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Made in Maroc Vol.

Sous la direction de Noureddine El Aoufi et Bernard Billaudot Made in Maroc Made in Monde Volume 3 Profils sectoriels et émergence industrielle Made in Maroc Made in Monde Volume 3 Profils sectoriels et émergence industrielle Recherches menées avec le concours de de l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques Sous la direction de Noureddine El Aoufi et Bernard Billaudot Made in Maroc Made in Monde Volume 3 Profils sectoriels et émergence industrielle Économie critique dirigée par Noureddine El Aoufi « Économie critique » est une collection de la revue Critique économique. Sa vocation est de produire des analyses approfondies et originales sur les problématiques théoriques et empiriques de l’économie d’aujourd’hui. Privilégiant le champ de l’économie nationale, la collection propose un décryptage des fonctionnements macro-économiques institutionnels et réels, des comportements des acteurs, des configurations des entreprises, des grands enjeux nationaux et internationaux. Au-delà des éclairages pertinents qu’elle apporte, « Économie critique » vise également à susciter le débat et à animer la vie intellectuelle nationale. Dans la même collection Mohammed Naciri, Désirs de ville, 2017. Noureddine El Aoufi et Saïd Hanchane, les Inégalités réelles au Maroc : une introduction, 2017. Grigori Lazarev, Politiques agraires, 2012. Noureddine El Aoufi (dir.), le Maroc solidaire : projet pour une société de confiance, 2011. Noureddine El Aoufi, Mohammed Bensaïd, les Jeunes, mode d’emploi : chômage et employabilité au Maroc, 2008. Najib Akesbi, Driss Benatya, Noureddine El Aoufi, l'Agriculture marocaine à l'épreuve de la libéralisation, 2008. Michel Hollard, Une petite désillusion : comment peut-on être coopérant au Maroc ? Journal, 2001-2002, 2006. En co-édition avec l’Harmattan, Paris Mohammed Bensaïd, Noureddine El Aoufi, Michel Hollard (dir.), Économie des organisations : tendances actuelles, 2007. Jean Lapèze (dir.), Apport de l’approche territoriale à l’économie du développement, 2007. Jean Lapèze, Nacer El Kadiri, Nouzha Lamrani (dir.), Éléments d’analyse sur le développement territorial : aspects théoriques et empiriques, 2007. Claude Courlet (dir.), Territoire et développement économique au Maroc : le cas des systèmes productifs localisés, 2006. © Économie critique, 2019 Pré-presse : Babel com, Rabat Impression : El Maârif Al Jadida, Rabat Programme de recherche Made in Morocco Industrialisation et développement Comité de pilotage Nadia Benabdeljlil, Université Mohammed V de Rabat, Maroc. Bernard Billaudot, Université Grenoble-Alpes, France, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc. Noureddine El Aoufi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Said Hanchane, Université Mohammed VI Polytechnique, Benguerir, LED, Maroc. Michel Hollard, Université Grenoble-Alpes, France, LED, Maroc. Nicolas Moumni, Université d’Amiens, France, LED, Maroc. Alain Piveteau, Institut de recherche pour le développement, France, LED, Maroc. Rédouane Taouil, Université Grenoble-Alpes, France, LED, Maroc. Comité de gestion Noureddine El Aoufi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc, chef du projet 2012-2016. Hicham Hanchane, Université Mohammed V de Rabat, chef du projet 2016-2017. Nadia Benabdeljlil, Université Mohammed V de Rabat, chef du projet 20172019. Safae Akodad, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Chercheurs Safae Aissaoui, Université Hassan II de Casablanca, LED, Maroc. Safae Akodad, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Anass Alaoui Mdaghri, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Khadija Askour, Institut supérieur international du tourisme de Tanger, LED, Maroc. Laurence Baraldi, Université Grenoble-Alpes, France. Nadia Benabdeljlil, Université Mohammed V de Rabat, Maroc. Saad-Ellah Berhili, HEC Montréal, Université Mohammed V de Rabat, Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique. Mohamed Bijou, Université de Toulon, France, LED, Maroc. Bernard Billaudot, Université Grenoble-Alpes, France, LED, Maroc. Mohamed Boukherouk, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Maroc. Nadia Bounya, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Youssef Bouzrour, Chercheur, Manager consulting Mazars, Maroc. 6 Profils sectoriels et émergence industrielle Marie Coris, Université de Bordeaux, France. Lahcen El Ameli, Institut agronomique et vétérinaire Hassan II et Université internationale de Rabat, Maroc. Noureddine El Aoufi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Soukaina El Boujnouni, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Issam El Filali, Université Chouaïb Doukkali d’El Jadida, LED, Maroc. Adil El Houmaidi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Khadija El Issaoui, Université Mohammed V de Rabat, Maroc. Rachid El Mataoui, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Rajae El Moukhi, Université Mohammed V de Rabat, Maroc. Abdellali Fadlallah, Institut national de statistique et d’économie appliquée, Maroc. Hicham Goumrhar, Université Ibn-Zohr d’Agadir, LED, Maroc. Hicham Hanchane, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Saïd Hanchane, Université Mohamed VI Polytechnique de Bengrir, LED, Maroc. Michel Hollard, Université de Grenobles Alpes, France, LED, Maroc. Hosna Hossari, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Maroc. Marouane Idmansour, Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, LED, Maroc. Lamiaa Kerzazi, Université Mohammed V de Rabat, Maroc. El Houcine Khettar, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Rabah Kissami, Université Mohammed Premier, Oujda, Maroc. Tarik Lakhal, Université Mohammed V de Rabat, Maroc. Pauline Lectard, Université de Montpellier, France. Mariem Liouaeddine, Université Ibn Tofail de Kénitra, LED, Maroc. Anass Mahfoudi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Nicolas Moumni, Université d’Amiens, France, LED, Maroc. Mohamed Mzaiz, Université Chouaib Doukkali d’El Jadida, LED, Maroc. Benaissa Nahhal, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Hicham Ouakil, Université Ibn Tofail de Kénitra, Maroc. Alain Piveteau, Institut de recherche pour le développement, France, LED, Maroc. Hamid Slimani, Université Sidi Mohammed Benabdellah de Fès, Maroc. Mohamed Soual, Chief Economist OCP, Maroc. Outmane Soussi Naoufal, Université Mohammed V de Rabat, Maroc. Rédouane Taouil, Université Grenoble-Alpes, France, LED, Maroc. Abdelmouneim Tlidi, Université Cadi Ayyad de Marrakech, LED, Maroc. Hanane Touzani, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc. Éric Verdier, CNRS et Aix-Marseille Université. Mustapha Ziroili, Université Aix-Marseille, France. Sommaire Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre introductif La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 Bernard Billaudot 9 ..................... 15 Chapitre 1 Agro-alimentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Abdelmoneim Tlidi 71 Chapitre 2 Textile-habillement Abdellali Fadlallah ......................................................... Chapitre 3 Chimie et parachimie Rajae El Moukhi ...................................................... 101 125 Chapitre 4 Mécanique et métallurgie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 Safae Akodad, Hicham Goumrhar et El Houcine Khettar Chapitre 5 Automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 Alain Piveteau Chapitre 6 Aéronautique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 Safae Akodad, Nadia Bounya et Hicham Goumrhar Chapitre 7 Électrique et électronique Rachid El Mataoui .................................................. 205 Chapitre 8 Énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223 Benaissa Nahhal 8 Profils sectoriels et émergence industrielle Chapitre 9 Logistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261 Mohammed Mzaiz Chapitre 10 Offshoring . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297 Issam El Filali Chapitre 11 Artisanat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 317 Mariem Liouaeddine Chapitre 12 Tourisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 Mohamed Boukherouk et Abdelmonaim Tlidi Chapitre 12 Commerce et distribution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 381 Tarik Lakhal et Hicham Ouakil Auteurs ..................................................................... 401 Avant-propos Le présent ouvrage rassemble l’ensemble des travaux effectués dans le cadre du programme de recherche « Made in Morocco : industrialisation et développement » qui s’est déroulé, en temps effectif, sur la période 2013-2018 et les résultats auxquels ces travaux ont conduit. Il se compose de trois volumes formant une totalité qui « n’est pas autre chose que la pluralité considérée comme unité » (au sens de Kant). Autour de la problématique générale de l’industrialisation dans sa double relation avec les exigences du développement national, d’une part, et avec les contraintes imposées par la mondialisation, d’autre part, ce programme a conjugué une diversité d’approches, de niveaux d’analyse, d’outils et de modes d’investigation soutenus par des hypothèses de travail élaborées de concert, au cours de plusieurs séminaires méthodologiques, par une quarantaine de chercheurs et de doctorants. Le premier volume (Made in Morocco : industrialisation et développement) porte sur la problématique générale retenue qui, par définition est théorique. Dans le premier chapitre, celle-ci est exposée en mettant en évidence son originalité au regard des enjeux majeurs nationaux et internationaux de l’économie marocaine, et il y est fait état des outils mobilisés et de la façon dont ils sont conjugués pour tester le bien-fondé de cette problématique générale. Dans les chapitres suivants, divers aspects de celle-ci sont passés en revue et analysés : outre une mise en perspective historique de l’industrialisation au Maroc, les différentes relations qu’un processus national d’industrialisation tirée par le développement met en jeu avec le régime de politique économique, la croissance, le capital humain, l’innovation, les formes du rapport salarial, les compétences territoriales, les besoins de financement, le développement agricole, les modalités de la promotion des exportations. Le deuxième volume (Made in Morocco : l’entreprise marocaine entre marché et industrie) traite de la diversité des entreprises industrielles marocaines, en se préoccupant de savoir si cette diversité a une coloration sectorielle marquée ou si, en accord avec la problématique générale du programme de recherche, elle est dans une large mesure transversale aux divers secteurs dont se compose l’industrie manufacturière. 10 Profils sectoriels et émergence industrielle Dans une première partie sont présentés et analysés les résultats d’une enquête nationale effectuée au cours de l’année 2015 auprès d’un échantillon de 600 entreprises opérant dans le secteur industriel et réparties sur cinq régions du Maroc. Conçue en résonance avec la problématique générale et les hypothèses théoriques, conduite par des chercheurs et des doctorants du programme et administrée sur le terrain par des étudiants de master formés à cette épreuve, l’enquête a pour visée de fournir une description des différentes configurations de l’entreprise marocaine sur la base d’une grille d’indicateurs d’« état » et d’« évolution » ayant trait au cadre institutionnel et organisationnel, aux structures productives, aux transformations des marchés, aux facteurs de compétitivité et aux tendances observées depuis 1998. L’enquête repose sur un questionnaire portant pour l’essentiel sur la situation de l’entreprise, tout particulièrement en ce qui concerne les marchés, la qualité du travail, la qualité des produits, la composition, le recrutement et la formation de la main-d’œuvre, ainsi que la recherche-développement et le financement. La seconde partie complète cet exercice d’ensemble relevant de la statistique descriptive par une série de monographies d’entreprises. Ces dernières apportent un éclairage personnalisé, en termes de trajectoires, sur certains types mis en évidence dans la première partie, sans que le choix des entreprises enquêtées ait répondu à un souci de représentativité. Le troisième volume (Profils sectoriels et émergence industrielle) offre, dans un chapitre introductif, un cadrage d’ensemble de la dynamique sectorielle de l’économie nationale, réalisé en mobilisant les données de la comptabilité nationale. Les chapitres suivants portent sur un certain nombre de domaines d’activités industrielles, couramment qualifiés de branches ou de secteurs. Il ne s’agit pas seulement de domaines relevant de l’industrie manufacturière, puisque certains sont des composantes de l’environnement de cette dernière (logistique, infrastructures, etc.). L’une des particularités de ce programme a été d’impliquer pleinement les doctorants dont il fut, pour certains, leur première expérience de recherche collective. Dans le rendu réalisé, l’exigence que l’on a cherché à satisfaire a été non pas de livrer un « produit fini » dont les diverses composantes seraient parfaitement articulées et cohérentes entre elles, mais de faire voir, autant que faire se peut, une recherche « en train de se faire ». Le chapitre introductif du premier volume portant sur l’objet du programme, la problématique affichée et les outils mobilisés est présenté dans sa version projective quant aux objectifs du programme et à la définition de son périmètre. Les limites constatées des « livrables » effectifs par rapport à l’ambition initiale traduisent non seulement les difficultés liées à toute recherche scientifique mais aussi, en l’occurrence, les Avant-propos 11 multiples aléas et incertitudes dus à un environnement national qui demeure encore peu favorable eu égard aux exigences de la recherche, notamment dans les disciplines des sciences humaines et sociales. Avertissement Il convient de bien distinguer une analyse positive de « ce qui est (a été) » et une proposition normative relative à « ce qui doit (devrait) être ». La première relève de la science et la seconde, de la philosophie politique. La première se doit d’être pertinente (bien expliquer les faits observables), tandis que la seconde est essentiellement contestable. Cette distinction s’impose parce que l’on ne peut déduire « ce qui doit (devrait) être » de « ce qui est (a été) ». Ce principe, qualifié de « guillotine de Hume », ne veut pas dire qu’une proposition normative ne peut reposer sur une analyse positive. Il postule seulement qu’une analyse à portée moniste ne peut s’avérer pertinente puisqu’elle fait nécessairement l’impasse sur la diversité de « ce qui est (a été) », diversité qui tient fondamentalement à la pluralité des références normatives, dites de philosophie politique, de ceux qui en ont été les acteurs. Dans une société aussi pluraliste que le Maroc, l’exigence requise pour toute analyse positive est de ressaisir cette pluralité en s’imposant de suspendre tout jugement concernant le point de savoir si « ce qui est (a été) » a été une bonne ou une mauvaise chose, puisqu’un tel point de vue dépend de la philosophie politique, implicite ou explicite, sous-jacente à un tel jugement. L’existence d’un tel pluralisme n’exclut, toutefois, pas un bornage des propositions normatives a priori acceptables (celles qui portent atteinte, par exemple, aux principes d’égalité des chances et d’équité sont exclues). Dans le champ des propositions communément acceptables, la démarche adoptée implique d’en privilégier certaines, sans les réduire à une seule. Le pluralisme en question se retrouve nécessairement au sein de l’équipe des chercheurs ayant participé aux travaux du programme et transparaît dans leurs contributions à ces trois volumes. Remerciements Nos remerciements vont d’abord à l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques, sans son appui cette recherche et cette publication n’auraient pas pu s’accomplir. Nous remercions également la Présidence de l’Université Mohammed V de Rabat qui a domicilié le programme de recherche et la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales pour avoir abrité les séminaires méthodologiques, les séminaires de recherche ainsi que les réunions de travail du comité de pilotage et du comité de gestion. Le ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique a fourni au programme de recherche un échantillon d’entreprises que M. Mustapha Abir a mis au point sur la base de critères et de spécifications que nous avons définis et arrêtés, qu’il soit ici remercié. L’enquête de terrain a permis de constater plusieurs imperfections dans l’échantillonnage du ministère, imperfections liées au mouvement des entreprises et aux fortes fluctuations de l’activité des affaires au Maroc, ce qui nécessite une « mise à jour » plus fréquente. Un des « livrables » du programme de recherche, la « base de données » ayant servi à l’enquête, est disponible, avec les trois volumes de l’ouvrage Made in Maroc, Made in Monde, sur le site www.ledmaroc.ma. Sont disponibles également les « notes méthodologiques », les « notes de cadrage », les « documents de travail », les « profils sectoriels », ainsi que les travaux de thèse ayant bénéficié d’un encadrement au sein du programme de recherche. Le site continuera d’abriter d’autres travaux effectués sur la base des résultats du programme de recherche et dans le prolongement de sa problématique générale. Profils sectoriels Équipe de recherche Direction Noureddine El Aoufi Méthodologie Bernard Billaudot, Marie Coris, Khadija El Issaoui, Noureddine El Aoufi, Hicham Hanchane, Saïd Hanchane, Michel Hollard, Mohamed Mzaiz, Alain Piveteau, Rédouane Taouil Note méthodologique Marie Coris, Alain Piveteau, Khadija El Issaoui Profils sectoriels / Documents de travail (en ligne sur www.ledmaroc.ma) Safae Akodad, Brahim Bachirat, Aahd Benmansour, Rajaa Drissi Alami, Khadija El Issaoui, Hicham Goumrhar, El Houcine Khettar, Anass Mahfoudi Profils sectoriels / Analyses (chapitres de ce volume) Safae Akodad, Bernard Billaudot, Mohamed Boukherouk, Nadia Bounya, Issam El Filali, Rachid El Mataoui, Rajae El Moukhi, Abdellali Fadlallah, Hicham Goumrhar, El Houcine Khettar, Tarik Lakhal, Mariam Liouaeddine, Mohamed Mzaiz, Benaissa Nahhal, Hicham Ouakil, Alain Piveteau, Abdelmoneim Tlidi CHAPITRE INTRODUCTIF La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 Bernard Billaudot Introduction Le programme de recherche « Made in Morocco » comprend quatre composantes : 1. les problématiques théoriques, 2. les profils sectoriels, 3. l’enquête, 4. les monographies. Ces quatre composantes sont réalisées indépendamment les unes des autres. Mais elles s’enchaînent dans cet ordre : la suivante doit, en principe, permettre d’affiner, de préciser de nuancer ou même de contredire en tout ou partie les propositions qui ont été établies dans la précédente. Cette « indépendance » tient au fait que chacune repose sur la mobilisation de données empiriques distinctes. La composante « profils sectoriels » comprend elle-même plusieurs volets. Le premier d’entre eux mobilise les données de la comptabilité nationale par produits et activités (complétées par les données sur le commerce extérieur de l’Office des changesDouanes) (1). Il s’agit d’un cadrage macro-sectoriel de la dynamique de l’économie marocaine au cours de la période 1998-2015. Il consiste à mettre en évidence ce que nous apprend l’analyse empirique de la dynamique qui a été enregistrée (selon la représentation que nous en donne la comptabilité nationale) (2) en ce qui concerne précisément le processus d’industrialisation 1. Ces données sont élaborées en retenant comme nomenclature de produits la nomenclature SH (système harmonisé). Ce n’est pas la même que la nomenclature retenue pour les comptes nationaux (NCN du TRE), mais on dispose d’une grille de passage de l’une à l’autre. L’harmonisation est assurée jusqu’au niveau dit de six positions (six chiffres), mais un détail est disponible jusqu’à 10 positions (les douanes vont plus finement pour discriminer des produits dans le cadre des accords commerciaux, mais l’information à ce sujet demeure en interne). 2. Un changement de base de la construction des comptes nationaux a eu lieu au cours de la période passée en revue. On dispose de la série des comptes de 1998 à 2007 en base 1998 et de la série des comptes des années 2007 à 2015 en base 2007. Pour certaines données, on a disposé de rétropolations en base 2007 pour les années 1998 à 2006. Au-delà des données proprement macroéconomiques, j’ai par expérience (BB) une préférence pour les données établies dans le détail « à errements constants » au regard des données rétropolées qui sont le plus souvent établies « à la serpe ». En tout état de cause, il y a lieu de vérifier que sur la 16 Profils sectoriels et émergence industrielle de l’économie marocaine au cours de cette période, sans chercher à l’expliquer (théoriquement). On se contente donc de « faire parler les chiffres » à propos du constat qui, on va le voir, s’impose à ce sujet : la faible ampleur de ce processus. On ne se focalise pas sur les forces d’impulsion de la croissance (3). Ce cadrage est dit « macro-sectoriel » parce qu’il consiste, à l’inverse du processus d’établissement des comptes nationaux par agrégation, à procéder par désagrégations successives, à passer de l’économie prise comme un tout à des niveaux d’observation de plus en plus fins (en termes de couple « activitéproduit »). A chaque étape, l’une des grandes activités prises en compte au niveau antérieur est détaillée en plusieurs activités, afin de voir si la dynamique enregistrée au niveau antérieur pour la grande activité en question est le produit de dynamiques très semblables des diverses activités dont elle se compose ou si elle est à attribuer principalement à une activité particulière (ou quelques-unes) qui a (ont) connu une dynamique spécifique. Puisqu’il s’agit de se focaliser sur le processus d’industrialisation, l’affinement réalisé d’étape en étape porte sur les industries de transformation (hors pétrole) en passant par le secteur secondaire, puis l’ensemble des industries de transformation (y compris le pétrole) et en débouchant sur une décomposition en cinq branches desdites industries de transformation (hors pétrole) (en l’état actuel des données publiées disponibles, période 1998-2007, les constats établis à partir des données rétropolées ne sont pas très différents de ceux qui le sont (ou l’ont été) sur la base des comptes en base 1998 et que, si le constat est nettement différent, cet écart doit pouvoir être expliqué par les modifications apportées par le changement de base en 2007. Dans le cours de l’établissement de cette note, on procède à cette vérification. Cela concerne en tout premier lieu le point de savoir si, sur la période en revue, on peut faire état d’un processus d’industrialisation. 3. Cette focalisation sur le processus d’industrialisation laisse entendre que l’analyse empirique de ce processus est préalable à celle des forces d’impulsion de la croissance. Cela s’impose dès lors qu’on adopte le point de vue selon lequel la consommation des ménages suit leur revenu, que celui-ci n’est pas impulsé par des hausses autonomes des salaires (autonomes signifiant « non liées à l’évolution de l’emploi et du chômage ») et que les anticipations qui déterminent l’investissement dans le secteur privé (hors FBCF en logements des ménages) sont dans une large mesure déterminées par les exportations attendues de la demande mondiale, la FBCF ne pouvant alors être considérée comme le siège d’une impulsion autonome. En matière de croissance, l’hypothèse sous-jacente à cette focalisation première est donc que celle-ci dépend essentiellement de la compétitivité à l’exportation des entreprises marocaines qui exportent (ou fournissent les consommations intermédiaires d’entreprises qui exportent) et de la compétitivité sur le marché intérieur face aux importations des entreprises de l’économie marocaine qui y écoulent tout ou partie de leur production, étant entendu que ces deux compétitivités sont tout à fait distinctes dès lors que la façon d’apprécier la qualité des produits sur les marchés d’exportation (qui sont principalement les marchés intérieurs des pays du Nord) n’est pas la même que sur le marché intérieur marocain et que, pour partie en raison de cette différence, certaines entreprises marocaines sont spécialisées à l’exportation tandis que beaucoup ne vendent que sur le marché intérieur. La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 17 voir infra). Ce cadrage doit donc permettre de délimiter et séparer ce qui est commun à toutes les activités de transformation dans la faiblesse constatée et ce qui est spécifique à certaines d’entre elles (en positif et en négatif au regard de l’ampleur du processus d’industrialisation) afin de faire porter le second volet de « Études sectorielles » sur ces spécificités, notamment la chute de l’activité « textile (y compris habillement) et cuir » (D02) après 2007 et un début d’« émergence » dans les industries mécaniques et électriques (D04). Les principales limites tenant à ces données sont : (i) l’absence d’information sur l’emploi par activité (on ne peut donc rien dire concernant la productivité, c’est-à-dire le volume de valeur ajoutée par emploi, et la rémunération salariale moyenne par emploi) et (ii) le manque de finesse du découpage par activité au sein des industries de transformation (hors pétrole), tout particulièrement l’absence de distinction au sein de l’activité « textile et cuir » entre le textile, l’habillement et le cuir et au sein de l’activité « mécanique, métallurgie et électrique » entre l’automobile, les industries de matériel électrique, l’aéronautique et les autres. Les étapes retenues sont donc : 1. l’ensemble de l’économie ; 2. le découpage classique en trois domaines d’activité : primaire, secondaire et tertiaire ; 3. la division du seul domaine secondaire entre les industries d’extraction, les industries de transformation, l’activité « électricité et eau » et l’activité « bâtiment et travaux publics (BTP) » ; 4. la désagrégation des industries de transformation (y compris le pétrole) en « activité pétrolière » et « industries de transformation (hors pétrole) ; 5. celle au sein des activités de transformation (hors pétrole) en cinq couples « activité-produit » et 6. la mise en évidence des similitudes et des différences entre ces cinq domaines. A chacune de ces étapes on traite successivement de la croissance et de l’inflation (en termes de valeur ajoutée) puis de l’insertion internationale (taux d’ouverture à l’exportation de la production intérieure et taux de couverture de la demande intérieure par les importations) (4). On laisse de côté le partage de la valeur ajoutée entre les rémunérations salariales, les impôts sur la production (hors TVA et droits de douane, nets de subventions) et l’excédent brut d’exploitation. En effet, ce dernier comprend le résultat d’exploitation des entreprises à statut juridique d’entreprise dite « individuelle » parce que celui qui la dirige et y travaille (seul ou avec les membres de sa famille) n’est pas un salarié, qu’il s’agisse d’un paysan, d’un artisan, d’un patron de PME ou d’une profession libérale. Ce partage n’est donc pas celui entre les salaires 4. On s’en tient alors, sauf exception, aux données « à prix courants », les exceptions tenant à des évolutions importantes des prix. 18 Profils sectoriels et émergence industrielle (y compris les charges sociales) et les profits, comme c’est le cas pour une entreprise qui a le statut juridique de société. Par contre, l’information sur la part des salaires dans la valeur ajoutée (nette d’impôts) nous donne une indication sur l’un des aspects de l’industrialisation d’un pays. Le sens courant de ce terme consiste à l’associer à « augmentation de la part de l’industrie (secteur secondaire ou seules industries de transformation) dans la production totale ». Mais on peut aussi donner un autre sens à ce processus, en associant « industrialisation » à « passage d’une production artisanale (sans division du travail entre la conception et l’exécution de la production) à une production industrielle (au sens où elle comprend une telle division du travail) », passage qui est à même de se réaliser aussi bien dans l’agriculture et les services que dans l’industrie. D’ailleurs, comme l’industrie (en tant que domaine d’activité distinct de l’agriculture et des services) est le domaine dans lequel ce passage s’est effectué dans un premier temps (en Grande-Bretagne au tournant du XIXe siècle), il semble bien que le sens courant du terme dérive de cet autre sens que l’on a oublié. En revenant à ce sens premier, on dit alors qu’il y a industrialisation lorsque la part des salaires dans la valeur ajoutée augmente. On s’en tient, dans cette note, au sens courant d’« industrialisation ». La conclusion consiste à lister les points pour lesquels un affinement de l’analyse s’avère nécessaire, tout particulièrement pour étayer certaines hypothèses énoncées dans le cours des six sections. 1. La dynamique de l’économie globale Dans une société dans laquelle la production pour la vente représente une part très importante de la production (au regard de la production étatique et de la production domestique), la valeur ajoutée est la catégorie économique par excellence. En termes strictement comptables, il s’agit de la différence entre la valeur monétaire de la production vendue et la valeur monétaire du total des achats de produits consommés pour réaliser cette production vendue. On encore, le montant strictement monétaire qu’il faut ajouter à la valeur de ces consommations intermédiaires pour parvenir à la valeur de la production vendue. Cette grandeur s’apprécie aussi bien à l’échelle d’une activité particulière que d’un grand secteur d’activité ou de l’économie dans son ensemble. A cette échelle, les comptables nationaux parlent de PIB marchand. La domination de la production pour la vente les a conduits à « assimiler » les autres productions (lorsqu’elles sont réalisées par des salariés ou conduisent à la réalisation de produits qui font couramment l’objet d’achat) à une production pour la vente, en évaluant une valeur monétaire fictive de la La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 19 production et en en déduisant l’existante d’une valeur ajoutée (5). On ajoute ainsi au PIB « marchand » un PIB « non marchand » en parvenant ainsi à un PIB global (6). La valeur ajoutée est la grandeur économique primordiale parce qu’elle est à l’origine des revenus distribués, y compris les prestations sociales versées par les administrations publiques si on considère que ces prestations sont (doivent être) financées par les prélèvements obligatoires perçus par l’État, prélèvements qui représentent une part du PIB global (en l’occurrence une part du seul PIB marchand). En dynamique, la croissance et l’évolution en prix de la valeur ajoutée sont les deux éléments qui contribuent au changement de la valeur ajoutée, dès lors que la « croissance » est celle de la valeur ajoutée « à prix constants ». A l’échelle de l’économie dans son ensemble, on parle de taux d’inflation, ou plus simplement d’inflation, à propos de l’évolution « en prix » du PIB. 1.1. Croissance et inflation De 1998 à 2015, le PIB global du Maroc « à prix courants » a progressé en moyenne de 5,4 % l’an (7). 1.1.1. Croissance La notion primordiale à prendre en compte est l’évolution en termes réels, dite « en volume » ou encore « à prix constants » (8). Elle a été en moyenne de 4,2 % l’an. Elle est supérieure à celle qui a été enregistrée au cours de la période qui a fait suite à l’ajustement structurel de 1983, puisque le taux moyen de la 5. On laisse de côté le traitement des activités financières qui posent un problème spécifique. 6. Mon propre point de vue, en tant qu’auteur de cette note, est que cette assimilation ne doit pas être faite : le seul PIB qui a un sens est le PIB marchand, dès lors qu’il s’agit d’une pure grandeur en monnaie et non d’un agrégat de produits. Il n’en reste pas moins que les comptes dont on se sert pour la présente analyse sont les comptes construits en précédant à cette assimilation. 7. Evaluation tirée des comptes rétropolés (1998 : 401 524 millions de dirhams ; 2015 : 982 223). Pour 2007/1998, les comptes rétropolés en base 2007 conduisent à + 5,45 % en moyenne par an et les comptes en base 1998, à + 5,38 %. Le changement de base n’a donc pas introduit de différence significative. 8. On ne dispose pas de comptes aux prix de l’année de base (2007), seulement des comptes successifs « aux prix de l’année précédente ». L’évolution moyenne de 4,2 % est donc la moyenne des évolutions « aux prix de l’année précédente ». Autrement dit, les montants dits « en volume » (à prix constants) sont déduits des valeurs « à prix courants » en utilisant des indices chainés des prix. L’évolution moyenne par an de + 4,2 % l’an est tirée des comptes rétropolés. Pour 2007/1998, ces comptes donnent + 4,26 % l’an contre +4,14 % pour les comptes en base 1998. 20 Profils sectoriels et émergence industrielle croissance sur la période 1983-1998 a été d’un peu moins de 3 % l’an (9). Ce rythme de croissance a toutefois été insuffisant pour conduire, compte tenu de l’amélioration de la productivité apparente du travail, à une progression de la population active occupée à même de réduire le chômage. Ce rythme moyen de croissance se constate au cours des deux sous-périodes prises en compte ci-dessus. Il n’y a ni accélération, ni ralentissement. On constate seulement des variations sensibles à court terme (voir graphique 1). Ces variations ne tiennent pas seulement à celles de la valeur ajoutée « en volume » de l’agriculture. Graphique 1 Taux de croissance d’une année sur l’autre du PIB à prix constants Si on prend en compte le total des valeurs ajoutées des branches d’activité (le PIB avant impôts sur la production nette de subventions), la croissance mesurée avec cet indicateur est de 4,1 % par an en moyenne sur l’ensemble de la période. Elle est un peu plus rapide au cours de la première souspériode (1998-2007) qu’au cours de la seconde, puisqu’on passe d’un rythme tendanciel de + 4,2 % à un rythme tendanciel de + 4,0 % (mais seulement + 2,9 % de 2007 à 2015). 1.1.2. Inflation L’écart entre l’évolution « à prix courants » du PIB et son évolution « à prix constants » est l’évolution « en prix » du PIB, ou encore celle de la valeur ajoutée globale de l’économie couramment qualifiée de taux d’inflation. A la différence de l’évolution de l’indice du niveau général des prix à la 9. Voir B. Billaudot (2005), « La dynamique macro-économique de l’économie marocaine (1986-2003) », Critique économique, n° 15, hiver-printemps. La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 21 consommation qui dépend des prix des importations, ce taux est propre à l’économie du pays considéré. Quel que soit le niveau auquel on l’apprécie (économie globale, grande branche d’activité, branche fine), cette évolution en prix de la valeur ajoutée doit être qualifiée d’impulsion propre des prix de vente des biens et services produits par les entreprises qui les réalisent au niveau considéré. D’un point de vue strictement comptable, cette impulsion se présente comme l’effet « solde » entre l’évolution en prix de la production et l’évolution en prix des consommations intermédiaires, ces deux évolutions étant des évolutions moyennes de prix de produits achetés/vendus, celle des prix de vente pour l’évolution en prix de la production et celle des prix d’achat des biens et services consommés pour l’évolution en prix des consommations intermédiaires. En renversant cette relation comptable, on peut aussi dire que, dans la formation de l’évolution des prix de vente, cette impulsion propre s’ajoute à la simple répercussion dans les prix de vente des évolutions des prix des moyens de production intermédiaires consommés dans la production (10). La simple observation de cette impulsion, qu’elle soit positive ou négative, ne nous apprend rien concernant le point de savoir si elle a été voulue par les entreprises qui ont participé à sa formation ou si elle a été subie par elles. Dire quelque chose à ce propos consiste à se situer sur le terrain de l’explication, qui est toujours d’ordre théorique. Dire qu’elle a été voulue par une entreprise qui vend dans une branche d’activité particulière consiste à l’expliquer en disant que cette entreprise a décidé de garantir l’évolution des revenus tirés de la valeur ajoutée réalisée (répercuter dans ses prix de vente les hausses salariales qu’elle a accordées afin de ne pas voir baisser son résultat d’exploitation source de revenu ou de profit ou augmenter ce résultat). Dire qu’elle a été subie consiste au contraire à l’expliquer en disant que les évolutions de ses prix de vente et celles des prix de ses consommations intermédiaires ont été imposées par le marché (11). Sur l’ensemble de la période, le rythme moyen d’inflation a été très limité, puisqu’il n’a été que de 1,1 % l’an, et l’on ne constate aucune accélération ou aucun ralentissement de ce rythme lent de la première à la seconde souspériode. 10. On ne discute pas ici du sens de cette proposition s’agissant de la production non marchande, donc du PIB non marchand. 11. La première explication correspond au cas où l’on est en présence, dans la branche d’activité considérée, d’une domination du monde de production industriel et la seconde, d’une domination du monde de production marchand. Elle est mixte en cas de domination du monde de production domestique (Billaudot B. et El Aoufi N. (2017), « Les nouveaux ressorts de l’industrialisation dans la mondialisation : le cas du Maroc », Critique économique, n° 35, hiver-printemps). 22 Profils sectoriels et émergence industrielle 1.2. Insertion internationale Le lien entre la croissance intérieure et l’insertion de l’économie marocaine dans l’économie mondiale se décrit, en premier lieu, à l’aide de trois indicateurs. Le premier mesure la part de la production intérieure qui est exportée ou taux d’ouverture à l’exportation (X/P). Le second s’attache à la pénétration des importations, le ratio pris en compte étant alors la part de la demande intérieure globale (total des consommations intermédiaires, de la consommation finale des ménages et des administrations, de la formation brute de capital fixe et de la variation des stocks) qui est couverte par les importations (M/DI). Le troisième évalue la couverture des importations par les exportations (X/M), un ratio inférieur à l’unité signifiant, en première analyse (12), un déficit des échanges de biens et services avec le reste du monde. Dans l’analyse qui suit on s’en tient, pour ces trois ratios, à ceux qui sont évalués en retenant les valeurs « à prix courants » de la production, des exportations, de la demande intérieure globale et des importations. A l’occasion, on prend en compte les évolutions « en volume » et les évolutions « en prix » des deux agrégats qui sont rapportés l’un à l’autre dans ces ratios. A partir du moment où ce sont alors des ratios qui sont pris en compte, le changement de l’année de base de construction des comptes nationaux (de 1998 à 2007) oblige à distinguer deux sous-périodes : 1998-2007, puis 2007-2015 (13). Tableau 1 Ouverture à l’exportation et pénétration des importations Économie globale (à prix courants) 1998 Var. 2007 2007 Var. 2015 Var. 2015/1998 X/P 15,0 % + 6,8 pt 21,8 % 20,7 % + 0,6 pt 21,3 % + 7,4 pt M/DI* 16,8 % + 9,1 pt 25,9 % 24,9 % + 0,1 pt 25,0 % + 9,2 pt X/M* 86,9 % – 7,2 pt 79,7 % 78,7 % + 2,8 pt 81,5 % – 5,4 pt * Avec les importations comptées FAB. Sur l’ensemble de la période, il y a eu une forte progression à la fois du taux d’ouverture à l’exportation et du taux de pénétration des importations. Mais la seconde l’emporte assez nettement sur la première (+ 9,2 points contre 12. Il y a en effet lieu de tenir compte du fait que les importations et les exportations ne sont pas évaluées exactement de la même façon en ce qui concerne le transport et l’assurance. 13. A ce niveau global, on pourrait se référer aux comptes rétropolés, mais comme on procède dans la suite par désagrégation successives et que l’on n’a pas de comptes rétropolés à ces divers niveaux de désagrégation, on le fait déjà de cette façon à ce niveau global. La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 23 + 7,4 points) et, en conséquence, le taux de couverture des importations par les exportations, qui était déjà inférieur à l’unité en 1998, s’abaisse. Il n’est plus que de 81,5 % en 2015. Les progressions enregistrées pour le taux d’ouverture et le taux de pénétration n’ont pas du tout été continues sur l’ensemble de la période. Elles sont pour l’essentiel acquises au cours de la première phase allant de 1998 à 2007. Les hausses sont très faibles au-delà. Mais, pour comprendre cette nette différence entre la première phase (1998-2007) et la seconde (2007-2015), il est indispensable de prendre en compte la « crise de 2008 » et ses suites en Europe (chute de la production en Espagne notamment) ainsi que dans le monde (forte baisse des prix du pétrole brut et dépréciation de l’euro par rapport au dollar US). En effet, cette « crise de 2008 » s’est accompagnée, pour l’économie marocaine, d’un net recul du taux d’ouverture (de 2007 à 2009, il passe de 20,7 % à 17,5 %, soit une baisse de 3,2 points). Il se redresse ensuite sans toutefois atteindre en 2012 son niveau de 2007, et l’on retrouve au-delà de 2012 une progression comparable à celle enregistrée en moyenne de 1998 à 2007. S’agissant du taux de pénétration des importations, il s’abaisse aussi de 2007 à 2009 (il passe de 24,9 % à 23,2 %, soit une baisse de 1,7 point). Cette baisse tient au fait que le contenu en importations de la production exportée est élevé. Mais cette baisse est beaucoup plus faible que celle enregistrée pour le taux d’exportation. Le taux de pénétration des importations se redresse ensuite en retrouvant en 2015 son niveau de 2007 (il passe de 23,2 % en 2009 à 26,5 % en 2012 et redescend ensuite à 25 %). Le net recul du taux d’ouverture de 2007 à 2009 a pour origine une baisse importante des exportations « en volume » (– 2,5 % de 2007 à 2008 et – 9,2 % de 2008 à 2009), alors que, dans le même temps la production « en volume » a progressé (de + 5,6 % de 2007 à 2008 et encore de + 1,7 % de 2008 à 2009). La baisse du taux de pénétration des importations ne s’observe que de 2008 à 2009 en raison d’une réduction en volume des importations totales (FAB) (– 8,4 %, après + 13,8 % de 2007 à 2008). On doit mettre en relation la baisse importante du taux de couverture des importations par les exportations avec la progression dans le même temps, si ce n’est des apports au Maroc des Marocains vivant à l’étranger (ceux-ci n’augmentent que faiblement de 2007 à 2012 (14)), du moins des 14. Les « autres transferts courants en provenance du reste du monde » s’élèvent à 59 800 millions de dirhams en 2007 (représentant 99,0 % du déficit des opérations sur les biens et services) et à 63 969 millions de dirhams en 2012 (soit seulement 49 % du déficit en question). 24 Profils sectoriels et émergence industrielle investissements financiers longs en provenance de l’étranger (15). Ce sont ces derniers qui ont financé le déficit de la balance des paiements courants (le besoin de l’économie marocaine de se faire financer par le reste du monde tenant au déficit des échanges de biens et services avec ce dernier). Comme les données désagrégées des importations sont comptées CAF (et non pas FAB), on doit prendre en compte pour la suite le taux de pénétration CAF (voir tableau 1 bis). Tableau 1 bis Taux de pénétration des importations (CAF) M/DI 1998 Var. 2007 2007 Var. 2015 Var. 2015/1998 17,8 % + 9,5 pt 27,3 % 26,3 % – 0,1 pt 26,2 % + 9,4 pt En évolution, il n’y a pas de différences significatives entre les évaluations CAF et les évaluations FAB. 2. La désagrégation de l’économie globale en trois domaines (primaire secondaire et tertiaire) La première étape de désagrégation consiste à distinguer trois domaines : le secteur primaire, le secteur secondaire et le secteur tertiaire. A noter que le secteur primaire retenu ne comprend que l’agriculture et la pêche, les activités d’extraction étant comptées dans le secteur secondaire. Ces trois grands domaines d’activité ne pèsent pas le même poids dans l’ensemble de l’économie. En 2007, le secteur tertiaire réalise 60 % de la valeur ajoutée globale (hors impôts sur la production et les importations), le secteur secondaire 27,7 % et le secteur primaire 12,3 %. 2.1. Croissance et inflation (trois secteurs) 2.1.1. Croissance Ces trois secteurs ont tous participé à la croissance globale (voir tableau 2). La croissance du secteur tertiaire a été un peu plus rapide que la moyenne et celles du secteur primaire et du secteur secondaire, un peu moins rapides. Le secteur secondaire est celui qui a enregistré la croissance la moins importante : le secteur primaire fait mieux que le secteur secondaire. Dans l’agriculture, les années pour lesquelles il y a eu de mauvaises récoltes en raison de la pluviométrie 15. Le total des crédits à long terme et actions en provenance du reste du monde s’élève à un peu moins de 50 000 millions de dirhams (en flux) en 2011 et 2012. La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 25 (1999, 2000, 2005 et 2007) ont été compensées par de très bonnes années (2003, 2009), conduisant ainsi à une croissance moyenne de 3,9 % l’an. Par contre, le secteur secondaire a subi de plein fouet la crise mondiale de 2008. Ainsi, la croissance de ce secteur a été en moyenne de 4 % l’an de 1998 à 2007 ; un léger recul (–1,1 %) a eu lieu de 2007 à 2009, tandis que le rythme antérieur de croissance est presque retrouvé après (3,9 % l’an). La principale conséquence de cette dynamique différenciée est un recul du poids du secteur secondaire dans l’ensemble des activités en termes de valeur ajoutée « en volume ». Tableau 2 Les croissances des trois secteurs (valeurs ajoutées « en volume ») Taux de croissance moyen sur la période 1998-2015 Valeurs en 2007 Structure en 2007 * Secteur primaire 3,9 % 70 342 12,3 % Secteur secondaire 3,4 % 159 720 27,7 % Secteur tertiaire 4,5 % 346 557 60,0 % 4,2 % 647 530 Impôts sur les produits PIB global 70 911 100,0 % * En prenant en compte le PIB global net d’impôts sur la production et les importations. Dans les pays d’Asie de l’Est et du Sud-est dits « émergents » (Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong-Kong, Thaïlande, etc., la période au cours de laquelle cette « émergence » a lieu n’étant pas la même selon le pays considéré), la croissance du secteur secondaire a été nettement plus rapide que celle du secteur primaire, avec un fort déversement de la population active de l’agriculture vers les industries de transformation. Cet indicateur est donc primordial à prendre en compte pour apprécier le degré d’« émergence » de l’économie marocaine au cours de la période passée en revue (1998-2015), celle pour laquelle l’objectif de la politique économique était de réaliser, autant que faire se peut, un tel processus. Comme une telle politique met toujours du temps à produire ses effets, on doit principalement s’attacher à l’évolution enregistrée à partir de 2005 ou 2006. Or, on ne constate aucune inflexion à partir de ces dates. Toutefois, pour pouvoir en conclure de façon indiscutable qu’il n’y a eu aucune « émergence » de l’économie marocaine, il faudrait disposer de l’évolution que l’on aurait constatée si la « crise de 2008 » n’avait pas eu lieu. Une telle évolution est tout à fait virtuelle. On ne peut rien en dire. Le seul verdict qui peut être énoncé est que l’objectif affiché n’a pas, loin s’en faut, été atteint. L’analyse empirique qui suit a pour principal objet de mettre en évidence si ce manque de résultat a un caractère assez général (toutes les activités sont concernées) ou s’il est à mettre au compte de certaines activités seulement. 26 Profils sectoriels et émergence industrielle 2.1.2. Inflation Les trois secteurs ont tous trois contribué au faible taux d’inflation global constaté sur la période en revue. L’impulsion propre des prix de vente par les entreprises (évolution en prix de la valeur ajoutée) a été toutefois un peu plus importante dans le secteur secondaire (+ 1,9 % l’an en moyenne sur la période 1998-2015) que dans le secteur tertiaire (+ 1,1 % l’an), tandis qu’elle est très légèrement négative pour les entreprises du secteur primaire (– 0,1 % l’an). En raison de ces évolutions quelque peu différentes, la déformation de la structure de la valeur ajoutée « à prix courants » n’est pas tout à fait la même que celle qui vient d’être constatée « à prix constants ». Ainsi, « à prix courants », le poids du secteur secondaire augmente légèrement (voir tableau 3). Tableau 3 Les poids des trois secteurs (valeur ajoutée en valeur « à prix courants », base 2007) 1998 2007 2015 Montant Structure Montant Structure Montant 64 695 18,1 % 70 342 12,2 % 125 685 14,5 % Secteur secondaire 103 343 28,9 % 159 720 27,7 % 253 317 29,2 % Secteur tertiaire 189 881 53,0 % 346 557 60,1 % 488 776 56,3 % Total (hors impôts indirects) 357 919 100,0 % 576 619 100,0 % 868 178 100,0 % Secteur primaire Structure Source : Comptes nationaux rétropolés pour 1998. A noter que ce diagnostic relatif à la déformation ainsi décrite par les comptes nationaux rétropolés en base 2007 pour la période 1998-2007 confirme, dans une large mesure, celui que les comptes nationaux en base 1998 avaient conduit à établir pour cette sous-période (voir tableau 3 bis). Tableau 3 bis Les poids des trois secteurs (valeur ajoutée « à prix courants », base 1998) 1998 2007 Montant Structure Secteur primaire 68 917 Secteur secondaire 94 428 Secteur tertiaire 177 435 Total * Voir tableau 3. Variation base 1998 Variation base 2007 * 13,7 % – 6,5 pt – 5,9 pt 27,3 % – 0,4 pt – 1,2 pt 59,0 % + 6,9 pt + 7,1 pt Montant Structure 20,2 % 74 928 27,7 % 149 052 52,1 % 321 713 100,0 % 100,0 % La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 27 2.2. Insertion internationale (trois secteurs) Au début de la période en revue, le taux d’ouverture (X/P) est nettement plus élevé dans le secteur secondaire que dans les deux autres secteurs : il s’élève à 21,9 % contre respectivement 8,1 % pour le secteur primaire (5,8 % pour la seule agriculture) et 9,8 % pour le secteur tertiaire (voir tableau 4). La progression du taux global d’ouverture constatée au paragraphe précédent sur la période 1998-2015 est seulement impulsée par les secteurs secondaire et tertiaire. En effet, la part de la production du secteur primaire qui est exportée progresse certes un peu de 1998 à 2007, mais elle régresse ensuite, l’agriculture étant la branche d’activité responsable de cette baisse (16). Tableau 4 Ouverture à l’exportation : la décomposition en trois secteurs 1998 2007 2007 2009 2012 2015 Variation 2015/1998 Secteur primaire 8,1 % 10,1 % 10,7 % 7,8 % 8,5 % 9,8 % + 0,1 pt Secteur secondaire 21,9 % 25,1 % 23,3 % 20,0 % 25,1 % 28,0 % + 7,9 pt Secteur tertiaire Ensemble 9,8 % 21,6 % 20,5 % 17,8 % 17,5 % 17,6 % + 8,8 pt 15,0 % 21,8 % 20,7 % 17,5 % 20,0 % 21,3 % + 7,4 pt Les progressions du taux d’ouverture des secteurs secondaire et tertiaire sont proches sur l’ensemble de la période, même si celle du secteur tertiaire est un peu plus marquée que celle du secteur secondaire. Par contre, les profils d’évolution des ces deux taux sont très différents au cours de cette période. Le taux d’ouverture du secteur tertiaire s’élève de près de 12 points de 1998 à 2007 en se rapprochant du taux d’ouverture du secteur secondaire qui ne progresse que de 3,2 points, mais il s’abaisse ensuite de 2,9 points de 2007 à 2015, alors que celui du secteur secondaire augmente davantage de 2007 à 2015 que de 1998 à 2007. Certes, les deux taux d’ouverture s’abaissent de 2007 à 2009, ce qui est aussi le cas pour le taux d’ouverture du secteur primaire – les trois secteurs participent donc à la baisse du taux d’ouverture de l’ensemble de l’économie au cours de cette phase particulière marquée par la « crise de 2008 » –, mais au-delà celui du secteur secondaire se redresse très nettement, alors que ce n’est pas le cas de celui du secteur tertiaire. Ce sont les dépenses des touristes étrangers au Maroc qui sont à l’origine de ce profil d’évolution du taux d’ouverture du secteur tertiaire. Après avoir 16. Pour la seule agriculture, le taux d’ouverture est de 8,8 % en 2007 et de 8,4 % en 2015 (après une baisse transitoire jusqu’à 6,9 % en 2012). 