History of Legal Thought

Jacques Cujas apparaît comme l’un des principaux représentants de l’humanisme juridique, courant qui introduit l’idée d’évolution dans la construction du droit et des institutions. Au fil de ses professorats, Cujas poursuit la critique humaniste en portant à son apogée la méthode historique. Il cherche à rétablir les textes dans leur version d’origine par la recherche des interpolations, tout en intégrant les dispositions commentées dans la longue durée. Il s’appuie tant sur sa maîtrise de la doctrine juridique, que sur sa vaste culture littéraire et philosophique. Ses travaux de philologue et d’éditeur restent d’utiles références, sans même évoquer ses reconstitutions commentées des ouvrages des juristes romains ou son analyse critique du corpus juris civilis. L’érudition ne tient cependant pas Cujas trop éloigné de la pratique, comme le prouvent ses consultations ou son étude de la féodalité. Soumis à l’épreuve de l’humanisme cujacien, le droit ressort transformé de la confrontation.

Jacques Cujas emerged as a leading representative of legal humanism, an intellectual movement which introduced the idea of evolution in the making of law. Throughout his career as a professor, Cujas embraced the humanist movement by developing the historical method to its highest level. This method sought both to restore the texts in their original version by searching for interpolations, and to take into account the whole history of the texts. Cujas used not only his knowledge of the legal thought, but also his vast literary and philosophical culture. His work as a philologist and publisher is still of great use today, not to mention his reconstructions of Roman jurists’ books or his critical analysis of the corpus juris civilis. Besides, his work was not limited to the sphere of pure historical scholarship. Cujas was interested in legal practice, as his consultations or his study of feudalism show it. Thus challenged by cujacian humanism, the law was irremediably transformed.

Reviews:
- Revue d’histoire des facultés de droit et de la culture juridique, du monde des juristes et du livre juridique, t. 34, 2014, p. 426-430 (by Jacques Krynen).
- Revue historique de droit français et étranger, t. 93, 2015, p. 610-611 (by Brigitte Basdevant-Gaudemet).
- Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. 78, 2016, p. 231-235 (by Géraldine Cazals).
- Comparative Legal History, t. 4, 2016, p. 82-86 (by Niels de Bruijn).
- Renaissance Quarterly, t. 69, 2016, p. 729-730 (by Donald R. Kelley).
- Revista de estudios histórico-jurídicos, t. 38, 2016, p. 511-514 (par Rafael Ramis Barceló).

The article provides an overview of the process of development of legal dogmatics in the continental academic jurisprudence. Author argues that dogmatic jurisprudence formed the basis of professional legal culture and main types of legal activities. The starting point of evolution of continental dogmatic jurisprudence lies in the medieval school of glossators. The philosophical foundation of continental legal dogmatics was formed by scholasticism. The process of evolution of dogmatic jurisprudence can be divided into three main stages. The first one, medieval, is presented by academic schools of glossators and commentators (postglossators). The second period is characterized by the foundation of cultural and philosophical roots of dogmatic tradition, which were formed by the humanistic school of law and the school of natural law. The third period is presented by the historical school of law and the jurisprudence of concepts, which completed the development of dogmatic jurisprudence.

The paper considers the views of natural law and the historical school of law on the nature of true law. If the legal ontology of jusnaturalism is based on the fundamental approval of the universality of natural law, the historical school of lawyers approves the national nature of the legal reality. These representations are due to the difference in quality of sources from which derives a genuine law. For natural law school it is a common human mind, while for the representatives of the historical school – this is original spirit of the people. From the concept of a universal, rational nature of law is followed the codification projects by jusnaturalists, striving to present the law as a complete system of rules in the form of code. This setup has greatly contributed to the development of comparative law. Representatives of the historical school, on the contrary, based on the national nature of law virtually eliminated the heuristic value of comparative legal approach. The author also examines the applicability of national and universal legal ontologies for the development of comparative law.

Ce renouveau méthodologique comprend au moins trois caractéristiques. En premier lieu, dans sa perspective de rupture avec le formalisme logique, il ouvre l'étude du droit aux sciences sociales. En deuxième lieu, désireux de saisir la « réalité du droit », sous l'influence de l'École de la libre recherche scientifique emmenée par François Gény, il prend pour corpus d'étude non plus les textes législatifs mais l'activité juridictionnelle, par ailleurs en plein essor. Pour ce faire, en troisième lieu, il oppose à la déduction opérée à partir des textes législatifs ou de principes posés a priori, une démarche inductive ». 17 Mais la prétention à la constitution du droit comme science morale sur le modèle des sciences physiques n'est pas non plus une nouveauté ; voy.

