Medievales - Num 25 - Automne 1993
Medievales - Num 25 - Automne 1993
Medievales - Num 25 - Automne 1993
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histoire
VALES
N 25 -AUTOMNE
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ET
1993
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VOIX
L'CRITURE
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Revuepublie
avecleconcours
duCentre
National
desLettres
etduC.N.R.S.
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MDIVALES
Langue Textes Histoire
NUMROS PARUS
1
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paratre:
26
Savoirs d'Anciens,(printemps
1994)
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MDIVALES
Revue semestriellepublie par les Presses Universitaires
de Vincennes-ParisVIII avec le concours
du Centre National des Lettres et du C.N.R.S.
ChristineLAPOSTOLLE
Michel PASTOUREAU
Danielle REGNIER-BOHLER
Bernard ROSENBERGER
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Laurence MOULINIER
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SOMMAIRE
N 25 AUTOMNE
ET
1993
LA VOIX
L'CRITURE
17
33
45
53
Sociolinguistiquehispanique (vine-xiesicle)
Roger WRIGHT
61
ESSAIS ET RECHERCHES
L'ide de la folie en texte et en image :
Sebastian Brandt et Yinsipiens
Angelika GROSS
71
93
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SOMMAIRE
Le pouvoir de la parole :
Adam et les animaux dans la tapisseriede Grone
Hilario FRANCO Jr
113
Abstracts
129
Notes de lecture
133
Pierre Le Vnrable, Les Merveillesde Dieu , prs,
et Denise Bouthillier
par Jean-Pierre Torrell
(D. Lett) ; Carmlia Opsomer, L'art de vivre en
sant. Images et recettesdu Moyen Age : le "Tacuinum Sanitatis" (manuscrit1041) de la Bibliothque
de l'Universit de Lige (B. Laurioux) ; MarieHenrietteJullien De Pommerol et Jacques Monfrin, La bibliothque pontificale Avignon et
Pehiscola pendant le Grand schisme d'Occident et sa
dispersion: inventaireset concordances(M. Aurell) ;
Anita Guerreau-Jalabert, Index des motifsnarratifs
dans les romans arthuriens franais en vers
(xw-xiw sicles) (M. A. Polo de Beaulieu) ; Catherine Velay-Vallantin, L'histoire des contes (M. A.
Polo de Beaulieu) ; Klaus Schatz, La primautdu
Pape. Son histoire, des origines nos jours
(G. Bhrer-Thierry) ; Aviad M. Kleinberg, Prophets in their own Country. Living Saints and the
Making of Sainthood in the Later Middle Ages (A.
Boureau) ; Jean Delumeau, La religionde ma mre.
Le rle des femmes dans la transmissionde la foi
(G. Bhrer-Thierry) ; Gene Brucker, Giovanni et
Lusanna. Amour et mariage Florence pendant la
Renaissance (L. Hordynsky-Caillat) ; C. Gauvard,
De grace especial . Crime,tat et Socit en France
la fin du Moyen Age (D. Lett).
154
Livres reus
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Mdivales
25, automne
1993,pp.5-16
Michel BANNIARD
I -
MDIVALES
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MICHELBANNIARD
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LA VOIX ET L'CRITURE
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MICHELBANNIARD
ment, rien ne prouve que la lecture haute voix sans effortorthopique de telle Vie comme la Vita Richariiprima (fin vnesicle),n'ait
pas t plus populaire que le chant lgant de la Cantilnede sainte
Eulalie (fin IXe) ; 4) rien ne prouve non plus que la mtamorphose
du LPT en PR soit le rsultatd'une (r)volutionrserveau seul latin
parl par les illettrs.Il faudra sans doute abandonnercettedichotomie manichenneau profitd'analyses interactivesplus complexes: la
langue parle par les lites,mme urbaineset mmesmonacales, participait,elle aussi, l'innovationet l'invention; quant la langue
parle par les illettrs,elle tait capable de conservatismeprotecteur
et d'inertieimitatrice.
3) Ces derniresmises au point impliquent,dans les faits, un
repositionnementplus profond qu'il n'y parat la fois dans la
manirede considrerla priode en gnral, et dans celle de traiter
du changementlinguistiqueen particulier.On n'insisterapas ici sur
des points de vue en ce qui concerneles transforle renouvellement
de la religion,etc. une persmationsde la socit,des institutions,
une
a
succd
analyse constructive.Il devrait
pective catastrophiste
en aller logiquementde mmeen histoireculturelleet langagire.Bien
pluttque de considrerles langues romanescomme une formeissue
d'une sorte de dgnresccenceincontrlabledu latin, il serait plus
exact de dcrireleur laborationcomme une longue genseo l'invention et la crationont jou une large part : il ne suffisaitpas, contrairement un axiome implicite,de mal parler latin pour inventer
l'ancien franais(ou toute autre langue romane). Ce recalage idologique vaut pour l'mergenceau niveau de l'crituredes langues non
tudes publies ici confirmentces points de
romanes. Les diffrentes
vue.
J. Fontaine,par une fineanalyse des indicationsde la VitaMarde la communicationlatine pendant
tini, dcrit le fonctionnement
des
campagnes de la Gaule la fin du IVesicle. La
l'vanglisation
complexe tude de R. Wright,engageantl'enqute dans le territoire
hispanique o sont confrontes partir du VIIIesicle des langues
d'originelatineet des languesd'originesmitique(hbreu/arabe),desde la langue parle et de la lansine les rapportsmultidirectionnels
gue crite,de la langue de prestigeet de la langue acculture,au prix
de descriptionsaussi intriquesque la situationsociolinguistiqueconsidre.A. Crpin analyse les dlicatschangesentrele latin et le trs
vieil anglais dans l'Angleterredes ixe-xesicles. M. Richtertraque
l'mergencedes premiresscriptaeet des premiresuvres celtiques
insulaires.
Ces quelques tudes,malgrleur austrit,montrentque, par les
outils de l'analyse philologique et littrairetraditionnelle,complts
par ceux que met en place la sociolinguistique,sinon la pragmatique,
renouvelsaussi par des changesrciproquesplus intenrtrospective,
ses avec les problmatiqueshistoriographiquespropres ces sicles
de transition,la voie est ouverte pour mieux comprendrecomment
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PRIODE II
PRIODE III
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MICHELBANNIARD
Repres bibliographiques
A) Publicationsjusqu' 1980
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(8)y Berne-Munich,1973.
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ARD
MICHELBANNI
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LA VOIX ET L'CRITURE
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61. VNNN
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62. VNNN
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B -
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MICHELBANNIARD
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MICHELBANNI
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1993,pp.17-32
Jacques FONTAINE
ORALE EN LATIN
Le dossier sur saint Martin de Tours, que le Moyen Age appellera partirde l'poque carolingienne le petitMartin (Martinellus), se compose essentiellement
de deux pices majeures : une biographiehagiographiqueet un dialogue que l'Aquitain Sulpice Svre,
ancien avocat converti l'asctisme martinien,crivittrs probablementsur son domaine de Primuliacum,sis dans la rgiontoulousaine,
o il avait fond une communautd'asctes. La Vie de Martin est
crite vers 397, les Dialogues entre 403 et 4061. Donc juste avant
l'invasion dfinitivedes Gaules par Vandales, Suves et Alains, le
31 dcembre406, et l'arrive, dans le Toulousain, des Vandales en
407, puis des Visigotsen 4122. pargne jusqu'alors par l'inscurit
croissantedes rgionsplus proches du Rhin, l'Aquitaine, longtemps
prospre3, va connatre une grave crise politique, conomique,
sociale, et donc culturelle.
On peut donc considrerle dossier martiniencomme un tmoignage exceptionnelsur l'tat de la civilisationet de la cultureromaines en Gaule la veille du dclin de ses campagnes, de ses villes,
de ses coles. L'effortnotablede restauration,
entreprispar la Ttrarchie un large sicle auparavant, va se trouverradicalementmis en
question.Les coles d'Autun et de Bordeaux- les seulessur lesquelles
1. Datations
: voirCl. Stancliffe,
St.Martin
andhishagiographer
, Oxford
1983,
seraciteicid'aprsnotre
d. dansla coll.desSourp. 71sq.et80. La VitaMartini
ceschrtiennes
inf.Sehr),167-169,
Paris1967-1969
(abrg
; et lesDialogues
d'aprs
l'd. Halmdu CSEL, 1, 1866,p. 152-216.
2. Surlesdatesd'entre
successives
desbarbares
en Aquitaine,
cf.M. Rouche,
des Visigots
auxArabes
, Paris1979,p. 19-21.
L'Aquitaine
3. Voirp. ex. lespremiers
de N. Chadwick,
andletters
inearly
chapitres
Poetry
christian
Gaul, London1958; lestravaux
de R. EtiennesurAusone,
en particulier
le ch.1 de VHistoirede Bordeaux
, 1, Toulouse1980,publiepar S. Lerat,
R. Etienne,
etc.; C. Jullian,Ausoneet Bordeaux.
tudessurlesderniers
de
temps
la Gauleromaine
1893; etnotre
confrence
surL'clatde la romanit
dans
, Bordeaux
du !v sicle,dansBAGB, 1989,1, p. 72-85.
l'Aquitaine
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SULPICESVREET LA COMMUNICATION
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public tait-ilaussi homognequ'on le penseraitd'abord ? Les Diadiffilogues apportentsur ce point des demi-aveux,d'interprtation
cile. Car il y a dans cet auditoire,mme restreintaux asctes de Primuliacum et leurs amis, des niveaux distinctsde culture,et, par
suite, des susceptibilitsqui contredisentl'idal galitaired'une communautd'asctes. L'ironie parfoissubtilede leurs piques mutuelles n'y laisse pas voir aismentla part du jeu et celle de la raction
sincre. De Martin en passant par Sulpice et ses auditeurs,successivement considrs depuis l'observatoiredu Martinellus, on pourra
nanmoins tirerl'image moins inexacte d'une conjoncturelinguistique plus complexe qu'il n'y paratraitd'abord.
La latinitde saint Martin
10.Il ne faut appliquer Martincettetiquette
Homo inlitteratus
critiqueet apparemmentsans nuance qu'aprs avoir replac l'pithte
dans le contextede la Vita Martinio elle apparat, mais aussi dans
la traditionculturelleromainedont elle est issue. Ds l'poque classique, le mot n'est pas sans ambigut: s'il peut dsignerencore - un illettr
et moins
, il a dj prisplus largement,
tymologiquement
brutalement,le sens de notreadjectifinculte11; le premiern'a mme
pas appris ses lettres,le second a ignorles litteraeque l'on acquiert
chez le grammairien,le rhteur,le philosophe. En l'occurrence,il est
vraisemblableque Sulpice, comme il le fait souvent, a jou ici sur
les deux sens. Il veut dire qu'homme d'action et d'oralit, Martinn'a
point eu accs cette culturecriteque l'on transmetet reoitdans
les coles : il n'a jamais voulu - ni peut-trepu - devenir un
scholasticus.
Nuance plus importanteencore : le contextedans lequel est port
ce jugementest celui d'un loge des qualits oratoiresde Martin.Litteratus et scholasticus lui-mme,Sulpice rcupreavec soin Martin
comme un matre- sa manire- de la reginarerumoratio. Faute
de pouvoir citer une uvre crite de Martin dans ce portraitfinal
de son hros,il vante ses paroles et sa conversation, et admire
en lui tant de savoir, tant de talent, une telle qualit et une telle
12
puret de parole . Cette dernirelouange est, au moins dans sa
forme,de l'ordre de l'hyperbole,puisque Sulpice n'attribueici Martin rien de moins que le clbre loge dcern Trence par Jules
inlitesthomini
: Nisiquodmirum
du portrait)
10. Vita25,8 (dernire
phrase
; etcomm.dans
: cf.n. 12)defuisse
nehancquidem
terato
(purisermonis
gratiam
Sehr135,p. 1075sq.
ben.5, 13,3 :
la distinction
11.Telleest,parexemple,
parSnque,
explicite
.
altiores
nonperductum
sedad litteras
Inlitteratum
dicimus
nonex totorudern,
Iesumteseiusquantagrauitas...
etconfabulatione
12. Vita25,6-7: inuerbis
tantum
tamboni
tantum
oretantum
tor...meex nullius
scientiae,
ingenii,
umquam
audisse
.
et tampurisermonis
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nihilcum
metamenut Gurdonicum
29. Dial. 1, 27, 2 : Audietis
hominem,
illud
Martini
meessediscipulum,
Namsi mihitribuistis
fucoautcothurno
loquentem.
et uerborum
illiusinanessermorum
utmihiliceatexemplo
etiamconcedite,
phaleras
iciallusion
au clbre
adress
. Le cothurnus
fait-il
contemnere
ornamenta
reproche
Paulin
58 (datede 395etadresse
danssa lettre
de Poitiers,
Hilaire
parJrme
? Surcejugecothurno
adtollitur
Hilarius
Gallicano
de Noie): ep. 58,10, Sanctus
dans
dansRB 57, 1947,p. 82-88,remanie
voirla notede DomPaulAntin,
ment,
bienmarJrme
entendait
sursaintJrme
sonRecueil
1968,p. 251-258.
, Bruxelles,
accessible
unelecture
querainsique le style Hilairetaittropsavantpourfournir
: et a lectione
auxchrtiens
simpliciorum
; cf. finde la mmephrase
peucultivs
de Jrme,
fratrum
pourrait
fratrum
proculest. Dansla pense(etle vocabulaire)
des moines.
biendsigner
30. Fucus: cf. Cic. de orat.2, 188 et 3, 100; cothurnus
, avec le sens
les
caractrise
: P. Antin,ib. (n. prc.),p. 256,et n. 46 ; phalerae
d' emphase
: Cic. inu.1, 32;
Aur.1 ; ornamenta
du style
ornements
pourFronton,
pidictique,
.
ornamenta
recidei
et Hor. ars448: ambitiosa
similis
et nullam
lucubrationem
et cotidianae
31. Hier.ep. 36, 14: Pedestris
et utde scripturis
sicloquiutintellegar,
est..Mihisufficit
orationecessaria
redolens
imiter
simplicitatem.
scripturarum
disputans
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essedecettamcallidum.
eloquentia.
equeGalium
40. M. Banniard,
La rouille
et la lime: SidoineApollinaire
et la langueclasauxmozarabes,
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JACQUESFONTAINE
compterun autre et double jeu de mots possible sur le sens de Gallice : faut-ilentendre en Gaulois du Nord, par oppositionaux Gaulois d'Aquitaine - ce que suggrele contexteantrieurimmdiat?
Ou bien en Gallus (que tu es par ton nom) ? Le jeu de motsapparat donc quatre entres: il en est d'autant plus raffinet satirique.
Gallus ne se dmontepas pour si peu. Le plus remarquableest
qu'il ne refusepas d'avouer aussitt,sans dtours,sa qualit de scholasicus, mais qu'il n'en persistepas moins tenirsrieusementson
personnage de Gaulois proche encore du peuple celtophone, et
employer- en le soulignantcomme par dfi - un mot gaulois latinis, usuel dans le latin gallo-romain.D'une part, en effet,il commence son rcit martinienen voquant explicitement ces premiers
temps o, abandonnantles coles, j'ai rejoint le bienheureux...41 ;
et il enchriraencore de manireprovocante,en citant plus loin un
vers de Stace, et en introduisantdans l'insrendede sa citationcette
parenthsenarquoise: Nous usons d'un vers de lettr,puisque nous
proronsentrelettrs! .42 Mais d'autre part, il pose de manire
ostentatoireaux cts des paysansceltophones,et face aux lettrshellnisants,pour fairepasser la citationdu mot celtique latinistripeccia, en ces termes: Quant Martin,il tait assis sur un petitsige
rustiquecomme ceux dont se serventles jeunes esclaves, et que nous
autres paysans gaulois nous appelons des tabourets(tripeccias),tandis que vous autres lettrs,ou du moins toi qui viens de Grce, vous
les dnommez trpieds.43
Plus que Sulpice, Gallus apparatainsi au carrefourde troistypes
de communication,sinon proprementde trois cultures: celle des lettrsdes grandesvilles,celle des asctes martiniens,celle des locuteurs
rustiquesdes campagnes le plus conservatrices.Sulpice a tirprcis vue de ce personnage,
mentdes effetscomiques des transformations
qui peut jouer tour tour les savants, les asctes, et mme les rustres. On entrevoitqu'il pouvait choisir volont le registrede son
latin, sinon mme de son accent : raffinet ironique ; vanglique
et direct; populaireet ml de vocables celtiques.Sulpice s'est diverti
en faireun personnageambigu,quelque peu provocateur,et comme
beatomeuiro
relictis
41. Dial. 2, 1, 1 : Quo primoigitur
scholis,
tempore,
: voir
Sulpice
familier
sallusten
estun ticstylistique
iunxi.... L'emploi igitur
Mrtius
SabariaPannoniale dbutdu rcitde la Vita8, 1 : Igitur
en particulier
fuit... ; et comm.dansSehr134,p. 430.Ce ticamne se
rumoppidooriundus
de Gallusn'imiterait
du rcit
initiale
si la phrase
demander
pasiciquelquedbutclcitations
Pourdetelles
brede rcit
aussi,
muettes,
comparer
antique.
autobiographique
de la Vita: paraldansla prface
versde YAndrienne
du premier
la reprise
eneffet,
llecitsup. n. 27.
scoenimuersu
utdixitpoetanscio
42. Dial.3, 10,4 : Nimirum,
quis(utimur
intulit
suemmirantibus
scholasticos
Argis"
fabulamur),
"captiuumque
lastico,
quiainter
et recherche
d'autant
qu'il
, 8, 751). Citation
plusinattendue
(= Stace, Thbaide
maisd'ungrospoisson(un exocet,
ne s'agitpas ici d'unsanglier,
esocem).
in sellarusticana,
utsuntstaein
ueroMartinm
43. Dial. 2, 1,4: sedentem
autcertetuqui
uos scholastici,
Gallitripeccias,
usibusseruulorum,
quasnosrustici
.
de Graeciauenis,trpodas
nuncupatis
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SULPICESVREET LA COMMUNICATION
31
15:06:15 PM
32
JACQUESFONTAINE
15:06:15 PM
Mdivales
1993,pp.33-44
25, automne
Andr CRPIN
* Les pomes
citsse trouvent
dansG.P. Krappet E.V.K.Dobbie,
vieil-anglais
PoeticRecords
edd.,TheAnglo-Saxon
notam, NewYork: Columbia
UP, 1931-53,
mentdansle 6eet dernier
volume.
