Cours Dynamique Non Linéaire

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Couverture: Sur la c ote sauvage de la presquile du Croisic (44), la mer est encore forte apr`es le passage

dune depression. c _ P. Manneville, 2002.


Avant propos
Les notes qui suivent constituent une br`eve introduction aux concepts et techniques de la dynamique non-
lineaire, en vue de leur application au contr ole du chaos, sujet qui a re cu un grand developpement tout au
long des annees 90.
Le chapitre 1, destine ` a xer le cadre, se contente de donner quelques denitions preliminaires indis-
pensables. Le chapitre 2 resume letude de la stabilite de regimes permanents simples (stationnaires ou
periodiques), decrit plusieurs scenarios de transition vers les comportements temporels complexes qualies
de chaotiques qui peuvent se developper quand on tire le syst`eme considere loin de lequilibre, puis donne
quelques elements aidant ` a leur comprehension (aspect statistiques et fractals). On retrouvera lesprit de ces
deux premiers chapitres dans dans la premi`ere partie de [8] dont la seconde traite des syst`emes distribues dans
lespace. Le lien entre les aspects mathematiques simplement evoques ici et lorigine physique des probl`emes
est expose assez en detail dans [9]. Ici, nous nous limitons ` a une approche informelle, limitee ` a une introduc-
tion des principales idees developpees de fa con plus detaillee dans [10] dont la consultation pourra toujours
etre completee par celle douvrages mathematiquement plus rigoureux [16]. Details et references originales
sur le chaos pourront etre trouvees dans de nombreuses sources, des monographies [7, 11], des articles de
revue [12], ou des collections darticles [1315].
Le chapitre 3 est le veritable noyau du cours, ` a savoir lapplication de la theorie des syst`emes dy-
namiques au contr ole du chaos. Apr`es une br`eve discussion de lapproche empirique reposant sur la
mesure dobservables [18, 19], je discute dune forme elementaire de contr ole, lasservissement dun syst`eme
` a une autre (synchronisation), puis jexamine deux techniques maintenant standard de contr ole non-
lineaire [23, 24]. Pour memoire, un appendice rappelle quelques elements classiques de contr ole lineaire.
Sur certains de ses aspects le cours rejoint la presentation donnee dans [28] et dans dautres livres plus
diciles dacc`es [2931]. On trouvera les developpements recents relatifs au contr ole du chaos regroupes
(malheureusement de fa con peu synthetique) au sein dun livre recent [32].
Palaiseau, Decembre 2003
Paul Manneville
[email protected]
i
Notations
Les points des espaces que nous considererons (souvent des elements despaces vectoriels du type R
n
) seront
notes ` a liade de lettres majuscules grasses, e.g. X (au besoin, les points de lespace physique seront
designes par x). Pour les operateurs agissant dans ces espaces, sauf exception, nous utiliserons des let-
tres calligraphiques grasses, e.g. F. Pour une fonction ` a valeur vectorielle F, nous ecrirons par exemple
Y = F(X). Sil sagit dun operateur lineaire L, nous noterons plut ot Y = LX. En general, nous ne
distinguerons pas loperateur de la matrice qui le represente dans une base donnee, L pourra donc tout aussi
bien designer loperateur que la matrice delements l
jj
. Les conventions de MatLab, utilisees ` a loccasion,
seront introduites en temps utile (note 1, p. 35).
Dans le domaine du contr ole, lunite imaginaire est le plus souvent notee j selon la convention des
electriciens. Ici, comme en mathematiques, nous lui attribuerons la lettre i que nous nous abstiendrons donc
dutiliser pour designer un nombre entier (integer) quelconque. Le conjugue dun nombre complexe z sera
note z

.
ii
iii
Sommaire
Avant-propos i
Notations ii
Sommaire iii
1

Elements de theorie des syst`emes dynamiques 1
1.1 Denitions et proprietes elementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Notions de dynamique qualitative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3 Dynamique eective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2 De lordre au chaos 16
2.1 Bifurcations de regimes reguliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.2

Emergence de comportements complexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.3 Theorie du chaos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
3 Dynamique non-lineaire appliquee 33
3.1 Approche empirique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
3.2 Synchronisation de syst`emes dynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.3 La methode du feed-back retarde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.4 La methode OGY . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.5 Appendice: Contr ole lineaire dans lespace des etats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Bibliographie 58
Index 60
Chapitre 1

Elements de theorie des syst`emes


dynamiques
1.1 Denitions et proprietes elementaires
1.1.1 Espace des phases et degres de liberte
La dynamique non lineaire traite des aspects generaux de levolution de syst`emes physiques que lon suppose
bien decrits par des mod`eles mathematiques mettant en jeu un ensemble complet de variables detat X
j
; j =
1, 2, . . . , d, coordonnees de points X appartenant ` a un espace des etats X de dimension d. Par un leger abus
de langage ces variables sont appelees degres de liberte et X lespace des phases du syst`eme.
La dynamique ` a temps continu dun syst`eme de dimension nie d sexprime le plus souvent sous forme
dun probl`eme aux valeurs initiales pour un syst`eme dequations dierentielles du premier ordre
d
dt
X = F(X, t) , X(t
0
) = X
0
, (1.1.1)
o` u F est un champ de vecteurs deni sur X et X
0
la condition initiale.
On observera que la dimension d est egale au nombre de composantes de la condition initiale, une fois
le syst`eme ramene au premier ordre. Ainsi, en mecanique newtonienne pour un syst`eme de particules en
mouvement m
n
, x
n
soumises ` a des forces f
n
on a naturellement
m
n
d
2
dt
2
x
n
= f
n
.
Dans cette formulation, le syst`eme est du second ordre en temps et, pour initialiser levolution, il faut preciser
les positions x
n
(t
0
) et les vitesses
d
dt
x
n
(t
0
) des particules. Or, en formulation hamiltonienne, un degre de
liberte est une paire formee dune coordonnee generalisee q
n
et de son moment conjugue p
n
. Lespace des
phases est donc le produit de lespace de conguration et de lespace des moments. Le syst`eme, gouverne
par les equations de Hamilton
d
dt
q
n
= H/p
n
,
d
dt
p
n
= H/q
n
, (1.1.2)
se trouve automatiquement ramene au premier ordre, de sorte que linitialisation suppose la donnee des
q
n
(t
0
), p
n
(t
0
). Labus de langage evoque plus haut vient de ce que, hors du contexte hamiltonien, on a
tendance appeler sans precaution particuli`ere degre de liberte toute variable participant ` a la caracterisation
de letat du syst`eme mais cela est sans grand risque de confusion quant ` a la dimension de lespace des phases.
Le probl`eme (1.1.1) est bien pose (une solution unique existe sur un intervalle ouvert entourant t
0
)
moyennant des conditions peu restrictives, e.g. F de classe (
1
(continu ` a derivees partielles premi`eres
continues). Quand la solution partant dune condition initiale arbitraire existe pour tout temps, on dit
que lintegration de (1.1.1) denit un ot, i.e. une application inversible de X sur lui-meme dependant du
param`etre continu t (le temps). Pour cela il sut que X soit compact, en pratique une partie fermee bornee
de R
dp
, o` u d
p
d est la dimension dun espace sur R dans lequel on peut plonger X.
1
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 2
1.1.2 Syst`emes autonomes et syst`emes forces
Lorsque F ne depend pas explicitement du temps, on dit que lon a aaire ` a un syst`eme autonome. Sinon le
syst`eme est force. Un syst`eme force peut etre formellement rendu autonome au prix dune augmentation de
sa dimension. En eet, denissant lespace des phases etendu Y = X R, soit Y = X, U, et le champ de
vecteurs G(Y) = F(X, U), 1, i.e.
d
dt
X = F et
d
dt
U = 1, on peut ecrire (1.1.1) sous la forme
d
dt
Y = G(Y).
Lespace Y est de dimension d+1 et, pour denir compl`etement une trajectoire dans cet espace, il faut donc
bien specier en t
0
la valeur dune quantite supplementaire, la variable U.
Stroboscopie et syst`emes `a temps discret. Considerons le cas particulier du for cage periodique o` u
F(X, t + T) F(X, t) pour tout t. Il est alors commode de realiser une analyse stroboscopique de la
dynamique (gure 1.1). Celle-ci consiste en une integration de levolution sur des intervalles consecutifs de
duree T. Posant t
k
= t
0
+ kT on obtient
X
k+1
= X
k
+
_
t
k+1
t
k
F(X, t)dt ,
qui denit une application de lespace X sur lui meme. On a ainsi transforme le syst`eme dynamique dierentiel
(` a temps continu) en une iteration. On parle alors de syst`eme ` a temps discret. Cest un cas particulier
dapplication au temps o` u lintegration, faite sur un intervalle de temps arbitraire au contraire de la
stroboscopie, na pas de proprietes remarquables.
kT
t
(k-1)T
(k+1)T
X X X X
Figure 1.1 : Stroboscopie reduisant un syst`eme dynamique force periodiquement ` a une iteration sur X (echantillonnage
modulo T des etats dans lespace des phases etendu X R).
De fa con generale un syst`eme ` a temps discret sexprime sous forme dune equation aux dierences (ici
demblee supposee autonome)
X
k+1
= G(X
k
) . (1.1.3)
De tels syst`emes interviennent frequemment, soit comme resultant dun processus analogue ` a lanalyse stro-
boscopique que nous introduirons plus loin (section de Poincare), soit directement en tant que mod`eles
simplies de processus non lineaires. Si leur implementation numerique est le plus souvent triviale, la
comprehension de leur riche dynamique est une etape indispensable de letude des syst`emes dynamiques ` a
temps continu.
Remarque. Au del` a du point de vue formel exprime au debut de cette section, il peut arriver que le for cage
puisse sinterpreter comme resultant dun couplage unidirectionnel (sans retroaction) du syst`eme considere
detat X, ` a un syst`eme exterieur detat X
e
, soit

X = X, X
e


X = X X
e
, tel que
d
dt
X = F(X, X
e
) , (1.1.4)
d
dt
X
e
= F
e
(X
e
) . (1.1.5)
Ainsi, un syst`eme force periodiquement ` a la periode T, F(X, t + T) F(X, t) peut, articiellement, etre
mis sous la forme (1.1.4,1.1.5) o` u (1.1.5) est un oscillateur non lineaire en regime stationnaire. On peut par
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 3
exemple introduire une variable Z = Y
1
+iY
2
, gouvernee par
d
dt
Z = (1 + i [Z[
2
)Z qui, apr`es elimination
du transitoire, a pour solution generale Z = exp[i(t + )] (voir plus loin, 2.1.2), puis ecrire F(X, t) sous
la forme F(X, arg(Z)/), avec arg(Z) = Arccos
_
Y
1
/(Y
2
1
+ Y
2
2
)
1/2
_
et la condition initiale Y
1
= 1, Y
2
= 0
en t = 0 (i.e. phase = 0). Cette demarche est assez immediate dans le cas du for cage (mono)periodique.
Dans le cas dun for cage plus complexe, multi-periodique (contenant un assez grand nombre de frequences
et de phases speciques associees), ou pire encore chaotique, il devient physiquement plus raisonnable et
pratiquement plus economique dexpliciter le syst`eme ` a lorigine du for cage, ou du moins den utiliser un
mod`ele dynamique convenablement initialise. Nous reviendrons sur cette question ` a la n du cours, 3.2.
Le bruit extrins`eque qui transforme (1.1.1) en un mod`ele de type Langevin est un cas extreme o` u
lidentication (1.1.4,1.1.5) nest pas pertinente, le syst`eme exterieur disposant dune innite de degres
de liberte caches dont il est preferable de representer leet par processus stochastique. Dans la suite nous
developperons la theorie dans le cas des syst`emes strictement deterministes, quitte ` a reexaminer les eets
du bruit dans les applications.
1.1.3 Syst`emes dynamiques conservatifs vs. dissipatifs
Les probl`emes (1.1.1) et (1.1.3) font reference aux trajectoires issues de conditions initiales particuli`eres.
Considerons, ce qui est physiquement plus signicatif, des ensembles de trajectoires issues de domaines
de volume
1
ni dans lespace des phases. Dans le cas dun syst`eme ` a temps discret, on montre aisement
(gure 1.2) que le transforme par G dun pave innitesimal X pris au voisinage dun point X donne voit son
volume donne par 1

= [det (G)[ 1, o` u G est la matrice jacobienne de G, delements g


nm
= (
n
/X
m
calculee en X et o` u det (G) denote son determinant, le jacobien. Localement le syst`eme est contractant
ou dilatant selon que [det (G)[ est plus petit ou plus grand que 1. Il est dit conservatif si [det (G)[ = 1
partout.
X
0
X
2
X
1
X
2
X
1
X
2
X
1
X
0
X
1
X
2
X
1
G
1
/X
1
X
1
G
2
/X
1
X
2
G
1
/X
2

X
2

G
2
/

X
2
Figure 1.2 : Transformation dun pave innitesimal par G.
Passant ` a un syst`eme ` a temps continu (1.1.1) et prenant pour application G la transformation au temps
avec = t, intervalle de temps innitesimal, considerant la limite t 0 on montre facilement que
levolution des volumes dans lespace des phases au voisinage dun point X est donne par
d
dt
1(X) =
[div F(X)]1(X), o` u div F(X)

m

Xm
T
m
est la divergence du champ de vecteur calculee au point
courant de lespace des phases. Un tel syst`eme est d`es lors localement contractant ou dilatant selon que
div F(X) est negatif ou positif. On verie immediatement ` a partir de (1.1.2) quun syst`eme hamiltonien
est conservatif (div F(X) 0). Ce caract`ere conservatif est alors associe ` a linvariance par renversement du
temps. Les syst`emes ne satisfaisant pas ` a cette propriete sont qualies de dissipatifs.
1
Volume mesure de Lebesgue (construite sur des paves, i.e. des produits dintervalles).
CHAPITRE 1.

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`
EMES DYNAMIQUES 4
1.1.4 Flots de gradients et syst`emes plus generaux
Restons avec les syst`emes ` a temps continu et considerons tout dabord le cas un syst`eme autonome ` a une
seule variable reelle
d
dt
X = T(X). On peut le recrire sous la forme
d
dt
X = (/X, (1.1.6)
o` u ((X) =
_
T(X) dX est une primitive de T. Il sen suit immediatement que ( decrot au cours du temps
_
d
dt
( = ((/X)
d
dt
X =
_
T(X)
_
2
0
_
. Levolution du syst`eme se ram`ene donc ` a la relaxation vers des
etats independants du temps correspondant ` a des minima locaux du potentiel (. Dans lespace des phases,
ces etats sont ` a prendre parmi les points xes du champ de vecteur T, veriant T(X
f
) 0 (les autres points
xes sont des maxima locaux du potentiel ou des points dinexion ` a tangente horizontale).
En dimension d, partant de la donnee dun potentiel ((X
1
, . . . , X
d
), lextension de (1.1.6) secrit
d
dt
X
n
= (/X
n
, j = 1, . . . , d . (1.1.7)
Par construction, le champ de vecteurs est donc partout perpendiculaire aux courbes de niveau du potentiel
(cf. gure 1.3, gauche) et decrit une evolution irreversible vers les minima locaux de (. De tels syst`emes,
appeles syst`emes gradients ou ots de gradient, sont au cur de la theorie des catastrophes evoquee plus
loin, p. 19. Reciproquement, pour pouvoir faire deriver un syst`eme
d
dt
X = F(X) dun potentiel (, il faut
que les composantes de son champ de vecteurs verient T
n
/X
m
= T
m
/X
n
ce qui decoule de lidentite
de Schwarz pour le potentiel ( suppose soit
2
(/X
m
X
n
=
2
(/X
n
X
m
. Dans le cas general, les
composantes du champ de vecteurs ne verient pas ces conditions et lon peut sattendre ` a une dynamique
plus riche quune simple relaxation vers un minimum local de (. Ceci est notamment le cas des syst`emes
mecaniques pour lesquels levolution preserve lenergie totale de sorte que le champ de vecteurs donne par
les equations de Hamilton est partout tangent aux surfaces diso-energie et qui sont typiquement le si`ege de
mouvements oscillants (cf. gure 1.3, droite) ou plus complexes.
Figure 1.3 :
`
A Gauche: champ de vecteurs du syst`eme potentiel
d
dt
Xn = snXn, sn < 0 veriant (1.1.7) avec
G =
1
2
_
s1X
2
1
+ s2X
2
2
_
.
`
A droite: champ de vecteurs associe ` a loscillateur
d
dt
X1 = X2,
d
dt
X2 = X1.
1.2 Notions de dynamique qualitative
1.2.1 Portrait de phase
Une orbite est le lieu geometrique des points dune trajectoire obtenu par elimination du temps considere
comme un param`etre. Le portrait de phase dun syst`eme est la representation collective dun ensemble
dorbites mettant en evidence les caracteristiques globales et qualitatives de la dynamique.
Ensembles limites et attracteurs. Nous sommes plus particuli`erement interesses par les regimes perma-
nents plus ou moins complexes qui setablissent apr`es extinction des transitoires. Dans lespace des phases,
CHAPITRE 1.

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`
EMES DYNAMIQUES 5
la notion de regime permanent est associee ` a celles de point non errant et densemble limite. Un point
est non errant si toute trajectoire initialisee dans son voisinage revient indeniment dans ce voisinage. Un
ensemble limite est un ensemble de points non errants ` a la limite t , soit + (futur), soit (passe).
Lexemple le plus simple densemble limite est le point xe dej` a evoque, qui correspond ` a un regime per-
manent independant du temps. Dans lespace des phases, un regime periodique est represente par une courbe
fermee appelee cycle limite, parcourue en un temps ni T. Nous aurons loccasion de rencontrer dautres
exemples plus compliques, associes ` a des regimes reguliers (multi-periodiques) ou irreguliers (chaotiques).
Pour quun regime permanent soit observable, il faut que lensemble limite qui le represente dans lespace
des phases soit stable, cest ` a dire quil resiste aux perturbations, ` a supposer quon ait reussi ` a latteindre
partant de conditions initiales susamment bien choisies. Avant de passer ` a un point de vue analytique
( 1.2.2) restons pour linstant au niveau topologique.
Denissant lentrant (resp. le sortant) dun ensemble limite comme lensemble des conditions initiales
des trajectoires qui saccumulent sur lui quand t + (resp. t ) on observe alors que le regime
permanent considere est atteignable si lensemble limite correspondant est attractif, cest ` a dire si son
entrant a un certain volume (i.e. nest pas de mesure de Lebesgue nulle). Si de plus il est tout entier ` a
linterieur de son entrant (autrement dit, si son sortant est vide), il est stable car toute trajectoire initialisee
dans son voisinage ne sen ecarte pas. Cest, par denition, un attracteur. Lentrant dun attracteur est
appele son bassin dattraction. Dapr`es ce qui prec`ede, il est de mesure non nulle; en termes physiques, la
probabilite de trouver des conditions initiales qui y m`enent est strictement positive.
Lexistence dun attracteur rend compte dune certaine perte de memoire des conditions initiales et du
fait que tous les etats du syst`eme sur lattracteur sont alors equivalents ` a la limite des temps longs. Le sens
de ces assertions est assez evident lorsque le regime asymptotique est independant du temps ou en depend
de fa con reguli`ere, periodique ou multi-periodique. Il demandera ` a etre precise dans le cas plus complexe
des regimes aperiodiques qui seront qualies de chaotiques.
Stabilite structurelle et bifurcations. La structure dun syst`eme dynamique depend usuellement dun
ensemble de param`etres de contr ole r = r
0
, r
1
, . . ., i.e. F(X) F(X; r). La theorie des bifurcations est
consacree ` a letude des changements du portrait de phase avec r. Un syst`eme dynamique avec r = r
0
sera
dit robuste ou structurellement stable si son comportement qualitatif ne change pas au voisinage de r
0
dans
lespace des param`etres de contr ole.
Un syst`eme subit une bifurcation si le nombre ou/et la nature de ses ensembles limites change lorsquon
varie un (ou plusieurs) param`etre(s) de contr ole. Le portrait de phase du syst`eme change alors qualitative-
ment. Une bifurcation correspond ` a une perte de stabilite structurelle. Le nombre de param`etres quil est
necessaire de varier pour retrouver une situation structurellement stable partant dune situation structurelle-
ment instable est appele la codimension du probl`eme.
2
1.2.2 Dierents concepts de stabilite
Stabilite globale. En toute generalite, notons tout dabord que letude de la stabilite dune solution
particuli`ere X
(0)
se ram`ene ` a un probl`eme au valeurs initiales pour une perturbation arbitraire X

= XX
(0)
gouvernee par un syst`eme dynamique
d
dt
X

= F
_
X
(0)
+X

_
F
_
X
(0)
_
=

F
X
(0) (X

) , (1.2.8)
dependant implicitement de X
(0)
mais admettant par construction la solution X

0.
La solution particuli`ere consideree est souvent appelee etat de base, specialement lorsquelle verie de
fa con evidente les equations primitives du probl`eme etudie (exemple: le solution purement conductive des
equations de Boussinesq en convection).
2
Dans la suite, pour alleger les notations lindication explicite de la dependance aux param`etres de contr ole sera omise quand
elle ne sera pas indispensable.
CHAPITRE 1.

EL

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`
EMES DYNAMIQUES 6
r
r
g
r
c
stabilit
inconditionnelle
(globale)
stabilit
conditionnelle
instabilit
inconditionnelle
(linaire)
Figure 1.4 : Stabilite de letat de base fonction dun param`etre de contr ole, e.g. le nombre de Reynolds en mecanique
des uides.
Linstabilite de letat de base peut dependre de la forme et de lamplitude de la perturbation initiale.
Dans lespace des param`etres de contr ole on distingue alors (gure 1.4)
une region de stabilite inconditionnelle: en dessous dune valeur particuli`ere r
g
appelee seuil de stabilite
globale, letat de base, unique, resiste ` a toute perturbation (pour les syst`emes macroscopiques cest ce qui ce
passe en general assez pr`es de lequilibre thermodynamique);
une region dinstabilite inconditionnelle au del` a dune valeur critique r
c
appelee seuil dinstabilite lineaire,
o` u letat de base ne peut persister du fait du developpement de certaines perturbations damplitude in-
nitesimales inevitables;
entre les deux, une region de stabilite conditionnelle dans laquelle le sort des perturbations depend ex-
plicitement de leur forme et de leur amplitude, lespace des phases etant alors divise en dierents bassins
dattraction correspondant ` a plusieurs attracteurs, voir plus loin lexemple de la gure 1.8.
La determination de la region de stabilite inconditionnelle repose sur une methode appelee methode
directe de Lyapunov dont nous presentons ici une version restreinte et formelle susant ` a nos besoins (pour
une version plus compl`ete, voir [30] chap. 1). Nous nous limitons au cas dun syst`eme autonome et dune
solution stationnaire (point xe) supposee ramenee ` a lorigine de lespace des phases. De fa con generale, la
methode repose sur la denition dune fonctionnelle de Lyapunov /(X) denie positive, cest ` a dire veriant
/(0) = 0 et /(X ,= 0) > 0
avec en outre
g
1
(|X|) < /(X) ,
o` u g
1
est une fonction de jauge denie sur R
+
telle que
g
1
(0) = 0 et 0 < g
1
(u) g
1
(v) pour 0 < u < v
(avec des mots: / est minoree par une fonction non decroissante de |X|).
On montre alors
que la stabilite au sens de Lyapunov est acquise si la derivee de / le long dune trajectoire du syst`eme
dynamique est negative semi-denie, i.e.
d
dt
/(X(t)) 0 ,
que cette stabilite est uniforme si en outre
/(X) g
2
(|X|) ,
o` u g
2
est une seconde fonction de jauge,
que lon a stabilite asymptotique (les trajectoires rejoignent eectivement letat de base au l du temps)
si la derivee de / est denie negative, i.e.
d
dt
/(X(t)) g
3
(|X|) ,
o` u g
3
est une troisi`eme fonction de jauge,
enn la stabilite est globale si
g
1
(u ) .
CHAPITRE 1.

