JL

COS, 114.
COSSA , 29.
Cossayr, lils de Sad. 20,

4M,

252, 259, 2GI.


294_, 315,

293_,

353.

4 4f.

Camp anus db Novarre,

Capitation,

ai,

DABA, 12.

ClIERCBELL, 477.
CIIRIFS. V. SCBRRIFS.

DACBICHA, 29.
Daims (guerre

CHiFFA(la\ 411.

Patina. u>2.

de), 33.

279, 294,

51

96.

TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.

498
DAHRA, 283, 478.
DAHRUTES, iL,

MA,
Damas , 105,

DOUEIRA, 471. 412,


Dol'raid , fils deScinma. :>3.
Draglt, 305.
DRAYHY, 16iL
Dran, 474^415.
Droit de reprsailles, 8iL
Druzes, 2fli

DAS,

DANEK,

107. 34, 165, 183, 194,


346, 439, 444,445.
487.
1

DARFOL'R. 437,465.

DASTAGERD, 40
Daulet-Schah, A2&
DaCMAT-DJANDAL, 54,
DAVAYNE, liLL
Daya, lA*
Di

m.

Duero

(bat. du), 262.

DZOU-CAR, 22.
Dzoil-Carnein 26.
dzol'l holayfa, 19.
Dzoul-Medjaz, 31.

57, LQ1L

216.

DELLYS, 478.
DENIA, 277_, 295, 30O, 313.

DERBEND, lOo.
DERREYUf, 461.
Dhafar,7, ^1, 21.
DHAHER, 207, 218, 22iL
Dhobyan, 3JL
Dia la), prix du Rang, if.
Diar-Brkir, 113.

Ebn ou Ibnabi-Thalta , 35JL


EBN-AL-AALAM, 208, 347.
Ebn-al-Atuir, 42L
Ebn-al-Bawad, 426.
ebn-al casem, 404.
EUN-AL-COUTIIIAH,

Diar-Babia, LL3*

Diego db Cordoie,

305.

DlLEMITES, 34<i.
DME, lfil^
DINAR, 487.
I) HUlt M, 4B7.
BlVANS, 180j Ali.
djabalai1, 23^ 109.

Ebn-arabschaii, 411.
Ebn-ayasii, 40JL

Ebn-Ayyas, 423.
Ebn-Bajaii,

aber-ben-Afflaii,
,

3Ai

7JL

Ebn-Farmoi'.n.

de), L3L

Eb.n-Hayian, 421

Ebn-Hfscham,

DJAUI1ER, 212.
Djeber, 38iL

407.

EBN-KiIALLICAN,

DJEDDA, 6j 43^ 4J9, 451, i5A 4fi2.


Djelal-Eddin.
DJEMA-GHAZAOIAT, 47.
Djemal-Eddin-ben-Wasel, 49
Djemal-Eddin -Mohammed ben-Malf.k

Eb.N-KiIATTIB.

4 i0.

4'i7.

Ebn Kothaibaii.

49fl.

EllN-lSUAK BKN-KSOLF, 333.


Ebn-JouNIS.206. 351. 368, 378, Ai.
Ebn Osai bah, 129.

Ebn-Ouabh, 4M,

OZ.

DJEMILAII, 47

DjEMSCHID , 363.
*
DjKRBA 57.
Djebdjis (Georges), Il V. SeRciis et
Bahira.
Djewiiem, 4oa.
,

Dji-zium, IS1. 205, 21

1,

218, 220,221.

DJIGELI.I, 47(i.

Djin.

4 ()'

Ebn-Forat, 42!.
EbN-HaBIB-AS-SOLAM!, 427.
Ebn-Habitii-al-Khoshni. 422.

Djahizitks, loi.

Djalulah (bat.
DJAMRA, SX.

:<;>s.

f.bn-cotaibaii, 410.
Ebn-Djoizi, 126.
K un -Don in,
F.BN-FaREDII, 417.

Djaber. al

Djadima 56^
DJAFAR, 347.
DJAFNA. 2L

42fi.

EBN-AL-FABADHI, 437.
Ebn-al Hadjeb, 40jL
Ebn-al-Massih, as!.
Ebn-al-Moraffa, 4n.
Ebn-AL-SeKAKI 410.

DlAR-MODHAR UJL

lij

IL

Djodhaima, 2iL
Djondisscuabocr, 335, 391
Djordjan, 133. ma. qio
Djorrom. V. Beni-Djorrom.
Djowatiia, M2.
DOJAIL-EL-AlIWAR, 140.
DotUlRg.470. 421.

F.BN-UOSCHD, 105.
EbN-SaBIIII-S-SALAT, 427.

EBNSaHL, 398.
EBN-ScH ATHIB, 357, 361
F.BN-SEID. 409.
Ebn-Sina 393.
EBN-SOBAIDJ, 412.
.

Ebn-Wasfl.

42fi.

EBN-YOLNIS, V. F.BN-JOUMS.
Echecs, 8JL

ECUA, I50t 273j 276, 278. 3_li


EDECO, 147
F.DKSSE, 220.

F.DHAN,

aii

S-L.

Edbis , F.DRI>RITES

20.1

236. 213

259.

34fi.

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TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.


Edrisi, 380.

Egypte,

117, 137, 198,205,221, 223,228,

464.

EL-ALA, 102.
El-Aroud, 4.
Elrarkani, 467.
Eleuse, 160.
ELFARHAT, 469.
BLHACA, 8. V. HAA.
Elkatba. 8.

ElkaTIF, 8, 446.
Ellakhmi. 405.
Elmacin, 425.
ELMAZERI, 405.
ELOUFFIA, 469.

ELSEADJAM,

Gacie (Guerre

Gaiouk

407.

Emir-al-Moumenin

12.

commandeur des

Croyants, 245.

Emir-AL-Omrah, 190, 346.


Enfants, 84.
Esclavage. 87.
Espagne. 146, 155,232, 268, 434.
essakarat, 80.
Etats Barbaresques, 307, 435, 441,464.
Eudes, 156, 57.
i

f.uphmius, 239.

