Most of my current research is on an English feminist utopia, The Empire of the Nairs, written in 1793 by James Henry Lawrence. My general interests in French, English and American history include gender & sexuality, feminism and citizenship.
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Papers by Anne Verjus
« Fraternel » qualifie, dans les dictionnaires de la période, l’amitié, l’amour, l’affection, l’union, voire la charité. « Paternel » n’est pas très loin de ce champ lexical, qui accompagne, dans les mêmes dictionnaires, les sentiments, les entrailles, les soins, la tendresse, l’amour, l’affection ; l’autorité aussi, mais non la puissance (qui réapparaîtra dans le Dictionnaire de l’Académie de 1835). Qu’en est-il, parmi les discours prononcés dans l’enceinte parlementaire, des usages de ces deux termes lorsqu’ils qualifient la relation ou les gestes du sujet politique ? Y retrouve-t-on la même assignation des qualificatifs au lien et au sentiment, et un même éloignement vis à vis des figures de la puissance virile ? Si cela est le cas, que signifie cette masculinité, et en quoi la situer dans le champ lexical de la famille plutôt que du genre change-t-il notre compréhension du phénomène représentatif ?
Nous travaillons, pour proposer un début de réponse à ces questions, sur le corpus des Archives parlementaires numérisées par la Bibliothèque nationale de France et Stanford University, limité à la période juillet 1789-décembre 1793.
The Empire of the Nairs is made of two parts. First, a long introduction against marriage as it is: an institution made exclusively for the comfort of males. Appealing for a society in which women and men would be equal, Lawrence calls for the abolition of marriage and paternity. Since the latter is never certain, and thus gives rise to jealousy and crime, we should put an end to it and let mothers give their name to their children. Daughters and sons would inherit from them, and from their uncles. There will be no patrilineality anymore. Then, taking the Malabar society of the Nairs as an example, the author draws a romance on the happiness that women and men get from complete sexual freedom, indubitable birth, and a strict gender division of work. Having no family ties, no interest except warfare, men make more valorous soldiers. Women, on the other hand, have no interest except raising and schooling children. There is a strong separation, in the Nair Society, between the private sphere, composed of women paid by the State for taking care of the children, and the public sphere, strictly composed of men. Freed from the family, either as chief, husband or father, men can wander from woman to woman, and keep their sexual energy for love and genius.
Beyond that obvious androcentrism, there might be something more interesting here: freeing both men and women from marriage goes hand-in-hand with a gendered separation of duties, if not rights. Which leads us to the question: why was there no more revolutionary way of thinking equality, at that time, that did not involve abolishing marriage? We’ll answer that question by comparing The Empire of the Nairs with two other radical critiques of marriage during the same period, one in English (Mary Wollstonecraft, 1792) and one in French (Charles Fourier, 1807); and by taking into account the political and the economic context, that is, the fact that marriage is the institutionalized way to bind children to men in societies that revolve around property and its patrilineal transmission.
Impératif public qui ordonne les vies privées et se négocie en famille, le mariage est, selon Balzac, l’acte « le plus important de tous ceux auxquels nous oblige la Société ». C’est aussi un des motifs les plus rebattus de la littérature. De la Révo- lution à la Grande Guerre, le regard qu’on lui prête évolue pourtant. Comment ce modèle, porté par la morale et le droit, tour à tour entériné et transformé par la pratique, est-il montré, pensé, valorisé ou critiqué, voire mis à mort par les représentations du temps ? Comment s’écrit le mariage en France au cours du xixe siècle ? Des spécialistes de littérature, d’art et d’histoire nous livrent leur réponse, restituant ainsi un pan majeur de notre histoire.
The calculation of the electoral census has a history which, because of the very "technical" nature of its subject, speaks volumes about the undisputed categories of the right to vote. Electors from 1789 to 1848 shows that family members being allowed to delegate their contributions to the elector for the calculation of the cens are considered as constituting his political capacity. The family far from being left out of politics constitutes the vector for the capacity of the citizen to speak in the name of greater than him and in particular in the name of the women.
