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Isis, clef des métamorphoses: Au Rite de Memphis Misraïm
Isis, clef des métamorphoses: Au Rite de Memphis Misraïm
Isis, clef des métamorphoses: Au Rite de Memphis Misraïm
Livre électronique587 pages5 heures

Isis, clef des métamorphoses: Au Rite de Memphis Misraïm

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À propos de ce livre électronique

L’ancienne Égypte fascine par bien des aspects. Elle accueille une mythologie des plus brillantes avec ses divinités créatrices et organisatrices du cosmos. À travers les mystères d’Isis et d’Osiris, elle pose la question existentielle d’une vie en éternité, dans un Au-delà céleste. Le Rite de Memphis-Misraïm, conservatoire de la gnose alexandrine, propose notamment un contre-modèle patriarcal. Il introduit en son sein des figures tutélaires féminines, particulièrement celle d’Isis, détentrice des arcana arcanorum, qui permettent l’enfantement de l’âme glorieuse d’Horus. Nous sommes là au cœur de l’initiation féminine. Pour la première fois, celle-ci est examinée dans cet ouvrage remarquable en toute sa richesse et profondeur. Bernadette Cappello y porte témoignage des correspondances entre le Rite de Memphis-Misraïm et les textes les plus sacrés de l’ancienne Égypte.
LangueFrançais
ÉditeurNumérilivre
Date de sortie11 avr. 2023
ISBN9782366322231
Isis, clef des métamorphoses: Au Rite de Memphis Misraïm

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    Aperçu du livre

    Isis, clef des métamorphoses - Bernadette Cappello

    CHAPITRE 1

    UNE PHILOSOPHIE DE L’ANCIENNE ÉGYPTE

    L’ANCIENNE ÉGYPTE, UN PARADIGME COMPLEXE

    L’ancienne Égypte fascine le voyageur et l’immerge immédiatement dans le paradigme de la pensée complexe constitutive de trois grands systèmes : préhistorique, prédynastique et pharaonique.

    Le premier se rapporte à une organisation tribale dans laquelle chaque microsociété groupée en village a son dieu ou sa déesse tutélaire, son lieu de culte, son temple et ses rites.

    Le deuxième renvoie à la période prédynastique organisée en protoroyaumes et structurée autour d’un Roi, d’une métropole royale et cultuelle ainsi que d’une divinité principale. Les égyptologues la désignent conventionnellement par le terme « dynastie zéro », pour tout le moins, en ce qui concerne la période qui précède immédiatement la mise en place des institutions pharaoniques.

    Le troisième concerne l’unification territoriale qui intervient « en 3200 environ avant notre ère¹ », instaurant un état monarchique centralisateur qui correspond à la première dynastie royale pharaonique.

    Cette évolution politique se double d’une autre, cultuelle, réunissant les rites et les cultes épars dans le double pays en de « vastes mouvements syncrétistes² ».

    L’Égypte ainsi unifiée politiquement trouve écho dans l’instauration de divinités et de religions d’état à l’appui de cosmogonies distinctes imaginées par les différents clergés aux lieux mêmes des capitales pharaoniques successives.

    De la sorte, il n’existe pas une histoire unique de la création du monde telle que dans la cosmogénèse biblique. Inversement, différentes théologies et théogonies font des cités d’Hermopolis, d’Héliopolis, de Memphis et de Thèbes, le théâtre du déroulement de ces récits.

    En cette terre d’Égypte, se déploie le psychodrame du cycle vie, mort, renaissance, rapporté par des aventures fabuleuses mettant en scène de multiples divinités issues des mondes archaïque et pharaonique qui cohabitent en un vaste panthéon.

    CARACTÉRISTIQUES MAJEURES DE L’ANCIENNE ÉGYPTE

    Parmi toutes les spécificités qui jalonnent cette civilisation, nous en retenons neuf.

    Tout d’abord, sa longévité, la plasticité de sa pensée, l’élaboration complexe des mythes, la suprématie du culte solaire, le concept de la Maât.

    Ajoutons la singularité de la cosmogénèse et la fonction démiurgique en son double aspect : le démiurge est à la fois créateur du monde et de la cité.

    Enfin, la notion d’androgynat et la loi de polarité illustrée, entre autres, par les couples divins. Les noces mystiques engendrant un troisième terme sous la forme d’un enfant.

    La longévité de l’ancienne Égypte et son destin tragique

    La longévité exceptionnelle de la civilisation de l’ancienne Égypte lui confère une place des plus remarquables dans l’histoire de l’humanité. Elle s’étend sur plusieurs millénaires avant notre ère jusqu’à la fin du quatrième siècle après notre ère, c’est-à-dire, jusqu’au terme de la période gréco-romaine.