Geber, 386.
G Kl SU, 196.
Gemal-eduin 357. 361,417.
Gneralif le), 316.
GNES, 248. 281.
,

Gengi-Kiian (Teliinghiz-Khai),2i3, 226,


229.

Gorgie, 198, 2i4.


Grard de Crmone,

452.

Ghoul

118.

33, 100, 101.

35.

GnOURIDES, 216, 227.


GlAFFAR 172.
GlAZLAH-BEN-GlAZLAH 397.
Gibraltar i47, 323.
Gilan de Damas, 402.
Giomail-ben-zeyaz 300.
GlRALDA (la), 296, 43l.
,

Fatiiime, 46.

Fathimites, 205, 206, 219, 247, 248,346.


Frcad. 35.
Fedjr, l'Aurore, 71.
FH.LAU, 448.
Femmk. sort de la). 83, 89.
;

Ferdinand 111,299, 3i4.


Ferdinand Gonzalez, 263.
Ferdinand lf. Catholique, 325.
Ferilutah, 428
^Algrie), <69.
115.
,

GlULUEKI

397.
Gozzo (le de), 238.
Grgoire, 123.
Grenade, 150, 269, 270, 283, 286, 294,
300, 316, 325etsuiv., 353.
,

GRYN 8. 13.
GUADALAXARA,
,

281, 296.
Gl DULA, 282, 289.
Gui de Kavenne , 375.
GUZZARATE, 209.

291, 302, 324,

355, 466.
FEZZAN, 437.
41, 43.

FlROUZARADI, 408.
FlRADII, 104.
Flissas, 479.

FOKAHAS, 402.

386.

20,21, 23, 25, 108,

Faresi, 408,
Farsistan, i3i.
Fatii-ben-Naueba, 356.

F DJAR,

18,

482.

Ghatafan,

FaKREDDIN-AL-IIAZ|, 402.

Fez, 236. 246, 259, 283

4,

GHAZNEVinES, 209, 210, 216.


GlELMA, 475.
GHILAN, 198, 227.

54.
172.

Ferme modle
Fetwa, 406.
Feu Grgeois,

GaZ7.AH
Gazzali Omar ben Faredh, 4i7.

Ghassanides,

Famiah,

156.
(Al), 289. 357.

Gekbeit, 249, 386.

306.

FADBL,
Farreddin,

264.

GaRIGLIANO, 242, 243.

Gaule,

Emir. Commandant, seigneur,

Fadac,

228.

,
.

Garabas, 473.
Garcie Fernandez,

F.LYAS, 235.
ELZAGAL, 326.

sainte), 219.

Galice 260.

ELVIRA, 150, 258,

Eutemi

490

Folaih-ren-Aoura, 412.
FOSTAT, 194, 206.
FOULLAN OU FELLATAS, 465.
FRAGA, 295.
France, 238.
Francs, 156.
Fraxinet,244, 266.
Frdric II, 386.

llABASCn, 338, 341.

HabRAH, 473.
Haa (F), 4, 7,

449, 452.

Haddj, grand pMerinage, 35,

58, 80.

Hadiiir, 111.

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TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES

500

H.VDJEB, 180, 254.

HGIRE

.263.

HadJI Ahmki). 467-469, 471, 473, 475.


Hadji Khalfa, 383, 4*29.
lUl) JOLIES

Hai.r

477.

Hkms (mse\ 108.


Hemyarites ou Homrites

13, 24, 443,

450, 453, 483.

21.

49.

Hejer, 134.

HaORAMAUT,

4,

7,

24, 27, 58,

100, 102,

Henri de Besanon, 286.

Hentela 290.
HRACLIUS , 39, 55,
HERMOZAN, 131.

441.

Hafsa , fille d'Omar,


HaIDHAMITES, 401.

HAKEM,

102.

206, 351.

HAMAD, HaMADITES 248 , 277, 489.


H A.M A DAN, 196.
Hamaoani ,411.
HvMADANlTES, 198, 203, 208, 211.
,

HAHAII, 108.

105, 106.

HEP.NAN, HERNANIES, 401.


HESCHAM, 2i3.
HESGUAM I", 251,255, 261.
HESCHAM II, 253, 263, 274.

Hescham-ben-Muhamad,

276.

HlROPOLlS, 111.
HlLF-AL-FODllOUl, 42.
HlNDOUSTAN, 230.
HlRA 4, 18, 20, 21. 22, 25, |04, 129, 482.

HAMALAT-EL-CoRAN 101.
Hamasa , 417.
Hammam- Berda 475.
HAMZA, 45, 51. 52, 75, 207.
Hamza-el-asad, 53.
Hanbal, 404.
,

HlWA, 33.
HOBAL, 29,

35.

HODAbi A, 54.
HODAILITES, 402.

Hanbalites, 4o4.
HaNHFITES, 404, 405.

HODEIDA, 7.
H on ai. a , 235.
Honain, 57, 76, 391, 392,

H.ANIFA, 55, 201.

hanzhala , 101.
Haguch-Chaoucu, 471.
HAPUED, '220Haractah, 477.
Harith (Arelas), 22, 33.

398.

HOROt'DJ, 306.
Hossein, fils d'Ali, 84, 98, 136.

HOTAM,

102.

HOULAGUO, 228, 229, 230, 357, 360.


HOUSSEN , 405
HUE8CA, 257, 277, 280, 284.
HTCSUS, 14.

Harith, V. Elaradj, 23.


Hauith-Erraich, 24.
HARITH-BRN-H ILLIZE , 415,
Hariiu, 410.

H A ROUX,

196.

HAROUN-AL-KASCniD,

172, 176, 188, 235,

Iacoi b-ben-Tarik, 353.


Iahia, 38, 404.

337, 391.

Haroin-bkn-Ali

350.

Haiiran, 39t.

lAlllA-

Haschem, 29.
Haschgoun ,471.
H am h
h , 2*25.
Hassan, 98 , 145.
Hassan aga , 309.

Iaiiia-ben-ari-Mansolr 337
Iaiah-ben-Nasrillah, 220.
lATHREB. 5, 26,28, 29, 48, 49.

1BEGH, 229.

HA8SA.N-AL-KFBIR, 451.

