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La vie est belle sans toi(t)
La vie est belle sans toi(t)
La vie est belle sans toi(t)
Livre électronique303 pages4 heures

La vie est belle sans toi(t)

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À propos de ce livre électronique

L'histoire de Cerise débute son projet d'écriture autobiographique. Femme solaire, elle sera toute la tristesse et de la drame de sa famille déchirée et recomposée. Le livre retrace sa vie atypique: des racines périgourdines à une vie parisienne, un parcours précoce, riche en expériences d'artiste et créatrice. La création comme moteur de vie! Résiliente, Cerise a passé sa vie à créer: elle puise dans son vécu douloureux. Sa solitude est son moteur face au vide abyssal de sa vie affective. Ecrire à son amie "la feuille blanche", raconter sa journée come elle le faisait à sa mère qui lui donnait des conseils.
La feuille blanche ne dit rien, mais elle permet la mise à distance des émotions, aide à dire l'ineffable en totale honnêteté, dans la prise de décisions, en toute conscience.
Comme l'amour, la créativité de Cerise était grande, très grande.
Elle passait son temps à observer les autres, à essayer de les comprendre, à essayer de s'adapter. L'ouvrage relate sa douance et la fin d'une relation avec un pervers narcissique. Cerise aura des relations amoureuses à distance, secrètes et compliquées. L'histoire initiatique donne des clés pour se sortir de relations toxiques grâce à son rétablissement spirituel, tel est son chemin de vie.
LangueFrançais
Date de sortie6 avr. 2021
ISBN9782322249848
La vie est belle sans toi(t)
Auteur

Cédricia Maugars

C'ced Cherries Angel est "Cré-active" surdouée, artiste, auteur, chamane, chanteuse, chef de "choeur",chercheuse, conférencière, coach, consultante, créatrice crulinaire, compositrice, décoratrice, enseignante, formatrice, interprète, leader, médiatrice, méditante, musicienne, pédagogue, danseuse, plasticienne, guerrière jardinière!

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    Aperçu du livre

    La vie est belle sans toi(t) - Cédricia Maugars

    TABLE DES MATIERES.

    REMERCIEMENTS

    INDEX

    Des racines périgourdines à une vie parisienne puis nomade...

    Un parcours précoce, riche en expériences

    La création comme moteur de vie !

    Des relations amoureuses à distance, secrètes et compliquées

    La spiritualité comme chemin de vie

    ANNEXES

    ANNEXE 1

    ANNEXE 2

    ANNEXE 3

    ANNEXE 4

    ANNEXE 5

    ANNEXE 6

    ANNEXE 7

    ANNEXE 8

    REMERCIEMENTS

    « Identifier le bonheur lorsqu'il est à ses pieds, avoir le courage et la détermination de se baisser pour le prendre dans ses bras et le garder »¹.

    Je voudrais remercier toutes les personnes qui ont cru à ce qui m’était arrivé et qui ne m’ont ni jugée ni tournée le dos. La solitude est immense quand on doit reconstruire sa vie à zéro. Merci à l’Association Nouvelle Olympe, aux fraternités anonymes et à leurs membres, aux Spiritains, à ces personnes au grand cœur qui se reconnaîtront. Merci à mes amies qui, même éloignées, m’ont donnée des conseils très concrets et efficaces. Merci surtout à tous les anges gardiens anonymes qui ont croisé mon chemin et qui ont disparu après m’avoir tendue la main. Et, surtout, merci à mes parents qui, du ciel, m’ont guidée et protégée par leur amour inconditionnel.

    Je rends grâce à ma puissance supérieure, qui sous la forme de mon intuition, m’a permis de pouvoir traverser le néant et le vide affectif. Un tête-à-tête avec soi sans toi(t), avec la peur au ventre qui a mis près de neuf mois à partir, cette peur de disparaître, tuée comme d’autres victimes de féminicides. « Je te tue parce que je t’aime ». Effectivement, c’est tellement cela l’amour !!

