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Espagne d'al-Andalus: l'Occident est-il redevable à l'islam pour la transmission des auteurs antiques ?
Par DFM
Publié le 22/02/2018 à 16:08, mis à jour le 22/02/2018 à 16:50
Conversation imaginaire entre Averroès et Porphyre (détail), extrait de Liber de herbis, de Monfredus de Monte Imperiali, première moitié du XIVe siècle (Paris, Bibliothèque nationale de France). BnF
AL-ANDALUS 9/9 - Avant comme après l'apparition de l'islam, les textes antiques ont été étudiés et conservés par les érudits chrétiens de l'Empire gréco-romain, qui diffusèrent ce savoir en Europe.
Cette idée de «sauvegarde et transmission» par l'Islam est un autre mythe. Tout d'abord, les textes classiques n'ont jamais été «perdus» puis «récupérés» pour être gracieusement «transmis» à un Moyen Age européen ignorant. Ils ont été commentés et conservés dans l'Empire chrétien gréco-romain («byzantin») pendant des siècles avant et après l'apparition de l'Islam. Michael H. Harris observe ainsi dans History of Libraries in the Western World que les textes classiques étaient toujours disponibles pour les peuples de l'empire et les Occidentaux qui avaient un contact diplomatique et culturel avec eux. Au moins 75 % des classiques grecs que nous connaissons aujourd'hui proviennent de copies réalisées sous l'empire. L'historien John Julius Norwich observe quant à lui qu'«une grande partie de ce que nous savons de l'Antiquité - en particulier la littérature hellénique et romaine et la loi romaine - aurait été perdue pour toujours sans les érudits et les scribes de Constantinople».
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Les intellectuels musulmans, propagandistes du même calife qui fut le pionnier de l'inquisition islamique, affirmèrent à maintes reprises que le christianisme avait empêché les Rum (les habitants de l'Empire gréco-romain) de profiter du savoir classique. Cela ne correspond pas aux faits, comme l'ont montré Speros Vryonis et d'autres, et comme le prouve l'essor donné, par les chrétiens de l'empire, au savoir grec antique. Les Arabes goûtèrent d'ailleurs ce développement lorsque leurs vastes flottes furent écrasées par le fameux «feu grec» de la marine grecque chrétienne, moins imposante en nombre mais technologiquement supérieure.
Les Grecs eux-mêmes étaient conscients de la supériorité de leur civilisation et de la propagande que les musulmans menaient contre elle. Quand, au IXe siècle, saint Cyrille, l'apôtre des Slaves, fut envoyé par l'empereur romain en ambassade auprès des Arabes, il les étonna par ses connaissances philosophiques et scientifiques. L'historienne Maria Mavroudi raconte: «Lorsqu'ils lui demandèrent comment il lui était possible de savoir autant de choses, il [Cyril] fit une comparaison entre la réaction musulmane à son érudition et la fierté de quelqu'un qui gardait l'eau de mer dans une outre à vin en se vantant de posséder un liquide rare. Finalement, il rencontra un homme provenant d'une région en bord de mer, qui lui expliqua que seul un fou se vanterait du contenu de l'outre, car les gens de sa région possédaient une abondance infinie d'eau de mer. Les musulmans sont semblables à l'homme possédant l'outre, et les [Grecs] à l'homme du bord de mer parce que, comme concluait le saint en réponse, tout apprentissage émanait des [Grecs].»
« Grâce aux traductions réalisées au monastère du Mont-Saint-Michel, les érudits médiévaux n'avaient guère besoin de traductions depuis l'arabe. »
Saint Thomas d'Aquin lut Aristote grâce aux traductions réalisées directement du grec au latin par Guillaume de Moerbeke (1215-1286), un dominicain qui fut évêque de Corinthe. Ce dernier effectua plus de vingt-cinq traductions d'Aristote en plus de traductions d'Archimède, de Proclus, de Ptolémée, de Galien et de beaucoup d'autres penseurs grecs. Plusieurs ouvrages d'Aristote étaient à la disposition des érudits chrétiens du Moyen Age dans des traductions latines remontant à Boèce (VIe siècle) et à Marius Victorinus (IVe siècle). La Columbia History of Western Philosophy nous rappelle qu'à la fin du XIIe siècle, «les auteurs de l'Occident latin connaissaient bien la logique (Organon) d'Aristote». Sylvain Gouguenheim a montré que, grâce aux traductions réalisées au monastère du Mont-Saint-Michel, les érudits médiévaux n'avaient guère besoin de traductions depuis l'arabe.
En réalité, ce sont les érudits chrétiens qui transmirent le savoir grec aux musulmans, après la conquête par l'Islam des régions (Moyen-Orient et Afrique du Nord) où une riche civilisation chrétienne grecque s'était développée - une civilisation que l'Islam s'attacha bien entendu à détruire.
