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COLE SUPERIEURE DE GESTION DES RESSOURCES
HUMAINES
« Du Management Ethique chez SANOFI »
Sous la direction de Monsieur Ivon PESQUEUX,
Enseignant chercheur au CNAM - LIRSA - CNRS, et Professeur au Cnam chargé
du cours « Ethiques et Management » à ESGRH
Ce mémoire est réalisé et présenté par Kémoko CAMARA
Septembre 2017
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TABLE DES MATIERES
1. SOMMAIRE
2. REMERCIEMENTS
3. DEDICACE
4. LISTE DES GRAPHIQUES
5. INTRODUCTION
I.
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DU THEME DU MEMOIRE
a. Définition et contextualisation du concept « éthique »
-
Historique et contextualisation du concept
-
Le management participatif, comme culture d’entreprise chez Sanofi
b. L’émergence de la notion d’éthique dans le management
c. Son influence dans les affaires du monde et dans le monde des affaires
- le développement durable
- La responsabilité sociétale de l’entreprise
- émergence des initiatives volontaires
- les autres formes de management éthique
d. Conclusion de la première partie
II.
DEUXIEME PARTIE : CADRE THEORIQUE D’ANALYSE
a. Critères d’analyse
b. Définition des concepts du cadre : les parties prenantes,
-
Le cas de Sanofi
c. Conditions de mise en place d’une stratégie de management éthique
- L’environnement propice
- l’organisation
-les ressources humaines de qualité
d. Analyse du cas Sanofi
e. Impact de ses stratégies sur la société, le personnel, sur les parties
prenantes et sur l’environnement
f. Conclusion de la deuxième partie
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III.
METHODOLOGIE
a. Observation et visites du site
b. Le déroulement des enquêtes
c. Les entretiens et interviews
d. Recherche documentaire
e. Traitement des données
f. Conclusion de la troisième partie
IV.
PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
a. Le management éthique chez Sanofi : vision et pratique
b. Impact des stratégies managériales sur les compagnons et le personnel
c. Impact sur la solidarité internationale
d. Apport des politiques managériales sur la performance économique
-
Définition de la performance économique
-
Evaluation des données économiques
e. Apport de Sanofi sur la préservation de l’environnement
f. Relation entre les membres du groupe Sanofi
-
Entre les membres du personnel
-
Avec les stakeholders
g. Stades de mises en place de la responsabilité sociétale de l’entreprise
h. Evaluation de l’orientation éthique de Sanofi en fonction de sa culture d’entreprise
i. Limites des politiques managériales chez Sanofi
j. Le cas spécifique des scandales
k. Conclusion de la quatrième partie
V.
CONCLUSION GENERALE
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1. SOMMAIRE
La réalisation de ce mémoire a éveillé en moi ce penchant humaniste qui m’a été intériorisé à
bas âge. L’éthique m’est apparue au terme de mes recherches, bien plus qu’un ensemble de
normes morales, mais plutôt un outil stratégique pouvant me permettre d’apporter mon grain
de sel à l’amélioration du monde impitoyable des affaires. J’ai donc décidé et réussi (en tout
cas presque) à aborder la notion d’éthique sous le prisme scientifique, c’est-à-dire en tant que
vecteur de réflexion sur le comportement individuel des membres d’une société donnée. J’ai
compris que ce concept novateur s’est imposé dans le milieu managérial.
Afin d’explorer ma question de recherche, soit « comment se développe des stratégies de
management éthique au sein de Sanofi ? », j’ai choisi d’immerger l’espace administratif du
groupe Sanofi en quête d’informations crédibles relatives à mon sujet de travail. J’ai ainsi
réalisé une quinzaine d’entretiens pour aboutir à ce travail. Vous le constaterez dans la partie
réservée à la méthodologie où j’ai exposé minutieusement mon procédé de collecte
d’informations. Il est à retenir que mon choix pour Sanofi n’est pas fortuit. J’ai choisi cette
entreprise parce qu’elle est connue en France pour son engagement et sa pratique du
management éthique.
Les résultats de notre travail permettront de saisir comment Sanofi a défini sa culture
d’entreprise, mit en exergue le dialogue et la collaboration de toutes les parties prenantes, c’està-dire tous les acteurs affectés par l’activité du groupe. Que ça soit les actionnaires ou les
associés, que ça soit les fournisseurs, le personnel, les clients ou même le voisinage
environnemental direct, notre étude expose comment Sanofi ... Selon Olivier Brandicourt,
directeur général « Concilier au quotidien l’innovation dans les traitements et les services,
l’engagement des collaborateurs et la préservation de l’environnement conduit
naturellement le Groupe à engager le dialogue avec ses parties prenantes. Pour Sanofi,
agir de façon éthique et responsable permet de dépasser les obligations qui lui incombent
et de mobiliser l’ensemble des collaborateurs pour protéger et favoriser l’accès à la santé
du plus grand nombre ». Sanofi dans sa politique managériale associe ses collaborateurs par
le dialogue et la participation à toutes les prises de décision.
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REMERCIEMENTS
Qu’il me soit permis d’exprimer ma gratitude à tous ceux et toutes celles grâce à qui ce travail
fut réalisé. Mes premières pensées vont à l’endroit de mon directeur de mémoire dont la pensée
critique m’a amené à me surpasser et à produire un travail scientifique cohérent.
En effet, je ne peux entamer ce travail, sans témoigner mon admiration et ma reconnaissance à
l’endroit de mon directeur de mémoire. Cet homme qui a bien accepté de me suivre,
m’encourager et surtout guider et encadrer mon travail, tout ça dans un professionnalisme sans
conteste. Il s’agit de Monsieur Yvon PESQUEUX.
❖ Professeur titulaire de la chaire « Développement des Systèmes d’Organisation » du
Conservatoire National des Arts et Métiers (Paris). Normalien, agrégé des Techniques
Economiques de Gestion, docteur des Sciences Economiques de l’Université de ParisSorbonne et Docteur Honoris Causa de l’Université de Galati (Roumanie), il est
l’auteur de nombreux articles scientifiques. Ses travaux de recherche portent
principalement sur les rapports entre philosophie et organisation.
❖ Ses publications : Il a publié des ouvrages dont les derniers sont les suivants :
-Gouvernance et privatisation, PUF, Paris, 2007, collection « la politique éclatée »,
-Management et qualité : une approche critique, Economica, Paris, 2008, La « société du
risque »
- Analyse et critique, Economica, Paris, 2009 (en coll.),
-Management de la connaissance, Economica, Paris, 2011, Contrôle de gestion, 4° édition,
Dunod, Paris, 2013 (en coll.),
-Epistémologie des sciences de gestion, Vuibert, Paris, 2013 (en coll.), Moment libéral et
entreprise (la fin d’un dogme)
– www.boostzone-editions.fr, collection « essai », 2013, Contrat psychologique et
organisations
– Comprendre les accords écrits et non écrits, Pearson France, Paris, 2014, (en collaboration
avec Denise Rousseau & Pascale de Rozario & Rémi Jardat),
Management Performance and Control, Dunod, Paris, 2016 (en coll.),
- La confiance en question, Le Harmattan, Paris, 2016 (en coll.). Il est également Trésorier de
l’IFSAM (International Federation of Scholarly Associations of Management). Il est coéditeur
de la revue Society and Business Review (Emerald Publishing).
Je remercie aussi et surtout les responsables de la formation, Monsieur Michel LALLEMENT
et Madame Anne-Françoise BENDER, et toute leur équipe pédagogique nationale dont
l’encadrement académique est une opportunité de réussite pour nous autres. Un spécial MERCI
à Madame Jocelyne BUGNOT dont les valeurs humaines m’ont à jamais marqué, sans oublier
tout le personnel enseignant du Master II GRH et sociologie dont les immenses compétences
m’ont fait découvrir toutes les facettes de la gestion et du monde qui m’étaient inconnues.
A vous tous, je dis MERCI !
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DEDICACE
Pour tout ce que j’ai voulu te donner et que je n’ai pas eu l’occasion, que Dieu te le
rende enfin
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INTRODUCTION
Parler de la notion d’éthique, c’est raconter une partie importante de mon existence, car
l’éthique a influencé presque toute ma vie. De mon éducation, à mon environnement, jusqu’à
ma vie professionnelle, j’ai été sensibilisé à ces valeurs d’éthique, de morale et de rectitude.
Mais l’éthique, telle que je l’envisage dans ce mémoire ne se limite pas à cet ensemble de
normes morales qui régit une société donnée. Je l’aborde ici dans son aspect scientifique qui, il
faut le signaler, m’a été révélé à travers deux facteurs importants : l’environnement et le milieu
professionnel. Ce sont ces facteurs qui ont motivé mon attachement à l’éthique en tant qu’objet
d’étude. Le premier est lié à l’environnement dans lequel je suis né et grandi, et le second est
en rapport à mes différentes expériences professionnelles. En effet, c’est en tant qu’Africain
soucieux du devenir du continent que cette idée a germé dans ma tête. J’ai vu et vécu de
l’intérieur les effets dévastateurs du réchauffement climatique, j’ai été témoin de l’avancée de
la savane guinéenne d’où je suis originaire, j’ai été témoin également de l’amoindrissement des
forets et de la dégradation de la nature dans mon pays et dans de nombreux autres sur le
continent. La dernière en date, est l’inondation survenue récemment en Sierra Leone dont les
pertes en vies humaines se comptent par centaines, sans parler des ruines matérielles que cela a
entraînées. A mon plus grand désarroi j’ai compris que les causes de ce phénomène étaient dues
d’abord, aux politiques menées par des multinationales installées sur le continent, mais aussi
par celles installées ailleurs et qui font de l’Afrique le déversoir de leurs déchets toxiques. Il
faut préciser que les multinationales ne participent pas qu’à la création d’emploi en Afrique,
elles contribuent malencontreusement à la dégradation de sa faune et de sa flore. Par les effets
pervers de leurs politiques managériales, elles accélèrent la désertification, la sécheresse, la
raréfaction des espèces animales…
Une fois en France, j’ai eu l’opportunité d’effectuer quelques stages dans le cadre de mes
études, comme à Nanterre Université, ou encore au trésor public de Blanc-Mesnil. Là aussi,
certaines pratiques méprisantes dont souffrent les travailleurs ont stimulé ma volonté de
contribuer à la perfection du monde. Donc face aux dérives managériales qui sacrifient le bien
être des travailleurs au nom de la maximisation du profit, face aux effets pervers de
l’ultralibéralisme qui menacent l’équilibre planétaire, j’ai décidé, en guise de réplique, de
consacrer cette étude scientifique à la notion d’éthique et à sa place dans l’entreprise. C’est pour
toutes ces raisons que je suis animé par une vision différente de la gestion. Une vision qui place
l’humain au cœur du management, une vision qui considère le travailleur plus qu’un vulgaire
instrument mais une fin, un sujet et un acteur de la vie professionnelle. Une vision plus
humaniste et plus responsable de la gestion. Et c’est cette vision que je prône dans cette étude.
Cependant à cause de nombreuses supputations ci et là autour de ce concept, à cause du fait que
de nombreuses entreprises et multinationales se labellisent « management éthique » sans pour
autant respecter les règles et pratiques responsables mêmes les plus élémentaires, j’ai décidé
d’adopter une démarche scientifiquement neutre, tenant en compte des aspects positifs et
négatifs de ce qu’est véritablement devenu de nos jours ce concept de « MANAGEMENT
ETHIQUE ». Mes inquiétudes partent du fait que les USA, la Chine et l’Union Européenne
qui constituent les plus gros pollueurs du monde, soient également ceux qui mettent en place
des agences de notation pour se faire bonne conscience et bonne image tout en méprisant les
conséquences de leurs pratiques sur le monde. C’est en tant que citoyen du monde soucieux du
devenir de la planète, de la vie et de la liberté des peuples du monde que je dénoncerai dans ce
travail les aspects négatifs que j’aurai rencontrés sur mon terrain d’exploration.
Parlant de mon terrain d’exploration, mon choix s’est porté sur Sanofi qui est reconnue en
France comme étant l’une des plus grandes entreprises qui promeuvent la gestion éthique en
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leurs sein. Mon travail s’articulera donc à démontrer si les politiques managériales engagées
sont conformes à la culture d’éthique prônée en son sein.
Ce mémoire présente donc :
1. Au chapitre I) La présentation du sujet étudié en tenant compte du cadre scientifique
dans lequel il est abordé. J’aborderai également l’historique du concept de son
apparition, à nos jours. Sans omettre son influence dans le milieu managérial,
j’ébaucherai également le management participatif chez Emmaüs
2.
Au chapitre II) je poserai le cadre théorique de mon travail, qui me servira de base
d’analyse des données de mes deux terrains. Et ainsi, j’analyserai les priorités et les
pratiques de Sanofi en matière de gestion responsable. Cette partie décrira également
les enjeux auxquels Sanofi est confrontée, les stratégies mises en œuvre pour y répondre
et les progrès accomplis dans la réalisation de leurs objectifs. Nous analyserons par
exemple à la lumière des différents modèles qui émergent de la littérature, les quatre
axes de la stratégie RSE chez Sanofi. Nous analyserons également que les défis les plus
urgents pour Sanofi sont conformes aux attentes des parties prenantes.
3. Le chapitre III) sera axé sur la méthodologie utilisée dans ma recherche. Je voudrais ici
souligner les moult difficultés auxquelles j’ai été confrontées lors de cette étude.
4. Le chapitre IV) est celui du lien que je fais entre le cadre d’analyse posé au chapitre II
et les résultats.
5. Finalement je propose dans ce chapitre les réflexions critiques allant dans le sens
d’enrichir la démarche de l’organisation étudiée.
Avant d’entamer ce travail, je voudrais dire à tous ceux qui comme moi, croient à la main
invisible d’Adam Smith, que l’objectif de ce travail est de ressortir la double visée de ce
que devrait être « responsablement » toute politique managériale, c’est-à-dire :la
conciliation de l’impératif économique et de l’amélioration des conditions de ceux qui sont
directement impactés par cette politique. Je voudrais souligner également que Sanofi a été
choisie parce que reconnue du management éthique. Donc notre action ne consiste en aucun
cas à remettre en cause le caractère éthique de leurs politiques managériales, mais vise
simplement à analyser la manière par laquelle elles sont développées et appliquées.
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Comme je l’ai dit tantôt, l’éthique, telle que je l’envisage dans ce mémoire ne se limite pas à
cet ensemble de normes morales qui régit une société donnée. Elle va au-delà du monde idéal
parfait débarrassé de toute embuche. Mon approche dans ce mémoire consiste à aborder
l’éthique de façon pratique et réaliste, loin de ces idées reçues et de ces théories idéalisées.
Donc il est à préciser que l’entreprise doit faire d’abord du profit sinon elle ne peut pas se
développer, elle ne peut pas créer de l’emploi, elle serait amenée à disparaître. Cela fait partie
de l’ordre de l’instinct de survie pour le manageur de prioriser l’aspect économique des choses.
Mais l’entreprise est aussi obligée aujourd’hui d’avoir de bons collaborateurs, donc de travailler
et respecter certaines normes. Ce qui exige que l’entreprise doive associer l’aspect économique
à celui social. Rendre compatible les intérêts de l’entreprise et ceux des collaborateurs ainsi que
ceux allant dans le sens de la protection de l’environnement. Tel est le bienfondé de ce sujet
que je m’en vais vous présenter.
Première Partie : Présentation du sujet
Voilà plus d’un siècle que le concept du management éthique fait couler beaucoup d’encres et
de salives. C’est un concept novateur dans le milieu managérial qui vise à concilier la
performance économique et l’amélioration des conditions de vie des populations directement
impactées. Donc dans un cadre général, parler du management éthique au sein d’une
organisation, c’est mettre l’humain au cœur de l’activité économique de cette organisation.
Parler du management éthique, c’est parler du management responsable ! Mais qu’est-ce que
c’est concrètement le « management éthique » en termes de définition ? A quelle historique
pourrons-nous le rattacher ?
I.
Définition du concept Management éthique !
La définition exige de nous de la clarification scientifique des termes du management et de
l’éthique. Je m’emploierai à déterminer d’abord les deux concepts avant d’en faire la symbiose.
-Détermination de l’éthique qu’est-ce que l’éthique ?
Multiples approches existent pour aborder la notion d’éthique. Par exemple selon l’ancien
ministre français de la santé, Jean François Mattéi, l’éthique est un questionnement, pas une
science. C’est un questionnement à trouver le bon chemin, à distinguer le bien du mal. C’est
une réflexion sur les valeurs qui orientent et motivent nos actions. L’éthique permet à une
société en période de troubles, de s’interroger sur la nécessité du bien et du mal, et de protéger
sa civilisation contre les travers sociaux. Comme illustration, il démontre que la chute du mur
de Berlin a démontré que le communisme stalinien n’est plus conforme à la vie de l’homme sur
terre. Il expose également que le fait l’ultralibéralisme qui condamne des milliers d’américains
à mourir des maladies banales, n’est pas non plus conforme à la société moderne que nous
vivons. Et selon Axel Kahn, l'éthique est la réflexion sur l'action bonne et sur les valeurs qui la
fondent. Ces dernières posent la question du bien et du mal, c'est-à-dire de la morale, dans des
contextes variés et en fonction de références socio-culturelles diverses.
Mais de tous ces points de vue différents, apparaissent certains points de convergence qui sont
à la fois communs à toutes les définitions. Donc je partirai de ces convergences que je qualifie
de concepts clés, pour vous soumettre une définition de l’éthique. Le mot éthique provient du
grec (ethicos ou ethos) et du latin (ethica) qui signifie « mœurs » ou « pratiques traditionnelles
humaines ». Retenons ainsi que l’éthique est une réflexion scientifique sur la conduite humaine
à suivre au regard de ce qui est établit comme pratique acceptable par, et dans une société
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donnée. Nous constatons l’influence étymologique de la morale dans cette définition. Or si la
morale est traditionnellement très proche de l’éthique, nombreux sont les auteurs qui
distinguent ces deux concepts, scientifiquement parlant. Je voudrais alors, pour toujours mieux
cerner cette notion d’éthique, faire une succincte distinction entre son étymologie et la manière
dont elle est abordée de nos jours. Ce sera essentiellement une brève étude parallèle entre la
morale et l’éthique, puisque la définition étymologique est en rapport avec la morale « morès »,
en latin mœurs. Je précise que la morale est universelle, elle désigne cet ensemble de principes
à respecter. Cette distinction est d’autant plus pertinente, puisque j’envisage l’éthique dans ce
mémoire plus qu’un simple ensemble de normes à respecter, mais plutôt qu’une réflexion
scientifique sur la conduite humaine. L’éthique se distingue de la morale par le fait que la
morale est universelle et impose une ligne de conduite universelle qui peut souvent s’inspirer
du caractère religieux. Alors que l’éthique est un peu particulière, propre à chaque individu, à
chaque société, à chaque entreprise. Par exemple chaque entreprise a sa propre culture
d’entreprise basée sur qu’elle considère comme bien ou mal. L’éthique est plutôt proche de la
déontologie de nos jours que de la morale, même si elle se fonde de cette dernière. Selon
Geoffroy LAUVAU, professeur à Sciences Po, « la morale est de l’ordre des traditions,
l’éthique est de l’ordre du raisonnement. La morale est présupposée, basée sur les croyances
qu’on en en vient à dégager une distinction entre le bien du mal. Un ensemble de règles
d’inspiration traditionnelle ou religieuse qui impose des normes de bien et du mal, et qui incite
à agir en fonction d’elles. L’éthique est le comportement qui suit un bien et un mal, qui dépend
d’une société, se fond dans un cadre rationnel. Un raisonnement sur ce qu’il faut faire ou ne pas
faire. Le comité d’éthique par exemple. La morale est déductive et l’éthique est inductive (vient
d’un raisonnement sur ce qui est concret. » Donc nous retiendrons que dans cette recherche
j’abord l’éthique plus qu’un simple facteur d’obéissance aux normes établies, mais aussi et
surtout, je l’aborde en tant que réflexion individuelle et collective sur le sens des actions. Il
revient maintenant d’exposer de l’implication de l’éthique dans la gestion.
II.
L’historique de l’éthique dans le management :
Ma recherche dans cette partie du travail consiste à exposer l’historique du concept «
management éthique ». De la genèse de leur rencontre à nos jours. Mais il est à signaler d’abord
qu’étymologiquement le management et l’éthique constituaient deux domaines différents : le
manager en tant que pilote de l’action de l’entreprise a pour objectif fondamental la
maximisation du profit, ce qui, du point de vue de l’éthique est amoral ou immoral. Et si le
manager vise le matériel, c’est-à-dire l’accumulation de son capital… les tenants de l’éthique,
eux militent pour un monde parfait, justement débarrassé de l’influence du capital. Il va de soi
que ces deux domaines étaient à l’antipode l’un de l’autre. Plusieurs scientifiques se sont
exprimés sur ce thème, Milton Friedmann par exemple affirmait : « la seule et unique
responsabilité d’une entreprise est de faire du profit ». Quant à Adam Smith, père de
l’économie politique, précise que « ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur
ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de leur souci de leur intérêt propre
». Tout cela témoigne de la distinction étymologique de ces deux concepts.
Parlant maintenant de l’origine, il faut retenir que si certains auteurs tels que Etienne Rouad
rattachent l’origine du concept à la période féodale, en revanche d’autres comme Françoise de
Bry, soutiennent que l’éthique était liée à la gestion depuis l’aube des temps, même si elle
reconnaît que ces siècles derniers, elle a disparu du champ d’action des affaires. Je vous livre
ici certains passages illustratifs. Françoise Bry déclare dans son article « l’éthique au cœur du
management » : « L’éthique du management n’est pas un nouveau concept, mais seulement un
nouveau vocable pour exprimer les fondements moraux des liens commerciaux unissant clients
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et fournisseurs de l’Antiquité à nos jours. D’abord purement verbale et s’appuyant sur une
confiance mutuelle, elle est aujourd’hui plus formelle (codes d’éthique par exemple), mais reste
profondément imprégnée des cultures nationales… L’éthique du management ne peut donc se
comprendre sans un retour aux sources. Loin d’être un effet de mode, elle prend ses racines aux
origines du monde. De l’Antiquité jusqu’à nos jours, l’éthique, sous des vocables divers, a
toujours entretenu des relations inégales avec l’activité économique qu’elle se réalise grâce à
l’esclavage, au servage ou dans le cadre des corporations, des manufactures royales et
finalement des entreprises ». Cependant cette position semble être ambiguë quand on tient
compte de l’affirmation d’autres auteurs, comme entre autres Ivon Pesqueux, Etienne
Rouaud… Personnellement, au regard de mes moindres lectures et au regard des brutalités
humaines auxquelles l’humanité fut confrontée, et qui furent presque acceptées, je pense que si
l’éthique existait dans le monde des affaires depuis l’antiquité, elle a disparu pendant de longues
périodes historiques. Sinon pouvons-nous comprendre que l’esclavage par exemple, ait été
justifié par l’église en tant que garante de la morale. Françoise Bry continue plus loin en disant
ceci : « Au cours des siècles passés, l’activité économique a longtemps été considérée comme
immorale ou amorale. Le Code d’Hammourabi (2000 av. J.C.) témoigne du souci de son
rédacteur de moraliser les affaires en réglementant strictement les échanges tant sur le plan
commercial que fi nancier. Plus tard, Platon critique les marchands et les usuriers « qui peuplent
la cité de frelons et de gueux ». Quant à Aristote, plus réaliste que son maître, il critique
l’économie de richesse (chrématistique) dans son aspect téléologique. La richesse n’est pas une
fin soi, elle doit être un moyen au service de l’homme. Juristes, mais aussi moralistes (respect
du droit de propriété, rigueur du droit de la famille), les Romains critiquent violemment le luxe,
l’attrait de l’argent. Ce mépris pour la richesse se translate sur le travailleur qui la produit. Seuls
les esclaves ou les étrangers peuvent travailler à sa production. » ces passages démontrent
l’apport des philosophes à la moralisation du monde des affaires. Ce qui signifie que
l’implication de l’éthique est récente dans la gestion. J’ai donc retenu la deuxième version
d’auteurs qui ont relié l’apparition du concept à la période postféodale, exactement entre le
XVème et XVIème siècle. Et cette apparition se manifesta sur tous les plans, religieux,
philosophe et même au sein de la société les voix se sont levées pour la moralisation du monde
du business. Les religieux parlaient de l’éthique protestante du travail (1). Selon eux les
échanges économiques de l’époque étaient mercantilistes et ne tenaient aucunement compte des
règles et principes chrétiens. Ils proposèrent que le trafic soit régi par une certaine éthique. Les
catholiques emboitèrent le pas et ce sont illustrés aussi dans ce combat pour la moralisation du
monde des affaires au début du XXème siècle. A part les religieux, des philosophes ont eux
aussi apporté leur pierre à l’édification du concept « management éthique ». Ainsi dans son
ouvrage « la richesse des Nations », Adam Smith fait une mise en garde contre les méfaits
ravageurs du capitalisme sauvage. Ce sont d’ailleurs les conséquences de ce système (précarité
des travailleurs à travers des longues et pénibles journées de travail contre un salaire de misère,
absences d’assurances sociales…) qui seront à la base de la naissance de mouvements
populaires fortement organisés, dont le socialisme et le communisme. Ces mouvements sociaux
et politiques ont eux aussi contribué à la moralisation du monde des affaires en s’inscrivant
dans la dénonciation de l’ultralibéralisme, de la financiarisation à outrance. C’est l’action de
ces mouvements sociaux qui fut à la base de grands bouleversements sociétaux jusqu’à la prise
de la Bastille et la fameuse déclaration universelle des droits de l’homme qui en ont découlé.