    Je remercie ces femmes courageuses… Un chemin à la rencontre de soi… Ceux qui m’aiment et m’ont soutenue dans les moments de grand doute… Et surtout ceux qui m’ont permis par leur ignorance, leur mépris, leur indifférence ou leur trahison de devenir une meilleure résiliente… Avec le cœur ! Merci à ma correctrice d'amour Nicole, à mes relecteurs Gérard, Jacques et Maurine qui m’ont permis de finir ce livre grâce à leurs conseils de lecture ! A tous les personnages de cette fiction qui m’ont fait grandir par leurs âmes !


    ¹ "Si c'était vrai" de Marc Lévy p.99.

    INDEX

    Les Personnages :

    Adèle : fille aînée d’Yvon et de Cathy.

    Aladin : amoureux de Cerise.

    Aurélienne : Seconde épouse d’Etienne.

    Cathy : première épouse d’Yvon.

    Cerise : personnage principal, fille de Marie et Max, sœur d’Héloïse.

    Danielle : sœur de Max

    Deborah : fille de Max et de Francine, demi-sœur de Cerise et Héloïse.

    Désiré : père de Max, époux de Suzie.

    Diana : fille d’Yvon et Cathy.

    Docteur Barrot : médecin de Roberto et Louise

    Etienne : le pervers narcissique qui a séduit Cerise dit « Monsieur Bio ».

    Fleurine : fille de Gilan et Roselyne.

    Framboise : fille de Max et de Francine, demi-sœur de Cerise et Héloïse.

    Francine : première femme de Max, mère d’Yvon, Gilan, Framboise, Deborah.

    Gérard et Iphigénie : enfants de Danielle et Jacques.

    Gilan : fils de Max et de Francine, demi-frère de Cerise et Héloïse, père de Fleurine et époux de Roselyna.

    Jacques : époux de Danielle

    Louise : mère de Marie, épouse de Roberto, grand-mère maternelle de Cerise et Héloïse.

    Madame Devos : femme de ménage de Roberto et Louise.

    Marie : mère de Cerise et Héloïse, épouse de Max, fille de Roberto et Louise.

    Marine : amie d’enfance de Cerise et Héloïse.

    Max : père de Cerise et Héloïse, époux de Marie, fils de Suzie.

    Mgr Delbard : Évêque de Périgueux.

    Nadine : fille d’Yvon et Cathy.

    Noé : Curé révolutionnaire ayant vécu à Périgueux, oncle de Louise.

    Roberto : père de Marie et époux de Louise, grand-père maternel de Cerise et Héloïse.

    Roselyna : épouse de Gilan et mère de Fleurine.

    Suzie : mère de Max, grand-mère paternelle de Cerise et Héloïse.

    Théo : le petit ami de Cerise.

    Tiphaine : fille de Framboise, cousine d’Adèle.

    Yvon : fils de Max et de Francine, demi-frère de Cerise et Héloïse.

    « Reach for the moon if you fall short you may land on a star. I know God won’t give me anything I can’t handle. »

    Cela fait des mois qu’elle procrastine sur ce manuscrit en souhaitant qu’un collecteur de mémoire² ou un chercheur en autofiction le fasse à sa place après sa mort. La distanciation entre l’oral et l’écrit se ferait plus simplement ainsi. Quarante ans à jeter sur le papier sans se perdre dans les détails du passé avec l’honnêteté totale de ce qui fut fait, dit, pensé, vécu. Elle a traversé plusieurs deuils familiaux dramatiques dont celui de n’être pas mère de famille ni épouse du temps de vie de ses parents. L’association des femmes victimes de violences conjugales lui a donné le courage de rassembler ses notes éparses. Elle a tellement à écrire. Sa vie est une boîte de Pandore.

    « Toi, que j’ai aimé plus que moi-même, au point de vouloir mourir, tu m’écrivais et disais cette phrase que j’écoutais tel un mantra... Oui, la vie est belle ! », sans violence, sans dépendance affective et sexuelle, sur le chemin de reconstruction vers la renaissance qu’elle vous livre. Mais...

    « Je est un autre »³

    Elle n’a plus besoin d’entendre des « Je t’aime » pour s’aimer. Elle a compris : la clé du bonheur se cache au fond de soi. Dans l’absence et le vide naît le plus beau des cadeaux, celui de la vie !

