Sémantique Vériconditionnelle

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Cbuitre z
Smantique vriconditionnelle et
calcul des prdicats
. lntroduction |u smuntique vriconditionne||e
z.i.i 5ens, dnotution et rfrence
Les phrases (ou noncs) de la langue nous permettent de parler des choses, du
monde, cest--dire de la ralit. Elles nous permettent assurment dexprimer et
de faire dautres choses, mais il semble trs dicile dcarter cette vocation com-
menter le rel. Par consquent la smantique doit tre amene sintresser entre
autres aux rapports entre les entits linguistiques (mots, syntagmes, phrases) et
les entits du monde (choses). Il y a beaucoup de manires (philosophiques ou
cognitives, pratiques ou thoriques) denvisager ces rapports
r
. Nous allons nous en
tenir une vision assez claire et trs classique, initie par Frege (Sb)
z
dans son
clbre article ber Sinn und Bedeutung (en franais Sens et dnotation ).
Partant dune dmarche avant tout philosophique, en cherchant asseoir so-
lidement une thorie gnrale de la connaissance, Frege pose une distinction fon-
damentale entre dune part le sens et dautre part la dnotation dune expression
linguistique les termes originaux employs par Frege sont respectivement Sinn et
Bedeutung. Notons tout de suite que Bedeutung est parfois traduit par rfrence
.. Il nest pas de mise, dans cet ouvrage, de dfendre, ni mme de justier un certain para-
digme de thorie smantique, en loccurrence celui de la smantique formelle vriconditionnelle.
Ce paradigme est ici tenu pour admis ne serait-ce que par hypothse de travail puisque le
prsent manuel se consacre le prsenter. Cest dailleurs cet gard plus quune hypothse, cest
un prsuppos. Et cela inclut fondamentalement une incontournable relation entre la langue, en
tant que systme, et ce qui lui est, dune manire ou dune autre, extrieur et que nous appelle-
rons ici la ralit. Sur ce point et en particulier sur ce quil convient de concevoir comme ralit
extra-linguistique dans une perspective smantique, je ne peux que recommander la lecture du
premier chapitre de Kleiber (.ggg).
z. Frege (.gzb), ainsi que Frege (.gza), sont des lectures trs abordables et incontournables.
Les travaux de Frege peuvent tre tenus pour le point de dpart de la smantique formelle (ainsi
que de la logique moderne).
CC by-nc-nd/./fr compil le octobre
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6 Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
(ou rfrent)

, cela se prsente parfois comme une variante terminologique libre ;


cependant nous ferons ici (dans les pages qui suivent) une distinction subtile entre
rfrence et dnotation.
Dnition z.i (Dnotation)
La dnotation dune expression linguistique est lobjet du monde que cette ex-
pression dsigne.
Cette dnition est une premire approximation et nous la ranerons plus tard.
Regardons tout de suite lexemple de Frege : ltoile du matin et ltoile du
soir . Ces deux expressions ont la mme dnotation car elles dsignent le mme
objet cleste : la plante Vnus

. La dnotation est donc cette notion qui incarne


directement la relation entre les lments linguistiques et les entits de la ralit.
Cependant Frege montre que la dnotation ne peut pas sure dcrire le rle
(quon appellera plus tard smantique) dune expression dans une phrase, et que
ce qui importe cest, nalement, le sens de lexpression. Et ltoile du matin et
ltoile du soir nont pas le mme sens. Cest ce que rvle, par exemple, le test
de substitution suivant :
() Ltoile du matin est ltoile du soir.
() Ltoile du matin est ltoile du matin.
La phrase () est obtenue en remplaant dans la phrase () le second groupe
nominal (ltoile du soir) par un autre groupe nominal qui a la mme dnotation
(en loccurrence ltoile du matin). Cette phrase () est vraie par ncessit, elle le
sera toujours, sa vrit est inscrite dans sa forme : cest une tautologie. Et en tant
que telle, elle napporte aucune information pertinente. En revanche, la phrase (),
elle, apporte de linformation, elle est intressante, elle nest pas une tautologie.
Ces deux phrases sont loin dtre synonymes : elles ne disent pas la mme chose.
Puisque ltoile du matin et ltoile du soir ont la mme dnotation, rien
ne distingue () de () du strict point de vue dnotationnel. Dailleurs on sen
tenait uniquement aux dnotations, les deux phrases reviendraient simplement
un schma quatif de la forme : vnus = vnus. On voit bien que ce qui les
distingue, cest autre chose : cest le sens des expressions quelles contiennent.
Comment Frege dnit-il le sens ? Si la dnotation est lobjet du monde dsign
par lexpression, son sens est le mode de donation de cet objet. Par mode de
donation, il faut comprendre ce qui nous donne la dnotation de lexpression. On
. Il faut ajouter que dans le langage courant, cest--dire hors du vocabulaire technique des
linguistes, Bedeutung est aussi traduit par signication. Mais cette traduction nest gure appro-
prie pour nommer la notion identie par Frege ; de plus nous essaierons ici de ne pas retenir
signication comme un terme technique, cest--dire que nous ne lui attribuerons pas une dnition
prcise et scientique, et nous lutiliserons dans son acception quotidienne.
. noter que le nom propre Vnus a ici, lui aussi, cette mme dnotation.
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.. Introduction la smantique vriconditionnelle
peut voir le sens comme une construction linguistique

, cest--dire la fonction in-


tellectuelle qui permet dapprhender un objet du monde partir dune expression.
Adoptons cette dnition.
Dnition z.z (Sens)
Le sens dune expression est ce qui nous permet de connatre la dnotation de
cette expression.
Le sens nest donc pas la dnotation, mais il est dni partir delle. On peut
le voir comme une sorte de mcanisme dattribution dobjets des expressions de
la langue. Cela peut paratre un peu abstrait de prime abord (mais aprs tout,
le sens est une notion relativement abstraite), mais nous verrons au l des pages
de ce manuel (jusquau chapitre ) que la dnition de Frege est susante pour
dvelopper notre thorie smantique et pour recevoir une formalisation prcise.
Voici une autre paire dexpressions qui ont la mme dnotation mais des sens
dirents : le vainqueur dIna et le vaincu de Waterloo

. Ici la dirence
de sens ne rside pas dans lventuel contraste de connotations aectives ou
apprciatives qui pourraient venir se greer sur les mots vainqueur et vaincu. Les
sens de ces deux groupes nominaux dirent car pour en connatre les dnota-
tions, il faut tre au fait, dune part, de lissue de la bataille dIna, savoir qui la
remporte (et donc savoir ce qui signie vainqueur), et dautre part, savoir qui a
perdu la bataille de Waterloo (en sachant donc ce que signie vaincu). Il se trouve
que dans les deux cas, la rponse est Napolon, qui est la dnotation commune
des deux expressions, mais on voit bien quon y a accd par deux cheminements
(cest--dire deux sens) distincts.
Frege souligne que direntes expressions de la langue peuvent avoir le mme
sens (la somme de et et la somme de et

), que des expressions de sens


distincts peuvent avoir la mme dnotation (par exemple ltoile du matin et ltoile
du soir), et des expressions peuvent avoir un sens mais pas de dnotation (par
exemple on peut concevoir le sens de la suite qui converge le moins rapidement
bien quelle nexiste pas ; de mme pour le plus grand nombre premier ou un cercle
carr ; et cest prcisment parce que lon peroit leurs sens que lon sait que ces
expressions nont pas de dnotation).
Rfrence et rfrent Avant de poursuivre, ouvrons une petite parenthse termi-
nologique et notionnelle qui pourra savrer utile par la suite. Le terme de rfrence
. Frege insiste sur la distinction entre le sens et la reprsentation mentale (et donc subjective)
que le locuteur peut se faire dun objet. Le sens est conventionnel, consensuel dans la mesure o
il est ancr au code de la langue.
U. Exemple tir de Lyons (.g;;), qui lemprunte Husserl.
;. Cet exemple est loin dtre trivial. On le sait, une simple modication de lordre des mots
peut avoir des rpercussions smantiques non ngligeables, y compris dans les expressions qui
parlent doprations mathmatiques. Comparez le produit de par vs. le produit de par
avec la division de par vs. la division de par .
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S Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
est souvent employ comme synonyme de dnotation, et ce en vertu de la dnition
quon lui assigne couramment. En eet on appelle rfrence la relation qui sta-
blit entre une expression et ce dont parle un locuteur en utilisant cette expression.
Ainsi on dira que le vainqueur dIna fait rfrence, ou rfre, Napolon. Et
on dira consquemment que Napolon est le rfrent de lexpression. Cela concide
bien avec la dnotation.
Cependant on peut (et mme on doit) apprhender ces deux notions de deux
points de vue dirents. Dune certaine manire, la rfrence a un pied dans la
pragmatique, dans la mesure o sa dnition fait intervenir le locuteur. On peut
dailleurs faire ici une remarque similaire celle faite en .. (p. u) sur lide
de vouloir dire : si on peut dire que le groupe nominal le vainqueur dIna fait
rfrence Napolon, on peut dire que cest galement le locuteur qui, en pronon-
ant ce groupe nominal, fait rfrence Napolon. Il sensuit que la rfrence se
prsente comme un lien contingent entre une expression employe et un objet du
monde ; elle pointe sur ce quoi le locuteur pense lorsquil utilise telle ou telle
expression. Cest donc un fait attach un nonc et dont est responsable le lo-
cuteur ; certains philosophes parlent dailleurs ce propos dacte de rfrence

.
Au contraire on considrera que la dnotation est une proprit smantique (donc
linguistique) des expressions et que cette proprit est envisageable indpendam-
ment du contexte et de ce que pense le locuteur. Bien entendu il ne sagit pas l
dune violente opposition de notions ; cest, comme nous lavons dit, une question
de points de vue. Et dans la plupart des cas, cest parce que telle expression a
la proprit de dnoter tel objet quun locuteur la choisira pour faire rfrence
lobjet en question. Cest pourquoi les deux notions se superposent trs simple-
ment, surtout lorsque lon se focalise sur les proprits smantiques des productions
linguistiques, comme nous le ferons dans lessentiel de ce manuel (mme si nous
revendrions un peu sur la question dans le chapitre , ..).
z.i.z 5ens et conditions de vrit
Revenons lopposition entre sens et dnotation. Ce que nous avons illustr
jusquici sapplique des groupes nominaux (gn), et plus prcisment des gn qui
fonctionnent comme des noms propres. Dans son article, Frege prcise galement
ce que sont le sens et la dnotation dune phrase dclarative. Dans ses termes, le
sens dune phrase est une pense (Gedanke, en v.o.), et sa dnotation la valeur de
vrit de la phrase.
La valeur de vrit dune phrase, cest tout simplement vrai ou faux, selon que
la phrase en question est juge vraie ou fausse. Nous retrouvons ici le rle important
. Le titre de larticle de Strawson (.go), On referring , a t traduit en franais par De
lacte de rfrence , et le chapitre de Searle (.gUg) sintitule, dans la traduction franaise,
La rfrence comme acte de langage . Sur la distinction entre rfrence et dnotation, on peut
galement se reporter au chapitre ; de Lyons (.g;;), en prenant garde au fait quil a un usage
terminologique lgrement dirent de celui que nous adoptons ici notamment concernant la
dnotation.
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.. Introduction la smantique vriconditionnelle
que joue la vrit dans la thorie smantique (cf. .. au chapitre prcdent).
Cela peut paratre un peu contre-intuitif de considrer ces concepts abstraits, le
vrai et le faux, comme des dnotations, cest--dire des objets du mondes, au mme
titre que ce que nous avons dj vu, par exemple une plante ou un tre humain
(qui eux sont des objets tangibles). Mais examinons un instant ce quest au juste
la vrit dune phrase. Une phrase est vraie, ou juge vraie, si elle est conforme
la ralit, cest--dire aux faits qui constituent lagencement du monde tel quil
est ; et la phrase est juge fausse dans le cas contraire. On constate donc que les
valeurs de vrit ont voir avec lunivers des dnotations, la ralit. Il y a dautres
justications cette proposition de Frege. Lune delles est que la valeur de vrit
dune phrase ne change pas si dans cette phrase on remplace un constituant, par
exemple un gn, par un autre qui la mme dnotation. Cest ce quillustrent les
exemples () et () : si () est vraie, alors forcment () lest aussi, car les deux
gn sujets ont la mme dnotation (les deux phrases parlent du mme individu).
En revanche si on leur substitue un gn qui dire par sa dnotation, comme en
(), la valeur de vrit de la phrase peut changer. Cela vient appuyer lide que la
dnotation du tout (ie la valeur de vrit de la phrase) est troitement dtermine
par la dnotation de ses parties (entre autres ses gn).
() Le vainqueur dIna est mort en S.
() Napolon est mort en S.
() Jules Csar est mort en S.
Enn ajoutons que lassimilation de la dnotation dune phrase dclarative
sa valeur de vrit permet de qualier smantiquement les dirents types (gram-
maticaux) de phrases de la langue. Toutes les phrases dclaratives, et seulement
elles, ont (ou dnotent) une valeur de vrit, et en cela elles sopposent aux interro-
gatives, impratives et exclamatives. En vertu de la proposition de Frege, on peut
donc tablir que les dirents types de phrase se caractrisent smantiquement par
dirents types de dnotation

