Un mensonge de trop
Par Éric Chassé
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À propos de ce livre électronique
Peu à peu, quelques souvenirs flous se faufilent dans la mémoire de l’enseignant de troisième secondaire. Un verre, la veille. L’inconnu qui lui a offert à boire. Aurait-il été drogué?
De retour chez lui, il retrouve son portefeuille dans la boîte aux lettres. Le contenu en semble intact, mais on l’a accompagné d’une note: C’est parti.
Mathis comprend que quelqu’un, quelque part, sait tout de sa vie privée. Tout. Une vidéo explicite où il tient la vedette a été dérobée de son ordinateur et sera diffusée à tous ses contacts, dont ses élèves, s’il n’accepte pas les conditions d’un odieux chantage. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg...
Une course folle, des événements terribles, une vie qui déraille, un cauchemar inimaginable: voici le troisième roman addictif d’un jeune auteur qui s’impose lentement mais sûrement comme un maître du roman noir québécois.
Éric Chassé
Éric Chassé est un musicien professionnel qui vit dans la région de Montréal. La mort en vedette est son premier roman à voir le jour, mais ses disques durs regorgent de récits dans lesquels se distinguent son style franc et son humour noir.
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Aperçu du livre
Un mensonge de trop - Éric Chassé
tard.
PREMIÈRE PARTIE
MATHIS
1
La bouche de Mathis était pâteuse, comme s’il n’avait pas bu depuis plusieurs jours. Il avait de la difficulté à avaler sa salive. Des rires étouffés le tirèrent complètement de son sommeil comateux. Ce n’est qu’en ouvrant les yeux qu’il réalisa qu’il était dans sa voiture. Et non dans son lit. Les clés étaient dans le contact. Sa montre lui indiqua qu’il était passé 14 h. Il dut se concentrer pour savoir quel jour on était. Samedi. Péniblement, il se tâta pour s’assurer qu’il n’était pas blessé. Mis à part un épouvantable mal de tête, rien ne laissait supposer qu’il était mal en point.
— Qu’est-ce que je fais ici ?
Encore un éclat de rire. Mathis tourna la tête et vit trois adolescents qui le regardaient à travers la vitre. Ils se tenaient à environ deux mètres de la voiture. L’un d’eux le filmait avec son cellulaire.
— C’est un prof à la poly, ma sœur l’a déjà eu, jeta le plus grand des trois d’une voix sourde qui, de l’habitacle, donna l’impression à Mathis que le jeune parlait à travers un masque.
L’enseignant devait avoir une mine effrayante. Il en eut la confirmation lorsqu’il croisa son reflet dans le rétroviseur. Mais qu’est-ce qui se passe ? Il se gratta l’épaule. Il y sentit comme une brûlure. Les trois adolescents se mirent à rigoler de plus belle. À leurs yeux, un homme de trente-huit ans se réveillant dans sa voiture avec la gueule de bois du siècle était très divertissant. De sa main gauche, Mathis leur fit signe de s’en aller, mais ils restèrent sur place. Il avait trop mal au crâne pour leur hurler dessus. Il entrouvrit alors sa portière, et ce geste persuada les trois jeunes de déguerpir pour de bon. Fort de ses cinq pieds et dix pouces, Mathis se déplia et sortit de la voiture. Il peinait à garder ses yeux ouverts tellement le soleil était éblouissant. Il reconnut enfin l’endroit où il se trouvait et comprit alors que son véhicule était garé exactement à la même place qu’il l’avait laissé la veille. Au moins j’ai pas conduit.