EL

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`
EMES DYNAMIQUES 7
Lelegance de cette presentation formelle cache cependant la diculte quil y a ` a determiner la fonctionnelle
/et les jauges sur lesquelles reposent ces resultats de stabilite (theor`emes de Lyapunov). Nous y reviendrons
dans lannexe du chapitre 3, p. 54 relative au cas lineaire dans le contexte du contr ole.
`
A loppose, la region dinstabilite inconditionnelle est determinee par une analyse locale reposant sur
letude de la dynamique des perturbations innitesimales. Cest celle que lon est en principe capable de
pousser le plus loin.
Stabilite locale. Introduisant un param`etre formel de developpement X

dans (1.2.8) on obtient

d
dt
X

= F
(0)
X

+
2
N
2
(X

, X

) + . . . ,
o` u F
(0)
est la matrice jacobienne de F calculee en X
(0)
, N
2
represente les termes formellement quadra-
tiques, etc. Ne gardant alors que les termes du premier ordre on gen`ere un probl`eme lineaire (dynamique
tangente). La propriete essentielle du probl`eme
d
dt
X

= F
(0)
X

LX

(1.2.9)
est de permettre une analyse de levolution dune perturbation quelconque X

par superposition de com-


posantes elementaires obtenues par la decomposition sur une base propre de L, soit X

=

m

X
m

X
m
.
Lorsque letat de base est independant du temps, F
(0)
est une matrice constante et le probl`eme linearise
un probl`eme dierentiel lineaire ` a coecients constants dont letude est elementaire. Sinon, F
(0)
depend
du temps. Dans le cas particulier dun etat de base periodique, on aboutit ` a un probl`eme dierentiel lineaire
` a coecients periodiques que lon analyse par la theorie de Floquet, voir ci-dessous. Cette approche se
generalisera ensuite aux etats de base chaotiques et servira ` a les caracteriser.
1.2.3 Stabilite lineaire
Considerons pour linstant le cas le plus simple dun etat de base independant du temps. Les solutions
du probl`eme ` a coecients constants (1.2.9) sont cherchees donc sous la forme X

(t) =

X(0) exp(st)

X, ce qui
denit un probl`eme aux valeurs propres
s

X = L

X.
Le probl`eme netant, en general, pas autoadjoint, il faut sattendre ` a un spectre de valeurs propres a priori
complexes: s
m
=
m
i
m
. Dans la decomposition, X

=

m

X
m

X
m
,

X
m
est alors lamplitude du mode
propre

X
m
, vecteur propre associe ` a la valeur propre s
m
.

Ecrivant
3

X
m
(t) =

X
m
(0) exp[(
m
i
m
)t] on observe que la partie reelle
m
correspond au taux de
croissance de la perturbation. Donc:

m
< 0: la perturbation decrot, le mode

X
m
est stable;

m
> 0: la perturbation est ampliee, le mode est instable;

m
= 0: la perturbation ne crot ni ne decrot, le mode est neutre ou marginal.
La partie imaginaire
m
decrit le comportement temporel des amplitudes des modes abstraction faite de
la tendance determinee par
m
:

m
,= 0: on parle de mode oscillant;

m
= 0: on a aaire ` a un mode stationnaire.
Les modes propres sordonnent par valeur decroissante de leur taux de croissance:
1
>
2
> . . ..
Letat de base considere est instable d`es quun mode (au moins) est instable, gure 1.5 (gauche). En
toute generalite, les valeurs propres sont fonctions des param`etres de contr ole. Une bifurcation se produit
lorsque les proprietes de stabilite du point xe changent. Les cas les plus simples (de codimension 1)
correspondent au franchissement de laxe imaginaire par un mode reel ou une paire de modes complexes
conjugues, correspondant respectivement aux cas (1) et (2, 2

) illustres sur la partie gauche de la gure 1.5.


3
Ceci correspond au cas dune valeur propre non degeneree, voir plus loin celui dune valeur propre multiple sur un exemple
en dimension 2.
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 8

stable instable
m
a
r
g
i
n
a
l
stable
instable
marginal

i
(1)
(2)
(2*)
(3) (1)
(2)
(2*)
Figure 1.5 :
`
A gauche: spectre de loperateur linearise L F
(0)
autour dun etat de base stationnaire dun syst`eme
` a temps continu.
`
A droite: cas dun syst`eme ` a temps discret (operateur G
(0)
). Les `eches indiquent les
trajectoires des valeurs propres en cas de bifurcation.
Considerons maintenant le cas dun etat de base periodique. Le probl`eme dierentiel lineaire (1.2.9)
est alors ` a coecients periodiques. Pour determiner levolution des trajectoires au voisinage de cet etat de
base, il faut faire abstraction dune dependance periodique triviale due au for cage ` a la periode T de letat
de base et ne considerer que la tendance ` a lecartement ou au rapprochement, cest la theorie de Floquet.
Les solutions de ce syst`eme force sont donc cherchees sous la forme X

(t) =

X(0) exp(s t)

X(t) o` u

X(t) est
periodique de periode T, soit

X(t + T) =

X(t). La resolution du probl`eme
s

X(t) = L(t)

X(t) .
conduit encore ` a un spectre de valeurs propres s
m
=
m
i
m
, appelees exposants de Floquet. Pour
determiner la stabilite de letat de base vis ` a vis du mode m, il faut maintenant calculer le facteur
damplication complexe sur une periode T, le multiplicateur de Floquet, soit
m
= exp(s
m
T). Son module,
exp(
m
T), est superieur ou inferieur ` a 1 selon que
m
est positif ou negatif. Le facteur exp(i
m
T), en
general complexe, introduit une composante rotatoire supplementaire. Linterpretation de ces facteurs est
plus facile si lon raisonne en termes de literation resultant dune stroboscopie du mouvement (gure 1.1).
Examinons donc le cas dun syst`eme dynamique ` a temps discret (1.1.3) et supposons connue une solution
particuli`ere point xe de cette iteration, toujours denotee X
(0)
, soit X
(0)
= G(X
(0)
). Le probl`eme de stabilite
lineaire secrit maintenant
X

k+1
= G
(0)
X

k
X

k
,
o` u G
(0)
est la matrice jacobienne de G calculee en X
(0)
. Il conduit au probl`eme aux valeurs propres

X =

X.
Levolution de la perturbation dans la direction propre m est alors donnee par

X
m,k+1
=
m

X
m,k
.

Ecrivant
m
=
m
exp(2i
m
) on observe que les iteres du probl`eme linearise secartent ou se rapprochent
du point xe selon que
m
est plus grand ou plus petit que 1. Letat de base considere est lineairement
stable si le spectre de loperateur linearise est tout entier ` a linterieur du disque unite (gure 1.5, droite).
Considerant que (1.1.3) resulte de la stroboscopie dun syst`eme force periodiquement, il est interessant
dinterpreter les dierents cas qui se presentent sous langle de la stabilite de letat de base periodique force.
Les trois possibilites mentionnees sur la partie droite de la gure 1.5 sont les plus importantes. Il peut en
eet sagir dune bifurcation via un mode correspondant ` a une valeur propre reelle avec
m
= 0 (
m
= 1)
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 9

S
P

foyer instable

centre
nud instable nud stable

foyer stable
nud impropre
col col
Figure 1.6 : Nombre et nature des racines de lequation (1.2.10) en fonction des valeurs de S et P.
cas (1), ou
m
= 1/2, soit
m
= 1, cas (3), ou encore de modes associes ` a une paire de valeurs propres
complexes conjuguees, cas (2). Revenant au probl`eme de la stabilite dun cycle limite on note alors que le
cas (1) correspond ` a un mode ` a la meme periode que le cycle, linstabilite est dite synchrone. Dans le cas
(3), ` a la bifurcation (
m
= 0) il vient
2
m
= exp(2i
m
T) = 1, de sorte quapr`es 2 periodes, la perturbation
est en phase avec le cycle limite: on a aaire ` a une instabilite sousharmonique avec doublement de periode.
Enn dans le cas (2), levolution de la perturbation introduit une composante rotatoire supplementaire ` a
travers
m
=
m
T/2 qui peut etre soit rationnel soit irrationnel. Quand
m
est de la forme p/q, avec p et q
entiers (0 < p < q) levolution sur q periodes ram`ene la perturbation en phase avec le cycle limite (instabilite
sousharmonique dordre q), si non la periode de la perturbation est incommensurable ` a celle du cycle limite.
1.2.4 Classication des points xes
Retournons aux syst`emes ` a temps continu. La dimension d = 2, dont letude concr`ete est laissee ` a titre
dexercice, nous permet dintroduire facilement lessentiel de la terminologie. Partant de
d
dt
X
1
= l
11
X
1
+ l
12
X
2
,
d
dt
X
2
= l
21
X
1
+ l
22
X
2
,
qui decrit levolution de la perturbation
4
et eectuant la substitution X Xexp(st), on obtient facilement
lequation caracteristique donnant les valeurs propres
(l
11
s)(l
22
s) l
12
l
21
= s
2
(l
11
+ l
22
)s + l
11
l
22
l
12
l
21
= s
2
Ss + P = 0 , (1.2.10)
o` u S et P representent la somme et le produit des racines. Cette equation du second degre admet donc en
toute generalite deux racines s
1,2
, soit reelles (distinctes ou confondues), soit complexes conjuguees comme
indique sur la gure 1.6 o` u lon decouvrira les termes consacres.
Les portraits de phase dans lespace tangent associes ` a ces situations sont illustres sur la gure 1.7. Le
cas des racines reelles distinctes est assez trivial. Dans la base propre il vient
d
dt
X
n
= s
n
X
n
, j = 1, 2 ce
qui conduit immediatement ` a X
n
(t) = X
n
(0) exp(s
n
t), j = 1, 2.

Eliminant t on obtient (X
1
/X
1
(0))
1/s1
=
(X
2
/X
2
(0))
1/s2
, soit X
2
X
s2/s1
1
. Deux situations distinctes se presentent suivant que s
1
et s
2
sont de
meme signe ou non. Lorsque s
1
et s
2
de meme signe, les trajectoires ont une allure parabolique, la parabole
4
Sauf exception, dans ce qui suit, on abandonne les primes et autres decorations pour simplier les notations.
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 10
souvrant dans la direction de la valeur propre la plus grande en module. On a aaire ` a un point xe de type
nud (gure 1.7, en haut, ` a gauche). Quand, au contraire, s
1
et s
2
sont de signe oppose, les trajectoires
ressemblent ` a des hyperboles sapprochant du point xe dans la direction du vecteur propre associe ` a la
valeur propre negative (direction stable) puis sen ecartant le long de lautre direction propre. Il sagit alors
dun col encore appele point selle. (gure 1.7 en haut, ` a droite).
Lorsque les valeurs propres sont complexes, i.e., s
()
= i, il ny a pas de vecteurs propres reels mais
le probl`eme est diagonalisable dans le complexie:
d
dt
Z
1
= ( i)Z
1
,
d
dt
Z
2
= ( + i)Z
2
. Integrant ce
syst`eme et revenant dans la base formee des parties reelle et imaginaire des vecteurs propres du complexie
on trouve
X
1
(t) = exp(t)(X
1
(0) cos(t) + X
2
(0) sin(t)) ,
X
2
(t) = exp(t)(X
1
(0) sin(t) + X
2
(0) cos(t)) ,
et les orbites spiralees de la gure 1.7 en bas, ` a gauche. Le point xe est alors un point spiral encore appele
foyer, stable ou instable selon le signe de =
1
2
(l
11
+ l
22
). Dans le cas marginal = 0 (cf. gure 1.3,
droite), on parle de point elliptique ou de centre.
Attardons nous un instant sur le cas dune racine reelle double. Lorsque (l
11
l
22
)
2
+4l
12
l
21
= 0 on obtient
s
()
= s =
1
2
(l
11
+ l
22
) et lon ne trouve en general quune direction propre donnee par
1
2
(l
11
l
22
)

X
1
+
l
12

X
2
= 0. Completant la base propre par un vecteur lineairement independant, on met alors le syst`eme
sous forme normale de Jordan,
d
dt
X
1
= s X
1
+ X
2
, (1.2.11)
d
dt
X
2
= s X
2
. (1.2.12)
Lintegration de ce syst`eme conduit ` a X
2
(t) = X
2
(0) exp( st) puis ` a X
1
(t) = X
1
(0) exp( st) +X
2
(0) t exp( st).
Le second terme en t exp( st) est qualie de seculaire. Le point xe est appele nud impropre. Les orbites
sobtiennent comme precedemment en eliminant t, ce qui conduit ` a X
1
X
2
(ln X
2
+ C), o` u C est une
constante dependant des conditions initiales. Ce comportement logarithmique (gure 1.7 en bas, ` a droite)
rend compte du passage continu de lallure dun nud ` a celle dun foyer. Il peut egalement se faire que
le syst`eme soit diagonalisable, e.g. si il est symetrique, L est alors proportionnel ` a lidentite (l
11
= l
22
et
l
12
= l
21
= 0) et toute direction du plan est naturellement direction propre. Ce cas, rare parce que non
generique, nest pas represente.
En toute generalite, dans lequation caracteristique (1.2.10) les quantites S et P sont fonctions des
param`etres de contr oles. La bifurcation dun nud vers un col se produit le long du demi-axe P = 0, S < 0
de la gure 1.6. La destabilisation dun foyer correspond quant ` a elle au demi-axe S = 0, P > 0.
Notons encore que les points xes du type nud ou foyer sont generalement appeles puits sils sont
stables et sources sils sont instables.
5
En dimension superieure, la variete des situations augmente et la
terminologie senrichit de termes composites. Par exemple, en dimension 3 un foyercol sera caracterise par
une paire de valeurs propres complexes conjuguees s
1,2
= i et une valeur propre reelle s
3
telles que
s
3
< 0. Pour les syst`emes ` a temps discret on a une classication et une terminologie analogues, en tenant
compte toutefois du fait que cest le module des valeurs propres, plus petit ou plus grand que 1, qui rend
compte de la stabilite, et que les trajectoires jouent ` a saute-mouton avec lorigine en cas de valeurs propres
reelles negatives.
1.2.5 Petite illustration simple
`
A titre dexemple considerons le syst`eme suivant
d
dt
X
1
= T
1
(X
1
, X
2
) = rX
1
+ X
2
+ X
1
X
2
, (1.2.13)
d
dt
X
2
= T
2
(X
1
, X
2
) = X
2
X
2
1
. (1.2.14)
5
En anglais, nud node, col saddle, foyer focus, centre center, puits sink et source source !
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 11
X
1
X
2
X
2
X
1
X
2
X
1
X
1
X
2
Figure 1.7 : En haut, ` a gauche: valeurs propres de meme signe, nud (stable ou instable, ici stable); ` a droite: valeurs
propres de signe oppose, col ou point selle, toujours instable. En bas, ` a gauche: valeurs propres complexes conjuguees,
s = , foyer (stable ou instable, ici stable avec < 0; ` a droite: deux valeurs propres reelles degenerees dans le
cas non diagonalisable, nud impropre (ici stable).
La quantite r sert de param`etre de contr ole. La gure 1.8 illustre le portrait de phase du syst`eme pour
r = 3/16. Quelques trajectoires issues de diverses conditions initiales ont ete superposees au champ de
vecteurs. Elles aboutissent toutes ` a lun ou lautre des deux points xes O et X
()
, certaines se dirigent
dabord vers le point X
(+)
puis sen ecartent pour rejoindre O ou X
()
. Les equations determinant les
points xes, F
1
(X
1
, X
2
) = 0 et F
2
(X
1
, X
2
) = 0, conduisent ` a X
1
_
X
2
1
+ X
1
r
_
= 0 do` u, en plus de la
racine triviale X
1
= 0, au plus deux racines non triviales. Pour r = 3/16, on a trouve en eet
_
X
(+)
1
= 1/4, X
(+)
2
= 1/16
_
et
_
X
()
1
= 3/4, X
()
2
= 9/16
_
.
Une simple observation du portrait de phase permet de conclure que X
()
et O sont des nuds stables et
que X
(+)
est un col (instable), ce que conrme un calcul de stabilite lineaire tr`es simple.
Interessons nous de plus pr`es au point xe X
(+)
. Dans lespace tangent, la direction correspondant ` a la
valeur propre stable separe localement les conditions initiales qui secartent de X
(+)
et vont vers X
()
de
celles qui vont vers lorigine. Lorsque lapproximation lineaire nest plus valide il faut revenir au syst`eme non
lineaire de depart. La determination de lensemble des conditions initiales qui m`enent ` a lun ou ` a lautre des
deux points xes localement stables, leurs bassins dattraction, revet une grande importance. Leur fronti`ere
est ici la variete stable du point xe instable X
(+)
. Elle est formee de lensemble des trajectoires qui arrivent
en X
(+)
le long de sa direction stable. De la meme fa con on peut determiner la variete instable de X
(+)
comme
lensemble des trajectoires qui en emergent le long de sa direction instable ou mieux, comme lensemble des
trajectoires qui sy rendent moyennant le renversement du sens du temps, t t, qui provoque lechange
stable instable.
Les varietes stables et instables des points xes instables forment le squelette du champ de vecteurs.
Cette structuration resulte du fait que la trajectoire passant par un point regulier point o` u le champ de
vecteur nest pas nul est unique: deux varietes stables (resp. instables) ne peuvent se couper car leventuel
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 12
X
1
X
2
X
()
X
(+)
0
1 0.6 0.2 0.2 0.6 1
1
0.6
0.2
0.2
0.6
1
Figure 1.8 : Champ de vecteurs du mod`ele (1.2.131.2.14) pour r = 3/16 avec indication de quelques trajectoires
typiques. La position des points xes X
()
, X
(+)
et O est indiquee par des petits cercles. Les bassins dattraction
des nuds stables O (gris fonce/bleu-vert) et X
()
(gris clair/jaune) sont delimites par la variete stable du col X
(+)
.
Sa variete stable rejoint X
()
dun c ote et O de lautre.
point dintersection aurait deux futurs (resp. passes) distincts.
6
Par contre rien ninterdit ` a une trajectoire
de tendre vers un point xe le long de sa variete stable pour t + et de venir (t ) dun point
xe le long de sa variete instable. Si le point xe do` u elle vient est dierent de celui o` u elle va on parle de
trajectoire heterocline, sinon de trajectoire homocline. Dans notre exemple, la variete instable de X
(+)
est
formee des deux trajectoires heteroclines qui, de part et dautre de ce point, rejoignent X
()
et O qui sont
les deux attracteurs du syst`eme pour cette valeur de r. X
(+)
, dont lentrant est reduit ` a sa variete stable
(de mesure nulle de lespace des phases) est appele ensemble limite exceptionnel .
Jusqu` a present nous avons considere notre petit syst`eme mod`ele dans un cas o` u il possedait trois points
xes. En fait, cette caracteristique depend de la valeur du param`etre de contr ole r que nous avons pris
egal ` a 3/16. Pour r < 1/4, le syst`eme na quun point xe, lorigine, qui reste un nud stable. En
r = 1/4 apparat un point xe double X
()
= (1/2, 1/4). Ce point xe se presente comme un nud
pour X
1
< 1/2 et un col pour X
1
> 1/2. La bifurcation qui le fait apparatre est une bifurcation
nud-col . Pour r > 1/4 le point se dedouble en X
(+)
et X
()
conduisant ` a la situation que nous avons
decrite precedemment. Celle-ci persiste jusquen r = 0 o` u lon observe un echange de stabilite entre X
(+)
et O. Pour r > 0 lorigine est maintenant un col et X
(+)
un nud stable. La situation est resumee sur la
gure 1.9, appelee diagramme de bifurcation. Sy trouve portee la position (en X
1
) des dierents points xes
X
(f)
en fonction de r, une ligne continue indiquant un point xe stable et une ligne tiretee un point xe
instable.
1.3 Dynamique eective
On peut valablement sinterroger sur linteret des notions qui viennent detre introduites. Celles-ci font en
eet reference ` a des syst`emes dynamiques ` a temps continu (syst`emes differentiels) ou discret (iterations) ` a
nombre tr`es limite de degres de liberte, alors que la Nature, au moins dans ses manifestations ` a lechelle
6
On notera que les trajectoires ne traversent pas un point singulier du champ de vecteurs mais y tendent asymptotiquement,
donc que les varietes stables et instables qui y aboutissent ne sy coupent pas meme si on peut avoir limpression dun croisement.
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 13
0.4 0.3 0.2 0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4
1.2
0.8
0.4
0
0.4
r
X
1 (
f
)
Figure 1.9 : Diagramme de bifurcation du mod`ele (1.2.131.2.14).
macroscopique, se laisse plut ot decrire par des champs continus (` a une innite de degres de liberte) gouvernes
par des syst`emes dequations aux derivees partielles.
Une indication nous est fournie par la consideration de la gure 1.8. On y remarque que lessentiel de
la dynamique aux temps longs se developpe dans une etroite bande parabolique o` u si`egent dailleurs les
points xes et o` u les `eches du champ de vecteurs sont tr`es courtes, ce qui implique une evolution tr`es
lente. On observe egalement que les trajectoires initialisees loin de cette region la rejoignent rapidement
(`eches longues) au cours dune premi`ere phase devolution transitoire. Lorigine de ce comportement est
facile ` a comprendre. Dans la region qui nous interesse (X
1,2
susamment petits) et pour des valeurs de
param`etre de contr ole appropriees (r 0), le taux devolution de X
1
est petit tandis que celui de X
2
reste ni. Supposant X
1
constant, on peut integrer lequation (1.2.14) approximativement pour trouver:
X
2
(t) = X
2
(0) exp(t)X
2
1
. Excepte durant un transitoire de duree O(1), on peut admettre que X
2
a rejoint
la valeur X
2
1
, supposee constante. Si X
1
varie lentement, le resultat reste valide en premi`ere approximation,
de sorte que peut X
2
sembler rigidement lie X
1
. Lequation de liaison (au sens de la mecanique) est donnee
par X
2
= X
2
1
. La variable X
2
est dite esclave de X
1
. Si cest bien le cas, on peut ensuite remplacer X
2
par sa valeur dans lequation (1.2.14), ce qui conduit ` a decrire la dynamique eective de la variable X
1
au
moyen de lequation
d
dt
X
1
= rX
1
X
2
1
X
3
1
. On a alors pratique lelimination adiabatique de la variable
esclave.
De la meme fa con, dans les milieux continus, les eventuels mecanismes dinstabilite telle que la convection
naturelle dans un uide uniforme chaue par le bas, amplient generalement de fa con tr`es selective les
perturbations. La dynamique des modes correspondants est lente. Ils sont dans la situation de la variable
X
1
. Au contraire, la dissipation tend ` a lisser les uctuations de tr`es courte longueur donde qui, comme
X
2
, peuvent etre eliminees adiabatiquement. Cette analogie tient bien la route tant que le nombre de
modes susceptibles detre destabilises par les mecanismes physiques qui op`erent dans le syst`eme restent
en susamment petit nombre. Generalement, ce nombre crot reguli`erement ` a mesure que lon ecarte le
syst`eme de la situation dequilibre thermodynamique. Il est d`es lors facile dadmettre que, correlativement
` a laugmentation du nombre de modes actifs, on puisse observer une dynamique de plus en plus complexe.
Cest ce que nous allons commencer ` a decrire et que nous continuerons ` a faire au chapitre suivant.
1.3.1 Variete centrale
La procedure delimination, telle quelle vient detre esquissee repose sur lhypoth`ese que les taux devolution
des deux variables X
1
et X
2
sont tr`es dierents. Cette separation des echelles de temps se produit parce que
le mode X
1
est sur le point de bifurquer (s
1
0) et ne vaut que dans un voisinage limite de lorigine. Sa
validite est donc asymptotique: limite des temps longs et voisinage de la bifurcation, tant dans lespace des
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 14
phases que dans lespace des param`etres.
Pour formuler de fa con techniquement rigoureuse cette elimination adiabatique des modes esclaves, on
suppose donc que lon a aaire ` a un syst`eme structurellement instable presentant un point xe X
(f)
qui
se destabilise. Lespace tangent en ce point peut etre decompose en la somme directe dun sous-espace
stable X

s
(e(s) < 0) et dun sous-espace central X

c
(e(s) = 0), aussi la technique dextrapolation au
regime non lineaire de ce point de vue lineaire sappelle-t-elle la restriction ` a la variete centrale, presentee
ici sommairement dun point de vue plut ot formel.
Supposant que lon ait d
c
modes centraux X
c
et d
s
= d d
c
modes esclaves X
s
on part donc dune
decomposition du syst`eme
d
dt
X = LX+N(X) en
d
dt
X
c
= L
c
X
c
+N
c
(X
c
, X
s
) , (1.3.15)
d
dt
X
s
= L
s
X
s
+N
s
(X
c
, X
s
) , (1.3.16)
o` u L
c,s
sont les restrictions de L aux sous-espaces X

c,s
, et o` u N
c,s
(X
c
, X
s
) rendent compte des couplages
non lineaires. Supposant, comme le sugg`ere lapproche heuristique, que les modes esclaves vivent sur une
variete lente denie par
X
s
= H(X
c
) , (1.3.17)
on determine lequation fonctionnelle qui gouverne H en inserant (1.3.17) dans (1.3.16) et en substituant
d
dt
X
c
tire de (1.3.15). Il vient
H(X
c
) [L
c
X
c
+N
c
(X
c
, H(X
c
))] = L
s
H(X
c
) +N
s
(X
c
, H(X
c
)) ,
o` u H denote la matrice jacobienne de H. Cette equation est ensuite resolue en representant H(X
c
) au
moyen dune serie formelle en puissances des composantes de X
c
:
H(X
c
)

n2
H
n
(X
c
) ,
o` u H
n
(X
c
) est un polyn ome homog`ene de degre n compose de mon omes de la forme

dc
m=1
X
nm
m
, n
m
0,

m
n
m
= n 2, aectes de coecients ` a determiner par identication.
7
La dynamique eective gouvernant les composantes de X
c
est nalement obtenue par substitution dans
(1.3.15) de lexpression trouvee pour H
d
dt
X
c
= L
c
X
c
+N
c
(X
c
, H(X
c
)) = L
c
X
c
+