Surla potique
en gnral
on trouvieil-anglaise
veradesindications
et unebibliographie
dansmondition,
avectraduction
et comde Beowulf
: Kmmerle,
2 vol. 1991.
mentaire,
, Gppingen
15:06:22 PM
34
ANDRCRPIN
15:06:22 PM
POTIQUESLATINEET VIEIL-ANGLAISE
35
15:06:22 PM
36
ANDRCRPIN
Il prenaittoujours grand plaisir instruireles adolescents
et les enfants, leur expliqueren anglais les livrescritsen latin,
leur apprendreles rgles de la grammaireet de la versification, et les exhorteravec douceur placer toujours plus haut
leur idal. Et c'est ainsi que beaucoup de ses lves devinrent
abbs, vques et mme archevquesen Angleterre(Vita, attribue Wulfstancantor, ch. 31).
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POTIQUESLATINEET VIEIL-ANGLAISE
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38
ANDRCRPIN
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POTIQUESLATINEET VIEIL-ANGLAISE
39
Thus me gesette
beorn boca gleaw
Ealdelm aethele sceop
ipselos on aedhele
byscop on Bretene.
sanctus et iustus
bonus auctor
etiam fuit
Angolsexna
Biblos ic nu sceal
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ANDRCRPIN
40
6
9
12
15
ponus et pondus
geonges geanodhe
secgan sodh nalles leas
euthenia
aene on edhle
yfel on gesaed
ne sceal ladigan
encratea
boethia
thurhhis modes gemind
thaet him drihtengyfe
fortisfactor
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POTIQUESLATINEET VIEIL-ANGLAISE
41
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ANDRCRPIN
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POTIQUESLATINEET VIEIL-ANGLAISE
43
hwit asoladh
leoht adhystradh
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ANDRCRPIN
autresvoyellesbrvesen latin classique) demande un inventairechronologique, gographiqueet sylistique- qui pourraitprciserles donnes du problme.
3) Troisimeet dernireobservation: le champ limitde l'affleurementdes hmisticheslatinsen posie vieil-anglaise.Les hmistiches
latins,et grco-latins,sont au nombred'une soixantainesur les quelque 61 000 hmistichesdu corpus - soit un millimedu total. Les
domainesanglais et latin restentsentiscomme des ensemblesdistincts,
ne permettantgure que les deux oprations de la traductionet de
l'adaptation. L'intersection,mlant les deux langues, est exceptionnelle, bien circonscrite.Elle n'a rien de l'exubrancejoyeuse qu'on
trouveraen moyen-anglais: je songe aux guirlandesentremlant
latin,
franaiset anglais des Harley lyrics(BL ms. Harley 2253).
Les raisonsde cetterticencesont probablementmultiples: mauvaise connaissancedu latin, pauvretde notrecorpus. Je noteraisurle
tout un esprit monastique enclin ordonner et compartimenter
monde. Tout mlange est risque d'incongruit,perversionparodique
ou magique. La littraturegnomique vieil-anglaisese plat rpter
que chaque chose a sa place, chaque homme sa vocation. J'ajouterai : chaque discours a sa langue.
15:06:22 PM
Mdivales
25, automne
1993,pp.45-52
Michel BANNIARD
1. Que la communication
verticalefondesur l'usage du latintardif sous sa formeparle la plus humble ait continude fonctionner,
malgrdes difficultsaggraves,jusqu' la fin de l'poque mrovingienne, implique de rtudierle statut social, langagier,historique,
voire ethnographiquedes Vies contemporaines.Dans le cadre des
recherches
une triadede docuengagessur ce thmesociolinguistique,
mentspermetde btirun dossierexceptionnellement
complet; ils concernentla Vita Richarii. Cet abb du Ponthieu, contemporainde
Dagobert, a donn son nom son monastre, fondation devenue
fameuse la fin du viiie sicle, lorsque Charles en confia l'abbatiat
Angilbert.Sur les instancesde ce dernier,Alcuin a rcritune Vita
Richariid'aprs un originalmrovingien.
Comme il se trouveque dans
sa lettreddicatoireAlcuin a analys le stylede cette dernire,l'historien se trouve en prsence:
1) de la Vita Richarii prima crite vers la fin du VIIesicle ;
2) de la Vita Richarii lia dicte en 800 par Alcuin ;
d'Alcuin sur 1 et de ses intentions
3) des observationsstylistiques
en composant 2.
Cet tat de la documentationpermetd'engagerune analyse dans
de bonnes conditionsde scuritmthodologiquesur le fonctionnementde la communicationgnraleau viicsicle. En effet,troisconclusions assures ont pu tre poses :
lue la foule des fidleslors
1) la Vitaprima tait effectivement
de la fte du saint ;
* Afind'allger
sociolinguistique,
cet exemplum
on renvoie
la bibliographie
donne
etparticulirement
auxrfrences
A 2, 5, 17,18,24,26,51,
, p. 10-16,
supra
56 et B 4, 9, 12,16,18,22,25,45,50. La rudesse
du latinmrovingien
a tsensiblement
lissedanscettetranslatio.
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46
MICHELBANNIARD
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47
Le miracle de la taupinire
Le futursaint a commenc sa carrired'vanglisateuren parcourant cheval son pays de mission. Voici qu'il offre une pieuse
matrone d'embrasserson nourrisson:
(I) Atque ipsa feminaexilienscum gaudio in manu porrexitpuerum; eum super equo osculare cpit. Temptatioillico
subita euenit; cum infantuloamplexaret,tanta ferocitasequi
emiscere(comprendreerumper)coepit, ut capud cum pedibus
mpetunimisueloci curreret,et ipse seruusDei una manu puero
alteraque equo tenere, Christo ex ore clamare, hue illucque
diuertere.Tune mater, qui puero dederat, oculos suos claudesuum
bat, pectus manibus tundebat,puerum primumgenitum
ipsa hora mortuumuideremetuebat.Nam ipse seruusDei Christum uelociterinuocans, puero de manu sua dimisit. Sic ruentem et equo pauentemquasi auicula infansad terrampervenite
ut teneritudo illius nequaquam conlideret.Mater eius flens et
eiulans ad puerumcadentemcucurrit,ut uel semiuiuo in manu
susciperet.Super mota terra, quam factum talpigini uocant,
inlaesum infantemrepperit. (par. 5, page 447).
Alors, la femme,toute heureuse,sortitet tenditl'enfant
bout de bras ; Riquier,toujours cheval,commena le cajoler. C'est alors qu'une agressionsubite se produisit: alors qu'il
tenaitle nourrissoncontrelui, un tel accs de sauvageriesaisit
le cheval qu'il se jeta d'une ruade dans une course emballe.
Si bien que le serviteurde Dieu tenait le cheval d'une main et
de l'autre l'enfant,hurlait pleine bouche "Christ", et divaguait en tous sens. La mre qui avait confi son enfantfermait
les yeux, se frappaitla poitrine,et craignaitde voir son premiern mortsur l'heure. Or, le serviteurde Dieu, tout en invoquant toute allure le Christ,laissa l'enfant lui tomberde la
main. C'est ainsi que, tandis que le cheval ruait et paniquait,
l'enfant parvint terrecomme un oiseau, sans que sa tendre
chair en subt la moindre contusion. Sa mre se prcipitaen
pleurant traversles larmeset les cris vers l'enfantau moment
de sa chute, pour le releverau moins encore moiti vif. Elle
retrouva l'enfant sain et sauf sur une motte de terre qu'on
appelle une taupinire.
On fera les remarquessuivantes sur ce rcit en sermo rusticus
(le texte des MGH a t lgrementretouch):
1) sont laisses de ct les analyses purementlinguistiques,qu'il
convientde voir dans Banniard 1993. On se bornera insistersur
le phras des passages en italiques, annonciateurdu protoromande
France.
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48
MICHELBANNIARD
cohrent
2) Le niveau langagierdu textedemeuresuffisamment
pour qu'en tenantcomptedes comptencespassivesdes auditeursillettrs, on puisse tre certain que la narrationleur tait intelligible.
3) Il faudraitvidemmentanalyserles caractresde la prononciation du lectorqui lisait ce texte haute voix : sans tre rductible
la phontiquepopulaire,sa dictionne pouvait s'en carterque dans
une mesuremodre,rsultantd'un compromisentrele souci de mise
en valeur de l'nonc et les capacits de rceptiondes fidles.
4) La teneurdu rcitmriteaussi attention,dans la mesureo
ce sermo rusticuscorrespondun typede rcitpopularisant.Ce classement se fonde sur au moins deux remarques:
a) la prsentationde Riquier est familire: il embrassel'enfant;
il est vigoureusement
secou (on pourraitsouriredu spectacle); il lche
l'enfant.
b) Le miracle garde quelque chose de naturel: la chute sur la
taupinireconfreau dnouementheureuxde l'accident un caractre
naturel; c'est un miracle rationnel,qui serait justiciable d'une lecture folklorique.
3. Voici la rdactioncarolingienne.
(II) Visitauit enim equitando quandam Deo deuotam
feminamRichthrudamnomine et iam post dulces uitae epulas
et post conloquia salubria ipse uir Dei, ascenso equo, ad propria remearedisposuisset,et feminapraedictaiuxta moremequitantisuestigiaparitersecuta est, habens in ulnis filiolumsuum,
ut paruulusquoque benedictionehominisDei roboraretur,
quem
ipse ante sacro baptismateDeo regenerauit.Acceptoque infante
eques uenerandusseu ad benedicendumseu ad osculandum,sed
antiquus hostis omnibus bonis inimicusimmisitequo ferocitatem, qui hue illucque dentibus frendens,pedibus calcitranset
toto corpore insanienset inconsueto impetu per campum diseurrere coepit. Quod pauida cernens mater oculos avertit,ne
morientemuideretfilium,quem seruusDei saeuienteequo manu
tenebat. Familia uero pro morte pueri uel casu uiri Dei strepere, piangere,heiularenon destitit.Sed dexteraChristi,quae
Petrm trepidantemleuauit, ne mergereturin undis, puerum
cadentem subleuabat, ne allidereturin terris.Nam oratione a
famulo Dei facta, puer incolomisquasi auicula peruenitad terrain et equus redditusest mansuetudinisuae. Et materquidem
filiumsuum super terramsanum et ridentemsuscepitin ulnas
suas. (par. 10, pages 394-395).
Il rendait cheval visite une pieuse femme,Rictrude.
Aprs les plaisirs conviviauxde la vie et les entretienssalutaires, l'homme de Dieu, remont cheval, s'apprtait rentrer
chez lui ; la dite femmesuivit,comme d'habitude, les pas du
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cavalier, en tenantdans son giron son fils tout jeune, afin que
le petitftaussi revigorpar la bndictionde l'hommede Dieu,
qui venait de le rgnrerpar le saint baptme. Le vnrable
cavalier reutl'enfantpour le bnir ou pour l'embrasser.Mais
l'antique ennemide tout bien provoqua un emballementdu cheval : il commena divaguer une vitesseinaccoutume traversle champ, en grinantdes dents,bottant,s'enrageant.A ce
spectacle,la mre,terrifie,dtournales yeux pour ne pas voir
mourirson filsque le serviteurde Dieu tenait,tandisque le cheval s'emportait. La famille trpignait,gmissait,hurlait sans
cesse. Mais la dextredu Christqui releva Pierre vacillantpour
l'empcherd'tre englouti,souleva l'enfantdans sa chute pour
l'empcherd'tre bless contre le sol. Car, grce une prire
faitepar le serviteurde Dieu, l'enfantparvintcomme un oiseau
terre,sain et sauf et le cheval futrendu sa docilit.La mre,
de son ct, serra contre son sein son fils sauf et souriant.
Par rapport la rdactionpopularisante,cette versionprsente
au contrairedes traitsaristocratisants,comme on en jugera si l'on
considre que :
a bouleversles caractristiques
1) le remaniement
langagiresdu
texte: l'lgant latin narratifalcuinien parat loin tant du modeste
latin mrovingienque, par voie de consquence, du phras protoroman, pourtantdsormaismergen terred'ol au tournantdes annes
800.
2) Les traitsnarratifsqui confraienten outre un aspect familier au saint ont t gomms: Riquier devientun personnagedistant
et hiratique.Il n'est plus question de prendrel'enfant pour le seul
plaisir de l'embrasser: sans oser cartercompltementce joli geste
de Riquier, Alcuin tamisecet pisode (ad benedicendumseu ad osculandum). Riquier n'est plus prsentcomme un pauvre cavalier bouscul et un peu ridicule.
3) Enfin, la part folkloriquedu rcit est supprime: c'est une
interventiondirectede Dieu qui sauve l'enfant; le pittoresquepisode de la taupinireest effac.
4. Riquier, parti se retireren ermiteau bord de quelque zone
marcageusedu Ponthieu, y difie une modeste hutte.
Ma cabane en Ponthieu
(III) At beatus sacerdos Dei percunctabat,ut uasta heremi
Deus illi prouideret.At uir nobilis scilicetGhislemarus,siue et
alius propinquossimiliter
nobiliset palatinusnec dissimilisgenere
Maurontusquenomine,qui postea religionemadeptus et mona-
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MICHELBANNIARD
chus effectus,post abitum Dagoberti ad suam relictamNanctildae reginae suggestionemfeceruntin nomine serui Dei, ut in
fisci ditione haberet remotionem.Querebant in prope in ipso
pago Pontiuo in Crisciacense(Crcy,foreste, ubi construxerunt
teguriumuile satis et paruo nec de ligno cooperto,nisi de rauso
exiguo, ubi aquam inueneruntprope de loco Argubio... (par.
8, p. 449. (Sigobard, le disciple de Riquier, se voit en songe
auprs du saint aprs le dcs de' celui-ci. Riquier lui montre
sa demeureclesteet commente): Trater Sigobarde,mala mansione habuimusde fumo ; uel in ista modo domo non nos nocet
fumus". Ecce ! qui habuit pro Deo obscuritatem,praeparauit
Uli Deus claritatemet pro fumosa mansione clarssimaretribuirne. (par. 14, p. 453).
Mais le bienheureuxprtrecherchait obtenirde Dieu
qu'il le pourvt d'un dsert. Le noble Gislemar, ainsi qu'un
autre parent tout aussi noble, appartenantau palais, Maurontus, qui par la suite se convertitet se fitmoine, aprs le dcs
de la reineresteveuve,
de Dagobert,obtinrent,sur intervention
Nantilde,que Riquierretun domaine retirrelevantde l'autoritdu fisc royal. Ils le cherchrenttout prs, dans le pays du
une minusPonthieu, en fortde Crcy, o ils construisirent
cule cabane en matriauvil, dont la couverturene futpas faite
de bois, mais uniquementde minces roseaux, l o ils trouvrentde l'eau... (...) "Frre Sigobard, nous avons eu une mauvaise maison enfume; mais dans celle-ci la fume ne nous
gnera plus. Et voil ! Celui qui a subi pour Dieu l'obscurit,
Dieu lui a rservla clart et, la place d'une maison enfume, il lui a prpar une rcompensepleine de lumire".
