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Traité touchant le commun usage de l'escriture françoise
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Livre électronique254 pages1 heure

Traité touchant le commun usage de l'escriture françoise

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LangueFrançais
Date de sortie26 nov. 2013
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    Aperçu du livre

    Traité touchant le commun usage de l'escriture françoise - Louis Meigret

    http://gallica.bnf.fr)

    Traite touchant

    LE COMMUN USAGE

    DE L'ESCRITURE

    FRANCOISE, FAICT PAR

    Loys Meigret, Lyonnois:

    auquel est debattu des faultes, & abus en la vraye, & ancienne puissance des letres.

    Avecq privilege de la court.

    1545.

    A PARIS.

    De l'Imprimerie de Jeanne de Marnef, vefve de feu Denys Janot, demourant en la rue neufve nostre Dame, à l'enseigne sainct Jean Baptiste.

    EXTRAICT DES REGISTRES DE PARLEMENT.

    La Court (veue la requeste à elle presentée par Vincent Sertenas, marchant, libraire de ceste ville de Paris) luy a permis & permet imprimer & faire imprimer ung livre par luy recouvert, & composé par Loys Meigret, touchant l'escriture Françoyse: & iceluy exposer & distribuer en vente le temps de quatre ans prochainement venant. Defendant à tous imprimeurs, libraires & aultres de ce ressort, iceluy livre imprimer ou faire imprimer, ou exposer en vente ledict temps, sur peine de confiscation desditz livres, qui aultrement seroient imprimez & distribuez, & d'amende arbitraire à la discretion de la court. Faict en Parlement l'unzeiesme jour d'Octobre, l'an mil cinq cens quarante deux.

    Collation faicte. Berruyer.

    PROËSME DE L'AUTHEUR.

    Si l'ordre, & la raison que nous tenons en noz euvres, est de tant digne de los, ou de blasme, que l'experience maistresse de toutes choses le conferme, ou condemne: je ne voy point de moyen suffisant ny raisonnable excuse, pour conserver la façon que nous avons d'escrire en la langue Françoyse. A la verité aussi est elle trop estrange, & diverse de la prononciacion, tant par une curieuse superfluité de letres, que par une vicieuse confusion de puissance entre elles. Or sont ce vices, que je ne sçay quelle supersticion, ou bien nonchallance de noz ancestres, & de nous, a miz en avant avec une grande observance: je dy observance, qui a esté & est en si bonne recommandation, & reverence tant bien gardée, que le devoir, & loix de bien escrire, & former l'Image au vray de la prononciacion, n'ont pas seulement esté delaissées, mais d'avantage reprouvées comme vicieuses, & inutiles. Et combien que la difficulté que nous sentons en la letre nous en donne assez bonne evidence: pas ung de nous toutesfois n'a osé mettre en avant quelque moyen pour y remedier: tant pour la longue & commune façon de faire, que pour la crainte de sembler controuver nouvelles invencions, & de forger nouveaux troubles à ung peuple en ses coustumes tant usitées, & de si longue main receues: & qui au demourant nous sont si recommandées en toutes noz œuures, que bien souvent sans autre cognoissance de cause, & sans en vouloir recevoir, nous les tenons par trop opiniatrement pour loix, & ordonnances justes, & necessaires. Il est vray que l'entreprinse de forcer, & corrumpre les bonnes coustumes, & aisées façons de vivre d'ung peuple pour l'assubjectir à autres confuses, supersticieuses, & serviles, seroit digne de reprehension & blasme: comme qui est poursuivie au grand dommage de l'aisance, & commun proufit d'une chose publique. Au contraire aussi devra celle estre trouvée raisonnable, ou pour le moins digne de quelque support, là ou elle fera diligence de trouver les moyens pour amender les manieres de vivre corrompues, & pour d'avantage y donner l'ordre si suffisant qu'on s'en puisse ayder, & les ramener à quelque bonne fin. Or n'est il comme je pense, Françoys tant soit il de petit jugement, & de grande affection en nostre usage d'escrire, qui ne se treuve souvent perplex, & empesché en la lecture: d'autant que pour la confusion & commun abus des letres, elle ne quadre point entierement à la prononciation. Parquoy considerant ce mal tant apparant, & esperant que la raison aura plus de pouvoir envers vous, qu'une obstination en ung vicieux, & confus usage: j'ay entreprins ce traicté de l'escriture Françoyse. Et tout ainsi qu'ung bon medecin apres avoir bien decouvert la nature, & circonstance d'une maladie, fait son devoir de donner d'avantage le moyen de guarison pour parvenir à la santé: en semblable aussi j'ay en decouvrant les faultes, & vices de nostre maniere d'escrire, qui nous donnent occasion de faire mauvaise lecture, faict finablement diligence de trouver les moyens, suyvant lesquelz vous pourrez, se bon vous semble, user d'une escriture certaine, ayans tant seulement egard à la prononciation Françoyse, & à la nayve puissance des letres.