N
c
(X
c
) .
Le resultat du calcul se presente lui aussi comme une serie formelle:
d
dt
X
c
= L
c
X
c
+

n2
N
n
(X
c
) ,
o` u N
n
(X
c
) est un polyn ome homog`ene de degre n 2 en X
c
.
1.3.2 Resonances et formes normales
Dans ce qui suit, nous supposons implicitement que la reduction ` a la variete centrale a ete eectuee et
nous abandonnons lindice c devenu inutile. Lexpression brute de la dynamique eective trouvee par la
procedure qui vient detre decrite peut ensuite etre simpliee par des changements de variables non lineaires
tangents ` a lidentite de la forme
X =

X+

n2
M
n
(

X) , (1.3.18)
o` u M
n
(

X) est un polyn ome homog`ene de degre n en



X dont les coecients inconnus sont determines
(generalement pas de fa con unique) de mani`ere ` a eliminer le maximum de mon omes dans le developpement.
7
En toute generalite, la variete centrale nest denie de fa con unique qu` a condition de negliger des termes dordre exponen-
tiellement petit, cest ce qui est fait implicitement lorsquon cherche sa denition sous forme polynomiale.
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 15
Certains mon omes, dits resonnants, ne peuvent etre elimines par de tels changements de variables. Con-
siderons en eet un mon ome particulier de degre n present dans lequation devolution pour le mode X
m
d
dt
X
m
s
m
X
m
= g
d

=1
X
n
m

m
, (1.3.19)
avec n
m
0 et

m
n
m
= n 2. Nous avons isole les termes non lineaires au membre de droite de (1.3.19)
pour les faire apparatre comme le for cage dun probl`eme lineaire.
`
A lordre dominant, chaque amplitude
X
m
varie alors comme exp(s
m
t) et le mon ome considere comme exp [(

m
n
m
s
m
) t]. Ce for cage entre donc
bien en resonance avec la solution du probl`eme lineaire formant le membre de gauche de (1.3.19) si
s
m
=
d

=1
n
m
s
m
, n
m
0 ,
d

=1
n
m
= n 2 . (1.3.20)
Le calcul montre que les mon omes dont les ingredients satisfont ces conditions de resonance resistent aux
changements de variables tangents ` a lidentite denis par (1.3.18) alors que lon peut faire disparatre les
autres au moyen dun tel changement. La procedure delimination des termes non resonnants est appelee
mise sous forme normale. De fa con remarquable la structure de cette forme normale ne depend de celle
du syst`eme que par la dimension de lespace central et par la structure des relations (1.3.20) entre valeurs
propres du probl`eme linearise. Le degre n dun mon ome apparaissant dans lexpression de la forme normale
est appele lordre de la resonance. Illustrons ce qui prec`ede sur deux exemples fondamentaux pour une bonne
comprehension de la suite.
d = 1. Il ny a quune variable centrale et donc une seule valeur propre s. Quelque soit n 2, (1.3.20)
secrit s = ns, qui na pour solution que s = 0. Donc si s = 0 la dynamique eective contient a priori
des termes de degre quelconque. Au contraire si s ,= 0, la condition de resonance nest jamais satisfaite
et lon doit pouvoir eliminer tous les termes non lineaires, i.e. lineariser compl`etement la dynamique,
cest ` a dire passer de
d
dt
X = sX + a
2
X
2
+ a
3
X
3
+ . . . ` a
d
dt
Y = sY . Ceci am`ene ` a rappeler quen
dehors dun point de bifurcation, le syst`eme est structurellement stable et la dynamique localement triviale.
Cependant, lorsquon cherche ` a determiner eectivement les changements de variables qui permettent cette
linearisation on saper coit quils font apparatre des petits denominateurs, typiquement en 1/s, qui limitent
considerablement la validite des developpements en series formelles. Cette propriete est generale. Plut ot
que deectuer ces changements de variables, il devient plus raisonnable de conserver les termes non lineaires
dominants et de considerer lecart ` a la bifurcation, ici le terme sX comme une perturbation de la forme
normale correspondant ` a s = 0, soit ici
d
dt
X = a
2
X
2
+ a
3
X
3
+ . . . .
La singularite du probl`eme apparat alors liee au degre n du terme resonnant dominant. On dit quelle a ete
deployee
8
par la perturbation. Si en toute generalite on sattend ` a n = 2, le premier terme non lineaire peut,
dans certains cas, etre de degre plus eleve. Ceci resulte de conditions particuli`eres au syst`eme considere
qui conduisent ` a a
k
0 pour 2 k < n. Cette specicite denit un probl`eme de codimension plus elevee
necessitant, pour son deploiement, des param`etres supplementaires, cf. 2.1.1.
d = 2. Avec deux variables centrales et deux valeurs propres, lequation (1.3.20) secrit s
1
= n
1
s
1
+n
2
s
2
,
n
1,2
0, n
1
+ n
2
= n. Interessons nous au cas n = 3, La condition de resonance non triviale, obtenue pour
n
2
= 1 et n
1
= 1 secrit: s
2
= s
1
, ce qui correspond ` a une paire de modes marginaux complexes conjugues:
s = i. Dans le complexie (Z = X
1
+ iX
2
) on montre alors que la forme normale secrit
d
dt
Z = iZ g[Z[
2
Z , g C, (1.3.21)
8
unfolded en anglais.
CHAPITRE 1.

EL

EMENTS DE TH

EORIE DES SYST


`
EMES DYNAMIQUES 16
autrement dit, on est capable deliminer tous les termes formellement quadratiques. Il nest pas dicile de
comprendre la structure de cette expression. En eet, associant Z et Z

respectivement aux valeurs propres


i et +i, on verie immediatement que le terme [Z
2
[Z Z
2
Z

est le seul des termes formellement


cubiques ` a entrer en resonance avec Z. La bifurcation associee ` a (1.3.21) sera etudiee plus loin, 2.1.2.
`
A titre dexercice on determinera les formes normales correspondant (i) ` a d = 2, n = 2 et s = 0 valeur
propre double, (ii) ` a d = 3, une valeur propre reelle s = 0 et une paire de valeurs propres complexes
conjuguees s = i, et (iii) ` a d = 4, avec deux paires de valeurs propres complexes conjuguees s = i
1
, et
s = i
2
.
Chapitre 2
De lordre au chaos
`
A la n du chapitre precedent, nous nous sommes arretes juste apr`es avoir determine la forme normale
quadopte le syst`eme considere ` a un point de bifurcation. Pour rendre compte de sa dynamique au voisinage
de cette bifurcation, il faut encore deployer la singularite, cest ` a dire ` a secarter des conditions critiques
en considerant un syst`eme voisin decrit par la forme normale associee au probl`eme et completee de termes
perturbateurs petits et de degre inferieur ` a lordre des termes resonnants. Plut ot que de partir directement
dun probl`eme de dimension elevee, il est preferable daugmenter cette dimension progressivement. Cela
correspond ` a une etude du probl`eme physique de depart dans une gamme de plus en plus large de param`etres
de contr ole, conduisant ` a une augmentation du nombre de modes instables. La restriction ` a des intervalles
de param`etres plus etroits fait alors apparatre les probl`emes en dimensions inferieures comme des sous-
probl`emes dont letude est par suite incontournable.
2.1 Bifurcations de regimes reguliers
2.1.1 Bifurcations entre regimes independants du temps
Limitons nous au cas dune seule variable (d = 1) et une singularite de degre n. La perturbation la plus
generale ` a une singularite X
n
autour dun point xe X
(f)
suppose ramene ` a lorigine sobtient en ajoutant
un polyn ome de degre au plus egal ` a n 1. Une translation de lorigine des X permet toujours deliminer
le terme de degre n 1 de sorte que lon arrive ` a
d
dt
X = r
0
+ r
1
X + . . . + r
n2
X
n2
X
n
, (2.1.1)
expression sur laquelle on remarque que la perturbation r
0
deplace le point xe ` a lorigine et que les termes
dordre pair brisent la symetrie X X, deux circonstances qui peuvent ne pas etre autorisees par la
physique du probl`eme. Nous nous restreindrons ici aux cas les plus signicatifs, de degre n = 2, 3 et 5.
n = 2. En toute generalite il vient
d
dt
X = r
0
X
2
(2.1.2)
qui decrit une bifurcation nud-col par coalescence dune paire de points xes de stabilite opposee (gure 2.1,
gauche); le diagramme de bifurcation presente alors un point tournant. Si le probl`eme impose la persistance
du point xe ` a lorigine, la translation qui elimine le terme de degre n1 na plus lieu detre. Le deploiement
secrit alors
d
dt
X = r
1
X X
2
(2.1.3)
qui traduit lechange de stabilite entre le point xe trivial X = 0 et le point non trivial X = r
1
, generalement
appele bifurcation trans-critique (gure 2.1, droite).
17
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 18
0
0
r
0
X
(f)
0
0
X
(f)
r
1
Figure 2.1 : Deploiement de la singularite X
2
.
`
A gauche: deploiement generique ;bifurcation nud-col.
`
A droite:
deploiement non-generique preservant lexistence du point xe ; bifurcation trans-critique.
0
0
r
1
X
(f)
0
0
X
(f)
r
1
Figure 2.2 : Bifurcation fourche super-critique (` a gauche) et sous-critique (` a droite).
n = 3. Partant de
d
dt
X = X
3
, avant de passer au cas general considerons le deploiement qui preserve
la parite:
d
dt
X = r
1
X X
3
(2.1.4)
decrivant une bifurcation fourche parfaite. Pour X
3
cette bifurcation est super-critique: une paire de
points xes non triviaux

r
1
stables apparaissent pour r
1
> 0 (gure 2.2, gauche). Dans le cas oppose
+X
3
elle est sous-critiqueet conduit ` a des points xes non triviaux

r
1
instables (gure 2.2, droite).
Dans le cas general, il vient
d
dt
X = r
0
+ r
1
X X
3
(2.1.5)
qui rend compte dune bifurcation fourche imparfaite (r
0
xe et r
1
variable, cas super-critique, gure 2.3,
gauche). En cas de persistance du point xe ` a lorigine, il faut prendre
d
dt
X = r
1
X + r
2
X
2
X
3
(2.1.6)
qui produit le diagramme de bifurcation de la gure 2.3 (droite). On notera localement la presence des
elements apparus pour n = 2, le point tournant decrit par (2.1.2) et la bifurcation trans-critique correspon-
dant ` a (2.1.3).
n = 5: Le deploiement restreint symetrique de X
5
d
dt
X = r
1
X + r
3
X
3
X
5
(2.1.7)
est illustre sur la gure 2.4, avec r
3
> 0 xe. On remarquera, ici aussi, la presence de points tournants
decrits par (2.1.2) et de la bifurcation fourche sous-critique apparue dans le deploiement symetrique (2.1.4)
avec le terme +X
3
.
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 19
0
0
r
1
X
(f)
0
0
X
(f)
r
1
Figure 2.3 : Deploiement de la singularite X
3
dans le cas general (` a gauche: fourche imparfaite) et avec persistance
du point xe ` a lorigine (` a droite: fourche asymetrique).
0
0
r
1
X
(f)
0
0
X
G
Figure 2.4 : Deploiement de la singularite X
5
avec r3 > 0 xe.
`
A gauche: diagramme de bifurcation.
`
A droite:
potentiel G =
_
F(X)dX correspondant aux dierents cas.
Theorie des catastrophes. La particularite du probl`eme ` a une variable est de toujours deriver dun
potentiel (cf. 1.1.4). Dans le cas general dun syst`eme gradient de dimension d, derivant dun potentiel
((X
1
, . . . , X
d
), les trajectoires suivent les lignes de plus grande pente du potentiel et aboutissent ` a un de ses
minima locaux, points xes veriant (/X
m
= 0, m = 1, . . . , d. Lobjet de la theorie des catastrophes est
letude des bifurcations entre regimes stationnaires dans ce cadre particulier. Pour les syst`emes mettant en
jeu au plus deux variables independantes, i.e. d = 1 ou 2, cette etude conduit ` a identier sept catastrophes
elementaires. La dimension p de lespace des param`etres de contr ole r
j
qui permet de deployer la singularite
du potentiel depend de son degre. La table 2.1 presente les formes normales correspondantes. Le potentiel (
y est decompose en une partie singuli`ere (
s
et une partie (
u
donnant le deploiement [6]. La correspondance
avec la presentation precedente seectue en rappelant que pour d = 1, on a
d
dt
X = T =
X
(. On retrouve
ainsi la bifurcation nud-col qui correspond ` a (2.1.2), maintenant appelee pli, tandis que la bifurcation
imparfaite decrite par (2.1.5) porte le nom de fronce. Pour d = 2 on aura naturellement
d
dt
X
1
= T
1
=
X1
(
et
d
dt
X
2
= T
2
=
X2
( dont il sera interessant de deriver les expressions partant des donnees de la table.
2.1.2 Apparition de la periodicite
Pour obtenir des comportements limites dependant du temps il faut relaxer la condition de gradient evoquee
plus haut et donc passer en dimension d 2. Pour d = 2, la dynamique reste simple, au plus periodique
(theor`eme de PoincareBendixon [3]). Examinons rapidement lemergence dun tel comportement periodique.
Pour cela, considerons la bifurcation dun point xe stable. Generiquement celui-ci peut etre soit un nud
(valeurs propres s
1,2
reelles negatives) soit un foyer (valeurs propres complexes conjuguees (s

= i
avec < 0). Dans le premier cas, il est facile de voir que le probl`eme peut etre localement mis sous forme
gradient et que la bifurcation produit un col. On peut alors se ramener ` a une dimension par elimination de
la variable attachee ` a la seconde valeur propre qui reste negative (gure 2.5, haut). Dans le second cas, qui
ne derive pas dun potentiel, le point xe reste un foyer mais devient instable (gure 2.5, bas).
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 20
Table 2.1 : Les sept catastrophes elementaires.
d p (
s
(
u
Nom
1 1
1
3
X
3
r
0
X Pli
1 2
1
4
X
4
r
0
X +
1
2
r
1
X
2
Fronce
1 3
1
5
X
5
r
0
X +
1
2
r
1
X
2
+
1
3
r
2
X
3
Queue daronde
1 4
1
6
X
6
r
0
X +
1
2
r
1
X
2
+
1
3
r
2
X
3
+
1
4
r
3
X
4
Papillon
2 3 X
3
1
+ X
3
2
r
0
X
1
+ r
1
X
2
+ r
2
X
1
X
2
Ombilic hyperbolique
2 3
1
3
X
3
1
X
1
X
2
2
r
0
X
1
+ r
1
X
2
+ r
2
(X
2
1
+ X
2
2
) Ombilic elliptique
2 4 X
2
1
X
2
+
1
4
X
4
2
r
0
X
1
+ r
1
X
2
+ r
2
X
2
1
+ r
3
X
2
2
Ombilic parabolique

r < r
c
r = r
c
r > r
c
Figure 2.5 : Bifurcations generiques dun point xe en dimension 2. En haut: nud col. En bas: foyer stable
instable. Voir Fig. 1.6.
Considerons donc ce second cas. Loin du point xe, il faut tenir compte des non linearites. La forme
normale tronquee ` a lordre le plus bas secrit
1
d
dt
Z = ( i)Z g[Z[
2
Z , (2.1.8)
avec g = g

+ig

. Le terme Z ajoute au membre de droite de (1.3.21) est la perturbation decrivant lecart


` a la criticalite, la partie reelle de la valeur propre jouant le r ole de param`etre de contr ole r. Letude de la
bifurcation ne presente pas de diculte en posant Z = R exp(i). La dynamique du module R, decouplee
de celle de la phase ram`ene au probl`eme (2.1.4) pour R 0. Son etude montre que la bifurcation, dite
de Hopf , est super-critique (resp. sous-critique) si g

> 0 (resp. g

< 0), auquel cas le point xe non


trivial R

=
_
/g

est stable (resp. instable). Lorsque Z ,= 0, lequation pour (t) sint`egre apr`es que
R(t) ait ete determine. Dans le cas super-critique, durant le regime transitoire, les trajectoires spiralent vers
lorigine pour < 0 (gure 2.6, gauche) et, pour > 0, rejoignent en spiralant un cercle de rayon R

, appele
cycle limite, de linterieur ou de lexterieur selon la position de la condition initiale par rapport au cercle
(gure 2.6, droite). En regime asymptotique, R ayant rejoint sa valeur nale R

on trouve =
0
t
avec R
2

. Nous avons donc aaire ` a un regime periodique dont la pulsation est corrigee de la
valeur originelle par la contribution des non linearites (terme de dispersion non lineaire). Dans le cas
sous-critique, le premier terme non lineaire nassure pas la saturation de R et des termes de degre plus eleve
doivent etre pris en compte dans (2.1.8). Le probl`eme se ram`ene alors ` a (2.1.7) pour R 0.
1
Sur les reels, nous aurions obtenu:
d
dt
X
1
= ( g

R
2
)X
1
+(g

R
2
)X
2
et
d
dt
X
2
= (g

R
2
)X
1
+( g

R
2
)X
2
avec R
2
= X
2
1
+X
2
2
.
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 21
Re(Z)
=0.05
Im(Z)
Re(Z)
Im(Z)
cycle limite
=+0.25
Figure 2.6 : Bifurcation de Hopf dun point xe (cas super-critique) vers un cycle limite.
2.1.3 Bifurcations ulterieures
Nous nous interessons maintenant ` a letape qui suit lapparition de la periodicite. La stabilite dun cycle
limite est le plus commodement etudiee en eectuant une section de Poincare du ot et en considerant
lapplication de premier retour associee. Dans un espace de dimension d, la surface de section est de
dimension d 1, cf. gure 2.7. Cette surface peut etre choisie arbitrairement pourvu quelle intersecte
lensemble limite considere et que, dans un voisinage susamment grand de lintersection, le champ de
vecteur coupe la surface en formant un angle ni (condition de transversalite). On est donc ramene ` a des
iterations ` a d 1 dimensions de la forme (1.1.3). Il sagit donc essentiellement dune stroboscopie de la
dynamique ` a une periode non pas xee de exterieur par un for cage (1.1.2) mais determinee par le syst`eme
lui-meme.
Au cycle limite etudie se trouve associe un point xe de literation. La stabilite de ce point xe est alors
determinee par le spectre de loperateur tangent et une bifurcation se produit lorsque des valeurs propres
sortent du disque unite, cf. 1.2.2, gure 1.5 (droite). Nous nous limitons au cas dune bifurcation par une
paire de valeurs propres complexes de module 1, ou par une valeur propre reelle, soit +1, soit 1, et nous
supposons ` a chaque fois la bifurcation non degeneree. Le probl`eme est alors de codimension 1 puisque son
deploiement ne fait intervenir que le module de la valeur propre dans le cas complexe et sa valeur absolue
dans le cas reel.
Considerons dabord le cas dune paire de valeurs propres complexes conjuguees. Sur la surface de section,
la dynamique eective du syst`eme se developpe alors sur une variete centrale bidimensionnelle obtenue en
suivant une demarche parall`ele ` a celle adoptee dans le cas du temps continu par elimination des modes

Figure 2.7 : Section de Poincare et application de retour.


CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 22
esclaves qui correspondent ici ` a [
m
[ < 1. On est donc ramene ` a une iteration bidimensionnelle quil est
preferable decrire en complexe:
Z
k+1
= Z
k
+

n2

0n

n
g
nn
(Z
k
)
nn

(Z

k
)
n

,
Ici aussi on peut ensuite determiner la forme normale de literation par des changements de variable non
lineaires tangents ` a lidentite:
Z =

Z +

n2

0n

n
c
nn
(

Z
k
)
nn

(

Z

k
)
n

,
eliminant les termes (n, n

) non resonnants dans le developpement au membre de droite des choix ap-


propries des coecients c
nn
. Dans dun tel changement de variable, g
nn
est transforme en g
nn
+
_

nn

)
n

_
c
nn
. Les termes resonnants, ceux que lon ne peut pas eliminer, verient donc

nn

)
n

= 0 , soit encore
n2n

1
= 1 .
Les termes de degre impair veriant n = 2n

+ 1, i.e. [Z[
2n

Z, ne peuvent donc jamais etre elimines. Des


termes non triviaux dependant de la valeur de sont en outre presents lorsque est racine de lunite. Posons
en eet = exp(2i) et supposons = p/q rationnel irreductible. Un petit calcul permet de verier que
la condition de resonance est satisfaite par les combinaisons (n, n

) telles que n = kq + 2n

+ 1, k N, et
naturellement n 2, 0 n

n. Le terme le plus dangereux est le terme de degre n le plus bas possible,


il est obtenu pour k = 1 et donc n = n

= q 1, soit (

Z

)
q1
. Passons en revue les dierents cas en
commen cant par , Q.
2
, Q soit = p/q avec q . La forme normale ne contient que les termes triviaux en n = 2n

+ 1
soit

=1
g
2n

+1
[Z
k
[
2n

Z
k
, ce que lon peut eventuellement tronquer au del` a du terme de plus bas degre,
soit:
Z
k+1
= Z
k
+ g
31
[Z[
2
Z +O([Z[
5
)
Dans le cas = p/q Q, q 5 le premier terme non trivial est (Z

)
q1
de degre q 1 4, donc plus
eleve que celui du premier terme trivial.
`
A des termes O([Z[
4
) pr`es, responsables du phenom`ene daccrochage
(voir plus loin), on est ramene au cas precedent. La resonance est bien l` a mais elle est faible.
Au contraire, pour q 4, les termes non-triviaux sont ` a prendre en compte ` a lordre dominant et on
parle de resonance forte. Pour q = 4, i.e. = i, il vient
Z
k+1
= Z
k
+ g
31
[Z
k
[
2
Z
k
+ g
33
(Z

k
)
3
+O([Z[
5
) ,
et pour q = 3, soit = exp(2i/3):
Z
k+1
= Z
k
+ g
22
(Z

k
)
2
+ g
31
[Z
k
[
2
Z
k
+O([Z[
4
) .
Restent les cas q = 2, soit = 1, et q = 1, soit = 1. Ce sont precisement les cas particuliers ecartes
precedemment car ils se ram`enent ` a des iterations reelles et donc ` a des varietes centrales unidimensionnelles.
Dans le premier cas, la mise sous forme normale permet deliminer tous les termes de degre pair dans le
developpement, ce qui conduit ` a
X
k+1
= X
k
+ g
3
X
3
k
+ g
5
X
5
k
+ . . . ,
tandis que dans le second, tout subsiste:
X
k+1
= X
k
+ g
2
X
2
k
+ g
3
X
3
k
+ . . . .
2
Dans tout ce qui suit nous abandonnons les barres indiquant quil sagit de quantites (variables et coecients) relatives ` a
la forme normale.
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 23
2.1.4 Quasi-periodicite et accrochages
Considerons tout dabord la bifurcation dun cycle limite par une paire de valeurs propres complexes non
resonnante, soit = exp(2i
0
),

,
0
, Q.
`
A lordre le plus bas la forme normale secrit pr`es du seuil:
Z
k+1
= Z
k
g[Z
k
[
2
Z
k
. (2.1.9)
Au voisinage de la criticalite, on peut ecrire = (1 + r) exp[2i(
0
+

r)] o` u le terme

r rend compte
dun eventuel changement de frequence dorigine lineaire au voisinage du seuil. Letude seectue de fa con
parall`ele au cas de la bifurcation de Hopf ` a temps continu en posant Z = exp(2i), ce qui conduit ` a
literation

2
k+1
= [[
2

2
k
(g

g)
4
k
+O(
6
k
)
et ` a lequation de point xe

= (1 + 2r)
2

2 g
4

, (2.1.10)
avec 2 g = g

g. En plus de la solution triviale

= 0, stable pour r < 0 et instable pour r > 0, la


solution non triviale

=
_
r/ g stable (resp. instable) pour pour r > 0 (resp. r < 0) pour g > 0 (resp.
g < 0), correspondant ` a une bifurcation est super-critique (resp. sous-critique), cf gure 2.8.
1
2 3
4
5
(Z) (Z)
1
2
3
4
5
1
2 3
4
5
Figure 2.8 : Bifurcation de Hopf super-critique dune application de Poincare: en dessous et au dessus du seuil, ` a
gauche et ` a droite, respectivement.
En regime asymptotique, les trajectoires du syst`eme ` a temps discret (2.1.9) rejoignent un cercle invariant
de rayon

et tournent sur ce cercle ` a vitesse constante. Le taux de rotation est obtenu en considerant
levolution de apr`es lextinction du transitoire. La substitution de

dans (2.1.9) conduit ` a


exp(2i
k+1
) = C exp(2i
k
)
o` u C, constante complexe de module 1, est obtenue par identication.