28 Profils sectoriels et émergence industrielle fortement progressé jusqu’en 2007 pour s’élever alors à près de 63 000 millions de dirhams, elles baissent de 7 000 millions de dirhams de 2007 à 2009, et, si elles reprennent ensuite leur marche en avant, elles dépassent à peine en 2015 leur niveau de 2007 (17). En ce qui concerne la pénétration des importations, les résultats enregistrés sont consignés dans le tableau 5. Tout au cours de la période passée en revue, le taux de pénétration des produits du secteur secondaire est nettement plus élevé que ceux des produits des secteurs primaire et tertiaire (en 2007, la part des produits du secteur secondaire dans la demande intérieure globale est de 53 %, alors que la part des produits du secteur secondaire dans l’ensemble des importations s’élève à 79,6 %). Tableau 5 La pénétration des importations : la décomposition en trois secteurs 1998 2007 2007 2009 2012 2015 Variation 2015/1998 Secteur primaire 9,6 % 17,6 % 16,5 % 9,9 % 14,4 % 10,5 % + 2,0 pt Secteur secondaire 29,5 % 41,5 % 39,1 % 37,9 % 41,5 % 40,7 % + 13,6 pt Secteur tertiaire Ensemble 4,8 % 7,3 % 10,1 % 10,7 % 10,4 % 10,9 % + 3,3 pt 16,8 % 25,9 % 26,3 % 24,4 % 27,8 % 26,2 % + 10,4 pt En évolution de 1998 à 2015, nous avons vu qu’il y avait eu globalement une forte progression du taux de pénétration des importations pour l’ensemble de l’économie marocaine (+ 10,4 points en données CAF). Cette forte augmentation est à attribuer aux produits du secteur secondaire. Certes, les taux de pénétration dans les secteurs primaire et tertiaire sont aussi en progression sur cette période (respectivement de + 2,0 points et + 3,3 points), mais cette progression est nettement moins marquée que pour les produits du secteur secondaire (+13,6 points). S’agissant du cheminement au cours de cette période, nous avons vu que l’essentiel de la hausse du taux de pénétration global constatée de 1998 à 2015 est acquise en 2007. Les trois secteurs contribuent à la forte augmentation du taux de pénétration des produits importés de 1998 à 2007, avec toutefois une contribution plus faible des produits du secteur tertiaire. Au-delà, les évolutions sont très différentes, en raison notamment d’effets différenciés de la « crise de 2008 ». Ainsi, le taux de pénétration en produits du secteur tertiaire se stabilise. Celui relatif aux produits de l’agriculture et de la pêche (secteur 17. Elles s’élèvent à 61 070 millions de dirhams en 2012 et 63 095 millions de dirhams en 2015, contre 62 834 millions en 2007. La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 29 primaire) évolue en sinusoïde à la baisse (il passe de 16,5 % en 2007 à 10,5 % en 2015). Quant au taux de pénétration des importations en produits du secteur secondaire, il progresse encore de 2007 à 2015 (+ 1,6 point), sa chute de 2007 à 2009 étant plus que compensée ensuite. Cette analyse en trois secteurs conduit donc à se focaliser sur le secteur secondaire. 3. La dynamique du secteur secondaire Si le secteur secondaire ne réalise que 27,7 % de la valeur ajoutée globale (hors impôts sur la production et l’importation) en 2007, il réalise par contre 51 % des exportations, tandis que les importations en produits de ce secteur représentent 79,6 % du total des importations (CAF). Ce secteur comprend les industries d’extraction, les industries de transformation, le secteur « électricité et eau » et le BTP. Dans cet ensemble, le poids des industries de transformation est prépondérant. Ces dernières réalisent 61,3 % de la valeur ajoutée de ce secteur en 2007 (voir tableau 6). Tableau 6 La composition du secteur secondaire (valeur ajoutée) Valeur ajoutée « à prix courants » en 2007 (en millions de dirhams) Structure en 2007 Industrie d’extraction 12 037 7,5 % Industries de transformation 97 898 61,3 % Électricité et eau 12 622 7,9 % Bâtiment et travaux publics 22 707 14,2 % 159 720 100,0 % Total secondaire 3.1. La croissance et l’inflation au sein du secteur secondaire 3.1.1. La croissance Nous avons vu que le taux de croissance du secteur secondaire a été en moyenne sur la période en revue de 3,4 % l’an. Les contributions à cette croissance « en volume » des divers domaines d’activité dont se compose ce secteur ont été assez diverses (voir tableau 7). Le domaine d’activité le plus dynamique a été le BTP, avec une croissance en volume de 5,0 % l’an en moyenne, contre seulement 3,2 % pour les industries de transformation et 2,4 % pour l’industrie d’extraction (extraction des phosphates, pour l’essentiel). En effet, le BTP a moins souffert de la « crise de 2008 » que les industries de transformation (prises comme un tout, à cette étape). 30 Profils sectoriels et émergence industrielle Tableau 7 La croissance au sein du secteur secondaire (valeurs ajoutées en volume) Taux de croissance moyen annuel de l’activité propre (valeur ajoutée) sur la période 1998-2015 Industrie d’extraction 2,4 % Industries de transformation 3,2 % Électricité et eau 4,8 % Bâtiment et travaux publics 5,0 % Total secondaire 3,4 % 3.1.2. L’inflation Nous avons vu que l’impulsion, propre aux entreprises du secteur secondaire, des prix de vente des produits du secteur secondaire (évolution en prix de la valeur ajoutée) avait été de 1,9 % l’an au cours de la période passée en revue. Cette impulsion propre a été nettement plus marquée dans l’industrie d’extraction (+ 3,8 % l’an) et dans le BTP (+ 4,1 %) que dans l’ensemble des industries de transformation (+1,3 %) et la branche « électricité et eau » (+ 0,1 %). Au cours de la sous-période 1998-2007, l’écart entre le BTP et les industries de transformation est plus important (impulsion propre de + 3,9 % l’an en moyenne dans le BTP contre + 0,5 % seulement dans les industries de transformation) qu’au cours de la sous-période suivante (2007-2015). Si l’on s’en tient à la sous-période 2007-2012, on constate que, pour le BTP, l’évolution en prix de la valeur ajoutée est supérieure à l’évolution moyenne des prix de vente (+2,2 % l’an, contre 1,6 % l’an), tandis que l’inverse est observé pour les industries de transformation (+1,6 % l’an pour le prix de la valeur ajoutée et + 3,0 % pour les prix de vente des produits, dont + 2,8 % pour les produits exportés). Sur cette sous-période, l’écart constaté entre l’impulsion propre du BTP et l’impulsion propre des industries de transformation n’a donc pas pour origine une progression plus marquée des prix de vente des produits du BTP que de ceux des produits de ces industries. Ce sont les évolutions différentes des prix des produits intermédiaires consommés dans ces deux domaines d’activité qui sont en cause. A noter que, dans le même temps, les prix des produits importés en produits des industries de transformation (y compris le pétrole brut) ont augmenté en moyenne de 2,5 % l’an. Il y aura lieu de voir, à l’étape suivante, comment se différencient les évolutions en prix au sein des industries de transformation. L’impulsion propre des prix de vente est celle qui permet (à productivité inchangée) d’augmenter les salaires et/ou les profits. Le secteur du BTP a bénéficié, entre 2007 et 2012 comme au cours de la période 1998-2015, d’un La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 31 avantage en la matière relativement aux industries de transformation, avantage rendu manifeste par une impulsion propre plus importante. Cet avantage doit être mis au compte du fait que le BTP est un secteur qui échappe à la concurrence internationale (ni importations, ni exportations), même si on doit tenir compte du fait que le contenu en importations des consommations intermédiaires de cette branche est élevé. L’industrie extractive marocaine comprend principalement celle des phosphates. Le phosphate roche extrait est soit exporté, soit utilisé dans l’industrie chimique marocaine, soit stocké pour agir sur les prix internationaux. L’entreprise qui réalise cette activité d’extraction est l’OCP (Office chérifien des phosphates). Elle est en position de leader mondial et « fait » les prix (elle est price maker). En l’occurrence, d’amples mouvements de prix ont été enregistrés après 2007. Alors que l’impulsion propre a été de très faible ampleur de 1998 à 2007 (+ 0,2 % l’an), celle-ci s’envole de 2007 à 2012 (+ 22 % par an, avec + 18,3 % l’an pour les prix de vente et + 23 % l’an pour les seules ventes à l’exportation). Puis un mouvement inverse de moindre ampleur a lieu de 2012 à 2015 (– 11,5 % par an, avec une chute des prix de 4,5 % pour les seules ventes à l’exportation). Comme les produits d’extraction importés (tous minerais, hors phosphates, pétrole brut) ne sont pas les mêmes que ceux exportés (phosphates), les mouvements de prix de ces produits importés sont très différents de ceux des produits exportés. Ainsi, les prix à l’importation progressent de façon importante de 1998 à 2007 (+ 14 % l’an en moyenne). Ultérieurement, ils progressent encore de 11 % l’an de 2007 à 2012, et ils chutent, comme les prix des exportations, de 2012 à 2015 (– 10,3 % l’an). Comme les produits d’extraction importés sont principalement consommés par les industries de transformation, ces mouvements de prix ont pesé sur la formation de l’impulsion propre dans ces industries. Ainsi celle-ci est très faible de 1998 à 2008 (+ 0,5 % l’an en moyenne), étant alors inférieure à l’augmentation moyenne des prix de vente (+1,6 % l’an). Elle se relève ensuite sur la période 2007-2015 (+ 3,1 % l’an, se décomposant en + 3,7 % l’an sur 2007-2012, pour une progression moyenne des prix de vente de 2,8 % l’an et 2,1 % l’an sur 2012-2015). 3.2. L’insertion internationale au sein du secteur secondaire Les produits de l’activité BTP ne font l’objet ni d’exportations et ni d’importations. Quant à ceux de la branche « électricité et eau », ils ne donnent lieu qu’à quelques exportations négligeables, tandis que les importations assurent en moyenne 7 % de la demande intérieure (en légère augmentation 32 Profils sectoriels et émergence industrielle de 1998 à 2012). Les deux secteurs dont l’insertion internationale est forte sont l’industrie d’extraction et l’ensemble des industries de transformation. Nous avons vu qu’en 2007 le taux d’ouverture du secteur secondaire était de 23,3 % (données base 2007). Ce taux est une moyenne entre 0 % pour le BTP, 0,02 % pour l’activité « électricité et eau », 46,8 % pour l’activité d’extraction et 29,6 % pour l’ensemble des industries de transformation. Quant au taux de pénétration des importations, il s’élève en 2007 à 39,1 % pour l’ensemble du secteur secondaire. Ce taux est une moyenne entre 0 % pour le BTP, 6,2 % pour les produits de la branche « électricité et eau », 78 % pour les produits de l’activité d’extraction et 45 % pour ceux des industries de transformation prises comme un tout (voir tableau 8). Tableau 8 Taux d’ouverture et taux de pénétration au sein du secteur secondaire (année 2007) Taux d’ouverture à l’exportation Taux de pénétration des importations Industries d’extraction 46,8 % 78,0 % Industries de transformation 29,6 % 45,0 % e Électricité et eau BTP 6,2 % — Secteur secondaire — 23,3 % 39,1 % S’agissant des évolutions enregistrées de 1998 à 2015, nous avons vu qu’aussi bien le taux d’ouverture que le taux de pénétration pour l’ensemble du secteur secondaire avaient augmenté. Ce sont les industries de transformation qui sont principalement à l’origine de cette double progression. Dans ce domaine d’activité, les deux taux s’élèvent de façon continue (voir tableau 9). Dans l’industrie extractive, le taux d’ouverture et le taux de pénétration sont aussi plus élevés en 2015 qu’en 1998, mais ces augmentations sont faibles, et, surtout, elles sont le résultat de cheminements très contrastés (voir tableau 10). Tableau 9 Ensemble des industries de transformation : évolutions de l’ouverture et de la pénétration 1998 Variation 2007 2007 Variation 2012 Variation 2015 Variation 2015/1998 X/P 26,3 % + 7,1 pt 33,4 % 29,6 % + 2,0 pt 31,6 % + 4,6 pt 36,2 % + 13,7 pt M/DI 34,8 % + 17,6 pt 50,4 % 45,0 % + 1,7 pt 47,7 % + 2 pt 49,7 % + 21,3 pt La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 33 Tableau 10 L’industrie extractive : évolutions de l’ouverture et de la pénétration 1998 Variation X/P 46,3 % – 3,0 pt M/DI 53,8 % + 21,8 pt 2007 2007 Variation 42,3 % 46,8 % – 7,9 pt 75,6 % 78,0 % – 10,2 pt Variation 2015 Variation 2015/1998 38,9 % + 15,0 pt 53,9 % + 4,1 pt 67,8 % 62,1 % + 5,9 pt 2012 – 5,7 pt Pour comprendre les évolutions enregistrées dans l’industrie extractive, on doit prendre en compte les mouvements des prix qui ont été, comme on l’a vu, de grande ampleur après 2007. D’ailleurs, l’analyse de l’évolution du taux de pénétration des importations met en jeu des facteurs explicatifs tout à fait différents de ceux qui interviennent dans celle du taux d’ouverture puisque les produits concernés sont différents. Pour le taux d’ouverture, sa baisse de 1998 à 2007 n’est pas due à une réduction en volume des exportations ou à une différence marquée et nettement positive entre l’évolution des prix de vente et celle des seuls produits exportés. En effet, les exportations « en volume » ont très légèrement progressé (+ 0,2 % en moyenne par an), et les prix des exportations ont augmenté plus rapidement que les prix à la production (+ 3,7 % l’an contre + 1,1 % l’an). C’est la production en volume qui a augmenté plus que les explorations (+ 3,9 % l’an contre + 0,2 %). Cela ne peut s’expliquer que par une augmentation de la consommation intérieure du minerai extrait des mines de phosphate. La forte baisse du taux d’ouverture enregistrée de 2007 à 2012 s’explique quasi exclusivement (en termes comptables) par une chute des exportations « en volume » (– 32 % au total, soit – 7,5 % l’an) puisque le volume de production reste stable et que l’indice de prix des seuls produits exportés progresse plus rapidement que celui du total des ventes (+ 23 % l’an contre + 18,3 % l’an). Quant au fort redressement du taux d’ouverture de 2012 à 2015, il s’explique par une forte baisse de la production qui ne peut provenir que d’un effondrement de la demande intérieure puisque le volume des exportations reste stable et que les prix à l’exportation chutent comme les prix de vente sur le marché intérieur. Pour le taux de pénétration des importations, sa forte progression de 1998 à 2007 (+ 21,8 pt) s’explique, dans le cadre d’une progression en volume importante de la demande intérieure « en volume » (+4,7 % par an), par le fait que beaucoup des produits concernés ne sont pas produits au Maroc (ce sont les produits venant du reste du monde qui ont répondu à cette demande) et que les prix de vente de ces produits ont fortement augmenté (l’indice des prix des produits importés progresse de + 14,4 % l’an, pour une progression en 34 Profils sectoriels et émergence industrielle volume des importations de seulement + 3,1 % l’an). Après 2007, on a vu que le taux de pénétration s’abaisse nettement (– 15,9 pt) sans toutefois retrouver son niveau de 1998 (en base 2007). Cette réduction a pour origine une baisse très importante des importations en volume (– 36,7 % au total), baisse qui intervient surtout de 2012 à 2015 (– 33 % sur ces trois ans), baisse qui est plus importante que la baisse en volume de la demande intérieure. Quant aux prix des produits importés, après avoir explosé de 2007 à 2012 (+ 11 % l’an) et reculé de presque autant par an de 2012 à 2015, leur progression sur l’ensemble de la sous-période 2007-2015 s’établit au total à + 2,2 % l’an en moyenne. Les prix des produits demandés sur le marché intérieur évoluent dans une large mesure comme les prix des produits importés dès lors qu’ils en représentent la plus grande part : ainsi, la demande intérieure en produits d’extraction produits au Maroc n’a pas évolué du tout de la même façon que la demande de produits nécessairement importés, demande qui a baissé de moitié de 2012 à 2015, après avoir progressé de 50 % de 2007 à 2012. Les mouvements enregistrés dans le domaine des industries de transformation prises comme un tout pour le taux d’ouverture et pour le taux de pénétration sont beaucoup plus continus. Ils ne mettent pas en jeu les mouvements des prix dans la mesure où ces derniers sont limités au cours de la période en revue (même si, comme on l’a vu, les hausses de prix sont un peu plus rapides au cours de la seconde sous-période). De plus, les produits exportés ne sont pas, comme les produits de l’extraction, d’une tout autre nature que les produits importés quant à la façon dont leurs prix sont régulés, même si une partie des produits importés ne sont pas produits au Maroc, ce qui est notamment le cas des machines et autres matériels qui répondent à la demande de FBCF. Cela a notamment pour conséquence que l’indice des prix des exportations évolue quasiment comme celui des prix des importations (+ 1,3 % en moyenne par an de 1998 à 2007 et + 1,5 % en moyenne par an de 2007 à 2015). Le principal constat qui s’impose est que, si le taux d’ouverture à l’exportation de la production marocaine en produits des industries de transformation est en continuelle progression et s’il en va de même pour le taux de pénétration des importations de ces produits sur le marché intérieur, le taux de pénétration s’élève plus rapidement que le taux d’ouverture. Il importe maintenant de voir si un tel constat est commun à toutes les couples activité/produit dont se compose le domaine des industries de transformation ou si des différences importantes se manifestent à ce propos entre ces divers couples (on rappelle que l’on doit parler de « couple » parce que le taux d’ouverture est l’attribut d’une activité tandis que le taux de pénétration est celui des produits de cette activité). La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 35 4. Des Industries de transformation aux industries de transformation hors pétrole Tel qu’il est construit dans les comptes nationaux, le domaine des industries de transformation comprend l’activité de transformation du pétrole brut (IT-P). Pour de nombreuses raisons, ce couple « activité/produit » se distingue nettement des autres couples qui sont alors considérés comme les composantes d’un domaine des industries de transformation hors pétrole noté IT(HP) ou encore IT * pour simplifier. A cette étape, ce domaine est alors envisagé comme un ensemble significatif. On traite de sa décomposition dans la section suivante. 4.1. La croissance et l’inflation de l’IT-P et de l’IT * Nous avons vu que, sur la période 1998-2015 et pour l’ensemble des industries de transformation (IT = IT-P + IT *), la croissance de l’activité propre « en volume » (la valeur ajoutée à pris constants) avait été de 3,2 % en moyenne par an et que l’impulsion propre des prix de vente avait été de + 1,4 % en moyenne par an. 4.1.1. La croissance (activité propre « en volume ») L’activité propre de la branche « raffinage de pétrole et autres produits d’énergie » (IT-P) est pour l’essentiel celle de la raffinerie située à Mohammedia, raffinerie qui est la propriété de la société de droit privé SAMIR. Tout au long de la période passée en revue, le fonctionnement technique de cette raffinerie a été très perturbé, se traduisant par de fortes fluctuations de l’activité propre (mesurée par la valeur ajoutée « en volume »), et il s’arrête en 2015. On ne dispose d’informations sur la valeur ajoutée en volume que jusqu’en 2012 et sur la valeur ajoutée à prix courants que jusqu’en 2014. Cette dernière s’annule presque en 2013 et devient fortement négative en 2014 (–2 792 millions de dirhams). Un tel montant négatif peut s’expliquer par un effondrement du rendement technique (il y a des consommations intermédiaires normales, mais peu de production disponible) ou par une impulsion propre fortement négative des prix de vente (les prix de vente des produits raffinés ne suivent pas, loin s’en faut, les prix du pétrole brut). On doit plutôt opter pour la première explication. Cela implique que les importations de pétrole brut sont été remplacées par des importations de produits raffinés (voir infra). A s’en tenir à l’IT*, la croissance de l’activité propre a été de + 3,5 % en moyenne par an sur la période passée en revue. Au cours de la sous-période 36 Profils sectoriels et émergence industrielle 1998-2007, cette croissance est de 3,4 % en moyenne par an, et elle est alors assez régulière (18). Si elle est un peu plus rapide de 2007 à 2015 (+ 3,6 % l’an), son profil est, par contre, très heurté. On assiste de 2008 à 2009 à une baisse de l’activité propre de 3 % conduisant à un rythme tendanciel plus faible que de 2007 à 2009 (+ 1,6 %). A cet accident qu’il faut mettre au compte de la « crise de 2008 » et qu’il nous faudra situer en termes d’activité au sein de l’IT *, fait suite une nette accélération de 2009 à 2012 qui ne se poursuit pas au-delà. Il n’en reste pas moins que le taux de croissance sur la période 2009-2015 est finalement un peu supérieur à celui qui a été enregistré au cours de la première sous-période (+ 4,2 % par an en moyenne, contre + 3,4 %) (voir tableau 11). Tableau 11 La croissance de l’IT * (volume de valeur ajoutée) % par an 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2009/2007 2012/2009 2015/2012 + 3,5 % + 3,4 % % + 3,6 % + 1,6 % + 5,9 % + 2,5 % Au regard de l’objet du programme « Made in Morocco », cette accélération est un fait important à souligner. Comme à propos du recul qui l’a précédé, il convient de voir dans la section suivante si cette accélération est commune à tous les couples « activité/produit » où si elle a été spécifique à certains d’entre eux. De plus, nous avons vu (voir section 1) que la croissance de l’économie marocaine (mesurée par le PIB avant impôts sur la production, nette de subventions) avait été un peu moins rapide au cours de la seconde sous-période (2007-2015) qu’au cours de la première (1998-2007), passant de + 4,2 % l’an à + 4,0 % l’an. Sur ces deux sous-périodes, la croissance du domaine d’activité considéré (les IT *) demeure inférieure à cette croissance globale. Mais l’écart se réduit, notamment en raison de cette accélération constatée de 2009 à 2012 dans l’IT *. 4.1.2. L’inflation La faiblesse de l’activité propre en matière de raffinage du pétrole justifie de laisser de côté l’impulsion propre des prix de vente de l’IT-P. On s’en tient à l’IT *. L’impulsion propre des prix de vente par les entreprises de ce 18. A noter que ce taux de croissance mesuré à partir des comptes rétropolés en base 2007 est très proche de celui qui avait été évalué à partir des comptes en base 1998 (+ 3,4 % contre + 3,3 %). La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 37 domaine d’activité a été de 1,3 % en moyenne par an sur la période 19982015. Comme pour l’activité propre, cette impulsion n’a pas été régulière (voir tableau 12). Elle est très faible au cours de la sous-période 1998-2007 (+ 0,3 % l’an) (19). Elle s’accélère ensuite en passant à + 1,4 % l’an sur 20072012, puis à + 4,4 % l’an sur 2012-2015. Tableau 12 L’impulsion propre des prix de vente de l’IT * (évolution en prix de valeur ajoutée) % par an 2015/1998 2007/1998 2012/2007 2015/2012 2015/2007 + 1,3 % + 0,3 % + 1,4 % + 4,4 % + 2,5 % Cette impulsion propre a été l’une des composantes de l’évolution moyenne des prix de vente des produits en question. De 1998 à 2007, ces derniers ont augmenté en moyenne de + 0,9 % l’an. Les prix des consommations intermédiaires ont donc augmenté à un rythme un peu plus rapide. Cette sous-période est celle au cours de laquelle les droits à l’importation ont été fortement réduits suite aux accords de libre-échange conclus avec l’UE et les USA. Les prix des importations (avant droits de douane) des produits des IT* ont progressé de + 0,6 % par an en moyenne. Quant aux prix des exportations, leur hausse moyenne a été de + 1,3 % l’an. Comme on pouvait s’y attendre, les prix des produits exportés ont plus progressé que ceux des produits vendus sur le marché intérieur, la faible progression de ces derniers ayant été contrainte par la baisse de prix des produits importés (après droits de douane). Cette contrainte a pesé sur l’impulsion propre des prix de vente. De 2007 à 2012, les prix à la production ont augmenté de 2,3 % l’an, les prix à l’exportation de + 2,9 % et les prix à l’importation de + 1,4 %. Comme précédemment, les prix des consommations intermédiaires ont progressé plus vite que les prix à la production, notamment en raison de la hausse des prix des matières premières (voir section précédente) (20) et les prix de vente sur le marché intérieur ont moins progressé que les prix des produits exportés. Cet écart peut s’expliquer par la concurrence des produits importés dont les prix augmentent peu. 19. Cette évaluation, qui repose sur les comptes rétropolés en base 2007 ne diffère pas sensiblement de celle à laquelle conduisait la référence aux comptes en base 1998, soit + 0,4 % l’an. 20. Rappel : ces consommations intermédiaires comprennent des produits des IT*, notamment ceux de la branche « habillement ». 38 Profils sectoriels et émergence industrielle 4.2. L’insertion internationale Dans les deux activités prises en compte à cette étape au sein des industries de transformation, les données concernant l’insertion internationale ne sont disponibles que jusqu’en 2012. Pour l’IT*, on a procédé à des estimations pour 2015 (21). Elles sont consignées dans le tableau 13. Tableau 13 IT * et IT-P : taux d’ouverture et taux de pénétration de 1998 à 2015 IT* IT-P IT (rappel) Variation 2012 Variation 2015* 35,5 % 30,9 % + 3,3 pt 34,2 % + 1,7 pt 35,9 %* M/DI 35,2 % + 15,5 pt 50,7 % 44,6 % + 1,5 pt 46,1 % – 0,1 pt 46,0 %* X/P 13,7 % 13,0 % 13,4 % – 3,7 pt 9,7 % M/DI 25,0 % + 22,8 pt 47,8 % 48,7 % + 6,6 pt 55,3 % X/P 26,3 % 33,4 % 29,6 % + 2,0 pt 31,6 % M/DI 34,8 % + 15,6 pt 50,4 % 45,0 % + 2,7 pt 47,7 % X/P 1998 Variation 26,8 % + 8,7 pt + 7,1 pt 2007 2007 * Estimations propres (voir note). 4.2.1. L’industrie de raffinage du pétrole et autres produits d’énergie (IT-P) Dans cette branche d’activité, nous avons vu que le fonctionnement technique de la raffinerie de Mohammedia a été très perturbé, surtout en fin de période, avant que celle-ci ne soit complètement arrêtée en 2015. En 2012, la production marocaine de produits raffinés (et autre produits d’énergie) est encore importante. Une faible partie de la production est exportée, part qui tombe à un peu moins de 10 % en 2012 alors qu’elle avait oscillé jusqu’à cette date autour de 13 %. Les importations affectées à ce couple « produit/activité » comprennent à la fois les importations de pétrole brut (pour la raffinerie de Mohammedia) et les importations de produits pétroliers raffinés. La part de ces derniers augmente fortement en fin de période. Le taux de pénétration augmente tout au long de la période, pour atteindre 55,3 % en 2012. On devrait constater, lorsqu’on disposera des chiffres, une nouvelle et forte augmentation de ce taux de 2012 à 2015. 21. Pour obtenir les montants de 2015 de l’IT*, on a retenu les hypothèses suivantes pour la branche IT-R (autres industries hors transformation du pétrole) : des exportations pour un montant de 5676 millions de dirhams à prix courants, avec un taux d’ouverture de 7,9 % et des importations pour un montant de 34549 millions de dirhams à prix courants, avec un taux de pénétration de 34,3 % (voir infra). La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 39 Les évolutions enregistrées pour le taux de pénétration ont été pour partie dépendantes des évolutions différentiées des prix entre la production, l’exportation et l’importation (voir tableau 14). Tableau 14 Évolution annuelle des prix pour le couple « activité/produit » IT-P 2007/1998 2012/2007 Prix à la production + 14,3 % + 2,5 % Prix à l’exportation + 7,9 % – 7,2 % Prix à l’importation + 10,7 % + 7,7 % Le fait important à noter est la forte progression des prix à l’importation tout au long de la période, progression qui ne diminue que faiblement après 2007, alors que dans le même temps les prix à l’exportation baissent. 4.2.2. Les industries de transformation hors raffinage (IT*) Comme les IT* réalisent, en 2007, 92 % de la production de l’ensemble des industries de transformation (IT), 96 % des exportations et, pour les produits de cet ensemble d’industries, 89,8 % des importations, les évolutions qui ont été décrites dans la section précédente pour l’IT ont été déterminées dans une large mesure par celles qui s’observent dans l’IT*. De fait, on y observe de 1998 à 2007 une forte hausse à la fois de l’ouverture à l’exportation et de la pénétration des importations avec une progression nettement plus importante de la pénétration que de l’ouverture. De 2007 à 2012, les hausses des deux taux sont moins marquées, et, à l’inverse de ce qui est constaté pour l’ensemble de l’IT, on assiste à une inversion : la progression du taux d’ouverture est alors supérieure à celle du taux de pénétration. Au sein de cette sous-période, c’est cette grande branche qui est responsable de la baisse des exportations et de la production (en volume et en valeur) de 2008 à 2009 observée à l’échelle de l’IT et de la nette reprise ensuite des exportations et, dans une moindre mesure, de la production (voir tableau 15). Tableau 15 Évolution dans l’IT* au cours de 2007-2012 (données « en volume ») Évolution par an en moyenne X P M DI X/P M/DI 2009/2007 – 5,3 % – 0,3 % + 2,4 % + 1,3 % – 1,5 pt + 0,15 pt 2012/2009 + 11,1 % + 6,2 % + 6,1 % + 8,2 % + 1,5 pt + 0,50 pt 40 Profils sectoriels et émergence industrielle Au-delà (2012-2015), les estimations retenues pour l’IT-R conduisent à faire état d’un renforcement de la tendance observée de 2007 à 2012. En effet, l’écart entre l’évolution du taux d’ouverture et celle du taux de pénétration se renforce en positif, en raison d’une poursuite de la hausse du taux d’ouverture et d’une légère baisse du taux de pénétration. Ce diagnostic porté en se fondant sur les données à prix courants n’est pas à mettre au compte de fortes différences entre les évolutions des prix à la production, à l’exportation et à l’importation (avant TVA et droits de douane) (voir tableau 16). Tableau 16 Évolution annuelle des prix pour le couple « activité/produit » IT* 2007/1998 2012/2007 Prix à la production + 0,9 % + 2,3 % Prix à l’exportation + 1,2 % + 3,3 % Prix à l’importation + 0,6 % + 1,4 % Sur la période 1998-2012, les prix à l’exportation progressent un peu plus rapidement que les prix à l’importation. Comme pour l’IT, on observe audelà de 2007 à une accélération des hausses de prix. Les évolutions constatées au cours de la première sous-période (1998-2007) sont la conséquence de l’abaissement des droits de douane. L’accélération ultérieure aurait pour origine une levée de cette contrainte. Ce qu’il convient de relever tout particulièrement est l’accélération de la hausse des prix à l’exportation qui ne se constate pas, ou peu du moins, pour les ventes sur le marché intérieur en produits qui sont concurrencés par les produits importés. A cette étape, si on retient que l’IH* est « l’industrie » dont on se préoccupe avant tout lorsque l’on parle d’« industrialisation », la conjecture qui s’impose est que la faiblesse de cette dernière, au moins jusqu’à 2012, tient plus à un manque de compétitivité sur le marché intérieur qu’à un manque de compétitivité à l’exportation, les produits concernés d’un côté et de l’autre n’étant pas les mêmes en « qualité ». Il y a lieu maintenant d’étudier si cela se constate, ou non, dans toutes les branches dont se compose l’IT. 5. La dynamique des diverses industries de transformation (hors produits pétroliers) Les branches dont se composent les IT* sont les industries alimentaires (y compris le tabac) (IT-A), les industries du textile, de l’habillement et du La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 41 cuir (IT-THC), les industries de la chimie et de la parachimie (IT-C), les industries mécaniques, métallurgiques et électriques (IT-MME) et les autres (presse-édition, papier-carton, etc.) ou industries restantes hors pétrole (IT-Reste). Il y a lieu d’analyser séparément chacun des couples « activité/ produits » associés à ces quatre branches, puis de mettre en évidence leurs similitudes et leurs différences. 5.1. Industries alimentaires et tabac (IT-A) En 2007, cette branche réalise 27,5 % de la valeur ajoutée de l’IT*. Cette part est la plus importante au regard de celles des autres branches, les industries métallurgiques, mécaniques et électriques (IT-MME) pesant un peu moins (23,4 %) et toutes les autres, moins de 20 %. 5.1.1. Croissance et inflation Sur l’ensemble de la période 1998-2015, la croissance de l’activité propre (en volume) de la branche IT-A a été, selon les comptes nationaux, de 3,7 % l’an en moyenne. Cette croissance s’est un peu accélérée puisqu’elle a été de 3,1 % par an en moyenne de 1998 à 2007 pour s’élever à 4,4 % par an en moyenne sur la sous-période 2007-2015. Cette accélération se constate principalement en fin de période (2009-2015) (voir tableau 17). En effet, les exportations en produits de cette branche subissent les effets de la « crise de 2008 ». Elles se réduisent un peu (en volume) de 2007 à 2009, sans toutefois conduire à un tassement de la production intérieure au regard de sa croissance (en volume) au cours de la première phase, celle de la concurrence renforcée des importations sur le marché intérieur en raison de la baisse des droits de douane (1998-2007). Après 2009, les exportations reprennent leur marche en avant, leur augmentation passant de + 2,7 % l’an sur 2009-2012 à + 12,0 % sur 2012-2015. Par contre, la croissance du total des ventes (en volume) ne suit pas en raison d’une baisse de la demande intérieure. Tableau 17 La croissance des industries alimentaires (IT-A) % par an (en volume)* Valeur ajoutée 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2009/2007 2012/2009 2015/2012 + 3,7 % + 3,1 % Production + 2,1 % Exportations + 4,3 % * A prix constants chaînés. + 4,4 % + 5,2 % + 2,2 % + 5,5 % + 2,5 % + 5,3 % – 0,7 % + 2,7 % + 4,7 % + 12,0 % 42 Profils sectoriels et émergence industrielle Concernant la hausse des prix, l’impulsion propre des prix de vente par les entreprises de cette branche a été négative de 1998 à 2007 (– 1 % l’an en moyenne), et elle est nettement positive au-delà (+ 8,1 % l’an de 2007 à 2015). L’impulsion négative de la première sous-période signifie que les entreprises du secteur ont accepté de ne pas répercuter dans leurs prix de vente les hausses de prix de leurs consommations intermédiaires (ou de leurs biens de capital fixe) afin de résister à la concurrence des produits importés. Ainsi, la hausse moyenne des prix de vente (exportations et ventes sur le marché intérieur) est seulement de + 1 % l’an avec les prix des seules ventes à l’exportation qui progressent de + 2,1 % l’an, tandis que les prix des produits importés augmentent de 1,3 % l’an (avant effet de la baisse des droits de douane) (voir tableau 18). Tableau 18 L’impulsion propre des prix de vente et des autres prix pour les IT-A % par an Prix de la valeur ajoutée 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2012/2007 2015/2012 + 3,2 % – 1,0 % + 8,1 % + 4,9 %* + 13,5 % Prix à la production + 1,0 % + 2,5 % Prix des exportations + 2,3 % + 2,1 % + 2,7 % + 4,4 %** – 0,5 % Prix des importations + 2,3 % + 1,3 % + 3,5 % + 5,6 %*** + 0,0 % * On a eu + 19 % en moyenne par an de 2007 à 2009 et – 3,5 % l’an de 2009 à 2012. ** On a eu + 6,1 % par an de 2007 à 2009 et + 3,3 % de 2009 à 2012. *** On a eu + 2,6 % de 2007 à 2009 et + 7,6 % de 2009 à 2012. Au contraire, au cours de la période suivante (2007-2015), l’impulsion propre a été très importante (+ 8,1 % en moyenne par an). Elle n’est toutefois que de 4,9 % l’an entre 2007 et 2012 et beaucoup plus forte de 2012 à 2015 (+ 13,5 % par an). A s’en tenir à la séquence 2007-2012 (en raison des données disponibles pour la production), on ne constate pas une hausse de même ampleur pour les prix de vente. En effet, les prix de vente ne progressent que de 2,5 % par an en moyenne. Certes les prix de la part exportée augmentent de + 4,4 %, mais ce sont les prix de vente sur le marché intérieur qui n’augmentent que très peu, alors que les prix des produits importés progressent de 5,6 %. Cet effort de compétitivité sur le marché intérieur se traduit au-delà par une baisse en volume des importations qui est assez régulière (– 3,3 % l’an en moyenne de 2012 à 2015). Il faudra analyser comment cette évolution globale est le composé d’évolutions diverses par branches fines d’activité en ayant à l’esprit que certaines d’entre elles sont, pour une part non négligeable, le cadre d’activités relevant du secteur informel et/ou rurales. Il est tout à fait possible que ce que l’on observe au niveau global de l’IT-A soit le résultat d’un effet de structure. La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 43 5.1.2. Insertion internationale Les données relatives à l’insertion internationale du couple « activité/produit des « industries alimentaires et tabac » sont consignées dans le tableau 19. Tableau 19 Activités et produits alimentaires et tabac : ouverture à l’exportation et pénétration des importations 1998 Variation 2007 2007 Variation 2012 Variation 2015 Variation 2015/1998 X/P 10,4 % + 3,5 pt 13,9 % 12,7 % -0,6 pt 12,1 % + 2,2 pt 14,3 % + 5,1 pt M/DI 8,6 % 14,6 % 13,0 % + 3,1 pt 16,1 % - 2,9 pt 13,2 % + 6,2 pt + 6,0 pt Pour cette activité, l’ouverture à l’exportation est faible en début de période (la part de la production exportée est de 10,4 %). Cette part est en progression de 1998 à 2007. Elle diminue quelque peu de 2007 à 2009 avec la baisse en volume des exportations (effet de la « crise de 2008 ») et augmente de nouveau de plus de 2 points de 2012 à 2015, l’augmentation du taux d’ouverture sur l’ensemble de la période étant de 5,1 points (3,5 + 1,6). Cette performance à l’exportation en fin de période s’est-elle faite au détriment de la couverture du marché intérieur par la production intérieure ? Pour les produits de cette activité, la pénétration des importations sur le marché intérieur est aussi faible en début de période (8,6 %). Elle augmente fortement de 1998 à 2007. Elle se stabilise ensuite pour passer par un pic en 2012. Ce qui s’observe après 2007 est donc nettement différent de ce qui est constaté de 1998 à 2007. Au cours de cette première sous-période, l’effet des accords de libre-échange est globalement négatif : ce qui est perdu en couverture du marché intérieur l’emporte sur ce qui est gagné à l’exportation. Cette dynamique défavorable se poursuit encore de 2007 à 2012 en raison de la baisse en volume des exportations. Par contre, elle s’inverse complètement au-delà puisque, de 2012 à 2015, la progression du taux d’exportation se conjugue à une baisse du taux de pénétration des importations qui résulte d’une baisse en volume des importations. Il y a lieu de voir quels sont les produits concernés par cette baisse des importations. S’agit-il des mêmes que ceux pour lesquels le taux d’ouverture à l’exportation augmente ou d’autres produits ? La mobilisation des données sur le commerce extérieur devrait permettre de répondre à cette interrogation. Au total, la balance commerciale pour ces produits est légèrement excédentaire au départ. Ce solde devient légèrement négatif en 2007, et il retrouve son niveau positif de début de période en fin de période (2015). 44 Profils sectoriels et émergence industrielle 5.2. Textile, habillement et cuir (IT-THC) En 2007, cette branche d’activité réalise 16,3 % de la valeur ajoutée des IT*. 5.2.1. Croissance et inflation Sur l’ensemble de la période 1998-2015, l’activité propre (en volume) de la branche regroupant le textile, l’habillement et le cuir (y compris les articles chaussants) a diminué. Elle augmente 1998 et 2007 de 0,9 % l’an en moyenne. Mais elle se rétracte ensuite de 2,4 % l’an en moyenne de 2007 à 2015. En fait, au cours de cette seconde sous-période, l’activité propre commence par chuter de 2,8 % de 2007 à 2008 et de 15,5 % de 2008 à 2009. Elle augmente quelque peu de 2009 à 2012 pour régresser de nouveau de 2012 à 2015 et retomber à son niveau de 2009 (voir tableau 20). La production en volume a évolué sensiblement de la même façon. Le taux de transformation (valeur ajoutée/production) a toutefois très légèrement augmenté de 1998 à 2007, mais il a baissé ensuite (au moins jusqu’à 2012). La chute de la production (en volume) de 2007 à 2009 (– 7,3 %) a pour origine une baisse des exportations (en volume) de même ampleur ainsi qu’une baisse de la demande intérieure. Une partie de cette dernière provient du fait qu’il y a beaucoup d’intra-consommations dans cette grande branche (les produits du textile sont des consommations intermédiaires pour l’industrie de l’habillement et ceux du cuir, pour l’industrie des articles chaussants, et beaucoup des entreprises qui sont spécialisées à l’exportation opèrent en soustraitance, avec des consommations intermédiaires en admission temporaire qui sont des produits de cette branche), mais une autre partie tient à une baisse de la consommation finale des ménages, qui d’ailleurs se poursuit de 2009 à 2010. La reprise qui a lieu de 2009 à 2012 tient aussi à celle des exportations ainsi qu’à celle de la consommation finale des ménages (après 2010). Quant au nouveau recul qui a lieu de 2012 à 2015, il ne tient ni aux exportations, puisque celles-ci augmentent (en volume) de 0,4 % l’an, ni à la consommation finale des ménages en produits de cet ensemble d’activités puisque celle-ci poursuit sa progression. On est en présence d’une transformation interne à la grande branche considérée. Une explication possible est que l’on aurait eu une baisse du taux de transformation, notamment par effet de structure. Cette proposition s’accorde avec le fait que de 2012 à 2015 les importations augmentent (en volume) de 3,6 % l’an. Sur l’ensemble de la période, l’impulsion propre des prix de vente est continument faible. Elle est toutefois un peu plus forte de 2007 à 2015 (+ 1,8 % l’an en moyenne) que de 1998 à 2007 (+ 0,4 %). Il en va de même pour les prix de la production vendue (voir tableau 21). La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 45 Tableau 20 Évolution en volume dans l’IT-THC % en moyenne 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2009/2007 2012/2009 2015/2012 par an Activité propre (valeur ajoutée) – 0,7 % Production + 0,9 % – 2,4 % + 0,8 % – 9,1 % + 2,1 % – 2,0 % – 7,3 % + 5,2 % Exportations + 1,0 % + 2,6 % – 0,6 % – 7,3 % + 3,3 % + 0,4 % Importations + 1,5 % + 5,1 % + 2,4 % – 4,6 % + 6,0 % + 3,6 % Tableau 21 Évolution annuelle des prix dans la branche IT-THC (en %) 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2009/2007 2012/2009 2015/2012 Activité propre (valeur ajoutée) + 1,0 + 0,4 Production + 1,8 – 0,3 + 8,0 – 2,5 + 3,5 + 0,6 + 1,8 Exportations + 1,0 + 0,0 + 0,7 + 1,6 + 0,8 + 0,0 Importations – 1,7 – 1,3 – 2,1 – 3,3 + 3,3 – 6,4 Le fait important à souligner est que l’on a tout au long de la période en revue, si ce n’est de 2009 à 2012, une baisse des prix des produits importés, alors que les prix de vente de la production sur le marché intérieur ont tendance à augmenter, ce qui est aussi le cas des prix des produits exportés. Il y a manifestement un manque de compétitivité au cours de la période. Cela doit se constater dans les données portant sur l’insertion internationale. 5.2.2. Insertion internationale Les données relatives à l’insertion internationale de l’IT-THC marocaine sont consignées dans le tableau 22. Tableau 22 Ouverture à l’exportation et pénétration des importations de l’IT-THC 1998 Variation 2007/1998 X/P 62,1 % + 13,2 pt M/DI 49,2 % + 16,8 pt X/M 1,69 Variation 2015/2007 Variation 2015/1998 75,3 % 68,1 % 68,0 % 64,8 % 60,9 % – 7,2 pt + 6,0 pt 66,0 % 58,6 % 57,7 % 57,9 % 54,6 % – 4,0 pt + 12,8 pt 2007 1,53 2007 1,51 2009 2012 2015 1,49 46 Profils sectoriels et émergence industrielle L’ouverture à l’exportation de la production de la branche IT-THC est très importante puisque le taux d’ouverture s’élève à 62,1 % en début de période, ce qui implique que des entreprises de cette branche soient spécialisées à l’exportation. Il est nettement plus élevé que le taux de pénétration des importations, qui est cependant important puisqu’il s’élève à 49,2 %. Comme pour la branche précédente, les deux sous-périodes séparées par l’année 2007 se distinguent nettement. Au cours de la première (19982007), on assiste à une forte internationalisation puisque, d’un côté, le taux d’ouverture augmente de 13,2 points et, de l’autre, le taux de pénétration s’élève de 16,8 points. Ainsi, la spécialisation à l’exportation se paye d’un très important recul de la couverture de la demande intérieure par la production intérieure. Globalement, la dynamique est une détérioration puisque le taux de couverture des importations par les exportations s’abaisse de 1,69 à 1,53. Au cours de la seconde sous-période (2007-2015), on assiste au contraire à une dé-internationalisation : le taux d’ouverture et le taux de pénétration s’abaissent. Mais la dynamique est encore une détérioration, puisque le taux d’ouverture s’abaisse plus que le taux de pénétration (– 7,2 points contre – 4,0 points). Il n’y a pas d’inversion de la tendance antérieure. 5.3. Chimie et parachimie (IT-C) En 2007, cette grande branche d’activité réalise 13,1 % de la valeur ajoutée des industries de transformation (hors pétrole). 5.3.1. Croissance et inflation Sur l’ensemble de la période 1998-2015, l’activité propre en volume de la branche IT-C n’a été que de +2,1 % l’an. Cette progression est loin d’être régulière, surtout à partir de 2007. De plus, les deux sous-périodes se distinguent nettement l’une de l’autre. L’activité propre en volume augmente très peu de 1998 à 2007 (+0,4 % l’an) avec une baisse jusqu’en 2004 et une reprise ensuite. De 2007 à 2015, la croissance est de +4,1 % l’an avec un profil inverse de celui de la sous-période antérieure puisqu’on constate une forte croissance de 2007 à 2012 (+6,9 % l’an) suivie d’un plafonnement (22). Il n’y a pas, dans cette branche de recul de l’activité propre en raison de la « crise de 2008 » si on prend en compte l’évolution de 2007 à 2009, seulement un tassement de la progression (23). Le profil constaté est donc le suivant : baisse 22. Le profil de 2007 à 2012 est extrêmement heurté puisque l’on a successivement comme évolutions d’une année à l’autre : + 12,6 %, – 3,8 %, + 28,8 %, + 6,6 % et – 6,6 %. 23. Il n’y a une baisse que de 2008 à 2009 après une forte croissance de 2007 à 2008 (voir note supra). La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 47 de 1998 à 2004, période faste de forte croissance de 2004 à 2012 malgré le tassement de 2007 à 2009 et léger recul de 2012 à 2015 (voir tableau 23). Tableau 23 Les évolutions en volume dans l’IT-C (en % par an en moyenne) 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2012/2007 2015/2012 2012/2004 Activité propre + 2,1 Production + 0,4 + 4,1 + 0,8 + 6,9 - 0,5 + 5,5 + 5,8 + 4,0 Exportations + 6,2 +7,2 + 5,5 + 9,2 - 1,2 + 8,3 Importations + 5,6 +7,9 + 3,2 + 4,1 + 1,2 + 7,8 L’évolution en volume de l’activité propre est dans une large mesure la conséquence de celle de la production. On observe toutefois au cours de la période intermédiaire de forte croissance (2012/2004) une augmentation du taux de transformation (valeur ajoutée/production à prix constants). Cette augmentation est toutefois localisée en 2009/2008, évolution à court terme pour laquelle on a une forte baisse de la production (– 15,1 %) alors que l’activité propre se réduit beaucoup moins (– 3,8 %). Sur toute la période, la production est tirée par l’exportation, On enregistre toutefois une baisse de ces dernières de 2008 à 2009 (– 9,1 %) suivie d’une explosion (+ 68,5 % de 2009 à 2010) et d’un léger recul ensuite (24). Sur l’ensemble de la période, l’impulsion propre des prix de vente a été de + 2,1 % par an en moyenne. A la différence de ce qu’il en a été pour l’activité propre en volume, l’impulsion propre des prix de vente est plus forte au cours de la première sous-période qu’au cours de la seconde (on passe de + 3,1 % l’an en moyenne sur 1998-2007 à seulement + 1,0 % sur 2007-2015). Pour autant, l’évolution moyenne des prix de vente a été seulement de + 1,7 % par an sur 1998-2007, avec des prix à l’exportation et des prix à l’importation qui ont progressé en moyenne à peu près de la même façon (voir tableau 24). Il y a donc eu au cours de cette première sous-période une stagnation (ou même une baisse) en moyenne des prix des consommations intermédiaires de cette grande branche. L’inverse a lieu au cours des années suivantes 24. De 2008 à 2009, la baisse de la production est nettement plus marquée que celle des exportations (– 15,1 %, contre 9,3 %), alors que de 2009 à 2010 l’explosion à la hausse des exportations (+68,5 %) se traduit par une hausse de seulement 25,5 % de la production. Compte tenu du niveau élevé du taux d’ouverture, cela implique que l’on a eu un effondrement de la part de la production répondant à la demande intérieure (faisant suite à la baisse constatée de 2008 à 2009. 48 Profils sectoriels et émergence industrielle (2007-2012), puisque les comptes nationaux pour cette branche nous disent que l’impulsion propre a été fortement négative (– 4,0 % l’an), alors que l’augmentation des prix à la production est de + 6,2 % allant de pair avec une progression de 6,0 % pour les exportations. Et l’on enregistre de nouveau en fin de période (2015/2012) une impulsion propre nettement positive, se conjuguant à une baisse en prix des exportations. Ces forts mouvements à court terme de l’impulsion propre à la hausse et à la baisse (25) ne sont pas la conséquence de mouvements comparables du niveau général des prix de vente de la production (ex. : l’impulsion propre de + 25 % de 2013 à 2014 va de pair avec des prix à la production qui restent stables en moyenne). Il faut leur donner une autre explication. Elle est à rechercher du côté de l’évolution en prix des consommations intermédiaires et d’un changement du taux de transformation tenant à un changement de la structure de la production par sous-branches au sein de la grande branche considérée (26). Tableau 24 Les évolutions des prix dans l’IT-C (en % par an en moyenne) Impulsion propre 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2012/2007 2015/2012 + 2,1 + 3,1 + 1,0 – 4,0 + 9,9 Production + 1,7 + 6,2 Exportations + 2,7 + 1,9 + 3,6 + 6,0 – 0,4 Importations + 2,1 + 1,5 + 2,7 + 2,7 + 2,7 5.3.2. Insertion internationale Les données relatives à l’insertion internationale de l’IT-C marocaine sont consignées dans le tableau 25. 25. On a eu successivement de 2007 à 2012, + 11,7 %, – 18,1 %, – 1,8 %, + 0,3 % et 14,0 % et de 2012 à 2015, + 11,6 %, + 25,0 % et 4,7 %. 26. Rappel : on note VP, VCI, et VY les valeurs à prix courants de la production, des consommations intermédiaires et de la valeur ajoutée et P, CI et Y leurs montants à prix constants (aux prix de l’année précédente ou aux prix d’une année de base), les évolutions en prix étant alors VP/P, VCI/CI et VY/Y. Par définition, on a : VY = VP VCI et Y = P CI. On en déduit que : VP/P = VCI/CI x CI/(CI + Y) + VY/Y x Y/(CI + Y). L’évolution de VP/P dépend donc des évolutions respectives de VCI/CI et de VY/Y, mais aussi de l’évolution du taux de transformation (Y/P). Un fort écart entre l’évolution en prix de la production et l’impulsion propre (VY/Y) a donc deux origines possibles : 1) un mouvement particulièrement marqué (à la hausse ou à la baisse) du niveau général des prix des consommations intermédiaires et 2) un changement important du taux de transformation, effet que l’on doit qualifier d’effet de structure parce que ce changement procède le plus souvent d’un changement de la structure de la production par sous-branche au sein de la grande branche considérée. La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 49 Tableau 25 Ouverture à l’exportation et pénétration des importations de l’IT-C 1998 Variation 2007/1998 X/P 37,6 % +29,8 pt 67,4 % 56,6 % 46,9 % 70,1 % 67,0 % +10,4 pt +40,2 pt M/DI 43,6 % +29,5 pt 73,1 % 62,7 % 57,2 % 67,1 % 67,7 % +5,0 pt +34,5 pt X/M 0,78 2007 0,76 2007 0,78 2009 0,66 2012 1,15 2015 Variation Variation 2015/2007 2015/1998 0,97 En début de période, le taux d’ouverture à l’exploration dans cette branche d’activité est de 37,6 %. Il est un peu plus élevé que dans l’IT*, mais nettement plus faible que dans l’IT-THC. Le taux de pénétration des importations est de 43,6 %, soit un niveau plus élevé que le taux d’ouverture. La balance est donc déficitaire (le taux de couverture des exportations par les importations n’est que de 78 %). Tout au long de la période passée en revue on assiste à une forte internationalisation de cette branche d’activité. L’effet du changement de base y est important puisqu’il conduit à faire état en 2007 (en nouvelle base) de taux plus faibles qu’en ancienne base en raison d’un relèvement de la production et, dans une moindre mesure, de la demande intérieure en produits de cette activité. Mais il ne change que très peu le taux de couverture des importations par les exportations. On ne peut exclure que, s’ils avaient été construits en nouvelle base 2007 avec les mêmes informations que celles qui sont mobilisées en 2007 et au-delà, les comptes nationaux auraient conduit à des progressions moins importantes, de 1998 à 2007, à la fois du taux d’ouverture et du taux de pénétration que celles qui sont enregistrées dans les comptes en base 1998. Il n’en reste pas moins que, pour l’un comme pour l’autre, les augmentations ont été très importantes et du même ordre de grandeur. L’abaissement des barrières douanières au cours de la première sous-période (1998-2007) s’est donc accompagné d’une forte internationalisation relativement équilibrée : ce qui est gagné en ouverture à l’exportation est perdu en couverture du marché intérieur. Pour le dire en d’autres termes, on a eu une spécialisation à l’exportation d’un nombre croissant d’entreprises allant de pair avec l’incapacité de nombreuses entreprises répondant à la demande intérieure de tenir la concurrence vis-à-vis des importations. Sur la seconde sous-période, le bilan est tout à fait différent. Certes, l’internationalisation de cette branche d’activité se poursuit, mais cela s’effectue à un rythme nettement moins rapide (de 2007 à 2015, le taux d’ouverture ne progresse plus que de + 10,4 pt (contre + 29,8 pt de 1998 à 2007) et le taux de pénétration de + 5,0 pt (contre + 29,5 pt de 1998 à 2007)), et, surtout, cette poursuite du processus d’internationalisation se réalise à l’avantage du Maroc 50 Profils sectoriels et émergence industrielle puisque le taux de couverture des importations par les exportations atteint presque l’unité en 2015 alors qu’il était de 0,78 en 2007. Cette amélioration est acquise au cours de la période allant de 2007 à 2012 en conduisant alors à un taux de couverture supérieur à l’unité. Il y a par contre un retrait de 2012 à 2015 qui tient à un fléchissement du taux d’ouverture. Le gain réalisé de 2007 à 2012 est acquis avec l’explosion des exportations « en volume » qui a eu lieu, nous l’avons vu, de 2009 à 2010. En effet, le taux d’ouverture à l’exportation passe de 46,9 % en 2009 à 65,3 % en 2010, saut de près de vingt points qui dépasse largement la baisse de dix points qui a lieu de 2007 à 2009 en raison de la « crise de 2008 ». L’avantage acquis est renforcé jusqu’à 2012, mais il s’effrite quelque peu ensuite. Il importe donc de localiser la branche particulière dans laquelle de nouvelles unités de production de produits destinés à l’exportation ont été installées avant 2010 et sont entrées dans leur phase de production cette année là. 5.4. Industries métallurgique, mécanique et électrique (IT-MME) Cette branche d’activité réalise 23,4 % de la valeur ajoutée des industries de transformation hors pétrole (IT*) en 2007. Elle comprend un grand nombre de branches fines. Le secteur automobile, qui regroupe la production de véhicules et celle des équipementiers inscrits dans d’autres branches que la branche automobile, en fait partie, sauf à considérer les productions d’équipements qui ne relèvent pas de l’IT-MME voire la production de pièces en matière plastique ou celle de sièges par des entreprises relevant de l’industrie textile. 