The paper explores the key components of the political project of post-war West Germany and the role of the Rechtsstaat within it. It argues that the post-war German state developed a specific reading of the rule of law as an order based on supra-legal values, which had to be defended even against democratic government. Contrary to common conception and the self-understanding of post-war legal theorists this did not signify a departure from the constitutional theory of the Weimar period. Rather, this paper argues, the decisive innovations in constitutional thought stem from the legal and theoretical challenges the Weimar state faced in its own time. As such the German Rechtsstaat, which is so strongly associated with the renewal of German democracy, carries with it a tradition of legal thought, which systematically and successfully expanded the reach of the judiciary within the political system to the detriment of the legislative and democratic action.

Монография посвящена актуальной и малоизученной в российском правоведении теме – сравнительному анализу философских и методологических оснований учений о праве двух влиятельных школ юриспруденции – естественно-правовой и исторической. Автор поставил цель исследовать различия и сходства их представлений с позиции правовой гносеологии, онтологии и аксиологии, представить критический анализ и определить их эвристический потенциал для современного правоведения.
Монографическое исследование состоит из трех разделов. В первом разделе рассматриваются вопросы методологического и философско-правового характера, по которым между исследуемыми школами имеются принципиальные расхождения во взглядах. Во втором разделе автор ставит своей целью изучить сходства в воззрениях на природу права естественно-правовой и исторической школ правоведения. Третий раздел носит критический характер, посвящен исследованию противоречий, ограничений и пробелов в философско-методологических «программах» данных школ, а также изучению тех их идей, которые до сих пор обладают эвристическим потенциалом для правоведения.
В работе привлечен и систематизирован широкий спектр позиций дореволюционных, советских и современных исследователей, рассмотрены взгляды зарубежных ученых-юристов на исследуемые школы правопонимания.

The essay analyize how the contents of the "distinctio prima" of Gratian's Concordia discordantium canonum were considered in the fifteenth-century legal and theological debates. In particular, the essay focuses on the writings of Panormitanus, John of Torquemada, John Antionio San Giorgio , and Felinus Sandei.

Les Facultés de droit donnent souvent d'elles-mêmes une image sage et besogneuse. On y étudie une technique juridique aussi vitale que parfois aride et monotone, que pour notre plus grand bonheur certains professeurs viennent bousculer en alimentant l'imaginaire de leurs étudiants d'Histoire et d'histoires, d'idées et d'exemples (plus ou moins exemplaires) comme de discussions et de controverses. Aussi souhaitons-nous revenir sur l'une de ces controverses 1 qui prend sa source à Bordeaux afin de rendre hommage au dédicataire des présents Mélanges. Opposant deux professeurs aujourd'hui un peu oubliés, celle-ci pourrait paraître assez futile si elle ne touchait un sujet aussi important et délicat que la socialisation du droit, non pas telle qu'on la pense aujourd'hui en lien avec le droit qui a pris le nom de « droit social », recouvrant tant le droit du travail que celui de la sécurité sociale, mais bien comme une révolution de la science juridique et du droit lui-même. Et s'il ne saurait être question dans les pages qui suivent de prétendre traiter de front ce sujet, nous aurons du moins la possibilité, chemin faisant, de poser quelques jalons d'une histoire de l'idée du droit social au sein de la pensée juridique contemporaine. « Social », le mot comme la chose semblent constituer le point d'orgue d'une bonne part des réflexions de la doctrine juridique de la Belle Epoque et des années qui suivent ; et il n'est nul besoin de dresser ici l'inventaire de tous ceux qui ont oeuvré à leur promotion sauf peut-être à rappeler tant les craintes d'un Gény ou d'un Saleilles que l'enthousiasme d'un Duguit, d'un Morin, d'un Pic ou d'un Lambert 2. Se laissant porter par un certain lyrisme, Joseph Charmont peut ainsi écrire : « socialiser le droit, c'est le rendre plus compréhensif, plus large qu'il n'était, l'étendre du riche au pauvre, du possédant au salarié,-de l'homme à la femme,-du père à l'enfant, pour tout dire, c'est l'admettre au profit de tous les membres de la société […] c'est assurer à chacun sa part du droit » 3. Le droit, transformé dans son contenu et son esprit général, devient ainsi un facteur de justice sociale et de renouvellement de l'organisation d'une société qui ne peut plus être composée d'individus isolés face à un simple Etat gendarme.