Ecrivons cette constante sous la forme
C = exp(2i

), levolution de est alors donnee par:

k+1
=
k
+

.
et lon peut montrer que

0
O(r). Langle
0
a ete suppose irrationnel mais quand r varie,

prend
des valeurs irrationnelles ou rationnelles.
Quand

est irrationnel, balaie le cercle unite uniformement. Revenant au syst`eme ` a temps continu
dont literation decrit la section de Poincare, on voit alors que les intersections successives de lorbite avec
la surface de section parcourent reguli`erement le cercle de rayon

. Autrement dit, il faut imaginer la


trajectoire senroulant sur un tore bidimensionnel T
2
entourant le cycle limite qui bifurque, tore dont la
section meridienne est le cercle de rayon

centre sur le point xe qui correspond ` a la trace sur la surface


de Poincare du cycle limite lui-meme. Ce tore est stable si la bifurcation est super-critique. Physiquement
cela correspond ` a un mouvement quasi-periodique ` a deux frequences, les observables etant des fonctions
biperiodiques du temps: f(t +,

t +), o` u f est une fonction periodique de periode 2 en chacun de ses


arguments, est la pulsation du cycle limite et

le seconde pulsation.
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 24
Si

prend une valeur rationnelle p

/q

avec q

5 la situation nest pas fondamentalement changee


car literation (2.1.10) qui gouverne le module nest pas perturbee ` a lordre considere. Lattracteur est alors
une trajectoire fermee tracee sur le tore et le syst`eme fait q

tours le long du cycle pendant quil en fait p

dans la direction meridienne.


Le caract`ere rationnel ou non de

se determine en mesurant le nombre de rotation deni par:


lim
k
1
k
k1

=0
(
k

+1

k
) .
Leet non trivial des non linearites est de produire des accrochages de frequence. Literation dArnold

k+1
=
k
+ (/2) sin(2
k
) , (2.1.11)
o` u est taux de rotation nominal et mesure des non linearites, fournit un mod`ele simple du phenom`ene
ne portant que sur la phase
k
de Z
k
. Laccrochage se traduit par une persistance de regime periodique

Q constant sur des intervalles continus de valeurs de . La gure 2.9 illustre la situation correspondant
` a = 1 qui ne presente que des regimes accroches (sauf sur un ensemble de mesure nulle de valeurs de ).
Le nombre de rotation presente des plateaux ` a toutes les valeurs rationnelles, les plus visibles correspondent
` a des valeurs rationnelles

= p

/q

avec q

assez petit.
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
0
0.2
0.4
0.6
0.8
1

e
n
s
e
m
b
l
e

l
i
m
i
t
e
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
0
0.2
0.4
0.6
0.8
1

n
o
m
b
r
e

d
e

r
o
t
a
t
i
o
n
Figure 2.9 : Iteration dArnold (2.1.11) pour = 1 et variable sur [0, 1].
`
A gauche: ensemble des valeurs de
explorees apr`es elimination dun transitoire (des lignes verticales continues indiquant un regime non accroche sont
quasi-absentes).
`
A droite: nombre de rotation fonction de ; le graphe de la fonction est un escalier du diable.
2.1.5 Resonances fortes
Ce qui prec`ede ram`ene levolution ` a une dynamique sur un tore limite suppose persister meme en presence
de resonance forte. Cette hypoth`ese nest en general pas tenable car les formes normales correspondant aux
resonances fortes ne permettent pas de separer levolution du module de Z de celle de sa phase. Pire encore,
les resonances = 1 et = 1 ram`enent ` a des iterations reelles de sorte que le tore est en fait victime dun
collapsus (aplatissement). Limitons nous ` a ces deux derniers cas, les plus frequents en pratique.
Considerons tout dabord le cas de la resonance forte pour = 1. La forme normale secrit
X
k+1
= X
k
aX
2
k
+ . . .
Lever la condition de criticalite revient ` a changer la pente au point xe. Il serait tentant de changer
uniquement la derivee ` a lorigine et de prendre X
k+1
= (1 + r)X
k
aX
2
k
+ . . ., mais ceci correspond ` a un
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 25
simple echange de stabilite qui suppose la persistance du point xe (X

(raX

) = 0 ;X

= 0 et X

= r/a)
qui nest pas generique. Le deploiement de la singularite quadratique conduit en fait ` a
X
k+1
= r + X
k
aX
2
k
+ . . . ,
de sorte que lequation de point xe X = r+XaX
2
na plus de solution pour r/a < 0. Dans le cas contraire,
on trouve deux points xes X
()

= (r/a)
1/2
dont lun est stable et lautre instable (gure 2.10, gauche).
Pour le syst`eme ` a temps continu de depart, cette bifurcation, dite tangente, correspond ` a la coalescence
dune paire de cycles limites de meme periode. Elle est le point de depart de lun des scenarios intermittents.
0.6 0.4 0.2 0 0.2 0.4
0.6
0.4
0.2
0
0.2
0.4
X
k
X
k
+
1
0.6 0.4 0.2 0 0.2 0.4 0.6
0.6
0.4
0.2
0
0.2
0.4
0.6
X
k
X
k
+
1
0.6 0.4 0.2 0 0.2 0.4 0.6
0.6
0.4
0.2
0
0.2
0.4
0.6
X
k
+
2
X
k
Figure 2.10 :
`
A gauche: bifurcation tangente, generique pour = 1. Au centre et ` a droite: bifurcation par doublement
de periode pour = 1; au centre: X
k+1
= G(X
k
); ` a droite: X
k+2
= G G(X
k
)).
Passons maintenant ` a la resonance 1:2 correspondant ` a la valeur propre = 1. La forme normale secrit
X
k+1
= ((X
k
) = (1 + r)X
k
+ bX
3
k
+ . . .
Lequation de point xe X

= (1 + r)X

+ bX
3

, soit encore (2 + r bX
2

)X

= 0, na pas dautre racine


que X

= 0 dans le voisinage
3
mais on peut noter que les iteres convergent vers lorigine (r < 0) ou sen
ecartent (r > 0) avec une alternance de signe qui sugg`ere detudier la convergence/divergence en prenant les
iteres de deux en deux. Il vient donc
X
k+2
= (1 + r)X
k+1
+ bX
3
k+1
(1 + 2r)X
k
2bX
3
k
,
dont les points xes sont donnes par
X

= (1 + 2r)X

2bX
3

soit X

(r bX
2

) = 0 .
Seule la solution non triviale X
()

= (r/b)
1/2
nous interesse: elle forme une orbite periodique de ( de
periode 2: ((X
(+)

) = X
()

et ((X
()

) = X
(+)

. On montre facilement quelle est stable (resp. instable)


si la bifurcation est super-critique (resp. sous-critique), i.e. b > 0 (resp. b < 0), cf. gure 2.10 (centre et
droite, cas stable). Retournant au temps continu, le 2cycle de literation correspond ` a un cycle limite de
periode 2T o` u T est la periode du cycle qui bifurque. Ceci justie le terme bifurcation par doublement de
periode. On notera quil est essentiel que les trajectoires puissent jouer ` a saute-mouton sur la section de
Poincare sans pour autant se recouper, ce qui suppose que la variete sur laquelle bidimensionnelle sinscrit
le cycle qui se destabilise ait la topologie du ruban de Mbius, i.e., non orientable. Leet de la resonance
forte 1:2 est donc decraser le tore sur lui meme dune fa con particuli`erement dramatique.
3
Les autres solutions sont
_
2/b O(1).
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 26
2.2

Emergence de comportements complexes
2.2.1 Au del`a de la regularite temporelle
La bifurcation dun comportement stationnaire (point xe) vers un comportement periodique (cycle limite)
puis biperiodique (2-tore) constituent les premi`eres etapes de la transition vers la turbulence selon Landau
(1944, dans [15], p. 115) qui la decrit comme le resultat dune cascade indenie de bifurcations de Hopf
introduisant chacune une frequence incommensurable avec les precedentes (gure 2.11, haut). Lidee sous-
jacente est celle dune superposition de mouvements elementaires aboutissant ` a un comportement complique
dont le caract`ere impredictible resulte de notre incapacite ` a determiner les phases des dierents degres de
liberte qui saccumulent.
Ruelle et Takens (1971, dans [15], p. 120) ont montre que cette multi-periodicite netait pas robuste
et que lon devait plut ot sattendre ` a rencontrer des comportements chaotiques apr`es seulement quelques
bifurcations, en pratique d`es que 3 modes (frequences) sont en interaction (gure 2.11, bas). Dans lespace
des phases, ce chaos se concretise par lapparition dattracteurs etranges formes de trajectoires instables. La
sensibilite aux conditions initiales et aux petites perturbations associee ` a cette instabilite ( 2.3.1) permet
de rendre compte de la decroissance exponentielle des correlations caracteristiques de la turbulence, ce dont
la multi-periodicite dun n-tore nest pas capable (preservation des dierences de phase entre trajectoires
issues de conditions initiales voisines).
s
t
a
t
i
o
n
n
a
i
r
e
priodique bipriodique n-priodique
.....
s
t
a
t
i
o
n
n
a
i
r
e
priodique bipriodique chaotique
Figure 2.11 : En haut: transition vers la turbulence par multi-periodicite selon Landau. En bas: scenario amende
par Ruelle et Takens.
Pour concilier les eets detirement associes ` a linstabilite, la contraction liee ` a la dissipation, et les
processus typiquement non lineaires de repliement, les attracteurs etranges presentent generalement une
structure fractale ( 2.3.4) feuilletee organisee de fa con hierarchique.
Dans les syst`emes ` a temps continu le chaos demande au moins d = 3 pour se developper. La gure 2.12
illustre le cas du mod`ele de Lorenz et du mod`ele de R ossler.
Lapplication de Poincare etant par construction inversible et les iterations inversibles pouvant
reciproquement servir de mod`eles dapplications de Poincare de syst`emes dierentiels, le chaos demande
donc au moins d = 2 pour un syst`eme dynamique ` a temps discret. Lexemple du mod`ele de Henon est
presente sur la gure 2.13.
Si lon relaxe la condition dinversibilite, il est facile de construire des iterations unidimensionnelles qui
soient chaotiques, literation dyadique X
k+1
= 2X
k
(mod 1) et literation logistique X
k+1
= 4rX
k
(1 X
k
)
avec r = 1 en font partie, cf. gure 2.14. Comparer lallure de literation (chaotique) en accent circonexe,
X
k+1
= 2X
k
pour 0 < X
k
< 0.5 et X
k+1
= 2(1 X
k
) si 0.5 < X
k
< 1, et celle lapplication de Lorenz
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 27
20
10
0
10
20 40
20
0
20
40
10
20
30
40
X Y
Z
30
10
10
30
30
10
10
30
0
20
40
60
X
Y
Z
Figure 2.12 :
`
A gauche: mod`ele de Lorenz
d
dt
X = (Y X),
d
dt
Y = (r Z)X Y ,
d
dt
Z = XY bZ, pour = 10,
b = 8/3 et r = 28.
`
A droite: mod`ele de R ossler
d
dt
X = Y Z,
d
dt
Y = X + aY ,
d
dt
Z = b + (X c)Z, pour a = 0.1,
b = 0.1 et c = 18.
1.5 1.0 0.5 0.0 0.5 1.0 1.5
1.5
1.0
0.5
0.0
0.5
1.0
1.5
X
X
2
1
0.45 0.50 0.55 0.60 0.65 0.70
0.45
0.50
0.55
0.60
0.65
0.70
X
X
2
1
Figure 2.13 : Mod`ele de Henon, X
1,k+1
= X
2,k
, X
2,k+1
= 1 aX
2
2,k
+ bX
1,k
.
`
A gauche: vue densemble de
lattracteur pour a = 1.4, b = 0.3.
`
A droite: agrandissement de la region encadree mettant en evidence la structure
fractale.
(obtenue en portant les maxima successifs atteints par la coordonnee Z, chacun en fonction du precedent)
permet de comprendre la nature du chaos qui sinstalle.
2.2.2 Scenarios de transition vers le chaos
Plusieurs routes universelles vers le chaos ont ete mises en evidence [7]. Les scenarios les plus simples
demarrent sur la bifurcation de cycles limites. Comme nous lavons vaguement indique plus haut, le scenario
de Ruelle et Takens repose sur la succession dun petit nombre de bifurcation de Hopf super-critiques. Le
cas resonnant = 1 super-critique est le point de depart dune cascade de doublements de periode qui
debouche sur le chaos, manifestant de remarquables proprietes dechelle universelles. Les autres scenarios, ` a
caract`ere generalement sous-critique, necessitent lintroduction dingredients plus globaux.
La cascade sousharmonique. La Figure 2.15 presente le diagramme de bifurcation de literation logis-
tique
X 4rX(1 X). (2.2.12)
Son point xe non trivial X

= 1 1/4r bifurque en r
0
= 3/4 avec une valeur propre = 1. Cette
bifurcation est la premi`ere etape dune cascade directe de doublement de periode, T = 2
k
, k = 1, . . . , , ` a
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 28
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
0
0.2
0.4
0.6
0.8
1
X
n
X
n
+
1
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
0
0.2
0.4
0.6
0.8
1
X
n
X
n
+
1
1 0.3 0.3 1
1
0.3
0.3
1
Xn
X
n
+
1
30 36 42 48
30
36
42
48
Z
n
Z
n
+
1
Figure 2.14 : En haut: iteration dyadique et iteration logistique pour r = 4. En bas: iteration en accent circonexe
et application de Lorenz pour R = 28.
des seuils r
k
convergeant geometriquement vers r

= 0.89248 . . .:

n
=
r
n
r
n1
r
n+1
r
n
, lim
n

n
= = 4.6692016 . . . ,
o` u est appelee constante de Feigenbaum. Au del` a de r

et jusqu` a r = 1, le chaos apparat dabord ` a


linterieur de bandes qui se regroupent en une cascade inverse miroir de la cascade directe. On observe
egalement un retour ` a la periodicite ` a linterieur de fenetres en r dont la plus large correspond ` a un regime
periodique de periode 3. Chaque fenetre sinstalle par intermittence de type I et disparat par une crise
externe (cf. ci-dessous).
`
A linterieur dune fenetre, le syst`eme subit une cascade sousharmonique exactement
semblable ` a la cascade principale.
Intermittence et crises. Contrastant avec le caract`ere local de la cascade sousharmonique, les autres
scenarios necessitent des hypoth`eses plus globales sur la structure de lespace des phases.
Lintermittence suppose par exemple que le cycle limite de depart bifurque de fa con sous-critique, quil ny
a pas dattracteur ` a proximite et que la dynamique densemble recycle les trajectoires dans son voisinage. Les
experiences reveleront alors une alternance, apparemment aleatoire, dinterm`edes laminaires durant lesquels
le syst`eme evolue de fa con sensiblement identique ` a celle qui prevalait avant la bifurcation, et de bouees
chaotiques (gure 2.16). Lintermittence de type I, qui se produit ` a la resonance forte = 1, est bien decrite
par une iteration de la forme X
k+1
= r + X
k
+ aX
2
k
au voisinage de X = 0, recollee ` a une transformation
qui assure melange et recyclage, telle literation dyadique, loin de X = 0.
Lintermittence de type II (resp. III) se produit en cas de bifurcation de Hopf (resp. sousharmonique)
sous-critique, assortie dune condition de recyclage pr`es du cycle qui se destabilise.
Les crises forment une autre classe de scenarios tr`es frequents, caracterises par un changement de brutal
de morphologie de lattracteur. En une crise externe un attracteur chaotique entre en collision avec la variete
stable dun ensemble limite exceptionnel limitant le bassin dattraction dun autre attracteur. Avant la crise
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 29
0.7 0.75 0.8 0.85 0.9 0.95 1
0
0.1
0.2
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
0.9
1
r
e
n
s
e
m
b
l
e

l
i
m
i
t
e
Figure 2.15 : Cascade de doublement de periode.
400 410 420 430 440 450 460 470 480 490 500
50
100
150
200
250
300
t
Z
400 410 420 430 440 450 460 470 480 490 500
50
100
150
200
250
300
t
Z
Figure 2.16 : Intermittence de type I dans le mod`ele de Lorenz.
`
A gauche: comportement periodique pour R = 166.0.
`
A droite: comportement intermittent pour R = 166.2.
le comportement chaotique du syst`eme persiste indeniment. Apr`es la crise, lensemble limite chaotique
nest plus un attracteur. Une trajectoire initialisee dans son voisinage ny reste que temporairement, durant
ce que lon appelle un transitoire chaotique, cf. gure 2.17. Une crise interne se traduit par lelargissement
soudain dun attracteur par fusion de deux ou plusieurs composantes, se repondant souvent par une symetrie
du syst`eme de depart. La dynamique, caracteristique de lintermittence de crise, se traduit par des sauts,
apparemment aleatoires entre composantes prealablement independantes. Ce comportement est illustre sur
la gure 2.18 au moyen de literation X
k+1
= rX
k
(1 X
2
k
) pour r 3

3/2 2.5981.
2.3 Theorie du chaos
Apr`es avoir decrit le developpement de regimes temporellement de plus en plus complexes par accumula-
tion de bifurcations, nous considerons maintenant la caracterisation directe des syst`emes chaotiques. Nous
commen cons par lextension de la notion de stabilite qui permet de mesurer le degre de chaos ` a laide de
taux de croissance appropries appeles exposants de Lyapunov 2.3.1. Cette sorte de mesure est plut ot
longitudinale en ce sens quelle seectue le long des trajectoires. Dans lespace des phases, les attracteurs
chaotiques presentent generalement une structure fractale qui correspond ` a une caracterisation transverse
de la dynamique, 2.3.4.
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 30
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000
1.5
1.0
0.5
0
0.5
1.0
1.5
k
X
k
1.5 1.0 0.5 0 0.5 1.0 1.5
1.5
1.0
0.5
0
0.5
1.0
1.5
Y
k
X
k
Figure 2.17 : Transitoire chaotique du mod`ele de Henon obtenu pour a = 1.3 et b = 0.3.
`
A gauche: serie chronologique
de X illustrant le transitoire de duree 500.
`
A droite: Dans lespace des phases, le transitoire explore un repulseur
chaotique de structure analogue ` a celle de lattracteur obtenu pour a = 1.4 et b = 0.3 avant de trouver la periode
7 indiquee par les symboles .
0 100 200 300 400 500
1.
0.
1.
k
X
k
A
B
0 100 200 300 400 500
1.
0.
1.
k
X
k
Figure 2.18 : Intermittence de crise: Pour r < rc (` a gauche, r = 2.5) le syst`eme est chaotique mais reste conne
` a X > 0 (serie chronologique A) ou X < 0 (serie chronologique B), tandis que pour r > rc (` a droite, r = 2.6)
lattracteur sest elargi, restaurant statistiquement la symetrie inscrite dans le mod`ele.
2.3.1 Divergence des trajectoires
Limpredictibilite ` a long terme est la consequence directe de la sensibilite aux conditions initiales [12]. On
mesure le taux de divergence des trajectoires voisines ` a laide des exposants de Lyapunov qui etendent le
concept de stabilite aux trajectoires aperiodiques. Pour une iteration unidimensionnelle, X
k+1
= ((X
k
), il
est facile de montrer que le taux decartement ` a une trajectoire de reference X
k
, k = 0, . . . est donne par
= lim
k
1
k

k1
k

=0
ln
_
[(

(X
k
)[
_
, (2.3.13)
o` u (

d(/dX, et que lon trouve = ln(2) > 0 pour tous les exemples de la gure 2.14 (sauf lapplication
de Lorenz). Pour une iteration G sur un espace de dimension d, on trouve tout un spectre de Lyapunov

m
, m = 1, . . . , d que lon obtient plus concr`etement en etudiant le taux de croissance
m
, m = 1, . . . , d,
delements de volumes de dimension m croissante. On tire de cette etude
m
=
m

m1
. Par construction,
le premier exposant,
1

1
, est aussi le plus grand exposant de Lyapunov, celui que lon deduit du taux
devolution de la distance entre deux trajectoires voisines, norme de X
k
=

k1
k

=0
G(X
k
)X
0
. Lextension
aux syst`emes dierentiels est immediate.
La table 2.2 recapitule la situation, lexistence dau moins un exposant de Lyapunov positif etant la
denition la plus simple que lon puisse donner au chaos. Sans entrer dans les details, on ajoutera que
lentropie, qui mesure le degre de chaos global est egal ` a la somme de tous les exposants de Lyapunov
positifs.
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 31
Table 2.2 : Signature de Lyapunov des attracteurs.
Regime Temps continu Temps discret (section de Poincare)
stationnaire (point xe)
periodique (cycle limite) 0
biperiodique (2-tore) 0 0 0
chaotique au moins un + au moins un +
(attracteur etrange) e.g. + 0 e.g. +
2.3.2 Dynamique symbolique et chaos
Pour comprendre lessence du chaos, il sut de considerer literation dyadique X
k+1
= 2X
k
(mod 1), cf.
Fig. 2.14, gauche. Soit X represente par son developpement binaire [0.
1

2
...] o` u
n
0 ; 1 est le n-`eme
digit, i.e. X =

n1

n
2
n
. Le premier digit indique si X appartient ` a [0, 1/2[ ou ` a [1/2, 1[; le second digit
precise le sous-intervalle suivant, [0, 1/4[, [1/4, 1/2[, [1/2, 3/4[ ou [3/4, 1[. La multiplication par 2 decale le
point dun rang vers la droite dans la suite des digits. Les deux intervalles disjoints [0, 1/2[ et [1/2, 1[ forment
une partition de [0, 1[ appelee partition generatrice.
La sensibilite aux conditions initiales decoule de lincertitude qui r`egne au del` a dun certain rang dans
le developpement binaire de la condition initiale en raison de la precision avec laquelle elle est connue
experimentalement. Cette imprecision interdit toute prediction ` a long terme de la trajectoire, i.e. au
del` a dun certain horizon de predictibilite.

