Cours de Narratologie
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Simonnet
ELEMENTS DE NARRATOLOGIE
1 LE RECIT
Enoncé (produit de l'acte de parole, d'écriture) d'où est absente toute référence à l'énonciation qui est la
mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d'utilisation ; elle concerne l'acte de produire un
énoncé.
Tout énoncé manifestant l'énonciation, supposant un émetteur et un récepteur (locuteur / auditeur), avec
chez le premier l'intention d'influencer l'autre en quelque manière.
Il existe des formes mixtes : récit à la première personne, passé simple comme dans les mémoires ; récit
au présent de narration ; une lettre mêle aussi discours et récit. Le récit et le discours seront rapprochés des
notions de monde raconté et de monde commenté.
Michel Fayol a distingué le récit de l'annonce de nouvelles, fréquente dans les textes d'enfants.
1. Mon chat a mangé mon oiseau.
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Eléments de narratologie
Le dernier énoncé constitue l'ossature d'un récit car il comporte une ouverture et une clôture en relation ;
certes, tout n’est pas explicite mais il y a une dynamique. Les deux premiers sont de simples annonces de
nouvelles.
Ces critères sont énoncés dans l'ouvrage de Jean-Michel Adam, Le récit, Collection "Que sais-je?" N°2149.
Il existe des sous-genres, des sous-types : ainsi le conte se décline en textes folkloriques (féeriques,
réalistes...) ou en formes savantes (fantastiques, philoosphiques...) ; pour le roman, il existe bien des
formes, selon le contenu thématique (policier, historique...) ou le type d'écriture (épistolaire, pseudo-
autobiographique...). A cet égard, on consultera Les sept couleurs de Robert Brasillach. L'autobiographie
peut prendre diverses formes également : autobiographie stricte, mémoires, journal ou carnet intime...
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Le narrateur et le narrataire peuvent être totalement effacés : cas du récit objectif à la 3ème personne et au
passé simple ; le récit semble ainsi se raconter lui-même. Alors narrateur / narrataire sont extérieurs au
récit, à sa diégèse : ils sont extradiégétiques.
Inversement, le narrateur et le destinataire (lecteur, auditeur) peuvent être des protagonistes dans l'intrigue,
par exemple, dans les romans épistolaires, l'autobiographie, les récits internes au récit (faits par des
personnages à d'autres) ; ils sont alors intradiégétiques.
Le narrateur peut se présenter comme un témoin-observateur : il aura tendance à montrer l'action, comme
un témoin apparemment impartial, sans en tirer toutes les ficelles. C'est le cas du roman américain
behavioriste.
Le narrateur peut-être le ou un héros de la fiction : il raconte l'histoire selon son point de vue. Ce narrateur-
protagoniste (intradiégétique) peut même se cacher derrière l'anonymat : cf. le Dr Rieux dans La Peste de
Camus.
On peut caractériser le rapport entre le point de vue du narrateur et celui des personnages :
1) vision par derrière : le narrateur > personnage : il en sait plus que lui.
2) vision avec : le narrateur = personnage ; le narrateur peut s'identifier alors au pers., prendre son
parti.
3) vision du dehors : le narrateur < personnage ; le narrateur n'est qu'un témoin ordinaire, il ne
perçoit que les apparences, qu'une partie de l'action.
On parle de focalisation zéro quand dans un récit aucun personnage n'est privilégié, par exemple dans
Boule de Suif.
La focalisation peut être interne ou externe selon que le personnage est vu, perçu de l'intérieur ou de
l'extérieur (accès à sa psychologie).
Quand les événements ne sont perçus qu'à travers les yeux d'un personnage, le filtre de sa conscience (il
n'en voit qu'une partie, ne les comprend pas forcément), on parle de restriction de champ. Exemple :
Fabrice à Waterloo, dans La Chartreuse de Parme de Stendhal.