5.4.1. Croissance et inflation Sur l’ensemble de la période 1998-2015, l’activité propre en volume de la branche IT-MME a été de + 6,0 % l’an. Cette progression est assez régulière. Les deux sous-périodes ne se distinguent pas nettement l’une de l’autre, puisque l’activité propre progresse en moyenne de 6,5 % l’an de 1998 à 2007 et de 5,3 % l’an en moyenne de 2007 à 2015. La « crise de 2008 » a un impact très important sur les évolutions enregistrées de 2008 à 2009. Elle a pour effet de réduire l’activité propre via une baisse de la production déterminée par celle des exportations (– 3,8 % pour l’activité propre, avec – 6,8 % pour la production en volume et – 10,6 % pour les exportations en volume). Sans cette forte perturbation, la croissance aurait été plus rapide au cours de la seconde sous-période que lors de la première. On n’observe pas toutefois d’accélération de la croissance en fin de (seconde) période (2015/2012), puisque celle-ci n’est que de + 4,9 % l’an (voir tableau 26). La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 51 Tableau 26 Les évolutions en volume dans l’IT-MME (en % par an en moyenne) 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2012/2007 Activité propre + 6,0 + 6,5 + 5,3 + 6,7 2015/2012 + 4,9 Production + 6,5* + 6,9 + 6,0* + 5,1 + 7,6* Exportations + 11,8 + 11,9 + 11,7 + 9,4 + 15,6 Importations + 7,4 + 10,5 + 4,0 + 4,4 + 3,2 * Sous l’hypothèse d’une stabilité des prix à la production de 20122 à 2015 (voir infra). Sur l’ensemble de la période, l’activité propre évolue quasiment comme la production (en volume). Des écarts assez importants se constatent toutefois d’une année sur l’autre de 2007 à 2011, mais ils se compensent. Ainsi, une tendance se dégage à long terme, celle d’une très faible réduction du taux de transformation (valeur ajoutée/production en volume). La production est tirée par les exportations. Comme leur progression est nettement plus rapide que celle de la production (quelle que soit la sous-période considérée) on a eu une très faible progression de la production destinée au marché intérieur. Comme la demande intérieure a progressé, ce sont les importations qui ont assuré la relève de la production intérieur (voir infra les évolutions à prix courants). Dans cette branche d’activité, les évolutions en prix sont très faibles sur toute la période. L’impulsion propre est seulement de + 0,7 % l’an en moyenne, avec + 1,2 % l’an sur la première sous-période et – 0,05 % l’an sur la seconde. Il a va de même pour les prix à la production et les prix à l’exportation, les prix à l’importation et les prix sur le marché intérieur (voir tableau 27). Tableau 27 Les évolutions des prix dans l’IT-MME (en % par an en moyenne) Impulsion propre 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2012/2007 2015/2012 + 0,7 + 1,2 – 0,05 – 0,1 + 0,1 Production + 0,6 +0 Exportations + 1,3 + 1,8 + 0,8 + 0,3 + 1,6 Importations + 0,8 + 0,8 + 0,7 + 0,7 + 0,7 5.4.2. Insertion internationale Les données relatives à l’insertion internationale de l’IT-MME sont consignées dans le tableau 28. 52 Profils sectoriels et émergence industrielle Tableau 28 Ouverture à l’exportation et pénétration des importations de l’IT-MME 1998 X/P M/DI X/M 25,8 % 61,5 % 0,22 Variation 2007/1998 + 17,5 pt + 12,6 pt 2007 2007 2012 2015 43,3 % 74,1 % 0,27 36,8 % 66,2 % 0,32 45,8 % 69,5 % 0,37 56,7 % 71,8 % 0,51 Variation 2015/2007 + 19,9 pt + 5,6 pt Variation 2015/1998 + 37,4pt + 18,2 pt En début de période, le taux d’ouverture à l’exportation dans cette branche est faible (25,8 %), alors que le taux de pénétration des importations est élevé (61,5 %). Le taux de couverture des exportations par les importations est, en conséquence, très faible (22 % ou 0,22). La dynamique longue enregistrée dans cette branche est, comme pour la précédente, une dynamique d’internationalisation très prononcée. Ainsi, le taux d’ouverture à l’exportation s’élève de 37,4 points de 1998 à 2015 et le taux de pénétration des importations, de 18,2 points. Mais, à la différence de ce qu’il en est dans l’IT-C, cette dynamique est très favorable pour le Maroc dans la mesure où le taux d’ouverture progresse beaucoup plus que le taux de pénétration. Il y a, en conséquence, une forte amélioration de la couverture des importations par les exportations, le taux de couverture s’élevant à 51 % en 2015. Cette dynamique et son caractère favorable sont des caractéristiques qui se constatent tout au long de la période passée en revue (1998-2015). On constate toutefois une nette différence entre les deux sous-périodes en ce qui concerne l’évolution du taux de pénétration des importations. Certes, ce dernier progresse encore de 2007 à 2015 de façon assez régulière (+ 5,6 pt), mais cette augmentation est beaucoup moins importante que celle enregistrée de 1998 à 2007 en lien avec l’abaissement des protections douanières (+ 12,6 pt). Comme le taux d’ouverture poursuit sa progression à peu près au même rythme, le redressement du taux de couverture est donc nettement plus marqué de 2007 à 2015 que de 1998 à 2007. Un affinement de l’analyse consistant à distinguer un certain nombre de branches fines au sein de cette grande branche s’avère indispensable pour mettre en évidence si cette dynamique favorable a été observée dans toutes ces branches ou si elle est à attribuer à certaines d’entre elles, notamment l’automobile et l’aéronautique. 5.5. Les autres industries de transformation (hors pétrole) (IT-R) Ce « reste » comprend de nombreux couples « activité-produit » qui sont très différents les uns des autres en ce qui concerne aussi bien les techniques La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 53 de production que la main-d’œuvre (ameublement, papier-carton, presse et édition, caoutchouc et transformation des matières plastiques). Cette branche d’activité réalise 19,7 % de la valeur ajoutée des industries de transformation hors pétrole (IT*) en 2007. 5.5.1. Croissance et inflation Sur la période 1998-2012 (27), la croissance de l’activité propre de cette branche est de + 4,8 % l’an en moyenne. Cette croissance est assez régulière. Il n’y a pas de recul lié à la « crise de 2008 » en raison d’un faible taux d’ouverture (voir infra). La croissance est même un tout petit peu plus rapide de 2007 à 2012 que de 1998 à 2007 (+ 4,9 % contre + 4,7 %). La production « en volume » progresse un peu moins rapidement que l’activité propre (+ 4,0 % contre + 4,8 %) (voir tableau 29). Il y a donc eu sur l’ensemble de la période prise en compte une légère augmentation du taux de transformation (28). Ce changement de structure a lieu en tendance tout au long de la période. Il est à peine moins rapide de 2007 à 2012 que de 1998 à 2007. La production est tirée à la hausse à la fois par l’exportation et par la demande intérieure. La croissance en volume des exportations est plus forte que celle de la production (+ 6,8 % l’an contre + 4,0 %) en moyenne sur 1998-2012. Mais avec un taux d’ouverture de l’ordre de 7 % en moyenne sur la période, l’impact des exportations sur la production est limité. La demande intérieure est celle qui tire la production. Cette demande progresse plus rapidement de 2007 à 2012 que de 1998 à 2007, tandis que la demande extérieure fléchit. On s’explique ainsi que la production « en volume » progresse plus rapidement en fin de période qu’au début. Tableau 29 Les évolutions en volume dans l’IT-R (en % par an en moyenne) 2012/1998 2007/1998 2012/2007 Activité propre + 4,8 % + 4,7 % + 4,9 % Production + 4,0 % + 3,9 % + 4,3 %* Exportations + 6,8 % + 7,7 % + 5,3 % Importations + 8,3 % + 9,0 % + 7,0 % 27. On ne dispose pas pour cette branche d’informations au-delà de 2012, si ce n’est pour la valeur ajoutée à prix courants jusqu’en 2014. 28 L’hypothèse que l’on peut faire est que cette élévation serait un effet de structure tenant au fait que les sous-branches à taux de transformation plus élevé que la moyenne seraient celles qui ont crû plus rapidement que la moyenne. Hypothèse à vérifier avec des données plus détaillées. 54 Profils sectoriels et émergence industrielle Sur l’ensemble de la période prise en compte (1998-2012), l’impulsion propre des prix de vente est très faible (+ 0,4 % l’an). Elle est nulle de 1998 à 2007 et de +1,1 % l’an en moyenne de 2007 à 2012. Comme la hausse moyenne des prix de vente des produits de cette grande branche a été de +1,3 % (avec +1,2 % de 1998 à 2007 et +1,4 % de 2007 à 2012), cela signifie qu’il y a eu des hausses plus importantes des prix des consommations intermédiaires. Les hausses des prix de vente ont suivi celles des prix des produits importés, les prix à l’exportation ayant un peu plus progressé en fin qu’en début de période (voir tableau 30). Tableau 30 Les évolutions des prix dans l’IT-R (en % par an en moyenne) 2012/1998 2007/1998 2012/2007 Impulsion propre + 0,4 + 0,0 + 1,1 Production + 1,3 + 1,2 + 1,4 Exportations + 1,3 + 1,5 + 0,8 Importations + 1,2 + 1,2 + 1,2 2015/2012 5.5.2. Insertion internationale Les données relatives à l’insertion internationale de la branche en revue sont consignées dans le tableau 31. Tableau 31 Ouverture à l’exportation et pénétration des importations de l’IT-R (29) 1998 Var. 2007/1998 2007 2007 Var 2012/2007 2012 Var. 2015/2012 2015 Var. 2015/1998 X/P 6,8 % +2,3 pt 9,1 % 7,2 % +0,4 pt 7,6 % +0,3 pt 7,9 %* +3,0 pt M/DI 24,8 % +10,4 pt 35,2 % 30,1 % +2,6 pt 32,7 % +1,6 pt 34,3 %* +14,6 pt X/M 0,22 0,18 0,18 0,17 0,16 * Estimations. A la différence des autres branches de l’IT*, cette branche est peu internationalisée. Tel est d’ailleurs le cas dans la plupart des pays, aussi bien du Nord que du Sud. Elle l’est surtout en matière d’exportations puisque le taux d’ouverture de la production domestique est inférieur à 10 % sur l’ensemble 29. Les montants relatifs à 2015 sont des estimations propres à l’auteur (voir note supra). La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 55 de la période 1998-2012. En effet, le taux de pénétration du marché intérieur par les importations est relativement élevé puisqu’il est en moyenne de l’ordre de 30 %. D’ailleurs, la pénétration des importations progresse nettement tout au long de la période (+ 14,6 points), tandis que le taux d’ouverture augmente peu (+ 3,0 points). Ainsi, la couverture des importations par les exportations, qui est très faible en début de période, se dégrade quelque peu de 1998 à 2015. Cette dégradation est toutefois nettement plus marquée au cours de la première sous-période (1998-2007) que de la seconde (2007-2015). En effet, la poussée de la pénétration des importations a lieu principalement au cours de la première (le taux de pénétration passe de 24,8 % à 35,2 %) ; l’explication qui vient logiquement à l’esprit est que cette progression est la conséquence de l’abaissement ou de la suppression des protections tarifaires. Elle se poursuit au delà, mais beaucoup moins rapidement (le taux de pénétration, mesuré en base 2007, passant alors de 30,1 % à 34,3 %. Pour l’ouverture à l’exportation, les deux sous-périodes se distinguent beaucoup moins, même si le taux d’ouverture augmente plus au cours de la première sous-période que lors de la seconde (+ 2,3 points, contre + 0,7 point). En termes de compétitivité à l’exportation et de compétitivité à l’importation, la performance constatée est donc médiocre, même si le manque de compétitivité se réduit en fin de période. 6. Similitudes et différences entre les branches d’activité au sein de l’industrie manufacturière (IT*) Lorsque l’on adopte une approche institutionnaliste selon laquelle « les institutions comptent » dans l’explication des phénomènes économiques observés et que l’on qualifie d’institution tout ensemble de normes techniques (relatives aux rapports des humains aux objets) et sociales (relatives aux rapports des humains entre eux) présentant une certaine cohérence, on laisse de côté la rationalité parfaite de Savage, et on considère que tout comportement consiste à suivre une norme, par exemple celle de choisir d’exporter, sans toutefois trancher le point de savoir si la personne en question suit cette norme parce qu’elle est rationnelle ou si, en la suivant, elle se montre rationnelle. La mise en évidence des similitudes et des différences entre les dynamiques des diverses branches dont se compose l’IT* présente alors l’intérêt suivant : – une similitude a nécessairement une explication à caractère général en ce sens qu’elle est commune à toutes les branches, cette explication est à rechercher du côté des institutions sociétales marocaines ; – une différence n’a pas d’explication transversale aux branches, cette explication est à rechercher du côté des institutions spécifiques à chacune des branches qui sont à l’origine de l’absence de similitude. 56 Profils sectoriels et émergence industrielle La méthode retenue pour apprécier les similitudes et les différences entre les dynamiques des branches qui constituent l’industrie manufacturière (IT*) consiste à partir des diverses caractéristiques de la dynamique de l’IT* et à prendre en compte ensuite chacune d’elle en mettant en évidence une similitude lorsque cette caractéristique se rencontre dans toutes les branches ou une différence lorsque ce n’est pas le cas. Il convient donc de commencer par rappeler de quelle façon se caractérise la dynamique de l’IT* au cours de la période 1998-2015. 6.1. Les caractéristiques de la dynamique de l’IT* On liste d’abord les traits relatifs à la croissance et à l’inflation, puis ceux relatifs à l’insertion internationale. 6.1.1. Les caractéristiques en matière de croissance et d’inflation C1. La croissance de la branche d’activité IT*, mesurée en prenant en compte l’activité propre (la valeur ajoutée en volume), a été de + 3,4 % par an en moyenne au cours de la période 1998-2015. C2. Cette croissance a été un peu plus rapide au cours de la seconde souspériode (2007-2015) avec +3,6 % l’an que lors de la première (1998-2007) avec +3,4 % l’an. C3. La croissance est irrégulière au cours de la seconde sous-période (2007-2015). Cette irrégularité est appréciée en prenant en compte l’écart, année après année, entre le taux de croissance d’une année sur l’autre et le rythme moyen de croissance sur cette période. La série de cet écart a été la suivante (voir tableau 32) : Tableau 32 Taux de croissance de l’activité propre à court terme et écart au trend (IT*) 2015/ 2012/ 2009/ 2015/ 2014/ 2013/ 2012/ 2011/ 2010/ 2009/ 2008/ 2012 2009 2007 2014 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 Taux de croissance Écart au trend + 2,6 + 6,2 + 1,7 + 4,3 + 3,5 – 0,1 + 1,9 + 7,9 + 8,0 – 1,4 + 4,8 – 1,0 + 2,6 – 1,9 + 0,7 – 0,1 – 3,7 – 1,7 + 4,3 + 4,4 – 5,0 + 1,2 On mesure l’irrégularité par le nombre d’évolutions à court terme pour lesquelles l’écart est supérieur à deux points de croissance, soit ici 4 années sur 8. C4. Cette irrégularité se manifeste notamment par un recul de l’activité propre de 2008 à 2009 en relation avec la « crise de 2008 ». La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 57 C5. Elle se manifeste aussi par un recul de 2012 à 2013. C6. L’impulsion propre des prix de vente a été très faible de 1998 à 2007. C7. Une impulsion propre plus forte au cours de la seconde sous-période qu’au cours de la première. 6.1.2. Les caractéristiques en matière d’insertion internationale Tableau 33 Les indicateurs de l’insertion internationale (à prix courants) (IT*) Variation en points de % 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2009/2007 2012/2009 2015/2012 X/P +13,7 pt* +8,7 pt +5,0 pt* – 4,1 pt +7,4 pt +1,7 pt* M/DI +18,0 pt +15,5 pt +1,4 pt* – 1,3 pt +2,8 pt – 0,1 pt* X/M – 3,7 pt – 14,0 pt – 7,6 pt +12,8 pt +5,1 pt +10,3 pt * Estimations propres à l’auteur (voir infra). Les caractéristiques de la dynamique ainsi observée ont été les suivantes : C8. Un fort processus tendanciel d’internationalisation aussi bien en termes d’ouverture à l’exportation que de pénétration des importations. C9. Un processus qui est avant tout un processus « en volume » C10. Une forte progression de la pénétration du marché intérieur par les importations qui l’emporte nettement sur la progression de l’ouverture à l’exportation de la production intérieure. C11. Un processus d’internationalisation nettement plus marqué au cours de la première sous-période qu’au cours de la seconde. C12. De défavorable en termes dévolution de la couverture des importations par les exportations au cours de la première sous-période, le processus d’internationalisation devient quelque peu favorable sur la seconde. C13. Une évolution irrégulière de 2007 à 2015. 6.2. Similitudes et différences en matière de croissance et d’inflation On reprend successivement les caractéristiques qui viennent d’être listées au titre de la croissance et de l’inflation. 58 Profils sectoriels et émergence industrielle 6.2.1. Caractéristique C1 : pas de similitude pour le rythme moyen de croissance On retient que l’on est en présence d’une similitude si, dans toutes les branches, la croissance moyenne sur la période est proche de celle de l’IT* (rythme de croissance compris entre 3,1 % et 3,9 %, sachant que l’IT* croît au rythme de 3,5 % l’an). Si ce n’est pas le cas, on est en présence d’une différence dont certaines branches sont responsables. Tableau 34 Rythme de croissance moyen sur la période A + 3,7 % THC – 0,7 % C + 2,1 % MME + 6,0 % Reste + 4,8 % IT* 3,5 % Pour cette caractéristique, il n’y a pas de similitude. Il n’y a que la branche « chimie et parachimie » (IT-C) qui a une croissance proche de celle de l’IT*. Les deux branches qui se distinguent le plus sont, d’un côté, la branche « textile, habillement, cuir » (IT-THC) dont l’activité propre baisse (– 0,7 % l’an) et la branche « métallurgie, mécanique et matériels électriques » (IT-MME) dont l’activité propre progresse rapidement (+ 6,0 % l’an). 6.2.2. Caractéristique C2 : pas de similitude concernant une légère accélération de la croissance de la première à la seconde sous-période Le choix de l’année 2007 séparant deux sous-périodes ne tient pas seulement au fait que cette année est celle pour laquelle il y a eu un changement de base de construction des comptes nationaux. Il se justifie aussi par le fait que la période 1998-2007 est celle au cours de laquelle la baisse des protections tarifaires tenant aux accords conclus par le Maroc avec l’UE et les USA en matière de libéralisation des échanges a eu lieu pour l’essentiel. Les effets de ce démantèlement (ayant porté sur presque tous les produits) sont donc en grande partie acquis. Ils ne se manifestent plus au-delà, si ce n’est en ayant déterminé la situation d’où part la dynamique enregistrée au cours de la seconde sous-période en matière de compétitivité à l’exportation et de compétitivité à l’importation. Pour l’IT* dans son ensemble, la caractéristique C2 est que la croissance est un peu plus rapide au cours de la seconde sous- La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 59 période qu’au cours de la première. On est en présence d’une similitude si cela s’observe dans toutes les branches. Tel n’est pas le cas (voir tableau 35). Tableau 35 La croissance : de la sous-période 1998-2007 à la sous-période 2007-2009 1998-2007 2007-2015 3,1 % 4,4 % Oui THC + 0,9 % – 2,4 % Non C A Similitude + 0,4 % + 4,1 % Oui MME 6,5 % 5,3 % Non Reste 4,7 % 4,9 %* Oui (?) IT* 3,4 % 3,6 % * Sur la sous-période 2007-2012. Comme pour la caractéristique C1, il n’y a pas de similitude. Les deux branches qui se différencient sont celles qui sont principalement à l’origine de l’absence de similitude pour cette première caractéristique. Par contre, il y a bien une accélération pour les industries alimentaires (IT-A) et les industries chimiques et para-chimiques (IT-C), si ce n’est pour les industries restantes (IT-R). 6.2.3. Caractéristique C3 : la croissance est irrégulière dans toutes les branches au cours de la période 2007-2015 A propos de cette caractéristique relative à l’irrégularité de la croissance de l’IT* au cours de la seconde sous-période, on est en présence d’une similitude si le degré d’irrégularité est important dans toutes les branches, c’est-à-dire si, dans chacune d’elles, il y a au moins quatre évolutions à court terme pour lesquelles l’écart au trend (dans un sens ou dans l’autre) est supérieur à deux points de croissance. Tableau 36 Nombre d’années pour lesquelles l’écart au trend est supérieur à deux points A 4 THC 6 C 5 MME 5 Reste ? IT* 4 60 Profils sectoriels et émergence industrielle Si on laisse de côté l’IT-Reste pour laquelle on ne dispose pas d’informations pour 2012-2015, toutes le branches sont le cadre d’un degré d’irrégularité de la croissance aussi élevé que celui constatée pour l’IT*. Sur les quatre évolutions à court terme pour lesquelles l’écart est supérieur à deux points de taux de croissance dans l’IT*, trois sont communes à presque toutes les branches (sauf l’IT-R) : 2008/2007, 2009/2008 et 2010/2009. Pour l’évolution 2013/2012, il n’y a plus que trois branches pour lesquelles l’écart (en négatif ) est supérieur à deux points comme dans l’ensemble, la croissance dans l’IT-A n’ayant que peu fléchi). Tableau 37 La croissance à court terme au cours de la période 2007-2015 2008/ 2007 2009/ 2008 2010/ 2009 2011/ 2010 2012/ 2011 2013/ 2012 2014/ 2013 2015/ 2014 3,6 % 0,9 % 9,5 % 2,3 % 4,7 % 3,2 % 6,5 % 4,4 % THC – 2,8 % – 15,4 % 1,3 % 3,6 % 1,5 % – 6,0 % 4,4 % – 4,1 % C 12,6 % – 3,8 % 28,8 % 6,6 % 6,0 % – 6,8 % 2,4 % 3,3 % MME 9,3 % – 3,6 % 1,5 % 21,9 % 5,9 % – 0,3 % 8,6 % 6,6 % Reste 5,8 % 3,9 % 5,6 % 10,0 % – 0,5 % IT* 4,8 % – 1,4 % 8,0 % 7,9 % 1,9 % – 0,1 % 3,5 % 4,3 % A 6.2.4. Caractéristique C4 : le net recul de l’activité propre de 2008 à 2009 (en lien avec la « crise de 2008 ») ne se constate pas dans les branches peu internationalisées (IT-A et IT-R) L’évolution de 2008 à 2009 fait partie de celles pour lesquelles l’écart au trend est supérieur à deux points (en négatif ) dans presque toutes les branches (sauf l’IT-R). Toutefois, seules trois branches sont à l’origine du recul de l’activité propre observée pour l’ensemble : THC, chimie et MME. En effet, la croissance reste positive dans l’IT-A (et ne fléchit que peu dans l’IT-R). Cela s’explique simplement : ces deux branches sont celles pour lesquelles le taux d’ouverture à l’exportation est faible (12,7 % pour l’IT-A et 7,2 % pour l’IT-R en 2007) et qui, de ce fait, ne sont que faiblement touchées par la baisse de la demande mondiale consécutive à la « crise de 2008 ». Au contraire, le taux d’ouverture est élevé dans les trois autres La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 61 branches (68,1 % dans l’IT-THC, 56,6 % dans l’IT-C et 36,8 % dans l’ITMME en 2007 (30)), et elles subissent de plein fouet les effets de cette crise qui ne doit rien au Maroc. 6.2.5. Caractéristique C5 : le recul de 2012 à 2013 de l’activité propre ne s’observe que dans l’I-THC et l’IT-C et en y ayant des causes « marocaines » La caractéristique C5 de la dynamique de l’IT* est un recul de l’activité propre de 2012 à 2013. Il n’y a pas de similitude à propos de cette caractéristique puisque l’on ne constate un recul de l’activité propre de 2012 à 2013 que dans trois branches, celles dans lesquelles un tel recul se constate de 2008 à 2009. Mais, à la différence de ce que l’on constate à ce moment, ce recul n’a pas pour origine une baisse générale des exportations. Cette baisse est localisée ; elle ne concerne que les produits de l’IT-THC et de l’IT-C, sans affecter ceux de l’IT-MME. Elle aurait donc, dans ces deux activités, une cause « marocaine » propre à chacune de ces activités, sans qu il s’agisse nécessairement de la même cause ici et là. A noter que la forte croissance de l’activité propre dans la branche « chimie et parachimie » de 2009 à 2010 (+28,8 %, avec des exportations qui progressent de 68,8 %) est un phénomène propre à cette branche qui a aussi une cause « marocaine ». 6.2.6. Caractéristique C6 : similitude concernant la très faible impulsion propre des prix de vente de 1998 à 2007 (hors chimie et parachimie) La caractéristique C6 est relative au montant tendanciel de l’impulsion propre des prix de vente. A l’échelle de l’IT*, cette dernière est très faible en moyenne sur l’ensemble de la période en revue (voir tableau 38). On a eu : Tableau 38 L’impulsion propre des prix de vente (2007/1998) A – 1,0 % THC + 0,4 % C + 3,1 % MME + 1,2 % Reste + 0,0 % IT* +0,3 % 30. Nouvelle base 2007. Comme l’effet du changement de base a été principalement de remonter le niveau de la production dans la plupart des branches de l’industrie, ces taux sont plus faibles que ceux qui avaient été évalués pour 2007 dans les comptes en base 1998. 62 Profils sectoriels et émergence industrielle En tendance au cours de la période 1998-2007, l’impulsion propre des prix de vente a été très faible dans toutes les branches, sauf dans l’industrie chimique (y compris parachimie), branche dans laquelle cette impulsion propre a été en moyenne de +3,1 % l’an. On doit donc faire état d’une grande similitude, en proposant une explication spécifique à ce qui a eu lieu dans cette branche. L’explication générale, qui s’impose en raison de cette similitude, est que la faible évolution constatée a été l’effet du démantèlement des protections douanières à l’importation. L’explication spécifique pour la chimie doit être recherchée du côté des prix des consommations intermédiaires, les prix de certaines d’entre elles ayant baissé puisque l’évolution moyenne des prix de vente sur la période n’a été que de +1,7 % l’an, en bonne correspondance avec des prix à l’importation qui ont augmenté en moyenne de +1,5 % l’an. 6.2.7. Caractéristique C7 : dans l’IT-C et l’IT-MME, l’impulsion propre des prix de vente n’est pas plus forte de 2007 à 2015 que de 1998 à 2007 Cette caractéristique C7 de la dynamique de l’IT* est que l’impulsion propre des prix de vente est plus forte au cours de la seconde sous-période qu’au cours de la première. Cette caractéristique n’est pas commune (voir tableau 39). En effet, l’impulsion propre des prix de vente est inférieure au cours de la seconde sous-période à ce qu elle a été au cours de la première dans deux branches d’activité : IT-C et IT-MME. Tableau 39 Le changement de l’impulsion propre des prix de vente de 2007/1998 à 2015/2007 2007/1998 2015/2007 Écart A – 1,0 % + 8,1 % + 9,1 pt THC + 0,4 % + 1,8 % + 1,4 pt C + 3,1 % +1,0 % – 2,1 pt MME + 1,2 % – 0,05 % – 1,2 pt Reste + 0,0 % + 1,1 % + 1,1 pt IT* + 0,3 % + 2,5 % + 1,2 pt Par ailleurs, si la branche « industries alimentaires » ne fait pas partie des branches qui sont à l’origine de l’absence de similarité, elle se distingue nettement par une très forte impulsion propre des prix de vente au cours de la seconde sous-période, alors que cette dernière avait été négative en tendance au cours de la première sous période (+ 8,1 %, contre 1,0 %). En revenant à ce qui a été dit concernant ladite impulsion propre (voir infra), la question qui La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 63 se pose est celle de savoir si cette forte impulsion a été voulue ou subie par les entreprises inscrites dans cette branche d’activité (étant entendu que « subie » ne signifie absolument pas « défavorable à l’évolution des revenus distribués par ces entreprises », puisque ce n’est manifestement pas le cas si l’impulsion propre a été importante). On doit toutefois se poser cette question après avoir pris en compte les données disponibles relatives aux diverses branches qui composent cette grande branche et avoir pu mettre en évidence si cette forte impulsion propre est une caractéristique commune à toutes ces branches, si elle vient de l’une d’entre elles ou si elle procède avant tout d’un effet de structure. 6.3. Similitudes et différences en matière d’insertion internationale Les cinq branches qui composent l’IT* se différentient d’abord les unes des autres, cela vient d’être rappelé, par leur degré d’internationalisation. En 2007 (nouvelle base), les taux d’ouverture à l’exportation et les taux de pénétration du marché intérieur par les importations sont les suivants (voir tableau 40) : Tableau 40 Taux d’ouverture et taux de pénétration (niveaux en 2007) Taux d’ouverture Taux de pénétration A 12,7 % 13,0 % THC 68,1 % 58,6 % C 56,6 % 58,6 % MME 36,8 % 66,2 % Reste 7,2 % 30,1 % 30,9 % 44,6 % IT* Il n’en reste pas moins que les similitudes et les différences qui sont recherchées concernent la dynamique enregistrée de 1998 à 2015. 6.3.1. Caractéristique C8 : un fort processus tendanciel d’internationalisation aussi bien en termes d’ouverture à l’exportation que de pénétration des importations s’observe dans toutes les branches Avec cette caractéristique, on s’en tient à la tendance qui se dégage lorsque l’on prend en compte l’ensemble de la période, sans se préoccuper des inflexions internes à celle-ci. Le tableau récapitulatif en matière d’insertion internationale est le suivant (voir tableau 41) : 64 Profils sectoriels et émergence industrielle Tableau 41 Évolution du taux d’ouverture et du taux de pénétration Taux d’ouverture 2015/1998 Taux de pénétration 2007/1998 2015/2007 2015/1998 2007/1998 2015/2007 A + 5,1 pt + 3,5 pt + 1,6 pt + 6,2 pt + 6,0 pt – 0,2 pt THC + 6,0 pt + 13,2 pt – 7,2 pt + 12,8 pt + 16,8 pt – 4,0 pt C + 40,2 pt + 29,8 pt + 10,4 pt + 38,6 pt + 29,5 pt + 5,0 pt MME + 37,4 pt + 17,5 pt + 19,9 pt Reste IT* + 18,2 pt + 12,6 pt + 5,6 pt + 3,0 pt* + 2,3 pt + 0,7 pt* + 14,6 pt* + 10,4 pt + 4,2 pt* + 13,8 pt* + 8,7 pt + 5,0 pt* + 17,9 pt* + 15,5 pt + 1,4 pt* * Estimations propres à l’auteur (voir supra). A s’en tenir aux variations constatées de 1998 à 2015 (après corrections tenant au changement de base), le constat est indiscutable : toutes les branches s’internationalisent, tant du côté de l’exportation que de celui de l’importation. On est en présence d’une similitude. Mais l’ampleur de cette internationalisation diffère nettement d’une branche à l’autre. Du côté de l’exportation, la progression du degré d’ouverture est très importante dans l’IT-C et l’IT-MME et assez faible dans les trois autres branches, tout particulièrement dans l’IT-THC. Il n’en va pas de même du côté des importations puisque la progression du taux de pénétration du marché intérieur par les importations est assez importante dans l’IT-R, tandis qu’elle est « seulement » de + 18,2 points dans l’IT-MME contre + 38,6 points dans l’IT-C. Si on prend en compte la décomposition de la période 2015/1998 en deux sous-périodes (2007/1998 puis 2015/2007), le constat est le même sauf pour le couple IT-THC. En effet, au cours de la seconde sous-période, le taux d’ouverture de cette branche baisse nettement (– 7,2 points) et, en raison du fait que cette branche importe beaucoup de produits de cette branche (voir notamment les produits de la filature), le taux de pénétration des importations baisse aussi (– 4,0 points). 6.3.2. Caractéristique C9 : similitude concernant le fait que ce processus d’internationalisation est avant « en volume » Ce processus d’internationalisation a été pour l’essentiel un processus « en volume », en ce sens que les hausses constatées n’ont pas été le résultat, d’un côté, de hausses des prix à l’exportation nettement plus rapide que les hausses de prix des produits vendus sur le marché intérieur et, de l’autre, de hausses La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 65 des prix à l’importation nettement plus rapides que ces dernières. En effet, les hausses de prix en question ont été de faible ampleur et assez proches les unes des autres (voir tableau 42). Tableau 42 Les évolutions en prix des exportations et des importations En moyenne par an Évolution en prix des exportations Évolution en prix des importations 2015/1998 2007/1998 2015/2007 2015/1998 2007/1998 2015/2007 A + 2,3 % + 2,1 % + 2,7 % + 2,3 % + 1,3 % + 3,5 % THC + 1,0 % + 0,0 % + 0,7 % – 1,7 % – 1,3 % – 2,1 % C + 2,7 % + 1,9 % + 3,6 % + 2,1 % + 1,5 % + 2,7 % MME + 1,3 % + 1,8 % + 0,8 % + 0,8 % + 0,8 % + 0,7 % Reste + 1,3 %* + 1,5 % + 0,8 %* + 1,2 % + 1,2 % + 1,2 %* IT* + 1,4 %* + 1,2 % + 1,6 %* + 0,9 %* + 0,6 % + 1,4 %* * Estimations propres à l’auteur (voir supra). On est donc en présence, pour la caractéristique C9, d’une similitude. Toutefois, la branche IT-THC se distingue des autres par le fait que, tout au long de la période, les prix à l’importation ont diminué, si ce n’est de 2009 à 2012. Cette baisse est de 1,7 % l’an en moyenne. 6.3.3. Caractéristique C10 : la progression de la pénétration du marché intérieur par les importations ne l’emporte nettement sur celle de l’ouverture à l’exportation de la production intérieure que dans l’IT-THC et l’IT-R A l’échelle de l’ensemble de l’IT*, la progression du taux de pénétration de 1998 à 2015 est nettement plus importante que celle du taux d’ouverture (+18 points contre +13,8 points). A ce sujet, il n’y a pas de similitude. En effet, la branche IT-MME et la branche IT-C enregistrent une progression plus importante du taux d’ouverture que du taux de pénétration. L’amélioration du taux de couverture des importations par les exportations qui en résulte est toutefois beaucoup plus importante dans la première que dans la seconde (l’écart entre la progression du taux d’ouverture et celle du taux de pénétration est de 18,6 points pour l’IT-MME et seulement de 1,6 point pour l’IT-C. Dans la branche IT-A, la progression du taux de pénétration est à peine supérieure à celle du taux de pénétration. Le mouvement observé à l’échelle de l’IT* a donc été déterminé par ce qui s’est passé dans la branche IT-THC et, dans une moindre mesure, dans la branche IT-Reste. 66 Profils sectoriels et émergence industrielle 6.3.4. Caractéristique C11 : un processus d’internationalisation nettement moins marqué au cours de la seconde sous-période qu’au cours de la première On ne peut faire état d’une similitude pour cette caractéristique de la dynamique enregistrée à l’échelle de l’IT* dans son ensemble. Il y a deux raisons à cela : 1. la branche IT-THC se dé-internationalise de 2007 à 2015 (baisse de 7,2 points du taux d’ouverture et de 4,0 points du taux de pénétration) et 2. l’internationalisation de la branche IT-MME est plus marquée au cours de la seconde sous-période qu au cours de la première, du moins si l’on s’en tient à l’ouverture à l’exportation. 6.3.5. Caractéristique C12 : de défavorable en termes d’évolution de la couverture des importations par les exportations au cours de la première sous-période, le processus d’internationalisation devient quelque peu favorable sur la seconde Lors de l’analyse de la dynamique de l’IT*, nous avons vu que le caractère défavorable de l’internationalisation, observé à cette échelle sur l’ensemble de la période, était à mettre au compte de ce qui se passe au cours de la première sous-période. En effet, on assiste à une inversion de la première à la seconde sous-période : la dynamique devient favorable au cours de la seconde, avec une progression du taux d’ouverture supérieure à celle du taux de pénétration (+ 5,1 points contre + 2,5 points). Cette inversion ne peut être une caractéristique commune à toutes les branches, puisque deux branches, nous venons de le voir, enregistrent une amélioration sur l’ensemble de la période : l’IT-MME et dans une moindre mesure l’IT-C. Dans ces deux branches, cette amélioration se constate déjà au cours de la première sous-période, et elle est d’une plus grande ampleur au cours de la seconde, surtout dans l’IT-MME (+ 18,8 points pour le taux d’ouverture, contre seulement + 5,1 points pour le taux de pénétration). Dans cette branche, cette plus grande ampleur est à mettre au compte d’un très net infléchissement de la progression du taux de pénétration, même si celle du taux d’ouverture s’accélère quelque peu. Ce qui se passe dans cette branche n’est pas l’unique cause de l’inversion observée à l’échelle de l’IT* dans son ensemble. Mais il s’agit, de loin, de la principale. En effet, l’amélioration observée de 2007 à 2015 dans l’IT-C est de très faible ampleur, comme celle enregistrée de 1998 à 2007 (l’écart entre la progression du taux d’ouverture et celle du taux de pénétration est de l’ordre de 1 point). Et si on observe aussi une inversion dans lT-A, inversion qui tient à une baisse du taux de pénétration de 2007 à 2015 de 0,2 point alors que le taux d’ouverture continue à progresser, cette inversion ne pèse que d’un faible poids dans le mouvement d’ensemble. Par contre, la dynamique enregistrée continue à être défavorable dans l’IT-R et l’IT-THC au La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 67 cours de la seconde sous-période. On retrouve logiquement les deux branches qui ont déterminé le mouvement d’ensemble sur l’ensemble de la période (voir caractéristique C10). Pour autant, ce qui se passe dans l’IT-THC n’a rien à voir avec ce qui se passe dans l’IT-R. Dans cette dernière, la dynamique défavorable enregistrée au cours de la seconde sous-période (+ 4,2 points d’augmentation du taux de pénétration contre seulement + 0,7 point d’augmentation du taux d’ouverture) prolonge celle qui a été observée antérieurement, en ce sens qu’elle relève d’une poursuite de l’internationalisation de ce couple « activité-produit ». Au contraire, la branche IT-THC est le cadre, cela vient d’être indiqué, d’une dé-internationalisation au cours de la seconde sous-période, le seul point commun étant que cette dé-internationalisation demeure défavorable. En effet, le taux de couverture des importations par les exportations abaisse de 1,51 à 1,49 en raison d’une baisse plus importante du taux d’ouverture que du taux de pénétration (– 7,2 points, contre 4,0 points). 6.3.6. Caractéristique C13 : une évolution irrégulière dans toutes les branches au cours de la seconde sous-période (2007 à 2015) sans synchronisation au-delà de 2009 Les irrégularités qui caractérisent la dynamique de 2007 à 2015 ont été les suivantes pour les cinq branches retenues (voir tableau 43). Tableau 43 Les variations du taux d’ouverture et du taux de pénétration au cours de la sous-période 2015/2007 Variation du taux d’ouverture Variation du taux de pénétration 2009/2007 2012/2009 2015/2012 2009/2007 2012/2009 IT-A – 0,3 pt – 0,3 pt + 2,2 pt + 0,3 pt + 2,8 pt 2015/2012 – 3,9 pt IT-THC – 0,1 pt – 3,2 pt – 3,9 pt – 0,9 pt + 0,2 pt – 3,3 pt IT-C – 9,7 pt + 23,2 pt – 3,1 pt – 5,5 pt + 9,9 pt – 0,6 pt IT-MME – 3,7 pt + 12,7 pt + 18,9 pt + 0,4 pt + 2,9 pt + 2,3 pt IT-R – 2,1 pt + 2,5 pt + 0,3 pt* + 0,2 pt + 2,4 pt + 1,6 pt* IT* – 4,1 pt + 7,4 pt + 1,7 pt* – 1,3 pt + 2,8 pt – 0,1 pt* * Estimations propres à l’auteur (voir supra). On observe des irrégularités dans toutes les branches. Il y a donc une similitude au titre de cette caractéristique. La seule synchronisation ne s’observe toutefois que pour le recul (ou pour le moins l’arrêt) du processus d’internationalisation de 2007 à 2009. Ce recul a pour origine la baisse des exportations entraînée par la « crise de 2008 » (cette baisse a lieu pour 68 Profils sectoriels et émergence industrielle l’essentiel de 2008 à 2009). Il est particulièrement marqué pour les produits de l’IT-C et de l’IT-MME. Cette baisse des exportations se répercute, via la baisse de la production et les revenus distribués, sur la demande intérieure et, en fin de compte, sur les importations sans changement important du taux de pénétration de ces dernières. Pour la suite, on retrouve les irrégularités spécifiques à certaines branches, en l’occurrence l’IT-C pour le pic d’internationalisation de 2012 et l’IT-A pour le recul du taux de pénétration de 2012 à 2015. Conclusion : de la nécessité d’affiner l’analyse L’analyse empirique qui vient d’être réalisée en mobilisant les données de la Comptabilité nationale publiées a permis de mettre en évidence que la faiblesse du processus d’industrialisation de l’économie marocaine (en retenant comme périmètre l’IT*) au cours de la période 1998-2015 doit être expliquée en faisant appel à la fois à des causes générales (elles valent pour toutes les branches), des causes dont certaines sont « marocaines » et d’autres « extérieures » (la « crise de 2008 » qui a touché avant tout l’industrie) et à des causes spécifiques à certaines branches, tout particulièrement la « crise » de l’industrie marocaine d’exportation de la branche « textile-habillementcuir », crise ouverte en 2009 sans reprise ultérieure marquée. Le phénomène qui appelle une explication générale est le fait que l’ouverture croissante à l’exportation s’est accompagnée d’une incapacité à tenir la concurrence des importations sur le marché intérieur de telle sorte que ce qui est perdu s’avère plus important que ce qui est gagné. Les causes spécifiques sont celles qui permettent d’expliquer pourquoi ce processus tendanciel à caractère général a été diversifié selon les branches en faisant place ici à une dynamique très défavorable (IT-THC) et là à une dynamique favorable (IT-MME et, dans une moindre mesure, IT-C). Ce que cette analyse a aussi permis de mettre en évidence est que les deux sous-périodes dont se compose la période 1998-2015, celle qui va de 1998 à 2007 au cours de laquelle l’internationalisation a été « boostée » par le démantèlement des barrières tarifaires et celle qui lui fait suite en comprenant la « crise de 2008 », sont le cadre de dynamiques nettement distinctes l’une de l’autre. A ce titre, c’est ce qui advient après 2007 qui est le plus révélateur des « forces et faiblesses » de l’industrialisation de l’économie marocaine. Il s’avère toutefois qu’un affinement de cette analyse s’avère indispensable pour localiser (en termes d’activités fines) les phénomènes saillants qu’il convient d’expliquer. Il s’agit avant tout des suivants : La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015 69 – la « crise » de l’IT-THC en 2009 et l’absence de reprise ultérieure ; – la dynamique favorable observée dans l’IT-MME après 2007 ; – l’irrégularité observée dans l’IT-C avec le pic d’internationalisation de 2012 qui s’y observe ; – la baisse du taux de pénétration des importations dans l’IT-A de 2012 à 2015 ; – la dynamique défavorable observée dans l’IT-R de 2009 à 2015. En principe, les deux autres composantes, l’enquête et les monographies, n’ont pas vocation à contribuer à cet affinement, parce que le découpage par branches de l’enquête est à peu près du même niveau que celui de ce cadrage macro-sectoriel et parce que les monographies ne sont en rien représentatives. CHAPITRE 1 Agro-alimentaire Abdelmoneim Tlidi Introduction En général, les piliers économiques d’une nation sont l’industrie, l’agriculture et les services, ou ce qu’on appelle communément les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Selon les cas de figure, certains pays disposent d’un secteur industriel performant, d’autres s’appuient sur le secteur agricole tandis que d’autres comptent sur des secteurs rentiers. Le présent chapitre va essayer de faire la lumière sur l’industrie agroalimentaire (IAA) au Maroc et d’examiner les différentes caractéristiques à travers une analyse qui ne se veut pas exhaustive mais qui fait l’examen des principaux traits de l’IAA. Le Maroc est un pays dont l’économie repose sur presque toutes les formes susmentionnées de l’économie pour fonctionner : l’agriculture, l’industrie et les services. Cependant, il s’oriente vers l’industrialisation comme option de développement économique et social. Pour cela, l’industrie agro-alimentaire constitue la pierre angulaire de ce plan de développement. De prime abord, il serait judicieux, pour éclairer le lecteur, de délimiter le secteur de l’IAA et ses activités. L’industrie agro-alimentaire est le secteur industriel (1), organisé en de multiples filières, qui a pour vocation de transformer et valoriser les produits de l’agriculture (filières animale et végétale) en produits consommables (aliments et boissons) par l’homme ou l’animal. Le secteur agro-alimentaire figure parmi les piliers de l’économie marocaine puisqu’il représente le deuxième secteur industriel en termes de production et de valeur ajoutée. Les données sectorielles du ministère du Commerce et 1. La nomenclature en vigueur des activités économiques regroupe dans le secteur de l’IAA les branches industrielles relatives aux boissons, fruits et légumes, viandes, poisson, lait, corps gras, farines et gruaux, céréales, aliments pour animaux, tabac et d’autres produits alimentaires. 72 Profils sectoriels et émergence industrielle de l’Industrie montrent la prédominance de l’industrie agro-alimentaire par rapport à d’autres secteurs industriels. Sur la période 1998-2015, le secteur a compté en moyenne annuelle 2 041 établissements, soit 25 % de l’ensemble des entreprises industrielles, et a produit près de 75 milliards de dirhams, soit 29 % de la production industrielle, et a dégagé une valeur ajoutée de plus de 23 milliards de dirhams, soit 31 % du PIB industriel. L’industrie agro-alimentaire est également le deuxième secteur en termes de création d’emplois. En moyenne sur la période 1998-2013, ce secteur a concentré à lui seul 21 % des emplois créés dans l’ensemble des industries manufacturières, derrière l’industrie du textile et du cuir (40 % des créations). Cependant, sur les 2 041 unités du secteur agro-alimentaire, seulement 709 travaillent pour le marché extérieur, soit 35 % des entreprises de l’IAA et écoulent 63 % de leur production à l’étranger, soit plus de 47 milliards de dirhams. Le reste des entreprises agro-alimentaires, soit 65 %, opère sur le seul marché national. Dans l’ensemble, l’agro-industrie du Maroc offre des perspectives très prometteuses quant aux potentialités agricoles et agro-industrielles du pays, aux opportunités du marché mondial et aux nombreux accords de libreéchange. Néanmoins, le développement de l’IAA est nettement inférieur à celui enregistré dans d’autres pays. A titre d’exemple, le taux de valorisation généré par l’industrie agro-alimentaire rapporté à l’agriculture au Maroc est trois fois plus faible qu’en Espagne par exemple. Ceci est dû à plusieurs facteurs qui freinent le développement de ce secteur, comme l’irrégularité des campagnes agricoles et la faiblesse structurelle du système productif, notamment au niveau des exportations. A ce titre, la balance commerciale est caractérisée par un déficit chronique de 2,4 milliards de dirhams par an sur la période 1998-2013. Pour renforcer le développement du secteur, des efforts ont été consentis par les pouvoirs publics : mise en place du Plan Maroc vert (PMV), intégration du secteur dans la stratégie industrielle du pays et, enfin, engagement de mesures dans le cadre du Pacte pour l’émergence industrielle. Le présent chapitre a pour objectif d’analyser le secteur de l’IAA au Maroc en empruntant le schéma qui suit. En premier lieu seront présentées les principales caractéristiques de l’IAA au Maroc. En second lieu, un diagnostic du secteur de l’IAA au Maroc sera effectué et sera suivi d’une analyse de la performance de l’IAA pour appréhender l’offre exportable du Maroc en produits agro-alimentaires. Enfin, l’étude sera couronnée par des suggestions Agro-alimentaire 73 et des recommandations susceptibles de renforcer le développement de l’IAA au Maroc. 1. Principales caractéristiques du secteur On peut considérer que les industries agro-alimentaires sont des industries phares au Maroc. Le contexte marocain a favorisé le développement de cette industrie en offrant des conditions favorables : le pays est par essence un pays agricole qui bénéficie de la diversité de ses reliefs, en particulier les plaines qui offrent des étendues pour des cultures abondantes et riches ; il dispose de réserves naturelles halieutiques importantes grâce à ses côtes qui s’étendent sur 3 500 kilomètres. L’intervention de l’État a également profité à cette industrie en mettant en place des politiques sectorielles. En conséquence, les industries agro-alimentaires ont affiché des indicateurs de performance significatifs : – un chiffre d’affaires de l’ordre de 115 milliards de dirhams en 2013, soit 27 % de l’industrie marocaine après l’industrie chimique et parachimique (43 %) ; – une valeur ajoutée de 30 milliards de dirhams en 2013, soit 29 % de la valeur ajoutée de l’industrie marocaine après l’industrie chimique et parachimique (43 %) ; – 140 892 salariés en 2013, ce qui le place au 2e rang des employeurs industriels, soit 25 %, après les industries du textile et du cuir (31 %) ; – un nombre d’entreprises croissant, 2 062 en 2013, soit 27 % du total du tissu industriel, après l’industrie chimique et parachimique (31 %). 1.1. Acteurs Les entreprises de l’IAA sont de formes juridiques variées. Les SARL sont 46 %, les entreprises individuelles (EI) 39 %, et les sociétés anonymes (SA) 12 % ; les autres sont des coopératives et d’autres formes (SNC, SCS…). Quant à la répartition géographique, la région du Grand Casablanca abrite 16 % des entreprises de l’IAA, suivie de Marrakech-Tensift-Al Haouz (9,2 %), Tanger-Tétouan (9,02 %), Chaouia-Ouardigha (8,92 %), Souss-Massa-Drâa (8,58 %), Fès-Boulemane (8,05 %), Rabat-Salé-Zemmour-Zaër (6,69 %), l’Oriental (5,92 %) et Taza-Al Hoceima-Taounate (5,43 %). Ces régions abritent à elles seules 78 % des entreprises opérant dans le secteur. 74 Profils sectoriels et émergence industrielle Tableau 1 Répartition de l’effectif des entreprises de l’IAA selon les régions Région Effectif % Grand Casablanca 323 15,66 Marrakech-Tensift-Al Haouz 190 9,21 Tanger-Tétouan 186 9,02 Chaouia-Ouardigha 184 8,92 Souss-Massa-Drâa 177 8,58 Fès-Boulmane 166 8,05 Rabat-Salé-Zemmour-Zaër 138 6,69 L’Oriental 122 5,92 Taza-Al Hoceima-Taounate 112 5,43 Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra 98 4,75 Doukkala-Abda 89 4,32 Tadla-Azilal 84 4,07 Gharb-Chrarda-Beni Hssen 71 3,44 Meknès-Tafilalet 70 3,39 Oued Ed-Dahab-Lagouira 31 1,50 Guelmim-Es-Semara 21 1,02 2 062 100,00 Total Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. La prédominance de l’IAA au niveau de Casablanca s’explique essentiellement par l’existence d’importantes infrastructures portuaires et de nombreux moyens logistiques. Par ailleurs, il y a lieu de noter que ce tissu industriel connaît une forte présence des petites et moyennes industries (PMI), avec un taux de 93 %, tandis que les grandes entreprises ne représentent que 7 % dont quelques grands leaders comme le Groupe ONA, Holmarcom, Ynna Holding au niveau des entreprises nationales et Coca Cola, Nestlé, Danone, Procter & Gamble, Savola, Unilever au niveau des entreprises étrangères. Bien que le secteur de l’IAA connaisse un faible mouvement de concentration au niveau structurel, il demeure largement dominé par les grandes entreprises qui s’attribuent une grande part du marché. En effet, 30 % des entreprises de Agro-alimentaire 75 l’agro-alimentaire réalisent à elles seules 95 % du chiffre d’affaires du secteur. En outre, on constate que les sociétés exportatrices créent une valeur ajoutée plus importante allant jusqu’à 68 %, en dépit de leur nombre réduit qui ne dépasse pas les 13 %, tandis que 32 % de la valeur ajoutée est produite par les entreprises opérant sur le marché domestique. De même, en matière d’emploi, les entreprises exportatrices emploient presque les deux tiers des salariés. D’autre part, concernant le chiffre d’affaires ou l’investissement, les deux types d’entreprise affichent des indicateurs presque semblables. Signalons que plus de la moitié de ces entreprises opère dans le soussecteur de la fabrication des farines et gruaux, suivi des sociétés qui opèrent dans l’industrie des corps gras, la transformation des céréales, l’industrie du poisson (voir tableau 2). Tableau 2 Répartition de l’effectif des entreprises de l’IAA selon leur activité (année 2013) Sous-secteur Effectif % Fabrication des farines et gruaux 1 075 52,13 Industrie des corps gras 214 10,38 Transformation des céréales 207 10,04 Industrie du poisson 180 8,73 Industrie des fruits et légumes 136 6,60 Industrie laitière 82 3,98 Industrie des viandes 51 2,47 Industries des boissons 27 1,31 Industrie du tabac Autres industries alimentaires Total 1 0,05 89 4,32 2 062 100,00 Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. 