Equivalente ` a un decalage, literation fait en eet remonter
linformation contenue dans les digits de poids faible qui nit par dominer levolution. Tout se passe alors
comme si la condition initiale etait une suite de 0 et de 1 tires ` a pile ou face.
Cette presentation sugg`ere le fait tr`es important qu` a c ote de linnite non denombrable de trajec-
toires aperiodiques, on peut trouver une innite denombrable de trajectoires periodiques decoulant du
developpement binaire des rationnels sur [0, 1[. Ces trajectoires particuli`eres sont naturellement insta-
bles puisque sensibles au changement aleatoire des digits au del` a dun rang arbitrairement eleve de leur
developpement.
Ces proprietes sont typiques des attracteurs chaotiques. La principale diculte est de determiner une
partition generatrice appropriee permettant la reduction de la dynamique ` a un decalage.
2.3.3 Ergodicite et probabilites
Empiriquement, les proprietes statistiques des trajectoires chaotiques sont generalement tiree de la moyenne
temporelle dune observable donnee W
W)
t
= lim
k
1
k
k1

=0
W
k
.
Lergodicite [12] suppose que lon puisse remplacer cette moyenne par une moyenne densemble sur une
mesure de probabilite (X)dX portee par lattracteur, soit
W)
e
=
_
W(X)(X)dX.
la densite de probabilite (X) est denie operationnellement par
(X) = lim
k
1
k
k1

=0
(XX
k
) ,
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 32
o` u est la distribution de Dirac.
`
A une region donnee de lespace, elle attribue donc un poids proportionnel
au temps passe par une trajectoire arbitrairement longue dans cette region. La mesure de probabilite ainsi
denie est appelee mesure naturelle. Elle est independante des conditions initiales et resiste aux perturbations
innitesimales apportees aux trajectoires individuelles. On peut en principe la determiner empiriquement
par comptage (box counting) en mesurant loccupation relative dun element B
m
dune partition de lespace
des phases en paves de taille 0, formellement:
_
Bm()
(X)dX =
m
() . (2.3.14)
2.3.4 Proprietes fractales
En raison de linstabilite des trajectoires, un attracteur etrange est porte le long de celles-ci par une
variete continue dont la dimension topologique d
t
est egale au nombre dexposants de Lyapunov non negatifs.
Cependant, les proprietes detirement (instabilite) de compression (dissipation) et de repliement (maintien
des trajectoires ` a distance nie) caracteristiques de la dynamique procure ` a lattracteur une structure trans-
verse fractale. La transformation du boulanger dissipative fournit un mod`ele simple dattracteur etrange.
La transformation de base etire et comprime dun meme facteur 2 puis replie, donc conserve les aires (g-
ure 2.19, gauche). Si lon demande quelle comprime plus quelle netire, elle produit alors une structure
fractale produit dune variete continue par un ensemble de Cantor (gure 2.19, droite).
1 2
1 2
2
1
(
2
,
1
/
2
)
X
2
X
1

t
i
r
e
m
e
n
t

e
t
c
o
m
p
r
e
s
s
i
o
n
repliement
Figure 2.19 : Transformation du boulanger.
`
A gauche: processus elementaire dans le cas conservatif.
`
A droite: eet
de la dissipation.
Le procede de construction de lensemble de Cantor est illustre sur la gure 2.20. Bien que de mesure nulle
(sa longueur decrot comme (2/3)
k
, k etant le nombre doperations de base executees), cest un ensemble
non denombrable (la representation ternaire de ses points, i.e. sur lensemble 0; 1; 2 ne contient jamais le
digit 1, ce qui le met en correspondance biunivoque avec la representation binaire sur 0; 1 des points de
lintervalle [0, 1], explicitement via 0 0 et 2 1). Malgre leur lacunarite, de tels ensembles occupent de
lespace, ce que lon va quantier ` a laide de dimensions.
Dun point de vue general [11], les ensembles fractals sont (statistiquement) invariant sous leet combine
de rotations, translations et dilatations. Leurs proprietes sont plus faciles ` a introduire quand la r`egle de
construction de lensemble est donnee. Ainsi, la dimension de similarite est denie par d
sim
= ln(N

)/ ln(),
o` u N

est le nombre de fois o` u le motif de base est repete lorsquon dilate lensemble dun facteur .
Pour lensemble de Cantor triadique classique deni plus haut et illustre sur la gure 2.20 on trouve ainsi
d
sim
= ln(2)/ ln(3).
Quand la r`egle nest pas connue il faut proceder par comptage. La dimension fractale ou capacite est
denie par:
d
f
= lim
0
log
_
^()
_
log(1/)
,
o` u ^() est le nombre de paves necessaire pour recouvrir lensemble ` a la resolution . Un ensemble est
CHAPITRE 2. DE LORDRE AU CHAOS 33
0 1/3 2/3 1
tape 0
tape 1
tape 2
tape3
Figure 2.20 : Construction de lensemble de Cantor triadique.
dit fractal d`es lors que d
f
> d
t
, ce qui exprime le fait quil semble occuper un espace plus grand que ce
quindique sa dimension topologique.
La complexite des attracteurs chaotiques sinscrit dans les proprietes multifractales de leur mesure na-
turelle (X). Celles-ci se determinent ` a laide de dimensions generalisees d
q
calculees ` a partir de la densite
empirique
m
() determinee par comptage via (2.3.14):
d
q
=
1
q 1
lim
0
log (

m

q
m
)
log()
, < q < +.
La dimension fractale d
f
precedemment introduite est retrouvee pour q = 0. La limite q 1 denit la
dimension dinformation que lon obtiendrait directement par
d
1
= d
I
= lim
0
_

m

m
log(
m
)
__
log() .
La dimension de correlation correspondant ` a q = 2 est determinee empiriquement par la methode de Grass-
berger et Procaccia qui etudie la variation du nombre de paires de points de lattracteur separes dune
distance donnee
d
2
= = lim
0
log
_
C()

log()
, C() = lim
N
1
N
2

n,n

Y
_


(X
n
, X
n
)
_
,
o` u

est une mesure des distances dans lespace des phases et Y telle que Y (u) = 0 pour u < 0, et 1 sinon
(distribution de Heaviside).
De fa con generale, on montre que 0 < d
min
d
q+1
d
q
d
max
< d. Une mesure de probabilite
homog`ene est caracterisee par d
q
= d
f
pour tout q, alors que la mesure naturelle sur un attracteur chaotique
typique verie plut ot d
min
< d
max
, ce qui permet de la qualier de multifractale.
Du spectre des exposants de Lyapunov cumules
m
=

m
m

=1

m
mesurant le taux de croissance des
elements de volume de dimension m, on peut denir la dimension de Lyapunov d
L
par la formule de Kaplan
et Yorke:
d
L
= +


+1
= +
1
[
+1
[

m=1

m
o` u est le plus grand entier tel que

0. Pour un attracteur chaotique en dimension 2 la formule donne


simplement d
L
= 1 +
1
/[
2
[ (voir [12] pour plus de details).
Chapitre 3
Dynamique non-lineaire appliquee
Ce chapitre comporte deux parties de volume tr`es inegal. La premi`ere est dediee ` a letude empirique des
syst`emes dynamiques et principalement au probl`eme de la reconstruction de levolution par la methode des
retards de Takens (3.1). La seconde partie est consacree au contr ole du chaos, sujet qui a fait lobjet dune
attention toute particuli`ere depuis le debut des annees 90. Introduisons cette seconde partie un peu plus en
detail.
Dans un cadre lineaire, le probl`eme du contr ole se resume ` a developper des strategies systematiques
utilisant des outils classiques en alg`ebre lineaire pour modier le syst`eme considere an de contourner ses
insusances, i.e. eviter lamplication de modes dinstabilite qui, en se developpant viendraient parasiter
la reponse (nous presentons quelques rudiments de contr ole lineaire ` a un niveau plut ot formel dans un
appendice, 3.5).
Dans le cas non lineaire, il faut en general fortement limiter ses ambitions. Vouloir obtenir une sortie
determinee consiste souvent plus simplement ` a chercher ` a preserver un regime permanent particulier. Ici,
nous envisagerons le probl`eme du contr ole non lineaire dabord sous langle de la stabilite dun regime force
en etudiant les conditions de synchronisation dun syst`eme esclave (reponse) ` a un syst`eme matre (entree),
3.2. Cest dans ce cadre que des tentatives plus ambitieuses ont ete developpees mais que nous naborderons
pas, e.g. lutilisation du chaos pour communiquer et crypter des informations.
Dans de nombreux cas on a cependant aaire ` a un syst`eme fonctionnant de fa con autonome pour une
valeur nominale de ses param`etres de contr ole. Si letat obtenu nest pas celui que lon recherche ou sil
ne resiste pas aux perturbations, en dautres termes si ce nest pas un point de fonctionnement stable du
syst`eme etudie, il faut apporter en permanence des corrections de trajectoire. Le regime permanent souhaite
est souvent un etat periodique instable particulier comme il en existe beaucoup dans les syst`emes non lineaires
potentiellement chaotiques, cf. chapitre 2, 2.3.2. Comme dans le cas lineaire, il sagit alors en general de
determiner des feed-backs appropries. Deux approches se partagent le paysage. La premi`ere reste dans un
cadre ` a temps continu et met en uvre des feed-backs retardes [23] pour tenter de stabiliser dune orbite
periodique. La methode, plut ot intuitive, consiste ` a rappeler en continu au syst`eme ce vers quoi il devrait
tendre en lui injectant un signal proportionnel ` a lecart entre ce quil vaut et ce quil valait ` a la periode
precedente, voir 3.3. La seconde passe dans un cadre ` a temps discret et travaille sur une stroboscopie du
signal, cest la methode OGY devenue classique [25] qui, dans sa philosophie, est plus proche des theories
de contr ole lineaire mais dun autre c ote fait un plus grand usage des resultats de la theorie des syst`emes
dynamiques en travaillant directement sur lespace des phases du syst`eme, 3.4.
Lhumilite requise lorsquon traite un probl`eme donne dans son contexte non lineaire se traduit ici par
le fait que lon se contente souvent de stabiliser une orbite dont on ne matrise pas a priori toutes les car-
acteristiques et que lon est en quelque sorte oblige dattendre que le syst`eme veuille bien approcher de la
region concernee de lespace des phases (ce que le syst`eme fera en raison de lergodicite) avant dentreprendre
le contr ole proprement dit. Les strategies de ciblage (en anglais targeting), sappuyant sur une connais-
sance encore plus approfondie des syst`emes chaotiques, ont ete mises au point pour raccourcir cette phase
34
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 35
transitoire.
`
A loppose, on peut egalement vouloir au contraire empecher le syst`eme de rejoindre le bassin
dattraction dune solution qui serait stable en labsence de contr ole, pour le maintenir dans un etat chaotique,
i.e. rendre permanent un transitoire chaotique pour favoriser le melange.
Lutilite de non linearites tient ` a ce que generalement les reponses ne sont pas proportionnees aux signaux
de contr ole. Notamment en raison de la sensibilite des syst`emes chaotiques ou meme seulement poten-
tiellement chaotiques aux petites perturbations, on peut envisager des procedures de contr ole qui sav`erent
tr`es economiques en termes denergie injectee dans le syst`eme. La reussite de la strategie necessite cependant
des connaissances sur le syst`eme considere qui vont bien au del` a de ce qui serait necessaire dans un cadre
lineaire pour lequel on dispose doutils solides. Lorsque le syst`eme nest pas modelise de fa con abstraite
par un mod`ele mathematique, une phase dapprentissage est en general requise, phase concr`etement tr`es
dependante des methodes detude empiriques que nous introduisons maintenant.
3.1 Approche empirique
3.1.1 La methode des retards
Les experiences, aussi bien au laboratoire que sur ordinateur, permettent de rassembler de nombreuses
donnees sur les syst`emes etudies. Ces donnees se presentent essentiellement sous forme de serie chronologique
dune observable, cest ` a dire dune fonction W = J(X) des etats X = (X
1
, . . . , X
d
) du syst`eme dans son
espace des phases X de dimension d. La serie est supposee reguli`erement echantillonnee en temps soit
W
k
, k = 0, 1, . . ., avec W
k
= J
_
X(t
k
)
_
, t
k
= k, etant linverse de la frequence dacquisition.
Letude empirique du syst`eme physique etudie, a priori considere comme un syst`eme dynamique de
la forme
d
dt
X = F(X), pose des probl`emes lies au fait que sa structure mathematique meme donc en
particulier la dimension d et la nature de la variete sur laquelle il evolue nest pas connue a priori , ni
dailleurs lexpression de la relation qui denit lobservable J.
Les techniques issues de la theorie des syst`emes dynamiques pour traiter ce type de signal et obtenir des
informations sur le syst`eme derivent toutes de la methode dite des retards [18, 19]. De la suite dobservations
W
k
, on tire une representation des etats du syst`eme dans un pseudo-espace des phases Y dont les points
Y
k
correspondant ` a une trajectoire du syst`eme ont pour coordonnees des sous-suites
1
Y
k
[W
k
; W
k+1
; ...; W
k+
de1
] (3.1.1)
de d
e
mesures (i.e. Y R
de
) prise dans une fenetre de duree
de
glissant sur la suite dobservations.
Les intervalles
1
,...,
de1
, sont la plupart du temps multiples du premier intervalle
1
, i.e.
2
= 2
1
,...,

de1
= (d
e
1)
1
, et
1
souvent pris egal ` a 1, de sorte que (3.1.1) secrit plus simplement
Y
k
[W
k
; W
k+1
; ...; W
k+de1
] (3.1.2)
Le probl`eme de la determination optimale des
n
et de d
e
, appelee dimension de plongement, est examine
dans la section suivante.
En fait, nous navons pas acc`es aux variables primitives du syst`eme mais ` a des mesures faites sur lui. On
ne peut donc pas acceder directement aux points de son espace des phases mais aux points dun espace Y
denis en toute generalite par (3.1.1) dont on aimerait quils puissent determiner univoquement les etats X
du syst`eme, et que de plus levolution decrite dans ce nouvel espace soit equivalente ` a celle decrite par le
syst`eme dans son propre espace des phases X. Ceci nous est suggere par des theor`emes mathematiques.
1
On represente traditionnellement un vecteur par une colonne de composantes, un tableau d 1, soit avec les conventions
MatLab qui, dans les tableaux, separent les elements dune ligne par des virgules et notent le passage ` a la ligne par un point-
virgule: V [V
1
; V
2
; ...]. Une representation en ligne (tableau 1 d) est donc consideree en termes de tableaux comme la
transposee de la representation en colonnes [V
1
, V
2
, ...] [V
1
; V
2
; ...]
t
. Cette convention permet dexprimer la denition du
produit scalaire canonique en utilisant la r`egle usuelle des produits de matrices. Avec V [V
1
; ...], et W[W
1
; ...], on obtient
en eet V W= [V
1
; ...]
t
[W
1
; ...] =

V
k
W
k
. Le produit tensoriel de deux vecteurs VW, est quant ` a lui represente par un
tableau d d delements V
i
W
j
que lon va pourvoir ecrire [V
1
; ...][W
1
; ...]
t
.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 36
t
W
X
M
W
k
=W(X
k
)
t
k
X
M
RR
de
( ) MM
Figure 3.1 : illustration du theor`eme de Takens.
Ainsi, le theor`eme de Whitney nous assure que lon peut plonger une variete dierentiable Mcompacte de
dimension m dans un espace euclidien R
2m+1
de dimension 2m+1,
2
tandis que le theor`eme de Takens [16, (b)]
nous dit que les Y
k
denis par (3.1.1) o` u J est une fonction dierentiable realisent un plongement procurant
une reconstruction able de la dynamique pourvu que le nombre d
e
de donnees ` a prendre en consideration
soit susant, i.e. une dimension de plongement d
e
2d + 1 (cf. gure 3.1).
De cette representation de dimension d
e
, on doit ensuite pouvoir tirer des renseignements sur le syst`eme
lui-meme, et notamment caracteriser son degre de chaos ` a laide de quantites telles que ses exposants de
Lyapunov ou la dimension fractale de son attracteur.
Ce point de vue mathematique apparemment solide doit cependant etre tempere et ceder la place ` a un
point de vue empirique beaucoup moins assure. Dune part, il nest pas clair que les syst`emes physiques
qui nous interessent satisfassent les conditions theoriques ` a remplir pour appliquer les theor`emes: du fait
de la dissipation, la dynamique ne se developpe que sur une partie compacte (de dimension eective basse
et souvent fractale) de lespace des phases du syst`eme (originellement de dimension innie pour les milieux
continus gouvernes par des equations aux derivees partielles). Dautre part, ces syst`emes sont toujours
aectes par du bruit, ce qui limite la precision des observations et gene la reconstruction. En eet, si
les delais invoques plus haut sont a priori arbitraires, en tout cas rien dans lenonce precis du theor`eme
ne vient les limiter, il doit etre clair quune determination sans ambigute de lorigine intrins`eque (chaos
deterministe) ou extrins`eque (bruit) de leventuelle stochasticite observee va dependre de la valeur des delais
introduits. Des strategies ont ete developpees pour determiner de fa con optimale les delais et la dimension
de plongement d
e
. Cest ce que nous allons discuter sommairement dans les deux sections suivantes, des
informations plus detaillees pouvant etre trouvees dans les references [18, 19] et dans les chapitres appropries
de la majorite des livres consacres ` a la dynamique non lineaire.
3.1.2 Frequence dacquisition et dimension de plongement
Il faut naturellement supposer quau depart lobservable est echantillonnee ` a une frequence susamment
elevee pour que linformation recueillie sur le syst`eme soit assez compl`ete.
Pour determiner lintervalle on peut tout dabord faire appel ` a des techniques classiques en traitement du
signal (matrice de covariance du signal W
k
et du signal decale de , W
k+
). Nous mentionnerons ici un crit`ere
dessence moins lineaire portant sur linformation mutuelle contenue dans le signal. Partant de lhistogramme
T(W) des valeurs de W
k
= W puis de celui, T

(W

, W

), des couples (W
k
= W

; W
k+
= W

), avec
= 1, 2, . . .. on denit linformation mutuelle par
I
mut
() =

,W

(W

, W

) ln
_
T

(W

, W

)
T(W

)T(W

)
_
.
2 `
A titre dillustration, supposons quune courbe gauche (dimension 1) se presente en projection sur un plan (dimension 2)
sous laspect dun chire huit, pour resoudre sa structure, i.e. sassurer quelle ne presente pas point double, il faut pouvoir
changer dangle de vue et donc se placer dans un espace de dimension au moins 2 1 + 1 = 3.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 37
Figure 3.2 : Panneau le plus ` a gauche: simulation de
d
dt
Z = (1 +i)Z (1 i)|Z|
2
Z +(t) produisant un cycle limite
bruite de periode (schema de RungeKutta du 2nd ordre, pas de temps t = 0.01, bruit gaussien (t) damplitude
0.02, voir par exemple Press et al., Numerical Recipes, Cambridge, 1986). Panneaux suivants: reconstruction de
lobservable X(t) = Re(Z(t)) avec un intervalle dechantillonnage = 0.03 et = 5, 25 et 47. On observe bien un
optimum de reconstruction pour = 25, soit t = 0.75 /4.
Cette quantite mesure la redondance du signal, elle est elevee quand est petit car les points de lespace
des phases sont tr`es correles et connatre W
k
et W
k
+ simultanement ninforme pas mieux que lun ou
lautre separement.
3
Au contraire, quand 1, les points se decorr`elent, T

(W
k
, W
k+
) se rapproche de
T(W
k
)T(W
k+
), de sorte que linformation mutuelle tend vers zero. Linformation gagnee en considerant
simultanement W
k
et W
k
+ est alors la meme que lors dun tirage au hasard selon la loi de probabilite
de W
k
. Cependant si lobservable na pas ete sous-echantillonnee, linformation mutuelle ne decrot pas de
fa con monotone mais presente un minimum pour une valeur intermediaire
4
de =
opt
. Cest ` a ce minimum
relatif, minimum de redondance, que la prise en consideration simultanee de W
k
et W
k+opt
semble le mieux
renseigner sur levolution du syst`eme (gure 3.2). Si linformation mutuelle decrot de fa con monotone, il
est ` a craindre que le bruit soit trop fort ou/et que lobservable ait ete sous-echantillonnee au depart de sorte
que des degres de liberte eectifs en trop grand nombre et trop rapides mais signicatifs naient pas ete
correctement pris en compte dans les mesures. Toute les methodes que lon peut mettre en uvre ensuite
sont alors vouees ` a lechec. Pour une discussion plus poussee voir, e.g. [18].
Le param`etre ayant ete determine de fa con supposee optimale, on reechantillonne alors la serie
chronologique de en de fa con ` a eliminer linformation redondante contenue dans les valeurs intermediaires,
trop fortement correlees aux valeurs retenues.
5
Renumerotant lenregistrement ainsi ltre nous supposerons
= 1 et nous utiliserons directement la reconstruction (3.1.2). Il reste ` a determiner la dimension de plonge-
ment d
e
la plus appropriee. Une strategie ecace pour la choisir, appelee methode des faux voisins, est de
considerer la reconstruction de la dynamique avec une dimension dessai

d, i.e. [ W
k
; W
k+1
; . . . ; W
k+

d1
]
et la reconstruction de dimension (

d + 1) obtenue en ajoutant une composante W
k+

d
, puis de determiner
le nombre de faux voisins, cest ` a dire le nombre de paires de points qui sont voisins en dimension

d mais
qui ne le sont plus en dimension

d + 1, et daugmenter

d jusqu` a ce que la fraction de faux voisins devienne
negligeable. On aura alors convenablement deplie lattracteur.
3
Quand = 0, W