La doctrine civiliste a démontré par son oeuvre quotidienne que son action est indispensable aux juristes. En effet, ces derniers peuvent sans hésiter accorder leur confiance aux opinions de ceux qui s'attachent à l'interprétation et à la systématisation du droit. Pourtant, malgré l'évidence de ce droit de cité de la doctrine dans la vie juridique, la place de celle-ci dans les sources du droit demeure encore problématique. A quel titre les avis doctrinaux sont-ils reçus dans l'ordonnancement juridique ? La portée de l'autorité ainsi acquise par les auteurs doit donc être analysée.

In this article, I examine jurisprudence textbooks and related works written in the British Empire in the late-19th and early-20th centuries, focusing mostly on British India, but also discussing Mandatory Palestine and British-ruled Egypt. Some of the jurisprudential works from the British Empire were merely summaries of the leading English books. However, there were also more original works, characterized by several unique features. First, some of the works produced in the Empire were more influenced by Continental and American legal theories than the equivalent English textbooks (for example, by early-20th-century French and American sociological approaches to law). Second, the need to mention non-English legal systems in these works sometimes led their authors to question key English notions about the nature and development of law (critiquing, for example, Henry Maine’s description of Hindu law). Finally, some nationalist local legal scholars also created a unique genre of jurisprudential works: texts that used western jurisprudential theories to describe the main features of non-western legal systems, such as Hindu, Jewish and Islamic law.

These unique aspects of colonial jurisprudential works illustrate a broader phenomenon: the fact that legal scholars in imperial peripheries were not always simply passive receivers of ideas produced at the center of empires, but in some cases created works containing interesting jurisprudential insights. The notion that the British Empire was a “legal laboratory” in which legal scholars experimented with new ideas has already been discussed in the literature, largely based on examples taken from the fields of legislation (the codification of English law in 19th-century India), or forensic science. This article explores the extent to which the British Empire was also a site of jurisprudential innovation.

International conference, Havana (Cuba), end of February 2018

Organised by
The Institut de Recherche Montesquieu (Université de Bordeaux)
and the Law Faculty of Havana
Organising Committee :
Eric Dubesset (University of Bordeaux), Nader Hakim (University of Bordeaux) and Andry Matilla Correa (Universidad de La Habana)


The figure of the “great jurist” is, a priori, transnational and permits a meeting well-beyond the culture that saw its inception. Although this unearths a whole series of methodological difficulties, it allows us to suggest that legal ideas circulate far beyond the boundaries of cultures and legal orders. Yet, these ideas do not merely float in the air, nor do they dwell in the firmament of abstractions. They travel with their progenitors, by boat or aeroplane, express themselves in conferences and other academic meetings, within the pages of books and journals which are themselves geographically mobile. Equally, time is a decisive element insofar as a work cannot be read in the same way, today, as it would have been at the beginning of the twentieth century, just as a text cannot be read in a foreign language as if it were written in one’s mother tongue.
...

1 § 1. Paradoxes. -Bien qu'il s'en soit toujours défendu, Rousseau avait le goût du paradoxe et peut-être même de la contradiction. Cela n'a certes pas facilité la tâche de ses commentateurs, en tout cas de ceux qui lui ont fait crédit d'être, malgré les apparencés, un penseur rigoureux. Ajoutons que s'il est un point où l'on a pu douter de la cohérence de ses théories, c'est bien à propos du problème de la propriété, où se joue pourtant pour une large part la signification politique de l'ensemble de l'oeuvre.

1. Introduction. — 2. The debate on deportation at the origin of the Italian penal system.
— 3. The debate of the 1870s. — 4. « The name of some men is enough »: Beltrani
Scalia and the jurists’ opinion. — 5. Between penal utopia and positivist culture.
— 6. Conclusions: regeneration and conquest.

La legge di natura, nel suo essere oggetto di riflessione teologica, filosofica e giuridica, ha rappresentato nei secoli un punto di riferimento per definire la sfera, le competenze e i limiti del potere, soprattutto in rapporto con il magistero della Chiesa. Gli scivolamenti semantici di questo lessico rappresentano una preziosa cartina di tornasole di passaggi d’epoca, mutamenti culturali, riorganizzazione di equilibri religiosi e politici. È quanto avviene fra XV e XVI secolo, quando il dibattito sulla lex naturae, a cui i saggi qui raccolti sono dedicati, contribuisce a modellare la cultura teologica e politica dell’età moderna in un rapporto dialettico con l’eredità medievale.