Le caractremdiateuret mdiatiquedu LPT de la Vie s'accentue peut-treencore dans cette descriptionde realia.
1) A la syntaxelinaire des attendussuccde un phras (passages italiques) dcalqu sur la langue familire(LPT2) dans la descripune
tion. La graphielaisse percerle parlervivant: ils construisirent
cabane vile et assez petite et couvertenon de bois, mais de roseau
mince... On souligneraqu'en ancien franaisarchaque, voire classique (viiic-xiics.) l'ordre des mots suivraitsans peine le droulement
syntagmatiquede cet nonc.
2) Les sentencesfinalesrpondentsi bien cette caractrisation
qu'on osera traduire,imitantle plus ancien franais: Frre Sigobard, maie maison emes de fum (c'est le vieux mot pour fume);
mais> en ceste demeure-- ci > ne nous nuitle fum... . La dduction s'impose : tantentenduque le franaisparl archaque (ou protofranais),PF est le produitvif des comptencesactivesde l'ensemble de la communautdes locuteurs,un typede langage, mme partiellementartificiel,qui s'ouvre si largement ce nouvel tat de lan-
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1993,pp.53-60
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pays de Galles au IXesicle, contient,outre les gloses, plusieurspomes en gallique des IXeet Xesicles qui y ont t ajouts. Ces textes
sont donc issus, de toute vidence, du milieu ecclsiastique,qui a
assur leur transmission.On peut donc tre certain que le gallique
a t transcritdans les manuscritsds le vnie sicle.
On placera en seconde position les textes conservs dans des
copies certes tardives,mais dont la premiretranscriptionse situe
avant Tan mil. C'est sans doute au Xesicle qu'appartiennent
les notationsgnalogiques{yHistoriaBrittonumqui date du dbut du IXesicle attesteque cet usage s'tait dj gnralis),ainsi que le pome
Armes Prydein ( Prophtiesconcernantla Bretagne) et les quelques cent englynionqu'on appelle stanzas of the graves, dont certaines remontentau IXesicle et mettentencore en jeu l'thos hroque.
On a conservun groupe particulirement
importantde diplmes
en gallique : 14 nous ont t transmispar la Vita Cadoci (vers 1200)
et remontent
aux viie-viiie
sicles. 149 autres,parmilesquels des diplmes remontant la fin du VIesicle, ont t conservsdans le Liber
Landavensis( Book of Llandaff), un manuscritde la seconde moiti du XIIesicle. Le noyau de ces textesdoit tre considrcomme
authentique,ainsi que Wendy Davies l'a rcemmentdmontr10.Les
ces diplmes(principalement
lmentsgalliquesque prsentent
des descriptionsde limites l'occasion de cession de terres)constituentdes
en gallique dans les manustmoignagesimportantsde transcriptions
crits ds le vie sicle.
On prendra enfin en considration le corpus des Cynfeirdd
( Potes du dbut ), qu'on dsigne en bloc comme henngerdd
( posie ancienne). Il nous est transmispar des recueilsmanuscrits
du XIIIesicle, le Black Book of Carmathen
, Canu ( Chants ) Aneirin, Canu Taliesin, Canu LlywarchHen. Il est clair que ces manuscritscontiennentdes textesbien antrieurs leur compilation,mais
la date de leur premirerdactiondemeureun sujet de dbat. Ce sont
surtoutles Canu Aneirinqui ont t tudisces dernierstemps11.Le
recueild'lgies galliques connu sous le titre Y Gododdin et attribu
au pote Aneirinest conservpar deux traditionsmanuscritesdiffrentes(A et B). Certainsauteursrapprochentces lgiesd'vnements
politiquesqui se droulrentdans le Nord de la Bretagne la fin du
VIesicle. Si on considre qu'elles sont apparues vers 600, on doit
s'attendre ce qu'elles aient t composesen langue cumbrienne.
C'est donc en raison de l'volutionlinguistiqueque Sir Ifor Williams
et KennethJacksonont mis l'hypothsed'une premirerdactionen
pays de Galles au IXeou au Xesicle. Mais en se fondantsur de nouvelles apprciationsconcernantla fixationpar crit des plus anciens
diplmesgalliques,et en s'appuyantsur de nouvellesrflexions pro10. W. Davies,WalesintheearlyMiddleAges, Leicester
1982,enpart.Appendice: Thesourcematerial
, pp.198-246.
11. En dernier
lieuB.F. Robertsd.,EarlyWelsh
Studies
in theBook
Poetry.
1988.
, Aberystwyth,
of Aneirin
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MICHAELRICHTER
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MICHAELRICHTER
titude sur ce sujet : l'criture,comme formetrangrede conservation et de transmissiondu savoir, a t importeen Irlande par le
christianisme.Mais elle a t trs tt mise au servicedu patrimoine
local pr-chrtien
qui, pourtant,ne correspondaitpas l'thos de la
chrtienne18.
religion
On doit encore soulignerles diffrencesentreles textesgalliques
et irlandais. Il n'existe quasiment pas de gloses bibliques en ancien
gallique. En revanche,les diplmes galliques sont remarquablement
nombreuxpar rapport aux documentsdu mme type en irlandais:
on voit bien ici que l'hritageromain a laiss des traces bien plus
profondesen Bretagnequ'en Irlande19.
Par ailleurs,il semble bien qu'en Bretagnela primautde l'criture latine depuis l'Antiquitait entravla mise par critde la lan:
gue locale. L'Irlande offredans une certainemesurela contre-preuve
comme l'criturelatine y est arrive tard, elle a gard sa place de
langue trangreet il n'y eut de ce fait gure d'inconvnient utiliser l'criturealphabtique pour transcrirela langue locale.
Traduit de l'allemand
par Michel Banniard
et Genevive Biihrer-Thierry
destravaux
desrenvois
rcents
contenant
troisouvrages
18.On peutconsulter
tradition
Williams
et P. Ford,Irishliterary
: J.E.Caerwyn
, Cardiff,
plusanciens
dansLexikon
desMittelalundLiteratur
1992.P. NI Chathain, Irische
Sprache
Irish
sousle titre
auteurs
dediffrents
ters5, 1991,col.645-651
; ainsiquelesarticles
dansDictionnary
Literature
of theMiddleAges,6, 1985,pp.521-552.
m western
tradition
19. Voira ce sujetW. Davies, TheLatincharter
Britain,
et aliid.,Ireinearlymedieval
andIreland
, dansD. Whitelock
period
Brittany
landin earlymediaeval
1982,
volume),
Cambridge,
Europe(K. HughesMemorial
pp.258-280.
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Mdivales
25, automne
1993,pp.61-70
Roger WRIGHT
SOCIOLINGUISTIQUE
HISPANIQUE
(VIIIe-XIe SICLES)
La pninsuleibrique tait au dbut du VIIIesicle un tat wisigothique formellementunifi. Lorsque les Wisigothstaient arrivs
dans la pninsule au Vesicle, ils parlaient dj latin (protoroman)
et, mme si cettepoque ils parlaientaussi encore leur dialectegermanique, bien avant 700 ils avaient cess de le faire. Il y avait aussi
dans la pninsuledes communautsjuives importantes,qui ont laiss
en hbreu,mais l'hbreun'taitpour eux qu'une
quelques inscriptions
langue crite; et vers 700 ils taienteux aussi romanophonesmme
si autrefoisils avaient parl l'aramen. la mme poque, les seules
communautsqui ne parlaientabsolumentpas roman taientprobablementles Basques, qui ont peut-trepeupl un espace s'tendant
vers l'Est plus loin que le pays basque actuel ; les Basques n'taient
christianiss,mais il est probable qu'un grand nompas entirement
bre d'entre eux taient en fait bilingues (basque/roman).
L'critureavait ordinairementpour supportdes tablettesenduites de poix ou des papyri, qui ne sont pas parvenusjusqu' nous,
mais les critsdu VIIesicle conservssur des ardoises, dcouvertes
dans la provincede Salamanque, paraissentattesterune pratiquecourante de l'critureet du calcul. Au total l'Espagne wisigothiquedu
vne sicle tait certainementl'aire la plus duque et la plus alphabtisede l'ancien EmpireRomain d'Occident; sa socitrestaitprincipalementfonde sur la matrisede l'crit, qui constituaitla base
de la culture savante dans toute la pninsule jusqu' la fin du
XIesicle.
En Al-Andalus
L'invasion musulmanecommenaen 711, et ds 718, la majeure
partie de la pninsule, l'exception des montagnesdu Nord-Ouest,
tait conquise. Le langage officieldes envahisseurstait l'arabe, mais
la majorit du personnelmilitaire,compose de Berbresdu Maghreb, n'tait pas initialementarabophone. Car avant l'arrive des
15:05:24 PM
62
ROGERWRIGHT
Musulmans au viie sicle, les habitantsde la zone ctire de l'Afrique du Nord parlaientgnralementroman, et il est raisonnablede
supposer qu'un grand nombredes envahisseursberbresde la pninsule ibrique parlaientdj le roman, soit comme langue maternelle
soit comme langue apprise, et qu'ils pouvaient par consquentcommuniqueravec les habitantsautochtones.Ils n'taientpas ncessairementtous musulmans,et les dialectesberbresqu'ils parlaientpar ailleurs ne leur permettaientprobablementpas de communiquertous
entreeux. En ce qui concerneces dialectes,on ne sait pas avec certitude pendant combien de temps ils continurent tre parls dans
les communautsqui descendaientdes premiersenvahisseurset fondateurs. D'autre part, l'immigrationdes Berbress'est constamment
poursuivie,surtoutlorsqu'ils ont t recrutspar Al-Mansour la fin
du Xesicle, mais dans le mme temps,les communautsinitialement
romanophonesde la zone ctirede l'Afriquedu Nord semblentavoir
oubli le roman en adoptantl'arabe, si bien que les derniersarrivants
berbresne parlaientprobablementplus roman quand ils dbarquaient
en Espagne. Et les esclavesde la cour, qui taientpluttd'ascendance
slave, avaient, semble-t-il,appris l'arabe.
Dans beaucoup de domaines de la vie, comme l'a soulign Collins, il y a eu continuitentrele VIIeet le viiiesicles. Le roman tait
la langue la plus courammentparle en Al-Andalus, aux champs, au
march,dans les rues, dans les bureaux et la maison : les envahisseurs tant principalementdes hommes, leurs pouses furentprincipalementdes femmesromanophones.De nombreuxhabitantsfurent
de ce faitbilingueset issus d'une ascendancemixte; on dit, par exemple, que le Calife Abd-el-RamanII (morten 852) eut 87 enfants,ns
pour la plupartde femmesindignes.Le roman qui tait parl l est
actuellementappel mozarabe , un termequi n'tait pas alors en
usage, et qui fut par la suite appliqu aux exils du XIesicle, mais
les contemporainsl'appelaient communment ladino (mot transcrit encore par latinus), et les Arabes le dsignaientsous une forme
emprunteau mme mot. Il n'est pas facile d'tudieraujourd'hui ce
mozarabe, car une grande partie de la documentationcrite l'a t
en alphabet hbreuou arabe, mais la communautdes chercheursest
actuellementde plus en plus convaincuequ' bien des titresle mozarabe tait proche de l'ibro-romandu Nord. En effetdepuis la fin
du viiic sicle il arrivaitque des chrtienslettrsquittentAl-Andalus
pour aller travaillerdans le Nord comme notairesou comme scribes
(et d'autres comme charpentiersou cultivateurs); or il n'existe pas
la moindreallusion dans les documentsconservs une quelconque
incomprhensionentreles clientsasturienset les rdacteursmozaraune gobes. Galms de Fuentesa pu reconstruire
hypothtiquement
graphiefinedes variationsqui ont d affecterla zone romane mozarabe (du Portugal Valence, de Malaga Saragosse) mais, comme
les commentateursl'ont soulign, la majeure partie des tmoignages
sont moins clairs que ne le suggreGalms, puisqu'ils sont par dfi-
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musulman. un niveau plus lmentaire,une grande part des communicationssociales tait sans doute de type macaronique, et il se
sous la prespeut que la grammaireromaneait subi des simplifications
sion de l'environnementsocial ; mme s'il devait souvent tre difficile pour un auditeur de distinguerentre des interlocuteursparlant
arabe avec des empruntsromans et d'autres interlocuteursparlant
roman avec des empruntsarabes, les deux langues ont une structure
distinctepour qu'aucun mdiolectehybridene soit consuffisamment
cevable, et les locuteursbilinguesn'ont d que rarementparleraussi
courammentl'une et l'autre langue. On a un indice de faiblessesde
ce typedans le faitque de trsnombreuxempruntslexicauxde l'espagnol l'arabe adoptent l'article dfini (/al/) en mme temps que
l'unit lexicale, car l'effetde sandhi empchaitla frontirede mot
d'tre toujours discernabledans la chane articulatoire; c'est pourquoi de tels mots tendent commencerpar /a-/ (ex, alczar ,
albaricoque , ajedrez , arroz , acequia ). Les systmes
phonologiquessont si contrastsque les formesles plus anciennement
attestespar crit de tels arabismes en roman varientsouvent sans
rgle l'une par rapport l'autre, aussi bien que par rapport l'tymon arabe. Les tentativesfaitespour attribuerau mozarabe des particularitsphonologiques ou syntaxiquesdu futurespagnol andalou
ou du futurcatalan valencienn'ont donn que de maigresrsultats,
mais ceci est probablementd une double raison : d'une part, les
formesnordiques sont venues effacer,en s'y surimposantaprs la
Reconquista, les maniresde parler locales du Sud ; d'autre part, il
y avait beaucoup moins de mozarabes dans l'Espagne musulmane
aprs 1100 qu'il n'y en avait eu auparavant. Les tentativesfaitespour
reconnatrele roman mozarabe dans les formesdes kharjas susoptimistes,
ceptiblesd'tre romanes,sont probablementexcessivement
en raison de la grande incertitudequi pse sur leur dchiffrement
;
il semble que des litteratiaient uvr partird'un ventailsociolinguistiquecomportantpeut-tretroisou mme quatre varitsd'arabe
surimposes un dialecte roman vernaculairedpourvu de prestige.
Le roman et l'arabe impliquaientdeux alphabets, et la prsence
de l'hbreu (uniquementau titrede langue crite) en fournissaitun
troisime.En thorie,et peut-treen pratique, chacune de ces trois
langues pouvait tre critedans chacun de ces trois alphabets. C'est
bien sr un problmepour les chercheursmodernes,et ce l'tait peuttre dj pour les habitants d'Al-Andalus. Les meilleurstextes de
kharja , essentiellement
arabes, mais accompagnsd'lmentspeuttre romans, sont transmisen alphabet hbreu. L'hbreu n'tait pas
employcomme langue de conversation,mais les textestaientrcidans l'Espats dans les synagogueset l'ruditionjuive taitflorissante
gne musulmanedepuis le Xesicle. Menachem Ibn Saruk composa un
importantdictionnaired'hbreu l'poque o fut fonde une cole
qui devait porter l'un des grandspanouissementsde l'histoireculturellejuive, aux XIe et XIIesicles. Les Juifsn'taientpas tous intel-
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et la socit asturo-lonaise reposait toujours sur la matriseprsume de la culturecrite,et ses tribunauxsur la documentationcrite;
alors que peu de gens savaientcrire,beaucoup savaientlire, et presque tout le monde (alors, comme aujourd'hui) pouvait comprendre
textes,lettres,ordres,sermons,documents,prires,vies de Saints,pitaphes, etc. quand ils taientlus haute voix leur intention.Chaque village avait sans doute quelqu'un, mais pas forcmentun clerc,
qui savait lire haute voix ses voisinsen cas de besoin, et qui peuttre savait aussi crire leur demande. On passait les transactions
lgales avec l'aide d'un notaire,qui pouvait dans la pratique appartenir un monastrelocal. Il y avait quantit de petitsmonastres
et de petitesglises,et le nombrede documentsconservssuggrequ'
un niveau pratiquele systmefonctionnaittoujours comme dans une
socit alphabtise.Au momentde l'invasion musulmane,le roman
ailde la pninsuleaurait toujours t pour l'essentielcomprhensible
leurs ; mais c'est probablementpendantla priode d'isolementrelatif
de 711 1020 que le roman de l'Espagne non catalane accentua ses
principalesdiffrencesavec la langue des autres aires romanophones,
Catalogne incluse.