    Publier des livres, des articles de recherche ou écrire un blog est un mode d’expression aux antipodes de l’autobiographie qui demande de relire des milliers de pages, animée par l’émotion de poser en mots, l’ineffable.

    Elle reste méfiante. Elle a peur de perdre ce qui lui reste de dignité tant que l’on n’entre pas dans son intimité, la partie cachée de sa vie. Elle ne veut plus souffrir. Avoir du temps, seule, et s’offrir en cadeau son histoire : devoir de mémoire qui lui ouvre un chemin de résilience.

    « Voilà comment elle est... »

    « J’aspire de tout mon cœur à construire une stabilité affective, c’est mon vœu le plus cher pour les années à venir » : son credo.

    En haut de l’iceberg, elle est :

    « Cré-actrice », jardinière, artiste, auteur, compositrice, interprète, musicienne, danseuse, coach, entrepreneuse, elle contribue au rayonnement des idées des créatifs culturels. Chroniqueuse, elle partage son regard décalé, féminin et sensible d’un mode de vie respectueux des valeurs humanistes, spirituelles et pacifistes. Conférencière, elle a animé des rencontres vivantes et interactives avec ceux et celles qui se sentent proches de la nature. Ouverte au monde, utopiste éveillée et femme d'action, elle défend la parité entre les femmes et les hommes notamment dans le monde professionnel mais aussi universitaire. Elle attache beaucoup d'importance à la qualité des relations humaines, la spiritualité, le développement personnel et à la méditation. Elle aime pratiquer les activités physiques et d'expressions corporelles.

    Elle écrit comme elle respire dans un journal intime appelé « boulimique de la vie » sous plusieurs formes : SMS, blog, audio, notes, carnets de voyage, citations, plans d’actions, rapports de stages, évaluations, réflexions sur l'éducation musicale, ses états d'âmes. Ecrire pour trouver le recul nécessaire avec les événements.

    Ainsi, elle apprend à jeter hors d’elle ce qui ne lui appartient plus, à ne garder que l'essentiel dans le moment présent. C'est un long cheminement de tout reconstituer avec sa mémoire et ses dernières notes.

    Acte courageux de livrer en plein jour sa blessure encore à vif, la plus douloureuse à mettre en mots ; touchée en plein cœur jusqu’à la rendre silencieuse plusieurs années.

    Elle viderait sa boîte de Pandore jusqu'à l’oubli.

    « Il y a des mots qui blessent

    Qui secouent, qui nous renversent,

    Qui ne tiennent plus en place, qui ne tiennent leurs promesses.

    Des mots qui font tellement mal qu’on les tient en laisse,

    Qu’on ne lâchera ni sous la torture ni sous les caresses »⁵.

    Elle surfe sur la vie comme un transfuge, cachée du monde actuel. La technologie qui tue autant l’être humain que l’animal la terrorise. Ce système sans compassion ni bienveillance ne lui ressemble pas.

    Dans le « Grand bleu », femme-enfant, elle se réfugie dans les études pour ne pas subir ce monde qui n’est pas le sien. Son masque souriant lui permet de survivre. Entre la peur d’être jugée d’imposteur, cachée sans avoir réalisé sa mission de vie, elle choisit de prendre le risque de dire qui elle est : « Cerise la Robinson des bois », désobéissante civile, altruiste.

    Comme beaucoup de « zèbres »⁶, elle a besoin d’un attachement sécurisant. Sans protection aimante, elle manque de confiance en elle. Son talon d’Achille : elle attire les malveillants comme les guêpes autour du miel. Trahie, volée, violée, diffamée, jugée, elle est prête à livrer son parcours à mi-chemin.

    L’amour, c’est comme la vie ! Il faut en profiter, on ne sait jamais quand cela va s’arrêter.

    « Voilà Je : l’autre sans ailes telle qu’elle est... »


    ² Collecteur de mémoire comme à l’A.P.A. : association de personnes intéressées par la démarche autobiographique, dont l'objectif premier est la collecte, la conservation, la valorisation de textes autobiographiques inédits. (Http://autobiographie.sitapa.org/)

    ³ Référence à LEJEUNE Philippe, Je est un autre. L'autobiographie, de la littérature aux médias, Paris, Ed. Du Seuil.