    DES CAUSES DE FAULSE ESCRITURE AVEC LEUR BLASME.

    Chapitre Premier.

    Priscian au commancement de son premier livre dit, que les Philosophes donnans la diffinition de la voix, la disent estre un battement d'air, ou bien le vray sensible de l'oye.

    Le Son.

    Mais pour parler proprement, & en general en la langue Françoyse nous appellerons Son, toutes choses sensibles à l'oye: comme qui est terme plus general que voix, d'autant qu'il s'estend universellement, à toutes manieres de battement d'air qui est oyble: comme gemissemens, souspirs, brayemens, hurlemens, parolles, & toutes autres manieres de criz, de chants, & bruytz faitz en l'air, tant par les corps animez, que par les inanimez.

    Voix articulée. Voix d'artifice.

    Or laissons toutes ces infinies façons de Sons, & venons à celuy, que Priscian appellé voix articulée, & que les Françoys peuvent bien dire voix d'artifice: d'autant que les hommes diversement, & selon les contrées, s'aydent des voix par ung commun artifice, & usage, pour faire entendre plus aisément leur fantaisies, les ungs aux aultres.

    Letres.

    Et pour lesquelles d'avantage ilz ont inventé pour une plus grande aisance des notes, que nous appellons letres: tant pour advertir les absens, que refreschir leur memoire, & pour aussi la laisser perpetuelle d'eulx & des choses, que bon leur sembleroit faire entendre à leur posterité.

    Letre.

    La letre doncques est la moindre partie de la voix composée. Et fault entendre que les simples voix ont esté anciennement appellées Elemens, à la semblance de ceux du monde: car elles composent les vocables, tout ainsi que font ces autres, tous les corps composez. Consequemment doncques il fault inferer que tout ainsi que les voix composent en la prononciation ung vocable, qu'aussi les letres qui sont leurs notes feront le semblable en l'escriture: & que la difference des voix, & des letres sera d'autant que les voix sont les elemens de la prononciation, et les letres, les marques ou notes des elemens. Disons donques que la letre est la note de l'element; & comme quasi une façon d'image d'une voix formée: laquelle on cognoit selon la qualité, & quantité de sa figure. Et que tout ainsi que tous corps composez des elemens sont resolubles en eux, & non en plus ny moins: qu'aussi tous vocables sont resolubles es voix dont ilz sont composez. Parquoy il fault confesser que puis que les letres ne sont qu'images de voix, que l'escriture devra estre d'autant de letres que la prononciation requiert de voix: & que si elle se treuve autre, elle est faulse, abusive, & damnable. Or voyla la touche à la quelle il nous fault faire l'epreuve de nostre escriture, pour voyr si elle est telle, en qui nous trouvions les letres en mesme nombre, que requiert la prononciation, suyvant leurs puissances de tout temps receues: de sorte que la lecture en puisse estre aisée, sans confusion, & sans desordre.

    Trois vices d'escriture.

    Pour à quoy pervenir il fault entendre, qu'une escriture peult estre corrompue en troys manieres: qui sont diminution, ou superfluité, ou usurpation d'une letre pour autre.

    Diminution de letre en escriture. Chef, Cher.

    L'escriture peut doncq'estre faulse par diminution, quand elle default d'une, ou de plusieurs letres, qui sont requises pour representer au vray la prononciation: ce que nous voyons es aucuns de noz vocables françois, comme en Chef, Cher, Danger: es quelz indubitablement nous prononçons la diphthongue, ie, parquoy nous devons escrire, Chief, Chier, Dangier. Et si on me debat que la prononciacion ne le requiert pas, qu'on laisse la diphthongue, & escris comme tu prononces. J'entens bien que l'ung, & l'autre sont en usage: mais celuy qui est proferé par diphthongue est plus armonieux, & plus usité. Or passons oultre, car ce vice n'a pas tant ancré en nostre escriture, qu'ont fait les deux ensuyvans, sinon de tant qu'une letre prent la place d'une autre: par ce qu'allors l'escriture default en la

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