Faculté de droit

Si les termes « libéral », « néolibéral » ou « ultralibéral » sont utilisés en français pour désigner des courants de pensée et des auteurs américains tels que M. Friedman , D. Friedman, M. Rothbard ou R. Nozick , ces auteurs eux-mêmes privilégient les périphrases intégrant le terme de « liberté » ( freedom) ou, récemment, les vocables libertarian, voire, pour certains, anarcho-capitalist : le terme liberal connote en anglais américain un projet politique permissif dans le domaine moral, et interventionniste dans le domaine économique ; il est en général associé aux États-Unis à des auteurs comme Rawls ou Dworkin , favorables à une action redistributrice de l'État. Ce qui malgré tout donne un minimum de contenu identique au terme libéralisme en français et en anglais américain est l'idée de neutralité idéologique de l'État : l'application MEP_Bachofen FIN.indd 8 MEP_Bachofen FIN.indd 8

1 -[N.B. Ce document est la version de travail adressée à l'éditeur. Il n'est donc pas exactement conforme dans son contenu à la version publiée, mais ni la pagination, ni la numérotation des notes ne sont celles de la version publiée. Ce texte est protégé par les restrictions du droit d'auteur et le copyright de l'éditeur.] existe chez lui une théorie du peuple sont deux énoncé plus problématiques qu'il n'apparaît au premier abord.

Illustration de couverture : Le Magasin pittoresque, vol. XI, 1843, p. 357. Fête des vignerons, à Vevey. Tête de la procession. © ENS ÉDITIONS 2011 École normale supérieure de Lyon 15 parvis René Descartes BP 7000 69342 Lyon cedex 07 isbn 978-2-84788-306-0 La Lettre à d'Alembert : principes du droit poétique ? CHAPITRE III Blaise Bachofen « […] quoiqu'on dise, en choses qui déshonorent, nul ne rit de bon coeur à ses dépens. Nous voilà rentrés dans mes principes .» Rousseau, Lettre à d'Alembert, p. 39. La position du problème : « fi xer les principes du droit » en matière poétique Le Contrat social a pour sous-titre Principes du droit politique. Ne peut-on voir dans la Lettre à d'Alembert un projet philosophique comparable : une tentative d'établir des principes du droit poétique ? L'objet est certes plus circonscrit que celui du Contrat social : non le droit qui fonde et ordonne la cité en général, mais le droit qui commande le statut du poète dans la cité. Je proposerai donc ici moins une exégèse de la Lettre à d'Alembert qu'une méthode pour la lire et pour en comprendre l'enjeu. Pour étayer mon hypothèse, je commencerai par m'appuyer sur un fait d'évidence : Rousseau répond à d'Alembert , comme l'indique expressément le titre du texte . Certes, il ne s'adresse pas seulement à lui¹, mais il s'adresse aussi à lui et surtout il répond à ce qu'a écrit d'Alembert dans son article Genève -il prend d'ailleurs soin d'intégrer 1 Sur le contexte et les destinataires de la Lettre , voir les riches indications de O. Mostefai , Le citoyen de Genève et la République des Lettres , 2003. Rousseau, politique et esthétique. Sur la Lettre à d'Alembert, Blaise Bachofen et Bruno Bernardi éd., Lyon, ENS Éditions, 2011.

[N.B. Ce document est la version de travail adressée à l'éditeur. Il est donc, à de très rares exceptions près, conforme dans son contenu à la version publiée, mais ni la pagination, ni la numérotation des notes ne sont celles de la version publiée. Ce texte est protégé par les restrictions du droit d'auteur et le copyright de l'éditeur.] La notion de pluralité chez Hannah Arendt (ou comment échapper à une fausse alternative) Uniformité versus diversité : une alternative réductrice ?

1 N.B. Ce document est la version de travail adressée à l'éditeur. Il est donc, à de très rares exceptions près, conforme dans son contenu à la version publiée, mais ni la pagination, ni la numérotation des notes ne sont celles de la version publiée.