Il serait probablementanachronique de s'imaginerdes dialectes
distinctsspars par des frontiresnettesdans les aires romanophones ibriques de ces sicles. Il existaitnaturellementdes diffrences
entreles habitudes langagiresdes locuteursromanophonesrsidant
en diverslieux, mais dans la priode qui prcdela normalisationdu
XIIIesicle, il n'y avait gure que des variations alatoires dans la
rpartitiondes variantesphontiquesou morphologiquesen comptition. Il est, par exemple, raisonnable d'mettrel'hypothsequ'en
Galice la premiresyllabe du mot pel alteros tait prononce
plus souvent [out-] que [ot-], alors que plus loin vers l'Est en Castille,elle tait plus souventprononc [ot-] que [out-],mais qu'aucune
de ces formesne correspondait la totalitdes occurrencesen chataitconforme
cune de ces deux rgions.La situationsociolinguistique
celle qu'on trouvepartoutdans les socitsmonolingues: une variation gographiqueprogressive l'intrieurd'un continuummonolingue. Pour cettepoque, on ne peut pas dterminerde faon certaine
la provenancegographiquedes textesd'aprs les formesqu'ils reclent. Comme l'a soulignAlarcos Llorach, tous les locuteurspouvaient
communiqueravec des voisins romanophonesd'Espagne en cas de
besoin, aussi bien l'intrieurdes royaumes chrtiensque plus au
Sud. C'est ainsi que le comte de Castille Sancho Garca (roi de 995
1017) put adresserun loquent discours aux nobles de la cit voisine de Tudle, qui tait sous autorit musulmane.
La documentationconcernantla prononciationromane de l'pofondes
rtrospectives
que provientpour l'essentielde reconstructions
sur des textespostrieursrdigsen graphierforme(au XIIIesicle) ;
quoique les fautesgraphiquesprsentesdans les documentsantrieurs
la rformesoient souventintressantes,elles ne peuventen aucun
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Mdivales
25, automne
1993,pp.71-91
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vice est surnomm folie . Les textes sont versifiset chacun est
prcd d'une gravuresur bois. L'image est lgende par un verset
de trois lignes, en bas de page. Chaque illustrationreprsenteune
petitescne qui fait allusion au thme voqu dans le chapitrecorrespondant.Dans le premierchapitre,par exemple,il est question de
la bibliophilie(fig. 1). L'illustrationmontreun clerc avec des lunettes. Il est assis au milieude sa riche bibliothque,derrireson pupitre et occup lire dans un livre. l'aide d'un plumeau, il chasse
les mouches. Le versetrelate Im Narrentanzvoran ich gehe/Da viel
Bcher um mich sehe/Die ich nichtlese und verstehe (Je mne la
danse des fous/carje vois beaucoup de livresautour de moi/que je
ne lis ni ne comprends).
videmment,l'image d'un clerc en trainde lire ne mriteraitpas
ce surnomde folie par lequel Brant exprimesa critique l'gard
des lettrs.Seuls les attributsridiculisantstraduisentcetteide. Affubl d'oreilles d'ne, le clerc est reprsentcomme un Narr, un fou
qui fait semblantde lire et qui, en ralit,ne s'intressequ' dcorer
sa bibliothquedes produitsde la presse de Gutenberg.Chacune des
110 gravuresqui accompagnentles diffrentschapitresdu Narrenschiffcontientun ou plusieurspersonnagesainsi ridiculiss.On peut
s'interrogersur les circonstancesqui ont contribu appeler un vice
une folie et qui lui ont donn le visage d'un bouffon.
Pour comprendrela perspectivede Brant, il faut avoir l'esprit
sa position politique et sociale, ainsi que le niveau culturelgnral
de l'Allemagne la fin du XVesicle. Promu docteurdes deux droits
l'Universitde Ble en 1489, il avait commenc,trois ans auparavant, soutenirla politique de Maximilien1er, lu roi des Romains
en 1486. Il critde nombreuxpomes politiques,dont la plupartsont
rassemblsdans les Varia Carmina, imprims Ble en 1498. Ces pomes ranimentl'ide du Saint Empire Romain de Nation Germanique,
contreles Turcs, qui s'taient convertis l'Islam et avaient en 1453
conquis Constantinople5.L'anne qui prcda la publicationdu Narrenschiff,Maximilientait sacr empereurpar le pape AlexandreVI,
et le chapitre99 du Narrenschiffest consacr tout entier la situation de l'Empire et de l'glise romaine: C'est dans ces vnements
d'actualit que Brant puise la motivationde son uvre et l'inspiration de son catalogue de vices. Il appelle ainsi les princesdes pays
allemands portersecours Maximilien,en reconqurantla Terre
Sainte alors occupe par les Turcs.
La nef des fous n'est donc pas un simplecatalogue de vices, elle
contient aussi, peine dissimul, un appel la croisade. Or la
noblesse,qui en Allemagneavait faitson idal de la matrisedes forces
physiques,se pliait mal un enseignementspirituel; Brant comptait
donc sur la transmissiondu messagepar l'illustration.En Allemagne,
l'alphabtisationdes laques avait commencau xiiie sicle, avec un
et Mhl, op.cit.,p. 464-65.
5. Cf. F d. Junghans
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Fig. 3. L'insipiens.
Lettreinitialedu Ps. 52. xniesicle.
Dijon. B.m. ms. 4, fol. 182v.
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Fig. 4. L'insipiens.
Lettreinitialedu Ps. 52. xive sicle.
Tours, B.m., ms. 74, fol. 118v.
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tiales du psaume 52 soit souventreprsentchauve, voque les diffrencesjuridiquesentreclercet laque. Etant donn que suivantle droit
un accus qui s'tait prchacun relevaitd'une juridictiondiffrente,
tendu clerc, et avait port frauduleusement
l'habit clrical et la tonsure, risquait de se retrouverdevant une cour laque, le crne ras
et vtu d'un habit ray20.On peut donc se demander si l'image de
Yinsipiensn'a pas t calque sur le modle d'un faux clercdmasqu.
Au cours du XVesicle, le dtachementencore plus marqu entre
texte et image transformeYinsipiensde plus en plus en fou ou en
bouffon. Le pain disparat ou est remplac par un autre objet, qui
n'a plus aucun rapport avec le texte du psaume, ni avec celui des
commentaires.On peut donc supposer que les miniaturistesse sont
inspirsde sources autres que religieuses.Par exemple, les culottes
et le capuchon du personnage,dans la miniatureau fol. 106rdu Psautierlatin-franais
de Jean de Berry(Paris, BN, ms. 13091), fontpenser la descriptionque Chrtiende Troyes donne du vtementque
Perceval porte au moment o il quitte sa mre pour devenir un
chevalier21.De mme, le chien de la miniatureau fol. 227r de la
Bible historalems. fr. 3 de la Bibi. nat. de Paris du XVesicle doit
probablementson origine un passage du Dit de Robert le Diable 22.
Ceci peut tre galementvrai pour le chien de la miniatureau fol.
276v de la Bible historialems. 5057 de la Bibl. de l'Arsenal.
L'iconographiedu psaume 52 dans les Bibles imprimesde la fin
du XVesicle n'est plus inspiredu texte, mais semble directement
emprunte un modle pictural. Hans Holbein est l'auteur du personnage au fol. bbiiiv0de la Bible italiennedite de Malermi (fig. 5),
imprime Venise par Nicola di Giunta en 1490 (Paris, BN, Rs. A
359) 23. Il est probable que Holbein s'est inspir,pour la coiffure
plumes, de la Stultitiade la chapelle des Scrovegni Padoue, peinte
par Giotto vers 1307. Cette origineest encore plus videntedans le
cas du psautier latin-allemand,imprim Augsbourg en 1494 par
Erhard Radolt.
L'volution du personnagen'est visible que par les exceptions
la rgle. La plupartdes psautiersformantdes ouvrages part ou qui
sont intgrsdans des Bibles gardentune illustrationtraditionnelle
de
la lettreinitiale. Il existentdes Bibles manuscriteso, en marge de
la page, sont conservesdes prescriptions
destinesau miniaturiste
qui
montrentcommentles exceptionsse sont introduites24.Dans le cas
20. Gnstal,op. cit.,p. 17.
21. Perceval
le Galloisou le Contedu Graal
, pubi,par Ch. Potvin,Mns:
1866-71.
Dequesne-Masquillier,
22. Cf. Beek,op. cit.,p. 23; Guillaume
Stanislas
Robert
le Diable,
Trf.butien,
Paris,1837,p. IX s.
23. Cf.James
: Univ.
Strachan,EarlyBibleIllustrations,
Cambridge
Press,1957,
p. 27 s. ; Gross,op. cit.,p. 139.
24. Cf.PaulDurrieuetSamuelBerger,Lesmanuels
dupsaupourl'illustration
tierau xnesicle,Mmoires
de la socit
nationale
desAntiquaires
de France,
vol.^7,
1898,p. 97.
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Fig. 5. L'insipiens.
Gravuresur bois illustrant
le Ps. 52.
Venezia: Di Giunta,Rs. A359, fol.bbiiiv0.
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1466), plus tard tre (dans la deuxime Bible allemande imprime par Eggestein Strasbourgen 1470 et rimprimepar Zainer
Augsbourgen 1475), ou unweiss (dans la troisimeBible imprime par Schnspergeren 1487)32. Ce n'est qu'en 1524 que Luther
ces expressionspar narre dans sa traremplacerasystmatiquement
duction du psautier.
L'ide de la folie
Entre le XIIIe et le XVesicle, la conception de la lettreinitiale
de psaume 52 devient double, la fois religieuseet profane. Au
XIIIesicle, l'illustrationpicturaledu terme insipienstait compose
avec des lmentsdfinissantun personnagesymboliquerelativement
primitif.Ce personnageprenaitsa significationpar rapport la double ngation exprimepar le texte, pour devenir, par la suite, un
miroirdformet caricaturaldu monde clrical.
A partirdu XVesicle, une conceptionnouvelle des termesinsipiens et David emprunteses symbolesau monde profaneet ses traits
l'tre humain. Ainsi seronttypsdes personnagesdont les caractristiquesvoquent soit l'image symbolique,soit le portraitindividuel
d'un bouffonde cour. Quant au type marqu par une couronne de
plumes, une tude ultrieureserait ncessairepour identifierses lmentsconstitutifs
qui sont apparemmentindpendantsdu psautier33.
En outre, le termeinsipiensa donn naissance une rflexion
sur la diffrenceentreles statutsjuridiques de clerc et de laque. En
effet,si l'usurpationd'un statutest conue comme une fraude, elle
peut aussi tre considre,sur un plan moral, comme un vice. C'est
l probablementque Sebastian Brant a trouv son ide de suggrer
la prtentionde chacun emprunterun statutautre que le sien, pour
mieuxle dmasquerensuite.Mais en appliquantle surnomde Narr
galement sa proprepersonne,il ajoute une dimensionnouvelle de
conscienceaux ides qui ont volu autour de Yinsipiensissu du psautier.
32 Knneker,
op. cit.,p. 10.
33. Cf. GertaCalmann, Thepictures
of nobody
, Journal
of theWarburg
andCourtauld
Institutes
Lesconcep, vol.23, 1960,pp.60-104
; Franois
Gamier,
tions
de la folied'aprs
mdivale
du Psaume
52, 102eCongrs
national
l'iconographie
desSocits
Savantes.
1977.Philologie
etHistoire
Limoges
, vol.2, 1977,pp.215-222.
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AU MOYEN AGE
(XII'-XV* SICLE)
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d'un texted'enseignement
religieuxen formede dialogueentreun matre et un disciple qui a remportun gros succs jusqu'en plein
XIXesicle. Son originalitest de mettreen scne un sage de
troisans rpondantaux questions de l'empereurAdrien.
troisdes manuscritsmdivauxde ce textecomDtail intressant,
portentun ajout qui indique clairementle caractresurnaturelde cet
enfant:
Et quant l'enfanteut dit toutes les choses dessusdites,il
se esvanuit et s'en va dont nostre seigneurl'avoit envoi . 15
Dans un genrediffrent,
celui des exempla, on trouvegalement
de nombreux enfantssages . Mais ceux-ci transmettent
moins un
savoir qu'ils ne donnentdes leons aux adultes. Leon de comportement monastique dans Yexemplum n 201 d'tienne de Bourbon
(Tubach 4442) o l'on voit les enfantsd'un monastreprendreen
faute leurs ans qui dormenten pleine glise au lieu de rciterleurs
oraisons16.
Leon de courage dans la foi, toujours chez tienne de Bourbon, qui raconte l'histoired'un enfantqui se dfend seul contredes
Albigeois qui l'accusent d'adorer la croix. Il vient bout de l'agressivitdes hrtiquesen leur opposant une argumentationdigne d'un
thologien.tiennede Bourbon voit clairementla marque du ciel dans
le comportementde cet enfant(Puer autem, non sine divina inspiracione, sic statimresponditeis). Auparavant,en guise d'introduction,
il explique que, comme le disent les autorits(Item dicunt magisti
),
il est prouv que, un enfantlev dans la religionet dont le comportementest exemplaire,le Seigneurrvlerala foi qui mne au salut
(Dominus manifestabitei fidem saiutarem)17.
Leon de portethologiqueencore,commedans le fameuxexemplum de saint Augustinet de la Trinit: l'vque d'Hippone se promne en bord de mer, rflchissantintensmentau problme de la
Sainte Trinit,quand il rencontreun enfantd'une trsgrande beaut
(puerumpulcherrimum)occup dverserl'eau de la mer dans un
trou de sable. Il lui fait remarquerqu'il travailleen vain, ce quoi
l'enfantrtorqueque chercher percerle secretde la Trinitest d'une
vanit bien plus grande encore18.
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L'enfant lu
L'ide d'une lection enfantinene manque pas de fondements
scripturaires.Les versetsde Luc (18, 15-17), de Matthieu (18, 3-4),
ou de Marc (10, 13-16) qui consacrentles petits enfantscomme le
modle suivre en vue du salut ( ... car le royaume de Dieu est
pour ceux qui leur ressemblent.) ont compt parmi ceux qui ont
eu le plus souvent droit de cit au Moyen Age19.
Les sources proprementmdivalespromettentquant elles une
belle moisson celui qui voudraitdonnerle dossiercompletde l'lection enfantine.C'est, plus modestement,
par le biais d'un curieuxrcit
mettre
rire
au momentd'tre mis
un
nourrisson
se
montre
qui
mort que je vais essayer d'aborder la question.
La marque du rire
Les antiquisantsont dj not que le rire de l'enfant dans une
situationde pril de mortn'tait pas fortuit.Ils ont vu dans ce topos
le signe de la valeur sacrificiellede l'enfant20.Je voudrais essayerde
prendreici leur suite en montrantque le Moyen Age, s'il n'a probablementpas ignor cette ide, en a connu une autre, qui voit dans
le rire la marque de l'lection enfantine.
Il existe un rcit qui a connu selon toute vraisemblanceune
grande popularitau Moyen Age. Il est bti sur la trame narrative
suivante: un souverain apprend par une voie surnaturelle(un rve
le plus souvent) la naissance d'un enfantappel prendresa place.
Il ordonne la mort du nouveau-n,mais son ordre n'est pas accompli (ce qu'il ne sait pas) et, aprs un temps plus ou moins long pendant lequel l'enfantest lev dans le secret,la prophtiefinitpar se
raliser.Il s'agit, on l'aura compris,du mythedit de la naissance
du hros 21. Dans l'Antiquit dj, on le trouve rapport l'histoire de Zeus, d'dipe, de Cyrus ou encore de Rmus et Romulus.
Il est galementbien prsentdans la Bible, avec au moinstroisrcits:
la naissance de Mose (cas particulirement
frappantsi l'on combine
lgendeapocryphedes charbonsardents et rcitbiblique),de Joas,
l'enfant
dfinit
19. SaintJrme,
(Il ne
quatrequalits
propres
parexemple,
il ne se dlecte
il n'estpas rancunier,
pas de la beaut
pas dansla colre,
persvre
de Matthieu
il ditce qu'il pense)dansun commentaire
des femmes,
qui deviendra
PL
inEvangelium
Comment,
au HautMoyen
Matthaei>
Age(saintJrme,
classique
, MGH,Epist.,Ill, p. 163; Bde,
Epistolae
XXVI,col.128; cf.saintColomban,
de
morale
Surl'idalisation
PL XCII, col.230-231).
In MarciEvangelium
exposition
chezles Presde l'glise,voirS. Lgasse,Jsuset l'enfant
l'enfant
, Paris,1969.
de C. Miralles, Le riresardnique
l'article
20. Cf.enparticulier
, t. 2,
, Mtis
vol.1, 1987,p. 31-43.
du hros
de la naissance
21. Cf. O. Rank,Le mythe
, d. tran.,Pans, 1983.
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RIC BERTHON
L'enfant se prist a remer,
Et a rire mout doucement.
Quant cilz voit ce, soudainement
Li est le euers amolez,
A haulte voiz s'est escrez :
"Biau compainz, pour Dieu, Cha venez !
Certes, nous sommes forsenz
Qui tel innocent,tel fecture,
Volons mectrea desconfiture.