La lecture de la presse juridique du XIX e siècle confronte l'historien de la pensée juridique contemporaine à un phénomène singulier : dans les colonnes des recueils d'arrêts figurent, en effet, de nombreux renvois à des oeuvres et des auteurs oubliés par l'historiographie intellectuelle et littéraire du droit. Ne faudrait-il pas, dès-lors, redessiner la carte de la pensée juridique contemporaine et de sa littérature, sur le fondement de données bibliométriques significatives, pour raccrocher au mouvement des idées cette « foule des inconnus » qui a oeuvré pour le droit ?

This essay examines the possibility of considering the significant transformations that took place in the European general theory of law of the early 1930s as homologous and somehow corresponding to the profound changes in the material structure of the State in that period. More precisely, the hypothesis is put forward that the crisis of the positivist system of the sources of law in the first decades of the 20th century faithfully reflected the transition from the model of competitive economy linked to the legal framework of the liberal State to the new Keynesian State model, as actor and guarantor of the economic process which imposed itself following the market crash of 1929. The European theory of legal sources was thus reformulated in a sort of relationship with the needs of economic process, though it responded to the task differently in the various currents of late-positivist legal doctrine. In this essay, the theoretical developments of Kelsen’s normativism are examined in light of the debate that took place in the so-called Czech school, which coalesced between the mid-1920s and the end of the 1930s around the Révue Internationale de la théorie du droit of Brno, to then evolve into its final reformulation – which constituted a veritable overturning of its initial formalist approach – of the overall system of sources in Alf Ross’s legal realism.

Georges Ripert is one of the most important and influential French jurists of the 20th century. A respected civilist, dean of the Paris Law Faculty, continuator of Marcel Planiol’s work, author of several essays on contemporary transformations of the law, he joined the Vichy regime and served for a few months as Secretary of State for Public Instruction and Youth. This political commitment durably tarnished his reputation as a law professor. Politically conservative, Ripert distinguished himself by taking original and vigorous legal positions in a series of highly acclaimed essays. A resolute opponent of natural law, he nevertheless defended the influence of Catholic morality on the law. He was a fine connoisseur of social and human sciences and firmly promoted the specificity and autonomy of the legal discipline.

DE LA PROPRIÉTÉ AU DROIT ADMINISTRATIF § 1. Le Code civil représente bien plus, dans la tradition française, que le corps des règles applicables au droit civil l • Il a pu prétendre constituer le socle du droit français, un véritable droit commun, ce que le doyen Carbonnier a appelé la (4 constitution civile de la France .>. Par ailleurs, la propriété se pré-sente comme la clef de voûte de ce monument, son principe, l' « âme univer-selle de la législation .>2. Aussi n'est-on pas surpris de constater le triomphe incontesté, y compris chez les publicistes, de Popinion selon laquelle le régime actuel de la propriété publique résulte d'une «(transposition) dans le domaine du droit administratif des biens de la conception civiliste de la propriété, arché-type unique et incontesté de l'institution. Certes, la propriété est reconnue par la Constitution et relève à ce titre du domaine matériel de la science constitutionnelle 3 • On sait de plus qu'il incombe au juge administratif de protéger une liberté qu'il qualifie de fondamentale 4 • Surtout, la propriété publique des personnes publiques sur leurs domaines est reconnue et protégée à l'égal de la propriété des personnes privées. Pourtant, lorsqu'on en vient à se demander quels sont la nature et les caractères fonda-mentaux de la propriété, sans adjectifs et pour ainsi dire sans phrases, c'est inva-riablement vers l'article 544 du Code civil que se tournent les regards. En conséquence, la propriété publique n'est jamais conçue qu'en référence à la propriété du droit civil.