.
Venons-en maintenant au sens des phrases dclaratives. Linterrelation entre
sens et dnotation, que pose Frege, vaut toujours ici : le sens est ce qui nous
permet de trouver (systmatiquement) la dnotation (possible) dune expression.
Cela va nous permettre dapprhender un peu plus clairement la notion de sens,
qui jusquici restait un peu nigmatique. Appliqu aux phrases, cela nous donne le
principe suivant.
g. Nous naborderons pas dans ce manuel la smantique des phrases non dclaratives (au del
des remarque dordre pragmatique faites au chapitre prcdent). Mais nous indiquerons quelques
pistes et quelques renvois bibliographiques dans le dernier chapitre. A prsent, dans ce qui suit,
le terme phrases tout court sera utilis pour faire rfrence simplement aux phrases dclaratives.
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u Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
Principe z.i
Comprendre une phrase cest tre capable, dune manire ou dune autre, de juger
de sa vrit.
Et comprendre une phrase signie en percevoir le sens. Le principe ne fait donc
rien dautre que de reformuler la dnition . pour le cas particulier des phrases.
Mais il faut expliciter un peu ce dune manire ou dune autre . Souvenons-
nous que la vrit dune phrase nest jamais absolue. Elle dpend de circonstances
(cas de gure), et prcisment les circonstances qui forment la ralit, qui font
que le monde est tel quil est. Ainsi si lon sait quune phrase donne est vraie
ou fausse, cest que lon connat certaines informations sur ltat du monde. Et
rciproquement, si on dispose des informations ncessaires, on saura dire si une
phrase (que lon comprend) est vraie ou fausse. En bref, comprendre une phrase,
cest savoir eectuer un appariement entre elle et la conguration du monde. Cela
nous permet dexpliciter le principe prcdent de la manire suivante.
Principe z.z (Smantique vriconditionnelle)
Connatre le sens dune phrase (dclarative) cest savoir comment doit, ou devrait,
tre le monde pour que cette phrase soit vraie.
Pour dire les choses autrement : savoir ce que signie une phrase, cest savoir
dans quelles conditions elle est vraie. Cest pourquoi on considre que le sens dune
phrase consiste en ses conditions de vrit. Lorsquune thorie smantique sappuie
sur ce principe, elle est dite vriconditionnelle. Nous allons voir un exemple de
formulation de conditions de vrit (et nous en verrons beaucoup dautres tout au
long de ce manuel), mais auparavant il est ncessaire de bien appuyer ce point :
savoir dans quelles conditions une phrase est vraie ne signie pas savoir si elle est
eectivement vraie. Cest pour cette raison que le principe . insiste sur tre
capable . Ce tre capable sous-entend si on a les informations ncessaires
sur le monde . Mais en soi, ces informations ne sont pas utiles pour connatre le
sens dune phrases. Prenons par exemple (6) :
(6) Il y quatorze plantes qui gravitent autour de ltoile Sirius.
Personne, y compris les astrophysiciens, ne connat aujourdhui la dnotation
de cette phrase, mais elle est parfaitement comprhensible : son sens est clair.
Cest--dire que lon sait dire dans quels cas elle savrera vraie : (6) est vraie si et
seulement sil existe dans la galaxie au moins quatorze objets qui sont de grandes
masses de matire peu prs sphriques, ie des plantes, qui se dplacent sur des
trajectoires circulaires ou elliptiques autour dun objet trs grand et lumineux,
une toile, connu sous le nom de Sirius. Cette description constitue prcisment les
conditions de vrit de (6). Reste savoir si notre univers vrie bien ces conditions
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.. Introduction la smantique vriconditionnelle
auquel cas (6) sera admise comme vraie et cest lobservation astronomique qui
pourra nous le dire, et se faisant, augmentera notre connaissance du monde (en
loccurrence de lunivers ou du cosmos).
Ainsi, tablir la vrit ou la fausset, cest--dire la dnotation, des phrases,
dune manire gnrale, nest pas laaire des smanticiens
ro
mais plutt des scien-
tiques de la nature, des historiens, des philosophes etc., voire des juges ou des
dtectives. Connatre les dnotations nest pas une n en soi en smantique, mais
sinterroger sur les dnotations est un moyen de dcrire le sens. Cest ce que dit
le principe ., car on peut en tirer la rgle mthodologique suivante : dcrire le
sens dune expression cest spcier les rgles de calcul de sa dnotation ; on na
pas besoin de mener ce calcul jusquau bout, car pour cela il faudrait connatre des
informations plus ou moins prcises sur le monde, cest pourquoi il faut sassurer
que ces rgles de calcul puissent marcher pour nimporte quelle conguration du
monde.
Pour terminer et rsumer cette section, voici un autre exemple. Soit la phrase :
() Le pre dAlexandre le Grand tait boiteux.
Et supposons que je vous demande la dnotation de cette phrase, ie que je
vous demande si elle est vraie ou fausse. A priori, vous ne savez probablement
pas rpondre. Mais si vous voulez trouver la solution, que pouvez-vous faire ? Vous
pouvez, par exemple, aller consulter une encyclopdie ou un livre dHistoire, qui
donnera des informations historiques sur le monde ; mais vous nirez certainement
pas consulter un dictionnaire de langue comme le Petit Robert. Vous iriez regarder
un dictionnaire seulement si vous aviez un doute sur le sens de cette phrase, ou
de certaines de ses parties ; et le dictionnaire vous aiderait ainsi dterminer les
conditions de vrits de (). Mais ce nest pas ce dont vous avez besoin, car vous
connaissez ces conditions de vrit; elles disent approximativement quil faut et il
sut quil ait exist un individu de sexe masculin qui avait, disons, un jambe plus
courte que lautre et qui avait un ls connu sous le nom dAlexandre le Grand
rr
. Ce
dont vous avez besoin, et que vous pourrez trouver dans une encyclopdie, cest une
information sur les faits rels (historiques) : une information dordre anatomique
sur lhomme qui tait le pre dAlexandre. Ensuite vous navez plus qu vrier
si cette information encyclopdique respecte ou non les conditions de vrit de la
phrase, pour en dduire la dnotation.
z.i. Lu comositionnu|it
Jusqu prsent, nous avons vu les dnotations des gn et des phrases. Nous
savons quel genre de dnotation correspond (au moins) certains gn : des objets
.o. Sauf bien sr lorsquil sagit de phrases qui portent sur le sens linguistique.
... Ces conditions de vrit sont approximatives car dabord on peut tre boiteux pour une
autre raison que celle indique ici, et car aussi ce nest pas exactement ainsi que lon spcie
les conditions de dnotation pour un gn dni comme le pre de... ; nous y reviendrons au
chapitre suivant, ...
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Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
du monde ; et quel genre de dnotation correspond aux phrases dclaratives : le
vrai ou le faux. videmment, on sera intress de connatre aussi quels genres de
dnotation correspondent les autres catgories de constituants (parties du discours)
de la langue : les verbes, les noms (substantifs), les adjectifs, les dterminants, les
prpositions, etc. Nous verrons cela au fur et mesure dans les pages qui suivent,
car en fait il sera assez simple de dduire ces types de dnotations les unes des
autres. Pour le moment, je vais introduire un principe important de la smantique
vriconditionnelle, et qui justement permettra de dduire les types de dnotation
des autres catgories grammaticales.
Il sagit du principe de compositionnalit
rz
. Nous lavons entraperu dans la
section prcdente en disant que la dnotation du tout dpend de la dnotation de
ses parties. Mais le principe va plus loin. En voici une premire formulation que
lon retrouve assez couramment dans la littrature :
Principe z. (Principe de compositionnalit (i))
La signication dune expression dpend de la signication de ses parties.
Notons tout dabord que cette formulation utilise un terme que nous navons
gure manipul : signication . Il sagit ici de ce que nous avons dni prc-
demment comme le sens. Mais si le principe . est ainsi formul, cest souvent
pour tirer prot du caractre peu technique du terme de signication, car le prin-
cipe sapplique galement la dnotation des expressions (donc ici signication
recouvre la fois sens et dnotation).
Maintenant examinons ce quexprime et implique ce principe. La composition-
nalit repose naturellement sur lide de composition, et de son opration inverse,
la dcomposition. En cela elle incarne simplement le procd danalyse (au sens
premier du terme) smantique : on reconstitue le sens dune expression en la d-
composant en ses parties, ces parties ont elles-mmes un sens et ces petits sens
se composent (ou combinent) entre eux pour donner le sens de lexpression globale.
On peut voir cela comme une arithmtique smantique lmentaire. Mais le prin-
cipe a des fondements plus importants, car il illustre en quelque sorte le pendant
smantique de laspect gnratif de la description grammaticale dni par Chom-
sky (). Nous sommes capables dinterprter une innit potentielle de phrases
de la langue, mme si nous navons jamais entendu ou lu ces phrases. Il est vident
que nous napprenons pas des listes de sens de phrases les uns aprs les autres,
puisque ces phrases sont en nombre inni. Nous comprenons une phrase parce que
nous connaissons le sens de ses constituants (syntagmes, mots, morphmes) et que
nous savons assembler ces sens. Cest ce que pose le principe de compositionnalit,
.z. Le principe est parfois aussi appel principe de Frege, ce qui est sujet caution car Frege
nen a jamais fait mention dans ses crits. Cependant on considre habituellement que le principe
est particulirement fregen dans lesprit. Pour plus dtails sur la compositionnalit, voir Partee
(.g).
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.. Introduction la smantique vriconditionnelle
de manire assez stricte car il semble assujettir fermement le sens dune phrase
celui de ses units constituantes.
cet gard, plusieurs critiques ont t mises lencontre du principe. Jen
mentionnerai et commenterai ici trois
r
. Le premire, et la moindre, est quil ne
sut pas de connatre le sens des mots pour tablir le sens dune phrase, il est
galement ncessaire de tenir compte de son ordonnancement syntaxique. Cela
parat vident si lon compare (Sa) et (Sb) o les mmes mots noccupent pas la
mme position syntaxique.
(S) a. Un hlicoptre a survol un porte-avions.
b. Un porte-avions a survol un hlicoptre.
Cest pourquoi le principe de compositionnalit est gnralement amend de la
faon suivante :
Principe z.q (Principe de compositionnalit (ii))
La signication dune expression est fonction de la signication de ses parties et
de leur mode de combinaison syntaxique.
Cest cette version du principe que nous prendrons en compte dornavant.
Notons au passage que, dans sa formulation, dpendre a t remplac par tre
fonction , ce qui revient au mme ; on dit aussi parfois que la signication dune
expression est une fonction de la signication de ses parties etc., ce qui donne un
petit air mathmatique au principe, mais nous prpare galement des lments
de formalisation que nous verrons au chapitre .
Une autre critique repose sur le fait que le sens dune phrase dpend galement
(et parfois totalement) du contexte, ce que le principe ne mentionne pas. Nous en
avions fait lexprience au chapitre prcdent notamment avec les implicatures, les
signications illocutoires et les actes de langage indirects. Mais, comme je lavais
prcis, ces signications pragmatiques se distinguent du sens littral, qui est ce qui
fait lobjet de ltude smantique (dans ce manuel). La compositionnalit est une
proprit smantique du langage et ne concerne vritablement que les sens littraux.
Et cest au-del de lapplication du principe (et donc de lanalyse smantique) que
sopre un calcul interprtatif pragmatique, qui nannule cependant pas la validit
du principe de compositionnalit car le sens littral sert de point de dpart ce
calcul.
Enn, la troisime critique concerne les expressions idiomatiques, cest--dire
des expressions plus ou moins ges et souvent images telles que casser sa pipe,
prendre une veste, sucrer les fraises ou jeter le bb avec leau du bain etc. La
particularit de ces expressions est que non seulement leur sens ne se rsume pas
la composition du sens de leurs parties, mais en plus quil na souvent rien voir.
.. Voir Godard (zooU) pour un panorama plus dtaill.
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Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
Lorsque lon dit de quelquun quil va jeter le bb avec leau du bain, il ny a sou-
vent aucun bb dans lhistoire. Mais si ces expressions on applique le principe
de compositionnalit jusquau bout , on obtient un sens littral qui nest gn-
ralement pas celui voulu par le locuteur. Et il ne sagit pas ici dimplicatures, car
les sens des idiomes est parfaitement codi et conventionnel, on peut le trouver
dans un dictionnaire. Cest l une relle mise en chec de la compositionnalit ;
mais il y a nanmoins une manire de contourner ce problme en prenant la pr-
caution suivante : on considre que les idiomes sont des expressions composes (des
locutions) et qui ce titre ne doivent pas tre dcomposes smantiquement, mais
plutt tre traites dun bloc (aprs tout casser sa pipe, par exemple, nest quune
manire coquette de dire mourir) en y empchant lapplication du principe.
En conclusion, mme si le principe de compositionnalit peut tre mis en dfaut
et sembler parfois insusant, nous considrerons ici quil est ncessaire lanalyse
smantique et nous en tiendrons compte comme outil dinvestigation.
z.i.q Anu|yse smuntique forme||e
Rcapitulons. Toute expression interprtable a une dnotation, ou est au moins
susceptible den avoir une (noublions pas que certaines expressions ne dnotent
rien). La dnotation dune expression est toujours relative un certain tat du
monde, celui par rapport auquel le locuteur situe le contenu de son propos. Le
sens dune expression est ce qui dtermine sa dnotation pour tout tat du monde
possible. Dcrire le sens dune expression, ce qui est lobjet de la smantique,
revient donc donner les rgles de calcul de sa dnotation (ou de son absence
de dnotation, le cas chant); cest--dire, dans le cas particulier des phrases, les
conditions de vrit. Les conditions de vrit sont des stipulations sur le monde,
elles ne disent pas comment est le monde mais comment il devrait tre pour quune
phrase soit vraie. On peut, comme nous lavons fait prcdemment, exprimer ces
conditions dans notre langage de tous les jours, le franais, mais cela deviendrait
rapidement lourd et incommode lorsque lon sera amen analyser des phrase un
peu compliques, de plus on risquerait dy perdre en prcision, sachant que les
langues naturelles, comme le franais, comportent leur part invitable de vague
et de polysmie. Pour exprimer des descriptions smantiques, nous nous devons
dtre prcis et explicites. Cest pourquoi une mthode couramment employe en
smantique consiste utiliser un langage symbolique, articiel et formel dans lequel
on formule de manire concise et prcise le sens des expressions de la langue que
lon tudie. Lintrt dun tel langage, assez loign des langues naturelles dans sa
structure, est quil permet, lorsque lon en est familier, de lire immdiatement et
directement dans ses formulations les conditions de vrit quil reprsente, aussi
facilement que lon voit immdiatement une opration daddition dans lcriture
mathmatique 4 + 3 . Dailleurs le langage de reprsentation smantique que
nous allons voir est emprunt aux mathmatiques et plus exactement la logique
et ce que lon appelle le calcul des prdicats. On lui donne donc habituellement le
nom de langage du calcul des prdicats, mais dans ce manuel nous lappellerons
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.. Le langage du calcul des prdicats
le langage objet ou lo, dabord pour bien insister sur le fait quil sera en grande
partie lobjet de notre tude
r
, et ensuite parce quil sera amen voluer au
cours des pages jusqu sloigner un peu de ce que lon appelle traditionnellement
le langage du calcul des prdicats (mme sil en conservera les fondements). Ce
chapitre cependant se consacre la prsentation des bases classiques du calcul des
prdicats, do les intituls du chapitre et de la section qui suit. Une des tches de
la description smantique va donc maintenant consister traduire des expressions
du franais dans ce langage formel lo, et pour mener bien ces oprations de
traduction, il nous faut apprendre parler couramment le lo .
. Le |unguge du cu|cu| des rdicuts
Le calcul des prdicats est une branche assez ancienne de la logique classique
r
,
mais il a commenc tre formalis, au moyen de systmes dcriture symbolique,
appels aussi des idographies, partir de la n du XIX
e
et au dbut du XX
e
sicle,
notamment par les travaux de C. Pierce, G. Frege, G. Peano, B. Russell et de bien
dautres par la suite. Ce type de langages visait surtout exprimer sans quivoque
des noncs mathmatiques et formaliser des principes de logique. Mais son ap-
plication la reprsentation du sens des phrases (plus ou moins courantes) des
langues naturelles fut galement assez prcoce et prit un essor important partir
annes 6u notamment (mais pas seulement) avec les travaux de R. Montague.
Montague, qui tait philosophe et logicien, et bien quil ne sinscrivait pas du tout
dans le cadre de la grammaire gnrative, a eu un rle important dans le dve-
loppement de la linguistique formelle (et plus exactement la smantique formelle)
telle qua pu linitier Chomsky. Chomsky a dfendu la thse que le langage naturel
peut tre trait (i.e. analys) comme un systme formel ; Montague est all plus
loin dans cette ide en posant que le langage naturel peut tre trait comme un
systme formel interprt
r
, cest--dire un systme muni dune smantique (ce
quavait cart Chomsky). Et ce systme est bien sr celui du calcul des prdicats.
Les thories danalyse smantique dveloppes par Montague
r
sont regroupes
aujourdhui sous le nom de Grammaire de Montague (il sagit plus dune famille
de grammaires que dun formalisme unique). Et cest dans ce paradigme danalyse
smantique que se place le prsent manuel.
Comme nous lavons vu plus haut, lanalyse smantique consiste donc ex-
pliciter les conditions de vrit des phrases de la langue en les formulant dans le
.. Pour tre tout fait exact, lobjet de notre tude smantique ici est galement, et probable-
ment avant tout, le franais. Mais nous tudierons la smantique du franais par lintermdiaire
du langage symbolique lo, qui fera lobjet dobservations et de commentaires.
.. Il est dj prsent chez Aristote et dans la syllogistique mdivale.
.U. La dclaration, presque provocatrice, de Montague que lon cite souvent cet gard est :
Il ny a selon moi aucune dirence thorique importante entre les langues naturelles
et les langages articiels des logiciens (Montague, .g;ob).
Voir aussi Bach (.gg, pp. U;).
.;. Voir notamment Montague (.g;oa,b, .g;).
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6 Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
langage formel du calcul des prdicats. Comme tout langage, bien que celui-ci soit
articiel, il possde une syntaxe et une smantique. Cest ce que vont prsenter les
sections qui suivent, dabord informellement ( .. et ..) puis de faon plus
rigoureuse ( .. et ..).
z.z.i Les |ments du |unguge forme|
z.z.i.i Prdicats
Comme son nom lindique, le langage du calcul des prdicats repose fondamen-
talement sur la notion de... prdicat. Dans la perspective que nous adoptons ici,
qui va consister traduire (ou transcrire) le sens de phrases du franais dans un
langage formel (lo), les prdicats seront les symboles par lesquels on traduira les
verbes, les noms communs (substantifs), les adjectifs. On utilisera souvent aussi les
prdicats pour traduire directement les tournures attributives de la forme tre
Adj et tre (un) N . Voici quelques exemples de matriaux linguistiques qui
seront traduits par des prdicats :
() ... est gentil ... dort
... est un canard ... a faim
... est (un) acteur ... fume
... est ventru ... aime ...
... est italien ... connat ...
... est le frre de ... ... embrasse ...
Dun point de vue plus gnral, les prdicats seront dnis ici comme ces sym-
boles qui correspondent des proprits ou des relations. Et le propre dune pro-
prit est dtre attribue quelque chose, de mme quune relation porte sur des
choses. Plus gnralement, un prdicat est cens concerner, porter sur ou encore
sappliquer une ou plusieurs choses. Et ces choses sont ce que lon appelle les
arguments du prdicat. Cela transparat dj dans la formulation des exemples ()
via les points de suspensions : en fait les arguments des prdicats sont ce qui
manque en ().
Dnition z. (Argument)
On appelle argument dun prdicat ce quoi sapplique ou ce que concerne le
prdicat.
Il apparat clairement, de par la srie (), que la notion dargument est ( peu
de chose prs) le pendant smantique de la notion syntaxique de complment (en
y incluant le sujet). Et on constate ainsi que la langue naturelle, le franais, nous
invite envisager des prdicats qui attendent un argument (est gentil, dort, etc),
pour traduire certains noms et les verbes ou gv intransitifs, et des prdicats qui
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.. Le langage du calcul des prdicats
attendent deux arguments (aime, est le frre de, etc), pour traduire des construc-
tions transitives. On pourra mme considrer des prdicats trois arguments (...
prfre ... ...), voire quatre (... vend ... ... pour ...) ou plus...
Dnition z.q (Arit)
On appelle arit
r
dun prdicat le nombre darguments quil prend. Ainsi, si
un prdicat attend n arguments, on dit que son arit est n; on dit aussi que le
prdicat est n-aire
r
, ou encore quil sagit dun prdicat n places.
Un prdicat donn a une et une seule arit ; larit est une caractristique dter-
minante des prdicats.
Notation z.i (Prdicats)
Dans lo, un prdicat est reprsent par un symbole, dit symbole de prdicat,
et ses arguments sont indiqus sa suite entre parenthses
zo
, spars par des
virgules sil y en a plusieurs.
Par convention, les symboles de prdicats seront crits en gras. Et, toujours par
convention, on utilisera des mots ou des abrviations de mots de la langue pour
reprsenter ces symboles dans lo
zr
.
Voici par exemple comment lon peut traduire dans lo les expressions de ()
pour linstant je ny reprsente pas explicitement les arguments, la place je note,
provisoirement, un espace vide, , lendroit qui leur est rserv :
(u) gentil() dormir()
canard() avoir-faim()
acteur() fumer()
ventru() aimer(, )
italien() connatre(, )
frre-de(, ) embrasser(, )
Les symboles de prdicats en (u) sont dnomms par des mots du franais,
mots qui reprennent ceux des expressions de (). Mais ce nest l quune simple
commodit. Pour crire ces prdicats dans lo, on aurait pu choisir demprunter des
.. On trouve galement le terme de valence pour dsigner cette proprit.
.g. En particulier, pour n = 1 on prononcera unaire, pour n = 2 binaire, pour n = 3 ternaire,
etc.
zo. Il sagit donc dune notation de type fonctionnel le ; cf. ??, p. ??. Dailleurs le terme
dargument se retrouve dans le vocabulaire mathmatique concernant les fonctions ce nest pas
un hasard.
z.. Il existe une autre convention de notation trs couramment utilise dans la littrature en
smantique formelle qui consiste crire les symboles de prdicats en les marquant dun prime
(

