Lydia, l’enfant du divorce
Par Ded William
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ded William, écrivain prolifique, explore dans ses publications divers univers, notamment celui de la musique qu’il scrute avec une acuité impitoyable, dévoilant sa jungle complexe. Dans d’autres ouvrages, il plonge dans les méandres de l’enfance difficile et parfois maltraitée. Son regard à présent se tourne vers les enfants pris en otage par le divorce de leurs parents. Fort de son expérience, il prend plaisir à raconter et à esquisser le portrait de ces êtres singuliers, marqués par les vicissitudes de la vie, en faisant d’eux les héros de son roman.
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Avis sur Lydia, l’enfant du divorce
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Aperçu du livre
Lydia, l’enfant du divorce - Ded William
Ded William
Lydia, l’enfant du divorce
Roman
ycRfQ7XCWLAnHKAUKxt--ZgA2Tk9nR5ITn66GuqoFd_3JKqp5G702Iw2GnZDhayPX8VaxIzTUfw7T8N2cM0E-uuVpP-H6n77mQdOvpH8GM70YSMgax3FqA4SEYHI6UDg_tU85i1ASbalg068-g© Lys Bleu Éditions – Ded William
ISBN : 979-10-422-3194-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Du même auteur
– Le temps d’une saison, Éditions Édilivre, 2019 ;
– Une autre vie, Éditions Édilivre, 2019 ;
– Bon à rien, Éditions Édilivre, 2021 ;
– Coups et blessures, Éditions Édilivre, 2022 ;
– Le jeune comte de Sertignac, Le Lys Bleu Éditions, 2023.
Le nom des personnages et les circonstances de ce roman sont imaginaires. Toute ressemblance ou homonymie avec des personnages ou des lieux existants ou ayant existé doivent être considérées comme purement fortuites.
Le jour où Lydia De Framencourt – du moins, celle que l’on connaît sous ce nom – fête ses vingt ans, elle éprouve son premier gros chagrin.
La scène se passe à Paris, boulevard Domont, dans la douceur d’un triste mois de mai des années 1905, à l’hôtel particulier du réputé homme d’affaires Henri De Framencourt. Ce dernier doit sa fortune à de judicieux placements dans des opérations de bourse, des actions de Saint-Gobain (qui remontent), dans les Chemins de fer du Nord, des mines sérieuses (pas des Brésiliennes). De même que dans la souscription de l’emprunt et d’obligations de la tour Eiffel pour l’Exposition universelle dans la capitale et aussi des investissements sur Suez. Et puis enfin, des rentes de la ferme et des bois de Cluny et des vignes de l’Hermitage : soit plusieurs milliers de francs de revenus…
La jeune fille, jusqu’à présent, tout en poursuivant des études supérieures, coule une vie aisée et tranquille.
Cet après-midi-là, dans l’intimité douillette de sa chambre, sa mère lui apprend brutalement, sans ménagement, qu’elle n’est pas la fille de monsieur De Framencourt comme elle l’avait toujours cru jusqu’alors, mais celle d’un certain Louis Dérias, personnage sans intérêt, un quelconque peintre portraitiste, son premier mari de qui elle a divorcé, quatre ans après son mariage.
Quant aux raisons qui ont motivé cette séparation, sa mère ne juge pas utile d’en parler : cela ne regarde pas sa fille. Pourtant, Lydia aurait désiré les connaître, mais elle n’ose pas les demander.
Atterrée par cette révélation à laquelle elle était bien loin de s’attendre, elle pose sur sa mère ses grands yeux tout assombris.
Mille pensées s’agitent confusément dans sa tête que son cerveau martèle à grands coups.
— Pourquoi, balbutie-t-elle d’une voix qui tremble, pourquoi avoir attendu aujourd’hui pour me le dire ? Avant… quand j’étais petite, ça aurait été moins pénible…
Surprise et énervée par ces explications à donner à son enfant, madame De Framencourt s’anime et lève fièrement la tête :
— Pénible… Je ne vois pas ce que cette nouvelle a de pénible pour toi ! Il n’y aura rien de changé à ce qui a été jusqu’ici. Mon mari t’aime comme si tu étais sa propre fille et tu lui rends son affection… Beaucoup d’enfants ne peuvent en dire autant de leur vrai père. D’ailleurs, ajoute-t-elle en voyant les yeux de sa fille s’obscurcir de larmes stoïquement refoulées, si nous avons agi ainsi, lui et moi, c’était pour ton bien, afin de te laisser dans une complète quiétude d’esprit…
Elle s’arrête, péniblement altérée soudain par toutes ces réminiscences douloureuses qu’il lui faut remuer. Après un court instant, elle achève avec un rictus :
— Cela nous a été d’autant plus facile que mon premier mari, complètement désintéressé, n’a jamais fait valoir les droits que le tribunal lui a accordés sur toi.