    ⁴ MICHAUX Henri, OEuvres complètes, Paris, Gallimard, 2001.

    ⁵ SERAI Hocine, Les Maux des mots, Paris, Edilivre, 2015.

    ⁶ Le mot « zèbre » choisi par Jeanne SIAUD-FACCHIN pour parler de ces enfants possédant un fonctionnement intellectuel différent.

    Des racines périgourdines à une vie parisienne puis nomade...

    Comment écrire son histoire avec ses seuls souvenirs ?

    La spoliation de son identité fut un véritable traumatisme. Elle a puisé dans la foi pour tenir debout. Cerise n’a plus accès à aucun lieu ni document de son enfance qui pourrait l’aider dans ce travail de mémoire. Elle débute son projet en résidence d’auteurs et anime des ateliers d’écriture autour de l’autobiographie.

    Loin des turbulences de la vie, elle choisit une vie monastique, de silence, calme et solitude.

    L’écriture demande une grande concentration, d’être face à elle-même, sans distraction.

    Elle commence un premier arbre généalogique⁷ qui s’étend sur dix générations du côté maternel, tous cultivateurs. Aucune information du côté paternel. Deux ans plus tard, elle retourne dans son village d’enfance, une petite commune de deux mille habitants du Périgord noir où elle a passé ses vacances en famille. Son but était de connaître la composition des occupants du caveau funéraire.

    Plongée à corps perdu dans ce travail de fourmi, elle dépouille une à une les archives publiques de Dordogne, les documents originaux sur un site spécialisé, les annuaires dont celui de l’Association du Cercle d’Histoire et de Généalogie du Périgord⁸ prête à l’aider dans cette démarche. Après plus d’un an de recherches assidues, il manque encore des informations généalogiques sur la famille Chabot.

    Un jour, ce travail de recherches portera-t-il ses fruits, ou intéressera-t-il quelques membres de sa famille éloignée, comme sa nièce qu’elle ne voit plus ?

    Écrire dans la solitude, pour ne plus se sentir seul, est un travail imaginaire qui trahit le réel puisqu’il le rend partageable, mais apaise l’auteur en tissant un lien de familiarité avec celui ou celle qui le lira. » (RIME, B., Le partage social des émotions)

    Jean-Noël Chabot, curé provocateur

    Cas unique chez les curés du XIXème siècle, Jean-Noël Chabot tenait un tabac-bistrot à Périgueux. Il dessinait et vendait des cartes satiriques fustigeant la religion catholique, en digne précurseur des « Charlie Hebdo » et autres « Canard Enchaîné ». Il se met en scène et dénonce sa hiérarchie. Il se place du côté du peuple qu’il soutient face aux prêtres ventrus. Ce marginal à l’esprit républicain dénonce les abus du clergé à l’époque du schisme entre l’Église et l’État.

    Jean-Noël Chabot autoédite ses photographies. La population aime ce curé, jeune, aux idées politiques novatrices qui soutient la Séparation des pouvoirs. Il voyage en Amérique du Sud où il enseigne le français dans un collège de Mexico. Le climat ne lui convient pas : il contracte la malaria et finit par revenir en France.

    « Monseigneur, je demande votre indulgence pour réintégrer ma paroisse, dit-il à Mgr Delbard.

    - Sachez que votre attitude est incompatible avec votre fonction au sein de l’Église, répond sèchement celui-ci. Vous devez prendre un temps de retraite pour faire votre examen de conscience.

    - Soyez charitable Monseigneur, je dois subvenir aux besoins de mes vieux parents.

    - On en reparlera dans quelques temps, après votre séjour à Notre-Dame-d’Esparron.

    - Je fais confiance à la providence », termine Chabot effrontément.

    Après cinq mois passés en pénitence, il rejoint le Périgord et décide d’ouvrir ce bistrot afin d’aider ses parents. Au XIXème siècle, tenir un bistrot en tant que curé était révolutionnaire. Il y sert le fameux Monbazillac, ce vin blanc, l’un des rares dont Cerise apprécie le parfum sucré, initiée par son grand-père.

