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Camus, Memmi, Millecam

Au grand théâtre du monde camusien, l'épisode nord-africain, très habité, relève de la grande scène de l'acte III du théâtre classique. Celle où éclatent les malentendus, où explosent les déchirements, où se nouent tous les drames que les personnages emporteront ensuite avec eux dans la mort... Oserais-je dire ici, qu'il arrive parfois (suivez mon regard) que cette scène ressemble plus à une scène de comédie, voire de grand guignol, qu'au drame dont elle est inspirée. Qu'on se rassure donc : si j'ai choisi d'évoquer ici Jean-Pierre Millecam et Albert Memmi, c'est moins pour revenir sur l'épisode lui-même que pour faire entrer en scène deux acteurs du dramedeux de plus me direz-vous -oui, mais deux acteurs peu entendus sur cette scène, et qui ont pourtant des choses à nous dire sur cette époque et sur Camus, des années 50 à sa mort. Je profiterai pour ce faire des travaux que je mène actuellement sur l'un et l'autre, qui me permettent, avec leur accord, de plonger dans leurs brouillons et écrits intimes ou inédits -qu 'ils en soient du reste remerciés. Et, considérant qu'au théâtre il n'est d'autre conclusion que dans la καταστροφη grecque, je m'interdirai en revanche toute conclusion pour laisser les faits parler d'eux-mêmes.

Autour d'Albert Camus et du colonialisme, deux acteurs peu entendus : Albert Memmi et Jean-Pierre Millecam Guy DUGAS (IRIEC - Université Montpellier 3) Au grand théâtre du monde camusien, l'épisode nord-africain, très habité, relève de la grande scène de l'acte III du théâtre classique. Celle où éclatent les malentendus, où explosent les déchirements, où se nouent tous les drames que les personnages emporteront ensuite avec eux dans la mort... Oserais-je dire ici, qu'il arrive parfois (suivez mon regard) que cette scène ressemble plus à une scène de comédie, voire de grand guignol, qu'au drame dont elle est inspirée. Qu'on se rassure donc : si j'ai choisi d'évoquer ici Jean-Pierre Millecam et Albert Memmi, c'est moins pour revenir sur l'épisode lui-même que pour faire entrer en scène deux acteurs du drame - deux de plus me direz-vous - oui, mais deux acteurs peu entendus sur cette scène, et qui ont pourtant des choses à nous dire sur cette époque et sur Camus, des années 50 à sa mort. Je profiterai pour ce faire des travaux que je mène actuellement sur l'un et l'autre, qui me permettent, avec leur accord, de plonger dans leurs brouillons et écrits intimes ou inédits - qu 'ils en soient du reste remerciés. Et, considérant qu'au théâtre il n'est d'autre conclusion que dans la καταστροφη grecque, je m'interdirai en revanche toute conclusion pour laisser les faits parler d'eux-mêmes. 1. Memmi-Camus Albert Memmi est né en 1920 à Tunis, au sein de la communauté juive des Tuensa - une communauté pauvre et très acculturée au monde arabo-musulman. On connait son oeuvre de romancier, à dimension largement autobiographie et écrite en français, une langue que l'auteur ne se mit à parler que vers l'âge de 7-8 ans : La Statue de sel, 1953 ; Agar, 1955. D'où une situation d'entre-deux ("Toujours je me retrouverai indigène dans un pays de colonisation, juif dans un univers antisémite, Africain dans un monde où triomphe l'Europe", La Statue de sel, p 109) , qui favorisa la peinture de l'étrange "duo" que forment, aux yeux de Memmi, colonisateur et colonisé (Portrait du colonisé, précédé d'un Portrait du colonisateur, 1957) et plus tard l'analyse du surgissement des littératures maghrébines, avec les deux anthologies très discutées qu'il dirigea dans les années 60 aux éditions Présence africaine. En dépit de quelques épisodes-clès sur lesquels je reviendrai (la fameuse préface de Camus, la formule de Memmi, trop souvent reprise : "Camus, colonisateur de bonne volonté"...), on ignore, dans leur détail, l'histoire exacte des relations entre Camus et Memmi, ce qui, concernant Memmi, a souvent conduit à de grossières erreurs de datation. 