1.2. Principaux indicateurs socio-économiques 1.2.1. Production La répartition de la production de l’IAA par région montre la dominance du grand Casablanca qui s’accapare 56 % de cette industrie, suivi de la région de Tanger-Tétouan (10 %) et de Chaouia-Ouadghira (8 %). Le graphique 1 ci-après montre avec plus de détails la répartition sur les autres régions. 76 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 1 Répartition de la production de l’IAA selon les régions (année 2013) Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. 1.2.2. Emploi Sur la période 1998-2013, l’IAA a contribué à la création de plus de 107 000 emplois dans le secteur industriel, soit 21 % des emplois créés par l’industrie marocaine, ce qui lui a valu le deuxième rang après l’industrie du textile et du cuir (40 %). Alors que les effectifs de l’industrie marocaine ont diminué de façon continue, l’emploi des industries agro-alimentaires a continué de progresser notamment à partir de 2006. Malgré la crise de 2007 qui a affecté le secteur industriel mondial, il apparaît d’après le graphique 2 que l’IAA a résisté de manière significative à cette crise et a enregistré une croissance soutenue de l’emploi comparée aux autres secteurs. Graphique 2 Évolution de l’emploi salarié dans l’industrie marocaine (1998-2013) 250 000 200 000 150 000 Industries agro-alimentaires Industries chimiques et parachimiques Industries électriques et électroniques Industries métalliques et mécaniques Industries textiles et du cuir 100 000 50 000 0 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. Agro-alimentaire 77 Le sous-secteur de l’industrie du poisson a contribué fortement à cette croissance comme il ressort du graphique 3 ci-dessous. En fait, le soussecteur du poisson détient le tiers des emplois agro-industriels. Cela tient essentiellement au volume important de la production halieutique et à la nature de son industrie qui exige un effectif important de main-d’œuvre qui n’est pas nécessairement qualifiée et par conséquent, revient à un faible coût. Graphique 3 Répartition de l’emploi de l’IAA par secteur d’activité (moyenne 1998-2013) Autres industries alimentaires Fabrication des farines et gruaux Transformation des céréales Industrie des boissons Industrie des corps gras Industrie laitière Industrie des fruits et légumes Industrie du tabac Industrie des viandes Industrie du poisson Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. 1.2.3. Chiffre d’affaires Cet indicateur a connu une progression de 5 % sur la période 1998-2013. En effet, le chiffre d’affaires est passé de 55 milliards de dirhams en 1998 à 115 milliards de dirhams en 2013. Les branches les plus productives sont l’industrie de transformation des céréales (24 %), des produits laitiers et du tabac (13 % chacun), des corps gras, des boissons et du poisson (10 % chacun). Ensemble, ils représentent 80 % du chiffre d’affaires total. Le graphique 4 montre la répartition du chiffre d’affaires selon les secteurs d’activités de l’IAA. Le secteur de la transformation des céréales occupe la première place avec un taux de 24 %. Ceci est dû principalement à l’importance de l’évolution de la consommation locale à base de céréales, d’une part, d’autre part, à la concentration des entreprises dans cette activité, en particulier les minoteries. 78 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 4 Répartition du CA de l’IAA par secteur d’activité (moyenne 1998-2013) Autres industries alimentaires Fabrication des farines et gruaux Industrie des boissons Industrie des corps gras Transformation des céréales Industrie des fruits et légumes Industrie des viandes Industrie du poisson Industrie laitière Industrie du tabac Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que les ventes de l’IAA sont principalement destinées au marché interne : sur la période 1998-2013, la part des ventes sur le marché interne est de près de 87 %, contre 13 % pour le marché externe. Graphique 5 Part du CA destiné à l’export/marché domestique (1998-2013) Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. En outre, il convient de noter qu’une grande part de la production du poisson et celle des fruits et légumes ont été principalement destinées au marché externe avec une part respective de 79 % et 66 %. Cela s’explique principalement par la demande croissante à l’export, la diversité de l’offre en fruits et légumes et en poissons et par la faible consommation de ces produits en interne. Agro-alimentaire 79 1.2.4. Valeur ajoutée Avec une valeur ajoutée de 30 milliards de dirhams en 2013, l’IAA représente 29 % de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’industrie marocaine et devance ainsi d’autres secteurs comme l’industrie métallique et la mécanique (13 %), le textile et cuir (8 %) ou encore l’industrie électrique et électronique (7 %). Graphique 6 Évolution de la valeur ajoutée de l’IAA au Maroc (1998-2013) 35 30 En milliards de Dh 25 20 15 10 5 0 Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. Force est de constater que la valeur ajoutée de l’IAA a connu une augmentation significative à partir de 2008. Ceci peut être expliqué par les efforts fournis par les pouvoirs publics, notamment la mise en œuvre du « Plan Maroc vert » et le « Pacte national de l’émergence industrielle », couvrant la période 2009-2015. Au sein des IAA, comme le montre le graphique 7, trois secteurs créent plus de la moitié de la valeur ajoutée : l’industrie des boissons (21 %), l’industrie laitière (16 %) et l’industrie du poisson (14 %). Néanmoins, la valeur ajoutée du secteur de l’IAA reste encore faible par rapport à son potentiel. En effet, le ratio valeur ajoutée par rapport à la production du secteur agro-alimentaire marocain est seulement de 31 % en moyenne sur la période 1998-2012. Ce qui montre qu’il reste un potentiel énorme à exploiter par les entreprises opérant dans le domaine, notamment en matière de valorisation des produits agricoles (optimisation de la gestion commerciale, contractualisation, campagne de promotion à l’international…). Après avoir passé en revue les principales caractéristiques du secteur de l’IAA au Maroc et ses indicateurs socio-économiques, il convient d’examiner ses performances en matière d’exportation. 80 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 7 Répartition de la valeur ajoutée de l’IAA par branche (moyenne 1998-2013) Autres industries alimentaires Boissons Viandes Fruits et légumes Farines et gruaux Produits laitiers Huile et graisse Transformation des céréales et aliments pour animaux Poisson Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique. 2. Performances de l’offre exportable 2.1. Analyse des échanges La balance agro-alimentaire du Maroc durant la période (1998-2015) est caractérisée par une évolution presque similaire des importations et des exportations. A l’exception de l’année 2003 qui a connu un excédent commercial de 3,7 milliards de dirhams, les autres années ont accusé des déficits accentués, dont les plus importants ont été enregistrés lors des années 2011 et 2012 à hauteur respectivement de près de 19,8 milliards de dirhams et de 21,2 milliards de dirhams. Cette détérioration de la balance commerciale est due à l’augmentation des importations agro-alimentaires marocaines (47,9 milliards de dirhams en 2011 et 50,5 milliards de dirhams en 2012) plus forte que celle des exportations (28,2 milliards de dirhams en 2011 et 29,2 milliards de dirhams en 2012). Par ailleurs, à partir de l’année 2013, la valeur des exportations a repris en augmentant, ce qui s’est répercuté sur le déficit commercial qui a régressé pour atteindre près de 800 millions de dirhams en 2015. Agro-alimentaire 81 Graphique 8 Évolution de la balance agro-alimentaire du Maroc (1998-2015) 60 000 120 % 50 000 100 % 40 000 80 % 30 000 20 000 60 % 10 000 40 % 15 14 20 13 20 12 20 11 20 10 20 09 20 08 20 07 20 06 20 98 20 05 19 04 20 03 20 02 20 01 20 00 20 99 20 – 10 000 19 19 98 0 20 % – 20 000 – 30 000 Exportations Importations Solde commercial Taux de couverture 0% Source : Calculs sur la base de données de l’Office des changes. Sur la période 1998-2015, le taux de couverture du Maroc pour les produits de l’IAA était de 85 % en 1998 et 98 % en 2015. Le taux le plus bas a été constaté en 2011 et 2012 avec respectivement un taux de couverture 59 % et 58 %, ce qui revient à dire que l’on importe beaucoup plus par rapport à nos exportations durant ces années plutôt que dans les autres années. 2.2. Dynamique des exportations Les exportations agro-alimentaires globales du Maroc ont connu une croissance annuelle moyenne (TCAM) (2) de 7 % durant la période 19982015. Elles sont ainsi passées de 12,9 milliards de dirhams en 1998 à 42,1 milliards de dirhams en 2015. Les exportations en volume ont connu la même évolution que celle des exportations en valeur et ce, en passant de 1,4 million de tonnes en 1998 à 3 millions de tonnes en 2015. 2.1.2. Évolution par marché Durant la période 1998-2015, les exportations agro-alimentaires marocaines globales ont été destinées à plusieurs pays. Toutefois, il faut noter qu’elles ont été acheminées principalement vers la France (avec une part de 2. Le taux de croissance annuel moyen (TCAM) permet de calculer un taux d’évolution moyen d’une grandeur économique sur une durée de n périodes. Formellement, le TCAM est donné par la formule : finale et la valeur initiale. où VF et VI sont respectivement la valeur 82 Profils sectoriels et émergence industrielle 22 %), l’Espagne (16 %), l’Italie (6 %) et la Russie, les Pays-Bas et le Japon (5 % chacun). Force est de constater que sur la période 2009-2011, 73 % des exportations agro-alimentaires marocaines sont concentrées sur les marchés de l’Union européenne (UE), ce qui est de nature à rendre le Maroc vulnérable du fait de l’évolution des conditions économiques de l’organisation européenne. Par ailleurs, l’analyse de la dynamique des exportations agro-alimentaires marocaines globales par principal marché, durant la même période, montre que les Pays-Bas et l’Espagne ont enregistré les dynamiques les plus élevées avec des TCAM respectifs de 13 % et de 12 %, suivis des États-Unis et de l’Italie (TCAM de 7 % chacun), et de la France et de la Russie (TCAM identiques de 5 %). Graphique 9 Dynamique des exportations agro-alimentaires marocaines par principal marché (moyenne sur 1998-2015) Part 30 % FRANCE (5 % ; 22 %) 25 % 20 % ESPAGNE (12 % ; 16 %) 15 % ITALIE (7 % ; 6 %) 10 % RUSSIE (5 % ; 5 %) 5% ÉTATS-UNIS (7 % ; 4 %) 0% 0% PAyS-BAS (13 % ; 5 %) 5% 10 % 15 % TCAM Source : Calculs sur la base de données de l’Office des changes. 2.2.2. Dynamique par principaux produits Les principaux produits qui ont le plus contribué à la dynamique des exportations agro-alimentaires marocaines durant la période 1998-2015 sont les conserves de poisson (+18 %), suivies des crustacés, mollusques et coquillages (15 %), des agrumes (12 %), des tomates fraîches (9 %) et des légumes frais, congelés ou en saumure (8 %). Ensemble, ces produits ont représenté 62 % des exportations agro-alimentaires marocaines globales durant la période 1998-2015. Toutefois, les produits qui ont enregistré les plus faibles taux ont connu une dynamique significative, tels les poissons frais avec un TCAM de 16 % et l’huile d’olive (12 %). Agro-alimentaire 83 Graphique 10 Dynamique des exportations agro-alimentaires marocaines par principal produit (moyenne sur 1998-2015) Part 25 % Crustacés, mollusques et coquillages (3 % ; 15 %) 20 % 15 % Agrumes (2 % ; 12 %) 10 % 5% 0% –5% Conserves de poissons (8 % ; 18 %) Légumes frais (14 % ; 8 %) Tomates fraîches (9 % ; 9 %) Conserves de légumes (2 % ; 5 %) 0% 5% Poissons frais (16 % ; 4 %) Huile d’olive (12 % ; 1 %) 10 % 15 % –5% 20 % TCAM Source : Calculs sur la base de données de l’Office des changes. Il y a lieu de signaler que les exportations de conserves de poisson et de poisson frais ont enregistré en 2012 des hausses respectives de 29,3 % et 14,7 %. Cette augmentation est le fruit de la mise en œuvre par le gouvernement en 2009 du plan Halieutis et du premier parc halieutique, Haliopolis, à Agadir. L’analyse de l’évolution de la structure des exportations marocaines de l’IAA hors pêche frais et transformés, durant la période 1998-2015, montre que notre pays exporte plus de produits agricoles frais que de produits agricoles transformés. En effet, la part des produits de l’IAA hors pêche transformés s’est située en moyenne à 40 % durant la période 2001-2015, ce qui révèle une faible valorisation de la production agricole à l’export. 2.3. Positionnement du Maroc sur le marché agro-alimentaire mondial Le positionnement du Maroc par rapport à ses concurrents sur le marché mondial de l’IAA va être analysé en s’appuyant sur le calcul de la part du marché mondial de l’IAA, ainsi que sur sa part concernant ses produits-phares : les crustacées et mollusques, les agrumes, les tomates et l’huile d’olive. Au cours de la période 2001-2015, la part du Maroc sur le marché mondial des produits agro-alimentaires est en moyenne égale à 0,29 %, occupant ainsi la 47e place. 84 Profils sectoriels et émergence industrielle La part du marché mondial du Maroc a été caractérisée par une quasistabilité, en particulier avec l’Union européenne (Pays-Bas, Allemagne, France, Italie) qui constitue notre principal partenaire commercial. Ce manque de dynamisme se justifie par les effets négatifs de la crise mondiale sur le commerce extérieur notamment au niveau de cette région. Parallèlement à ce manque de dynamisme de nos exportations, d’autres pays ont enregistré une amélioration de leur performance commerciale. C’est le cas en particulier du Brésil (où la part du marché est passée de 3,35 % en 2001 à 5,08 % en 2015), de la Chine (3,18 % à 4,78 %), de la Turquie (0,84 % à 1,18 %) et de l’Indonésie (1,04 % à 2,19 %). Les produits marocains à l’exportation sont variés, néanmoins il faut noter que les produits-phares cités plus haut détiennent une part de marché plus importante. 2.3.1. Crustacés et mollusques Sur la période 2001-2015, la part moyenne du Maroc dans le marché des produits relatifs aux crustacés et mollusques est de l’ordre de 2,7 %. Sur ce marché, 12 pays sont considérés comme concurrents directs, avec une prédominance de la Chine qui détient une part de marché de 9,32 %, suivie du Viet Nam (8,9 %), du Canada (7,58 %), de la Thaïlande (8,31 %), de l’Inde (7,95 %), de l’Indonésie (5,69 %), des États-Unis d’Amérique (4,69 %), de l’Équateur (3,61 %), de l’Espagne (3,51 %), de l’Australie (3,04 %), de l’Argentine (2,90 %) et du Royaume-Uni (2,51 %). Par ailleurs, notons que le principal client des crustacés et mollusques marocains est l’Espagne, avec 51 % des exportations, suivie du Japon (22 %), de l’Italie (15 %) et de la Grèce (3 %). La position du Maroc sur le marché espagnol a connu une nette amélioration (12,77 %-5,26 %) par rapport à son concurrent direct, l’Argentine. 2.3.2. Agrumes Sur la période 2001-2015, la part moyenne du Maroc dans le marché des agrumes est de l’ordre de 3,3 %. Sur ce marché, 6 pays sont considérés comme les concurrents directs du Maroc, avec une prédominance notable de l’Espagne qui détient une part de marché de 3 %, suivie des États-Unis d’Amérique (8,5 %), de l’Afrique du Sud (6,2 %), de la Turquie (5,8 %), des Pays-Bas (4,9 %) et de la Chine (4,3 %). Il est à signaler que l’Égypte, même en réalisant une part moyenne de 2,5 % après le Maroc et l’Argentine, demeure un pays concurrent puisqu’elle a réalisé une croissance significative de sa part de marché, notamment à partir de 2008 où elle va devancer le Maroc et l’Argentine. Agro-alimentaire 85 Graphique 11 Parts de marché des agrumes (2001-2015) 45 % Espagne États-Unis d’Amérique Turquie Chine Maroc 40 % 35 % 30 % 25 % 20 % 15 % 10 % 5% 0% 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Source : Calculs sur la base de données de Trade Map. Par ailleurs, les principaux clients des agrumes marocains à l’étranger demeurent la Russie (35 %), suivie des Pays-Bas (16 %) et de la France (10 %) (voir graphique 12). Graphique 12 Répartition géographique des exportations marocaines des agrumes (moyenne sur 2001-2015) Autres Russie États-Unis Suède Royaume-Uni Canada France Pays-Bas Source : Calculs sur la base de données de Trade Map. Même si le Maroc est classé deuxième dans le marché des agrumes destinés à la Russie en moyenne sur la période 2001-20015, sa part de marché a accusé une baisse, passant de 20,71 % en 2001 à 15,56 % en 2015, ce qui dénote 86 Profils sectoriels et émergence industrielle une perte de parts de marché en faveur d’autres pays concurrents, à savoir l’Argentine, la Chine et la Turquie qui ont connu une augmentation de leur part de marché russe comme le montre le tableau suivant : Tableau 3 Parts de marché des agrumes dans le marché russe (en %) Exportateurs 2001 2015 Moyenne (2001-2015) TCAM Turquie 23,33 30,22 24,36 1,06 Maroc 20,71 15,56 19,78 – 1,63 Afrique du Sud – 0,51 12,78 12,20 11,59 Argentine 1,26 12,88 9,46 16,91 Égypte 9,92 5,43 9,74 – 4,07 Chine 3,42 10,47 6,83 6,74 Source : Calculs sur la base de données de Trade Map. 2.3.3. Tomates Sur le marché mondial de la tomate, le Maroc occupe la 7e place, avec une part de marché moyenne sur 2001-2015 de 3,6 % derrière les Pays-Bas, qui dominent le marché mondial des tomates avec une part de marché de l’ordre de 21,6 %, suivis du Mexique (18,8 %), de l’Espagne (16,9 %), des États-Unis d’Amérique (4,4 %), du Canada (4,3 %) et de la Turquie (3,8 %). Sur ce marché, 6 pays sont considérés comme les concurrents directs du Maroc (voir graphique 13). Graphique 13 Parts de marché de la tomate (2001-2015) 30 % 25 % Pays-Bas Espagne Turquie Mexique États-Unis d’Amérique Maroc 20 % 15 % 10 % 5% 0% 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Source : Calculs sur la base de données de Trade Map. Agro-alimentaire 87 Par ailleurs, la France demeure la première destination des tomates marocaines, soit 77 % des exportations. Graphique 14 Répartition géographique des exportations marocaines de tomate (moyenne sur 2001-2015) Autres Royaume-Uni Espagne Russie France Source : Calculs sur la base de données de Trade Map. En procédant à l’analyse des importations de tomate en France, il ressort que le Maroc occupe la place de leader avec une part du marché moyenne de 45,8 % sur la période 2001-2015, passant de 39,4 % en 2001 à 56,2 % en 2015, suivie de l’Espagne avec une part moyenne de 32 %. 2.3.4. Huile d’olive Sur le marché mondial de l’huile d’olive, le Maroc occupe la 9e place avec une part de 0,75 % en tant que fournisseur derrière l’Espagne (43,5 %), l’Italie (27 %) et la Tunisie (8 %) qui cumulent près de 80 % des exportations mondiales d’huile d’olive (voir graphique 16). Par ailleurs, en matière d’importation de ce produit, le Maroc ne constitue qu’une faible part avec 0,28 % de la demande mondiale d’huile d’olive qui provient principalement d’Italie (29 %), des États-Unis d’Amérique (16,5 %), de France (7 %), d’Allemagne (4,4 %), du Portugal (4,3 %) et du RoyaumeUni (4 %) (cf. graphique 15). En moyenne, sur la période 2001-2015, la part du marché de l’huile d’olives détenue par le Maroc est de l’ordre de 1,34 %. Sur ce marché, 6 pays sont considérés comme les concurrents directs du Maroc, avec une prédominance notable de l’Espagne dont la part de marché s’élève à 42 %, 88 Profils sectoriels et émergence industrielle suivie des États-Unis d’Amérique (26,28 %), de l’Afrique du Sud (7,15 %), de la Turquie (7,18 %), de la Chine (3,70 %) et de la Hollande (2,59 %). Graphique 15 Parts moyennes des dix premiers importateurs d’huile d’olive (moyenne 2001-2015) Graphique 16 Parts moyennes des dix premiers exportateurs d’huile d’olive (moyenne 2001-2015) Source : Calculs sur la base de données de Trade Map. Les principaux importateurs de l’huile d’olive marocaine sur la période 2001-2015 sont l’Espagne, les États-Unis et l’Italie, comme le montre le graphique 17. Agro-alimentaire 89 Graphique 17 Répartition des exportations marocaines d’huile d’olive par marché (moyenne sur 2001-2015) Autres Pays-Bas Chine Italie Espagne Italie États-Unis Source : Calculs sur la base des données de Trade Map. Si l’on considère que l’Espagne est le premier marché à l’export du Maroc d’huile d’olive avec 33 % des exportations marocaines de ce produit, il ressort de l’analyse que les exportations marocaines d’huile d’olive sont caractérisées par une grande fluctuation, le Maroc n’est pas parvenu à conserver sa part du marché espagnol qui est passée de 31,45 % en 2001 à 0,04 % en 2015 en faveur d’autres pays concurrents directs tels que la Tunisie, le Portugal, l’Italie, la Grèce et la Turquie. Tableau 4 Parts du marché de l’huile d’olive dans le marché espagnol (2001-20015) Part de marché moyenne (2001-2015) TCAM (2001-2015) Tunisie 27,51 8,77 Portugal 24,16 5,53 Italie 19,23 – 3,21 Grèce 10,17 – 8,26 Exportateurs Turquie 4,07 38,52 Maroc 5,48 – 35,84 Source : Calculs sur la base de données de Trade Map. Finalement, notons que ces performances dont fait preuve le Maroc, se réalisent dans un contexte marqué par des qualités et des défauts qui seront examinés dans la section suivante. 90 Profils sectoriels et émergence industrielle 3. Analyse SWOT du secteur 3.1. Principaux atouts et faiblesses du secteur Le Maroc est une porte d’entrée en Afrique et une plateforme d’exportation vers d’autres continents, du fait de sa position géostratégique, au carrefour des routes maritimes grâce à la Méditerranée. De plus, le climat favorable dont il jouit permet la diversification de sa production agricole, notamment celle des fruits et légumes frais. Avec ses 3 500 kilomètres de côtes sur la double façade atlantique et méditerranéenne, le Maroc dispose de riches réserves de pêche, qui constituent une véritable manne économique. Ces réserves englobent près de 500 espèces dont 60 font l’objet d’une exploitation. La ressource halieutique est répartie sur l’ensemble du territoire. Elle est essentiellement concentrée en Atlantique centre et sud. Les petits pélagiques constituent l’essentiel de la ressource, avec plus de 80 % des captures en volume. Par ailleurs, le secteur de l’IAA dispose d’un potentiel intrinsèque lié au coût très compétitif de la main-d’œuvre par rapport aux concurrents (Espagne, Égypte, Tunisie, Turquie). Néanmoins, le secteur de l’IAA marocaine souffre de nombreux freins à son développement. Au niveau de la fiscalité, le niveau élevé de l’imposition des entreprises agro-alimentaires, en particulier le différentiel élevé entre la TVA agricole (nulle) et la TVA agro-alimentaire (20 %) empêche la valorisation des produits agricoles en première et en deuxième transformations. S’agissant du foncier agricole, il pose la problématique du morcellement dû aux régimes foncier et des successions. Ainsi, 70 % des exploitations agricoles ont une superficie inférieure à 2,1 hectares, morcellement qui limite leur productivité. Un autre point faible de l’IAA au Maroc est le manque d’infrastructures malgré les réalisations accomplies dans ce domaine. Ce facteur fait augmenter les frais de transport et les coûts logistiques et limite par conséquent les marges bénéficiaires des entreprises agro-alimentaires. Dans certaines régions, les topographies complexes associées aux conditions climatiques difficiles rendent la culture de certains types de produits agricoles pratiquement impossible. La baisse des prix des produits alimentaires de la région peut également dissuader de nouveaux investissements dans le secteur. Par ailleurs, la faible qualification du capital humain et la prédominance du travail précaire sont un frein majeur pour l’IAA. Ce facteur-qualité est Agro-alimentaire 91 nécessaire pour l’amélioration de l’innovation et l’introduction des normes de qualité notamment face à l’exigence du marché extérieur. 3.2. Opportunités du secteur Au Maroc, les opportunités de développement de l’IAA sont énormes, notamment dans le contexte actuel marqué par l’expansion remarquable de la demande mondiale. Ces opportunités sont les suivantes. 3.2.1. Accords commerciaux bilatéraux et régionaux Le Maroc a conclu une série d’accords de libre-échange (ALE) avec certains pays partenaires : l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique, la Turquie, les Emirats Arabes Unis et les pays arabes entérinant l’accord d’Agadir (l’Égypte, la Jordanie, la Tunisie, le Liban et la Palestine). La mise en œuvre de ces accords offre de réelles opportunités d’accès des produits agro-alimentaires aux marchés européen, américain et arabes et d’amélioration des performances de l’offre exportable marocaine. Il s’agit d’une libéralisation totale des exportations vers l’Union européenne, en particulier des fruits et légumes, des conserves alimentaires, des produits laitiers, des oléagineux et parfois de tous les produits échangés, comme c’est le cas avec les Emirats Arabes Unis. De même, les produits peuvent profiter uniquement d’une libéralisation progressive, comme avec la Turquie. 3.2.2. Plan Maroc vert Le Maroc s’est doté pour la période 2008-2020 d’une politique ambitieuse, le Plan Maroc vert. Cette stratégie est axée sur l’accompagnement de la petite agriculture, le développement d’une agriculture à haute valeur ajoutée, le développement du potentiel des filières de la tomate, de la fraise, du sucre, du lait et de l’élevage ovin et caprin. En outre, la stratégie « Maroc vert » vise le développement du secteur agroalimentaire dans toute sa chaîne de valeur. Elle est basée sur les axes suivants : – la mise en place des plans d’agrégation qui permettent, notamment, l’accès aux intrants, au financement et aux marchés ; – le développement de l’approche de contractualisation à travers la conclusion des contrats-programmes entre le gouvernement et les professionnels du secteur ; – la mobilisation de tous les partenaires institutionnels et privés pour développer le secteur agro-alimentaire, à l’instar du Crédit agricole ; 92 Profils sectoriels et émergence industrielle – la promotion des exportations et l’appui financier des exportateurs dans la diversification de leurs débouchés et contre la perte de marchés ; – l’intégration des mesures relatives au marketing pour aider les secteurs prioritaires à pénétrer les marchés extérieurs ciblés. 3.2.3. Plan Halieutis Le Maroc a lancé en 2009 une stratégie des pêches, intitulée Halieutis, qui s’articule principalement autour de trois axes : l’exploitation durable des ressources halieutiques, le développement d’une pêche performante et l’amélioration de la compétitivité. Ces trois axes ont été déclinés en cinq projets : – aménagement de toutes les pêcheries à intérêt commercial sur la base de quotas ; – promotion de la pisciculture et de la conchyliculture comme activités phares de l’aquaculture ; – gestion des enceintes portuaires par un seul opérateur Global operator ; – établissement d’un nouveau pôle de pêche au sud et de trois pôles de compétitivité au nord, au centre et au sud du pays respectivement ; – mise en place d’un système de contrôle efficace en mer et à terre. 3.2.4. Pacte national pour l’émergence industrielle Le Pacte national pour l’émergence industrielle (PNEI), étalé sur la période 2009-2015, vise à mobiliser et coordonner les actions de l’État et des opérateurs économiques pour bâtir une industrie forte et créer un cercle vertueux de croissance. Ce pacte s’articule autour des axes suivants : – plan de développement des filières à fort potentiel à l’export, notamment les filières des conserves et des produits oléicoles ; – plan d’appui ciblé en faveur des « filières intermédiaires : programme Compétitivité des PME en vue d’améliorer les performances des entreprises des filières intermédiaires (ex. chocolaterie-confiserie, biscuiterie, boissons) » ; – programme de formation en vue de garantir la disponibilité de près de 24 000 profils présentant des qualifications adaptées aux besoins du secteur ; – installation d’un réseau de six agropoles au niveau des principaux bassins de production (Meknès, Berkane, Souss-Massa-Drâa, Gharb, Tadla et le Haouz), en vue d’augmenter le taux de valorisation et la commercialisation des produits agricoles. Agro-alimentaire 93 3.3. Principales menaces pesant sur le secteur 3.3.1. Forte concurrence étrangère L’une des plus grandes menaces qui pèsent sur l’industrie agro-alimentaire marocaine est la forte concurrence étrangère, en particulier avec l’entrée en vigueur de certains accords de libre-échange, même si ces derniers constituent une opportunité en soi pour le Maroc. Ainsi, pour ce qui est de l’industrie de la biscuiterie, à titre d’exemple, il lui serait difficile de faire face aux produits des pays concernés par le libre-échange avec le Maroc, en l’occurrence la Turquie qui est l’un des plus grands exportateurs dans le domaine de l’agro-industrie, classée parmi les dix premiers exportateurs mondiaux. Farine, pâtes, biscuits, confiseries, margarines, légumes transformés et fruits secs sont les principaux produits exportés par la Turquie. C’est le premier producteur et exportateur de noisettes, de figues sèches et de pois chiches dans le monde. C’est le sixième producteur d’agrumes et le premier de cerises, c’est le troisième exportateur mondial d’huile d’olive. Mais ce pays n’est pas la seule menace qui plane sur l’industrie agroalimentaire du Maroc. Ainsi, le nombre des pays avec lesquels le gouvernement signe des ALE s’élargit chaque jour davantage, sans prévoir de mesures d’accompagnement pour alléger certaines charges qui pèsent sur les industriels marocains afin de leur permettre d’être plus compétitif. 3.3.2. Problématique du changement climatique Le changement climatique constitue une réelle menace pour le secteur de l’IAA. En fait, ce secteur est souvent exposé à des sécheresses récurrentes qui engendrent en particulier un tarissement des ressources hydrauliques nécessaires en amont pour l’industrie agro-alimentaire Dans ce contexte, le changement climatique représente une pression supplémentaire sur la productivité et la rentabilité de la pêche. De même, l’urbanisation intense en raison de la pression démographique réduit substantiellement la superficie des terres arables. Par ailleurs, l’épuisement de la réserve halieutique est aussi une menace qui pèse sur l’IAA. En effet, le Maroc n’a pas échappé à ces processus de transformation des milieux naturels et des économies à travers le monde. Le secteur de la pêche maritime fait face à des modifications qualitatives et quantitatives de ses ressources halieutiques et à des menaces d’épuisement de ses stocks. 94 Profils sectoriels et émergence industrielle Les activités de la pêche maritime au Maroc sont confrontées à des problèmes de viabilité de la ressource halieutique, de la surexploitation d’une grande partie des stocks, de la dégradation de certains écosystèmes et de la pollution. De plus, cette industrie subit directement les aléas d’une pêche côtière et artisanale imprévisible et irrégulière. De ce fait, elle ne peut fonctionner que d’une manière artisanale, même si ses infrastructures sont aux normes et ont été mises à niveau depuis longtemps. Par ailleurs, on peut citer d’autres menaces telles que le surpâturage des parcours, l’exploitation parfois démesurée des ressources naturelles – se traduisant par une diminution de la productivité des terres agricoles et pastorales – et l’érosion hydrique qui demeure le phénomène le plus actif et le plus important – les terres agricoles touchées par ce fléau représentent environ 75 % de la surface agricole utile (SAU) – et enfin la salinisation qui dégrade de plus en plus les périmètres irrigués avec près de 500 000 hectares touchés. En marge de ces menaces, d’autres persistent, telles que la protection tarifaire voire prohibitive instaurée par des pays accueillant les produits agricoles marocains, ce qui les rend moins compétitifs. De plus, certains pays concurrents, notamment européens, accordent des subventions très importantes à leurs producteurs comparativement à leurs homologues marocains. La matrice suivante inspirée de l’approche SWOT va nous permettre de mieux appréhender ce qui a été cité plus haut. Forces Faiblesses – Position géographique stratégique et proximité du marché européen et africain : le Maroc est une porte d’entrée de l’Afrique et constitue une plateforme d’exportation vers d’autres continents. – Climat favorable permettant une diversification de la production agricole : situation agroclimatique favorable pour les fruits et légumes frais. – Longueur du littoral : 3 500 km. – Richesse des ressources halieutiques. – D éveloppement d ’une industr ie de transformation de produits agro-alimentaires potentiellement compétitifs. – Main-d’œuvre bon marché. – Incitations importantes à l’investissement agricole. – Existence de contrats-programmes Étatprofession pour les filières agricoles. – Utilisation de techniques d’irrigation modernes pour développer l’offre en produits agricoles. – Insuffisance de la production agricole. – Problématique du foncier agricole : morcellement des exploitations agricoles. – Déficit structurel au niveau de la balance commerciale de l’IAA. – Faibles taux d’investissement. – Retard technologique. – Faible qualification du capital humain et prédominance du travail précaire. – Faiblesse de l’innovation et des normes de qualité, et carences de l’organisation managériale des entreprises opérant dans l’IAA. – Problématique du financement particulièrement pour les petites et moyennes entreprises. – Augmentation des facteurs de production : coût élevé du transport, de l’emballage, de l’énergie, des produits phytosanitaires, etc. – Faiblesse de la recherche dans toute la sphère agro-alimentaire (au niveau de l’amont agricole et de l’aval pour l’industrie de transformation). – Faiblesse de l’organisation professionnelle du secteur de l’IAA. Agro-alimentaire 95 Opportunités Menaces – Stratégies sectorielles prometteuses (Plan Maroc vert, agropoles, plan Halieutis, Plan national d’émergence industrielle). – Libéralisation du commerce international et conclusion d’une multitude d’accords de libreéchange et d’accords commerciaux avec des pays partenaires (États-Unis d’Amérique, UE, Turquie, Emirats Arabes Unis, Tunisie, etc.). – Progression soutenue de la demande mondiale des fruits et légumes transformés et de produits de la mer. – Volonté affichée du Maroc de renforcer la coopération Sud-Sud. – Cherté du transport international routier au Maroc, ce qui affecte négativement la compétitivité des produits agro-alimentaires exportés. – Problématique des changements climatiques : raréfaction des ressources en eau, ce qui induit une fluctuation de la production agricole et impacte corollairement le niveau de l’offre exportable. – Limitation des niveaux de quotas à l’export pour certains produits agricoles. – Protection tarifaire prohibitive rendant moins compétitifs certains produits agricoles marocains. – Exploitation non durable des ressources halieutiques. – Forte concurrence internationale, exercée en particulier par des pays méditerranéens. – Importance du soutien accordé par les pays concurrents, notamment européens (aides aux producteurs). 4. Perspectives Le secteur de l’IAA constitue un secteur-clé qui contribue à la sécurité alimentaire du Maroc et à sa compétitivité à l’export. En fait, il représente 27 % de la production industrielle totale et contribue au PIB national à hauteur de 5 %. Le tissu de l’IAA est dominé par des PMI (93 % des entreprises du secteur). Plus de la moitié d’entre elle œuvrent dans la fabrication des farines et gruaux, des corps gras, la transformation des céréales et l’industrie du poisson. Par ailleurs, en examinant la répartition géographique de la production de l’IAA, on remarque une nette dominance de la région du grand Casablanca (46 %), suivie de Souss-Massa-Drâa (13 %) et de Chaouia-Ouadghira (9 %). Cette production est marquée par une diversité relative des branches industrielles (industrie du poisson, transformation des légumes, céréales, industrie laitière, industrie des viandes, etc.). Toutefois, le sous-secteur de la transformation des céréales réalise le quart de cette production. Quant aux performances du secteur de l’IAA, il y a lieu de noter un déficit chronique de sa balance commerciale en dépit des accords de libre-échange conclus avec des divers pays qui sont censés fournir au Maroc de nouveaux marchés. Ces accords n’ont pas été complètement favorables au Maroc, en fait la part du marché détenue par le Maroc est restée faible, le reléguant au 47e rang mondial (moyenne sur la période 2001-2015). 96 Profils sectoriels et émergence industrielle Néanmoins, si on se base sur l’analyse de la dynamique des exportations (calcul des TCAM), l’offre exportable a connu une dynamique croissante de l’ordre de 7 % sur la période 2001-2015. Les principaux produits qui ont le plus contribué à cette dynamique sont les conserves de poisson (TCAM de 18 %), les crustacés, mollusques et coquillages (15 %), les agrumes (12 %), les tomates fraîches (9 %) et les légumes frais, congelés ou en saumure (8 %). Ces performances ont été réalisées grâce à la mise en place de plusieurs stratégies d’envergure telles que le Plan Maroc vert, le plan Halieutis, le Plan national d’émergence industrielle. Par ailleurs, le positionnement du Maroc sur le marché agro-alimentaire mondial s’est amélioré, surtout pour les produits-phares tels que les agrumes, la tomate et le poisson, et ce grâce aux mesures prises dans le cadre des stratégies précitées. Toutefois, la présence du Maroc par rapport à ses concurrents sur ce marché reste modeste. En effet, la part moyenne du Maroc dans le marché des crustacés et mollusques est de l’ordre de 2,7 % sur la période 2001-2015, et ses principaux concurrents directs sur ce marché sont la Chine avec une part de marché de 9,32 %, suivie du Viet Nam (8,9 %), de la Thaïlande (8,31 %) et du Canada (7,58 %). Quant à la présence du Maroc sur le marché des agrumes, il est à signaler que sa part de marché moyenne a été de l’ordre de 3,3 % sur la période 2001-2015. Les principaux concurrents directs du Maroc sur ce marché sont principalement l’Espagne, avec une part de marché de 32 %, suivie des États-Unis d’Amérique (8,5 %), de l’Afrique du Sud (6,2 %) et de la Turquie (5,8 %). D’un autre point de vue, sur la période 2001-2015 le marché mondial de la tomate a été dominé par les Pays-Bas qui détiennent 21,6 % du marché, suivis du Mexique (18,8 %), de l’Espagne (16,9 %), des États-Unis d’Amérique (4,4 %), de la Turquie (3,8 %) et du Canada (4,3 %), le Maroc arrivant en fin de file avec une part moyenne de 3,6 %. Enfin, la part moyenne du Maroc dans le marché de l’huile d’olive est de l’ordre de 1,34 % sur la période 2001-2015, derrière l’Espagne qui domine largement le marché avec une part de 42 %, suivie des États-Unis d’Amérique (26,28 %), de l’Afrique du Sud (7,15 %), de la Turquie (7,18 %), de la Chine (3,70 %) et des Pays-Bas (2,59 %). Malgré la position relativement favorable qu’occupe le Maroc, des efforts restent à consentir afin de faire face aux contraintes identifiées précédemment et d’améliorer les performances de l’offre exportable. Il s’agit notamment de l’exploration de nouveaux marchés à fort potentiel de Agro-alimentaire 97 croissance et de rentabilité, de la valorisation des produits agro-alimentaires, de l’optimisation des accords de libre-échange et, enfin, du renforcement du cadre organisationnel du secteur de l’IAA. Telles sont les pistes de réflexion qui seront respectivement déclinées. 4.1. Exploration de nouveaux marchés à fort potentiel de croissance et de rentabilité Pour cette piste, il s’agit de chercher de nouveaux débouchés à travers le ciblage des marchés potentiels vu que les marchés traditionnels commencent à atteindre leurs limites, soit en termes de potentiel de croissance soit en termes de rentabilité. A ce titre, les opérateurs de l’IAA doivent tourner leur regard vers d’autres marchés prometteurs qui offrent un immense potentiel de croissance tels que les marchés d’Afrique, des pays du Golfe et des États-Unis d’Amérique. D’autre part, la diversification des produits agro-alimentaires à l’export s’avère incontournable vu que notre offre à l’export reste limitée à quelques produits (tomate, agrumes, conserves d’olives et crustacés). D’où l’importance de déployer plus d’efforts visant l’identification et l’étude des besoins des différents marchés ciblés, et d’accompagner les entreprises adoptant la stratégie de diversification de leurs produits agro-alimentaires. 4.2. Valorisation des produits agro-alimentaires Il s’agit de valoriser l’offre constituée essentiellement par les produits agricoles et de la pêche en procédant à une transformation susceptible de leur attribuer leur juste valeur. Cette mesure est d’autant plus nécessaire que ce sont surtout des produits frais. En plus de cela, il y a lieu d’améliorer les normes de qualité grâce à l’instauration de normes de certification, de labellisation et de traçabilité. Ceci permettrait de répondre aux exigences de certains marchés qui imposent des mesures phytosanitaires à l’export comme le cas des États-Unis d’Amérique. Dans ce sens, il est opportun de valoriser davantage les produits du terroir (huile d’argan, safran, épices, dattes…) en procédant à des mesures relatives à la certification, la labellisation et l’octroi de l’appellation d’origine contrôlée (AOC). De même, la promotion de l’investissement dans la recherche et l’innovation sont un gage pour créer plus de valeur ajoutée au niveau national. La multiplication des campagnes de commercialisation à travers la participation aux salons internationaux est un aspect qu’il ne faut pas négliger pour mieux faire connaître nos produits. 98 Profils sectoriels et émergence industrielle 4.3. Optimisation des accords de libre-échange Le Maroc a conclu des accords de libre-échange (ALE) avec une cinquantaine des pays dans le but de démanteler les droits de douane. Mais il n’a pas su profiter des opportunités offertes par ces accords dans la mesure où le déficit commercial persiste toujours. Pour combler ce déficit, il doit tirer pleinement profit de ces opportunités, à travers notamment l’opérationnalisation des ALE avec l’UE, les États-Unis d’Amérique et certains pays arabes. Ainsi, le Maroc gagnerait à dynamiser ses exportations agro-alimentaires par l’amélioration des conditions d’accès aux marchés des pays signataires en adaptant l’offre d’exportation à la demande d’importation adressée par les pays partenaires. Ceci pourrait s’accomplir par le suivi permanent des besoins du marché-cible, la sélection de produits adaptés, le choix des réseaux de vente et le respect des normes et des exigences techniques et par des stratégies de communication pertinentes. Dans le même ordre d’idées, le Maroc est appelé à améliorer les conditions des entreprises agissant dans le secteur de l’IAA en renforçant les infrastructures et la logistique liant le pays aux partenaires étrangers, ce qui est de nature à développer les échanges commerciaux. De même, il convient de coordonner les stratégies d’action des pouvoirs publics avec les opérateurs privés pour assister les entreprises agro-alimentaires. 4.4. Renforcement du cadre organisationnel La structure organisationnelle du secteur de l’IAA est régie par la Fédération nationale de l’agro-alimentaire (FENAGRI). Cette dernière, regroupant les entreprises de l’industrie agro-alimentaire, réunit des fédérations, des associations professionnelles, des entreprises commerciales, industrielles, exportatrices ou de services exerçant dans le domaine agricole et/ou agroindustriel (l’Apefel, l’Aspam, Fimasucre, etc.) (3). Les principaux problèmes auxquels fait face cette structure concernent la faible coordination entre les opérateurs du secteur de l’IAA et l’insuffisante concertation entre les professionnels quant à leur stratégie à l’export. Il serait donc approprié de créer une synergie entre les différents opérateurs du secteur, ce qui permettrait d’améliorer l’efficacité de leur stratégie à l’export et de mieux valoriser l’offre exportable en produits agro-alimentaires. 3. APEFEL : Association marocaine des producteurs et exportateurs de fruits et légumes. ASPAM : Association des producteurs d’agrumes du Maroc. FIMASUCRE : Fédération interprofessionnelle marocaine du sucre. Agro-alimentaire 99 Références bibliographiques Banque mondiale (2013), « Changement climatique et secteur halieutique : impacts et recommandations », Programme d’appui analytique à la Stratégie changement climatique du Maroc, Note de stratégie n° 3, Département du développement durable. Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes (2012), Logistique de la filière marocaine d’exportation de tomates fraîches : des enjeux économiques et environnementaux. Fédération nationale de l’agro-alimentaire (2010), Élaboration d’une démarche participative pour l’émergence du secteur agro-alimentaire. Direction des études et des prévisions financières (2015), Défis et opportunités des exportations agro-alimentaires marocaines sur le marché africain. Direction des études et des prévisions financières (2010), Performances et perspectives du secteur de l’industrie agro-alimentaire au Maroc. Direction des études et des prévisions financières (2008), Analyse du secteur des pêches et de l’aquaculture dans le nouveau contexte. Ministère de l’agriculture et de la pêche maritime (2015), Projet de loi de finance au titre de l’exercice budgétaire 2016. Ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime (2012), Présentation générale du Plan Maroc vert. Ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime (2011), Situation de l’agriculture marocaine. Ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime (2010), l’Agriculture en chiffres. Office des changes (2012), Rapport annuel : commerce extérieur du Maroc. CHAPITRE 2 Textile-habillement Abdellali Fadlallah Introduction Depuis 1990, le développement des secteurs productifs constitue un objectif prioritaire pour le gouvernement marocain. Le but principal recherché est la mise en place d’une croissance économique forte et durable pour renforcer les orientations nationales vers un pays plus compétitif et solidaire. Ces initiatives ont permis la modernisation du cadre macro-économique d’ensemble, l’assainissement continu de l’environnement de l’investissement et son efficacité, conjugués à l’amélioration de l’image du Maroc à l’échelle internationale. La nouvelle politique d’investissement a été placée au centre de cette dynamique de réformes, compte tenu de son rôle clef en matière de renforcement de la croissance économique et d’accélération du processus du développement humain. Ainsi, outre l’adaptabilité de son cadre macroéconomique, l’environnement de l’investissement marocain a connu une mutation de son cadre réglementaire visant son rapprochement avec les normes et standards internationaux. Il faut rappeler que face à l’acharnement de la compétitivité mondiale, plusieurs pays ont mis en place une politique de promotion des investissements, afin de s’adapter aux différentes mutations imposées par l’environnement. Dans le cadre de cette politique, la stratégie de modernisation sectorielle occupe une place prépondérante parmi les autres politiques d’encouragement adoptées par ces pays en vue de conquérir des marchés extérieurs et faire face à la concurrence. Ainsi, tous les pays ayant adopté une politique de promotion des investissements ont mis en œuvre une politique de mise à niveau sectorielle accompagnée le plus souvent de vastes réformes fiscales. En effet, le Maroc, à l’instar de plusieurs pays en développement, a relevé le défi en mettant l’accent sur l’encouragement des exportations afin de faciliter la pénétration des produits nationaux sur les marchés extérieurs et être de plus en plus compétitif. 102 Profils sectoriels et émergence industrielle Globalement, les stratégies de modernisation sectorielle font partie intégrante des politiques de développement, et elles sont liées avec de nombreux autres domaines, qui vont de la bonne gouvernance et de la formalisation des activités économiques à la stimulation de la croissance, via la promotion des petites et moyennes entreprises et des activités d’exportation. Dans ce cadre, on rappelle que pour la plupart des économies émergentes, la pratique montre que la fonction de promotion des investissements a été sous-tendue par plusieurs politiques de mise à niveau basées sur la stratégie d’offshoring et de mesures incitatives, notamment fiscales, la modernisation de l’infrastructure de base, l’aménagement de sites industriels, l’amélioration de l’environnement des affaires, la facilitation des procédures de création d’entreprise et l’octroi d’avantages spécifiques. Ainsi, les politiques de modernisation sectorielle et les systèmes fonctionnels diffèrent d’un pays à un autre, d’une région à l’autre, d’un secteur à l’autre et d’une activité à l’autre. Une politique de relance sectorielle basée sur les avantages comparatifs d’une activité peut être adoptée pour attirer les investisseurs désireux d’accroître la rentabilité de leurs entreprises afin de promouvoir l’investissement dans des secteurs clés de la croissance économique du pays. Étant le principal moteur de la croissance industrielle, le secteur du textile et de l’habillement au Maroc a déjà commencé à présenter un niveau de modernisation avancée comparé à celui des pays dotés d’un niveau de développement similaire (pays de la région MENA). Cette modernisation s’accompagne d’une profondeur et d’une solidité de son environnement de plus en plus fortes comparées à la moyenne régionale. Il est à signaler que le textile-habillement est un secteur industriel qui, marginalisé auparavant, prend de plus en plus d’importance dans le tissu productif national et participe à hauteur de 16 % au PIB industriel en 2017, contre 11 % en 2007. Dominé par certaines industries : fibres, tissage, couture, le secteur s’est diversifié d’une manière très rapide (mais avec de fortes disparités régionales et sociales), et cela grâce à la nouvelle politique logistique nationale (zone logistique récemment créée à Mohammedia). Cependant, si le secteur du textile-habillement au Maroc assure, à côté des autres secteurs de l’industrie, le développement durable du secteur industriel dans son ensemble (dans la mesure où il génère de la richesse, crée de l’emploi (direct ou indirect), mobilise l’épargne et stimule des effets d’entraînement ou de synergies sur d’autres industries), il n’en demeure pas Textile-habillement 103 moins qu’il connaît des difficultés et des paralysies structurelles entravant son bon fonctionnement. En effet, le secteur du textile demeure caractérisé par une forte concurrence internationale, alimentée par la pression des matières premières, un déficit cumulé important de la compétitivité du secteur, contraintes qui ont entravé le développement d’une offre abondante et diversifiée. La présente étude a pour objectif d’étudier le secteur du textilehabillement au Maroc en adoptant la démarche suivante : dans un premier temps, on analysera la structure du secteur ; en second lieu, on effectuera un bilan du secteur en se basant sur la performance de l’industrie textilehabillement, d’une part, et pour étudier l’offre exportable du Maroc en textile et habillement, d’autre part. Enfin, l’étude conclura sur des suggestions et des recommandations visant la modernisation et le développement de l’industrie textile-habillement. 