    Les égyptologues ne semblent pas en mesure de déterminer avec certitude et en l’état actuel des recherches, une date précise de départ de la culture égyptienne. Néanmoins, les sources documentaires suggèrent un peuplement du désert et des bords du Nil « au paléolithique moyen, c’est-à-dire vers 120 000 – 90 000³ » avant notre ère dont la plus ancienne trace « remonte, selon toute vraisemblance, aux environs de 700 000 ans avant notre ère⁴ ».

    C’est au cours des septième et sixième millénaires avant notre ère que « se mettent en place tous les éléments d’une civilisation⁵ ». Cette époque est celle du passage à une organisation tribale fondée sur le cycle de la végétation et sur des conceptions funéraires qui attestent déjà de croyances en une vie dans l’Au-delà.

    La grande civilisation de l’ancienne Égypte va connaître cependant une destinée funeste. Elle agonise sous la montée du Christianisme et d’autant plus avec l’édit de 391 signé par Théodose, empereur romain d’Orient. Il condamne à mort le paganisme en instaurant le Christianisme comme seule religion en vigueur en terre d’Égypte. S’ensuivent des vagues de massacres des prêtres. Les temples sont mis à sac et les statues sont sorties des naos et détruites.

    L’offensive chrétienne se poursuit au cours de trois évènements majeurs : destruction en 392 du Sérapeum d’Alexandrie, temple dédié à Isis, Osiris, Sarapis ; mise à feu de sa bibliothèque ; assassinat de la philosophe Hypatia chargée de l’école philosophique néo-platonienne d’Alexandrie en 415.

    Le culte d’Isis arrive malgré tout à survivre quelque temps encore jusqu’en 540, date à laquelle l’empereur romain d’Orient, Justinien « envoie un corps expéditionnaire pour mettre fin au culte d’Isis à Philae⁶ ».

    Faisant suite au christianisme, en « 640, les cavaliers d’Allah⁷ » portent un coup fatal à la religion de l’ancienne Égypte, s’emparant des restes des temples qui avaient échappé aux Chrétiens et imposant la destruction de « tous les écrits que contenait encore la Grande Bibliothèque, parce qu’un seul livre compte, le Coran⁸ ».

    Maât vient de se retirer en des contrées lointaines. La religion de la Femme par l’entremise de Mout, la Mère céleste et d’Isis la divine aux multiples noms et formes, vient d’être anéantie.

    Cela fait écho à la prophétie d’Hermès, selon laquelle :

    « Un temps viendra où il semblera que les Égyptiens ont en vain observé le culte des Dieux avec tant de piété et que toutes leurs saintes invocations ont été stériles et inexaucées. La divinité quittera la terre et remontera au ciel, abandonnant l’Égypte, son antique séjour et la laissant veuve de religion, privée de la présence des dieux, des étrangers remplissant le pays et la terre. Non seulement on négligera les choses saintes, mais ce qui est plus dur encore, la religion, la piété, le culte des dieux seront proscrits et punis par les lois […] Ô Égypte, Égypte, il ne restera de tes religions que de vagues récits que la postérité ne croira plus […]⁹ »

    Plasticité de la pensée et élaboration complexe des mythes

    L’une des spécificités de la civilisation égyptienne est la plasticité de sa pensée. Cela explique la superposition et la combinatoire de cosmogonies, de divinités, de rites, de contes, de légendes, d’hymnes, de textes sacrés ou profanes et de mythes qui peuvent se décliner en plusieurs versions. De même pour les triades cosmogoniques et pour les divinités.

    Celles-ci portent des noms différents pour les premières ou changent d’attributions ou de fonctions pour les secondes, selon l’époque considérée et les spéculations de l’élite sacerdotale. C’est ainsi et pour exemple, que Thot à tête d’ibis est le très ancien dieu lunaire dont la « première attestation remonte au quatrième siècle avant notre ère¹⁰ ». Il est aussi fils de Râ dans la triade hermopolitaine Rêt-Rê-Thot, tandis que dans une autre version de cette même cosmogonie il est le démiurge, requalifié fils de Râ dans la triade gréco-romaine d’Esna : Neith-Râ-Thot.

    Culte solaire et concept de la Maât

    Quelles que soient les périodes, au moins deux éléments demeurent constants : d’une part, une vision du monde éminemment religieuse centrée sur le culte du Soleil (sa théologie héliopolitaine est la plus illustre) ; d’autre part, un principe fondateur de la société égyptienne, la Maât (ce vocable signifiant « justice » ou encore « droiture »).