Eine große Zahl der Texte Rousseaus können als ‚Ursprungserzählungen' bezeichnet werden. Dies gilt insbesondere für autobiographische Texte, die sich die Rekonstruktion von Begebenheiten zum Gegenstand machen, mit denen sich die Richtung von Rousseaus Lebensweg geändert hat. Einer der charakteristischen Züge dieser Erzählungen ist es, dass sie den zeitlichen Hintergrund in ein absolutes ‚Vor' und ein ebensolches ‚Nach' einteilen, sowie dass sie das tragische Zeichen der Unumkehrbarkeit tragen. Diese Fabelkompositionen zielen darauf ab, die Frage nach den Umständen und den Verantwortlichen für diese Umbrüche völlig aufzuklären.

La reconstitution récente d’un texte inachevé de Rousseau, Les Principes du droit de la guerre, contribue à placer la question de la guerre au cœur de sa pensée politique. Contre Hobbes, il montre que la guerre n’est pas et ne peut pas être un phénomène « naturel », même pas au sens faible de ce que Hobbes entend par « état de nature », à savoir l’état de société pré-étatique. Seules l’appropriation de la terre, l’institution de souveraineté établies, la saturation de l’espace et la lutte de chaque groupe social pour sa survie, résultat de cette saturation, permettent de comprendre l’origine de la guerre. Mais cette généalogie de la guerre implique une difficulté extrême à concevoir un état de droit et de paix perpétuel entre États. Si Rousseau conserve à l’idée du jus belli une pertinence, ce n’est ni sur la base d’un droit supra-étatique ni sur celle d’une exigence morale, qui serait un simple vœu pieux : c’est sur la base d’une exigence de prudence pragmatique liée à la nécessité de fonder un pouvoir véritable sur le peuple vaincu (lequel pouvoir est, en définitive, le but de la guerre), ce qui est contradictoire avec l’usage d’une violence sans mesure et déréglée.

On associe habituellement Rousseau à la tradition républicaine, opposée schémati- quement à la tradition libérale. Sans remettre en cause globalement cette thèse, il peut être intéressant de déplacer les termes de la problématique, en présentant la critique rousseauiste du libéralisme comme une critique menée de l’intérieur, plutôt que de l’extérieur. On peut en effet, à l’exemple de John Pocock, identifier un tronc commun aux pensées républicaine et libérale ou, à l’exemple de Charles Larmore, voir dans le républicanisme « une formulation plus lucide de la théorie libérale ». Cela se traduit chez Rousseau par une stratégie consistant à se réapproprier les promesses contenues dans les prémisses du libéralisme, pour mieux en dénoncer les conséquences dogmati- ques. De fait, on trouve chez Rousseau une défense des droits individuels, un souci de l’indépendance individuelle dans les relations économiques et plus généralement dans les rapports sociaux, une justification jusnaturaliste de la propriété privée, et même des emprunts à l’idée selon laquelle la mise en concurrence permettrait de définir les conditions d’un choix optimal. Cependant l’analyse de certains textes de l’Émile montre que Rousseau vise en définitive à dissiper l’illusion d’une autorégulation optimale des rapports sociaux et économiques : l’opacité et les distorsions des rapports économiques ainsi que l’usage spontanément irrationnel de la liberté individuelle impliquent la nécessité de gouverner la liberté, par l’éducation et par la législation.

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Two practical lessons, in Émile, aim to introduce the pupil to economics. The first one concerns the foundation of the right to property; the second one concerns trade and the social division of work. Both of these educational moments show Rousseau’s economic thought to be more complex and informed than we often believe. But Émile’s existential decisions are also occasions for philosophical investigations on the conditions of rational choice, the maximization of satisfaction and the supposed benefits of competition between bids. Through these differents issues, Rousseau puts to the test and critically examines the free market principles which are starting to take shape just then.

L’Émile met en scène deux leçons de choses visant à initier l’élève à la science économique: l’une concernant le fondement du droit de propriété, l’autre concernant l’échange marchand et la division sociale du travail. Ces deux moments éducatifs donnent un précieux éclairage sur la pensée économique de Rousseau, pensée plus complexe et informée qu’on ne le considère communément. Mais c’est également dans les décisions existentielles d’émile que sont abordées philosophiquement les conditions d’un choix rationnel, la maximisation de la satisfaction et les vertus supposées de la concurrence. Par ces différents biais, Rousseau met à l’épreuve et critique les thèses de la science économique, annonciatrices du libéralisme, qui s’ébauchent à son époque.