L’époque des trente glorieuses, l’échec des mesures économiques de Hayek face à celles de
John Maynard Keynes, ont prouvé que l’économie du marché pouvait également faire du social,
et d’ailleurs qu’il était obligatoire que cela se fasse pour que le monde soit moins inégal et plus
solidaire. C’est ainsi que l’éthique renoua avec la gestion. En effet, la combinaison de tous ces
facteurs influença la société en vue d’une vision plus humaniste et plus morale du management.
De l’action des théologiens, le catholicisme social, l’éthique protestante du travail, jusqu’à la
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déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui consacre le respect de la dignité
humaine. Des chercheurs comme Howard Bowen, De Georges, Pasquero, Ivon Pesqueux… ont
ainsi travaillé sur l’éthique en affaires comme étant une discipline à part entière et y ont retenu
comme étant « l’interaction entre les agents économiques et la société, mais également entre
les personnes au sein d’une même entreprise ». Et d’éthique des affaires, le concept a pris la
dénomination qu’on lui connait aujourd’hui, et qui est définit comme étant « l’ensemble des
valeurs et principes moraux qui s’imposent dans la vie des affaires. Cependant force est de
reconnaître que l’évolution du concept
III.
La contextualisation du management éthique en tant qu’objet d’étude
Selon Emmanuel Toniutti, le président de l’« International Ethics Consulting Group »,
management éthique une notion qui fait appel à une expression américaine. Elle fait appel à 3
types de responsabilités. La responsabilité économique, sociale et environnementale. Il s’agit
de s’assurer que les décisions appliquées par les managers d’une entreprise sont cohérentes avec
la culture de cette entreprise. Donc pour que s’inscrire dans une dynamique de management
éthique, l’entreprise doit définir d’abord sa culture propre d’entreprise, et veiller au respect des
principes de cette culture, et sa mise en application. L’entreprise rend des comptes aux parties
prenantes : d’abord (actionnaires (économiques) à ses collaborateurs (sociaux) à
l’environnement (à la nature). Donc ses décisions doivent être cohérentes à ses engagements
dans ses 3 domaines. L’entreprise responsable vise une double performance, cette économique,
sociale et environnement. Cette dernière approche fait référence à la responsabilité sociale de
l’entreprise « RSE » que je m’en vais vous exposer, après vous avoir élucidé sur ce que les
scientifiques appellent « le développement durable ».
a. Le développement durable
A la fin des années 80, certains évènements interplanétaires interpellent la conscience des
hommes sur la préservation de l’environnement. Ces effets sont entre autres la désertification
en Afrique, la fonte de la banquise, la montée du niveau des eaux, la disparition de certaines
espèces animales sans parler de la pollution. En se penchant sur ces effets, en les analysant
profondément, des penseurs en sont arrivés à la conclusion selon laquelle l’origine de cette
détérioration est la conséquence directe des politiques publiques et privées menées depuis le
triomphe du capitalisme deshumanisant. Il est à signaler que les puissance économiques et
émergentes, dans la course effrénée à la croissance ont émis des mesures qui ont en même, eu
des effets dévastateurs sur la planète, mettant en danger l’écosystème, et impactant la vie de
milliers de personnes dans le monde. Il suffit de constater l’avancement de la sécheresse et du
désert en Afrique, la hausse du niveau des eaux en Europe en 2017, les inondations dans le
monde, pour se rendre compte que la dégradation de la nature est une réalité mais également
une urgence à laquelle il faut faire face… il est incontestable donc que le modèle de
développement mis en place par les grandes puissances et soutenu par le système international
a échoué. Et surtout qu’un changement de système s’impose à nous comme une exigence au
regard du danger grandissant. Le concept « développement durable » est né de cette bataille
scientifique qui a mobilisé et mobilise encore beaucoup de penseurs. Il s’agit de reformer le
développement, l’adapter aux nouvelles exigences de préservation de l’environnement. Si hier
le développement était une double donnée, c’est-à-dire positive et négative, le développement
doit être aujourd’hui reformé au point que son aspect négatif soit corrigé et mis au service de la
protection de la faune et de la flore. Mais qu’est-ce que le développement durable ? Quels en
sont les enjeux ? Et après 30 ans d’existence, quel est son impact sur la vie des populations ?
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Définition : Beaucoup de définitions existent, mais pour mieux cerner cette notion, nous allons
en retenir la plus répandue et la plus conventionnelle possible. Il s’agit de la célèbre citation de
l’ancienne Première Ministre norvégienne, Gro Harlem Brundtland selon laquelle, le
développement durable est « un développement qui répond aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Cette définition émise
dans le rapport Brundtland de la Commission Mondiale pour l’Environnement et le
Développement publiée 1987 suppose une autre façon de concevoir le développement
économique et social. Le développement durable en tant que forme de management éthique à
l’échelle interplanétaire, reste la solution. Sa singularité réside en l’ajustement des exigences
de préservation de la planète aux données du vieux concept de développement économique et
social. C’est la réunion de l’émergence économique, du progrès social et de la préservation de
l’environnement. Voilà les trois piliers qui soutiennent ce phénomène. Cependant
l’Organisation des Nations-Unies s’est basée sur ces trois piliers pour mieux développer les
enjeux du développement durable et les classer en 17 objectifs qui sont :
▪
La réduction de la pauvreté
▪
L’élimination de la faim
▪
Promouvoir la bonne santé et le bienêtre, l’ONU dispose pour cela d’un indicateur
efficace pour évaluer ou mesurer l’amélioration des conditions de vie des populations :
« L’Indice du Développement Humain IDH »
▪
Promouvoir une meilleure qualité d’éducation
▪
La lutte contre les inégalités liées au sexe
▪
Agir pour l’accès à l’eau pour tous, et encourager l’assainissement
▪
Promouvoir l’énergie renouvelable
▪
Travail décent et croissance économique
▪
La lutte pour la réduction des inégalités
▪
Industries innovations et infrastructures
▪
Mise en place des villes et des communautés durables
▪
Consommation et productions durables
▪
Mesures relatives à la lutte contre le changement climatique
▪
Vie aquatique
▪
Vie terrestre
▪
Paix, justice et institutions efficaces
▪
Partenariat pour la réalisation des objectifs
Ces dix-sept (17) objectifs contribuent à anoblir les démarches des grands dirigeants du monde
en vue d’une planète plus solidaire et plus durable. Qu’ils soient présidents de Républiques,
ministres, responsables politiques, députés, maires, directeurs de multinationales ou de petites
et moyennes entreprises, ou même acteurs de sociétés civiles à travers le monde, ils sont tous
interpellés dans leurs démarches ou politiques managériales au respect des valeurs universelles
du développement durable. Mais qu’en est-il réellement ? Ces dirigeants sont-ils véritablement
soucieux de la préservation de l’environnement ? Appliquent-ils les résolutions assorties des
14
rencontres et des conventions internationales sur la préservation de l’environnement ? Si les
dirigeants des grandes puissances militaires et économiques refusent d’appliquer les accords de
COP, s’ils traînent les pieds à dédommager le préjudice commis à la planète par leurs politiques
de développement, et en vertu du principe « pollueur-payeur », que dire des manageurs des
acteurs économiques privés ? Ces managers qui, par leurs politiques contribuent à la
dégradation de la faune et de la flore, qui méprisent les règles de bienséance à l’endroit de leurs
salariés ?
La réponse à ces questions nous amène à exposer du management éthique au sein des
entreprises : la responsabilité sociétale des entreprises
b) La responsabilité sociétale de l’entreprise/Initiatives Volontaires
Née aux Etats-Unis et dans le monde anglosaxon au XXème siècle sur la base des critiques
contre les dérives antisociales de l’ultralibéralisme, la responsabilité sociale de l’entreprise
prend origine dans le fait que des penseurs, des philosophes se soient soulevés à travers le
monde et aient proposé un plan d’action pour contrecarrer les effets pervers de la
mondialisation. Ce plan était à deux volets ; le premier tendant à instaurer un dialogue entre les
parties prenantes en amont des prises de décisions, c’est-à-dire les dirigeants d’entreprises, les
clients, les fournisseurs, les actionnaires se concertent et décident ensemble de la politique
commerciale générale de l’entreprise. Et le second, à amener les managers à socialiser leurs
politiques et stratégies de gestion. En effet, le concept de responsabilité sociétale de l‘entreprise,
comme le développement durable est une réponse, une réplique, une contestation face à ce que
Howard Bowen appelait « des véritables centres de pouvoirs de déterminent la vie des
citoyens » c’est-à-dire les grands lobbys économiques. Howard Bowen, avec la publication de
son ouvrage intitulé «la responsabilité sociétale de l’entreprise et l’homme d’affaires » est celui
qui le premier a ouvert sur ce thème une démarche épistémologique. Mais d’autres auteurs se
sont également penchés sur cette question d’éthiques en affaires, c’est le cas de De George.
Pour ce dernier, la responsabilité sociétale de l’entreprise est un des nombreux domaines de
l’éthique en affaires. Plus récemment d’autres comme Caroll, proposent une approche
différente selon laquelle c’est la responsabilité sociétale de l’entreprise qui constitue le concept
le pus large ayant abouti à l’émergence du management éthique dans les affaires, et bien
d’autres formes.
Ces différents points de vue reflètent bien l’évolution du concept de sa naissance à son
émergence. Force est de reconnaître que ce concept a évolué, de son aspect moralisateur et
contraignant, la responsabilité sociétale de l’entreprise a une toute autre démarche de nos jours :
celle du volontariat. Ce que nous verrons après l’avoir défini et exposé davantage.
-Définition et Evolution de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise :
A l’origine, la responsabilité sociétale de l’entreprise se définissait comme étant « des
obligations pour les hommes d’affaires à poursuivre des politiques, à prendre des décisions ou
poursuivre les lignes de conduite qui sont désirables en termes des valeurs et objectifs de notre
société ». Ce qui démontre ici que le concept était fondé à son apparition, sur une approche
moralisatrice selon laquelle les homo-economicus avaient l’obligation morale de tenir compte
des valeurs de la société. Elle a été influencée au fil des décennies par les réflexions d’autres
penseurs comme Carrol, ou encore plus récemment Cheveau et Rosé. Ainsi nous constatons
que le terme englobe finalement les enjeux du développement durable, et a pour objet de gérer
l’impact des entreprises sur la société, incluant tout aussi bien les personnes composant cette
société que leur environnement. Il s’agit donc, pour reprendre les termes du Ministère de
15
l’écologie et du développement durable, de l’outil privilégié visant à « la contribution des
entreprises aux enjeux du développement durable » (MEEDM, 2010) comprenant les finalités
économiques, sociale et environnementale.
Plus encore, la définition qu’accorde l’Agence Française pour la Normalisation est simple, la
responsabilité sociétale de l’entreprise se définit comme étant la responsabilité d’une
organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur
l’environnement, qui se traduit par un comportement transparent et éthique qui, à la fois
contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien ^être de la société, prend
en compte les attentes des parties prenantes, respecte les lois en vigueur et est compatible avec
les normes internationales et est intégrée dans l’ensemble de l’organisation et mise en œuvre
dans ses relations. A travers cette définition on comprend aisément que la responsabilité
sociétale est la dimension réduite du concept du développement durable. Il s’agit au niveau des
organisations ou des entreprises de se labelliser socialement responsables, en référence de leurs
philosophies dans la gestion. Donc parler de responsabilité sociétale de l’entreprise, c’est parler
du développement durable pour une entreprise, c’est être garant de ses décisions devant soimême, et vis-à-vis des actionnaires, des collaborateurs mais aussi des clients. Cela dit, précisons
que la responsabilité sociale de l’entreprise n’est pas une norme c’est-à-dire qu’elle est
dépourvue de tout caractère contraignant. Et comme le développement durable, elle dispose
des enjeux, des défis à relever. Ces défis sont cités par la norme ISO 26000, qui est du standard
international. Ces défis sont entre autres :
•
La gouvernance de l’organisation ;
•
Les droits de l’homme ;
•
Les relations et conditions de travail ;
•
L’environnement ;
•
La loyauté des pratiques ;
•
Les questions relatives aux consommateurs ;
•
Les communautés et le développement local
Nous retiendrons que la responsabilité sociétale de l’entreprise a ses origines dans l’émergence
d’une critique du « globalising world » et de ses dérives c’est-à-dire la dimension moralisante.
Elle s’est ensuite développée avec la montée en puissance de la thématique du développement
durable.
-La dimension moralisante de la responsabilité sociétale de l’entreprise :
Le concept de responsabilité sociale a été défini à son origine comme étant « les obligations des
hommes d’affaire à poursuivre les politiques, à prendre les décisions ou à suivre les lignes de
conduite qui sont désirables en termes des valeurs et objectifs de notre société » (Bowen, 1953,
tel que cité par Carroll, 1999, p.269). Le concept de responsabilité sociale était, à cette époque,
fondé sur une approche moralisatrice, selon laquelle les entreprises avaient l’obligation de «
contribuer au mieux-être de la société qui rend leur prospérité possible » (Pasquero, 1995).
Ensuite elle s’est développée et a adopté ses quatre missions faisant l’objet de nombreuses
définitions suivant les auteurs et les approches adoptées. Notons celle de Carroll dans son
ouvrage « corporate social responsability » (1999, p.281), selon laquelle la responsabilité
sociale de l’entreprise « implique la conduite d’une entreprise de telle façon que celle-ci soit
16
profitable sur le plan économique, qu’elle respecte la loi, qu’elle soit éthique et qu’elle
contribue à son milieu social [être un bon citoyen corporatif] ». Cette définition expose les
quatre missions qu’impliquent la mise en place de la responsabilité sociétale de l’entreprise au
sein d’une organisation. Les responsabilités économiques constituent la base sur laquelle les
autres types de responsabilités – légales, éthiques (environnementales) et philanthropiques
(initiatives volontaires) reposent.
La responsabilité économique
La responsabilité sociale
La responsabilité environnementale
La responsabilité légale
c) L’apparition des initiatives volontaires
Pour finir, le comité de développement économique a pour sa part, proposé que l’entreprise
devait répondre aux attentes de la société. Cette définition stipule que « les entreprises
fonctionnent sur la base du consentement public et leur objectif principal est de servir de façon
constructive les besoins de la société, et ce, à la satisfaction de la société ». En outre, Wood
affirme que la responsabilité sociale d’une entreprise repose non seulement sur sa légitimité
face aux attentes de la société, mais aussi sur la responsabilité reliée à ses activités, ainsi que
sur la responsabilité des gestionnaires en tant qu’acteurs moraux (Wood, 1991, pp.694-702).
En ce sens, il faut noter le caractère volontaire du concept de responsabilité sociale, c’est-à-dire
que l’entreprise répond volontairement aux attentes de la société plutôt que de se le voir imposé
par une contrainte externe, comme la loi. Il est à signaler que la responsabilité sociétale de
l’entreprise n’est plus une norme mais plutôt une démarche volontaire pour les acteurs
économiques à participer à la perfection du monde. Ce qui est le cas de SANOFI
d)Le dialogue et la collaboration des stakeholders en tant que stratégie éthique chez Sanofi
Selon Olivier Brandicourt, directeur général que je cite : « Concilier au quotidien l’innovation
dans les traitements et les services, l’engagement des collaborateurs et la préservation de
l’environnement conduit naturellement le Groupe à engager le dialogue avec ses parties
prenantes. Pour Sanofi, agir de façon éthique et responsable permet de dépasser les obligations
qui lui incombent et de mobiliser l’ensemble des collaborateurs pour protéger et favoriser
l’accès à la santé du plus grand nombre ». Ce qui stipule que Sanofi a fondé sa stratégie de
management éthique sur le dialogue avec les parties prenantes, en vue de les amener à coopérer.
« C’est une démarche puissante, initiée de longue date, qui s’appuie sur une méthodologie
structurée, fondée sur des priorités et soutenue par des processus de contrôle et de reporting
rigoureux. Elle est portée par l’ensemble des collaborateurs, formés et mobilisés pour obtenir
des résultats concrets. Sanofi a par ailleurs, et ce depuis plusieurs années, développé un
ensemble de politiques responsables qui s’appuient sur le droit à la santé et dépassent son cadre
afin de garantir le respect des droits de l’homme dans tous les pays où le Groupe conduit ses
activités. » Peut-on lire dans le rapport d’activité publié en 2016.
Ces passages correspondent clairement avec les prises de position de Jones qui pour la première
fois en 1980 avait parlé de l’intégration des parties prenantes dans le processus de mise en place
d’une politique ou stratégie de responsabilité sociétale de l’entreprise. Il décrit en ces termes :
« La responsabilité sociale de l’entreprise est une notion selon laquelle les entreprises ont une
obligation envers les groupes constituant la société autres que les actionnaires et au-delà de ce
17
qui est prescrit par la loi et les conventions syndicales. Deux facettes de cette définition sont
critiques. Tout d’abord, l’obligation doit être adoptée de façon volontaire ; un comportement
influencé par une force coercitive comme la loi ou une convention syndicale n’est pas
volontaire. Deuxièmement, l’obligation est vaste, allant au-delà du devoir traditionnel envers
les actionnaires à d’autres groupes sociétaux tels les clients, les employés, les fournisseurs et
les communautés environnantes » . il est intéressant de préciser que cette démarche envisage
la responsabilité sociale de l’entreprise comme une obligation de moyens, c’est-à-dire que les
dirigeants d’une entreprise doivent rechercher d’abord la mise en place de toutes les conditions
de la démarche dialogique avant de se concentrer sur les résultats. Ce que Sanofi ne précise pas.
Il faut le dire que selon Sanofi, cette démarche correspond avec la maximisation de leurs profits,
mais ne précise pas que leur démarche priorise la mise en place d’un ensemble de moyens par
rapport à leur préoccupation économique Pourtant ce processus prend la forme d’une
intégration des stakeholders en amont. C’est-à-dire que la responsabilité sociale est envisagée
comme « la façon dont une organisation traite avec ses stakeholders, écoutant et tenant compte
de leurs observations.
Grosso modo pour finir, on constate que, d’une conception de la responsabilité sociale de
l’entreprise relativement moralisatrice et réactive, basée sur des obligations à assumer au-delà
de ses responsabilités strictement économiques ou légales, cette notion a évolué pour
correspondre aujourd’hui à une approche beaucoup plus volontaire, plus proactive, selon
laquelle l’entreprise doit prendre en considération les attentes de tout un ensemble de
stakeholders, et entretenir avec eux une communication à double-sens.
IV.
Autres formes de gestion éthique
Depuis quelques années, il s’est ainsi créé des groupes de conseillers en investissements
éthiques, des fonds d’investissement éthique, des index d’investissements éthiques, ainsi que
de clubs d’investissements éthiques. Ces mouvements, groupes d’action s’inspirent du
phénomène d’investissement responsable qui stipule la combinaison de préoccupations
sociales et environnementales et de la performance financière dans les décisions
d'investissement. Aussi beaucoup d’organismes internationaux ont proposé une panoplie de
codes d’éthique, de codes de conduite et de chartes de responsabilité à portée internationale
visant l’adhérence volontaire des multinationales à des pratiques considérées acceptables à
l’échelle internationale (notamment les Nations Unies (ONU), l’Organisation internationale du
travail (OIT), l’Organisation pour le Commerce et le Développement Economique…. Enfin, il
existe également des certifications en matière de standards sociaux, comme le Social
Accountability 8000 Standard (SA8000), ou ISO 26000 proposé par l’AFNOR. Il est à
signaler le phénomène de commerce équitable, qui lutte contre la détérioration des termes de
l’échange, en promouvant une gestion plus juste des accords et échanges entre les pays
développés et ceux
du tiers-monde, notamment sur les accords de partenariats économiques qui maintiennent les
pays du sud dans cette précarité extrême. Enfin, l’émergence des entreprises qui s’inscrivent
dans la dynamique d’économie sociale et solidaire, qui ont pour but de « répondre à des
besoins non satisfaits par les services publics ou par le secteur privé traditionnel ». Cette
dynamique tient compte des laissés pour compte. Ces nouvelles devraient constituer une source
d’inspiration pour nos Etats en vue de l’émergence économique.
18
Conclusion de la première partie
Comme mentionné ci-haut, l’éthique est abordée dans ce mémoire comme étant une réflexion
sur la conduite de l’Homme vis-à-vis des valeurs qui guident ses démarches et ses décisions.
C’est donc sous le prisme scientifique appliqué à des conduites humaines que l’éthique est
abordée ici. Parlant de Sanofi, il est à retenir que c’est dans le dialogue et la participation des
parties prenantes que l’éthique se concrétise.
Cependant face aux nombreux défis à relever par l’éthique et malgré l’émergence de réflexions
et d’initiatives dans la lignée de celles que je viens de faire ressortir, on peut cependant se
demander à quel point les réponses proposées par Sanofi correspondent-elles à une telle
perspective de l’éthique. S’il est établi qu’au-delà d’une simple récupération réglementaire ou
stratégique, le choix de l’éthique doit aboutir à une transformation profonde des organisations
qui l’appliquent et des individus qu’elles affectent par leurs activités, pouvons-nous affirmer
que cette mission est accomplie ?
Le constat est mitigé, car la plupart des entreprises se sont limitées à satisfaire aux pressions
des agences de normalisation et autres cabinets de contrôle en ayant recours à des approches
très déontologiques ou stratégiques. En s’inscrivant dans une démarche de fourberie, en ne
veillant pas au respect scrupuleux des codes d’éthique imposés dans leurs entreprises, en
favorisant une culture d’entreprise sans adopter la conduite y appropriée, en adhérant à divers
standard ou code externes, ou en adoptant une stratégie dite « éthique », sans pour autant
favoriser la réflexion et l’intégration véritable de l’éthique dans les pratiques quotidiennes…la
plupart des organisations ne respecte pas les principes de base et ont cautionné cette attitude
réfractaire vis-à-vis de ce concept. Il faut donc reconnaître que cette démarche est exigeante et
la voie pour y arriver est loin d’être toute tracée. Surtout en constatant que les entreprises
Devant ces constats, j’ai voulu entreprendre une recherche qui contribuerait à éclairer notre
compréhension de cette « réelle réflexion » sur l’éthique au sein d’une organisation. L’éthique
telle qu’abordée dans le cadre de cette recherche, c’est-à-dire dans une perspective dialogique,
ne se borne pas à une « humanisation du monde des affaires » ni à cette querelle de sémantiques,
mais s’applique en fait à toutes les formes de vie en société. Je parlerai donc d’éthique
organisationnelle, pour éviter d’adopter une perspective qui se limiterait à certains concepts, ou
en exclurait d’autres a priori (par exemple exclure une entreprise qui, plutôt que de parler
d’éthique, parlerait de responsabilité sociale).
L’éthique organisationnelle telle que je l’envisage ici ne propose pas de cadre restrictif et
déterminé d’avance quant à la voie à suivre pour favoriser le développement de l’éthique dans
les pratiques de l’organisation, mais elle supposera nécessairement une réflexion individuelle
et collective par le dialogue et la participation des stakeholders.
Par l’étude du cas de Sanofi, je propose de dégager, dans le cadre de cette recherche, quelles
formes revêt un tel dialogue dans une organisation et comment celui-ci contribue-t’il au
développement de l’éthique dans cette même organisation.
19
DEUXIEME PARTIE : CADRE D’ANALYSE
Dans cette partie de mon mémoire, j’envisage d’abord d’identifier les critères sur lesquels se
basera mon analyse avant de définir les différents concepts de ce cadre d’analyse, ce sont des
modèles traditionnels. Mais dans un premier temps je propose de prendre connaissance des
notions sociétales qui déterminent la relation entre l’entreprise et la société humaine. Ce qui
permettra de comprendre les différentes perspectives avec lesquelles les considérations éthiques
ont été jusqu’à maintenant intégrées à celles plus spécifiques de la gestion. Je m’attarderai plus
spécialement à la notion des stakeholders, ce qui permet d’aborder l’éthique comme je l’ai
présenté dans la première partie de mon travail, c’est-à-dire comme une réflexion individuelle
et collective par le dialogue.
Dans le cadre de cette recherche, je cherche aussi à comprendre pourquoi et comment se
développent des pratiques éthiques dans une organisation. Puisqu’il résulte d’un ensemble de
forces en interaction, le développement de l’orientation éthique d’une organisation constitue un
processus dynamique. C’est aussi un processus évolutif puisqu’il implique le changement, la
transformation sociale dans le temps. Par conséquent, il est nécessaire d’avoir recours à un
cadre d’analyse permettant de saisir ce dynamisme et cette évolution.
Pour ce faire, je propose dans un deuxième temps de présenter quels sont, dans la théorie, les
conditions et les facteurs qui permettent à une organisation de développer des pratiques
considérées comme éthiques, en me fondant bien évidemment sur certains modèles théoriques.
Dans un troisième et dernier temps, j’exposerai le cas spécifique de Sanofi qui présente les
étapes de développement d’une orientation éthique au sein d’une organisation. Sans oublier les
impacts de ses stratégies sur la société.
Ces trois volets constituent le cadre qui me permettra d’effectuer l’analyse de la partie
empirique de ma recherche, dont la discussion sera présentée plus tard dans les résultats.
20
I.
MODELES TRADITIONNELS
Dans le contexte actuel où l’éthique est un sujet de recherche en émergence dans le domaine de
la gestion, les modèles proposés sont nombreux et présentent des perspectives de nature très
différente. Les théories en concurrence dans le domaine peuvent être classifiées principalement
en trois types, soient les modèles fonctionnalistes, les modèles managériaux et les modèles
éthiques (Pasquero, 1995, p.381). J’en propose un bref aperçu avant de présenter en détail le
cadre théorique sur lequel reposera ma recherche.
a. Les modèles fonctionnalistes
Les premiers modèles à avoir émergé d’un questionnement de nature éthique dans le
domaine de la gestion concernent les relations entre l’entreprise et la société. Ces modèles,
que l’on peut qualifier de fonctionnalistes, se fondent sur une approche positiviste de la
gestion. Selon cette approche, l’entreprise doit être en équilibre avec la société. L’entreprise
doit maintenir cet équilibre en s’adaptant aux valeurs, aux changements ou aux pressions
de la société.