Les traductions effectuées directement du grec qu'appréciaient les savants occidentaux contrastent avec les traductions utilisées par des gens comme Ibn Rushd («Averroès»), qui étaient de vieilles traductions arabes réalisées par des érudits chrétiens à partir de traductions syriaques, elles-mêmes traduites par des érudits chrétiens à partir des textes grecs qui restaient dans les territoires de l'Empire gréco-romain chrétien conquis par les musulmans. Un fait qui résiste aux allégations sur «l'influence profonde» qu'auraient eue sur l'Europe les «commentaires» d'Aristote par les musulmans.
« Les savants grecs de Constantinople qui enseignaient en Italie avaient pointé du doigt les erreurs commises par ceux qui se fiaient à Averroès pour comprendre Aristote. »
L'humaniste Juan Luis Vives a remarqué que, dans son «commentaire» d'Aristote (dans la traduction latine utilisée en Europe), Averroès, considéré comme «le plus grand philosophe andalou», fait référence à Héraclite comme à une secte: les «Herculéens». Il affirme que le premier philosophe de cette secte «herculéenne» est Socrate. Vives constata aussi qu'Averroès confondait Cratylus avec Démocrite et Pythagore avec Protagoras. L'humaniste Marsile Ficin considérait qu'Averroès ne comprenait pas Aristote. Plus tôt, les savants grecs de Constantinople qui enseignaient en Italie avaient pointé du doigt les erreurs commises par ceux qui se fiaient à Averroès pour comprendre Aristote.
Averroès était sans aucun doute un homme doté d'une grande intelligence ; il avait même de merveilleuses intuitions aristotéliciennes, comme nous l'assurent aujourd'hui les experts en philosophie islamique. Mais son métier n'était pas d'être un philosophe (soit un praticien de la philosophia, concept inconnu des Arabes avant leur rencontre avec les Grecs, qu'ils embrouillèrent avec le mot arabe falsafa). Son métier était celui d'un éminent juge de la charia à Cordoue. Il a écrit un formidable traité d'instruction pour les juges de la charia, où il discute les opinions des clercs islamiques savants sur des sujets d'importance, comme la façon dont il faut, selon la religion, lapider une femme musulmane adultère (Averroès accepte le consensus de la jurisprudence islamique malikite selon laquelle il n'est pas obligatoire de la placer dans un trou pour la lapider). Il explique comment le pèlerinage à La Mecque devient invalide si les «deux circoncisions» (de l'homme et de la femme) sont entrées en contact. Il disserte sur le jihad, compris comme la guerre sainte et non comme «un combat spirituel pour résister à la tentation et devenir le meilleur possible».
Tout au long de l'histoire de l'Empire gréco-romain chrétien, les savants grecs ont apporté le savoir antique à l'Europe. Vers la fin de l'empire, dont l'Islam était en train de détruire la civilisation entière, cette transmission s'intensifia, tandis que de plus en plus de Grecs se rendaient en Italie, apportant un savoir et des textes précieux. Ils furent des figures clés de ce mouvement culturel que nous appelons la Renaissance.
Figaro
L'Espagne musulmane, d'al-Andalus à la Reconquista, 132 pages, 8,90€, disponible en kiosque et sur le Figaro Store.
L'Espagne d'al-Andalus : d'où proviennent l'architecture et l'art du jardin ?
Par DFM
Publié le 20/02/2018 à 11:13
Intérieur du palais de l'Alhambra, à Grenade, avec ses fenêtres bilobées (ajimez) et ses décors de mosaïques (azulejos). © Mint Images / Andia.fr
AL-ANDALUS 7/9 - Les magnifiques constructions, jardins et fontaines d'al-Andalus furent pour la plupart des adaptations de créations déjà existantes, dont les musulmans s'inspirèrent librement.
L'historien de l'art Basilio Pavón Maldonado observe que «l'art hispano-musulman (…) dérive en grande partie de l'art romain, paléochrétien, byzantin et wisigoth». Un autre historien de l'art, Isidro Bango Torviso, note quant à lui que l'art de l'Espagne islamique est le produit de «l'inertie de l'art de l'Antiquité tardive sous l'hégémonie islamique». Il remarque que la ventana bífora (fenêtre bilobée d'ordinaire appelée par son nom arabe, ajimez) est en réalité une création romaine largement répandue dans l'Espagne hispano-wisigothique, longtemps avant la conquête musulmane. L'arc en fer à cheval est bien sûr une imitation de celui des Wisigoths et trouve son origine dans l'Empire gréco-romain chrétien. Quant aux jardins et aux fontaines, ils imitent de la même façon ses magnifiques jardins et fontaines hydrauliques. Les systèmes d'irrigation tant vantés ont en réalité été développés plusieurs siècles avant l'ère chrétienne par les civilisations mésopotamiennes et adoptés plus tard par les Romains. Les conquérants venus des terres arides d'Arabie les découvrirent et les utilisèrent dans leur empire.
