La Chasse: Ivy Granger Détective Paranormale, #5

La Chasse

E.J. Stevens

Publié par Sacred Oaks Press

Copyright 2016 E.J. Stevens

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Note de l’éditeur

Il s’agit d’une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les endroits, sont soit le produit de l’imagination de l’auteure, soit utilisés de manière fictive, et toute ressemblance avec des personnes mortes ou vivantes, des établissements commerciaux, des événements ou localités n’est que pure coïncidence.

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La Chasse

Écrit Par E.J. Stevens

Copyright 2022 E.J. Stevens

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Traduit par Cécile Bénédic

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Chapitre 1

La nuit fut brisée par des hurlements me donnant l’impression que des griffes glacées glissaient sur mon dos.

– Qu’est-ce que c’est, par tous les diables ? demandai-je en tendant mes mains gantées vers mes lames.

Ceff leva les mains, comme pour s’excuser, sa bouche luttant pour former des mots d’une façon qui ne me contrarierait pas. Je pouvais lire l’inconfort dans sa posture rigide et la crispation de la peau autour de ses yeux.

Torn ne s’inquiétait pas autant pour mes sentiments.

– Tu ne croyais tout de même pas pouvoir entrer dans le Monde des Fées sans conséquences, Princesse ? demanda Torn avec un sourire moqueur.

Super, le pote. Apparemment, revenir à Harborsmouth avait fait ressortir le côté narquois de Torn.

Les portes vers le Monde des Fées avaient été scellées par Mab, Titania et Obéron quand ils avaient disparu plus d’un siècle auparavant. Les chemins des fées ne menaient plus aux terres Seelie et Unseelie. Par chance pour moi, j’avais trouvé la clé d’une porte dérobée.

Du moins, cette clé avait semblé être un vrai coup de chance à l’époque. J’avais eu besoin d’un moyen d’entrer dans le Monde des Fées, de me rendre à la cour des feux follets qui promettait des indices sur la situation de mon père. Pas que mon voyage eut été facile. Rien qui valait la peine de se battre ne l’était.

La capacité de sortir de l’ombre ? Ça valait la peine de se battre. J’en avais assez de me cacher dans les coins sombres de ma ville.

Le problème était que, bien que j’avais été élevée comme une humaine, les dons surnaturels hérités de mon père, Will au Tortillon, continuaient de grossir comme un feu de forêt, me brûlant dans le même temps. Sans personne pour m’apprendre à contrôler mes pouvoirs grandissants, j’avais brisé la seule règle que toutes les fées respectaient. J’avais utilisé mes pouvoirs en public, sans envoûtement, et risqué d’exposer le secret de notre espèce aux humains, un crime puni par la mort.

Il n’avait pas fallu longtemps aux arrogantes hautes instances fée pour envoyer une escouade afin de m’éliminer. Les Moordenaar, un groupe d’assassins élites, m’avaient criblée de flèches empoisonnées. J’étais morte. Par chance, j’avais une pomme magique dans ma poche, une pomme qui ressuscitait les morts, et pas du genre zombie glauque.

Donc, ouais, je suis morte, mais je m’en suis remise. Prenez ça assassins fées. Ivy Granger : 1, assassins fées : 0.

Alors que les fées me croyaient morte, j’avais utilisé la clé de mon père pour entrer dans la cour des feux follets. Comme dit, ce n’avait pas été facile. J’y avais fait des choses qui me donneraient sans aucun doute des cauchemars, encore plus qu’avant, mais j’avais bêtement pensé que le pire était derrière moi.

Survivre à un voyage dans le pays des morts et le Monde des Fées, et en revenir, proches meurtriers et tout compris, m’avait donné de l’espoir. J’avais appris à contrôler mes pouvoirs. Mes amis et moi avions survécu. Mince, je n’étais revenue que depuis quelques minutes et j’avais déjà réussi à guérir les feux follets vivant dans la casse auto du père de La Poisse de leur maladie du fer. Cela semblait être une bonne journée.

