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Sens et sorts urbains

2004, Les Cahiers du Gres

Document généré le 2 juin 2020 17:43 Les Cahiers du Gres Sens et sorts urbains Réflexions sur les célébrations montréalaises de la Fête nationale du Québec 2002 Stéphanie Lamarre et Gabriella Djerrahian Volume 4, numéro 1, printemps 2004 URI : https://id.erudit.org/iderudit/009714ar DOI : https://doi.org/10.7202/009714ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Groupe de Recherche Ethnicité et Société CEETUM ISSN 1499-0431 (imprimé) 1499-044X (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Lamarre, S. & Djerrahian, G. (2004). Sens et sorts urbains : réflexions sur les célébrations montréalaises de la Fête nationale du Québec 2002. Les Cahiers du Gres, 4 (1), 39–53. https://doi.org/10.7202/009714ar Tous droits réservés © Les Cahiers du Gres, 2004 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ 39 SENS ET SORTS URBAINS: RÉFLEXIONS SUR LES CÉLÉBRATIONS MONTRÉALAISES DE LA FÊTE NATIONALE DU QUÉBEC 20021 Stéphanie Lamarre Gabriella Djerrahian L e 24 juin de chaque année, la Fête nationale du Québec donne le coup d’envoi aux festivités de l’été. Nommée également la fête de la Saint-Jean-Baptiste, elle constitue un espace festif où s’exprime depuis de nombreuses générations l’identité et la mémoire du peuple canadien-français. À l’heure actuelle, les activités entourant cette célébration reflètent une réalité québécoise différente de celle d’antan, attirant ainsi notre attention sur la transformation de ces significations. Cet article explore de manière succincte la formulation d’une identité nationale québécoise et son expression parmi les Montréalais à l’occasion de la Fête nationale des Québécois en 2002. Les données recueillies à Montréal témoignent d’une certaine perplexité figurant au sein de la société montréalaise à l’égard de l’identité collective du Québec mise de l’avant lors de ces festivités. Qui plus est, des distinctions importantes de production de sens se dégagent entre les discours officiels de la Saint-JeanBaptiste2 et ceux des participants. Les paramètres de l’identité québécoise, telle que présentée durant les célébrations, ne se réfè- rent plus à un espace géographiquement clos, et laisse place à l’expression d’une pluralité reflétant d’emblée la diversité de la population montréalaise. En effet, les pressions d’internationalisation, accrues par la mondialisation économique et la conjoncture politique, corroborent l’appartenance de Montréal aux grandes villes-mondes (Sassen, 1994) 3 . L’immigration massive connue par la métropole engendre des changements socio-démographiques qui influencent depuis longtemps la vie citadine (Larrivée, 2003). Cette dynamique crée une mosaïque de références identitaires qui incorpore l’identité traditionnelle des Québécois d’origine canadienne-française. Nous parlons alors d’une collectivité de mémoires historiques rattachées à des territoires d’origine dispersés. Considérant le déploiement de ces enjeux identitaires, nous ne visons pas à répondre à la question « Qui est Québécois(e)?», question qui a d’ailleurs été abondamment discutée dans un ouvrage récent du Groupe de recherche ethnicité et société (voir Meintel et Fortin, 2002). Nous proposons davantage une interprétation des discours proposés au Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 40 cours des festivités de quartiers et celles de plus grande ampleur lors de la Fête nationale du Québec en 2002. officiel et les pratiques individuelles et la construction d’une mémoire commune seront discutés dans le présent texte. « La Fête nationale » comme site d’enquête En examinant les festivals culturels au Canada, Bramadat (2001) souligne le lien entre ces expressions publiques et la symbolique identitaire qu’elles manifestent. À l’effigie du groupe et de l’environnement qu’elles décrivent, les festivités permettent à ceux et celles qui y prennent part d’afficher leur appartenance. De plus, les festivals peuvent constituer des espaces créatifs tout en renforçant certaines contradictions présentes au sein du groupe ou de la société qui les organise (Greenhill, 2001). En s’inspirant de ces constats pour considérer les festivités de la Saint-Jean Baptiste 2002, nous explorons ce que les célébrations relatent du climat social et politique du Québec. Que disent-elles de l’identité québécoise et du contexte dans lequel elle s’extériorise sur la scène publique ? Lors d’une étude montréalaise récente, Olazabal et Frigault (2000) soulignent l’ambivalence du sens de la Fête nationale en raison, notamment, de l’ambiguïté qui accompagne la définition de l’identité québécoise. En s’inspirant de cette recherche, la professeure Meintel4 a invité les étudiants bacheliers du cours d’Ethnologie urbaine (été 2002) à accomplir un projet d’initiation au travail ethnographique. L’activité