Progrès en urologie (2018) 28, S131—S146
Disponible en ligne sur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
Recommandations françaises du Comité de
Cancérologie de l’AFU — Actualisation
2018—2020 : tumeurs du pénis
French ccAFU guidelines — Update 2018—2020: Penile cancer
P.-H. Savoie a,b,∗, A. Fléchon a,c, N. Morel-Journel a,d,
T. Murez a,e, L. Ferretti a,f, P. Camparo a,g,
L. Rocher a,h, P. Sèbe a,i, A. Méjean a,j
a
Comité de cancérologie de l’Association française d’urologie, groupe organes génitaux
externes, maison de l’urologie, 11, rue Viète, 75017 Paris, France
b
Service d’urologie, hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, BP 600, 83800 Toulon
cedex 09, France
c
Service d’oncologie médicale, centre Léon-Bérard, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, France
d
Service d’urologie, centre hospitalier Lyon Sud (Pierre Bénite), HCL groupement hospitalier
du Sud, 69495 Pierre Bénite cedex, France
e
Service d’urologie, CHRU de Montpellier, 371, Avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295
Montpellier cedex 5, France
f
Service d’urologie, MSP de Bordeaux-Bagatelle, 203, route de Toulouse, BP 50048, 33401
Talence cedex, France
g
Centre de pathologie, 51, rue de Jeanne-D’Arc, 80000 Amiens, France
h
Service de radiologie, HU Paris Sud, site Kremlin-Bicêtre, AP—HP, 94270 Le Kremlin-Bicêtre,
France
i
Service d’urologie, groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint Simon, 125, rue d’Avron,
75020 Paris, France
j
Service d’urologie, hôpital européen Georges-Pompidou, université Paris Descartes, AP—HP,
75015 Paris, France
Reçu le 6 août 2018 ; accepté le 8 août 2018
Disponible sur Internet le 22 octobre 2018
MOTS CLÉS
Cancer épidermoïde ;
Pénis ;
Résumé
Introduction. — L’objectif de cette publication est de proposer les recommandations du CCAFU
établies par le sous-groupe des organes génitaux externes pour le diagnostic, le traitement et
le suivi des tumeurs malignes du pénis.
∗ Auteur correspondant. Service de chirurgie urologique, hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, BP 600, 83800 Toulon cedex 09,
France.
Adresse e-mail :
[email protected] (P.-H. Savoie).
https://doi.org/10.1016/j.purol.2018.08.001
1166-7087/© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
S132
Adénopathie
inguinale ;
Pénectomie ;
Lymphadénectomie
KEYWORDS
Epidermoid
carcinoma;
Penile cancer;
Inguinal adenopathy;
Penectomy;
Lymphadenectomy
P.-H. Savoie et al.
Matériel et méthodes. — Le groupe de travail multidisciplinaire a mis à jour les recommandations de 2016—2018 en s’appuyant sur une analyse exhaustive de la littérature selon les critères
méthodologiques de la grille AGREE-II.
Résultats. — Le carcinome épidermoïde est la tumeur maligne du pénis la plus fréquente.
L’examen clinique permet le plus souvent d’apprécier l’extension locale de la tumeur, mais
une IRM (en érection pharmaco-induite) peut préciser son infiltration en profondeur. Une évaluation clinique de l’extension régionale est indispensable par la palpation bilatérale des aires
ganglionnaires inguinales. En l’absence d’adénopathie palpée, aucune imagerie ne peut écarter
les micrométastases (25 % des cas) rendant l’exploration lymphonodale invasive nécessaire si la
tumeur primitive présente un risque d’extension ganglionnaire (toutes les tumeurs sauf celles à
faible risque). Une recherche de ganglion sentinelle est recommandée en première intention.
Le curage bilatéral modifié, plus morbide, est la seule autre option. En cas d’adénopathie palpée, un bilan d’extension doit être réalisé, par une TEP-TDM au 18 F-FDG et à défaut par une
tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne. En cas d’adénopathie mobile (cN1/cN2), une
cytoponction à l’aiguille fine est recommandée comme aide à la confirmation pathologique.
Le traitement de la tumeur est le plus souvent chirurgical. Il doit être le plus conservateur
possible, avec un impératif de marges saines. Dans certains cas, une curiethérapie ou un traitement topique peut être proposé. La prise en charge thérapeutique des aires ganglionnaires
doit être systématique, si possible lors du traitement de la tumeur initiale. Seule la lymphadénectomie inguinale a un rôle curatif chez les patients ayant une atteinte d’un ganglion unique
(stade pN1). En cas d’extension ganglionnaire plus étendue, une prise en charge multimodale
avec chimiothérapie est recommandée (GETUG 25).
Conclusions. — Le traitement des cancers du pénis est essentiellement chirurgical plus ou moins
associé à une chimiothérapie en cas d’extension ganglionnaire. Le facteur pronostique principal
est l’atteinte ganglionnaire justifiant une prise en charge diagnostique et thérapeutique précoce
des aires inguinale.
© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary
Objective. — To update French oncology guidelines concerning penile cancer.
Methods. — Comprehensive Medline search between 2016 and 2018 upon diagnosis, treatment
and follow-up of testicular germ cell cancer to update 2016—2018 guidelines. Level of evidence
was evaluated according to AGREE-II.
Results. — Epidermoid carcinoma is the most common penile cancer histology. Physical examination is mandatory to define local and inguinal nodal cancer stage. MRI with artificial erection
can help to assess deep infiltration in cases of organ-sparing intention. Node negative patients
(defined by palpation and imaging) will present micro nodal metastases in up to 25% of cases.
Invasive lymph node assessment is thus advocated except for low risk patients. Sentinel node
dynamic biopsy is the first line technique. Modified bilateral inguinal lymphadenectomy is an
option with higher morbidity. 18-FDG-PET is recommended in patients with palpable nodes.
Chest, abdominal and pelvis computerized tomography is an option. Fine needle aspiration
(when positive) is an easy way to assess inguinal palpable node pathological involvement. Treatment is mostly surgical. Free margins status is essential, but it also has to be organ-sparing when
possible. Brachytherapy and topic agents can cure in selected cases. Lymph node assessment
should be synchronous to the removal of the tumour when possible. Limited inguinal lymph
node involvement (pN1 stage) can be cured with the only lymphadenectomy. In case of larger
lymph node stage, one should consider multidisciplinary treatment including chemotherapy and
inclusion in a trial.
Conclusions. — Penile cancer needs demanding surgery to be cured, surrounded by chemotherapy in node positive patients. Lymph nodes involvement is a major prognostic factor. Thus,
inguinal node assessment cannot be neglected.