Pour rienz qui soit ne le feroie:
Ja mes esperance n'aroie
Que Dieu vrai pardon m'en fest,
N'il n'est homme qui le fest,
Se ill avoit aperce
Ce que de l'enfant ai ve.
Qu'as tu ve ? Diz tu a certes?
- J'ai ve miracles apertes.
Quant ving au puis pour l'i empaindre,
Onques ne ves feste graindre
Faire a enfant de tel aage
Ne rire de si douz visage :
Ce semble estre un droit angelot".
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LE SOURIREAUX ANGES
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Dans l'pisode de la Visitationil est dit de Jean-Baptisteexultavitin uteroeius (Luc, 1, 41). Il me sembleque cet exultavit
, qui signifie entreautres pousser des cris d'allgresse, pourraittre galementinterprt,
bien que le contextene soit plus ici celui d'un infandivine(explicitement
ticide,comme le signede l'intervention
dsigne
dans la Bible) qui permet la reconnaissancedu Christ par le fils
d'Elisabeth.
Merlin est le plus clbre des enfantsrieursdu Moyen Age. Or,
l'on sait que, s'il est le filsdu diable, Dieu, titrede compensation,
lui a attribuun pouvoirde divination.Chaque fois,ou presque,qu'il
va rendrepublique une prophtie(qui, en dernierressort,est d'origine divine), il met un rire qui en est comme le signal annonciateur27.
Dans L'image du monde de Gossouin de Metz (XIIIes.), encyclopdie mdivaledont on comptedes dizaines de manuscrits,le rire
des petitsenfantspendantle sommeilest interprt
comme une manifestationde leur capacit entendrela musique cleste (produitepar
la rotationdu firmament)
ainsi que le chantdes anges : Dont aucun
furentjadis qui disoientque li petitenfantoient cele melodie quant
il rienten dormant. Car l'en dit qu'il oient chanterles anges Dieu
en paradis ; par quoi il ont tel joie en dormant. 28
Gilles de Rome (t 1316), enfin,donne une sortede caution scientifique l'ide en expliquantque le foetus,en recevantson me au
quarantimejour de la gestation,lance un rire dans le ventrede sa
mre29.
L'enfant lu
Voyons maintenanten quoi ce rire peut tre un signe de l'lection de l'enfant qui l'met.
JacquelineRisset, prsentantses recherchessur Dante lors d'un
sminairede Jacques le Goff, a relev que, statistiquement,
le rire
et le souriresont nettementdu ct du paradis, et mme qu'ils semblent accompagnerla progressiondu salut, avec une seule occurence
pour l'enfer,seize pour le purgatoireet trente-deuxpour le paradis.
Dans cettederniresphre,Dante exprime plusieursreprisesla valeur
batifique du rire.
27. Surl'origine
orientale
de ce motif,
voirlesarticles
cTA.H.Krappe, Le rire
du Prophte
inEnglish
. A Miscellany
in HonorofFrede, dansStudies
Philology
rickKlaeber
de Merlin
, Minneapolis,
1929,p. 340-361
; La naissance
, Romania
,
59, 1933,p. 12-23.
28. Gossouinde METZ,L'imagedu monde
, d. O. Prior,Lausanne,1913,
p. 159.
29. Gilles de Rome,De humani
citparCl. Thomasset,
corporis
formattine,
Quelques
de l'embryologie
mdivale
la findu xmesicle),
principes
(de Salerne
n 9, Aix-en-Provence,
Snfiance
1980,p. 119.
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102
RIC BERTHON
etauxtrs
auxnourrissons
encore
30. Cetteexpression,
aujourd'hui
quis'applique
n'estdonc,ni plusnimoins,
untatde flicit,
qu'une
pourdsigner
jeunesenfants
dansle Jugede rirebatifique
de la notion
dansle langage
survivance
quitransparat
de Bamberg.
mentdernier
dansla pratique,
trouver
uneorigine
31. Cetteconfiguration
apparempourrait
en Syrieeten Afrique
telqu'ils'estperptu
d'enfants
du sacrifice
bienrelle,
ment
comme
en
Le
rire
des
victimes
y apparat, effet,
jusqu'auiiiesiclede l'rechrtienne.
Cf. A. Rousselle,Porneia.De la
un toposdj associ l'idede salutreligieux.
w-ivsiclesde Vrechrtienne
du corps la privation
matrise
, Paris
,
sensorielle,
1983,p. 155-156.
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104
RIC BERTHON
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LE SOURIREAUX ANGES
105
l'article
Age,pratiques
, Paris,1987; ou encore
religieuses
dansle Handwrterbuch
desdeutschen
undLeipzig,1936
, t. 7, Berlin
Aberglaubens
en 1987),col.727etsuiv.Il fautfaireremarquer
misenscne
(rimp.
quelesenfants
de meurtre
rituel
ne sontpas toujours
de toutjeunesenfants
comme
parles rcits
ceuxqui m'occupent
danscetarticle.
ils ontsouvent
treprsents
ainsi
Pourtant,
enparticulier
danslesincunables,
encontradiction
aveclestextes
! (voir,
parl'image,
le cas de Simonde Trente
dansDie Geschichte
vondemKindSymon
parexemple,
,
Gunther
1475.Paris,BN Rserve
H.307).
Zainer,Augsbourg,
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106
RIC BERTHON
Dans le cas d'Hugues de Lincoln(t 1255), dont l'histoireest principalementconnue traversla ChronicaMajora de MatthieuParis45,
le paralllechristiqueest encore plus frappant.Vers Pques, les juifs
de Lincoln drobentun enfantg de huitans. Ils lisentalors un
juge que MatthieuParis compare Pilate (tanquampro Pilato). Aprs
un jugementde thtre,l'enfantreoitle supplice : il est battu, couronn d'pines (spinis coronatus),humilicomme lors de la Drision
du Christ(sputis et cachinislacessitus). Chacun le pique de la pointe
de son couteau. On lui donne du fiel boire (potatus felle), on le
raille (Jesu Pseudoprophetavocatus), enfin,on le met en croix et on
et lancea ad cor
le frapped'un coup de lance au cur (crucifixerunt
pupugerunt).Comme c'est le cas dans la plupartdes rcitsde meurtre rituel,les juifs ne parviennentpas faire disparatreson corps.
Ils tententbien de l'enfouirsous terremais, par miracle,il rapparat toujours la surface(Et cum mane putaturabsconditum,edidit
illud terraet evomuit,et apparuitcorpus aliquoties inhumatumsupra
terram...). Outre que d'un point de vue narratifce motifpermetde
du
dcouvrirla culpabilitdes juifs, on peut facilementl'interprter,
du Christ.
pointde vue allgorique,commeun cho de la Rsurrection
De la vertuau mimtisme
Si les enfantsont pu servirde prte-corps ou de doublure
du Christ,c'est, me semble-t-il,parce que, dans l'espritdu
terrestres
temps,ils participentplus que d'autres de ses vertuset qu'ils symbolisentl'innocencevanglique,la vie hors le pch. En toute logique,
par exemple,les victimesdes juifs misesen scne par l'imaginairechrtien, ou le Christ aux stigmatesde Durmart le Gallois, auraient d
tredes adultesdans la forcede l'ge. Mais la fidlitau textebiblique et la personnehistoriquedu Christ,qui n'aurait produitqu'une
analogie de vraisemblance,les mdivauxont prfrune fidlitau
messagede l'vangileet la personnespirituelledu Sauveur,qui produit une analogie d'essence : l'adquation au Christfondesur l'innocence l'emporte sur l'adquation fonde sur les apparences.
Bien sr, on pourraitobjecterles propos sans cesse cits de saint
Augustin: l'innocence de l'enfanttient la faiblessede ses membres, non aux intentions^. Mais ce grand saint est ici l'arbre qui
cache la fort.Ainsi que l'a not R. Carron, partirdu XIIesicle
au moins, un courant intellectuelimportantse rvle trs majoritairementfavorable l'ide de l'innocence enfantine47.
de Lin45 Matthieu
, d. part.Fr.MicheldansHugues
Paris,Chronica
Majora
decetenfant
au meurtre
relatives
etcossaises
deballades
coln,recueil
anglo-normandes
commis
, Paris,1834.
par lesjuifsen 1255
Les confessions
46. SaintAugustin,
Paris,1982,
, d. ettrad.L. deMondadon,
Livre1-7(11).
enfantine
de linnocence
47. R. Carron,op. cit.P. Richreleve
que la question
danslesmilieux
dansle HautMoyen
taitdjdbattue
dit-il,
Age,particulirement,
etsocit.
Annadansle HautMoyen
celtes
Age, dansEnfant
(P. Riche, L'enfant
les de Dmographie
, Paris,1973,p. 95-98).
Historique
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RIC BERTHON
Ai aquestz viii enfans delitz
E de totz devra aitai far,
Del sane me fazia ajostar
Mo seiner sains, malgrat meu,
Et nous ment, fe que deig a Deu,
Per so que bainar se devia
Per garir de la mazelia .M
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LE SOURIREAUX ANGES
111
corps possibles sur terre.Son sang, dans la psychologiedes reprsentations,est donc mme de remplacercelui du Christ,de servir,
dans les limitesde la vie terrestre, une nouvelle Passion et une
nouvelle Rdemption.
Au termede cet article,j'espre avoir atteintmon but qui tait
d'intresserla rechercheau problme nouveau d'une anthropologie
mdivale de l'enfance aborde sous l'angle religieux.
Pour ce faire,j'ai tentde mettreen vidence trois dimensions
symboliquesde l'enfantque l'on peut rsumerainsi : dans la gographie mdivale des mondes (terrestreset clestes), l'enfant est plac
la charnirede ce plan verticalsi prminentqui relie l'homme
Dieu. Il est l'un des grandsbnficiairesde la distributiondes signes
divinset une image vivantede l'lu. Il est souventassimilau Christ,
non seulementau Christ-enfant
mais encore au Christde la Passion,
par le fait d'un analogisme qui privilgiemoins la communaut
d'apparence que celle d'essence.
Cette tendance symbolisatrice,dont on pourrait donner bien
d'autres exemples,lui confreune valeur spirituellehors du commun,
qui me semble nourrir en profondeur le sentimentmdival de
l'enfance.
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Mdivales
25, automne
1993,pp.113-128
Hilario FRANCO Jr.
LE POUVOIR DE LA PAROLE :
ADAM ET LES ANIMAUX
DANS LA TAPISSERIE
DE GRONE1
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LE POUVOIRDE LA PAROLE
115
La puissance de la parole
Il s'agit donc, premirevue, d'une reprsentation
traditionnelle
du passage biblique. Mais commenttait-elleinterprtepar les quatre mille habitantsde la Grone d'alors5 ? Notre tentativede rponse
doit considrertroisniveaux. Le premierconcerneune donne de trs
longue dure, le pouvoir magique de la parole, croyancetrsancienne
et rpandue6. La Msopotamie et l'gypte anciennes, par exemple,
attribuaientla crationdu monde au pouvoir de la parole7. Dans ces
civilisationschacun gardait secretson vrai nom dont la connaissance
5. J.Pla Cargol, Geronahistrica
, Grone-Madrid,
1940,p. 271.
6. Le pouvoir
desmotsest unede cesassociations
d'idessi anciennes
magique
et remontant
si hautdansles annalesde la racequ'ellesfontpartiedu patrimoine
hrditaire
dontlesindividus
eux-mmes
sont peineconscients
tantil s'intgre,
pour
: G. Berguer,
La puissance
ainsidire, leurnature
du nom.Sesorigines
psychode Psychologie
, t. 25, 1936,p. 313.Surl'importance
, Archives
logiques
religieuse
du nompourplusieurs
on peutvoirF.M.Denny, Namesandnaming
socits,
,
in M. Eliade (d), The Encyclopedia
, New York, 1987,vol.10,
of Religion
p. 300-307.
7. Poemababilonico
de la Creacin
, v. 7-8,trad.F.L. PeinadoetM.G.Cordero,
e sua integrao
no
Madrid,1981,p. 92 ; M.H. TrindadeLopez,O homem
egipcio
cosmos
1989,p. 17-22et 76-77.
, Lisbonne,
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en tant qu'individu il est semblable son saint patron. C'est pourquoi, en devenantpape on changeaitde nom ; pour cela galement,
un chrtienne devait pas porterun nom paen36. Pour cela, enfin,
un chrtienn'adoptait jamais le nom du Christ37.Le nom renvoie
toujours un modle.
Dans les bestiairesdu xiic sicle les enluminuresmontrentqu'en
nommantles animaux, Adam en rvlel'essentiel: la natureprimitive et l'essence mme des choses se reconnaissent l'tymologiedes
noms qui les dsignent38. D'o l'intrtdes hommes du Moyen
Age pour l'tymologie,d'Isidore de Sville au viie sicle jusqu' Jacques de Voragine au xnic. En attribuantdes noms aux animaux,
Adam d'une certainemanireles crait: au soufflede Dieu qui avait
donn la vie l'homme, correspondaientles paroles d'Adam, espce
de soufflequi concrtisaitl'existence des animaux.
En effet,le pouvoir sacr et crateurdu vent tait une donne
religieuseassez rpandue,et apparenteau mythede l'oiseau-ventexistant dans plusieurscultures,y compris la culturehbraque vtrotestamentaire39.
Dans la tapisseriede Grone le cercle de la Cration
entour
apparat
par les vents cardinaux, qui sont quatre figuresde
jeunes gens ails, imberbescomme le Pantocratorcrateurreprsent
au centre. Or, Adam, qui parle aux animaux, est plac entre Dieu
d'un ct et le vent austral de l'autre. Comme eux, l'homme est ici
crateur,il rgnesur la naturecar il est la seule craturequi possde
le don de la parole.
Une fonctionsemblable tait attribue un personnage de la
mythologiegrecque, bien connu des artisans de la tapisserie,et qui
d'une certainefaon taitidentifiau Premierhommejudo-chrtien:
Orphe. Grone tait lie la culture antique par son nom mme,
car on croyait que la ville avait t fonde par le mythique
Gryon40.Comme Pere Paiol l'a dmontr,la cultureclassique est
trsimportantedans l'iconographiede la broderiede Grone 41. Et,
bien que cet auteur n'accepte pas une telle hypothse,on a quelquefois vu Hracls dans l'avant-dernirefigurede la frisesuprieurede
36. Cettepratique
culturelle
a trglmente
de Trente,
plustardparle Concile
devraient
recevoir
unnomde saint: Denny,op.
qui a institu
que touslesbaptiss
cit.,p. 304.
37. DanteAlighieri
avecd'autre
nerimait
motque Christ
: La
pas Christ
DivinaCommedia
, d. G. Vandelli,Milan,1979,Paradis
XII, 71,73,75; XIV,104,
106,108; XIX, 104,106,108; XXXII,83, 85, 87.
38. E. Gilson,La philosophie
au MoyenAge,Paris,1962,p. 152; X. Mura
de la scnedansl'art
tova, Adamdonneleursnomsauxanimaux.
L'iconographie
du MoyenAge, StudiMedievali,
t. 18, 1977,p. 934-960.
39. T.H. Gaster,Mito,leyenda
enel librodelGenesis
y costumbre
, trad.,Bar Entreangeset dmons
: lesventsdans
celone,1973,p. 11-12
; L. Leclercq-Max,
mdivale
de l'artet d'archologie
, Annalesd'histoire
l'iconographie
, 12, 1990,
p. 31-42.
40. Pla Cargol, op. cit.,p. 9.
41. Palol, El tapis,p. 141-150.
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blable lui 94 - renvoyaitnon seulement l'pisode biblique suivant, la naissance d've, mais aussi la mtaphoreque nous analysons. En effet,PAdam-prtreplac devant les animaux-lacspouvait
dire avec raison qu'il n'avait aucun semblable. Il tait reprsentl
sexu (fait rare dans l'iconographie)peut-trepour rappelerque, malgr le clibat, les clercs taientdes hommes entiers,ce que valorisait
son abstinencesexuelle. On ne sait pas avec certitudesi la broderie
a t faite Ripoll, Saint-Pierrede Rodas, Seo d'Urgell ou mme
Grone, mais elle tait sans aucun doute originaired'un centre
ecclsiastique95.Or, cause de la grande spcialisationde ce type de
de leur
travailartisanal,toutesles tapisseriesdpendaienttroitement
Cela tait marqu Grone par l'emplacementde
commanditaire96.
la tapisseriederrirel'autel, faisantde la scne en question un reflet
de ce que les fidlesvoyaientpendant les crmonies: un prtreen
trainde parleret de fairedes gestes devant son public, donc de former des consciences,de sauver des mes, de dirigerla socit.