consistait en une courte enquête sur les célébrations officielles de la Fête nationale dans les différents quartiers de Montréal (le 23 juin 2002: les quartiers Côte-desNeiges, Rosemont et Villeray; le 24 juin 2002: les quartiers NotreDame-de-Grâce et Westmount) ainsi que lors des activités à grand déploiement, soit le défilé du 23 juin sur la rue Notre-Dame et le spectacle du 24 juin au Parc Maisonneuve. Les étudiants ont effectué un minimum de deux à trois heures d’observation et ont discuté informellement avec quelques participants. En synthétisant les comptes rendus obtenus, nous nous sommes ensuite interrogées sur certains points qu’il nous semblait important d’éclaircir. En effet, les thèmes du sens inclusif et exclusif présent dans l’expression «c’est la fête de tous les Québécois», la tension entre le discours Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 L’examen des activités du 24 juin témoigne d’emblée de la complexité des appartenances identitaires s’opérant dans le cadre d’une célébration nationale québécoise5. La diversité ostensible des multiples sites d’expressions de l’identité « québécoise » nous indique que, malgré un encadrement minime unissant toutes les célébrations6, une dissonance importante se concrétise à l’égard du qui, du comment et du pourquoi de la fête. En d’autres mots, il serait réducteur d’affirmer que les participants aux fêtes de la Saint- 41 Jean-Baptiste à Montréal définissent uniformément le groupe qu’ils disent représenter. Une fête en changement… Les festivités entourant les célébrations de la Fête nationale prennent leurs racines7 dans les célébrations païennes nord-européennes du solstice d’été, i.e., le 21 juin8. L’Église tente au VIe siècle de christianiser ces pratiques en décrétant le 24 juin jour de la naissance de saint Jean-Baptiste (Vallon, 1999). Cette fête recouvre néanmoins des coutumes païennes qui seront perpétuées en sol américain par l’intermédiaire des colons français. Après la Conquête anglaise de 1760 qui fait des Canadiens français un groupe minorisé (Chevrier, 2003), les festivités, tout en gardant leur religiosité, acquièrent un sens politique de résistance envers le groupe dominant (Olazabal et Frigault, 2000). Le 24 juin 1834, lors d’un banquet présidé par le patriote Ludger Duvernay, saint Jean-Baptiste est nommé patron des Canadiens français par les convives (Drouin, 1991). Ces derniers s’associent ainsi au côté subversif du saint. Toutefois, la symbolique de saint Jean-Baptiste oscille entre la figure révolutionnaire et celle de la soumission. Sa représentation par un petit garçon aux cheveux blonds bouclés lors du défilé, depuis 1866, suscite une contestation grandissante, car elle infantilise le peuple canadien-français. Cepen- dant, cette imagerie reste présente jusqu’à la fin de la Révolution tranquille (Chicoine et al., 1982). En 1924, les chars allégoriques font leur entrée et permettent, à ce moment, la glorification du passé des Canadiens français et l’expression de cette identité surpasse l’aspect religieux de la manifestation (Mac Dougall, 1997). Les années 1968 et 1969 marquent le point culminant des revendications pour moderniser la présentation de la nation lors du défilé, la statue de saint Jean-Baptiste se retrouvant décapitée par les manifestants (Chicoine et al., 1982). Avec la sécularisation de la société québécoise au cours des années 1960, la fête perd de son côté religieux et devient très politisée en étant associée au mouvement indépendantiste dans les années 1970 (Mac Dougall, 1997). En 1977, la Saint-Jean-Baptiste devient officiellement la Fête nationale du Québec; le désir grandissant de faire reconnaître le Québec comme une société distincte au sein du Canada et finalement, comme un pays souverain, s’exprime lors des festivités. Les célébrations deviennent le véhicule de la fierté du peuple québécois, considéré comme étant composé majoritairement de francophones descendants des Canadiens français. Suite au référendum de 19809où le clan souverainiste fait face à la défaite, les célébrations perdent un peu de leur caractère politique. Suspendu depuis 1969, le défilé est de retour en 1990 soulignant, notamment, que la flamme Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 42 nationaliste se ranime, ce qui sera confirmé par le retour au pouvoir du Parti Québécois en 1994 (Mac Dougall, 1997). Par contre, les propos du Premier ministre Jacques Parizeau tenus lors du second échec référendaire du Parti Québécois en 1995 heurteront les Québécois d’origine immigrante10. Depuis, les organisateurs de la Fête nationale ont voulu pallier à cette situation qui a contribué davantage à forger une division entre la population québécoise « de souche » et celle d’origine immigrante. Ils tentent donc de transformer le discours traditionnel pour représenter un Québec multiethnique et rejoindre tous les habitants de la