    Maât est un neter¹¹ complet. D’origine céleste, elle prend allure féminine anthropomorphe, à la fois fille, mère, épouse et sœur du Soleil, exprimant une indissociabilité entre Râ, le dieu Soleil et la déesse. Les Égyptiens la qualifie d’œil de Râ, dispensatrice de la lumière bienfaisante du Soleil. Elle est aussi associée à la lionne des terres du sud, détentrice du pouvoir brûlant du disque solaire. Également à l’élément eau, purificateur et nourricier de la terre d’Égypte.

    Son attribut est la plume d’autruche positionnée verticalement sur sa tête qui renvoie à l’élément air et à un mouvement ascensionnel qui atteste de sa nature divine. Cette plume symbolise la norme ou loi divine mais aussi sociale et politique, celle qui consiste à agir selon le ternaire : vérité, justice, harmonie.

    Maât est la personnification de l’ordre cosmique, la gardienne de l’équilibre et de la paix dans le monde manifesté, c’est-à-dire le cosmos, formule empruntée au grec ancien qui signifie « ordre de l’univers ». Elle ordonnance ainsi l’univers qui est son habitacle et son action est double, céleste et terrestre.

    Pour l’ancien Égyptien, le ciel se reflète sur la terre. Les lois sociales sont donc la traduction dans le monde matériel des lois célestes. En ce sens, la Maât constitue aussi un code moral. L’ancien Égyptien doit d’abord se l’appliquer à lui-même. Il se manifeste dans l’agir humain par la pratique du souverain Bien malgré les assauts permanents d’Isfet, le chaos. Ainsi, Maât intervient-elle au sein du microcosme et du macrocosme qui constituent les trois temples : le temple simple ou corps de l’Homme, le temple symbolique ou temple terrestre, le temple parfait ou l’univers qui au demeurant n’en forment qu’un.

    L’un et le multiple

    La cosmogénèse est toujours une œuvre collective. Bien que partant du un sous l’aspect d’un(e) démiurge, Grand Architecte de l’Univers, les créateurs du monde se donnent à voir sous la forme du multiple. Cette unitas multiplex est incarnée par un collège de divinités organisatrices de l’univers qui traduit, pour chacune d’elles, une puissance à l’œuvre au sein du cosmos.

    Le démiurge est à la fois créateur de la cité pharaonique et créateur cosmogonique, traduisant l’inséparabilité du politique et du théologique. Il est l’expression de cette indissociabilité. La métropole royale devient la matérialisation de la butte originelle sur laquelle le démiurge émerge du Noun, l’océan originel.

    Toutes les divinités primordiales, c’est-à-dire toutes celles impliquées dans le processus de création du monde, relèvent de la grande loi cosmique de polarité. Elles sont à la fois, mâle et femelle. Elles manifestent qu’au commencement les humains sont androgynes et qu’à la fin des temps, ils sont destinés à le redevenir.

    Cet androgynat prend dans le mythe une double forme. Tout d’abord, celle du couple originel enfoui dans les profondeurs du Noun, père et mère, roi et reine, dieu et déesse, époux, épouse, à l’instar de Rê-Rêt, la puissance solaire mâle et femelle à son zénith, dénommée également Amon-Amonet ou Tum-Temet. Ou encore, celle de la gémellité primordiale frère et sœur. L’une et l’autre forme pouvant être confondues dans les mêmes divinités, comme l’atteste le couple Isis-Osiris à la fois frère et sœur, père et mère, roi et reine, époux, épouse.

    Les triades divines

    Le couple divin, bipolaire, trouve son accomplissement dans le ternaire qui est l’enfant à naître ou à renaître, forme sublimée¹² et conjuguée des deux précédentes, à l’instar d’Horus l’enfant, troisième terme de la triade héliopolitaine Osiris, Isis, Horus.

    La dénomination grécisée Osiris provient de wsr, prononcé ousir signifiant « le puissant¹³ » et celle d’Isis, d’Aset de st qui détermine l’attribut qu’elle porte sur le chef, c’est-à-dire un trône. De sorte qu’Aset peut signifier « celle du trône » ou encore « celle qui est assise sur son trône de gloire », au sens de régente de l’univers, le trône représentant alors le cosmos.

    Horus provient de la racine hor en ancien égyptien. Elle désigne l’âme supérieure de l’Homme, animée du divin et matérialisée par le dieu Horus. Ce dernier symbolise la finalité de l’initiation.

    Tous les ternaires primordiaux cosmogoniques sont l’expression d’une consubstantialité ou triunité, dieu, déesse, enfant, trois divinités distinctes mais néanmoins de mêmes substance et identité.

    On pense à la Trinité dans le dogme chrétien, telle que définie par les conciles de Nicée et de Constantinople : Père, Fils, Saint-Esprit. Toutefois, on n’y trouve aucune allusion à une figure féminine. Fils et Saint-Esprit procèdent du Père qui est la source, l’origine. Procédant du Père, ils sont de mêmes substance et identité, c’est-à-dire « consubstantiels », le Père étant créateur, le Fils rédempteur et le Saint-Esprit sanctificateur.