    Jean-Noël Chabot va se venger et régler ses comptes. Il va se faire connaître dans tout Périgueux et bien plus loin. Cela ne plaît pas à sa hiérarchie catholique, mais seule l’opinion publique compte pour lui. La désobéissance du curé durera de 1908 à 1914. Quand la guerre éclate, Chabot monte au front comme officier de santé. Il est âgé de quarante-cinq ans.

    À son retour en 1918, il ne reprend pas son affaire. Son père décédé, il vit avec sa mère sans faire parler de lui jusqu’en 1931 où il sollicite le pardon de l'Église et demande son retour en grâce. Nommé à Paris en 1932 comme prêtre sans fonction, Chabot n’est plus qu’un homme ivrogne et solitaire. Il meurt à la maison centrale du Dorat le 8 avril 1943, après s’être repenti dans l’indifférence de ses proches.

    Cerise se sent liée aux valeurs spirituelles et aux idées marginales du curé Chabot, renié par les siens, « ce zèbre » avec sa personnalité excessive, sa foi, son grand sens de l’humour, sa condition de pauvre, son isolement, sa rébellion contre l’autorité. Sa gloire éphémère et le mystère¹⁰ d’un enfant caché persistent encore malgré tout à travers sa biographie¹¹ et ses cartes postales, illustrations du combat d’un homme qui ne voulut jamais s’avouer vaincu, pot de terre contre pot de fer.

    Quand on sait d’où l’on vient, on sait où l’on va !

    Marie, la mère de Cerise, digne héritière du fameux curé – « une clandestine de l’Éducation Nationale », se disait-elle – a passé une partie de sa vie à promouvoir l’art contemporain à l’école en dépit des résistances et des jalousies qu’elle provoquait par sa persévérance à toute épreuve.

    Cerise a entrepris un travail de décodage biologique qui l’a poussée à interroger sa mère sur sa naissance¹², ayant besoin d’entendre que la prise de risques faisait partie de ses gènes, que depuis le premier jour de sa vie, la mort était dans son ADN : se mettre consciemment ou inconsciemment en danger, à la limite de l’interdit, voire le transgresser sans peur de mourir.

    Ses parents s’étaient mariés un jour de semaine entre deux heures d’enseignement, les personnels de la mairie tenant lieu de témoins dans une petite commune de Seine-et-Marne. Son père, Max, voulait pouvoir reconnaître ses enfants. Sa mère travaillait comme professeur d’Arts Plastiques à Brie. Elle avait décidé d’organiser des expositions d’art contemporain dans son collège de banlieue et avait créé sa petite entreprise diffusant ce même art de la maternelle à l’université. Elle se plaignait à qui voulait l’entendre que ses projets manquaient de soutien, mais parvenait pourtant à ses fins grâce à des relations haut placées, décorant les bureaux des ministres pour obtenir leurs faveurs.

    Cerise fut rapidement conçue. Marie lui a parlé de la souffrance de son accouchement avec épisiotomie et forceps dans les années soixante-dix, époque de l’avènement du « sans douleur ». Un psychiatre avait émis une théorie à ce sujet : soit Cerise n’avait pas envie de sortir de son ventre, soit Marie voulait la garder. Une vraie scène de torture à la dégoûter d’avoir des enfants - qu’elle n’aura pas, sans grande surprise.

    Sa mère ne l’a pas vue naître et n’a pas pu l’allaiter. Le lait en poudre la rendait malade ; Max lui préparait des biberons de bouillie de blé maltosée avec de la purée d'amandes, qu’il avait remplacée par la suite par des laits végétaux. Elle a cependant continué à en manger jusqu’à l’adolescence, ce qui a fini par la rendre allergique à l’amidon. Elle a appris au cours de son rétablissement à éviter le pain, les pâtes, les pizzas, la pâte d’amande, les pâtisseries, les patates. Les « p » étaient devenus ses pires ennemis.