1. Évolution de la politique d’investissement et de la stratégie textile-habillement Depuis son indépendance, le Maroc a entrepris une politique industrielle prospective afin de développer l’infrastructure industrielle de base du pays. Mais le secteur textile-habillement, négligé auparavant (dans les années 80 sa part ne représente qu’à peine 5 % du PIB national), commence à prendre de plus en plus d’ampleur : il représente environ de 15 % du PIB industriel. On rappelle dans ce cadre que les stratégies sectorielles globalement ne sont pas des choix immuables ou permanents, mais elles doivent évoluer en fonction des mutations structurelles de l’environnement économique (national et international), des besoins du marché, de la situation et la qualification du marché de travail et d’un ensemble d’indicateurs qui sont liés à la dynamique macro-économique. Le Maroc a de son côté laissé sa politique d’investissement dans le secteur textile-habillement évoluer en fonction du changement du contexte économique national et international. Mais avant 1980, la politique adoptée par le Maroc était basée beaucoup plus sur les liens historiques et politiques avec les États-Unis et la France que sur des considérations économiques. 1.1. Évolution de la politique d’investissement nationale Globalement, jusqu’en 1980 le système des échanges investissement au Maroc est caractérisé par le contrôle de l’État, généralisé depuis 1959 pour 104 Profils sectoriels et émergence industrielle la stabilité de la politique macro-économique et la prudence de la gestion du commerce extérieur. C’est ainsi que le déficit structurel de la balance des paiements est devenu structurel. Cependant, l’analyse de l’évolution de la politique d’investissement via la stabilité macro-économique peut être partagée en trois périodes. 1.1.1. La période 1973-1977 Cette période était caractérisée par une politique expansionniste principalement budgétaire de l’État marocain. Elle a été riche en événements économiques et monétaires sur le plan national et international. Le contexte commercial, financier et monétaire international des années 70 était marqué par la stabilité relative des prix et des termes de l’échange. Cet environnement de stabilité qui marquait le système commercial international avait fait que le Maroc ne considérait pas à cette époque l’investissement dans le secteur industriel comme un instrument important de la politique économique, et une orientation renforcée vers les investissements dans le secteur primaire jugeait à cette époque le secteur de l’agriculture comme la principale locomotive et la vocation de l’économie nationale. Cependant, l’année 1974 a connu une aggravation du déficit budgétaire dû principalement à la baisse des recettes des exportations de phosphates, la hausse des importations, le creusement du déficit de la balance commerciale (avec un déficit de plus 32 % du PIB national), les crises politiques, l’insoutenabilité de la dette publique. Par ailleurs, le taux d’inflation est passé de 7,9 % en 1975 à 12,5 % en 1977 (1). Cette situation a créé des déséquilibres importants pour la politique macro-économique. 1.1.2. La période 1978-1980 Le plan triennal 1970-1980 n’a pas pu réaliser ses objectifs en raison du caractère structurel des déséquilibres, lesquels ne sauraient être corrigés par de timides mesures conjoncturelles. Jusqu’en 1980, la réglementation de l’investissement n’était pas utilisée comme un instrument de protection commerciale. Le Maroc refusait de l’utiliser comme un moyen de régulation de la politique économique, donnant la priorité à la stabilité économique. En effet, on rappelle que la politique de stabilisation des investissements suivie par les autorités était une politique sélective orientée vers les activités jugées prioritaires. Cette politique a été suivie d’une politique restrictive 1. M. Ben Abdallah, I. Drine, R. Meddeb, « Interaction entre IDE, capital humain et croissance dans les pays émergents », Ouverture économique et développement, GDR, Paris, Economica, 2001. Textile-habillement 105 en vue de lutter contre l’inflation, à travers le contrôle de la création des disponibilités marocaines et en se basant sur des politiques d’encadrement (2) et la sélectivité des crédits (3). Donc, avant 1982, la politique d’investissement comme instrument de la politique économique a été jugé anormale par la Banque mondiale, mais, après cette période, les autorités économiques ont accepté le principe d’un impact à long terme des zones franches, c’est à partir de cette date que ladite politique est devenue active pour le Maroc. 1.1.3. La politique d’investissement au service de la croissance (après 1982) La conception de la politique d’investissement a connu un changement notable en intervenant dans un champ à long terme, faisant du commerce extérieur un moyen d’ajustement des déséquilibres extérieurs. Des progrès notables ont été réalisés par le Maroc avec l’instauration de la liberté d’importer ou d’exporter des biens et services dans les différents secteurs, sous réserve de respecter la réglementation en vigueur. Ainsi, jusqu’aux années 80, le Maroc, comme la plupart des PVD, a basé son développement économique sur le modèle de substitution aux importations, la protection des industries nationales par des barrières douanières élevées, notamment dans l’habillement, et le nationalisme, par le contrôle des investissements et le contrôle monétaire. Toutefois, on rappelle que la situation économique critique de l’économie nationale, l’insoutenabilité de la politique budgétaire, la persistance du déficit des jumeaux (budgétaire et commercial), la crise de l’insolvabilité budgétaire et l’impossibilité de rembourser la dette au début de ces années ont conduit le Maroc à entreprendre un vaste chantier de réformes structurelles depuis le milieu des années 80 (PAS). Ces réformes devraient principalement encourager, entre autres, la modernisation des secteurs productifs, le développement des investissements privés étrangers en les attirant par le renforcement de la libéralisation, la privatisation et la déréglementation grâce notamment à la création de zones franches, l’intégration dans les zones de libre-échange et la mise en place de stratégies sectorielles (notamment le plan Émergence dans le secteur industriel qui se base entre autres sur la modernisation du secteur textile-habillement). 2. L’encadrement du crédit est une enveloppe de crédit allouée à chaque banque afin de limiter le volume du crédit distribué par les banques. 3. La sélectivité du crédit consiste à accorder des prêts bonifiés (presque la moitié des crédits début 1980) avec des avantages fiscaux afin d’influencer la répartition des crédits. 106 Profils sectoriels et émergence industrielle 1.2. Mutation sectorielle Avant l’Indépendance, le secteur textile-habillement était monopolisé par une dizaine d’entreprises étrangères. Les besoins en textile et habillement étaient par conséquent satisfaits par les importations en grande partie de France (80 % en moyenne). Ainsi, dans les années 60, les stratégies gouvernementales d’encouragement, particulièrement de protection douanière, ont permis l’émergence d’entreprises dans la filière. La genèse de la politique industrielle du textile est liée fondamentalement à la stratégie de substitution aux importations pour satisfaire la demande intérieure (les exportations dans cette période ont été très minimes). Ainsi, en 1978, le gouvernement a signé un accord nommé « Arrangement Textile », prévoyant le libre-échange des produits textiles en franchise douanière avec des restrictions contingentaires pour les produits sensibles. Au lendemain de cet accord, la stratégie nationale du textile et de l’habillement s’est basée sur une adaptation à la demande étrangère, avec un succès sur le marché français. Pour veiller également à la promotion des exportations, le gouvernement national a entrepris des actions complémentaires visant l’amélioration de l’environnement des affaires, la promotion des IDE dudit secteur et l’adaptation du cadre législatif en vigueur (code des investissements industriels, code des exportations…). L’Office du développement industriel (ODI) a ainsi créé des unités de production en partenariat avec des acteurs économiques locaux et étrangers. Cette stratégie n’était soutenue que par l’Europe de l’Ouest, notamment la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, à vocation principale dudit secteur. Dans les années 1975-1980, l’Europe du Nord (Allemagne, Suède, Norvège, Royaume-Uni) avait déjà décidé une suspension de son industrie textile pour ne soutenir que les secteurs jugés prioritaires. Par exemple, l’Allemagne (deuxième producteur mondial après les États-Unis de fibres textiles chimiques (polyester, nylon, acrylique)), a cédé cette activité à l’Indonésie et à l’Italie. La nouvelle stratégie du secteur textile-habillement a généré une nouvelle contrainte liée à l’environnement international : la réduction de la marge bénéficiaire des entreprises. En effet, l’ouverture de la filière textile-habillement à l’économie mondiale met celle-ci devant les défis suivants : – incorporation des industries du textile-habillement aux accords de l’Organisation mondiale du commerce depuis 1995 ; – élimination des mesures d’importation prévues dans l’Accord Multifibres ; Textile-habillement 107 – le libre-échange entre le Maroc et l’Union européenne et le démantèlement tarifaire ; – le libre-échange depuis 2005 entre le Maroc et certains pays concurrents (Turquie, Chine, Égypte, Jordanie, Tunisie) ; – la nouvelle microstructure dudit secteur au niveau mondial caractérisée par une accélération du démantèlement des moyens de production de textile en Europe, ce qui impacte tout le processus de partage international du travail. Enfin, il faut rappeler que depuis les années 2000 le processus d’ouverture et d’intégration économique et financière a réduit l’activité du textile et de l’habillement dans l’Union européenne (principal partenaire commercial du Maroc). Actuellement, l’Europe du Nord ne dispose plus d’une industrie textile très développée, elle tend de plus en plus à délocaliser. Seule l’Europe du Sud, notamment les pays comme l’Espagne, le Portugal et la Grèce, développe le secteur du textile et de l’habillement. L’Espagne, par exemple, avait commencé sa délocalisation vers le Maroc, mais la crise financière a provoqué un changement de tendance. 2. La microstructure sectorielle La productivité sectorielle du textile-habillement connaît une croissance de 3 % entre 2014 et 2018 contre 8,5 % entre 2004 et 2008. Le secteur emploie plus de 200 000 salariés, génère un chiffre d’affaires à l’export de 32,3 milliards de dirhams et un chiffre d’affaires destiné au marché local estimé à 45 milliards de dirhams en 2015. Le secteur textile-habillement est un secteur aux fortes disparités régionales ou spéciales. Ainsi, on trouve de grandes entreprises dont la gestion repose sur des techniques assez modernes permettant la satisfaction des opérateurs économiques, par contre, on trouve également des petites entreprises qui se basent des techniques primitives ou traditionnelles ne permettant pas ainsi de satisfaire les besoins des acteurs économiques cibles. 2.1. Composition du secteur Le secteur textile-habillement joue un rôle majeur dans l’économie marocaine, représentant notamment 35 % des exportations et 40 % des emplois industriels. Il se situe, comme dans tous les pays du monde, au cœur de la mondialisation, avec un temps d’avance sur les autres secteurs industriels. Il est donc au Maroc à la fois un grand secteur industriel et un laboratoire de l’économie. 108 Profils sectoriels et émergence industrielle Dans ce cadre, on rappelle que les entreprises opérationnelles dans la branche du textile et de l’habillement emploient plus de 200 000 personnes. Il est ainsi le premier employeur industriel du pays avec 27 % des emplois industriels nationaux (35 % des entreprises du secteur industriel avec une production de plus de 8 milliards de dirhams), permettant ainsi de couvrir l’ensemble des branches du textile et de l’habillement (pantalons, chemises, robes et conditionnement…). La filière du textile-habillement est composée de 1 523 entreprises, dont 46 % opèrent dans la branche de l’habillement. Graphique 1 Répartition sectorielle Habillement Textile et bonneterie Cuir et articles en cuir Source : Association marocaine des industries du textile et de l’habillement. Les investissements directs étrangers ont une présence importante dans le secteur du textile-habillement puisque 26 % des entreprises sont à participation étrangère en 2016, contre 20 % en 2001. Graphique 2 Investissements directs étrangers Entreprises à participation étrangère Entreprises nationales Source : Association marocaine des industries du textile et de l’habillement. Textile-habillement 109 Actuellement, le bilan de la normalisation dans la branche textilehabillement au Maroc compte 140 normes homologuées correspondant aux coutures et aux systèmes de canalisation. Certaines entreprises opérant dans ce secteur sont parvenues à être certifiées ISO 9001 version 2000. Une première typologie sectorielle, en valeur et hors composites, permet de distinguer les produits suivants : – La sous-traitance : ce secteur réalise 37 % de la production destinée au secteur de d’habillement, mais à part les tissages et les fibres qui font l’objet d’une production généralement intégrée, on enregistre également un développement considérable de la confection sportive, industrielle et professionnelle. – Les produits à usage professionnel : ce secteur consomme beaucoup de produits confectionnés comme les pantalons et les vêtements et sousvêtements, enregistrant une amélioration remarquable et représentant 12 % de la totalité de la production du secteur textile. – Les chaussures : ce domaine se trouve confronté à la forte concurrence des pays d’Asie. Aussi la production marocaine a-t-elle connu une chute remarquable, passant de 60 millions en 2000 à 35 millions en 2008 avec la dérégulation douanière. – Les articles à différents usages représentent 17 % de la production annuelle. Graphique 3 Typologie sectorielle (en valeur et hors composites) Source : Association marocaine des industries du textile et de l’habillement. Le secteur connaît des disparités productives énormes. Certaines grandes entreprises recourent à une haute technicité et à des investissements lourds en matière d’équipement et de processus de fabrication les plus modernes des 110 Profils sectoriels et émergence industrielle pays développés. Toutefois, certaines entreprises industrielles traditionnelles se positionnent de plus en plus sur des créneaux qui demandent un grand savoir-faire et générèrent des produits à haute valeur ajoutée. Le secteur dispose d’un Centre technique du textile et de l’habillement (CTTH) qui a bénéficié du soutien de l’Union européenne grâce à l’assistance de professionnels et d’experts en textile comme l’Institut supérieur de textile d’Alençon, le Laboratoire de recherche et de contrôle du textile et des fibres (LRCTF) qui ont offert un laboratoire de référence équipé d’un matériel spécifique (pour tester et analyser les matières premières et les produits finis). La filière emploie en 2016 un effectif total de 165 322 personnes, dont 74 % sont des femmes (contre 211 475 en 2000). 66 % de l’emploi du secteur est assuré par la branche habillement, 29 % par la branche textile et bonneterie et 5 % par la branche du cuir et articles en cuir. Graphique 4 Part de l’emploi Source : Association marocaine des industries du textile et de l’habillement. 2.2. Performances du secteur Le secteur des industries textiles et de l’habillement marocain est un secteur moteur de l’économie nationale. Ainsi, selon des études menées par des institutionnels, le secteur contribue à hauteur de 44 % et 35 % respectivement à l’emploi et aux exportations du secteur manufacturier, de 22 % de l’ensemble des unités industrielles, et il génère environ de 13 % de la production et 14 % des investissements du secteur manufacturier. Textile-habillement 111 Graphique 5 Évolution de la production de l’industrie du textile et de l’habillement (en millions de dirhams) Source : Ministère de l’Économie et des Finances. Le secteur contribue également à hauteur de 7 % de la valeur ajoutée industrielle, 5 % de la production industrielle et 5 % du chiffre d’affaires industriel. En 2017, cette filière a contribué à plus de 3,2 % au PIB en générant une valeur ajoutée de 11 milliards de dirhams. Graphique 6 Production sectorielle (en millions de dirhams) 24 324 Industrie d’extraction 59 130 Industrie de transformation Industrie alimentaire et tabac 27 014 Industrie du textile et du cuir 26 050 Industrie chimique et parachimique 167 330 38 351 Autres industries manufacturières y compris raffinage de pétrole 22 370 17 737 Industrie mécanique, métallurgique et électrique Électricité et eau 62 822 Bâtiment et travaux publics Source : Ministère de l’Économie et des Finances. Il faut rappeler que l’analyse comparative des parts des principaux secteurs exportateurs de l’économie nationale dans la balance des paiements montre que la filière textile-habillement vient en cinquième position avec une part de 12 % après les transferts des MRE, le tourisme et les phosphates. Au titre 112 Profils sectoriels et émergence industrielle de l’année 2016, le taux d’exportation sectoriel est de l’ordre de 63 % contre 16 % dans le secteur de l’industrie agro-alimentaire. Graphique 7 Évolution des principaux soldes de la balance des paiements Source : Ministère de l’Économie et des Finances. Graphique 8 Taux d’exportation des secteurs en 2016 (en %) Source : Ministère de l’Économie et des Finances. La reprise des activités du textile et cuir aurait été essentiellement imputable à la demande extérieure adressée aux produits de la branche. C’est ainsi que les exportations des vêtements confectionnés et des chaussures sont améliorées de 5,3 % et 2,6 % en 2016, profitant du raffermissement des importations de l’Espagne et des États-Unis. Ces performances avaient porté la contribution des ventes extérieures de la branche du textile et cuir à 16,7 % du total exporté en 2016, contre une part moyenne de 17,6 % entre 2007 et 2010. Textile-habillement 113 De leur part, les investissements dans la filière textile-habillement ont atteint près de 4,1 milliards de dirhams en 2016 correspondant à 31 % du total des investissements réalisés dans les industries manufacturières. Après une chute de près de 42 % enregistrée entre 2008 et 2013, les investissements de la filière ont progressé régulièrement entre 2014 et 2016 avec en nominal un taux de croissance annuel moyen de 12 %. Quant au taux d’investissement sectoriel (mesuré par le rapport entre l’investissement et la valeur ajoutée), il a connu une progression de 9 % entre 2013 et 2016. Graphique 9 Taux d’investissement sectoriel Source : Ministère de l’Économie et des Finances. En revanche, l’emploi de la branche serait resté en retrait. La reprise des exportations n’aurait pas permis de réamorcer immédiatement de nouvelles créations d’emplois. Concernant l’indice de la production industrielle (qui mesure l’inflation tirée par les coûts du secteur), il a progressé de 192 % entre 2015 et 2016, à cause, d’une part, à la progression de la demande étrangère et, d’autre part, au renchérissement des matières premières du secteur sur le marché international. Graphique 10 Indice de la production 25 20 15 2016 2015 2014 2013 10 5 0 Variation – 5 d’ensemble – 10 Produits des Produits de industries l’industrie alimentaires textile Produits Produits Produits de Machines et chimiques métalliques l’industrie appareils automobile électriques Source : Ministère de l’Économie et des Finances. 114 Profils sectoriels et émergence industrielle 3. Diagnostic fonctionnel du secteur A l’heure actuelle, l’ouverture et la libéralisation commerciales à l’échelle internationale sont devenues irréversibles. La mondialisation croissante de la production, rendue possible grâce à la décomposition des processus productifs et à l’essor sans précédent de l’innovation technologique, a fait du commerce extérieur un pilier central de la croissance et une source de richesse incontournable. En effet, l’évolution du commerce mondial au cours des dix dernières années démontre une augmentation plus rapide des échanges internationaux, progressant en moyenne annuelle au taux de 6,2 % contre 3,7 % pour la production mondiale, ce qui témoigne de l’ouverture croissante des économies et du succès des politiques mises en œuvre dans le cadre de l’OMC et/ou à travers les accords commerciaux. L’ouverture sur l’extérieur a toujours constitué pour le Maroc un choix stratégique, jugé nécessaire pour dynamiser sa croissance et bénéficier des apports des investissements étrangers en termes de transferts technologique et de savoir-faire, de compétences en matière de gestion, d’organisation et de créations d’emplois. Ce choix a été couronné par la signature d’accords bilatéraux ou multilatéraux qui donnent droit à des réductions tarifaires ou qui préconisent des arrangements commerciaux préférentiels. Ces accords s’inscrivent dans le cadre des efforts déployés par le Maroc visant à renforcer son ancrage à un environnement régional et international en profonde mutation. Outre son adhésion à l’OMC en janvier 1995, le Maroc a conclu des accords de libre-échange (ALE) avec l’Union européenne (1996), la Zone arabe de libre-échange (1998), l’AELE (2000), l’Accord d’Agadir (2004), la Turquie (2004) et les États-Unis (2005). Cependant, il est à signaler qu’après principalement 2008, date du déclenchement généralisé de la crise monétaire et financière, le secteur exportateur national, principalement le textile-habillement, est intervenu dans un environnement international marqué par d’importantes perturbations. Il s’agit, en particulier, de l’instabilité des marchés financiers internationaux, des déséquilibres sur le marché des changes, de la flambée des cours des matières premières (dont les produits énergétiques et agricoles) et de l’apparition de signes d’essoufflement de l’activité économique, notamment chez nos principaux partenaires. Textile-habillement 115 3.1. Principales contraintes de la filière La filière du textile-habillement a connu structurellement différentes difficultés impactant son offre compétitive. En effet, la surévaluation du taux de change effectif réel, la volatilité de la parité euro/dollar et l’augmentation des coûts de production (salaires, transport…) ont contribué à la détérioration de la marge bénéficiaire des industries du textile-habillement. D’autres contraintes liées à la fois à l’environnement des affaires (réglementation de travail, adéquation entre la formation et les besoins du marché, fiscalité locale…) et à l’environnement extérieur (accords de libre-échange, accord de l’OMC…) ont agi davantage sur la position concurrentielles de ces industries. Au niveau global, on rappelle que les principales contraintes qui pèsent sur la compétitivité du secteur se présentent comme suit : – la compétitivité limitée de l’offre exportable marocaine ; – l’offre sectorielle exportable peu diversifiée, trop rigide et peu élastique ; – le renchérissement des importations à cause de la flambée de la facture énergétique ; – la concentration géographique des exportations sur l’UE ; – la persistance des biais anti-exportation ; – le système d’incitation et de promotion des exportations peu compétitif ; – la structure du secteur caractérisée par une forte intensité de travail et une faible technologie, ce qui le rend très sensible aux prix et globalement peu dynamique dans la configuration du commerce mondial ; – le retard accumulé en termes de modernisation des moyens de production, de restructuration opérationnelle, d’intégration de la digitalisation dans les processus de production et de développement de nouveaux créneaux à l’exportation ; – l’assurance à l’exportation est peu attractive ; – l’absence de main-d’œuvre qualifiée ; – l’hétérogénéité de la pénétration et de l’intégration aux marchés extérieurs ; – la faiblesse de la demande du marché intérieur ; – le système d’incitation et de promotion des exportations peu compétitif ; – la promotion des exportations souffrant de la multiplicité des intervenants et se faisant à distance au lieu d’une action de proximité permettant le gain de nouvelles parts de marché. 116 Profils sectoriels et émergence industrielle Il est à rappeler que la déconnexion entre la dynamique des exportations et l’emploi de la branche du textile et cuir a été, globalement, constante depuis 2007. Cette situation est génératrice d’une forte divergence de la microstructure productive dudit secteur : le nombre des entreprises qui emploient moins de 6 personnes est supérieur à 51 %, tandis que celles ayant une comptabilité organisée avec plus de 50 personnes n’excède pas 15,7 % (4). En termes de composition des emplois, 70 % des actifs occupés ne disposent pas d’une couverture médicale et sont principalement des actifs saisonniers, occasionnels ou non rémunérés, et plus de trois employés sur cinq ne disposent pas de contrat de travail. Au niveau micro, le secteur est caractérisé par l’existence d’entreprises financièrement très fragiles et très sensibles à la volatilité des coûts production. 3.1.1. Charges de personnel Selon l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH), ces dépenses (y compris les masses salariales) constituent plus de 50 % de la valeur ajoutée du secteur. Il est à signaler que cette part est encore plus importante dans certaines branches comme la confection. En dernier lieu, ces dépenses contribuent à l’affaiblissement de l’avantage comparatif de la sous-traitance basée notamment sur le coût de la main-d’œuvre du produit marocain. 3.1.2. Charges de transport et de logistique Les coûts de transport représentent en moyenne 10 % des charges globales des entreprises du secteur. Les frais du transport maritime et les frais portuaires sont jugés excessifs. De même, la tarification et la fréquence des vols de la RAM n’assurent pas toute la souplesse essentielle à l’activité des entreprises. Ces difficultés limitent les initiatives de diversification des débouchés et la pénétration de marchés lointains. 3.1.3. Dépenses énergétiques Le coût de l’énergie est plus élevé que chez les principaux concurrents, ce qui affecte des activités sensibles comme la filature, le tissage..., très sensibles à la facture énergétique. Les révisions de la tarification de l’électricité industrielle 4. Haut-Commissariat au Plan (2014), « La hausse des exportations du textile a-t-elle soutenu l’emploi de la branche en 2014 ? » Textile-habillement 117 ont constitué un allègement des charges des entreprises du secteur. En relation avec la libéralisation attendue du marché électrique, le prix de l’électricité s’est aligné sur les prix des principaux concurrents. 3.1.4. Matières premières Le secteur du textile-habillement reste caractérisé par la sous-traitance. Cette dernière génère des difficultés dues au coût de la matière première sur le marché international et en conséquence aux délais de livraison. Cette situation plaide en faveur d’une intégration de la filière en encourageant particulièrement les activités cotonnières. 3.1.5. Charges financières Ces dépenses représentent en moyenne 20 % de la valeur ajoutée et sont de ce fait une contrainte au développement du secteur. Plusieurs facteurs expliquent la détérioration de la capacité financière des entreprises, dont notamment : – la structure financière des entreprises caractérisée par le surendettement ; – la substitution des crédits bonifiés à l’exportation par les crédits de trésorerie, plus onéreux ; – le coût relativement élevé des différentes lignes de crédit, en particulier celles destinées aux petites industries. 3.1.6. Hétérogénéité des régimes fiscaux en vigueur Bien que cette politique d’investissement bénéficie d’avantages fiscaux, les entreprises principalement installées dans les zones franches demeurent néanmoins soumises à une série de réglementations fiscales dont certaines sont à rendement incertain et d’autres entraînent une double imposition en raison de l’application de deux régimes, central et local. 3.1.7. Rareté des réserves foncières publiques dans les périmètres urbains Le secteur est entravé par le renchérissement du prix des terrains, l’épuisement des réserves foncières de l’État et des collectivités locales dans les périphéries urbaines et le développement de filières irrégulières de production, d’occupation et de gestion des terrains. 3.1.8. Faible contribution du système bancaire au financement du secteur L’investissement marocain a contribué par le passé de manière très faible au développement économique : les crédits d’investissement ne constituent 118 Profils sectoriels et émergence industrielle que 10 à 15 % des crédits à l’économie contre près de 30 % dans les pays industrialisés. Ainsi, les coûts et les garanties des crédits sont les principales contraintes bancaires. Les conditions bancaires en termes de garanties et les taux d’intérêt élevés sont un frein à l’accès au crédit bancaire. 3.1.9. Contraintes liées au code du travail et au système judiciaire La législation du travail en vigueur fait l’objet de vives critiques, aussi bien de la part des professionnels de la filière que de la part des syndicats. En effet, cette législation présente plusieurs lacunes relatives au droit de grève, aux barèmes des indemnités de licenciement, à la flexibilité du travail… A ces lacunes s’ajoute le manque de visibilité dans les jugements rendus par la justice, ce qui constitue une source psychologique de découragement des investisseurs 3.2. Principaux atouts du secteur Depuis son indépendance, le Maroc a déployé d’importants efforts pour développer son tissu productif : mobilisation des ressources budgétaires, engagement de plusieurs stratégies pour le développement du secteur privé, mesures d’incitation matérielles ou immatérielles, encadrement et soutien des prix, formation des compétences et des qualifications nécessaires, composante essentielle à la conception et à la mise en œuvre des programmes de développement des secteurs productifs. L’État a ainsi mobilisé un budget très important pour la modernisation de son secteur privé, notamment la branche du textile-habillement durant les trois dernières années, en s’appuyant sur les principaux atouts suivants. 3.2.1. Proximité avec le marché intérieur de l’Union européenne Grâce au partenariat avancé avec l’UE, concernant principalement le secteur manufacturier, le Maroc est parmi les principaux exportateurs du textile et de l’habillement vers la zone euro, à côté des exportations de fruits et légumes (hors UE), de phosphates et dérivés et de produits manufacturés (automobiles, électronique, etc.). 3.2.2. Montée en gamme et diversification Depuis 2004, le Maroc a lancé plusieurs plans d’accélération et de modernisation industrielle. Ces différentes stratégies ont permis au Maroc de diversifier ses piliers de croissance non agricole. A titre d’exemple, le pays vise dans le secteur d’automobile une intégration locale dépassant les 60 % Textile-habillement 119 en 2020 pour optimiser la valeur ajoutée dans sa production. Grâce à son attractivité, le Maroc attire de grandes multinationales, des sous-traitants dans plusieurs domaines en plus du textile (aéronautique, automobile, offshoring, électronique, etc.). 3.2.3. Diversification des débouchés à l’export notamment en Afrique Face à la crise de la demande étrangère provenant principalement de la zone euro, les autorités nationales sont conscientes de la nécessité de prospecter d’autres débouchés dans les différentes régions où la demande croît. L’approfondissement des relations du Maroc avec l’Afrique et son adhésion à la CEDEAO permettront de profiter de la zone de libre-échange et d’union douanière pour écouler ses produits du textile et de l’habillement. 3.2.4. Modernisation du climat des affaires L’amélioration du climat des affaires constitue un objectif prioritaire pour le gouvernement marocain. L’objectif principal recherché est la mise en place d’une croissance économique forte et durable pour renforcer les orientations nationales vers un pays plus démocratique et solidaire. Ces initiatives ont permis la modernisation du cadre macro-économique d’ensemble, l’assainissement continu de l’environnement des affaires et son efficacité, conjugué à l’amélioration de l’image du Maroc à l’échelle internationale. Le climat des affaires, notamment sa perception par les investisseurs, a été placé au centre de cette dynamique de réformes, compte tenu de son rôle-clef en matière de renforcement de la croissance économique et d’accélération du processus de développement humain. Ainsi, outre l’adaptabilité progressive de son cadre macro-économique, le climat des affaires marocain a connu une profonde mutation de son cadre réglementaire et institutionnel visant son rapprochement avec les normes et standards internationaux. Alors que le climat des affaires marocain apparaît actuellement comme l’un des climats les plus structurés et les plus performants de la région sudméditerranéenne, les nouveaux et les anciens défis conjugués qui s’imposent, notamment en lien avec les engagements actuels et futurs dans le cadre de la libéralisation, posent avec acuité la question de l’adaptation de cet environnement aux exigences d’un climat mondialisé et concurrentiel, imposant son adaptation continue pour relever les défis de la convergence. 120 Profils sectoriels et émergence industrielle 3.2.5. Un cadre global incitatif Le 21 novembre 2008, le ministère des Affaires économiques et générales a décidé d’examiner les conditions de mise en place d’un processus systématique de type RAFA recensement/allègement des formalités ayant pour mission l’amélioration du climat des affaires. L’objectif recherché est d’obtenir une proposition de schéma institutionnel et procédural visant à déterminer, classer, centraliser et améliorer l’efficacité des réformes. Parallèlement, on a assisté à la création de la Commission nationale de l’environnement des affaires (CNEA) qui marque la volonté du gouvernement du Maroc d’institutionnaliser le processus de réforme de l’environnement des affaires. La création de la CNEA a pour objectifs le renforcement de la confiance des communautés des affaires, des investisseurs et des bailleurs de fonds, l’implication réelle de tous les acteurs de l’environnement des affaires, la simplification, la coordination et la bonne gouvernance des processus de réforme et le développement d’une stratégie de communication visant à sensibiliser les investisseurs nationaux et internationaux. 3.2.6. Modernisation du secteur des transports Dans le but de consolider sa position concurrentielle à l’international et réduire les coûts des échanges, le Maroc a mis en place une politique de grands travaux visant la modernisation du secteur des transports : ports en eaux profondes et intégralement connectés comme Tanger-Med, Jorf Lasfar, Dakhla Atlantic, Casablanca Port, Nador West-Med, autoroutes, etc. Cette stratégie a permis de gagner au moins 1 point de croissance au Maroc, sachant que le commerce est une part importante de la croissance du secteur textilehabillement. 3.2.7. Stabilité politique L’engagement de réformes pour la démocratisation de l’État et de l’administration rassurent les marchés financiers. Cette stabilité permet la soutenabilité de la notation de la dette marocaine par les agences financières et permet d’attirer des investissements productifs. Le Maroc est une économie en transition. Afin de consolider sa position dans un monde globalisé et combler son retard en matière de développement humain, il lui faut assurer une croissance forte. Pour cela, il doit mettre en valeur son important potentiel humain. Le capital humain contribue au PIB, à hauteur de 19 %, et au développement social. Textile-habillement 121 Le secteur du textile et de l’habillement, principal moteur du secteur manufacturier, dispose d’atouts majeurs qu’il convient de sauvegarder et de perpétuer et qui le placent au centre des préoccupations des pouvoirs publics. Il est l’un des systèmes les plus compétitifs de l’Afrique et du Moyen-Orient. Il dispose de compétences humaines de haut niveau. Les enseignements tirés de l’expérience marocaine en matière de politique sociale sont éloquents. Dans ce cadre, on rappelle que le Maroc dispose d’atouts secondaires potentiels pouvant moderniser le secteur et optimiser sa productivité. Ces autres atouts sont les suivants : – existence d’une forte demande sur le marché national ; – stratégie de régionalisation avancée afin de maîtriser les disparités régionales et sociales des secteurs productifs, notamment le textilehabillement ; – maîtrise de dualisme sectoriel (un secteur qui accapare la grande part du marché majoritaire et un secteur archaïque traditionnel qui vit sur le reste du marché) ; – coordination entre le secteur public et le secteur privé pour simplifier les démarches administratives et faciliter la rentabilité des nouveaux investissements. Au niveau micro, on rappelle que le secteur dispose d’atouts opérationnels qui rendent cette activité parmi les plus compétitives dans la région MENA et qui se présentent ainsi : 3.2.8. Un cadre micro-sectoriel de plus en plus incitatif – Une stratégie nationale concrète de l’offre marocaine du secteur textile basée sur une politique d’incitations et un ensemble de mesures d’encouragement à l’investissement à caractère fiscal, financier, juridique et social. – Un grand réseau d’accords de libre-échange avec l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique et le monde arabe. – L’implémentation des plateformes industrielles d’investissement « P2I » très avantageuses. 3.2.9. Réactivité de la production et de la livraison Le secteur textile-habillement arrive de mieux en mieux à réduire les délais de livraison vers l’Europe (soit un cycle compris entre deux et quatre semaines (50 % de temps en moins que le cycle normal) en se basant sur la proximité 122 Profils sectoriels et émergence industrielle géographique de l’UE. A titre d’exemple, le port Tanger-Med permet au secteur du textile national d’être plus réactif, ceci grâce à : – un dédouanement en moins d’une heure ; – un espace dédié aux acteurs du textile ; – un accroissement de la capacité de rotation des navires opérant dans le port. 3.2.10. Une organisation sectorielle unifiée Une organisation unifiée autour de l’association professionnelle AMITH regroupant plus de 90 % des entreprises exportatrices du secteur et assurant la communication entre les donneurs d’ordre et les investisseurs internationaux. 3.2.11. Une déontologie écologique et sociale Une labélisation spécifique de mise en conformité sociale, dite « Fibre citoyenne », distingue les acteurs du secteur respectant la réglementation en vigueur en matière de gestion des ressources humaines et des conditions de travail. Conclusion En conclusion, on rappelle que le secteur du textile au Maroc assure, à côté des autres secteurs de l’industrie, le développement durable du secteur industriel, dans la mesure où il crée de la richesse, génère de l’emploi, mobilise l’épargne et stimule des effets d’entraînement sur d’autres industries. Il n’en demeure pas moins qu’il connaît des difficultés et des paralysies entravant son bon fonctionnement. En effet, le secteur du textile demeure caractérisé par une forte concurrence internationale, alimentée par la pression des matières premières et un déficit cumulé important de sa compétitivité. Ainsi, dans le but de moderniser, dynamiser et développer le secteur industriel en matière du textile et d’encourager l’investissement dans un secteur catalyseur de valeur ajoutée, les autorités gouvernementales ont formulé une série d’orientations stratégiques pour doubler à moyen terme la production nationale et être plus compétitif sur le marché mondial. Elles ont trait à : – la promotion d’une nouvelle politique sectorielle qui s’appuie sur l’élargissement du marché du textile en facilitant l’accès à de nouveaux matériels, techniques et programmes dans le cadre du plan Émergence et des zones d’aménagement progressif ; Textile-habillement 123 – le développement de synergies entre les différentes parties intervenant dans ce secteur ; – la mobilisation des ressources à long terme ; – la multiplication, la formation et l’implication des associations professionnelles ; – la rationalisation de la fiscalité et son adaptation aux conditions du marché. D’une manière générale, elles devront mettre en œuvre des actions pour développer le tissu industriel du textile : – encouragement l’industrie de substitution aux importations ; – encouragement de l’implantation d’entreprises étrangères qui fabriquent les produits importés (en suivant l’exemple du Sud-est asiatique) ; – soutien à la PMI ; – amélioration de l’environnement des entreprises. Il faut souligner ici que la notion de « développement » affectée à cet élément « compétitivité du textile national » ne renvoie aucunement à un ordonnancement temporel de l’action ou à un classement prioritaire de l’intervention privée sur tout le territoire national. Il s’agit tout simplement d’un diagnostic opérationnel de l’impact escompté du secteur sur l’économie nationale et de la compétitivité du secteur privé national dans son ensemble, guidé principalement par le comportement environnemental de ses entreprises. Références bibliographiques Haut-Commissariat au Plan (2014), « La hausse des exportations du textile a-t-elle soutenu l’emploi de la branche en 2014 ? » Institut de la Méditerranée (2005), « Rapport du FEMISE 2006 sur le partenariat euro-méditerranéen », www.femise.org Ministère de l’économie et des Finances, DEPF : « Rapport économique et financier 2008 », www.finances.gov.ma/depf/depf.htm Office des changes (2018), Rapport annuel, Commerce extérieur du Maroc. Webographie http:// http://www.oecd.org/ http:// http://www.hcp.ac.ma/ http://www.finances.gov.ma/ http://www.invest.gov.ma CHAPITRE 3 Chimie et parachimie Rajae El Moukhi Introduction L’industrie chimique marocaine date d’avant l’indépendance. C’est un secteur à longue maturation, il a constitué l’un des piliers de l’industrie marocaine et a bénéficié de l’affectation des ressources publiques, avec 53 % de ces dernières depuis 1970. Il a joué aussi un rôle important dans le redressement de la balance commerciale grâce aux exportations des engrais phosphatés. Jusqu’au terme du plan 1973-1977, le secteur des industries de transformation a connu une progression régulière (3,7 % par an entre 1960 et 1967, 5,4 % entre 1968 et 1972) et même relativement rapide (6,1 %) dans les années 1973-1977 caractérisées par un financement facile procuré par les recettes phosphatées et les emprunts extérieurs, avec la prédominance de la chimie et de la parachimie qui ont absorbé presque 40 % de l’investissement total prévu pour 1973-1985. L’évolution et la diversification des produits du secteur chimique et parachimique ont permis de soutenir l’expansion des ventes extérieures. Certes, le secteur a connu des périodes de déclin suite à la baisse de la demande des produits du phosphate, cependant il reste primordial pour l’économie marocaine et attire les investissements en continu vu son énorme potentiel de développement. Il constitue un fort créneau de croissance puisqu’il est au centre des exigences d’innovation, de respect de l’environnement et de transfert de technologie afin de mieux s’insérer dans les chaînes de valeurs mondiales. C’est l’un des secteurs-clés de l’industrie marocaine. La chimie marocaine réalise un chiffre d’affaires de 4,85 milliards de dollars US, comparé au chiffre d’affaires mondial de 2 400 milliards de dollars US. Elle ne représente ainsi que moins de 0,1 % de la chimie mondiale, alors que le Maroc représente plus de 0,5 % de la population mondiale. 126 Profils sectoriels et émergence industrielle Il complète plusieurs industries et se trouve au cœur du développement de plusieurs filières : agro-alimentaire (emballage plastique, engrais et produits phytosanitaires…), industrie paramédicale (médicaments, solvants…), industrie du cuir et du textile… Il est en plein passage d’une industrie axée sur les PME vers un secteur plus structuré, bien réglementé et s’alignant sur les normes internationales. Le présent chapitre s’articule autour de quatre points : – un état des lieux du secteur, dont le volet réglementaire ; – les principales caractéristiques des entreprises du secteur et une analyse de leur évolution ; – les principaux facteurs de changement du secteur ; – les capacités émergentes du secteur, grâce à une analyse SWOT. Il est à noter que les documents en rapport avec la thématique sont difficiles à cerner, étant donné que les activités du secteur sont dispersées entre différentes branches. La majorité des entreprises sont des PME, et l’informel représente une part importante de l’activité du secteur. 1. État des lieux du secteur Le secteur marocain de l’industrie chimique et parachimique existe depuis plus de cinquante ans. Il était l’un des secteurs pionniers de l’industrie marocaine jusque dans les années 90, où il a vu son activité se diversifier et englober des activités liées à l’agriculture, à la fabrication de produits alimentaires et de boissons, à l’emballage et aux matières plastiques, au bâtiment et à la construction, aux biens de consommation et aux biens ménagers, au secteur médical, pharmaceutique et cosmétique, à l’impression et à l’édition…, ce qui le rend très hétérogène et fait que sa définition relève presque du défi. Selon le ministère de l’Industrie, le secteur compte quelque 2 000 entreprises au Maroc, qui emploie directement plus de 45 000 personnes, génère plus 100 000 emplois indirects et rapporte non moins de 34 % du produit intérieur industriel brut du pays. A première vue, ce secteur paraît très dynamique ; cependant, seulement trente acteurs concentrent 80 % de son activité, dont cinq grands groupes monopolisant 60 % du chiffre d’affaires du secteur et employant 10 000 personnes : – l’Office chérifien des phosphates ; Chimie et parachimie – – – – 127 Procter & Gamble spécialisé dans les produits de soins et de beauté ; Charaf Fertima, le spécialiste des fertilisants ; le groupe minier Managem ; Unilever, spécialisé dans les produits de grande consommation. Ainsi, l’essentiel du secteur est constitué d’entreprises de petite taille, moins structurées et ayant un effectif total inférieur à cinquante employés, représentant environ 71 % de l’ensemble du secteur. Ceci dit, il ne faut pas oublier la présence du secteur informel dont le poids n’est pas négligeable, particulièrement dans certaines filières. A titre d’exemple, 30 à 40 % des entreprises du secteur de la plasturgie évoluent dans l’informel et représentent 30 % des emplois. Actuellement le secteur représente 16 % du PIB industriel national et occupe une place de choix dans l’industrie et les politiques publiques du pays. Ce secteur est composé à 69 % par les activités des phosphates et des engrais, complétées par des activités telles que la peinture, les colles, le plastique ou encore le verre. Le secteur de l’industrie chimique et parachimique comporte sept soussecteurs, subdivisés en sous-branches, comme indiqué dans le tableau 1 page suivante. Au niveau de la réglementation, plusieurs ministères interviennent dans la procédure d’octroi de l’autorisation d’exploitation, notamment ceux de l’Équipement, de l’Industrie, de l’Intérieur, de l’Environnement... Le déficit de gouvernance et le manque de concertation entre les organismes publics, ministères impliqués et professionnels ont pour effet de rallonger les délais d’obtention des autorisations d’exploitation, d’alourdir la procédure de mise en conformité des industriels déjà établis et en phase de régularisation. De deux mois réglementaires, certains industriels cumulent dix-huit mois de retard. La problématique de la réglementation des établissements classés et des terrains industriels est un sujet important pour toute l’industrie marocaine. L’État veut regrouper les industriels à Jorf Lasfar, seule zone industrielle de première catégorie (correspondant aux activités classées « dangereuses »). Cependant, les professionnels revendiquent le droit de choisir leur lieu d’implantation, pourvu que l’entreprise y trouve son intérêt, ou encore de répartir le risque sur le plan géographique pour le minimiser. Les entreprises militent donc en faveur de l’amendement de la réglementation des établissements classés. 128 Profils sectoriels et émergence industrielle Tableau 1 Nomenclature des activités industrielles marocaines du secteur des industries chimiques et parachimiques Grands secteurs de transformation industrielle Industries chimiques et parachimiques Secteurs Sous-secteurs Cokéfaction, raffinage, industrie nucléaire Cokéfaction Edition, imprimerie, reproduction Edition Fabrication d’autres produits minéraux non métalliques Fabrication de carreaux en céramique Raffinage de pétrole Imprimerie Fabrication de ciment, chaux et plâtre Fabrication de produits céramiques Fabrication de produits minéraux divers Fabrication de tuiles et briques en terre cuite Fabrication de verre et d’articles en verre Ouvrages en béton ou en plâtre Travail de la pierre Industrie chimique Fabrication d’autres produits chimiques Fabrication de fibres artificielles ou synthétiques Fabrication de savons, de parfums et de produits d’entretien Industrie chimique de base Industrie pharmaceutique Peintures et vernis Produits agro-chimiques Industrie du caoutchouc et des plastiques Industrie du caoutchouc Industrie du papier et du carton Articles en papier ou en carton Travail du bois et fabrication d’articles en bois Fabrication de charpentes et de menuiseries Transformation des matières plastiques Pâte à papier, de papier et de carton Fabrication de panneaux de bois Fabrication d’emballages en bois Fabrication d’objets divers en bois, liège ou vannerie Sciage, rabotage, imprégnation du bois Chimie et parachimie 129 En pleine croissance sur le marché local, l’industrie de la chimie et de la parachimie détecte de plus en plus d’opportunités à l’export, notamment vers les marchés du continent. Le secteur comporte 15 filières (environ 2 419 entreprises). Les deux filières, industrie chimique de base et produits agro-chimiques (engrais, pesticides et insecticides), sont en pleine progression, avec les activités des phosphates et des engrais qui pèsent pour près de 70 %. Le reste est réparti entre les filières peinture, colles et encres, plastique, verre… 2. Caractéristiques des entreprises du secteur 2.1. Performances économiques Le secteur ICP ne peut se développer que là où il y a des richesses minières, énergétiques et pétrolières. Or, il fait face à une insuffisance de ressources, ce qui influence sa productivité et le rend dépendant des pays étrangers : les industriels doivent satisfaire une grande partie de leurs besoins en matières premières par l’importation. Les principaux fournisseurs sont les pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique. La production de l’industrie chimique et parachimique était absorbée à 90 % par le marché national marocain, avec une nette évolution vers l’exportation. Selon l’Office des changes, les valeurs des exportations du grand secteur ICP, en 2010, montrent que le secteur de l’industrie chimique et celui de la cokéfaction, du raffinage et des industries nucléaires sont plus importants que les autres secteurs. Ils représentent respectivement 76 % et 13 % du total des exportations du grand secteur ICP. Quant au secteur de l’industrie chimique, l’indice de la production industrielle montre qu’il réalise la plus forte progression, de l’ordre de 115,9. Cette situation est due en partie à l’Office chérifien des phosphates, qui occupe une place prépondérante dans ce secteur, et aux entreprises du secteur de l’industrie pharmaceutique, produisant essentiellement les médicaments génériques destinés à l’export et satisfaisant 65 % des besoins du marché national. Les principales destinations sont la France, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Tunisie, la Turquie, etc. Bref, les pays d’Europe, du Maghreb, d’Amérique et d’Afrique constituent les principaux débouchés du secteur. 2.1.1. Évolution de la production et des exportations Le secteur a connu une évolution constante de la production et des exportations depuis 1998, sauf en 2009 suite à la crise mondiale. Elles sont passées respectivement de 59 999 et 13 332 en 1998 à 132 065 et 40 680 en 2015. 130 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 1 Évolution de la production et des exportations (en millions de dirhams) Graphique 2 Évolution de la production par structure (en %) Graphique élaboré à partir des données du HCP et du MCINET. 2.1.2. Évolution de l’investissement et de la valeur ajoutée La valeur ajoutée connaît une évolution constante, sauf en 2009 où la crise s’est fait sentir, enregistrant 27 911 millions de dirhams contre 57 321 millions en 2015. L’investissement, quant à lui, connaît une évolution assez fluctuante selon les années. S’il a connu une croissance constante entre 1998 et 2009, il a depuis enregistré des hauts et des bas. Il a atteint 20 484 millions de dirhams en 2014, puis a chuté de 48 % en 2015. Chimie et parachimie 131 Graphique 3 Évolution de l’investissement et de la valeur ajoutée (en millions de dirhams) Source : Annuaires statistiques de l’HCP sur données du MCINET. 2.2. Évolution des entreprises Entre 1985 et 2014, les industries chimiques et parachimiques se placent en tête de liste, avec plus de 28 % des créations d’entreprises dans l’industrie de transformation. Étant donné la prédominance des petites et moyennes entreprises, les sous-secteurs sont monopolisés par quelques grands groupes. 