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De telles «contributions» auraient atteint l'Espagne sans l'aide de l'Islam si la communication et le commerce entre l'Orient gréco-romain chrétien et l'Occident chrétien n'avaient pas été interrompus en premier lieu par l'assaut islamique (voir Henri Pirenne sur les conséquences de cette interruption). Bien sûr, cette interruption - causée par l'Islam lui-même - a en partie fait de l'Islam une sorte de «médiateur» entre l'Orient grec et l'Occident latin. Mais cette interruption, qui conduisit en fin de compte à la destruction de la civilisation de l'Empire romain chrétien, ne fut jamais totale. Certains Etats chrétiens occidentaux comme Venise continuèrent à profiter du commerce et de l'influence culturelle venue d'Orient pour la transmettre à l'Occident (voir Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel).
« Une des méthodes hégémoniques des envahisseurs consistait à détruire ou à s'approprier toute construction préislamique qui pouvait défier la grandeur ou offenser la religion islamique »
Basilio Pavón Maldonado observe que les édifices wisigoths et hispano-romains furent démolis en grand nombre pour pouvoir réutiliser leurs meilleurs matériaux dans la construction des bâtiments musulmans. En sus des aspects pratiques de cette destruction massive du passé préislamique, une des méthodes hégémoniques des envahisseurs consistait à détruire ou à s'approprier toute construction préislamique qui pouvait défier la grandeur ou offenser la religion islamique.
Haroun ar-Rachid (célébré dans les contes des Mille et Une Nuits, dont la plupart ont une origine perse, indienne et même grecque) détruisit ainsi le grand palais du roi perse Khosro. Selon Ibn Khaldoun, le califat islamique tenta même de mettre à bas la pyramide de Gizeh. Il démolit les plus beaux temples chrétiens du Moyen-Orient et utilisa leurs matériaux pour construire des mosquées à leur place. La grande basilique de Saint-Jean-Baptiste à Damas fut ainsi abattue et ses matériaux récupérés pour bâtir sur ses ruines la «mosquée des Omeyyades» sur le modèle du palais impérial de Constantinople. Le même sort fut réservé, en Espagne, à la basilique Saint-Vincent-Martyr, rasée par Abd al-Rahman Ier et remplacée par la mosquée de Cordoue. Au XIIIe siècle, justice lui fut rendue lorsqu'elle fut transformée en église par le roi Ferdinand III: c'est aujourd'hui la cathédrale de Cordoue. Mais les guides touristiques et même certains spécialistes continuent de l'appeler à tort «la mosquée de Cordoue», ou même de s'y référer avec un oxymore: la «mosquée-cathédrale» de Cordoue.
« Ces inventions furent certainement adaptées intelligemment à leur nouveau contexte par les penseurs musulmans »
Il est probable que la majorité des inventions sérieusement attribuées à l'Islam ont été en réalité développées par des civilisations antérieures ou contemporaines (ne prenons pas au sérieux une exposition muséale à succès qui vantait «1 001» inventions de l'Islam). Dans tous les cas, ces inventions furent certainement adaptées intelligemment à leur nouveau contexte par les penseurs musulmans. Les spécialistes devraient d'ailleurs considérer l'épuisement de ce «capital intellectuel» comme un possible facteur du déclin de l'Islam. Mais pour un universitaire, il y a peu à gagner à consacrer des années de sa vie à écrire un livre qui démystifie les grandes réalisations scientifiques d'al-Andalus. En témoigne le «lynchage universitaire» dont fut victime Sylvain Gouguenheim pour avoir osé rappeler les racines grecques de l'Europe chrétienne.
Figaro
L'Espagne musulmane, d'al-Andalus à la Reconquista, 132 pages, 8,90€, disponible
Espagne d'al-Andalus : certaines dynasties ont-elles été plus clémentes que d'autres ?
Par DFM
Publié le 21/02/2018 à 18:02, mis à jour le 21/02/2018 à 18:30
L'épisode légendaire du Massacre des Abencérages, par Marià Fortuny i Marsal, dit Mariano Fortuny, vers 1870 (Barcelone, Museu Nacional d'Art de Catalunya). Bernard Bonnefon / akg-images
AL-ANDALUS 8/9 - Si la situation politique du moment les a portés à une férocité plus ou moins grande, Omeyyades, Almoravides et Almohades ont mené la même lutte contre les « ennemis de Dieu ».