1.1. L'Histoire vraie de la préface de La Statue de sel Parce qu'on connaît la courte mais puissante préface qu'Albert Camus donna à La Statue de sel, parce que ce roman est toujours présentée ainsi dans les bibliographies : "Albert Memmi : La Statue de sel (Corréa Buchet-Chastel, 1953, préf. d'Albert Camus)", on imagine très tôt une première rencontre, sans doute dès ce premier roman, ensuite une correspondance abondante, enfin, peut-être, des relations suivies, des visites du plus jeune à l'aîné, des conseils de l'aîné au cadet, un appui à son passage chez Gallimard... Force est de dire que je n'ai pas retrouvé la moindre lettre de Camus parmi les archives de Memmi, dont le Journal intime inédit ne fait pas mention de l'auteur de La Peste avant 1955 ; qu'aucune mention de rencontre rue Madame ou rue Sébastien Bottin n'y est faite, bien que Memmi dise se souvenir de rendez-vous dans le bureau de Camus... Idem dans les archives de Camus de la bibliothèque Méjannes, où ne figure que le manuscrit en français de la fameuse préface 2 feuillets autographes, sous la côte CMS2 An1 - 01.02, non daté, mais assorti au catalogue de la mention habituelle : "Le Statue de sel a été publié aux éditions Corréa en 1953" ! Rectifions donc déjà cette première et récurrente approximation : la célèbre préface de Camus, qui a tant fait pour le succès de La Statue de sel, ne figure pas dans l'édition originale. Prévue pour une édition américaine (New York, Criterion books, 1955, trad d'Edouard Roditi) Un brouillon de lettre du 18 décembre 1954, dans le fonds Memmi, évoque cette traduction et rappelle la promesse faite par Camus : "Monsieur et cher Maître,// Edouard Roditi, le traducteur de La Statue de sel, m'annonce qu'il termine bientôt son travail.// Puis-je me permettre de vous rappeler votre promesse ?// Nous pourrions, si vous y consentez, lui confier également la tracduction de votre préface.// je vous remercie encore et vous prie de croire à ma fidélité. A.M." Camus lui répond le 28 décembre qu'il "essaier[a] de faire parvenir le texte promis à la date [...] indiqu[ée]", ajoutant : "je suis déjà revenu d'Italie, ayant renoncé à mon voyage en Afrique. J'irai à Alger en février, mais ne passerai pas par Tunis. Je le regrette [...]" Un dossier associant les noms de Memmi et Camus figure bien dans le fonds Edouard Roditi de la Charles E. Young Research Library à l'UCLA (boîtes 3, 11, 43 et 83)., elle fait l'objet d'un échange de lettres entre les deux écrivains, dans l'hiver 1954-55. Pas de trace du texte manuscrit dans les archives d'Albert Memmi, mais une lettre inédite de Camus datée "Paris, le 13 janvier 1955" affirmant clairement la destination du texte, tout en laissant entendre quelque rencontre antérieure : "Cher Monsieur, Voilà l'avant-propos que je vous avais promis. J'espère qu'il vous conviendra. Mais je suis disposé à faire les corrections que vous pourriez souhaiter. Je fais des voeux maintenant pour le succès de votre livre en Amérique et je vous prie de croire à mon souvenir bien amical." Quelques mois plus tard, une lettre de Suzanne Agnély à Memmi Lettre dactyl du 23 mars 1955, en-tête NRF - Editions Gallimard l'informe que la traduction d'Edouard Roditi a été approuvée par Camus. Cette lettre est accompagnée des deux feuillets du texte en anglais. La préface en langue française, elle, ne paraîtra pour la première fois qu'en 1966 - c'est à dire plus de dix ans plus tard (et six ans après la disparition de son auteur) pour pouvoir la lire enfin dans sa version française d'origine, en tête de la première réédition du roman chez Gallimard, devenu en 1961 l'éditeur de Memmi. 1.2. Camus dans le Journal intime Reprenons à présent au tout début : la première mention de Camus dans le Journal intime inédit de Memmi est de 1955. Elle fait suite à une correspondance de Sénac, avec qui les frères Memmi sont en contact depuis l'année précédente de par les chroniques littéraires qu'ils animent dans L'Action (Albert) et au Petit Matin (Georges) : "Jean Sénac m'écrit que Camus s'apprête à parler du "drame nord-africain" dans des termes qui vont lui aliéner toute la gauche. il y aurait là occasion de préciser ma propre pensée. Il faut pourtant que je finisse d'abord le texte du Scorpion. J'en suis désolé pour Camus parce que je connais exactement son drame. Réponse possible [note en marge : pour les T.M.] : votre drame, Camus, est que vous soyez précisément un écrivain nord-africain et non seulement français. Faut-il qu'on finisse par dire : "le meilleur écrivain N.A., hélas !" Le 13 juillet suivant, une nouvelle note permet d'identifier le texte de Camus annoncé par Jean Sénac : "L'article de Camus sur l'Expr a paru. Me rassure sur lui. Car En somme, rien de très compromettant. Condamne le terrorisme et condamne la répression (il y a tt de même un certain courage, qd on n'est pas de droite, à condamner aujourd'hui le terrorisme)." L'article de Camus, est "Terrorisme et répression" dans L'Express du 9 juillet 1955, repris dans les Œuvres complètes, Gallimard-La Pléiade t. 3, p. 1022. Dans l'été 1956, les