J’aurais dû avoir plus de jugeote.

Mais j’avais tant de raisons d’être remplie d’espoir. Je revenais à Harborsmouth après avoir démontré mon contrôle à la cour Unseelie. Le gouvernement fée avait décidé que je n’étais plus une menace pour leur existence. Cela signifiait que je n’avais plus à me cacher. Pour une fois, personne n’essayait de me tuer. Même ma relation avec Ceff était super. Ma vie était censée redevenir normale.

Un autre hurlement affamé perça la nuit et je grimaçai.

– On a pas le temps de jouer, Torn, dis-je.

Obtenir une réponse d’un cat sidhe était comme suivre la bille métallique dans une partie d’Attrap’souris. J’étais persuadée que Torn était allergique aux réponses directes, mais j’en avais marre de jouer au chat et à la souris. Notre aventure dans le Monde des Fées avait été exténuante et j’étais à court de patience. Plus vite on combattait le gros vilain monstre en approche, plus vite je pourrais rentrer à la maison et m’effondrer dans mon lit.

– On a réveillé le chien des Baskerville ou quoi ?

Ceff et Torn échangèrent un regard éloquent, le visage terne. J’offris un rapide sourire à Ceff, espérant alléger l’atmosphère, mais il secoua la tête.

– Torn a raison, dit Ceff. Il semblerait que notre voyage dans le Monde des Fées n’a pas été sans conséquences.

– Quelles conséquences ? demandai-je en levant les mains. Est-ce que l’un de vous va simplement me dire ce qu’il y là-bas ? Les informations ça facilite les choses pour tuer un monstre hurlant. La connaissance est une arme, bla bla bla.

– Tu auras besoin de bien plus que de simples lames pour combattre cet ennemi, dit Ceff.

Je serrai les dents tout en imaginant poignarder une image de mon petit-ami énigmatique avec mes « simples lames ».

– T’es en train de dire qu’on devrait courir ? demandai-je en levant les sourcils. Parce que tu devrais mieux me connaître.

– Ce qu’il dit, Princesse, c’est que t’as réveillé quelque chose de bien trop gros pour qu’on le vainque juste nous trois, dit Torn.

Cela me fit réfléchir. Nous avions affronté des reines fées, des démons pyromanes, une nécromancienne en mal d’amour et une lamia psychotique, pour n’en nommer que quelques-uns. Je n’étais peut-être pas sortie de ces batailles sans égratignures, ou avec toutes mes entrailles au bon endroit, mais au final, nous avions gagné. Avec mes amis à mes côtés et un tout nouvel arsenal de pouvoirs de feu follet au bout des doigts, je me sentais invincible.

Je regardai Ceff, espérant qu’il attraperait son trident et se joindrait à moi pour un rapide nettoyage de monstre. J’étais certes en repos là, mais je ne laisserais pas une fée affamée chasser dans les rues de Harborsmouth. Et si Torn avait raison, j’avais, d’une certaine façon, laissé celle-là nous suivre depuis le Monde des Fées. Impossible que je tourne les talons, peu importe mon état de fatigue.

Mais Ceff ne prit pas son arme.

– Nous avons besoin d’alliés, dit-il.

– Et de plus grosses armes, ajouta Torn en faisant un clin d’œil.

Le cat sidhe avait l’air surexcité, ce qui indiquait que je n’allais pas aimer la réponse à ma prochaine question.

– Et contre quel monstre devons-nous réunir nos alliés et nos armes ? demandai-je.

– Eh bien, Princesse, tu n’as pas encore deviné ? répliqua Torn dont les yeux brillaient. Nous ne faisons pas face à une seule bête hurlante.

Ceff se tourna vers moi, refermant la distance entre nous. Dans le clair de lune, je pouvais voir mon reflet dans le bassin sombre de ses yeux de kelpie, des yeux emplis d’inquiétude.