Nanmoins,pour que la scne ftcomprisede cettefaon, l'identificationd'Adam comme prtredevait faire partie de la culturelaque locale. Or, il existaitau moins un texte ce propos, un apocryphe chtienconnu en versionlatine (aujourd'hui disparue) et ds le
VIIIeou IXesicle en traductionarabe. Dans cettergiono les mozarabes (chrtiens culturellementarabiss) taient nombreux, cet
apocryphe-ldevaittrebien connu, soit en latin,soit en arabe. Selon
ce texte,Adam, avant le pch, voyait loin et son intelligencetait
grande, suprieuremme celle des anges97. Les premiersaliments
des premiers parents expulss du Paradis, furentdes figues,
envoyes par Dieu, fruitsayant le got de pain et de sang 98,
donc une sorte d'eucharistie, reue significativement
au quatrevingtimejour de l'Expulsion, c'est--direaprs une double priode
pnitentiellede quarante jours et aprs un apprentissage de la
prire99.
Douze jours aprs la communion,Adam et ve offrirent
un sacrifice Dieu, sur un autel qu'ils avaientrig,et ils promirent
de rpter
le rite trois fois par semaine, les mercredi, les vendredi et les
dimanche100.Plus tard, 142 jours aprs l'Expulsion, lorsqu'Adam
offritun nouveau sacrifice Dieu, Satan lui blessa le ct droit,d'o
94. Adamnoninveniebatur
similem
sibi, cf.Gn.2, 20 dansla version
de La
Vtuslatinahispana.
95. Palol, El tapis
, p. 154-155.
96. K. Staniland,Les artisans
du MoyenAge.Les brodeurs
, trad.,Turnholt,
1991,p. 55ss.
97. Il combattimento
di Adamo
A. Battistaet B. Bagatti,Jrusalem,
, d.-trad.
1982,8, p. 40 ; 33, p. 94.
98. Ibid.,40, p. 110.
99. Ibid.,28, p. 84: 34, p. 99; 35, p. 99 ; 36, p. 101.
100Ibid.46, p. 117-118
; 14,53-55; 47, p. 116.
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sortitdu sang et de l'eau101.Ainsi, Adam anticipait la fois le Crucifi et le ritueldestin perptueret clbrerPauto-sacrificede
la Croix. Il tait le PremierChristet le PremierPrtre. C'est pourquoi Isidore de Sville et Raban Maur ont pu comparerl'imposition
des noms aux animaux la Rsurrectiondes Morts et au Salut des
Ressuscits102.C'est pourquoi, peut-tre,la tapisserie de Grone
montreAdam debout face aux animaux, la bouche ouverteet le bras
droit demi-allong,comme un prtrequi avec des mots et des gestes
clbrela liturgiedevantses paroissiens.Geste qui d'une certainefaon
reproduitle geste de la Divinit reprsenteau cercle central. Geste
qui organise le chaos, geste qui cre, geste qui tablit la vie sociale,
comme la Rforme Grgorienneprtendaitle faire dans l'Europe
chrtienne.
les lmentsd'une vision
Ainsi, la tapisseriede Gronesynthtisait
du monde au dbut du XIIesicle. Les troiscyclesreprsents
y taient
profondementarticulset conjoignaienttrois mondes. Le cycle du
calendrierrappelaitle tempscourt, les saisons et leur influencedcisive dans une socitagraire.Le cyclede l'Inventionde la SainteCroix
se rfraitau tempslong, historique,plac entrela Crationet l'Apocalypse,et qui avait son centredans l'Incarnationet dans la Passion.
Le cycle de la Cration, interposau milieu des autres, exprimaitle
temps intermdiaire,le temps social inaugur par Adam lorsqu'il
nomma les animaux et qu'il accoucha d've. Au confluentde ces
agraire,monarchique,misogyne
temps-lse situaitl'glise grgorienne,
et sacerdotale. Seul le pouvoir de la parole permettaitle contrlede
de cetteglise. Et le mythefonces diffrents
tempset la lgitimation
dateur de cet usage de la parole tait l'Adam paradisiaque.
cf. Jn19,34.
101.Ibid.,47, p. 119-120,
in VtusTestamentm
102.Isidorede Seville,Quaestiones
, III, 6, PL 83,col.
in Genesin
217; RabanMaur,Commentariorum
, I, 14,PL 107,col. 484 B.
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25, automne
1993,pp.129-131
ABSTRACTS
in
JacquesFontaine, SulpiciusSeverus,a Witnessto Oral Communication
Latin at the Close of the FourthCenturyin RomanGaul, p. 17
The diversity
of culturallevelsshownby theprotagonists
in thewritings
of
docuSulpiciusSeveruson SaintMartinof Tours,makesthesean exceptional
menton communication
in Latinjust beforethe greatinvasionof 406 in
RomanGaul. A former
soldierturnedmonk,thebishopof Tourspracticed
theconcise,efficient
and unadornedlanguageof a man of actionwho has
littleuse forflourishes.
He is thusthe exactoppositeof his biographer,
a
nativeof Bordeauxand a lawyersteepedin literature.
In theprefaceto his
Viede Martin
, thelatterdepictsin an affectedmanneran ideal fora conversionof style,whichhe partiallycarriesout by imitating
Sallust,whose
of SaintMarcompactstylehelpedhimdrawcloserto theasceticsimplicity
tin.Well-read
whomSulpicius'sinfluence
attracted
towardSaint
Aquitanians
Martin'sformof asceticism
also strivedto implement
thesameconversion,
but in theDialoguestheyare shownderiding
a Gaul fromtheNorth,who
to be intimidated
pretends
by them: thisleads to an onslaughtof comedy
directedat thewould-beilliterate.
tarnsformaSulpicius,despitehis literary
of different
levelsof styleratherthanof lantions,suggeststhe existence
actsas a revelator
of latentconguage,and it is on thelatterthatasceticism
flictsbetweentheliterateand theilliterate
: Gauls formtheNorthand the
South,all of themLatin-speakers.
AndrCrpin,Latinand EnglishPoetics- Noteson MacaronicTexts,p. 33
Old Englishliterature
is one of theoldestvernacular
literatures
in Europe.
Bede (d. 735), who wrotechiefly
in Latin,feltno contempt
fortheEnglish
into
language; KingAlfred(d. 899) applieda systematic
policyof translation
Latinand Englishas beingon
English; AbbotAelfric(ca. 1000)considered
to Latinis
nearlyequal terms.The immensedebtsof Anglo-Saxonwriters
well known.However,macaronicpassagesin Old Englishpoetryhave not
beenstudiedrecently
norclosely.The Latinsegments
borrowedfromclassical texts,rythmical
or glossaries,
and inserted
intoOld
hymnsand prayers,
of composition
of thepoets.They
Englishpoemsthrowlighton thetechnique
underline
the formulaic
natureof the half-lines
and the metricimportance
of thesyllabicvolume.Theyevidencea noteworthy
awarenessof thelinguisticfeatures
of Latin.On theotherhand,thesmallnumberof suchsegments
showsthatLatinand Englishare keptseparate: each typeof discoursehas
its own language.
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ABSTRACTS
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ABSTRACTS
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NOTES DE LECTURE
15:29:34 PM
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NOTESDE LECTURE
des fidles.Pierremanifeste
la foi orthodoxe
tin consolider
aussiune
politique : au dbutde son abbatiat, partirde 1126,Pierre
intention
dans des
doitse battrecontrePons, ancienabb de Cluny, dmissionn
obscureset qui tentede reprendre
conditions
possessiondu pouvoir,en metPierre fuir Romepourdemander
l'arbitant sac l'abbayeet en obligeant
du De miraculis
dbutejusteaprs
que la rdaction
tragepontifical.
Signalons
la fin du schismede Pons. L'ordre,concurrenc
par l'clat nouveaude
difficults
financires
et devientla ciblede viruCiteaux,connatde srieuses
lentescritiques.
dressedes invenC'est pourquoipendantson abbatiat,Pierreemprunte,
restaurel'observancemonastique(codifie
la production,
taires,rorganise
desdouzecents
dansles fameuxStatutaPetriVenerabiiis
), visitequelques-unes
un en Espamaisonsclunisiennes
(dixvoyagesen Italie,deuxen Angleterre,
gne, un en Allemagne)afinde consoliderl'ordre.
commeune uvremilitante,
On peutaussi lirele De miraculis
dans la
du Christ
continuit
des actionsde Pierre.Il entendfairede Clunyla citadelle
et vaine,de Satan,puisquehuitdes dix dmons
et donc la cibleprivilgie,
Cluny.
du recueilapparaissent
les suffrages
des vivants,insister
Montrerdes dfuntsvenantimplorer
du cultedes mortssontaussi une manirede justifier
l'exissurla ncessit
de l'ordre,un moyende montrer
aux chrtencedes occupations
quotidiennes
tiensque leursdons et aumnes,qui enrichissent
l'abbaye,ont des fins
spirituelles.
faisantcho la rforme
se retrouve
dans
grgorienne,
L'espritclunisien,
porter
les vivesattaquesque Pierrelancecontreles seigneurs
qui cherchent
1 ; L. I, ch. 10 ou L. I,
du monastre
l'exemption
atteinte
(LivreII, chapitre
et
ch. 27) ou dans les critiquesacerbesadressesaux prtresconcubinaires
de l'lvation
les saintesespcesau moment
dbauchsqui voientdisparatre
dans les souffrances
horribles
(L. I, ch. 25), alors
(L. I, ch. 2) ou meurent
que les saintshommes que sontles moinessonttoujourssous la garde
des anges(L. I, ch. 19).
attentive
au cherOn peutdonc tresatisfaitde cettetraduction
qui permettra
l'enseignant
des textesutileset plaicheurde gagnerdu tempset procurera
seulement
le choix
ses lvesou ses tudiants.
sants proposer
Regrettons
de Dieu. Les justifications
des auteurs
du titre: Les merveilles
de la traduction
(p. 35 et 36) ne me paraissentpas convaincantes.
Ce richerecueil,toujourstrsagrable lire,estdonc la foisunecomdansune poque
la foides chrtiens
qui vise renforcer
pilationd'exemples
et un document
o l'hrsiemenace,une uvrede propagandeclunisienne
et des mentalits
de la premire
de l'histoire
important
pourla connaissance
l'un des
moitidu xiiesicle.Il permetaussi de dcouvrirou redcouvrir
et thologien.
grandsabbs de Cluny,diplomate,rformateur
DidierLeht
CarmliaOpsomer,L'art de vivreen sant.Imageset recettesdu Moyen
de l'UniSanitatis (manuscrit
1041)de la Bibliothque
ge. Le Tacuinum
versitde Lige, s. 1., ditionsdu Perron,1991,207 p., ill.
la findu xixesicle,le Tacuinumsanitatisest
Depuissa redcouverte
de l'art. Exposantsous une formeramasseet
l'enfantchrides historiens
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NOTESDE LECTURE
des fidles.Pierremanifeste
la foi orthodoxe
tin consolider
aussiune
politique : au dbutde son abbatiat, partirde 1126,Pierre
intention
dans des
doitse battrecontrePons, ancienabb de Cluny, dmissionn
obscureset qui tentede reprendre
conditions
possessiondu pouvoir,en metPierre fuir Romepourdemander
l'arbitant sac l'abbayeet en obligeant
du De miraculis
dbutejusteaprs
que la rdaction
tragepontifical.
Signalons
la fin du schismede Pons. L'ordre,concurrenc
par l'clat nouveaude
difficults
financires
et devientla ciblede viruCiteaux,connatde srieuses
lentescritiques.
dressedes invenC'est pourquoipendantson abbatiat,Pierreemprunte,
restaurel'observancemonastique(codifie
la production,
taires,rorganise
desdouzecents
dansles fameuxStatutaPetriVenerabiiis
), visitequelques-unes
un en Espamaisonsclunisiennes
(dixvoyagesen Italie,deuxen Angleterre,
gne, un en Allemagne)afinde consoliderl'ordre.
commeune uvremilitante,
On peutaussi lirele De miraculis
dans la
du Christ
continuit
des actionsde Pierre.Il entendfairede Clunyla citadelle
et vaine,de Satan,puisquehuitdes dix dmons
et donc la cibleprivilgie,
Cluny.
du recueilapparaissent
les suffrages
des vivants,insister
Montrerdes dfuntsvenantimplorer
du cultedes mortssontaussi une manirede justifier
l'exissurla ncessit
de l'ordre,un moyende montrer
aux chrtencedes occupations
quotidiennes
tiensque leursdons et aumnes,qui enrichissent
l'abbaye,ont des fins
spirituelles.
faisantcho la rforme
se retrouve
dans
grgorienne,
L'espritclunisien,
porter
les vivesattaquesque Pierrelancecontreles seigneurs
qui cherchent
1 ; L. I, ch. 10 ou L. I,
du monastre
l'exemption
atteinte
(LivreII, chapitre
et
ch. 27) ou dans les critiquesacerbesadressesaux prtresconcubinaires
de l'lvation
les saintesespcesau moment
dbauchsqui voientdisparatre
dans les souffrances
horribles
(L. I, ch. 25), alors
(L. I, ch. 2) ou meurent
que les saintshommes que sontles moinessonttoujourssous la garde
des anges(L. I, ch. 19).
attentive
au cherOn peutdonc tresatisfaitde cettetraduction
qui permettra
l'enseignant
des textesutileset plaicheurde gagnerdu tempset procurera
seulement
le choix
ses lvesou ses tudiants.
sants proposer
Regrettons
de Dieu. Les justifications
des auteurs
du titre: Les merveilles
de la traduction
(p. 35 et 36) ne me paraissentpas convaincantes.
Ce richerecueil,toujourstrsagrable lire,estdonc la foisunecomdansune poque
la foides chrtiens
qui vise renforcer
pilationd'exemples
et un document
o l'hrsiemenace,une uvrede propagandeclunisienne
et des mentalits
de la premire
de l'histoire
important
pourla connaissance
l'un des
moitidu xiiesicle.Il permetaussi de dcouvrirou redcouvrir
et thologien.
grandsabbs de Cluny,diplomate,rformateur
DidierLeht
CarmliaOpsomer,L'art de vivreen sant.Imageset recettesdu Moyen
de l'UniSanitatis (manuscrit
1041)de la Bibliothque
ge. Le Tacuinum
versitde Lige, s. 1., ditionsdu Perron,1991,207 p., ill.
la findu xixesicle,le Tacuinumsanitatisest
Depuissa redcouverte
de l'art. Exposantsous une formeramasseet
l'enfantchrides historiens
15:29:40 PM
NOTESDE LECTURE
135
la complexion,
la qualit,la nocivitet les moyensde corriger
systmatique
les choses non naturelles
, ce textea t en effetsouventaccompagnde
scnesmagnifiquement
abondamment
dansles ouvrages
traiillustres,
reprises
tantde la vie quotidienne
au Moyenge. Les manuscrits
enlumins
les plus
prcieux- ceuxde Vienne,de Paris et de Rome- ontt successivement
CarmliaOpsomervientdonc comblerune lacuneen
publisen fac-simil.
chacunedes pages de l'exemplaire
actuellement
conserv la
reproduisant
de l'Universit
de Lige,dontelledirigele fondsmanuscrit.
Bien
Bibliothque
- la plupartdes dessinsn'ayantpas t colorisque resteincomplte
la dcoration
de ce Tacuinum
sanitatis estd'une finesseremarquable.
L'attributionau grandpeintreet enlumineur
Giovanninode' Grassi,que Luisa
est ici confirme
CogliatiAranofondaitsurune analysestylistique,
par un
textuel
: la leonuniqueova austrum( ufsd'autruche
argument
), au lieu
de ova anserum( ufsd'oie ) prendtoutson senssi l'on se souvientque
JeanGalas Visconti,
le patronde Giovannino
de' Grassi,futclbreen son
et en consommer
les ufs.C'est d'ailleurs
tempspourleverdes autruches
bien ce volatileque l'on reconnatsur la miniature.
Mais la publication
de MmeOpsomerva bienau-deld'un livred'images. Celle-cia en effetaccompagnles plancheset la traduction
franaise
des noticesd'un commentaire
trsinform,
qui en claire la foisles racines mdicaleset l'arrire-plan
pratique.On sait que le Tacuinumsanitatis
est la traduction
d'un textearabe, effectue
dans la deuximemoitidu
xiiicsicleen Italiedu sud - pourle comptede Charlesd'Anjou,croit-on
habituellement
du
; maisCarmliaOpsomersuggrepluttla coursicilienne
grandrivalde Charles,Manfred.L'original,intitul tableauxde sant
(Taqwimas sihha), a t compospar Ibn Butln,mdecinbagdadiendu
XIesicle,qui utilisaitvidemment
les travauxde ses devanciers.