Memmi quittent définitivement la Tunisie, où tout jeunes mariés, ils étaient revenus vivre en 1949, pour Paris. Albert continue, sous forme de "Lettres de Paris", à collaborer au journal L'Action qu'il a contribué à fonder un an et demi plus tôt. C'est là qu'il donne, dans le numéro du 10 septembre 1956 un compte-rendu de La Chute. Il faut ensuite attendre le printemps 1957, et les différentes pré-publications du Portrait du colonisateur et du Portrait du colonisé dans Esprit, Les Temps Modernes et La Nef, puis leur publication conjointe chez Corréa au début de l'été, pour retrouver le nom de Camus dans le J.I d'Albert Memmi, d’abord en écho à un portrait sans concession de Sartre : « Grand (oui) philosophe petit bourgeois, éminemment social, politique, politique à la petite semaine – vivant à l’aise et ne vivant à l’aise que dans la pensée sociale et "actuelle". Ne dépassant pas son époque, pas en avant. La subsumant seulement, la comprenant merveilleusement. Philosophe de la France petite-bourgeoise et boutiquière." En face de qui : "Camus ? D'une certaine manière, aurait pu être plus au-dessus, plus avant, plus retiré, comme un penseur J[uif]. mais "l'infection politique", l'accident historique, ça l'a tiré vers "un nationalisme de bête à cornes". Qu'il relise Nietzsche ! (Pourtant, il le lit, c'est 1 fait : voir le titre de son dernier bouquin : Les Actuelles, inspiré de Inactuelles - et L'Homme révolté, donc !)" Une note insérée dans le dossier Camus des archives d'Albert Memmi précise "La Chute, dédicace. Mais ce volume n'a pu être retrouvé dans la bibliothèque de l'écrivain. On note en revanche un compte-rendu de cette oeuvre par Memmi dans sa "Lettre de Paris" de L'Action (Tunis) du 10 septembre 1956. 1.3. La polémique de La Nef et ses conséquences Quelques semaines plus tard, c'est le prix Nobel et le voyage d'Albert Camus en Suède, qui conduisent à une terrible polémique, suite à un article de Memmi dans La Nef de décembre 1957. Pas un article, en vérité, plutôt une réaction rapide, parmi trois ou quatre lettres de protestation (de Roger Quilliot Qui prétend que "La querelle est politique" et souligne : "Que M. Franck donne à Camus des leçons de journalisme et de résistance passe un peu la mesure. Qu'a fait Camus pour l'Algérie demande encore M. Franck ? Et qu'a fait M. Franck , et qu'ont fait les intellectuels de gauche ? Ils ont signé des manifestes ? Soyons sérieux. Camus a eu la modestie de constater que dans le climat actuel, ses propos étaient sans effet, et il se tait pour ne pas ajouter au malheur de son pays." (La Nef, n° 12, déc. 1957)., de Maurice Druon notamment) adressées à la rédaction, en réponse à une très violente attaque de Bernard Franck qui, dans le numéro précédent, reproche à Camus de n'avoir rien produit depuis L'Etranger, "admirable nouvelle de cent cinquante pages, devenue aujourd'hui presque illisible à force de lisibilité" et lui dénie tout droit à recevoir le Nobel : "Devenu bon gré mal gré le mainteneur de la vraie littérature menacée par le "vandalisme" sartrien, mis mal à l'aise par son premier roman chef-d'oeuvre, impossible à refaire ou même à imiter, sorte de coffre-fort-bijou dont la clef serait restée précisément à l'intérieur, Camus n'osa plus bouger de peur que l'illusion cesse, que quelque chose se casse. Il devint le petit propriétaire de sa gloire, bien décidé à l'exposer le moins possible. Ce paysan endimanché n'était plus notre prochain" Bernard Franck : "Une bonne oeuvre", La Nef, n° 11, nov. 1957, rubrique "la vie littéraire". . Albert Memmi, marqué de son côté d'avoir dû quitter sa patrie désormais indépendante, où il désespère de trouver place en tant que membre d'une minorité, propose de "renverser la perspective sous laquelle on considère généralement Camus" : "Eh bien, je voudrais dire qu'il faut, très exactement, renverser la perspective sous laquelle on considère Camus : loin de pouvoir parler de l'Afrique du Nord parce qu'il en est originaire, Camus a été amené à se taire parce que tout ce qui touche à l'Afrique du Nord le paralyse. Camus est ce qu'on appelle, d'un terme aujourd'hui banal, un Français d'Algérie. C'est-à-dire qu'il appartient à une minorité, qui s'est trouvée historiquement dans son tort. Et qui, pour des raisons que j'ai essayé d'expliciter ailleurs, ne pouvait que s'enfoncer toujours davantage, et ceci dans sa presque totalité. Il y a peu de points concernant l'Afrique du Nord sur lesquels je sois d'accord avec Camus, mais il faut comprendre que sa situation n'est