), par exemple, gentil

, aimer

, etc.
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S Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
mots de langlais ou du latin, etc., ou mme dutiliser des symboles abstraits comme
par exemple G
3
, D
1
, C
14
, F
7
, A, , etc. Cela ne ferait fondamentalement aucune
dirence. Le choix des noms de symboles pour transcrire les prdicats est compl-
tement conventionnel et arbitraire. Et cest simplement pour des raisons pratiques,
de transparence et de facilit de lecture, que lon choisira ici de reprendre des mots
du franais pour crire les symboles de prdicats. Il est alors trs important de bien
faire la distinction entre le (symbole de) prdicat aimer (que lon peut crire aussi
aimer(, )) et le verbe transitif aimer. Car le premier appartient au langage objet
lo, alors que le second appartient la langue naturelle quest le franais
zz
. Pour
conclure cette remarque, il faut bien tre conscient que, malgr les apparences, ce
nest pas le nom du symbole de prdicat qui porte en soi la smantique du prdicat
quil reprsente, cette smantique est dnie par ailleurs (en . infra).
La dnition . pose quun prdicat donn a une arit xe. On postule gale-
ment quun prdicat donn de lo a un et un seul sens. Cela a pour consquence
de multiplier le nombre de prdicats susceptibles de traduire un mot donn du
franais. Par exemple (u) donne le prdicat fumer ( un argument) pour traduire
le verbe intransitif fumer, mais fumer a aussi un emploi transitif (comme dans
fumer un cigare ) qui devra se traduire par un prdicat binaire. Mme si ces
deux verbes fumer sont smantiquement relis, on ne pourra pas les traduire par
le mme prdicat fumer, car il doit avoir une arit xe. Cest pourquoi lorsque lon
a besoin de reter dans lo la polyvalence ou la polysmie dun mot du franais,
on peut adopter une notation qui dcore les symboles de prdicat dindices num-
riques pour distinguer les direntes acceptions. Ainsi on pourra crire fumer

()
pour traduire le verbe intransitif (signiant tre un fumeur), fumer
2
(, ) pour le
verbe transitif (brler du tabac en aspirant la fume), et pourquoi pas fumer
3
()
pour le sens de dgager de la fume ( la chemine fume ) etc. Les indices nont
aucune signication en soi, ils servent juste poser des distinctions dans les noms
de symboles de prdicats.
z.z.i.z Constantes dindividus
Les prdicats sont des symboles de lo; le terme dargument, quant lui, ne
dsigne pas une catgorie de symboles mais plutt un rle que certains symboles
peuvent jouer vis vis des prdicats. Nous devons maintenant voir quels sont les
lments du langage objet qui peuvent jouer ce rle. Les exemples prcdents nous
ont montr que, au moins dans certains cas, les arguments correspondent des
expressions qui dnotent des choses, des personnes, des objets au sens large, ce que
lon regroupe ici sous lappellation dindividus. Dans lo, ces expressions sappellent
des termes
z
. Il existe deux grands types de termes, et le premier que nous allons
zz. Remarquez que, par consquent, rien ne nous empcherait formellement de traduire dans
lo par exemple ladjectif franais gentil par le symbole de prdicat mchant ou par le symbole
manchot ou encore schtroumpf257... Cela ne poserait aucun problme thorique ; seulement, dans
la pratique, nos notations deviendraient alors btement obscures.
z. Ne confondons pas termes et individus : les termes sont des symboles de lo, les individus
sont les objets du monde.
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.. Le langage du calcul des prdicats
regarder est celui des constantes dindividus.
Les constantes dindividus sont lquivalent dans lo des noms propres de la
langue naturelle. Ainsi, comme un nom propre, une constante dsigne directement
un individu du monde, ceci prs que nos constantes nauront pas lambigut
que peuvent avoir certains noms propres comme Pierre Dupont, John Smith ou
Nathalie Lebrun, etc. Par dnition, chaque constante dindividu a une dnotation
unique, et cest notamment pour cela quon lappelle une constante.
Notation z.z (Constantes dindividus)
Dans lo, les constantes dindividus seront notes par des lettres minuscules, prises
plutt au dbut de lalphabet
z
, et ventuellement compltes par des indices
numriques. Elles seront galement crites en gras.
Par exemple si lon souhaite parler des individus suivants : Joey, Chandler, Mo-
nica, Phoebe, Rachel, Ross, on pourra les dsigner respectivement par les constantes
j, c, m, p, r
1
, r
2
. L encore, le choix des lettres est compltement arbitraire : il
se trouve que cest pratique de reprendre les initiales des prnoms traduits sous
formes de constantes, mais on aurait pu tout aussi bien prendre a
1
, a
2
, a
3
, a
4
, a
5
,
a
6
.
Remarquez aussi que notre convention dcriture nest pas innocente : les
constantes dindividus seront notes comme les prdicats, en caractres gras, car
en fait les prdicats sont considrs eux aussi comme des constantes ; et on parle
alors de constantes prdicatives (ou constantes de prdicats) par opposition aux
constantes dindividus. Ces deux types de constantes (cest--dire tout ce que nous
crirons en gras dans lo) sont regroups sous le terme de constantes non logiques
z
.
Avec ces premiers lments de lo, on peut dj commencer traduire quelques
phrases simples du franais (la che servira indiquer les traductions du fran-
ais vers le langage objet). Il sut pour cela de placer des constantes dans les
positions argumentales de prdicats :
() a. Joey a faim avoir-faim(j)
b. Joey est acteur acteur(j)
c. Chandler fume fumer(c)
d. Ross aime Rachel aimer(r
2
, r
1
)
Lorsque lon fournit des arguments un prdicat, on dit alors que lon sa-
ture le prdicat, et on obtient une expression qui peut tre vraie ou fausse. De
telles expressions, qui ont donc bien le type de dnotation des phrases dclaratives,
sappellent des formules. Les formules sont les phrases de lo.
z. Les lettres de la n de lalphabet, u, v, w, x, y, z, seront rserves un autre usage.
z. Constantes non logiques, car il existe encore dautres constantes, qui sont les constantes
logiques et qui comprennent notamment les symboles de connecteurs et de quantication que
nous allons voir en z.z... et z.z....
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u Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
z.z.i. Connecteurs logiques
Certes, pour linstant, les formules que nous pouvons crire dans lo sont un peu
rudimentaires. Pour gagner en sophistication nous avons besoin daugmenter notre
vocabulaire. Une manire dobtenir des formules plus complexes est de combiner
entre elles des formules simples. La manire la plus basique de procder ces
combinaisons utilise des connecteurs logiques. Les connecteurs sont en quelque
sorte le pendant en lo des conjonctions de coordination dune langue comme le
franais. Mais il sera ds prsent prudent de ne pas trop pousser la comparaison.
Car dune part les connecteurs de lo ne coordonnent que des formules, cest--
dire des phrases. Et dautre part, toutes les conjonctions du franais ne se traduisent
pas forcment par un connecteur logique
z
.
Dnition z. (Connecteur logique)
Un connecteur logique est un symbole de lo qui permet dassembler deux for-
mules pour former une nouvelle formule.
Une formule est dite complexe si elle est construite laide dun ou plusieurs
connecteurs.
Les connecteurs que nous allons utiliser dans lo sont au nombre de quatre.
Le premier sappelle la conjonction, il sera not par le symbole et il traduit
la conjonction de coordination et du franais. On lappelle dailleurs aussi le et
logique , car la conjonction est ce connecteur qui permet de construire une formule
(ou phrase) qui sera vraie si et seulement si les formules quil connecte sont toutes
deux vraies.
Le second connecteur est la disjonction, il est not par le symbole et traduit
la conjonction franaise ou. Cest donc le ou logique , et il construit une formule
qui est vraie si au moins lune des deux formules quil connecte est vraie.
Le troisime connecteur est limplication dite matrielle. Il traduit notamment
la relation de condition que lon exprime en franais avec des structures en si...,
alors... ou simplement si..., ... On le note par le symbole . Attention : ne se
place pas au mme endroit que si en franais ; en lo, on place entre deux
formules.
Enn le dernier est lquivalence dite aussi matrielle. Il correspond lex-
pression franaise si et seulement si, et se note par (et on comprend pourquoi
ce connecteur est parfois appel aussi la bi-implication). Ce connecteur semble
plus appropri pour traduire des noncs de type mathmatique que pour rendre
compte de la smantique de la langue naturelle, dans la mesure o la tournure si
et seulement si est assez marginale dans le discours courant. Mais nous le retenons
malgr tout dans le jeu de nos connecteurs car il sera utile pour formaliser certains
lments de smantique du franais.
zU. Nous reviendrons plus en dtail sur lexplication de ce point en z....
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.. Le langage du calcul des prdicats
Voyons maintenant quelques exemples de phrases que nous pouvons transcrire
dans lo au moyen de connecteurs :
() a. Ross aime Rachel et Chandler aime Monica.
[aimer(r
2
, r
1
) aimer(c, m)]
b. Si Chandler a faim, il (Chandler) fume.
[avoir-faim(c) fumer(c)]
Notez lusage des crochets [ ] que nous avons introduit au passage pour pa-
renthser chaque connexion de formules. Ces crochets sont dune grande utilit
lorsquune formule complexe comprend plusieurs connecteurs, exactement comme
en mathmatiques les parenthses sont importantes pour marquer la priorit dune
opration sur une autre (exemple : (4 + 1) 2 ,= 4 + (1 2)).
La nalit du langage objet est de nous permettre dexpliciter le sens des non-
cs, et pas seulement de reter leur construction syntaxique ou grammaticale.
Cest pourquoi les connecteurs vont galement nous servir faire des traductions
analytiques comme en ().
() a. Joey est un acteur italien.
[acteur(j) italien(j)]
b. Ross et Rachel saiment.
[aimer(r
2
, r
1
) aimer(r
1
, r
2
)]
En eet, la phrase (a) par exemple nous dit bien conjointement deux choses :
que lindividu nomm Joey est acteur et quil est italien. De mme (b) dit que
Ross aime Rachel et que Rachel aime Ross. Notons que (b) est en fait ambigu :
Ross et Rachel peuvent saimer soi-mme sans saimer lun lautre. Dans ce cas on
traduira la phrase par [aimer(r
2
, r
2
) aimer(r
1
, r
1
)]. Cela illustre que lo fait bien
son travail dexplicitation du sens des phrases : si une phrase a plusieurs sens, elle
reoit direntes traductions en lo.
Enn pour complter au moins minimalement lexpressivit de lo, nous allons
avoir besoin de pouvoir traduire des phrases ngatives, cest--dire de nier des
propos ou, plus prcisment, des formules. On fabrique des formules ngatives
dans lo grce loprateur de ngation que nous avons dj vu et qui se note
par le symbole . Il ne sagit plus proprement parler dun connecteur logique :
il ne connecte rien, on le place devant une formule pour former sa ngation. Mais
comme les connecteurs prsents supra, la ngation agit sur des formules et sa
contribution smantique est aussi dnie en termes de valeurs de vrit : la ngation
est cet oprateur qui rend vraies les formules fausses et fausses les formules vraies.
() a. Phoebe na pas faim.
avoir-faim(p)
b. Si Chandler dort, il ne fume pas.
[dormir(c) fumer(c)]
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Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
z.z.i.q Variables et quanticateurs
Jusquici, dans lo pour parler des individus, de ces choses sur lesquelles on
fait porter les prdicats, nous ne disposons que des constantes dindividus, qui
rappelons-le sont en quelque sorte les noms propres du langage objet. Or, on sen
doute bien, on peut dicilement se permettre de donner un nom propre tout in-
dividu du monde que lon souhaiterait voquer dans des noncs. Ce ne serait pas
trs raliste, car rappelons aussi que nous comptons galement les objets inanims
parmi ce que nous appelons ici les individus. Mme si certains objets reoivent les
honneurs de lonomastique (comme par exemple la Tour Eiel, le TGV, Saturne,
Durandal, Deep Blue, etc.), la pratique nest pas courante et surtout absolument
pas indispensable. En eet, la langue nous permet dvoquer des individus, y com-
pris des tres humains ou animaux, sans mentionner leur nom. Soit que lon ne
le connat pas, soit que lon na pas envie ou pas besoin de faire mention du nom
de lindividu en question. On utilise cet eet des procds linguistiques videm-
ment bien connus : cest lusage que lon fait des syntagmes nominaux, comme par
exemple le voisin den face, un employ de banque, les pains au lait, etc. Et nous
devons donc nous donner les moyens dans lo de faire rfrence aux individus de
faon similaire.
Pour ce faire, nous avons dabord besoin dun autre type de termes, les va-
riables. Comme les constantes, les variables dnotent des individus. Mais alors
quune constante donne dnotera toujours le mme individu prcis, par un lien
conventionnel et permanent, une variable permettra de dsigner tout et nimporte
quoi, sans contrainte particulire a priori. Do leur nom, variables, car ce quelles
dsignent peut varier librement a priori. A priori signie que si ce que d-
signe une variable est contraint dans une phrase, ce nest pas la variable en soi qui
pose cette contrainte. Ou pour dire encore les choses autrement, on sait quune
variable est cense dnoter quelque chose, mais on ne sait pas quoi, du moins pas
systmatiquement. Cest pourquoi les variables de lo fonctionnent un peu comme
les pronoms personnels de la langue naturelle (et plus prcisment les pronoms de
troisime personne, il, elle, le, la, lui, etc.).
Notation z. (Variables)
Dans lo, les variables seront notes par des lettres, de prfrence minuscules, en
italiques, prises la n de lalphabet : principalement x, y, z, mais aussi parfois
u, v, w. Elles pourront tre ventuellement compltes dindices numriques : x
1
,
x
2
, x
3
, y
1
..., ou de primes : x