2.2.1. Office chérifien des phosphates (OCP) Le groupe est leader dans la chimie des phosphates, car il est le premier producteur et exportateur mondial de roche de phosphate et d’acide phosphorique. Il est aussi l’un des plus grands producteurs d’engrais au monde. Ses activités représentent 52 % du chiffre d’affaires du secteur, 90 % des exportations, 67 % des investissements et 22 % des emplois. Créé en 1920, il compte aujourd’hui plus de 30 filiales et joint-ventures, près de 21 000 collaborateurs et 48,5 milliards de dirhams de chiffre d’affaires. Avec plus de 160 clients, l’OCP est présent sur tous les continents. Graphique 4 Part des continents dans les exportations de l’OCP Afrique Amérique du Sud Amérique du Nord Europe Asie du Sud et de l’Ouest Océanie Asie de l’Est 132 Profils sectoriels et émergence industrielle Avec 4 sites à Khouribga, 3 à Gantour, et 1 à Boucraâ, le groupe produit essentiellement 3 produits regroupant les 3 étapes de la chaîne de valeur : – la roche phosphatée, avec la production de 32,8 millions de tonnes (Mt) et l’exportation de 11,1 Mt ; – l’acide phosphorique, avec la production de 5,7 Mt et l’exportation de 1,9 Mt ; – les engrais phosphatés, avec la production de 8,6 Mt et l’exportation de 8,1 Mt. Le groupe consacre un investissement continu dans la recherche et le développement avec près de 200 milliards de dirhams et fait de l’Université Mohammed VI Polytechnique un pôle de recherche et d’excellence et un incubateur d’idées et d’innovation. Les sites d’expérimentation de l’Université Mohammed VI Polytechnique sont aujourd’hui au centre des programmes de recherche. Ils nouent des partenariats et des liens innovants avec son écosystème, en impliquant de manière nouvelle les collaborateurs et en associant de nombreux partenaires externes : PME, start-up, centres de recherche, communautés d’innovation, permettant ainsi aux chercheurs des universités partenaires de tester des solutions à échelle réelle dans des domaines-clés. 2.2.2. Industrie pharmaceutique L’industrie pharmaceutique marocaine est la deuxième activité chimique du Maroc. Créée à l’Indépendance, elle a plus de cinquante ans d’existence et est réputée être au stade européen au niveau de la normalisation. Classé en 2e position après l’Afrique du Sud, son chiffre d’affaires a atteint 15 milliards de dirhams en 2017, ce qui lui a permis de satisfaire 60 % de la demande intérieure. L’industrie est à l’origine de plus de 50 000 emplois directs et indirects et réalise entre 1 % et 2 % du PIB national. Elle compte 46 laboratoires, avec une concentration géographique dans la région du Grand-Casablanca avec 32 entreprises, 50 distributeurs-grossistes et environ 11 000 pharmacies d’officine. Le secteur est fortement réglementé dans tous ses aspects, notamment la création, le fonctionnement et le contrôle des établissements pharmaceutiques industriels, les mises sur le marché et les prix des médicaments. Il est régi par la loi 17-04 portant sur le code du médicament et de la pharmacie, adopté en 2006. Cette réglementation est très rigoureuse et comparable à celle des pays à industrie développée et structurée, ce qui a permis aux produits pharmaceutiques marocains de s’exporter facilement en Europe, notamment Chimie et parachimie 133 la France et l’Allemagne, en Amérique du Nord et même en Afrique, en Asie et dans les pays arabes. Les laboratoires au Maroc sont répartis en trois catégories : – les filiales de multinationales ne disposant pas de site de production sur place ; – les entreprises mixtes qui sont des filiales de multinationales tout en fabriquant leurs propres médicaments ; – les entreprises marocaines fabriquant leur propre palette de médicaments génériques. Le secteur a un taux d’encadrement de 30 %, une exportation de 10 % de la production locale et 700 milliards de dirhams d’investissement annuel ; il produit 34 % de valeur ajoutée, soit 4,6 milliards de dirhams. Le secteur ne cesse d’attirer les investissements, de booster le secteur avec plus de transfert de technologie et d’innovation, puisque le secteur s’ancre très bien dans les chaînes de valeur mondiales. 2.2.3. Autres groupes • Ynna Holding Avec ses deux entreprises : GPC (Gharb Papier et Carton). Créée en 1992 à Kénitra, l’entreprise est destinée à la fabrication de tous les types d’emballage en carton ondulé, avec actuellement trois unités de production implantées respectivement dans les régions du Gharb, de Souss Massa Drâa et du Grand Casablanca. Elle répond aux besoins des secteurs industriels (huiles, sucres, boissons, produits laitiers, céramique, textile et cuir, électroménager, etc.) et des secteurs agricoles. En 2005, GPC devient la plus grande unité de fabrication de carton ondulé en Afrique grâce à sa nouvelle unité. Elle s’est également engagée dans une démarche de qualité et d’innovation qui lui a valu d’être certifiée ISO 9001 en décembre 2003. Quelques chiffres-clés : – 500 millions de dirhams d’investissements pour GPC Mohammedia ; – 500 emplois permanents ; – 150 000 tonnes de capacité de production annuelle ; – un demi-million d’emballages transformés chaque jour à la sortie de l’onduleuse ; – 400 millions d’emballages vendus depuis 2003. 134 Profils sectoriels et émergence industrielle SNEP (Société nationale d’électrolyse et de pétrochimie). Créée en 1973 et acquise par Ynna Holding en 1993, la SNEP détient plus de 90 % de parts de marché dans le secteur du PVC au Maroc. Producteur leader de compound, de soude, de chlore, d’eau de javel et d’acide chlorhydrique, la SNEP est également le seul producteur national de matière plastique, agissant dans différents domaines d’activité : – BTP ; – irrigation ; – adduction d’eau potable et assainissement ; – détergence et hygiène domestique et industrielle ; – traitement des eaux ; – industrie agro-alimentaire. La SNEP est certifiée ISO 9001 V2008, ISO 14001 V2004 et OHSAS 18001 V2007. Elle adhère à la charte Responsible Care et enregistre ses produits (PVC et soude) selon la réglementation Reach. L’entreprise exporte ses produits en Angleterre, en Espagne, au Portugal, en Égypte, en Tunisie et en Afrique subsaharienne. Depuis février 2016, la CGEM a décerné à la SNEP le Label CGEM pour la Responsabilité sociale de l’entreprise. Première entité d’Ynna Holding à être introduite à la bourse de Casablanca en 2007, la SNEP est engagée dans une démarche de préservation de l’environnement qui lui a permis d’être distinguée par le premier prix pour la protection de l’environnement dans le cadre du programme allemand GTZ. • Atlas peinture Spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de résines et de peintures, Ben Hadj Frères est présente sur le marché depuis plus d’un demi-siècle dans le domaine du bâtiment, de la carrosserie et de l’industrie. Certifiée ISO 9001 version 2008, l’entreprise dispose : – d’une unité de production nouvelle génération, assurant 50 000 tonnes par an ; – d’une logistique aux standards internationaux ; – d’un parc automobile dynamique et réactif ; – d’un système d’information 100 % intégré, performant avec interface accessible aux clients ; – d’un capital humain composé de plus de 300 hommes et femmes formés aux divers métiers de la chimie et parachimie, du commerce et de la logistique ; – d’un département Recherche & Développement afin de répondre au mieux aux exigences de ses clients. Chimie et parachimie 135 • Managem Le groupe est à vocation minière essentiellement et opère depuis quatrevingt-dix ans au Maroc et a l’international. Avec 21 unités industrielles et 5 660 collaborateurs, il a réalisé 5,2 milliards de dirhams de chiffre d’affaire en 2017. Le groupe suit une stratégie d’innovation continue et dispose d’un centre de recherche datant de vingt ans. D’autres entreprises monopolisent le sous-secteur où elles opèrent, comme Sevam pour le verre ou Procter & Gamble Maroc pour les produits de beauté, etc. Tous ces groupes sont en pleine évolution, additionnent responsabilité sociétale, innovation et recherche pour se développer en continu et faire face à un environnement de plus en plus exigeant sur le plan de la concurrence économique, industrielle et environnementale. 2. Facteurs de changement du secteur L’industrie chimique et parachimique marocaine (ICP) est l’un des secteurs-clés de l’industrie nationale. Pour favoriser la synergie en son sein, plusieurs mesures ont été entreprises. 2.1. Fédération de la chimie et de la parachimie (FCP) Créée en 1993, elle compte parmi ses membres des entreprises du secteur de la chimie et de la parachimie, privées ou publiques, marocaines ou filiales de groupes étrangers, installées au Maroc. En plus de ses sociétés adhérentes, la Fédération regroupe aussi cinq associations professionnelles : – l’AMIP : l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique ; – l’AMIPEC : l’Association marocaine des industries de peintures, d’encres, de colles et d’adhésifs ; – l’AMGIM : l’Association marocaine des gaz industriels et médicaux ; – l’AMOD : l’Association marocaine des opérateurs de détergent ; – la CROPLIFE-Maroc : l’Association marocaine des négociants, importateurs et formulateurs de produits phytosanitaires. Plusieurs objectifs lui ont été assignés, parmi lesquels l’accompagnement de ses membres à la mise en conformité avec la réglementation ou le règlement de la problématique du foncier... Cependant, même vingt-six ans après sa création, les choses piétinent toujours : multiplication des intervenants, allongement des délais, manque de concertation entre organismes publics… 136 Profils sectoriels et émergence industrielle 2.2. Les écosystèmes Quant à l’accompagnement prévu pour les acteurs des écosystèmes, il s’adapte parfaitement aux besoins et attentes des opérateurs et vise : – l’appui à l’investissement, à travers le Fonds de développement industriel (FDI), à un taux variant entre 15 et 30 % du montant global investi ; – l’appui à la compétitivité des TPME et auto-entrepreneurs ; – l’accompagnement des entreprises pour la conclusion de contrats de performance ; – l’accès au foncier à prix attractifs (39,6 hectares et 60 hectares réservés respectivement aux écosystèmes « chimie organique » et « chimie verte ») ; – l’attraction d’industriels internationaux de rang 1 pour accélérer le développement des écosystèmes ; – la mise en place d’une offre de formation au profit des 12 430 futurs emplois directs générés par le secteur de la chimie à l’horizon 2020. Elle sera déployée au niveau des établissements de formation professionnelle et en ingénierie (OFPPT, École Mohammadia d’ingénieurs, École Hassania des travaux publics, École nationale de l’industrie minérale) dont la capacité de formation, en génie des procédés notamment, sera augmentée ; – l’accès au financement bancaire à travers le développement d’une offre intégrée dédiée aux financements d’investissement et d’exploitation ; – l’accompagnement des industriels à la conclusion de conventions avec la Moroccan Foundation for Advanced Science, Innovation and Research (MAScIR) en vue de leur faciliter l’accès à la R & D. Une convention-cadre de partenariat pour le développement des écosystèmes industriels dans le secteur des phosphates a été signée le 2 avril 2014 entre le ministère de l’Économie et des Finances, le ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, le ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique et l’Office chérifien des phosphates. L’objet de cette convention-cadre est le développement de filières industrielles de valorisation du phosphore dans le giron de l’OCP, entreprise locomotive dans le domaine. Le 17 décembre 2015, deux contrats de performance ont été conclus entre les ministères en charge de l’Industrie, des Finances et la Fédération de la chimie et parachimie afin d’accompagner le déploiement de deux écosystèmes structurés à ce jour, dans les filières de la chimie verte et de la chimie organique. Chimie et parachimie 137 Ces deux premiers écosystèmes, qui n’englobent pas les activités de l’OCP, contribueront d’ici 2020, à : – créer 12 430 nouveaux emplois directs stables et 20 570 emplois indirects ; – générer un chiffre d’affaires additionnel de 14,6 milliards de dirhams ; – générer une valeur ajoutée additionnelle de 3,8 milliards de dirhams ; – générer un chiffre d’affaires à l’export additionnel de 9,8 milliards de dirhams. 2.3. Le potentiel scientifique et technologique Les activités de recherche et d’innovation relatives au secteur des industries chimiques et parachimiques sont menées essentiellement dans les établissements universitaires, les centres de recherche publics et, dans une moindre mesure, dans les entreprises puisque la majorité fait partie des PME. Le Maroc dispose d’un potentiel scientifique et technologique important dans les domaines de la chimie et des secteurs connexes : enseignants chercheurs, laboratoires, platesformes technologiques, centres techniques, réseaux thématiques et pôles de compétences…). 2.3.1. La recherche industrielle Les entreprises du secteur sont condamnées à s’engager dans le renforcement de leur capacité d’innovation et de R&D, car malgré les initiatives engagées, les efforts restent insuffisants tant au niveau des financements consacrés à la R&D pour l’innovation en interne qu’au niveau des partenariats avec les centres de compétences nationaux (universités et centres de recherche). Les enquêtes réalisées par R&D Maroc montrent que peu d’entreprises de la chimie et parachimie conduisent des activités d’innovation de façon continue. On peut citer l’OCP, Atlas Peinture, Managem, Procter & Gamble… 2.3.2. La recherche publique La recherche publique est essentiellement menée dans les universités et les grandes écoles qui assurent, à travers plus d’une centaine de filières en rapport avec les métiers de la chimie, la formation des cadres. Le potentiel de chercheurs dans les secteurs de la chimie, chimie physique, chimie biologique et génie chimique s’élève à 1 300 environ (972 enseignants-chercheurs et 328 doctorants). Ces chercheurs sont de plus en plus organisés en équipes, laboratoires et centres de recherche et en pôles de compétences. Ces structures sont nécessaires pour asseoir un socle et un réseau de recherche et d’expertise avec lesquels les entreprises pourraient établir des relations pour le développement de leurs projets d’innovation. 138 Profils sectoriels et émergence industrielle Le secteur chimique est très hétérogène et regroupe des activités, du savoirfaire et des marchés finaux très différents ; en conséquence, il nécessite des stratégies d’approche par activités pour sa structuration et sa promotion. De ce fait, le ministère de l’Industrie mise sur plusieurs mesures d’aide et d’accompagnement aux entreprises de toutes tailles : – appui aux écosystèmes du secteur ; – Fonds de promotion des investissements (FPI) ; – Fonds Hassan II pour le développement économique et social ; – incitations fiscales ; – accompagnement des PME ; – statut de zone franche. 3. Analyse des tendances et des capacités émergentes du secteur Graphique 5 Analyse SWOT • Secteur complétant plusieurs industries • 1er producteur de phosphate dans le monde • Ressources faibles, importation de l’extérieur • ALE donnant lieu à une forte concurrence • Type de management : PME, PMI • L’industrie pharmaceutique classée deuxième sur le continent • Plan d’accélération industrielle 2014-2020 • Fort potentiel de développement • Partenariat public-privé Forces Faiblesses Opportunités Menaces • Plateforme à l’étranger, surtout Afrique • Ecosystèmes : chimie verte, chimie organique • Possibilité d’évolution de plusieurs produits dont le niveau de complexité est plus élevé • Présence étrangère significative • Débouchés limités • Dépendance de 85 % vis-à-vis de l’extérieur pour l’approvisionnement en matières premières • Piège des économies à revenu intermédiaire Chimie et parachimie 139 L’industrie chimique et parachimique marocaine possède de nombreux avantages, tel son ancrage avec plusieurs secteurs importants de l’économie. Un positionnement qui la met au centre des intérêts des investisseurs et de la politique industrielle pour l’amélioration et le développement du secteur, grâce notamment au plan d’accélération industrielle 2014-2020 et aux partenariats public-privé. Malgré la conjoncture internationale difficile à laquelle le Maroc a dû faire face, les deux sous-secteurs du phosphate et de l’industrie pharmaceutique ne cessent de se développer, de se hisser dans la chaîne de valeur mondiale, afin de tirer le pays du piège des pays à revenu intermédiaire, dont la sortie est un processus long et compliqué, nécessitant une vraie synergie entre volonté, travail de terrain acharné et bien structuré entre les différents acteurs, afin de renforcer sa capacité d’innovation et de R&D. Certes, l’industrie chimique a un fort potentiel de développement, mais le pays reste très dépendant de l’extérieur, surtout pour son approvisionnement en matières premières indispensables à la pérennité du secteur et à son bon fonctionnement. Un autre point essentiel est le type de management des entreprises du secteur : plus de 70 % des entreprises sont de petite et moyenne taille, ce qui constitue le point faible du secteur. Leur gestion et production restent très limitées, et peu de produits sont aujourd’hui exportés et très peu d’entreprises sont exportatrices. Ce qui rend le secteur très fragile face à une concurrence rude. Les accords de libre-échange que le Maroc a signés avec ses différents partenaires le mettent dans une situation très délicate, voire dans une impasse pour honorer ses promesses à leur égard et aider son secteur interne à se développer. Au final, le Maroc a la chance de continuer à attirer l’attention des autres pays et de constituer une plateforme incontournable vers l’Afrique, la destination de tous les nouveaux investissements mondiaux vu l’énorme potentiel de développement de la région. Il doit poursuivre son processus d’amélioration, d’investissement dans l’innovation pour assurer le développement de ses produits, améliorer la compétitivité et la productivité de ses opérations et faire face à une réglementation de plus en plus complexe (REACH par exemple). Conclusion L’industrie chimique et parachimique marocaine est en mesure de contribuer fortement à la pérennisation de la croissance de l’industrie marocaine en rééquilibrant ses échanges internationaux par une croissance 140 Profils sectoriels et émergence industrielle basée sur le développement des exportations, la consommation nationale, le respect de l’environnement et la réduction du ratio entre les importations du secteur et ses exportations. Dans le cadre d’une stratégie sectorielle de développement axée sur l’export, l’industrie chimique marocaine devra continuer à tirer profit des avantages accordés par ses partenaires et se positionner comme une plateforme régionale dans le domaine de la chimie et de la parachimie, surtout avec le marché africain, qui est en plein essor et qui attire de plus en plus d’investissements vu son potentiel de croissance : moins de 2 % de la chimie mondiale, 17 % de la population mondiale. Références bibliographiques El Ouahbi S., Bouselhami A., « Analyse économique du secteur industriel au Maroc », European Scientific Journal, March 2018 edition, vol. 14, n° 7. Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique, Agence japonaise de coopération internationale, Étude pour le développement du secteur privé au Royaume du Maroc (collecte et analyse d’informations), Rapport final, mars 2014. Smani M., « Chimie et parachimie au Maroc : filières économiques et potentiel scientifique et technologique », Académie Hassan II des Sciences et Techniques, Actes de la session plénière solennelle, 16-17-18 mars 2011. « Focus sur le secteur national de l’industrie chimique et parachimique », IMIST, Bulletin d’information technologique chimie-parachimie, n° 3, 2013. Boumediene S. et Grouix-Monvoisin R., la Chimie au Maroc, Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM), avril 2015. Gijsbrechts D., Verlent N., Agence pour le commerce extérieur, septembre 2009. HCP, le Maroc en chiffres, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018. Webographie www.mcinet.gov.ma www.hcp.ma www.ocpgroup.ma www.fcpmaroc.org www.gpccarton.com www.managemgroup.com Chimie et parachimie 141 https://revues.imist.ma/index.php?journal=CE&page=article&op=view&pa th %5B %5D=1525&path %5B %5D=1241 https://industries.ma/chimie-et-parachimie-un-secteur-en-passe-de-se-realiser https://veillechimie.imist.ma/index.php/source-utiles/302-focus-sur-lesecteur-national-de-l-industrie-chimique-et-parachimique http://www.cfcim.org/magazine/21786 http://www.policycenter.ma/publications/la-strat %c3 %a9gie-industrielle2014-2020-du-maroc-et-ses-implications-potentielles-sur-le https://www.leconomiste.com/article/1015172-chimie-parachimie-lindustrie-veut-faire-activer-les-synergies https://industries.ma/chimie-et-parachimie-un-secteur-en-passe-de-se-realiser/ CHAPITRE 4 Mécanique et métallurgie Safae Akodad, Hicham Goumrhar et El Houcine Khettar Introduction Le Protectorat a légué au Maroc un modèle de croissance agro-minier à dominance primaire. Dans l’euphorie des premières années de l’indépendance, le Maroc avait fait de l’industrialisation l’épicentre du régime d’accumulation et l’avait considéré, dans le premier plan 1960-1964, comme une priorité à côté de l’agriculture pour mettre en place un modèle de développement auto-entretenu. Ainsi, le développement de l’industrie lourde et de base, prévue par ce plan, était conçu notamment autour des branches de l’industrie sidérurgique, métallurgique et mécanique. Le secteur regroupant ces branches a été considéré comme une locomotive qui devait entraîner tout le processus de l’industrialisation lourde. Dans cette perspective, les pouvoirs publics avaient prévu d’entamer ce processus par la création d’un complexe (1) sidérurgique à Nador, conçu sous la forme d’une base industrielle qui devait donner lieu à un pôle de développement régional. L’idée d’essaimer ce genre de projet d’industrialisation de base a été promue dans l’objectif de « booster » la diversification industrielle et sortir de la spécialisation primaire héritée du protectorat et centrée sur l’agro-alimentaire et sur les industries d’extraction et chimique. Le choix de commencer un tel processus par la construction d’un complexe métallurgique d’envergure a été bien argumenté dans le plan 1960-1964, en mettant en exergues trois avantages importants : (i) un complexe technologiquement avancé par rapport aux sidérurgies concurrentes dans le monde ; (ii) un coût relativement peu élevé (des compagnies ont offert des possibilités intéressantes 1. Ce complexe, dont l’étude réalisée par le BEPI, a été présenté dans l’esprit du plan 19601964 comme un exemple-type pour d’autres grands projets industriels qui devaient se greffer dans d’autres régions du Maroc. 144 Profils sectoriels et émergence industrielle pour la construction du complexe) ; (iii) un projet qui pouvait profiter d’un marché maghrébin et africain important (2). A partir de 1961 puis avec la révision du plan 1960-1964, le projet global d’un complexe sidérurgique a été abandonné (3). Ainsi, la branche de l’industrie sidérurgique et métallurgique ne sera pas au centre de l’idée d’une industrialisation lourde et de base, que ce soit au niveau de sa capacité de production ou de sa complémentarité avec les autres branches industrielles. Depuis, les pouvoirs publics considèrent cette branche comme de simples unités de production (4). Dès 1965, sous l’effet de la politique économique édictée par les pouvoirs publics dans le cadre des plans 1965-1967 et 1968-1972 reléguant le secteur industriel au troisième rang des priorités de développement après l’agriculture et le tourisme, les industries mécaniques et métallurgiques (IMM) ont commencé à connaître une stagnation. A ce moment, seules les industries agro-alimentaires ont continué à croître, et ce dans l’objectif d’accompagner le secteur agricole retenu à la base du modèle de croissance depuis la fin des années 60. De ce fait, les IMM n’ont pas connu la diversification et la croissance qu’on leur avait assignées au début des années 60 (5). En outre, à partir des années 70, les branches des industries mécaniques et électriques (6) ont été développées autour de la Société des industries mécaniques et électriques de Fès, SIMEF, créée en 1962 dans l’idée de développer une industrie d’armement (deux unités industrielles, une 2. Khachani M. (1982), « État et politique industrielle : le cas du projet sidérurgique de Nador », in H. El Malki (éd.), État et développement industriel au Maroc, Casablanca, Editions maghrébines. 3. Il faut attendre 1974 pour que la SONASID soit créée en lieu et place d’un complexe industriel à Nador, et 1984 pour qu’elle commence la production, avec des capacités moins importantes que celles prévues au départ. 4. Délégation générale à la Promotion nationale et au Plan (1965), Plan triennal 1965-1967, Division de la Coordination nationale et du Plan, Rabat. 5. Ministère du Plan (1990), les Caractéristiques principales du plan d’orientation 1988-1992, Archives CND, HCP, Maroc. 6. Le développement des industries mécaniques et électriques au détriment des industries métallurgiques à cette époque était la conséquence d’un changement dans la vocation industrielle du Maroc, liée, en premier lieu, à la promotion d’une industrie légère et à l’abandon de l’idée d’une industrie lourde. Ceci étant, même au vu du développement d’un tissu des IMM dans les années 70, ce secteur n’a pas pu se hisser au même rang que les industries agro-alimentaires et les industries chimiques et parachimiques, que ce soit au niveau de la production ou de l’emploi. Ces derniers secteurs ont constitué l’apanage de l’industrie au Maroc sur la longue période jusqu’à aujourd’hui. Mécanique et métallurgie 145 cartoucherie et une manufacture d’armes), mais qui a changé d’activité en 1971 pour se consacrer uniquement au montage de moteurs de motocycles diesel et de motopompes (7). Après la création en 1974 de la SONASID, le tissu de l’industrie métallurgique s’est renforcé en 1975 avec la création de Maghreb Steel, et par bien d’autres entreprises familiales de petite et moyenne taille, telle LONGOFER créée en 1986. Depuis, ce secteur ne connaîtra un renforcement de son tissu industriel et de ses capacités de production qu’à partir du début des années 2000, qui a vu la création de grands groupes de la métallurgie (Univers Acier, Ynna Steel, Moroccan Iron Steel, Somasteel…). Durant la dernière décennie, le secteur des industries mécaniques et métallurgiques a acquis une place importante dans le tissu industriel marocain grâce notamment à la fabrication de biens d’équipement et à la mise en place d’infrastructures industrielles. Les IMM ont connu une augmentation de leur taux d’investissement de 23 % entre 2000 et 2007 à 36,1 % entre 2008 et 2016. Leur part dans l’emploi industriel a augmenté de manière significative, passant de 10,4 % à 18,1 % sur les mêmes périodes, de même que l’évolution de son taux d’exportation, passant de 12,3 % 23,8 % sur la même période (8). Dans le cadre de la présente étude sectorielle, nous analyserons, dans un premier temps, les principales caractéristiques des industries mécaniques et métallurgiques à partir de l’évolution des indicateurs-clés du secteur, dans un deuxième temps, nous présenterons les principaux facteurs de changement des IMM, dont on distinguera classiquement les facteurs externes et les facteurs internes. Enfin, une attention particulière sera accordée aux capacités émergentes du secteur à la base d’une analyse SWOT. 1. Principales caractéristiques du secteur Les principaux repères historiques ont permis de situer les industries mécaniques et métallurgiques dans la longue histoire productive du Maroc. Ainsi, les secteurs d’anciennes spécialisations et les secteurs de nouvelles spécialisations sont clairement distingués. Aujourd’hui, les IMM jouent un rôle stratégique dans l’industrie nationale à travers notamment la fabrication de biens d’équipement et la mise en place d’infrastructures industrielles. De ce fait, l’étude des principaux indicateurs de performance des entreprises 7. Fejjal A. (1986), « Industrie et industrialisation à Fès », Méditerranée, p. 63-74. 8. Chiffre du Ministère de l’Économie et des Finances, 2019. 146 Profils sectoriels et émergence industrielle du secteur et l’analyse de leur évolution permettent de produire un retour critique sur la mise en place de cette impulsion politique et sur ses retombées à plus ou moins court terme. 1.1. Une industrie à haute valeur ajoutée avec un faible degré de transformation La valeur ajoutée dans le secteur des industries métallurgiques et mécaniques s’est inscrite dans une tendance haussière sur la période 20002017, pour atteindre environ les 38 milliards de dirhams en 2017, soit un niveau deux fois supérieur à celui des années 2000, grâce à une demande croissante et à une intégration plus profonde dans la chaîne de valeur mondiale. 17 16 20 20 15 14 20 13 20 20 12 11 20 10 20 20 09 08 20 07 20 06 20 05 20 04 20 03 20 02 20 01 20 20 20 00 Graphique 1 Évolution de la valeur ajoutée du secteur sur la période 2000-2017 (en millions de dirhams) Source : Calculs des auteurs à partir des données du ministère de l’Industrie et du Commerce et du ministère de l’Économie et des Finances. Le taux de transformation, représentant la part de la valeur ajoutée dans la production, a enregistré une baisse depuis les années 2000. Il est passé de 31,6 % en 2000 à 19,03 % en 2016 (9), ce qui montre clairement que le secteur des IMM produit plus mais génère moins de valeur ajoutée. Cette progression insuffisante de la valeur ajoutée dans le secteur découle des contraintes pesant toujours sur la productivité et qui sont en relation, entre autres, avec l’environnement économique des entreprises, notamment le coût des facteurs de production (capital humain, financement, infrastructures 9. DEPF (2019), « Tableau de bord sectoriel de l’économie marocaine ». Mécanique et métallurgie 147 et matières premières), le contexte institutionnel de l’investissement et les conditions macroéconomiques vis-à-vis du secteur. Le graphique ci-dessous illustre l’évolution de ce ratio entre 2000 et 2016, période qui a vu la mise en œuvre des stratégies industrielles. 16 20 15 14 20 13 20 20 12 11 20 10 20 20 09 08 20 07 20 06 20 20 05 04 20 03 20 20 02 01 20 20 20 00 Graphique 2 Évolution de la part de la valeur ajoutée dans la production (en %) Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF 2019. Bien que les nouvelles approches industrielles adoptées – le plan Émergence I en 2005 suivi du Pacte national pour l’émergence industrielle lancé en 2009 et du Plan d’accélération industrielle 2014-2020 – aient dynamisé le secteur industriel, en particulier les MMM, elles n’ont pas induit les changements structurels attendus en termes de création substantielle de valeur ajoutée et d’emploi. 1.2. Un recul relatif en termes de production et d’investissement Au cours de la période 2000-2007, l’indice de la production industrielle des IMM (base 1998) a connu une progression annuelle moyenne de 0,6 %, passant de 4,9 % à 8,3 % en 2007 grâce, notamment, à l’amélioration du potentiel des exportations et à l’évolution positive du niveau des investissements spécifiques à ce secteur (10). Cependant, la récession mondiale a eu un impact négatif sur les IMM, entraînant une diminution significative de l’indice de la production. En effet, depuis 2007, cet indice est beaucoup plus volatil, accusant des diminutions plus marquées résultant, en partie, du taux d’effort à l’investissement dans ce secteur. 10. DEPF, 2019. 148 Profils sectoriels et émergence industrielle 16 17 20 15 20 14 20 13 20 12 20 11 20 10 20 09 20 08 20 07 20 06 20 05 20 04 20 03 20 02 20 01 20 20 20 00 Graphique 3 Évolution de l’indice de production du secteur (2000-2017) Source : DEPF 2019 (base 100 = 1998). Les IMM ont connu une certaine progression de leurs niveaux d’investissement au cours de la période 2007-2011, atteignant un taux d’effort à l’investissement de 65,5 % en 2011 grâce au lancement du Plan Émergence en 2009. Toutefois, à partir de 2011, l’effort à l’investissement a nettement fléchi pour stagner à un taux moyen de 12,7 % depuis 2014, malgré les efforts de relance (Plan d’accélération industrielle 2014-2020). Si le secteur des IMM joue un rôle majeur dans l’industrie marocaine, il a décliné en raison de sa fragilité structurelle et de la conjoncture mondiale défavorable. 16 20 15 14 20 13 20 20 12 20 11 20 10 20 09 20 08 20 07 20 06 20 05 20 04 20 03 02 20 20 01 20 20 00 Graphique 4 Évolution du taux d’effort à l’investissement dans les IMM (2000-2016) Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF, 2019. Cette évolution mitigée de l’investissement industriel, plus particulièrement dans les IMM, s’explique, en grande partie, par des contraintes d’ordre structurel qui continuent à handicaper le développement industriel, tels les obstacles Mécanique et métallurgie 149 relatifs au foncier, à la concurrence, au financement et au fonctionnement de la justice. 1.3. Une progression continue des exportations industrielles Dans le secteur des IMM, la part des exportations dans la production s’inscrit dans une tendance haussière entre 2000 et 2016, à un rythme accéléré avec le lancement du plan d’accélération industrielle (2014-2020), passant d’un taux moyen de 12,7 % entre 2000 et 2007 à 23,8 % entre 2008 et 2016 (11). 16 15 20 14 20 20 13 12 20 11 20 10 20 09 20 08 20 07 20 20 06 05 20 04 20 20 03 02 20 01 20 20 20 00 Graphique 5 Évolution de la part des exportations dans la production (en %) Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF, 2019. En effet, depuis les années 2000, le Maroc a multiplié les politiques de développement industriel, : promotion des exportations, sous-traitance internationale, adoption de nouveaux choix politiques, à l’image de l’émergence des Métiers mondiaux du Maroc (MMM) à haute valeur ajoutée, dans le but de créer une base industrielle nationale solide capable de soutenir la concurrence, au niveau national et à l’international. 1.4. Un secteur dynamique en termes de création d’emplois industriels Le comportement de l’emploi dans le secteur des IMM affiche une progression régulière au cours de la période 2000-2016. Le graphique ci-dessous met en relief la tendance haussière de cet indicateur depuis les années 2000, avec 11. DEPF, 2019. 150 Profils sectoriels et émergence industrielle une évolution plus importante depuis le lancement du premier plan Émergence en 2005, du Pacte national pour l’émergence en 2009 et du Plan d’accélération industrielle en 2014. Durant les dix dernières années (2007-2016), 124 696 emplois permanents ont été créés en moyenne annuelle dans le secteur des IMM. Parmi les branches dynamiques figurent la métallurgie et le travail des métaux qui en ont créé plus de 82 % (ministère de l’Industrie). Graphique 6 16 20 15 14 20 13 20 12 20 11 20 20 10 09 20 08 20 07 20 06 20 05 20 04 20 03 20 20 02 01 20 20 20 00 Évolution annuelle de l’emploi du secteur (2000-2016) Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF, 2019. 1.5. Une amélioration limitée de la productivité apparente du travail Ce ratio, défini comme la valeur ajoutée par rapport aux effectifs (VA/ effectif ), permet de mesurer la productivité apparente du travail et qui dépend, entre autres, de l’efficacité de la gestion, de la différence d’intensité capitalistique, des processus de production et de la situation concurrentielle. Depuis les années 2000, le comportement de la productivité apparente du travail dans le secteur des IMM se caractérise par un comportement cyclique, en dents de scie, ce qui pose de façon récurrente la problématique de création-destruction de l’emploi dans ce secteur et invite à distinguer les branches du secteur qui contribuent à la création d’emplois et celles qui en perdent. Le secteur des IMM a connu une certaine progression de sa productivité apparente entre 2000 et 2017, passant de 125 600 millions de dirhams en 2000 à 172 300 millions en 2017, avec un pic enregistré en 2008 de plus de Mécanique et métallurgie 151 192 000 millions de dirhams dû, en partie, au dynamisme enregistré dans la branche « fabrication d’éléments de métal pour la construction ». 16 15 20 14 20 13 20 20 12 11 20 10 20 09 20 08 20 20 07 06 20 05 20 04 20 03 20 02 20 01 20 20 20 00 Graphique 7 Évolution de la productivité apparente du travail (2000-2016) (en milliers de dirhams) Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF, 2019. 2. Principaux facteurs de changement Le Maroc a affiché ces dernières années un développement sous-tendu par l’industrie représentant 17 % du PIB. Ce secteur a bénéficié de politiques volontaristes : le Plan Émergence, le Pacte national pour l’émergence industrielle et le Plan d’accélération industrielle. Parmi les neuf secteurs considérés comme stratégiques par ces plans, ceux de l’automobile et de l’aéronautique font largement appel à la sous-traitance industrielle et, en particulier, à l’industrie mécanique, métallurgique et électronique. Avec l’arrivée au Maroc d’opérateurs attirés tant par la faiblesse des coûts de production que par les avantages logistiques liés à la proximité de l’Europe, les activités de sous-traitance mécanique et métallurgique, qui concernent aussi l’industrie ferroviaire et les activités liées au BTP, se sont particulièrement développées au cours des dernières années. Aussi, en dépit de la baisse conjoncturelle des commandes et de la concurrence étrangère croissante, le marché de l’industrie mécanique et métallurgique constitue l’un des moteurs du développement industriel du Maroc et offre des relais de croissance aux sociétés étrangères, notamment françaises. Dans ce contexte, l’industrie mécanique et métallurgique a acquis une place importante dans le tissu industriel marocain. En effet, outre son rôle stratégique de pourvoyeur de biens d’équipement pour l’économie nationale et de leur 152 Profils sectoriels et émergence industrielle maintenance, il contribue considérablement au renforcement de l’infrastructure industrielle du pays. Ce secteur a même pu renforcer sa position par rapport au secteur des IAA et des ICP qui constituaient l’apanage historique de l’industrie marocaine. Tableau 1 Évolution de la production industrielle par grand secteur 2001-2016 (en %) Grand 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 secteur IAA 33 32 33 32 29 27 28 ITC 15 15 15 14 12 11 10 9 9 8 7 7 6 6 6 7 ICP 37 37 35 37 38 40 39 41 36 41 45 45 42 41 35 31 IMM 11 11 11 11 15 15 15 17 16 15 15 14 17 18 22 24 IEE 4 5 6 6 6 7 8 6 7 7 7 7 8 8 9 9 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 Total 27 32 29 26 27 27 27 28 29 Sources : calcul des auteurs, données de l’HCP, le Maroc en chiffres (2003-2018). 2.1. Un changement de structure Grâce à leur dynamisme, leur richesse et la diversité de leurs activités et métiers, les IMM interviennent dans le cadre des programmes structurants du pays. Elles contribuent notamment à la conception et à la réalisation des infrastructures routières et des moyens de transport, des unités industrielles et de leur équipement, de projets dans le BTP et l’énergie, etc. Le Maroc a adopté une vision stratégique sur cinq ans articulée en deux phases principales : – 2012-2015 : développer prioritairement les marchés traditionnels (les pays du Maghreb (Algérie, Tunisie) et l’Afrique subsaharienne) et la soustraitance (France, Espagne, Portugal, UEBL). – 2015-2017 : diversifier l’offre et les marchés d’exportation en développant la position du Maroc sur des marchés atypiques déjà adressés par le pays (Russie, Turquie) et sur des marchés de taille importante encore sous-exploités (USA, Allemagne, Royaume-Uni, Émirats Arabes Unis). Les efforts déployés par le Maroc pour promouvoir l’investissement ont été couronnés par le développement d’un tissu industriel assez large dans les secteurs de la sidérurgie, de l’automobile et de l’aéronautique, favorisant ainsi l’émergence des industries mécaniques et métallurgiques liées à ces secteurs d’activités. De même, l’expansion des secteurs du naval, du ferroviaire, du BTP Mécanique et métallurgie 153 et des énergies renouvelables constituent un important facteur de croissance et de progrès que devront exploiter les filières concernées des IMM. A titre d’illustration, avec la volonté du Maroc de développer les énergies renouvelables (programmes de parcs éoliens et de centrales solaires), plusieurs projets d’envergure sont engagés, présentant un grand potentiel de développement pour le secteur de la sous-traitance mécanique et métallurgique. Parallèlement à une conjoncture aéronautique mondiale très favorable qui offre au Maroc des opportunités remarquables, la bonne performance du secteur aéronautique national est le résultat de la mise en œuvre de chantiers importants dans le cadre de l’opérationnalisation du Pacte national d’émergence industrielle. Ces chantiers concernent, notamment, le lancement effectif de l’aéropôle de Nouaceur et de la plateforme industrielle intégrée MidParc dédiée aux métiers de l’aéronautique, de l’industrie spatiale et de l’électronique embarquée. Ces chantiers ont permis de positionner le Maroc sur la carte aéronautique mondiale grâce à l’existence d’une base industrielle crédibilisée par la présence de groupes de référence tels que Safran, EADS, Zodiac Aerospace, Matis (Boeing) et Bombardier. Cette orientation s’est traduite par un développement très soutenu des performances du secteur ces dernières années en dépit du contexte de la crise économique mondiale. Ainsi, le secteur de la mécanique a connu un changement important de sa structure. L’aéronautique représente désormais 38 %, en moyenne sur la période 2007-2014 (graphique 8) des exportations marocaines de la mécanique, contre 14 % au cours de la période 2000-2006. En revanche, la quincaillerie a affiché une baisse de son poids de 41 % à 26 % des exportations du secteur entre les deux périodes. Toutefois, le Maroc subit les fluctuations du marché mondial. A l’instar des pays à forte industrie sidérurgique, la sidérurgie nationale fait face aux mêmes menaces qu’en Europe ou encore aux États-Unis. En effet, l’acier est une matière nécessaire dans la fabrication de la quasi-totalité des produits de la vie quotidienne et dans tous les secteurs. La sidérurgie nationale accompagne les grands programmes de construction et d’infrastructure engagés ces dernières années, avec un investissement cumulé de plus de 13,3 milliards de dirhams. La filière représente, en 2017, plus de 4 000 emplois directs, avec une capacité de production de plus de 5 millions de tonnes en laminage et plus de 2,5 millions de tonnes en aciérie qui couvrent largement les besoins du pays (12). 12. Association des sidérurgistes marocains (ASM), l’Actualité du secteur, n° 2, avril-juin 2017. 154 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 8 Structure du secteur de la mécanique par catégories de produits (en %) Matériel agricole Machines-outils Machines spécialisées Navires Matériel BTP Moteurs Ouvrages métalliques Quincaillerie Aéronautique et espace Source : DEPF, 2016 (13). Le marché marocain de l’acier long pèse près de 1,6 million de tonnes par an, dont environ 15 % à 20 % sont importées. Le Maroc a connu une augmentation fulgurante de ses importations entre 2012 et 2014, expliquée en partie par la persistance de la crise économique et financière de certains pays de l’Europe du Sud et qui est fortement liée à la crise du secteur immobilier dans ces pays. La baisse de la consommation locale d’acier en Espagne et au Portugal a contraint les producteurs de ces deux pays à exporter en masse pour maintenir le taux d’utilisation de leurs capacités de production à un niveau viable. Cette situation a entraîné des difficultés d’écoulement de la production « Made in Morocco » sur le marché local, sachant que la capacité de production des opérateurs locaux couvre largement les besoins du Maroc en acier et est en mesure de répondre à la demande en volume et aux exigences de qualité et réglementaires du pays à l’horizon 2020-2025. En effet, la consommation nationale d’acier reste faible comparée à celles des pays voisins de la région, elle avoisine 53 kilos par habitant en 2015, contre 159 en Algérie, 114 en Égypte, 400 en Turquie et 300 en moyenne en Europe. La dynamique de la demande s’explique par celle de l’économie et aussi par les perspectives d’évolution sectorielles. Au niveau mondial, 78 % de la production d’acier sont destinés à trois secteurs d’activité : la construction (52 %), l’automobile (12 %) et la mécanique (14 %) (14). 13. DEPF, Décomposition de la compétitivité structurelle du Maroc : marges intensives et extensives de nos exportations, n° spécial, mars 2016. 14. ASM, 2017. Mécanique et métallurgie 155 Par ailleurs, le Pacte national pour l’émergence industrielle 2014-2020 vise à accroître de 1,6 point par an le produit intérieur brut (PIB) et à mettre à niveau, moderniser et renforcer la compétitivité du secteur industriel, à travers le ciblage des secteurs stratégiques. Le développement des secteurs connexes au secteur de la sidérurgie justifie, entre autres, cette prévision d’augmentation de la demande nationale pour les années à venir. A titre d’illustration, le secteur de l’automobile, parmi les secteurs consommateurs d’acier, produit en 2017 plus de 400 000 véhicules par an et vise plus de 650 000 véhicules à horizon 2020 (15). 2.2. Une volonté affichée des pouvoirs publics et des associations actives dans le secteur… Les IMM se retrouvent dans tous les secteurs industriels, de l’automobile à l’aéronautique en passant par l’agro-alimentaire… Elles constituent une activité en pleine évolution, malgré certaines difficultés rencontrées par les professionnels, notamment quant aux matières premières. D’où le rôle de la FIMME qui œuvre pour la mise à niveau du secteur. Créée en 1951, la Fédération des industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques (FIMME) œuvre pour la promotion et le développement des IMME, sert ses adhérents, défend leurs intérêts, contribue à l’évolution constructive des réglementations et promeut le secteur dans sa globalité. La FIMME est constituée de trois unions regroupant chacune un ensemble d’associations. Ces unions correspondent chacune à une branche de métiers (16). L’industrie mécanique et métallurgique, en qualité d’industrie industrialisante, est un secteur hautement stratégique. Elle est considérée comme un maillon essentiel de la chaîne d’approvisionnement manufacturière, fournisseur et sous-traitant pour de multiples marchés applicatifs. De ce fait, les IMM ne peuvent que bénéficier des stratégies nationales en faveur de ces marchés. Dans le cadre du contrat de performance signé le 2 mai 2016, l’État s’est engagé à actionner les leviers du Plan d’accélération industrielle (PAI) en faveur des IMM. Il s’agit de l’appui financier du Fonds de développement 15. Neuf conventions ont été signées entre les investisseurs et les pouvoirs publics à l’occasion des Auto-motive Meetings Tanger Med, Congrès de l’industrie automobile marocaine, novembre 2016 (ASM, 2017). 16. Bilan d’activité 2011-2012, FIMME, CERIMME (Centre d’études et de recherches des industries métallurgiques, mécaniques, électriques et électroniques). 156 Profils sectoriels et émergence industrielle industriel et des investissements, à travers les projets de locomotives, ainsi que les programmes de Maroc PME, notamment Imtiaz Croissance (17). De son côté, la FIMME s’est engagé, à l’horizon 2020, à créer 13 340 emplois, à atteindre 1,7 milliard de dirhams de valeur ajoutée additionnelle et à améliorer la balance commerciale de 2,3 milliards de dirhams. Les investissements attendus se chiffrent à près de 2 milliards de dirhams (18). Par ailleurs, la disponibilité et la qualité des ressources humaines conditionnent l’attractivité de la destination Maroc et contribuent au renforcement de la productivité des entreprises et à l’amélioration de leur compétitivité. Ainsi, la formation des ressources humaines est un chantier stratégique du PAI 2014-2020, qui a pour objectif de répondre aux besoins en compétence des écosystèmes mis en place. Une cartographie précise des besoins en formation – avec une quantification des besoins en ressources humaines par secteur, par profil, par région et par année – a été mise en place pour permettre l’élaboration d’un plan national de formation (19). Tableau 2 Besoins en formation pour les contrats de performance signés à fin mai 2017 Cadres/ingénieurs 2018 2019 2020 121 146 183 Total 450 20 890 Opérateurs 5 579 6 853 8 458 Techniciens 1 003 1 237 1 547 3 787 IMME 4 160 2 864 2 464 9 487 Source : extrait de la liste des besoins en formation, MCINET. 2.3. … traduite par la mise en place des écosystèmes Le Plan d’accélération industrielle 2014-2020 a introduit une nouvelle approche fondée sur la mise en place des écosystèmes industriels, dont l’idée centrale est de renforcer l’intégration sectorielle, d’augmenter les investissements et de favoriser les partenariats entre les leaders des secteurs industriels et les TPME. Plus concrètement, l’idée est de fédérer les groupes d’entreprises autours des leaders porteurs de l’écosystème, que ce soit 17. Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique (www.mcinet.gov.ma) 18. www.fimme.org 19. MCINET (www.mcinet.gov.ma). Mécanique et métallurgie 157 des groupes industriels, des investisseurs étrangers ou des groupements professionnels. Le tissu des IMM est composé en majorité de PME. Aussi l’État s’estil engagé à leur apporter un soutien à travers des écosystèmes fondés sur des contrats de performance entre les différents partenaires. Au total, cinq écosystèmes émergent, démontrant le grand potentiel d’industrialisation (20). L’écosystème « travail des métaux » concerne le cuivre et l’aluminium. Il couvre des activités comme la chaudronnerie, l’emboutissage ou encore l’estampage. Cet écosystème vise notamment à renforcer l’outil industriel et l’expertise technologique des PME pour les accompagner vers de nouveaux marchés. Son objectif est de créer plus de 2 500 emplois, plus de 540 millions de valeur ajoutée et un chiffre d’affaires additionnel de 2 milliards de dirhams. Les investissements prévus avoisinent 600 millions de dirhams (21). L’écosystème « nouveaux métiers » vise à élargir les perspectives sur le marché national et à l’export, en initiant et renforçant deux segments d’activité : les machines agricoles et les bicyclettes. L’État vise également à réorienter la subvention à l’équipement des agriculteurs vers la production locale. Cet écosystème devra générer plus de 4 480 emplois additionnels, plus de 615 millions de dirhams de valeur ajoutée et un chiffre d’affaires supplémentaire de 2,65 milliards de dirhams. Côté investissement, 645 millions de dirhams seront dédiés aux machines agricoles et 300 millions à la filière bicyclette (22). L’écosystème « valorisation des métaux » projette d’intégrer en profondeur l’industrie et de réorienter les déchets de cuivre et d’aluminium vers les marchés applicatifs, comme le câblage automobile et aéronautique. Un secteur qui devra employer à l’horizon 2020 plus de 6 000 personnes, générer plus de 550 millions de dirhams et réaliser un chiffre d’affaires additionnel de 6,4 milliards de dirhams. Les investissements prévus s’élèvent à près de 425 millions de dirhams (23). Pour l’écosystème « industrie navale » lancé le 13 juin 2017, les industriels se sont engagés à créer plus de 3 200 emplois dont 1100 indirects. Parmi les objectifs fixés figurent la création de plus de 600 millions de dirhams 20. Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique (www.mcinet.gov.ma) 21. Ibid. 22. Ibid. 23. Ibid. 158 Profils sectoriels et émergence industrielle de valeur ajoutée et plus de 1,6 milliard de dirhams de chiffre d’affaires additionnel. L’investissement prévu s’élève à 140 millions de dirhams dédiés à la création de superstructures. L’écosystème « ferroviaire » accuse du retard. Sa structuration est en cours de finalisation (24). Toutefois, l’importation reste une menace latente, qui intervient dans un contexte de baisse significative du volumes des ventes. Ainsi, les écosystèmes se sont fixé des objectifs liés à la commercialisation comme le développement des marchés applicatifs des IMM, la croissance de la demande des marchés cibles à l’export pour des produits IMM maîtrisés par l’industrie nationale et la substitution aux produits importés des matières premières locales issues du recyclage (25). Parmi ces objectifs figure notamment l’augmentation du niveau de l’efficience avec les autres secteurs d’activité économique, vu le rôle stratégique des industries mécaniques et métallurgiques dans la chaîne de soustraitance, d’approvisionnement et d’équipement de l’ensemble des branches industrielles. Ainsi, les écosystèmes des IMM sont appelés à relever les défis qui se présentent au secteurs, tels la forte concurrence à laquelle sont exposées les entreprises (en raison de la surcapacité de la production mondiale de l’acier), le développement des filières en aval et l’amélioration de la culture de l’innovation et de l’export (26). 