Tout doucement, des bribes de souvenirs remontèrent à la surface. La veille, Mathis s’était rendu au Cactus, le bar qu’il avait l’habitude de fréquenter. C’est ce qu’il faisait presque tous les samedis soirs depuis que Caroline et lui avaient rompu. Histoire de se sentir moins seul, il y prenait deux ou trois verres et retournait tranquillement chez lui. Hier, il y avait une bonne ambiance. Un match de boxe était diffusé en direct, et l’endroit était plein à craquer. Même si Mathis n’était pas un adepte de ce type de sport – ni d’aucun autre d’ailleurs –, il s’était surpris à se laisser berner et entraîner dans cette frénésie collective. Mathis se souvint alors du jeune homme. Dave, si sa mémoire ne lui faisait pas défaut. Oui, c’est ça, Dave. Celui-ci devait avoir dix-huit ou dix-neuf ans maximum. Il était venu s’asseoir à ses côtés.
— Je peux ? avait-il demandé à Mathis.
D’un signe de tête, le professeur avait signalé que la place était libre. Malgré les décibels provoqués par les adeptes de boxe, Dave et Mathis avaient réussi à avoir un semblant de conversation. Dave, qui portait un parfum beaucoup trop boisé, était étudiant au cégep de Trois-Rivières et rendait visite à ses grands-parents cette fin de semaine. Ils habitaient ici même, à Saint-Bruno.
— Sont déjà couchés, s’était-il confié à Mathis. Je me souvenais qu’il y avait un bar à cinq minutes de marche de chez eux pis je me disais qu’ils allaient sûrement présenter le combat.
C’est ainsi qu’ils firent connaissance. Ce Dave semblait vraiment s’y connaître en boxe. Il parlait statistiques et commentait sans arrêt les bons et les mauvais coups des deux adversaires qui, sur l’immense téléviseur, se disputaient le titre de champion du monde. Un peu plus tard, tandis que Mathis revenait des toilettes et songeait à bientôt retourner chez lui, Dave avait commandé des shooters.
— Non, merci, s’était opposé le professeur quand l’autre lui avait offert un verre. Je conduis et j’ai déjà bu trois pintes, alors…
— Come on, Mathis, juste un. Je veux pas boire ça tout seul.
Devant l’insistance du jeune homme, Mathis avait fini par accepter en se disant que ce n’était pas un shooter qui ferait la différence. Après tout, il n’était pas si pressé et il n’avait que dix minutes de voiture à faire pour se rendre chez lui.
— Et pourquoi pas ? avait-il fait. Je vais finir le match et je partirai après.
Pour Mathis, le reste de la soirée était flou. Comme si le temps s’était distordu. La dernière image qu’il gardait de la veille était celle où il quittait le bar en riant. Est-ce que j’étais seul en sortant du bar ou bien ce Dave m’accompagnait ? Il n’en avait aucune idée. Il était tout simplement impossible que cette amnésie provienne de l’alcool qu’il avait ingurgité. Mathis n’avait pas consommé à ce point. Exaspéré, il appuya son dos contre sa voiture et passa une main dans ses cheveux bruns. Il soupira bruyamment. De ses yeux vides, il fixa pendant un moment l’immeuble de l’autre côté de la rue. Puis il comprit.
— Tabarnac ! gronda-t-il. Il m’a drogué.
Avec des gestes nerveux, il fouilla ses poches, et ce ne fut pas long qu’il réalisa ce qui s’était passé. On l’avait volé. Son portefeuille n’était plus sur lui. C’était tellement évident maintenant qu’il y pensait. Pourquoi un gars d’à peine vingt ans m’aurait-il choisi au lieu d’aller traîner avec des jeunes de son âge ? Dave avait sans aucun doute remarqué que Mathis était seul et qu’un homme comme lui, à deux ans de la quarantaine, ne se douterait de rien. Dave l’avait leurré en prétendant qu’il n’était pas du coin et qu’il était en visite chez ses grands-parents. Mathis, croyant que le jeune homme ne cherchait qu’un peu de compagnie, avait baissé sa garde. Jamais il n’aurait pu se douter de la suite. Et lui qui jugeait toujours les gens à qui ce genre d’histoires arrivait !