province, comme on peut le voir sur le site Internet de la Fête nationale. Ce bref survol de l’histoire de la Fête nationale du Québec rend compte des changements survenus dans son organisation et la variabilité de sens qui lui ont été conférés : festif, religieux, politique et plus récemment, multiethnique. Ces significations ne participent pas d’une trajectoire linéaire; elles s’amalgament plutôt les unes aux autres et sont encore actualisées aujourd’hui. En effet, lors de nos récentes observations, il nous a été donné de voir les appropriations contemporaines de ces multiples sens. À Montréal, certaines fêtes de quartier prévoyaient lors de leur programmation des feux de joie et des feux d’artifice, des messes, des discours patriotiques et des spectacles de musique d’origines très variées. Il semble donc que les Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 coutumes païennes, religieuses, politiques et multiculturelles soient présentes dans la Fête nationale 2002. Les célébrations de la Fête nationale 2002 Cette section servira à situer les différents terrains de recherches lors de la Fête nationale 2002 qui avait pour thème « Et si on se lançait des fleurs ». Débutons par les festivités à grand déploiement organisées par le Comité de la Fête nationale, coordonnées par le Mouvement national des Québécoises et des Québécois et diffusées en direct par la télévision (nationale) de Radio-Canada. Le défilé de nuit de la Fête nationale se déroulant au cours de la soirée du 23 juin à Montréal, sur la rue Notre-Dame, avait pour thème « Des fêtes qui nous rassemblent ». D’après les journaux locaux, 175 000 personnes ont assisté à l’événement, plus de 1000 artistes et figurants ont défilé et près de 2000 bénévoles ont aidé à la sécurité. Le Grand spectacle de la Fête Nationale avait lieu le soir du 24 juin au parc Maisonneuve. Selon les journaux, entre 200 000 et 250 000 spectateurs et environ 400 bénévoles ont participé à cet événement. Poursuivons avec les fêtes de quartier du 23 juin incluses par notre corpus. À Côte-des-Neiges11, les célébrations de la Fête nationale prenaient place au parc Van Horne; elles étaient organisées par la Ligue des Noirs du Québec et environ quatre-vingt 43 personnes y ont participé. Dans le quartier Rosemont12, les festivités préparées par l’Association Culturelle Louis-Hébert de Rosemont / St-Michel ont eu lieu au parc Molson et environ 1000 à 1500 personnes ont célébré la fête de la St-Jean. Le quartier Villeray13 a célébré la Fête Nationale au Centre communautaire Lajeunesse et la soirée était organisée par la Société pour la promotion de la danse traditionnelle québécoise (SPDTQ), une centaine de personnes étaient présentes. Les autres fêtes qui ont eu lieu le 24 juin se sont déroulées : au Parc Père Marquette du quartier Rosemont-Petite-Patrie, environ 100 à 150 personnes participaient aux festivités soutenues par l’Association d’Aide aux Enfants Défavorisés d’Haïti et du Québec (ASAEDHQ); dans le quartier Westmount14, les festivités de la Fête nationale avaient lieu dans le Parc de Westmount et étaient organisées par la branche « Culture, Sports, Recreation and Social Development » des « Citizen Services » de Westmount et on a estimé à 500 le nombre de spectateurs présents. Le Parc NotreDame-de-Grâce a accueilli les célébrations de la Saint-Jean pour le quartier Notre-Dame-de-Grâce. Elles étaient orchestrées par le Centre communautaire NDG Inc. et environ 250 personnes étaient présentes. Les points saillants de la participation et des spectacles de la Fête nationale 2002 Les propos recueillis auprès des gens présents aux différentes festivités de la Saint-Jean donnent à voir trois principales tendances quant aux raisons de leur participation. Quelques participants ont déclaré que les célébrations étaient le moment propice pour extérioriser leur flamme indépendantiste et promouvoir le projet souverainiste québécois. Pour d’autres, il s’agissait de fêter la fierté québécoise (politisée ou non) et, finalement, certains fêtaient pour le simple plaisir de fêter et d’assister à un spectacle gratuit. Selon les observations des chercheurs, les festivités dans les quartiers Westmount, NotreDame-de-Grâce et Rosemont dégageaient une ambiance plus familiale que politique. Malgré le repérage de quelques sous-entendus politiques dans ces quartiers, par exemple la présence à Rosemont du drapeau patriotique, symbole de résistance historique face au régime colonial, le plaisir de sortir en famille et/ou entre amis et de profiter de la journée fériée motivait les gens à participer aux festivités. À Villeray, l’expression de la fierté québécoise était plutôt de nature artistique avec les spectacles des chanteurs et des musiciens de musique folklorique québécoise et française. À Côte-de-Neiges et à Rosemont-Petite-Patrie, les spectacles se démarquaient par un éventail de styles