2022, La Croix du Bénin
« Que mon sacrifice, et le vôtre ». La messe, ton sacrifice ! Cet article veut jeter une lumière sur la formule d’invitation à la prière sur les offrandes. L’objectif est de raviver la conscience sacrificielle eucharistique chez les fidèles. Le sacrifice de toute l’Église La formule d’invitation à la prière sur les offrandes appelée orate fratres (des deux premiers mots de la version latine) dit : « Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, et le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout-puissant. » Le peuple se lève et répond : « Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Église. » La formule n’est pas neuve. Sa version latine se trouvait déjà dans le “Missel Romain” promulgué par Pie V par décret du concile de Trente dans la constitution apostolique Quo primum du 13 juillet 1570. Et certaines langues (comme le yoruba, le fon, l’allemand, l’anglais, etc.) en ont toujours fait usage dans la liturgie. L’orate fratres considère, d’une part, le peuple de Dieu dans son ensemble comme assemblée sacerdotale – c’est cette compréhension qui avait présidé à la traduction française : « Prions ensemble, au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église... » – ; d’autre part, la formule articule les différentes formes de participation à l’unique Sacerdoce du Christ : sacerdoce ministériel et sacerdoce commun des fidèles. Le sacrifice offert par chacun Le Catéchisme de l’Eglise Catholique affirme : « Dans une célébration liturgique, toute l’Assemblée est ‘liturge’, chacun selon sa fonction » (CEC 1188). Pour comprendre cette affirmation magistérielle forte, il faut faire une différence entre liturge et liturgiste. Est liturge toute personne effectuant la liturgie. Le liturgiste, en revanche, est un spécialiste de la liturgie, une personne qui étudie l'ensemble des règles déterminant le déroulement du culte. Selon le CEC, tout fidèle qui participe à l’Eucharistie est donc concélébrant, quoique tous ne concélèbrent pas de la même manière. Autant il est vrai que le prêtre offre le sacrifice en la personne du Christ-Tête et au nom de toute la communauté, autant il est vrai que chaque participant offre personnellement ce sacrifice qu’il est en droit de revendiquer comme sien. Certes, dans l’articulation du sacerdoce ministériel et du sacerdoce commun des fidèles, le Concile Vatican II explique que les deux ont « entre eux une différence essentielle et non seulement de degré ». Cependant leur lien interactif est tel qu’ils sont « ordonnés l’un à l’autre » et participent « chacun selon son mode propre » de « l’unique sacerdoce du Christ. » (LG 10). Leur ordonnancement mutuel est tel que même lorsque le prêtre célèbre en privé, il n’est jamais solitaire mais célèbre toujours avec l’Eglise. Cette réalité est très profonde, et d’une profondeur souvent ignorée, ce que l’on voit à travers le besoin qu’éprouvent certains d’aller offrir d’autres sacrifices après celui de l’Eucharistie. C’est pourquoi il urge de raviver la conscience sacrificielle eucharistique chez les fidèles. « Mon sacrifice et le vôtre »: Plus besoin d’un autre sacrifice Le sacrifice occupe une place importante dans la plupart des cultures africaines et, au témoignage du pape Benoît XVI, dans d’autres cultures aussi . Ce socle culturel constitue un atout qui doit se laisser interpeller par l’invitation « que mon sacrifice et le vôtre ». Raviver la conscience sacrificielle eucharistique consiste à rappeler à celui qui participe à l’eucharistie que ce sacrifice, c’est lui qui l’offre. Et quel sacrifice offre-t-il ? celui de l’Homme-Dieu. En considérant donc Celui qu’il offre en sacrifice, il comprendra qu’il n’a plus besoin d’un autre sacrifice pour son salut. Ainsi, la formule d’invitation à la prière sur les offrandes vient rejoindre particulièrement les chrétiennes et chrétiens africains dans une dimension importante de leur être culturel. La conscience sacrificielle eucharistique peut, en dehors du catéchisme et d’une catéchèse générale sur l’Eucharistie, être ravivée à deux moments-clés : a) Avant la messe : pendant la prière dévote faite à genoux une fois entré dans l’église, le fidèle peut raviver personnellement cette conscience sacrificielle : « ce sacrifice, c’est mon sacrifice, c’est moi qui l’offre, et je l’offre pour telle intention… » b) A la fin de l’homélie : Les dernières phrases de l’homélie ayant pour fonction de faire le pont entre la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique , le prédicateur pourrait, à ce moment ultime, raviver à nouveau (si tant est que chacun l’ait déjà fait personnellement) la conscience du sacrifice au niveau de l’assemblée. Il faudra cependant se garder d’une approche réductionniste, car à la messe, il n’y a pas que la dimension sacrificielle. L’Eucharistie n’est pas que mémorial douloureux de la Passion et de la Mort de Notre Seigneur Jésus Christ, elle est aussi mémorial joyeux de sa Résurrection. En somme, elle est renouvellement non sanglant de tout le Mystère Pascal, sacrifice d’action de grâce au Père par le Fils à jamais vivant dans l’Unique Esprit.