– Qu’est-ce que c’est ? demandai-je.

La voix de Ceff était basse et révérencieuse, mais aussi teintée de peur.

– La Chasse Sauvage.

Chapitre 2

J’avais laissé passer la Chasse Sauvage.

– C’est vrai ce qu’on dit, que la Chasse Sauvage est menée par Herne le Chasseur ? demandai-je en essayant de donner du sens à notre malheur, en vain.

Un rire nerveux se coinça dans ma gorge contusionnée et sèche.

On pourrait penser qu’après avoir appris que mon père était Will au Tortillon, le roi des feux follets, et que ma mère était Mab la Reine de l’Air et des Ténèbres, j’accepterais plus facilement le fait que la Chasse Sauvage était réelle. J’avais pris le thé avec le dieu celte de la mort et sa maîtresse Morrigan, pour l’amour de Mab. J’imagine qu’il y a des choses qui ne cessent de vous retourner le cerveau et de faire s’emballer votre cœur, peu importe à quel point vous êtes désabusée et désenchantée.

Ce n’était pas forcément une mauvaise chose. J’avais le désagréable sentiment que le jour où je m’habituerais aux dieux et royautés fées débarquer dans ma vie, ce serait le jour où je finirais morte.

– Oui, Princesse, dit Torn en se léchant les lèvres. Mais le Chasseur est le dernier de nos soucis.

– On doit s’inquiéter d’autre chose que d’un demi-dieu païen ? demandai-je.

De mieux en mieux.

– C’est vrai, bien qu’il ne faille pas sous-estimer Herne, répondit Ceff en regardant les ténèbres au-delà de la casse auto. Gwynn ap Nudd, comme Herne le Chasseur était connu avant que Mab ne le prenne dans ses filets, a toujours été un excellent meneur dans les batailles.

– Peu importe, Haleine de Poisson, répliqua Torn en agitant la main. Je ne dis pas que Herne est une chiffe molle, ce que je dis, c’est qu’on devrait planifier le meilleur moyen d’affronter son groupe de chasse.

– J’imagine qu’on parle pas de buveurs de bière en vestes orange, dis-je.

– Non, la Chasse Sauvage est bien plus intéressante que ça, répondit Torn.

– Et par intéressante, tu veux dire dangereuse.

– Délicieusement mortelle, en fait, dit-il en faisant un clin d’œil.

Génial, absolument génial.

– Alors, qu’est-ce qu’on attend ? demandai-je.

Je savais qu’il valait mieux ne pas fuir un groupe de chasseurs fées. Je pouvais le sentir dans mes os, mais rester là, comme une proie facile, n’était pas mieux. Et puis, Ceff et Torn avaient dit que nous aurions besoin de renforts.

Un cor résonna, rejoint par l’aboiement de chiens, arrachant l’air dans mes poumons. Après avoir pris un moment pour forcer mon corps à se souvenir comment respirer, je me retournai et vis Torn sourire.

– Ça, Princesse, dit-il. C’est ça que nous attendions.

– Et c’était quoi ? demandai-je.

– L’appel aux armes, répondit Ceff.

– Un son du cor donne le signal au groupe de chasse de Herne de venir à lui pour recevoir ses ordres, dit Torn. Il va rassembler son armée mortelle et quand il sera près, il sonnera le cor trois fois.

– Et ces trois coups, ça donne le signal de quoi ? demandai-je en me frottant les bras face à un froid soudain.

Ceff tourna son visage vers le mien et je sus que j’allais regretter d’avoir posé la question.

– Le début de la chasse.

Alors que le cor faisait sonner le glas de la mort sur la ville, nous fîmes demi-tour en courant.

Chapitre 3

– Où est-ce qu’on va ? demandai-je.