IBNOU KlIN-AL-OL'ARDI,

lll A

351, 364, 372.

llASSAN-REN-MOIIAMMED, 409
Hassan Uey, 468.

Hassan,

fils

HAT, 403.
382.

lBN-AYAS. 383.

IRN-BaTHOITHAH, 382.
Ibn-Halkal , 378.
IBN-KHAlDOUN, 420.

d'Ali, 134.

Hassan, fils de Thabit,


Hassan-Sabbah, 225.
Hatim, 33. 34.
Haldha, 55.

N-KHALED, 337.
,

Hassanden-Haithbm,

B<-

Ibn-Uaif.k. 199.
Ibn-Sad, 381.

51, 4iti.

Ibrahim, 168.

Ibkahim-al-Mzam,

403.

HAOftAM, 105.
llAL'WARIN , 136.
Hai:za (Combat de), 33.

Ibkahim-bkn-Aglab, 179, 235.


Ibrahim-Mauseli, 412.

Hawazin, 33, 41, 57, 101.


H EBAHI ALLAH , 357, 397.

1CRIMS

HCOaU,

4, 5, 13. 26. 28. 100,


182, '203, 219, 444,457, 459.

HEDJER, 4, 101.
H KG AGE, 39.
1

HF.Gl \Z-BtN- YOUSI.F, 337.

101, 102.

IDCIIMA, 406.
lEMAMAII, 4, 8, 55, 58, 100.

405.

HEDJAZ.

ICONIUM. 215, 218.

134, 140,

lF.ZDEPJEliD, 105, 128, l30, 132.


llILAL , 79. 80.
IHRAM, 79, 80, 82.
Imam (croyance), 44.
Im ans (Imams), 137. 486.

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SOI

TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.


iMROULCAts, pole arabe,

32.

KERMAN,
Kesra (Voy. Cbosro;.

132, 183. 199, 21 fi, 2JJL

lii

Inde, 161, 209* 336, 358.


L'Aswarite, 402.
IRA , 2I_, 22^ 130, 134, 137, 138, 165,

Kl. s soi lis, 17 H,

Ioums

L&L

KETAMA

83

Kiiair-Eddin, 3M, SOL


KliALED, 57, 58, 75, 101, 103, 108-112.
Khalife, 486.

lSFAUAM. 412.

Khalil-ben-Ishar ben-Iaroub,
KUARADJ, LIA. 181,211
KUARAM1TES, 401.
KHARECITES, 134, L2R,

Islam, 41,
iifl.

ISMAEL
ISMAEL

193.

20JL

ISMAI.-BEN-l)JAM, 4l2.
lSPAllAN. L&L

32^

KllARIZMIRNS. '229.
Khat-ei.-Arab. L3ffi

lilL

Khatib-ben AHM VD,


KMAZA,

KHIRWAN,

41A_.

22L
KlTADA , 445.
KORDOFAN, 465.
KOTAILAH , 1LL

.!

Jacques
Jaen 3
.

W,
i

29JL

KHOULAN,

KHOWARESM,

131.
28, 5JL
35.
KlNDA, 33, 102,

Krozaa,

JRUSALEM

UOj

Km ah,

216, 21! 220^ 223, 214

Jeune, ll
Judasme, 3jL
Juifs, 270,

KlNNESRINN.

Jurisconsultes,

KOTAIBAII, 161. 163.

fil*

KOTBAD,
KOUFAU,

K
KAARA,

13, 26,28, 32, 35_, 36,42, 54^ 73^


82^ 139^ 203, 447. 453.
lif^ 467, 470j 473^
,
477. 479. 480.
KaDDOUR-DeuRY, 470.
KADER, 201.
Kaiuna, 145, 146.
K AMER, 197^ 199.

Kabyles iKbals;

Kairowan (Voy. Cairowan.)


KaIs-ren-asem, au.

Karek (Ile de),

457.

Karmathes, 202.
(

Hadji-Kbalfa ),

l^

KouscniAR, 312*
KjiBLaL 22J^230j 357^
Kurdistan , uil

35.

L-SlIOR AIR. 119.


Kkrrf.lmi, i_3JL

I34j

ifi-L.

L
La Calle

1.AKM1TFS

474.
lagiioua , 478,
La H or , 2JiL
L AH V A n ile),jLL
1.AK1T DROU HADDJ, 102,
20,

L A M EGO , 262j

28JL
,

Kaukeban. A5J.
Kerla, 51, 71

KKRAM

:i83

2UL

Lfifi.

9JL 98,

La mu na , 2fi2 2b 9.
LARISTAN, ljL
LA SC ARis (de; , 460.

42tt.

K mi an \ (divination),
KELB, 112.

108.

KONDOFAH, fi.
KOSDAR. 20JL

21L

lien (ClC, 116-149-

Katib Tcheleri

fi.

KlIOUZISTAN, 13L,

lABHiai , 339.
Jauheri-Ali-ben-Ismail. 1LL
JECTANIDE8 13^ 14. 24. 21.

Ji

196.

132, 183, 192, |93j 202, 209^

KHORASAN,

Ifi.

5J_i

130.

Khomarouiaii, \Mi
KllONDEMIR, 421.
KnORAlBA, 97.

Iyaph, 104, LL2.


,

4 10-

KllAZRADJlTES, 29, 48,

'

Italie, 238.
I/.ar

4fli,

Kuarizmr (Voy7Khowaresm\

Ismakl-ben- Serai (Srsg),


Ismaliens, 202, 224^ JJLL
Ismalites, n, j_l

Isskr,

premire femme de Maho-

met . 42, ;LL iiL


Khairar '23, 54.

Islv,

Kiiadidjaii

Ischia (Ile d'), 242.


IsaKin, i9jL 202.
ISFRAINI, 398.
ISHAK-RF.N-lBttAHIM

24k

235j 245j
3JL

KllACAFA

453.

Irak-ADJEMI, iMi LMt 22JL


Isaac ben-Ibrauim, afiL
ISABELLE, 3'i.

i.at,

as,

l.r.nin

Ht

32. 41

5.

I.fiiz, 192.

Lfi.la-Maohnia

478.

Hii

14',

165

502

TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.

