La chanson est une clé à molette: Essai sur la musique
Par Michel Bühler
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À propos de ce livre électronique
"La chanson, c’est le PPPC, le Plus Petit Produit Culturel !
En trois minutes, en quelques couplets, quelques refrains, vous avez une histoire, un roman, un film entier !
Que l’on pense à La Mère à Titi de Renaud : tout est là, le décor, la vie quotidienne, la banlieue, les rapports entre les personnages!
Que Jacques Brel chante son Plat pays, vous voyez défiler devant vous mieux que tous les documentaires sur la Belgique! Avec la poésie et les frissons en plus.
Écoutez La Pinte vaudoise ou La Partie de Cave de Jean Villard-Gilles, c’est tout le canton de Vaud, c’est toute l’âme vaudoise qui est là, ce sont les vignes pentues du Lavaux, et la lune qui se reflète au profond de l’eau qui dort…
Contrairement à tous les autres produits culturels, la chanson peut vivre sans support. Pour remplir son rôle, le cinéma a besoin d’un écran et d’un projecteur, ou au moins d’un DVD et d’un lecteur. La littérature n’existe pas sans papier, sans ordinateur; la peinture nécessite une toile, la sculpture, un morceau de pierre ou de ferraille…
La chanson ? Infiniment portable et pratique, elle se moque de ces béquilles. Vous pouvez la mettre au fond de votre mémoire, l’emmener partout, et la faire renaître au moment que vous choisirez ! Elle n’encombrera pas vos bagages, elle ne fera sonner aucun portillon de sécurité, et vous pourrez, sans risquer la moindre question, passer tranquillement avec elle devant les douaniers les plus suspicieux !
C’est l’objet d’art idéal. On ne le répétera jamais assez." - Michel Bühler
Un texte revendicatif étonnant qui vous fera voyager dans l’histoire de la musique de ses origines à aujourd’hui
EXTRAIT
Tout est parti de l’oncle Gustave.
Tout : je veux dire ma passion pour la chanson, mon métier, les voyages, les connaissances et les amis que je me suis faits sur quelques continents… tout ce qui est ma vie.
Tiens, peut-être même la rencontre avec mon amoureuse…
Que les choses soient claires : pour lui, qui était mécanicien de précision, chanteur n’était pas un métier. N’étaient dignes, à son avis, de porter ce noble nom que les besognes dans lesquelles on se salissait les mains. Noircir des feuilles vierges, gratouiller une guitare en donnant de la voix, cela ne pouvait être qu’un passe-temps, qu’un vague violon d’Ingres.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
"Plein d'ironie, sur un ton qui souvent fait sourire et même rire aux éclats, Michel Bühler tire la sonnette d'alarme face à un état des choses qui menace la culture régionale. Un livre qui touche, qui pique au vif, qui fait réfléchir, et qui donne envie d'écouter du Brassens, du Ferrat, du Bühler. Un régal qui se lit d'une traite, non sans laisser un goût amer sur nos habitudes musicales de consommation de masse." - Janaïne Corboz, Revue musicale suisse
"On ne peut que se sentir personnellement interpellés à la lecture du livre de Michel Bühler. D'une part, il fait un constat plutôt évident concernant la proéminence de la musique anglo-saxonne dans notre paysage culturel, mais il présente également des raisons à cet état de choses et des éventuels changements qui pourraient sauver la chanson francophone." - Janaïne Corboz, Revue musicale suisse
A PROPOS DE L’AUTEUR
Michel Bühler est l’un des chanteurs suisses les plus connus. Auteur de plus de deux cents chansons, il a également publié trois romans, La Parole volée (traduit en allemand chez Limmat Verlag), Un notable et La Plaine à l’Eau Belle, trois récits, Cabarete, Lettre à Menétrey et Un si beau printemps, et de nombreuses pièces de théâtre.
En savoir plus sur Michel Bühler
Un si beau printemps: Réflexion sur l'importance de la révolution Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJura: Recueil de textes autobiographiques Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLettre à Menétrey: Retour sur une grande amitié Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5
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Aperçu du livre
La chanson est une clé à molette - Michel Bühler
Michel Bühler
Michel Bühler est l’un des chanteurs suisses les plus connus. Auteur de plus de deux cents chansons, il a également publié trois romans, La Parole volée (traduit en allemand chez Limmat Verlag), Un notable et La Plaine à l’Eau Belle, trois récits, Cabarete, Lettre à Menétrey et Un si beau printemps, et de nombreuses pièces de théâtre. Michel Bühler, qui demeure l’un des rares auteurs romands à rendre compte des problèmes politiques et sociaux de son pays, n’hésite pas à prendre part à des actions de solidarité et de défense des opprimés. Partageant son temps entre carrière littéraire et musicale, il vit actuellement à L’Auberson (Vaud) et à Paris.