    Depuis le jour de sa venue au monde, sa mère lui a parlé comme à une adulte. Elle lui a confié ses soucis, ses peines : un véritable inceste émotionnel. Cerise était devenue la mère de sa propre mère. À moment-là, elle a été prise dans une confusion de ce qu’étaient le « Bien » et le « Mal ». Tout ce qui venait de sa mère était mauvais ; son lait maternel était empoisonné et ses paroles étaient toxiques. À la naissance de Cerise, Marie voulait se suicider, envahie de déprime et de solitude, en manque de soutien. Sa propre mère, Louise, était malade, et son père, Roberto, vivait loin de la capitale. Marie s’est raccrochée à Cerise, sa confidente privilégiée, qui souriait pour ne pas peiner sa mère : « ma fille, si tu es triste, je suis triste ». Cerise s’est donc coupée de ses émotions. En lisant un livre consacré à l’anorexie et aux T.C.A.¹³, elle a, par la suite, mieux compris son histoire. Sans lait maternel, la petite Cerise s’était sentie en danger de mort. Sans contact physique, le manque de lien avait créé des stigmates en elle¹⁴.

    Marie a appris à Cerise à affronter la vie comme un gladiateur. Elle lui parlait de sa hantise d’être mère, parce que son premier mari avait abusé d’elle. Suite à une violente dispute entre Max et ses propres parents, Marie avait même évoqué l’idée de se pendre ou de se sauver avec elle. Cerise n’a jamais vraiment pu trouver sa place d’enfant, dans ce monde où les enfants devaient prendre soin des adultes.

    Toutes ces histoires de famille appartiennent au passé ; Cerise porte les siennes sur ses épaules. Marie menait une double vie, dans ce modèle de codépendance et de manipulation sous couvert de fausse gentillesse. Elle cachait ses achats compulsifs, ses sorties, sa vie nocturne avec les artistes.

    Marie fit une fausse couche après sa seconde fille ; l’enfant n’était pas viable. Du fond de ce ventre torturé, peut-être avait-il compris que ce combat serait trop grand pour lui !

    Héloïse est née treize mois après Cerise, conçue en retour de couche. Marie a accouché de sa deuxième fille par césarienne. Marie entretenait une relation fusionnelle avec Cerise, sa tendre petite fille vouée à devenir « ange de la paix ». À la naissance d’Héloïse, sa mère lui a dit de prendre soin de sa sœur cadette, enfant non désirée, un « accident » comme le disait maladroitement Max. Marie désirait un troisième enfant : mais trop dangereux pour sa santé. Les médecins lui ont ligaturé les trompes.

    Contrairement à Cerise, Héloïse a pu être nourrie au sein. Elle se mettait en colère, trépignant, dès qu’elle n'obtenait pas ce qu’elle désirait. Cerise souriait ; Héloïse disait qu’elle changeait son visage pour s’adapter au regard de son interlocuteur, tel un caméléon. Elle a appris ce trait de codépendance dès sa naissance, à s’adapter aux personnalités difficiles comme Max, tyran domestique. Cerise est devenue colérique par la suite avec ses partenaires, reproduisant inconsciemment le modèle paternel. Enfant surdouée, elle apprenait rapidement malgré une fragilité émotionnelle et nerveuse.

    Elle aimait Héloïse. Les deux sœurs étaient élevées de façon identique, mais la cadette n’était pas une enfant précoce et n’avait pas les mêmes capacités cognitives que Cerise. Avec elle, ses parents ont tout essayé ! Cerise devait l’accompagner aux activités parascolaires : chinois, gymnastique, canoë, piscine, poterie, dessin, piano. Héloïse commençait une activité et abandonnait aussitôt. Cerise, elle, continuait. Elle aimait apprendre. Son cerveau avait besoin d’être stimulé. Ce n’est que plus tard, à l’aube de la quarantaine, que Cerise découvre vraiment sa douance. Elle peut enfin mettre un nom sur sa bizarrerie, et s’accepter telle qu’elle est vraiment.

    Ni Cerise ni sa sœur n’ont eu de « Marie » dans leurs prénoms. Pourtant, en hommage à la bonté d’une voisine de ses grands-parents et en référence à la sœur de la Vierge Marie, Cerise porte son nom. Comme Marthe, Cerise vit simplement et accueille pourtant tout le monde chez elle. Toute la lignée maternelle est composée de « Marie » : la mère de Cerise, sa grand-mère, son arrière-grand-mère, et plus tard sa sœur Héloïse qui donna aussi ce prénom à sa fille. Cerise est très sensible aux chants dédiés à Marie.