    Le ternaire dieu, déesse, enfant exprime ainsi la manifestation de trois éléments ou trois fonctions qui interagissent en complémentarité et en indivisibilité. Tous les trois répondent au principe ternaire à l’œuvre au sein du processus initiatique.

    Prenant pour assise, la triple nature de l’être : corps, âme, esprit, Osiris est le corps, le terreau fertile, le point d’ancrage des transformations. Isis est la magicienne, l’âme cœur et la clef de toutes les métamorphoses. Horus en est la résultante.

    De la même façon, il peut être avancé que le ternaire maçonnique apprenti, compagnon, maître est corps, âme, esprit, le Maître étant l’expression de l’action conjuguée et transformatrice des deux composantes précédentes.

    LE CONCEPT DE MAGIE

    Le dictionnaire de l’Académie française définit le terme magie comme un « art qui est censé donner le pouvoir de faire intervenir des puissances occultes afin de modifier le cours de la nature ou d’agir sur la destinée des hommes¹⁴ ». Il fait également allusion à la magie blanche et à la magie noire. Cette dernière fait intervenir des énergies néfastes dans le seul but de voir s’abattre sur autrui, les forces du mal. Dans le langage courant, le terme « magie » est polysémique. On l’utilise indifféremment pour évoquer ce qui relève du fabuleux, de l’imaginaire ou encore de l’occultisme ou de l’ésotérisme. Ces deux derniers termes font eux-mêmes l’objet de définitions différentes. En ancienne Égypte, les termes magie et ésotérisme s’éloignent considérablement de la définition précédente. On le constate avec la déesse Maât, antithèse des forces malfaisantes et chaotiques.

    La magie selon l’ancienne Égypte

    On doit appréhender le terme « ésotérisme » en son sens étymologique. Il se rapporte à l’intériorité de l’être et à l’ensemble des enseignements révélé exclusivement par la voie de l’initiation et qui concourt aux métamorphoses de l’âme.

    En ancienne Égypte, la magie est directement liée à une praxis, c’est-à-dire une pratique rituelle dont l’objet est la réactualisation ou la commémoration, au moyen d’un rituel, de la perfection de la création originelle démiurgique. Le terme « art » évoqué dans la définition de l’Académie française peut trouver son corrélat dans celui de poïesis emprunté au champ sémantique aristotélicien.

    L’agir humain est porté par une intention et dans une inséparabilité de la pensée, de la parole et de l’action. Poïesis est alors synonyme de pensée vertueuse en actes et en paroles qui est production d’une œuvre humaine.

    Cultiver les vertus cardinales de justice, de prudence, de courage et d’équité correspond à la recherche du beau, du bien et du vrai. Tel est cet art qui se réfère à l’idée que l’Homme, dans un effort de conversion, peut être en harmonie avec le cosmos.

    On le constate, le terme magie usité dans l’ancienne Égypte se rapporte à la fois à praxis et à poïesis avec l’idée centrale qui consiste pour l’Homme à se rapprocher des dieux jusqu’à devenir une divinité. Au demeurant, il est préférable d’employer le terme « théurgie ». Celui-ci relève en effet, de savoirs initiatiques transférés dans une pratique qui permettent l’union avec la divinité.

    La magie est au centre de la création

    La magie opère sous l’aspect du ternaire Sia, Hou et Héka.

    Sur un plan anatomique, Sia se rapporte au cœur et Hou à la langue¹⁵. Transférés sur le plan spirituel, Sia relève du domaine de l’intuition divine et Hou, du verbe créateur. Héka est à la fois dieu de la magie et puissance magique à l’œuvre dans l’univers. Ces trois divinités représentent le processus de création global par l’association, d’une part, de la voie du cœur Sia, siège de la pensée et d’autre part, de la parole, origine de la création, Hou.

    Héka se manifeste sur le plan physique sous l’aspect du symbole qui est tout autant, le hiéroglyphe que la statue de la divinité, les éléments architecturaux, les monuments, les amulettes voire le cadavre animal ou humain.

    En tant que fondement de l’activité magique, le symbole est vivant. Il possède un cœur en sa double composante hâty et ib, un nom (ou ren), une âme (ou ba) et un double éthérique (ou ka).

    Ces différentes composantes animent et habitent : le minéral comme la pierre, le végétal comme le sycomore ou l’acacia, l’animal comme l’ibis, le faucon, la chatte, le vautour, le héron ou encore l’humain, même à l’état de cadavre.