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Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l’AFU
Préambule
Les grades des niveaux de preuve des recommandations sont
désormais symbolisés par un code couleur comme expliqué
ci-dessous :
S133
géant (tumeur de Buschke-Löwenstein) ou la maladie de
Paget extramammaire (adénocarcinome intra épithélial).
Leur prise en charge est l’exérèse chirurgicale exhaustive.
Un lichen scléro-atrophique, des condylomes vénériens
(sans PeIN) et une papulose bowenoïde sont des lésions à
risque, mais ne constituent pas de véritables lésions précancéreuses.
Prévention
La circoncision dans la période néonatale réduirait le risque
de cancer du pénis, mais pas de PeIN [3]. Par contre, la
circoncision à l’âge adulte n’est pas préventive.
Il n’y a chez l’homme aucune recommandation pour une
vaccination préventive anti-HPV.
Diagnostic pénien
Introduction
Sémiologie
Épidémiologie
Le symptôme le plus fréquent est une lésion indurée du
pénis, dans sa portion distale dans 95 % des cas : gland, prépuce, col du gland. Elle peut être cachée sous un phimosis,
et provoquer un écoulement évoquant une surinfection de la
lésion. L’interrogatoire cherche l’ancienneté de la lésion et
les troubles urinaires associés alors que l’examen clinique
s’attache à examiner l’aspect ulcéro-nécrotique ou bourgeonnant de la lésion, sa localisation et son extension locale
urétrale, caverneuse et périnéale. La sexualité sera évaluée
chez les patients candidats à un traitement conservateur.
Les tumeurs malignes du pénis sont rares. D’après les données de 16 registres français, sur la période 1989—2011,
l’incidence est stable [1]. Ce taux rapporté à la population mondiale serait de 0,59 pour 100 000. Tumeur rare
avant 55 ans, son incidence augmente significativement
après 75 ans.
Facteurs de risque
Les facteurs de risques des tumeurs malignes du pénis sont :
• une infection à HPV (Human Papilloma Virus : souches les
plus fréquentes HPV-16, HPV-6 et HPV-18), et notamment
les condylomes acuminés [2] ;
• un phimosis, la macération et le défaut d’hygiène (le
smegma n’est pas carcinogène) ;
• une inflammation chronique (balanoposthite, lichen
scléro-atrophique) ;
• un niveau socio-économique faible (population rurale à
risque), des partenaires sexuels multiples, un statut célibataire actif sexuellement, des premiers rapports sexuels
précoces ;
• le tabac ;
• la puvathérapie (et psoralène : substance photosensibilisante) indiquée dans certaines affections de la peau
comme le psoriasis.
Lésions précancéreuses
La lésion précancéreuse la plus fréquente est la néoplasie
intra-épithéliale (PeIN) [3]. Macroscopiquement différents,
le carcinome in situ, l’érythroplasie de Queyrat ou la maladie de Bowen du pénis, sont équivalents au PeIN3 (haut
grade) au niveau histologique. Leur prise en charge est
identique. Une association avec une infection par HPV
est quasi-systématique (70—100 %), en particulier dans les
formes intra épithéliales (PeIN) à différenciation basaloïdes
ou condylomateuses (warty).
D’autres lésions constituent des formes précancéreuses
ou cancéreuses préinvasives comme le condylome acuminé
Imagerie du pénis
Échographie
L’échographie n’est pas l’examen de référence dans le bilan
d’extension locale, mais peut aider à reconnaître une infiltration des corps caverneux [4].
IRM
L’IRM après érection pharmaco-induite est l’examen offrant
la meilleure sensibilité quant à l’extension locale, urétrale
ou caverneuse [5]. Elle est utile en cas de chirurgie conservatrice. La pose d’une antenne pelvienne est classique sur
le pénis en érection et décalotté.
Diagnostic anatomo-pathologique
Place de la biopsie
La biopsie permet d’obtenir un diagnostic de certitude.
La biopsie par « punch » est parfois utile sur les lésions
peu étendues. De l’analyse anatomo-pathologique dépend
la stratégie de traitement des aires ganglionnaires. Une
biopsie-exérèse est donc souvent préférée à une biopsie
millimétrique, car elle permet un diagnostic histologique
plus fiable et une meilleure analyse du stade (infiltration
du corps spongieux et présence d’emboles vasculaires et/ou
lymphatiques) [6].
Histologie
Le carcinome épidermoïde représente plus de 95 % des
tumeurs malignes du pénis [3]. D’autres formes encore plus
S134
rares existent comme les carcinomes pseudo-glandulaires,
pseudo-hyperplasiques et verruco-basaloïdes.
Des formes carcinomateuses mixtes existent comprenant
des contingents verruqueux, basaloïdes, papillaires ou sarcomatoïdes [7].
On retient 3 types de tumeurs [3] :
• bon pronostic : carcinome verruqueux (et son variant cuniculatum), carcinome papillaire ;
• pronostic intermédiaire : carcinomes épidermoïde mixtes
ou verruqueux étendu ;
• mauvais pronostic : carcinomes basaloïde, adénosquameux et sarcomatoïde.
Compte rendu anatomo-pathologique
Il doit obligatoirement préciser : le site de la tumeur primitive, son type et son sous-type histologique, son grade, la
profondeur de son infiltration, l’envahissement périneural
et lympho-vasculaire, l’atteinte éventuelle de l’urètre, des
corps spongieux et caverneux, ainsi que l’état des marges
chirurgicales. Il exige dorénavant son statut p16/HPV.
Le virus HPV n’est pas systématiquement associé au
carcinome épidermoïde du pénis. Il s’agit d’un possible
cofacteur de leur carcinogenèse plus fréquent dans certaines variantes histologiques. Par exemple, une forte
prévalence de l’infection par le HPV se retrouve dans les
formes basaloïdes (76 %) et condylomateuses (39 %) alors que
les formes verruqueuses et papillaires n’y sont pas associées.
Approximativement 1/3 des carcinomes épidermoïdes du
pénis présentent une association à une infection à HPV, (le
sous-type HPV 16 est le plus fréquemment observé). La survie spécifique à cinq ans serait significativement meilleure
pour les cas HPV-positifs (93 % vs 78 %) [8].
Il n’y a pas d’association entre l’incidence du cancer
du pénis et du cancer du col utérin, même si les deux
peuvent impliquer l’HPV. Les partenaires sexuels féminins
des patients atteints de cancer du pénis n’ont pas une incidence accrue de cancer du col de l’utérus [9].
Tumeurs rares du pénis
Le mélanome malin est à prendre en charge initialement
comme toute tumeur maligne du pénis.
Des tumeurs mésenchymateuses, des lymphomes ainsi
que différents types de sarcomes péniens ont aussi été rapportés.