, x

...
Voici alors une manire simple de traduire dans lo une phrase franaise conte-
nant un pronom personnel
z
:
z;. Notez cependant que contrairement aux pronoms du franais, les variables de lo ne portent
pas le trait grammatical de genre.
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.. Le langage du calcul des prdicats
() Il dort. dormir(x)
Cependant les variables ne vont pas tre utilises seulement pour traduire les
pronoms de la langue dans lo. Elles nous servent tablir des rfrences anonymes
aux choses dont on veut parler. Mais pour compenser le manque dinformation
d cet anonymat, nous avons besoin de dapporter dautres lments qui vont
contraindre et discipliner la rfrence des variables. Pour ce faire on utilise des
prdicats (comme en ()), mais aussi des oprateurs logiques particuliers qui im-
posent aux variables un mode de variation prcis. Ce sont les quanticateurs,
quon appelle aussi (plus prcisment dailleurs) les symboles de quantication. Les
deux quanticateurs de la logique classique (sur laquelle est fond lo) sont :
le quanticateur existentiel, not , qui impose une variable de dnoter au
moins un individu ; ainsi x... se lit il existe un x tel que... ;
le quanticateur universel, not , qui impose une variable de dnoter
successivement tous les individus ; ainsi x... se lit quel que soit x... ou
pour tout x... .
Voyons tout de suite des exemples :
(6) a. xacteur(x) il existe un x (ie un individu ou une chose quelconque)
qui est un acteur ou tel que x est un acteur : il existe un acteur, ou il
y a un acteur.
b. x[acteur(x)fume(x)] il existe un x qui est un acteur et qui fume :
un acteur fume.
c. x[acteur(x) connatre(m, x)] Monica connat un acteur.
d. xaime(x, p) (il y a quelquun qui) quelquun aime Phoebe.
() a. xavoir-faim(x) quel que soit x, x a faim : tout le monde faim.
b. x[acteur(x) fume(x)] quel que soit x, si x est un acteur, alors
x fume : tous les acteurs fument.
Remarquons cependant que (a) nest pas une traduction trs rigoureuse de
tout le monde faim , car en franais tout le monde ne concerne que les tres
humains. Pour un bonne traduction, il faut employer un prdicat signiant tre
humain , par exemple humain, et crire x[humain(x) avoir-faim(x)].
z.z.z Lu syntuxe du |unguge forme|
Nous allons prsent faire la synthse que ce que nous venons de voir sur le
langage formel lo en dnissant prcisment ce langage. En particulier nous devons
dnir prcisment comment les lments vus prcdemment sorganisent au sein
du langage. Commenons par en redonner la liste, ils forment le vocabulaire de
notre langage, ses atomes, sa matire premire.
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Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
Dnition z.6 (Vocabulaire)
Le vocabulaire de lo comporte :
un ensemble de variables : x ; y ; z ; x
1
; x
2
; . . . ; y
1
; y
2
; . . . ;
un ensemble de constantes dindividus : a ; b ; c ; d ; . . . ; a
1
; a
2
; a
3
; . . . ;
b
1
; b
2
; . . . ;
un ensemble de constantes de prdicats : acteur ; gentil ; dormir ; canard ;
aimer ; connatre ; . . . ;
un ensemble de symboles logiques : ; ; ; ; ; = ; ; ;
les crochets [ ] et les parenthses ( ).
Notons que nous avons ajout le symbole = parmi les symboles logiques ; il
servira reprsenter lidentit, cest--dire lgalit de dnotation.
En principe, les ensembles de variables et de constantes dindividus et de pr-
dicats sont supposs tre nis (ce qui est bien raisonnable, on ne va pas manipuler
un langage au vocabulaire inni) et tre prsents exhaustivement, ce que masque
lusage des points de suspension dans la dnition ci-dessus. La tradition monta-
govienne
z
a lhabitude (depuis les travaux de Montague lui-mme) de proposer
des fragments de langage, cest--dire des sous-parties (trs) petites mais compltes
de ce que serait un langage objet raliste de lenvergure dune langue naturelle. Pro-
cder par fragments constitue une mthodologie de travail trs rigoureuse car tout
y est compltement et prcisment dni, aucun lment du langage ne risque de
rester dans lombre ou le vague. Je ne compte pas ici mautoriser une quelconque
mollesse ou dsinvolture dans la mthode de travail, simplement, pour des raisons
de clart et de commodit, je me permettrai dutiliser des ensembles de constantes
et de variables ouverts , cest--dire susamment grands pour permettre de la
varit dans les exemples de phrases traduites en lo. Autant que faire se peut,
chaque nouveau prdicat introduit dont la smantique ne serait pas immdiate
sera explicitement comment.
Un autre lment dinformation attach au vocabulaire et qui napparat pas
dans la dnition .6 doit tre prcis : nous faisons lhypothse que pour chaque
constante de prdicat nous connaissons son arit, et quelle est unique. Cela veut
dire que lensemble de symboles de prdicat est en fait partitionn en plusieurs
sous-ensembles (celui des prdicats unaires, celui des prdicats binaires etc.) et que
lon connat cette partition. Cette hypothse est importante et prcieuse, car dans
nos notations rien ne nous indique formellement le nombre darguments quattend
un prdicat
z
.
Nous allons galement en proter pour dnir tout de suite la notion de terme,
qui va nous tre utile par la suite. Il sagit juste de regrouper sous une mme
appellation les variables et les constantes.
z. Montagovien signie relatif Montague ou ses travaux.
zg. Nous verrons comment perfectionner tout cela au chapitre .
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.. Le langage du calcul des prdicats
Dnition z. (Termes)
Les variables et les constantes dindividus sont des termes.
Dnir un langage, au sens des langages formels, consiste indiquer, dune
manire ou dune autre, toutes les squences correctes quadmet ce langage. Et
bien entendu, la manire que lon retient consiste spcier lensemble des rgles
qui permettent de construire nimporte quelle squence admissible, cest--dire la
syntaxe du langage. On reconnat l, naturellement, la dmarche de la grammaire
gnrative, sauf que nous nallons pas ici exprimer les rgles syntaxiques sous formes
de rgles de rcriture comme dans la tradition chomskienne par exemple, mais
par ce que lon appelle la mthode inductive. Dnir une syntaxe par induction
consiste spcier des rgles (ou des recettes ) qui indiquent comment construire
rcursivement des formules de plus en plus complexes partir de formules plus
simples que lon sait dj construire.
La dnition .S prsente la syntaxe de lo, et cest en fait ni plus ni moins
que la dnition dtaille et complte de ce quest une formule de lo. Dans ces
rgles, jutilise des lettres grecques, , , , , , ainsi que P pour dsigner des
expressions plus ou moins quelconques de lo. Ces symboles en soi ne font pas
partie de lo (tous les symboles de lo sont donns par le vocabulaire .6), ce sont
des sortes de macro-symboles ou mta-symboles qui nous permettent de dire des
choses gnrales sur lo. Ainsi, en toute rigueur, on ne devrait pas dire que est
une formule, mais que reprsente une formule (cependant, par la suite, nous nous
autoriserons quelque libert de langage en qualiant de formule).
Dnition z.8 (Syntaxe)
(Syn.) a. Si est un terme et P un symbole de prdicat une place, alors
P() est une formule ;
b. Si et sont des termes et P un symbole de prdicat deux places,
alors P(, ) est une formule ;
c. Si , et sont des termes et P un symbole de prdicat trois
places, alors P(, , ) est une formule ;
d. etc.
(Syn.) Si et sont des termes, alors = est une formule ;
(Syn.) Si est une formule, alors est une formule ;
(Syn.) Si et sont des formules, alors [ ], [ ], [ ] et [ ]
sont des formules ;
(Syn.) Si est une formule et v une variable, alors v et v sont des formules.
Il convient ensuite de conclure cet ensemble de rgles par une dernire rgle de
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6 Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
clture qui dit ceci : rien dautre que ce qui peut tre construit en un nombre
ni dtapes par les rgles de (Syn.) (Syn.) nest une formule. Cela permet de
garantir que notre syntaxe dnit bien toutes les formules de lo.
Les rgles (Syn.) sont celles qui permettent de construire les formules les plus
simples (dites atomiques) en fournissant aux symboles de prdicat des arguments
en quantit ncessaire. La rgle (Syn.) construit aussi des formules simples, qui
pose une identit entre deux termes ; en fait le symbole = pourrait tout aussi
bien tre rang parmi les prdicats binaires (on devrait alors plutt crire =(, ))
et (Syn.) ne prsente quune variante particulire de ce que recouvre (Syn.b) ;
simplement on prfre utiliser la notation habituelle, plus claire et naturelle, pour
le symbole =. Les rgles (Syn.) et (Syn.) introduisent les connecteurs logiques
dans la construction des formules ; rappelons que (pour le moment) les crochets
[ ] sont indispensables dans (Syn.). Enn la (double) rgle (Syn.) introduit les
symboles de quantication ; notons que cette rgle autorise daccoler une squence
quanticateurvariable devant nimporte quelle formule , cest--dire quon na
pas vrier si la variable v gure ou non dans (nous y reviendrons infra).
Illustrons prsent le fonctionnement de notre syntaxe avec un exemple. La
syntaxe indique comment construire correctement des formules et en mme temps
comment reconnatre si des squences de symboles du vocabulaire de lo sont ou non
des formules bien formes (ce que lon appelle aussi des expressions bien formes
ou ebf). Essayons donc de montrer que (S) est bien forme.
(S) xy[aimer(c, x) gentil(y)]
Pour vrier la bonne formation de (S), il sut de la reconstruire en appliquant
les rgles de la syntaxe, et seulement elles, qui sont ncessaires. On peut galement
dconstruire la formule en appliquant les rgles syntaxiques, mais dans lautre sens,
jusqu ce que lon nobtienne que des lments du vocabulaire de base. Voici les
tapes de construction de (S) :
aimer est un prdicat deux places, c est une constante et x est une variable,
donc aimer(c, x) est une formule bien forme en vertu de la rgle Syn.b ;
de mme, gentil est un prdicat une place et y est une variable, donc
gentil(y) est une formule bien forme, en vertu de la rgle Syn.a ;
donc en vertu de la rgle Syn., avec le connecteur , [aimer(c, x) gentil(y)]
est une formule bien forme ;
donc, comme y est une variable, y[aimer(c, x) gentil(y)] est une formule
bien forme, en vertu de la rgle Syn. pour ;
et donc, comme x est une variable, xy[aimer(c, x) gentil(y)] est une for-
mule bien forme, en vertu de la rgle Syn. pour . qed.
On peut illustrer graphiquement une telle dmonstration laide de ce quon
appelle larbre de construction dune formule. Larbre de (S) est donn en Fi-
gure ..
Chaque nud de larbre reprsente une tape de la construction de la formule, la
racine (ou nud suprieur) correspondant la formule complte. Chaque branche
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.. Le langage du calcul des prdicats
xy[aimer(c, x) gentil(y)]
Syn. ()
x y[aimer(c, x) gentil(y)]
Syn. ()
y [aimer(c, x) gentil(y)]
Syn. ()
Syn.rb
aimer(c, x)
aimer c x
gentil(y)
Syn.ra
gentil y
Figure . Arbre de construction de (S)
et embranchement reprsente lapplication dune rgle syntaxique, et les nuds
directement infrieurs dans un embranchement reprsentent les ingrdients
partir desquels on construit ce qui est dans le nud directement suprieur.
Il y a un thorme qui dit que toute formule bien forme est reprsentable par
un et un seul arbre de construction. Donc pour montrer quune squence donne
est une formule bien forme, il sut de dessiner son arbre de construction. Et si on
ny parvient pas, cest que la squence nest pas une formule bien forme
o
. Ainsi
on peut montrer que () nest pas bien forme, car son arbre de construction
complet (Figure .) nest pas possible.
() aimer(bx)
aimer(bx)
Syn.
aimer(bx)
???
Figure . chec de la construction de ()
Aucune rgle de la syntaxe ne permet de construire aimer(bx) ; celle qui sen
rapprocherait le plus serait (Syn.b), mais elle exige de placer une virgule entre
deux arguments dun prdicat binaire.
En revanche, (u) est parfaitement bien forme (comme le prouve larbre en
Figure .), mme si elle semble un peu bizarre ; mais cela nest (et ne doit) tre
quune impression, car (u) ne pose aucun problme pour le systme du calcul des
prdicats
r
.
o. Ou bien quon sest tromp dans lanalyse !
.. Nous verrons, en examinant la smantique de lo, que cette formule est en fait quivalente
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S Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
(u) y aimer(a, b)
y aimer(a, b)
y aimer(a, b)
aimer a b
Figure . Arbre de construction de (u)
Le concept darbre de construction dune formule permet de dnir facilement
une notion qui sera trs utile par la suite, celle de sous-formule dune formule.
Une sous-formule est tout simplement une formule bien forme que lon trouve
lintrieur dune formule plus grande.
Dnition z.g (Sous-formule)
On dit que est une sous-formule de la formule si et seulement si est une
formule qui apparat dans larbre de construction de .
Ainsi aimer(c, x), gentil(y), [aimer(c, x)gentil(y)] et y[aimer(c, x)gentil(y)]
sont des sous-formules de (S), mais pas xy aimer(c, x).
Exercice .
Parmi les squences suivantes, lesquelles sont des formules correctes de lo? p. o
. z [[connatre(r
2
, z) gentil(z)] dormir(z)]
. xyz [aimer(y, z) aimer(z, x)]
. xy aimer(x, y)
. aimer(r
1
, m)
. xz connatre(x, z)
6. x[acteur(x) dormir(x) avoir-faim(x)]
. [aimer(a, b) aimer(a, b)]
S. y[acteur(x) dormir(x)]
Exercice .
Traduisez dans lo les phrases franaises ci-dessous. Vous choisirez les noms de p. .o
prdicats et de constantes comme cela vous arrange, mais vous indiquerez
chaque fois ce quils traduisent du franais. Si une phrase contient une prsup-
position, ne traduisez que son contenu assert (c.--d. non prsuppos). On ne
tiendra pas compte de valeur smantique des temps verbaux (on les nglige pour
linstant).
. Antoine nest plus barbu.
aimer(a, b).
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.. Le langage du calcul des prdicats
. Tout est sucr ou sal.
. Soit tout est sucr, soit tout est sal.
. Le chien qui aboie ne mord pas. (proverbe)
. Cest Marie que Jrme a embrass.
6. Il y a des hommes et des femmes qui ne sont pas unijambistes.
. Tout le monde aime quelquun.
S. Si tous les homards sont gauchers alors Alfred aussi est gaucher.
. Quelquun a envoy une lettre anonyme Anne.
u. Seule Chlo est rveille.
Exercice .
Mme exercice. p. .o
. Il existe des lphants roses.
. Quelque chose me gratouille et me chatouille.
. Quelque chose me gratouille et quelque chose me chatouille.
. Nimes est entre Avignon et Montpellier.
. Sil y a des perroquets ventriloques, alors Jacko en est un.
6. Anne a reu une lettre de Jean, mais elle na rien reu de Pierre.
. Tout fermier qui possde un ne est riche.
S. Il y a quelquun qui a achet une batterie et qui est en train den jouer.
. Il y a un seul ocan.
u. Personne naime personne.
Rcapitulons. La syntaxe prsente ici nous permet de faire le tri entre ce qui
est une formule correcte de lo et ce qui est une simple squence crite nimporte
comment avec les lments du vocabulaire. Les formules correctes, reconnues ou
admises par la syntaxe, sont souvent appeles des expressions bien formes (ebf),
par opposition des expressions qui seraient mal formes. Cette discrimination
entre expressions bien formes et mal formes nest pas purement normative ou
arbitraire. Noublions pas que nous sommes en smantique ; et le but du jeu nest
pas simplement de dire que telle expression est bien crite et que telle autre ne
lest pas. Ici, la syntaxe anticipe sur la smantique, car ce que la syntaxe reconnat
comme expressions bien formes sont en fait des expressions qui ont du sens (ie des
expressions que lon peut interprter). On les appellera alors des expressions in-
terprtables (trad. de meaningful expressions). Donc si une expression bien forme
est une expression qui a un sens, une expression mal forme est une expression
laquelle on ne peut pas (ou on ne saurait pas) attribuer un sens. Remarquons que
cela a des implications importantes : quune expression mal forme soit non inter-
prtable, cela ne pose gure de problme ; en revanche, ce qui est moins vident,
cest que toute expression que lon sautorisera manipuler dans lo (cest--dire
quon acceptera comme bien forme) devra obligatoirement tre clairement et sys-
tmatiquement interprtable ; de plus, tout ce que lon souhaitera interprter dans
notre thorie devra recevoir une criture (bien forme) dans lo.
Nous allons maintenant voir ce quest le sens dune expression de lo, cest--dire
la smantique de ce langage.
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6u Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
. lnterrtution duns |e cu|cu| des rdicuts
z..i 5muntique informe||e
Le sens est ce qui nous permet de trouver la dnotation dune expression. Donc
dcrire le sens des expressions revient spcier les rgles de calcul des dnota-
tions des expressions. La nalit de lanalyse smantique ici est principalement
dexprimer les conditions de dnotation des formules (leurs conditions de vrit),
et comme les formules peuvent tre plus ou moins complexes, construites partir
dlments plus simples, nous devons dabord avoir une ide prcise de ce que sont
les dnotations de ces lments, cest--dire les expressions de base du langage lo.
Par dnition, la dnotation dune constante dindividu est simplement lindi-
vidu (du monde) dsign par cette constante. Par exemple si nous nous intressons
un individu, humain de sexe masculin, nomm Chandler Bing, etc. nous pour-
rons choisir de lui faire correspondre le symbole de constante c de lo. Et donc nous
saurons ainsi que c dnote cet individu particulier.
Venons-en la dnotation des prdicats et dabord des prdicats une place
comme acteur. Rappelons que la dnotation est en quelque sorte la projection dans
le monde de ce que vaut lexpression. Le prdicat acteur traduit le substantif
franais acteur, il reprsente le concept abstrait dtre acteur et dans le monde,
concrtement, ce concept se ralise par lensemble de tous les individus du monde
qui sont acteurs. Cet ensemble est la dnotation du prdicat. De manire gnrale,
la dnotation dun prdicat une place est lensemble de tous les individus qui le
vrient, cest--dire qui tombent sous le chef du concept reprsent par le prdicat.
Il en va de mme pour les prdicats qui traduisent des adjectifs qualicatifs,
comme gentil, dont la dnotation est lensemble de tous les individus gentils, ainsi
que des prdicats qui traduisent des verbes intransitifs, comme dormir, qui dnote
lensemble de tous les individus qui sont en train de dormir dans le monde.
Faisons ici deux remarques importantes. Dabord parler densembles tels que
lensemble de tous les acteurs peut paratre contre-intuitif et peu naturel, car ces
ensembles sont immenses et personne ne peut prtendre srieusement connatre
compltement lensemble de tous les acteurs du monde. Cest vrai, mais en fait
cela ne pose aucun problme pour la thorie. Nous reviendrons sur ce point un
peu plus loin, mais disons pour linstant que savoir que la dnotation du prdicat
acteur est lensemble de tous les acteurs ce nest pas la mme chose que savoir
exhaustivement et prcisment qui sont les individus qui appartiennent cette
dnotation. Dans la thorie smantique, ce qui va compter cest ce premier savoir,
bien plus que le second.
Ensuite, les dnotations prsentes ici sous forme densembles sont celles de
prdicats qui traduisent des termes singuliers du franais : acteur, gentil, dort, et
non pas acteurs, gentils, dorment. On pourrait penser que lorsque lon dit quelque
chose comme Joey est acteur ou simplement cet acteur , il nest question que
dun seul individu et pas dun ensemble dacteurs. Mais dans ces expressions, le
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.. Interprtation dans le calcul des prdicats 6
caractre singulier de la dnotation nest pas port par le prdicat lui-mme, mais
dune certaine manire, il est impos par un autre lment de la phrase, comme la
structure syntaxique ou un dterminant
z
. En soi et pris isolment, un prdicat
comme acteur na aucune raison de distinguer un acteur parmi dautres, puisquil
ne fait que prsenter le concept ou la proprit dtre acteur.
On peut se convaincre de cela en sinterrogeant sur la dnotation dune formule,
car nous avons prsent en main ce quil nous faut pour eectuer le calcul de la
valeur de vrit dune formule simple comme (), qui traduit la phrase Joey est
acteur .
() acteur(j)
j dnote un individu (celui qui sappelle Joey dans le cas de gure que nous
examinons ici) et acteur dnote un ensemble dindividus (les acteurs). Maintenant
dans quels cas () est-elle vraie ? Simplement si lindividu dnot par j appartient
lensemble dnot par acteur. Et cela nest rien dautre que la condition de vrit
de (). La rencontre dnotationnelle du prdicat et de son argument, qui donne
la dnotation de la formule, se fait par la relation dappartenance (le de la thorie
des ensembles) entre un objet et un ensemble dobjets.
La dnotation dun prdicat binaire, comme aimer ou frre-de, est un peu plus
complexe, mais poursuit le mme genre de formalisation. Un tel prdicat exprime
une relation qui se joue entre deux individus ; sa dnotation ne peut donc pas tre
directement un ensemble dindividus o chacun vrie un concept indpendemment
de ses compagnons densemble . Il faut pouvoir rendre compte du fait que, par
exemple, Ross peut tre le frre de Monica mais pas de Chandler, et aussi que
Monica nest pas le frre de Ross.
Par consquent, la dnotation dun prdicat binaire est un ensemble dans lequel
des individus sont explicitement mis en relation avec dautres. Un moyen technique
dindiquer une mise en relation est dutiliser des listes ou ce quon appelle des n-
uplets ; un n-uplet est une liste qui contient exactement n objets. Un n-uplet ou
une liste est une manire de reprsenter mathmatiquement une collection dobjets,
mais cest trs dirent dun ensemble, car dans un n-uplet les objets quil contient
sont prsents dans un ordre prcis et dterminant, alors que la notion dordre
na aucune pertinence lintrieur dun ensemble ; de mme un objet donn peut
apparatre plusieurs fois dans un n-uplet, cest--dire y occuper plusieurs positions,
alors quun objet appartient une fois pour toutes un ensemble.
Pour expliciter une relation binaire, on utilisera des n-uplets deux lments,
ce quon appelle des couples