Soudainement, Mathis fit le tour de sa voiture, scrutant le sol au cas où son portefeuille traînerait par terre. Ce qui ne fut évidemment pas le cas. Faut que je boive de l’eau. Il trouva dans le creux de sa poche un peu de monnaie. Suffisamment pour se procurer une bouteille d’eau. D’une démarche incertaine, il se dirigea vers le dépanneur au coin de la rue. La brûlure sur son épaule droite était toujours présente.
En sortant du dépanneur, il avala d’une traite l’eau minérale qu’il venait d’acheter et marcha vers le Cactus, de l’autre côté de la rue. S’il se fiait à l’horaire affiché sur le côté de la porte, le bar n’était ouvert que depuis une heure. Un seul client était attablé dans le fond de la salle et il buvait une bière à même la bouteille. L’éclairage sombre contrastait avec la lumière vive du jour, si bien que les pupilles de Mathis mirent quelques secondes à s’adapter. L’homme au fond du bar rota et lâcha un infime : « S’cusez ». Mathis s’approcha du barman qui, télécommande en mains, cherchait une chaîne sportive sur l’écran mural.
— Ah non, Stéphane, pas du crisse de curling, se plaignit l’unique client à voix basse.
Il est ben désagréable, lui. L’endroit était beaucoup moins charmant de jour.
— Bonjour, fit Mathis une fois arrivé à la hauteur du bar.
— Salut. Qu’est-ce que je vous sers ?
— Rien. Je me demandais juste si vous n’aviez pas trouvé un portefeuille en faisant le ménage. J’étais ici hier et je ne l’ai plus avec moi.
L’homme derrière le comptoir lui mentionna que le concierge ne lui avait rien rapporté de tel. À voix basse, Mathis expliqua la situation au serveur.
— Sérieux ? s’étonna l’autre avant même que Mathis ait terminé de lui raconter son histoire.
— Je suis certain qu’il m’a drogué. J’ai aucun souvenir du reste de la soirée. J’avais pas bu tant que ça. C’est sûr qu’il a mis quelque chose dans le shooter. Avez-vous des caméras de surveillance ici ?
Il apprit que non. En fait, il en existait une à l’extérieur, juste au-dessus de la porte de sortie, mais celle-ci avait été vandalisée il y a quelques jours, et le propriétaire n’était pas pressé de la remplacer. Une hypothèse un peu folle traversa l’esprit de Mathis. Et si c’était ce Dave qui avait brisé cette caméra, planifiant son coup ? Du revers de la main, il balaya cette idée absurde. Le gars n’était qu’un vulgaire pickpocket. Rien d’autre. Penaud, Mathis quitta l’établissement et marcha le long du trottoir qui menait à la rue où était stationnée sa voiture. Il devait se rendre chez lui et prendre une longue douche chaude. Voilà qui le réveillerait et lui remettrait peut-être les idées en place. Il réalisa aussi qu’il n’aurait sans doute pas le choix d’aviser la police. Il fut découragé en pensant qu’il lui faudrait remplacer toutes les cartes qu’il s’était fait dérober. Carte de crédit, d’assurance-maladie, permis de conduire, etc. Même sa carte de la Sépaq qui lui donnait accès au mont Saint-Bruno. Merde. D’ailleurs, il allait devoir aussi contacter sa banque en urgence pour les prévenir de la situation.
— Fait chier, grommela-t-il en se grattant l’épaule. Voyons, ça me pique donc ben.
Il retira sa veste et remonta la manche de son t-shirt. Ce fut alors qu’il remarqua la rougeur. Sur son épaule droite, une grande tache s’était formée. Mathis regarda de plus près et fut pris de vertige en constatant qu’il y avait plusieurs petits trous, comme lorsque l’on sortait d’une clinique de vaccination. L’inquiétude céda la place à la frayeur. Presque en courant, malgré le mal de tête qui lui vrillait le crâne, il atteignit sa voiture et prit tout de suite la direction de l’hôpital.