Les métastases péniennes sont principalement le fait
d’un cancer prostatique ou colorectal.
Classification TNM
Le stade Tis correspond à une PeIN de haut grade (Tableau 1).
Le stade T1 est divisé en deux groupes de facteurs pronostiques, en fonction de l’invasion lympho-vasculaire et
du grade (pT1a : absence d’infiltration lympho-vasculaire
et grade 1—2 versus pT1b : présence d’invasion lymphovasculaire et/ou grade 3—4).
La localisation sur le prépuce est de bon pronostic avec
un risque faible de métastase ganglionnaire. L’invasion périneurale et l’invasion lympho-vasculaire sont des facteurs de
mauvais pronostic.
L’actualisation 2016 de la TNM a revu la division des
stades en fonction de l’atteinte du spongieux, du caverneux
ou de l’urètre [10].
P.-H. Savoie et al.
Le stade T2 représente l’atteinte du spongieux, avec ou
sans atteinte de l’urètre. La pathologie urétrale distale ou
méatique est de faible risque métastatique.
Le stade T3 représente l’atteinte du caverneux, avec ou
sans atteinte de l’urètre. L’atteinte proximale de l’urètre
était considérée de mauvais pronostic lorsqu’elle était
considérée isolée.
La rupture capsulaire d’un ganglion inguinal ou d’un ganglion fixé est un facteur pronostique péjoratif : stade pN3.
Groupes à risque de l’European Association of Urology [3]
Le pronostic des tumeurs du pénis dépend du risque de
diffusion ganglionnaire inguinale. L’EAU a proposé une stratification de ce risque en trois groupes selon l’analyse de la
tumeur primitive (stade T et grade de la tumeur primitive)
[10,11].
Les groupes à risque sont :
• les tumeurs à faible risque (≤pT1G1) ;
• les tumeurs de risque intermédiaire (pT1 G2) ;
• les tumeurs à haut risque (pT1G3, pT2-3 G1-3).
Le CCAFU a adopté cette répartition pour déterminer
la stratégie de l’exploration ganglionnaire. Seules les aires
ganglionnaires des tumeurs de faible risque peuvent être
d’emblée surveillées. Dès le stade pT1G2, il faut réaliser
une stadification lymphonodale invasive.
Diagnostic ganglionnaire et métastatique
Sémiologie
La présence d’adénopathie inguinale, premier relai de
diffusion métastatique de la tumeur primitive doit être
impérativement recherchée par la palpation. Les adénopathies peuvent être absentes (cN0), mobiles (cN1/cN2) ou
fixées (cN3). Dans certains cas, une surinfection avec fistulisation à la peau peut être le motif de consultation.
Examens paracliniques
Place de la cytoponction
La cytoponction à l’aiguille sous échographie n’a aucun intérêt chez les patients cN0.
Par contre, en cas de ganglion palpable, la cytoponction
à l’aiguille fine est un geste simple de réalisation en consultation et peu morbide. Elle doit être systématique si un
ganglion est palpé [12]. Elle n’a de valeur que si elle est positive et permet dans ce cas de gagner du temps en basculant
directement dans la prise en charge thérapeutique idoine
(la plus agressive : curages inguinaux bilatéraux, radical du
côté N+ et modifié du côté cN0 ou GETUG 25).
Une cytologie négative ne met pas fin à la phase diagnostique. Elle n’écarte pas un envahissement métastatique
ganglionnaire. Elle peut être éventuellement répétée une
fois sinon elle doit conduire à un curage modifié bilatéral
diagnostique. Ce dernier ne doit pas être différé par une
antibiothérapie probabiliste.
Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l’AFU
Tableau 1
S135
Classification TNM 2016.
T
Tumeur primitive
pTx
0
Tis
Ta
T1
T1a
T2
T3
T4
Renseignements insuffisants pour classer la tumeur primitive
Pas de signe de tumeur primitive
Carcinome in situ
Carcinome verruqueux non infiltrant
Tumeur envahissant le tissu conjonctif sous-épithélial
Tumeur envahissant le tissu conjonctif sous-épithélial sans invasion lympho-vasculaire ou périneurale à
l’exclusion du haut grade (grade 3 ou sarcomatoïde)
Tumeur envahissant le tissu conjonctif sous-épithélial avec invasion lympho-vasculaire ou périneurale ou de
haut grade (grade 3 ou sarcomatoïde)
Tumeur envahissant le corps spongieux avec ou sans invasion de l’urètre
Tumeur envahissant le corps caverneux avec ou sans invasion de l’urètre
Tumeur envahissant d’autres structures adjacentes
cN
Ganglions régionaux (clinique : palpation ou imagerie)
Nx
N0
N1
N2
N3
Renseignements insuffisants pour classer l’atteinte des ganglions lymphatiques régionaux (ganglions
inguinaux)
Pas de ganglion inguinal palpé
Palpation d’un seul ganglion unilatéral mobile
Palpation de ganglions multiples ou bilatéraux mobiles
Ganglions inguinaux fixés ou ganglions pelviens, unilatéraux ou bilatéraux
pN
Ganglions régionaux (pathologique : biopsie ou exérèse)
pNx
pN0
pN1
pN2
pN3
Renseignements insuffisants pour classer l’atteinte des ganglions lymphatiques régionaux (ganglions
inguinaux)
Pas d’atteinte ganglionnaire régionale
≤2 métastases ganglionnaires inguinales unilatérales sans extension extracapsulaire
>3 métastases ganglionnaires inguinales unilatérales ou attente bilatérale, sans extension extracapsulaire
Métastase ganglionnaire pelvienne, extension extracapsulaire
M
Métastases à distance
Mx
M0
M1
Renseignements insuffisants pour classer des métastases à distance
Pas de métastase à distance
Présence de métastases à distance
G
Grade histologique
Gx
G1
G2
G3
G4
Renseignements insuffisants pour classer le grade histologique
Bien différencié
Moyennement différencié
Faiblement différencié
Indifférencié
T1b
L’imagerie inguinale
En l’absence d’adénopathie inguinale palpée, aucun examen complémentaire n’est recommandé, car aucun n’est
suffisamment performant pour être indiscutable ; certains
peuvent être utiles, notamment chez les patients inexaminables.
asymétrie d’épaisseur, lobulations focales du cortex lymphatique ou disparition du hile.
Tomodensitométrie inguinale
Il n’y a pas d’intérêt au scanner chez les cN0, sauf si
l’examen est difficile (obésité, antécédents de chirurgie
inguinale).