. Ainsi la dnotation dun prdicat binaire est un


z. Pour le moment, nous laissons de ct lanalyse smantique des pluriels ; cela sera abord
plus prcisment dans le chapitre .o.
. Couple ici est un terme technique. Si on veut, cest la manire normale de prononcer z-uplet
en franais. Ny cherchons pas la connotation que lon retrouve avec des couples maris ou des
couples damoureux. Notons en passant quen franais, un ensemble deux lments sappelle une
paire.
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6 Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
ensemble de couples dindividus, tous les couples tels que leur premier membre
vrie vis--vis de leur second membre la relation exprime par le prdicat. Par
exemple, on peut supposer que la dnotation de frre-de contiendra, entre autres,
le couple compos de Ross et de Monica, mais pas le couple compos de Monica et
de Ross (les couples sont ordonns), qui lui pourra appartenir la dnotation de
sur-de.
Et le calcul de la dnotation dune formule comme () reste fondamentalement
le mme, sauf quon lapplique des couples et des ensembles de couples.
() frre-de(r
2
, m)
() est vraie si le couple constitu de la dnotation de r
2
et de celle de m
appartient la dnotation de frre-de, qui est lensemble de tous les couples frre
sur ou frre-frre du monde. Remarque : si un individu a plusieurs surs, mettons
trois, alors il apparatra en tte de trois couples dirents dans la dnotation de
frre-de, un couple pour chaque sur.
On peu maintenant gnraliser : la dnotation dun prdicat n arguments
(avec n 2) est un ensemble de n-uplets dindividus. Pour un prdicat ternaire,
on parlera densembles de triplets, pour un prdicat quaternaire, densembles de
quadruplets, etc.
Nous allons voir maintenant comment reprsenter prcisment (cest--dire for-
mellement) ce systme de dnotations au moyen de loutil mathmatique que sont
les modles.
z..z Les mod|es
Nous avons vu que la dnotation de la plupart des expressions interprtables
nest pas absolue : elle dpend dun certain nombre de circonstances, de cas de
gure, bref de comment est le monde. Par exemple, pour que acteur(j) soit vraie,
il faut que Joey soit eectivement un acteur dans le monde quon envisage. Cest
peut-tre le cas, a peut ne pas ltre. Les choses sont ce quelles sont, mais elles
pourraient tre autrement ; et de toute faon, personne ne sait tout sur tout.
En fait si la dnotation dune expression dpend dun certain tat du monde,
cest quil ne convient pas de parler de dnotation seule, et dornavant on prendra
soin denvisager la dnotation dune expression toujours relativement une certaine
conguration du monde.
Nous avons donc besoin de tenir compte de cette certaine conguration du
monde . Cela veut dire que nous allons devoir nous donner un moyen de repr-
senter susamment prcisment le monde et son tat . Pour ce faire, loutil que
nous allons utiliser est celui des modles.
Un modle est une guration mathmatique du monde ; cest une reprsenta-
tion ensembliste et structure. Dans sa version la plus simple, la notion de modle
nous fournit ce que lon peut vraiment appeler une image du monde, au sens dun
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.. Interprtation dans le calcul des prdicats 6
clich ou dun instantan. Et pour des raisons avant tout pratiques, les modles que
lon examinera de prs ne constituent que des images partielles du monde, comme
les photographies qui ne restituent ncessairement que de minuscules portions de
la ralit. Mais quun modle dcrive dlement, scrupuleusement et donc dme-
surment le monde ou quil ne donne quune image partielle, les caractristiques
dnitoires qui le sous-tendent restent exactement les mmes. Les modles partiels,
souvent minuscules, que nous verrons en exemples par la suite, je les appellerai des
modles-jouets ; un vritable modle quant lui est un objet plutt thorique
et est suppos dcrire compltement le monde.
Quest-ce qui fait que le monde, ou un monde, est tel quil est et pas autre-
ment ? Ce qui le caractrise cest tout dabord lensemble des choses, cest--dire
des individus, qui le peuplent. Un monde dans lequel existe King-Kong est assur-
ment dirent du monde dans lequel existent les lecteurs de ces pages. Un modle
indique ce genre dinformation en dnissant un domaine ce que lon appelle
aussi un univers

. Le domaine dun modle donn est un ensemble dindividus,


lensemble de tous les individus qui appartiennent au monde que dcrit ce modle.
Remarquons quune faon de se donner des modles partiels est de les dnir
sur de petits domaines, qui ne comportent que trs peu dindividus. On dira alors
quils ne contiennent que les individus qui nous intressent dans notre modlisation
du monde, que les individus dont on est susceptible de parler dans un contexte de
discours particulier.
Voici un exemple de (petit) domaine dindividus appelons-le / :
() / = MonicaG ; PhoebeB ; RachelG ; ChandlerB ; JoeyT ;
RossG

Ce que contient lensemble /, en tant que domaine, ce sont des individus, et


pas des noms. Il se trouve que les individus de cet exemple sont des personnes,
mais on aurait pu aussi faire gurer des objets ou des animaux dans /.
Notation z.q
Pour bien marquer la distinction entre les mots ou noms de la langue et les
individus qui appartiennent la ralit dcrite dans un modle, ces derniers seront
reprsents laide dune forme de caractres spciale, en Petites Capitales.
Il faudra donc bien veiller ne pas confondre le prnom Joey, qui appartient
la langue naturelle (le franais ou langlais), la constante j qui appartient au
langage objet lo, et lindividu JoeyT qui appartient au modle. Il serait proba-
blement plus pdagogique de prsenter un dessin ou une photo de lindividu au lieu
. Les appellations compltes et plus prcise que lon trouve souvent sont domaine ou univers
de quantication, ou encore domaine ou univers dinterprtation.
. On utilise la notation mathmatique habituelle qui reprsente le contenu dun ensemble
encadr daccolades { }, ses lments spars par des points-virgules.
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6 Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
de la squence JoeyT pour bien montrer quil sagit l dune portion de ralit.
Mais cette stratgie, qui deviendrait vite graphiquement encombrante, ne resterait
somme toute quun moyen terme tout aussi articiel. Accommodons-nous plutt
des contraintes matrielles imposes par un ouvrage crit en faisant usage de la
convention de notation typographique ..
Donc un modle tablit une description (ventuellement partielle) du monde en
spciant un domaine dindividus, la population du monde. Un domaine nest
quun ensemble, dans lequel les individus nous sont prsents en vrac. Une des-
cription du monde ne se ramne pas qu cela ; cela se doit dtre plus sophistiqu,
plus informatif. Cest pour cela que jai dit plus haut quun modle est structur.
Les individus du domaine sont organiss dune certaine manire, et cette certaine
manire nest ni plus ni moins quun certain tat du monde. Le modle spcie
une telle organisation en indiquant qui est qui , qui est quoi et qui fait
quoi dans le domaine.
En dautres termes, un modle dcrit ltat du monde en explicitant le lien
entre le domaine et le langage (en loccurrence lo). Ce lien est en fait la dnotation
du vocabulaire. En eet, savoir dans quel tat est le monde, ou savoir ce qui se
passe dans le monde, cela revient nalement connatre les dnotations de tous
les prdicats du langage, puisque les prdicats servent donner, dans le langage,
des informations sur le monde

.
Illustrons cela en reprenant notre histoire introduite via les exemples ()
(). Un modle qui dcrit dlement la ralit dun monde devra par exemple
nous dire qui est italien parmi les individus du domaine, autrement dit quel est
lensemble des italiens,... autrement dit quelle est dnotation du prdicat italien. Et
de mme, il devra nous dire qui est une femme, qui est un homme, qui est acteur,
qui fume, qui dort, etc. Mais aussi qui aime qui, qui connat qui, qui embrasse qui,
qui est le frre de qui, etc. Bref, on attend dun modle quil rponde ce genre
de question pour tout prdicat du langage.
Par exemple, notre modle en cours pourra nous faire savoir que (a) est la
dnotation de italien, (b) celle de acteur, (c) celle de femme, (d) celle de
homme, etc. Ces ensembles sont forcment des sous-ensembles de /.
() a. JoeyT
b. JoeyT
c. MonicaG ; PhoebeB ; RachelG
d. JoeyT ; ChandlerB ; RossG
Dans ce mini-modle, italien et acteur ont la mme dnotation, mais cest
justement parce que le modle est trs petit. Cela ne tire donc pas vraiment
consquence.
U. Notez que lon pourrait connatre certaines informations sur le monde qui soient indicibles ;
elles ne correspondraient donc la dnotation daucun prdicat. Cela est tout fait concevable
(encore que les langues naturelles ont un pouvoir expressif immense). Mais comme nous tudions
ici la smantique de la langue, nous ne nous intresserons quaux informations dicibles .
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.. Interprtation dans le calcul des prdicats 6
Pour les prdicats n-aires, nous reprsenterons les n-uplets en les encadrant
de chevrons ) en sparant leurs membres par des virgules. Par exemple :
RossG, RachelG) est un couple dindividus. Le modle pourra ainsi nous dire
que (a) est la dnotation de aimer et (b) celle de frre-de.
() a. RachelG, RossG) ; RossG, RachelG) ; MonicaG, ChandlerB) ;
ChandlerB, MonicaG)
b. RossG, MonicaG)
Ce que nous devons voir pour terminer, cest comment le modle nous fournit
ces rponses. On utilise cet eet un outil formel simple : une fonction qui
chaque constante non logique de lo associe sa dnotation dans le modle. Une telle
fonction sappelle une fonction dinterprtation, et elle est, au ct du domaine,
un lment constitutif du modle. Notons-la F. Un dbut de description (possible)
du monde apparatra alors comme ci-dessous ; de manire gnrale, on reprsentera
graphiquement une fonction sous forme de matrice deux colonnes, la premire
correspondant lensemble de dpart de la fonction, la seconde son ensemble
darrive et chaque lment de lensemble de dpart est mis en regard de son image
par une che ().
F :
_

_
italien JoeyT
acteur JoeyT
femme MonicaG ; PhoebeB ; RachelG
homme JoeyT ; ChandlerB ; RossG
fumer ChandlerB
aimer RachelG, RossG) ; RossG, RachelG) ;
MonicaG, ChandlerB) ;
ChandlerB, MonicaG)
frre-de RossG, MonicaG)
etc.
_

_
On peut galement expliciter F avec la notation fonctionnelle habituelle, en
crivant par exemple : F(italien) = JoeyT, F(femme) = MonicaG ; PhoebeB ;
RachelG, etc.
Le modle nous dit aussi qui est qui . Cela signie que la fonction dinterpr-
tation indique galement quel individu du domaine correspond chaque constante
dindividu du langage. Donc F doit tre complte par les attributions suivantes :
_

_
m MonicaG
p PhoebeB
r
1
RachelG
c ChandlerB
j JoeyT
r
2
RossG
_

_
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66 Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
Rsumons par la dnition suivante :
Dnition z.io (Modle)
Un modle (simple) dinterprtation smantique dun langage lo est dni par
un couple /, F) o / est un ensemble non vide et F une fonction qui projette
les constantes non logiques (ie dindividus et de prdicats) de lo dans /.
Si / est le nom du modle, on pose / = /, F) en guise dnition.
On dit que / est le domaine de / et on le tient pour lensemble de tous les
individus du monde dcrit par /.
F sappelle la fonction dinterprtation de lo dans /.
z.. Les rg|es smuntiques
Nous pouvons maintenant dnir la smantique du langage lo, cest--dire ses
rgles dinterprtation. Comme nous le savons maintenant, il sagit de rgles de
calcul, et plus prcisment du calcul de la dnotation de toute expression de lo.
Pour exprimer ces calculs, introduisons dabord un lment de notation.
Notation z. (Valeur smantique)
Soit une expression interprtable quelconque (de lo).
reprsente la valeur smantique de lexpression . On lappelle galement
linterprtation de .
Nous allons nous servir de cette notation pour reprsenter la dnotation des
expressions. La dnotation est, comme il se doit, la valeur smantique relativise
un certain modle.
Notation z.6 (Dnotation)
Soit une expression interprtable quelconque (de lo) et / un modle.

M
reprsente la dnotation de relativement au modle /.
Remarque : est une notation symbolique, mais elle nappartient pas au lan-
gage lo; l encore cest un mta-symbole que les smanticiens utilisent pour parler
de la smantique dune expression.
Pour dcrire le sens dans lo, nous devons dnir la valeur smantique de toute
expression interprtable relativement tout modle possible. Pour ce faire, il sut
dexprimer les rgles de calcul par rapport un modle absolument quelconque,
cest--dire compltement gnral ; on est sr ainsi quelles vaudront pour nimporte
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.. Interprtation dans le calcul des prdicats 6
quel modle. Comme lensemble des expressions de lo est dtermin par les rgles
de syntaxe, le plus ecace est de reprendre chacune de ces rgles et de lui associer
une rgle dinterprtation smantique. Ainsi on aura la garantie davoir dni une
smantique pour toutes les expressions possibles de lo.
Commenons dabord par dnir linterprtation du lexique de base de lo,
cest--dire les constantes dindividus et de prdicats. Nous lavons vu, la valeur
smantique de ces constantes nous est directement donne par la fonction dinter-
prtation F du modle par rapport auquel on a choisi deectuer le calcul.
Dnition z.ii (Interprtation des constantes non logiques)
Soit un modle / = /, F).
. Si est une constante dindividu, alors
M
= F() ; ie lindividu de /
assign a par F.
. Si P est une constante de prdicat, alors P
M
= F(P) ; ie un ensemble
dindividus de / si P est unaire, un ensemble de couples dindividus de /
si P est binaire, etc.
Ensuite nous devons spcier comment obtenir la dnotation de nimporte
quelle formule construite par la syntaxe. Les rgles dinterprtation sont rcursives
(comme celles de la syntaxe) et compositionnelles car linterprtation de toute for-
mule est dnie via linterprtation de ses constituants. Comme la dnotation dune
formule est une valeur de vrit, nous allons devoir manipuler le vrai et le faux, et
nous le ferons au moyen des symboles suivants :
Notation z. (Valeurs de vrit)
On note 0 ; 1 lensemble des valeurs de vrit. 1 reprsente vrai et 0 repr-
sente faux

.
Ainsi
M
= 1 signie que est vraie par rapport au (ou dans le) modle /,
et
M
= 0 que est fausse par rapport /.
Dnition z.iz (Interprtation des formules)
Soit un modle / = /, F).
(Sem.) a. Si P est un prdicat une place et si est une constante, alors
P()
M
= 1 ssi
M
P
M
;
;. 0 et 1 sont eux aussi des mta-symboles. On pourrait la place utiliser F et V, mais
par exprience je trouve que 0 et 1 permettent une lecture plus uide, ils se distinguent mieux
graphiquement (surtout dans les tables de vrit, cf. z...). Et puis on a dj F pour la fonction
dinterprtation, vitons autant que possible les homographies.
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6S Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
b. Si P est un prdicat deux places et si et sont des constantes,
alors P(, )
M
= 1 ssi
M
,
M
) P
M
;
c. Si P est un prdicat trois places et si , et sont des constantes,
alors P(, , )
M
= 1 ssi
M
,
M
,
M
) P
M
;
d. etc.
(Sem.) Si t
1
et t
2
sont des termes, alors t
1
= t
2

M
= 1 ssi t
1

M
= t
2

M
.
(Sem.) Si est une formule, alors
M
= 1 ssi
M
= 0.
(Sem.) Si et sont des formules, alors
a. [ ]
M
= 1 ssi
M
= 1 et
M
= 1.
b. [ ]
M
= 1 ssi
M
= 1 ou
M
= 1.
c. [ ]
M
= 1 ssi
M
= 0 ou
M
= 1.
d. [ ]
M
= 1 ssi
M
=
M
.
Arrtons-nous l pour le moment et laissons de ct provisoirement linterpr-
tation des formules quanties, nous y reviendrons en temps voulu.
Ces rgles nous disent dans quels cas (et seulement quels cas) une formule de
telle ou telle structure est vraie. Il sagit bien de conditions de vrit. Et ces rgles
dinterprtation dnissent donc bien le sens des formules.
Les rgles (Sem.) ne font que reformuler prcisment ce que nous avons vu en
.. : la dnotation dune formule atomique sobtient en vriant lappartenance
ensembliste () de la dnotation des arguments (seuls ou en n-uplets) la dnota-
tion des prdicats. La rgle (Sem.) est assez simple : elle dit que t
1
= t
2
est vrai
dans / si et seulement si les dnotations de t
1
et de t
2
sont identiques.
Ce qui est un peu plus nouveau, ce sont les rgles (Sem.) et (Sem.) qui inter-
prtent le rle des connecteurs logiques. Mais daprs ce quon a vu en ..., elle
sont assez simples comprendre, sauf peut-tre (Sem.c) que nous commenterons
un peu plus en ...
Pour illustrer le fonctionnement de ces rgles, regardons un exemple dapplica-
tion. Une faon de mettre en uvre les calculs smantiques consiste se donner
un modle petit mais dtaill et dvaluer des formules par rapport ce modle.
Soit donc le modle-jouet /
1
= /
1
, F
1
), dni comme suit (on lui met lindice
1
pour montrer que cest un modle bien particulier).
/
1
= Thse ; Hippolyta ; Hermia ; Hlna ; Lysandre ; Dmtrius ;
Ege ; Puck ; Obron ; Titania ; Bottom
F
1
(t
1
) = Thse,
F
1
(h
1
) = Hippolyta,
F
1
(h
2
) = Hermia,
F
1
(h
3
) = Hlna,
F
1
(l) = Lysandre,
F
1
(d) = Dmtrius,
F
1
(e) = Ege,
F
1
(p) = Puck,
F
1
(o) = Obron,
F
1
(t
2
) = Titania,
F
1
(b) = Bottom
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.. Interprtation dans le calcul des prdicats 6
F
1
(elfe) = Obron ; Titania ; Puck
F
1
(ne) = Bottom
F
1
(farceur) = Thse ; Obron ; Titania ; Puck
F
1
(triste) = Hlna
F
1
(mari-de) =
_
Thse, Hippolyta) ;
Obron, Titania)
_
F
1
(pre-de) =
_
Ege, Hermia)
_
F
1
(aimer) =
_

_
Thse, Hippolyta) ;
Hippolyta, Thse) ;
Lysandre, Hermia) ;
Hermia, Lysandre) ;
Dmtrius, Hermia) ;
Hlna, Dmtrius) ;
Titania, Bottom)
_

_
Cette prsentation de /
1
implique que nous travaillons prsentement sur une
petite portion dun langage de type lo qui ne comprend que les constantes din-
dividu t
1
, h
1
, h
2
, h
3
, l, d, e, p, o, t
2
, b, et les prdicats elfe, ne, farceur, triste,
mari-de, pre-de et aimer. Ce petit fragment est loin de nous permettre de rdiger
en lo un rsum dune pice de Shakespeare, mais il nous sura pour valuer la
vrit dune bonne varit de formules. Notons aussi que /
1
sous-entend aussi
(mais sans quivoque possible) que tous les prdicats sont un argument sauf
mari-de, pre-de et aimer qui sont binaires.
Commenons avec une formule trs simple ; on peut se demander quelle est la
dnotation de (6) relativement /
1
:
(6) aimer(d, h
2
)
Cest--dire, que vaut aimer(d, h
2
)
M
1
? La rgle (Sem.b) nous dit que
aimer(d, h
2
)
M
1
= 1 ssi d
M
1
, h
2

M
1
) aimer
M
1
. Or, daprs la rgle
de linterprtation des constantes non logiques, d
M
1
= F
1
(d) cest--dire
Dmtrius daprs la donne de /
1
, et h
2