guère aisée : il n'est pas commode, affectivement et intellectuellement, d'avoir tous les siens d'un côté que l'on condamne moralement. [...] En fait, telle est la situation de Camus, qu'il était assuré de récolter à la fois la suspicion des colonisés, l'indignation des métropolitains de gauche et la colère des siens. D'où son silence, ou plutôt son demi silence. car il y a là une illusion d'optique : Camus a parlé, plus souvent que beaucoup. Mais telle est sa situation qu'il ne pouvait jamais que mécontenter tout le monde." Et Memmi, tout en regrettant, "peut-être, que Camus n'ait pas su dépasser réellement le clan, pour se placer d'emblée sur le plan de l'universel", de conclure - faisant allusion à un chapitre de son Portrait du colonisateur - que le nouveau prix Nobel "incarne, assez exactement ce que j'ai appelé : le colonisateur de bonne volonté. C'est un rôle ambigu mais je tiens à dire qu'il n'est ni comique, ni méprisable" Albert Memmi : "Camus ou le colonisateur de bonne volonté", La Nef, n° 12, déc. 1957, pp. 95-96. C'est dans le chapitre "le Colonisateur sui se refuse" de son Portrait du colonisateur que Memmi a créé cette expression quelques mois auparavant - sans l'incarner dans aucune figure.. L'esprit de cette lettre et la polémique qui l'a motivée seront vite oubliés ; restera la formule qui fait titre (n'ayant pu retrouver trace de ce texte parmi les archives de Memmi, il m'a été impossible de vérifier si ce titre est de l'auteur ou de la rédaction), fréquemment reprise depuis un demi-siècle Très rapidement d'abord, par Raymond Aron dans L'Algérie et la République (Plon, coll "Tribune libre", 1958) ; plus tard par Edward Saïd dans Culture et Impérialisme (Fayard/Le Monde diplomatique, 2000).. *** Dans un contexte d'antagonismes terribles sur fond de guerre d'Algérie et de terrorisme (Camus/ Sartre, Camus/Sénac, Memmi/Fanon), les relations entre l'auteur de L'Etranger et le jeune écrivain dont il avait préfacé le premier roman n'y survivront pas. C'est alors que l'on voit apparaître parmi les notes du J.I. de Memmi l'idée d'un article ou d'un essai, qui aurait pour titre Camus, l'étranger : "Camus l'étranger, ou cela n'est pas simple. A propos d'une polémique de La Nef _______ En un sens, Camus [de mère espagnole] et de père pied-noir [français né en Algérie] n'est pas + Français que moi, Tunisien Juif de langue française, ou même que Yacine ou Dib. Mais Yacine ou Dib, ds leur malheur, ont une chance relative, relative d'ailleurs, mais ils porteront définitivement cette contradiction fondamentale : écrivains de langue française. Nous ne pouvons tjrs nous défendre d'une certaine inquiétude qt au sort de nos communautés respectives, n'appartenant pas à la majorité, dt nous savons bien - Camus compris - que les destinées [un mot illisible] et trouvant cela juste, intellect[uellement]. Par ailleurs, nous savons que la libé[ration] de ces peuples est juste." "A propos du Prix Nobel Je ne trouve pas la signific[ation] de Camus où on l'a mise. Il n'a pas atteint à l'universalité. Mais n'y a-t-il de grandeur que dans l'universalité ? Et après tt, comme la vertu, elle est +/- facile [aisée] à atteindre. Mais on connaît la distinction classique entre la vertu et le mérite. Mais ce manque de il y a aussi +/- de mérite. Et le mérite est d'autant plus grand que la vertu est moins à la portée du sujet candidat." *** En cette même année 1957, sous une mention explicite : "à mettre ds Camus, l'étranger ?", ces deux feuillets où la dimension autobiographique, trahissant un sentiment personnel d'étrangeté par rapport aux siens (le complexe de Meursault ?), l'emporte sur la référence à Camus : La tentation de parler tantôt au nom d'un groupe, tantôt à mon seul nom. Aussitôt que je veux parler au nom d'un groupe, je m'embrouille entre mon pays natal (la Tunisie), mon groupe social et ethnique (les J), mon appartenance culturelle (le France). Mais je me dis qqfois très vte il me semble que cette attitude est décolorée, manque de substance. Le plus sage serait que je ne parle jamais qu'en mon seul nom. Mais alors, qu'est-ce que je représente ? Quelle valeur a ce que je dis ? Une fois de plus, acculé à l'universalité - ce minimum et ce maximum, il ne me reste plus qu'une seule attitude à vrai dire : l'universalité. Le résultat en est une attitude en apparence incohérente, sinon hésitante, boiteuse et, en vérité, qui change, en apparence [en fait] change dépend des circonstances. Dans le conflit col[onial] entre la France et tel ou tel, quels [sic] que soient