= W

de sorte que P
=0
(W

, W

) = P(W

). La quantite Imut(0) nest donc rien dautre que


linformation statistique I =

W
P(W) ln(P(W)) qui sert ` a la denition de la dimension dinformation.
4
Elle peut en presenter plusieurs mais seul le premier nous interesse, les suivants etant handicapes par laccumulation des
eets du bruit.
5
Pour etre ables, les calculs de dimension fractale par exemple supposent que le nombre de donnees satisfasse linegalite
d
f
2 log
10
(nt) o` u nt est le nombre de donnees (Ruelle, 1990). Dans cette estimation, il est naturellement plus lucide de faire
gurer le nombre qui resulte du reechantillonnage que de faire etat du nombre initial !
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 38
{W
k
,W
k+1
,...,W
k+d-1
}
W
k+d
~
~
faux voisin
vrai voisin
Figure 3.3 : Comparaison de la reconstruction dans un espace de dimension

d de coordonnees Y
k
= [W
k
, . . . , W
k+

d1
]
t
,
gure ici par laxe horizontal, et une reconstruction dans lespace de dimension

d+1 obtenue en ajoutant la coordonnee
W
k+

d
.
3.2 Synchronisation de syst`emes dynamiques
3.2.1 Syst`emes forces: cas general
Lidee de contr ole sexprime tout dabord (et plut ot brutalement!) ` a travers celle de for cage. Avant toute
chose, on peut dej` a dire que la reussite de loperation va sapprecier ` a laune de la stabilite globale de la
reponse, avant meme de savoir ce quest precisement cette reponse. En eet, le contr ole est clairement en
echec si le meme for cage ne conduit pas ` a une reponse unique resistant aux petites perturbations. Supposant
le temps continu et ecrivant
d
dt
X = F(X, t) , (3.2.3)
on etend facilement lapproche utilisee pour un for cage regulier (independant du temps ou periodique) en
determinant lequation gouvernant la distance entre deux trajectoires voisines par linearisation:
d
dt
X =
X
F
(0)
X (3.2.4)
o` u
X
F
(0)
est mis pour
X
F
(0)
(X
(0)
(t), t), matrice jacobienne de F calculee le long de la trajectoire de
reference X
(0)
(t) solution de (3.2.3) fonction de la condition initiale X
(0)
(0) = X
0
.
Dans les cas examines auparavant, on avait aaire ` a des probl`emes ` a coecients soit constants (stabilite
dun point xe) soit periodiques (analyse de Floquet de la stabilite dun cycle limite). Ici, la matrice
jacobienne
X
F
(0)
peut avoir une dependance temporelle arbitraire. Le probl`eme est exactement le meme
que pour la recherche des exposants de Lyapunov dun syst`eme autonome. La reponse est donc lineairement
stable si le plus grand exposant de Lyapunov tire de (3.2.4) est strictement negatif. Cette approche, reposant
sur une linearisation, est locale; le probl`eme de la stabilite globale de la solution trouvee et donc aussi celui
de letendue de son bassin dattraction sont autrement plus formidables.
3.2.2 Syst`emes couples
Dans ce qui suit, nous nous limitons au cas o` u le for cage resulte du couplage du syst`eme considere avec un
syst`eme autonome exterieur. Nous adoptons donc maintenant le point de vue suggere dans la remarque ` a la
n de 1.1.2, qui consiste ` a exprimer levolution du syst`eme considere X comme reponse ` a une excitation
externe X
(e)
gouvernee par
d
dt
X
(e)
= F
(e)
(X
(e)
) . (3.2.5)
Le syst`eme X force par X
(e)
secrit alors formellement
d
dt
X = F(X, X
(e)
) . (3.2.6)
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 39
Dans cette expression, X
(e)
est mis pour une realisation particuli`ere X
(e)
0
(t) du for cage. Cette approche
derive directement de lidee que contr oler le syst`eme X revient ` a essayer de lui dicter un comportement
deduit de celui dun autre syst`eme, ici note X
(e)
, suppose autonome mais dont la phase xee par ailleurs,
i.e. depend de letat qui initialise son evolution. Nous mettons le mot phase entre guillemets car ceci na
un sens bien clair qui pour un for cage periodique (une phase) et ` a la rigueur multi-periodique (un nombre ni
de phases). Dans le cas dun for cage chaotique, lorsque le syst`eme en X
(e)
a rejoint son attracteur, i.e. pour
une trajectoire particuli`ere issue dune condition initiale X
(e)
(t
0
) supposee prise en t
0
, sa sensibilite
aux conditions initiales et aux petites perturbations interdit que lon puisse donner une valeur reproductible
` a la phase: deux experiences distinctes mais preparees de la meme fa con ne peuvent etre realisees avec le
meme for cage considere comme fonction explicite du temps.
Il ny a rien de change quant ` a la notion de stabilite introduite plus haut. On doit etudier
d
dt
X =
X
F(X, X
(e)
)X,
o` u ninterviennent que les derivations par rapport aux composantes de X dans lexpression de la matrice
jacobienne
X
F(X, X
(e)
) calculee le long des trajectoires de reference en X
ref
et en X
(e)
ref
. Ceci permet de
determiner tout un spectre dexposants de Lyapunov conditionnels. Le qualicatif conditionnel est ajoute
pour bien montrer qu` a ce stade on ne sinteresse pas au syst`eme autonome complet X, X
(e)
mais seulement
au sous-syst`eme force, et donc pas ` a la sensibilite des trajectoires relativement aux conditions initiales en
X
(e)
et aux perturbations de la trajectoire correspondante gouvernee par (3.2.5). La stabilite locale de la
reponse (en X) au for cage suppose que le plus grand exposant de Lyapunov conditionnel soit negatif.
Ceci conduit immediatement ` a considerer le cas deux syst`emes identiques detats X
(1)
et X
(2)
couples ` a
un meme syst`eme for cant detat X
(e)
:
d
dt
X
(e)
= F
(e)
(X
(e)
) ,
d
dt
X
(1)
= F(X
(1)
, X
(e)
) ,
d
dt
X
(2)
= F(X
(2)
, X
(e)
) .
Lintroduction du second syst`eme, jumeau du premier, contourne la diculte mentionnee plus haut de
realiser deux experiences separees mais identiques du point de vue de X
(e)
en cas de for cage chaotique. Par
denition, le plus grand exposant de Lyapunov (conditionnel) determine levolution de la distance entre les
deux trajectoires initialement voisines X et X

= X+X. Transpose au cas present, cet exposant rend donc


compte du taux de croissance de la distance (supposee innitesimale) |X
(1)
X
(2)
| entre les trajectoires
des deux sous-syst`emes. Lorsquil est positif, ceux-ci secartent exponentiellement. Lorsquil est negatif, la
distance tend vers zero quand t tend vers linni, de sorte que les deux syst`emes evoluent de fa con synchrone
sous leet du couplage (sans que lon dise quoi que ce soit de levolution comparee du syst`eme matre et de
ses esclaves).
La demonstration ne vaut a priori que si les conditions initiales des deux sous-syst`emes sont assez
voisines (stabilite locale). Si lattracteur du syst`eme force est unique, apr`es extinction dun transitoire,
ceux-ci peuvent eectivement evoluer de fa con synchrone. Si le syst`eme force admet plusieurs attracteurs,
cette synchronisation ne peut, au mieux, se produire que pour des conditions initiales appartenant au meme
bassin dattraction. De toute fa con, pour prouver de telles assertions ` a caract`ere global il faudrait etre
techniquement capable de generaliser lapproche en termes de fonctions de Lyapunov au cas non lineaire,
non autonome.
3.2.3 Synchronisation de syst`emes identiques
En pratique, nous sommes plus particuli`erement interesses, non pas par le cas de deux sous-syst`emes qui
feraient la meme chose (incontr olee) sous linuence dun for cage particulier mais plut ot par celui dun
syst`eme dont le comportement serait dicte par un syst`eme de structure compatible avec une synchronisation
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 40
` a lidentique: X(t) = X
(e)
(t) ` a tout instant. Une premi`ere fa con dassurer cette compatibilite consiste ` a
coupler deux syst`emes de meme structure et den identier un, detat X
(e)
comme syst`eme de commande,
d
dt
X
(e)
= F(X
(e)
) , (3.2.7)
lautre, detat X, etant gouverne
d
dt
X = F(X) +F
c
(X, X
(e)
) , (3.2.8)
avec un couplage F
c
(X, X
(e)
) garantissant la possibilite de synchronisation ` a lidentique, soit F
c
(X, X) 0,
e.g. un feed-back F
c
(X, X
(e)
) = K(X
(e)
X).
Une seconde strategie consiste ` a toujours partir de deux syst`emes de structure initialement identiques,
soit (1)
d
dt
X
(e)
= F(X
(e)
) et (2)
d
dt
X = F(X). Elle repose sur la substitution dans le syst`eme esclave (2)
de certaines variables correspondantes du syst`eme matre (1). La substitution peut etre partielle ou totale:
X
i
(t) X
(e)
i
(t) pour un i particulier ` a certains endroits du syst`eme (2) ou lors de toutes les apparitions de
cette variable. Pour linstant, nous ecrirons formellement
d
dt
X = F
mod
(X, X
(e)
) (3.2.9)
sans plus preciser le lien exact entre F et F
mod
car la variete des possibilites est grande (nous y reviendrons).
Ce type de liaison qui realise un couplage de nature dierente de celui obtenu par (3.2.8) autorise aussi,
par construction, la synchronisation ` a lidentique puisquon est encore ramene ` a lintegration en parall`ele de
deux syst`emes identiques partant dune meme condition initiale.
Dans la suite nous garderons (3.2.7,3.2.9) comme expression formelle du probl`eme considere, obser-
vant que lon peut ecrire (3.2.6) sous la forme (3.2.8) avec le choix particulier F
mod
(X, X
(e)
) = F(X) +
F
c
(X, X
(e)
), avec F
c
(X
(e)
, X
(e)
) 0 par construction puisque F
mod
(X
(e)
, X
(e)
) F(X
(e)
).
Synchronisation forte/faible. Procedant au calcul du plus grand exposant de Lyapunov conditionnel
(donc du syst`eme en X force) on doit donc etudier le comportement de lequation aux variations
d
dt
X =
X
F
mod
(X, X
(e)
)X. (3.2.10)
Il reste ` a preciser la trajectoire en X que lon consid`ere. Si lon sinteresse ` a la synchronisation ` a lidentique,
possible par construction du mod`ele (3.2.7,3.2.9), la matrice jacobienne
X
F
mod
(X, X
(e)
) fait intervenir
une trajectoire de reference en X
ref
(t) X
(e)
ref
(t) par hypoth`ese. Si le plus grand exposant de Lyapunov du
syst`eme modie relatif ` a cette trajectoire de reference est negatif (le plus grand exposant de Lyapunov relatif
` a cette meme trajectoire mais pour le syst`eme exterieur F
(e)
est quant ` a lui positif si elle est chaotique), la
synchronisation ` a lidentique est (localement) stable. Cest un regime observable possible. Si au contraire il
est positif, les perturbations ` a la trajectoire correspondante sont ampliees et le syst`eme couple adopte un
autre regime o` u X nest plus synchronise avec X
(e)
.
Comme lors de letude generale des syst`emes couples o` u F
(e)
(X
(e)
) nentretenait aucun lien particulier
avec F(X, X
(e)
), il se peut que le plus grand exposant du syst`eme soit negatif pour des trajectoires de
reference en X autres que X X
(e)
. Ce caract`ere negatif exprime simplement le fait que deux trajectoires
X(t) et X

(t) soumises au meme for cage X


(e)
(t), initialement susamment voisines, convergent asympto-
tiquement lune vers lautre mais cela nimplique pas que ces trajectoires convergent vers le for cage impose.
Reproduisant le raisonnement fait alors on en deduit que les deux syst`emes
d
dt
X
(1)
= F
mod
(X
(1)
, X
(e)
) , (3.2.11)
d
dt
X
(2)
= F
mod
(X
(2)
, X
(e)
) . (3.2.12)
admettent une solution synchrone localement stable mais que cette solution evolue dieremment du for cage.
Pour distinguer les deux types de synchronisation, on appelle synchronisation forte la synchronisation entre
un matre et son esclave et synchronisation faible ou generalisee la synchronisation de deux esclaves dun
meme matre, sans que ceux-ci evoluent ` a limage de ce dernier.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 41
Variete de synchronisation. Considerons la synchronisation forte de deux syst`emes identiques couples
et notons d leur dimension La dimension du syst`eme complet est 2d et la condition de synchronisation
secrit X = X
(e)
, soit d relations. Lensemble limite correspondant, stable ou instable, sinscrit donc sur une
sous-variete dune variete de synchronisation de dimension d de lespace des phases.
Examinons par exemple le cas du for cage par remplacement total dune variable X
1
du syst`eme for cant
note (e) dans lautre, et appelons X

lensemble des autres variables. La dynamique du syst`eme for cant


est alors naturellement gouvernee par
d
dt
X
(e)
1
= T
1
(X
(e)
1
, X
(e)

),
d
dt
X
(e)

= F

(X
(e)
1
, X
(e)

),
et cette du syst`eme force (X
1
(t) X
(e)
1
(t))
d
dt
X

= F

(X
(e)
1
, X

),
La dynamique du syst`eme dont les variables sont X
(e)
1
, X
(e)

et X

se deploie dans un espace de dimension


2d 1, sous-variete de lespace des phases originel de dimension 2d. La synchronisation quand elle a lieu se
traduit par X

(t) = X
(e)

(t) soit d1 conditions, ce qui denit une sous-variete de dimension 2d1(d1) =


d. La stabilite de la solution synchronisee correspond ` a la stabilite de la variete de synchronisation vis ` a vis
de perturbations transverses (dans d 1 directions).
La substitution de variable peut egalement netre que partielle, X
(e)
1
ne rempla cant pas X
1
partout o` u
cette derni`ere variable apparat dans le syst`eme force. Dans ce cas, X
1
reste une variable du probl`eme et
la dimension du syst`eme couple 2d. La synchronisation ` a lidentique est bien evidemment toujours possible.
Elle se traduit par X = X
(e)
soit d relations. La dimension de la variete de synchronisation est toujours d
mais lespace transverse est maintenant lui aussi de dimension d.
Revenons au cas general de deux sous-syst`emes identiques et considerons le probl`eme de leur synchroni-
sation faible. On peut dire quapr`es elimination des transitoires la reponse en X au temps t est conditionnee
par letat de X
(e)
au meme instant, de sorte que lon peut formellement ecrire X = (X
(e)
), ce qui denit
une variete de synchronisation non triviale (dont on ne sait pas determiner lexpression analytique).
Comme dans le cas des syst`emes couples generaux, la synchronisation faible est plus apparente si lon
consid`ere un syst`eme constitue de trois elements: un matre et deux esclaves identiques. En plus dun
regime compl`etement desynchronise, on peut donc observer les deux regimes possibles de synchronisation.
Prenons en eet le syst`eme (3.2.5,3.2.11,3.2.12). Sa dimension est 3d. Le spectre de Lyapunov conditionnel
est degenere 2 fois: par raison de symetrie on a en eet un spectre par sous-syst`eme esclave. Si le plus
grand exposant de Lyapunov correspondant ` a la trajectoire de reference du syst`eme en X
(e)
, soit X
(1)
(t) =
X
(2)
(t) X
(e)
(possible par construction), est negatif, la solution compl`etement synchronisee est localement
stable. La variete de synchronisation correspondante, triviale, denie par X
(1)
= X
(e)
= X
(2)
, donc de
dimension 3d 2d = d, est attractive (la dimension de lattracteur du syst`eme est egale ` a la dimension de
celui du syst`eme matre en X
(e)
). Dans le cas contraire (exp. de Lyapunov positif) elle est instable mais il
peut se faire que lexposant conditionnel maximal dune autre trajectoire X
(1)
(t) sous linuence du meme
for cage X
(e)
(t) soit negatif. La solution o` u les deux esclaves sont synchronises X
(1)
(t) = X
(2)
(t) , X
(e)
, est
alors localement stable. La dynamique se developpe sur une variete de synchronisation de dimension 2d. On
peut envisager dutiliser lexistence dune relation xe mais non triviale du type precedent entre matre et
esclave pour crypter/decrypter des messages.
Ce qui vient detre decrit vaut aussi bien pour le syst`eme ` a temps continu que nous avons utilise pour
introduire le probl`eme que pour un syst`eme ` a temps discret. Illustrons le phenom`ene ` a laide dapplications
logistiques couplees. Nous partons donc de:
X
e
n+1
= ((X
e
n
),
X
(1)
n+1
= (1 k)((X
(1)
n
) + k((X
e
n
),
X
(2)
n+1
= (1 k)((X
(2)
n
) + k((X
e
n
),
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 42
0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7
0.4
0.2
0.0
0.2
0.4
0.6
k k
si
k
sg

max
synchronisation
lidentique
synchronisation
gnralise
Figure 3.4 : Exposant de Lyapunov conditionnel pour les iterations logistiques couplees de fa con unidirectionnelle.
avec
((X) = 4X(1 X) ,
la constante de couplage veriant 0 k 1.
Lexposant de Lyapunov de literation logistique calcule selon la formule (2.3.13) vaut ln(2). Il est facile
de calculer de la meme fa con lexposant de Lyapunov conditionnel du syst`eme (j), j = 1, 2, pour la trajectoire
synchronisee ` a lidentique. On trouve immediatement que chaque derivee est multipliee par (1 k) et donc
pour lexposant de Lyapunov:
si
= ln(2) + ln(1 k) (lindice si signiant synchronisation ` a lidentique).
Ce dernier sannule donc pour k = k
si
= 1/2. Pour k > 1/2 il est negatif et la solution synchronisee est
stable. Pour k < 1/2 elle est instable. Pour dautres trajectoires il faut faire le calcul en simulant levolution
` a partir dune condition initiale arbitraire. La gure 3.4 presente le resultat. On y observe que lexposant
conditionnel est positif pour k < k
sg
0.33 (indice sg pour synchronisation generalisee) et negatif au del` a.
La gure 3.5 presente X
(1)
fonction de X
(e)
(haut) et X
(2)
fonction de X
(1)
(bas) pour dierentes valeurs
de k apr`es elimination dun long transitoire. Pour k = 0.10, notablement inferieur ` a k
sg
, les deux esclaves
evoluent separement de fa con chaotique. La tendance ` a la synchronisation generalisee sobserve pour k = 0.31
(fuseau de points autour de la diagonale X
(1)
= X
(2)
. Le cas k = 0.42 correspond au maximum de stabilite
0.2 0.4 0.6 0.8
0.2
0.4
0.6
0.8
1
0.2 0.4 0.6 0.8
0.2
0.4
0.6
0.8
1
0.2 0.4 0.6 0.8
0.2
0.4
0.6
0.8
1
0.2 0.4 0.6 0.8
0.2
0.4
0.6
0.8
1
0.2 0.4 0.6 0.8
0.2
0.4
0.6
0.8
0.2 0.4 0.6 0.8
0.2
0.4
0.6
0.8
Figure 3.5 : Trajectoires dans lespace des phases du syst`eme dequations logistiques couplees de fa con unidirection-
nelle. De gauche ` a droite: k = 0.10, 0.31, 0.42; en haut: X
(1)
k
fonction de X
(e)
k
; en bas: X
(2)
k
fonction de X
(1)
k
.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 43
de la synchronisation generalisee. On observera que la projection de lattracteur dans le plan (X
(e)
, X
(1)
)
change tr`es contin ument avec lintensite du couplage et ne manifeste rien de particulier ` a lapparition de la
synchronisation generalisee. La synchronisation forte X
(1)
= X
(2)
= X
(e)
obtenue pour k > 1/2 na pas
ete representee. Le caract`ere global des synchronisations observees est un fait dexperience qui nest pas
demontrable par lapproche locale suivie jusqu` a present. Lunicite de lattracteur du syst`eme matre-esclave
en est une condition necessaire.
Remarque : couplage bidirectionnel de sous-syst`emes identiques. Il est conceptuellement facile
de passer du couplage unidirectionnel (sans retour detat, one-way) au couplage mutuel (two-way). Le
syst`eme global est alors compose de deux (ou plusieurs) sous-syst`emes en quelque sorte remis sur un pied
degalite, meme si le couplage nest pas symetrique ou si les sous-syst`emes ne sont pas strictement identiques.
On secarte alors encore plus du domaine strict du contr ole pour retourner ` a celui des syst`emes dynamiques
en general. Pour une assemblee de N sous-syst`emes eventuellement dierents,
6
la dimension totale est
d =

N
j=1
d
j
, o` u d
j
est la dimension du sous-syst`eme (j). Si les sous-syst`emes sont identiques, on garde la
notion de variete de synchronisation ` a lidentique pourvu que
d
dt
X
(j)
= F
(j)
(X
(j)
, X
(j

)
), j, j

= 1, . . . N,
admette la solution particuli`ere X
(1)
= X
(j)
, j = 2, . . . N, ce qui est trivialement realise si
F
(j)
(X, Y = X) F(X).
Un exemple simple est fourni par
d
dt
X
(j)
= F(X
(j)
) + C

j=j
(X
(j

)
X
(j)
),
o` u C est une constante de couplage, ce qui denit un syst`eme globalement couple. Pour des sous-syst`emes
disposes en anneau couples par diusion on aurait de meme:
d
dt
X
(j)
= F(X
(j)
) + C(X
(j+1)
2X
(j)
+X
(j1)
), j = 1, . . . N,
j 1 etant pris modulo N. En cas de synchronisation ` a lidentique, la dynamique asymptotique se developpe
alors sur une variete denie par N 1 conditions de la forme X
(1)
= X
(j)
, j = 2, . . . N. Si d est la dimension
dun sous-syst`eme et si lon a N sous-syst`emes, la dimension de lespace des phases est Nd et lon a (N1)d
relations, ce qui denit bien une variete de dimension d, sur laquelle la dynamique est gouvernee par F. La
stabilite de letat synchronise se discute relativement aux uctuations dans lespace transverse de dimension
(N 1)d. Lorsquil est stable, lattracteur du syst`eme complet est alors totalement inscrit sur la variete de
synchronisation.
3.3 La methode du feed-back retarde
Lidee de stabiliser une periode en for cant le syst`eme par un signal decart decale dans le temps de la periode
cherchee est, dans sa philosophie, assez dierente de ce qui a ete considere jusqu` a present. Cest la raison
pour laquelle nous commencerons par enoncer quelques generalites sur les syst`emes ` a retard, 3.3.1. Celles-ci
seront utiles pour mieux comprendre la theorie sous-jacente ` a la methode, 3.3.2, meme si, et cest l` a son
principal attrait pour les applications, on peut la faire fonctionner sans mod`ele a priori des phenom`enes que
lon cherche ` a contr oler.
6
Ici, N est suppose petit, voire tr`es petit, e.g. seulement 2. Le cas N grand est du ressort de la physique statistique et ne
sera pas aborde dans ce qui suit.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 44
3.3.1 Syst`emes `a retard
Jusqu` a present nous navons considere que des syst`emes dont levolution depend exclusivement de linstant
present. Introduisant des interactions retardees, nous supposons que la vitesse
d
dt
X depend de X evalue au
temps t ainsi qu` a un instant anterieur t T:
d
dt
X(t) = F
_
X(t), X(t T)
_
. (3.3.13)
Le probl`eme ainsi pose requiert pour condition initiale la donnee de X sur tout un intervalle [T, 0]. Pour
sen convaincre il sut decrire son approximation aux dierences nies par un schema dEuler explicite du
premier ordre:
X(t
k+1
) = X(t
k
) + t F
_
X(t
k
), X(t
kn
)
_
, (3.3.14)
o` u t
k
= t
0
+ k t et T = nt: cette iteration ne peut demarrer que si lon donne une suite de n + 1 valeurs,
X(t
0
), X(t1),. . . , X(t
n
). Les etats X(t
0
) et X(t
n
) sont necessaires au calcul de X(t
1
). Le calcul de
X(t
2
) va necessiter la connaissance de X(t
1
) juste calcule et de X(t
n+1
), etc. Le nombre de degres de
liberte etant egal au nombre de valeurs requises pour specier une trajectoire, on peut donc dire que le
syst`eme dierentiel ` a retard est de dimension innie puisqu` a la limite t 0, n tend vers linni ` a T xe.
En fait le nombre eectif de degres de liberte est beaucoup plus petit. Ceci resulte de la coherence
temporelle introduite par loperateur dierentiel lui-meme, similaire dans ses eets ` a la coherence spatiale
` a luvre dans les syst`emes decrits par des equations aux derivees partielles. Par souci de simplicite nous
discuterons cette propriete dans le cas scalaire o` u (3.3.13) est pris sous la forme:
d
dt
X(t) = X(t) +T
_
X(t T)
_
. (3.3.15)
Le premier terme au membre de droite rend compte dune relaxation lineaire de X vers la valeur dequilibre
X = 0 avec un temps de relaxation norme ` a lunite. Lallure typique du terme de for cage retarde T(X),
essentiellement non-lineaire, est presentee sur la gure 3.6.
0.0 0.5 1.0 1.5
0.0
0.5
1.0
1.5
X
F(X)
Figure 3.6 : Allure typique du membre de droite dun syst`eme retarde (3.3.15), par exemple le mod`ele de pathologie
sanguine d u ` a Mackey et Glass: F(X) = aX/(1 + X

), ici avec a = 1.5 et = 10.