Lorsqu'on cherche à situer politiquement les femmes dans la première moitié du XIXe siècle la réponse semble aujourd'hui s'imposer d'elle-même : privées du droit de suffrage elles sont exclues de la citoyenneté révolutionnaire universelle et individualiste telle qu'elle est définie à partir de 1789 Le constat de leur exclusion d'une objectivité irréprochable ne rend pourtant pas compte de leur situation politique telle qu'elle est pensée à cette époque (de 1789 à 1848) Car à ce constat un autre peut être opposé : les femmes sont loin d'être les seules concernées par cette exclusion elles qui partagent cette communauté de destin avec les domestiques et les enfants En sortant d'une analyse centrée uniquement sur l'exclusion des femmes en tant que telles pour aborder ces non inclus dans leur globalité tous « membres de la famille » on est amené à s'interroger sur les liens entre appartenance à la sphère domestique et exclusion des droits électoraux D'où le titre de cet ouvrage : Le cens de la famille Le calcul du cens électoral a une histoire qui en raison même du caractère « technique » de son objet en dit long sur les catégories non débattues évidentes du droit de suffrage De fait une étude attentive des lois électorales de 1789 à 1848 montre que les membres de la famille en étant autorisés à déléguer leurs contributions à l'électeur pour le calcul du cens sont considérés comme constitutifs de sa capacité politique Le familial loin d'être laissé à l'écart du politique le constitue Il est le vecteur à partir duquel se pense la capacité du citoyen à parler au nom de plus grand que lui et en particulier au nom des femmes.
This "good husband" prefigures the revolutionary citizen, both the son of a family and emancipated from paternal power with the capacity to speak and vote in the name of the "weakened": women, children and servants . The family authority, which in the Ancien Régime society was reserved for the eldest of the males in a vertical line, passed with the Revolution to the individual citizen, the head of a family centered around the conjugal home, Wife is invited to convert to the opinions, interests and values of her husband. It is by this political bond between spouses that the unity and representation of the nation are preserved in republican theory.
The consequences of this evolution, less spectacular than other revolutionary conquests, were immense on the rights of men and women, since our present representations of citizenship stem from it. Anne Verjus retraces, in theory and in practice, the history of this decisive emancipation which puts conjugal union at the foundation of the construction of modern political society.
Le Bon Mari est le titre d’un conte de Marmontel, écrivain des Lumières, dont le héros vertueux convertit sa jeune femme mondaine aux bienfaits d’une vie conjugale placée sous le signe du bien commun.
Ce « bon mari » préfigure le citoyen révolutionnaire, à la fois fils de famille que la Révolution émancipe de la puissance paternelle et pater familias ayant capacité à parler et à voter au nom des plus « faibles » : les femmes, les enfants et les domestiques. L’autorité familiale, qui dans la société d’Ancien Régime était réservée à l’aîné des mâles en ligne verticale, passe avec la Révolution à l’individu-citoyen, chef d’une famille recentrée autour du foyer conjugal, dans lequel la femme est invitée à se convertir aux opinions, intérêts et valeurs de son mari. C’est par ce lien politique entre les époux que sont préservées, dans la théorie républicaine, l’unité et la représentation de la nation.
Les conséquences de cette évolution, moins spectaculaire que d’autres conquêtes révolutionnaires, furent immenses sur les droits des hommes et des femmes, puisque nos représentations actuelles de la citoyenneté en découlent. Anne Verjus retrace, dans la théorie et dans la pratique, l’histoire de cette émancipation décisive qui place l’union conjugale au fondement de la construction de la société politique moderne.
Sous l’empire de ces lois, des couples ont vécu. Dans une société qui connut, en l’espace d’une génération, des bouleversements sans précédent, des femmes et des hommes se sont mariés, ont découvert l’intimité de la vie conjugale, la force des désirs et des sentiments; ces époux ont partagé un quotidien fait de tranquillité et de banalité mais aussi, en ces temps troublés, d’extraordinaires menaces, craintes et souffrances. Bien des épouses ont appris, en l’absence des hommes, à endosser de nouvelles responsabilités; et les époux, à connaître leur femme sous un nouveau jour. Des pères et des mères ont choisi d’éduquer leurs enfants selon Rousseau, tout en cédant à la mode du mérite et de la concurrence. Tous ont dû apprendre le nouveau catéchisme des droits et devoirs conjugaux, mais tous n’en ont pas fait une religion.
Parmi ces couples de l’époque révolutionnaire, deux d’entre eux nous ont laissé une correspondance exceptionnelle. Le premier, lyonnais, est celui d’Antoine Morand de Jouffrey et Magdeleine Guilloud, mariés en 1785. Le second, parisien, est celui de Pierre Vitet et Amélie Arnaud-Tizon, mariés en 1801. À partir des 1500 lettres que forment leurs échanges épistolaires, Anne Verjus et Denise Davidson retracent les étapes, les aléas et les normes de ces vies conjugales dont on ignorait, pour cette période si peu banale, à peu près tout.