LON, 263.
Lon l'Africain, 383.
Lon i.'Isaurien, 159.
LONARD DE PlSE, 386.

Marin de Tvr, 374.


MARMUDA 235. 283, 290.
MAROC. 283, 289, 291, 302,
,

355, 464, 466.


468, 477, 490.
Marwa 80.
Mascara , 468, 469. 470, 473, 477.
Mascate , 446, 449, 457.
Mashallah , 337, 339.

Lerins Ne de), 238.


i

Lettres de change,

270.

Liban, i 16.
Liqueurs fermentes , 82 87.
Lisbonne , 262 267, 276 , 293.
,

Masken 138.
Masocoi, 378,423.
Massold, 210, 217.
Maures indpendants, 129, 133,
Mauronte, 159.
Macsel, 140. Voy. Mossoi l.
,

LOCMAN, 14,
LOHVA, 7.
Lorca, 325.

411.

34.

MAGREB, 25,

146. 170, 192, 205, 233,


275, 283. 289, 291, 301, 302, 464.
Magreb (Prire du), 71.
Magkeb-EL-ACSA, '236, 245,252,255, 272.
M AGREB-EL- AuUSTlIA , 236.

BlAHADI , 245.
MAIIADI (le ALMOIIADE, 299.
i

MAHAD1A 205, 245,


MAHANl (le), 342.
.

288, 292.

471.
MAHI-F.DD1N, 469.
Mahmoud, 209. 215, 230, 350, 357.
Mahomet, 37, 92, 483.
Mahomet Bvgdadin, 370.
Mahr, don nuptial, 84.
,

MahraII 4, 7, 24, 58,


Makam Ibrahim, 80.
,

100, 102.

421.
150, 269, 275, 278, 283, 284,

Malek, 250, 404.


malek adhel, 223.
Malek Camel, 223.
Malik fflls de Nowairah),
Malekites, 404.

383.

228, 229, 443, 446, 448.

Mangou Khan, 228


Mansour, 247.
Marabouts, 232.
Mardaites. 116, 159.
MardaWIGE, 198.
MAREB, 7, 24.

Mruwan
Mervan

toi.

Malhadet, 401.
Malte, 238, 288.

23.

37, 42.

5fi,

136.

139,

2?3.

de), 230. 357,


300.

Merinidks des), 302.


Merr-el-Kebir, 305, 468. 470

230, 357.

Maria,

Meragah (observations
,

Schaii (Melik Scbah),2i4, 226

Mekran, 132, 199.


Meledin (Voy. Malek Camel \
Memphis, n9.
Mentefik, 444.
Mequinez, 346, 466.
MeridA 150, 256, 258. 276,
MerIEM-TCHELEBI, 363.

Mamlolk

223, 449, 453, 459, 402.


Mdah , -Jfi8 et suiv.
MEDINE, 5, 49, 54, 61, 78, 97.
182,223, 459, 462.
Medjana , 475.
Medjez-el-Ahmar , 475.
MEDRA RITES, 346.
MEDRESF.H , 214.

385.

Malais 436.

Malem Cana

61,78,100, 136. 139, 182, 185, 203, 2l4,

Meidani, 412.

326.

Malek

Mazagran. 477.
Mazanderan, 133, 183, 198.
MAZDAC, 22.
Mazdakites 401.
MAZDARITES 402.
MAZZARA. 238, 240.
MBAREK, 467, 469.
MCHOUAR 470, 472.
Mecque (la), 5, 13, 14, 28, 30,
,

Magisme,

ii

23.

MA7.AFKAN, 475.

130.

M Ak i/i
MALAGA,

C2G.

227.

Mawia

Madagascar 436.
Maden (Almaden), 269.
Madjna, 31.
Madrid, 281,296.

Matielma

45

Mawarannahar {Tronsoxiove') 216,

MAAMILAT, 403.
Mabed, 412.
Macta (la), 472.

M ad AIN,

!% 137.
II

168.

Msopotamie, 112.
MESRAH, 120, 194, 195,

2C9.

Messine, 288.

Mesu

391.
Metidja, 471.
MlHMEL, 447.
MlHRAB, 272.
M L A il , 476.
,

MlLIANAH, 471, 475, 477.


Mina 80
Minarets, 71.
Miradje, 182.
MlRAMOLIN, 245.
,

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TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.


Mih MAHENNA,
Mirkhond 4*18.

MOTAZ,

( .

125, 134,

1M,

IjJL

MOCTADER-BlLLAH, IMj 197,211.


Moctafi , 2lL
MOCTAFI-BILLAU L&L 197, 2LL
MOEZZ-EUDAULAH 200, 211,
Moezz-Ledinillah 20 JMUFLIH, 345<
,

MOGADOR

478.
| 348.

MOGETABBI
MOHABBED-AL-DJOHANI

iQ2*

Mon au n (el), 49, 102,


MotlALLEB, 13! lii-L
Moualleb (ils d'Abou Sopha, i2.
Mohammed (V. Mahomet', 3.
J

Mohammed

319.

U1-1X,

Mohammed, 21^ 210.

220.

Mohammed
Mohammed alhamau

320.

AbDasside), 168^

MollAMMt.D-ALl

3J11,

MOTAWAKKEL

L82,
,

2112,

75 189,

M nue ai. i^L


MOALLACAS , 32, 1LL
MOATTELLAS 4 0
MOAWIAH, 96, 98,110, 114,115,

MOAWIAH II
MoBASCHAR

MOSTHADI 218. 22lt


MOTAKI , 197. 200.
MOTAMED, 1^9,
MOTARREZI 407.
MOTASSEM, 6lj 175187,
,

MlR-^CHEMSEDDlN, AOJL
MlSERGUIN. 47T.

303

MOTHAUED, 193, 196, 197, 20 3.


MoTHADl, 189
MOIHAKHALLIMS, 400, 402.
MOTHANNA, 127, HlL
Mot ni , 2i_
MOTTALEB, 20.
MOLXAIAK, mi.
MOUDHAHHABAT, S2i
Mohkharik, 40,
M ou .m in croyant, 44.
m< il.nait.ua (luttes de gloire), -IL
Mounaficoi'n (hippocrites), 49, 52*

MOUNDHIR

er

MoHAMMED-BEN-KELAOUN

Mohammed-benMasouo

39s

U3-

3J2,

MoilAMMED-BEN-MOBASCUAR 357.
MOIIAMMED-BEN-MoHAMAD,
Mohammkd-ben-Musa-al-Kuonvaresmi,
.