— Quels droits ? demande doucement Lydia.
— Ceux de te voir deux jours chaque mois, par exemple, explique-t-elle, apitoyée.
La jeune fille baisse la tête, devient plus pâle encore.
— Ah ! murmure-t-elle. Mon vrai père n’a jamais cherché à me voir… Alors, il ne m’aime pas ?
Madame De Framencourt hausse les épaules d’un geste impuissant. Puis, avec dédain, s’énervant à mesure qu’elle parle :
— Je crois t’avoir dit qu’il est peintre… soi-disant artiste peintre… un bien grand mot… un peu bohème, même… Et qui plus est : un histrion, un noceur, en vérité… Ces gens-là n’ont guère le sentiment de la famille. Ton père, parlons-en, lui, ne l’a pas du tout !
C’est dit d’un ton si sec et si méprisant que la jeune fille lève sur sa mère un regard chargé de reproches.
— Eh ! mon Dieu ! reprend celle-ci, un peu irritée de l’attitude de Lydia qui semble prendre au tragique sa confidence. On croirait, à te voir, que je suis une femme exceptionnelle… parce que je parle un peu durement de cet homme qui m’a rendue si malheureuse, qui m’a fait tant souffrir ? Après combien d’injures et de scènes déplorables, d’affronts, je me suis décidée à une séparation… Le divorce ! Ce mot m’était odieux ! Puis, enfin, j’ai compris… je m’en suis rendu compte… Le divorce n’est pas un déshonneur ! C’est un malheur qui atteint toutes les classes de la société, si bien que peu à peu, avec les années, il semble maintenant être entré dans les mœurs… et somme toute, il est préférable aux scandaleuses trahisons des couples mal assortis.
Elle s’arrête, s’apercevant qu’elle a été un peu loin, extravagante, devant sa fille…
— Mais tu ne peux pas comprendre ces choses, fait-elle donnant une tape amicale sur la joue de cette dernière. Il te suffit de savoir que mon mariage a été cassé en cour de Rome et que, désormais, je suis parfaitement en règle avec ma conscience… Allons, ma chérie, va t’habiller. Je veux te conduire à la kermesse du Bois de Boulogne, pour ton anniversaire.
— Non ! dit Lydia en la retenant par le bras. Je t’en prie, ne sortons pas aujourd’hui… Laisse-moi m’habituer peu à peu… à ce que tu m’as appris.
De nouveau, madame De Framencourt hausse les épaules.
— Tu es ridicule… Voyons, tu comptes garder cette figure d’enterrement toute la journée ? Devant ton père, ce serait peu délicat !
— Je sais ce que je dois à mon père d’adoption, fait gravement la jeune fille. Par lui, j’ai connu les caresses et les tendresses d’un père… par affection ou par pitié, il me les a largement prodiguées. Et quand j’étais assise sur ses genoux, les bras passés autour de son cou, je n’avais rien à envier aux autres enfants… Cependant, cela ne doit pas me faire oublier qu’un autre que lui a droit à mes pensées et à mes prières, car tu ne m’as pas dit s’il vit encore ?
— Il vit, prononce sourdement avec fermeté, madame De Framencourt, dont les yeux ne se détachent plus de ceux de Lydia.
La jeune fille a un frémissement de tout son être sous le coup de lance que mettent en elle ces deux mots :
— Il vit !
Un homme qui est son père vit quelque part, peut-être dans cette même ville ou loin d’elle, et elle apprend seulement aujourd’hui, le jour de ses vingt ans, son existence !
Cette révélation est pour elle foudroyante comme l’est pour un voyageur tranquille dans son compartiment une catastrophe de chemin de fer. Ce récit jette un voile glauque dans le raisonnement de son esprit.
Un besoin s’impose soudain en elle, spontané, irréfléchi : celui de savoir, d’en connaître davantage…
— Je voudrais… pourrais-je voir ce… Mon père ?
— Quoi… Qu’est-ce que tu dis… Tu veux !
Bien que la mère dû s’attendre à cette demande, le visage contracté, ses traits pâlissent et se creusent.
— Tu veux ? répète-t-elle, inquiète et s’affolant.