▲ ▲ ▲
Mathis quitta le centre hospitalier environ quatre heures plus tard. Il avait fallu qu’il sorte de ses gonds pour faire comprendre aux infirmiers sur place que sa vie était peut-être en danger, qu’il devait être traité sur-le-champ et que chaque minute comptait. Il n’était pas question qu’il attende à l’urgence au milieu de tous ces gens qui semblaient ne venir consulter que pour un vulgaire diagnostic de rhume.
— On m’a injecté quelque chose dans le corps et j’ai aucune idée de ce que c’est !
— Monsieur, s’il vous plaît, calmez-vous, lui avait conseillé un grand escogriffe avant d’amener Mathis à l’écart, vers une autre pièce. On va regarder ça.
Peu de temps après, on lui avait fait un bilan de santé et une prise de sang complète. Mathis avait cessé de faire le compte à la septième fiole qu’on avait remplie. Épuisé, il avait écouté une technicienne lui dire qu’il allait avoir le rapport d’analyse d’ici quatre à cinq jours si tout allait bien. Il apprit à cet instant que le GHB, si c’était véritablement ce que l’homme avait mis dans son verre, était difficilement détectable après autant d’heures. Mathis avait répliqué qu’il se foutait royalement du GHB. Ce qu’il voulait savoir était ce qu’on avait introduit dans ses veines. L’infirmière lui avait bien fait comprendre que pour l’instant, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. La pression artérielle de Mathis était normale. Son rythme cardiaque aussi. Absolument rien n’indiquait que son corps luttait contre quoi que ce soit.
— Toutefois, au moindre doute et à la moindre anomalie, n’hésitez pas à revenir à l’hôpital.
Cette phrase revenait en boucle dans la tête de Mathis alors qu’il rentrait enfin chez lui en voiture.
— À la moindre anomalie ! J’ai peut-être un poison mortel qui court dans mon sang pis quand vous allez le détecter, il va être trop tard.
Un frisson lui parcourut l’échine à l’idée qu’on lui avait peut-être administré le sida. Ça s’était déjà fait. Il se rappelait avoir vu aux nouvelles, il y a plusieurs années de cela, un Américain qui s’en était pris à des gens, en pleine rue, avec une seringue contenant le virus. Il avait réussi à introduire l’aiguille sous la peau de plusieurs passants.
— Ç’a n’a pas de sens ! s’emporta Mathis en tournant dans sa rue sans mettre son clignotant. Pourquoi Dave aurait fait ça ? Et pourquoi ça m’arrive à moi ?
Il remonta les manches de sa veste. Il avait soudainement très chaud. Comble de malheur, l’enseignant s’aperçut au même moment qu’on lui avait également volé son bracelet d’argent. Il ne valait probablement pas une grande fortune, mais il avait une valeur sentimentale. Il lui avait été rapporté de voyage par son parrain. C’était peu de temps avant que ce dernier meure d’un cancer foudroyant. Depuis, Mathis l’avait greffé au poignet à chaque instant. Il ne le retirait même pas avant d’aller dormir.
Peiné, il gara sa Honda Civic dans son allée de pavés unis dont chaque pierre avait été déposée par Caroline et lui trois ans plus tôt. Le travail avait été colossal, peu habitués qu’ils étaient pour ce genre d’entreprise, mais le résultat était fabuleux. Caroline, très habile de ses mains, avait même conçu le design du pavé. Ils étaient encore heureux à ce moment-là. C’était bien avant qu’elle ne le quitte, le mois dernier, et qu’elle vende sa part de la maison à Mathis. D’un pas nonchalant, ce dernier monta les quatre marches du perron menant à sa porte d’entrée. Sur sa gauche, quelque chose attira son regard. Un bout de plastique dépassait de la boîte aux lettres. Mais qu’est-ce que… ? Il en sortit un sac transparent qui contenait un truc en cuir.
— C’est pas vrai ! fit-il en reconnaissant son portefeuille.