M
1
= F
1
(h
2
) = Hermia. Donc
d
M
1
, h
2

M
1
) = Dmtrius, Hermia). Quant aimer
M
1
cest gal
F
1
(aimer), qui vaut lensemble de couples donne plus haut. Et on constate que
Dmtrius, Hermia) fait bien partie de cet ensemble. On donc bien montr que
aimer(d, h
2
)
M
1
= 1, (6) est vraie dans /
1
.
Essayons avec () :
() [triste(b) aimer(t
2
, b)]
La rgle (Sem.a) nous dit que [triste(b) aimer(t
2
, b)]
M
1
= 1 ssi
triste(b)
M
1
= 1 et aimer(t
2
, b)
M
1
= 1. Regardons dabord triste(b)
M
1
.
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u Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
b
M
1
= F
1
(b) = Bottom et triste
M
1
= F
1
(triste) = Hlna. Donc vi-
demment b
M
1
, triste
M
1
et donc, en vertu de (Sem.a), on en conclut que
triste(b)
M
1
= 0. On peut sarrter l, car la condition demande par (Sem.a)
nest pas remplie : il faut que les deux sous-formules soient vraies pour que ()
le soit ; si la premire est fausse, il est inutile dvaluer la seconde, on sait que
[triste(b) aimer(t
2
, b)]
M
1
= 0.
Remarquons en passant que ce qui est faux par rapport /
1
, comme triste(b),
cest ce qui nest pas donn comme information par /
1
.
Regardons une formule ngative, (S) :
(S) [ne(p) farceur(p)]
(Sem.) dit que [ne(p) farceur(p)]
M
1
= 1 si et seulement si
[ne(p) farceur(p)]
M
1
= 0. Calculons donc [ne(p) farceur(p)]
M
1
. (Sem.b)
dit que cette sous-formule est vraie si ne(p)
M
1
= 1 ou si farceur(p)
M
1
= 1. L
on peut gagner du temps en observant /
1
qui nous conseille de regarder dabord
la valeur de farceur(p). p
M
1
= F
1
(p) = Puck et farceur
M
1
= F
1
(farceur) =
Thse ; Obron ; Titania ; Puck, donc p
M
1
farceur
M
1
, et donc
farceur(p)
M
1
= 1. Et cela sut montrer que [ne(p) farceur(p)]
M
1
= 1,
puisque selon (Sem.b) il sut que lun des deux membres dune disjonction soit
vrai pour que lensemble soit vrai. Maintenant la rgle (Sem.) comme toutes
les rgles dinterprtation est en si et seulement si ; cela veut dire que

M
1
= 1 si
M
1
= 0 et
M
1
= 0 si
M
1
= 1. Par consquent,
[ne(p) farceur(p)]
M
1
= 0.
Exercice .
Calculez la dnotation relativement /
1
des formules suivantes : p. ..
. [pre-de(o, p) elfe(b)]
. [aimer(d, h
3
) triste(h
3
)]
. [elfe(p) farceur(p)]
. [farceur(t
1
) [elfe(t
1
) ne(t
1
)]]
. Un eu de |ogique
An de bien matriser la smantique de lo, il est temps de faire un petit dtour
vers la logique, car en se fondant sur le calcul des prdicats, lo met surtout en avant
les proprits logiques de la structure smantique des phrases. Nous allons donc
examiner de plus prs les connecteurs logiques, ainsi que des notions formelles
attaches aux formules de lo, ce qui nous permettra de nous donner des rgles
dinterprtation assez simples pour les formules quanties. Cette section permettra
par ailleurs de sentraner un peu lanalyse par conditions de vrit.
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
.. Un peu de logique
z.q.i Tub|es de vrit
Les connecteurs logiques (, , , , ) de lo sont galement appels des
connecteurs vrifonctionnels. Cela veut dire que leur dnotation peut tre consi-
dre comme une fonction un (pour ) ou deux (pour les autres) argument(s)
pris dans 0 ; 1 et qui retourne une valeur de 0 ; 1. Cest ce quon appelle une
fonction de vrit. Cest juste une faon mathmatique de dire que la valeur de
vrit dune formule construite avec un connecteur dpend simplement de la valeur
de vrit de ses sous-formules connectes. Et la dnition de ces fonctions nous est
donne dans les rgles (Sem.) et (Sem.).
On peut expliciter ces rgles de manire systmatique laide de ce quon
appelle des tables de vrit. Une table de vrit est un tableau qui permet de vi-
sualiser trs facilement toutes les dnotations que peuvent prendre une formule (ou
un schma de formules) construite avec un connecteur. Le principe est le suivant :
les premires colonnes dune table vont correspondre aux sous-formules connec-
tes ; on y fait gurer toutes les combinaisons de valeurs de vrit quelles peuvent
prendre (lorsquon examine un connecteur binaire, il y a quatre combinaisons pos-
sibles) ; et dans la colonne suivante, en face de chaque combinaison de valeurs, on
pose la valeur de vrit rsultante pour la formule complexe. Les tables de vrit
sont aux connecteurs logiques ce que nos vieilles tables de multiplication sont la
multiplication. Le Tableau . regroupe les tables de vrit des quatre connecteurs
logiques de lo.
[ ] [ ] [ ] [ ]
1 1 1 1 1 1
1 0 0 1 0 0
0 1 0 1 1 0
0 0 0 0 1 1
Table . Tables de vrit des connecteurs logiques de lo
Chaque ligne dune table est donc une combinaison possible des valeurs de et
. Par rapport notre formalisation smantique, cela veut dire que chaque ligne
rsume une certaine catgorie de modles : la premire ligne reprsente tous les
modles par rapport auxquels et sont toutes deux vraies, la deuxime tous les
modles par rapport auxquels est vraie et est fausse, etc. Quand on regarde la
dnotation dune formule construite avec un connecteur binaire, on ne sintresse
qu quatre grandes catgories de modles.
On peut aussi dresser la table de vrit de la ngation, et l on na regarder
que deux catgories de modles : ceux o la formule de dpart est vraie et ceux o
elle est fausse ; cf. Tableau ..
Le principe des tables de vrit permet galement de calculer toutes les dnota-
tions possibles de formules complexes, ou plus exactement de schmas gnraux de
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Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats

1 0
0 1
Table . Table de vrit de la ngation
formules, qui comprennent plusieurs connecteurs

. Techniquement il sut dajou-


ter des colonnes intermdiaires pour les direntes tapes du calcul et ainsi on ob-
tient progressivement le rsultat nal en rutilisant les rsultats intermdiaires

.
Ces calculs sont courants en logique, et ici ils peuvent nous tre utiles car il y a
une rgle de logique qui dit que deux formules qui ont la mme table de vrit sont
logiquement (et smantiquement) quivalentes, puisque cela veut dire quelles sont
vraies dans exactement les mmes modles
o
.
Regardons par exemple les dnotations de [ ] puis de [ ] donnes
dans le Tableau ..
[ ]
1 1 0 0 0
1 0 0 1 0
0 1 1 0 0
0 0 1 1 1
[ ] [ ]
1 1 1 0
1 0 1 0
0 1 1 0
0 0 0 1
Table . Tables de vrit de [ ] et de [ ]
Dans la table de gauche on calcule dabord les valeurs pour et , en se
servant de la table . de la ngation ; puis sur ces deux colonnes on applique les
rgles de calcul de la conjonction donnes dans la table . et cela nous donne
les valeurs pour [ ]. La construction de la table de vrit suit les tapes
de la construction syntaxique de la formule. Et donc dans la table de droite, on
commence par indiquer les valeurs de [ ], et partir de cette colonne on
calcule les valeurs de [ ]. Les colonnes de rsultat nal des deux tables sont
identiques, les deux formules sont logiquement (et smantiquement) quivalentes.
Pour illustrer cela, reprenons lexemple (S) :
(S) [ne(p) farceur(p)]
. Cependant loutil des tables de vrit nest oprant que sur les formules qui ne contiennent
pas de quanticateurs ni de variable, car alors la varit de modles prendre en compte est
immense et ne peut pas se rsumer quelques lignes.
g. Mais attention : il ne faut pas oublier dnumrer sur les lignes de la table toutes les com-
binaisons possibles de valeurs de vrit pour les sous-formules de base prises en compte. Plus une
formule complexe connecte de formules simples direntes, plus elle aura de lignes.
o. Il ne sagit que dune reformulation pour lo de ce que nous avions vu au chapitre . sur
lquivalence logique ; cf. la dnition .., ..z.z, p. .; voir aussi la dnition z.z., p. go.
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.. Un peu de logique
Cette formule peut littralement traduire la phrase franaise il est faux que
Puck est un ne ou un farceur ; en clair, cela signie la mme chose que Puck
nest ni un ne, ni un farceur , autrement dit Puck nest pas un ne et Puck
nest pas un farceur , ce qui se traduit bien en (S)

:
(S)

[ne(p) farceur(p)]
Cette quivalence logique fait partie de ce qui est connu sont le nom de lois de
Morgan. Il y en a une seconde qui est que [ ] et [ ] sont aussi logi-
quement quivalentes. On peut lillustrer avec les exemples suivants : il est faux
que Puck est un ne et un farceur , cest--dire Puck nest pas un ne farceur ,
ce qui veut bien dire Puck nest pas un ne ou bien Puck nest pas farceur . Les
lois de Morgan peuvent donc savrer utiles pour comprendre certaines formules
ou phrases ngatives.
Thorme z.i (Lois de Morgan)
Une formule de la forme [ ] et une formule de la forme [ ] sont
logiquement quivalentes.
Une formule de la forme [ ] et une formule de la forme [ ] sont
logiquement quivalentes.
Exercice .
. Montrez, par la mthode des tables de vrit, que [[]] et [[]] p. ..
sont logiquement quivalentes. NB: ici les tables auront S lignes.
. De mme pour [[ ] ] et [ [ ]].
. Montrez que [[ ] ] et [ [ ]] ne sont pas logiquement
quivalentes.
Les deux quivalences de lexercice . disent nalement que par exemple lors-
quon a deux conjonctions qui se suivent dans une formule, peu importe com-
ment on les regroupe, cest--dire comment on place les crochets, la dnotation de
la formule reste toujours la mme. On dit que la conjonction et la disjonction sont
des connecteurs associatifs (comme le sont laddition et la multiplication sur les
nombres), et pour cette raison on peut sautoriser faire lconomie de ces crochets
dans lcriture des formules : ils nont pas dimpact smantique. Ainsi on pourra
crire de temps en temps [ ] et [ ] la place des quatre premires
formules de lexercice .. Mais il faut bien garder lesprit que [ ] nest
quune commodit dcriture : en toute rigueur, ce nest pas une formule bien for-
me de lo, mais juste un raccourci qui vaut indiremment pour [[ ] ] ou
[ [ ]].
En revanche, comme le montre la troisime partie du mme exercice, [
] nest pas une criture autorise, cette (pseudo-)formule na vraiment aucun sens.
De mme on na pas le droit dcrire [ ].
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
Il y a une autre rgle de suppression des crochets que lon peut saccorder pour
allger les critures de formules. Les crochets servent regrouper les sous-formules
lintrieur dune formule complexe pour viter toute quivoque et pour bien
marquer le champ dapplication dun connecteur. Par consquent lorsquune
formule (mais pas une sous-formule !) est entirement encadre de crochets, ceux-ci
ne servent pas grand chose, car justement cette formule globale nest connecte
aucune autre. Ainsi il est smantiquement inoensif de supprimer les crochets
les plus extrieurs dune formule et on peut crire la place de [ ]
tant quil sagit dune formule autonome. Mais attention, cela ne concerne que les
crochets compltement extrieurs : on na pas le droit de les supprimer dans []
ou dans x[elfe(x)farceur(x)] (mais on a le droit dcrire xelfe(x)xfarceur(x)
pour [xelfe(x) xfarceur(x)]).
Exercice .
Montrez que les paires de formules suivantes sont chacune logiquement quivalentes : p. .z
. et
. [ ] et [ ]
. [ ] et [ ]
. [ [ ]] et [[ ] ]
. [ [ ]] et [[ ] [ ]]
6. [ [ ]] et [[ ] [ ]]
Il nest pas inutile de connatre par cur ces quivalences (la n
o
sappelle
dailleurs la loi de la double ngation et la n
o
la loi de contraposition

).
z.q.z Disjonctions inc|usive et exc|usive
La table de vrit de la disjonction , rpte dans le Tableau ., de mme que
la rgle (Sem.b) nous disent que [ ] est vraie si lune des deux sous-formules
est vraie et aussi lorsquelles sont vraies toutes deux. Cest ce quon appelle la
disjonction inclusive, et cest pourquoi elle est parfois prononce et/ou . Il existe
en logique un autre connecteur disjonctif, quon appelle la disjonction exclusive ;
notons-la par le symbole
z
; sa table de vrit est donne dans le Tableau ..
On voit que [] est vraie si lune des deux sous-formules est vraie mais pas
les deux en mme temps. Cest fromage ou dessert.
Une question importante quon a se poser en smantique, cest de savoir si les
expressions de la langue qui expriment la disjonction, en franais ou , ou bien ,
soit..., soit... , doivent sanalyser par une disjonction inclusive ou exclusive. On
peut deviner la rponse puisque cest et pas qui a t introduit dans lo, mais
regardons les choses plus prcisment.
.. Un exemple dquivalence via la double ngation est donne par Marie fume et il est
faux que Marie ne fume pas . La loi de contraposition peut sillustrer par sil y a de la fume,
il y a du feu et sil ny a pas de feu, il ny a pas de fume .
z. Ce symbole nest pas spcialement consacr dans la littrature logique. Mais ma connais-
sance, il ny a aucun consensus de notation clairement tabli ; on trouve facilement les variantes
suivantes : , , +, , , etc., ce qui tend montrer le ct relativement marginal de ce connecteur.
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
.. Un peu de logique
[ ] [ ]
1 1 1 0
1 0 1 1
0 1 1 1
0 0 0 0
Table . Tables de vrit des disjonctions inclusive et exclusive
En fait, il peut sembler que la plupart (ou au moins un grand nombre) des
phrases disjonctives du franais sont plus naturellement comprises comme expri-
mant une disjonction exclusive plutt quinclusive. Un exemple classique est () :
() Alice est dans sa chambre ou dans la salle de bain.
Il parat assez vident que cette phrase ne suggre pas quAlice est peut-tre
la fois dans sa chambre et dans la salle de bain. La disjonction en () a bien
lair exclusive. Remarquons au passage que, parmi les raisons qui peuvent amener
un locuteur utiliser une disjonction dans son nonc, lune des plus courantes est
lorsquil ne dispose pas dune information absolument certaine, que pour lui deux
possibilits sont en balance. Mais cela ne veut pas dire que ces noncs ne sont pas
informatifs ; ils ne sont pas vagues ; () exclut tous les autres endroits o Alice
peut tre.
Les phrases suivantes fonctionnent de la mme manire, en illustrant des dis-
jonctions exclusives :
(u) Ce type, il sappelle Hubert ou Herbert.
() Daniel travaille Biarritz ou Bayonne.
() Cet t pour les vacances, Adle est alle en Espagne ou en Italie.
Mais il faut faire une remarque importante ici : ce nest pas forcment parce que
lon comprend ces phrases comme exprimant une disjonction exclusive ou quelles
nous semblent exprimer une disjonction exclusive que leur sens doit tre analys de
la sorte. Nous savons prsent comment dcrire le sens dune phrase : ce sont ses
conditions de vrit. Or demandons-nous dans quels cas la phrase () est vraie.
Elle est vraie bien sr si Adle est eectivement alle en Espagne ou si elle est alle
en Italie. Mais quen est-il si elle a fait deux voyages pendant ses vacances et quelle
a visit les deux pays ? Dans ce cas, force est dadmettre que () est galement
vraie. Autrement dit, les conditions de vrit nous donnent clairement une disjonc-
tion inclusive. La phrase () en est un autre exemple. Imaginez un inspecteur
menant une enqute et qui, aprs avoir recueilli des indices et des tmoignages,
nonce la conclusion suivante :
() Le coupable est roux ou il porte une perruque rousse.
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
6 Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
Devra-t-on alors carter un suspect qui la fois serait roux et porterait une
perruque rousse ? Bien sr que non. Par consquent, mme si elle nen a pas lair,
la phrase () a une structure smantique de disjonction inclusive.
On peut cependant faire une double objection : dabord les disjonctions des
phrases ()() ont lair plus exclusives quen () et (), ensuite comment
expliquer que malgr tout il y a une lecture exclusive qui se prsente nettement
lorsquon lit tous ces exemples ? Il y a plusieurs manires de rpondre cela.
Une premire explication serait dordre strictement smantique et grammati-
cale. Elle dirait que la conjonction ou du franais

est ambigu: il y aurait deux


ou , un inclusif et un exclusif. Ainsi () recevrait deux traductions possibles
en lo :
()

a. [aller(a, e) aller(a, i)]


b. [aller(a, e) aller(a, i)]
Mais il a t montr (par Gazdar () notamment) que cette analyse est
dicilement dfendable et on retient prfrentiellement des explications plus prag-
matiques.
Dabord il ne faut pas manquer dobserver dans les exemples () et (u) que,
dans le cours normal des choses, les cas o les deux membres de la disjonction
sont vrais (Alice est deux endroits la fois, le type porte deux prnoms usuels)
sont hautement improbables, si ce nest impossibles ou absurdes. Il sagit l en fait
dune sorte de prsuppos de bon sens, quelque chose que le locuteur et lallocutaire
savent ou prsument ensembles et tacitement. Et cela se rete dans les conditions
de vrit : savoir si () est vraie lorsquAlice est dans les deux pices la fois
est tout simplement sans intrt, sans pertinence. Et on peut mme dire que dans
un tel cas, () nest ni vraie ni fausse, mais hors de propos ce qui est bien
une proprit des prsuppositions. Si on tient compte de cette prsupposition, la
disjonction na de valeur que pour dire quun et un seul des deux membres est vrai,
ce qui provoque bien une lecture exclusive. Simplement ce qui fait lexclusivit
de la disjonction nest pas arm par le locuteur mais prsuppos, et ce nest
donc pas dans la structure smantique de sa phrase. En bref, nos phrases ici sont
smantiquement des disjonctions inclusives qui par prsupposition reviennent des
disjonctions exclusives