musicaux allant de la musique québécoise tradiDiversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 44 tionnelle aux chansons reggaes et aux chorégraphies hip-hop. Lors du défilé et du spectacle au parc Maisonneuve les allusions politiques étaient beaucoup plus présentes, comme nous le verrons plus loin. Depuis 1977 et de manière progressive15, l’entreprise médiatique pour promouvoir le caractère inclusif de la Fête nationale du Québec, c’est-à-dire les campagnes publicitaires, les allocutions des organisateurs et les commentaires des animateurs, mentionne d’une façon constante que « c’est la Fête de TOUS les Québécois » (notre accentuation). Cette emphase mise sur ce déterminant révèle trois propos importants de la situation québécoise d’aujourd’hui. mune partagée; elle signifie par contre l’expression d’une appartenance qui transcende les origines culturelles et familiales (Fortin, 2001, 2002a-b). Théoriquement, l’« identité québécoise » et la « citoyenneté québécoise » semblent aisées à départir, mais la pratique quotidienne complique les catégorisations. Reprenons l’énoncé « TOUS les Québécois ». L’expression « les Québécois » engloberait ceux qui partagent la même identité ethnique (les descendants des Canadiens français) et le « TOUS » permettrait d’inclure les citoyens québécois (anglo-québécois, immigrants récents, moins récents, voire même de deuxième et de troisième générations). Ceci est une superposition de sens qui peut en dérouter plusieurs et qui souligne toujours une différentiation entre deux groupes. D’abord, l’ambiguïté de « Qui est Québécois » est d’emblée illustrée. En effet, l’énoncé, rappelé de manière assidue, suggère que l’inclusion qu’il propose s’éloigne de l’inclusion réelle. Le discours officiel tente de rassembler les « Québécois », mais les observations lors de la Fête nationale 2002 témoignent de l’ambivalence de la définition identitaire et de son association avec la citoyenneté. Si l’identité réfère à une « norme d’appartenance » (Oriol, 1985 : 167) ou à un « sentiment d’appartenance à un groupe auquel les ancêtres «réels ou symboliques», ont appartenu16 » (Meintel, 1993 : 64); la citoyenneté, pour sa part, n’implique pas une identité com- Découlant du premier constat, le deuxième concerne l’hésitation que pourraient ressentir les Québécois d’origine non canadiennefrançaise à s’identifier comme « Québécois ». Par exemple, Sylvie Fortin explique suite à ses recherches traitant des migrants d’origine française que : « Personne ne se sent “québécois” - ils ne pourront jamais être des “pures laines”, les racines sont autres. » (2001 : 77, voir aussi 2002a-b). Même si le discours officiel présente généralement les Québécois comme multiples, diversifiés et hétérogènes, l’image véhiculée inconsciemment ou en filigrane renvoie au peuple17 descendant des Canadiens français. Inclusion / exclusion Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 45 Malgré le désir politique de constituer un « Nous » inclusif, la forte relation entre les origines canadiennes-françaises et l’identité québécoise créerait une exclusion ethnique (des non-Canadiens français). Les réactions des Québécois d’origine immigrante peuvent être très variées, allant de l’appropriation au rejet des différentes références identitaires (Québécois, Canadiens, immigrant-québécois, etc.) lesquelles sont administratives pour certains, symboliques pour d’autres. Réagissant à cette dynamique, même les Québécois « de vieille souche » interrogent les nouveaux paramètres définissant la québécitude. Le dernier propos concernant l’expression « la fête de TOUS les Québécois » porte un regard rapide aux tentatives contemporaines de solutionner la confusion qui règne autour de l’identité québécoise. À la lumière de l’ambiance exclusive longtemps présente entre le groupe majoritaire des Québécois d’origine canadienne-française face aux groupes minoritaires composés d’Autochtones, d’immigrants plus récemment établis 18 et d’anglophones, il y a aujourd’hui différents essais pour changer la définition traditionnelle du « Québécois ». Cependant, la crainte de générer de nouvelles exclusions semble empêcher l’élaboration d’une définition claire (voir Piché, 2002). « Qui est Québécois ? » reste donc une question ambiguë et dynamise les processus d’inclusion et d’exclusion qui se retrouvent lors du dé- roulement des festivités de la Fête nationale, occasionnant une certaine tension entre et à l’intérieur des discours officiels et des pratiques individuelles. Tension : discours officiel et pratiques individuelles Plusieurs niveaux d’ambiguïtés peuvent être relevés selon les observations effectuées sur les sites des célébrations de la Fête nationale 2002. Premièrement, comme expliqué précédemment, le discours officiel se veut rassembleur et pour ce faire, il tente d’éliminer tous les propos nationalistes. Néanmoins, des