Ibn Hazm a écrit que, de toutes les dynasties d'Espagne, les Omeyyades avaient été les plus féroces adversaires des «ennemis de Dieu». Ils furent les défenseurs les plus impitoyables de l'islam contre les hérétiques et les infidèles, et de là les plus victorieux. Abd al-Rahman III établit une inquisition islamique - la mihna - qui était un modèle d'efficacité, puisqu'elle utilisait les mosquées et leurs clercs pour informer le calife sur «les pensées les plus secrètes des gens», comme l'écrit l'historien Ibn Hayyan. Il n'en était pourtant pas l'inventeur: le pionnier était un autre célèbre calife, al-Mamun, qui en avait établi une à Bagdad pour imposer le… «rationalisme». Aucune autre dynastie n'égala les décapitations et crucifixions des Omeyyades. L'une des premières choses que le visiteur voyait à son arrivée à Cordoue, c'était les têtes et les corps crucifiés des «ennemis de Dieu» exposés aux portes de la ville et au palais du calife. Ibn Hayyan a loué les Omeyyades comme de merveilleux défenseurs de la foi contre les hérétiques, et en particulier Abd al-Rahman III pour avoir «empêché son peuple de penser par lui-même et de tomber ainsi dans l'hérésie».
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« Les Almohades laissèrent aux dhimmis le choix entre la conversion et la mort. »
Les Almoravides berbères - un mouvement et une confédération islamiques pieux - et les Almohades, tout aussi pieux, ont mauvaise réputation. Mais ils n'étaient pas plus «impitoyables» que les Omeyyades. Ils durent seulement affronter une situation politique et militaire plus grave: l'avancée progressive des armées de la Reconquista chrétienne. Ils s'inquiétaient de la complicité que pouvaient avoir les dhimmis avec ces armées. Ils expulsèrent donc des populations chrétiennes entières vers l'Afrique du Nord. Afin d'unifier leur royaume multiculturel fragmenté par des querelles incessantes face à l'avancée des royaumes chrétiens, plus cohérents au point de vue religieux et social, les Almohades laissèrent aux dhimmis le choix entre la conversion et la mort. Un calife almohade se vanta même d'avoir détruit toutes les églises et les synagogues. Parmi ses intellectuels de cour préférés, se trouvait un célèbre juge de la charia nommé Ibn Rushd ou Averroès.
Au moment où les armées chrétiennes vainquirent les Almohades lors de la bataille finale de Las Navas de Tolosa (16 juillet 1212), il ne restait plus de chrétiens dans al-Andalus. S'ensuivit une longue période de repeuplement par les chrétiens du Nord. Seul le petit royaume des Nasrides de Grenade resta sous domination islamique. En novembre 1491, à la demande du dernier roi nasride, le traité de capitulation stipulait qu'aucun juif ne devait être nommé à un poste qui lui donnerait l'autorité sur des musulmans.
L'Espagne d'al-Andalus : la conquête musulmane avait-elle vocation à s'étendre à la France ?
Par DFM
Publié le 08/02/2018 à 16:54, mis à jour le 14/02/2018 à 09:44
La Bataille de Poitiers (732), enluminure tirée des Grandes chroniques de France, vers 1450-1475 (Paris, Bibliothèque nationales de France). © Tallandier/Bridgeman Images.
AL-ANDALUS 4/9 - En 732, l'armée franque apparaît comme le dernier rempart face à des conquérants redoutables qui viennent de rayer le royaume wisigoth de la carte.
Après avoir conquis la majeure partie de l'Espagne, les forces islamiques envoyèrent des contingents militaires pour tester la résistance du royaume du Nord - une stratégie classique des premiers jihads. Ils rencontrèrent d'abord le succès en Septimanie. Mais en 732, les choses ne se passèrent pas comme prévu. La source la plus ancienne, la Chronica mozarabicade 754, décrit la manière dont les envahisseurs, «détruisant les palais et brûlant les églises»(palatia diruendo et eclesias ustulando), avancèrent à travers le pays et tentèrent de saccager Tours. Mais les guerriers francs menés par Charles Martel, des «hommes du Nord, aux membres robustes et aux mains de fer», se dressèrent alors «comme un mur de glace» et «passèrent les Arabes au fil de l'épée». Après la victoire des Europenses - nom que cet écrivain chrétien du VIIIe siècle donne aux Francs pour les distinguer des envahisseurs - aucune armée terrestre venue d'Espagne ne menaça plus jamais sérieusement l'Europe (les musulmans furent expulsés de Narbonne quelques années plus tard).