Échographie inguinale
Imagerie par résonance magnétique
Une échographie du creux inguinal avec une sonde à
haute résolution (10 MHz) peut détecter des modifications
architecturales des ganglions : augmentation de volume,
Pour l’instant, l’IRM inguinale n’a pas d’intérêt dans le bilan
d’extension ganglionnaire des tumeurs du pénis. Elle n’a pas
prouvé de supériorité par rapport à la tomodensitométrie
S136
P.-H. Savoie et al.
dans la détection des adénopathies inguinales. Cet examen
a, cependant, l’avantage d’être non irradiant et peut être
intéressant, comme le scanner, en cas de palpation difficile
ou en présence d’adénopathies inguinales suspectes pour
rechercher un envahissement iliaque.
L’IRM avec nanoparticules ferromagnétiques lymphotropes, en cours d’évaluation, serait prometteuse pour la
détection non invasive de métastases ganglionnaires [3].
Tomographie par émission de positrons au 18F-FDG
Pour les stades cN0, elle n’est pas recommandée.
Pour les stades cN+, elle est souhaitable, si elle est
disponible, pour le bilan inguinal, car elle peut confirmer
le caractère suspect d’un ganglion et même mettre en
évidence l’hypermétabolisme d’un ganglion pourtant non
suspect au scanner ou à l’IRM. Sa sensibilité serait de
88 %—100 % et sa spécificité de 98—100 % pour confirmer la
présence d’une métastase en cas d’adénopathie inguinale
palpable [13,14].
Ganglion sentinelle inguinal
Le prélèvement du ganglion sentinelle, premier relais lymphatique avant diffusion au reste de l’aire de drainage, est
réalisé grâce à une injection péri-tumorale de Technetium
99 m la veille ou le jour de l’intervention (lymphoscintigraphie préopératoire) [15]. Une sonde de détection de rayons
gamma permet de retrouver le ganglion en peropératoire
dans 97 % des cas. La courbe d’apprentissage de la technique
est courte, et la sensibilité de 88 % [3]. Le prélèvement du
ganglion sentinelle permet d’éviter une lymphadénectomie
dans 76 % des cas sur une étude de 409 creux inguinaux
[16]. L’association d’une injection de bleu patenté permet
d’augmenter à 90 % la sensibilité de la technique [11,17]. Il
est possible de réaliser cette technique une fois la tumeur
primitive enlevée, avec semble-t-il une moins bonne sensibilité [18]. Si le ganglion sentinelle n’est pas visualisé
d’un côté, on peut répéter la procédure (86 % de succès) sinon un curage modifié est indispensable de ce côté
[19].
Traitement de la tumeur pénienne
Bilan d’extension pelvien et à distance
Inutile chez les cN0, il est indispensable chez les cN+.
En cas d’adénopathie palpable, la réalisation du 18F-FDG
PET-scanner est recommandé en première intention quand
il est disponible pour le bilan d’extension pelvien et à distance. Toutefois, les adénopathies <10 mm ne peuvent être
détectées par cet examen [20,21].
En option un scanner thoraco-abdomino-pelvien peut suffire à évaluer le statut pelvien et à distance (ganglions
rétropéritonéaux et distants, lésions viscérales). En option,
l’IRM est un bon examen pour repérer les adénopathies
pelviennes, mais doit être complétée par une imagerie
thoraco-abdominale.
La scintigraphie osseuse n’est recommandée qu’en cas
de point d’appel osseux ou d’hypercalcémie.
Place des marqueurs sériques
Le dosage du marqueur sérique SCC (squamous cell carcinoma) n’est pas recommandé en cas de stade métastatique
en raison d’un niveau de preuve trop faible.
Modalités thérapeutiques
Traitements conservateurs locaux
Lorsqu’un traitement conservateur local non chirurgical est
envisagé, une biopsie est obligatoire ainsi qu’une circoncision.
Leurs modalités sont :
• crèmes cytotoxiques : Imiquimod 5 % : 3 applications par
semaine pendant 4 à 6 semaines ou 5-FU : 2 applications
par jour pendant 2 à 6 semaines [22] ;
• laser Yag ou CO2 ;
• photothérapie dynamique après application d’un topique
photosensibilisant (Aminolévulinate de méthyle commercialisé sous le nom METVIXIA 168 mg/g, crème). Il s’agit
d’une option de deuxième intention, chez des sujets
immunocompétents [23].
Quel que soit le traitement local choisi, une surveillance
rapprochée tous les 3 mois est alors nécessaire, car le taux
de réponse complète est environ de 50 à 60 % [3]. En cas
Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l’AFU
S137
d’échec, un 2e essai de traitement par topiques ou laser
n’est pas recommandé.
Traitement chirurgical
La chirurgie doit être la plus conservatrice possible.
Une posthectomie (circoncision) doit être systématiquement réalisée. Elle peut être suffisante en cas de tumeur
localisée au prépuce.
Un examen anatomo-pathologique extemporané des
marges chirurgicales est recommandé en cas chirurgie
conservatrice.
Une marge négative est un impératif absolu [3]. Une
marge de sécurité de 3 mm est considérée comme suffisante
pour les lésions invasives. En cas de marge positive, le risque
de récidive est multiplié par 3. L’exérèse doit être reprise si
l’examen histologique extemporané ou définitif met en évidence des marges chirurgicales positives afin d’obtenir des
limites d’exérèse en zone saine.
La technique chirurgicale n’est pas standardisée : elle
dépend des possibilités techniques, en fonction de la taille
et de la localisation de la tumeur.
Des gestes de reconstruction par greffe cutanées ou lambeaux peuvent être associés au niveau du gland [24] ou du
corps du pénis [25].
En cas d’amputation partielle, la longueur du pénis restante doit être au moins de 3 cm s’il n’est pas envisagé
de chirurgies reconstructrices ultérieures. Dans les cas où
une chirurgie reconstructrice est envisagée, il faut alors
conserver la plus grande longueur possible de pénis et
d’urètre pour faciliter la reconstruction future. La complication principale est la sténose méatique (7—10 %).
L’amputation totale impose une urétrostomie périnéale.
L’émasculation et la désinsertion complète des corps caverneux sont uniquement des gestes de nécessité.
Radiothérapie
Une circoncision préalable est systématique avant toute
curiethérapie ou radiothérapie.
La curiethérapie interstitielle par fils d’iridium 192 est
la technique de choix et la seule utilisée en France [26].
La dose délivrée est >60 Grays. Les complications sont les
sténoses du méat, les douleurs et les nécroses du gland.
La radiothérapie externe a peu d’indication (difficultés
de positionnement du pénis pendant le traitement). Elle
peut être proposée comme traitement palliatif en cas de
tumeur localement évoluée ou métastatique à la dose de
50—60 Grays.
Indications thérapeutiques
Un traitement chirurgical conservateur est recommandé.
Une circoncision est conseillée. La technique de resurfaçage
du gland avec greffe cutanée donne aujourd’hui les
meilleurs résultats en termes de récidive [27].