III,

22,

MOL'RRARKICH, 33, 416.

MOUSA-BEN-NOSEIR, 146, 150-1 Si.


MOUSAEL-DARKAOUI, 471.
MOUSLIM, 4 \.

moi ad criture), 21,


MOL'STARIBA , 12,
t.
1

150.

MoUTARRIBA

MoHAMMED-BEN-AGLAB 240.
MoHAMMED-BEN CASSfcM, 162,

189, 103,

MOTAZELITKS, 187, 309, 100.


MOTENABBI ,417.

MoUTaUHER,

3i 4

3i_2_.3j_1

463, A65_.

MoilAMMEO-BEN-AlADAMI.

MuUTEMMEM

12^
101.
,

LL

MuUZAlA, 477.
MOUZDELIFA 81,

MoWAhFk, 189. 192-194.


MOZARABKS, 153, 258, 286.
MsiLAU, 477.
Ml'EZZIN

TJj 7JL

Mluamad-el-Nasir, 29JL

33JL 301-

Mohammei>-ben-Ommiah 31iL
MoilAMMED-BEN-bOOUD, 455, iiiL
.

MoiITt.SlB, 102,
Mois saches, 7JL
.Mok a 7^450, 452, 458^ AftL
.

MoKAWkAS

5JL

17 >

*9-

MOKTAU, 137. 138.


Mongols, 21 3. 220,
Monnaies musulmanes, 4b7.
Mosannah , 202.
moslemah iko.
Moslemah-al-Magrithi, 3.'i3
Mossab, (ils d'Omayr, 18,
,

MOSSF.ILAMAH

, 5JL 100. 101,


183, 18_jj 196^ 198, 220.
"
189.
MoSTAGANEM , 469, 470.

MossouL,
MOSTAIN,

MOSTAKFI , 197.
MOSTALI, 2J9. 220.
MoSTALIK, 5_L
MoSTANDJED, 2liL
Mostanser , L8A 207, 211, 2l8j 220.
MOSTARCUED, 217.
MOSTAZEM , 219, 228_-

Ml HAMAD BEN ABDALLAH, 289.


MUHAMAD BEN ALHAMAK , 30.

MUHAMAD
MUHAMAD
Ml

11

BEJS Hl'D. 300.


I", 252, 257, 2&.
276.

A M A D (I

M LU AMAD-BEN -ABDALLAH,

2i(Voy. Al-

manzor.
MI'HAMAD-EL-MAUADI 275.
,

Mlley Abdallah 33JL


Mule y abderrahman 446,
Mlley Hacf.n, 32 i, 325.
Mlley Mohammed, jio.
Muley Mou g 3io.
Mlnlza l5lL
,

468, ill_,

MURCIE,

I5l_j

276, 277^ 279, 286, 291, 300,

3JJL35&
Ml SA-BEN SCHAKIR Ct ses
M( SAP 137. L&.
Mus ara bal. de 234.

3_iiL

M UsTAFH A- BEN-OMAR
Muta,

4fiS.

23.

MuZAFFEH-AL-ISFERLEDIj 366.
Mystiques , 400.

479.
M?, aol ni
,

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TABLE ANALYTIQUE DES MATIRES.

304

Ommades

N
N ABATBN8,

Oppas

A
LL
Nabigha-Dhobyani, 33j 416.
,

nadhirites,

Nadir->cuah,
NADJEUAN, 24j 26, 3!L 5JL
Nadb-ben-Habbth, 112.
Narha. sa
Narhla, 3_l_, 41.
48_.

Namar

(la prire), l.
138.

NaMIR,

i9-

Oran. 291, 306, 467, 471 et 6UV.


OllDOl'N, 105.
ORLEANSVILLE , 47 S.

2'j,

NABIB,

96, 99.
(visite desleux saints;, 58, 19,

Omba

ORMU7. 4J6_, 4J9, 1.V2.


ORTOK, QrtOKIDES, 216, 221L
Ostie (Port d').24l.
( t
a tils de Piiaman,
OTBI, 426.
Uthman , fils dUfiun , 44. 46, 61-61,
.

96. 97j 124L 121.

Napolon. 46al
N A RBONNK, 150a 260,
N A SA F 1, iOi.
NASAR-ADOIL-CIUZ. 320.

Othman , ftUde

NASRITES, 2JL.
N'ASSEn-EDDAlLAH, l&L

Ouama, lilsdeTTd,

NA88IR-EDDIN>T IIOUSI

Hoiiwaritb, 39,
Ottomans. 229, 230, 417.

OVAUAY.

Oni.it

230

111

3AI

OlRIQUElbat.

Piinca

de),

POITIEBS (bat. dei, 158.

tils

135.

Portes de Fer , 476.


Portugais , 445. 44.
Ponxa (le de). 212*
Poudre a canon 12&

5_,

de ZyuJ, L3JL

loi, 129.

36, 4jj

il 5.

Octai, 221.
Odheyna lOdenaih), 2SL

Oui

D. 52. 76.
, 4 12.

OKnvu

QlILOA, 462.

OLOI'G-Beg, 230, 351, 363, 38JL

Uuintos

OMW

OMAB

i,

7j

X4, 27, 68,

11H),

102,

(bat.

de\

46, 47, 49, 52, 62, 75, 78j 94_,


96, 101, 108, 1 10, 111. 11, 128, i'VJ.

DMA! 0

R
Radia,

32,

mua. lilsd'0niniiah,'80.
K a eut dis t)5.
K

iBL

<>MAB , 38 :i.
Omar ben-Hassan,

2iiL

til,

I t ,

i.)9,

ni.

PlSE, 24JL 2M,


Platon du Tivoli, 286.

52.