A figura do "grande jurista" é a priori transnacional e nos pemite ir bem além da cultura que a viu nascer. Embora esta constatação nos coloque uma série de dificuldades metodológicas, ela nos permite dizer que as ideias jurídicas circulam para além das fronteiras de culturas e sistemas jurídicos. No entanto essas ideias não pairam no ar, não flutuam no firmamento das abstrações. Elas viajam com seus autores, pegam o barco e o avião, se exprimem em conferências e outros encontros, estão gravadas sobre os livros e revistas que se movem no espaço, são lidos aqui e ali. O tempo é também uma dimensão irrefutável, no qual uma obra pode ser lida da mesma forma tanto no início do século XX quanto hoje, pouco importa se lemos um texto em sua língua nativa ou estrangeira. O caso de "Duguit" é sintomático. Se o decano de Bordeaux não tem a fama de Hans Kelsen, não é um jurista que se restringe apenas aos muros de Bordeaux. Ele é sobretudo um autor cujas ideias foram lidas e discutidas em vários locais. Sabemos suas viagens a Buenos Aires, Coimbra, Madrid, Nova Iorque, Bucareste e Cairo. Todos conhecemos a importância de seus sucessos e fracassos, do serviço público ao contencioso administrativo, do direito constitucional ao direito privado. Seu pensamento reformista, sua crítica virulenta dos direitos subjetivos, o seu positivismo imperfeito, sua sociologia solidária, a sua fé na "massa de consciências individuais", ou ainda sua concepção de Estado, não são mais mistérios hoje em dia. Ao longo do século XX e início do século XXI, não cessamos de nos debruçar sobre suas ideias, seja na França1, em Havana2, ou na Turquia3, por exemplo. Os pesquisadores têm assim viajado por toda parte para discutir Duguit. Um verdadeiro corpus duguista existe felizmente hoje em dia.

programmatic paper for a European history of legal thought
paper presented during the colloquium :
Giuristi romani e storiografia moderna.
Dalla Palingenesia iuris civilis al progetto Sciptores iuris Romani
Sapienza Universita di Roma
14 et 15 octobre 2016

L'histoire de la pensée juridique : historiographie, actualité et enjeux 1. Entre toutes les tendances actuelles de l'histoire du droit en France, l'émergence de l'histoire de la pensée juridique en tant que champ de recherche de premier plan constitue un phénomène notable. Depuis les années 1950, comme l'attestent notamment les travaux de Michel Villey, l'histoire de la pensée juridique s'est considérablement développée en France, en lien avec l'histoire de la philosophie du droit. Dans les années 1980, à l'invitation des juristes privatistes et publicistes, les études s'attachant au premier chef à l'analyse des auteurs, de leurs idées, constructions et doctrines se sont multipliées, trouvant à s'exprimer dans plusieurs revues juridiques en grande partie spécialisées telles la revue Droits. Revue française de théorie juridique (depuis 1985) ou les Annale d'histoire de Faculté de droit devenues Revue d'histoire de faculté de droit et de la science juridique (depuis 1985). Sensibles à ce mouvement, les historiens du droit ont récemment investi massivement ce champ de la recherche, en s'attelant notamment à mettre en avant l'histoire de la pensée juridique contemporaine, en lien avec certains champs d'études juridiques particuliers (doctrine civiliste, administrativiste ou travailliste par exemple), et avec, en toile de fond, certains questionnements méthodologiques développés dans les années 1970. De ce dynamisme témoigne aujourd'hui le développement d'enseignements spécifiques consacrés par les historiens du droit à l'histoire de la pensée juridique. Si traditionnellement, en effet, l'histoire de la pensée juridique était présente dans les cours de philosophie, de culture juridique ou de théorie comme dans les cours d'histoire du droit privé ou public, depuis une petite dizaine d'années, à l'initiative d'historiens, de privatistes et de publicistes, des enseignements de spécialités sont apparus (pas moins de dix-huit cours dans quinze établissements d'enseignement supérieur), auxquels il convient d'ajouter le Master d'histoire de la pensée juridique issu de la collaboration entre les universités de Paris Panthéon-Sorbonne et de Paris Descartes. 2. Malgré ces avancées, force est de constater que l'histoire de la pensée juridique reste encore en très grande partie à défricher, notamment dans ses aspects historiographiques. Parmi les historiens du droit (pour le moins en France), l'intérêt de l'historiographie en effet ne fait pas toujours l'unanimité. Il y a là, pour certains, des réflexions sans intérêt, pour d'autres, des perspectives relevant d'une sphère qui devrait rester personnelle à l'historien, d'un processus psychique dont la mise à jour relèverait d'une sorte de psychanalyse ne devant en aucun cas faire l'objet de débats « scientifiques ». Dans un tel contexte, l'effort opéré par une partie des historiens du droit français pour développer les débats historiographiques au sein de notre discipline, voire au coeur même de lieux institutionnels hautement symboliques de cette dernière, doit être salué. Le colloque organisé par la Société d'histoire du droit à Toulouse, à l'heureuse initiative de Jacques Poumarède (en 2005), comme le volume composé sous l'égide de l'Association des historiens des facultés de droit dirigé par Jacques Krynen et Bernard d'Alteroche, L'histoire du droit en France. Nouvelle tendances nouveauxc territoire (2014), sont à cet égard emblématiques. Pour autant, comme ce dernier volume en témoigne, beaucoup reste à faire. Non seulement parce que dans le cadre du travail voulu par l'Association des historiens des facultés de droit il ne pouvait être question que de synthèses rapides, mais également parce que l'exercice demandé portait sur une histoire faite en France par les historiens du droit en poste dans les facultés de droit, et qu'un travail historiographique digne de ce nom se doit naturellement de s'inscrire dans une réflexion plus vaste, ayant également pour horizon d'autres histoires faite aussi hors des frontières par un certain nombre de collègues qu'intéresse aussi l'histoire du droit en France et en Europe, voire un travail plus vaste encore. 3. Il n'est qu'à observer l'extraordinaire vitalité des études historiographiques conduites par nos collègues des facultés de lettres pour mesurer l'intérêt que peut présenter en histoire du droit, et en histoire de la pensée juridique tout particulièrement, le développement d'une approche historiographique plus fouillée.