Stades Ta/T1a
Dans tous les cas, une circoncision est réalisée avant une
excision par laser Yag ou CO2. Un traitement chirurgical
conservateur par biopsie-exérèse et circoncision peut être
réalisé ou un « resurfaçage » du gland avec greffe cutanée voire une glandulectomie avec couverture par greffe
cutanée.
Une curiethérapie peut être proposée pour des tumeurs
de moins de 4 cm [3].
Stade Tis
Stade T1b/T2
Un traitement conservateur local par crème cytotoxique ou
laser est possible (jusqu’à 58 % de récidive [27] pour lesquelles un nouveau traitement local n’est pas recommandé).
Un traitement conservateur est recommandé par biopsieexérèse, circoncision et reconstruction du gland par greffe
cutanée si nécessaire. Si la tumeur occupe plus de la moitié
S138
P.-H. Savoie et al.
du gland, une glandulectomie avec circoncision est recommandée [3].
Une curiethérapie peut être proposée pour les tumeurs
de moins de 4 cm du gland ou du sillon balano-préputial,
situées à distance de l’urètre et de son méat, sans envahissement de l’albuginée des corps caverneux [3].
Un geste non conservateur à type d’amputation partielle
peut se discuter en fonction de la compliance du patient et
de la situation de la tumeur (atteinte proximale).
Stade T3
Une amputation partielle est indiquée en cas d’atteinte distale sans extension à l’urètre proximal, si la longueur de
pénis restant est suffisante (3 cm).
Dans les cas d’atteinte proximale du corps du pénis, une
amputation totale avec urétrostomie périnéale est recommandée.
Stade T4
Une amputation pénienne totale avec urétrostomie périnéale est recommandée si la tumeur est extirpable, éventuellement associée à une chimiothérapie néo-adjuvante.
En sachant que pour les stades T4 les taux de guérisons sont
faibles (<30 %) et la morbidité élevée [28].
Traitement des aires ganglionnaires
La présence de ganglions para-aortiques ou para-caves ne
correspond plus à une maladie locorégionale, mais à un
stade métastatique et n’est donc pas traitée dans ce chapitre.
Figure 1. Topographie des territoires de drainage lymphatique
inguinal selon Daseler. Le curage modifié recommandé concerne les
territoires péri-saphène (1), supéro-interne (2) et supéro-externe
(5). Les territoires inféro-interne (3) et inféro-externes (4) ne sont
considérés que dans le curage radical.
Modalités thérapeutiques
La lymphadénectomie inguinale est le traitement de choix
des adénopathies inguinales métastatiques. Des traitements
combinés y sont souvent associés (chimiothérapie néoadjuvante ou adjuvante, GETUG 25).
Curage ganglionnaire
Pourtant encore décrite dans certains ouvrages de référence, la technique de curage modifié selon Catalona est
obsolète et dangereuse en termes de survie. Cette lymphadénectomie inguinale dite « superficielle », initialement
décrite en 1988, se limitait au prélèvement des ganglions
en dedans de la veine saphène. Cependant, Leijte et al. ont
montré sur 86 cN0 que les premiers relais ganglionnaires se
trouvaient dans plus de 95 % des cas dans les 2 quadrants
supérieurs et le quadrant central des zones de Daseler.
Désormais, le curage inguinal modifié concerne les quadrants supérieur et central (autour de la veine saphène) chez
les patients cN0 à risque [29] (Fig. 1).
La lymphadénectomie inguinale totale (ou radicale)
consiste en une ablation de tous les ganglions inguinaux du
triangle de Scarpa. Ses limites sont : en avant le fascia superficialis, en arrière le plancher musculaire (muscle pectiné
en dedans et muscle ilio-psoas, en haut le ligament inguinal (l’exérèse assure classiquement une marge de sécurité
de 2 cm au-dessus de l’arcade crurale ; le ganglion de Cloquet, le plus haut situé, sous l’arcade crurale à la jonction
du curage iliaque externe, doit être prélevé et analysé séparément), en dedans, le cordon est refoulé et l’os pubien doit
être visualisé, en dehors le bord antéro-interne du muscle
Sartorius, en dedans le bord antéro-externe du muscle long
adducteur, en bas l’apex du triangle fémoral.
Ce curage menace le drainage lymphatique du membre
inférieur et la vascularisation cutanée. La morbidité de ce
curage est liée aux risques de lymphocèle (2,1—4 %), nécrose
cutanée (0,6—4,7 %), infection pariétale (1,2—1,4 %), lymphœdème (5—13,9 %) [30,31]. En 2013, Stuiver et al.
rapportaient 50 % de complications notamment en cas de
facteurs de risque tel qu’un IMC majoré ou une transposition du sartorius [32]. Cependant, des séries rapportent une
morbidité moindre autour de 25 % [30,31].
Pour limiter les complications lymphatiques, il faut éviter les électro-coagulations et privilégier les ligatures (au fil
surtout, l’excès de clips augmenterait le risque de complication) [33,34]. L’utilisation de colle biologique (fibrine) est
possible, mais n’a pas prouvé sa supériorité [35].
La morbidité postopératoire est aussi diminuée par la
préservation de la veine saphène, l’utilisation d’un pansement compressif, de bas de contention voire d’une
antibiothérapie probabiliste [3]. Un pansement à pression
négative peut être utile [36].
Un abord endoscopique (laparoscopique ou robot assistée) est faisable, mais ne peut être recommandé même si les
Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l’AFU
quelques publications disponibles rapportent une morbidité
moindre (sauf pour les lymphocèles) [37].
La lymphadénectomie iliaque doit intéresser les 3 chaînes
ganglionnaires iliaques : externe, interne et primitive. Elle
doit être réalisée si possible simultanément au curage
inguinal (si l’examen extemporanée la retient) sinon elle
doit être réalisée sans délai si les résultats histologiques
définitifs l’imposent [38].
Radiothérapie externe
Il n’y a pas d’indication à une radiothérapie inguinale prophylactique chez des patients cN0 [39].
Aucun effet curatif de la radiothérapie n’a été démontré chez les patients pN+ que ce soit en adjuvant ou en
néo-adjuvant. La chirurgie d’exérèse fait mieux que la radiothérapie [39]. La radiothérapie n’est donc pas recommandée
en curatif dans le traitement des métastases ganglionnaires
des tumeurs du pénis. La chimiothérapie adjuvante serait
préférable à la radiothérapie adjuvante [40].
La radiothérapie adjuvante est une option :
• chez les patients cN3 avec extension extracapsulaire
(inguinal ou iliaque) ;
• en traitement palliatif pour les adénopathies inextirpables chirurgicalement.