OBEIDOILAH

3J_,

i,bat

phylabquks, 19.
Piebbe de Navarre, 3ojl
PlERBB NOIRE "13,82, 21LL

308, 3J1L

Obeidollaii
,

i:<s.

ois), 11,

Philippe U, 32fi>
Philippe III, 33iL
puilippeville, 476-

0cA7.ll

(i

Pebi jHBIS, iilL


Perse, itl {Ma 2J6, 218, iiL
Pet 11 a . 3. 17. 1b, 7JL

122.

ObolLAH,

288, i

WL

III. V. 22.

P
P A LE II M K

P asti: uns

Norias, 21L
Normands, 2fil*
Nouba a (combat de), il.
NOUB-EDDIN, 216. 221.
NOWAIBI. 3, 82, 42,

ObEIDAII

2113.

Pelage, I5i.
Pendjab, 20iL

Nisbi nracteres;, ill


NOAII, 20R

OA TAXES,

il'.

287,

d'),

Palhyre, L
Papier de coton,

3_3Jl*

i0'2.

NlSCHABOLR, 316.

M Dit,

58, 100-103.

47S.

NlGBITIE. 465.

NoMAN

Ol'ED-ZEXATI, 475.

OlIMM-AM AN, 41.


OUMM-KlIOLTUOUM.

NlZAMITES,

fi..

Ot'AD - kl-Alic, 477.

360, 380, 2119.


Nkciimf.ya, 475.
OIlAM-KI -iMl LK, 'ill, i26.
NEDJED, 4, Jj 8, 13, 28, 33 1 52. 34. &8
100. 140. 4M. ii8u
Ntoi scu d AnvssiMK, 26, 43. 5JL
nehavend, l31l 337,339.

Nestoriens,

JA

2AL

Omab-ben-Khaldouk, 353.
Omar-KBEAM, 215. 351. 35i>,

HaIKITSTS, 198.

(combat de\ 33^


itvMinn\\ fjenedu', l

liAJUl

367, 311L

iLi*

TABLE ALPHABETIQUE DES MATIRES.


RaMDHA

(colline voisine ce lu

Merqu

),

Ai
AMI.

Vil,

SaNGBE DE CASTILI.E

26JL

RaSS-EL-AKBAB 37
RAVENDIENS, ViU2.
,

itAVRWK

.'i.

S.VRDA1GNE, 238,

(cole de), 372.

Raymond de Bourgogne
R azzias,

286.

'237.

Cil A Tll.l

1\

221

237.

RUADI. 197^ aa.

RBABARITES, 277.
Rhodes, ii4.
Rida, I&

(le), iiiiL

Rifada, 2JL IL.


Rio-Salado. 3_UJL 3_23_, 32t.
Rocaia 4JL
RODRIC, Mjj L4fi^
Rodolphe de Bruges, 3JUL
,

Roger

380, 386.

Rom anus

Roncevaux (combat de),


, US,
ROUM, 21^

26.L

S
Saana (Voy. Sanaa).
,

SABISME, 34.
Saboln, 465.

bo.

FREINS
,

VII

H>

LiiL

SEFFEIN,

466.

Sebel-ben-Bashar, 3 i 4
Sebnoun. 404. 40S.
Seif-Eddallab, 19JL

273.

Sahiii Ue), iOJL


Sai, 80.

tils d'Abou-Wai us,


Sala (combat de), 33. _

i29.

SALADIM (Selah-Eddin), 22L

SALAMANQLE.

262J2JJL

139, 46 3.

SALEM-BEN-ZlAD,

MLtHITES,

9_&.

Seif-Eddin, 22L.

Said,

16j_.

20_

SAMA1L, 234.

SAMAN, SAMA.MDES, |93j 197, 20, 2itL


SAMARA.Ui.
MMARGANDE , |32, IK 184. M6. 362,
438
Samba,,

d'Aboul-Sorour, 423.

(bat. du), 21LL

AMTA,

SALEII

lils

SEBEGTEGBIN , 20JL
SEDJELMESSE , 248. 283. 292.
SKDILLoT (J.-J.), 352. 356, 382. 408.
SDILLOT (C), 17JEL
SEDJFSTAN. 132, 197.

sad, tilsde Moadz. 75,


Sad. fils d'Obada, afi,
l

Sghems-Eddin
SGHERIA, 4111.

s va
7_, |5_j
ABhE.Vs 13, 24^ li.

SAVA

ScHELiF, 473.
ScllKMS-EDDIN, 402.

Sgberif-eddin-Ali, 428.
scberifs, 310,490.
SCBIBAM, 1
SGHIITES, 28_, i_3JL
SGB1RAZ, Hl^lilL
SCBIRKOUK., 221.
SGBIRWAN. Htt.
SBASTIEN , 310.
SEBAOL, 477.
SEBDOU, 477.

ROOSTEM, L2&.

SAHAGON
MllAUA

Sgbems-eddin-al-Halebi, 36 1.

105.

IlOSTAMlTES

2fiiL

SAUDA. 46.
Sayyid-Yousef, 4_ul
schafe, schafeites, 4114
SCHAH-CnOLGI 3Ji.
SGHABHESTANI 428.
SCBAB-ltOKB, 230, 363, 3A1. i_LL
SGBAMAR, 2fi>
SCHAMER. 135_, 13JL
SCHAMOUL-BEN-tOI DA, Hii".
SCH ANKARA 4|6.
SGBAUF-EDnAULAB, 208, 3i7.
SGBEBAB-EDDIN-ABMED-AlkAHI 427.
Slbeikb (vieillard on seigneur). 1, 7JL
SCBEIKB-EL-ARAB, 176.
SCDEIKB-EL-DJEBEL. 22Ll.
SCHEIKH-LL-IMAM, 07
,

RENAIT DE
,

263.

Reka Ua
RESADA

SaNGIAR, 215. 2UL


SANTA-F, 327.
Sapiiadin (Voy. Bfatek-Adhd!, 221
SARAGOSSE, 15Jj 25JL 27 G. 280. 2a 5.

10.

RASGBED, 21?Rascbid-Eldi.n. Vib.

Rif

Aii

R.VMIKR
Il

Sanaa, 7, 1^27, 45, 4J^


Sanadjites 489.