    Cette conception du symbole explique le rôle majeur du rituel et des cultes funéraires dans l’ancienne Égypte. L’objet du premier est de maintenir le ka au sein des différents règnes de la nature tandis que les seconds consistent à le revivifier.

    Dans ce même registre, toutes les prestations de serment des maçons de la Terre de Memphis s’achèvent en touchant les trois symboles de l’Ordre, qualifiés de vivants symboles :

    –L’équerre, symbole de la droiture ;

    –Le compas, symbole de la connaissance ;

    –Ainsi que la règle, symbole du Grand Architecte de l’Univers.

    Le terme magie est donc à entendre sous deux acceptions. La première consiste à penser le monde comme porté et soutenu par un élan vital (ou magique) sans lequel il ne peut subsister, représenté par le dieu Héka, le Maître des kaou, comme son nom le signifie. La seconde revient à comprendre que seul le rite sous-tendu par le ternaire formule, gestuelle, déambulation, peut assurer la pérennité, la continuité et la stabilité de l’univers, c’est-à-dire sa permanence et son immuabilité.

    La magie héka et la magie akhou

    L’ancien Égyptien différencie la magie accessible à l’humain, désignée par héka et celle qui relève de l’exclusive des dieux, dénommée akhou.

    La première est du domaine des prêtres ritualistes. Ces derniers s’appuient sur héka dans la mise en œuvre des rituels.

    La seconde est l’apanage des divinités et du pouvoir de création des démiurges. Les dieux et Pharaon, considéré comme le représentant de la divinité sur terre, sont les seuls à pouvoir arborer le symbole d’éternité akh en signe de détenteurs de la magie akhou.

    L’iconographie représente la magie héka sous la forme d’un homme portant le sceptre magique à l’extrémité recourbée telle une crosse pastorale et sacerdotale, un des attributs des dieux et des pharaons. Elle adopte également celle d’un enfant qui peut être celui du couple memphite Ptah, Sekhmet ou encore celui de la période romaine Antinoé, Khnoum, dénommé Héket¹⁶.

    Ce dernier est figuré portant la mèche enfantine. En ses mains sont deux serpents qui forment entrelacs. Il est détenteur du akh. La mèche représente le fluide vital de l’être régénéré, sorte d’auréole, de cercle lumineux ou couronne d’or qui caractérise l’âme solarisée, c’est-à-dire divinisée. Les deux serpents désignent l’union sacrée des deux polarités entre le serpent mâle, époux et le serpent femelle, épouse dont le produit est justement cet enfant connaissant hier et demain, dépositaire de la croix de vie en éternité.

    Cet enfant héka, héket¹⁷ est l’expression du rajeunissement de l’âme et de sa renaissance en la forme d’un nouvel être. Tout comme Khépri, le jeune Soleil, qui apparaît chaque matin au sortir des ténèbres nocturnes.

    Analogiquement, la régénération individuelle est à l’image de la régénération cosmique, empruntant au cycle solaire ses transformations, selon le quaternaire : Atoum, Osiris, Khépri, Râ-Horakhty. Ces derniers correspondent aux quatre états du soleil et aux points cardinaux :

    –Atoum dont le nom est issu de la racine « imm, caché¹⁸ » est le Soleil vieillissant qui meurt au crépuscule ;

    –Osiris représente le Soleil mort puis régénéré par les épreuves post-mortem et les rites funéraires. Il est figuré sous la forme d’un cadavre momifié, dont le royaume est l’Occident ;

    –Khépri est le jeune Soleil, apparaissant quotidiennement à l’Est ;

    –Râ-Horakhty est le Soleil à son zénith.

    Le nom Khépri est issu de « kheper », c’est-à-dire « advenir¹⁹ » entendu au sens de « prendre nouvelle forme ». Khépri est donc la forme advenue d’Atoum, ce vieux Soleil ou vieil Homme transformé en sa forme juvénile.

    Ces quatre divinités rendent compte des métamorphoses du soleil mais aussi de celles de l’âme ou cycle magique de régénération.

    La déesse Isis représente à la fois :

    –Le processus initiatique en sa totalité ;

    –La puissance de transformation et de réparation de l’âme ;

    –Ainsi que l’une des composantes de l’âme que nous dénommons isiaque.

    Image 1

    Figure 1 – Les quatre états du Soleil et la déesse Isis

    PHARAON EST LE MAÎTRE DU RITUEL

    Le commun des mortels ne peut accomplir rites et cultes funéraires. C’est en effet une praxis qui relève de la pureté du cœur ib et que seul le maître a la capacité de réaliser. Ce vocable enraciné dans celui de magister²⁰, renvoie au terme magistère ou enseignement, à celui de magus signifiant prêtre et à des termes qui en sont issus tels que mage²¹ et magie.