Examinons la stabilite des solutions stationnaires, points xes de (3.3.15) solutions de X
f
= T (X
f
).
Inserant X = X
f
+ X dans (3.3.15), au premier ordre en X, on obtient
d
dt
X = X + g X(t T) (3.3.16)
avec g =
X
T(X
f
).
7
On peut chercher la solution sous la forme
X(t) = X(0) exp(st)
7
On notera pour la suite que X
f
et g sont independants de T.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 45
avec s solution de
s = 1 + g exp(sT) . (3.3.17)
En depit du fait quil sexprime ` a laide dune seule variable dependante, le probl`eme est de dimension innie
de sorte quil faut supposer s complexe a priori. Posant s = s

+ is

, et separant partie reelle et partie


imaginaire, on recrit (3.3.17) sous la forme
s

= 1 + g exp(s

T) cos(s

T) , (3.3.18)
s

= g exp(s

T) sin(s

T) . (3.3.19)
Le probl`eme qui se pose maintenant est relatif ` a lexistence de solutions avec s

0 lorsque T augmente.
Considerons tout dabord le cas dun mode stationnaire (s

= 0). Lequation (3.3.19) est identiquement


satisfaite alors que lequation (3.3.18) se reduit ` a s

= 1 + g exp(s

T). Le retard T etant xe, il facile de


voir graphiquement quil nexiste de solution s

0 que si g > 1. Pour des fonctions de retard T qui ont


lallure de celle illustree sur la gure 3.6, il est clair que le point xe trivial X
f
= 0 est instable alors que le
point xe non trivial, avec g < 0 < 1, est stable (vis ` a vis dun mode stationnaire car s

= 0 par hypoth`ese).
Examinons maintenant le cas dun mode oscillant (s

,= 0). Un raisonnement analogue au precedent


montre que, pour des racines complexes, (3.3.18) implique [s

+ 1[ < [g[ exp(s

T), de sorte quil ne peut y


avoir de racines avec s

> 0 si [g[ < 1. Au contraire si g < 1 des modes instables oscillants peuvent exister.
Les points de bifurcation sont donnes par s

= 0, soit
1 = g cos(s

T) et s

= g sin(s

T) ,
dont les solutions secrivent:
s

T = arccos(1/g) + 2k avec s

= g sin(arccos(1/g)) .
g etant donne (cf. note 7) tel que 1 < 1/g < 0, la condition T > 0 conduit ` a ne retenir quune seule serie
de solutions:
T
k
=
arccos(1/g) + 2k
[g[ sin(arccos(1/g))
. (3.3.20)
Travaillant ` a T croissant on rencontre la premi`ere instabilite pour k = 0, valeur ` a laquelle nous nous limiterons
dans ce qui suit. Il est facile de montrer que ce mode neutre est le point de depart dune branche instable.
La variation du taux de croissance de ce mode instable est plus facile ` a obtenir en variant g ` a T constant
et susamment grand. En eet, les solutions en T de (3.3.17) correspondant aux modes instables devraient
etre tels que s

T reste sensiblement constant pour que le terme exponentiel ne tue pas le membre de droite
de (3.3.18) car sinon on aurait s

1, ce qui contredirait lhypoth`ese s

> 0.
`
A des corrections dordre
1/T pr`es, le probl`eme pour g

= g +g et s

,= 0 est donc le meme que celui pour g sauf quil faut remplacer
g par (g + g) exp(s

T). La persistance dune solution (g + g, s

> 0, s

, T
k
) derivant par continuite dun
mode neutre donne conduit donc directement ` a la condition g = (g + g) exp(s

T), qui donne


s

T log(1 + g/g) g/g ,


i.e. le taux de croissance sannule et change de signe comme g.
Le diagramme de bifurcation, les exposants de Lyapunov et lentropie peuvent etre determines
experimentalement sur des mod`eles concrets, tels celui de la gure 3.6. Dans la limite T grand, on ob-
serve une croissance lineaire du nombre dexposants positifs, chacun variant comme 1/T, comportement que
lon peut relier de fa con heuristique aux proprietes des modes lineairement instables etudiees plus haut. En
eet, de (3.3.20), g etant xe, on peut voir que le nombre de modes lineairement instables crot lineairement
avec le retard T mais que le taux de croissance varie comme 1/T quand T augmente, ce qui est d u au fait que
la dynamique decrite par (3.3.13) place une contrainte sev`ere sur la solution puisquelle force une relation
entre la valeur de X en des instants eloignes dans le temps, ce qui temp`ere la tendance ` a diverger. Trans-
posant largument aux exposants de Lyapunov, on en deduit immediatement que lentropie reste sensiblement
constante avec T puisque cest la somme de T exposants positifs variant tous comme 1/T.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 46
3.3.2 La methode de Pyragas
Cette introduction relative ` a la stabilite dun point xe dun syst`eme ` a retard ` a temps continu va maintenant
etre etendue au cas des orbites periodiques, non pas en toute generalite mais seulement dans le contexte
particulier dun syst`eme admettant une orbite periodique instable auquel une correction sera appliquee
au moyen dun for cage fonction dune observable mesuree ` a un instant anterieur. Ceci va permettre de
developper une methode de stabilisation des orbites instables cachees au sein dun attracteur chaotique.
Comparativement ` a la methode OGY etudiee plus loin, son principal interet est de reposer sur la
determination dune observable sans connaissance a priori sur le syst`eme considere et ne pas necessiter
de traitement preliminaire tr`es sophistique des donnees. Nous nous interesserons ici plut ot aux conditions
dans lesquelles cette methode peut marcher (cf. contribution de W. Just, Ch. 2 de [32]).
Soit donc un syst`eme autonome decrit par
d
dt
X = F(X) , (3.3.21)
et une observable J(X) produisant une serie chronologique
W(t) = J
_
X(t)
_
(3.3.22)
qui va servir au contr ole. Nous supposons en outre que le syst`eme non contr ole admet une orbite periodique
instable X
(0)
(t) de periode T, i.e. X
(0)
(t +T) X
(0)
(t), o` u ici, comme la suite de cette section, le (0) en
exposant indique une propriete associee au syst`eme non corrige.
Le signal de contr ole f(t) determine ` a partir de la mesure W(t) doit etre nul d`es que le syst`eme suit
lorbite desiree et modier le syst`eme de depart de fa con appropriee en proportion de lecart. Traduisant le
principe de la methode decrit plus haut, on peut donc prendre simplement une correction proportionnelle
` a (W(t) W(t T)). Formellement, cette correction est en fait une fonctionnelle denie sur lespace des
phases, soit
Kf(t; T) = K[J(X(t)) J(X(t T))] (3.3.23)
o` u lon a explicitement mis en evidence un param`etre de gain K et le fait que la correction fait intervenir
la mesure de lobservable W en deux instant separes de T. Ce choix nest quune forme particuli`erement
simple dune expression plus generale
f(t) =
_

0
(t

)[J(X(t t

)) J(X(t T t

))]dt

, (3.3.24)
o` u est un noyau integral venant ponderer la correction sur un voisinage de linstant courant t, le choix
(t) = (t) restituant lexpression anterieure. Au stade o` u nous nous pla cons, il est dailleurs loisible
dimaginer des feed-backs arbitrairement compliques pour autant quils preservent la trajectoire periodique
choisie, i.e. f 0 si X(t) X
(0)
(t) (voir plus loin).
Il resterait ` a dire comment ce signal agit sur le syst`eme, par exemple en modiant lune des composantes
du champ de vecteurs. Comme le but est de developper une strategie de contr ole aussi independante que
possible de la modelisation concr`ete du syst`eme considere, nous en resterons au niveau formel et nous ecrirons
le syst`eme corrige simplement sous la forme
d
dt
X = F
m
(X; K, T, f) , (3.3.25)
o` u K et T sont l` a pour rappeler les deux param`etres de la modication et f sa dependance fonctionnelle.
Dans la suite nous omettrons ces mentions explicites, lindice m susant ` a rappeler leur presence.
Par construction on a donc
d
dt
X
(0)
= F
m
(X
(0)
) F(X
(0)
)
puisque X
(0)
est periodique de periode T et que la correction sannule (f 0). On va sinteresser au voisinage
de cette solution et supposer de petit ecarts, donc [f[ petit, ce qui permet de lineariser le probl`eme.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 47
Par hypoth`ese, X
(0)
est solution instable du probl`eme de depart. Le spectre du linearise de F autour
de X
(0)
admet donc au moins un multiplicateur de Floquet
(0)
en dehors du disque unite ou, de fa con
equivalente, au moins un exposant de Floquet s
(0)
=
(0)
+ i
(0)
tel que
(0)
= exp(s
(0)
T), ` a partie reelle

(0)
positive (cf. 1.2.3 et plus particuli`erement p. 8). Nous supposerons que la dimension eective du
probl`eme est susamment basse pour que la solution ne soit instable que vis ` a vis dun seul mode. La
question qui se pose est alors de savoir ` a quelle condition on peut rendre stable la solution X
(0)
du probl`eme
corrige en (K, T, f).
Soit X = XX
(0)
une petite perturbation, il vient
d
dt
X =
X
F
m
(X
(0)
) X
+ K
f
F
m
(X
(0)
) [
X
J(X
(0)
)(X(t) X(t T))],
o` u
X
F
m
represente la matrice jacobienne de F
m
calculee le long de X
(0)
(t). Ce probl`eme se presente
sous la forme dun syst`eme dierentiel lineaire ` a retard dont les coecients dependent du temps ` a travers
X
(0)
(t). Se guidant sur letude de la stabilite du point xe, 3.3.1, on cherche la solution sous la forme
X(t) = U(t) exp(st), U periodique de periode T, comme pour une analyse de Floquet ordinaire. On
trouve:
d
dt
U+ sU =
_

X
F
m
(X
(0)
) + K
_
1 exp(sT)

f
F
m
(X
(0)
)
X
J(X
(0)
)
_
U, (3.3.26)
Supposons calcules les exposants de Floquet du probl`eme, soit s(K) = (K)+i(K). Ceux-ci seront solution
dune equation de la forme:
s(K) (K) + i(K) = H(K
_
1 exp(sT)
_
) (3.3.27)
car K
_
1 exp(sT)
_
est la combinaison par laquelle le retard T, lintensite K et le taux de croissance s
interviennent au membre de droite de (3.3.26). En labsence de contr ole, i.e. K = 0, on retrouve le probl`eme
initial F
m
(X; K 0, T, f) F(X). On doit donc avoir H(0) = s
(0)
=
(0)
+ i
(0)
, avec
(0)
> 0 (orbite
periodique de reference supposee instable). Le but de la correction est de diminuer la partie reelle (K)
en ecartant K de zero jusqu` a la rendre negative. Admettant que lon puisse developper s(K) en serie de
Taylor, au premier ordre on obtient
s + i =
(0)
+ i
(0)
gK
_
1 exp(( + i)T)

, (3.3.28)
o` u le coecient g = g

+ ig

, a priori complexe, rend compte des particularites de la dynamique le long


de lorbite de reference et de leet de la correction f (le signe devant g est introduit par commodite).
Empiriquement, on peut determiner
(0)
et
(0)
en etudiant le voisinage de lorbite de reference et tirer les
param`etres g

et g

des eets dune petite correction K.


Nous nous limiterons au cas o` u la variete instable de lorbite periodique est unidimensionnelle en section
de Poincare. En pratique, ce cas est assez frequent dans les syst`emes de basse dimensionnalite. En eet, en
dimension deux le crit`ere de Bendixon stipule quil ne peut y avoir de cycle limite totalement inclus dans une
region de lespace des phases o` u la divergence du champ de vecteurs ne change pas de signe. Ceci setend
aisement en dimension plus elevee et conduit ` a labsence de tores invariants pour les syst`emes dissipatifs
dont le jacobien reste negatif dans toute la region de lespace des phases dinteret (i.e. partout pour le
mod`ele de Lorenz en dimension trois, la divergence du champ de vecteur etant constante et negative dans
tout lespace). Or qui dit tore invariant suppose linstabilite du cycle par une paire dexposants complexes
conjugues. Si le motif invoque rend la chose peu frequente, il devient legitime de se limiter ` a la consideration
dun mode instable reel.
Particularisons donc maintenant le cas dune orbite periodique instable selon une seule direction, soit

(0)
= 1, ou encore
(0)
= 0 ou /T, ce qui simplie le probl`eme en annulant la partie imaginaire de g
dans (3.3.28), la rapproche de (3.3.17) vue lors de letude de la stabilite dun point xe, et permet de letudier
de fa con parall`ele.
`
A ce stade, il est interessant de passer ` a des variables adimensionnees en prenant T pour
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 48
echelle de temps, donc en eectuant les changements T ,
(0)
T
(0)
, T ,
(0)
T
(0)
et en
renommant la constante de couplage Kg

T K. Separant partie reelle et partie imaginaire nous obtenons:


=
(0)
K(1 exp() cos()), (3.3.29)
=
(0)
K exp() sin(). (3.3.30)
Examinons tout dabord le cas
(0)
= 0. Pour K petit, lequation (3.3.30) nadmet que la solution
evidente = 0. Par report dans (3.3.29) on obtient =
(0)
K(1 exp()) qui na de solution que
pour > 0; il napparat donc pas possible de stabiliser une orbite sujette ` a une instabilite synchrone. On
notera cependant que ce type dorbite sintroduit en general par bifurcation nud-col qui gen`ere en meme
temps une orbite jumelle stable sur la meme variete. Pour resoudre le probl`eme, il sut dobliger le syst`eme
` a suivre cette orbite stable voisine!
Considerons maintenant le cas
(0)
= , lorbite de reference a donc subi une bifurcation sousharmonique.
Posant = + , nous pouvons recrire (3.3.29,3.3.30) sous la forme
=
(0)
K[1 + exp() cos()], (3.3.31)
= K exp() sin(). (3.3.32)
La solution evidente de (3.3.32), = 0 permet maintenant de resoudre (3.3.31) pour = 0. Augmentant
K on diminue qui atteint zero pour K = K
inf
=
(0)
/2 et devient negatif au del` a: lorbite est stabilisee.
Si lon continue ` a augmenter K, decrot jusqu` a une valeur en dessous de laquelle lequation na plus de
solution reelle. Ceci se voit plus facilement en resolvant en K fonction de plut ot que linverse:
K =

(0)

1 + exp()

exp (
(0)
)
exp() + 1
.
En eet, lorsque negatif augmente en valeur absolue, K passe par un maximum positif avant de decrotre
vers zero lorsque . Ce maximum est atteint pour := racine de + exp( ) =
(0)
1 et vaut

K = exp( ), soit = ln(



K). Cette perte de solution reelle ne veut pas dire quil ny a plus de solution
du tout mais que le syst`eme (3.3.31,3.3.32) doit etre considere avec ,= 0, i.e. des racines complexes. En
K =

K apparaissent des oscillations amorties (car < 0): le nud stable devient foyer stable passant par le
stade de nud impropre. Le taux damplication, negatif, de ces oscillations augmente quand K augmente.
En K = K
sup
il devient positif, de sorte quelles divergent exponentiellement, le foyer est devenu instable.
En ce point le cycle limite echappe au contr ole.
`
A la bifurcation on a = 0 et ,= 0 de sorte quil faut
revenir ` a (3.3.31,3.3.32) pour trouver K = K
sup
avec un correspondant non trivial, soit ` a resoudre:
0 =
(0)
K[1 + cos()], = K sin(),
o` u encore:

(0)
=

tan
_
1
2

_, K
sup
=

sin()
.
Lorbite est donc contr olable pour K
inf
< K < K
sup
, le taux damortissement etant maximum lorsque K
atteint la valeur

K o` u la relaxation devient oscillante. Lintervalle sur lequel le contr ole est possible nest
non vide que si < 0. Revenant ` a la condition qui xe on observe que = 0 est obtenu pour
(0)
= 2.
La stabilisation est donc possible si le taux dinstabilite relative de lorbite de reference est susamment
modere, i.e.
(0)
< 2. Ceci signie que, sur un tour dorbite, les perturbations nont pas ete trop fortement
ampliees car il faut se souvenir que
(0)
a ete mis ` a lechelle par T tout au long de ce calcul.
Des strategies ont ete developpees pour tenter de stabiliser des orbites trop instables relativement ` a leur
duree. Elles consistent principalement ` a rappeler le syst`eme vers ce quil valait non seulement ` a la periode
precedente mais egalement ` a des periodes anterieures. Ceci peut etre realise en introduisant dans lexpression
(3.3.24) de f un noyau de la forme (t

) =

n=0,...
a
n
(t nT).
Un autre probl`eme resulte de lajustement de la duree du retard ` a la periode de lorbite instable. Nous
avons suppose jusqu` a present que celui-ci etait realise exactement. Ce nest qu` a cette condition que lorbite
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 49
consideree solution de
d
dt
X = F(X) est aussi une solution de
d
dt
X = F
m
(X) pour K ,= 0. Gardant T
pour valeur de la periode du cycle considere, si le for cage est realise avec un retard T

leg`erement dierent
de T, on comprend aisement que, par continuite, le probl`eme corrige
d
dt
X = F
m
(X; K, T

, f) va admettre
une solution periodique leg`erement modiee, de periode (K, T

), qui tend contin ument vers le cycle de


reference considere quand T

tend vers T. En outre, toujours par continuite, si le feed-back stabilise ce cycle


de reference, pour T

T il stabilisera aussi la solution periodique du syst`eme (mal) corrige.


3.4 La methode OGY
Lexpose suit en gros le chapitre introductif ecrit par Grebogi et Lai dans [32]. En toute generalite, linstabilite
de letat dun syst`eme se traduit par divergence des trajectoires voisines, quelle que soit la nature de letat
en question, stationnaire, periodique ou chaotique. Pour contrer cette instabilite, il sut, toutes les fois
o` u le syst`eme secarte de letat considere de lui appliquer une pichenette qui le ram`ene l` a o` u on lattend.
Lidee sous-jacente ` a la methode de Ott, Grebogi et Yorke (OGY) est de determiner cette perturbation de
la trajectoire comme si elle resultait dune variation du param`etre de contr ole [25].
Illustration du principe.
`
A titre dexemple simple, examinons le cas du maintien des trajectoires dun
syst`eme ` a temps discret unidimensionnel,
X
k+1
= T(X
k
; r) ,
au voisinage dun point xe instable X

correspondant ` a une valeur nominale r

du param`etre de contr ole,


i.e.
X

= T(X

; r

) .
Considerons une trajectoire qui sest approchee tr`es de pr`es de X

` a un certain linstant k, soit X


k
X

(r

).
`
A literation suivante X
k+1
sen est un peu ecarte mais lui reste assez proche. Le contr ole de la trajectoire
consiste alors ` a pousser X
k+1
sur X

, i.e. X
k+1
X

= 0, au moyen dune petite variation du param`etre


de contr ole. Les ecarts au point xe et la correction etant supposes petits, il est legitime de lineariser le
probl`eme. Literation qui fait passer de k ` a k + 1 est executee pour une valeur r

+ r du param`etre de
contr ole, elle deplace donc leg`erement le point xe: X

+ X

. Ce decalage est facile ` a expliciter par


un calcul au premier ordre. Il vient:
X

+ X

= T(X

+ X

; r

+ r) = T(X

; r

) + X

X
T(X

; r

) + r
r
T(X

; r

) .
Utilisant le fait que par hypoth`ese X

= T(X

; r

), on obtient:
X

=

r
T(X

; r

)
1
X
T(X

; r

)
r ,
ce que lon recrit de fa con un peu plus compacte X

= (
r
X

)r. Literation conduit ` a:


X
k+1
= X

+ X

+
X
T(X

+ X

; r

+ r)[X
k
(X

+ X

)]
que lon desire rendre egal ` a X

. Eectuant les developpements limites appropries, on trouve ` a lordre le


plus bas:
X
k+1
= X

+ (
r
X

)r +
X
T

[X
k
X

(
r
X

)r] , (3.4.33)
o` u
X
T


X
T(X

; r

) et
r
X


r
X

(r

) sont les deux param`etres decrivant leet des perturbations


respectivement dans lespace des phases et dans lespace du param`etre de contr ole au voisinage du point xe
considere X

.
Imposer X
k+1
X

= 0 conduit immediatement ` a la r`egle donnant la correction


r =
(X
k
X

)
X
T

[
X
T

1]
r
X

, (3.4.34)
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 50
Des termes dordre superieurs ayant ete negliges, literation qui fait passer de X
k
avec X
k+1
avec r = r

+r ne
ram`ene pas exactement X
k+1
sur X

de sorte que lon doit recommencer pour le pas suivant. La correction


r devient fonction de k, i.e. r
k
, et lon continue le contr ole jusqu` a la convergence. En pratique si le
probl`eme de linstabilite du point xe se pose, cest parce que les trajectoires physiques sont sensibles au
bruit, car en labsence de bruit, une fois que la trajectoire a ete guidee vers le point xe lequation qui
donne la correction de param`etre de contr ole nous dit simplement de le laisser ` a sa valeur nominale. Au
contraire, en presence de bruit il sintroduit ` a chaque iteration une petite erreur dorigine extrins`eque
(X
k
X
k
+
k
) ampliee par linstabilite. Cest la repetition de ces erreurs qui empeche la convergence du
schema de correction et necessite son maintien, entranant une reponse non triviale ` a chaque pas. Dans le
cas dune iteration chaotique, la strategie decrite peut sappliquer ` a la stabilisation dune periode instable
quelconque et pas seulement la periode periode 1 consideree jusquici. La transposition en est immediate.
En raison de lergodicite, le voisinage de cette periode nit toujours par etre visite. On applique alors le
contr ole quand la trajectoire entre dans ce voisinage. En presence de bruit, si une uctuation aleatoire len
fait sortir on arrete le contr ole pour le reprendre quand elle y revient.
Le temps pris par le syst`eme pour approcher la periode instable de susamment pr`es peut etre assez
long si le voisinage choisi est tr`es etroit. Dun autre c ote, il ne peut pas etre pris trop large car les termes
dordre superieur negliges lors du calcul de la correction peuvent ne pas avoir leet escompte de rapprocher
la trajectoire de son objectif.
Contr ole en dimension 2. Lapplication concr`ete de la strategie generale sav`ere moins triviale d`es la
dimension 2. Considerons donc une application
X
k+1
= F(X
k
; r) ,
o` u X R
2
et r R et cherchons tout dabord ` a stabiliser un point xe instable X

pour une valeur nominale


r

du param`etre de contr ole. Lequation qui correspond ` a (3.4.33) secrit maintenant


X
k+1
= X

+
r
X

r +
X
F

(X
k
X

r
X

r) , (3.4.35)
o` u
X
F


X
F(X

; r

) est la matrice jacobienne de F au point xe nominal et o` u


r
X


r
X

(r

)
est un vecteur calcule pour r = r

qui rend compte du deplacement du point xe X

sous leet dun petit


changement de param`etre.
Vouloir annuler X
k+1
X

avec un seul param`etre libre r


k
nest pas possible puisque nous avons deux
conditions ` a satisfaire, une pour chaque composante en X. Or, en dimension 2, le jacobien dun syst`eme
localement dissipatif au voisinage dun point xe est en module < 1. Si ce dernier est instable, le jacobien
etant egal au produit des valeurs propres, ce ne peut etre quun col avec deux valeurs propres reelles,
s
et
u
, respectivement stable ([
s
[ < 1) et instable ([
u
[ > 1), et donc deux varietes, stable et instable,
unidimensionnelles, cf. gure 3.7. Lidee mise en uvre par Ott, Grebogi et Yorke [24, 25], est de demander
que litere soit projete sur la variete stable du point xe, et de ly maintenir ` a laide de corrections ulterieures
de sorte que les iteres successifs convergent vers lui (sil nen sont pas ecartes par le bruit, ce ` a quoi le contr ole
doit aussi remedier).
En fait, on en demande pas que le transforme de X
k
par literation (evaluee avec r + r) soit sur la
variete stable (non lineaire) de X

mais seulement sur le sous-espace lineaire engendre par X


s
, vecteur
propre associe ` a la valeur propre stable
s
, X
u
etant le vecteur propre associe
u
, valeur propre instable de
la matrice jacobienne
X
F

. Il faut donc ecrire que la projection du vecteur X


k+1
X

sur le vecteur W
u
perpendiculaire ` a X
s
est nulle, ce qui conduit ` a:
0 = W
u
[
r
X

r +
X
F

(X
k
X

r
X

r)]
soit
r =
W
u
[
X
F

(X
k
X

)]
W
u
[(
X
F

I)
r
X

]
, (3.4.36)
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 51
X
u
W
s
W
u
X
k
X
k+1
X
*
X
s
Figure 3.7 : Voisinage dun point xe instable et principe de la methode OGY.
o` u I est loperateur identite. Lorsquon diagonalise un operateur qui nest pas autoadjoint pour le produit
scalaire canonique, la base de vecteurs propres associee nest pas orthogonale. On peut construire une base
bi-orthogonale (X