Il le prit et constata que son argent était encore dedans. Ses cartes aussi. Pendant une seconde, il tourna la tête vers la rue. Personne. Qui m’a rapporté ça ? Il vit un bout de papier à l’intérieur du sac. Mathis le saisit et le déplia. Deux seuls mots y étaient inscrits. « C’est parti ! »
▲ ▲ ▲
Mardi matin, Mathis avait dû se faire remplacer in extremis pour son premier cours. Il venait à peine d’arriver à la polyvalente quand une réceptionniste de l’hôpital l’avait contacté sur son cellulaire.
— C’est concernant vos résultats d’analyse. Un médecin veut vous rencontrer.
— J’arrive tout de suite !
Cette histoire envahissait bien évidemment chaque centimètre carré de l’esprit de Mathis. « C’est parti. » Mathis se demandait bien ce que voulait dire ce message laissé à l’intérieur du sac. Et pourquoi m’avoir redonné mon portefeuille si le but premier était de me le voler ? Il ne comprenait plus rien à rien. Hier, en fin de soirée, il s’était à nouveau rendu au Cactus au cas où Dave s’y serait trouvé. Bien entendu, cette crapule n’était pas assez imbécile pour retourner si vite sur le lieu de son crime. Mais quel crime, au fait ? On ne drogue pas quelqu’un simplement pour le droguer. Derrière le comptoir, Mathis avait reconnu l’un des barmans qui travaillaient lors de la soirée du combat de boxe. Il l’avait questionné au sujet du jeune homme.
— Honnêtement, avait-il dit à Mathis, je me rappelle pas vraiment de lui. Je l’avais jamais vu ici en tout cas, mais t’sais, au nombre de personnes qui passent dans le bar, c’est pas évident de reconnaître tout le monde. Je vais quand même aviser le staff d’être plus vigilant pis de surveiller s’il y a pas des crottés qui mettent du stock dans les verres des clients.
— Ce serait la moindre des choses, merci.
Mathis se trouvait dans une salle d’attente sans personnalité de l’hôpital Charles-Lemoyne où traînaient une bonne dizaine de vieux magazines usés dont un Lundi qui titrait en page couverture : « Le couple de l’heure ! ». On y voyait Guillaume Lemay-Thivierge et Mariloup Wolfe, tout sourires devant la caméra. Mathis n’était pas à jour sur ce type de ragots, mais il savait que ces deux-là ne formaient plus un couple depuis belle lurette. Cette Mariloup était très jolie, par ailleurs. À plusieurs reprises, il avait entendu des amis confier à Caroline à quel point elle ressemblait justement à cette comédienne. Elles avaient des traits similaires. Leurs sourires étaient identiques. C’est vrai qu’elles ont des airs.
— Monsieur Durand ? l’appela le médecin.
— Oui.
Mathis se leva et marcha en direction de l’homme qui portait une blouse blanche munie d’une poche de laquelle dépassait le bout d’un stylo bon marché. Le docteur ferma la porte de son bureau une fois qu’ils furent tous deux à l’intérieur.
— Si j’ai bien compris ce qui est écrit dans votre dossier, commença-t-il en s’asseyant, vous affirmez avoir été drogué vendredi dernier.
— C’est exact, fit Mathis en prenant place sur la chaise en face du bureau. Il y a quelqu’un qui a mis quelque chose dans mon verre pour me faire perdre la carte. Je me suis réveillé le lendemain et je n’avais plus aucun souvenir. C’est là que je me suis aperçu qu’on m’avait injecté quelque chose.
Mathis ne se rendit même pas compte qu’il tapait du pied frénétiquement, geste qu’il faisait chaque fois qu’il était nerveux. Caroline avait été la première à le lui faire remarquer.
— Avez-vous trouvé quelque chose dans mon sang ? rajouta-t-il devant le silence du médecin.
Ce dernier parut perplexe avant de poursuivre :
— Avez-vous subi une chirurgie dernièrement ?
— Non, pourquoi ?
— Vous ne vous droguez pas vous-même à l’occasion ? insista l’homme.