    La vie de Marie

    Née six mois après la mort de son célèbre grand-oncle, le curé Chabot, en pleine seconde guerre mondiale, Marie a vécu dans la pénurie. Roberto, déporté et prisonnier en Allemagne a souffert de la faim, ces expériences traumatisantes auront des conséquences sur le rapport de Marie à l’alimentation.

    Marie avait mis en place un chantage affectif afin que ses parents ne se séparent pas, prenant ce rôle « d’enfant ciment » qu’elle allait immanquablement reporter sur sa propre progéniture. Ses troubles du comportement alimentaire se révélèrent être la cause de la relation fusionnelle que Cerise entretenait avec sa génitrice. Se détacher de sa propre mère lui demanda des années de rétablissement.

    Marie était une enfant ronde comme son père Roberto, obèse depuis une opération ratée du ventre par un chirurgien qui l’avait mal recousu. Le père de Marie était un bon vivant, un fin gourmet, qui appréciait de très bons crus qu'il commandait dans des caves viticoles réputées. Il collectionnait les pipes. Il mangeait du gibier et aimait montrer qu’il possédait des coupures de billets dans son bureau. Le postier du village lui apportait des espèces de main à main. Il avait fait carrière comme vendeur dans un laboratoire de chimie. Sa femme Louise était secrétaire au ministère de l’agriculture et prétendait souffrir d’un cancer du poumon contracté à cause d’un collègue qui fumait dans le même bureau. Elle décéda pourtant d’une polyarthrite rhumatoïde, qui déforma son corps magnifique. Marie et sa mère Louise étaient si proches physiquement qu’on les disait sœurs jumelles, chevelures brunes, yeux noirs. Héloïse leur ressemble avec des yeux « revolver » qui vous transpercent de leur noirceur, tels deux billes d’encre noire.

    Médecins, kinésithérapeutes, infirmières, orthophonistes et aides-soignantes s’occupaient quotidiennement des grands-parents de Cerise. Un véritable hôpital à domicile. Cela plaisait à Marie, toute cette agitation. Elle détestait être seule et aimait le monde autour d’elle pour parler car elle était intarissable.

    Roberto n’avait pas le permis de conduire. Cette situation l’a isolé, lui qui vivait au fin fond de nulle part dans sa maison de campagne ; madame Devos, la femme de ménage qui a vu grandir Cerise, lui apportait les courses. Elle était très bavarde et connaissait tous les potins du village, issue d’une famille polonaise et mariée à un chauffeur routier. Elle parlait avec Marie plus qu’elle ne travaillait vraiment.

    Roberto mangeait de la viande, beaucoup trop. Cerise trouvait dégoûtant de le voir dévorer les huîtres et les petites bécasses, les engloutissant avec des bruits peu attrayants. Mais elle aimait son grand-père, et lui adorait ses petites-filles. À Pâques, il leur payait les cocottes en chocolat d’un traiteur renommé : elle les gardait précieusement dans sa chambre, année après année sans y toucher. Roberto lui avait acheté son piano blanc. Plus tard, il a soutenu Marie financièrement. Ses parents, même avec deux bons salaires d’enseignants, s’étaient endettés avec des crédits à la consommation. Ils dépensaient sans compter. Marie ne savait pas économiser, il lui en fallait toujours plus, sans restriction ; elle cherchait à gagner plus d’argent avec la hantise du manque. Max, quant à lui, avait le complexe du fils d’ouvrier, communiste, qui méprisait l’argent mais voulait être considéré comme un riche bourgeois. La question de l’argent était récurrente à la maison. Max se mettait en colère en voyant qu’au début du mois, les salaires partaient directement dans le remboursement des crédits, pendant que Suzie, sa mère, vendait sa maison pour éponger les dettes. Max avait finalement hypothéqué la résidence secondaire périgourdine ; l’autoroute à proximité avait fait perdre de la valeur à la maison. Ce passé familial a conduit Cerise à être vigilante avec l’argent.

    Marie était une femme qui aimait trop, ce qui l’a amenée à tomber amoureuse de pervers narcissiques manipulateurs. Sûrement surdouée et ultra créative, elle possédait un sacré caractère et une énergie énorme. Son premier mari, kinésithérapeute, lui apprend par une lettre

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