.
Il y a une autre explication pragmatique, qui ne soppose pas la premire,
et selon laquelle les lectures disjonctives exclusives sont des eets dimplicatures
conversationnelles. Lide est la suivante : une conjonction de deux formules []
est plus informative, plus prcise que la disjonction de ces mmes formules [],
. Mais cela se retrouverait probablement dans toutes les langues.
. Mais attention : il sagit bien l de prsuppositions pragmatiques, en ce sens quelles consti-
tuent des informations videntes. Le fait quon est enclin prsumer quune mme personne ne
peut pas tre la fois dans deux endroits dirents est indpendant de la smantique de la dis-
jonction en franais. Il serait donc fautif de considrer ici la conjonction ou comme un dclencheur
de prsupposition.
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.. Un peu de logique
car la conjonction est vraie dans moins de cas que la disjonction (cf. Tableau .)
et car [ ] est une consquence logique de [ ] (quand la conjonction est
vraie la disjonction lest aussi). Par exemple, dire quAdle est alle en Espagne
et en Italie est videmment plus prcis que de dire quelle est alle en Espagne ou
en Italie. Par consquent, si un locuteur nonce la formule la moins informative,
cest quil est probable quil ne pense pas que la formule la plus informative soit
vraie. Autrement dit, une implicature que lon peut tirer normalement de [ ]
cest []. Et si on runit les deux, cela nous donne : ou et pas les deux
la fois, ce qui est bien linterprtation de la disjonction exclusive. Prcdemment,
lexclusivit tait donne a priori par une prsupposition, ici elle est obtenue a
posteriori par une implicature.
Terminons ces observations avec le coup de grce que nous pouvons porter
une analyse smantique de la disjonction exclusive. Reprenons lhypothse qui
suggrait que ou soit smantiquement (ie lexicalement) ambigu entre et .
Cela veut dire que toute phrase en ou reoit deux traductions plausibles et
quventuellement ensuite lune des deux soit carte parce que peu approprie
dans le contexte.
Regardons alors ce qui se passe avec une disjonction multiple, cest--dire
plus de deux membres, comme par exemple () :
() Marie a prvenu Pierre ou Albert ou Jacques.
Si ou est ambigu, alors () peut se traduire au moins de deux faons :
()

a. [[prvenir(m, p) prvenir(m, a)] prvenir(m, j)] ou


b. [[prvenir(m, p) prvenir(m, a)] prvenir(m, j)]
cest--dire les schmas de formules [[ ] ] ou [[ ] ]. Avant mme
danalyser ces formules, on peut dj expliciter les conditions de vrit de ()
simplement en regardant la phrase. On peut y voir eectivement deux lectures,
une inclusive et une exclusive. Pour la lecture disjonctive inclusive, () est vraie
si et seulement si Marie a prvenu au moins un des trois garons et donc cest vrai
aussi si elle en a prvenu deux ou les trois. Pour la lecture disjonctive exclusive cest
moins simple car il y a deux manires de voir les choses. On pourrait envisager une
lecture exclusive faible qui dirait que () est vraie ssi Marie a prvenu au moins
un des trois garons mais pas tous les trois ce serait donc vrai si elle en a prvenu
deux. Mais cette interprtation semble peu naturelle et plutt complique. Lautre
lecture serait exclusive forte, elle dirait que () est vraie ssi Marie a prvenu un
seul des trois garons. Examinons maintenant ce que nous disent les tables de vrit
de nos deux schmas de formules. Elles sont donne dans le Tableau ..
La table de [[ ] ] est bien conforme nos attentes. Quant celle de
[[ ] ] elle correspond presque la lecture exclusive forte ; presque
cause de la premire ligne qui ne donne pas le rsultat escompt. Et cest beaucoup
plus grave quil ny parat car si on recommence lexercice avec une disjonction
CC by-nc-nd/./fr compil le octobre
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S Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
[ ] [[ ] ]
1 1 1 1 1
1 1 0 1 1
1 0 1 1 1
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0 0 0 0 0
[ ] [[ ] ]
0 1
0 0
1 0
1 1
1 0
1 1
0 1
0 0
Table . Tables de vrit de disjonctions trois termes
quatre ou cinq membres, on constatera une tonnante rgularit : une disjonction
exclusive multiple (en ) est vraie ssi il y a un nombre impair de sous-formules
atomiques connectes qui sont vraies. Et cette rgle na dcidment rien voir avec
ce que peut vouloir dire un locuteur qui nonce une phrase disjonctive. Autrement
dit, le connecteur donne des rsultats errons quand il sagit dexprimer le sens
des phrases du franais.
La conclusion de tout cela est que dun point vue strictement smantique,
cest--dire concernant uniquement les conditions de vrit, lexpression dune dis-
jonction en franais sera toujours traduite par une disjonction inclusive, . Cest
un autre niveau de lanalyse (pragmatique) que se manifeste le caractre exclusif
de linterprtation dune disjonction. Nous nutiliserons donc pas dans lo.
z.q. lm|icution mutrie||e
Le connecteur de limplication matrielle, , a t prsent comme tant ce
qui permet de traduire en lo les constructions conditionnelles en si..., (alors)... .
Exemple :
() Si Dmtrius naime pas Hlna, alors elle est (/sera) triste.
[aimer(d, h
3
) triste(h
3
)]
Introduisons dabord deux lments de vocabulaire attachs aux implications :
Dnition z.i (Antcdent et consquent dune implication)
Dans une implication de la forme [ ], la sous-formule sappelle lantcdent
de limplication, et la sous-formule son consquent.
Par extension on parle aussi de lantcdent et du consquent dune phrase condi-
tionnelle pour dsigner respectivement la proposition subordonne (en si) et la
principale.
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
.. Un peu de logique
Les conditions de vrit donnes en (Sem.c) et la table de vrit, reproduite
dans le Tableau .6, peuvent paratre un peu loignes de ce que lon attend de
la smantique dune structure conditionnelle du franais en si . Il faut dabord
savoir que la formulation de (Sem.c) nest quune faon de dire parmi dautres
variantes quivalentes ; on aurait pu tout aussi bien crire : [ ]
M
= 1 si
et seulement si, si
M
= 1 alors
M
= 1 aussi. Mais la version (Sem.c) a le
mrite dtre plus analytique et moins alambique.
[ ]
1 1 1
1 0 0
0 1 1
0 0 1
Table .6 Table de vrit de
Ce qui gne souvent dans la table de vrit de , cest sa troisime ligne :
comment le faux peut-il impliquer le vrai ? ou comment de quelque chose de faux
peut-on dduire quelque chose de vrai ?
Dabord, il faut bien tre avis du fait que limplication matrielle nest pas la
mme chose que la dduction ; ce sont deux concepts orthogonaux. Limplication
matrielle est un symbole de lo qui permet dcrire des formules ; la dduction est
un type de raisonnement, ou ventuellement un jugement que lon porte sur une
forme de raisonnement (on dit par exemple que tel raisonnement est dductif). Une
manire dtablir une dduction est dutiliser la relation de consquence logique
que nous avons vue au chapitre prcdent. On la notait par [=, et ce symbole
ne fait pas partie de lo, cest un mta-symbole. Il sert armer quil y a une
consquence logique entre des phrases, et on a bien vu que cette relation ne stablit
pas nimporte comment (nous y reviendrons en ..). Au contraire, la rgle
syntaxique (Syn.) nous autorise placer le connecteur entre nimporte quelles
formules, pourvu quelles soient bien formes. Cest que [ ] en soi narme
rien, quand on lcrit on ne dit pas si elle est vraie ou fausse (do lutilit des
modles et de ). Ainsi on a tout fait le droit dcrire [ ] puisque cest
une ebf, alors qucrire P [= P cest commettre une agrante erreur de logique.
Car ces deux critures ne se situent pas sur le mme plan : la premire fait partie de
lo, le langage objet quobservent et tudient les smanticiens, alors que la seconde
appartient au mtalangage, dans lequel sexpriment les smanticiens.
Ensuite, on doit remarquer que le faux nimplique pas que le vrai, il implique
aussi le faux (cf. la table de vrit). Autrement dit le faux implique nimporte
quoi

: lorsque lantcdent dune implication est faux, la valeur de son consquent


nest pas discriminante. Ce qui est surtout dterminant, ce sont les deux premires
lignes de la table de vrit. Cela peut sillustrer avec lexemple suivant :
. Cest mme une loi logique fameuse et depuis longtemps identie sous le joli nom de e falso
sequitur quodlibet (du faux sensuit nimporte quoi, ou le faux implique tout).
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
Su Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
(6) Si je pars de chez moi aprs Sh, je rate mon train.
Cest une phrase que je peux noncer trs raisonnablement si je dois prendre
un train qui part Shu et que je sais pertinemment quil me faut au minimum u
minutes pour aller la gare

. Maintenant imaginons que nalement je suis parti


hu et que malgr tout, cause dune panne de mtro ou dun embouteillage,
jai quand-mme rat mon train (cest--dire on imagine un modle o les choses
se sont passes ainsi). Ainsi lantcdent de (6) est faux et son consquent est
vrai. Doit-on alors en conclure que dans ce cas (6) est fausse ? Pas du tout, elle
reste vraie, simplement parce quelle ne se prononce pas sur ce qui se passe dans
le cas o je pars avant Sh (ie lorsque lantcdent est faux).
Il faut tout de mme mentionner un eet de sens qui se produit assez souvent
avec des phrases conditionnelles, et qui l encore est dordre pragmatique. Prenons
lexemple de parents qui disent leurs enfants :
() Si vous tes sages, on ira au parc dattraction cet aprs-midi.
Cet nonc est une sorte de promesse. Et comme prcdemment, plaons-nous
dans une situation o lantcdent est faux et le consquent vrai : les enfants
nont pas t sages du tout et les parents les ont emmens au parc. Dans ce cas,
on ne peut pas vraiment dire quils nont pas tenu leur promesse, techniquement
ils ne se sont pas parjurs (a aurait t le cas si les enfants ayant t sages ils
ne soient pas emmens au parc). En revanche, on peut estimer que les parents
sapent ainsi dangereusement leur autorit et leur crdibilit. La raison en est que,
comme la montr, entre autres, Ducrot (S), une armation de la forme de
() saccompagne habituellement dun sous-entendu (et donc probablement dune
implicature conversationnelle) de la forme de (S) :
(S) Si vous ntes pas sages, on nira pas au parc dattraction cet aprs-midi.
Cest pourquoi une phrase comme () se comprend souvent comme expri-
mant une quivalence matrielle () plutt quune implication, car larmation
() ([ ]) complte du sous-entendu (S) ([ ]) revient on ira
au parc dattraction, si et seulement si vous tes sages . Cet eet dquivalence,
comme leet dexclusivit pour la disjonction, est le fruit dun raisonnement prag-
matique

, mais il nest pas inscrit dans la structure smantique de la phrase de


dpart ().
Pour conclure sur limplication matrielle, disons quil faut toujours penser
valuer globalement la dnotation dune phrase conditionnelle. Une implication
U. Pour les besoins de la dmonstration, on fait aussi lhypothse extravagante que les trains
partent toujours lheure.
;. Trs informellement, ce raisonnement peut se rsumer ainsi : si les parents noncent (;)
tout en envisageant la possibilit demmener les enfants au parc quoi quil arrive, alors a ne sert
rien de mettre une condition la promesse, car dans ce cas, il leur surait de dire simplement :
on ira au parc cet aprs-midi .
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
.. Un peu de logique S
ou une conditionnelle met en place une hypothse exprime par lantcdent qui,
seulement si elle est vraie, nous invite examiner (ie vrier) une consquence,
cest--dire le consquent. Si lhypothse est fausse, alors globalement limplication
na rien signaler et donc elle est trivialement vraie. Lhypothse, donc lan-
tcdent, a le statut de condition susante dans limplication. Cest pourquoi on
peut saider bien interprter une phrase conditionnelle en prononant limplica-
tion par il sut que

(mais surtout pas il faut que !), comme par exemple


()

qui est une bonne variante logique de ().


()

Il sut que vous soyez sages pour que nous allions au parc dattraction
cet aprs-midi.
z.q.q Lu quunticution
Il est temps de revenir aux formules quanties de lo et leur smantique.
Pour cela, il nous faut examiner quelques proprits formelles et quelques notions
attaches aux formules qui comportent des symboles de quantication. La plus
fondamentale est celle de porte.
Dnition z.iq (Porte dun quanticateur)
Si une formule contient une sous-formule de la forme v ou v, on dit que
est la porte respectivement du quanticateur v ou v dans .
Regardons tout de suite un exemple (volontairement compliqu, et laissons de
ct ce que la formule peut bien signier) :
() xy[z[waimer(z, w) aimer(y, z)] aimer(x, y)]
En (), la porte de w est aimer(z, w), celle de z est [waimer(z, w)
aimer(y, z)], celle de y est [z[waimer(z, w) aimer(y, z)] aimer(x, y)] et
celle de x est y[z[waimer(z, w) aimer(y, z)] aimer(x, y)].
La porte dun quanticateur v ou v est simplement la sous-formule (com-
plte !) qui le suit immdiatement dans la formule globale, ou, si lon prfre, la
sous-formule quon a utilise en appliquant la rgle (Syn.) au moment dintroduire
v ou v lors de la construction de la formule globale.
Remarquez quici on appelle quanticateur une squence compose dun sym-
bole de quantication suivi dune variable. ce propos, la formulation de la dni-
tion . est un peu simplie ; pour tre tout fait prcis il faut en fait lnoncer
en disant : ... on dit que est la porte de cette occurrence particulire du quan-
ticateur v ou v, respectivement, dans . En eet, rien nempche davoir
. Cest--dire que [ ] peut se prononcer en si , ou il sut que pour que .
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
S Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
plusieurs fois par exemple x dans une formule, et ce qui nous intresse ici cest le
rle du quanticateur un certain endroit de la formule. Ainsi dans :
(u) xmari-de(x, t
2
) x[aimer(t
2
, x) mari-de(x, t
2
)]
mari-de(x, t
2
) est la porte de la premire occurrence de x et [aimer(t
2
, x)
mari-de(x, t
2
)] la porte de sa seconde occurrence.
La quantication, par nature, concerne les variables. Smantiquement la porte
dun quanticateur cest, en quelque sorte, son rayon daction : elle dlimite la
zone o se trouvent les variables qui sont concernes par ce quanticateur dans
une formule. Concerner nest pas un terme retenu en smantique formelle ; on
parle plutt des variables lies par un quanticateur. Et lorsquune variable nest
pas lie dans une formule, on dit quelle y est libre.
Dnition z.i (Variables libres, variables lies)
. Loccurrence dune variable v dans une formule est dite libre dans si
elle nest dans la porte daucun quanticateur v ou v.
. Si v (ou v) est une sous-formule de et si v est libre dans , alors
cette occurrence de v est dite lie par le quanticateur v (ou v).
L aussi, libre et lie sont des proprits doccurrences de variables, cest--dire
de variables situes un certain endroit dans une formule. Regardons par exemple
les variables de () :
() x[aimer(x, y) y elfe(y)]
Et examinons les choses pas pas. Localement dans elfe(y), y est libre puisque
dans cette sous-formule il ny a pas de quanticateur. Donc cette occurrence de
y est lie par y dans y elfe(y) en vertu de la dnition .. De mme dans
[aimer(x, y) y elfe(y)], x et la premire occurrence de y sont libres (et la seconde
occurrence de y est lie, comme on vient de le voir). Donc x est lie par x dans
(). Par contre, la premire occurrence de y, elle, reste libre car elle est dans la
porte dun x mais pas dans celle dun y ou dun y.
On pourrait se demander pourquoi la dnition . est si complique et pour-
quoi faut-il dnir la notion de variable lie partir de celle de variable libre. Ne
surait-il pas de dire simplement quune variable v est lie par v ou v si elle se
trouve dans sa porte ? Eh non, cela ne surait pas, car des quanticateurs sur v
peuvent se trouver eux-mmes dans la porte dun autre quanticateur sur v. Par
exemple :
() x[aimer(x, y) xelfe(x)]
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
.. Un peu de logique S
Ici y est libre et le premier x est li par x, comme en (). Mais le second x,
lui, nest pas li par x, mme sil est dans sa porte. Car il nest pas libre dans
[aimer(x, y) xelfe(x)], il est li par x.
Le principe de la dnition ., en fait, est quune variable v libre dans une
(sous-)formule est toujours susceptible dtre ensuite lie par un v ou v qui
serait plac devant . De par cette dnition, on appelle dailleurs les symboles de
quantication des lieurs. Cest une notion fondamentalement smantique, mais il
est aussi trs simple de la dnir syntaxiquement. Nous rencontrerons plus tard
dautres lieurs que et ; cest pourquoi la dnition suivante utilise le mta-
symbole , pour une formulation gnrique.
Dnition z.i6 (Lieur)
Un symbole de lo est appel un lieur, sil est introduit dans le langage par une
rgle syntaxique qui dit que si v est une variable et une expression bien forme
de lo, alors v est aussi une expression bien forme de lo