Le modèle le plus représentatif de cette perspective s’avère être celui des « systèmes
interpénétrés », tel que proposé par Preston & Post (1975, dans Pasquero, 1995). Ce modèle
propose l’imbrication de considérations économiques et socio-éthiques dans les décisions de
l’entreprise. Il distingue ainsi deux niveaux de responsabilités des entreprises : celles de premier
ordre, reliées aux activités constituant sa raison d’être, et les responsabilités de deuxième ordre,
soient celles reliées aux effets négatifs entraînés par ses activités de premier ordre.
Selon l’approche fonctionnaliste, l’entreprise fait ainsi preuve d’un intérêt bien compris afin
d’assurer sa survie à long terme - sa motivation principale dans cette relation – et demeure par
conséquent fondamentalement utilitariste. Or, il semble que les modèles fonctionnalistes soient
délaissés, considérant le fait que cette approche utilitariste classique est jugée comme « trop
réductionniste et difficile à défendre » (Pasquero, 1995, p.383). Pour cette raison et pour les
ambiguïtés qu’elle pose dans la pratique, à savoir où se trouve la frontière entre les
responsabilités qui relèvent de l’entreprise et celles qui relèvent plutôt des institutions sociopolitiques, cette approche s’avère peu appropriée à la perspective dans laquelle j’envisage cette
recherche.
b. Les modèles éthiques
Les modèles éthiques proposent au contraire une approche normative de l’éthique en gestion,
en cherchant à « établir les bases doctrinales sur lesquelles fonder une conceptualisation
moderne des relations entre entreprise et société » (Pasquero, 1995, p.383). Ils permettent une
continuelle évolution de la recherche dans le domaine et inspirent le développement des
pratiques de gestion. Cette approche a notamment donné lieu au modèle droits-obligations
dérivé de Kant, à la théorie des vertus dérivée d’Aristote, ainsi qu’au modèle contractuel dérivé
de Hobbes.
Si cette approche offre des possibilités intéressantes de débat en profondeur au niveau
théorique, elle est plus difficile à appliquer telle quelle dans la pratique et elle repose sur des
connaissances approfondies en philosophie éthique. De plus, en proposant une conception a
priori de l’éthique, elle s’éloigne de la perspective dialogique avec laquelle l’éthique est abordée
dans le cadre de cette recherche. Pour ces raisons, parce que ma recherche s’adresse à des
21
gestionnaires actuels et en devenir et que ma formation a, jusqu’à maintenant, été axée sur la
gestion, c’est plutôt vers les modèles managériaux que je baserai mon étude.
c. Les modèles managériaux
Selon Pasquero, les modèles managériaux abordent « l’environnement des organisations en
fonction de l’importance des acteurs en relation avec elles ». Ils sont, à l’heure actuelle, «
soumis à un intense développement théorique ». Le modèle des stakeholders » constitue le plus
important de ces modèles depuis sa conceptualisation en 1984 par Freeman. S’étant
particulièrement imposé en stratégie d’entreprise, le fondement du modèle des stakeholders
repose sur le « maintien de la légitimité de l’entreprise auprès de ses intéressés [ou stakeholders]
» (Pasquero, 1995, p.382). Ainsi : Au-delà des exigences de la loi, qui fait toujours de
l’enrichissement du patrimoine des actionnaires le but ultime de l’entreprise, les dirigeants ont
ainsi des obligations quasi contractuelles envers de nombreux autres intervenants » (Pasquero,
1995, p.382). Ce modèle est donc intéressant dans le cadre de ma recherche puisqu’il prend une
importance croissante en gestion et qu’il s’applique aisément à son contexte pratique. Mais son
véritable intérêt réside dans le fait qu’en favorisant l’établissement d’une relation entre les
multiples parties qui affectent ou sont affectées par l’organisation, il peut donner lieu à un
dialogue et à un questionnement éthique réel. Dans la section qui suit, je présente en détail la
théorie des stakeholders, qui constituera la base théorique de ma recherche.
II.
LA THEORIE DES PARTIES PRENANTES
-Définition et Historique du concept
L’apparition pour la première fois référence du concept de partie prenante s’est faite à la période
de la grande dépression aux États-Unis, alors que la compagnie General Electric identifiait
quatre groupes majeurs pour lesquels elle avait des préoccupations, soient ses actionnaires, ses
employés, ses clients ainsi que le grand public. Quelques vingt ans plus tard, soit en 1950,
Robert E. Wood, alors qu’il était P.-D.G. de Sears, identifiait que les clients, les employés, la
communauté et les actionnaires étaient, dans cet ordre d’importance, les quatre groupes reliés
à toute entreprise (Preston & Sapienza, 1990, cités dans Hummels, 1998).
D’autre part, l’utilisation du terme « stakeholders » dans la littérature remonte à 1963, dans un
mémorandum interne au Stanford Research Institute. La définition qu’on en faisait à l’époque
était la suivante : « ces groupes sans le support desquels l’organisation cesserait d’exister ».
Selon les chercheurs du Stanford Research Institute, « à moins que les dirigeants ne
comprennent les besoins et les préoccupations de ces groupes de stakeholders, ceux-ci ne
pouvaient formuler des objectifs corporatifs qui allaient recevoir le support nécessaire pour
assurer la survie de la firme » (Freeman, 1984, p.31). C’est Freeman qui, en 1984, a été le
premier à conceptualiser l’approche des stakeholders.
-Qu’est-ce qu’un stakeholder ?
Un stakeholder ou partie prenante ou « intéressé » est un groupe ou individu qui affecte ou est
affecté par la réalisation des objectifs d’une organisation » Freeman. Quant à Caroll, un «
stakeholder » se définit donc en premier lieu comme « un individu ou un groupe d’individus
qui revendique un ou plusieurs des différents types d’intérêts dans une entreprise » ces deux
définitions posent la question d’ « intérêt ou de droit », ce qui signifie que la notion rassemble
des personnes qui ont un intérêt en jeu ou des droits en question. Il faut comprendre dans ce cas
22
que les intérêts revendiqués par les stakeholders peuvent être non seulement présents, mais
aussi futurs.
Enfin, le concept de stakeholder comporte, comme le modèle fondé sur la théorie classique, une
base politique. La théorie des stakeholders se démarque cependant par le fait qu’elle implique
de considérer non seulement les groupes de stakeholders qui affectent l’organisation (ceux qui
gèrent directement), mais aussi ceux qui sont affectés par cette organisation (ceux qui subissent
les impacts des mesures). Il y a deux catégories de parties prenantes qu’il faut retenir ici :les
principales parties prenantes et les parties prenantes secondaires. Les principaux stakeholders
sont ceux qui sont directement concernés, ceux qui gèrent directement ou qui sont associés à
l’activité économique de l’entreprise. Les secondaires sont eux, affectés le plus souvent
indirectement par les conséquences de la gestion ou par les produits de l’entreprise. L’image
tirée ci-dessus en fait une parfaite illustration.
Les principaux stakeholders
Les stakeholders secondaires
La firme : direction, personnel
Communautés locales
Groupes environnementaux
Investisseurs
Actionnaires
Syndicats et groupes de
consommateurs
Médias
Fournisseurs
Société en général
Clients
Il faut cependant noter que cette distinction n’est pas statique, elle résulte de mes propres
recherches sur la base de mes sources « Caroll 1999 » ou Freeman qui, lui, propose de
distinguer les stakeholders selon la nature des contrats qu’ils ont avec l’organisation (explicites,
implicites, quasi-contrats, obligations morales). Il y aura ainsi considération des intérêts non
seulement d’un nombre limité d’acteurs avec qui l’entreprise a des contrats formels, mais de
l’ensemble des groupes et individus qui affectent et sont affectés par ses activités, envers
lesquels elle a plutôt des obligations que l’on peut qualifier de quasi-contractuelles, c’est-à-dire
des obligations ou des responsabilités morales (Donaldson & Preston, 1995). Dans le premier
cas, on parlera de principaux stakeholders, constitués, comme dans le modèle traditionnel, des
actionnaires, des clients, des employés et des fournisseurs de l’entreprise. Dans le deuxième
cas, on parlera des stakeholders secondaires, qui peuvent inclure par exemple l’État, les groupes
d’intérêt et les organismes sans but lucratif, les diverses associations, ainsi que les
communautés… D’autres distinctions également existent.
La théorie des stakeholders, telle qu’abordée dans cette recherche, dépasse la perspective
descriptive (ou empirique), c’est-à-dire le simple fait, pour l’organisation, de reconnaître ses
partenaires et de leur « rendre compte des comportements observables des gestionnaires »
(Pasquero, 1995, p.383). Elle ne se limite pas non plus à sa dimension instrumentale, selon
laquelle elle constitue une autre manière de penser la gestion stratégique. Dans un contexte où
la société en général, les groupes de pression ou encore les consommateurs exigent que l’on
23
prenne en compte les questions éthiques et environnementales, cette perspective fait ressortir
que les homo-economicus qui favorisent ces considérations seront plus profitables à long terme.
Cette dimension instrumentale explique en partie son acceptation plus répandue que la plupart
des théories éthiques dans le milieu de la gestion.
Au-delà de ces deux dimensions, la théorie des stakeholders telle qu’abordée dans cette
recherche comporte aussi une dimension éthique. Cette dimension correspond pour certains
auteurs à identifier des principes sur lesquels pourront être établies des relations équitables entre
l’entreprise et ses stakeholders (Pasquero, 1995, p.385), souvent puisés dans la philosophie.
Selon Freeman, la gestion par stakeholders doit plutôt laisser place à une pluralité de bases
normatives, ce qui ferait de cette théorie une métaphore, puisqu’elle propose non pas un
ensemble déterminé de principes sur lesquels fonder la gestion, mais bien une façon de
concevoir l’organisation. Une pensée que je partage.
III.
Conditions et facteurs favorisant le développement de l’orientation éthique d’une
organisation
Avant d’entamer cette partie, précisons ce que c’est qu’être éthique du point de vue d’une
organisation. Selon Dalla Costa, être éthique pour une organisation est une orientation, un
engagement ainsi qu’une disposition. Être éthique est d’abord et avant tout un choix. Avoir une
orientation éthique constitue un dévouement à approfondir ses capacités éthiques à travers
l’apprentissage et la pratique. L’orientation est importante pour trois raisons. Premièrement,
elle reconnaît que peu importe notre motivation, nous ne pouvons faire toujours bien ou mal.
Le caractère éthique est le résultat d’une intention et d’une cohérence au fil du temps, plutôt
que seulement du caractère bien ou mal d’une action spécifique. Deuxièmement, l’orientation
permet de prendre en considération que dans le monde actuel, l’éthique doit pouvoir s’appliquer
à des situations concrètes. Troisièmement, une orientation implique que la tâche de l’éthique
n’est jamais complète »
Donc l’éthique au sein d’une organisation se traduit par un ensemble de pratiques et de
processus qui s’inscrivent dans le temps. Elle n’est pas statique, elle doit évoluer et perdurer et
c’est seulement à ce niveau qu’on peut parler d’organisation éthique. Cette déclaration a été
une pour moi une source d’inspiration dans ma recherche chez Sanofi.
Afin de mieux saisir le dynamisme de ce processus, je propose d’explorer dans cette section
quels sont, dans la théorie, les conditions et facteurs qui donnent lieu et influencent ce
développement de pratiques éthiques dans une organisation. Je les présenterai selon les trois
niveaux distincts de conditions ou facteurs d’influence que l’on retrouve dans la littérature. Le
premier est externe à l’organisation : il s’agit de l’environnement social, politique, économique
et culturel dans lequel elle évolue. Les deux autres, internes, se situent aux niveaux
organisationnel et individuel.
▪
Environnement social, politique, économique et culturel
La principale condition de mise en place d’un processus de pratiques éthiques, est
l’environnement social, politique, économique et culturel. Selon la théorie des systèmes, qui est
à la base de la théorie des stakeholders, l’organisation fait partie d’un système plus large, celui
de l’environnement dans lequel elle évolue. Dans cette perspective, l’organisation doit s’adapter
aux changements qui surviennent dans son environnement (Logsdon & Yuthas, 1997, p.1220).
Ainsi, les attentes de la société en ce qui concerne le comportement et la légitimité des
24
entreprises constitue un des principaux facteurs influençant le développement de pratiques
éthiques dans une organisation (Jones, 1999, p.166; Logsdon & Yuthas, 1997, p.1220-1221).
Selon Jones (1999), les pratiques éthiques en organisation auront tendance à émerger dans un
contexte socioculturel favorable au discours de responsabilité sociale. En ce sens, depuis les
vingt dernières années, il semble que l’intérêt croissant des consommateurs et du public en ce
qui a trait aux activités et aux impacts environnementaux et sociaux des entreprises se soit
traduit en accroissement substantiel de leurs exigences, voire en perte de confiance,
encourageant celles-ci à tenir compte de considérations éthiques (Girard, 1999, p.43). La
présence et l’avidité accrues des médias et l’émergence de nombreuses mesures internationales
contribuent aussi en ce sens (Girard, 1999, p.44). Enfin, notons aussi que le contexte politique,
marqué par la déréglementation, constitue une pression supplémentaire envers une
responsabilisation plus grande des entreprises (Boisvert, 1999).
La nature, la structure et les normes de l’industrie dans laquelle une entreprise œuvre pourront
aussi influencer le développement de ses pratiques éthiques (Jones, 1999, p.167-168; Sethi &
Sama, 1998, p.91; Logsdon & Yuthas, 1997, p. 1221). Par exemple, il semble que les entreprises
œuvrant dans l’industrie des biens de consommation auront particulièrement tendance à
développer des pratiques éthiques en raison de leur grande visibilité auprès du grand public
(Jones, 1999, p.168). Au contraire, le degré élevé de compétitivité d’une industrie sera néfaste
au développement de telles pratiques, parce que les firmes y œuvrant pourront être incitées à
avoir recours à des pratiques dont le caractère éthique est discutable afin de tirer leur épingle
du jeu (Sethi & Sama, 1998, p.89).
Enfin, les lois et les règles, qui sont en quelque sorte l’expression formelle des normes
implicites et des attentes de la société, favorisent aussi un comportement éthique de la part des
organisations (Logsdon & Yuthas, 1997, p. 1221; Jones, 1999, p.167). Bien que, dans une
perspective de conformité17 dans le but d’éviter les sanctions, elles contribuent à développer
un comportement éthique, parce qu’elles correspondent aux standards minimums que la société
est en mesure d’accepter et évoluent ainsi constamment en fonction des attentes de celle-ci
▪
L’organisation
La deuxième condition pour la mise en place d’une politique managériale éthique est
l’organisation elle-même. Car certaines caractéristiques structurelles comme l’encadrement du
personnel, la mise en place d’un climat apaisé, la petite taille et le fait que les propriétaires
soient personnellement impliqués dans la gestion de l’entreprise sont des facteurs qui semblent
favoriser l’émergence et le développement de pratiques éthiques au sein de l’organisation. Il
apparaît aussi que lorsque les entreprises sont dans une démarche anticapitaliste, c’est-à-dire
qu’elles ne recherchent pas immodérément le profit, sont plus susceptibles de développer des
pratiques considérées comme éthiques. Et cela est valable pour celles qui impliqueront
directement les stakeholders dans leurs gestions.
Si ces caractéristiques structurelles favorisent l’émergence de pratiques éthiques, c’est surtout
à travers un ensemble de méthodes cohérentes que celles-ci pourront se développer. En effet, «
une entreprise constitue un système, pas une structure, et par conséquent l’interaction et la
cohésion […d’un ensemble de variables] s’avère critique pour lui permettre de progresser dans
tout enjeu relié à ses activités » (Dalla Costa). On retrouve par conséquent des variables (ou
processus) aux niveaux stratégique, structurel et culturel qui influencent le développement
d’une orientation éthique. Il faut savoir que l’implication de notions éthiques envers plusieurs
dans les pratiques managériales et dans le processus de planification stratégique de
l’organisation favorisent la mise en place des mesures du management responsable dans cette
25
organisation. À cet effet, Trevino précise que l’emphase de l’organisation sur le bien-être de
ses employés, de ses clients et de la communauté en général (multiples stakeholders) favorisent
une orientation éthique, alors qu’une emphase exclusive sur l’intérêt de l’organisation ellemême a l’effet contraire (Trevino, 1999, p.144). Cependant l’instauration d’un programme
cohérent d’éthique nécessite également que l’organisation possède des ressources humaines
compétentes en la matière.
Enfin, la culture organisationnelle joue un rôle important dans le développement d’une
orientation éthique mais cela doit également se reposer sur les personnes de qualité. Des
mécanismes formels, tel le recrutement du personnel de qualité, la mise en place du code
d’éthique ou encore la formation du personnel en matière d’éthique… devront être mis en profit
dans ce sens. Les valeurs et comportements valorisés par ces outils managériaux doivent être
supportés de façon cohérente par les systèmes de récompense et d’incitation (avancement en
grade, meilleurs salaires, mais aussi des trophées de reconnaissance). Selon Trevino, les
employés doivent avoir le sentiment d’être traités de façon équitable et la culture de
l’organisation doit être ouverte et imprégnée de confiance. Pour favoriser une orientation
éthique, la culture organisationnelle doit finalement encourager le questionnement des manières
de faire déjà établies (Dalla Costa, 1998, p.146) et de l’autorité, ainsi que les discussions sur
l’éthique (Trevino, 1999, p.143).
▪
Les individus
Si les conditions mentionnées jusqu’à maintenant contribuent à favoriser une orientation
éthique, ultimement ce sont les individus qui prennent les décisions au sein de l’organisation
qui détermineront si cette orientation se développera ou non. Ainsi, les dirigeants pour qui les
considérations éthiques sont importantes, auront tendance à appliquer ces standards lors de la
prise de décision dans l’entreprise, donnant ainsi lieu à des pratiques éthiques concrètes. Bien
que la direction joue un rôle déterminant, « l’engagement personnel » de tous les individus au
sein de l’organisation, des employés aux dirigeants, s’avèrera cependant nécessaire pour que se
concrétisent les pratiques considérées comme éthiques dans l’ensemble de l’entreprise (Dalla
Costa).
Cependant la culture organisationnelle est favorisée par des facteurs incitateurs qu’il est
important de préciser brièvement.
-Facteurs incitant le développement de l’orientation éthique au sein d’une organisation
On distingue deux facteurs incitateurs du développement de la culture organisationnelle. Il
s’agit des facteurs explicites et les facteurs implicites. Les facteurs explicites sont ceux qui sont
clairement exprimés dans tous les détails possibles. Ils constituent en général de la
documentation, des supports de travail, des séances de formation sur les principes du
management éthique, la mise en place d’une direction chargée de gestion de qualité d’éthique
au sein de l’organisation. Quant aux facteurs implicites, ce sont essentiellement ceux
virtuellement contenus dans une proposition ou un fait, sans être formellement exprimés, et qui
peuvent être détectés par messages codés ou par déduction. Ce sont par exemple : les codes
d’incitation et d’encouragements au travail comme des primes, la mise en place d’un bon
système de gestion interne pouvant favoriser un meilleur climat de travail. Tel est l’esprit des
prises de position d’Anita Jose et de sa binôme Mary Thibodeaux. D’autres auteurs également
comme Trevino ont effectué cette distinction en parlant quant à eux de systèmes formels ou
informels.
26
Cependant si ces formes explicites de pratiques éthiques en organisation prennent, une
importance croissante au sein des entreprises, il est clair que la réussite de l’éthique ne doit pas
dépendre que de l’élaboration d’un code d’éthique. Je paraphrase ici Lozano lorsqu’il affirme
que l’éthique doit « faire partie intégrante du processus de prise de décision et de la culture
organisationnelle, et non simplement faire l’objet d’une reconnaissance en début et en fin de
processus ». Par conséquent, il apparaît que ce sont plutôt les formes implicites de pratiques
éthiques, et spécialement la culture organisationnelle, qui constituent les facteurs ayant le plus
d’influence pour qu’une orientation éthique se développe au sein d’une organisation. En tout
cas c’est le point de vue de certains auteurs comme Anita Jose, ou encore Trevino.
Certains auteurs considèrent même que la présence de structures formelles en matière d’éthique
nuit au développement d’une organisation sur ce plan, puisqu’elles imposent une éthique plutôt
que d’encourager un dialogue et la responsabilisation éthique des individus (M. D’autres
auteurs soutiennent cependant que les politiques formelles (facteurs explicites), bien qu’elles
ne constituent pas le facteur le plus important, sont tout de même vitales pour favoriser
l’orientation éthique de l’organisation. Pour être efficaces, celles-ci devront nécessairement être
élaborées dans un mode consultatif : « Si les politiques et codes sont développés d’une juste
façon, c’est-à-dire sur la base d’une consultation maximale et d’un engagement de la part de
tous les employés grâce à des groupes de discussion ainsi que des processus inclusifs de mise
à jour, [ces politiques et codes] seront respectés et honorés tant dans l’esprit de la loi que dans
sa lettre » (Wheeler et Sillanpäa).
Enfin, pour être efficaces, les politiques et programmes éthiques devront être cohérents avec
les pratiques quotidiennes au sein de l’organisation.
IV.
ANALYSE DU CAS SANOFI EN FONCION DES PRINCIPAUX MODELES
D’abord qu’est ce que le modèle traditionnel ? Quelles en sont ses caractéristiques ?
La théorie économique classique est retenue comme étant le modèle traditionnel en matière de
gestion d’entreprise. Ce modèle stipule que le but essentiel de l’entreprise est la recherche du
profit, il prend sa source dans l’utilitarisme. L’intérêt personnel est la motivation principale des
acteurs (Vidaver-Cohen) et l’enrichissement du patrimoine des actionnaires [est] le but ultime
de l’entreprise » (Pasquero). On y stipule que les responsabilités des entreprises sont
principalement de natures économique et légale. Dans ce modèle d’inspiration néoclassique,
les investisseurs, les employés et les fournisseurs sont tous considérés comme des facteurs de
production permettant à la firme d’offrir par la suite des produits ou services au profit des
clients. Pour leur apport, les acteurs concernés reçoivent une rémunération alors que ceux
contribuant en ressources considérées comme rares (tel le capital) reçoivent des rentes. Dans ce
modèle, ce sont d’abord les intérêts des actionnaires et des investisseurs qui sont poursuivis,
l’intérêt général ou de la collectivité étant rabroué au second rang. Donc opter pour l’orientation
éthique au sein d’une entreprise c’est faire inscrire cette entreprise dans un processus évolutif
d’un certain ensemble de pratiques éthiques.
Pour mieux saisir ces conditions et leurs impacts sur le développement de l’éthique dans
l’entreprise, je vais d’abord définir l’orientation éthique, et déterminer sa pertinence chez
Sanofi.
Présentation des principaux modèles d’orientation éthique
27
Il faut savoir qu’un certain nombre d’auteurs ont réalisé de sérieux travaux sur la manière
d’instaurer un système de management éthique au sein d’une organisation. Dalla Costa,
Ghislain Deslandes, ou le couple Jeanne Logsdon et Yuthas, ou encore Marc Arbouche … je
vous ferai un bref aperçu avant d’en faire ma source d’inspiration pour analyser le cas d’espèce.
-
Le modèle de Dalla Costa
Pour Dalla Costa, l’orientation éthique d’une organisation découle directement de sa culture,
ce qu’il exprime de la façon suivante :« Toutes les entreprises ont une culture, et toutes les
cultures impliquent une orientation éthique, mais il n’en découle pas que toutes les entreprises
sont éthiques. Dans certaines cultures, […] les obligations éthiques ont intentionnellement été
isolées des pratiques de gestion ». Pour lui, si certaines cultures ne favorisent pas l’éthique,
dans d’autres cultures organisationnelles, l’éthique sera, au contraire, valorisée et encouragée.
Sans nécessairement être parfaites, ces entreprises sont engagées dans une dynamique qui
s’inscrit dans le temps. Comme l’exprime l’auteur, « tous les individus ou compagnies ne sont
pas au même stade de maturité en matière d’éthique, mais l’orientation est un engagement à
poursuivre un développement vers la sagesse ». Ainsi, il parle de l’« orientation » éthique d’une
organisation, en référence à un mouvement de croissance en matière d’éthique, qu’il décrit en
trois stades qui sont :
▪
Le premier stade est celui de la conformité. L’entreprise devra être conformes à la
culture d’entreprise déclarée publiquement. Elle aura des pratiques éthiques pour éviter
des sanctions.
▪
Le deuxième stade, celui du compromis, un comportement éthique sera adopté
volontairement, tout en reconnaissant que l’intérêt personnel peut être servi par
l’adhésion des normes morales.
▪
Enfin, une entreprise qui se développe sur le plan éthique atteindra éventuellement le
stade de l’engagement, c’est-à-dire où l’éthique est envisagée de façon plus sage et
basée sur des convictions et des intentions.
Le modèle de Dalla Costa, précise aussi les conséquences des pratiques éthiques de l’entreprise,
qui vont crescendo. La prise de décision (sous « mécanisme » dans le tableau), basée sur
l’observation des règles au premier stade, évolue de façon à ce qu’au dernier stade, les décisions
de l’entreprise démontrent qu’elle assume pleinement ses responsabilités.
Cependant la fragilité de ces stades fait pose la nécessité de l’implication des parties prenantes
dans le processus du développement éthique au sein d’une organisation.
Dans le modèle intégré proposé par Logsdon & Yuthas, au niveau de développement préconventionnel, l’organisation est principalement centrée sur elle-même. Par conséquent,
l’étendue des groupes de stakeholders pris en considération est relativement limitée et les
décisions sont prises sur la base unique des coûts et des bénéfices. En termes stratégiques, ce
niveau correspond à la stratégie du stakeholder spécifique telle que décrite par Freeman.