505

SELDJOUKIDES, 350.
SELIM l r AL
Selim Hi AAiL
SELMAN, ilL
SELSOUS, 477.
S END-BEN- ALI, 338.
SENNAAR, 437.
SEPTIMANIE, 153j 156
SRAPION, ,193.
,

SERGIU8,

12, V.

158, 159, 260.

DJERDJIS.

STIF, Hf,

Sevill
l3t

Samta,4jl

150. 2fii, 2]8j ajMiSsr, 22


.
296. 3O0, 315, 353.
, (757,

SEYBOrSE

29

Digitized

TABLE ALPHABTIQUE DES MATIRES.

506
SHEB1B, 139.

TALAVERA, 257, 262.


Talent, 466.
Talhaah-al-Nasaf, 398.

SlBAVAIHI, 408.
SlCAYA, 29.
Sicile, 159,238, 287, 438.

SlCKAH

Talimites, 401.

Tamerlan. Voy. Timour-Lem*.


TAMEZAOUAT, 470.
Tanger, 246, 283, 305, 355, 478.

(la;, 474.

Sidi-bel-Abbs, 478.
SlDI Hescham, 466.
Sidi-Mahattan, 470.
Sidi-Tamtam, 475.
SiDONiA (bat. de), 299.
Sierra de los Infantes,

SlNAN, 308.
Si.nan-Pacha, 450.

Tantarani, 417.
TARAFA, 32, 35, 415.
Takente, 242. 248, 282.
Tarifa, 300, 323.
Tarik, 146, 152.
Tarmidz, 132, 161.
Tarragonne, 269, 295.
Tahtares Mongols, 213.
TASFIN-BEN-ALI, 285, 291.
TASHBIH1TES, 401.

SlND-HlND, 339.

TAURIS, 183.

SlRlUS, 35.
SlWAH, 78.

Tawaf. Journe pieuse,

323.

SlFATlTES, 401.
Sihr (magie), 35.

Simancas (bat. de), 263.


Simoun, 9.

Slavons. Garde slavunne, 259.

Tat, 58, 101.


Tatef. V. Taief.

Smala

Tchad

(la),

478.

45, 82.

(Laci, 465.

SOCOTORA, 436, 446.

Tchinghis-Khan. V. Gengis-Khas.

Soffarides, 192, 196, 346.


Soliman, 152, 153, 159, 163, 167, 215,

Tebai.A, 30.
TEDJ1NI, 476.

TEFTASANI, 409.

306, 448, 450.

Soliman, Dis de Sorad, 137.


SOMANITES, 401.
SOMAULIS, 436.
SONNITES, 98, 136, 204.
SOOCD, 455,459, 481.
Sophistes, 40 i.

Soudan,

437, 465.
Soufis (Sophis), 204, 402.
SOULAYM, 101.

SOULLAZ, 33.
sou m en at, 209.
Spahis, 471.

SUEZ, 443, 445, 449.


sufetula,121.
suleiman, 256, 275.

Sumatra, 436.
Strie, 105, 134, 198, 216, 218, 228.

Taabbata Scharran, 416.


Taadil (imposition), 27 1.
TAAZ, 450,452.
TAAZA, 478.
TABARESTAN, 192, 197, 205.
TABAR1 , 424.
Tables alphonsines, 322.
Tabocc, 57.
Tadmor,

105.

248.

Ta-Tsong, 132.
Taef , 6 , 30, 31
462.

T AIMA,

Telha, 97.
Tell (le), 466.
Temini, 33, 57.

TMOINS, 87, 88.

THAHER,

174, 182.

Thaherites, 346.
Tha, 201.
THAKIFS, 57, 58.
THALABA, 23.
TU A MOUD, 66.
TnEBIT-BEN-CORRAH, 341, 366, 370, 397.
Thjiah, 100.
Theodemir, 151.
THOULONIDES, 193, 196, 346.
THOUR, 49.
TlBRIADE, 105, 223.
TiMOOR-LENK, 330, 362, 444.
TlNMAL, 289.
TlTERY, 467.
TlZi,476.

TLEMCEN, 236 , 291

302

306, 441, 468,

470, 472.

Tobbas, 7, 24, 483.


TOLDE, 150, 151, 256,248,269,276,278.

Tolosa (bat. de), 298.


TOMBOUCTOU, 466.

476.

Tachlibites, 33, 100, 113, 128

Tahart,

6, 21.

279,281, 296,299, 333.

Tafna,471,475.

TAGDEMPT,

TEHAMAH,

TERBIR, 71.
Tekrit (combat de), 128Telbiye, 79.

46, 57, 5*, 100, 459,

TONOUKHITES, 20, 112.


TORTOSE, 257,277.
TOULAIAH,58, 100.

Tours

(bat. de), 158.

TOZDN, 200.
55.

TOGRUL-BEG, 207, 210, 211, 2l.

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TABLE ALPHABTIQUE DES MATIRES.


Tripoli, ni, 223.237,292, 307, 309,441,
464.
, 237, 248, 292 , 300, 302, 306, 309,
441, 464, 468.
TCRCS, 132, 175, 213.
TURCBKE-BlLMES , 463.
Turcs Khozars , 113, 160, 179.
Turcs orientaux, 230.
Turcs Seldjourides, 209, 210.
TURRKSTAIf, 216.

TUNIS

TR, Ut.

463

YERHOUK,

109.

YEZD, 183.

Yezid \", 110,


Yezid H, 167.
YOLRINNA, 110.

112, 134, 136.

YOUSEF

I, 11, III,

IV, 295, 320, 324.

YOUSEF-BEN-TaSFIN, 283, 295.


YOUSEF-HANIFI, 408.
YOUSOUF, 255.
Yousouf-Balrin-ben-Zeri, 247.

299, 323.
(bat. d'), 285.
(Lois contre If), 86.
,

Ucls
Usure

13, 24 et SU1V., 37, 55, 58,


100, 182,224, 390, 441, 443, 448, 452

YOUNIS, 142.

UBEDA

507

YakOUR, 295.
Yanbo, 6.
YMEN, 4, 5,6,

YUSIJF, 234.

Valence, 269 270 , 276, 277, 284


,

294, 299, 300, 313, 329.