3 LES PERSONNAGES
Et, bien sûr, un caractère, une psychologie fixe ou évolutive, en référence à des conceptions de la personne
datées...
La grille est à bâtir empiriquement à partir du texte, de ses données. Il faut commencer par une observation
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objective et ne pas plaquer une grille a priori. Si, généralement, les structures sont binaires, on rencontre
parfois des catégories intermédiaires ou extérieures de personnages (cf. Stendhal).
Contrastes et complémentations : généralement les personnages sont construits pour se mettre en valeur
les uns les autres : couples ou trios... cf. Bardamu et Robinson chez Céline.
Greimas a systématisé cette analyse et bâti le schéma actantiel : un actant est un rôle dans l'action, c'est
une réalité abstraite différente d'un personnage : ainsi un seul personnage peut incarner différentes
fonctions, un actant ne renvoie pas forcément à un être humain ou à un personnage unique.
SCHEMA ACTANTIEL
ADJUVANT SUJET OPPOSANT
Nadia, Nicolas M. Strogoff I. Ogareff et les Tartares
DESTINATEUR OBJET DESTINATAIRE
Czar lettre Grand Duc
On peut comparer cette structure à la syntaxe d'une phrase : sujet, c.o.d., attribut...
Le sujet représente la force thématique orientée (cf. le rapport de désir en psychanalyse ; le récit montre
souvent un conflit désir /loi).
L'objet est le bien souhaité, pas forcément une personne (femme, trésor...).Le destinateur est l'arbitre,
l'attributeur, le possesseur du bien désiré. Le destinataire est l'obtenteur virtuel du bien souhaité, il peut
être le sujet.
L'adjuvant et l'opposant sont ceux qui aident le sujet, ceux qui lui nuisent ou encore ce qui aide /nuit...
On peut aisément mettre à l'oeuvre ce schéma dans le cas du conte folklorique merveilleux :
animal, fée jeune héros dragon ,sorcière
roi princesse, trésor jeune héros!
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Eléments de narratologie
4 NARRATION ET DESCRIPTION
La narration présente surtout des déroulements dans le temps, la description des arrangements dans
l'espace. La description d'un personnage au physique et moral devient portrait.
On identifie un énoncé comme narratif, un autre comme descriptif, généralement, en raison de l'opposition
passé simple et imparfait, mais d'autres indices existent.
Le narratif asserte des énoncés de faire, le descriptif asserte des énoncés d'état. Face à un énoncé narratif
le lecteur attend un déroulement événementiel, une issue plus ou moins prévisible selon un ordre logico-
sémantique ; l'énoncé descriptif est d'avantage réglé par ses structures de surface, par des structures
lexicales. Si le narratif est plutôt linéaire, le descriptif est tabulaire. Voir le schéma de la description dans
les Annexes.
Les passages descriptifs s'organisent souvent selon un ordre spatial : le regard suit par exemple un
déplacement du proche ou lointain ou inversement ; pour un portrait, après une vue d'ensemble, le texte
procède de la tête aux pieds etc. On peut noter des organisateurs textuels, des indicateurs de lieu qui
structurent le texte très manifestement : au loin, en haut, en bas, plus loin; à droite, sur la gauche... Parfois,
l'organisation se fait de manière logique : on procède plutôt en allant d'une vue d'ensemble à l'observation
de détails.
- fonction d'ordre décoratif ; conception ancienne, la description sert à faire beau dans le texte ;
prédominance des stéréotypes, du superlatif.
- fonction d'ordre explicatif et symbolique ; la description tend à révéler, à justifier la psychologie des
personnages, elle en est le signe et la cause et l'effet.
Cette conception culmine avec le roman réaliste et balzacien, en correspondance avec la théorie de
l'influence réciproque du milieu et de l'individu, avec des "sciences" comme la physiognomonie...
Parfois la description sert aussi de pause dans le récit ; elle permet de jouer avec l'attente, le suspense...