mes amitiés françaises et [au fond] ma fidélité mon attachement à la France, je ne peux [n'ai pu] que donner tort à la France, parce qu'elle a tort (ce qui permet à un journal socialiste (!) de parler de haine de la France) Si je les Lorsque j'entends 1 étranger non-Français accabler vigoureusement la France - comme ils le font presque tous actuellement - je ne peux m'empécher de rappeler la grandeur de sa culture et, si mon groupe est menacé, je me repose aussitôt le probl de mon Si bien que, constatant combien il est finalement "facile de dire : Camus est un salaud et, Algérien, etc : il n'a pas pris parti, etc...", Albert Memmi, dans son malaise identitaire et ses difficultés de positionnement social, se sent peu à peu proche, par condition et origine communes, de l'auteur de la préface de La Statue de sel, au point qu'il finit par considérer, qu'en "préfaçant [s]on premier roman, Camus y révèlera ses propres tourments" Le Nomade immobile (Paris, Arléa, 2000) . 1.4. Après la mort de Camus : Memmi commentateur Après une brouille de deux années, survient la mort de Camus, que Memmi occupé à dresser le Portrait d'un Juif ne commente d'abord, le jour même, que de quelques mots Journal intime inédit, "Lundi 4 janvier : Mort d'A. Camus. L'autre quinzaine G. Philippe". Puis, après s'être élevé contre cette "querelle stupide de Amrouche déniant à Roblès, Audisio, etc.. le droit de parler en N.A. et ce, à propos de Camus (m'a raconté D. Aury). Querelle fâcheuse pour le moins", qui semble marquer les débuts du déni d'Algérianité fait à Camus, Memmi se lance dans une assez longue réflexion non dénuée d'empathie envers Camus, "homme moral dans un monde immoral", selon une autre expression souvent utilisée à son propos : Camus Déjà l'émotion de sa mort à peine calmée, la [1 mot illisible] violente attaque contre Camus, par B.S. - j'essaye de lui dire ceci, avec difficulté. Ce que Camus a montré par sa vie (c'est à dire à la fois par son oeuvre voulue et par ses hésitations, ses déclarations contradictoires, ses conflits avec ses amis, et avec les siens, etc..), c'est qu'il est impossible difficile d'être un juste quand on appartient (réellement, et non seulement de cet attachement [presque] purement intellectuel de beaucoup d'intellectuels français), à un groupement oppresseur injuste. Cela est faux de dire que Camus n'a pas été pour les Arabes et pour la fin de la colonisation. Cela est faux dans son oeuvre et pour ceux qui l'ont connu. [J'ai encore relu son dernier livre il n'y a pas longtemps]. Mais il voulait aussi la justice [et la vie sauve] pour son groupe. Or un groupe n'est pas jamais tout mauvais : Ici, je vais peut-être ne pas arriver à m'expliquer tout à fait. Un homme, ou groupe humain, peut avoir des torts, même graves, il ne peut être complètement, définitivement, contesté, il ne peut être contesté [en tout cas] dans son existence même. Car alors la justice qui réclame contre lui s'annule d'elle-même, car elle devient injuste du même coup, et tout s'abolit. Il faut donc à la fois rendre justice aux opprimés, et ne pas faire rendre justice aux opppresseurs [à ce point] au point que l'on en devienne injuste comme eux. Au fond, camus n'est pas sorti de ce dilemme. Pouvait-il en sortir ? Peut-on en sortir ? Quelle fut la slution pour la plupart d'entre nous ? Généralement, nous avons plus ou moins choisi, mal, en tâtonnant, et... Ibid, année 1960, fragment non daté. Avec l'exil cependant, et le recul, l'argument politique va néanmoins progressivement l'emporter sur le sentiment de proximité. Deux exemples encore : - Dans la décennie 70, le New York Times, auquel Memmi collabore alors régulièrement, le sollicite pour un compte-rendu de l'essai fameux de Germaine Brée : Camus and Sartre : crisis and commitment (New York Delacorte Press, 1972). L'auteur du Portrait du colonisé rend un texte long et appliqué qui paraîtra dans l'édition du 13 août 1972 du journal., s'attardant bien davantage sur la conception sartrienne de la littérature et ses engagements que sur ses relations avec Camus, et plus encore que sur l'ouvrage dont il est censé rendre compte - se contentant de montrer les différences de point de vue, et au-delà de philosophie, entre les deux hommes durant la guerre d'Algérie : "Camus connaît l'un et l'autre adversaires, les aiment tous les deux ; longtemps il n'arrive pas à choisir son camp et se tait, ce qui lui est reproché. Lorsqu'il parle, il ne fait pas de philosophie ; il veut seulement diminuer les souffrances et les deuils ; il