.
Tout lieur a une porte (cest ci-dessus), et il sut dadapter la dnition .
en la gnralisant tout lieur pour savoir que, par dnition, un lieur est sim-
plement un symbole qui lie des variables.
Il est trs important de savoir reconnatre les variables lies, notamment pour
linterprtation de la quantication puisquvidemment, les quanticateurs quan-
tient sur les variables quils lient.
Exercice .
Pour chacune des formules suivantes, dites : i) quelle est la porte de chaque p. .
quanticateur, ii) quelles sont les occurrences de variables libres (sil y en a), et
iii) et par quels quanticateurs sont lies les autres variables.
. x[aimer(x, y) ne(x)]
. xaimer(x, y) ne(x)
. xy aimer(x, y) ne(x)
. x[y aimer(x, y) ne(x)]
. xy aimer(x, y) ne(x)
6. ne(x) [y[aimer(x, y) ne(x)] elfe(y)]
. x[aimer(x, y) ne(y)]
S. xaimer(x, x) y ne(y)
. xy[[aimer(x, y) ne(y)] z mari-de(x, z)]
u. x[y aimer(y, x) ne(y)]
g. On parle ici dexpressions bien formes et pas simplement de formules, an davoir une
dnition susamment gnrale (et donc valide aussi pour les autres lieurs que nous verrons).
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
S Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
Maintenant intressons-nous aux conditions de vrit des formules (et des
phrases) qui contiennent des quanticateurs. Quand ces formules sont simples,
leurs conditions de vrit sont assez faciles caractriser, et elles nous donnent
le principe gnral dinterprtation de la quantication. Par exemple, la formule
xne(x) est vraie dans un modle / = /, F) ssi il y a un individu, au moins, de
/ qui appartient F(ne), lensemble des nes de /. Et xne(x) est vraie dans
/ ssi tous les individus de / appartiennent F(ne) (tout le monde est un ne).
Et trs informellement, on gnralisera en disant que x
M
= 1 ssi la formule
est vraie pour au moins un individu de / et x
M
= 1 ssi est vraie pour
tout individu de /. Ainsi comme avec les autres rgles smantiques de lo linter-
prtation se fait par simplication progressive de la formule : on se dbarrasse du
quanticateur et on examine la dnotation de une fois avec x et autant de
fois que ncessaire avec x.
Mais il nous faut ici tre prcis sur ce que cela signie lorsquon dit quune
formule est vraie pour tel ou tel individu de /. Dabord si le quanticateur lie
la variable x, on doit regarder les individus qui en tant que x rendent vraie la for-
mule. Cela veut dire simplement que les individus tester doivent en quelque sorte
prendre la place de la variable dans la formule pour quensuite on vrie sa d-
notation. Mais les individus appartiennent au modle, pas lo, ils ne peuvent pas
intervenir eux-mmes dans les formules. Cest pourquoi une manire de procder
consiste utiliser les constantes comme des reprsentants des individus dans lo.
Le mcanisme interprtatif de la quantication peut alors sexprimer facilement
pour toute formule de lo, il sut de dire que x
M
= 1 ssi il y au moins une
constante dindividu telle que si on remplace x par cette constante dans , de-
vient alors vraie dans /, et x
M
= 1 ssi quand on remplace x successivement
par toutes les constantes dindividus, est alors chaque fois vraie dans /.
Cette faon dinterprter les formules quanties nest pas compltement satis-
faisante sur le plan thorique, car elle se dbarrasse des variables (en les remplaant
par des constantes) simplement parce que nous ne savons pas ce quest x
M
(eec-
tivement nous navons jamais dni la dnotation dune variable dans les rgles des
dnitions . et .). Cest pourquoi nous verrons au chapitre suivant une autre
faon, plus rigoureuse et rgulire, dinterprter la quantication. Cependant, sur
le plan pratique, la mthode prsente ici est tout fait oprationnelle, condition
de poser une contrainte particulire sur lo qui est qu chaque individu du domaine
/ dun modle est associe au moins une constante de lo. Cest le cas par exemple
dans le modle-jouet /
1
(p. 6S), mais a priori rien noblige ce que cela soit
toujours ainsi ; ce serait mme peu raliste tant quon assimile les constantes aux
noms propres. Mais cette contrainte est ncessaire ici puisque les constantes sont
censes jouer le rle des individus. Disons quelle ajoute une proprit formelle au
systme de lo sans pour autant avoir un impact sur linterprtation smantique de
la langue naturelle : on considrera que chaque nom propre de la langue se traduit
par une constante de lo, mais que toute constante ne traduit pas forcment un
nom propre.
Pour formaliser proprement cette mthode dinterprtation par substitution
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
.. Un peu de logique S
de constantes, on a simplement besoin dintroduire explicitement la procdure de
remplacement des variables par des constantes. Cest une opration gnrale sur
la structure des formules, que nous noterons comme suit :
Notation z.8 (Substitution)
Soit une formule de lo, v une variable et t un terme. On note [t/v] le rsultat
de la substitution dans de toutes les occurrences libres de v par t.
La substitution ne doit concerner que les occurrences libres de la variable, car
elle sera dclenche par un quanticateur ; et les occurrences libres de x dans
sont bien celles qui sont lies par x dans x. () nous donne un exemple de
lopration
o
:
() [b/x][ne(x) y[aimer(x, y) xmari-de(y, x)]]
=[ne(b) y[aimer(b, y) xmarie-de(y, x)]]
prsent nous pouvons formuler les rgles dinterprtation systmatiques des
formules quanties :
Dnition z.i (Interprtation des formules quanties)
(Sem.) a. v
M
= 1 ssi on trouve (au moins) une constante telle que
[/v]
M
= 1
b. v
M
= 1 ssi pour toute constante , [/v]
M
= 1
En somme, ces rgles transposent sur des constantes les quantications qui
sont indiques sur des variables dans les formules ; et comme chaque individu est
reprsent par une constante, cela revient bien eectuer les quantications sur
les individus du modle.
Illustrons lapplication de ces rgles en calculant la dnotation des formules
suivantes par rapport /
1
(p. 6S).
() x[elfe(x) farceur(x)]
La rgle (Sem.a) nous dit que x[elfe(x) farceur(x)]
M
1
= 1 ssi il existe
une constante telle que elfe() farceur()
M
1
= 1. Dans cette criture,
nest quune constante virtuelle, et pour montrer que () est vraie dans /
1
,
il sut donc de trouver une (vritable) constante qui fonctionne en tant que .
En examinant /
1
on voit quon peut prendre par exemple la constante o (et
poser ainsi = o). En eet elfe(o) farceur(o)
M
1
= 1, car elfe(o)
M
1
= 1 et
o. Loprateur de remplacement not [b/x] ne fait pas partie de lo, cest juste un moyen
notationnel qui fait passer dune formule une autre.
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DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT -- DRAFT --
S6 Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
farceur(o)
M
1
= 1, car F
1
(o) = Obron F
1
(elfe) et Obron F
1
(farceur) (on
applique ici les rgles (Sem.a) et (Sem.a)). On a ainsi montr que (44)
M
1
= 1 :
il existe bien un elfe farceur dans /
1
.
Le mcanisme dinterprtation est similaire lorsquon a plusieurs quanticateurs
existentiels :
() xy aimer(x, y)
Toujours selon (Sem.a), xy aimer(x, y)
M
1
= 1 ssi on trouve une constante
telle que y aimer(, y)
M
1
= 1. Prenons = t
1
; nous avons donc mainte-
nant calculer la valeur de y aimer(t
1
, y)
M
1
. L encore (Sem.a) nous dit que
y aimer(t
1
, y)
M
1
= 1 ssi on trouve une constante telle que aimer(t
1
, )
M
1
=
1. Et l encore, il sut de trouver une constante qui marche parmi celles dont on
dispose. Prenons donc maintenant = h
1
. Et nous avons bien aimer(t
1
, h
1
)
M
1
=
1, car F
1
(t
1
) = Thse, F
1
(h
1
) = Hippolyta et Thse, Hippolyta)
F
1
(aimer) (cf. p. 6). Nous avons donc trouv deux constantes qui font laaire et
cela prouve que (45)
M
1
= 1 : il y a quelquun qui aime quelquun dans /
1
.
Bien sr, on aurait pu mener cette dmonstration en utilisant dautres
constantes, par exemple l et h
2
, ou d et h
2
, ou h
1
et t
1
, etc. Si on avait choisi
p pour la premire constante (ie pour remplacer x), on naurait pas trouv de se-
conde constante adquate pour y, mais cela na pas dimportance car pour quune
formule existentielle soit vraie, il sut quau moins une constante la satisfasse ; peu
importe celles qui chouent. Lexercice consiste donc bien choisir les constantes
qui prouvent la vrit de la formule.
videmment cest dirent lorsquil sagit de prouver quune formule existen-
tielle est fausse ou quune formule universelle est vraie. Commenons par calculer
la dnotation dans /
1
de luniverselle (6) :
(6) x[elfe(x) farceur(x)]
La rgle (Sem.b) dit que x[elfe(x) farceur(x)]
M
1
= 1 ssi pour toutes les
constantes , on a elfe() farceur()
M
1
= 1. La dmonstration ici est plus
longue : il va falloir eectuer le calcul pour t
1
, h
1
, h
2
, h
3
, l, d, e, p, o, t
2
et b (donc
calculs !). Heureusement la table de vrit de va nous permettre de sauter
rapidement des tapes. Souvenons-nous que lorsque lantcdent dune implication
est faux, alors limplication entire est vraie, quelle que soit la valeur du consquent.
Or dans les cas o est t
1
, h
1
, h
2
, h
3
, l, d, e ou b, on sait que elfe()
M
1
= 0 car
aucun des individus dnots par ces constantes nest dans F
1
(elfe). Donc pour ces
huit constantes, on sait tout de suite que elfe() farceur()
M
1
= 1. Ce quil
reste vrier, et ce qui est dterminant pour la formule, ce sont les cas o est
p ou o ou t
2
(constantes pour lesquelles elfe()
M
1
= 1). Et cest bien normal
puisque (6) traduit la phrase tous les elfes sont farceurs phrase qui ne sint-
resse quaux individus qui sont des elfes. Commenons par p ; farceur(p)
M
1
= 1
car Puck F
1
(farceur), et donc elfe(p) farceur(p)
M
1
= 1. La mme d-
monstration vaut pour o, car Obron F
1
(farceur), et pour t
2
, car Titania
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.. Un peu de logique S
F
1
(farceur). Ainsi elfe(o) farceur(o)
M
1
= 1 et elfe(t
2
) farceur(t
2
)
M
1
=
1. Donc elfe() farceur()
M
1
= 1 pour toute constante , ce qui prouve bien
que (46)
M
1
= 1.
Pour rsumer la mthode dinterprtation des formules quanties, on peut
considrer lalgorithme extrmement minutieux suivant :
pour calculer x
M
, on passe en revue chaque constante , on calcule
[/x]
M
et on sarrte ds quon trouve le rsultat 1 ; dans ce cas cela
montre que x
M
= 1 ; en revanche, si pour tous les on a trouv 0 (ie
on a jamais trouv 1), alors cest que x
M
= 0 ;
pour calculer x
M
, on passe en revue chaque constante , on calcule
[/x]
M
et si chaque fois le rsultat est 1, cest que x
M
= 1 ; au
contraire ds quon trouve le rsultat 0, on peut sarrter, car cela sut
prouver que x
M
= 0.
Cette procdure nous indique du mme coup les conditions de fausset dune
formule quantie, ou si lon prfre, les conditions de vrit de sa ngation.
() x[ne(x) triste(x)]
(47)
M
1
= 0 car il nexiste pas de constante telle que ne() triste()
M
1
=
1. Pour le dmontrer trs rigoureusement, il faudrait eectuer le calcul pour les onze
constantes et montrer que le rsultat est toujours 0.
(S) x[farceur(x) elfe(x)]
(48)
M
1
= 0 car il existe au moins une constante telle que
farceur() elfe()
M
1
= 0. Cette constante est t
1
, car farceur(t
1
)
M
1
= 1
et elfe(t
1
)
M
1
= 0. En eet, si quelque chose nest pas vrai de tous les individus,
cest quil existe au moins un individu pour lequel cest faux.
Ces exemples illustrent la dualit bien connue quentretiennent entre eux les
deux types de quanticateurs : la ngation dune formule existentielle est une for-
mule universelle, et la ngation dune formule universelle est une formule existen-
tielle. Je ne vais pas donner ici le dtail de la dmonstration, mais nous pouvons
facilement nous convaincre de ces quivalences en dcortiquant un peu les exemples
() et (S).
La ngation de () (c.--d. x[ne(x) triste(x)]) signie quil nexiste pas
dindividu qui soit la fois un ne et triste, autrement dit pour tout individu (ou
toute constante ) ou bien ce nest pas un ne ou il nest pas triste, ce qui peut
se reformuler en : pour tout individu, sil est un ne, alors il nest pas triste (tout
ne est non-triste). Et cela, ce sont bien les conditions de vrit dune formule
universelle, savoir :
() x[ne(x) triste(x)]
ou (cest quivalent)
r
:
x[ne(x) triste(x)]
.. Cf. lquivalence logique n
o
z dans lexercice z.U, p. ;.
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SS Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
Remarquons aussi que () (qui quivaut ()) traduit galement la phrase
aucun ne nest triste . Une phrase en aucun sanalyse par une quantication
universelle du type () ou, ce qui revient au mme, par la ngation dune exis-
tentielle.
Quant la ngation de (S), cest--dire x[farceur(x) elfe(x)], ses condi-
tions de vrit disent quil y a au moins un individu qui est farceur mais pas un
elfe, ce qui correspond bien la formule existentielle suivante :
(u) x[farceur(x) elfe(x)]
En eet (S), il nest pas vrai que tous les farceurs sont des elfes , veut
dire la mme chose que il y a au moins un farceur qui nest pas elfe (u).
Rcapitulons cette dualit entre et par le thorme suivant :
Thorme z.z
Les quatre paires de formules suivantes sont des quivalences logiques :
. x et x
. x et x
. x et x
. x et x
Les deux dernires quivalences se dduisent directement des deux premires
et de la loi de double ngation vue supra dans lexercice .6.
Exercice .8
Calculez par rapport /
1
(cf. p. 6S) la dnotation des formules suivantes : p. .
. x[elfe(x) farceur(x)]
. x[elfe(x) triste(x)]
. x[ne(x) elfe(x)]
. xy aimer(y, x)
. yxaimer(y, x)
Pour chaque formule, proposer une phrase en franais qui peut se traduire par
cette formule.
Comparer la formule n
o
avec la formule (6) supra.
Pour conclure cette partie sur la quantication, voici en Table . un petit vade-
mecum de traduction franaislo de phrases quanties typiques. N reprsente un
substantif quelconque et V un verbe intransitif (ou ventuellement un groupe verbal
simple) et n et v reprsentent les prdicats qui traduisent respectivement N et V .
Les formules qui sont dans une mme cellule du tableau sont quivalentes, ce
sont donc de simples variantes de traduction en lo, cela ne marque pas dambigut.
En revanche, la tournure tous les N ne V pas est rellement ambigu. Nous y
reviendrons au chapitre suivant.
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.. Un peu de logique S
Un N V
Des N V
x[n(x) v(x)]
Tout/chaque N V
Tous les N V
Les N V
x[n(x) v(x)]
Un N ne V pas
Des N ne V pas
Pas tous les N ne V
Tout/chaque/tous les N ne V pas
x[n(x) v(x)]
x[n(x) v(x)]
Aucun N ne V
Tout/chaque/tous les N ne V pas
Les N ne V pas
x[n(x) v(x)]
x[n(x) v(x)]
Table . Schmas de traductions du franais en lo
Exercice z.g (Quanticateurs et connecteurs)
Indiquez (informellement

) les conditions de vrit des formules suivantes :


. x[homard(x) gaucher(x)]
. x[homard(x) gaucher(x)]
. x[homard(x) gaucher(x)]
. x[homard(x) gaucher(x)]
. x[homard(x) gaucher(x)]
6. x[homard(x) gaucher(x)]
. x[homard(x) gaucher(x)]
S. x[homard(x) gaucher(x)]
Quelles sont celles qui peuvent tre des traductions de phrases simples et
naturelles du franais ?
Il est bon de se souvenir que lorsquon traduit des phrases du franais (ou de
toute autre langue naturelle) il faut toujours sattendre ce que aille de paire
avec et avec .
z.q. Que|ques dnitions |ogiques
Nous avons maintenant les moyens formels de dnir certaines notions vues
dans le chapitre .
Notation z.g (Satisfaction)
Si une formule est vraie dans un modle /, cest--dire si
M
= 1, on dit
que est satisfaite par /, ou encore que / satisfait .
On note alors : / [= .
Attention : le symbole [= est double emploi. Il exprime soit la satisfaction
dune formule par un modle, soit la consquence logique entre des phrases ou
z. Cest--dire en franais, sans entrer dans les dtails techniques.
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u Chapitre . Smantique vriconditionnelle et calcul des prdicats
des formules que nous avions vue au chapitre . En toute rigueur nous devrions
utiliser deux symboles dirents. Dailleurs on trouve parfois la variante de notation
[=
M
pour exprimer la satisfaction de par /. Mais normalement il ny a pas de
confusion craindre : si on trouve un modle la gauche de [=, le symbole dsigne
la satisfaction, si on trouve une ou plusieurs formules, il dsigne la consquence
logique.
Dans le chapitre , la consquence logique entre deux phrases (ou deux formules)
tait dnie en disant que dans tous les cas o la premire phrase est vraie, la
seconde lest aussi. Maintenant nous savons ce quest formellement un cas : cest
un modle. La dnition prcise se donne donc dans ces termes : [= si et
seulement si dans tous les modles par rapport auxquels est vraie, est vraie
aussi.
Dnition z.i8 (Consquence logique)
La formule est une consquence logique de la formule , ssi pour tout modle
/ tel que / [= alors / [= .
Plus gnralement, est une consquence logique de lensemble de formules
1
;

2
; . . . ;
n
, ssi pour tout modle / tel que / [=
1
et / [=
2
... et / [=
n
alors / [= .
On note alors :
1
,
2
, . . . ,
n
[= .
Partant, on peut aussi rednir les notions de tautologies et de contradiction en
termes de modles. Une tautologie est vraie dans tout modle et une contradiction
dans aucun.
Dnition z.ig (Tautologie)
Une formule est une tautologie, ssi pour tout modle /, / [= .
On note alors : [=
Dnition z.zo (Contradiction)
Une formule est une contradiction, ou est contradictoire, ssi pour tout modle
/, / [= (cest--dire
M
= 0).
On note alors : [=
Dnition z.zi (Equivalence logique)
Deux formules et sont logiquement quivalentes, ou on pourra dire aussi
smantiquement quivalentes, ssi pour tout modle /,
M
=
M
.
On peut galement dnir la notion laide de la consquence logique : et
sont logiquement quivalentes, ssi [= et [= .
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.. Un peu de logique
Enn terminons avec le thorme suivant :
Thorme z. (|= et )
[= si et seulement si [= [ ].
Nous nallons pas chercher dmontrer ce thorme ici, je le mentionne juste
titre dentranement la lecture et la manipulation des notions et des symboles
que nous avons vus jusquici. Ce thorme montre le rapport qui existe entre la
consquence logique et limplication matrielle : il dit que est une consquence
de si et seulement si [ ] est une tautologie ; autrement dit la consquence
logique correspond une implication toujours vraie.
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