Comme c’est le cas dans le modèle de Kohlberg, Logsdon & Yuthas présentent le
développement de l’organisation comme une prise de conscience et une ouverture croissante
vers les autres. Ainsi, l’entreprise évoluera vers un niveau où le respect et la recherche du bienêtre d’une vaste étendue de groupes de stakeholders sera au cœur de ses préoccupations. Ses
décisions, non plus basées uniquement sur les coûts ou sur les lois et normes, seront guidées
par des principes éthiques universels, ce qui correspond à la stratégie de l’harmonie sociale.
28
Les stades de développement de l’orientation éthique en organisation présentés dans cette
section traduisent la variété des perspectives en la matière. Ainsi, Di Norcia (1998) conçoit ce
développement principalement sur la base du caractère réactif ou proactif de la stratégie de
l’entreprise face à des problématiques d’ordre éthique ou social, alors que Clarkson (1995)
l’aborde du point de vue éthique. Les stades adaptés de Nitkin & Brooks (1998) présentent le
développement de l’orientation éthique comme une formalisation des efforts en matière de
vérification et de reddition de comptes quant à l’éthique et à la responsabilité sociale. Dalla
Costa (1998) propose pour sa part que ce développement découle principalement de la culture
de l’organisation. Logsdon & Yuthas (1997) présentent le développement d’une orientation
éthique comme un processus qui s’apparente au développement moral de l’individu, et le
fondent, comme Clarkson, sur la stratégie adoptée face aux stakeholders. Finalement,
Reindenbach & Robin (1991) présentent eux aussi ce développement comme un processus de
développement moral, qui est, dans ce cas, déterminé par la culture de l’organisation, tel que le
propose Dalla Costa.
Malgré la diversité de ces perspectives, certains aspects de l’orientation éthique se retrouvent
dans plusieurs de celles-ci et il se dégage de la synthèse de ces aspects quatre stades principaux.
Il importe de noter que cette synthèse ne se veut pas un nouveau modèle théorique, mais qu’elle
vise plutôt à faciliter la compréhension globale de ceux existants, ce qui permettra par la suite
une analyse des données empiriques dans la quatrième partie de notre travail. La vision de
l’entreprise (ou sa vision de l’éthique et de la responsabilité sociale) est spécifiée dans cinq des
six modèles présentés. Au premier stade, l’entreprise est centrée sur sa croissance dans le but
d’en retirer des bénéfices (économiques); au deuxième stade, celle-ci est régie par les lois,
normes et autres contraintes sociales dans le but d’éviter les punitions et favoriser son
acceptation; au troisième stade, l’entreprise se familiarise avec les initiatives en matière
d’éthique et de responsabilité sociale, qui lui permettent par la même occasion d’avoir une
meilleure réputation; enfin, au quatrième stade, c’est par conviction morale, par respect pour
les autres et par souci de leur bien-être que l’organisation intègre des considérations sociales et
innove en matière d’éthique et de responsabilité sociale. La stratégie adoptée face à l’éthique et
la responsabilité sociale constitue un aspect que l’on peut retrouver chez deux des auteurs. Elle
peut, dans les deux premiers stades, être réactive, i.e. nier la responsabilité reliée aux impacts
des activités de l’entreprise, ou l’admettre tout en la combattant. Dans les deux stades suivants,
l’attitude est plutôt proactive, c’est-à-dire que la responsabilité est acceptée, voire même
anticipée par l’organisation. En ce qui concerne l’inclusion des groupes de stakeholders, deux
des modèles traitent de cet aspect. Dans un premier temps, l’entreprise se préoccupe peu des
autres groupes de stakeholders, sinon qu’à titre de moyen lorsque cela sert ses intérêts. Au
deuxième stade, tel que l’exige la loi, les actionnaires constituent le groupe de stakeholders pris
en considération par l’entreprise. Au troisième stade, les groupes de stakeholders pris en
considération sont ceux avec qui l’entreprise entretient des relations commerciales, alors qu’au
quatrième stade, à ceux-ci s’ajoutent les stakeholders avec qui elle a des relations noncommerciales tels la communauté et les groupes d’intérêt.
Selon les deux modèles traitant des critères de prise de décision de l’entreprise, il apparaît qu’au
premier stade, les décisions sont basées sur le calcul des coûts et des bénéfices, alors qu’au
deuxième stade, les lois, les règles, attentes et contrôles sociaux constituent ce qui guide les
décisions. Au troisième stade, les décisions seront prises de façon à assumer les responsabilités
reliées à l’impact des activités de l’entreprise. Au quatrième stade, des principes éthiques
transculturels (le bien, la justice, le respect) guident les décisions prises au sein de
l’organisation.
En ce qui concerne les conséquences des actions de l’entreprise en matière d’éthique et de
responsabilité sociale, trois des modèles abordent cet aspect. Il en ressort qu’au premier stade,
29
l’entreprise ne rencontre pas les attentes de la société en matière d’implication sociale. Elle
évolue par la suite à faire le minimum requis (c’est-à-dire respecter la loi), ayant ainsi un impact
limité sur son milieu social direct. Au troisième stade, elle rencontre la plupart des attentes que
la société a envers elle, générant un impact positif sur son milieu social et sur l’économie de
façon générale. Enfin, au quatrième stade, en faisant même un peu plus que ce que l’on attend
d’elle, l’entreprise s’implique dans son milieu et assume pleinement la responsabilité sociale
reliée à l’impact de ses activités.
Au niveau de la formalisation, abordée dans deux des modèles présentés, on peut considérer
que dans les deux premiers stades, celle-ci est relativement faible et se limite à des politiques
formelles telles le code d’éthique, qui visent principalement à protéger l’organisation. C’est
plutôt aux deux derniers niveaux que l’organisation formalise concrètement ses initiatives en
matière d’éthique et de responsabilité sociale, en y incluant tant ses attentes que ses obligations
envers un nombre croissant de stakeholders. Elle le fait en imbriquant ces initiatives dans la
structure de l’organisation, et ce, en créant des postes spécifiques et des comités formels dédiés
l’éthique et à la responsabilité sociale. L’organisation réalise aussi des audits sociaux qui
incluent un nombre croissant de stakeholders et sont vérifiés de façon indépendante. Au-delà
des documents, politiques et procédures, cette formalisation se caractérise en outre par le fait
que les valeurs qu’elle véhicule se retrouvent dans les actions concrètes de tous les individus
au sein de l’organisation.
Finalement, l’éthique est quasi-absente de la culture de l’organisation au premier stade,
dominée par des valeurs de rentabilité économique et de productivité. Au deuxième stade,
l’éthique est imposée par des contraintes externes. Au troisième stade, la responsabilité sociale
est graduellement internalisée, alors qu’au quatrième stade, l’éthique (i.e. des valeurs telles la
justice et l’équité) et la responsabilité sociale émergent de la culture de l’organisation, faisant
l’objet d’un engagement individuel et collectif de chacun de ses employés.
a)
L’orientation éthique de Sanofi
Selon le professeur Ivon PESQUEUX, l’orientation éthique d’une organisation s’inspire
directement de sa culture. C’est-à-dire qu’une entreprise qui décide d’une orientation éthique,
doit définir ou redéfinir sa culture d’entreprise de sorte que celle s’inscrive dans une démarche
éthique. Même si cependant, certaines entreprises le font intentionnellement pour tromper
l’opinion, ou si certaines cultures ne sont nécessairement pas être parfaites, mais il est à signaler
ces entreprises sont engagées dans un processus de transformation éthique. D’ailleurs
l’orientation éthique n’est-il pas un phénomène qui s’inscrit dans le temps ? Dalla Costa ne
précise t- elle pas que « tous les individus ou compagnies ne sont pas au même stade de maturité
en matière d’éthique, mais l’orientation est un engagement à poursuivre un développement vers
la sagesse » ? Il faut alors retenir que le développement de l’orientation éthique se caractérise
par le passage d’un stade où la conduite est guidée par des contraintes externes à un stade où le
comportement éthique émerge de la culture de l’organisation et en fait partie intégrante :
D’où la célèbre citation de « pour que des valeurs éthiques aient de la valeur et qu’elles soient
fondées pour une entreprise, celles-ci doivent émerger de l’interne et être développées au sein
de sa culture unique, plutôt qu’être une simple application des meilleures pratiques »
Le développement de l’orientation éthique de l’organisation dans son ensemble est toutefois
plus complexe que le développement moral de l’individu, du fait que les organisations sont
composées non pas d’un, mais « de plusieurs individus à différents niveaux hiérarchiques, avec
des croyances, des valeurs et des intérêts disparates » (Logsdon & Yuthas, 1997, p.1213). La
30
question du développement de l’organisation dans son ensemble a été abordée dans les théories
de développement organisationnel. On y fait référence à une « évolution organisationnelle […]
basée sur des valeurs de participation et de consensus », et on vise l’amélioration graduelle «
de la qualité de vie organisationnelle et la satisfaction des employés et ce, dans le but de « mener
à une meilleure performance économique). Plusieurs aspects de cette théorie visent à
développer des pratiques organisationnelles que l’on peut considérer éthiques, notamment la
consultation des employés ou le dialogue avec les parties prenantes, ou même la recherche de
conditions du bien-être au travail. Ainsi la Direction Responsabilité Sociale de l’Entreprise de
Sanofi, propose la stratégie RSE de Sanofi au Directeur Général, la pilote et l’intègre à tous les
niveaux d’organisation du Groupe. Au-delà de la coordination des initiatives majeures en
matière de responsabilité économique, sociale et environnementale, elle déploie des initiatives
de sensibilisation aux principaux enjeux RSE, promeut les bonnes pratiques RSE dans
l’ensemble des unités opérationnelles du Groupe et rend compte des initiatives de Sanofi à ses
multiples parties prenantes externes. Elle invite également les parties prenantes à prendre part
à l’élaboration de plans d’action qui répondent aux enjeux RSE de Sanofi et améliorent la
performance du Groupe. Plusieurs des aspects décrits ici, démontrent que le développement de
l’orientation éthique se caractérise par le passage d’un stade d’un management stratégique où
la conduite est guidée par des contraintes à un stade où le comportement éthique émerge de la
culture de l’organisation et en fait partie intégrante. On comprend que l’instauration de cette
stratégie obéit aux trois stades d’évolution. Peut-être devrions-nous exposer les principaux
modèles de développement de l’orientation éthique au sein d’une organisation
b) Implication des parties prenantes
Selon l’assistant du responsable RSE, « Sanofi cherche à entretenir des relations étroites avec
ses parties prenantes. Les équipes de tous les métiers du Groupe interagissent au quotidien avec
un grand nombre de parties prenantes différentes. Nos équipes de Recherche et Développement
et celles chargées des opérations industrielles et commerciales collaborent avec leurs parties
prenantes, en particulier dans le domaine de la santé. Attentifs à leurs préoccupations et à leurs
attentes, nous tenons compte de leur avis pour développer notre stratégie RSE et nos plans
d’actions. » à la question de savoir les raisons de cette démarche, il me répond : « L’engagement
des parties prenantes repose sur un dialogue qui se nourrit de différents points de vue et permet
d’éclairer le processus décisionnel. La richesse de ces échanges favorise l’apprentissage mutuel
et la recherche de solutions communes. Sanofi sollicite ses parties prenantes à des degrés
différents pour le suivi d’initiatives, pour mieux cibler ses messages, ou encore pour recueillir
leur avis. Le niveau d’engagement le plus abouti est celui de la collaboration permettant la
réalisation d’objectifs communs et la création de valeur. Notre engagement avec les parties
prenantes nous permet de mieux comprendre les défis et attentes des patients, des professionnels
de santé, des décideurs, des ONG, des communautés et de nombreux autres acteurs. »
c) Implication des parties prenantes chez Sanofi au niveau local
Les filiales de Sanofi dans le monde développent aussi leurs propres initiatives vis-à-vis de
leurs parties prenantes locales. Créé fin 2011, le Comité de parties prenantes de Sanofi France,
qui se compose de 10 parties prenantes internes et de 20 externes, illustre bien cette démarche.
En 2014, il a abordé les thèmes suivants :
• politique de rémunération ;
• accès aux soins ;
31
• gestion de la pyramide des âges ;
• implication territoriale de Sanofi en France. Par ailleurs, les parties prenantes ont été invitées
à se prononcer sur deux questions :
• critères RSE à retenir pour l’évaluation de la performance ;
• eformation RSE.
Autre exemple : le comité de parties prenantes pour l’accès aux soins en Égypte. Plus de 65 %
des Égyptiens vivent dans la pauvreté et des conditions d’hygiène précaires, avec un accès
insuffisant aux soins et aux médicaments, surtout en zone rurale. Compte tenu des nombreux
enjeux de santé publique et des besoins croissants de ce pays, Sanofi Égypte a créé un organisme
de gouvernance RSE pour améliorer et structurer notre approche en matière d’accès aux soins.
Ce nouveau comité, au sein duquel siègent le Directeur Pays et les représentants des principales
fonctions de la filiale, collabore avec diverses parties prenantes externes (syndicats de
pharmaciens, associations de patients, organismes gouvernementaux, législateurs,
complémentaires de santé, ONG, leaders d’opinion, journalistes…) afin de mettre en place une
série de programmes. Sanofi est le seul groupe pharmaceutique présent en Égypte à avoir créé
un comité d’accès aux soins. Celui-ci continuera de se réunir régulièrement pour débattre des
futurs objectifs et projets RSE.
32
V.
Conclusion de la deuxième partie
Au terme de ce chapitre, nous pouvons donc penser qu’envisager l’organisation selon la théorie
des stakeholders favorise un dialogue avec les différents groupes sur lesquels l’organisation a
un impact. J’ai tenté de faire ressortir que cela peut mener à l’intégration de considérations
d’ordre éthique dans la prise de décision et dans les actions posées. Nous pouvons aussi
concevoir le développement d’une orientation éthique comme un phénomène dynamique, qui
peut se produire par l’interaction d’un ensemble de facteurs et de conditions que j’ai identifiés.
Nous pouvons enfin croire que ce processus de développement est évolutif, c’est-à-dire qu’il se
développe selon différents stades, que j’ai aussi tenté de dégager (le tableau 2.10 présente une
synthèse des différents modèles de développement ayant été présentés).
Le tableau 2.11 présente les différentes perspectives sur le développement moral de l’individu
et sur l’orientation éthique en organisation discutées dans ce chapitre.
Ce deuxième chapitre jette donc les bases théoriques de ma recherche. Il servira de canevas
pour la présentation des résultats d’entrevues (chapitre 4). Par la suite, au chapitre 5, il me
servira de cadre dans le but d’analyser les informations recueillies à la lumière de la théorie
33
TROISIEME PARTIE :
L’éthique dans un contexte organisationnel constitue un sujet de recherche de nature complexe
et interdisciplinaire. L’éthique est un sujet encore émergent dans le langage des organisations
et profondément dépendant du contexte de chacune d’entre elles. Enfin, l’éthique est un sujet
qui concerne d’abord et avant tout les êtres humains qui œuvrent dans ces organisations et les
relations qu’ils entretiennent entre eux.
En choisissant d’étudier le phénomène de l’éthique dans les organisations, j’ai voulu, au-delà
de chercher à établir une relation causale entre certaines variables, explorer ce processus dans
son ensemble, de ses premiers signes d’émergence à sa manifestation explicite. Je me suis donc
intéressé à comprendre comment les pratiques éthiques se développent au sein d’une
organisation.
Ainsi, dans le but de bien saisir dans leur ensemble les multiples dimensions indissociables qui
composent le développement des pratiques éthiques au sein d’une organisation, j’ai choisi
d’avoir recours à la méthode de recherche que certains auteurs appellent le « paradigme
naturaliste » pour réaliser mon étude. Les résultats de la partie « terrain » de ma recherche seront
présentés au chapitre 4. Mais d’abord, voyons la méthodologie qui a été utilisée afin d’y
parvenir.
A. Le paradigme naturaliste
Un paradigme constitue une façon de voir la réalité. Dans le cas de la présente recherche, où la
réalité est relativement complexe et où l’importance du contexte et des êtres humains impliqués
dans la situation est prédominante, il semble que les méthodes de recherche traditionnelles
reposant sur le paradigme positiviste ne permettent pas de rendre compte adéquatement de la
réalité étudiée.
Le paradigme naturaliste se veut donc une alternative au paradigme positiviste. Il s’en distingue
par ses cinq axiomes qui sont (1) de reconnaître le fait qu’il existe une multitude de réalités qui
ne peuvent s’étudier que de façon holistique; (2) d’accepter le fait qu’il existe une interaction
entre le chercheur et son sujet de recherche, qui sont en fait inséparables; (3) de viser décrire
des faits non généralisables (idiographiques) hautement dépendants des notions de contexte et
de temps; (4) de considérer les différentes variables comme ayant une influence simultanée et
mutuelle, et qu’il est donc impossible de distinguer causes et effets; et finalement, (5) d’accepter
le fait qu’une recherche est influencée par les valeurs ? Il faut donc accepter la prise de position
Lincoln et Guba, selon laquelle elle ne peut donc jamais n’être totalement objective. La figure
3.1 illustre le processus de la méthode de recherche naturaliste.
C’est dans cette perspective que j’ai réalisé ma recherche. Dans les sections qui suivent, je
tenterai par conséquent de mettre en relief les différentes caractéristiques de la méthode
naturaliste présentées dans la figure 3.1 telles qu’elles apparaissent dans mon processus de
recherche
B. L’étude de cas
Comme je l’ai mentionné précédemment, le phénomène qui m’intéresse ici se doit d’être étudié
dans son milieu naturel et d’être réalisé avec la participation d’êtres humains afin d’être
adéquatement compris. C’est pourquoi j’ai choisi d’avoir recours à la méthode de l’étude de
cas pour réaliser la partie terrain de ma recherche. Selon Yin (1994, p.13), l’étude de cas est
34
appropriée lorsque « le phénomène étudié ne peut se dissocier vraiment de son contexte [et
que…] l’emphase est mise sur un phénomène contemporain qui a lieu dans un contexte de vie
réelle ». L’étude de cas permet à la fois d’expliquer un phénomène trop complexe pour être
soumis à un sondage, de décrire et d’illustrer ce phénomène, de l’explorer et enfin, d’en réaliser
une méta-évaluation.
En impliquant un contact direct, une interaction avec les personnes impliquées et avec le milieu,
l’étude de cas permet aussi, comme le veut le paradigme naturaliste, d’avoir recours à des
connaissances tacites (ou connaissance expérientielle), c’est-à-dire de sentir certains faits ou
informations. Enfin, l’étude de cas favorise l’utilisation d’une approche qualitative de cueillette
de données, telle l’observation ou l’entrevue, facilitée par la présence physique du chercheur
dans le milieu étudié.
C. Le cas d’espèce
Dans le cadre de ma recherche, mon choix s’est porté sur Sanofi afin de démontrer comment
se traduit le management éthique dans une organisation reconnue comme ayant une politique
managériale éthique. Il est donc important à préciser que le sujet de recherche nécessitait de
faire référence à certains facteurs de dimensions du cas (origine, historique, culture, stratégie,
philosophie de gestion, vision individuelle des personnes rencontrées, contexte culturel, etc.),
mais aussi en raison du fait qu’un nouveau paradigme est essentiel dans le monde impitoyable
des affaires.
Sanofi a donc été choisi dans un but bien précis - étudier un des leaders reconnus en France en
matière d’éthique et de responsabilité sociale tel que le veut la méthode de recherche naturaliste
que j’ai choisie. Le but de cette recherche n’est pas de juger du caractère éthique des pratiques
de Sanofi, non ! Mais plutôt d’étudier leur développement en son sein. Un tel échantillon me
permettra par conséquent de prendre le caractère éthique des pratiques comme prémisse de
départ. En outre, cet échantillon permettra de dégager ce qui se fait de mieux en matière de
pratiques éthiques dans les organisations, tout en démontrant qu’il est possible et réaliste pour
une organisation de le faire.
Cette étude sera approfondie en détail dans la quatrième partie, où seront exposées les raisons
pour lesquelles Sanofi constitue un leader en management éthique.
1. Les sources de données
Je l’ai mentionné plus tôt, la méthode de recherche de type naturaliste favorise (même si elle
ne s’y limite pas) l’utilisation de méthodes qualitatives pour réaliser la cueillette de données. Si
elle implique obligatoirement de recueillir de l’information par le biais d’un contact direct avec
des humains, cette source peut être complémentée par nombre d’autres méthodes qualitatives
qui peuvent prendre plusieurs formes. À cet effet, Yin mentionne que l’étude de cas peut être
documentée par six sources d’information principales : les documents, les archives, les
entrevues, l’observation directe, l’observation-participante et les artéfacts.
En fait, toujours selon Yin, « une des plus grandes forces de la cueillette de données de l’étude
de cas constitue l’opportunité d’avoir recours à plusieurs sources de données différentes ».
Ainsi, en favorisant le recours à une variété de techniques d’investigation, l’étude de cas me
permettra de présenter mon sujet sous ses différents angles, et ce afin de générer un portrait
multidimensionnel, relativement complet et réaliste. Dans le cas présent, les données utilisées
proviennent de recherche documentaire, d’entrevues et d’observation.
35
2. La recherche documentaire
Le site Internet respectifs de Sanofi, les articles parus dans les journaux ou magazines à leur
sujet, les ouvrages écrits et les documents internes auxquels mes contacts ont eu l’amabilité de
me donner accès constituent le point de départ de ma recherche. Au niveau des documents
écrits, il est important de mentionner qu’ils m’ont permis de prendre connaissance en détail de
plusieurs des initiatives en matière d’éthique et de responsabilité sociale, et de comprendre de
façon plus approfondie sa philosophie, et ce, avant d’aller rencontrer les personnes participant
à ma recherche. Cela s’est avéré une excellente préparation pour les entrevues, tant pour
élaborer de façon adéquate ma grille d’entrevue, que pour établir un contact avec les personnes
rencontrées et bien saisir les informations transmises lors des entrevues.
3. Les entrevues
Les entrevues constituent le cœur de ma recherche. Ce sont elles qui m’ont permis d’aller audelà des documents écrits et des faits pour connaître les expériences personnelles et les
perceptions des personnes rencontrées pour ainsi rendre vivante l’information recueillie. Les
entrevues sont aussi vitales dans le cadre de ma recherche en raison du fait que, comme je l’ai
mentionné précédemment, l’éthique concerne d’abord et avant tout les humains et les relations
qu’ils entretiennent entre eux. Enfin, dans une perspective de recherche naturaliste et à l’instar
d’une démarche anthropologique ou sociologique, ce contact direct avec des humains afin de
recueillir de l’information s’avère essentiel.
Cette expérience s’est avérée riche d’information, et ce, à plusieurs niveaux. Tout d’abord, elle
m’a permis non seulement de recueillir des informations, mais d’entrer en relation avec les
personnes rencontrées. Un climat de confiance a d’abord pu être établi par des présentations
mutuelles : après avoir expliqué qui j’étais et en quoi consistait ma recherche, j’invitais les
personnes rencontrées à me parler de leurs fonctions et de leurs motivations à se joindre à leur
organisation. Il est aussi important de mentionner qu’avant de débuter chaque entrevue, je
spécifiais explicitement à mon interlocuteur que mon objectif n’était pas de juger du caractère
éthique (ou non) des activités de son organisation, mais bien de comprendre comment elles
s’étaient développées.
Par la suite, j’ai eu recours à des entrevues semi-directives, c’est-à-dire basées sur une grille
d’entrevue comportant trois thèmes et des questions relativement ouvertes et larges. Si cette
grille était inspirée des apports théoriques dont j’avais préalablement pris connaissance sur le
sujet, je l’ai entièrement élaborée moi-même. Ne visant pas à confirmer un modèle théorique
particulier, la grille d’entrevue permettait plutôt de faire émerger les aspects considérés comme
plus importants ou mieux connus des participants.
Plutôt que de prendre la forme d’une communication unidirectionnelle où j’aurais posé des
questions auxquelles l’interviewé aurait dû répondre, les entrevues ont pris la forme d’un
dialogue, c’est-à-dire un mélange de conversation et de questions. Les personnes rencontrées
arrivant parfois aux différents sujets par elles-mêmes, la formulation et l’ordre des questions
pouvaient ainsi varier. En raison de cette interaction avec les personnes que j’ai eu l’opportunité
de rencontrer, je les nommerai dans le présent document participants (et non pas simplement
répondants).
Les entrevues m’ont aussi permis de mieux comprendre les informations recueillies. En effet,
au-delà d’une simple cueillette de données, l’interaction de la rencontre a permis de bien
clarifier les questions et les informations partagées, ainsi que de leur donner un sens. Ayant
choisi d’adopter une perspective évolutive des pratiques éthiques en organisation, cette
36
interaction avec les participants s’est avérée particulièrement importante afin de parvenir à une
vision élargie du phénomène, et ce, en revisitant avec eux le passé, en interprétant le présent et
même en tentant de pressentir le futur (Lincoln & Guba, 1985). Ici, les connaissances tacites et
expérientielles dont parlent Lincoln & Guba dans le paradigme naturaliste ont largement
contribué à ce niveau de compréhension, niveau qui n’aurait pu être atteint sans les rencontres.
J’ajouterais pour terminer que le fait que la plupart des rencontres se soient déroulées dans les
lieux de travail des participants a aussi contribué à mieux comprendre le contexte de
l’information que ceux-ci ont partagé avec moi, ainsi qu’au climat de confiance qui s’est établi
entre nous.
4. Déroulement des entrevues
Sur la base d’une présentation détaillée de l’objectif de ma recherche faite à mes personnescontact dans chacune des entreprises, celles-ci m’ont suggéré les personnes à rencontrer. Toutes
les entrevues formelles ont été enregistrées sur l’enregistreur audio de mon téléphone, et les
participants ont signé un formulaire de consentement où ils précisaient s’ils souhaitaient que
leur nom soit mentionné ou non dans la recherche.