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Quelques débarquements navals n'en furent pas moins menés avec succès par les Arabes pendant quelque temps, à l'image de l'occupation andalouse de Fraxinetum (aujourd'hui La Garde-Freinet) entre 887 et 972. Ces débarquements étaient caractéristiques des attaques islamiques qui seraient perpétrées durant des siècles contre l'Europe chrétienne: des musulmans saccagèrent ainsi la périphérie de Rome et la tombe de saint Pierre en 846 (le pape dut se réfugier derrière le mur d'Aurélien) et Gênes en 935. Plus tard, le califat turc occupa Otrante de 1480 à 1481 - avec son lot de massacres habituels (les martyrs d'Otrante), de pillages et de captures d'hommes, de femmes et d'enfants, destinés à être vendus comme esclaves dans le monde islamique. La course en mer prit le relais ensuite: l'historien Robert C. Davis estime qu'entre le XVIe et le XIXe siècles, 1,25 million d'esclaves blancs, capturés en mer ou dans des villes d'Italie, de France, d'Espagne, d'Angleterre, des Pays-Bas et même d'Irlande, furent vendus sur la côte des Barbaresques. Ce trafic ne prit fin qu'avec la colonisation européenne de l'Afrique du Nord.
L'Espagne d'al-Andalus : quel fut son apport à la médecine ?
Par DFM
Publié le 15/02/2018 à 12:48, mis à jour le 19/02/2018 à 17:40
Averroès, détail du Triomphe de saint Thomas d'Aquin, par Andrea di Bonaiuto, dit Andrea da Firenze, 1365 (Florence, Santa Maria Novella). © Raffael/Leemage
AL-ANDALUS 6/9 - Dès les premiers siècles de la conquête, les musulmans d'al-Andalus purent bénéficier des travaux sur la médecine venus de l'Empire romain chrétien des grecs.
Pendant les premiers siècles des conquêtes islamiques, la connaissance que les Arabes avaient de la médecine reposait sur des textes contemporains ou antérieurs, venus de l'Empire romain chrétien. Pendant longtemps, les Arabes tirèrent profit des travaux des Grecs, notamment d'Aaron d'Alexandrie et de Galien (traduits par les chrétiens du grec au syriaque et du syriaque à l'arabe). Ils utilisèrent les œuvres de Dioscoride, traduites par le chrétien Stephanos. Al-Maqqari rapporte qu'en 948, l'empereur chrétien d'Orient, Armanius, offrit les œuvres de Dioscoride à Abd al-Rahman III dans leur original grec. Personne dans l'entourage du calife ne connaissant le grec, l'empereur envoya un moine grec en enseigner assez aux esclaves du calife pour qu'ils puissent essayer de déchiffrer ces textes. Peter E. Pormann observe que la pragmateia, compilation médicale réalisée par le Grec chrétien Paul d'Egine (VIIe siècle) et traduite en arabe, est restée en usage en Islam pendant des siècles.
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Bien sûr, des penseurs islamiques comme Averroès écrivirent ensuite de grands traités, comme le Colliget, qui est resté un classique des études médicales en Europe jusqu'au XVIIIe siècle - bien qu'on puisse se demander dans quelle mesure il n'était pas lui-même redevable au savoir grec chrétien traduit en arabe. Mais il était en concurrence avec le Dynameron, formidable compendium médical du Grec Nicolas Myrepsos (XIIIe siècle). Quant aux hôpitaux, Timothy Miller a montré qu'avant qu'ils n'apparaissent en Islam et dans l'Occident latin, ils avaient déjà été développés dans l'Empire romain grec chrétien par la combinaison du savoir médical grec et de la charité chrétienne.
L'Espagne d'al-Andalus : Quel rôle l'immigrationa-t-elle joué dans la conquête ?
Par DFM
Publié le 14/02/2018 à 09:49
AL-ANDALUS 1/8 - Al-Andalus a suscité au fil des siècles de nombreuses légendes entretenant le mythe d'un « paradis andalou ». Le Figaro Histoire consacre un numéro exceptionnel à l'Espagne musulmane : la conquête au début du VIIIe siècle fut fulgurante et impressionnante au vu de l'étendue du territoire concerné.
L'arabisant Felipe Maillo Salgado observe que les chiffres varient selon les sources, mais que l'invasion initiale devait comprendre moins de 12 000 Berbères menés par Tariq, suivis d'environ 18 000 combattants arabes menés par Musa ibn Nusayr. Le fait que quelques milliers de combattants islamiques aient pu conquérir en quelques années un si vaste territoire n'est pas aussi étonnant que beaucoup d'historiens le pensent. Des armées aux effectifs réduits peuvent réaliser des conquêtes impressionnantes si elles bénéficient de la supériorité militaire et de conditions favorables. Alexandre le Grand vainquit les armées de l'Empire perse, beaucoup plus nombreuses que les siennes, et une grande partie de ce vaste empire fut bientôt hellénisée. Les Mongols conquirent d'énormes territoires avec des armées aux effectifs modestes. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'armée allemande a conquis et contrôlé en quelques mois, voire quelques semaines, plusieurs pays modernes, peuplés de millions d'habitants. Récemment, les combattants du califat islamique d'al-Baghdadi ont conquis rapidement de très grandes régions du Moyen-Orient.
