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Paul Monceaux
Chronologie des uvres de Saint Augustin
In: Comptes rendus des sances de l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres, 52e anne, N. 1, 1908. pp. 50-53. Citer ce document / Cite this document : Monceaux Paul. Chronologie des uvres de Saint Augustin. In: Comptes rendus des sances de l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres, 52e anne, N. 1, 1908. pp. 50-53. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1908_num_52_1_72174 50 SANCE DU 31 JANVIER PRESIDENCE DE M. E. BABELON. Le Secrtaire perptuel donne lecture de son rapport sur les travaux des Commissions de publication de l'Acadmie pen dant le second semestre de 1907 K. MM. Demsle et Gagnt sont dlgus par l'Acadmie la Commission Debrousse. M. Philippe Berger prsente l'Acadmie l'inscription fun raire d'un fondeur trouve par le R. P. Delattre dans la ncro pole de Bordj-Djedid. Cette inscription est curieuse cause de l'aspect tout fait inusit des noms propres des anctres du dfunt. M. Berger se demande si ce ne seraient pas des noms grecs transcrits en punique. Un change d'observations a lieu ce sujet entre lui et M. Alfred Croiset. M. Hron de Villefosse lit, au nom du R. P. Delattre, une note sur un puits rempli de squelettes, dcouvert Carthage, peu de distance de la basilique de Mcidfa. Au-dessous d'un amoncellement de squelettes d'environ trente mtres de hau teur, le dvou correspondant de l'Acadmie a recueilli des dbris d'inscriptions dont deux renferment le nom de Perptue et dont deux autres appartiennent des pitaphes de la gens Vibia. Or sainte Perptue, martyrise Carthage, s'appelait Vibia Perptua. Le P. Delattre en conclut que le terrain sur lequel il a fait cette dcouverte appartenait la famille Vibia qui possdait l, sur son propre domaine, une spulture prive. Il croit aussi que le puits rempli de squelettes avait pu rece- 1. Voir ci-aprs. SANCE DU 31 JANVIER 1908 51 voir les corps des nombreux Donatistes qui, en 317, trouvrent la mort dans la Basilica majorum en rsistant main arme l'dit de Constantin, dit qui leur enjoignait de rendre aux catholiques leurs glises *. M. Paul Monceaux, professeur au Collge de France, a la parole pour une communication : La chronologie des uvres d'Augustin, au moins dans les grandes lignes, est fixe depuis longtemps, depuis les travaux des Bndictins et de Tillemont. Cependant, il reste bien des points rviser. Notamment, il rgne quelque incerti tude, et l'on constate quelques dsaccords, sur les dates des vingt ou vingt cinq ouvrages qui se sont succd entre les annes 396 et 404. La faute en est, comme nous le verrons, aux Acta contra Felicem Manichum, document dat du 7 dcemb re 404, qui, premire vue, occupe une place anormale dans la srie chronologique des Rtractations. Prenons pour exemple le plus clbre ouvrage d'Augustin : les Confessions. Les Bndictins, suivis par Bardenhewer dans sa Patrologie, les placent vers 400 ; Tillemont, en 397; Morcelli, dans son Africa christiana, en 398. D'o viennent ces diver gences ? A vrai dire, les Confessions elles-mmes ne fournissent aucune donne prcise : autant l'ouvrage abonde en renseigne ments sur la jeunesse d'Augustin, autant il est discret sur la priode qui a suivi la conversion de l'auteur, ou, du moins, la mort de sa mre. De la lecture des Confessions, on peut con clure seulement que l'ouvrage est postrieur au retour d'Au gustin en Afrique2, tout au plus, son ordination piscopale en 395 ou 396. Cependant, nous avons un moyen indirect de fixer un terminus ante quem. Augustin mentionne lui-mme ses Confessions dans le De Genesi ad litteram et dans le troisime livre Contra litteras Petiliani*. Or le De Genesi ad litteram a prcd immdiatement le Contra litteras Petiliani4, et ce 1 . Voir ci-aprs. 2. Augustin, Confess., IX, 8, 17. 3. Augustin, De Genesi ad litteram, 11,9, 22; Contra litteras Petiliani, III, 17, 20. Cf. Contra Faustum, I, 1; Epist. 230, 4; 231, 6; De dono per- severanti, 20. 4. Augustin, Retract., II, 50-51 (dit. Knll). 