références politisées mentionnant la souveraineté du Québec de manière explicite ou implicite surgissent parfois au cours des présentations des spectacles. De plus, certains participants souhaiteraient que ces propos ne soient plus occultés et que la fête serve de véhicule pour exprimer leur désir d’un État québécois indépendant et leur sentiment d’appartenance à la nation québécoise. Par exemple, plusieurs spectateurs du défilé et du spectacle au parc Maisonneuve s’étaient vêtus avec les couleurs du drapeau québécois, soit de bleu et de blanc ou avec des vêtements fleurdelisés. Certains arboraient le drapeau du Québec pardessus leurs vêtements, noué autour du cou ou de la taille, ou encore s’étaient maquillés une fleur de lys sur la joue pour les circonstances. Également, les chercheurs ont observé la présence de plusieurs drapeaux du Québec et de quelques drapeaux des patrioDiversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 46 tes. Durant le défilé du peuple, c’est-à-dire lorsque les gens ont marché derrière le char allégorique qui clôturait le défilé, certains tenaient des propos comme « Le Québec un pays », « Liberté ! Liberté ! Liberté ! » ou « Le Québec aux Québécois ». Des banderoles affichaient différents slogans : « Le Québec : un pays pour tout le monde ! », « Québec un pays pour tous » ou encore « Tannés de Chrétien19 la solution : l’indépendance ». Projetés sur un mur, les slogans « Vive la poutine, vive la bière ! », « Vive le Québec libre » (celui-ci était associé à une image d’un couple gai s’embrassant) et des photos de Jean Chrétien et de René Lévesque20 suscitaient des réactions de huées pour le premier et de cris de joie pour le second. Les célébrations garderont inévitablement un aspect politique puisqu’elles sont organisées dans le cadre de la Fête nationale du Québec. Le mot « nationale » renvoie à l’idée d’une nation politisée et à celle d’un peuple uni, pour ne pas dire homogène. Par contre, les festivités du 24 juin recherchent désormais un nouveau sens inclusif dépolitisé. Comme le remarque Augé, cela impliquera tout de même une prise de position de la part des organisateurs face aux participants, car : « le rituel politique […], semble parfois bien éloigné des mythes qui, en amont et en aval, fondent son existence et son projet. Mais ses responsables savent que légitimité et finalité doivent être représentables et représentées et, s’ils l’oublient, l’hisDiversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 toire et les hommes en société se chargent de le leur rappeler » (2001 : 126). Une tension existe donc à l’intérieur du discours officiel et entre ce dernier et les pratiques festives individuelles qui incorporent le politique et/ou le simple plaisir de fêter. Les recherches sur la Fête nationale 2002 démontrent que certains Québécois d’origine canadienne-française ne se reconnaissent pas dans l’image du « Québécois » projetée lors des fêtes de quartier organisées par une « communauté culturelle ». Pour soutenir cette affirmation, les paroles d’une personne interviewée dans le quartier Petite-Patrie sont un bon exemple du malaise ressenti. À propos des activités de la fête organisée par l’Association d’Aide aux Enfants Défavorisés d’Haïti et du Québec, elle remarquait, que « ça ne fait pas très Québécois ». Ceci nous ramène à la problématique de départ : qu’est-ce qui fait Québécois ? Ce questionnement offre des pistes intéressantes seulement effleurées ici et qui nécessiteraient d’être explorées davantage. L’appropriation de la fête par les « communautés culturelles » de Montréal teinte celle-ci de leur propre « culture » créant ainsi un métissage21 des formes. Une multiplicité de manières de célébrer la Saint-Jean-Baptiste existe donc aujourd’hui, occasionnant ainsi la rencontre des trajectoires personnelles de chacun, chargées de mémoires historiques différentes. 47 La construction d’une mémoire : le discours officiel Influencé par sa diversité culturelle, le territoire québécois et la ville de Montréal en particulier sont marqués par une diversité inhérente de mémoires historiques22. Selon Bloch (1996), la « mémoire historique » se constitue par l’absence physique de l’individu ou du groupe lors de l’épisode historique qui structure la formulation d’une mémoire de l’événement. Contrairement aux événements historiques qui passent sous silence et qui sont, pour une raison ou une autre, oubliés – processus que Megill nomme « active forgetfulness » (1998:49), la rétention active des récits épisodiques reflète son rôle comme référent identitaire au sein d’un groupe. L’existence de chaque individu se forme par les traces de sa mémoire historique qui lui a été transmise par son environnement familial et/ou social. Du point de vue du gouvernement québécois, le défi à l’égard de sa collectivité réside dans le rassemblement des acteurs aux mémoires historiques