Michel Bühler
La chanson
est une clé à molette
essai
logo-camPoche.jpg« La chanson est une clé à molette »
est un texte inédit
Cet ouvrage a bénéficié
d’une aide à la publication accordée par
etat-de-vaud.jpgCe livre a été subventionné par la Fondation suisse
pour la culture Pro Helvetia dans le cadre de la promotion
de livres de poche suisses en langue française
prohelvetia.jpg« La chanson est une clé à molette »,
deux cent quatre-vingt-treizième ouvrage publié
par Bernard Campiche Éditeur,
le cinquante-deuxième de la collection camPoche,
a été réalisé avec les collaborations
de Marie-Claude Schoendorff, Daniela Spring
et de Julie Weidmann
Couverture et mise en pages : Bernard Campiche
Photographie de couverture : Jacques Bétant
Photogravure : Bertrand Lauber, Color+, Prilly,
& Cédric Lauber, L-X-ir Images, Prilly
Impression et reliure : Imprimerie La Source d’Or,
à Clermont-Ferrand
(ouvrage imprimé en France)
ISBN papier 978-2-88241- 294-2
ISBN numérique 978-2-88241-351-2
Tous droits réservés
© 2011 Bernard Campiche Éditeur
Grand-Rue 26 – CH -1350 Orbe
www.campiche.ch
Remerciements,
à Anne Crété, pour sa présence, et tout ce qu’elle sait,
pour leur attention, leur soutien, leurs informations, leurs judicieuses remarques et leurs précieux conseils, pour leur amitié, à Julos Beaucarne, Bernard Campiche, Roger Jaunin, Patrick Printz, Jacques S., François Vautier, Josef Zisyadis, et tous les membres de l’Association des Amis…
En ce monde,
de tout ce que j’ai pu boire
et manger,
de tous les pays où j’ai voyagé,
de tout ce que j’ai pu voir et entendre,
de tout ce que j’ai pu toucher
et comprendre,
rien, rien
ne m’a rendu jamais aussi heureux
que les chants, les chants des hommes…
N A Z I M H I K M E T
INTRO
J’aime les chansons, j’aime la chanson.
L’ONCLE GUSTAVE
T OUT est parti de l’oncle Gustave.
Tout : je veux dire ma passion pour la chanson, mon métier, les voyages, les connaissances et les amis que je me suis faits sur quelques continents… tout ce qui est ma vie. Tiens, peut-être même la rencontre avec mon amoureuse…
Que les choses soient claires : pour lui, qui était mécanicien de précision, chanteur n’était pas un métier. N’étaient dignes, à son avis, de porter ce noble nom que les besognes dans lesquelles on se salissait les mains. Noircir des feuilles vierges, gratouiller une guitare en donnant de la voix, cela ne pouvait être qu’un passe-temps, qu’un vague violon d’Ingres.
On demeurait à Sainte-Croix, dans le Jura vaudois. La plus grande partie de la famille occupait une grosse bâtisse carrée au crépi jaune, pleine de vie et de rires, dans le bas du village : cinq cousins, quatre oncles et tantes, mon père, ma mère, mon frère, et la grand-mère Louise Hösli, sourde comme un pot, qui ne mettait jamais le nez dehors.
Gustave Sueur et sa femme Élisa, la sœur de ma mère, habitaient à deux pas, au bord de la grande route qui descend vers la plaine. Ils avaient deux garçons et une fille.
Deux autres fils de Louise étaient logés dans le centre du village, dans ce que l’on nommait « la maison d’en-haut ». L’oncle Marcel avait épousé la tante Léa, une forte femme qui lui avait donné une fille. Quant à l’oncle Georges, amoureux jusqu’à sa toute fin de la dodue tante Rose, il n’avait pas eu d’enfants.
Quand on parlait de nous, et bien qu’il y eût aussi dans le clan des Sueur et des Bühler, on disait : « les Hösli ».
J’étais de loin le plus jeune des onze cousins et cousines, donc le chouchou de la famille.
On était unis. On chantait.
Toutes les occasions étaient bonnes !