52 SANCE DU 31 JANVIER 1908 dernier ouvrage peut tre dat directement : le second livre a t compos sous le pontificat du pape Anastase', qui va de 399 401, et le livre III, qui a suivi de prs, a t crit vers 402. D'aprs cela, les Confessions ne peuvent tre postrieures 401. Pour prciser davantage, il faut s'adresser aux Rtractations. On sait combien est prcieux cet opuscule, o Augustin, dans les . dernires annes de sa vie, a pass en revue tous ses ouvrages. Pour cet examen rtrospectif, il a suivi Tordre chro nologique : c'est lui-mme qui le dit la fin de sa Prface*, et l'on peut en croire un homme aussi scrupuleux, aussi mthod ique. Ajoutons que l'opuscule nous est parvenu en fort bon tat. On n'est autoris en suspecter l'exactitude chronolo gique, que si l'on parvient saisir une preuve certaine d'erreur. Cette preuve formelle, on ne l'a jamais produite jusqu'ici ; et cependant les Bndictins, Tillemont, puis, leur suite, bien des critiques modernes, ont incrimin l'occasion la chronolog ie des Rtractations. La faute en est encore aux Acta contra Felicem Manichum. Voici les faits, en ce qui regarde les Confessions. Dans la liste chronologique des Rtractations, c'est le sixime des ouvrages composs par Augustin aprs son ordination pisco- pale3. D'autre part, les Confessions sont antrieures de deux rangs aux Acta contra Felicem Manichseum A (document dat, nous l'avons dit, du 7 dcembre 404) ; de onze rangs, aux trois livres Contra Epistulam ParmenianP (qui datent de l'anne 400 environ); et de dix-neuf rangs, aux trois livres Contra lit- teras Petiliani6 (dont le second, crit sous le pape Anastase, ne peut tre postrieur 401). Donc, il y a erreur dans la chronologie des Rtractations. A moins que l'erreur ne soit le fait d'un copiste; et c'est 1. Cathedra tibi quidfecitEcclesiae romance..., in qua hodie Anastasius sedet? (Contra litteras Petiliani, II, 51, 11). 2. Augustin, Retract., Prolog., 3. 3. Augustin, Retract., II, 27-32. 4. Ibid., II, S2 et 34. 5. Ibid., II, 32 et 43. 6. Ibid., II, 32 et 51. SANCE DU 31 JANVIER 1908 53 prcisment le cas, notre avis. On surprend Terreur dans l'ouvrage qui, lui seul, cre toutes ces difficults : les Acta contra Felicem Manichum. Voici la date que donne le texte actuel de ce document : Honorio Augusto sexies consule, septimo idus decembris K . Le sixime consulat d'Honorius cor respond Tanne 404 de notre re ; c'est, en effet, la date que tous les rudits ont attribue au document. Il y a l, pourtant, une altration vidente du texte primitif. Au lieu du VIe con sulat d'Honorius, le manuscrit original indiquait presque sre ment le IVe consulat du mme empereur : la confusion des deux chiffres, rsultat d'une simple transposition, est trs frquente dans les documents, surtout dans les manuscrits des Actes des Conciles2. Le IVe consulat d'Honorius correspond Tanne 398; les Acta contra Felicem datent donc du 7 dcembre 398, et, par l, se trouvent reports dans la priode des polmiques d'Au gustin contre les Manichens. Par cette correction trs simple, toutes les difficults disparaissent : Tordre chronologique est rtabli dans les Rtractations, on est amen reconnatre une fois de plus l'exactitude d'Augustin, et, du mme coup, nous pou vons dater, quelques mois prs, vingt-cinq de ses ouvrages. Pour nous en tenir aux Confessions, la date, au moins approximative, devient facile dterminer. C'est le sixime des ouvrages composs aprs l'ordination piscopale d'Augustin (en 395 ou 396); et il ne prcde que de deux rangs les Acta contra Felicem Manichaeum, procs-verbal rdig le 7 dcembre 398. Par consquent, les Confessions ont t crites vers la fin de 397 ou le commencement de 398. M. Collignon fait une communication sur une statuette grecque archaque du muse d'Auxerre. Cette statuette, en- pierre calcaire, date de la premire moiti du vie sicle, et appart ient la srie des figures fminines en forme de xoanon. Elle reprsente une femme, sans doute une orante, la main droite 1. Acta contra Felicem Manichum, I, 1. Mme date dans les Rtrac tations (II, 34) par suite de la mme confusion. Notons cependant que plusieurs manuscrits des Rtractations omettent ici le chiffre du consulat, et qu'un autre indique le troisime consulat d'Honorius (= 396). 2. Il est probable que le IIII du texte primitif s'est altr en III, puis en VI (par le rapprochement des deux premires barres de III).