variées, de provenances locales ou venant d’ailleurs, à l’aide d’une définition inclusive de l’ethnonyme « Québécois ». Selon les observations du 23 et 24 juin 2002, les festivités officielles à grand déploiement et dans les quartiers étaient dotées d’un discours symboliquement unificateur et apolitique. Les célébrations acquièrent un objectif particulier, car elles invitent l’« autre » Québécois, celui et celle d’origine immigrante, à s’approprier par les danses, les chansons et les spectacles, les espaces public et identitaire caractérisés comme étant québécois, identification qui ne lui est pas forcément réservée ni voulue dans sa quotidienneté. Les images représentant les « communautés culturelles » dans les manifestations québécoises sont souvent folklorisantes (Cherubini, 1994). Par contre, la Fête nationale dans le Mile-End, même si elle permet de déguster des plats ethniques et d’écouter des musiques du monde, n’est pas considérée par Olazabal et Frigault (2002) comme ethnicisante puisque cela fait partie du paysage quotidien du quartier. Nos propres recherches en 2002 démontrent les deux tendances. Par exemple, lors du défilé, un tableau thématique présentait des participants revêtus en costumes traditionnels de divers pays. L’engagement des Québécois d’origine immigrante conviés à la participation s’exprime parfois par une représentation essentialiste et témoigne de l’aspect réifié dans la représentation de l’ « Autre » d’origine immigrée. Cependant, plusieurs spectacles observés dans les quartiers présentaient également des chorégraphies sur la musique contemporaine telle le hip-hop, des groupes de reggae, etc. Notons que le recours à l’apolitisme lors des célébrations nationales colore, à intensité variée, les festivités de la Saint-JeanBaptiste depuis l’échec du premier référendum en 1980 (Mac Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 48 Dougall, 1997), allégeant ainsi l’ambiance tendue tout en mettant de l’avant l’aspect festif de la programmation du 24 juin. Tout en tenant compte du laps de temps écoulé depuis cette période, on remarque que l’usage de l’apolitisme permet de tracer, au moins au niveau symbolique, un lieu spatio-temporel politiquement neutre et culturellement inclusif où TOUS les Québécois peuvent « officiellement » prendre part aux célébrations de la Fête nationale. En 2002, la diversité des célébrations de la Saint-Jean-Baptiste, ainsi que les paramètres mal définis de la fête de « TOUS les Québécois » tels que produits par le discours officiel, semblent générer, au moins pour l’instant, une fête de masse plutôt que des sentiments d’inclusion véritables. En 1980 comme en 2002, l’apolitisme au sein de la Fête nationale ne s’énonce pas par hasard, mais reflète plutôt la prise d’une décision réactualisant les idées mises en œuvre par les organisateurs, incluant le gouvernement provincial, qui se penchent annuellement sur la façon de représenter les « Québécois » au niveau local (donc à soi-même), national et international. Si dans les années 1980 un retour aux traditions canadiennes-françaises a été constaté (Mac Dougall, 1997), l’apolitisme des années 2000 semble englober davantage tous les Québécois, peu importe leur origine. Et comment se constituent les diverses mémoires historiques Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 dans le cadre de la Fête nationale? Considérant le pourcentage des Montréalais d’origine immigrante, acteurs de mémoires historiques non locales qui vivent des attachements à d’autres pays, à d’autres cultures, la fête sert également comme pion mobilisateur en vue de « rassembler les différences » dans un cadre « québécois ». La tentative de définir la Saint-JeanBaptiste comme un espace temporel neutre, inclusif et sans agenda politique nous amène à nous interroger si, en effet, la portée de l’apolitisme présenté au cours des célébrations officielles reste effectivement impartiale au niveau politique. Conclusion La description de l’identité québécoise présente dans le discours officiel de la fête de la SaintJean-Baptiste 2002 est essentiellement réduite à une identification civique. Elle tente, de prime abord, d’atténuer le stress politique causé, notamment, par l’énoncé accouplant « groupes ethniques » avec « anti-indépendantistes » suite au référendum de 1995. Afin de forger une identité québécoise ouverte et moderne, l’apolitisme surréel du discours officiel invite les participants à se détacher, pour une période restreinte, des références implicites d’inclusion et d’exclusion à l’identification québécoise. En vue de créer un espace commun où les frontières des divers groupes, des mémoires historiques, des cultures, des religions, etc. prennent leur place dans le cadre des festi- 49 vités nationales, certaines personnes qui prennent part aux festivités contribuent à réaliser l’«oubli actif » (active forgetfulness). Ici, l’« oubli