Non sans
originalit
parfois,et les confrontations
proposespar l'diteurconfirment
de la mdecinemdivalen'estqu'un mythecul.C'est
que l'immobilisme
l'occasionpourellede fairele point,dansuneremarquable
sur
introduction,
un secteursingulirement
la dittique.Entendue
ngligpar la recherche,
au senslarge,c'est--dire
commel'ensembledes moyensdontl'hommedissa vieet se maintenir
en bonnesant,elleconstitue
posepourorganiser
pouret la chirurgie,
l'une des troisbranchesde l'art
tant,avec la pharmacope
de gurir.Les fondements
et surtoutgalniquesde la dittihippocratiques
sontcertesrappels,
ainsique l'enrichissement
considrable
que mdivale
que
lui ont apportles auteursarabes,de Hunainibn Ishq Ishq al-Isr'ili.
Mais CarmliaOpsomerne ngligepas pourautantles texteslatinsdu Haut
contribu mieuxfaireconnatregrce
Moyenge, qu'elle a grandement
aux dpouillements
ralissdans le cadre du programme
Theorema.Elle
n'oubliepas nonplusle dveloppement
considrable
de la filire dittisiclesdu Moyenge, avec l'explosiondes rgimes
que dans les derniers
de
sant.C'est dansce contexte,
maisfermement
simplement
dpeint,qu'il faut
la traduction
et surtout
le succsconsidrable
du Tacuinum
replacer
sanitatis.
Les aliments
la placela plusimportante
de l'arseoccupentvidemment
nal dittique,
loindevantl'exerciceou les bains. Le manuscrit
de Ligeen
tmoigne,
puisqu'illeurconsacreplusde la moitide ses notices; et encore
faut-ily ajouternombrede plantesofficinales
qui peuventoccasionnellement
rentrer
dans l'alimentation.
Le Tacuinumsanitatisdcritmmede vritables
commela bouilliede froment
ou le vermicelle,
prparations
culinaires,
que
les Italiensappellenttria, de l'arabe itriyya.
On touchel le domainepratique et il n'estpas tonnant
que le textelatins'y loigneparfoisde son modle
15:29:40 PM
136
NOTESDE LECTURE
15:29:40 PM
NOTESDE LECTURE
137
considr
du seulpointde vue de l'historien
d'art,le TacuiLongtemps
numsanitatisdoitmaintenant
treaussitudipourson texte,pourles condontil tmoiceptionsmdicalesqu'il vhiculeet les pratiquesalimentaires
gne.C'est le grandmritede CarmliaOpsomerd'avoirmontrla premire
la pertinence
de cettedmarche,
en combinant
des disciplines
tropsouvent
dissocies: l'histoiredu livremanuscrit,
celle de la mdecineet celle de la
cuisine.
BrunoLaurioux
15:29:49 PM
138
NOTESDE LECTURE
toutparticulirement
au lendemain
les annesqui suiventverront,
de la mort
de cellequi apparaissait
du pape Luna, la dispersion
autourde 1400comme
d'Occident.Quand,en 1429,Pierrede Foix, lgat
la plusrichebibliothque
de MartinV (1417-1431),prendpossessionde la presqu'le,ses officiers
n'inventorient
plusque 561volumessurles 2 300 gardsnaguredansla ville
du Rhne: il les rapatrieau palais pontifical
d'Avignonou les cde au colversla Bibliothque
lgequ'il fondeen 1457 Toulouse,d'o ils partiront
Nationaleau xvnesicle.Les autreslivresavaientservi BenotXIII et
ClmentVIII (1423-1428)pourrenflouer
des finances
son successeur
pontifiou avaientt donns titrede bnfice des clercsen
cales dfaillantes
des derniers
mald'argent.La dchance
papesd'Avignonestaffligeante
pour
le chercheur,
la perted'une tellecollection.
qui regrette
ne doit pas faireoublierle soin que le pape de
Cettetristedispersion
l'apoge de son pontificat.
cettebibliothque
Luna avait mis enrichir
BenotXIII achtebeaucoup; il faitde mmejouer le droitde dpouilleau
des vquesdcds.Il demandesurtoutaux scriptodes hritiers
dtriment
longueurd'annepour lui, de copieret confectionner
res, qui travaillent
intellectuel.
les livresdontil a entenduparlerou que rclameson entourage
centrede culture.Ptrarque
La villed'Avignontaiten effetun important
XI avait faitcopier
y sjournaentre1327et 1362et l'on sait que Grgoire
de ses ouvrages.Le cardinalPedrode Luna taitd'ailleursen
quelques-uns
avec
contactavec les milieuxpr-humanistes
franais,toutparticulirement
du Collgede Navarre.JeanMuretet Nicolasde Clamanges,
les membres
en avaientfaitpartie.Le pape ajoutera sa bibliothque
ses secrtaires,
perles ouvragesde la littrature
anticontenant
manuscrits
sonnellede nombreux
un gotparticulier
: il manifeste
pourCicron,maisaussi
que et noclassique
pour Snque,ValreMaxime,Salluste,Tite-Live,Ovide,Virgile,Priscien,
d'un juristeoccuppar l'affairedu
Vgceou Plinel'Ancien.Bibliothque
manifestations
schisme,elle n'en demeurepas moinsouverteaux premires
de l'humanisme.
L'intrtde l'ouvragede M.-H. Julliende Pommerolet de J. Monfrin
dpasse largementla simple tude du milieu intellectuelo voluait
de la bibliothque
ditiondes inventaires
BenotXIII. La remarquable
ponde travailhorspair: la pluun instrument
tificalemet notredisposition
indexet
et les diffrents
ont t identifis
partdes ouvragesdes inventaires
facilement
telou tellivre.
de retrouver
tablesd'auteurset de titrespermettent
sont
de la bibliothque
les inventaires
contenant
Les noticesdes manuscrits
inventoris
au Moyen
au mmetitreque la listedes manuscrits
exemplaires
de forfondseuropens.Il est difficile
dans les diffrents
ge et dcouverts
de longuesannesd'un
mulerdes critiquescontrecet ouvragetmoignant
: le choixde
rudition.Une seule remarqueformelle
travailde minutieuse
la graphiecastillanede Peiscola,au prixde quelquesquilibres
typographiques sans doute,ne s'imposaitpas du tout,alorsque la presqu'lese trouve
Il estvraique c'estavectilde
valencien.
catalanodansle domainelinguistique
ce petitvillagede pcheurs,
que la plupartdes lecteursfranaisconnaissent
immortalis
pape d'Avignonque noussavonsdsorpar le sjourdu dernier
mais bibliophilepassionn.
MartinAurell
15:29:49 PM
NOTESDE LECTURE
139
de la littrature
arthurienne.
Cetteorientation
folkloriste
du corpusdpouill
a tquelquepeu modifie
la secondeditionparl'intparStithThompson
grationde textesd'poque mdivaled'originesvaries: Irlande,Islande,
exemplaespagnolset nouvellesitaliennes.
Une mise en garde mthodologique
de taille est donne par Anita
: la prsence
Guerreau-Jalabert
de rfrences
la littrature
arthurienne
dans
cet indexne prjugepas de sa valeurpopulaireou folklorique.
Seulesdes
et socio-historiques,
commel'auteuren a dj fourni
analysesstructurales
ce typede
, Le bel inconnu...),peuventdterminer
(surLa mulesansfrein
rattachement
socialet culturel.
D'autrepart,les motifs
tablisempiriquement
par StithThompsonsontextrmement
htrognes
(du titrele plus gnral
au dtaille plus particulier)
et leuradquationavec une squencenarrative
restesouvent
Dans le cas d'uneinadquation
Anita
approximative.
irrductible,
Guerreau-Jalabert
a crdes variantes
aux motifsdj existants,
se rservant
l'a crationde nouveauxmotifspourles cas extrmes.
On regrettera
que ces
cas problmatiques
voirelimites
n'aientpas faitl'objetd'uneliste.Elle signale
en outrequ'unemmesquencenarrative
sous plusieurs
peuttrerpertorie
motifs(motifsgnriques
et motifsparticuliers),
redondance
inhrente
la
structure
du Motif-Index.
De plus,des dcalagessmantiques
existent
dans
- autremonde,nains,fes,
la dfinition
d'un certainnombrede mots-cls
du XIXesicleet les auteursdu Moyen
sorcires,
gants- que les folkloristes
a d parge n'entendaient
pas de la mmefaon.AnitaGuerreau-Jalabert
foisprocder des simplifications
et assimilations.
Dernireprcaution
: cet
indexn'a pourbutque de faciliter
le repragede motifsnarratifs,
il ne prtenden aucun cas donnerune description
de la littrature
arthurienne.
est
en
ralit
de
trois
index
L'ouvrage
compos
judicieusement
complmentaires
:
1
L'indexdes motifsclasssdans l'ordrealpha-numrique
tablipar
15:29:55 PM
140
NOTESDE LECTURE
StithThompson,
textuelles
qui totaliseici 15 630rfrences
pour3 047 motifs
(pp. 23-210).
2 - Un indexdes motifsuvrepar uvredans Tordredu texte,qui
narratifs
de chaqueuvreou de dmarun bilandes motifs
de dresser
permet
partirde l'uvre(pp. 211-368).
rerune recherche
3 - Un indexpar vocablesappelaussiconcordance,
tabli partirdes
dans l'ensembledes dfivocables(par oppositionaux motsoutils)prsents
telsque : man, pernitionsde motifs l'exceptionde motstropfrquents
son, magic
, woman(pp. 369-501).
indexfaitapparatre
le poidstrslourd
Un brefsondagedansle premier
de certainessries: F-Marvels(pp. 61-85), H-Tests (pp. 89-112),T-Se*
P-Society
(pp. 115-128)et D-Magic
(pp. 150-164),
K-Deceptions
(pp. 186-203),
la portioncongrue: U-The
(pp. 35-57).Alorsque deuxsriessontrduites
natureof life(un seul motif)et A-Mythological
motifs(9 motifs),dsquilide la littrature
considre.
en relation
avecla spcificit
bresqui sont mettre
entremotifgnrique
et motifpartiNous avonsnotque l'articulation
culierpose parfoisde petitsproblmes.
Ainsi,dansV-Religion
, p. 206 la srie
:
suivants
V.200-299surles sacredpersons proposeentreautresles motifs
V.230ANGELS (motifgnrique)
; V.232 245 donnentdes motifsparticudans le motif
liersdontles hrossontdes anges.Tous les textesrfrencs
distribus
dansles motifsparticuliers
qui suiAngelsse retrouvent
gnrique
l'inversen'estpas vrai: on trouvedans les motifspartivent.En revanche,
absentesdu motifgnrique
textuelles
culiersdes rfrences
; dans V.232.3
8750-8905
et Cont.Pere.2 : 23835-24221,
et V.235: Cont.Pere.Gerbert
qui
pas dans V.230. Mais un contrledans la concordancefait
n'apparaissent
sans exception
entredeux
de toutesces rfrences
une ventilation
apparatre
vocables: ANGEL et ANGELS.
du lecteur(commele faitd'aill'attention
Ce petitexemplepourattirer
de consulter
motifsgnsurla ncessit
leursA. G.-J.dans l'introduction)
mmepourune premire
approche,et de comriqueset motifsparticuliers,
est
Cetteprcaution
pltercet examenpar un contrledans la concordance.
bien mincecompare l'normetravaild'indexation
ralis,et la prsence
des troisindexconstitueun bon filetde scuritqui permettra
simultane
textuelle.
de ne laisserpasseraucunerfrence
Cet indexestun outilastucieusement
composet dontles limiteset prcautionsd'usagesontclairement
Gageonsqu'il
exposesdans l'introduction.
toutchercheur
de travailindispensable
un instrument
deviendra
rapidement
mdivale.
intress
par la littrature
Polo de Beaulieu
Marie-Anne
15:28:33 PM
NOTESDE LECTURE
141
du conte.
la tradition
, la premire
partievoqueles approchessuccessives
les premiers
Sont d'abordprsents
recueilsde contesdu xviiesicle(Pereffectues
rault,Contesde vieilles
, 1697) puis les collectescontemporaines
dansdiverspays(Grimm
pourl'Allemagne,
Campbellen cosse,etc.).L'tape
suivante
estcelledes folkloristes
de l'cole Finnoisequi organisent
cettemoisson de matriaux
narratifs
selonun cataloguesystmatique
fondsurla distinction
entrecontre-type,
de Anti
genreet variante(Index des contes-types
Aarneet StithThompson,lred. 1928).Cet effortd'indexation
reposesur
de l'existence
d'un archtype
d'o
pourchaquecontre-type
l'hypothse
originel
driveraient
toutesles versionsattestes.
Sur le problmede l'originedes contess'opposentles thoriesindoet indianistes.
Laissantde ctce problmequelquepeu mythieuropennes
du contesontapparuesles mthodes
strucque des origines
ethnographiques,
turales(VI. Propp,Cl. Bremond)et psychanalytiques
(G. Roheim,B. Bettelheim)appliques ce qu'il est dsormaisconvenud'appelerla narratologie.
L'auteurproposeen final uneautreapprochedu conte, qui ancrel'tude
de l'laboration
et de la transmission
des contesdans une histoireculturelle
et sociale. Cettehistoireemprunte
l'ethnologie
le souci d'apprhender
le
rledu conteur(voix,geste,cadredes runions,participants
et rpertoire).
Elle prtedans une attention
au supportdu rcitqui cr luiparticulire
mmedu sens.Elle ne se cantonnepas des monographies
locales(qui ont
leur importance)
mais naviguedans la longuedure: du xiicsicle nos
jours, avec quelquesdtourspar l'antiquit.
Le corpusembrasspar cettehistoiredes contesdbordelargement
les
collecteset les rpertoires,
pouraborderdes genresvaris: les sermons,les
des princes,
les encyclopdies
les chroniques,
, les miroirs
exempla
mdivales,
la chanson,le thtre,
etc. Cetteapprochebrisela dichotomie
souventfacticeentreoralet crit(ou plusprcisment
et les oppositions
entre
imprim),
culturesavanteet culturepopulaire,languesavante(latinnotamment)
et lanElle privilgie
successives
et pargues vernaculaires.
l'analysedes fonctions
foiscontradictoires
du contequi lui impriment
des inflexions
et
thmatiques
idologiques.
La secondepartiede l'ouvrageest plus difficile
rsumer,
il fauts'y
commedansun roman.On dcouvre
alors,selonunemthode
plonger
rgressive,commentPerraulta rcritl'histoirede Barbe Bleue,qui existaitds
le xviesiclesous formede chansons( La Maumarievengepar ses frres ou La mal mridade). L'tudedes variantesrgionalesfaitapparatreen Bretagnel'pisodede l'enfantassassinet les interfrences
avec le
cultede sainteThyphine,
et en Poitou le sinistreGillesde Rais.
Le dossierde la fillesoldat resteessentiellement
ancrdans l'poque
moderne.Il relvede la thmatique
de la femmetravestie
en hommereplace dans la construction
socialedes rlessexuels.L'essentielde ce chapitre
de Marmoisan
Jeanne
portesurl'analyseminutieuse
, conterdigpar Mariel'Hritier
de Villandon(1664-1734).Catherine
ne ngligepas
Velay-Vallantin
pour autantles livretsde colportageet les versionsorales recueilliesau
xixesicleet jusqu'en 1973 dans les Pyrnesaudoises.
Si le mdiviste
souhaitedcouvrirdes dossiersplus orientsvers sa
le combleront.
Le thmede la fille
priode,les quatreautresmonographies
aux mainscoupesapparatdans le romand'Hlnede Constantinople
ds
le milieudu xniesicle.Il connutune largediffusion
l'poque moderne
grce la Bibliothque
Bleue,qui modifiale statutde l'hronesuccessivementprincesse,
sainteet prostitue.
15:28:33 PM
142
NOTESDE LECTURE
15:28:33 PM
NOTESDE LECTURE
143
un gestecurieuxaccomplipar le singedans
d'adoptionantiqueressemblant
la cohrencedu
le sermonde la Madeleinepermet l'auteurde retrouver
rcit; cependantil est prudentde restercirconspect
quant la conaissance
possiblede ce rituelantiquepar l'auteurdu sermonau xiiesicle.Pour paluneinterdisciplinarit
bienpenseentrehistoriens,
lierces quelquesfaiblesses,
de la littrature
et de la languesembleindispensaspcialistes
ethnologues,
cettehistoiredes contes,qui fait
ble. Dans ce cadre,nous souscrivons
remonter
au Moyenge nombredes rcitsqui ont bercnotreenfance.
Marie-Anne
Polo de Beaulieu
Klaus Schatz, La primautdu Pape. Son histoire
, des origines nosjours
Paris, Le Cerf,1992,288 p.
(trad,de l'allemandpar J. Hoffmann),
La traduction
de l'ouvragede KlausSchatz,actuellement
d'hisprofesseur
toirede l'gliseau Studiumdes Jsuites
de Francfort,
offreau lecteurfranhistoirede la primautpontificale.