Il est important de préciser qu’un nombre plus grand d’entrevues a été réalisé afin de
compenser pour la quantité relativement restreinte de documentation écrite disponible sur
l’organisation.
5. Entrevues chez Sanofi
En tout, une dizaine d’entrevues ont été réalisées (voir la liste en annexe 1), et elles se sont
déroulées au siège de l’entreprise. Dans un premier temps, quatre entrevues ont eu lieu au
téléphone, où j’ai pu m’entretenir avec la directrice du service qualité ainsi que le coordonnateur
de la responsabilité sociale et environnementale. Ensuite, pour des entrevues individuelles
formelles d’une heure. À la demande de ma personne-contact, l’entrevue s’est déroulée en
groupe, sur une période d’un peu plus de deux heures. J’y ai aussi eu la chance de rencontrer
deux membres du personnel pour des entrevues individuelles d’une heure environ. D’autres
rencontres avec des personnes étaient aussi envisagées, mais en raison de difficultés majeures,
cela n’a malheureusement pas été possible. Il faut comprendre que l’accès aux informations est
très difficile.
6. Observation et visite du site
Avant ce mémoire, je ne connaissais Sanofi que de façon brève. Mais je savais dans quel
domaine s’inscrivait son activité économique. J’avais été en contact avec la philosophie, les
magasins et les produits de ces entreprises, ainsi qu’avec des clients et des gens y travaillant.
Lors de mon séjour, on m’a aussi fait visiter les lieux où ces gens travaillent. Ces visites m’ont
permis de m’imprégner de l’ambiance des lieux. Dans les trois cas, le style simple huppé et
sophistiqué des bâtiments, ainsi que les installations pensées de façon à respecter
l’environnement dégageaient une atmosphère très « écologique ». Les gens croisés, souriants,
plutôt paisibles, et vêtus dans un style très décontracté laissaient penser que l’ambiance de
travail était agréable. De plus, les aires de travail, de repas et de repos des employés, aménagés
d’une façon confortable, traduisaient un milieu de travail convivial.
37
En outre, par ma propre initiative, je me suis rendue dans certaines pharmacies que je n’avais
jamais eues l’occasion de visiter avant. Et j’ai constaté que l’ambiance de travail, l’attitude des
conseillers en vente reflètent une atmosphère traditionnelle de travail.
7. L’interprétation des données
L’interprétation des données est un processus (et non pas une étape) où la collecte de données
et leur analyse se font en fait de façon parallèle. Ainsi, l’analyse des informations avait débuté
dès mes tous premiers contacts avec le personnel de Sanofi
8. Traitement et discussion des données
L’analyse formelle des entrevues a cependant débuté tout de suite après les rencontres, avec
l’écoute et la retranscription mot à mot de chacune des entrevues. S’il s’est avéré long et
fastidieux, ce processus que j’ai entièrement réalisé moi-même a cependant été extrêmement
enrichissant pour ma compréhension et mon interprétation des informations recueillies. Il m’a
permis de saisir plusieurs détails qui revenaient constamment d’une entrevue à l’autre, et qui,
s’ils paraissaient mineurs dans chacune des entrevues, se sont révélés fondamentaux parce que
communs à l’ensemble des entrevues.
Selon Frederick Rey, chargé de cours au CNAM, l’analyse de données constitue l’aspect le plus
difficile d’une étude de cas. Il est donc nécessaire, pour traiter les informations récoltées dans
le cadre d’une étude de cas, d’avoir recours à une stratégie d’analyse appropriée. J’ai pour ma
part, opté pour la stratégie de description d’abord, avant d’interpréter les données. C’est ce qui,
dans une méthode de recherche naturaliste, s’appelle une analyse inductive. L’objectif étant de
laisser émerger les thèmes permettant de décrire le développement de l’orientation éthique, j’ai
procédé, à partir de l’ensemble des données, par trois regroupements successifs de catégories
émergentes, c’est-à-dire jusqu’à ce que j’obtienne les plus petites unités d’analyse qui se
dégageaient des informations recueillies.
Ainsi, dans un premier temps, j’ai fait ressortir des entrevues les thèmes principaux qui
ressortaient des données. Si les trois grands thèmes de mon guide d’entrevue s’y retrouvaient,
plusieurs autres s’y sont ajoutés portant à plus d’une dizaine les thèmes principaux pour chacun
des cas. Dans un deuxième temps, j’ai identifié pour chacun des participants les informations
partagées sur chacun de ces thèmes. Dans un troisième temps, j’ai regroupé les informations
convergentes par sous-thèmes, indépendamment de la personne ayant partagé cette information.
Au terme de ce processus, auquel on réfère dans la méthode naturaliste comme étant une
itération des données jusqu’à redondance des observations, j’ai été en mesure, d’identifier avec
précision les perceptions partagées par plusieurs participants (sous-thèmes) ainsi que celles qui
se démarquaient et d’expliquer pourquoi. Cela m’a permis de reconstituer en quoi consistait
l’orientation éthique chez Sanofi, ainsi que les facteurs qui avaient favorisé ou empêché son
développement. J’ai dans un quatrième temps adopté une perspective chronologique afin de
reconstituer l’historique de cette orientation. Vous retrouverez cette structure détaillée dans la
prochaine partie de cet exercice de recherche.
Une fois rédigés, ces résultats ont été soumis aux participants pour qu’ils puissent les
commenter, les compléter ou les corriger le cas échéant, et finalement les approuver. J’ai donc
contacté chacun des participants afin de vérifier l’exactitude des citations qui leur étaient
38
attribuées. Ma personne-contact a assuré la révision du cas dans son intégralité ainsi que fourni
les informations manquantes. Cette étape, qui correspond aux résultats négociés de la méthode
de recherche naturaliste, m’a permis de vérifier que les informations sur lesquelles j’allais baser
mon interprétation reflétaient adéquatement la réalité des participants.
L’émergence de cette structure, qui n’était pas dictée par la grille d’entrevue, m’a amenée à
ajuster mon cadre d’analyse en fonction des résultats obtenus, pour ainsi être en mesure de
mieux comprendre la réalité telle qu’elle se présente. Ceci a permis à une théorie d’émerger des
données recueillies, que j’ai par la suite pu comparer à mon cadre d’analyse sur le sujet. Sans
chercher à confirmer ou à infirmer la théorie, la discussion des résultats a plutôt pour objectif
de dégager et d’approfondir mes données recueillies dans le but d’enrichir et de nuancer la
théorie déjà existante sur le sujet. La discussion de ces résultats est présentée à la fin de la
quatrième partie.
Il est important de souligner que ma recherche ne vise pas à généraliser à l’ensemble du
domaine de la gestion les résultats obtenus, mais plutôt de permettre une compréhension
approfondie d’un phénomène dans un contexte et à un moment précis (interprétation
idiographique dans la méthode naturaliste). Ces résultats se veulent plutôt simplement une
inspiration pour toute personne intéressée à développer des pratiques éthiques au sein d’une
organisation. Comme le requiert la méthode naturaliste, la possibilité de leur application à un
autre contexte, que ce soit dans leur ensemble ou en partie, sera laissée au jugement du lecteur.
Pour ma part, cela me permet de contribuer à la moralisation de la sphère des affaires dans mon
pays d’origine.
39
D. Conclusion de la troisième partie
Depuis quelques années cette notion de management éthique, sujet novateur fait couler
beaucoup d’encres et de salives, en laissant un certain nombre de littératures, d’ouvrages
disponibles. On remarque cependant qu’une grande partie des recherches sont basées sur des
aspects bien précis du sujet, comme par exemple des analyses de codes d’éthiques, ou encore
sur les perceptions individuelles lors de dilemmes éthiques, recueillies par le biais de sondages.
Ces perspectives, si elles sont intéressantes, ne permettent pas à mon avis de saisir dans son
ensemble toute la complexité de l’éthique en tant que phénomène organisationnel.
J’ai donc choisi d’avoir recours à une méthodologie de type naturaliste afin de comprendre
comment se développent des pratiques éthiques dans les organisations. Cela comporte certes
des limites, mais elle reste dans ce genre de travail et au regard des difficultés d’accès de terrain,
la meilleure option pour mener à bien mon travail de recherche. Cette recherche, qui s’est
effectuée sur une période d’environ 7mois, a abouti à l’étude d’une organisation réputée comme
ayant des pratiques éthiques.
Dans la prochaine partie vous trouverez d’abord les résultats détaillés de mes recherches sur
Sanofi, qui seront suivis de la discussion que j’en fais, pour enfin terminer avec modestes
propositions en guise d’apport en faveur d’un monde plus éthique.
40
QUATRIEME PARTIE : LES RESULTATS
Dans cette partie de notre mémoire, je présente les données recueillies sur le terrain, avant leur
discussion). Suite à la justification du choix de l’entreprise, les données ont été organisées selon
les thèmes proposés dans le cadre d’analyse (deuxième partie). Un portrait actuel de
l’organisation, soit sa vision de l’éthique, et ce qui caractérise ses relations avec ses partiesprenantes, est d’abord dressé. Ensuite je traite de la dynamique de ce développement, en
identifiant les facteurs qui y ont contribué, depuis la fondation des entreprises aujourd’hui.
Enfin, en sections dans une perspective évolutive, les principaux changements qui caractérisent
le développement de l’orientation éthique de l’organisation depuis son origine sont présentés.
Quelques perspectives pour le futur terminent la présentation de chacune des études de cas.
Avant de débuter, il est important de noter que les deux entreprises étudiées ne parlent pas
explicitement d’ « éthique », mais plutôt de responsabilité sociale et environnementale chez
Sanofi. Nous verrons au chapitre 5 comment cela prend toutefois dans leurs pratiques la forme
de l’éthique telle qu’abordée dans cette recherche, c’est-à-dire dans une perspective dialogique,
ce qui rend pertinente l’étude. Tout au long de ce chapitre, afin de présenter un tableau
représentatif de la réalité de ces deux organisations, je respecterai par conséquent la
terminologie respective qui désigne leur orientation éthique.
A) Le management Sanofi : une force positive de changement
Les informations que je vais présenter ici proviennent des entrevues réalisées auprès de
gestionnaires et d’employés de Sanofi sur leur processus du management éthique, mais
également sur le site officiel www.sanofi.com ainsi que de ses trois rapports d’activité publiés
sur l’entreprise.
L’organisation
Le Groupe Sanofi se définit comme une entreprise mondiale des sciences de la vie engagée dans
l’amélioration de l’accès à la santé et l'accompagnement des personnes qu’elle sert tout au long
du continuum des soins. De la prévention au traitement, Sanofi transforme l’innovation
scientifique en solutions de santé, des vaccins à usage humain aux traitements contre les
maladies rares, la sclérose en plaques, le cancer, le diabète et les maladies auto-immunes,
infectieuses et cardiovasculaires, en passant par les produits de santé grand public. Sanofi et ses
plus de 100 000 collaborateurs s’emploient à faire une différence dans le quotidien des patients,
où qu’ils soient dans le monde, pour leur permettre de vivre en meilleure santé. »
Fondée à Paris le 20 août 2004 par Jean-François Dehecq et Jean-René Sautier, Sanofi est une
multinationale qui compte maintenant plus de 1,4 millions de membres et présente dans 100
pays environ. Sanofi constitue l’entreprise la plus importante de sa catégorie en France, social
de l’entreprise est situé à Paris même si elle détient plus de 30 sites de fabrication, y compris la
majorité de ses principaux sites, de même que plus de la moitié des sites de recherche et
développement sont également implantés en Europe occidentale. et on estime qu’elle détient
près de 25% du marché d’équipement de plein-air en France. Ses ventes, qui ont connu une
augmentation annuelle depuis la fondation de l’entreprise, atteindront en 2001 les 150 millions
de dollars canadiens. Enfin, en plus d’être un détaillant de vêtements et accessoires qu’elle
achète de plus de 900 fournisseurs,.
41
Motivation du choix de l’organisation
Si Sanofi est une organisation reconnue partout en France, en Europe et dans le monde pour ses
produits et ses apports à la santé, elle est aussi reconnue pour son rôle actif au sein de la
communauté. En effet, Sanofi fait figure d’exemple en matière d’éthique, notamment par son
implication en tant que membre actif de l’événement « Ethics in Action Awards » et en tant que
commanditaire du concept « Planet Mobilisation » (site internet et rapport) . Hormis
l’environnement, Sanofi évolue dans le processus de gestion de déchets « leader en matière de
commerce de détail environnementalement responsable ». Enfin, l’organisation se définit ellemême comme une coopérative socialement et environnementalement responsable »
Mais au-delà de ce succès, l’intérêt de cette entreprise dans le cadre de ma recherche constitue
la philosophie sur lequel il se déclare être fondé. Ainsi, selon le directeur général de
l’entreprise,, «Il est du rôle d’un leader tel que Sanofi de s’engager pleinement pour améliorer
et promouvoir l’accès à des soins de qualité. Concilier au quotidien l’innovation dans les
traitements et les services, l’engagement des collaborateurs et la préservation de
l’environnement conduit naturellement le Groupe à engager le dialogue avec ses parties
prenantes. Pour Sanofi, agir de façon éthique et responsable permet de dépasser les obligations
qui lui incombent et de mobiliser l’ensemble des collaborateurs pour protéger et favoriser
l’accès à la santé du plus grand nombre. Intégrée à notre stratégie organisationnelle, la
responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) est un vecteur d’innovation qui améliore par ailleurs
la gestion des risques et contribue pleinement aux objectifs du Groupe. ». En tout cas, les
rapports d’activités démontrent que l’éthique et la responsabilité sociale sont au cœur des
activités de l’entreprise.
De plus, l’entreprise est engagée dans de nombreuses initiatives formelles de responsabilité
sociale ou environnementale, notamment en effectuant régulièrement des audits éthiques auprès
de ses employés. Elle encourage également des décisions éthiques. C’est un des pionniers en la
matière et figure parmi les rares entreprises – bien que de plus en plus nombreuses – à effectuer
de tels audits. La qualité de ses produits est hautement appréciée en France et à l’international.
Et cela, malgré les différents scandales.
b) La vision éthique chez Sanofi
Officiellement, Sanofi se décrit comme leader mondial de la santé, adoptant une approche
éthique des affaires, ayant une responsabilité envers les communautés parmi lesquelles elle a
des activités, ainsi que comme une entreprise luttant pour le changement social et
environnement. Malgré la panoplie d’appellations du concept, l’expression “du profit avec des
principes” est celle qui fait partie du langage commun au sein de Sanofi et qui désigne
concrètement ce que l’on peut considérer comme l’éthique de l’entreprise.
Pour des raisons pratiques, j’utiliserai aléatoirement, tout au long de la présentation du cas de
Sanofi, les termes “principes”, « responsabilité sociale » et « éthique » en référence à ce qui
forme la philosophie de Sanofi et qui donne lieu à des pratiques éthiques de gestion.
Définitions
Dans ses rapports d’activité 2015/2016, des principes considérés comme une approche éthique
de la conduite des activités de l’entreprise, comportent trois niveaux. Au premier niveau, on
retrouve deux des valeurs fondamentales qui sont à la base de l’éthique, à savoir le respect de
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l’environnement et la transparence. Un deuxième niveau implique la transparence et le dialogue
avec les parties prenantes, qui sont des notions omniprésentes au sein de Sanofi. Enfin, au
troisième niveau, l’organisation s’implique dans son milieu social par le biais de campagnes de
sensibilisation qui constituent le catalyseur de la force positive de changement. Selon le
directeur : « C’est une démarche puissante, initiée de longue date, qui s’appuie sur une
méthodologie structurée, fondée sur des priorités et soutenue par des processus de contrôle et
de reporting rigoureux. Elle est portée par l’ensemble des collaborateurs, formés et mobilisés
pour obtenir des résultats concrets. Sanofi a par ailleurs, et ce depuis plusieurs années,
développé un ensemble de politiques responsables qui s’appuient sur le droit à la santé et
dépassent son cadre afin de garantir le respect des droits de l’homme dans tous les pays où le
Groupe conduit ses activités. Sanofi s’est engagé à respecter les dix principes du Pacte mondial
des Nations unies dans le domaine des droits de l’homme, des conditions de travail, de
l’environnement et de la lutte contre la corruption. Nous renouvelons cet engagement qui fait
partie intégrante de notre approche Responsabilité Sociétale de l’Entreprise. »
Plus loin, un employé précise d’ailleurs : « Notre stratégie Responsabilité Sociétale de
l’Entreprise s’articule autour de quatre grands axes. Même si nous accordons tout naturellement
une attention particulière à l’axe Patient, les trois autres volets de notre stratégie Responsabilité
Sociétale de l’Entreprise revêtent une importance primordiale pour nous.
• Patient, pour améliorer l’accès aux soins.
• Ethics, pour une conduite éthique et responsable.
• People, pour travailler ensemble.
• Planet, pour la préservation de l’environnement »
Sanofi, à ses débuts déjà, explore les façons de concrétiser son engagement social et
environnemental, malgré le fait que cela ne corresponde pas à la façon traditionnelle de faire
des affaires. Mais Sanofi a fait son petit bonhomme de chemin en se consacrant au fil des temps
au bien-être des personnes et des collectivités. « Sanofi place la responsabilité sociale de
l’entreprise au cœur de ses activités. Socle de notre stratégie Responsabilité Sociétale de
l’Entreprise, le respect fondamental des droits humains guide toutes nos actions en faveur des
patients, de l’éthique, de nos collaborateurs, des communautés locales et de l’environnement.
Quant à notre engagement à communiquer de façon transparente sur ces différentes questions,
il est pour nous tout aussi fondamental. » Nous offrons des produits de qualité qui tiennent
leurs promesses. Nous luttons pour les changements sociaux et environnementaux. Nos clients
et notre personnel nous tiennent à cœur. C'est ce qui nous rend unique. C'est ce en quoi nous
croyons fermement ".
« C’est parce que nous sommes attentifs à l’impact potentiel des substances médicamenteuses
sur l’environnement et sur la santé des populations que nous avons choisi d’agir concrètement
tout au long du cycle de vie de nos produits. Nous identifions, contrôlons, réduisons chaque
année nos rejets et nous contribuons à développer les connaissances scientifiques et l’éducation
des patients pour favoriser les bonnes pratiques. Pour contribuer à la préservation de
l’environnement, nous nous sommes également fixé des objectifs ambitieux de réduction de
nos émissions de CO2 et de notre consommation d’eau. Notre priorité pour la planète : limiter
l’impact des produits pharmaceutiques dans l’environnement. » selon Anne – Claire, une
technicienne de dépollution
Au-delà de ce que l’on retrouve dans les documents officiels de l’entreprise, les personnes
rencontrées ne partagent pas une vision claire de ce qu’est la responsabilité sociale au sein de
Sanofi. Ses principes reposent donc sur la façon dont on conçoit l’entreprise, c’est-à-dire dans
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une perspective holistique qui inclut les considérations sociales, environnementales et animales
plutôt que de considérer exclusivement sa dimension économique:
Les participants croient que Sanofi est d’abord et avant tout une entreprise et qu’elle doit donc
ultimement générer des profits, mais que ce faisant, elle a une responsabilité sociale à assumer:
Ce qui signifie que son processus de prise de décision doit permettre de minimiser les impacts
négatifs de ses activités et de maximiser les impacts positifs sur ses stakeholders. Il s’agit donc
d’effectuer des décisions éclairées et d’en prendre la responsabilité, et ce, du début à la fin du
processus de ses activités:
D’autre part, quand on parle de responsabilité sociale, on ne parle pas de simplement “redonner
à la communauté” en termes de ressources financières, mais d’entretenir une relation avec
toutes les parties prenantes qui supportent l’entreprise. « Sanofi place la responsabilité sociale
de l’entreprise au cœur de ses activités. Socle de notre stratégie RSE, le respect fondamental
des droits humains guide toutes nos actions en faveur des patients, de l’éthique, de nos
collaborateurs, des communautés locales et de l’environnement. Quant à notre engagement à
communiquer de façon transparente sur ces différentes questions, il est pour nous tout aussi
fondamental. »
Enfin, puisque selon les personnes rencontrées, une part importante de ce que l’on peut appeler
la responsabilité sociale de l’entreprise se situe au niveau de l’intangible, les divers politiques
et programmes en la matière sont importants si l’on veut que de telles initiatives fonctionnent,
mais ils doivent être basés sur un réel engagement de la part de l’entreprise. L’éthique de Sanofi
repose donc sur des valeurs de respect, de transparence et de confiance mutuelle. Il faut donc
mentionner que si Sanofi en est arrivée là, c’est parce que ces notions qui, bien que difficilement
mesurables, semblent essentielles aux yeux de l’équipe managériale. Ces valeurs doivent non
seulement être des valeurs organisationnelles, mais il doit y avoir adéquation de celles-ci avec
les valeurs personnelles des individus au sein de l’organisation afin d’obtenir un engagement
réel de la part de l’ensemble de l’organisation:
c) Les responsabilité économique et sociale comme levier de performance
Rappelons que la responsabilité sociale de l’entreprise est une notion qui fait appel à une
expression américaine. Elle fait appel à 3 types de responsabilités. La responsabilité
économique, sociale et environnementale. Il s’agit de s’assurer que les décisions appliquées par
les managers d’une entreprise sont cohérentes avec la culture de cette entreprise. Donc pour
que s’inscrire dans une dynamique de management éthique, l’entreprise doit définir d’abord sa
culture propre d’entreprise, et veiller au respect des principes de cette culture, et sa mise en
application. L’entreprise rend des comptes aux parties prenantes : d’abord (actionnaires
(économiques) à ses collaborateurs (sociaux) à l’environnement (à la nature). Donc ses
décisions doivent être cohérentes à ses engagements dans ses 3 domaines. L’entreprise
responsable vise une double performance, cette économique, sociale et environnement. Cette
dernière approche fait référence à la responsabilité sociale de l’entreprise « RSE »
Le personnel de Sanofi croit qu’il est possible de fabriquer des produits de consommation,
d’être une entreprise profitable sur le plan économique, tout en le faisant de façon responsable
et en tenant compte de considérations sociales. En fait, comme l’exprime une des participantes,
ces deux aspects, soient la responsabilité économique et la responsabilité sociale, sont
nécessaires et bénéfiques, et ce, de façon réciproque: « C’est en fait donnant-donnant. Dans
bien des cas, nous ne pouvons avoir l’un sans l’autre, car ils vont main dans la main ».
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Toutes les personnes rencontrées sont d’avis que le succès économique constitue ce qui permet
à l’entreprise d’avoir les ressources nécessaires pour permettre des initiatives et des
programmes à caractère social et redonner à la communauté. D’autre part, ce souci des
considérations sociales (et non seulement des considérations économiques) crée un effet très
positif, tant à l’interne – rétention des employés, atmosphère de travail agréable, motivation et
productivité du personnel, confiance en leur compagnie - qu’à l’externe – confiance des
consommateurs soucieux de l’environnement ainsi que des questions d’approvisionnement -:
En matière de responsabilités légales, la loi représente pour Sanofi une obligation à respecter
qui, si elle constitue un repère, n’est pas toujours suffisante pour faire ce qui est « la bonne
chose à faire ». Cependant Sanofi parvient à dépasser cette obligation minimale fixées par la
loi. Elle parvient parfois même à anticiper sur des choses. Nombreuses de ses initiatives menées
par l’entreprise ne sont pas requises par la loi, comme par exemple les reformes responsables,
les audits environnementaux… Bref Sanofi pense que s’en tenir uniquement aux exigences
légales en matière environnementale ne serait pas suffisant pour « faire la bonne chose ».
d) Relation entre Sanofi et ses collaborateurs
Chez Sanofi, nous avons toujours cru que les affaires sont d’abord et avant tout une affaire de
relations humaines ». Comme on peut le constater sur son site Internet, l’entreprise met en avant
ses relations avec les parties prenantes, cette grande famille d’intérêts dans laquelle elle fait
évoluer ses activités.
Parmi alors ces types de parties prenantes, on peut préciser que Sanofi priorise ses clients
d’abord, les employés, les fournisseurs, les partenaires de l’entreprise, les organisations
communautaires, les organisations non gouvernementales (ONG), le gouvernement et
l’industrie dans laquelle elle tire l’essentiel de ses produits Sanofi.
Les clients :
Pour Sanofi, ses clients constituent son groupe de stakeholders majeur: Nous mettons beaucoup
d’emphase sur le service à la clientèle et c’est pourquoi nos clients constituent une énorme
préoccupation et qu’ils sont notre groupe de stakeholders majeur ». Leur opinion a une
importance capitale au sein de l’entreprise, à un point tel que selon une des participantes, « nos
produits appartiennent aux clients ». L’interaction avec les clients, elle se fait chaque jour sur
le plancher des boutiques, avec les conseillères en vente. Et il semble que le service accordé
dans les boutiques soit apprécié des clients puisque la compagnie a reçu plus d’un prix
soulignant la qualité de son service à la clientèle. Même malgré cela, l’entreprise vise toujours
à s’améliorer sur ce point:
La rétroaction des clients est aussi recueillie sur le site Internet, ainsi que par le retour des
consommateurs et de sondages menés par des firmes indépendantes, et ce, de façon régulière.
D’autre part, les clients sont invités à s’exprimer et ils sont écoutés, que ce soit au niveau du
service - comme l’a bien mentionné une pharmacienne, « dès que nous avons des mauvais
commentaires de clients, on les recueille et on les rencontre tout de suite »
Sur cette base, on tente d’élaborer des campagnes de sensibilisation qui correspondent aux
intérêts des clients et qui leur donneront l’opportunité d’y participer de façon active, par
exemple en les invitant à envoyer des cartes postales au premier ministre ou à signer des
pétitions pour faire valoir leurs convictions. On tente aussi de les inclure dans les résultats
atteints par ces campagnes, notamment en soulignant ce qu’ils ont accompli lorsque vient le
45
temps de faire le bilan de celles-ci. Ainsi Sanofi peut partager avec les clients les mesures
d’accompagnement
Les employés
Si les clients ont une importance primordiale pour Sanofi, les employés sont ceux qui assurent
le contact avec ces clients: « Ils sont les premiers à recevoir les commentaires de nos clients ».