— Non, pas du tout. Un petit joint de temps en temps. Rien d’autre.
— En fait, dans vos tests, on a trouvé des traces de benzodiazépine.
Le visage de Mathis blêmit. Il n’avait aucune idée de ce qu’était la benzodiazépine, mais pour lui, c’était comme si le docteur venait de lui apprendre qu’il ne lui restait que quelques jours à vivre.
— C’est grave ? s’énerva-t-il en appuyant ses coudes sur le bureau du médecin.
— Non, non, pas du tout ! le rassura l’autre. C’est juste étrange. La raison pour laquelle je vous demandais si vous aviez eu une chirurgie récemment, c’est parce que ce qu’on a retrouvé dans votre sang est habituellement utilisé pour endormir les patients avant une opération. On vous a probablement injecté soit du Valium, soit du Versed. C’est ce qu’on suppose, en tout cas.
Voilà qui ne rassura en rien Mathis.
— Dites-moi, reprit le médecin. Combien de temps avez-vous dormi pendant que vous étiez sous sédatif ?
Mathis, encore choqué par la nouvelle, répliqua qu’il n’en avait aucune idée.
— Probablement la nuit complète et toute la matinée.
Le médecin parut contrarié :
— En temps normal, si le dosage est respecté, le médicament ne fait effet qu’une heure ou deux. Grand maximum. À moins que le patient soit sous intraveineuse ou bien injecté toutes les deux heures…
— J’avais plusieurs petits trous sur le bras justement, l’arrêta Mathis. J’en avais au moins quatre ou cinq.
Ce faisant, il releva la manche de son t-shirt pour le prouver, mais toute trace d’injection avait disparu de la surface de sa peau.
— Et si on m’avait transmis le sida ? s’inquiéta Mathis, le visage aussi blanc que de la porcelaine.
Il martelait toujours le sol de son pied droit. Le médecin fronça les sourcils, et sa bouche prit une drôle de forme, comme s’il s’apprêtait à dire une blague.
— Honnêtement, je ne vois pas pourquoi on vous aurait endormi si longtemps si ça avait été pour vous transmettre le VIH. Mais si vous voulez en être certain, il va falloir repasser plusieurs tests. Ça peut s’échelonner sur quelques mois. Ce n’est pas une maladie qui se dépiste si rapidement.
— Tabarnac !
Le juron, telle une gifle, sembla perturber le médecin qui recula contre le dossier de sa chaise, comme si cette pièce habituellement sereine venait d’être souillée à tout jamais.
— Écoutez, fit ensuite le docteur d’une voix qui se voulait sans doute réconfortante. Mis à part les traces de benzodiazépine, vos tests sanguins sont parfaits. Ce que je ferais, si j’étais à votre place…
Mathis n’écouta pas la suite. L’homme en face de lui n’existait même plus. Le bureau dans lequel il se trouvait non plus. Toutes ses pensées allaient vers ce qu’il venait d’entendre. On ne l’avait pas simplement drogué. On l’avait mis hors service. Hors d’état de nuire. Mais pourquoi ? La réponse à cette question n’allait pas tarder à venir.
2
Une semaine plus tard
Rien ni personne ne s’était manifesté depuis l’incident au Cactus. Dans le courant de la semaine, Mathis était passé à deux doigts d’aviser la police, mais avait raccroché au dernier moment. À quoi cela aurait-il servi ? Le professeur n’avait pas été agressé ni même volé. Il avait malgré tout contacté sa banque, car il redoutait que ses cartes aient été clonées lors de la brève disparition de son portefeuille. Pour ne prendre aucun risque, on lui en avait fait parvenir de nouvelles.
