Les Veillées des chaumières

La promesse

Je me redresse brusquement dans mon lit, réveillée par mon propre cri. Toujours le même cauchemar depuis six mois. Chaque nuit, je rêve de mon père. Il se tient à quelques mètres devant moi, aux commandes de son traîneau et de son attelage de huskys sibériens. Il est à l’arrêt et me tourne le dos. Je cherche à le rejoindre, mais la poudreuse, où je m’enfonce jusqu’à la taille, ralentit mes pas. Je veux l’appeler. Aucun son ne sort de ma bouche. Puis, comme par miracle, il se retourne. Il m’adresse un signe de sa main gantée et s’éloigne avec ses chiens, avant d’être happé par le blizzard. C’est à ce moment-là que je me réveille en hurlant.

J’attends que les battements affolés de mon cœur se calment, puis je me rallonge sous les couvertures en essayant de me rendormir. La plupart du temps, le sommeil tarde à venir. Durant ces insomnies, une multitude de pensées envahissent mon esprit, mais le plus souvent, elles me ramènent au souvenir de mon père. Emporté par une leucémie foudroyante, six mois plus tôt. Je ne sais pas comment maman et Ethan, mon frère aîné, font pour continuer à sourire comme avant. Moi, je n’y arrive pas. On dirait que Jim a emporté le mien avec lui. C’est comme ça que je l’appelais, Jim. Rarement papa. Une habitude depuis mon plus jeune âge.

Alors que les heures défilent sur l’écran du radio-réveil, je revois sa silhouette rassurante dressée sur les patins de son traîneau, moi à ses côtés. Tractés par notre vaillante meute de huskys, nous traversons les vastes plaines immaculées de l’Alaska. D’autres fois, nous courons simplement dans la neige avec les chiens, échangeant des éclats de rire complices. À certains moments, j’ai l’impression de l’entendre à nouveau, comme s’il était toujours là pour me prodiguer ses conseils sur la façon de conduire un attelage:

– Souviens-toi, Jenny, un bon musher se fait obéir uniquement à la voix.

Et il savait de quoi il parlait, Jim. Parce que c’était l’un des meilleurs mushers de Fairbanks, la deuxième ville la plus importante de l’État d’Alaska, aux États-Unis. C’est également l’endroit où j’ai toujours vécu. Donc, comme je le disais, Jim était un pilote d’attelage professionnel expérimenté. C’est bien simple, durant deux années consécutives, il a remporté la Yukon Quest, une course de chiens de traîneau, longue de 1 648 kilomètres, réputée pour être la plus difficile au monde. C’était vraiment quelqu’un, Jim ! Un sacré bonhomme et je ne dis pas ça parce que c’est mon père. Très tôt, il m’a transmis sa passion des chiens et son amour pour la nature. Je devais avoir quatre ans quand il m’a offert mon premier traîneau et mon premier husky. Je pense que c’est ce jour-là qu’a débuté pour moi la plus merveilleuse des aventures. Grâce à Jim et ses Sibériens.

Treize ans plus tard, j’apprécie chaque jour davantage les longues randonnées solitaires en traîneau, avec mes huskys pour seule compagnie. J’aime ce sentiment de liberté qui m’envahit dès que je me retrouve au milieu des grands espaces sauvages et silencieux. J’ai besoin de m’y connecter pour me sentir bien et être moi-même. D’ailleurs, depuis le départ de Jim, ces escapades représentent les seuls véritables moments où je me sens apaisée. Comme si son absence devenait soudain plus supportable.

À travers

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de Les Veilles des chaumires

Les Veilles des chaumires2 min de lecture
Ces Produits Français Dont Raffolent Les Étrangers
Le made in France a décidément la cote. Il génère des emplois dans l’Hexagone et garantit un meilleur respect de l’environnement. Plus communément, il est gage de tradition, de raffinement et de qualité aux yeux de nos compatriotes et, surtout, de no
Les Veilles des chaumires4 min de lecture
Thierry Le Luron L’homme Aux Mille Visages
Est-ce que c’est intéressant de savoir avec qui couchait Picasso ? » Voilà ce que répondait poliment, mais fermement, Thierry Le Luron à Évelyne Pagès lors de son passage dans l’émission Grand Format sur RTL, le 15 septembre 1985, un an avant sa mort
Les Veilles des chaumires2 min de lecture
Vos Poésies
Légers comme le vent qui chante dans les arbres,Les danseurs ont surgi illuminant l’espace.Envolée de gazelles d’une infinie souplesseOu silhouettes élégantes des êtres concentrés,Les corps semeurs de vie interprétant l’amourOnt fait battre nos cœurs

Livres et livres audio associés