Une grande responsabilisation des employés et leur inclusion lors de la prise de décision traduit
l’importance que ceux-ci ont aux yeux de l’entreprise. Tout d’abord, on s’assure que les
employés sélectionnés comprennent et partagent jusqu’à un certain point la philosophie de
l’entreprise:
On s’assure qu’elles ont la passion du service à la clientèle, qu’elles endossent les valeurs de
Sanofi, et quand on leur parle de faire du bénévolat, ça doit les allumer plus qu’autre chose ».
Ensuite, la culture de l’organisation encourage fortement la participation des employés à de
nombreuses décisions en leur donnant la possibilité et les moyens pour le faire. L’inclusion des
employés se fait beaucoup sur une base informelle, bien qu’il y ait des politiques écrites en ce
sens, comme l’explique une salariée : « une grande partie est informelle, mais il y a aussi des
processus de gestion bien intégrés». Il est intéressant de noter que le règlement intérieur est
élaboré sur la base des valeurs qui placent les droits humains des employés au centre de ses
préoccupations. Ce sont des valeurs qui guident leurs actions, ainsi que de processus visant à
assurer leur adhésion à leur engagement envers les valeurs », mais qu’il n’existe pas de code
d’éthique qui vise à baliser leurs comportements.
Participer à un large éventail de décisions, fait partie intégrante du travail au sein de Sanofi. Par
exemple, au niveau des magasins, la gestion est très participative et toutes les décisions sont
prises de concert avec les employées:
Des groupes de travail sont formés dans les pharmacies et autres boutiques pour faciliter la
participation active de tous. Il y a beaucoup de réunions et de rétroaction, et les employés sont
tenus au même niveau d’information afin de mieux les outiller et les préparer à prendre des
décisions éclairées. D’après les personnes rencontrées, il doit en être ainsi car si les initiatives
ne viennent pas des employés et leur sont plutôt imposées, elles ne fonctionneront tout
simplement pas:
Nous avons toujours besoin de recevoir de l’interaction de la part de nos employés parce qu’ils
doivent se les approprier pour que ça fonctionne correctement ».
Enfin, les employés bénéficient de nombreuses formations, tant en ce qui a trait à leurs
compétences de travail que sur leurs compétences personnelles (par exemple sur le
développement personnel ou le leadership…)
Les fournisseurs et partenaires
La plupart des produits sont fabriqués en France, là où est fondée et installée l’entreprise. Cela
constitue forcément un avantage dans la collaboration. À l’origine, tous les produits étant
développés et fabriqués presque exclusivement par Mark Constantine, un herbaliste anglais qui
adhérait à la philosophie de l’entreprise. À cette époque, il était donc relativement facile de
contrôler la provenance des ingrédients et les conditions dans lesquelles les produits étaient
fabriqués Cependant, la croissance de l’entreprise a pris une envergure telle que le nombre de
46
fournisseurs a considérablement augmenté et que le processus de vérification des fournisseurs
est devenu plus formel. Ainsi, un département environnemental a été créé dès 1986 afin
d’assurer que les fournisseurs respectaient les critères environnementaux du Body Shop, ce qui
a donné lieu à des politiques d’éthique pour l’approvisionnement132. Un code de conduite
s’appliquant aux fournisseurs a aussi été élaboré
1 -la directrice financière – Inde, Virginie Mumbai : « Nos collaborateurs, présents dans plus
de 100 pays, sont les forces essentielles qui permettent à Sanofi de répondre aux enjeux de
santé publique et de nourrir les espoirs de chacun. C’est pourquoi nous mettons tout en
œuvre pour les préparer aux nouveaux défis de santé et développer leurs compétences
pour répondre aux enjeux auxquels Sanofi doit apporter des réponses. Pour Sanofi, la
diversité est un levier pour développer des solutions innovantes, et, ainsi, mieux répondre
aux besoins des patients et des parties prenantes. Notre priorité pour les collaborateurs
de Sanofi : le développement des compétences. »
2- « C’est parce que nous partageons cet espoir avec les patients et leur entourage que
nous multiplions les programmes d’accès aux soins dans le monde entier et que nous
renforçons notre présence dans les pays émergents. Nous cherchons constamment de
nouvelles solutions pour favoriser l’accès à la santé, que ce soit par nos produits et services
innovants dans de nombreux domaines thérapeutiques, mais également par la
commercialisation de médicaments génériques. Nous travaillons aussi à assurer la sécurité
des patients, améliorer la qualité à tous les niveaux du cycle de vie des produits et menons
une lutte soutenue contre la contrefaçon. » Eshaan à Pune en Inde, client atteint de diabète
« Nous savons que l’espoir d’une meilleure santé ne peut s’installer que dans une relation
de confiance avec les patients et les communautés locales des régions dans lesquelles nous
opérons. Nous nous devons donc d’appliquer les standards les plus élevés en matière
d’éthique, quel que soit le pays. La Recherche et Développement constitue une étape
primordiale de nos activités; nous concentrons nos efforts pour garantir aux patients
l’application des processus les plus rigoureux, notamment dans la conduite des essais
cliniques. Nos priorités en matière d’éthique : l’éthique en R&D et l’éthique des affaires.
le directeur adjoint des affaires industrielles
Il est à retenir in fine qu’au sein de Sanofi on parle plus souvent de responsabilité sociétale de
l’entreprise plus que du management éthique. Vous le remarquerez à travers les témoignages
susmentionnés. Vous remarquerez que cela est valable aussi bien dans les discours, les
communications que dans les documents officiels.
e)
Apport des politiques managériales sur la performance économique
Chez Sanofi, une approche de gestion par les valeurs a depuis toujours été préconisée. Dès le
tout début, l’implication d’un nombre important de groupes de parties prenantes et la
communication avec eux était au cœur des préoccupations de l’entreprise. Il ressort des
entrevues réalisées et de la documentation consultée que cette philosophie est largement
insufflée dans l’entreprise par la culture d’entreprise. Ainsi, la formalisation des nombreux
processus en matière d’initiatives basées sur les valeurs, qui font partie intégrante des pratiques
de l’entreprise depuis plusieurs années, vise à faire de l’éthique et de la responsabilité sociale
un aspect inhérent à l’organisation qui perdurera au fil du temps, indépendamment des
personnes qui en assurent le leadership. Selon le responsable : « La démarche RSE s’appuie sur
des politiques internes et des systèmes de management adaptés, qui nous permettent d’agir de
manière responsable et éthique. Nous mettons en œuvre des formations, des programmes de
47
surveillance, des contrôles qualité et des audits internes pour suivre la conformité de nos
activités et les améliorer en continu. Le tableau présente les systèmes de management pertinents
pour la démarche RSE. Ils couvrent sept activités déterminantes à la viabilité de nos activités. »
f) Stades de mise en place du processus de la responsabilité sociétale de l’entreprise
J’ai choisi de parler d’orientation éthique parce que cela met l’accent sur l’éthique en tant que
processus et sur le fait que celui-ci est continu, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de point culminant
ou de niveau ultime où l’on peut considérer l’organisation comme étant définitivement «
éthique». Dans cette perspective, il est par conséquent inapproprié d’identifier de simples
relations de cause à effet dans l’orientation éthique d’une organisation. Résultant plutôt de
l’interaction d’un certain nombre de facteurs déterminants, l’éthique se construit et s’oriente
chaque jour au sein d’une organisation.
Vous constaterez d’ailleurs qu’au-delà d’une simple stratégie, l’orientation éthique d’une
organisation se manifeste par étapes :D’abord par sa culture, et ensuite par le fait qu’elle est le
résultat d’une réflexion continuelle. Pour compléter notre compréhension de l’orientation
éthique au sein d’une organisation, il est maintenant nécessaire de l’envisager dans une
perspective évolutive, à savoir d’où elle vient et ce vers quoi elle tend
La partie empirique de ma recherche ayant été peu portée sur les facteurs et conditions
favorisant l’orientation éthique, les éléments qui ont été recueillis constituent ceux qui
apparaissaient être les plus importants aux yeux des personnes rencontrées, ou encore ceux qui
se sont révélés être les plus significatifs pour moi d’un point de vue d’observateur. Ces facteurs
n’étant pas exhaustifs, une comparaison avec les facteurs relevés dans la littérature s’avère
inappropriée.
Je propose plutôt de relever dans un premier temps certaines différences quant à l’influence
accordée à certains facteurs et de traiter de ceux qui n’ont pas été mentionnés dans la littérature,
mais qui sont apparus importants dans la partie empirique de ma recherche. Dans un deuxième
temps, je traiterai de facteurs qui sont ressortis tant dans la littérature que dans ma recherche
empirique, et qui ont eu une influence particulièrement importante sur l’orientation éthique des
organisations étudiées, tant de façon effective que symbolique.
Dans le cas de Sanofi, la croissance a en même temps été insidieuse sur l’orientation éthique,
puisque si elle augmente les possibilités en termes d’initiatives, elle augmente aussi les enjeux
à considérer par l’entreprise. Ainsi, la croissance d’une entreprise augmente nécessairement le
nombre d’employés, de clients, de membres, de franchisés, de fournisseurs et de communautés
dans lesquelles elle a des activités, et par le fait même elle élargit l’étendue de stakeholders à
prendre en considération. Dès lors, l’entreprise fait face à un nombre croissant de demandes,
venant de groupes de stakeholders de plus en plus variés. Il apparaît en outre que plus la taille
d’une entreprise est importante, plus on considère que celle-ci a du pouvoir, et par conséquent
plus elle fera l’objet de surveillance publique. Ce passage du rapport d’activité 2015 en
témoigne éloquemment : « La Responsabilité Sociale de l’Entreprise est ancrée dans la
stratégie de Sanofi, centrée sur le patient au cœur de ses activités. Sanofi a pour ambition de
jouer un rôle plus large auprès des patients et de les aider à prendre en main leur santé grâce à
l’innovation et au développement de solutions centrées sur leurs besoins, tout en cherchant à
améliorer sa performance et à préserver ses positions de leader sur le marché pharmaceutique. »
Enfin, plus de formalisme et un plus grand nombre de stakeholders à prendre en considération,
à commencer par le nombre d’employés, change nécessairement la dynamique au sein de
l’organisation. En effet, cela signifie un plus grand nombre de visions différentes à coordonner.
48
En outre, le dialogue et l’engagement individuel en matière d’éthique, qui dans une entreprise
relativement petite ont lieu de façon informelle, peuvent risquer de perdre de leur authenticité
et par conséquent moins favoriser l’autonomie lorsqu’ils deviennent encadrés.
En effet, au-delà d’être directement influencée par la cohérence générale des paroles avec les
actions et décisions, l’orientation éthique semble profondément marquée par des actions ou
décisions précises qui s’avèrent particulièrement significatives parce qu’elles viennent
confirmer ou renforcer la position de l’organisation en matière d’éthique aux yeux des employés
et autres stakeholders. Ces actes ou décisions symboliques peuvent aller d’un geste informel à
une décision majeure ou une reconnaissance provenant de l’externe, mais leur influence est
toujours significative. .
Parlant de Sanofi, il va falloir retenir que l’évolution de l’orientation éthique s’est opérée sur
trois principaux stades. D’abord le stade originel, c’est-à-dire là où l’organisation a commencé
sa mutation en faveur d’une gestion plus juste et solidaire en impliquant davantage tous ses
collaborateurs. Ensuite elle a connu une phase transitionnelle, une phase de prise de consciences
à travers maints crises et scandales. Ces multiples scandales ont été déterminant pour la mise
en place d’une stratégie de responsabilité sociale et environnementale. C’est ce processus qui
permis finalement d’atteindre le stade actuel où Sanofi est publiquement reconnue comme étant
socialement et environnementalement responsable.
g) Evaluation de l‘orientation éthique en fonction de sa culture d’entreprise
Evaluer l’orientation éthique revient d’abord à répondre à la question initiale de ma recherche,
à savoir « comment se développent des pratiques éthiques au sein d’une organisation comme
Sanofi ? ». Je propose donc d’analyser les résultats de mes investigations à la lumière du cadre
d’analyse (partie 2).
Je traiterai d’abord de ce que signifie l’éthique au sein de ces organisations et en quoi cela
correspond à la perspective dans laquelle j’ai choisi d’envisager l’éthique dans le cadre de cette
recherche. Ensuite, je tenterai de dégager les facteurs et conditions qui s’avèrent déterminants
sur le développement d’une orientation éthique au sein d’une organisation. Enfin, à la lumière
de la synthèse des stades d’évolution de l’orientation éthique identifiés dans la littérature, je
présenterai l’évolution du phénomène pour développer une orientation éthique telle qu’ils sont
aujourd’hui considérés des leaders à ce niveau.
Dans ma première présentation de l’éthique, je l’ai abordée comme une réflexion sur les fins
des conduites humaines individuelles et collectives, visant à dégager quelles valeurs nous
partageons, et ce, afin de guider nos décisions d’agir à la lumière de ces valeurs. J’y ai
aussi spécifié que j’allais aborder l’éthique dans une perspective dialogique ou participative.
C’est-à-dire impliquant toutes les parties prenantes
Pour éviter de me limiter à une approche théorique spécifique (par exemple l’éthique des
affaires ou la responsabilité sociale), j’ai choisi de parler du phénomène étudié en termes très
larges en traitant d’« éthique organisationnelle », recherchant plus une correspondance dans les
pratiques que dans les termes. C’est ainsi qu’au sein des deux organisations étudiées, on ne
parle pas tant d’éthique que de responsabilité sociale et environnementale, de principes, ou
d’initiatives basées sur les valeurs. Or, leurs pratiques, elles, correspondent en plusieurs points
à la perspective dialogique de l’éthique telle qu’envisagée ici. Je ferai donc référence à cette
dimension des organisations étudiées en parlant de leur orientation éthique, puisque je souhaite
aller au-delà des différences terminologiques et m’intéresser aux pratiques concrètes.
49
-
L’approche dialogique et participative existe-t-elle dans la pratique ?
Dans les pratiques, parler de l’orientation éthique d’une organisation implique d’adopter une
perspective dialogique (plutôt que déontologique ou moraliste) qui reconnaisse à la fois la
dimension individuelle et la dimension collective de l’éthique, comme j’ai tenté de le faire
ressortir dans les deux premières parties. Bien que la présente recherche porte plus
spécifiquement sur la dimension participative de l’éthique au sein d’une organisation, on
reconnaît simultanément sa dimension individuelle.
Les résultats permettent d’affirmer avec force, vous le constaterez aisément, qu’au sein de
Sanofi, cette orientation éthique se concrétise principalement à seulement trois niveaux: (1)
dans une façon holistique de concevoir l’organisation et ses responsabilités, (2) dans un
dialogue sur les valeurs partagées et les fins de l’organisation, (3) dans une gestion par
stakeholders,
Je voudrais préciser donc que je n’ai pas eu la certitude ou la manifestation d’un engagement
individuel au niveau des employés, alors que cela constitue le cinquième degré de l’orientation
éthique au sein d’une organisation. Aussi, il faut préciser qu’au regard des multiples scandales,
Sanofi peine à poser des actes concrets véritables. Ce qui revient à préciser que Sanofi a des
améliorations à faire, surtout au niveau de l’implication et de la conscientisation de ses
employés.
Il se dégage de ce mémoire une grande diversité entre le langage et la pratique au sein
l’organisation étudiée, c’est que l’approche en matière d’éthique relève moins d’une adaptation
d’un concept théorique à un contexte donné, que d’une réelle appropriation de la notion
d’éthique. Le fait de parler de responsabilité sociétale de l’entreprise en est une bonne
illustration : cela reflète ce que signifie l’éthique au sein de Sanofi, tout en correspondant, dans
les pratiques, à l’éthique dans une perspective dialogique. Le travail fait ressortir la
inconformité entre la définition de l’éthique retenue dans le cadre de cette recherche et la
signification de l’éthique au sein de Sanofi, même s’il faut reconnaître que le cap adopté est
bon. Ce qui pose la problématique des limites à l’éthique.
h) les limites de la responsabilité sociétale de l’entreprise
L’objectif de ma recherche vise à comprendre comment l’éthique peut faire l’objet d’une réelle
réflexion et se concrétiser en actions au sein d’une organisation, au-delà d’une simple
conformité aux lois, aux normes, ou à des valeurs imposées. Jusqu’à maintenant, nous avons
pu constater que pour qu’une telle démarche puisse avoir lieu, l’organisation doit
nécessairement être envisagée comme faisant partie d’un système plus englobant, ainsi qu’être
considérée comme une culture en soi, celle-ci favorisant l’autonomie de ses membres. Une
réelle réflexion sur l’éthique pourra difficilement émerger si l’on considère l’organisation
comme un système fermé, n’ayant pas de lien avec l’environnement dans lequel elle évolue. De
même, dans une perspective où la culture organisationnelle est prise comme un élément pouvant
être manipulé pour garder un contrôle sur les membres de l’organisation, cette réflexion ne
pourra avoir lieu.
Par cette approche, on soutient que l’éthique doit être internalisée, voire émerger de la culture
pour qu’une telle réflexion soit possible. Ainsi, la culture et la vision de l’organisation, plutôt
que d’être considérées au même titre que les autres aspects qui favorisent l’orientation éthique
(tel que le suggère la synthèse des stades de développement), constituent en fait le point de
départ de l’orientation éthique. Le développement suivant de cette orientation constitue un
processus d’apprentissage qui suppose du temps et des efforts considérables, et se traduit en
50
une solidification des pratiques éthiques et une vision de plus en plus compréhensive du
phénomène. C’est ce que soutient Dalla Costa (1998, p.30), qui suggère l’image d’un escalier
en colimaçon afin d’illustrer le développement d’une orientation éthique:
Les stades décrits ci-haut permettent d’illustrer de façon générale et approximative l’évolution
de l’orientation éthique au sein d’une organisation. Mais ce phénomène, dans sa complexité et
sa spécificité à chaque cas, est difficilement « catégorisable ». L’analyse qui vient d’être
présentée révèle en effet les limites de ces stades d’évolution à rendre compte de l’évolution de
l’orientation éthique d’une organisation en tant que processus (i.e. l’importance des aspects
intangibles tels le temps, l’aspect symbolique des actions et des paroles, l’apprentissage, le
dialogue ou les initiatives informelles).
Par ailleurs, il est à préciser que le fait que cette évolution constitue un processus, il s’avérait
plus approprié de procéder d’abord par l’identification des caractéristiques principales de ce
que l’on considère être l’orientation éthique au sein de l’organisation. Ainsi, dans le cas étudié,
l’orientation éthique se concrétise par (1) une façon holistique de concevoir l’organisation et
ses responsabilités, (2) par la présence d’un dialogue sur les valeurs partagées et les fins de
l’organisation et finalement, (3) par un management participatif inclusif des parties prenantes.
Ainsi, le développement de l’orientation éthique chez Sanofi n’a pas atteint encore un seuil de
satisfaction complète. Puisque l’étape d’engagement individuel n’est pas effectif. Ce qui est la
cause des différents scandales qu’elle connait ces derniers temps.
Il faut aussi mentionner le fait que certains observateurs croient que l’entreprise s’est
simplement labellisée pour bénéficier des aides sociales, mais que dans la pratique, rien ne
confirme cet engagement.
51
Conclusion de quatrième partie
Dans cette partie, j’ai d’abord présenté les résultats de mes recherches, défini la stratégie RSE
chez Sanofi et déterminé les conditions et les facteurs de mise en place du processus de
responsabilité sociétale de l’entreprise »… j’ai aussi discuté du cas de Sanofi à la lumière du
cadre d’analyse présenté dans la deuxième partie 2. Il en ressort dans un premier temps que
malgré le fait que ces deux organisations préfèrent utiliser les termes de « responsabilité sociale
et environnementale » ou de « gestion par les valeurs » plutôt que le mot « éthique », c’est dans
leurs pratiques que se vit l’éthique dans une perspective dialogique.
Dans un deuxième temps, on constate que si les facteurs qui favorisent l’orientation éthique
sont nombreux, deux conditions s’avèrent fondamentales pour qu’une telle orientation puisse
émerger et se développer : il s’agit de concevoir l’organisation à la fois comme une partie
intégrante de l’environnement dans lequel elle évolue et comme une culture en soi, celle-ci
favorisant l’autonomie.
Finalement, il apparaît que les stades d’évolution de l’orientation éthique relevés de la
littérature, s’ils permettent d’identifier les grandes étapes du développement de l’orientation
éthique en considérant celle-ci comme une série d’étapes plutôt qu’en tant que processus, ne
permettent pas d’en rendre compte dans toute sa profondeur et ses nuances. La cinquième et
dernière partie présente quelques réflexions qui pourraient permettre de considérer en tant que
processus le développement de l’orientation éthique au sein d’une organisation.
52
Vème Partie : Les limites de l’orientation perçues dans mon travail
Je rappelle que l’objectif fondamental de mon travail vise à comprendre comment l’éthique
peut faire l’objet d’une analyse profonde et que cela se manifeste de façon pratique au sein
d’une organisation, mais aussi si l’organisation en question, c’est -à -dire Sanofi au-delà d’une
simple communication, respecte cette pratique dont elle revendique si éloquemment. Jusqu’à
maintenant, nous avons pu constater que pour qu’une telle démarche puisse réussir,
l’organisation doit nécessairement être envisagée comme faisant partie d’un système élargi aux
parties prenantes, et être fondée sur une certaine philosophie, une culture. Une réelle réflexion
sur l’éthique pourra ainsi difficilement émerger si l’on considère l’organisation comme un
système fermé, n’ayant pas de lien avec l’environnement dans lequel elle évolue. De même,
dans une perspective où la culture organisationnelle est prise comme un élément pouvant être
manipulé pour garder un contrôle sur les membres de l’organisation, cette dynamique ne pourra
certainement pas aboutir. Il faut donc cette ouverture, cet élargissement de l’organisation
aboutissant à un système plus englobant.
Par conséquent, je propose que l’éthique naisse de l’intérieur, qu’elle soit internalisée, qu’elle
émerge de la culture d’entreprise pour qu’une telle réflexion soit possible. Ainsi, la culture et
la vision de l’organisation, plutôt que d’être considérées au même titre que les autres aspects
qui favorisent l’orientation éthique, constituent en fait le point de départ de l’orientation
éthique. Le développement progressif de cette orientation constitue un processus
d’apprentissage qui exige du temps et des efforts considérables, et se traduit en une
solidification des pratiques éthiques et une vision de plus en plus compréhensive du phénomène.
C’est ce que soutient Dalla Costa (1998, p.30), qui suggère l’image d’un escalier en colimaçon
afin d’illustrer le développement d’une orientation éthique:
a) L’orientation éthique : un processus
J’ai choisi de parler d’orientation éthique parce que cela met l’accent sur l’éthique en tant que
processus continu, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de point culminant ou de niveau ultime à partir
duquel l’on peut considérer l’organisation comme étant totalement « éthique». C’est un
processus continu. Il est donc aberrant dans une telle optique de se limiter à identifier de simples
relations de cause à effet dans l’orientation éthique d’une organisation. Alors que c’est un
phénomène qui résulte d’un certain ensemble de facteurs et de conditions favorables et
défavorables qui se poursuit, se confirme, se crée et s’oriente progressivement au sein d’une
organisation. Ce développement résulte en différents stades d’évolution de l’orientation éthique
qui font ressortir d’où ces organisations sont parties, les apprentissages par lesquels elles sont
passées, ainsi que ce vers quoi elles tendent en matière d’éthique. Ce que Dalla COSTA
explique par des métaphores telles l’escalier en colimaçon ou la toupie, elle y expose le
mouvement graduel et ascendant qui caractérise l’orientation éthique d’une organisation. C’est
un mouvement semblable que j’ai pu constater en retraçant l’évolution de l’orientation éthique
au fil du temps chez Sanofi. Il peut être illustré par une spirale qui débute par (1) l’adoption et
l’évolution progressive d’une culture éthique au sein de l’organisation, (2) d’une implication
croissante et continue des parties prenantes dans les centres de décisions de la base au sommet,
(3) de la matérialisation de cette culture en pratique quotidienne, de la formalisation croissante
des pratiques et initiatives en matière d’éthique, (4) de l’inclusion d’un nombre croissant de
groupes de stakeholders et (5) du développement de la vision de l’éthique des individus au sein
de l’organisation. Ce dernier point reste à vérifier, parce que mes recherches ne m’ont pas
permis de me rassurer effectivement au niveau des individus. Je l’ai déjà mentionné, c’est un
53
monde qui m’a été très peu accessible. Ce développement correspond à l’évolution des éléments
qui caractérisent l’orientation de l’éthique au sein de l’organisation.
➢ Adoption et Évolution de la culture d’éthique au sein de l’organisation
L’évolution de la façon dont une organisation considère l’éthique, aspect intangible du
phénomène étudié, s’avère relativement complexe à retracer de façon précise. D’une part, les
énoncés dans les documents écrits ne constituent qu’une partie de cette vision que l’organisation
a eue à un moment donné. D’autre part, afin d’être en mesure d’en retracer l’autre partie – celle
qui correspond à l’expérience elle-même – il faut avoir recours à la mémoire, faculté qui oublie
trop souvent.
Malgré cela, une tendance claire se dégage de l’information que j’ai pu recueillir à ce sujet: en
développant son orientation éthique, l’organisation aura tendance à passer graduellement d’une
vision où sa survie et sa croissance sont au centre de ses préoccupations, à un stade où les
considérations d’ordre autre qu’économique (ce qui ne les exclut pas pour autant), tels le bienêtre des gens et de l’environnement, acquièrent un poids grandissant lors de la prise de décision.