    L’ensemble de ces termes est établi sur le radical latin mag ou maj qui exprime l’idée de majoration ou de supplément d’âme.

    Ainsi, le Maître est-il celui qui se distingue du vulgaire, qui est séparé de la multitude. Il est celui au cœur pur qui a traversé toutes les épreuves de la mort et qui a accompli le rite de redressement, triomphant de sa condition de finitude pour devenir un être immortel.

    Sur le plan terrestre, le Maître parfait (ou accompli), à l’instar du vocable Atoum, ne peut être que Pharaon ou le Grand Prêtre. Détenteurs des mystères isiaques, de la Tradition sacerdotale et de la magie akhou, c’est-à-dire du pouvoir de création, ils sont les véritables initiés de la terre d’Égypte. En leur qualité de médiateurs entre les Hommes et les hiérarchies célestes, ils possèdent la maîtrise parfaite du rite et du culte, opérations théurgiques qui consistent à spiritualiser la matière.

    Le défunt est un aspirant à cet état d’accomplissement, dans la démonstration constante au cours des épreuves initiatiques, de la pureté de cœur qui seule peut lui ouvrir les portes du ciel. Authenticité, redressement, enfantement, puissance du Verbe, telles sont les conditions pour accéder à l’état d’immortalité.

    INVITATION AU VOYAGE EN TERRE D’ÉGYPTE

    Le monde complexe de l’ancienne Égypte nécessite de mettre entre parenthèses ses schèmes mentaux et ses mécanismes d’organisation de la pensée exclusivement rationnelle. Il s’agit de laisser place à la métaphore, à l’allégorie, au symbole tout à la fois mot, son et image ainsi qu’à la méthode dialogique. Ce mode de pensée consiste à tenir en un même temps, des éléments qui apparaissent contradictoires, inconciliables ou obéir à deux logiques opposées.

    Il convient d’opérer une rupture épistémologique et d’adopter la posture du pèlerin qui part à la rencontre d’un monde étranger, car étrange, hermétique, occulte, voire parfois dépourvu de sens. Cela constitue une véritable quête spirituelle qui engage le voyageur dans la polysémie, la « multi référentialité », le pluri langage et dans un travail d’interprète traducteur.

    Cette démarche herméneutique s’inscrit dans la mise en dialectique de l’explication et de la compréhension. Le premier terme se rapporte à l’activité cognitive d’analyse, le second à la compréhension, à l’appropriation ou à la construction de sens à partir du discours ou de l’image. L’Homme est le seul être dans l’univers en capacité de percevoir et de concevoir le monde dans lequel on l’a projeté et ce faisant, à le lire, à le parler, à l’écrire et à l’interpréter.

    La vocation de l’Homme au sein de l’univers est d’exister, terme entendu en son sens étymologique²², c’est-à-dire, sortir de, s’élever, se dresser, se tenir hors de soi.

    C’est précisément le fait de se redresser, de se verticaliser dans l’Au-delà qui est désigné sous le terme magie, toute la problématique du devenir post-mortem caractérisant la centralité des préoccupations de l’ancien Égyptien.

    La grande histoire des divinités et de l’humanité sont contées dans des périples évocateurs de mises à l’épreuve au sein de rites et de mythes et dans un quadruple projet post-mortem :

    –L’identification aux divinités en leurs multiples formes, qualités et attributs ;

    –L’aspiration à devenir un être immortel, telle l’étoile impérissable qui se meut au sein de la voûte céleste ;

    –L’admission et l’intégration dans la cour des divinités ;

    –Ainsi que la collaboration, en tant qu’être divinisé, au maintien de l’harmonie universelle.

    Ces quatre facettes sont au demeurant une seule et même chose, celle qui consiste à devenir, à l’instar des divinités, vénérables de magie.

    L’ancienne Égypte est ce grand temple, aux portes desquelles le pérégrin est convié à se dépouiller de ses métaux, à accueillir le merveilleux et le fantastique, à soulever le voile d’Isis, divine Mère et à fraterniser avec cette terre des mystères.

    Ici tout est symbole. Ici, tout est magie. Ici, sont les arcanes de la gnose.

    L’ÉGYPTE, TERRE MÈRE DU RITE

    La notion de cosmologie

    Les supports de la conception théologico-politique de l’ancienne Égypte, par laquelle Pharaon est à la fois Roi et Grand-Prêtre, sont le mythe, le culte et le rite. Trois termes à appréhender en inséparabilité et en interrelation qui prennent racine dans les récits de création du monde ou cosmologies.

    Ces dernières racontent comment et pourquoi le monde est créé, constituant un mythe en soi. Elles expriment, d’une part, les modes de création démiurgiques, d’autre part, les liens aussi bien visibles qu’invisibles entre les différentes puissances à l’œuvre au sein de l’univers.

