Bordélisation de l’Assemblée, appels à la rue contre les institutions, contestation des corps intermédiaires, tout le registre insurrectionnel est mobilisé.
La stratégie mélenchoniste tient dans ces mots de 2012 : « La conquête de l’hégémonie politique a un préalable […] tout conflictualiser. » Une promesse gramsciste qu’il a conseillée à Éric Zemmour et qu’il tient depuis sa dernière défaite à la présidentielle. Bordélisation de l’Assemblée, actions se référant à 1789, appels à la rue contre les institutions, contestation des corps intermédiaires, tout le registre insurrectionnel est mobilisé.
Vue sous l’angle politique, la tactique est cohérente et vient du temps où le jeune Mélenchon dirigeait la cellule du Doubs de l’Organisation communiste internationale. Depuis, il n’a cessé de la préciser. D’abord mobiliser, d’où le slogan de 2012, « Place au peuple, prenez le pouvoir ». Ensuite le dégagisme, promu lors de la campagne suivante. Enfin, une fois la place nettoyée, reconstruire sur la base d’une constituante instaurant une nouvelle République.
Mais peu à peu l’angle politique, confronté à la succession de défaites, laisse place au ressentiment personnel qui durcit la stratégie. En 2017, Mélenchon fait ce rappel : « C’est la rue qui a abattu les rois, les nazis, le plan Juppé et le CPE. » Façon Trump, jetant le soupçon sur le contexte de la présidentielle à venir pour mieux anticiper sa défaite, il prophétise à tort : « Un grave incident ou un meurtre », pour « montrer du doigt les musulmans. » Il franchit encore un cap l’année suivante : « Il faut taper tout le temps… » Puis en octobre 2022, le voilà convoquant la Révolution pour dénoncer l’inflation : « Le 5 et le 6 octobre 1789, les femmes marchent sur Versailles contre la vie chère. Elles ramènent le roi, la reine et le dauphin de force à Paris. » En début d’année, il appelle à « l’insurrection citoyenne ». Puis, à la suite des scènes de guérillas observées contre la réforme des retraites et à Sainte-Soline, il menace les policiers de la Brav-M en cas de prise de pouvoir : « Nous enverrons ces jeunes gens se faire soigner. » Le parquet vient d’ouvrir une enquête pour « injures publiques ».
Plus le crépuscule approche, plus les mots sont violents. La « conflictualisation », c’est tous les moyens d’arriver au pouvoir quand les urnes vous le refusent… Quand nul autre ne vous paraît légitime que vous-même. « La République, c’est moi » disait déjà tout.