On peut ici faire un parallèle avec ce que certains scientifiques appellent le décroissement du
narcissisme, qui caractérise le développement moral tel que présenté par Kohlberg.
Il importe de mentionner que cela n’implique pas que les considérations éthiques soient niées
au tout début. Dans les organisations étudiées, les considérations éthiques y étaient déjà
présentes, mais par nécessité, ce sont les préoccupations d’ordre économique qui primaient. Il
est toutefois clair qu’avec le temps et l’exercice, comme le souligne Dalla Costa (1998, p.30),
on acquiert au sein de l’organisation une vision plus compréhensive de l’éthique. Ce faisant, les
objectifs économiques ne sont plus un objectif en soi, mais deviennent un moyen pour atteindre
d’autres objectifs - on vise par exemple la fiabilité chez Sanofi, ou même qu’ils soient à
caractère social, environnemental, etc
« L’ambition de Sanofi en termes de RSE s’appuie sur les nouvelles priorités de l’entreprise et
sur un processus de dialogue approfondi avec ses parties prenantes. Nous possédons une longue
expérience dans la réalisation d’analyses de matérialité qui ont été conduites selon une
méthodologie robuste conforme aux standards de développement durable, comme ceux de la
GRI-4. Ces analyses ont été réalisées dès 2010 dans le cadre d’un processus formel
d’engagement des parties prenantes, enrichi en 2013 par la sollicitation de plus de 100 parties
prenantes internes et externes, puis recentré en 2015 sur les questions environnementales. En
2016, nous avons également sollicité les membres de notre Comité international de parties
prenantes, composé de plus de 40 personnalités externes de différents pays, afin qu’ils puissent
mettre leurs multiples compétences et connaissances au service de l’actualisation de notre
feuille de route RSE. Quatre thèmes prioritaires et divers enjeux matériels ont été identifiés à
l’issue de ce processus et inscrits au programme de travail de la RSE de Sanofi pour les années
à venir : accès aux soins, fixation du prix des médicaments et innovation, éthique en R&D et
choix d’investissement, et empreinte territoriale de l’entreprise. Sanofi a également constitué
des groupes de travail internes, composés de représentants des GBUs et fonctions globales, afin
de définir les contours d’une vision commune des priorités RSE de l’entreprise. D’une manière
générale, cette démarche a permis de faire ressortir une nette convergence de vue entre les
parties prenantes internes et externes et une forte corrélation avec les enjeux les plus matériels
du secteur pharmaceutique identifiés par les agences de notation RSE. »
54
➢ Implication croissante avec les parties prenantes
Dès l’entame de cette recherche, j’ai mis l’accent sur l’aspect dialogique de l’éthique, c’est-àdire que l’implication des parties prenantes est une condition sine qua non de tout processus
d’orientation éthique. Quant à Sanofi, force est de reconnaître que ce dialogue permet de
dégager les valeurs partagées par les différentes parties prenantes, ainsi que de déterminer les
fins qui seront poursuivies par l’organisation. Cette démarche implique non seulement que
l’organisation exprime ses attentes (notamment envers ses employés et ses fournisseurs) et
assure la transparence en communiquant ses décisions et actions, mais aussi qu’elle écoute ce
que ses stakeholders attendent d’elle et pensent de la façon dont elle conduit ses activités.
Il a été également constaté que c’est qu’au fur et à mesure que l’organisation croît et que l’on
souhaite inclure dans ce dialogue un vaste nombre de parties prenantes, moins cette
communication à deux sens peut s’effectuer sur une base informelle. Ainsi, plus l’orientation
éthique de l’organisation se développe, plus il est devient facile d’impliquer les partenaires.
L’évolution de l’orientation éthique au sein d’une organisation se traduit par l’accroissement
de la capacité de dialogue avec les différents partenaires, que ce soit les communications
informelles, les sessions de formation, les comités, les projets conjoints…
Cet effet, l’audit, qu’il soit social, environnemental ou éthique, prend depuis quelques années
une importance croissante en ce qui concerne les initiatives en matière d’éthique. L’audit
représente un modèle à atteindre au sein des organisations étudiées, parce qu’il implique la mise
en place de processus de rétroaction et d’amélioration continue qui favorisent le dialogue à deux
sens (c’est-à-dire non seulement de l’organisation vers l’extérieur) en donnant l’opportunité
aux employés, aux fournisseurs, aux clients, à la communauté, etc. d’évaluer la performance de
l’entreprise et d’exprimer leurs attentes envers elle. On constate donc une forte tendance à
développer des processus qui favorisent la détermination de valeurs et objectifs qui soient
communs à ceux des groupes qu’elle affecte, contribuant largement au développement de son
orientation éthique par le fait même. Ce que précise dans ce passage, le responsable « Qualité »,
je cite : « L’engagement des parties prenantes repose sur un dialogue qui se nourrit de différents
points de vue et permet d’éclairer le processus décisionnel. La richesse de ces échanges favorise
l’apprentissage mutuel et la recherche de solutions communes. Sanofi sollicite ses parties
prenantes à des degrés différents – pour le suivi d’initiatives, pour mieux cibler ses messages,
ou encore pour recueillir leur avis. Le niveau d’engagement le plus abouti est celui de la
collaboration permettant la réalisation d’objectifs communs et la création de valeur. Notre
engagement avec les parties prenantes nous permet de mieux comprendre les défis et attentes
des patients, des professionnels de santé, des décideurs, des ONG, des communautés et de
nombreux autres acteurs. » Mis à par le dialogue, Sanofi met l’accent également sur la
transparence. A la page 10 du rapport, on peut lire : « Composante essentielle de notre démarche
RSE, la transparence est indispensable pour instaurer un climat de confiance avec nos parties
prenantes. L’Initiative Transparence de Sanofi est conçue pour préserver la transparence de nos
relations avec les professionnels de santé et les associations de patients, et pour faciliter l’accès
aux données de nos essais cliniques et aux publications qui s’y rapportent. »
Outre les relations nouées avec nos parties prenantes par le biais des activités déployées à
l’échelle du Groupe au niveau global, les filiales de Sanofi dans le monde développent aussi
leurs propres initiatives vis-à-vis de leurs parties prenantes locales.
-
Le Comité de parties prenantes de Sanofi France
Créé en 2012, le Comité de parties prenantes de Sanofi France est une tribune de concertation
permanente. Il se compose de près de 20 personnalités externes (universitaires, politiciens,
représentants d’ONG, d’associations de patients, professionnels de santé, représentants de
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fonds d’investissement socialement responsables et d’associations professionnelles). Cette
diversité apporte un savoir-faire et une expertise sur les quatre grands axes de notre RSE
(Patient, Ethics, People et Planet). Le comité compte également près de 15 cadres rattachés aux
principales activités et fonctions de Sanofi en France, dont la R&D, les Affaires Industrielles,
les Affaires Publiques, les Achats, la Communication, Sanofi Pasteur, Merial et Genzyme. Le
comité se penche sur un large éventail de questions, telles que la démarche de Sanofi en matière
d’éthique en R&D, les conflits d’intérêts potentiels avec les professionnels de santé ou les élus,
le rôle du Groupe dans l’amélioration de l’accès aux soins, les questions liées au travail chez
Sanofi France, la continuité de la chaîne d’approvisionnement, les produits pharmaceutiques
dans l’environnement, les politiques d’établissement des prix des médicaments, les politiques
en matière de rémunération et les achats responsables. Il est présidé par le Senior Vice-Président
RSE, Gilles Lhernould, et se réunit deux fois par an pendant une journée complète afin de se
pencher sur les questions soulevées par nos parties prenantes. Selon la complexité des thèmes
étudiés, des ateliers d’une demi-journée peuvent être organisés sur certains enjeux spécifiques
de la RSE et donner lieu à des interventions de conférenciers invités. En 2015, nous avons
organisé deux ateliers, l’un sur la défiance du public à l’égard de la vaccination et l’autre sur
l’innovation. Nous retiendrons donc que l’implication des parties prenantes et la transparence
sont les piliers de la stratégie RSE chez Sanofi : « L’éthique et la transparence sont au cœur de
la stratégie RSE de Sanofi ; elles définissent notre manière de travailler au quotidien et forment
le socle des relations que nous entretenons avec chacune de nos parties prenantes. Le respect
des droits humains dans l’exécution de nos activités s’inscrit dans notre démarche en matière
d’éthique et de transparence. Nous sommes en effet convaincus que les principes des droits
humains s’appliquent aux personnes, aux nations et par extension aux entreprises. Dans ce
contexte, nous avons évalué les risques liés aux droits humains. Pour concrétiser notre
engagement en la matière, Sanofi met en place et applique des règles très strictes, respectant le
cadre législatif du lieu d’exercice de ses activités. Nous avons également mis en place des
dispositifs de contrôle interne très rigoureux conçus pour éviter toute infraction à nos règles ou
politiques internes. Véritables leviers de création de valeur, ces mécanismes sont essentiels pour
préserver la confiance des patients, des actionnaires et des communautés, sauvegarder notre
image et notre réputation, et protéger nos collaborateurs. L’éthique et la transparence
s’appliquent également à notre engagement en faveur de la protection de la sécurité des patients,
de par de solides processus en termes de pharmacovigilance et d’épidémiologie, de qualité et
de lutte contre la contrefaçon. Les paragraphes qui suivent illustrent l’application de ces
principes à l’éthique des affaires, aux achats responsables, à l’éthique médicale et à la
bioéthique, à la transparence et à la sécurité des patients
➢ Limites à la formalisation des pratiques éthiques chez Sanofi
Il se dégage de mon travail que l’informalité caractérise l’émergence des initiatives
authentiques en matière d’éthique, qu’il soit question de dialogue, d’implication dans la
communauté ou de sélection des fournisseurs. Un peu comme c’est le cas pour la
communication, avant de formaliser quelque initiative que ce soit, il apparaît essentiel qu’elle
émerge d’elle-même, qu’elle soit « vécue » et fasse l’objet d’un engagement réel de la part des
individus au sein de l’organisation, comme l’exprime Polet (1999, p.233) : « fundamentally,
ethics is not said nor is it done. It is experienced ». C’est ce qu’on qualifie de processus de «
croissance organique » chez Sanofi. Et comme le souligne Dalla Costa (1998, p.30), c’est par
l’expérience que les pratiques et initiatives en matière d’éthique s’améliorent, se confirment,
bref, se formalisent.
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Sans enlever de leur valeur à ces initiatives, leur formalisation confirme leur importance et
permet de les imbriquer de façon permanente au sein de l’organisation. Cependant, loin de se
limiter à la rédaction d’un code d’éthique, cette formalisation inclut tant l’élaboration de
politiques, que la mise en place de processus de gestion. Cette démarche, en imbriquant dans
l’organisation les initiatives en matière d’éthique, est particulièrement importante afin d’en
assurer la continuité sans qu’elle ne dépende de la présence de certains individus en particulier.
Par ailleurs, c’est aussi cette institutionnalisation qui permet à l’entreprise d’évoluer en matière
d’orientation éthique, puisqu’elle confirme les acquis et laisse par la suite de la place afin que
d’autres initiatives émergent.
La formalisation des initiatives en matière d’éthique revêt aussi une dimension hautement
symbolique, en permettant de matérialiser l’engagement de l’organisation vis-à-vis ces
initiatives. Chez Sanofi, un département de responsabilité sociale et environnementale ainsi
que, dans chaque magasin, un poste de coordonnateur en la matière ont d’ailleurs été créés suite
à une demande formulée par des employés (semble-t-il) lors d’une consultation. Une employée
d’un des pharmacies que j’ai eu la chance de rencontrer a clairement exprimé l’importance
symbolique de ce geste de la part de l’organisation; selon elle, les initiatives en matière de
responsabilité sociale avaient toujours été encouragées, mais elles étaient auparavant moins
bien organisées et tombaient parfois à l’eau, alors que depuis qu’il y avait un coordonnateur,
elles étaient plus nombreuses et obtenaient plus de succès.
➢ Inclusion d’un nombre croissant de groupes de stakeholders
L’implication des parties prenantes est une des conditions sine qua non de l’orientation éthique
au sein d’une organisation. Chez Sanofi, nous l’avons remarqué, la principale qualité de sa
stratégie RSE est sa communication croissante avec les stakeholders. Cependant l’implication
à elle seule, ne peut efficacement porter que lorsqu’elle s’accompagne d’une politique
d’inclusion de ces parties prenantes. On le remarque d’ailleurs ! On voit que Sanofi, en
développant son orientation éthique, a eu tendance à être de plus en plus inclusives au fil du
temps. À l’origine, cette organisation avait mis une emphase quasi-exclusive sur ses partenaires
primaires (clients, membres, employés, franchisés) afin d’assurer sa survie. Par la suite, la
solidification de l’activité première de l’entreprise et l’accroissement de ressources disponibles
leur ont permis de dédier graduellement plus de temps et de ressources à un nombre plus
important de groupes de stakeholders. On parle ici des stakeholders dont la proximité physique
avec l’entreprise est moins grande, soient ceux tout au long de la chaîne de production, et ce
jusqu’aux employés et aux communautés de ses fournisseurs étrangers. On peut aussi penser
aux groupes de stakeholders ayant un lien moins apparent avec les activités commerciales de
l’entreprise, comme par exemple l’environnement, la communauté ou les groupes d’intérêt et
les organismes non-gouvernementaux (ONG). Ce mouvement d’inclusion croissante que j’ai
pu constater dans les organisations étudiées correspond à ce que Pauchant (2002) appelle «
l’étendue du système que l’on prend en considération, exprimée par la diversité des personnes
participant au dialogue ».
On observe chez Sanofi cette tendance à inclure un nombre croissant de partenaires organisés
en groupe. Et cette organisation s’opère de façon plus en plus variée et progressive. Si
l’entreprise avait, à ses débuts pris en considération des groupes de stakeholders les plus
proches, il a finalement abouti à des parties prenantes ayant des liens moins directs avec ses
activités commerciales, comme divers groupes d’intérêts et des ONG. Ce que traduit ce passage
du rapport d’activité 2014 : « Les filiales de Sanofi dans le monde développent aussi leurs
propres initiatives vis-à-vis de leurs parties prenantes locales. Créé fin 2011, le Comité de
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parties prenantes de Sanofi France, qui se compose de 10 parties prenantes internes et de 20
externes, illustre bien cette démarche. En 2014, il a abordé les thèmes suivants :
• politique de rémunération ;
• accès aux soins ;
• gestion de la pyramide des âges ;
• implication territoriale de Sanofi en France.
Par ailleurs, les parties prenantes ont été invitées à se prononcer
sur deux questions :
• critères RSE à retenir pour l’évaluation de la performance ;
• e-formation RSE.
Autre exemple : le comité de parties prenantes pour l’accès aux soins en Égypte. Plus de 65 %
des Égyptiens vivent dans la pauvreté et des conditions d’hygiène précaires, avec un accès
insuffisant aux soins et aux médicaments, surtout en zone rurale. Compte tenu des nombreux
enjeux de santé publique et des besoins croissants de ce pays, Sanofi Égypte a créé un organisme
de gouvernance RSE pour améliorer et structurer notre approche en matière d’accès aux soins.
Ce nouveau comité, au sein duquel siègent le Directeur Pays et les représentants des principales
fonctions de la filiale, collabore avec diverses parties prenantes externes (syndicats de
pharmaciens, associations de patients, organismes gouvernementaux, législateurs,
complémentaires de santé, ONG, leaders d’opinion, journalistes…) afin de mettre en place une
série de programmes. Sanofi est le seul groupe pharmaceutique présent en Égypte à avoir créé
un comité d’accès aux soins. Celuici continuera de se réunir régulièrement pour débattre des
futurs objectifs et projets RSE.»
Il est à retenir qu’une inclusion se fait graduellement, progressivement comme susmentionné.
Cela empêchera des effets pervers, tels que la dispersion des efforts et des résultats…
➢ Évolution de la vision de l’éthique des individus
Finalement, bien que ma recherche n’ait pas exploré de façon spécifique cet aspect, il n’en
demeure pas moins que l’évolution de la vision de l’éthique dont font preuve les individus au
sein de l’organisation est apparue comme un des éléments principaux du développement de
l’orientation éthique dans les deux cas étudiés. C’est la dernière étape d’un processus classique.
Comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises, en favorisant l’autonomie et le dialogue, la
culture permet aux individus d’influencer l’orientation éthique de l’organisation et son
développement. Il s’agit d’impliquer individuellement chaque travailleur au point que chacun
se retrouve au même niveau d’informations et d’implication.
Cette dynamique, qui s’apparente à une approche constructiviste, dans laquelle « les acteurs
d’une organisation sont souvent engagés dans la définition de nouveaux enjeux et de règles du
jeu » (Bouchiki, 1990, p.77), implique que les individus seront aussi à leur tour influencés par
l’organisation. C’est effectivement ce que j’ai pu constater chez Sanofi, où chacune des
personnes rencontrées connaissait la notion de responsabilité sociale de l’entreprise, et surtout
savait l’engagement de l’organisation dans la dynamique éthique ». Elles en avaient toutefois
l’intuition, puisque c’est en raison d’une adéquation entre les valeurs de l’organisation avec leur
valeurs personnelles que celles-ci ont choisi de travailler pour Sanofi (et à l’inverse la raison
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pour laquelle elles ont été choisies, le processus de sélection de l’organisation permettant de
recruter les personnes entre autres sur la base de leurs valeurs).
Pour chacune des personnes rencontrées, y compris les responsables de la responsabilité sociale
et environnementale, la vision de l’éthique et de la responsabilité sociale s’est ensuite
développée de façon parallèle à celle de l’organisation. On constate aujourd’hui chacun de ces
participants, qu’ils ont une vision claire de ce que sont l’éthique et la responsabilité sociale.
Cette vision est dans tous les cas très cohérente avec celle de l’organisation, notamment parce
que cette dernière est le résultat d’un dialogue organisationnel auquel ils ont participé.
Cependant, il faut aussi comprendre que malgré cette implication efficace de tous les employés,
ils ne partagent pas le même degré cette vision de l’éthique et de la responsabilité sociale.
Comme l’ont fait remarquer certains des participants, le fait que certaines personnes ne
considèrent pas l’éthique avec la même importance peut constituer un obstacle au
développement de l’orientation éthique dans l’organisation. Mais en même temps, en favorisant
l’interaction entre des personnes dont le développement moral correspond à ce que Kohlberg
décrit comme les niveaux préconventionnel, conventionnel et postconventionnel, le dialogue
qui a lieu au sein de l’organisation s’en trouve enrichi. Cette richesse dépend effectivement
selon Pauchant (2002) du « degré de profondeur des «niveaux de conscience» des
participant(e)s au dialogue ». Une telle interaction contribue au développement de chacun des
individus et se reflète en retour sur l’organisation.
Aussi, il est à préciser que le volontariat qui est la base de l’engagement éthique est en train de
devenir une obligation chez Sanofi. Parce qu’à partir du moment où un état d’esprit est imposé
à tous les employés, cela crée un certain malaise interne car cela va ainsi gommer cet aspect
volontaire, pourtant fondateur de la stratégie RSE. Tout comme tenter d’aller au-delà de la loi,
et ne récompenser que ceux qui dépassent ce cadre réglementaire me parait toutefois une
mauvaise idée.
J’ai pas pu constater, particulièrement au sein de Sanofi cette richesse du dialogue qui, la plus
part, donne lieu à un mouvement continuel entre les individus au sein de l’organisation, ou
encore les individus et l’organisation. Si chez certaines entités comme Emmaûs, les employés
sont là par pur bonheur, chez Sanofi , ils sont d’abord pour le profit. Cependant cela ne devrait
pas contester le fait que des efforts sont en train d’être consentis peut être pour contribuer à
l’évolution de l’orientation éthique en son ensemble. Or, le souci n’étant pas de favoriser un
développement qui soit bénéfique uniquement pour l’organisation, cette interaction est aussi et
ultimement enrichissante pour les individus qui la forment. On peut ainsi penser que la présence
d’organisations dont la culture donne lieu à une telle richesse de dialogue pourra avoir un effet
positif sur l’évolution future de la société.
Aussi, la RSE est aussi un phénomène contemporain banalement utilitariste. Les firmes y
investissent au terme de calculs stratégiques soupesant les coûts et les avantages des activités
de la RSE. Il est à regretter que certaines multinationales sont en passe d’être prises en otages
de politiques de communication. Car en voulant concilier la performance et l’image d’une entité
économique « responsable », les managers s’imposent une telle rigueur qui risque de créer un
malaise à l’interne. D’autres se contentent simplement de la bonne image sans pour autant
respecter les pratiques exigées par la norme.
Il faut donc retenir qu’à la lumière de ces faiblesses, Sanofi n’a pas été exempte des erreurs loin
de l’image parfaite que donne la multinationale de son orientation éthique. D’où les différents
scandales qui nous rappellent de temps à autre, les améliorations à faire. Nous nous sommes
penchés sur un des scandales qui a bouleversé Sanofi, pour corroborer plus pratiquement ma
théorie.
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❖ Scandale de la dengue
Il s’agit de l’affaire d’un vaccin anti-dengue, dengvaxia produit par les laboratoires Sanofi et
qui a fait des victimes à travers le monde, notamment aux Philippines. Mais l’histoire
commence en 2013 lorsque Sanofi décide de faire décimer 359 millions de doses au lieu de les
vendre moins cher, c’est-à-dire à perte. Mais qu’est-ce que la dengue ?
La dengue est cette maladie que l’on appelait la grippe tropicale. C’est une infection virale,
endémique dans la plupart des pays tropicaux. D’ordinaire, cette infection n’est pas gravissime,
provoquant fièvre, maux de tête, douleurs musculaires et articulaires, fatigues et nausées. Et la
guérison survient généralement en une semaine. Mais il existe des formes hémorragiques qui
se sont beaucoup multipliées ces dernières années, qui peuvent entraîner des syndromes de
choc, voire des décès. Comme ce fut le cas en Philippines, au Brésil et dans beaucoup d’autres
pays. C'est une maladie qui a progressé dans le monde de manière spectaculaire au cours des
cinquante dernières années et désormais, la moitié de la population mondiale y est exposée,
surtout dans les régions tropicales et subtropicales. Il s'agit de la dengue, une infection virale
transmise par les moustiques Aedes et infectant 390 millions de personnes par an. La maladie
est le plus souvent bénigne, mais des formes sévères et imprévisibles surviennent dans environ
1% des cas, plus souvent chez des enfants entrainant les décès. C’est contre cette dernière que
s’engage Sanofi en produisant la dengvaxia. Mais si le Dengvaxia apporte un effet protecteur
persistant contre la dengue aux individus déjà infectés par le passé. Pour les autres, à la suite de
la vaccination, davantage de cas sévères de dengue pourraient être observés en cas d’exposition
au virus», pointe l’étude réalisée pour Sanofi. Bref, en prévention primaire, le vaccin pouvait
être dangereux. Et de ce fait, la vaccination n’est plus recommandée aux personnes n’ayant
«aucun antécédent d’infection par le virus de la dengue»,Cela a aboutit à deux grands scandales
dont le premier survint en 2013 lorsque Sanofi décide de faire décimer 359 millions de doses
de vaccins parce qu’elle ne veut pas les vendre à perte aux pays qui n’avaient pas les moyens
se les faire. Ce fut un scandale dénoncé par l’actuel député de la France Insoumise, Fronçois
RUFFIN, en ces termes « Sur mon portable, un message de Jean-Louis, à la CGT du groupe
Sanofi. Ses infos étaient parcellaires. Mais voici, reconstituée, l’histoire d’un scandale sanitaire
:Après vingt ans de recherche et 1,5 milliard d’investissement, Sanofi produit dès fin 2013 un
vaccin contre la fièvre tropicale, le Dengvaxia, le seul qui existe alors dans le monde. Certes,
le produit n’est pas parfait : seuls trois des quatre types de dengue (qui touche 400 millions de
personnes chaque année) sont évités de manière satisfaisante. Mais il protège 93 % des vaccinés
contre sa forme hémorragique, qui tue 22 000 personnes par an, surtout des enfants. Pour 300
millions d’euros, le site de Neuville‑sur‑Saône, près de Lyon, dédié à la chimie, a été reconverti
pour produire le Dengvaxia (avec la perte de 500 emplois, au passage). Quant au prix de vente,
Sanofi promet une « politique juste à travers le monde et acceptable pour les autorités sanitaires
». En avril 2016, l’OMS le recommande donc dans les zones de pandémie. Le Mexique reçoit
les premières doses. Les Philippines vaccinent 500 000 enfants. Sauf que l’économie se casse
la gueule au Brésil, que la situation devient instable en Indonésie, bref, que le tiers‑monde est
mauvais payeur. Pour David Loew, directeur de Sanofi‑Pasteur (la filiale vaccin), une
conclusion s’imposait : « Nous voulons rééquilibrer nos efforts vers des vaccins ayant un champ
d’application géographique mondial »… « La direction nous annonce avec un certain cynisme
que 359 millions de doses vont être détruites mais que ce n’est pas grave, cela n’aura pas
d’impact financier, ça n’entrera pas dans les comptes. Les ‘‘doses non-provisionnées’’, ils
appellent ça. On s’est regardés, on leur a demandé de répéter, ils ont confirmé. On leur a dit que
ça concernait la santé, que ça pourrait quand même servir à soigner des gens qui en ont besoin
: il faut deux doses pour une vaccination complète. Mais ils avaient l’air de s’en foutre, des
malades. En fait, avec la dengue, ils ont fait un pari idiot : ‘‘Comme on est les premiers sur la
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dengue, on va pouvoir la vendre au prix qu’on veut.’’ Sauf qu’on s’adressait à des pays pauvres,
qui en plus ont connu des problèmes internes.
À partir de là, ils auraient pu donner ou céder les doses en trop à prix coûtant, car ça ne coûte
rien à produire, rien du tout. Ils auraient très bien pu vendre 200 millions de doses à 1 dollar.