actif » permet l’initiative de développer un sentiment d’affiliation, du moins civique, entre les participants. Par contre, d’autres participants mettent de l’avant l’idée d’une culture québécoise « authentique » où la rétention et la transmission du passé patriotique des Canadiens français, donc le souvenir actif, dictent la façon de fêter la Saint-Jean et excluent certaines manifestations. Les quelques réflexions avancées ici nous incitent à interroger la viabilité de l’appartenance civique comme référence primaire de l’identité « québécoise ». A-t-elle le potentiel de façonner un lien durable entre les acteurs civiques du Québec et l’identité du groupe majoritaire ? De plus, qu’en est-il des grands oubliés lors des festivités, c’est-àdire les Autochtones vivant au Québec, qui malgré leur contribution historique semblent occuper une position loin derrière celle des immigrants en ce qui concerne l’impact de leur présence dans la société québécoise contemporaine? D’ailleurs, la Fête nationale est-elle célébrée dans les communautés amérindiennes? Ces questions méritent attention et pourraient donner lieu à une future recherche centrée sur l’exclusion des Autochtones du discours national. Finalement, l’avenir politique du Québec est en définition perpétuelle. Montréal est une ville à l’ère de la pluriethnicité et, comme le démontre cette note de recherche, la signification de la Fête nationale évolue avec la société québécoise. Plusieurs éléments restent donc à découvrir sur le sens de ces festivités pour le peuple « québécois ». notes 1 Ce texte est inspiré de notre présentation au 5e Colloque pour étudiant(e)s et jeunes diplômé(e)s : Nouveaux regards sur la société pluriethnique qui s’est déroulé à Montréal le 27 février 2003 au Centre d’études ethniques des universités montréalaises. Nous tenons à remercier tous et toutes les étudiant(e)s qui ont collaboré à cette recherche. 2 Selon Mac Dougall, les Québécois utilisent plus fréquemment « la fête de la Saint-Jean » que « la Fête nationale » pour nommer les célébrations du 24 juin (1997 : 17). Nos recherches démontrant l’usage des deux, nous les employons comme des synonymes dans ce texte. 3 Selon Sassen, les villes-mondes (global cities) représentent « des sites clés pour l’avancement des services et des facilités de télécommunications nécessaires pour l’application et la gestion des opérations économiques globales » (1994:19, notre traduction). 4 Deirdre Meintel est professeure titulaire au département d’anthropologie de l’Université de Montréal et directrice du Groupe de recherche ethnicité et société. 5 Il est intéressant de noter l’ironie du terme « fête nationale », car la province de Québec ne constitue pas en soi une « nation » dans le sens étatique. Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 50 6 Le Mouvement National des Québécoises et des Québécois définit le thème annuel de la Fête nationale et le diffuse sur l’ensemble du territoire de la province à travers les divers Comités de la Fête nationale (Gagné, 1993). 7 Pour un compte rendu historique plus complet,voir Mac Dougall, 1997. 8 Le solstice d’été est la journée d’ensoleillement la plus longue de l’année et cet événement était célébré à l’époque par des feux de joie, des danses, des chants, etc. (Vallon, 1999). 9 Le Parti Québécois élu en 1976 fixe au 20 mai 1980 la date du référendum afin que les Québécois puissent accorder le droit au gouvernement de négocier avec le gouvernement fédéral une souveraineté-association. 59,6% des Québécois voteront contre cette proposition. 10 Jacques Parizeau, alors chef du Parti Québécois, expliquait la défaite du camp du « oui » (seulement 49,4% des gens ont voté pour l’indépendance) par « l’argent et le vote ethnique ». Notons qu’au cours du débat des chefs lors de la campagne électorale provinciale en 2003, le chef du Parti Libéral, Jean Charest, a remis ce commentaire au centre de la discussion. 11 La population de l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Damede-Grâce était de 163 110 habitants lors du recensement de 2001, composée à 82% de citoyens canadiens. Près d’un résident de l’arrondissement sur deux est immigrant. Il s’agit de la seconde plus importante concentration d’immigrants à Montréal en comparaison des 26 autres arrondissements. Les pays d’origine de ces immigrants sont principalement les Philippines, le Maroc et la République populaire de Chine. L’arrondissement compte 21 660 nouveaux immigrants arrivés Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 entre 1996 et 2001, provenant principalement des Philippines et d’Haïti. Parmi la population totale de 15 ans et plus de l’arrondissement, 55% sont des immigrants de première génération, donc nés à l’extérieur du Canada. Un peu plus de 16% font partie de la catégorie des immigrants de deuxième génération, nés au Canada mais avec au moins un parent