Je connaissais Ceff et Torn. Bien que leurs motivations variaient, aucun d’eux ne voudrait fuir la Chasse Sauvage. Pas sans une bonne raison. Le sens de l’honneur de Ceff était trop fort et Torn était bien trop curieux pour fuir un ennemi aussi intéressant que la Chasse Sauvage. Je supposai que nous allions rassembler ces alliés dont nous avions tant besoin.

J’espérais juste qu’il nous en restait.

Quand nous avions quitté Harborsmouth, je n’étais pas vraiment sûre de nos chances de survie. Je n’avais pas non plus eu la liberté de dire à La Poisse ce que nous faisions. Cela importait peu qu’elle soit ma meilleure amie. La Poisse était humaine, ce qui signifiait que lui parler d’une porte dérobée vers le Monde des Fées et de la clé de mon père pour ouvrir cette porte reviendrait à dessiner une cible sur nos dos.

J’avais déjà été tuée par les Moordenaar. Je ne prévoyais pas de me retrouver à nouveau du mauvais côté de la pointe acérée de leurs flèches.

Mais pour l’instant, ce qui m’inquiétait le plus, c’était d’affronter la colère de La Poisse. Si elle découvrait que j’avais menti et que j’étais partie dans le Monde des Fées sans même le lui dire, les Moordenaar ne seraient pas les seuls archers dont je devrais me méfier. La Poisse était sacrément douée avec une arbalète.

Malheureusement, j’ignorais complètement combien de temps j’étais partie. Le temps s’écoule différemment dans l’Autre Monde et nous avions passé du temps à la fois à Tech Duinn et dans le Monde des Fées. Je n’étais pas sûre de savoir ce que ça signifiait pour nos potentielles retrouvailles.

De notre point de vue, nous étions partis depuis plus de deux ans. Mais les feux follets que j’avais soignés à notre retour étaient encore en vie. Quand Eben Braxton m’avait engagée et que j’avais trouvé les feux follets malades dans sa casse auto, j’avais supposé qu’ils n’auraient plus longtemps à vivre. Mais je n’étais pas une experte.

– Je dois retourner au port et informer mon peuple, ainsi que nos alliés selkies et sirènes, dit Ceff. Je t’escorterai jusqu’à l’Emporium, c’est sur le chemin.

– Et je pense que je vais venir voir ce que ton amie sorcière a à dire à propos d’une meute de barghests dans sa ville, ajouta Torn.

– Une meute de barghests ? demandai-je. Du genre y’en a plusieurs ?

– Oui, Princesse, répondit-il en caressant son oreille abîmée. Tu sais vraiment faire une entrée remarquée.

Je grognai et accélérai le pas pour ne pas traîner derrière le seigneur cat sidhe aux longues jambes. La sueur coulait dans mon dos et ça n’avait rien à voir avec notre rythme pressé.

Des années plus tôt, un barghest isolé avait menacé Harborsmouth, et nombre de magiciens et chasseurs de la guilde locale étaient morts lors du combat pour l’abattre. Une sorcière avait survécu et j’avais un mauvais pressentiment concernant sa réaction en apprenant que j’avais mené une meute de chiens des enfers dans sa ville.

Si La Poisse ne me tuait pas, ce serait sûrement Kaye qui s’en chargerait. Je fronçai les sourcils, mais je me dépêchai d’avancer vers les portes de la casse automobile. Ce n’était pas le moment de reculer. Kaye était une de nos plus puissantes alliées et j’avais la responsabilité de faire tout en mon pouvoir pour sauver les innocents habitants de Harborsmouth. J’espérais juste qu’elle ne déciderait pas de me changer en crapaud pour me punir.

Chapitre 4

J’imaginai Kaye me transformer en crapaud quand La Poisse sortit de derrière une carcasse de voiture brûlée. Mon halètement de surprise fut vite remplacé par un rire nerveux quand elle leva son arbalète et la braqua sur moi.

– Où t’étais ? demanda-t-elle.

– En vacances... avec Ceff... et..., bredouillai-je.