3. Les capacités émergentes du secteur Les IMM sont des fournisseurs pour presque tous les autres secteurs. Leurs produits sont utilisés comme intrants dans bien des filières importantes comme le BTP, l’énergie, le génie civil, l’automobile, l’aéronautique, etc. Elles ont renforcé leur position dans le secteur industriel, où leur part est passée d’environ 11 % en 2001 à plus de 20 % en 2018. Cette position a été « boostée » grâce à l’augmentation de leur chiffre d’affaires et de leur valeur ajoutée. Pour autant, les réalisations restent timides malgré les engagements ambitieux des professionnels. Pour sa part, l’État a tenu ses engagements vis-à-vis de ces industries, notamment à travers le Fonds de développement industriel et le soutien aux investissements. Un soutien direct de 277 millions 24. Ibid. 25. www.fimme.org 26. Ibid. Mécanique et métallurgie 159 de dirhams a été octroyé aux investissements engagés par les opérateurs du secteur. Matrice « SWOT » de l’industrie mécanique et métallurgique Forces Faiblesses • Secteur d’activité transversal intervenant dans plusieurs applications industrielles (énergie, autoroute, ferroviaire, BTP, aéronautique, etc.). • Le secteur des IMM occupe la troisième position dans l’industrie après les ICP et les IAA, sachant qu’il a renforcé sa position dans le secteur industriel, passant d’environ 11 % en 2001 à plus de 20 % en 2016. • Développement des exportations vers de nouveaux marchés porteurs : l’Afrique, les États-Unis et les Emirats Arabes Unis. • Domination des branches métallurgie et travail des métaux dans le secteur. • Domination de ces mêmes branches dans les exportations de ce secteur. • Financement de l’État conditionné par les résultats. • Hétérogénéité et diversité des domaines d’activité. • La majorité des entreprises du secteur sont des PME et des TPE. • Baisse de la demande mondiale. • Frais portuaires et coût de transport et de logistique élevés. • Fréquence limitée des lignes maritimes reliant l’Afrique de l’Ouest au Maroc. • Coût élevé de l’énergie et des matières premières. • Absence de relais dans les pays ciblés. • Ressources humaines locales insuffisamment qualifiées. • Exigences croissantes des donneurs d’ordre. • Lourdeur des procédures administratives à l’export, notamment douanières. • Infrastructures portuaires inadaptées. • Manque de mécanismes du financement export. • Manque de valorisation de la R&D. • Manque culture de l’innovation. • Manque d’études d’évaluation de performances au niveau des clusters. • Manque d’évaluation des résultats des plans et stratégies au niveau du ministère de l’Industrie et des organismes de tutelle. Opportunités Menaces • Attractivité des marchés cibles émergents à fort potentiel, notamment l’Afrique. • Synergie potentielle des industriels du secteur des IMM avec les équipementiers automobiles, le secteur de l’aéronautique et du BTP, etc. • Une grande volonté de coopération de l’État et du secteur privé. • Présence agressive des industries chinoises notamment sur le marché africain • Forte concurrence en Europe (notamment de la Tunisie). • Nombre limité de joint-venture avec des sociétés internationales vs Turquie ou Tunisie. • Instabilité géopolitique de certains marchéscibles. • Absence des relais commerciaux au niveau des pays ciblés par les IMM. • Inefficacité du processus de transfert de technologie. • Compétition d’autres pays émergents. • Manque d’intégration réelle des universités. Source : élaboré par les auteurs. 160 Profils sectoriels et émergence industrielle Conclusion : un secteur à haut potentiel mais faiblement exploité Les industries mécaniques et métallurgiques sont un secteur-clé aux externalités positives innombrables pour l’économie marocaine, un secteur fortement capitalistique aux investissements massifs, un secteur employeur avec beaucoup de métiers hautement qualifiés. Il alimente aussi de nombreux autres secteurs importants pour le pays, les infrastructures, les équipements, etc. Ainsi les IMM sont-elles considérées comme une locomotive du développement et de la croissance et peuvent doper les ambitions du Maroc d’être un leader à l’échelle internationale. En outre, le potentiel du secteur est encore loin d’être exploité de manière optimale. En effet, les IMM sont fortement énergivores et donc dépendantes des coûts de l‘énergie. Elles restent en deçà des performances internationales en termes de gestion de la logistique, dont les coûts demeurent élevés et non optimisés. Elles souffrent également du manque de diversification des débouchés, ce qui ralentit leur croissance. Enfin, le point le plus clivant concerne la qualité des produits marocains : des efforts restent à faire pour arriver aux standards internationaux en la matière. Ainsi, les IMM ont un long chemin à parcourir en termes d’investissement, de structuration managériale, de modernisation de l’outil de production, de formation et d’innovation. De ce fait, le secteur nécessite un accompagnement organisé et structuré de la part de l’État. Ce soutien doit se faire à l’export afin d’accroître les débouchés avec la mise en place de programmes et d’une réglementation spécifique, adaptée aux contraintes et aux spécificités du secteur. CHAPITRE 5 Automobile Alain Piveteau Introduction Au début de la décennie en cours, le Maroc fait une entrée remarquée dans le club restreint des pays producteurs d’automobiles. Avec une production de 402 085 véhicules en 2018, multipliée par dix en une décennie, le Maroc se place au deuxième rang des producteurs en Afrique, juste derrière l’Afrique du Sud (610 854), l’Algérie (70 957), l’Égypte puis la Tunisie. A l’échelle des 95 millions de véhicules produits la même année dans une quarantaine de pays, la 28e place du Maroc, soit 0,45 % du marché mondial, peut sembler modeste (1). Mais au regard du processus national d’industrialisation étudié dans le cadre du programme « Made in Morocco », l’émergence de pôles automobiles organisés autour de la présence de constructeurs mondiaux et de leur parc de fournisseurs fait figure de discontinuité industrielle, générée par l’implantation en 2012, près de Tanger à Melloussa, d’une usine d’assemblage Renault d’une capacité initiale de 360 000 véhicules par an (Benadeljlil et al., 2017). Des attentes fortes en termes de production, d’exportation, d’emplois et, in fine, d’approfondissement industriel, sont adossées au développement de l’industrie automobile. Depuis le lancement de la stratégie industrielle d’émergence (2), pour de nombreux commentateurs et analystes de la vie économique marocaine le secteur fait figure, au côté de l’industrie aéronautique, de « plus grand succès de la politique industrielle (3) » ou de « moteur[s] du développement industriel et de l’emploi au Maroc » (Banque mondiale, 2019 : 1. Les données de production par pays – véhicules de tourisme et véhicules utilitaires légers – proviennent de l’Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA, http:// www.oica.net/production-statistics/ consulté le 30 juillet 2019). 2. On regroupe sous cette expression unique le Plan émergence industrielle (2005-2009), le Pacte national pour l’émergence industrielle (PNEI : 2009-2014) et l’actuel Plan d’accélération industrielle (PAI : 2014-2020). Ils traduisent l’impulsion donnée par les pouvoirs politiques centraux à l’industrie à compter de la fin de l’année 2005. 3. L’expression provient du service économique régional de l’Ambassade de France au Maroc dans une note sur le secteur industriel au Maroc (DG Trésor, 2017). 162 Profils sectoriels et émergence industrielle 91). Le changement de profil des exportations marocaines consécutif à la mise en production de l’usine de Melloussa – les véhicules automobiles, plus sophistiqués, passant devant les traditionnelles exportations de phosphates en tant que premier produit exporté – est alors pris à témoin par la littérature académique pour mettre en lumière le potentiel transformateur de l’industrie automobile et de la présence de superstars de l’exportation (Freund et Moran, 2017). Les gouvernements successifs affichent des objectifs ambitieux en la matière, et le secteur enregistre en quelques années une forte croissance des investissements directs étrangers (IDE). L’implantation du groupe Peugeot PSA au Maroc rend compte de cette dynamique sectorielle avec, dans un premier temps, en 2017, la création d’un centre R&D à Casablanca, suivi en 2019 d’une usine en greenfield d’assemblage de moteurs et de véhicules à Kénitra d’une capacité initiale de 90 000 véhicules devant être portée à 200 000 dans les deux années à venir (4). La signature en 2017 d’un protocole d’accord avec le groupe chinois BYD (Build your Dreams) prévoyant l’installation d’une ou plusieurs usines de fabrication de véhicules électriques puis l’ambition d’attirer d’ici 2021 un quatrième constructeur international renforcent l’objectif gouvernemental de doter le pays d’une capacité de production d’un million de véhicules d’ici 2025. Un changement d’échelle qui ferait du pays une plateforme de plus en plus attractive pour des équipementiers internationaux dont les choix de localisation dépendent en partie de la diversification des risques offerte par la présence de plusieurs constructeurs. Dans la version fordiste du capitalisme industriel (5), la production automobile forme le socle de la production industrielle et du rapport salarial, autrement dit du développement économique et de la transformation des modes de mise au travail. Les dérivées de cette centralité continuent d’alimenter le débat post-fordiste sur le développement économique quant à l’aptitude de l’industrie automobile et de son développement national à stimuler, dans la configuration actuelle des chaînes de valeur mondiale (CVM), l’industrialisation des économies en développement (Breuil et Bastide, 2003 ; Kane et Baimbill-Jonhson, 2017). La littérature continue de 4. Cf. Documents de référence du groupe PSA (PSA, 2017 : 153 ; PSA, 2018 : 53). L’usine a été inaugurée le 20 juin 2019 en présence du Roi Mohammed VI. 5. L’expression, popularisée par l’École de la régulation, caractérise le mode de régulation qui a assuré la progression générale et cohérente de l’accumulation du capital pendant les Trente glorieuses – production de masse, consommation de masse, processus auto-entretenu de redistribution des gains de productivité en augmentations de salaires et du pouvoir d’achat (Boyer & Freyssenet, 2000 : 51). Automobile 163 souligner le rôle-clef (key driver) de l’industrie automobile dans la création d’emplois, l’amélioration de la productivité, l’innovation et la transformation structurelle de l’activité économique. Empiriquement pourtant, le débat est loin d’être tranché. Aux succès chinois, thaïlandais, mexicain et turc on oppose les échecs des politiques gouvernementales dans de nombreux pays d’Afrique et aussi en Australie (Barnes, 2017). La difficulté à passer d’une entrée réussie dans les CVM de l’automobile, dominées par un groupe restreint de constructeurs et d’équipementiers mondiaux, au développement effectif d’une industrie automobile central pour le développement économique national reste élevée. Elle requiert, pour être levée, des politiques publiques ajustées aux marchés et au besoin d’accumulation d’actifs technologiques qui contrastent avec une simple stratégie d’attraction et de sécurisation des IDE (Barnes, 2017). C’est la phase cruciale dans laquelle le Maroc semble pouvoir entrer. L’analyse sectorielle proposée dans ce chapitre vise, en premier lieu, à comprendre les origines et la nature de la discontinuité industrielle que représente l’émergence rapide d’une production manufacturière de véhicules automobiles et à discuter de sa portée réelle et potentielle sur le développement économique du pays. On rappellera le rôle déterminant des constructeurs mondiaux et de leurs stratégies de localisation dans la croissance du secteur automobile au sud de la Méditerranée. Cette croissance rapide est due principalement, mais non exclusivement, à l’intégration du Maroc dans le redéploiement spatial et stratégique de l’industrie automobile européenne. On s’appuiera sur les grandeurs statistiques et comptables disponibles pour apprécier le poids et la dynamique relatifs du secteur dans l’ensemble de l’économie. On discutera des effets potentiellement industrialisants de la croissance des activités manufacturières automobiles dans le pays. Les réponses proposées tiendront compte à la fois des conditions externes, à savoir les profondes transformations du secteur automobile en général (6), et des conditions internes, qui restent déterminantes pour organiser l’intégration productive, sociale et territoriale d’une transformation productive originellement exogène. L’hypothèse pivot de la discussion pose logiquement le problème de la complémentarité et de la synchronie entre les conditions externes et internes. En sortant du normativisme néo-institutionnaliste prescrivant inexorablement 6. Changement dans les demandes de mobilité, dans les réponses stratégiques des constructeurs face au risque écologique, « basculement du barycentre de la géographie des marchés et de la production vers les émergents » (Jullien et Smith, 2102), changement dans la nature des produits fabriqués, les technologies utilisées et les rendements exigés des multinationales leaders de la CVM (Barnes, 2017). 164 Profils sectoriels et émergence industrielle la conformation des économies du Sud aux règles présupposées d’un marché global des produits, inexistant dans l’automobile (Jullien et Smith, 2012 : 115), celle-ci soulève en fait une dimension plus complexe de la réussite économique : le rôle de la politique publique nationale pour relever le défi d’une synchronisation favorable au développement. Un premier point (1) rappelle les étapes de la trajectoire du secteur automobile marocain et de la transformation des dispositifs institutionnels qui l’ont accompagnée. L’analyse des statistiques-clefs du secteur (2) permet ensuite de relativiser le poids actuel de la production automobile dans le processus d’industrialisation – ou de désindustrialisation – tout en soulignant le potentiel présent. Le point (3) s’attarde sur les forces et faiblesses du positionnement à l’export de l’industrie automobile marocaine et sur l’enjeu de l’intégration locale. Enfin, le point conclusif (4) reprend sous forme de synthèse les perspectives et enjeux du développement du secteur automobile au Maroc. 1. Autonomie et dépendance : du rêve national étatique à l’intégration aux marchés centraux, le rôle des constructeurs mondiaux Les grandes séquences de la trajectoire du secteur automobile sont suffisamment documentées pour être résumées rapidement (Bachirat et al., 2006 ; Lung et Layan, 2008 ; Amal Maâninou, 2009 ; El Issaoui, 2015 ; Benabdeljlil et al., 2017), ce que nous proposons dans la figure 1 avec quelques raccourcis assumés. Trois phases rythment l’histoire d’un secteur en pleine transformation. Chacune de ces phases est marquée par la nature de la relation établie entre les grands constructeurs européens, l’État et la politique industrielle. Si cette relation varie dans le temps, une constante se détache : le rôle surdéterminant des constructeurs occidentaux et de leurs stratégies d’internationalisation, de délocalisation et de sourcing sur la dynamique du secteur automobile au Maroc. 1.1. Genèse étatique ou l’automobile au cœur du projet industriel L’approche de l’État marocain est de dimension sectorielle là où d’autres pays de la sous-région, à l’image du voisin tunisien, ont adopté très tôt une stratégie ciblée sur quelques activités très précises (Lung et Layan, 2008 : 11). La première phase démarre à la fin des années 50. Elle s’organise autour du site d’assemblage de la SOMACA (Société marocaine de constructions automobiles), produit des toute premières politiques industrielles volontaristes Automobile 165 du Maroc (Piveteau et al., volume 1 de cet ouvrage) (7). Le secteur automobile participe alors d’une stratégie industrielle volontariste qui cherche à substituer aux importations de véhicules particuliers l’assemblage local de modèles destinés au marché national puis à développer, en appui à cette activité, un réseau de fournisseurs marocains de composants automobiles (8) censé contribuer significativement au noircissement de la matrice des échanges inter-industriels. Figure 1 Les grandes étapes du secteur automobile au Maroc SOMACA Usine d’assemblage Casablanca (État) Appel d’offres gouvernemental, Production voiture économique, Fiat Auto Renault actionnaire de la SOMACA Production Dacia Privatisation de la SOMACA AMICA 1959 1974 Loi 10-81 d’intégrationcompensation 1982 Implantation 1ers Retrait de équipementiers Fiat de la internationaux SOMACA Tanger Fin contrat Autorisation voiture importation éco véhicules neufs (CBU) TFZ 1994 1996 Renault usine de production de Melloussa Démarrage RenaultNissan Annonce Implantation usine Tanger 2000 2003 2005 1res export. Logan Peugeot usine de production véhicules + moteurs, Kénitra Inauguration Accord BYD Accord PSA Gvt. GEPAM TAC / AFZ 2007 2011-2012 2015 2017 2019 Essor et diffusion sur le littoral Bipolarisation Maquiladorisation au Nord (Tanger) " développement d’une sousPôle casablancais Site d’assemblage pour le marché domestique (CKD), accords de licence avec Fiat et Renault + Tentative de développement d’un tissu d’équipementiers autour de la SOMACA traitance pour les marchés centraux européens (dont câblage) + Réorientation du pôle casablancais autour de Renault Essor du pôle tangérois autour de l’usine Renault (Melloussa) et d’équipementiers internationaux (rang 1) + Emergence d’un troisième pôle auto à Kénitra avec l’usine Peugeot (assemblage et moteur) Source : auteur. Un tel développement va être empêché par l’étroitesse du marché national (faible taux de motorisation), la trop grande multiplicité des marques assemblées et le surcoût « considérable » de l’assemblage local par rapport aux véhicules 7. Le Bureau d’études et de participation industrielle en détient 40 %. Bras financier de l’État développeur, il est, au côté de Fiat (20 %), Simca (20 %) et de porteurs privés marocains (20 %), à l’initiative de la création de la SOMACA et de l’installation, près de Casablanca, de la toute première usine de montage de véhicules personnels à destination du marché national dont l’activité démarre en 1962 (cf. le Monde diplomatique, juin 1962, p. 15). 8. Principalement des batteries, pneus, glaces, sièges, radiateurs, équipements électriques, etc., des produits peu sophistiqués. 166 Profils sectoriels et émergence industrielle importés (Bachirat et al., 2006 : 159-160). A défaut, la préservation de l’outil de production qu’est devenue la SOMACA, premier objectif affiché de la politique publique sectorielle, entraîne un changement d’orientation traduit par la loi 10/81 d’intégration-compensation. Cette dernière favorise les exportations sous condition d’intégration locale renforcée. Des fournisseurs marocains, comme Tuyauto ou Sinfa dont il sera question par la suite, établissent à cette occasion des coopérations techniques avec des producteurs internationaux de composants. Mais globalement, les sous-traitants marocains installés à proximité de la SOMACA peinent à se développer dans cette direction. Ils restent majoritairement orientés sur les produits initiaux et marchés nationaux. Si la création de l’AMICA (9) en 1974 atteste de la structuration et de l’institution du secteur, la vision des autorités marocaines d’une industrie nationale intégrée autour de la SOMACA ne se traduit pas dans les faits. 1.2. Bifurcation marchande ou le site marocain pris dans les intérêts et contraintes d’un secteur mondialisé L’échec du programme « véhicules économiques » lancé en 1994 par le gouvernement marocain et confié à Fiat fragilise la SOMACA et ses fournisseurs et contribue à mettre fin à la logique autocentrée du secteur incarnée par le pôle casablancais (Lung et Layan, 2008 ; Bachirat, 2006). Dès 1997, le constructeur italien avait fait le choix du global sourcing au détriment de l’intégration locale, les fournisseurs marocains se repliant sur les marchés protégés de la rechange (Bachirat, 2006). Dans le contexte général de l’ouverture du marché national et de la libéralisation économique des années 90 qui se traduit, au plan sectoriel, par l’autorisation de l’importation de voitures montées neuves (CBU) et par la réduction des droits de douane, l’exportation de composants automobiles vers les marchés centraux européens va se développer. Cette sous-traitance internationale s’ancre prioritairement sur Tanger. Elle est le fait d’équipementiers internationaux qui choisissent, à la fin années 90, de délocaliser une partie de leur production pour faire face au rattrapage des coûts salariaux dans la péninsule ibérique. Dans ce contexte d’internationalisation et de nouvelle stratégie de localisation des fournisseurs, la « quasi-contiguïté » du Maroc et du sud de l’Europe devient un avantage compétitif significatif. Il est activé au début de la décennie 2000, après que la démonstration a été faite par Delphi, premier équipementier international 9. Association marocaine de l’industrie et du commerce automobile devenue, fin 2017, l’Association marocaine de l’industrie et de la construction automobile ; elle accompagne aujourd’hui 200 entreprises du secteur. Automobile 167 à implanter une usine d’assemblage de faisceaux à Tanger (Layan et Lung, 2008), qu’un investissement d’ancrage est possible. Les mesures fiscales visant à promouvoir le développement économique du Nord amplifient l’attractivité du territoire septentrional. Les investissements étrangers dans la fabrication des faisceaux et de câbles intensive en travail peu qualifié et féminin se multiplient. La création de Tanger Free Zone (TFZ) en 2000 à Gzenaya, à l’entrée de la ville, accompagne et consolide cette « maquiladorisation » de l’industrie automobile au nord du pays. Le rêve premier d’une industrie nationale servant les besoins domestiques laisse place à une stratégie d’exportation de composants sur les marchés centraux européens adossée à une politique d’attraction des IDE. La « zone franche » devient, au côté d’autres dispositifs fiscaux et d’aide avantageux, l’outil privilégié d’une promotion publique proactive de cette stratégie de développement de la soustraitance pour les constructeurs européens. L’implantation en zone franche d’une usine greenfield de production et d’exportation de véhicules de la gamme Entry par Renault, cinq ans après que le constructeur français ait fait de la SOMACA une de ses filiales de montage de la Logan, va profondément modifier la donne sectorielle. Au sourcing low cost en composants, seule spécialisation d’avenir envisagée par le cabinet McKinsey à l’origine du plan Émergence (Piveteau et Rougier, 2011), s’ajoute la construction de véhicules pour les marchés centraux. A Melloussa, contrairement au site de Casablanca (10), les véhicules de marque Dacia sont produits « à partir de zéro ». La capacité de production de l’usine de 360 000 véhicules par an fait figure de discontinuité productive au sein du secteur automobile marocain. En très peu de temps, elle entraîne dans son sillage l’implantation d’une vingtaine d’équipementiers internationaux de rang 1 (Benabdeljlil et al., 2016). Cette seconde bifurcation sectorielle procède de circonstances externes favorables et « chanceuses » (Freund et Moran, 2017). Elles tiennent principalement à la stratégie d’internationalisation de Renault confrontée, d’un côté, au succès commercial inattendu de la gamme Entry sur les marchés centraux – une gamme initialement pensée pour les marchés émergents (Jullien, Lung et Midler, 2012) – et, de l’autre, aux contraintes de compétitivité du site roumain de Pitesti confronté à une pression à la hausse des salaires (11). Ces deux facteurs combinés conduisent le constructeur à 10. De faible volume – environ 15 000 véhicules par an en 2010 –, l’usine ne possède pas d’atelier d’emboutissage et procède par assemblage de kits démontés (CKD) en partie importés. 11. Augmentation de 26 % des coûts salariaux pour Renault entre 2010 et 2013 (cf. M. Amiot, les Échos, 5 mai 2015). 168 Profils sectoriels et émergence industrielle positionner Tanger comme lieu d’approvisionnement du marché européen (Benabdeljlil et al., 2016). L’implantation d’une usine Renault doit aussi aux mesures concrètes et fortes de l’État marocain aux plans foncier, financier, fiscal, logistique, des transports et de la formation professionnelle qui couvrent une partie significative du risque lié aux coûts de découverte, pris par les « précurseurs » (Hausmann et Rodrik, 2003) (12). La politique industrielle, devenue quasi assurantielle pour des investisseurs en recherche de nouvelles périphéries productives compétitives à intégrer dans leurs réseaux mondiaux de production, repose sur la mise en place de partenariats public-privé, la fourniture d’infrastructures, la mise à disposition d’une main-d’œuvre formée et à bas coût et la promesse de stabilité économique et politique. 1.3. Logique d’agglomération ou d’attraction, l’accompagnement et la sécurisation des investissements étrangers pour politique sectorielle L’investissement de Renault opère donc comme un investissement d’ancrage démonstratif sur lequel la politique publique sectorielle cherche dorénavant à capitaliser. On peut sans grand risque suggérer qu’un tel effet de démonstration a pleinement joué dans la décision d’implantation de Peugeot. Quatre ans après la signature d’un protocole d’accord avec le gouvernement marocain, le constructeur ouvre une usine de production d’une capacité à terme de 200 000 véhicules et d’assemblage de moteurs dans la zone franche de Kénitra. En juillet 2017, Peugeot installait un centre R&D à Casablanca, « en charge du développement de projets véhicules et organes (Reskin, mivie et vie série) et d’accompagner le développement du groupe PSA dans la région DMOA. À fin 2018, les effectifs du MTC (Morocco Technical Center) [étaient] de 329 collaborateurs ». Le premier véhicule sorti de l’usine de Kénitra est la nouvelle Peugeot 208, dans des modèles d’entrée de gamme à destination des marchés européens. L’usine reçoit la plateforme modulaire CMP (Common Modular Plateform) dédiée à ses modèles du segment B et pouvant accueillir, moyennant quelques adaptations, aussi bien des blocs thermiques que des modèles électriques (13), même si, pour l’instant, seuls des moteurs thermiques sont montés. Elle entre pleinement dans la stratégie accélérée d’internationalisation de PSA (ventes et production). Présentée 12. Ces différentes mesures auxquelles il convient d’ajouter la mise à disposition d’infrastructures de standard international comme le port en eau profonde Tanger Med mis en service en 2007, sont listées et décrites dans Benadeljlil et al. (2016 : 4). 13. Cf. https://www.automobile-magazine.fr/toute-l-actualite/article/25696-lusine-psa-dekenitra-debute-la-production-de-la-nouvelle-208, Usine Nouvelle, 24/06/2019. Automobile 169 par la direction du groupe comme un outil de reconquête des marchés africains et moyen-orientaux mis en difficulté par l’arrêt du partenariat avec l’Iran, elle vient en fait, à l’image de Renault en Roumanie, redonner des marges de compétitivité aux véhicules du segment B des marques Peugeot et Citroën destinés aux marchés centraux européens, le site slovaque de Trnava initialement envisagé pour cette délocalisation arrivant à saturation et devant tenir compte d’une pression salariale à la hausse (14). Face à cette conjoncture mondiale, la politique publique marocaine a fait le choix de faciliter et d’accompagner le processus de « délocalisation des constructeurs européens à la recherche de facteurs de production à bas coûts » (Pairault, 2018). Le contrat de programme du PNEI (2009-2015) envisage ainsi le développement du secteur automobile sur les deux fronts, sourcing et construction avec l’arrivée d’un nouveau constructeur. Il organise pour cela le développement de parcs industriels de nouvelle génération, dits P2i, dont deux bénéficient du statut de zone franche destinée à l’accueil des IDE dans l’automobile : Tanger Automative City (TAC), 300 hectares près de l’usine Renault, et Kenitra Automative City, devenue Atlantic Free Zone (AFZ), également de 300 hectares. Le PAI (2014-2020) qui lui succède confirme l’automobile comme étant un secteur prioritaire à fort potentiel industrialisant. Avec la diffusion de la logique des écosystèmes industriels, le ministère de l’Industrie vise la constitution de chaînes de valeurs complètes dans des domaines-clefs pour la croissance économique et la création d’emplois. Pour le secteur automobile, les contrats de performance signés entre l’État, l’AMICA et/ou de grandes entreprises internationales leaders visent l’approfondissement du sourcing local, d’abord et avant tout en attirant de nouveaux IDE d’équipementiers de rangs 1 et 2. Il s’agit de diminuer le fort contenu en importations des véhicules produits et exportés depuis le Maroc et d’augmenter le taux de l’intégration locale. Au début de 2019, selon le ministre de l’Industrie, neuf écosystèmes avaient fait l’objet d’un contrat (15) et trois étaient en cours de création (ingénierie, pièces de rechanges et extérieurs véhicules). 14. En particulier les remplaçantes des 208 et des C3 dont les versions précédentes étaient produites en France dans l’usine de Poissy, fragilisée par la stratégie du groupe PSA de délocalisation de la production des citadines de segment B. 15. Câblage, intérieur et sièges, métal emboutissage, batterie, PSA, moteur, Renault, Delphi et Valeo. Cf. Médias 24, 6 février 2019, https://www.medias24.com/MAROC/Économie/ Économie/189701-Industrie-automobile-Bilan-encourageant-les-objectifs-revus-a-la-hausse. html. 170 Profils sectoriels et émergence industrielle L’adossement récent d’acteurs industriels chinois à cette dynamique rend significativement compte de l’avantage sectoriel acquis par le Maroc dans la région. On songe à la signature d’un protocole d’accord avec le constructeur chinois BYD pour l’implantation d’une usine de production de véhicules électriques près de Tanger (16). On songe au vaste projet de ville industrielle du groupe Haite, la « Cité Mohammed VI Tanger Tech », intégrant, outre les investissements annoncés par BYD et ceux d’autres opérateurs chinois du secteur, des IDE dans l’aéronautique et le textile, soit 200 entreprises tous secteurs confondus. Mais moins que le résultat de l’efficacité de la diplomatie économique ou de la politique industrielle du Maroc, l’insertion naissante d’acteurs industriels chinois dans le secteur automobile marocain est la conséquence inattendue de la délocalisation des constructeurs occidentaux et japonais. Là où le discours gouvernemental marocain affiche avec optimisme le potentiel économique de l’intégration du pays dans une stratégie chinoise de sortie du territoire, l’analyse fine des opérations annoncées révèle une réalité différente où quelques acteurs industriels chinois de l’automobile, contraints par les partenariats et relations étroites établis dans le cadre des CVM, viennent investir au Maroc (17). 2. Performances économiques relatives La clôture statistique du secteur automobile pose globalement problème (Layan et Lung, 2008 : 4). Le Maroc n’échappe pas à cette difficulté accrue par les divergences de définition entre institutions (Hann et Auktor, 2018). Ce constat de fait questionne très explicitement la gouvernance sectorielle et l’effectivité des politiques publiques. Pour ce qui nous concerne, cela oblige à identifier précisément l’origine et l’état de référence de toute statistique produite sur le secteur. La Nomenclature des activités 2010, conforme à la quatrième révision de la nomenclature internationale de la Commission statistique des Nations Unies (CITI rev4), définit la branche industrie automobile (29) 16. Est également annoncée dans ce protocole la construction à terme de trois autres usines : batteries électriques, bus et camions électriques, trains électriques. 17. On lira avec intérêt l’article de Pairault pour qui « l’insertion juste amorcée au Maroc ou en cours ailleurs des constructeurs et équipementiers chinois » est une « modalité de la mondialisation des constructeurs occidentaux et japonais » (2018 : 146) ; 80 % des véhicules produits en Chine sont fabriqués sous le contrôle d’entreprises étrangères (Richet, 2015 ; Mira, 2017 ; cités par Pairault, 2018). Automobile 171 comme la somme des sous-branches « construction de véhicules automobiles » (291), « fabrication de carrosseries et remorques » (292) et « fabrication d’équipements automobiles » (293). Du point de vue de la Comptabilité nationale et de la statistique officielle produites par le Haut-Commissariat au Plan, la plupart des documents directement accessibles (18) ou fournis sur demande ne permettent pas de suivre, au-delà de la branche « industrie mécanique, métallurgique et électrique (D04) », l’évolution des sousbranches dont l’industrie automobile fait partie (D34) (19). Des données sectorielles sont également produites par le ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique (MIICEN) qui procède, depuis 1973, à une enquête annuelle, en principe exhaustive, auprès des entreprises et industries de transformation. Les informations collectées sont présentées par grands secteurs et secteurs d’activité (20) et sont reprises dans le chapitre « industrie et artisanat » de l’Annuaire statistique du Maroc publié annuellement par le HCP (21). Cette seconde source d’information correspond aux grandeurs industrielles du Maroc présentées par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) (22). En revanche, les données communiquées par et sur le site du MIICEN diffèrent sensiblement de ces sources pour coller aux priorités du PAI. Mais surtout, la correspondance des données statistiques sectorielles fournies par les différentes institutions n’est pas toujours assurée, HCP et MIICEN en tête ainsi que la documentation produite par les associations professionnelles, ce qui peut faire débat dans la société, notamment quand il s’agit d’évaluer la création d’emplois industriels (Piveteau et al., 2018 : 95 ; Hahn et Vidikan Auktor, 2018 : 11-12 ; Banque mondiale 2019, note 14 : 145). 18. C’est le cas par exemple des Tableaux ressources-emplois (TRE) : https://www.hcp.ma/ Comptes-nationaux-Serie-des-comptes-Base-2007-Base-1998_a1560.html. 19. Il s’agit ici des codes de la Nomenclature agrégée des branches d’activité de la comptabilité nationale. Cf. HCP, Comptes nationaux, bases 2007, 2007-2012. La branche (et secteur) d’activité (D04) « Industrie mécanique, métallurgique et électrique » se compose de 10 sous-branches au niveau 1 d’agrégation (D27, D28, D29, D30, D31, D32, D33, D34, D35 et D37). 20. Les cinq grands secteurs sont : industrie agro-alimentaire, industrie textile cuir, industrie chimique parachimique, industrie mécanique et métallurgique (IMM qui correspond à D04 IEE), industrie électrique et électronique (IEE, soit D31, 32 et 33). Les sous-secteurs correspondent à la NAM 2010, (34) pour l’automobile. 21. https://www.hcp.ma/Bookcases-des-annuaires-statistiques-du-HCP_a2071.html 22. http://stat.unido.org/database/INDSTAT %202 %202019, %20ISIC %20Revision %203. Par exemple, les données du secteur mécanique et électronique (ISIC Révision 3) correspondent à celle des deux derniers grands secteurs du MIICEN, soit IMM et IEE. 172 Profils sectoriels et émergence industrielle Figure 2 La Supply Chain Automobile au Maroc Source : Banque mondiale (2019 : 94), repris de Vidikan-Auktor & Hahn (2018), adapté de JICA. Les données de production ont été actualisées. L’industrie automobile marocaine comprend aujourd’hui deux constructeurs internationaux auxquels est adossé un parc de fournisseurs de niveaux 1, 2 et 3 produisant les pièces et composants assemblés par le fabriquant (OEM) estimé à 160 entreprises (23) (Banque mondiale, 2019). Les fournisseurs de rang 1, les plus nombreux autour de Renault, ont pour client, unique ou non, le donneur d’ordre. Les fournisseurs de rang 2 approvisionnent le rang 1. Et plus on passe aux niveaux inférieurs, moins les produits sont transformés jusqu’à ce qu’on arrive à la matière première. Jusqu’à présent, le parc des fournisseurs se compose d’équipementiers internationaux qui ont suivi l’implantation du constructeur ou étaient déjà présents au Maroc, mais beaucoup plus rarement de firmes marocaines, la chaîne d’approvisionnement ayant encore massivement recours aux importations pour produire les véhicules exportés (Benabdeljlil, 2017). L’enjeu attendu de la politique sectorielle consiste alors à approfondir le niveau d’intégration locale, ce qui revient à compléter sur place la chaîne d’approvisionnement pour diminuer le contenu en importations des produits exportés, en attirant de nouveaux fournisseurs ou en favorisant l’inclusion d’entreprises locales afin de capter, in fine, un maximum de valeur ajoutée. 23. En 2016, l’EAE recensait 94 entreprises et 96 établissements. Automobile 173 Au plan de la comptabilité nationale, l’information statistique régulière présente un niveau d’agrégation qui comprend les principales activités automobiles (production de véhicules, fils et transformateurs électroniques, composants de véhicules) sans toutefois permettre de suivre avec précision l’évolution « sectorielle » proprement dite. Le secteur automobile (D34) se fond dans un secteur plus large, les IMM, dont l’évolution des principales grandeurs macro-sectorielles atteste de l’impact de la production manufacturière d’automobiles sur l’industrie marocaine (Billaudot, dans le présent volume). Ce qu’on illustre par les graphiques suivants qui prennent pour source homogène d’information statistique, les données produites par le HCP sur la base des informations fournies par l’Enquête annuelle entreprise (EAE) du ministère de l’Industrie (24). Tout d’abord (graphique 1), la part du secteur automobile dans la production industrielle du pays est passée de 2,7 % en 2009 à 10,9 % en 2016. Les effectifs ont été multipliés par plus de 3 en huit ans et totalisent 3,7 % de l’emploi industriel en 2016 contre 1,6 % en 2009. C’est sur la contribution aux exportations que le secteur enregistre la performance la plus significative, soit 2,21 % en début de période et plus du quart des exportations de l’industrie de transformation en fin de période. En revanche, au regard de la richesse annuelle créée, le secteur ne représente que 4,3 % de la valeur ajoutée industrielle en 2016. Graphique 1 Part du secteur automobile dans l’industrie de transformation marocaine (2009-2016) Source : HCP, Annuaire Statistique du Maroc, calcul de l’auteur. 24. Données du chapitre VI « Industrie et artisanat », Annuaire statistique du Maroc, produit annuellement par le HCP. Les données de 2015 ont été fournies par le HCP. 174 Profils sectoriels et émergence industrielle En comparant la dynamique du secteur automobile à celle de l’industrie mécanique et métallurgique (graphique 2), il apparaît que les performances à l’exportation du modèle productif organisé autour de l’implantation de constructeurs mondiaux en zone franche ne constituent pas un avantage décisif en termes de valeur ajoutée. En effet, alors que le taux d’exportation du secteur automobile marocain bondit après le démarrage de la production du premier constructeur français et atteint 80 % en 2016, le taux de valeur ajoutée part à la baisse pour s’établir à 12 % en 2016. Graphique 2 Dynamique comparée des secteurs automobile et IMM (2009-2016) 2a. Automobile Taux d’exportation Productivité apparente Taux de valeur ajoutée 2b. IMM Taux d’exportation Productivité apparente Taux de valeur ajoutée Source : HCP, Annuaire Statistique du Maroc, calcul de l’auteur. Le taux de valeur ajoutée de l’industrie mécanique et métallurgique en est bien évidemment affecté, mais dans une moindre mesure puisqu’il est de 7 points supérieur à celui du secteur automobile, le taux de valeur ajoutée de l’IMM hors automobile étant de 25 % en 2016 (31 % pour l’ensemble de l’industrie de transformation). En résumé, l’automobile crée relativement moins de richesse économique annuelle que le reste des entreprises de transformation dans leur ensemble. 3. Un secteur d’exportation dépendant des marchés régionaux matures et des stratégies productives et commerciales de firmes mondiales Le secteur automobile marocain a bénéficié de l’évolution de la demande mondiale adressée aux pays constructeurs et de l’amplification de la soustraitance à compter du début des années 2000 (Office des changes, 2013 : 2) ; Automobile 175 des conditions externes dont la performance du secteur, en grande partie déconnectée de la dynamique des marchés domestiques (demande et offre), continue de dépendre. Graphique 3 La production automobile disjointe de la dynamique du marché domestique 3a. Production et vente de véhicules neufs au Maroc (1999-2018) 3b. Exportations de véhicules et pièces automobiles (en millions de dollars) UE – entrée en vigueur accord association Source : OICA, http://www.oica.net/productionstatistics/, consulté en août 2019. Source : COMTRADE, nomenclature STIC-Rev3 (781 ; 784 et 7731), consulté en août 2019. Jusqu’en 2015, la production de câblage domine les exportations faiblement diversifiées (graphique 3b, tableau 1). En 2012 par exemple, avec les sièges/coiffes de siège (5 %) et la construction automobile (29 %), ces trois segments totalisent 93 % des exportations du Maroc (Bernossi, 2014 : 1). Ce profil exportateur du secteur, peu diversifié, peu sophistiqué, se transforme rapidement avec la production de véhicules de la gamme Entry à compter de 2005 à Casablanca, puis avec le démarrage de l’usine de Melloussa en 2012 (graphique 3b). La valeur FAB des véhicules et des pièces/composants automobiles exportés par le Maroc est passée de 1,3 milliard de dirhams en 2007 à 36,3 milliards de dirhams en 2018 (87 HS) (25). Si on y ajoute l’ensemble des exportations de fils et câbles (7731 SITC rev.3 ou 8544 HS) (26), l’évolution en valeur des exportations du secteur est remarquable, une performance qui modifie le profil de l’ensemble des exportations du pays. Ainsi défini, le secteur représentait 8 % des exportations de biens en 2007. Il totalise près de 25 % de l’ensemble des exportations de biens du Maroc en 2018 (tableau 1). 25. Office des changes du Maroc, requête annuaire statistique en ligne, août 2019. 26. COMTRADE, requête novembre 2019. 176 Profils sectoriels et émergence industrielle Tableau 1 Exportations du secteur automobile dans l’ensemble des exportations de biens du Maroc (millions de dirhams, 2007-2018) 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Exp. auto. 9 709 13 065 11 054 18 624 21 013 23 280 31 448 40 415 46 941 55 985 61 048 67 267 Dont véhicules 1 325 1 559 1 802 2 056 3 445 8 164 13 825 20 615 25 783 30 764 32 915 36 370 Dont câbles et fils 8 384 11 506 9 252 16 568 17 568 15 115 17 623 19 800 21 158 25 221 28 134 30 897 Exp. totales biens Exp. auto. / Exp. 123 564 156 654 113 350 177 357 180 839 183 786 185 677 194 350 202 125 226 398 259 143 274 294 7,9 % 8,3 % 9,8 % 10,5 % 11,6 % 12,7 % 16,9 % 20,8 % 23,2 % 24,7 % 23,6 % 24,5 % Source : Office des changes (Maroc) et COMTRADE, calculs de l’auteur. La décomposition des exportations (graphique 3) signale pourtant une forte dépendance au régime d’admission temporaire pour perfectionnement actif (ATPA) (27). Elle se traduit, dans la première phase d’installation du nouveau modèle productif, par une nette dégradation de la part de la valeur ajoutée captée par le secteur entre 2011 et 2013. L’insertion rapide du Maroc dans la chaîne de valeur mondiale de l’automobile entraîne une forte augmentation des importations. L’installation du constructeur français se fait sans la présence locale de chaînes d’approvisionnement complètes. Ce n’est que sous l’effet de l’implantation progressive d’équipementiers internationaux de rang 1 important la quasi-totalité des composants et de la matière que les importations en AT diminuent, mais dans une moindre proportion (Benabdeljlil et al., 2017). La part de la valeur ajoutée dans le total des réexportations se redresse donc pour atteindre 63 % des réexportations de véhicules en 2018 contre 83 % en 2010 (graphique 4). Cette correction de trajectoire, obtenue par une politique gouvernementale volontariste d’attraction des grandes entreprises étrangères, ne permet pas cependant d’améliorer significativement le taux d’intégration locale qui, in fine, dépend d’une inclusion plus forte des entreprises locales dans la chaîne d’approvisionnement (Piveteau et al., 2018 ; Banque mondiale, 2019 : 93). 27. Selon les données de l’Office des changes du Maroc, les réexportations de véhicules en suite d’ATPA représentent 53 % des exportations de véhicules en 2007, 97 % en 2012 et 85 % en 2018. Le constat est identique pour l’ensemble des produits exportés du secteur, établi sur la base de la liste des entreprises de l’automobile communiquée par le ministère de l’Industrie (Office des changes, 2013 : 5-7). Automobile 177 Graphique 4 Décomposition des réexportations de véhicules (Code HS 87, en millions de dirhams) Source : Office des changes, https://services.oc.gov.ma/DataBase/Commerce Exterieur/ requete.htm. Consulté août 2019. L’importance de la production automobile dans l’ensemble des exportations du pays doit aussi être relativisée (28). Si l’on intègre les services qui totalisent 37 % des exportations brutes en 2017 – soit 16 % pour le tourisme, 14 % pour les TIC et 7 % pour le transport – l’automobile (HS 4, nomenclature à 2 chiffres) représente 7,2 % du total des exportations quand l’exportation d’équipements et de machines électriques atteint 10,6 % (29). Ces données de structure sont de nouveau altérées lorsque l’on observe cette fois-ci les flux commerciaux nets (exportations-importations de produits). L’automobile (HS 4, nomenclature à 2 chiffres) disparaît alors des flux nets d’exportations du Maroc. Il ne reste au côté des équipements et machines électriques (2,34 %) que les exportations de produits traditionnels (services touristiques, produits primaires, textiles confections et produits issus du phosphate) et les TIC. Il faut entrer dans un niveau plus fin de la nomenclature produits (à 4 chiffres) pour voir réapparaître dans la structure des flux commerciaux nets du Maroc des 28. Les statistiques de l’Atlas of Economic Complexity auxquelles on a recours ici proviennent des rapports du Maroc à la Division de la statistique de l’ONU (COMTRADE) pour ce qui est des données brutes sur le commerce des biens et de la base de données de la Direction des statistiques du commerce du Fonds monétaire international (FMI), via les Indicateurs du développement dans le monde, pour ce qui est des données sur le commerce des services. 29. Un poste de produits qui comprend l’exportation des fils et câbles électriques et vient de fait diminuer le poids du secteur automobile. Si on les regroupe, le secteur auto au sens large pèse alors près de 18 % et passe devant l’exportation de services touristiques. 178 Profils sectoriels et émergence industrielle produits du secteur automobile (3,5 % pour les véhicules). Cela signifie que les segments qui forment le secteur contribuent différemment à ses performances commerciales (figure 5a). Graphique 5 Avantage commercial du secteur auto et concentration des marchés de destination 5a. Solde de la balance commerciale du secteur auto par segment (en millions de dollars, 1993-2018) Source : Comtrade, SITC rev.3, nov. 2019, calcul de l’auteur. 5b. Marchés de destination des véhicules personnels (2017) France 36.06 % Source : Atlas of Complexity Index, 7810 (SITC rev4), nov. 2019. L’essor du segment de la construction après la crise de 2008, avec l’accroissement des volumes produits par Renault à Casablanca en 2006 et 2011 puis le démarrage en 2012 de la production à Melloussa, permet une augmentation importante et régulière du volume des exportations de véhicules qui contribue à l’amélioration du solde commercial du secteur. Automobile 179 A l’opposé, les importations de pièces qui ont nettement augmenté avec le lancement de la gamme Entry du constructeur français (30) ne paraissent pas devoir ralentir malgré la forte attraction des investissements étrangers dans le secteur. En 2014, le secteur automobile reste très dépendant des fournisseurs étrangers avec un taux de dépendance de 74 % pour plus de 30 milliards de dirhams d’importations (El Mataoui et al., 2019 : 110). En conséquence, le redressement du solde commercial doit aussi au maintien et au développement de l’activité de câblage au côté de la construction. Cette dernière devrait une nouvelle fois être relancée en 2019 puis dans les années à venir avec la mise en production du complexe industriel de Kénitra (Peugeot). Les ventes de véhicules (figure 5b) se concentrent sur quelques pays, la France (36 %), l’Espagne (10,3 %) et l’Italie (10,1 %), alors que le Maroc ne détient qu’une faible part de ces marchés. Si le pays a clairement pu gagner des parts de marché à l’international dans un marché mondial en croissance, la question de sa dépendance au marché automobile européen mature en difficulté est posée. Une forte concentration des marchés de destination accroît la vulnérabilité du secteur. La diversification vers les marchés émergents et africains réduirait ce risque (Banque mondiale, 2019 : 96). Mais il convient de préciser qu’elle est le produit de stratégies croisées d’implantations et de délocalisations des donneurs d’ordre internationaux. Ce sont eux qui décident avant tout des modèles à produire, des marchés à viser et de la compétition entre usines du même groupe. Dans ce contexte d’exacerbation de la concurrence, l’amélioration de la compétitivité devient essentielle et ne peut se satisfaire des avantages traditionnels du site marocain : faible coût de la main-d’œuvre et proximité géographique des marchés centraux européens. La logique d’écosystème dont relève pleinement le développement du secteur automobile prend en charge cet enjeu lorsqu’elle cherche à compléter les manques de la chaîne d’approvisionnement pour réaliser le potentiel de diversification des exportations qu’offre l’automobile. Ce potentiel étant en principe donné par la position des véhicules automobiles dans l’espace produit. Pourtant, les prérequis à la réalisation de ce potentiel ne semblent toujours pas réunis. L’isolement de la production d’automobiles est manifeste dans l’espace produit marocain, à l’inverse de l’exportation de fils câbles mieux connectés aux spécialisation traditionnelles comme la confection. La comparaison dans le temps du positionnement respectif de ces deux spécialisations constitutives du secteur automobile rend compte de la difficulté à sortir de spécialisations peu sophistiquées même après avoir « attiré » une 30. En 2018, Renault a produit 318 652 véhicules de la marque Dacia (Lodgy, Sandero 2, Dokker, Logan 2 MCV) dans son usine de Melloussa et 83 434 (Logan 2 et Sandero 2) dans son usine de Casablanca. 