propose un arrangement médiocre, qui le fait soupçonner de tous. Sartre ne connaît ni les pieds-noirs, ni les Arabes. Il trouve moyen cependant de faire la théorie du conflit, où l'un apparaît tout noir et l'autre tout blanc. Il conclut par une apologie de la violence absolue, qui serait affreuse si l'on ne voulait penser qu'il n'imaginait pas à quelle horreur elle conduit. Sartre rationalise le réel, juge et tranche en faveur de ce qu'il croit être le bien parfait ; Camus ne perdant jamais de vue les individus en chair et en os, constate qu'il est impossible de séparer le bien du mal, inestricablement mêlés." - Une dizaine d'années plus tard, lors d'un colloque sur "Camus et la politique", organisé par l'université Paris X-Nanterre où il enseigne, Memmi - que l'on sait très attaché, depuis les Portraits et plus encore depuis l'exacerbation dans la décennie 70 du conflit israélo-arabe, à l'idée que ce ne peut être qu'à travers la création d'un état-nation que les peuples dominés peuvent se libérer (les colonisés bien évidemment, mais aussi les Juifs - Cf. La Libération du Juif) - reprochera à Camus d'avoir "mésestimé le fait national algérien", tout en mettant l'accent sur "l'impossible condition" de l'entre-deux qui les solidarise : "Si l'on est inconditionnellement solidaire des siens, on trahit la justice ; et si l'on a le respect inconditionnel de la justice, tôt ou tard on trahit les siens." Albert Camus et la politique. Actes du colloque de Nanterre (5-7 juin 1985), sous la dir de JeanYves Guérin (Paris, l'Harmattan, 1986). 2. Jean-Pierre Millecam : une immense dette d'écrivain Venons en maintenant aux relations entre Albert Camus et Jean-Pierre Millecam, né à Mostaganem le 6 août 1927. La chose est notoire : c'est à Camus.. et à un surprenant concours de circonstances, que Jean-Pierre Millecam, écrivain débutant, doit, en 1951, la publication de son premier roman, Hector et le Monstre, aux éditions Gallimard. Je reviendrai donc d'abord sur le contexte qui vit se nouer, à Alger puis à Paris, la relation Millecam-Camus, les réflexions suivantes étant le plus souvent empruntées aux mémoires inédits de Millecam en cours d'écriture, sous le titre impérial de Qualis Artifex, qui - je trouve - lui sied à merveille ! Jusqu'à l'âge de vingt ans, le jeune Millecam, plus fervent de Virginia Woolf, Faulkner et Cocteau Ayant confié à Camus son enthousiasme pour Jean Cocteau à qui il vient de consacrer un volume : L'Etoile de Jean Cocteau (éditions du Rocher, 1952, rééd. augmentée : 1990), celui-ci lui répond en post-scriptum à une lettre : "Je ne peux pas vous laisser ignorer que je trouve sans valeur profonde l'oeuvre de Cocteau. Feu d'artifice parisien !" que de Gide, de son propre aveu, "ne sai[t] pas grand chose de Camus" - sinon, souligne-t-il - "son origine pied-noir comme la mienne et que son approche nous plaçait au seuil d'une sympathie réciproque". Bien qu'il tienne L'Etranger pour un véritable chef d'oeuvre, bien plus que Huis clos de Sartre "où un souci de haute couture l'emportait sur l'humanité du propos", et plus encore que les Nourritures terrestres de Gide qui lui "tombaient des mains", tout au plus a-t-il par deux fois consécutives approché son auteur à Alger : une première fois salle Gsell, où Camus anime une conférence-débat devant un public d'étudiants Dans ses Mémoires, Millecam note la gène de Camus rougissant après avoit été "quasiment pris à parti sur un problème d'actualité politique" par "un professeur communiste notoire" ; et il ajoute : "Ce front qui rougissait situait Albert dans une humanité proche de la mienne". S'agit-il de la conférence du 11 mars 1948, à laquelle Jean-Claude Xuereb dit aussi avoir assisté (Cf. Bulletin de la SEC, 19ème année, n° 57, janv. 2001) ? ; une autre fois, dès le lendemain, salle Pierre Bordes à l'entracte d'une manifestation culturelle. A peine un échange de regards, mais déjà, chez Millecam, la certitude d'une connivence : "Je n'avais encore écrit ni ma pièce, ni mon roman. [...] J'emportai dans mon souvenir l'image de l'auteur, dont je n'avais jamais eu le portrait sous les yeux. La silhouette, l'expression étaient ceux d'un des nôtres : il était déjà mon familier" Qualis artifex 2, tapuscrit inédit, p. 12.. *** Tout commence donc vraiment à l'été 1949, lorsque Millecam envoie à Camus, qui, depuis quelques années déjà, dirige chez Gallimard la collection "Espoir", "une pièce brève et violente", Adhémar s'évade Pièce qui ne fut jamais jouée, en dépit de l'intérêt que lui portèrent longtemps Eléonore