– Arrête avec ton excuse bidon, Ivy, répondit-elle. Tu disparais pendant des jours, n’emportant presque rien sauf tes armes et tu réponds à aucun de mes messages. Forneus est nerveux dès que je parle de toi ou de Ceff et quand j’ai essayé d’utiliser mes pouvoirs de persuasion pour découvrir ce qu’il savait, il m’a fait une tirade en jargon juridique.

– Tu sors avec un avocat démon. Un comportement nerveux et du jargon juridique, c’est la norme.

– Il a fait l’impasse sur le sexe et a lancé une boule de feu sur Sparky quand le petit l’a pris par surprise, dit-elle avec l’arbalète tremblant légèrement dans sa main.

– Sparky va bien ?

– Oui, il va bien, il a adoré le spectacle, répondit-elle en redressant les épaules et sa main arrêta de trembler. Alors, je répète : qu’est-ce qui se passe bon sang ?

Un hurlement déchira la nuit et La Poisse écarquilla les yeux.

– Je déteste interrompre ces retrouvailles, surtout que ça inclut une belle femme tenant une arme mortelle, mais on devrait bouger, dit Torn.

– Torn a raison, dis-je. Tu peux me planter plus tard si tu veux, mais là, on doit se bouger.

La Poisse baissa son arbalète, mais elle ne la remit pas dans son sac. Pas folle la guêpe. Avec des monstres hurlants à nos trousses, nous devions garder nos armes à portée de main.

– Ton père est là ? demandai-je alors que nous courrions vers le portail de la casse.

Eben Braxton m’avait engagée pour enquêter sur des événements mystérieux dans sa casse automobile. Je me sentirais responsable de le laisser là à affronter une autre menace surnaturelle, surtout une que j’avais apparemment amenée du Monde des Fées.

– Non, il a suivi ton avis et a donné une semaine de congés à ses hommes, répondit-elle. Et puis je l’ai encouragé à partir pêcher quelques jours dans le nord.

– Bien, dis-je.

Mon esprit tournait à cent à l’heure. Nous étions partis de Harborsmouth moins d’une semaine. Cette nouvelle aurait pu m’enivrer de soulagement si nous n’avions pas une horde de bêtes-fées à gérer.

– Ceff, tu peux nous porter jusqu’au Vieux Port ? demandai-je.

– Je peux essayer, répondit-il.

Sa peau était blême, mais je hochai la tête. Il était probable que prendre sa forme équine kelpie serait difficile ici, dans une casse auto remplie de fer et loin des eaux du port, mais c’était un risque que nous devions prendre.

Ceff gémit et se mit à genoux, enlevant ses habits de son corps alors que des spasmes déformaient son visage avec douleur. En temps normal, Ceff donnait l’impression que se transformer était facile, avec ses habits allant et venant selon sa volonté. Le fait qu’il déchirait sa chemise et son jean était un signe de la difficulté de la transformation pour lui.

Ma mâchoire se crispa et je clignai des yeux pour repousser de stupides larmes en tournant le dos à Ceff, utilisant l’excuse de le protéger pendant sa transformation. Même Torn se détourna, ses yeux cherchant les menaces dans la nuit.

– Je pourrais nous conduire, dit La Poisse en agitant un porte-clés à son doigt. Mon père a pris sa camionnette, mais il m’a laissée emprunter sa voiture pour que je garde un œil sur la casse pendant son absence.

Je secouai la tête. La proximité de tant de fer dans la casse faisait déjà des dégâts sur Ceff et j’étais persuadée que la sueur trempant mon haut ne venait pas de la courte course vers le portail. Dans ses efforts pour me protéger de Mab, mon père avait m’avait altérée magiquement quand j’étais bébé, me rendant partiellement humaine pour cacher mon sang de haute lignée. Mais tout comme le fait d’atteindre la maturité avait commencé à fissurer la geis qu’il avait utilisée pour masquer mes souvenirs, entrer dans le Monde des Fées m’avait changée, avec un prix.