Au cours d’une balade en forêt, après un feu et un pique-nique dans les pâturages, sur le chemin qui nous ramenait vers le village, on chantait. À la fin d’un repas dans la grande chambre de l’oncle Charles, tante Églantine sortait sa mandoline et interprétait son morceau de bravoure, et tout le monde reprenait avec elle, en chœur : « Nuit de Chine, nuit câline, nuit d’amour. » Pour les grandes occasions, l’anniversaire de la grand-mère ou le mariage d’un cousin, on préparait des « productions », on se déguisait pour interpréter « La Java des Gaulois » ou « Madame la Marquise » ou « La Marie-Joseph »…
Chacun avait sa chanson.
Mon père, Otto, c’était « Le Chénéral Nobile » – il a jusqu’au bout gardé son accent biennois : « Et couand’y a plus d’benzine, il pissa nel motore ! » L’oncle Marcel fumait sa pipe et parlait peu. Certains soirs pourtant, les pousse-café aidant, on parvenait à lui extorquer : « Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise… » Le cousin Marcel, lui, avait une voix dorée, de ténor. Il chantait la bouche ronde et les lèvres un peu portées vers l’avant : « Nous marchons dans la nuit profonde, La main dans la main… »
La base du répertoire, c’était les vieilles rengaines de montagne, et les airs populaires venus du fond de l’âge. Mais on ne se cantonnait pas à cela : les chansons de soldats – on sortait de la guerre –, les scies, les bringues, les ritournelles, le répertoire de Trenet ou des Compagnons de la Chanson, « Le Prisonnier de la Tour », « Mademoiselle de Paris » et « Le Petit Vin blanc », tout y passait. Certains hommes improvisaient une partie de basse, d’autres inventaient le baryton, les dames chantaient à la tierce… C’était beau et l’on était heureux.
Charles, l’aîné des six enfants de Louise, petit, sec, derrière ses lunettes, restait en retrait, à écouter, un petit sourire au coin des lèvres… Attendez… Il me semble pourtant le revoir dans de très vieilles fins de soirée, les coudes collés au corps, les épaules agitées en rythme… Oui ! j’entends maintenant sa voix, un peu fausse… et les paroles – qui devaient avoir une connotation grivoise, puisque les femmes pouffaient doucement tandis que les messieurs se lançaient des œillades complices – disaient : « Y a du persil dans mon jardin, Du salsifis, du romarin… »
Gustave n’avait pas sa chanson, non. Lui, c’était la mémoire, lui connaissait tout ! D’un bout à l’autre, sans hésiter, tous les couplets, tous les refrains !
Quand nous marchions en famille, plus massif que ses beaux-frères Hösli, dégageant une impression de grande force, il était toujours devant. Le décrire ?… J’avais appris au collège le poème de José Maria de Heredia, « Les Éléphants ». Ce texte avait immédiatement, pour moi, évoqué mon oncle : « Sa tête est comme un roc, et l’arc de son échine Se voûte puissamment à ses moindres efforts… » Et plus loin, c’était nous, qui allions derrière : « Les éléphants rugueux… suivent leur patriarche. »
C’est à ce patriarche que je dois la chanson.
POURQUOI CES LIGNES
L A FAMILLE , les fêtes et les chansons, c’était dans les années cinquante…
Nous sommes en deux mille onze. Au mois d’octobre de l’an dernier s’est tenu, à Montreux, le XIIIe Sommet de la Francophonie. Le grand gala d’ouverture a été organisé par notre Télévision suisse romande, en collaboration avec d’autres chaînes sœurs. On a donc pu voir, sur la scène du prestigieux Auditorium Stravinski, de nombreux chanteurs (et chanteuses) français, des Québécois, des Belges, deux Africains, chacun interprétant une de ses propres compositions, ou à tout le moins une chanson de chez lui.
La Suisse romande, la Suisse francophone, pays organisateur, a été représentée par un seul artiste, Jérémie Kisling, à qui l’on a imposé de chanter une œuvre immortalisée par Claude François (paroles du Vaudois Patrick Juvet) : « Le Lundi au soleil ».
On n’a pas entendu un air de chez nous.
Bien sûr, « de chez nous » n’est pas automatiquement un gage de qualité. Mais, alors qu’on avait à sa disposition une vitrine extraordinaire, on a dit là en somme, à toute la Francophonie, qu’il n’existait en Romandie ni chansons ni chanteurs (ou chanteuses) dignes d’être montrés. D’autre part, on n’a présenté que des « tubes » : on a donc réduit la chanson à un art frivole, qui serait uniquement destiné à distraire le bon peuple et à remplir les poches des producteurs.
Ce mépris affiché, cette ignorance abyssale de certains responsables, cette bêtise fièrement revendiquée, qui