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Dans al-Andalus, au fil du temps, un grand nombre des esclaves et anciens esclaves, la plupart capturés pendant les jihads contre les royaumes chrétiens du nord de l'Espagne, se fondirent au sein de la population. Le génial savant Ibn Hazm, lui-même d'ascendance chrétienne - comme le fut probablement aussi le grand Ibn Rushd (Averroès) - écrivit que tous les souverains omeyyades descendaient de mères esclaves. Leur apparence physique trahissait leur ascendance européenne: ils étaient blonds ou roux (et parfois aux yeux bleus comme Abd al-Rahman III et comme le dernier Omeyyade, Hicham II, fils d'une esclave basque). Même le fondateur de la dynastie nasride de Grenade, Mohammed ben Nasr (mort en 1273), était appelé «le Rouge» (al-Hamar) à cause de sa barbe rousse. Ibn al-Khatib, chroniqueur du XIVe siècle, décrivit le peuple de Grenade comme ayant la «peau blanche». Malgré «l'immigration», les Berbères demeurèrent toujours minoritaires.
En définitive, la majorité de la population n'était pas composée d'«immigrés» mais de convertis apparus après la première génération -les muladis. Ce terme, dérivé de l'élevage bovin, qui signifie «bâtard», en dit long sur la manière dont ces convertis étaient considérés dans al-Andalus. De nombreuses révoltes de muladis éclatèrent et furent écrasées sans pitié.
L'Espagne d'al-Andalus : l‘islamisation du territoire
Par DFM
Publié le 06/02/2018 à 19:53, mis à jour le 12/02/2018 à 15:15
Mosquée de Cordoue © John Warburton Lee/Hemis.fr
AL-ANDALUS 2/9 - Le système répressif et marginalisant mis en place par les autorités musulmanes dès leur arrivée dans la péninsule ibérique au VIIIe siècle a favorisé l'islamisation des terres conquises.
C'est le système juridique - l'une des merveilleuses tactiques hégémoniques de l'islam médiéval - qui favorisa l'islamisation. Un des traits de ce système était la dhimma, ou contrat de «protection». Il permettait aux dhimmis (chrétiens et juifs qui l'acceptaient) de vivre et de pratiquer leur religion dans des limites strictes - et seulement tant qu'ils acceptaient leur infériorité juridique vis-à-vis des musulmans et leur payaient une taxe de «protection» (jizya). Celle-ci était destinée non seulement à fournir aux conquérants une source régulière de revenus, mais à rappeler aussi aux dhimmis leur statut de soumis.
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« Au XIIe siècle, il ne restait presque plus de chrétiens et leur civilisation avait été détruite bien plus tôt encore »
Telles étaient les lois religieuses (un pléonasme, puisque dans l'islam médiéval, contrairement au christianisme médiéval, toute loi était religieuse) qui plaçaient les dhimmis chrétiens (ils n'étaient pas appelés «mozarabes») dans une condition subalterne, avec pour seule échappatoire la conversion ou la fuite: un musulman ne devait pas être tué s'il tuait un chrétien, tandis qu'un chrétien devait être tué s'il tuait un musulman, même en état de légitime défense ; le témoignage d'un chrétien valait la moitié de celui d'un musulman (il était égal au témoignage d'une musulmane) et n'était pas valide lorsqu'il était porté à l'encontre d'un musulman ; un musulman pouvait épouser jusqu'à quatre femmes dhimmis et leurs enfants devaient être élevés comme musulmans ; a contrario, un homme dhimmi ne pouvait pas épouser une femme musulmane ou même s'en approcher ; un musulman pouvait avoir autant d'esclaves sexuels qu'il pouvait en acheter et en entretenir, y compris des hommes: on ne saurait sous-estimer en effet l'attrait de l'islam médiéval pour les dhimmis bien pourvus en testostérone. Les dhimmis chrétiens subirent enfin plusieurs expulsions massives vers l'Afrique du Nord. Ceux qui y avaient échappé se convertirent. Au XIIe siècle, il ne restait presque plus de chrétiens et leur civilisation avait été détruite bien plus tôt encore.
Les érudits espagnols observent que «l'échange interculturel d'idées et l'élargissement des horizons» entre chrétiens et musulmans désignaient essentiellement, selon les termes de Francisco García Fitz, «une appropriation pratique des connaissances de ceux qui avaient été soumis, n'impliquant pas du tout une reconnaissance de leurs valeurs religieuses ou morales, c'est-à-dire une acceptation positive de l'autre» (Felipe Maíllo Salgado, Acerca de la conquista árabe de Hispania).