285,

ZAATCBA, 479.
Zab, 169.

VANEGAS, 320.

Zabara,

Venise, 445.

ftls d'Amr, 39
Zaid-el Kbail, 34.
zamakscbari, 409.

Verdan, 106.
Viandes dfendues, 82.
f IF.UX DE LA MONTAGNE. 225.
VlSEU, 262, 280.

VlTELLION

386.

Vizirs, 180.
Vol (Lois contre

WADl'L-CORA, 55.
Wahabis, 454 et suiv., 461, 462.
37.

l% 71, 146, 147, i5,, 152.


II. 167.
WALIS, 152. 276.
Wamba, 147.
WARACA, 39, 44.
Waseth, 198.
Wathek, 175, 187.
Witiza, 147, 149.
WIZIRS,274, 276.

Xativa, 300, 313, 439.

Xrs

(bat. de), 149.

XiMENS, 305, 328.

YACOUB, 192.
Yacouba fbat.
Yacoct, 380.
Yaez, 300.

ZAMORA, 258, 260, 262, 280


Zanguebar, 436.
ZANBAGA, 235, 247, 248, 282.
Zanzibar, 452

le), 86.

W
WAHB,
Walid
Walid

325.

Zaid,

d'), 124.

Zbra (Zcnobie), 20.


Zebid, 443, 448, 450. 452.

Zgat (dme aumniiej,

Zeiira, 253, 273.


ZEID, 42, 43, 188.
ZEIDITES, 450, 452.

Zeinab, 46.
ZERITES, 246, 248, 282, 288,

29*2,

489.

Zelaca (bat. de), 284.


Zemzem, 13, 29, 203.
Zkndiens, 202.

Zendirisme, 175.
ZNTES, 246, 247, 255, 25y, 264
ZENGBI, 216.
ZENGBIENS, 193.
ZNOBIE, 20.
ZBOR,fJl<it, 71.
ZlAD, 134.
ZlRAN, 477.
ZlZlM, 445.
ZMELAS, 470, 472.
ZOBIDE, 185.
ZoBlR, 97, 113, 124.

Zobair, pote arabe,


Zohair, 33.

ZOBIR

32.

415.

YAHIA, 276.

ZOBRI, 37.

Yabia-ben-Al-Nasir, 299.

ZOUAOUA, 476.

Yarem.

ZOLZENI, 429.

200.

51, 100.

Zedjadj, 408.
Zegrik, 320.

FIN DE LA TABLE ALHPABKTIQUE DES MATIRES.

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TABLE DES CHAPITRES.

Avant-Propos

Page

L1VHK PREMIER.
Gographie de l'Arabie; des Arabes avant Mahomet.

Gographie de l'Arabie

Chapitre

I".

Chap.

Les Arabes avant Mahomet

II.

10

LIVRE DEUXIEME.
Mahomet
CBAfe,

I' r-

et le Coran.

fcal do l'ArahiP. la fin il vi sicle

de notre re

Chap. IL Mahomet
Chap.

111,

38
.

L e C o ran

11

LIVRE TROISIME.
Les Arabes peuple conqurant.

CHAP.

l*

r
.

Les Arabes s'organisent pour porter

guerre au dehors.

la

Premiers khalifes
Chap.

93

Mahomet; rpres-

tat politique de l'Arabie la mort de

11.

sion des faux prophtes; invasion de l'Asie occidentale

(C32-690)

Chap.

Chap

Conqute de Tgypte et de la Perse ; invasion de l'Afrique


et du nord de l'Asie (',38-680)
IV. Histoire intrieure du khalifat depuis l'avnement des
111.

Ommiadcs

L22

(060-705)

Cmap. V. Nouvelle priode de conqutes


tentrionale, de l'Espagne, de

de

la

Transoxlane

et des

LL

invasion de l'Afrique sep -

la

Gaule, de l'Asie Mineure,

bords de l'indus

142

LIVRE QUATRIME.
Grandeur et dcadence des Arabes .en Orieui.

Chap.

,r
.

Limites de l'empire, arabe en 743


des Abbassides

lutte

des Ommiadeset

khalifats d'Orient et d'Occident

\M

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TABLE DES CHAPITRES.

3i0

Grandeur des Abbassides; tentatives de centralisation. Page

Chap.

11.

Chap

III.

Raction des nationalits contre

le

pouvoir central

171

dca

dence de l'autorit temporelle des khalifes tablisse ment des fathimites en gyptc; derniers Abbassides.
;

189

Chap, IV. Empire des Turcs Seldjoukides; anantissement de l'autodes khalifes Abbassides; invasion des

rit spirituelle

Mongols

et des

Turcs orientaux;

fin

de

la

domination

211

des Arabes en Asie

LIVRE CINQUIME.
(Grandeur et dcadence des Arabes en Occident.

Chap.

Les Aglabiteset

I*'.

les drissites, les

Fathimites et les Zeirites

en Afrique les Ommiades en Espagne


Les sucrs des Chrtiens .sur les Arahes d'Occident sont ar ;

Chap.

11.

Almohades

rts par les Almoravides et les

Chap.

III.

Dcadence de
le

21i

arabe en Afrique; tablissement

la race

des Turcs Alger et Tunis

dans

233

la

dynastie des Schrifs

Maroc

301

Chap. IV. Dcadence et expulsion des Arabes d'Espagne

312

LIVRE SIXIME.
Tableau de

Chap.

I'

r
.

la civilisation

arabe.

L'cole de Bagdad continue l'cole d'Alexandrie.

Pro332

grs des sciences exactes

Chap.

II.

Chaf.

III.

Des sciences physiques chez

De

la

les

Arabes

philosophie chez les Arabes.

prudence

387

Thologie

et juris-

lettres et arts; Inventions

39H

LIVRE SEPTIME.
tal actuel de la race arabe.

Chap.
Chap.

K
II.

Les Arabes d'Orient

442

Les Arabes d'Afrique

464

Table analytique des matires

fin

493

de la table des chapitres.

Imprimerie de Ch. Lahure (ancienne maison CrapeleO


rue de Yaugirard,

y,

prs de l'Odou.

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