né à l’extérieur du pays. Source: www.ville.montreal.qc.ca 12 La population de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie était de 131 318 habitants lors du recensement de 2001, composée à 94% de citoyens canadiens. Un résident de l’arrondissement sur cinq est immigrant. Les pays d’origine de ces immigrants sont principalement Haïti, l’Italie et la France. L’arrondissement compte 5 200 nouveaux immigrants arrivés entre 1996 et 2001, provenant principalement d’Algérie et de France. Parmi la population totale de 15 ans et plus de l’arrondissement, 21% sont des immigrants de première génération et un peu plus de 7 % font partie de la catégorie des immigrants de deuxième génération. Source : www.ville.montreal.qc.ca . 13 La population de l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–ParcExtension était de 145 485 habitants lors du recensement de 2001 et elle est composée à 86 % de citoyens canadiens. Près d’un résident de l’arrondissement sur deux est immigrant. Villeray–Saint-Michel– Parc-Extension compte la troisième plus importante concentration d’immigrants à Montréal. Les pays d’origine de ces immigrants sont principalement Haïti, l’Italie et la Grèce. L’arrondissement compte 12 625 nouveaux immigrants arrivés entre 1996 et 2001, provenant principalement d’Inde et d’Haïti. Parmi la population totale de 15 ans et plus de l’arrondissement, 50 % sont 51 des immigrants de première génération et un peu plus de 12 % font partie de la catégorie des immigrants de deuxième génération. Source : www.ville.montreal.qc.ca . 14 La population de l’arrondissement Westmount était de 19 727 habitants lors du recensement de 2001 et elle est composée à 92 % de citoyens canadiens. Un résident de l’arrondissement sur quatre est immigrant. Les pays d’origine de ces immigrants sont principalement le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la France. L’arrondissement compte 760 nouveaux immigrants arrivés entre 1996 et 2001, provenant principalement de France et du Liban. Parmi la population totale de 15 ans et plus de l’arrondissement, 33% sont des immigrants de première génération et un peu plus de 26% font partie de la catégorie des immigrants de deuxième génération. Source : www.ville.montreal.qc.ca . 15 En 1977, le Premier ministre René Lévesque transforme la fête de la Saint-Jean-Baptiste en Fête nationale du Québec en proclamant que c’est la fête de tous les Québécois (Mac Dougall, 1997). Dans le contexte de la sécularisation de la société québécoise, les festivités ne sont désormais plus associées aux Catholiques, mais permettent aux gens de toutes les confessions de célébrer (Olazabal et Frigault, 2000). 16 Meintel applique cette définition à l’identité ethnique qui se réfère également « au sens qu’a une communauté de son unicité, de son unité, d’une histoire et d’un devenir partagés » (1993 : 64). Ceci s’applique à l’identité québécoise. 17 Le mot peuple ne devrait pas sousentendre l’homogénéité des gens le constituant. Par contre, la représentation du « nous » québécois porte parfois à le croire. 18 Depuis la loi 101 de 1977, les immigrants doivent fréquenter les écoles francophones alors que précédemment ils fréquentaient massivement les écoles anglophones. 19 Jean Chrétien, ancien chef du Parti Libéral du Canada, a été premier ministre du Canada de 1993 à 2003. 20 René Lévesque a été le chef du Parti Québécois lors de sa fondation en 1968 et premier ministre du Québec de 1976 à 1985; il est une des figures les plus influentes de la cause indépendantiste. 21 « Le métissage trace cette troisième voie entre le communautarisme et l’assimilation, la seule apte à reconnaître la mouvance, l’instabilité des cultures et des identités culturelles » (Laplantine et Nouss, 2001 : 16). 22 La « mémoire historique » de Halbwachs (1950) fait référence aux événements ayant eu lieu dans un espace spatio-temporel duquel l’individu porteur de la mémoire fut absent. Bloch y attribue également les termes de « sémantique » ou « historico-sémantique » (1996). Bibliographie Augé, Marc, 2001 [1994]. Pour une anthropologie des mondes contemporains, Coll. Champs, France, Flammarion, 195 p. Bloch, Maurice, 1996. « Mémoire autobiographique et mémoire historique du passé éloigné », Enquête, numéro 2, Usages de la Tradition, Marseille, Parenthèse, pp. 59-76. Bramadat, Paul A., 2001. «Shows, Selves, and Solidarity: Ethnic Identity and Cultural Spectacle in Canada», Canadian Ethnic Studies/ Études Ethniques du Canada, vol. 33, no. 3, pp. 78-98. Diversité urbaine, vol. 4. no 1, printemps 2004 52 Cherubini, Bernard, 1994. Localisme, fêtes et identités, Paris, L’Harmattan. Chevrier, Marc, 2003. «A Language Policy for a Language in Exile», Linguistic Conflict and Language Laws : Understanding the Quebec Question, Great Britain, Palgrave Macmilllan, pp.118-162. 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