This chapter of The Oxford Handbook of Historical Legal Research identifies some recent trends in historiography generally, and in the study of intellectual history. The chapter discusses the relevance of these trends to the study of the intellectual history of law, referring to relevant legal history works reflecting these trends, noting existing lacunas, and proposing future directions for the development of research in the study of the intellectual history of law.

Published in Nader Hakim and Fatiha Cherfouh, 'L'histoire de la pensée juridique contemporaine : hétérogénéité et expansion', in L'Histoire du droit en France. Nouvelles tendances, nouveaux territoires, dir. Bernard d'Alteroche et Jacques Krynen, éd. Garnier, 2014, p. 117-143. Offering an overview of the history of modern legal thought is a very delicate operation to undertake, above all when it consists of new frontiers and new perspectives. It becomes more difficult when considering the venerability of such a well-established discipline as the history of law. Moreover, it is necessary to indicate some significant markers 1. In the first instance, I should extend our sincere gratitude to the amiable participation of our colleagues who took part in the survey and responded to a list of questions related to the teaching of the subject and concerning their methodological and personal conceptions of the field 2. Without recounting all of their responses and remaining under the full responsibility of the signatories, this paper seeks to resume both the development of the history of modern legal thought within the law faculties and the questions raised by this field of research. Beforehand, two introductory comments may be made. The real, albeit relative, success of the field, provisionally and conventionally known as the 'history of modern legal thought' should be roundly lauded. This branch of the history of law saw a notable expansion within law departments from the mid-1980s. It is impossible to argue that the history of legal thought began at the end of the twentieth century. Such an argument would have the unfortunate consequence of overlooking earlier seminal works from the beginning of the century, including Julian Bonnecase or Eugène Gaudemet, whose analyses cannot, however, be shielded from criticism. Nevertheless, it is undeniable that studies focussing on the authors themselves, of their ideas, constructions and legal doctrines have flourished since the penultimate decade of the twentieth century. It should be noted that these works are, first and foremost, the works of privatist jurists (among whom we can cite C. Atias, P. Rémy, J. Trigeaud) and publicists (J.-J Bienvenu, S. Rials). However, there are few historians of law (at least quantitatively as it is necessary to mention the precursory work of Michel Villey, André-Jean Ardaud or Jean Gaudemet). It is only later, following the written publications of privatists (notably C. Jamin and P. Jestaz), publicists (O. Beaud, P. Gonod, O. Jouanjan, F. Melleray, B. Plessix) and political scientists (M. Milet, G. Sacriste), that legal historians explored the field of the history of modern legal thought 3. 1 It should be noted that the focus of our attention is that of the nineteenth and twentieth centuries, since the history of legal thought and doctrine from the twelfth to the eighteenth centuries is addressed in this volume by Géraldine Cazals, Patrick Arabeyre, Marie Bassano and Arnaud Vergne. 2 Many thanks are owed to A