Chimiothérapie
La chimiothérapie a été évaluée en situation néoadjuvante
chez les patients atteints d’un cancer du pénis localement
avancé (cN3) en situation adjuvante et chez les patients
métastatiques (M+). Les études concernent en général un
faible nombre de patients ne permettant pas d’établir des
standards.
En cas d’envahissement ganglionnaire inguinal fixé,
l’objectif d’une chimiothérapie néoadjuvante est de permettre une réduction tumorale et d’en faciliter l’exérèse
[41].
Les plus anciens protocoles de chimiothérapie utilisaient
une association de bléomycine, vincristine et méthotrexate
[42]. D’autres études rétrospectives ont recensé divers
protocoles de chimiothérapie (5-FU cisplatine, taxane, bléomycyne — cisplatine — methotrexate) [43,44] ne permettant
aucune conclusion. De façon plus récente, Pizzocaro et al.
ont traité quelques patients avec une chimiothérapie
néo-adjuvante de type TPF (paclitaxel, cisplatine et 5fluorouracil) pour une tumeur inextirpable ou pour une
récidive ganglionnaire [45]. La moitié des patients était
vivante sans récidive à plus de 25 mois. Une étude de phase
II, a évalué l’intérêt d’une chimiothérapie néo-adjuvante
avec 4 cycles de TIP (Taxol, ifosfamide et cisplatine)
pour les patients ayant une tumeur du pénis avec envahissement ganglionnaire de stade N2 ou N3 et M0 [46].
Parmi les 30 patients inclus dans l’étude, la moitié a
obtenu une réponse objective et 3 patients étaient en
réponse complète. Avec un suivi médian de 34 mois, 30 %
des patients étaient vivant sans récidive. L’étude AFUGETUG 25 MEGACEP est une étude prospective de phase II,
multicentrique nationale, non contrôlée, non randomisée
évaluant la survie sans récidive ganglionnaire locorégionale
S139
après une chimiothérapie périopératoire chez des patients
atteints d’un carcinome épidermoïde du pénis pN+ présentant des métastases ganglionnaires inguinales (cN3 exclus).
La chimiothérapie choisie est une association Taxol ifosfamide et cisplatine.
Les premières études d’efficacité de la chimiothérapie
adjuvante dans le cancer du pénis ont évalué de nombreuses molécules. Des réponses à la bléomycine et au
méthotrexate ont été rapportées [47—49]. Pizzocaro et al.
ont évalué chez 12 patients après un curage inguinal total
bilatéral une chimiothérapie associant bléomycine, vincristine et méthotrexate, 11 n’ont pas développé de récidive
durant la période de suivi (42 mois en moyenne) [41]. Des
résultats dans ce sens ont été obtenus avec un protocole
BMP par Hakenberg [50].
L’avantage de la chimiothérapie adjuvante est de la réaliser le traitement une fois le statut ganglionnaire connu.
Cependant, du fait des complications et de la morbidité de
la chirurgie, celle-ci n’est pas toujours possible ou au moins
décalée dans le temps.
Les deux autres produits ayant fait preuve d’une certaine
efficacité sont le 5-flurouracil ou l’Ifosfamide. Une étude
récente rétrospective [51] ainsi qu’une étude prospective
de phase 2 ne supportent pas, cependant, l’utilisation de
l’association TPF (docetaxel, cisplatine and 5-FU) du fait,
en particulier, d’une toxicité importante [52]. L’association
taxol, ifosfamide et cisplatine semble présenter un rapport
efficacité/toxicité acceptable.
Aucun produit de chimiothérapie n’a l’Autorisation de
mise sur le marché (AMM) pour son utilisation dans le cancer
du pénis.
L’association radio et chimiothérapie néoadjuvante n’est
pas recommandée [3].
Immunothérapie
L’immunothérapie est en cours d’évaluation dans les
tumeurs du pénis en entretien chez les patients répondeurs
à la chimiothérapie (Étude PULSE cf Annexe 1).
Indications thérapeutiques
Stade cN0
En première intention, il faut proposer la recherche de ganglion sentinelle qui évalue de façon acceptable (12—15 %
de faux négatif) le statut ganglionnaire microscopique pour
une morbidité moins élevée que la lymphadénectomie modifiée bilatérale [53,54]. Cette procédure doit être réalisée
simultanément à la chirurgie pénienne. Elle ne peut être
réalisée dans un deuxième temps que si la tumeur initialement suspectée de bon pronostic est finalement de risque
intermédiaire ou élevé [55].
Concernant la recherche du ganglion sentinelle :
• chez les patients cN0 à faible risque (Tis, TaG1 et T1aG1)
informés et compliants, elle n’est pas recommandée. Une
simple surveillance est requise;
• chez les patients à risque intermédiaire ou élevé (≥pT1b
et/ou ≥grade 2) et cN0, une stadification ganglionnaire
invasive est recommandée avec analyse extemporanée :
S140
P.-H. Savoie et al.
ganglion sentinelle en priorité et curage modifié bilatéral
sinon (plus morbide) ;
• dans les tumeurs à haut risque, si le ganglion sentinelle
ne fixe que d’un côté, un deuxième essai peut être tenté
sinon il faut évaluer le côté controlatéral par un curage
modifié ;
• en cas de ganglion sentinelle ou de lymphadénectomie
modifiée négatifs, une surveillance est recommandée ;
• en cas de ganglion sentinelle ou de curage modifié positifs, une lymphadénectomie inguinale totale est
recommandée du côté pN+ et une lymphadénectomie
superficielle modifiée du côté pN0.
Stade cN1/cN2 (adénopathie mobile, unique
ou multiple)
Une cytoponction à l’aiguille fine est recommandée, mais
n’est contributive que si elle est positive. Une antibiothérapie ne doit pas retarder dangereusement l’exploration
chirurgicale.
Une lymphadénectomie inguinale totale est recommandée du (ou des) côté(s) envahi(s) (preuve histologique :
cytoponction positive, analyse extemporanée ou définitive
d’un curage modifié) et une lymphadénectomie inguinale
modifiée controlatérale si ce côté est sain.
La radiothérapie néo-adjuvante n’est pas recommandée.
Figure 2.
Une lymphadénectomie iliaque simultanée est nécessaire
si une adénopathie iliaque suspecte est repérée au bilan
d’extension préopératoire.
Stade cN3
La cytoponction et la biopsie ne sont pas indispensables.
Un bilan d’extension par 18F-FDG PET-scanner (ou par
scanner thoraco-abdomino-pelvien) est recommandé [56].
Une prise en charge multimodale est recommandée, du
fait du pronostic péjoratif. Une chimiothérapie néoadjuvante est recommandée suivie d’un curage radical chez les
répondeurs [43,44]. Dans les autres situations (stabilisation
ou progression), seule une prise en charge palliative est
licite : chimiothérapie de rattrapage ou radiothérapie et
soins de support.