« Les conquérants musulmans ne s'assimilèrent pas aux civilisations qui les avaient précédés »
On observe ici une différence fondamentale. Contrairement aux Wisigoths, qui s'assimilèrent, par la langue, la religion, les lois, la littérature et la philosophie, à la romanité (examinée en profondeur par Rémi Brague dans Europe, la voie romaine), les conquérants musulmans ne s'assimilèrent pas aux civilisations qui les avaient précédés. Ils s'approprièrent partout leur savoir et leurs techniques pour être en mesure de les remplacer, au moyen d'un certain nombre de coutumes sociales et familiales efficaces, reposant sur une base religieuse, qui bouleversèrent inexorablement la culture et la démographie jusqu'à les faire disparaître. Cela avait été le cas pour la Perse zoroastrienne, l'Empire gréco-romain chrétien au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie Mineure (l'actuelle Turquie), le royaume hindou-bouddhiste du Sind (dans l'actuel Pakistan). C'est ainsi que disparut de même le royaume chrétien wisigoth en Espagne.
L'Espagne d'al-Andalus : à quoi tenait le rayonnement de la cour de Cordoue ?
Par DFM
Publié le 12/02/2018 à 19:12
La cathédrale de Cordoue. © Manuel Cohen/Aurimages.
AL-ANDALUS 5/9 - Les jihads contre les royaumes chrétiens, l'exploitation des dhimmis et l'exportation d'esclaves constituaient des sources importantes de revenus pour la cour omeyyade de Cordoue.
L'essentiel de nos connaissances sur l'opulence matérielle de la cour omeyyade provient des chroniques musulmanes. Elles sont connues pour être partiales, au service de leurs souverains et de leur religion. A l'exception du grand savant tunisien Ibn Khaldoun, les musulmans n'ont pas pratiqué l'histoire de la même manière qu'un Thucydide. Mais si l'on en croit les chroniques, la somptuosité de la cour omeyyade aurait été celle de Louis XIV.
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L'un des palais d'Abd al-Rahman III, bâti pour l'une de ses esclaves sexuelles préférées, comprenait 300 bains, 400 chevaux, 15 000 eunuques et domestiques, et un harem de 6 300 femmes, auxquels s'ajoutaient des dizaines d'intellectuels et d'animaux de compagnie humains (Abd al-Rahman III avait un nain célèbre, qu'Ibn Hazm - pas un historien de cour, mais un penseur intransigeant - décrit comme une petite chose méchante et dépravée).
Il faut y ajouter ses armées de mercenaires et de soldats-esclaves. Comme l'observe l'historien militaire David Nicolle, les dirigeants comptaient surtout sur les mercenaires berbères et les soldats-esclaves, blancs et noirs. Ibn Hayyan écrit qu'Abd al-Rahman Ier, le fondateur de la dynastie, gagna le pouvoir grâce à une grande armée composée de mercenaires berbères et d'esclaves noirs. Les dirigeants ne pouvaient pas faire confiance aux autres chefs arabes, les enrôlés andalous n'étaient pas des guerriers et, pour limiter leur mécontentement, les chefs évitaient de les utiliser comme chair à canon. Ajoutez à tout cela un luxe ostentatoire, et vous obtenez un pouvoir coûteux à entretenir.
Au vrai, les dhimmis représentaient une importante source de revenus et les jihads contre les royaumes chrétiens permettaient souvent d'amasser de gros butins et de ramener un grand nombre d'esclaves. Le géographe du Xe siècle Ibn Hawqal écrit que l'une des principales exportations de l'al-Andalus omeyyade était les esclaves et que la plupart des «eunuques blancs que l'on trouve sur la surface de la terre proviennent d'Espagne». Les esclaves blancs, particulièrement les femmes blondes et rousses, étaient, comme l'observe l'arabisante Celia del Moral, les plus convoités et par conséquent les plus chers.
L'Espagne d'al-Andalus : quel a été le sort des juifs ?
Par DFM
Publié le 08/02/2018 à 11:02, mis à jour le 12/02/2018 à 15:17
Un musulman et un juif, extrait du Libro de los juegos, réalisé sous la direction d'Alphonse X, XIIIe siècle (Bibliothèque de l'Escurial). © akg-images/Album /Oronoz.
AL-ANDALUS 3/9 - D'abord utile aux conquérants musulmans, la communauté juive d'al-Andalus fut ensuite persécutée au même titre que les populations chrétiennes.
La législation antijuive du royaume wisigoth était sévère, mais ces lois n'étaient guère mises en œuvre en pratique. A maintes reprises, on trouve en effet de nouvelles lois regrettant que les précédentes ne soient pas appliquées par les chrétiens. La conversion de juifs était souvent pour eux un moyen d'échapper à ces lois, mais elle était parfois sincère, comme le montre l'exemple de l'évêque et historien Julien de Tolède: sa famille étant considérée comme parfaitement convertie, l'Eglise le nomma primat de tout le royaume. Lorsque les musulmans envahirent la péninsule, la communauté juive était quoi qu'il en soit encore suffisamment forte pour leur être utile.