Ce fichier électronique est un tiré à part. Il ne peut en aucun cas être modifié. Tirage-à-part adressé à Blaise Bachofen pour un usage strictement personnel. © Librairie Droz S.A. LA NATION, LA PATRIE, LE PAYS LA QUESTION DE L'APPARTENANCE POLITIQUE CHEZ ROUSSEAU 1

Social contract theory attributes to the State the role of «guarantor» or «protector» against the social violence it is meant to pacify. We must, however, distinguish on this matter between the different theorists of the social contract. The most difficult comparison to make, but also the most enlightening one, is that between Hobbes and Rousseau. Rousseau criticizes Hobbes, but often inspires himself from him, and in particular in his theory of sovereignty. The comparison between the two authors usually bears on the matter of the protection of individual rights. Our approach will be to shift the center of gravity of this question by taking into account recent studies on the matter of war in Rousseau. It is on the subject of the origins and the nature of violence that the essential chiasm between the two authors occurs. For Hobbes, the State and the law put an end to a violence that pre-exists them and that rises as soon as man meets man. For Rousseau, violence and conflict have as their first point of origin the stabilization, by the State and the law, of the uneven and competitive social statuses. Hence the intimate tension which runs throughout Rousseau’s work regarding the role of the State. Depending on its end and the terms of its institutions, it can equally well be described as a dominating power or a means of emancipation and harmonization of divergent interests.

Rousseau, against the mainstream thought of his time, affirms the existence of a res publica, a public good irreducible to the juxtaposition of private interests. Therefore his economic thought resists the idea that economy could only be scientific if it were emancipated from politics. He dismantles the illusion stating that in existing societies the social division of work would only create winners. His proposals of economic politics aim at enabling a collaboration all agents would benefit from according to their real contribution. He also intends to promote another taste of wealth than the one derived from the development of production and trade : the moral satisfaction derived from a contribution to the public good.

Rousseau, contre la pensée dominante de son temps, affirme l’existence d’une res publica, d’un bien public irréductible à la juxtaposition des intérêts privés. Aussi sa pensée économique résiste-t-elle à l’idée selon laquelle l’économie ne serait scientifique qu’à condition de s’affranchir du politique. Il déconstruit l’illusion selon laquelle, dans les sociétés existantes, la division sociale du travail ne ferait que des gagnants. Ses propositions de politique économique visent alors à rendre possible une collaboration dont tous les agents tireraient profit en proportion de leur contribution effective. Il cherche également à promouvoir le goût d’une richesse d’un autre ordre que celle qui résulte du développement de la production et du commerce : la jouissance morale d’une contribution au bien public.

Die Begriffe des "Gemeininteresses" ("intérêt commun") und des "Partikularinteresses" ("intérêt particulier") bereiten dem Kommentator von Rousseau beträchtliche Schwierigkeiten. Zwei symmetrische und einander widersprechende Einwände werden gewöhnlich gegen Rousseau erhoben: Entweder wird behauptet, dass der Begriff des "Gemeininteresses" eine leere Fiktion sei, oder man macht Rousseau den Vorwurf, die Individuen für das Gemeininteresse zu opfern. Was auf dem Spiel steht, ist der Status des Individuums im "wohlgeordneten Staat" 1 . Ich werde versuchen zu zeigen, dass Rousseau das Verhältnis des Individuums zur Gemeinschaft nicht als Opferbeziehung begreift, als Abschaffung der Einzigartigkeit des Individuums und seiner Eigeninteressen. Es handelt sich immer noch um sein eigenes Interesse, oder sein eigenes Wohl, das das Individuum will, wenn es sich daran beteiligt, den Gemeinwillen herauszuarbeiten, und deshalb ist das Gemeininteresse keine leere Fiktion.