Je n’avais jamais aimé être confinée dans le véhicule d’un étranger, trop de risques de visions non désirées, mais maintenant, j’avais l’impression de ne plus du tout avoir cette option. À en croire la sensation huileuse tourbillonnant dans mes entrailles, je ne survivrais pas à un trajet jusqu’au Vieux Port enfermée dans un cercueil en fer ambulant. J’étais maintenant bien plus fée qu’au moment où j’avais utilisé la clé de mon père pour entrer dans le Monde des Fées.

Un autre hurlement déchira la nuit, déclenchant une douleur familière entre mes omoplates. Je n’étais pas sûre de connaître les limites de mes nouveaux pouvoirs maintenant que j’étais revenue dans le monde humain, et je n’étais pas encore prête à révéler tous mes secrets à La Poisse, mais cela ne changeait pas le fait que des ailes pareilles à celle d’une demoiselle, l’insecte, voulaient s’échapper de leur prison de chair.

Ce n’était pas la première fois que je me demandais s’il restait encore quelque chose de mon humanité.

Un mouvement dans mon dos me tira de mes pensées et je pivotai sur mon talon alors que Ceff se levait, renâclant une fois et tapant du sabot sur le sol. Je m’avançai, me penchai et murmurai dans son oreille.

– Tu peux nous porter ? demandai-je. La Poisse peut prendre sa voiture et nous rejoindre à l’Emporium, mais je préférerais qu’on ne se sépare pas.

Ceff hocha la tête et se baissa sur le sol, son intention claire. Je tirai sur mes gants et vérifiai que ma veste était bien fermée avant de sauter sur son dos. L’éveil de mon sang de haute lignée avait eu quelques avantages. Même avec le début d’une intoxication au fer, j’étais plus rapide et agile qu’avant.

Bien sûr, l’entraînement brutal de mon oncle et ma poursuite sans relâche des kidnappeurs de Ceff et Torn avaient également affiné mes compétences, mais il n’y avait rien dans mon temps à la cour des feux follets qui ne soit lié à la douleur et à la souffrance, c’est pourquoi mon esprit reculait devant les souvenirs et se concentrait sur mon amie humaine luttant pour monter sur le dos de Ceff sans se casser le cou.

La Poisse n’avait pas été aussi gracieuse que moi, mais elle avait réussi à grimper derrière moi sans l’aide de Torn. Je me raidis quand elle attrapa ma veste pour retrouver son équilibre, mais ce n’était pas un contact peau contre peau, donc aucune vision ne vint. Juste une amie ronchonne qui semblait prête à tirer sur Torn, dont la main s’attardait sur sa hanche.

– Allez, Torn, dis-je en affichant un regard noir. Arrête. On a pas le temps pour tes jeux, et autant j’adorerais voir La Poisse te planter, autant on ne peut pas se permettre de perdre du temps.

– T’as l’esprit mal placé, Princesse, répondit-il en levant les mains. J’essayais juste d’aider.

– Aider, mes fesses, murmura La Poisse.

– Exactement, dit-il avec un clin d’œil exagéré.

Je soupirai et Ceff tapa du pied.

– Allez, dis-je. Monte, on doit bouger.

– J’ai cru que tu demanderais jamais, répondit Torn avec un regard lubrique.

Il sauta derrière La Poisse et à son cri à elle et son ronronnement à lui, j’imaginai qu’il en avait profité pour laisser une main se balader. Alors que Ceff se lançait en avant à une vitesse inhumaine, je murmurai une menace dans le vent, littéralement, sachant que les oreilles fées de Torn pouvaient entendre chaque mot. Il gloussa, mais son rire fut interrompu quand, une fois de plus, des hurlements déchirèrent la nuit.

Torn avait certes une curiosité de chat et une soif de combat, mais