Mais ils sont tombés dans une habitude malsaine de la pharmacie : détruire plutôt que donner,
par peur que les acheteurs n’attendent ensuite que le prix baisse.
En attendant, le site de Neuville ne tourne plus, il est à l’arrêt. On va produire un peu jusqu’à
la fin de l’année, et puis fini. Les doses sont stockées là, dans des gros sacs en plastique,
congelées. Même l’Inspection du travail ne savait pas que Neuville était à l’arrêt. On ne produira
plus de vaccin contre la dengue avant 2021, au mieux. D’ici là, on ne sait pas si on va se
retrouver au chômage technique, ou autre chose. » Mais de ce choix de détruire des centaines
de millions de doses, il n’y avait pas de compte-rendu officiel. Et la direction refusait de nous
répondre. Il a fallu ruser, un peu. Des habitants de la circonscription, qui travaillent sur le site
de Compiègne, sont inquiets, j’ai pleurniché à la direction du site de Neuville : est-ce que cette
histoire de dengue, ces 359 millions de doses détruites, ça risquait d’influer sur Sanofi et sur
leur emploi à eux ? » La direction décidera en coulisses de priver certains pays de ce produit.
Ce scandale a jeté l’opprobre sur le travail scientifique de Sanofi, a jeté un discrédit sur la
multinationale surtout quand on sait que Sanofi s’affiche partout comme étant une firme
« responsable ».
La deuxième phase du scandale encore plus important, est survenu en novembre 2017 lorsque
en Philippines, la dengvaxia a fait des victimes directes. En premier lieu, Sanofi va nier tout en
bloc avant de reconnaître plus tard après plusieurs pressions et de contre examens confirmant
effectivement que ce produit est à l’origine des décès. C’est ainsi que le gouvernement de
Philippines demande le remboursement des vaccins.
Cependant il est à retenir que ces scandales ne sont de nature à compromettre l’orientation
éthique de Sanofi, ni des efforts consentis dans ce sens. Il serait simplement judicieux de
préciser, cependant que des efforts restent à fournir pour pallier à de telles erreurs, ou pratiques
managériales.
b) Limites de la méthodologie et de la recherche
Avant de conclure cette partie, il importe de préciser les limites de la méthodologie utilisée ainsi
que les limites de la recherche dans son ensemble. Il sera également question d’exposer les
difficultés rencontrées sur le terrain.
▪ Limites de la méthodologie
Si j’ai eu recours à la méthode de recherche de l’étude de cas, c’est parce que celle-ci est une
méthode de recherche susceptible d’apporter une meilleure compréhension du phénomène
étudié. Cependant malgré ces multiples avantages, cette méthode comporte, comme toute
méthode de recherche, certaines limites. Or, plusieurs des limites qui apparaissent d’un point
de vue traditionnel ont été surmontées par le fait que dans la méthode de recherche naturaliste,
elles sont reconnues d’emblée et sont d’ailleurs remplacées par des critères d’exactitude
équivalents.
Ainsi, la crédibilité de ma recherche a été renforcée par la diversification des sources
d’information, c’est-à-dire le recours à différentes sources de données, tant formelles
61
qu’informelles. Cela m’a permis d’obtenir un certain nombre d’informations utiles à ma
démarche, même s’il faut reconnaître que beaucoup de données ont pu m’échapper, à cause de
la complexité du terrain. Certains comme Lincoln – Guba, me diront qu’aucune recherche n’est
exempte d’influences. Mais je répliquerai en disant cette triangulation de recueil d’informations
m’a permis d’assurer une certaine neutralité à ma recherche.
Le fait que la méthode d’analyse des données recueillies par le biais d’entrevues ne se présente
pas sous une forme particulière ou prédéterminée pose aussi certains défis méthodologiques
(Quivy & van Campenhoudt, 1988, p.186). En fait, dans une recherche naturaliste, l’analyse
des données est un processus où la collecte de données et l’analyse se font en fait de façon
parallèle. Dans le cadre de ma recherche, j’ai utilisé ce que Erlandson & al. (1997) nomment le
« processus interactif d’analyse de données » afin de m’assurer que les données recueillies
soient analysées de façon adéquate et ainsi assurer la cohérence de ma méthodologie de
recherche.
Enfin, le fait d’utiliser un échantillon de très petite taille et de le choisir selon des
caractéristiques spécifiques a pour conséquence de générer des résultats qui ne sont pas
généralisables à un ensemble, ce qui est aussi reconnu d’emblée. Cependant, le cas étudié fait
l’objet d’une description détaillée et profonde, ce qui assure la possibilité de transférer mes
résultats de recherche, c’est-à-dire de permettre au lecteur de juger si l’application à un autre
contexte est appropriée (Lincoln & Guba, 1985, p.316). Ainsi, ma recherche, sans avoir la
prétention d’être généralisable à l’ensemble du domaine de la gestion. apporte une connaissance
relativement approfondie du cas Sanofi, Je dis relativement, au regard des informations qui
m’ont été accessibles.
▪ Limites de la recherche
Si ces limites spécifiques à la méthodologie utilisée ont pu être surmontées par divers moyens,
des limites générales de recherche se sont présentées.
L’organisation étant basées en France, toutes les enquêtes, interviews, entrevues... se sont
déroulées en français, notre langue commune. Il faut aussi préciser les entrevues étaient toutes
enregistrées, cela m’avait d’ailleurs permis de saisir plus tard certaines informations ou nuances
qui m’avaient échappées au moment de l’entrevue.
Si ma recherche a été facilitée par l’avantage de la langue au niveau du recueil des informations,
elle a été par contre compliquée par l’accès aux données et aux personnes ressources, pouvant
me faciliter la rédaction du mémoire. Mais surtout pour l’intégralité des informations à
recueillir. Il en résulte que certains données ont pu m’échapper, que j’aurais du mal à combler.
Mais cela n’est pas de nature à décrédibiliser mon travail. J’ai dû mener d’autres enquêtes sur
des personnes extérieures, comme des pharmaciens, pour compléter mon travail. Tout de même,
cela reste l’un des principaux désagréments à ma recherche.
Une autre des limites de ma recherche réside dans le fait que je n’ai pas réussi à passer une
période raisonnable dans l’organisation étudiée. Il aurait été beaucoup plus intéressant
d’effectuer un stage de deux mois au minimum (comme je l’avais proposé d’ailleurs) pour ainsi
avoir l’occasion d’interviewer un plus grand nombre de personnes, voire même de faire de
l’observation-participante afin de mieux cerner le contexte organisationnel étudié. Or, l’étude
de cas requiert une participation significative de l’organisation en question et il est par
conséquent nécessaire de respecter ses contraintes.
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Ma recherche visant à saisir la dimension évolutive des pratiques éthiques en organisation, le
fait que les personnes rencontrées ne soient pas toutes employées de Sanofi, constitue aussi
une limite de ma recherche. En effet, bien que ceux-ci fassent partie de leur réseau d’affaires,
elle n’ont cependant pas accès à toutes les informations, elles ne maîtrisent pas la trajectoire
parcourue par l’entreprise. Il m’a fallu par exemple le recours à la documentation écrite, des
rapports d’activité.. pour atténuer ces lacunes, sans toutefois y pallier entièrement. Il en résulte
que ma recherche traduit surtout la situation actuelle de Sanofi, mais également son passé, ce
que j’ai tenté de prendre en considération lors de l’interprétation des résultats.
c) Défis et recherches futures
La perspective d’un travail continuel de réflexion et de dialogue, ainsi que d’un haut niveau
d’engagement envers l’éthique porte en elle des possibilités intéressantes tant en ce qui
concerne le succès de l’entreprise dans son ensemble (mesuré selon une variété de critères), que
pour l’accomplissement des personnes qui y participent, de près ou de loin. Mais il va sans dire
qu’une telle approche fait aussi face à de nombreux défis dans le domaine de la gestion. Devant
l’ampleur de la tâche, il semble beaucoup plus facile d’adopter le statu quo. Or, l’équipe
managériale de Sanofi démontre, à travers ses chiffres et son évolution, qu’il est possible de
concilier l’orientation éthique au sein d’une organisation et la rentabilité économique. Ce que
confirme ce passage de l’interview : « L’un des objectifs fondamentaux de Sanofi est de
promouvoir une culture tirée de la volonté d’agir avec éthique et de respecter les lois applicables
et les politiques de Sanofi dans l’ensemble de l’organisation. Soutenue par toutes les directions
de l’entreprise, la Direction Ethics & Business Integrity (E&BI) est la pierre angulaire de notre
démarche en matière d’éthique et contribue à la réalisation de nos objectifs opérationnels, tout
en veillant, au quotidien, à faire respecter et à promouvoir les valeurs d’éthique dans la conduite
de nos activités. »
On gagnerait donc dans les recherches futures à essayer de mieux maîtriser les conditions qui
favorisent l’émergence de pratiques éthiques au sein des organisations. Personnellement,
j’envisage de consacrer une thèse dans un bref futur à cette étude.
La confusion en ce qui a trait à ce qu’est l’éthique, constitue un autre défi auquel celle-ci fait
face dans l’univers de la gestion. J’ai tenté dans cette recherche de mettre en lumière les
distinctions entre une approche moraliste, déontologique et dialogique de l’éthique. Si les
organisations que j’ai connues, émergent toutes de cultures favorables au développement d’une
approche dialogique de l’éthique, Pourtant nombreuses organisations s’inscrivent dans une
perspective moraliste ou déontologique. Même si beaucoup de progrès ont été réalisés dans ce
sens, le chemin reste par contre long. D’où la nécessité d’une démarche future
Il serait par conséquent intéressant d’étudier des organisations dont la culture semble moins
favorable a priori au développement d’une éthique basée sur le dialogue, par exemple au sein
desquelles les actions et décisions sont guidées par la conformité (aux lois, normes ou valeurs
imposées par le groupe) plutôt que par un engagement véritable envers l’éthique. De telles
études permettraient de comprendre comment celles-ci pourraient éventuellement réussir à
effectuer une réelle réflexion sur l’éthique. Si plusieurs d’entre elles n’évolueront pas au-delà
d’une orientation légaliste, les parallèles effectués avec le modèle développemental de
Kohlberg suggèrent que le stade où prime la conformité au groupe, aux lois et aux normes
constitue une étape menant au stade où ce sont éventuellement des principes éthiques
transculturels qui guident les actions et les décisions. En ce sens, on note effectivement à l’heure
actuelle une tendance chez certaines organisations à passer d’une approche déontologique à une
63
approche basée sur les valeurs. Une telle transition gagnerait par conséquent à être étudiée dans
les recherches futures afin d’en gagner une meilleure compréhension.
Il convient aussi de mentionner qu’un des défis principaux de l’éthique dans le domaine de la
gestion constitue probablement le changement culturel graduel, mais profond qu’elle implique.
L’orientation éthique étant un processus, une philosophie de gestion en soi, elle ne produit pas
de résultat « mesurable » et n’est jamais « acquise ». Dans un univers qui ne valorise que ce qui
se calcule et qui est source de reconnaissance et de prestige, une telle approche revêt bien peu
d’attrait. Ainsi, constituant un engagement qui doit être renouvelé à chaque instant, celui-ci peut
être renforcé par certaines actions hautement symboliques. À l’opposé, certaines actions
peuvent mettre en péril le fruit d’un travail réalisé sur de nombreuses années. Raison pour
laquelle la prudence est recommandée dans nos recherches qui s’inscrivent dans le temps.
Peut-être serait-il ici pertinent que des recherches se penchent éventuellement sur ce qui rend
les individus sensibles à un engagement envers l’éthique. L’éclairage apporté par de telles
études permettrait de mieux intégrer, dans la formation des futurs gestionnaires, les
considérations éthiques afin que la valeur de celles-ci puisse être reconnue.
Enfin, l’objectif de cette recherche visait principalement à comprendre comment s’effectue le
développement de l’éthique au sein d’une organisation dans son ensemble. Or, il est ressorti
que ce développement est intimement lié au développement des individus qui la forment. Si j’ai
brièvement abordé comment cela s’est concrétisé chez Sanofi, il serait cependant nécessaire
d’effectuer des recherches traitant spécifiquement des répercussions qu’ont les organisations
qui favorisent le dialogue sur l’éthique sur le développement des individus qui en font partie.
De telles recherches permettraient de constater de façon concrète les effets et la pertinence de
telles pratiques de gestion sur les individus et la société.
64
d) Conclusion de partie
Envisager le développement de l’éthique au sein de l’organisation en tant que processus comme
celui que je viens de décrire comporte plusieurs implications pour les pratiques de gestion.
Ma recherche m’amène d’abord à penser que développer l’éthique dans une organisation amène
à revoir la conception et le rôle de l’organisation au sein de la société. J’ai eu l’occasion de
constater deux perspectives dans lesquelles cela peut être fait. Les managers de Sanofi, ont
voulu repenser l’organisation dans le système actuel afin que celle-ci devienne un moyen de
contribuer à parfaire le monde.
La perspective adoptée par Sanofi consiste à concilier l’éthique et la performance économique.
A travers elle, je vois déjà la possibilité d’un nouveau monde. Un autre paradigme différent de
celui où la société se pense exclusivement à partir de la sphère économique, comme c’est la cas
actuellement. Ainsi, au-delà de faire les choses différemment par sa structure coopérative, qui
y est « perçue comme une formule utile dans l’avènement d’une société plus juste et plus
humaine », Sanofi doit devenir une force positive de changement » en repensant l’organisation
et sa fonction et en reconsidérant la notion de consommation. Plutôt que d’inciter les gens à la
grande consommation, on devrait les encourager à faire des œuvres de charité, des mécanismes
de redistribution équitable des biens devraient être mises en place, faire du plein-air en leur
fournissant les moyens pour le faire, que ce soit en leur vendant des articles, en leur louant, ou
encore en leur permettant de s’échanger leurs articles usagés, et ce, en fonction de leurs besoins
réels. Quant à Sanofi, comme je l’ai mentionné déjà, des améliorations restent à faire dans ce
sens. Certes des efforts ont été réussis dans la dynamique de communication avec les
stakeholders, mais l’implication des individus au sein de la société reste encore réaliser, tout
comme, C’est de cette façon que Sanofi pourrait, je le pense, contribuer faire du monde un
endroit différent »
On remarque à l’étude des deux cas présentés qu’aucun impact financier précis n’a été
mentionné par les participants rencontrés, parce que la valeur de la démarche éthique ne
s’évalue pas, selon eux, en termes économiques. En effet, les résultats de cette recherche
démontrent qu’une orientation éthique ne constitue pas une stratégie que l’on applique ou un
ensemble de politiques que l’on élabore afin de procurer des résultats immédiats, que ce soit
d’encourager des comportements « plus éthiques » chez les individus qui composent
l’organisation, ou de générer des bénéfices en termes de réputation ou de revenu.
65
CONCLUSION
Plus qu’une simple mode ou plus qu’une utopie scientifique, l’éthique apparaît à l’heure
actuelle comme un impératif au sein des organisations. Dans cette perspective, l’éthique ne se
limite pas à la formulation d’une stratégie, ou à être un moyen pour mieux atteindre les objectifs
de rentabilité économique de l’entreprise. Elle s’inscrit plutôt dans une conception humaniste
de la gestion, où elle vise à donner à l’être humain une place centrale, pour permettre une «
réinscription de sens, une humanisation des techniques et des pratiques » (Legault, 1996b,
p.144). Une telle approche demande que l’éthique soit le fruit d’une réelle réflexion au sein
d’une organisation et elle amène à continuellement revoir les pratiques qui y ont cours.
Cette approche amène donc à considérer la dimension éthique comme intrinsèque à
l’organisation, puisque celle-ci n’est autre qu’une forme d’expression humaine, et qu’elle est
constituée d’abord et avant tout d’êtres humains qui cherchent à s’accomplir à travers elle. Ceci
implique de reconnaître la conscience morale des gens qui composent l’organisation. À cet
effet, les stades de développement moral de l’individu proposés par Kohlberg peuvent éclairer
notre compréhension de ce développement. Considérant le fait qu’il existe une dialectique entre
l’individu et l’organisation à partir de laquelle se construit l’éthique, ce que l’on a pu observer
dans le cadre des deux cas étudiés dans cette recherche, ces stades peuvent nous permettre de
mieux comprendre le développement de l’éthique en organisation. Il n’est toutefois pas possible
de faire une correspondance directe entre ces deux types de développement, qui présentent de
nombreuses distinctions. Or, le modèle de Kohlberg nous permet d’envisager de façon globale
le développement de l’orientation éthique en organisation comme le passage progressif d’une
approche narcissique et utilitariste à une approche moraliste et déontologique de l’éthique, et
ce, vers une perspective dialogique de l’éthique.
la lumière de la théorie de nombre d’auteurs, ainsi que de l’étude de l’organisation
publiquement reconnue pour sa pratique éthique, il apparaît que c’est dans cette perspective
dialogique que doit se penser l’éthique au sein des organisations afin de répondre aux attentes
de la société d’où émerge la demande éthique actuelle. On envisagera par conséquent l’éthique
comme une réflexion sur les valeurs et les fins des actions individuelles et collectives, qui passe
nécessairement par un dialogue auquel prend part chaque personne pour parvenir à l’élaboration
d’un sens commun au sein de l’organisation. De cette réflexion découleront des actions
concrètes, que ce soient des décisions, des pratiques, ou de simples façons de faire ou
d’interagir, qui seront empreintes de ce sens commun. L’objectif d’une telle approche n’est pas
de créer des « organisations éthiques » - c’est pourquoi j’ai plutôt utilisé l’expression orientation
éthique - car il n’existe pas de recette ou de mode d’emploi pour développer l’éthique au sein
d’une organisation. Bien au contraire, cette approche suggère que l’éthique est un processus qui
nécessite du temps, de l’engagement et de l’expérimentation. Cela suppose aussi que des erreurs
puissent être faites, mais qu’elles font partie de cet exercice d’apprentissage continue.
Se pose alors la question à savoir comment se développe une orientation éthique de façon
concrète au sein d’une organisation? C’est dans le but d’éclaircir cette problématique que j’ai
présenté dans ce mémoire l’étude des cas de Sanofi, une entreprise française qui reconnue au
pays comme engagée dans ce processus d’orientation éthique. Bien que cette entreprise parle
plutôt de responsabilité sociale de l’entreprise, sa pratique reste conforme à la voie participative
de l’éthique, comme annoncée plus haut.
J’ai eu l’opportunité de me rendre chez Sanofi à Paris afin d’y rencontrer quinze personnes,
impliquées de près ou de loin dans les initiatives en matière d’éthique. Il ressort d’abord des
entrevues que j’ai eues que certaines conditions favorables à une orientation éthique basée sur
le dialogue sont nécessaires à son émergence. Il apparaît ainsi que le point de départ pour
66
amorcer une démarche éthique constitue la culture. En effet, une orientation éthique pourra
émerger dans une culture où les critères pour effectuer les décisions et évaluer le rendement ne
se limitent pas à ceux de rentabilité, d’efficacité et de productivité, mais intègrent des
considérations plus larges, par exemple des critères d’ordre social ou environnemental. C’est
aussi dans une culture où l’on favorise l’autonomie (plutôt que l’autorité et le contrôle) et où
l’on retrouve une structure comportant peu de niveaux hiérarchiques, permettant ainsi la gestion
participative et la consultation, qu’une telle démarche pourra être amorcée. En outre, la
reconnaissance du lien étroit qui existe entre l’organisation et la société favorisera l’émergence
d’un dialogue non seulement à l’intérieur des limites physiques de l’entreprise, mais aussi dans
le cadre beaucoup plus large de la société dans laquelle elle évolue. La gestion par
stakeholders179, en favorisant la considération de toutes les parties affectant et affectées par
les activités de l’entreprise, permet de donner lieu à un tel dialogue.
Alors que ces conditions prévalaient lors de la fondation de notre cas d’espèce,
l’orientation éthique s’est par la suite considérablement développée au fil du temps. Afin de
rendre compte de ce développement tel que j’ai pu l’observer chez Sanofi, j’ai eu recours aux
stades de développement de l’orientation éthique proposés dans la littérature. La synthèse de
ces stades suggère que le développement de l’orientation éthique se caractérise par une
évolution au niveau de la vision de l’éthique, de la stratégie en la matière, de l’inclusion des
stakeholders, des critères de prises de décision, de l’impact des initiatives en matière d’éthique,
de la formalisation des politiques et processus, ainsi que de la culture au sein de l’organisation.
Ce développement passe principalement par quatre stades, allant de la négation de la
responsabilité sociale de l’entreprise à une attitude proactive en la matière. La synthèse de ces
modèles a permis d’identifier les principaux stades par lesquels avait évolué l’orientation
éthique de Sanofi. Or, en suggérant que le développement de l’orientation éthique comportait
des caractéristiques précises à atteindre en matière d’éthique, ces stades se sont aussi avérés
très limités afin de rendre compte du phénomène de l’orientation éthique en tant que processus
Il m’est apparu que pour respecter le fait que cette évolution constitue un processus, il s’avérait
plus approprié de procéder d’abord par l’identification des caractéristiques principales de ce
que l’on considère être l’orientation éthique au sein de l’organisation. Ainsi, dans les deux cas
étudiés, l’orientation éthique se concrétise par (1) une façon holistique de concevoir
l’organisation et ses responsabilités, (2) par la présence d’un dialogue sur les valeurs partagées
et les fins de l’organisation et finalement, (3) par un management participatif inclusif des parties
prenantes. Ainsi, le développement de l’orientation éthique chez Sanofi peut être mieux compris
en traçant le développement simultané et interdépendant de ces cinq dimensions au fil du temps.
Il ressort de mes démarches exploratoires que l’organisation évolue en matière de gestion
éthique, qu’elle intègre graduellement des critères de prise de décision ou d’évaluation du
processus de la responsabilité sociétale de l’entreprise, allant de la simple reconnaissance de
ses responsabilités, à une intégration plus globale.
De façon simultanée, le dialogue prend une place croissante au sein de l’organisation. D’une
simple communication informelle, celle-ci devient plus présente et évolue de façon
bidirectionnelle, c’est-à-dire non seulement pour communiquer les attentes de l’organisation,
mais aussi pour écouter celles des personnes et groupes qu’elle affecte. Cette communication
donne progressivement lieu à un véritable dialogue, qui implique des échanges sur les valeurs
de chacun, menant à une véritable création commune de sens entre les membres de
l’organisation.
Au fil du temps, ce dialogue a tendance à inclure un nombre de plus en plus important de
stakeholders, parce qu’ils sont affectés ou affectent les activités de l’entreprise. Incluant au
67
départ des groupes de stakeholders immédiats tels les actionnaires, les employés, les clients et
les fournisseurs, le dialogue intègre graduellement des groupes de stakeholders moins
directement impliqués dans l’aspect commercial des activités de l’entreprise, tels la
communauté dans laquelle évolue l’entreprise ou les groupes environnementaux, et ce,
jusqu’aux employés de ses fournisseurs étrangers et leur communauté, ainsi que les
organisations non-gouvernementales (ONG).
Toujours de façon simultanée à la place grandissante que prennent les considérations éthiques,
à un dialogue de plus en plus présent et à une étendue de plus en plus large de stakeholders
inclus, les actions concrètes en matière d’éthique se développent nécessairement et on assiste à
une formalisation croissante des pratiques éthiques. D’une forme relativement informelle, ces
actions (que ce soit des initiatives, des programmes, des politiques, des processus, etc.) ont
tendance à se formaliser lorsqu’elles conviennent aux besoins spécifiques de l’organisation et
de ses stakeholders et qu’elles deviennent partie intégrante de la culture.
Par contre, il faut préciser que développer l’orientation éthique d’une organisation ne se fait pas
facilement, et des défis comme la vision basée sur le court terme, la primauté de la rationalité
économique, le manque de reconnaissance du travailleur en tant que personne, la confusion en
ce qui a trait à ce qu’est l’éthique, mais profond qu’implique l’éthique ne sont que quelques
exemples parmi ceux qui devront être surmontés dans le domaine de la gestion.
Il faut également préciser que tout au long de ce développement, on note très peu d’ engagement
individuel de la part des salariés en matière d’éthique. Il y a souvent dès le départ une certaine
inadéquation entre les valeurs des individus et de l’organisation, et donc une certaine
discordance. Il faut également préciser qu’on a très mal à intégrer les informations chez Sanofi.
J’estime que l’entreprise pourrait faire un travail d’amélioration à ce niveau.
Il est à souligner que ces différents scandales sont liés à ce déficit d’engagement individuel, qui
est pourtant la cinquième étape du processus d’orientation éthique. Donc s’il est vrai que Sanofi
a effectué beaucoup de travaux en matière éthique, il est à signaler qu’il lui reste beaucoup à
améliorer. Le seul bémol, mes recherches ne m’ont pas permis de ressortir de façon pratique,
les défaillances liées à cette approche.
Enfin, la présente recherche a permis de ressortir les étapes franchies par Sanofi mais également
les luttes à venir.
68
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70
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L’impossible éthique des affaires/ Olivier VASSAL, février 2011 « Quand le
don de soi ne va plus de soi… Travailler et manager à l’ère de la globalisations » aux
éditions Pearson, collection Village
Performance et éthique : aporie fondatrice du management des
sentiments moraux, Robert Le Duff
• Vers un management public éthique et performant, Annie BARTOLI ?
Olivier KERAMIDAS, Fabrice LARAT 2009
• Fouchet (Robert), « Performance, service public et nouvelles approches
managériales », Revue politiques et Management public,
• Vaccination contre la dengue : Fiasco de Sanofi – Le Monde
•
Ethique du management et des ressources humaines, Sylvie CASTELLO
71
9. ANNEXES
•
La liste des personnes rencontrées
•
La liste des manuscrits issus de la recherche
•
Les rapports d’activité