L’horloge suspendue au fond du local lui indiqua qu’il était 10 h 45. Mathis était à la polyvalente depuis une bonne heure déjà. Il aimait bien corriger les copies de ses élèves ici plutôt qu’à la maison. Son premier cours de la journée était tout de suite après la pause du dîner. Mathis était en train de se dire qu’il aurait probablement le temps de passer à travers la pile d’examens d’ici là. La salle des professeurs était presque déserte à cette heure du jour. Il arrivait parfois que l’endroit fût bruyant, mais Mathis avait une forte capacité de concentration. Le seul qui était capable de le déranger dans ce genre de moment venait justement de se pointer le bout du nez : Patrick Landreville. Le professeur d’éducation physique était malheureusement son voisin de bureau.
— Hey, Matthew ! lança-t-il en apercevant Mathis. Quoi de neuf ?
« Tu vois bien que je suis concentré et que j’ai le nez rivé sur mes copies, pauvre con », eut envie de répondre Mathis.
— Salut, Patrick, dit-il plutôt en levant la tête. Ça va ?
— Oui, pas mal. Dis-moi donc, est-ce qu’Isabelle est là ce matin ? Je l’ai pas vue.
Nouvellement arrivée, Isabelle enseignait les arts plastiques. Âgée de vingt-six ans, la jolie jeune femme ne passait pas inaperçue dans la polyvalente. Elle n’avait même pas dix ans de différence avec certains élèves.
— Je l’ai croisée vite vite tantôt, expliqua Mathis. Elle est retournée chez elle et va revenir pour ses deux cours en après-midi.
— T’as pas changé d’idée à son sujet ? le sonda Patrick, l’air taquin. Si j’étais à ta place, Mathew, je sauterais sur l’occasion.
Mathis soupira. Il détestait qu’on se mêle de sa vie privée. Surtout lorsque c’était en compagnie de Patrick. Tout le monde ici était au courant que cet homme ne faisait que bavasser. Loin d’être un idiot, Mathis n’était pas sans savoir qu’Isabelle éprouvait une certaine attirance envers lui. Et c’était beaucoup plus flagrant depuis qu’elle avait appris que Caroline et lui avaient rompu. Ce petit jeu de séduction n’avait pas échappé aux yeux du professeur d’éducation physique.
— Je viens juste de me séparer, Patrick, se confia Mathis. Je suis même pas retombé sur mes pattes encore. C’est vraiment pas le bon timing pour repartir une relation.
— Tu devrais au moins aller prendre un verre avec elle avant que quelqu’un d’autre prenne ta place. Je l’ai entendue, l’autre jour, quand elle t’a offert d’aller sur une terrasse.
Décidément, Patrick avait des oreilles partout. Un vrai fouineur, celui-là.
On cogna à la porte ouverte derrière eux. Mathis se retourna et aperçut Louis-Simon, un de ses élèves en difficulté. Il se tenait dans le chambranle, son cellulaire à la main.
— Bonjour, Mathis, dit l’étudiant. Salut, Pat-Man.
À la rentrée scolaire, Patrick demandait à ses élèves qu’on l’appelle ainsi. Une année, à l’Halloween, le professeur d’éducation physique était allé jusqu’à se confectionner un costume avec Pat-Man d’écrit sur le devant. Ridicule.
— Hey, Louissimo ! jeta ce dernier à l’élève. Prêt pour la game de hockey cosom de vendredi ?
— Euh, non. Pas vraiment. Je pense pas que je vais pouvoir jouer.
— Désolé d’entendre ça, moi.
La mine basse, Louis-Simon s’approcha ensuite de son professeur de français. Il semblait légèrement mal à l’aise, comme s’il n’osait pas trop parler.
— Tu voulais me voir ? lui demanda Mathis.
Patrick quitta la salle à cet instant. Mathis se demanda s’il était parti pour leur laisser un peu d’intimité ou pour aller se chercher un café. Il pencha pour la deuxième option. La courtoisie n’était pas le point fort de Patrick Landreville.
— C’est à propos de l’exposé oral, commença l’adolescent. Je me sens vraiment pas capable. Je l’sais que c’est juste dans trois semaines, mais j’ai déjà de la misère