    Ces interactions obéissent à la grande loi cosmique d’analogie, qui enseigne le principe de correspondance en tous les plans de l’univers.

    Ces puissances portent des noms au sens de vocables, mais aussi au sens premier du terme porter, c’est-à-dire, tenir, soutenir la charge contenue dans le nom. Ainsi, Maât porte la plume d’autruche, expression de la légèreté et de la pureté de son âme (cf. infra). C’est cette même plume qui sert d’étalon, lors de l’épreuve post-mortem de la pesée de l’âme cœur du défunt dans la balance de Justice, Vérité.

    Si son cœur, dénommé ib ou ab est aussi léger que la plume, il a accès aux épreuves qui le conduisent à l’immortalité, obéissant à la grande loi cosmique de causalité qui enseigne le principe de causalisme ou de rétribution en tous les phénomènes.

    Le défunt emprunte alors de multiples formes et noms, expression des métamorphoses. Changer de forme ou se transformer revient à changer de nom et inversement.

    Pour l’ancien Égyptien, le nom ou ren est sacré et magique, car posséder un nom revient à en détenir les arcanes. Le nom fait advenir à la forme, il donne existence ou rend existant, conférant à la fois une identité individuelle et collective. Il rend compte de ce qui est unique, mais également de ce qui est semblable au sein d’un collège de divinités qui forment une cosmogonie, définissant leur origine, leurs attributs et leur vocation. Quelles que soient les cosmogonies considérées, elles ont trois dénominateurs communs : le premier se rapporte au chaos originel, dénommé Noun, archétype du Nil, le deuxième à l’émergence de la terre primitive et le troisième à l’autoproduction démiurgique.

    Le collège des divinités

    Les différentes divinités occupent un office au sein de l’univers. Dans leur collège, chaque puissance a un nom, des attributs, un positionnement dans la descendance divine et une fonction précise.

    Formant collège, elles sont solidaires et manifestées sous des figures féminines et masculines. Cette formation obéit à la fois à la grande loi cosmique de polarité et à la grande loi cosmique de genres.

    La première enseigne que tout est double au sein de l’univers, tout comporte un pôle féminin et un pôle masculin, la seconde enseigne le principe d’affinités. En effet, les divinités forment une famille, un tout indissociable de même genre, c’est-à-dire de filiation divine, et toutes contribuent à la réalisation du chef-d’œuvre que constitue la Création.

    Noun, Nounet, l’océan des origines

    L’origine est le Noun-Nounet, l’océan primordial, les eaux originelles qui sont le contenant du démiurge et de toutes les potentialités en germe.

    Soudainement, sous l’impulsion de sa conscience, le (la) démiurge jusqu’alors en sommeil ou en état d’inertie, se met en mouvement au sein des eaux primordiales. Cette prise de conscience est assimilée au processus de connaissance et au principe de vie. Elle est le point de départ d’un évènement théophanique : la création qui instaure un acte de séparation d’avec cet océan des origines.

    L’inertie est synonyme à la fois de chaos, de mort, de fixité, de catalepsie, de paralysie, de stagnation, d’inactivité, d’ataraxie, d’atonie. Tandis que la vie est synonyme de mobilité, de trajectoire, de déplacement, de changement, d’animation, d’évolution, de transformation, de dynamisme. Ou encore, de rythme, d’ascension, d’avancée, de parcours, de voyage, de migration, d’impulsion, de transmission, de battement, obéissant à la grande loi cosmique de vie, qui enseigne le principe d’harmonie universelle.

    Ces termes rendent exactement compte de la lutte spirituelle engagée par le défunt pour gravir les différents degrés en vue d’atteindre les régions célestes, à l’instar de la scala philosophorum²³ maçonnique.

    Dans cette ascension au terme de laquelle son âme vit l’exaltation, le défunt est systématiquement confronté à cette opposition, mort et inertie, vie et mouvement.

    Autant de mots retrouvés tels quels ou énoncés quelque peu différemment dans le Livre des Morts des anciens Égyptiens, pour décrire les différentes phases de la régénération.

    À l’image du dieu Osiris au cœur immobile et arrêté, auquel tout défunt s’identifie, est énoncé :

    « Ô toi, immobile et inerte comme Osiris, Toi, inerte et immobile comme Osiris dont les membres sont figés, sors de ton immobilité, afin que tes membres ne pourrissent pas !²⁴ »

    Cela exprime avec force et vigueur, à la vue de la répétition des termes inerte et immobile, l’idée selon laquelle l’immobilité est bien similaire à dégénérescence et à décomposition.