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L'espace peut offrir un spectacle, servir de décor à l'action. Dans ce cas il est soumis au regard des
personnages. Il est déterminé par la situation du spectateur face au spectacle et par la relation entre le
paysage et l'état d'âme de celui qui regarde, qui perçoit. (cf. Le Rouge et le Noir de Stendhal)
Une correspondance symbolique peut s'établir entre un personnage et un paysage : Thérèse Desqueyroux
et les Landes.
Lorsque l'espace est découvert par un personnage, on peut souvent dégager la structure, la matrice
suivante, décrite par Hamon :
-- un personnage + notation d'une pause + verbe de perception + notation d'un milieu transparent + objet à
décrire.
Exemple : Les hommes... lorsque les danses s'arrêtaient... pouvaient apercevoir à travers les vitres...
quelques clochers. (Mme Bovary)
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6 LE TEMPS NARRATIF
La difficulté pour analyser le « fonctionnement du temps » dans les textes provient de l'existence de deux
temporalités en rapport :
- celle de l'univers représenté
- celle du discours le représentant.
Un récit, en effet, évoque une certaine chronologie de faits, similaire à celle de la réalité ; par ailleurs, il a un
début, un milieu, une fin, un déroulement qui se mesure au niveau du livre en pages ; il peut se chiffrer en
lignes, en mots.
La langue elle-même dispose de différents temps verbaux (présent, passé, futur) avec des valeurs d’emploi,
des nuances aspectuelles importantes pour rendre différentes perspectives. On observera ces exemples :
- il travaillait, il tomba après avoir glissé.
- il tomba, il avait glissé.
- il glissa, il tomba.
- il alla à l'école / il allait à l'école.
Tout cela fait qu'il peut y avoir décalage entre le temps de l'histoire et le temps du récit. Le temps de
l'histoire est le temps sur le plan de la fiction, le temps vécu par les personnages ; le temps du récit est le
temps du discours, des pages du livre. Ce décalage peut se manifester à différents niveaux.
SCHEMA
pages 1 2 3 rien discours
,---------- --------’ description
histoire B A C D fiction
Le décalage en A-B est une rétrospection ; "rien" constitue une ellipse — un fait reconstituable n'est pas
raconté explicitement, un moment est omis.
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histoire A B rien C
L'ellipse : cas inverse ; il y a omission d'une période de l'histoire, soit parce qu'elle n'est pas très
intéressante, soit que l'on ait affaire à un trucage diégétique (cf. roman policier).
pages 1 -- 2 3
histoire A B C D
7 LA SYNTAXE NARRATIVE
On peut étudier la syntaxe d'un récit comme celle d'une phrase. Tout récit enchaîne les uns aux autres des
actes humains, des événements et des situations. Certains de ces éléments ont une importance singulière
dans la logique du récit et forment des phases essentielles de son développement. On distingue ainsi les
séquences cardinales des séquences secondaires, ornementales qu'on peut supprimer sans modifier le
sens du récit de base. Ces séquences ornementales (catalyses pour Barthes) servent au charme du texte,
contribuent à sa richesse.
L'équilibre initial peut correspondre à la prise de conscience d'une carence, d'un manque. A la fin, on peut
aussi obtenir un autre équilibre et parfois le récit se clôt sur un échec du héros et non sur l'habituel "happy
end"(cf. L'éducation sentimentale de Flaubert, Illusions perdues de Balzac).
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le roman picaresque : le héros traverse des villes, des milieux sociaux différents, des aventures
nombreuses, sans beaucoup se transformer. Il diffère en cela du roman d'apprentissage du XIX ème où le
héros mûrit.
- Enigme initiale
- Enquête :
examen des données (lieux, indices, corps)
élaboration d'une hypothèse (cf. mobile...)
institution d'un test (recherche de preuves, piège, bluff..)
passation du test
test probant
hypothèse vérifiée
- Enigme élucidée et châtiment.