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L'existence de ces lois discriminatoires explique en effet l'alliance que nouèrent alors les juifs avec les envahisseurs. Les chroniques musulmanes rapportent qu'après la prise d'une ville importante, les musulmans installaient la communauté juive au pouvoir. N'ayant grâce à eux pas besoin de laisser de grosses garnisons derrière elles pour protéger leurs lignes de communication, les forces islamiques pouvaient progresser rapidement et créer la surprise dans d'autres bastions chrétiens.
C'est un procédé courant des conquérants d'utiliser des minorités opprimées contre la majorité conquise. La communauté juive prospéra donc pendant quelques siècles, tout en restant elle aussi soumise à la condition subalterne de dhimmi, jusqu'à ce que ses conditions de vie se détériorent avec l'arrivée des Almoravides berbères et des Almohades: ces derniers donnèrent aux juifs et aux chrétiens le choix entre la conversion et la mort. Peu à peu, les juifs migrèrent alors vers les royaumes chrétiens, où la grande majorité d'entre eux choisit finalement de vivre. D'autres, comme Maïmonide, s'enfuirent en Egypte.
L'Espagne d'al-Andalus : quel rôle l'immigration a-t-elle joué dans la conquête ?
Par DFM
Publié le 05/02/2018 à 20:16, mis à jour le 12/02/2018 à 15:12
© Granger NYC/Rue des Archives
AL-ANDALUS 1/9 - Al-Andalus a suscité au fil des siècles de nombreuses légendes entretenant le mythe d'un « paradis andalou ». Le Figaro Histoire consacre un numéro exceptionnel à l'Espagne musulmane : la conquête au début du VIIIe siècle fut fulgurante et impressionnante au vu de l'étendue du territoire concerné.
L'arabisant Felipe Maillo Salgado observe que les chiffres varient selon les sources, mais que l'invasion initiale devait comprendre moins de 12.000 Berbères menés par Tariq, suivis d'environ 18.000 combattants arabes menés par Musa ibn Nusayr. Le fait que quelques milliers de combattants islamiques aient pu conquérir en quelques années un si vaste territoire n'est pas aussi étonnant que beaucoup d'historiens le pensent. Des armées aux effectifs réduits peuvent réaliser des conquêtes impressionnantes si elles bénéficient de la supériorité militaire et de conditions favorables. Alexandre le Grand vainquit les armées de l'Empire perse, beaucoup plus nombreuses que les siennes, et une grande partie de ce vaste empire fut bientôt hellénisée. Les Mongols conquirent d'énormes territoires avec des armées aux effectifs modestes. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'armée allemande a conquis et contrôlé en quelques mois, voire quelques semaines, plusieurs pays modernes, peuplés de millions d'habitants. Récemment, les combattants du califat islamique d'al-Baghdadi ont conquis rapidement de très grandes régions du Moyen-Orient.
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Dans al-Andalus, au fil du temps, un grand nombre des esclaves et anciens esclaves, la plupart capturés pendant les jihads contre les royaumes chrétiens du nord de l'Espagne, se fondirent au sein de la population. Le génial savant Ibn Hazm, lui-même d'ascendance chrétienne - comme le fut probablement aussi le grand Ibn Rushd (Averroès) - écrivit que tous les souverains omeyyades descendaient de mères esclaves. Leur apparence physique trahissait leur ascendance européenne: ils étaient blonds ou roux (et parfois aux yeux bleus comme Abd al-Rahman III et comme le dernier Omeyyade, Hicham II, fils d'une esclave basque). Même le fondateur de la dynastie nasride de Grenade, Mohammed ben Nasr (mort en 1273), était appelé «le Rouge» (al-Hamar) à cause de sa barbe rousse. Ibn al-Khatib, chroniqueur du XIVe siècle, décrivit le peuple de Grenade comme ayant la «peau blanche». Malgré «l'immigration», les Berbères demeurèrent toujours minoritaires.
En définitive, la majorité de la population n'était pas composée d'«immigrés» mais de convertis apparus après la première génération - les muladis. Ce terme, dérivé de l'élevage bovin, qui signifie «bâtard», en dit long sur la manière dont ces convertis étaient considérés dans al-Andalus. De nombreuses révoltes de muladis éclatèrent et furent écrasées sans pitié.
Conversation imaginaire entre Averroès et Porphyre (détail), extrait de Liber de herbis, de Monfredus de Monte Imperiali, première moitié du XIVe siècle (Paris, Bibliothèque nationale de France). BnF