— Je ne demande pas à lui parler, répond la fille, horriblement gênée d’être obligée de débattre cette question, alors qu’il lui semble naturel que sa mère en prenne l’initiative. Je ne souhaite que le connaître, continue-t-elle, au moins le voir… de loin… Afin de pouvoir mettre une physionomie à son nom, quand je penserai à lui…
— Mais comment veux-tu, ma pauvre enfant ? proteste la mère, bouleversée. Je l’ai perdu de vue… Il m’est devenu totalement étranger, à présent que je suis remariée, et tu dois comprendre que mon second mari trouverait très mal, choquant, voire amoral, que je m’occupe encore de l’autre… même pour ce que tu me demandes !
Toute troublée par l’annonce de ce père dont, seulement aujourd’hui, on lui révèle l’existence, Lydia oublie tout ce qui n’est pas lui. Elle ne se rend même pas compte combien son exigence de le voir est cruelle à sa mère et irrespectueuse vis-à-vis de monsieur De Framencourt qui l’a élevée.
La nouvelle l’a atteinte dans ses fibres les plus intimes comme si une pointe aiguë avait pénétré en sa chair vive. Elle en est blessée, humiliée et plus encore, elle se sent lésée. En réalité, il lui semble qu’en ne lui parlant pas plus tôt de ce père naturel, on l’a privée – elle pense même presque volée – d’un bien lui appartenant à elle seule et dont on a pas le droit de disposer sans son consentement.
Et sans s’apercevoir de son cruel égoïsme, elle répète :
— Oui. Grand-mère, par exemple, si dévouée, si gentille, pourrait se substituer à toi et me faire connaître le père que j’ignore. J’ai le droit de le voir, il me semble !
— Le droit ! relève la mère, blessée par un tel mot sur les lèvres de sa fille. Un homme que j’ai dû rayer de ma vie… un homme qui ne s’est pas soucié de toi… qui a oublié tous ses devoirs de père… Non ! sois raisonnable ! Tu as vécu, jusqu’ici, sans même soupçonner son existence… Il ne s’est jamais occupé de toi, depuis dix-huit ans que je suis séparée de lui, et je ne vois pas pourquoi tu irais maintenant t’imposer à lui, ou te mettre martel en tête à son sujet.
Câlinement, elle attire sa fille contre elle et la serre dans ses bras, frémissante d’amour maternel et peut-être même par jalousie instinctive contre celui qui, à son insu et sans l’avoir cherché ou mérité, peut lui dérober une parcelle du cœur de son enfant.
Longtemps, les deux femmes demeurent dans les bras l’une de l’autre. La mère, le visage inondé de larmes, et Lydia, devenue muette, devant la détresse de sa mère, murée soudain dans un silence obstiné.
Enfin, après bien des baisers empressés, madame De Framencourt quitte la chambre blanche et Lydia, délivrée de sa contrainte, peut laisser exhaler librement le désarroi dont son âme subitement est pleine.
— J’ai un père… un autre père… un vrai… que je ne connais pas et qui ne se soucie pas de moi, murmure-t-elle, avec une sorte d’égarement en piétinant sur place.
Ses mains, comme dans une prière, se joignent inconsciemment dans une crispation de souffrance.
Une inexprimable sensation de vide la saisit, tout à coup, devant la révélation de l’existence d’un être inconnu que les plus grands liens de sang rattachent à elle. Il lui semble que, jusqu’ici, elle a vécu comme dans un songe… un songe très doux dont elle s’éveille seulement maintenant, par un réveil brutal qui la meurtrit profondément.
Sa mère qu’elle a adorée jusque-là, avec une ardeur et un respect infinis, lui semble comme amoindrie, comme diminuer à ses yeux sans qu’elle s’explique bien ce sentiment nouveau. Pourtant, un poignant regret lui vient de cette atteinte à sa vénération filiale.
Elle traduit sa souffrance par un cri naïf et profond de son âme qui ne comprend pas qu’un terrible chagrin peut venir de la main d’une mère :
— Oh ! maman ! comme tu m’as fait du mal…
*
En cette fin de journée, dans sa coquette chambre parfumée, l’ombre gagne l’espace et noie de mystère les êtres et les choses. Par la fenêtre ouverte, le soir entre avec le grand murmure des boulevards à l’approche de la nuit.
Lydia, oppressée par la tristesse lourde qui l’étreint depuis le milieu du jour, reste immobile dans un fauteuil. Sa tête reposant en arrière sur le dossier et ses