L'auteura voulu tout
ais la premire
d'abordpallierune carence,en recherchant
dans toutel'histoire
de l'institutionpontificale
les filsqui aboutissent
la dfinition
donneen 1870 par
le concilede VaticanI concernant
la primaut
de juridiction
et le magistre
infaillible
du pontiferomain.Il est donc amen consacrerles deux premierstiersde son livre la priodemdivaleau coursde laquellese dveloppe,tapepar tape,cetteide de la primautde l'vquede Rome qui
finalement
de toutesles autresgliseschrtiennes.
distingue
l'glisecatholique
Romeen effeta tconsidre
commele lieud'une tradition
privilgie
ds les premiers
siclesdu christianisme
: elle est le seul sigeapostolique
d'Occident,le seul aussi pouvoirse prvaloirde deux aptres,parmiles
et qui sontaussi des martyrs.
ce titre,l'glisede Rome
plusimportants,
assumeune responsabilit
l'gardde l'Eglise universelle,
elle est perue
commeune gardiennede la tradition,
centrede la communioecclesiarum
,
source laquelleon peutrevenir
aprschaquecrise.C'est ainsique lorsdes
nombreuses
controverses
des meet IVesicles,chaquepartiesouthologiques
haitetreen communio
avec Romeet trereconnuepar elle ; Romedevient
de facto le centrequi sertde mdiateur
pourrefairel'unitentreles glises
alorsque l'institution
conciliaire
dchires,
apparatbeaucoupmoinssre.Dans
le mmetemps,l'ampleurde la christianisation
dans la villede Rome toucommecaputorbispermetde faireconcider
l'universalisme
joursconsidre
chrtien
avec celui de l'Empireromain.
partirdu Vesicle,et notamment
avec la crisemonophysite,
Romese
prsentecommele roc de la vraiefoi, contrel'empereur
qui convoqueles
concilesmaisqui cherchetoujoursdes accommodements
avec les schismatiques pourdes raisonspolitiques.Ceci conduitl'vquede Rome affirmer
le principe
de l'autonomiedu pouvoirde l'glisepar rapportau pouvoirde
On retrouve
l un des fondements
de la distinction
entreles glises
l'empereur.
d'Orientet d'Occident.L'Orientn'a biensrjamais reconnude primaut
au sigeromain,mais il a conscienceque dans les controde juridiction
versestouchant
la solutionne peutse trouver
l'gliseuniverselle
qu'en union
avec Rome et pas sans elle.
Avecles invasions
l'horizonromainse rtrcit
germaniques
notablement,
maisen contrepartie,
la tradition
romaineapparatpourles Barbares,bien-
15:30:14 PM
144
NOTESDE LECTURE
15:30:14 PM
NOTESDE LECTURE
145
sonnedu pape - c'est lui qu'on va voir Rome et non plus le tombeau
Romecommemarquevritable
des Aptres-, rattachement
de la cathomoderne.
licit,toutcela est rsolument
GeneviveBhrer-Thierry
15:30:14 PM
146
NOTESDE LECTURE
En largissant
un peu le cerclede la ngociation,
aborde(chaKleinberg
Lukardisd'Oberweimar
pitre5) le cas de deux femmes,la cistercienne
(1257-1309)et la bguineprovenaleDoucelinede Digne (1214-1274)pour
: dansle cas de Lukardis,
se mobilisent
c'estle monasqui deuxcommunauts
les extasesde la sainte,qui sontmme
treentierqui vit par procuration
surs.La prsence
d'uneexatiquepermet
au groupe
compltes
par certaines
son existence
touten maintenant
Pour
de goterau surnaturel
quotidienne.
Douceline,c'est toutune couchesociale,la noblesseprovenale
qui constitue ses extasesen manifestations
publiqueset rglesdu divin.
unetroisime
disEnfin,le cas de saintFranoisd'Assisefaitapparatre
au saint: il ne s'agitplusd'admirer
maisd'imipositiond'accueilparrapport
au masculinn'est pas indiffrent)
ter(et le passagedu fminin
; le milieu
ni des communauts
n'estpluslimit des individus
troites
;
dsignateur
du Christpar Franoisconstituetout
l'imitation
volontaireet surnaturelle
d'assimilation
au saint.
croyanten sujet virtueld'un processusrcurrent
ouvredes perspectives
bien
Ce livre, la foisfortet simpleet inventif,
la ngociation
sur la
et au-deldu domainehagiographique,
intressantes,
l'individupeut-ilatteinsaintetpose cettequestion: dansquellesconditions
sa singularit
absoluecommevaleur
drece succsparadoxal: fairereconnatre
?
collective
Alain Boureau
JeanDelumeau (dir.),La religionde ma mre.Le rle des femmesdans
de la foi, Paris, Le Cerf,1992,387 p.
la transmission
de JeanDelumeau
Cet ouvragecollectifest le fruitdirectdu sminaire
dix-neuf
danssa prface
contributions,
qui ontpourbutde mettre
qui prsente
et pourtant
souventngligpar la recherche
l'accentsurun aspectimportant
et notamment
des mresde famillecomme
: le rledes femmes,
historique
de la foi chrtienne,
depuisles origil'indiquele titre,dans la transmission
articles(p. 15 155)
nes du christianisme
jusqu' nos jours. Les six premiers
la Rforme,
de la priodequi s'tenddes dbutsdu christianisme
traitent
dansl'ducationde leurs
la placetenuepar les femmes
et cherchent
dfinir
enfantsen adoptantplusieursaxes de recherche.
des femmes
FrancineCuldaut(p. 15 35) rappellel'apportfondamental
de la socitromainedu Bas-Empire,
dansla christianisation
depuisle martyre
ducateur
de Monide Blandineet Perptue
jusqu'aurleplusdirectement
des femmesdans la
que, la mrede saintAugustin.Cette promotion
rvolution
cultusiclesest due la vritable
des premiers
sphrereligieuse
et la rsurl'incarnation
relleaccompliepar le christianisme
qui confessait
aux doctrines
rectionde la chair,contrairement
toujours
qui envisageaient
les
la sparationradicalede la Sagesseet de la chair.Dans le christianisme
des enfants la foisdans
leurvoieen engendrant
femmes
pouvaienttrouver
la chairet dans l'esprit,en les amenant la vraiefoi.
du MoyenAge
les femmes
Forceestde constater
que rarement
cependant
. D'une part,les sourcescond'exercerce ministre
ont eu la possibilit
siclessontextrmement
cernantles ve-xie
pauvressurce sujet, l'exception
ici le programme
du Manuelde DhuodadontPierreRich(p. 37 50) reprend
en montrant
d'ducationreligieuse
que Dhuoda aussiavaitle soucid'engendrerune nouvellefoisson filsdans l'glise,grce un ensemblede recom-
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NOTESDE LECTURE
les mtaphores
surle planspirituel,
commel'attestent
comme
qui le prsentent
mredes mes. Le renouveaupastoralaboutitdonc tablirdfinitiveen positionsubalterne
mentles femmes
dans le processusde transmission
de
la foi. Le but est de contrler
autantque possiblela parolefminine
qui
doitse cantonner
l'apprentissage
par les enfantsdu Pater, du Credoet des
le discourscatchtique
tantdsormais
rserv
Commandements,
principaux
au prdicateur.
excluesdu domainede la Parole,les femmes
se sontreplies
Quasiment
surles imageset surles livrespieuxraliss leurusagecommele montrent
les contributions
de DominiqueRigaux(p. 71 90) et de DanileAlexandreBidon(p. 91 122). Si la femmeestincontestablement
une utilisatrice
privilgiedes imagestantpourl'ducationdes enfantsque pourl'approfondissementde se proprefoi,ellen'estque rarement
la commanditaire
de ces imale mondede la
ges et restedonc cantonne un rle de relais.Pntrant
vie quotidienne
des femmes
la findu MoyenAge,DanileAlexandre-Bidon
des
y dcleun renouveaudu rle de la femmedans l'ducationreligieuse
de la lecturedans les livreset
enfants,et ce notamment
par l'apprentissage
les abcdaires
des couchessociapieux.On saitpar ailleursque les femmes
les suprieures
de
dpensent
plusd'argentque les hommesdans l'acquisition
livreset d'objetsde pit,un vritableuniversculturelet cultureltypiquementfminin
voyantainsile jour la findu MoyenAge. Tous ces objets
entourent
aussi l'enfant, qui la mrefaittoucherson livred'Heures,son
commeon le voitdans tantde reprsentations
chapelet,son crucifix,
picturalesprobablement
fondessurune ralit.Enfin,la mreoccupeune place
fondamentale
dans la catholicisation
des faitset gestesde la vie quotidienne,
vritableenseignement
par imprgnation.
Les tudesconcernant
la priodemdivalese terminent
par une contributiond'EstrellaRuiz-Calvez
de l'iconographie
de sainte
(p. 123 155)traitant
Anne entrele xve et le xviiesicles.Mre de la ViergeMarie,mais aussi
d'autresenfantsissusde prcdents
mariagesqui donnentlieu la reprsentationiconographique
de la SainteParent,Anneestun personnage
trscontrovers
au MoyenAge : la foismreexceptionnelle
et mrenaturelle,
sa
elle est vritablement
la croise
personnalit
reposesur une ambivalence,
de deuxmondes.Ses multiples
montrent
comme
patronages
qu'on la considre
une femmed'exprience
et de savoir-faire...
donton doitventuellement
se
mfier.
le plussouventcommechefde famille,
de la ligne
Reprsenter
origine
terrestre
du Christ,qui ne peuttreque matrilinaire,
elle estaussicellequi
tientle livredans lequella Viergeapprend lire.Anneestdoncle plussouventreprsente
dansl'exercice
de fonctions
habituellement
dvoluesaux hommes: chefde famille,
originede la ligne,matred'colece qui expliquepeuttrel'usage masculinqu'on fitde ce prnom la findu MoyenAge. Ce
15:30:29 PM
148
NOTESDE LECTURE
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NOTESDE LECTURE
149
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150
NOTESDE LECTURE
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NOTESDE LECTURE
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NOTESDE LECTURE
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153
NOTESDE LECTURE
ces dernires,
nouspermetles sourcesqu'elletudie.Elle citeabondamment
ou d'une chroniquedu
tantd'apprcierla saveurd'une lettrede rmission
temps.
doncunebrillante
Le crimeobservpar ClaudeGauvardpermet
synthse
surla socitau tempsde CharlesVI. Les valeursqui rgissent
celle-cisont
la construction
de l'tat. Par consquent
il n'existepas
cellesqui servent
d'oppositionsmajeuresentretat et socitpour luttercontrele crime.
On ne peutque se rjouirque cet excellent
travailuniversitaire
ait t
rcompens
par deuxprix: PrixGobert1991de l'Acadmiedes Inscriptions
et Belles-Lettres
et Prix Malesherbes1992 de l'AssociationFranaisepour
l'Histoire
de la Justice.
sa reconnaissance
en dehors
Rcompenses
qui montrent
du champdes spcialistes.
Puisse aussi cet ouvrage,centrsur la violence
et le crime,longtemps
dans la
, aider construire
rputs moyengeux
mmoirecollective un autreMoyenAge !
DidierLett
15:30:41 PM
Mdivales
25, automne
1993,pp.154-157
LIVRES REUS
15:30:48 PM
155
LIVRESREUS
15:30:48 PM
156
LIVRESREUS
15:30:48 PM
LIVRESREUS
157
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Prnom
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15:30:54 PM
UN
HTTI
BOURGEOIS
PARISIEN
DU
GEOFFROY
DE
XlllE
SIECLE
SAINT-LAURENT
E-1
>T*
1245?- 1290
Par Anne TERROINE
Edit par Lucie FOSSIER
H
[JL]
m
'
'
U*
^Mais
dans
lefonds
del'abbaye
dissimul
de
Ladcouverte
auxArchives
nationales
d'un
manuscrit,
jusqu'alors
: cerecueil
estenfait
uncartulaire
est l'origine
decetouvrage
d'actes
priv,
compos
Saint-Magloire,
Apartir
decedocument,
duXIIIe
deSaint-Laurent.
surl'ordre
d'un
sicle,
Geoffroy
parisien
bourgeois
delafortune
dupersonnage.
D'autre
les
delaconstitution
l'auteur
s'est
attach
suivre
lestapes
part,
deretrouver
satrace
en
luiontpermis
lesfonds
d'archives
minutieuses
recherches
effectues
dans
L'auteur
estainsi
dejustices
etd'arbitre
descours
dejuge
ecclsiastiques.
parvenu
apprci
qualit
fort
d'une
classe
sociale
l'histoire
d'un
modeste,
jusqu'ici
peuconnue.
reprsentant
camper
bourgeois
celui
despetits
courtilliers
du
tout
unmonde
c'est
autravers
decepersonnage,
qu'elle
voque,
renomms
del'poque,
celui
des
desjuristes
dela capitale,
celui
deSaint-Laurent,
proche
village
dela
devueallie
l'tendue
droite.
florissantes
dela Rive
L'ampleur
prodigieuse
abbayes
cetouvrage
tout
sonprix.
mise
enuvre
donne
documentation
- -
--
---
16X24- 316pages
1
i
dremettre
i :CNRS
EDITIONS
20-22
nxSaint-Arnaud
7S01
5 Paris
NOM
CODE
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PRENOM.
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TITRE
ISBN
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OA77-S Unbour^aoit
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27FF-Etranger
32FF
: France
Port
par
ouvrage
bancaire CCP.
FF (hque
mon
de
G-jointrglement
EDITIONS
l'ordre
deCNRS
SIGNATURE:
Dote -
^raisPort
TOTAL
15:30:54 PM
THSAURUS
DES
IMAGES
MDIVALES
Le Thsaurusdes images mdivalesest un outil de travaildfinissantune mthodepour la ralisationd'une base de donnes iconographique. Il entend ainsi faciliterl'accs aux documentsfigurs
lgus en masses considrablespar le pass, grce la constitution
d'iconothqueset de banques d'images interrogeablespar ordinateur.
Le Thsaurusdes images mdivalespropose un systmesimple
recherchant la fois la rapiditdans la productiondes bases de donIl a dj t adopt avec
nes et l'efficacitlors de leur interrogation.
succs pour plusieursralisations,notammentpour les bases de donnes iconographiquesdes vidodisques de la Bibliothque vaticane.
Le Thsaurus des images mdivales se veut un guide pratique
et facile manier. Il comporte 180 pages o l'on trouvera:
- l'expos des principesgnraux d'indexation;
- les principaleslgendes normalises;
- les listesdes descripteurs
retenus,rpartisen cinq grandschamps
(thmes, personnages,lieux, lmentsnaturels,objets) ;
- des fichesthmatiquesdfinissantprcismentl'emploi des termes et proposant des solutions aux problmes concrets que pose
l'indexation;
- les listes des termesgnriqueset spcifiques.
Le Thsaurusdes imagesmdivalesa t mis au point, l'cole
des Hautes tudes en Sciences Sociales, par le Groupe Images du
Groupe d'AnthropologieHistorique de l'Occident Mdival (Centre
de RecherchesHistoriques, unit mixte C.N.R.S.).
BON DE COMMANDE
DU THSAURUSDES IMAGES MDIVALES
adresser
: G.A.H.O.M. (GROUPE IMAGES) - Bureau807 - cole des
Hautestudesen SciencesSociales- 54, boulevard
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du paiement)
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(compten. 200 03 000 377-65 la PaierieGnraledu- Trsor- ServiceDpt
des Victoires 75002PARIS)
de fonds- 16, rueNotre-Dame
Cond-sur-Noireau
S.A.- 14110
Achev
(France)
Imprimeur,
parCorlet,
d'imprimer
enC.E.E.
1994- Imprim
: janvier
: 1269- Dptlgal
Nd'Imprimeur
15:30:54 PM
/';-=09
)(8*=-0/']
15:30:54 PM
ISSN 0751-2708
N 25 AUTOMNE
SOMMAIRE
1993
LA VOIX ET L'CRITURE
La voixet l'criture
: mergencesmdivales
MichelBANNIARD
17
Potiquelatineet potiquevieil-anglaise:
pomesmlantles deux langues
AndrCRPIN
33
45
53
hispanique(vme-XPsicle)
Sociolinguistique
RogerWRIGHT
61
ESSAIS ET RECHERCHES
L'ide de la folieen texteet en image:
SbastianBrandtet Yinsipiens
AngelikaGROSS
71
Le sourireaux anges :
au MoyenAge (xir-xvesicle)
enfanceet spiritualit
ric BERTHON
93
Le pouvoirde la parole:
Adamet les animauxdans la tapisseriede Grone
HilarioFRANCO Jr
113
Abstracts
129
Notesde lecture
I3
Livresreus
154
Prix : 80 F
15:30:54 PM