Hirt et Jean-Marie Serreau au titre du théâtre Babylone, projet mort-né lui aussi.. Celui-ci lui répond presqu'aussitôt et sans fard : "J'ai lu votre pièce avec le plus vif intérêt. Il est vrai que je me sens assez étranger à ce que nous appellerons, d'un mot commode : son climat. Mais je n'ai pas eu de peine à y reconnaître votre talent. Elle est sans pitié et insupportable, mais crie de vérité. Et tout ça mis ensemble fait qu'elle ne sera sans doute jamais jouée. Elle mériterait probablement d'être publiée, mais il y a une petite difficulté : les pièces ne se vendent pas. Aucun éditeur n'accepte de publier les ièces d'un inconnu. On publié le théâtre d'un auteur déjà connu ou les pièces qui ont un gros succès à la représentation. J'en suis fâché pour vous, mais c'est un fait. N'avez-vous rien écrit d'autre, de la même encre ? Ce pourrait être une solution si vous consentiez à me faire connaître un nouvel écrit qui ne soit pas du théâtre. Cordialement à vous. Albert Camus." Lettre du 2 décembre 1949. La plupart des lettres de Camus à Millecam ont hélas disparu dans la débâcle qui a chassé d’Algérie le jeune romancier, suite à l'attentat dont il fut la victime le 12 mai 1956 à Lamoricière. Quelques lettres de Millecam à Camus se trouve dans le fonds Camus de la bibliothèque Méjanes. Au moment où il lit Millecam, Camus est lui-même à un tournant de son oeuvre, composant successivement L'Homme révolté (1951), qui lui vaudra une rupture avec Sartre, puis La Chute (1956), qui, en quelque sorte, la mettra en scène. Selon Millecam, il n'est pas impossible qu'en ce moment crucial, il ait été "mûr" pour apprécier son premier roman, un "reflet de l'absurde", et "qui sentait le soufre" : "Il y retrouvait non seulement le train-train d'une Algérie coloniale ignorant son destin, mais, à travers ce semblant d'innocence, le malaise inspiré par de jeunes voyous qu'une sorte de fatalité, sous la splendeur des nuages et des roseaux dansant leur pavane, conduirait à trancher les mains à un pianiste avant de le découper en morceaux. L'horreur de l'acte, la splendeur du décor et du Temps bondissant de seconde en seconde, tout cela était donné à la fois Qualis artifex 2, tapus. p. 20.." Par Nicole Chaperon, cousine des soeurs Faure, une amie chez qui il loge à Alger et avec qui il partage les cours d'André Mandouze à l'université, Millecam rencontre simultanément Francine, l'épouse d'Albert Camus - qui deviendra elle aussi une amie fidèle du couple Millecam - et sa soeur Christiane. Encouragé par tout ce beau monde, le jeune écrivain fond donc rapidement sa pièce dans un roman qu'il avait entamé 25 ans plus tard, se souvenant du conseil de Camus, Millecam refera de même avec Trois enfants perdus, pièce pourtant jouée cette fois, dans une mise en scène de Dominique Serreau, fils de Geneviève, qu'il intègrera à La Quête sauvage., et il expédie le tout rue Sébastien Bottin. Et c'est à l'automne 1951, quelques jours avant la publication d'Hector et le Monstre, qu'a lieu la première rencontre, au domicile parisien de Camus, rue Madame. Introduit par Christiane Faure, que Millecam connaissait pour l'avoir rencontrée à Oran : "Il vint vers moi la main tendue, souriant, avec des yeux qui retenaient leur curiosité afin d'éviter mon embarras - c'était un homme de chez nous.[...] Sa mise était élégante et sobre. Il me demanda aussitôt si je savais me diriger à travers Paris. Je répondis que c'était la première fois que je mettais les pieds dans la capitale française. "Eh bien, me dit Camus, je vais vous conduire chez votre éditeur." Durant le bref parcours, je sentis, à mon côté, comme la chaleur d'un homme profondément généreux, qui reprenait le rôle de mes sauveurs d'antan [...]. Cette chaleur, cette générosité qui n'avaient pas à se forcer devaient m'accompagner tout le temps qu'il lui resterait à vivre.[...] La conversation suivit le cours de nos semelles : elles ignoraient la gène à l'instar de nos regards qui nous ouvraient l'espace. Il expliquait les lieux. Quand nous parvînmes devant le café de Flore, il me dit que c'était là le quartier général de Sartre et Simone de Beauvoir. je lui demlandai si les deux célébrités écrivaient dans ces murs et sur la terrasse. Il répondit que oui. Je laissai échapper que la chose m'était, à moi, aussi impossible que de faire l'amour en public. Il enregistra ma réflexion avec, pour tout commentaire, un léger sourire. je sentais qu'il ajoutait à la lecture qu'il avait fait d'Hector, de petits traits - non des retouches au portrait qu'il