    L’émotion fondatrice de la création est la vie, le mouvement, les battements du cœur du démiurge. Émotion est bien le terme approprié. Il provient du radical latin ex, hors de et du terme movere, se mouvoir. Être en mouvement hors de soi constitue cette prise de conscience qui agit comme facteur déclenchant, tel le balancier de la vie, le flux et le reflux, l’inspir et l’expir ou encore la systole et la diastole qui traduisent le cycle cardiaque.

    L’ensemble de ces termes obéit à la grande loi cosmique de rythme qui enseigne que l’univers est en mouvement constant et en équilibre entre deux pôles.

    Les mythes rapportent que le démiurge pense tout d’abord le monde en son cœur.

    Le hiéroglyphe du cœur est un vase duquel s’échappent les gros vaisseaux. Il exprime le contenant de la conscience ou pensée démiurgique d’où émane le processus de création. Ce dernier intervient par battements cardiaques successifs libérateurs d’énergies, de vibrations prenant la forme des divinités, obéissant à la grande loi cosmique de vibration qui enseigne le principe de dynamique à l’œuvre au sein de l’univers.

    La cosmogénèse est ainsi une opération qui est tout d’abord élaborée dans le vase cœur-pensée, obéissant à la grande loi cosmique de mentalisme intégral qui enseigne le principe selon lequel seul l’esprit est créateur.

    Cette loi exprime la force et la volonté du démiurge, cause première de la création qui s’extériorise ensuite en des formes symboliques, selon différents modes.

    La première fois du monde ou la perfection de la création

    La première fois du monde est dénommée zeb tépi²⁵ ou premier temps ou encore temps d’avant… s’agissant de celui où l’Homme ne s’est pas encore rebellé contre les dieux. Il est cet instant précis où du Noun, soupe primordiale, émerge un tertre recouvert de sable immaculé, figuré par une pierre levée ou pierre originelle à partir de laquelle un monde parfait va être créé.

    De l’élément aquatique Noun, surgit l’élément solide terre par le truchement de Shou, fils du Soleil et dieu de l’air. C’est sur cette pierre qu’apparaît pour la première fois le démiurge qui réalise l’œuvre de création.

    Dans la cosmogonie héliopolitaine, la pierre primordiale est dénommée benben qui est issu « du même radical que bénou, exprimant le fait de s’élever²⁶ ». S’agissant d’un monticule de pierre, le monde est ainsi dressé, hissé, édifié sur cette île mythique ou centre du monde mentionné dans certains récits comme étant l’île du milieu.

    Le mythe rapporte que l’oiseau bénou identifié au héron²⁷, cet échassier aux pattes longues et effilées et à la robe cendrée évoquant la brillance des rayons solaires, est la première créature venue se percher sur la butte. Cet oiseau est donc un symbole solaire assimilé à l’âme ba du dieu Soleil ou encore à l’âme solarisée du défunt qui s’identifie à Osiris.

    Ainsi, le benben figure-t-il l’univers auréolé des rayons lumineux de l’astre solaire et animé de l’âme de Râ, sous l’aspect du héron divin bénou. Il symbolise ces oiseaux migrateurs qui plongent dans les eaux du Nil au moment de la crue à la recherche de leur nourriture. Ils possèdent la triple caractéristique de pouvoir à la fois voler en s’élevant vers les cieux, marcher sur la terre ferme et s’immerger dans le fleuve nourricier.

    Le bénou²⁸ divin est à lui seul la synthèse des quatre éléments, tout à la fois feu solaire, air, terre, eau. Il est également identifié comme le marqueur de l’inondation qui fertilise la terre d’Égypte. L’ancien Égyptien a plus généralement intégré l’oiseau et plus particulièrement le bénou au centre du processus des métamorphoses post-mortem de l’âme.

    Le Livre des Morts des anciens Égyptiens contient une prière que le défunt adresse aux divinités afin d’être transformé en héron, proclamant :

    « […] J’ai maîtrisé les Forces Animales […] Ô vous, anciennes divinités, vous Esprits d’autrefois, Maîtres des Rythmes de l’Univers, apprenez, Ma Puissance est immense comme le Ciel […] À présent je suis pur, d’une enjambée je franchis le Ciel […]²⁹ »

    Les trois idées-forces de la première fois du monde

    La première fois du monde ou premier temps est un des éléments fondamentaux de la religion égyptienne, pouvant s’énoncer en trois grandes idées.

    La première correspond à la préexistence du monde créé contenu dans l’incréé, dans l’informe, ce qui induit la préexistence de l’âme divine, laquelle prenant corps, réalise le passage de la potentialité à la réalité.

    Ce corps, en tant que contenant de la totalité, désigne la matière en sa globalité, c’est-à-dire le grand Temple universel, qui est architecturé selon le plan parfait tracé dans l’âme démiurgique.

    La

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