, W

) dont les vecteurs, convenablement normalises, verient X


1
W
2
= (
1
,
2
), avec
(
1
,
2
) = 1 si
1
=
2
et = 0 sinon. Les X

sont les vecteurs propres du probl`eme aux valeurs propres


initial et les W

ceux du probl`eme adjoint. Sur R loperateur adjoint est represente par la matrice transposee
de celle qui represente le probl`eme direct. Le W
u
solution du probl`eme adjoint (en
X
F
t

) est precisement
le vecteur dont nous avons besoin dans lalgorithme de contr ole. Pour retrouver la forme sous laquelle
la relation (3.4.36) est generalement presentee dans la litterature, il faut raisonner en termes de vecteurs
lignes et de vecteurs colonnes (cf. note 1) et donc dans le cas present en termes de vecteurs propres ` a
gauche (dont les transposes sont les W)
8
et de vecteurs propres ` a droite (les X

). La matrice jacobienne
peut alors secrire
X
F(X

; r

) =
u
X
u
W
u
+
s
X
s
W
s
. Utilisant les proprietes dorthogonalite des X
s,u
et W
s,u
pour calculer les produits scalaires on trouve en particulier W
u
(
u
X
u
W
u
+
s
X
s
W
s
) =
u
W
u
,
ce qui permet de recrire (3.4.36) sous la forme
r =

u
W
u
(X
k
X

)
(
u
1)W
u

r
X

(3.4.37)
Ce calcul place X
k+1
au voisinage du bon rail qui doit le conduire jusquau point xe. Il faut continuer
jusqu` a la convergence, ce qui denit une suite de signaux de contr ole r
k
comme dans le cas unidimensionnel.
Ici encore on napplique la correction que lorsque la trajectoire sapproche susamment pr`es du point xe et
on la supprime si, sous leet du bruit, elle sen est trop ecartee. Puisque la variete stable guide la trajectoire
vers le point xe, on voit quil est possible de denir ce voisinage principalement en termes de distance ` a
cette variete, en premi`ere approximation simplement deduite de la valeur du produit scalaire W
u
(X
k
X

).
Naturellement le temps necessaire ` a la trajectoire sera dautant plus long en moyenne que le voisinage sera
choisi petit. Pour stabiliser une trajectoire vers une solution periodique de plus longue duree, la methode
consiste ` a rappeler la trajectoire vers la variete stable du point suivant dans la periode. La mise en uvre
devient assez lourde car il faut determiner les varietes stables en tous les points de la periode nominale.
Contr ole en dimension > 2. En dimension d > 2, si la variete instable du point xe considere est
unidimensionnelle, lalgorithme est inchange car la condition dorthogonalite ` a W
u
denit un sous-espace
tangent de dimension d 1 et les corrections introduites via le calcul du produit scalaire W
u
(X
k
X

)
conduisent encore le syst`eme vers le point xe nominal. En fait, la solution proposee jusqu` a present au
probl`eme du contr ole peut etre vue comme un cas particulier dune methode generale de contr ole lineaire o` u
8
Les vecteurs W sont souvent qualies de contravariants. Ceci est ` a relier au fait quils sont denis plut ot comme des
vecteurs de lespace dual ` a travers W
t
L = W
t
, transposee de L
t
W = W. Dans le cas complexe ladjoint est obtenu par
transposition + conjugaison complexe.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 52
la r`egle particuli`ere (3.4.37) remplacee par une r`egle plus generale
r
k
= K(X
k
X

Ecrivant en toute generalite la dynamique linearisee au voisinage du point xe sous la forme classique en
contr ole lineaire:
X
k+1
X

= A(X
k
X

) +Br
k
,
o` u, ici, A =
X
F

et B =
r
F

, on sait que le syst`eme est stabilisable, cest ` a dire que lon peut trouver
un bouclage statique qui fasse samortir toutes les (petites perturbations) sil est commandable, cest ` a dire
si la matrice [ B, AB, ... , A
d1
B] est de rang d. Il faut alors choisir K de sorte que
X
k+1
X

= (ABK)(X
k
X

)
denisse une iteration convergente (valeurs propres de lapplication tangente toutes inferieures ` a 1 en module).
La section suivante est une introduction aux methodes classiques ` a mettre en uvre dans ce contexte.
3.5 Appendice: Contr ole lineaire dans lespace des etats
Problematique. Lidee de contr ole developpee en automatique est essentiellement dobtenir dun syst`eme
donne X X, F une sortie Y determinee en lui injectant une entree U bien choisie. Dans une formulation
` a temps continu, ceci secrit:
d
dt
X = F
_
X, U
_
, (3.5.38)
Y(t) = H
_
X, U
_
, (3.5.39)
expressions dans lesquelles il est implicitement entendu que la variable dynamique X caracterisant letat du
syst`eme et la variable U servant au contr ole sont evaluees au temps t.
La dimension du syst`eme est d. Les signaux dentree U et de sortie Y sont de dimensions respectives
d

et d

. Lorsque d

= d

= 1, on parle de syst`eme SISO (= Single-Input/Single-Output) et pour d

> 1,
d

> 1 de syst`eme MIMO (= Multiple-Input/Multiple-Output).


Les etats du syst`eme, les signaux dentree et de sortie, appartiennent alors ` a des espace vectoriels X R
d
,
U R
d

, Y R
d

, et les fonctions F et H sont des operateurs lineaires:


d
dt
X = AX+BU, (3.5.40)
Y = CX+DU, (3.5.41)
representes par des matrices A, B, C et D constantes, respectivement de dimensions d d, d d

, d

d et
d

. Loperateur D ne joue pas de r ole dynamique et nest introduit ici que pour maintenir un certain
parallelisme dans la formulation, en accord avec la denition non lineaire (3.5.39).
Dans la conguration (3.5.40,3.5.41), le syst`eme est dit fonctionner en boucle ouverte. Le fonctionnement
en boucle fermee correspond, quant ` a lui, ` a une reintroduction partielle de letat du syst`eme dans le signal
dentree
U = FX+U

(3.5.42)
qui conduit ` a
d
dt
X = (A+BF)X+BU

, (3.5.43)
Y = (C +DF)X+DU

. (3.5.44)
Le principal probl`eme de la theorie du contr ole lineaire consiste ` a determiner le bouclage F introduit par
(3.5.42) qui conf`ere au syst`eme (3.5.43,3.5.44) les meilleures proprietes de suivi/stabilite possibles dans un
sens ` a denir. Ce probl`eme fait classiquement appel aux notions daccessibilite des etats (ou commandabilite),
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 53
dobservabilite et, naturellement de stabilite. Ces notions sont les versions particularisees au contr ole de
notions plus generales derivees de celles introduites au chapitre 1 quil sagit dappliquer ` a des syst`emes tels
que (3.5.38,3.5.39), (3.5.40,3.5.41)
Nous nous limiterons au cas des syst`emes ` a temps continu, qui plus est lineaires. La transposition au cas
du temps discret, de la forme:
X
k+1
= F(X
k
, U
k
) , (3.5.45)
Y
k
= H(X
k
, U
k
) , (3.5.46)
ou leur version lineaire
X
k+1
= AX
k
+BU
k
, (3.5.47)
Y
k
= CX
k
+DU
k
. (3.5.48)
est assez immediate (i.e. fonctions exponentielles converties en series geometriques).
Commandabilite et accessibilite. Un syst`eme dynamique est dit commandable au temps t si pour tout
etat initial X(0) = X
0
, et tout etat nal X(t) = X
f
, on sait determiner un signal dentree U(t

), 0 t

t
tel que X(t) = X
f
. Il est commandable sil est commandable pour au moins un temps t. La denition setend
immediatement au cas discret. Letat X
f
est donc accessible partant de X
0
moyennant lapplication de la
commande U(t).
On dira dautre part que le syst`eme etudie est observable si de lhistoire de lentree U(t

) et de la sortie
Y(t

) sur lintervalle [0, t] on peut remonter ` a letat initial X(0) = X


0
.
Deux etats initiaux X
1
et X
2
sont indistinguables si pour tout t 0, les sorties Y
1
(t) et Y
2
(t) sont
identiques pour toute entree U(t) admissible. Le syst`eme sera donc observable si il existe une entree admis-
sible qui permet de distinguer les etats initiaux sur la base dune determination des sorties pour au moins
un instant t. Dit dune autre fa con, le syst`eme est observable si les sorties du syst`eme correspondant ` a
une meme entree mais partant de deux conditions initiales dierentes sont dierentes. Il est interessant de
reechir ` a la relation entre les notions introduites ici et la problematique developpee ` a propos de lapproche
empirique des syst`emes dynamiques succinctement abordee au debut du chapitre 2.

Evolution et stabilite.

Etendant les notions introduites aux chapitres precedents, on dira quun syst`eme
est stable sil rejoint son etat de base lorsquil nest soumis ` a aucune entree (toute perturbation tend vers
zero quand t tend vers linni). En toute generalite, cest ` a dire relativement ` a un syst`eme non lineaire du
type (3.5.38), on peut naturellement attribuer un sens global ` a cette denition. En general on se contente
dun sens local, le syst`eme etant linearise autour de son etat de base, ce qui conduit ` a une expression de la
forme (3.5.40) ` a laquelle nous nous limiterons ici.
Pour integrer le syst`eme (3.5.40) en boucle ouverte il faut preciser la fonction dentree U(t) et la condition
initiale en t
0
= 0, soit X(0) = X
0
. Eectuons le changement de variable X = exp(tA)Z. Le syst`eme (3.5.40)
secrit alors
d
dt
Z = exp(tA)BU (3.5.49)
qui sint`egre pour donner
Z(t) = Z(0) +
_
t
0
exp(t

A)BU(t

)dt

.
avec Z(0) = X
0
dapr`es lexpression du changement de variable. Revenant ` a X nous obtenons donc
X(t) = exp(At)X
0
+
_
t
0
exp[(t t

)A]BU(t

)dt

qui permet de passer ` a Y(t) = CX(t) +DU(t).


CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 54
Reponse et fonction de transfert. Du point de vue pratique, on cherche en eet ` a determiner la reponse
en Y ` a lexcitation en U. Ceci conduit ` a denir la reponse impulsionnelle par
t < 0 : G(t) = 0 ,
t 0 : G(t) = C exp(tA)B +D(t) .
Il vient alors
Y(t) =
_
t
0
dt

G(t t

)U(t

) .
De G(t) on passe alors ` a la fonction de transfert par transformation de Laplace:

G(s) =
_

0
G(t) exp(st)dt .
Lorsquon int`egre le probl`eme aux valeurs initiales avec X(0) = 0 par transformee de Laplace on obtient:
s

X(s) = A

X(s) +B

U(s) ,

Y(s) = C

X(s) +D

U(s) ,
do` u
(sI A)

X(s) = B

U(s)
et par suite:

Y(s) =
_
C
1
sI A
B +D
_

U(s)

G(s)

U(s) .
On deduit la reponse frequentielle de la transformee de Laplace

G(s) en posant s = i.
Stabilite et stabilisabilite. Revenant aux notions introduites au chapitre 1, p. 7 on dit bien entendu que
le syst`eme lineaire non force
d
dt
X = AX
est stable si toutes les valeurs propres de A ont toutes leurs parties reelles negatives (propriete de Hurwitz).
Considerant maintenant le syst`eme force
d
dt
X = AX+BU,
on dira par extension quil est stabilisable si lon peut trouver un bouclage
U = FX
tel que le syst`eme
d
dt
X = (A+BF)X
soit stable.
Clairement, dans le contexte lineaire qui nous interesse ici, revenant aux notions generales de stabilite
introduites au chapitre 1, p. 6, il sut de prendre pour jauge la distance ` a lorigine et de rechercher les
fonctionnelles de Lyapunov / ` a determiner comme des formes quadratiques denies positives:
/(X) = X
t
QX avec Q
t
= Q,
veriant ensuite
d
dt
/ 0, soit une derivee elle-meme forme quadratique denie negative:
d
dt
/ = X
t
Q

X
avec Q
t
= Q

. Par substitution, on trouve


d
dt
/= [
d
dt
X
t
QX] + [X
t
Q
d
dt
X] = X
t
[A
t
Q+QA] = X
t
Q

X.
Ceci devant etre valide pour tout X on en deduit lequation dite de Lyapunov:
A
t
Q+QA = Q

.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 55
Accessibilite et observabilite. Considerons maintenant les probl`emes daccessibilite (de command-
abilite) et dobservabilite. Un crit`ere operationnel daccessibilite du syst`eme (A, B) (i.e.
d
dt
X = AX+BU)
est donne par le rang de la matrice de commandabilite de Kalman
9
[ B, AB, A
2
B, .... , A
d1
B] , (3.5.50)
de dimension d (dd

) avec d = dim(X) et d

= dim(U). Le syst`eme est commandable si cette matrice est


de rang maximum, i.e. = d.
Une demonstration possible du crit`ere de Kalman decoule de lobservation que lobstruction ` a
laccessibilite, en lineaire comme en non lineaire, tient ` a lexistence dintegrales premi`eres non triviales.
Une integrale premi`ere est une fonction scalaire de X et de t, H(X, t) R qui reste constante tout au long
de la trajectoire, soit:
d
dt
H(X(t), t) =
t
H(X(t), t) + [
X
H(X(t), t)]
d
dt
X(t) = 0 .
Une integrale premi`ere est triviale si elle est constante sur tout lespace pour tout temps, sa connaissance
napporte rien. Au contraire si elle est non triviale, de deux choses lune, (i) ou bien sa valeur au point
o` u lon veut faire arriver le syst`eme est la meme que celle de la condition initiale X
0
et il ny a pas de
probl`eme, (ii) ou bien sa valeur est dierente et le probl`eme probl`eme est impossible, le point desire est
inaccessible au syst`eme partant de X
0
. En toute generalite, les etats accessibles sont ceux qui appartiennent
` a une sous-variete de lespace des etats appele le sous-espace commandable, caracterises par une valeur de
lintegrale premi`ere consideree identique ` a celle du point que lon desire atteindre.
Revenons au contexte lineaire et admettons lexistence, independamment de toute commande, dune
integrale premi`ere non triviale H(X, t) = H(exp(tA)Z, t) = H

(Z, t) = Cste. Par hypoth`ese la derivee de


cette quantite est identiquement nulle, soit
10
d
dt
H

(Z, t) =
t
H

(Z, t) + [
Z
H

(Z, t)]
d
dt
Z
=
t
H

(Z, t) + [
Z
H

(Z, t)] exp(tA)BU 0 . (3.5.51)


Considerant la trajectoire qui passe par Z au temps t sous leet dune commande nulle U 0, on en deduit

t
H

(Z, t) 0, de sorte que H

ne depend pas de t et se reduit ` a une pure fonction de Z, H

= H

(Z).
Lequation (3.5.51) se reduit donc ` a
[
Z
H

(Z)] exp(tA)BU 0
qui, devant etre valide independamment de lentree U, conduit ` a
[
Z
H

(Z)] exp(tA)B 0
Derivant cette relation par rapport ` a t on trouve

Z
[
Z
H

(Z)] exp(tA)BU exp(tA)A


k
B [
Z
H

(Z)] exp(tA)AB 0 ,
egalement valide pour U = 0, soit simplement
[
Z
H

(Z)] exp(tA)AB 0 .
Il vient de meme apr`es k derivations:
[
Z
H

(Z)] exp(tA)A
k
B 0 ,
9
Les virgules sont l` a pour visualiser la juxtaposition en ligne des blocs conformement ` a la convention MatLab selon laquelle
les elements dune ligne, quils soient des scalaires ou des tableaux, sont separes par des virgules (ou des espaces) et les lignes
entre elles par des points-virgules pour former des colonnes. Aest une matrice d d, tout comme A
k
; B est une matrice d d

les d blocs A
k
B, k = 0, ..., d 1, sont donc chacun de taille d d

, de sorte que la matrice de commandabilite est bien de taille


d (dd

).
10
Dans ce qui suit, les notations ne sont coherentes que si lon consid`ere [
Z
H

(Z, t)] comme un vecteur ligne, ce que nous


ferons sans etat d ame pour eviter dintroduire un formalisme tensoriel rigoureux.
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 56
et, pour t = 0
[
Z
H

(Z)]A
k
B 0 pour tout k 0 .
Si le syst`eme admet une integrale premi`ere non triviale (
Z
H

, 0), il doit exister un vecteur H ,= 0 veriant


H
t
(A
k
B) = 0 pour tout k 0. Dans un premier temps on montre quil sut de ne considerer les conditions
trouvees precedemment que pour k = 0, 1, ..., d 1. Si le rang est maximal, i.e. = d, il ny a pas dintegrale
premi`ere non triviale venant empecher la commandabilite. Si non, il existe de telles integrales et la condition
nale choisie nest pas atteignable d`es lors quelle correspond ` a une valeur de lintegrale premi`ere dierente
de celle relative ` a la condition initiale. Le syst`eme nest pas commandable.
Illustrons la construction de la matrice de commandabilite sur le cas o` u il ny a quune seule entree. La
matrice B est alors reduite ` a un seul vecteur colonne, de meme que les matrices A
k
B. Notons D
kk
la com-
posante k du vecteur A
k

1
B, k

1. Les conditions trouvees precedemment secrivent alors



k
H
k
D
kk
= 0
et lon voit quil ny a pas de solution H non triviale si le rang de la matrice est d. Revenant en arri`ere on
comprend que cela implique que les seules integrales premi`eres sont triviales. Si au contraire le rang de la
matrice est strictement inferieur ` a d, il existe des vecteurs H qui repondent ` a la question. Prenant pour H

une forme lineaire construite sur lun de ces vecteurs, i.e. H

(Z) = H
t
Z, on obtient que H

est conservee par


levolution et, revenant aux variables primitives X que H(X) = H
t
exp(tA)X est une integrale premi`ere
non triviale. Autrement dit les trajectoires resident dans des hyperplans perpendiculaires ` a H.
Une autre propriete importante des syst`emes commandables est lexistence de bouclages F qui permettent
de xer arbitrairement (eventuellement par paires conjuguees) les valeurs propres du syst`eme A BF.
Limportance de cette propriete tient au fait que lon est alors capable de matriser les trajectoires en les
corrigeant par un bouclage statique F. Considerons en eet une trajectoire de reference du syst`eme (A, B),
X
r
en reponse ` a une commande U
r
et la trajectoire actuelle X
a
en reponse ` a une commande U
a
. On a donc
separement
d
dt
X
r
= AX
r
+BU
r
d
dt
X
a
= AX
a
+BU
a
Lerreur (X = X
a
X
r
, U = U
a
U
r
) est alors gouvernee par
d
dt
X = AX+BU
Denissant le bouclage U = FX on obtient
d
dt
X = (ABF)X
et sil lon sait construire un bouclage F tel que A BF ait toutes ses valeurs propres ` a partie reelle
strictement negative, ce qui est possible si le syst`eme (A, B) est commandable, on assure le suivi de la
trajectoire de reference car lerreur decrot alors exponentiellement vers zero.
`
A la dierence de la commandabilite, liee aux caracteristiques des matrices A et B du syst`eme (3.5.41),
lobservabilite fait est associee aux matrices A et C. Cette propriete est duale de la commandabilite, ce qui
se traduit par un crit`ere dual de (3.5.50). Avec d

= dim(Y) et toujours d = dim(X), utilisant la convention


MatLab (cf. note 9) on denit la matrice dobservabilite par
[ C ; CA; CA
2
; ... ; CA
d1
] .
Les matrices C et A etant de dimensions respectives d

d et d d, cette matrice est donc formee dune


colonne de d blocs de dimension d

d, soit au total une dimension dd

d. Lobservabilite est acquise si


(et seulement si) la matrice correspondante est de rang maximal, i.e. = d. Dans le cas o` u lobservable na
quune composante (d

= 1), C est une matrice ligne et la matrice dobservabilite une matrice d d.


De fa con generale, lorsque le rang des matrices de commandabilite et dobservabilite ne sont pas
maximaux, on peut decomposer lespace en plusieurs sous-espaces orthogonaux, commandableobservable,
commandablenon-observable non-commandableobservable et non-commandablenon-observable. Par une
CHAPITRE 3. DYNAMIQUE NON-LIN

EAIRE APPLIQU

EE 57
un changement de base analogue ` a celui qui fait passer ` a la forme de Jordan de A, les indices c et o,
signiant commandable et observable, c et o leurs contraires, on peut ecrire le syst`eme (3.5.40) sous la forme:
_

_
d
dt
X
co
d
dt
X
c o
d
dt
X
co
d
dt
X
c o
_

_
=
_

_
A
co
0 A
13
0
A
21
A
c o
A
23
A
24
0 0 A
co
0
0 0 A
43
A
c o
_

_
_

_
X
co
X
c o
X
co
X
co
_

_
+
_

_
B
co
B
c o
0
0
_

_
U,
Y = [ C
co
; 0 ; C
co
; 0 ]
_

_
X
co
X
c o
X
co
X
c o
_

_
.
La methode OGY est une application de ces techniques classiques adaptees au cas des syst`emes dy-
namiques ` a temps discret.
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Index
accessibilite, 52
application au temps , 2
attracteur etrange, 26
bifurcation, 5
de Hopf, 20
imparfaite, 18
sousharmonique, 25
super/sous-critique, 18, 23, 25
tangente, 25
trans-critique, 17
boucle ouverte/fermee, 52
box counting, 32
capacite ( dimension fractale), 32
cascade sousharmonique, 27
chaos, 30
commandabilite, 52
contr ole lineaire, 52
crise, 28
cycle limite, 5, 20
degre de liberte, 1
decalage, 31
decomposition de Kalman (contr ole), 55
deploiement de singularite, 15
dimension de plongement, 35
dimension fractale, 32
dimensions generalisees, 33
doublement de periode, 9, 25
dynamique qualitative, 4
dynamique symbolique, 31
elimination des modes esclaves, 13
ensemble limite, 5
entrant/sortant (dun ensemble limite), 5
entropie, 30
equation aux dierences, 2
equation de Lyapunov, 54
ergodicite, 31
escalier du diable, 24
espace des phases, 1
exposant de Lyapunov, 29
conditionnel, 39
faux voisins (methode des), 37
fonction de transfert, 54
forme normale, 14
fourche (bifurcation), 18
fractal, 26, 32
fronce (catastrophe), 19
Hopf (bifurcation), 20
instabilite
synchrone/sousharmonique, 9
intermittence, 28
iteration, 2
Landau vs. RuetteTakens, 26
mesure naturelle, 32
methode des retards, 35
methode de Lyapunov, 6
moyenne densemble, 31
moyenne temporelle, 31
multifractral, 33
multiplicateur de Floquet, 8
nud col (bifurcation), 17
nombre de rotation, 24
observabilite, 53
OGY OttGrebogiYorke (contr ole), 49
orbite, 4
partition generatrice, 31
pli (catastrophe), 19
point xe, 4
point non-errant, 5
portrait de phases, 4
premier retour (application), 21
probl`eme aux valeurs initiales, 1
propriete SCI ( Sensibilite aux Conditions Ini-
tiales), 26
Pyragas (methode de contr ole), 46
quasi-periodique (regime), 23
60
INDEX 61
reconstruction de Takens, 34
regime
permanent/transitoire, 4
resonance, 14
faible/forte, 22
ordre de, 15
ruban de mbius, 25
serie chronologique, 35
sous-critique (bifurcation), 18
sousharmonique (bifurcation, 25
stabilite, 5, 53
asymptotique, conditionnelle, etc., 6
locale (lineaire)/globale, 57
lineaire, 7
stabilite structurelle, 5
synchronisation
forte (` a lidentique), 40, 43
faible (generalisee), 40
syst`eme
` a temps continu, 1
` a temps discret, 2
autonome/force, 2
conservatif/dissipatif, 3
contractant/conservatif/dilatant, 3
syst`eme (ot) gradient, 4
theorie des catastrophes, 4, 19
trans-critique (bifurcation), 17
transition vers la turbulence (theorie), 26
transitoire chaotique, 29
variable detat, 1
variete centrale, 14
variete de synchronisation, 41

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