s'était tracé à lire l'auteur. Tout dans son attitude marquait son respect à l'égard du jouvenceau que j'étais alors : il s'appliquait à me tenir à sa propre hauteur, celle d'un adulte gravitant popurtant bien plus haut que moi. Chez Gallimard, il me présenta à ses collaborateurs, parmi lesquels des écrivains connus, rétribués pour leurs lectures au comité. Il fit la chose chaque fois que je le rencontrai : on m'annonçait, je frappais à sa porte, qu'il ouvrait sans me faire attendre. C'est ainsi qu'il me présenta à Jean Grenier, son professeur de philosophie, avec qui il entretenait des liens que j'étais disposé à partager. Je retournai le lendemain chez Gallimard, et il me confia un exemplaire d'Hector et le Monstre qui, je crois, était le sien. Je sentais qu'il observait mon visage et mes mains tout le temps que je tournais les pages." On constate que Camus ne se contente pas de lancer le jeune Millecam. Il l'introduit dans les cercles littéraires : Est-ce lui qui a parlé du jeune romancier d'Oranie à Jean Daniel, autre jeune Algérien qu'il introduira quelques années plus tard chez Gallimard ? Toujours est-il que celui-ci demande à Millecam un article pour Caliban, la revue qu'il dirige à Paris. C'est ainsi qu'un petit texte "sans aucun intérêt", extrait, selon l'auteur lui-même, d'un "ouvrage prétentieux intitulé Mémoires pour ne point paraître et qui en effet ne parut jamais", prend place au sommaire du numéro 54 Jean-Pierre Millecam, "Ma première classe", Caliban, n° 54, 1er août 1951., entre des textes de Roblès, Jules Roy, Camus et Jean Daniel lui-même. Est-ce Camus encore, ou bien Jean Daniel qui présente Millecam au poète Jean Sénac, qui peine alors à assurer les sommaires de sa revue Soleil ? Aussitôt, celui-ci l'invite avec beaucoup de chaleur à rejoindre le groupe des auteurs Voir notamment cette lettre inédite non datée [été 1950 ?] dans laquelle Sénac annonce à Millecam "les premiers numéros de la revue Soleil, lancée à Alger avec quelques copains.[...] Je pense que vous serez des nôtres. Et c'est avec plaisir que je recevrai quelques-uns de vos textes" - avant d'ajouter :"je pense quitter Alger très bientôt, sans doute le 14 août, je vais probablement passer un jour ou deux à Paris auprès de Camus, avant d'entreprendre le dur travail qui me tient à coeur.[...] De toute façon, si vous pouviez essayer de m'envoyer avant le 10 août quelque chose - un extrait d'Hector et le Monstre. Si vous aviez un texte algérien, tant mieux. J'en serai heureux. A bientôt, ami. Jean Sénac" , ce que Millecam n'aura pas le temps de faire avant la disparition de la revue en 1952, après 7 numéros - mais il rejoindra l'année suivante le comité de rédaction de Terrasses, nouvelle revue de Sénac,.. qui ne connaîtra, elle, qu'un seul numéro, auquel Millecam a toutefois le temps de donner un autre extrait de ses Mémoires pour ne point paraître "Mémoires pour ne point paraître", Terrasses, Alger, n° 1, 1953. ! *** La sollicitude de Camus pour Millecam se poursuivra les années suivantes "Camus s'est toujours précipité, la main tendue, vers le jeune écrivain que j'étais. il agissait de même à l'égard de Sénac". Qualis Artifex 2, p 100., seulement affectée en cette terrible année 56 par l'attentat dont le second fut victime - et qui, après de longs mois d'hospitalisation, l'éloigna du pays natal jusqu'après l'Indépendance. Impossible d'imaginer que ce geste, survenu quelques semaines après que Camus ait renoncé à s'exprimer davantage sur leur patrie commune, n'ait pas bouleversé l'auteur de l'Appel à la Trêve civile.. Les mois passent. Jusqu'à cette ultime image, poétisée sans doute, dans Qualis Artifex : "Les jours qui accompagnèrent la mort d'Albert, nous reçûmes la visite de Nicole. Nous évoquâmes des souvenirs, poussâmes des soupirs, rêvant des occasions manquées et de l'idéal compromis. Nicole me livra sa dernière image de Camus. Elle était descendue à Lourmarin en compagnie de sa mère. Camus n'était pas là. Elle avait rencontré Francine et probablement les enfants. Puis elle avait repris la route. Tandis qu'elle conduisait, la voiture de Camus apparut : il était au volant et paraissait souriant. Son visage avait cessé d'être celui, tourmenté, des lendemains du Nobel, et des incertitudes pesant sur sa mère. C'est à ce moment que Nicole me révéla que j'avais fait défaut à Albert. Il était au courant de l'attentat qui avait failli m'emporter, on lui avait dit mon mariage : il regrettait de ne m'avoir plus revu depuis l'époque d'Hector." Qualis Artifex 2, tapus p. 97