Chez les patients localement avancés non opérables une
chimiothérapie doit être considérée et en cas de stabilité ou
réponse de la maladie, l’inclusion dans le protocole PULSE
doit être considérée (Annexe 1).
Stades postopératoires : pN1-3
Dans les stades pN1, une surveillance est recommandée (un
traitement adjuvant à la lymphadénectomie inguinale totale
ne peut être retenu que dans le cadre d’essai clinique).
Arbre décisionnel récapitulatif. *cN3 pelvien = cN1/N2 inguinal et adénopathie(s) pelvienne(s) univoque(s) à l’imagerie.
Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l’AFU
Une lymphadénectomie pelvienne homolatérale est
recommandée si ce ganglion unique est en rupture capsulaire.
Dans les pN2 unilatéraux, une lymphadénectomie iliaque
homolatérale précoce est recommandée avant une chimiothérapie adjuvante.
Dans les stades pN2/pN3, une chimiothérapie adjuvante
aux lymphadénectomies est recommandée.
La radiothérapie adjuvante est envisageable, mais peu
de données sont disponibles pour la recommander.
La lymphadénectomie iliaque précoce est recommandée
si : au moins 2 ganglions inguinaux sont métastatiques ou
si une effraction capsulaire ganglionnaire inguinale est mise
en évidence sur un des ganglions. Elle doit être simultanée si
elle est indiquée dès l’analyse extemporanée. Si ce sont les
résultats définitifs qui l’indiquent, elle sera différée sans
délai, sauf si le patient est inclus dans le GETUG 25 (cf.
Annexe 1) (Fig. 2).
Traitement des stades métastatiques
La chimiothérapie palliative
En phase métastatique, les mêmes protocoles que ceux utilisés en situation périopératoire ont été évalués en phase
II avec le BMP [50], le TIP [46] ou le TPF [52]. Les taux de
réponses varient de 15 à 30 % avec des survies sans progression modestes de quelques mois. Les toxicités semblent
importantes pour le protocole BMP. Les propositions en 1e
ligne peuvent être soit le TPF soit le TIP. Ainsi, une chimiothérapie palliative doit comporter si possible un taxane en
1e ligne [3].
Aucun traitement n’a été défini en 2nde ligne, et les monothérapies par cisplatine et paclitaxel [57] ont une activité
modeste. Il faut privilégier pour ces malades les inclusions
dans les essais thérapeutiques.
L’immunothérapie est en cours d’évaluation dans les
tumeurs du pénis en 2nde ligne (programme AcSé nivolumab
cf Annexe 1).
S141
S142
Traitement des récidives
P.-H. Savoie et al.
À noter qu’en cas de tumeur M+ la survie spécifique à
5 ans est de 0 %.
Récidives locales
Le taux de récidive locale après un geste conservateur est de 15 % à 30 % quel que soit ce traitement.
Elle survient surtout dans les 2 premières années et est
corrélée aux marges chirurgicales positives en cas de chirurgie.
En cas de geste conservateur initial, une reprise par un
geste conservateur doit être préférée, s’il est possible. En
cas d’atteinte profonde, une amputation partielle ou totale
est recommandée.
Récidives ganglionnaires
En cas de récidive inguinale, une lymphadénectomie inguinale totale doit être proposée si elle n’a pas été réalisée.
Dans le cas contraire, une chimiothérapie et une radiothérapie de rattrapage doivent être discutées.
Résultats
Résultats carcinologiques
Selon le stade local
La survie spécifique à 5 ans est de 100 % pour le CIS, 84 %
pour les pT1 et 54 % pour les pT2 [58].
Pour les lésions T2, le taux de récidive est de 17 à 35 %
et le taux de mortalité spécifique de 21 à 30 % à 3 ans [59].
Le traitement par 5-FU pour un CIS donne 50 % de
réponses complètes et parmi ces réponses complètes 20 % de
récidives précoces (temps moyen lors de la récidive = 5 mois)
[60].
Le traitement par laser des tumeurs CIS et pT1 a un taux
de récidive à 5 ans variant de 10 à 48 % [61,62] ce qui nécessite une chirurgie complémentaire. La survie spécifique à
5 ans est supérieure à 90 % [51].
La chirurgie conservatrice (« resurfaçage » ou glandulectomie) a un taux de récidive (suivi de 2 à 4 ans) de 6 à 21 %
[63] avec une mortalité spécifique nulle. Les récidives précoces surviennent dans 94 % cas dans les 3 ans. On retrouve
des facteurs prédictifs de récidive : envahissement périnerveux, CIS, marge positive et haut grade ; lorsque les 4 sont
présents, le risque est multiplié par 34 [64].
La chirurgie non conservatrice (amputation partielle ou
totale) a un taux de récidive locale de 5 % [3].
Après curiethérapie, le taux de récidive varie de 19 à 30 %
avec 25 % de sténose urétrale [65,66].
Selon le stade ganglionnaire
Pour les patients pN0 : la survie spécifique à 5 ans varie de
87 à 100 % [67].
Pour les patients pN+ : la survie spécifique à 5 ans varie
de 29 [68] à 40 % [69].
La survie spécifique à 5 ans pour un pN1 est de 73 à 80 %
et pour un pN3 de 17 à 33 % [67,70].
Une nouvelle notion pertinente apparaît : le pourcentage
de ganglions envahis lors du curage inguinal radical : si <16 %
de ganglions envahis : survie spécifique = 81 % si >16 % = 24 %
[71].
Selon le grade tumoral
Le grade tumoral pourra faire changer d’attitude thérapeutique pour un patient cN0 avec un pT1, le grade 1 permettra
de proposer une surveillance et un grade 3 ou 4 imposera un curage inguinal [3], même si une étude retrouve
un ganglion sentinelle envahi dans 6 % des T1G1 [72], ce
qui pousserait à réaliser systématiquement une exérèse du
ganglion sentinelle. Les tumeurs de grade élevé imposent
un geste chirurgical prudent en cas d’approche conservatrice, afin de garantir des marges négatives. Ainsi certains
ont pu préférer une amputation partielle à une chirurgie
conservatrice [3].
Selon le type histologique
Certains types de carcinomes (basaloïdes, verrucobasaloides,
sarcomatoïdes,
pseudo-glandulaires,
muco-épidermoïdes. . .) ou les carcinomes à cellules
claires sont des carcinomes très agressifs qui doivent faire
discuter une prise en charge plus agressive quel que soit
le stade et le grade : pénectomie partielle large ± curage
inguinal bilatéral [73—75],
Résultats fonctionnels
Statut mictionnel
Le statut mictionnel est en général bon pour les chirurgies
conservatrices avec de rares cas de sténose méatique, mais
les difficultés mictionnelles des patients ayant eu une amputation partielle est sans doute sous-estimée, car rarement
évaluée.