Parfois C. Doyle enclave des séquences ornementales (fausses pistes, test raté...), dans ce cas le détective
élabore une deuxième hypothèse etc.
le roman noir : c'est une variante du roman policier où on change de point de vue. On passe du côté des
malfaiteurs : le méfait, meurtre...sera commis plus ou moins inexorablement à la fin.
- Crime parfait projeté
- élaboration du plan
- exécution du plan
- mystère pour la police : on retombe alors dans le cas de figure classique du roman policier.
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1.1 succès
1 actualisation d'une
possibilité
1.2 échec
situation ouvrant
une possibilité
2 possibilité non
actualisée
1.1 châtiment du
coupable
1. intervention de la justice
1.2 impunité
méfait commis
2. non intervention de la
justice
A l'intérieur d'une séquence, souvent, le suspense est accru par un rythme qui fait alterner amélioration et
dégradation ; le héros, par exemple, est sauvé in extremis.
7.4.2 l'enchâssement
Une séquence est enclavée dans une autre : cas de l'enquête policière.
7.4.3 l'entrelacement
Le procédé utilise l'alternance comme dans le montage des films. Ainsi dans les Thibaut de R. Martin du
Gard, les séquences consacrées aux Thibaut alternent avec celles consacrées aux Fontanin, à quoi
s'ajoutent les relations que tissent les séquences entre elles.
Il existe bien une logique du récit que l'on peut analyser, en isolant les éléments premiers qui en constituent
la trame.
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Eléments de narratologie
par exemple, des portraits, des scènes, des motifs analogues permettent des rapprochements significatifs.
Ainsi dans Mme Bovary une série de correspondances thématiques s'établit ; on observe en effet deux
cérémonies (mariage / enterrement), deux bals, deux emménagements, deux rencontres...
Dans Boule de suif, deux repas s'opposent, un partagé, l'autre non. Dans le Rouge et le Noir, on remarque
la répétition obsédante de la "scène en rouge".
Les débuts et fins de roman sont très notables et signifiants : il faut les confronter. Dans Germinal, il faut lire
attentivement l'ouverture et la clôture du texte, les comparer.
Souvent le roman consiste dans la transformation d'un état initial en un autre final ; la comparaison permet
de dégager le sens profond de l'évolution. Une bonne herméneutique doit s'appuyer sur l'observation des
structures. Dans Germinal, on opposera, de façon symbolique, la nuit et le jour, l'arrivée et le départ,
l'inconscience et la prise de conscience... On notera l'importance de l'espérance de la germination de la
révolution, cf., à cet égard, la valeur du titre.
Ce sont les différentes énergies qui président à la naissance, au développement, à la suppression du conflit,
souvent au coeur de l'intrigue.
Elles relèvent de différents ordres :
- d'ordre intérieur : cas d'une crise de conscience chez un personnage. Exemple : l'abbé Donissian dans
Sous le soleil de Satan de Bernanos.
- d'ordre extérieur : un événement surgit qui bouleverses l'équilibre d'une situation. Exemple : la mort de la
mère de Meursault dans L'Etranger (c'est une lecture possible).
- d'ordre mixte : à la fois intérieur et extérieur, par un lien de cause à effet. Exemple : l'arrivée de Charles
provoque la naissance de l'amour chez Eugénie Grandet, dans le roman de Balzac.
8 PETITE BIBLIOGRAPHIE
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E. Simonnet
9 ANNEXES
9.2 La description
Aspect tabulaire.
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Eléments de narratologie
3 LES PERSONNAGES........................................................................................................4
6 LE TEMPS NARRATIF.......................................................................................................8
7 LA SYNTAXE NARRATIVE...............................................................................................9
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E. Simonnet
8 PETITE BIBLIOGRAPHIE................................................................................................12
9 ANNEXES.........................................................................................................................13
...........................................................................................................................................................................................13
9.2 La description.............................................................................................................................................................13
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