La curiethérapie entraîne une sténose du méat (qui peut
être complexe à traiter) dans plus de 40 % des cas [3,75].
Sexualité
On relativisera les résultats des études qui n’ont pas utilisé
de questionnaires réellement adaptés à la sexualité après
traitement d’une tumeur du pénis.
Après Laser, il n’y a pas de dysfonction érectile (DE),
mais des difficultés à pratiquer certaines activités sexuelles
à cause de douleurs résiduelles [76].
En cas de « resurfaçage », une étude prospective récente
montre une amélioration de la vie sexuelle chez 81 % des
patients et un aspect cosmétique satisfaisant (5/5 sur une
échelle visuelle cosmétique) [77].
En cas de glandulectomie, il est décrit entre 0 et 20 % de
modification de la sexualité.
Après amputation partielle, on retrouve une dégradation
de la sexualité chez 67 % même si les érections sont présentes dans 56 % des cas et les orgasmes conservés dans
72 % des cas [3].
Une étude multicentrique comparant la sexualité
après chirurgie conservatrice et après pénectomie partielle retrouve des différences importantes en termes de
satisfaction par rapport à l’apparence : 64 % si chirurgie
conservatrice/14 % si pénectomie partielle, de même que
la confiance en sa sexualité passe de 55 à 6 % en cas
Recommandations françaises du Comité de Cancérologie de l’AFU
Figure 3.
Suivi local du pénis après différents types de traitement (biopsie au moindre doute par inspection ou palpation).
Figure 4.
Suivi loco-régional des aires ganglionnaires en fonction de la prise en charge initiale.
de pénectomie partielle et des résultats identiques sont
retrouvés chez les partenaires [78].
Suivi
Suivi local du pénis (suivi 5 ans au moins)
Dans tous les cas, l’apprentissage des auto-examens réguliers est recommandé (Fig. 3 et 4) :
• après traitement local non chirurgical : auto-examen
régulier et suivi clinique :
◦ pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois et biopsie
en cas de doute ainsi qu’une fois à titre systématique dans les 2 ans (pour preuve histologique de
S143
l’éradication sur la zone traitée après laser, topique ou
photothérapie dynamique),
◦ au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les
6 mois ;
• après traitement local chirurgical conservateur (biopsieexérèse, glandulectomie partielle ou resurfaçage) : autoexamen régulier et suivi clinique :
◦ pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois,
◦ au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les
6 mois ;
• après glandulectomie totale, amputation partielle ou
totale :
◦ pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois,
◦ au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les
ans.
S144
Suivi loco-régional (inguinal)
Dans tous les cas, l’apprentissage des autopalpations inguinales régulières est recommandée :
• sans curage initial : autopalpation régulière et examen
clinique.
Pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois.
Au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les
6 mois.
• Après curage initial pN0 ou GS négatif : autopalpation et
examen clinique.
Pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois
(±cytoponction semestrielle sous échographie).
Au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les
ans.
• Après curage initial pN± : autopalpation et examen clinique systématique (18-FDG Pet-TDM, IRM et scanner :
utilisation et rythme à discuter au cas par cas en RCP).
Pendant 2 ans : consultation tous les 3 mois
(±cytoponction semestrielle sous échographie).
Au-delà de 2 ans et jusqu’à 5 ans : consultation tous les
6 mois.
Annexe 1. Essais thérapeutiques
disponibles en France pour les tumeurs
malignes du pénis
1. Etude AFU-GETUG 25 MEGACEP (chimiothérapie néoadjuvante ou adjuvante)
Etude prospective de phase II, multicentrique nationale,
non contrôlée, non randomisée évaluant la survie sans récidive ganglionnaire locorégionale après une chimiothérapie
périopératoire chez des patients atteints d’un carcinome
épidermoïde du pénis pN+ présentant des métastases ganglionnaires inguinales (cN3 exclus).
Sous la coordination des Pr J. Rigaud (CHU-Nantes) et S.
Culine (Hôpital St Louis-Paris).
Objectif : 37 patients.
Ouvert dans 14 centres en France.
2. Etude PULSE (Immunothérapie d’entretien)
Etude prospective de phase II, multicentrique nationale,
évaluant la survie sans progression des carcinomes épidermoïdes de la verge localement avancés non opérables ou
métastatiques (ECOG 0-2), présentant une maladie stable
ou en réponse (critères RECIST v1.1) après 3 à 6 cycles de
polychimiothérapie, à base de sels de platine de première
ligne, en y associant une immunothérapie d’entretien par
Avelumab intra-veineux toutes les 2 semaines.
Sous la coordination du Dr A. Thiery-Vuillemin (CHRU
Besançon).
Objectif : 32 patients.
Ouverture dans 15 à 20 centres démarrée à automne
2018 en France.
3. Etude AcSec Nivolumab (Immunothérapie par anti-PD1)
Il s’agit de l’accès sécurisé au nivolumab pour des
patients adultes porteurs de certains types de cancers rares
dont les cancers du pénis.
P.-H. Savoie et al.
Essai prospectif de phase II, multicentrique nationale,
évaluant la réponse au traitement par le nivolumab en
monothérapie notamment dans les cancers du pénis métastatiques ou localement avancés, non résécables, résistants
ou réfractaires aux traitements standards pour lequel il
n’existe pas d’autre option thérapeutique standard ou expérimentale adaptée disponible.
Sous la coordination du Dr MARABELLE Aurélien (IGR Villejuif).
Objectif : 250 patients en France d’ici 2020 (tout cancer
rare confondu, pas seulement pénis).
Ouverture dans 59 centres en France.
Nb : Essai appartenant au programme AcSé UNICANCER
(porté depuis juin 2013 par l’INCa et l’ANSM, qui a pour
objectif de permettre l’accès équitable à l’innovation thérapeutique en France).
Déclaration de liens d’intérêts
PC, LF, TM, LR et PS déclarent ne pas avoir de liens
d’intérêts.
AF : co-investigateur GETUG AFU 27.
AM : interventions Pfizer, Ferring, Ipsen, BMS.
NMJ : consultant Coloplast, Boston scientifique ; investigateur principal Soby.
PHS : BMS, Novartis, Janssen, Boston Scientific.
Pour toute information complémentaire, consultez les
liens
https://dpi.sante.gouv.fr/dpi-public-webapp/app/
recherche/avancee et https://www.has-sante.fr/portail/
jcms/sd 700659/fr/declaration-publique-d-interets?portlet
=sd 700659&text.
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