180 Profils sectoriels et émergence industrielle industrie plus haut placée dans l’échelle de la sophistication. A défaut d’une politique ambitieuse d’accumulation de dotations factorielles, sauf à compter sur un ruissellement spontané de technologies et de compétences sur les autres spécialisations productives du Maroc, la faible densité de l’espace produit qui entoure les exportations les plus sophistiquées du secteur traduit un manque de perspective économique due, cette fois encore, au manque d’intégration locale et de connexion avec l’économie productive nationale (graphique 6). Graphique 6 Espace produit et connexions des deux principaux segments du secteur automobile 6a. Insulated Wire en 1995 6b. Insulated Wire en 2016 6c. Cars en 2010 (pas d’ACR) Automobile 181 6d. Cars en 2016 Source : Atlas of Complexity Index. Conclusion Loin d’échapper à la critique du modèle exportateur marocain (Lectard et Piveteau, volume 1 de cet ouvrage), le secteur automobile en est finalement le parfait représentant, mêlant succès reconnus et effets limités sur l’emploi et la valeur ajoutée industrielle. Pour qu’il entraîne par son développement le reste de l’économie, que son potentiel industrialisant s’exprime, la politique publique marocaine a encore des défis à relever. En particulier, face aux reconfigurations en cours des réseaux mondiaux de la production, questionnant l’effectivité d’une « déglobalisation » (Friguant, 2019) ou habilitant le principe de chaînes de valeur régionales (Jaïdi et Msadfa, 2017), les options stratégiques se ré-ouvrent. Le monolithisme d’une politique d’attraction, d’une mise à niveau institutionnelle et spatiale cantonnée (zones franches, zones d’activités), d’incitations fiscales coûteuses pour des États et dont le rôle régulateur n’est plus directement contesté mais débattu dans ses priorités et capacités, n’a plus vraiment cours. Le très faible degré de participation des entreprises marocaines à la chaîne de valeur automobile explique que les rares cas d’intégration de PME marocaines soient mis en lumière à l’image de Tuyauto, spécialisé dans l’échappement, de Dolidol, leader dans la fabrication de mousses pour l’industrie et l’ameublement en joint-venture (JV) avec l’équipementier espagnol Jobelsa et d’Induver, qui s’est également lancé dans une JV avec AGC pour la production de verre trempé. Par conséquent, un des défis de la politique industrielle consiste à contrecarrer la tendance à la baisse de la part de la valeur ajoutée locale dans les exportations en favorisant l’implantation de nouveaux fournisseurs (politique d’attraction) et la participation de PME marocaines performantes aux CVM (politique d’amélioration des capacités de production nationale). Jusqu’à présent, les différentes mesures de soutien au tissu productif national, des dispositifs de mise 182 Profils sectoriels et émergence industrielle à niveau jusqu’aux programmes d’intégration des activités informelles, ne sont parvenues que dans de rares cas à connecter les ressources productives locales aux opportunités que représentent les CVM. Le secteur automobile a enregistré ses plus francs succès en attirant de grands groupes internationaux, les entreprises marocaines des deux premières séquences de la trajectoire du secteur n’étant pas parvenues, à quelques rares exceptions, à intégrer la chaîne d’approvisionnement qui s’est constituée autour de Renault (Benabdeljlil et al., 2017). L’étape qui s’ouvre devrait se préoccuper du développement d’un tissu de PME compétitives capables de répondre aux besoins d’approvisionnement croissant de la chaîne d’approvisionnement, ceci pour deux premières raisons fondamentales (Piveteau et al., 2018) : – la première est que la concurrence sur les marchés externes de pays disposant, comme le Maroc, de petits marchés domestiques est telle qu’il est difficilement envisageable d’espérer maintenir la compétitivité du site marocain sans améliorer durablement celle des PME marocaines qui composent l’essentiel du système économique ; – la seconde est que sans l’intégration croissante de PME nationales aux CVM la lenteur de la transformation structurelle devrait se confirmer et continuer à entretenir la faible dynamique du marché du travail. On ajoutera enfin que les changements technologiques en cours (robotisation, numérique, internet des objets connectés, etc.) combinés aux changements de mobilité liés à la transition écologique (fin des moteurs thermiques, équipementiers entrants comme les producteurs de batteries, covoiturage, etc.) redistribueront la valeur entre les acteurs de l’industrie. Le déplacement de la valeur le long des chaînes mondiales pourrait alors réduire drastiquement la part de la valeur ajoutée des activités matérielles de production et redonner paradoxalement des marges de gains de productivité aux vieux centres industriels. Une réindustrialisation de la valeur au Nord pourrait ainsi contribuer à une désindustrialisation globale du travail, laissant peu d’options aux économies du Sud engagées dans une compétition par le bas. Une perspective générale, certes encore hypothétique, qui, au-delà du seul secteur automobile (Hakam, 2020), met en lumière le rôle déterminant de l’innovation et de la recherche-développement dans la croissance industrielle. Références bibliographiques Bachirat B., « Profils sectoriels : l’automobile », Document de travail, Programme de recherche « Made in Morocco » (disponible sur le site www. programmemadeinmorocco.ma) Automobile 183 Bachirat B. (2006), « L’industrie automobile au Maroc : potentiels et dynamiques des relations clients-fournisseurs », Critique économique, n° 17, hiver, 159-179. Banque mondiale (2019), Créer des marchés au Maroc. Une deuxième génération de réformes : stimuler la croissance du secteur privé, la création d’emplois et l’amélioration des compétences. Diagnostic du secteur privé, International Finance Corporation, Washington D.C., juin, 154 p. Barnes J. 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CHAPITRE 6 Aéronautique Safae Akodad, Nadia Bounya et Hicham Goumrhar Introduction Depuis la Première Guerre mondiale, l’industrie aéronautique mondiale a vécu une évolution marquée par des trajectoires d’innovation technique et organisationnelle dans lesquelles la modularisation, l’externalisation et l’émergence de firmes-pivots occupaient une place primordiale. Jusqu’à la fin des années soixante-dix, les différents avionneurs (1) européens et américains maîtrisaient l’ensemble des métiers nécessaires à la conception et à la production d’un avion. Cette logique était fortement marquée par une présence de l’État qui régulait à la fois l’industrie aéronautique et l’industrie du transport aérien. Dans cette logique dite « d’arsenal » (Muller, 1988) (2), la division du travail était alors relativement restreinte du fait d’une forte segmentation des marchés qui obligeait les États à soutenir leur industrie aéronautique. A partir des années 80, le secteur a connu une reconfiguration qui se caractérise par le recul du rôle de l’État, faisant place aux initiatives des acteurs privés et à une logique de marché. Le passage à cette nouvelle logique s’est traduite par la première vague d’externalisation. Les avionneurs ont externalisé une part de plus en plus importante de leur activité, tout en conservant le nœud des flux d’approvisionnement et de la conception. Cette externalisation rapide a eu des conséquences importantes aussi bien sur la production (problème de suivi et de qualité) que sur l’élaboration de nouveaux programmes, puisque cette gestion décentralisée rendait très difficile et coûteuse la coordination de l’ensemble des sous-traitants. La fin des années 80 est marquée par la limite d’un modèle d’externalisation essentiellement basé sur la sous-traitance de capacité et la remise en cause des 1. Le secteur est dominé principalement par les États Unis et l’UE autour des avionneurs Boeing et Airbus. 2. P. Muller (1989), Airbus, l’ambition européenne, logique d’État, logique de marché, Paris, l’Harmattan, coll. Logiques sociales. 186 Profils sectoriels et émergence industrielle financements publics (accord-cadre de l’Organisation mondiale du commerce signé en 1992 régissant les subventions accordées à l’industrie). Les avionneurs faisaient de plus en plus appel à la sous-traitance de spécialité. Ces mutations industrielles, technologiques et financières ont induit une reconfiguration de la chaîne de valeur en faveur de l’avènement de nouveaux réseaux de soustraitance dans les pays émergents. Le Maroc, qui fait partie de ces nouvelles destinations, a placé l’aéronautique parmi les secteurs prioritaires de sa nouvelle politique industrielle déclinée dans le Plan Émergence. En effet, à la fin des années 90, seules deux entreprises opéraient dans ce secteur, « EADS Maroc Aviation (3) » et « Snecma Morocco Engine Services (SMES) (4) ». Depuis, plusieurs entreprises travaillant de façon directe ou indirecte se sont implantées au Maroc, profitant des avantages offerts par cette destination. Au cours des deux dernières décennies, les chiffres confirment une croissance à deux chiffres du secteur. L’industrie aéronautique marocaine enregistre une croissance de plus de 20 % par an, avec un chiffre d’affaires de 17 milliards de dirhams et un taux d’intégration de 34 %. Elle accueille une moyenne de 10 nouveaux entrants par an, dans des métiers de plus en plus complexes. Aujourd’hui, le secteur compte 140 entreprises et six écosystèmes aéronautiques (câblage, assemblage, ingénierie, maintenance, moteurs et matériaux composites) (5). Cette dynamique avérée du secteur résulte de la mise en œuvre de chantiers structurants portant, notamment, sur une infrastructure industrielle et offrant une palette intégrée de services destinée à renforcer l’attraction de grands groupes internationaux. Plus qu’une simple « photographie » prise à un instant donné, la présente étude sectorielle consiste à analyser l’évolution (6) de l’industrie aéronautique au Maroc. Ainsi, nous présentons, dans un premier temps, les principaux facteurs 3. Maroc Aviation est présente dans le pays depuis 1951 et effectue la maintenance des instruments de bord des appareils des Forces armées royales. En 1993, Maroc Aviation rejoint le groupe « EADS Sogerma » et devient un sous-traitant des grands donneurs d’ordres du monde aéronautique (notamment Airbus). 4. Snecma Morocco Engine Services (SMES), créée en 1999, est détenue à hauteur de 51 % par Snecma et de 49 % par le centre de maintenance de la Royal Air Maroc (RAM). La société est spécialisée dans la maintenance et la réparation des moteurs d’avions civils, elle a hérité de l’activité maintenance des moteurs de la RAM créée en 1957. 5. Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales, Gimas (www.gimas.org/ chiffres_cles.php). 6. Plusieurs éléments (volatilité des résultats, significativité des évolutions, secret statistique) empêchent de publier tous les indicateurs de conjoncture à un niveau suffisamment détaillé pour analyser l’évolution du secteur aéronautique au Maroc. Aéronautique 187 de changement du secteur aéronautique, dont on distinguera classiquement les facteurs externes et les facteurs internes. Ensuite, nous analysons les principales caractéristiques des entreprises du secteur et leur positionnement vis-à-vis de la chaîne de valeur mondiale. Enfin, une attention particulière sera accordée aux capacités émergentes du secteur aéronautique marocain. 1. Les principaux facteurs de changement du secteur L’industrie aéronautique a connu des mutations profondes dans les domaines technologiques, économiques et managériaux. Caractérisée par un fort recours à la sous-traitance, ce phénomène s’est particulièrement accentué vers le début des années 90, donnant naissance à une nouvelle dynamique inter-firmes. Dans cette perspective, le Maroc a su saisir cette opportunité stratégique et s’est imposé comme une plateforme crédible au prolongement de l’Europe. 1.1. Une proximité géographique… L’industrie aéronautique mondiale est restée pendant longtemps concentrée dans les pays d’origine. Cependant, au fil du temps, le rythme d’internationalisation de l’amont s’est accéléré et les nouveaux espaces d’accueil se sont diversifiés, offrant ainsi un panel d’avantages adaptés aux nouveaux besoins. La recherche d’une production à bas coût ainsi que les pratiques commerciales dites de compensation industrielle sont autant de facteurs qui favorisent l’internationalisation de la production dans ce secteur. A cet égard, le nouveau modèle d’organisation industrielle est porté essentiellement par un double mouvement : externalisation croissante et approfondissement de la modularisation du processus productif. L’objectif était, d’un côté, de diminuer le nombre des sous-traitants en leur confiant des sous-ensembles plus grands afin de réduire les coûts de coordination et, de l’autre côté, de chercher d’autres sources de financement en sous-traitant une partie marginale de la conception des modules. De ce fait, les choix de localisation s’expliquent par la proximité géographique et linguistique, les coûts de main-d’œuvre bon marché, la disponibilité de bassins de compétences à un bas coût, la taille du marché, etc. (Inde, Roumanie, Maroc, Tunisie, Turquie). Par ailleurs, certains choix de localisation relèvent de la logique des compensations industrielles négociées entre les firmes et les États d’accueil. Les pays-clients peuvent imposer comme condition contractuelle le partage des tâches industrielles liées à la construction des avions commandés (Chine, Russie). 188 Profils sectoriels et émergence industrielle Dans le cas du Maroc, différentes formes de proximité semblent avoir joué en sa faveur, telles que la proximité géographique et organisationnelle. En effet, l’organisation industrielle de la filière aéronautique repose sur les liens de proximité entre donneurs d’ordre et sous-traitants, entre clients et fournisseurs. Ainsi, pour certaines entreprises, la décision de délocaliser ou de créer une nouvelle filiale et le choix de localisation ne résultent pas d’une stratégie autonome mais d’une contrainte de proximité géographique et organisationnelle imposée par le donneur d’ordre. Depuis 2002, le nombre d’implantations au Maroc a connu une forte croissance avec des investissements cumulés de 2,7 milliards de dirhams (graphique 1). Par origine, les entreprises françaises représentent 72 % (7) des investissements dans le secteur, suivies des entreprises marocaines avec 21 %. La part des entreprises américaines ne dépasse pas les 3 % (8). L’implantation de plusieurs « poids lourds » de ce secteur, tels que Eads, Boeing, Safran, Bombardier et autres, confirme la place de choix qu’occupe désormais le pays sur la carte mondiale de l’industrie aéronautique. Graphique 1 Une croissance rapide des entreprises aéronautiques implantées au Maroc en vingt ans Source : Calcul des auteurs à partir des données du Gimas (9). 7. « La densité des entreprises françaises implantées au Maroc, et plus précisément sur un site particulier, peut constituer une source d’information déterminante dans la décision de localisation. Le fait que plusieurs entreprises choisissent un territoire le rend plus attractif (Hattab-Christmann, Mezouaghi, 2009). Il s’agit dans ce cas d’externalités informationnelles telles qu’elles ont été mises en évidence par J. Farell et G. Soloner (1986) ou de mimétisme informationnel au sens d’A. Orléan (1999). Les firmes imitent celles qui les ont précédées car elles les supposent mieux informées » (Malika Hattab-Christmann, « Mutations dans l’industrie aéronautique française et nouvelles localisations au Maroc : vers l’émergence de nouveaux territoires de l’aéronautique ? », Géographie, économie, Société 11 (2009) 251-274). 8. Rapport : « Industrialisation et compétitivité globale du Maroc », Ires, 2014. 9. Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales, GIMAS, www.gimas.org. Aéronautique 189 Au cours des années 2000, la capitale industrielle (10) concentre le plus grand nombre d’implantations, notamment dans le cadre de « l’aéropôle » de Casa Nouaceur qui constitue un site aménagé intégré à la zone aéroportuaire et dédié aux activités aéronautiques. La priorité était de s’installer au plus près de la main-d’œuvre. Parallèlement, la zone franche de Tanger (TFZ) est attractive par sa proximité avec le détroit de Gibraltar, son offre de site aménagé et sa proximité avec les partenaires et sous-traitants. Une autre localisation est amenée à se développer sur la côte atlantique à Ben Atiq, Rabat ou encore Kénitra, avec la réalisation du projet « Rabat Technopolis » centré sur les nanotechnologies, les biotechnologies et toutes les composantes liées à la recherche. Tous les sites sont reliés par une autoroute qui longe la côte atlantique de Casablanca à Tanger. Graphique 2 Une répartition géographique concentrée sur l’axe Casablanca-Tanger Région de Casablanca Région de Rabat Région de Tanger Source : Calcul des auteurs à partir des données de Gimas. Les politiques publiques jouent un rôle primordial dans ce cadre, notamment dans les négociations entre États d’accueil et firmes. En effet, celles-ci mettent en jeu d’autres variables qui vont au-delà de l’arbitrage purement économique 10. « Les premières implantations dans les années 50 se sont faites dans la zone aéroportuaire de Casablanca puisqu’il s’agissait de maintenance aéronautique et de réparation de la flotte aérienne des Forces armées royales (FAR) puis d’une compagnie de transport aérien. Maroc Aviation, est également un équipementier d’Airbus spécialisé dans la fabrication, l’assemblage et l’intégration d’éléments aéronautiques (câblage, composites et aérostructures métalliques, etc.). Les implantations des années 90 ont privilégié les bassins de main-d’œuvre autour de Casablanca, soit des espaces intégrés à la ville au plus proche des populations, soit des zones industrielles. Au cours des années 2000, c’est toujours la capitale industrielle qui concentre le plus grand nombre d’implantations » (Malika Hattab-Christmann, « Mutations dans l’industrie aéronautique française et nouvelles localisations au Maroc. Vers l’émergence de nouveaux territoires de l’aéronautique ? », Géographie, économie, société, 11 (2009) 251-274). 190 Profils sectoriels et émergence industrielle entre choix de localisation (11). Ainsi, le Maroc a mis en place, dans le cadre de sa nouvelle politique industrielle, des politiques d’attractivité incitatives. 1.2. … appuyée par une politique industrielle volontariste Le Maroc est une destination privilégiée pour les entreprises de la sous-traitance aéronautique, grâce au faible coût de sa main-d’œuvre et à sa proximité géographique, culturelle et linguistique de l’Europe. Le gouvernement marocain a érigé le secteur en un moteur de croissance de l’économie dans le cadre du programme Émergence 2006, devenu le Pacte national pour l’émergence industrielle 2009-2015 et, plus récemment, le Plan d’accélération industrielle 2014-2020. Considéré comme l’un des métiers mondiaux du Maroc (MMM) (12), l’État a mis en place une offre en adéquation avec la demande des investisseurs du secteur aéronautique sous forme de contribution directe, pour l’acquisition et la location des terrains et locaux industriels, conforme aux standards internationaux au sein d’une plateforme industrielle intégrée (P2I) (13) dédiée et bénéficiant du statut de zone franche. En effet, ce statut permet l’exonération totale de l’IS pendant les cinq premières années, suivie de son plafonnement à 8,75 %, avec des aides à l’installation à hauteur de 10 % du montant total de l’investissement (14). De surcroît, le secteur bénéficie des mêmes mécanismes de subvention et d’incitation à l’investissement que les autres secteurs industriels, à savoir le Fonds Hassan II pour le développement économique et social, le Fonds de promotion à l’investissement, des incitations fiscales prévues dans l’article 7.1 de la loi de finances 12/98 (année 1998-1999), etc. Par ailleurs, les accords de libre-échange conclus avec les différents pays (pays du Sud, pays de l’UE 11. S. Cancel et M. Hattab-Christmann (2009), « Le Maroc dans le redéploiement de l’industrie aéronautique française », in Mezouaghi M. (dir.), les Localisations industrielles au Maghreb, Paris, Karthala, 49-182. 12. Les Métiers mondiaux du Maroc (MMM) regroupent tous les métiers de l’offshoring, de l’électronique, des équipements automobiles, de l’aéronautique et spatiale, de l’agroalimentaire et du textile et cuir. Le Pacte national pour l’émergence industrielle, à travers le renforcement des MMM, vise à construire un secteur industriel fort, à créer les conditions favorables à l’émergence de filières industrielles performantes et compétitives, intégrant notamment le développement du concept de pôles industriels de nouvelle génération, et à redynamiser le tissu des PME (www.mcinet.gov.ma). 13. Exemple : la technopole de Nouaceur, MIDPARC, etc. 14. Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique (www.mcinet.gov.ma). Aéronautique 191 et les États-Unis) donnent plus de crédibilité aux yeux des investisseurs. Ainsi, le Maroc pourrait constituer une plateforme d’exportation vers tous les pays insérés dans ce réseau d’accords. L’apprentissage joue un rôle important, dans le secteur aéronautique, pour acquérir de nouvelles compétences et accéder à de nouveaux marchés. Ainsi le sous-traitant peut-il améliorer son statut dans la hiérarchie et évoluer vers un stade supérieur dans la chaîne globale de valeur. Pour faire face à la demande des industriels, l’État marocain a ouvert des instituts de formation dédiés au secteur de l’aéronautique. Plusieurs projets et conventions de partenariat ont été réalisés, ou sont en cours de réalisation, en collaboration avec des associations professionnelles et des acteurs opérant dans le domaine de la formation. En septembre 2005, l’École Mohammedia d’ingénieurs (EMI) avait inséré une spécialité « aéronautique » en dernière année de son cycle ingénieur pour accompagner la dynamique du secteur. Inauguré en 2011, l’Institut marocain de l’aéronautique (IMA) est le résultat d’un partenariat entre l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) et le Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (GIMAS). Cet institut a pour mission d’assurer au personnel des entreprises du secteur aéronautique et spatial des formations pré- et post-embauche et des cours de perfectionnement dans le but de répondre aux besoins et exigences des entreprises. Pour sa part, l’OFPPT avait créé, en septembre 2013 à Nouaceur, l’Institut spécialisé dans les métiers de l’aéronautique et de la logistique aéroportuaire (ISMALA). Dans cette perspective, le ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique (MCINET) a mis en place une cartographie des besoins en formation avec une quantification des besoins en ressources humaines par secteur, par profil, par région et par année pour permettre l’élaboration d’un plan national de formation. A noter que les entreprises de l’aéronautique peuvent bénéficier d’aides directes à la formation allant jusqu’à 60 000 dirhams/personne (15). Cette stratégie adoptée a pour objectif, entre autres, de répondre aux besoins en compétence des écosystèmes (16) mis en place. Aujourd’hui, le secteur compte six écosystèmes aéronautiques (câblage, assemblage, ingénierie, 15. Ibid. 16. « Le 28 juillet 2015, des contrats de performance ont été conclus entre le ministre en charge de l’industrie et la profession afin d’accompagner le déploiement de 4 écosystèmes structurés à ce jour dans les filières aéronautiques suivantes : (1) assemblage ; (2) système électrique-câblage et harnais (EWIS : Electrical Wiring Interconnect System) ; (3) entretienréparation et révision (MRO : Maintenance, Repair and Overhaul) ; (4) ingénierie » (ibid.). 192 Profils sectoriels et émergence industrielle maintenance, moteurs et matériaux composites) (17). Ces écosystèmes industriels devraient permettre, d’ici 2020, de créer 23 000 emplois, porter le chiffre d’affaires à l’export à 16 milliards de dirhams, hisser le taux d’intégration local à 35 % et attirer plus de 100 nouveaux acteurs (18). Favorisée par des proximités géographiques et culturelles et par une maind’œuvre qualifiée et moins chère, la sous-traitance aéronautique au Maroc connaît un développement rapide à travers l’installation de filiales de groupes mondiaux et l’émergence d’acteurs locaux. Cependant, malgré l’optimisme que suscite le secteur, son essor est tributaire des efforts consentis par les acteurs. 2. L’aéronautique au Maroc : caractéristiques et organisation de la chaîne de valeur Le secteur aéronautique revêt un caractère stratégique dans la politique industrielle nationale. Le développement rapide de ce secteur a été porté par des opérateurs comme EADS, Boeing, Safran, Bombardier, qui ont assuré la crédibilité de la destination Maroc. Basé principalement sur la sous-traitance pour le compte de ces grands constructeurs étrangers, ce secteur se trouve depuis quelques années exposé à un ensemble d’enjeux résultant, d’une part, de la refonte de la carte aéronautique mondiale et, d’autre part, de la nouvelle donne économique mondiale, en raison notamment du repli des commandes des grandes compagnies internationales. Orienté à 100 % vers l’export, le secteur aéronautique marocain est constitué de près de 140 entreprises exerçant dans les activités de production, de services et d’ingénierie qui constituent les composantes principales de la chaîne de valeur aéronautique mondiale. 2.1. Caractéristiques de l’industrie aéronautique marocaine… Le secteur aéronautique se distingue par rapport aux autres industries par certaines caractéristiques spécifiques. 2.1.1. Une industrie sensible à la conjoncture et au climat des affaires L’activité aéronautique est fortement cyclique. Elle dépend à la fois de la croissance économique, de la parité monétaire et du nombre de commandes. En effet, une évolution de l’activité du transport aérien est globalement 17. Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales, Gimas (www.gimas. org/chiffres_cles.php). 18. Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique (www.mcinet.gov.ma). Aéronautique 193 connectée avec celle du PIB mondial. Un contexte économique défavorable au transport aérien se traduit par une baisse des commandes et, par conséquent, par plus de vulnérabilité des industriels aéronautiques. La demande des produits obéit à une fonction périodique par rapport au temps et subit l’influence de l’environnement international. Il faut noter aussi que le contexte économique général ainsi que le cours du dollar et celui du pétrole, la situation financière et la rentabilité des principaux clients pour les activités civiles et commerciales, les politiques budgétaires, de défense et de recherche pour les activités militaires et les grands projets pèsent lourdement sur le niveau d’activité. Cependant, malgré les crises qu’a connues le monde ces deux dernières décennies, le secteur aéronautique affiche une croissance continue tirée par le dynamisme du transport aérien particulièrement en Asie (la Chine, l’Inde et les pays du Golfe). Selon les prévisions d’Airbus, ce dernier poursuivra sur sa lancée à une cadence annelle soutenue de 4,6 % entre 2014 et 2034 (19). Dans cette conjoncture favorable, le Maroc a su saisir cette opportunité stratégique et s’est imposé comme une plateforme crédible au prolongement de l’Europe. En effet, dans une région en pleine tourmente, le Maroc fait figure d’exception. La stabilité politique et la sécurité dont jouit le pays sont un atout majeur et un avantage concurrentiel de taille qui contribuent à l’attractivité du pays et améliore de facto sa compétitivité. Toutefois, le Maroc est confronté sur ce créneau à une rude concurrence, notamment de la part de la Tunisie, qui dispose d’un tissu aéronautique assez étoffé, et des pays de l’Europe de l’Est (Tchéquie, Pologne, Hongrie et Roumanie) qui ont une tradition aéronautique reconnue. Dans une moindre mesure, la Chine et l’Inde sont de sérieux rivaux du Maroc, particulièrement sur des activités d’ingénierie, d’études et de conception, et ce malgré leur éloignement géographique de l’Europe. La qualité de leurs ingénieurs et techniciens, leurs salaires défiant toute concurrence et les clauses de compensation industrielle font en sorte que pas mal d’activités destinées à l’offshore sont réalisées dans ces pays low cost (20). 2.1.2. Une industrie dominée par les filiales d’entreprises Les entreprises du secteur sont, en majorité, des filiales de groupes étrangers (75 %) ou le fruit de joint-ventures entre opérateurs marocains 19. Airbus, « Global Market Forecast 2014-2034 » (www.airbus.com). 20. Z. Benhar (2016), « Les déterminants de la performance des sous-traitants aéronautiques marocains dans la région du grand Casablanca », thèse pour l’obtention du titre de docteur en sciences de gestion, Groupe Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises. 194 Profils sectoriels et émergence industrielle et des références mondiales (3 %). En effet, en 1999, la Snecma (21) et la RAM ont créé une joint-venture, Snecma Morocco Engine Services (SMES) (22) pour la maintenance et la réparation des moteurs civils. En 2001, la SMES participe à une joint-venture avec la RAM et Boeing pour donner naissance à Matis Aerospace, spécialisée dans la production de faisceaux de câbles pour moteur d’avion. Cette société importe les composants des États-Unis et 50 % de sa production est destinée à Boeing. Toutefois, dans un secteur aussi sensible que l’aéronautique, peu d’entreprises locales (21 %) ont la capacité et les compétences nécessaires, notamment en termes d’habilitation (normes de certification). Graphique 3 Une répartition des origines des entreprises aéronautiques au Maroc Filiales des entreprises étrangères Entreprises marocaines Joint-venture Source : Calcul des auteurs à partir des données du Gimas. En effet, lorsque le sous-traitant est une filiale d’un groupe étranger, ce qui est souvent le cas au Maroc, il fonctionne d’une manière captive. Il a comme unique client sa société-mère, il n’a pas d’activité commerciale ou marketing, et son plan de production est piloté depuis la maison-mère. Le schéma généralement retenu pour le fonctionnement de la sous-traitance est l’envoi des matières et composants par le donneur d’ordre aux sous-traitants. Ainsi, les entreprises mères s’inscrivent dans une logique de croissance externe, basée sur une stratégie d’investissement direct et de contrôle financier. En conséquence, leurs filiales permettent à l’entreprise pôle de maîtriser à la fois 21. C’est la première forme de présence au Maroc de Snecma dont la fusion avec Sagem SA donnera naissance au groupe Safran le 11 mai 2005. Depuis, le groupe Safran a attiré au Maroc plusieurs de ses filiales (Aircelle, Teuchos, Labinal Aéronautique Maroc) et un certain nombre de ses sous-traitants. 22. SMES travaille non seulement pour Airbus mais aussi pour tous les avionneurs mondiaux tels que Boeing, Embraer, Bombardier, Suiza, Messier Buggati, Facon Dassault. Aéronautique 195 les coûts et les différents maillons de la chaîne de valeur. Ce coût est l’élément déterminant ayant conduit ces dernières à s’implanter au Maroc (23). Depuis 2004, les entreprises du secteur se sont regroupées au sein du GIMAS. Cette association professionnelle a été créée dans le but de partager les expériences, conduire des actions en commun et favoriser l’émergence de partenariats industriels dans le secteur aéronautique. Elle joue un rôle de fédérateur et de facilitateur pour ses membres et se positionne comme le partenaire privilégié du secteur public pour la stratégie de développement du secteur aéronautique et la mise en œuvre du Pacte pour l’émergence industrielle. L’ambition du GIMAS est de doubler la taille du secteur aéronautique d’ici 2020 et transformer le pôle de Nouaceur en une grappe d’innovation avec le Midparc. Ce cluster de haute technologie doit doper et catalyser les connexions déjà en place entre les industriels de l’aérospatiale, les organismes gouvernementaux et les centres de connaissance (24). 2.1.3. Une industrie à haute technologie et qualification L’industrie aéronautique est caractérisée par une technologie de haut niveau, due à la fois aux contraintes de sûreté des produits finaux et à la performance militaire recherchée par chaque État. Considérée comme une industrie à forte valeur ajoutée, l’aéronautique fait partie des industries de pointe ayant un effet d’entraînement sur le reste de l’économie. En effet, les tableaux internationaux des « entrées-sorties » de l’OCDE permettent de calculer la sensibilité de l’activité des pays à un choc sur la demande mondiale sectorielle en aéronautique. Dans un contexte de changement technique rapide et de financiarisation des stratégies des firmes qui sont de plus en plus soumises à des impératifs de création de valeur, l’évolution technologique du contenu des différents sous-ensembles de l’avion s’accompagne d’une nouvelle division du travail. Cependant, ils nécessitent pour leur fabrication une grande quantité de maind’œuvre aux compétences pointues. Dans cette perspective, le GIMAS œuvre à répondre aux besoins en compétences du secteur aéronautique et former les salariés des entreprises avec la création de l’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA). Il a pour ambition d’intégrer la Recherche & Développement dans la stratégie 23. Z. Benhar, 2016, les Déterminants de la performance des sous-traitants aéronautiques marocains dans la région du Grand Casablanca, thèse pour l’obtention du titre de docteur en sciences de gestion, Groupe Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises. 24. GIMAS, www.gimas.org.ma/presentation. 196 Profils sectoriels et émergence industrielle aéronautique nationale. Actuellement, le secteur aéronautique marocain emploie plus de 16 000 salariés contre 1 500 en 2000 (graphique 4). Graphique 4 Une dynamique affichée de l’emploi Source : Calcul des auteurs à partir des données du Gimas. Par ailleurs, les filiales implantées au Maroc qui se sont actuellement au stade de la sous-traitance de pièces ou d’opérations élémentaires, prévoient dans leur plan de développement le transfert par les maisons-mères des activités de conception. Cette tendance est facilitée par l’utilisation des TIC permettant ainsi les transferts d’informations via l’EDI (25). L’évolution vers la conception et l’ingénierie est un facteur nouveau de développement au Maroc. L’offre des ingénieurs et techniciens de haut niveau (ENSEM, AIMAC, EMI, ERA, ENSAM, INSA, etc.), ayant parfois complété leur cursus marocain par une spécialisation à l’étranger (Supaéro, ENSICA, ENAC, etc.), associée à la disponibilité des infrastructures TIC, permet d’établir des pôles de conception capables de s’intégrer dans l’organisation de groupes européens en particulier français. Ces centres de connaissances proposant ce genre de formation de haut niveau sont principalement concentrés sur l’axe Rabat-Casablanca. Afin d’encourager cette tendance, le rôle de l’État consiste à créer les conditions favorables à la diffusion d’une culture de l’innovation et du savoir. A ce titre, un enseignement supérieur de qualité et une recherche publique de haut niveau permettraient d’accompagner une éventuelle montée en gamme de la filière marocaine dans la chaîne de valeur globale de l’industrie aéronautique. 25. L’EDI permet une communication rapide et fiable, ainsi qu’une gestion simultanée des modifications dans tout le réseau. Ceci permettra une meilleure coordination et donc un meilleur pilotage des projets. Aéronautique 197 2.1.4. Une industrie orientée vers l’export L’industrie aéronautique est une industrie mondialisée qui ne se contente pas du marché national, elle est structurellement fortement exportatrice. En effet, les exportations sont généralement utilisées comme un indicateur majeur de la compétitivité de cette industrie, car elles reflètent la capacité des pays à créer et à maintenir une main-d’œuvre hautement qualifiée. Il est également important de reconnaître que les exportations sont nécessaires pour soutenir et accroître la capacité d’innovation de pointe et de financement de la recherche et développement. Toutefois, la spécificité du tissu aéronautique marocain (dominé par les filiales d’entreprises étrangères) fait que toutes les entreprises intervenant dans la sous-traitance, hors opérations de maintenance, ont une vocation exportatrice, soit directement, soit au travers d’une sous-traitance de rang supérieur pour des sociétés ellesmêmes exportatrices. Orienté à 100 % vers l’export, le secteur aéronautique marocain a pu résister aux effets de la crise économique et financière avec un taux de croissance de 29 % de ses exportations sur la période 2008-2009 et de 65,5 % sur toute la période 2008-2011 (26). En 2017, les exportations de l’industrie aéronautique marocaine ont atteint plus de 9,78 milliards de dirhams contre 8,42 milliards un an auparavant, soit une progression de 16,3 %, selon l’Office des changes (graphique 5). Graphique 5 Une croissance soutenue du chiffre d’affaires à l’export Source : Calcul des auteurs à partir des données de la Direction des études et des prévisions financières et de l’Office des changes. 26. Ministère de l’Économie et des Finances, Direction des études et des prévisions financières, « Le secteur aéronautique marocain face aux nouvelles mutations mondiales », 2012. 198 Profils sectoriels et émergence industrielle Les exportations du secteur aéronautique ont enregistré une tendance haussière sur l’ensemble de la dernière décennie et particulièrement sur les trois années d’opérationnalisation de l’offre Maroc aéronautique (27). Graphique 6 Répartition des exportations aéronautiques par branche d’activité Câblage Manufacturing Maintenance Autres Source : Direction des études et des prévisions financières, 2012. Par ailleurs, le graphique 6 indique une forte concentration des exportations sur trois principales activités représentant ainsi 82 % du chiffre d’affaires global à l’export du secteur. Il s’agit du câblage (51 % des exportations), du manufacturing (19 % des exportations) et de la maintenance (12 % des exportations). 2.2. … et son positionnement dans la chaîne de valeur mondiale L’industrie aéronautique mondiale est une industrie structurée comprenant un nombre limité d’acteurs. Sa chaîne de valeur s’analyse comme une pyramide hiérarchisée et organisée (figure 1). Au sommet se trouvent les donneurs d’ordre. Au premier rang interviennent les fournisseurs de composants majeurs, à savoir les systémiers et les équipementiers. Ils fournissent à l’avionneur des systèmes, sous-ensembles ou modules complets. Il s’agit notamment des systèmes d’avionique, des parties des structures et des systèmes de propulsion. Le second rang est composé des soustraitants de spécialité. Ce sont des fournisseurs de composants spécifiques (consommations intermédiaires) maîtrisant la conception et l’industrialisation 27. L’État marocain s’est engagé, dans le cadre du Pacte émergence, à mettre en place une « Offre Maroc aéronautique » afin d’accompagner le développement du secteur par la mise en place de mesures concrètes et ciblées permettant au pays de s’ériger en véritable plateforme pour des métiers aéronautiques ciblés. Aéronautique 199 de ceux-ci. La majorité intervient à des niveaux inférieurs (niveaux 2 ou 3) auprès des systémiers et/ou équipementiers. Certains travaillent sur une niche d’activité très spécialisée et relevant d’un domaine stratégique et tissent marginalement avec l’avionneur des relations directes. Les sous-traitants de capacité constituent le troisième rang et se limitent à la production en série de pièces ou composants. Ils ne disposent d’aucune marge de manœuvre et travaillent, le plus souvent, pour des équipementiers ou des sous-traitants de spécialité. Ils ne développent aucune relation directe avec l’avionneur et rarement avec les systémiers. Figure 1 Chaîne de valeur du secteur aéronautique mondial Avionneur ou constructeur DOs Systémier Rang 1 Rang 2 ST de spécialité Equipementier Rang 2 ST de pièces élémentaires Transfert de risques et de charges Source : Schéma élaboré par les auteurs (28). La reconfiguration de la chaîne de valeur globale du secteur de la construction aéronautique, les pressions exercées sur les coûts de production, le désengagement progressif des États et l’externalisation croissante des activités non stratégiques ont amené les sous-traitants majeurs européens à réexaminer leurs politiques d’achat en faveur d’une croissance externe, notamment en direction de pays émergents (29). Profitant de ces orientations, la sous-traitance aéronautique au Maroc connaît un développement rapide, toujours par le biais de l’installation de filiales de groupes étrangers. Dans ce cadre, elle a pu répondre à une demande nouvelle de sous-traitance fortement 28. Schéma élaboré à partir de Z. Benhar, S. Etber, M. Khabbache, « Dynamique des relations verticales et clustering : quelle stratégie pour une sous-traitance aéronautique marocaine compétitive ? », mémoire pour l’obtention du diplôme du cycle supérieur de gestion, ISCAE, 2008. 29. M. Hattab-Christmann, op. cit. 200 Profils sectoriels et émergence industrielle technologique, largement mondialisée, associée à des facteurs géographiques, culturels et géopolitiques. Ainsi, le secteur aéronautique marocain est constitué de sous-traitants de premier et de second rangs qui peuvent attirer leurs clients et leurs fournisseurs de troisième et quatrième rangs. En effet, le Maroc se distingue dans le domaine de la maintenance aéronautique depuis de nombreuses années (30). Actuellement, le secteur compte 140 entreprises exerçant dans les activités de production, de services et d’ingénierie qui constituent les principales composantes de la chaîne de valeur aéronautique mondiale (figure 2). Figure 2 Positionnement du Maroc dans la chaîne de valeur aéronautique générale Étude de marché – Evaluation du risque marché – Identification de besoins des clients Conception Production Marketing – Conception détaillée – Intégration majeure – Leasing – Organisation du projet – Intégration modulaire – Essai / Certification – Dessin de base – Conceptualisation de base – Vente Services – Services après vente – Assemblage des sous-systèmes – Production des composantes Positionnement du Maroc Source : Direction des études et des prévisions financières, 2012. En outre, l’industrie aéronautique marocaine repose sur huit principaux métiers (travail des métaux, services, électronique/avionique, fabrication de pièces composites, supports techniques, maintenance/réparation, assemblage de sous-structures, fabrication de parties auxiliaires), avec une prédominance de l’activité « travail des métaux » qui contribue à elle seule avec 35 % (graphique 7). La sous-traitance aéronautique au Maroc, d’existence récente, est un secteur considéré par la plupart des acteurs comme étant de taille encore modeste, mais recelant un fort potentiel de croissance. Le nombre de clients par entreprise est 30. A titre d’exemple : entre Airbus et le Maroc c’est une longue histoire de coopération et de partenariat qui dure depuis plus de soixante ans. Parmi les filiales du groupe Airbus au Maroc, on trouve notamment Stelia, une usine implantée à Casablanca sur une superficie de 15 000 m² qui compte deux chaînes d’assemblage de portes pour des airbus A320 notamment. Le Maroc fait donc partie des partenaires privilégiés d’Airbus en Afrique dans le domaine de la coopération industrielle, produisant des pièces dans tous ses programmes, y compris l’A320, A330, A350 XWb, A380 et A400m (D.E.P.F, 2012). Aéronautique 201 limité, notamment en raison des contraintes de qualification, d’agrément client et de certification. De plus, les filiales installées des groupes internationaux fonctionnent uniquement de manière captive, sans autonomie commerciale. Graphique 7 Répartition des industries aéronautiques par domaine d’activité Travail des métaux Services Electronique / avionique Fabrication de pièces composites Supports techniques / ingénierie Maintenance / réparation Assemblage de sous-structures Fabrication de parties auxiliaires Source : Direction des études et des prévisions financières, 2012. Ainsi, les relations commerciales entre entreprises marocaines sont peu développées, elles se limitent à des demandes de sous-traitance de capacité en mécanique de précision et de sous-traitance de spécialité en traitement de surface. Il n’existe pas réellement d’activité organisée pour répondre à des demandes étendues sur plusieurs métiers (31). Le tissu industriel local lié à l’activité aéronautique reste encore insuffisant du point de vue des grands donneurs d’ordres avec une concurrence encore embryonnaire. Pourtant, avec l’avènement du PAI (32), plusieurs actions sont à l’ordre du jour en vue de développer une supply chain locale performante au service des références mondiales installées au Maroc (Safran, Bombardier aéronautique (33), Aerolia, Eaton…). Dans une logique gagnant-gagnant, l’idée est de bénéficier de la capacité de ces références à attirer autour d’elles 31. Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, « Mise en œuvre du Pacte national pour l’émergence industrielle », 2e Assisses de l’industrie, Casablanca, 5 mai 2011. 32. Plan d’accélération industrielle, 2014-2020. 33. Bombardier Aéronautique est une filiale du groupe Bombardier. C’est le troisième employeur et vendeur dans le domaine de la construction aéronautique après Boeing et Airbus. Le quatrième en termes de nombres d’avions commerciaux produits annuellement après Boeing, Airbus et Embraer. Dans le cadre du mémorandum d’entente signé avec le gouvernement marocain en 2011, le groupe s’était engagé à investir 200 millions de dollars américains au Maroc pour le développement d’une unité de production industrielle de calibre mondial, avec à la clé la création de 850 emplois directs à l’horizon 2020. Malgré les résultats financiers affichés pour le premier trimestre de 2019, l’entreprise canadienne a décidé de fermer son usine au Maroc. 202 Profils sectoriels et émergence industrielle leurs fournisseurs afin d’atteindre un niveau plus élevé d’intégration et pérenniser davantage le secteur marocain. 3. Capacités émergentes du secteur La modernisation progressive du tissu industriel national – et son ancrage dans les chaînes de valeur mondiales – observée au cours de ces dernières années est le fruit de l’émergence de nouvelles spécialisations (34) à plus forte contribution à la valeur ajoutée, à l’emploi qualifié et aux exportations. Le développement de l’industrie aéronautique au Maroc doit beaucoup à la volonté des pouvoirs publics. Le rôle de l’État reste important pour construire un environnement institutionnel propice au développement d’une industrie « propre », afin d’enraciner les firmes françaises mais aussi d’attirer d’autres firmes aéronautiques (notamment allemandes) encore concentrées dans les PECO (35). Ainsi, la gouvernance territoriale reste dominée par l’acteur public qui est lui-même dans la logique de satisfaire les attentes des investisseurs étrangers. De sa part, Airbus en tant qu’acteur global définit les règles et impose les conditions d’organisation de toute la filière aéronautique amont. Cette firme joue un rôle déterminant dans les dynamiques territoriales qui émergent. Par ailleurs, le GIMAS, principal organe de coordination du secteur, a acquis une certaine épaisseur institutionnelle grâce à la personnalité de ses dirigeants issus du secteur aéronautique. La disponibilité d’une main-d’œuvre formée et l’existence d’une charte déontologique entre les partenaires du GIMAS seraient l’amorce d’une véritable coopération dans le secteur afin d’éviter les surenchères sur les salaires. Pour l’instant, on est encore loin de parler d’une « atmosphère industrielle » reposant sur un climat de confiance et de réciprocité. Certaines entreprises du secteur ont privilégié l’éloignement et l’isolement pour protéger leur personnel, alors que d’autres ont choisi leur localisation au cours des années 90 de manière totalement indépendante puisqu’ils faisaient partie des pionniers. Paradoxalement, c’est autour de ce type d’entreprise que semble avoir émergé une certaine forme de dynamique territoriale. Le personnel s’est installé près de l’entreprise, des commerces et d’autres activités ont suivi (36). 34. Comme l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique. 35. Pays de l’Europe centrale et orientale (PECO). 36. M. Hattab-Christmann, op. cit. Aéronautique 203 En effet, bien que le Maroc s’impose comme une destination incontournable pour les benchmarks du secteur aéronautique, grâce notamment aux capacités qualitatives de sa main-d’œuvre, son avantage géographique et ses efforts déployés pour accompagner les industriels en aéronautique, le succès actuel de cette industrie au Maroc n’exclut pas qu’elle présente aussi quelques faiblesses, qui méritent d’autant plus d’être identifiées et traitées qu’elles peuvent être génératrices de fortes difficultés à terme. La matrice SWOT synthétise les principales forces et faiblesses, les opportunités et menaces de la filière aéronautique au Maroc (figure 3). Figure 3 Matrice SWOT du secteur aéronautique marocain Forces Faiblesses • Volonté politique stratégique : plan Émergence, Pacte national pour l’émergence industrielle, Plan d’accélération industrielle. • Aides financières : Fonds Hassan II… • Proximités géographique et culturelle. • Facilité d’installation et d’exploitation. • Bassins d’emploi caractérisés par la faible coût de la MO et une bonne productivité. • Compétences techniques des employés. • Prédisposition à la coopération et sens d’appartenance. • Habilité de gestion et réputation. • Dépendance positive du donneur d’ordres : – garantie des marchés ; – savoir-faire spécifique lié à certains produits ; – accès à l’information et identification des opportunités. • Faible tissu local de sous-traitance • Manque de compétences relationnelles spécifiques • Faible spécialisation sectorielle de la TFZ • Problèmes de développement des RH • Absence de vision partagée, de système de gouvernance et d’animation • Très faible intensité de la R&D et du transfert des connaissances • Carence dans la formation de la MO • Charge de la formation spécifique • Turn over des personnels formés / risque de pénurie • Dépendance négative du donneur d’ordres : – marge de manœuvre restreinte ; – faible autonomie ; – rigidité dans la chaîne logistique. Opportunités Menaces • Croissance du secteur au niveau mondial. • Forte pression sur les coûts en Europe. • Marché de maintenance prometteur suite à l’accord de l’Open Sky. • Nouvelles Implantations et extension d’unités industrielles. • GIMAS, acteur fédérateur et interlocuteur des pouvoirs publics. • Ouverture à l’export via les ALE avec les ÉtatsUnis et l’UE. • Infrastructures dédiées au niveau de l’Aéropole et de la TFZ. • Contexte marocain politique et socioéconomique favorable à l’investissement. • Cadre réglementaire compétitif. • Mise en œuvre des écosystèmes industriels. • Programmes d’amélioration de la production. • Pôles de conception et d’innovation. • • • • Source : élaboré par les auteurs. • • • • • • • • Caractère cyclique de l’industrie. Concurrence de plus en plus rude. Normes draconiennes : certifications. Retard de la mise en œuvre des plans et politiques industrielles. Politiques publiques timides en faveur des clusters. Difficulté de mise en œuvre des mesures incitatives. Ancrage superficiel des implantations étrangères Insuffisance des compétences qualifiées. Difficultés de recrutement de la MO. Insuffisances des services connexes et des infrastructures d’accueil. Manque au niveau de l’infrastructure TIC et des prestations de services. Lourdeur des procédures administratives. 204 Profils sectoriels et émergence industrielle Conclusion Le caractère cyclique de l’industrie aéronautique dans un environnement concurrentiel ouvert, le désengagement progressif des États, la concentration et l’internationalisation des acteurs industriels, les conduites des compagnies aériennes et les dispositions réglementaires liées à l’environnement et à la sécurité… ont tous participé à la refonte de la carte industrielle du secteur aéronautique mondial. Les donneurs d’ordres de grande taille ont réorienté leurs stratégies dans le sens d’une réduction des coûts et, par conséquent, d’une externalisation accrue, notamment vers les pays émergents low cost et d’autres pays tels que le Maroc, où le secteur aéronautique a localisé un ensemble d’activités. En effet, la proximité de l’Europe, la stabilité politique et économique, les stratégies industrielles volontaristes, la disponibilité et le coût de la maind’œuvre sont autant de facteurs qui favorisent l’attractivité de la destination Maroc et contribuent au renforcement de la productivité et à l’amélioration de la compétitivité des entreprises, permettant ainsi aux industriels de gagner en compétitivité, au pays de gagner en technologie et à la base aéronautique marocaine de gagner en robustesse et de devenir pérenne. Toutefois, pour rester attractif, le Maroc doit relever un double défi en adaptant son offre de compétences et en accélérant le changement institutionnel. Il faut noter qu’à l’heure où la compétitivité industrielle du Maroc est remise en question, l’aéronautique fait figure d’exception. Le secteur a été identifié parmi les moteurs de croissance du Pacte Émergence. La stratégie nationale (PAI 2014-2020) pilotée conjointement par le ministère de l’Industrie et le GIMAS s’est révélée payante. Néanmoins, en filigrane des mutations en cours se posent des questions fondamentales sur les innovations et les configurations futures du secteur (les nouvelles usines numériques et intelligentes, la conception et la production des avions du futur avec les nouveaux paradigmes économiques, technologiques et environnementaux). CHAPITRE 7 Électrique et électronique Rachid El Mataoui Introduction Le secteur de l’industrie électrique et électronique occupe une place importante dans l’industrie marocaine, compte tenu de son implication dans les différentes chaînes de valeur des différents secteurs économiques. C’est un secteur qui comprend des entreprises de différentes tailles selon leur capacité de production des différents éléments et composants correspondant aux diverses étapes de la production en proposant un large panel de produits, conçus et fabriqués pour répondre à une demande en constante évolution. Par conséquent, le secteur de l’électronique est un secteurphare de l’innovation sujet aux variations du marché, ce qui a naturellement une influence sur le marché de la machine industrielle électronique car ces dernières se doivent d’être flexibles pour pouvoir s’adapter au renouvellement constant des nouvelles technologies. En effet, les progrès technologiques enregistrés ces dernières années tendent de plus en plus vers la miniaturisation où l’enjeu est d’offrir un produit plus léger et plus petit, ce qui induit l’utilisation croissante d’automates. D’autre part, différents secteurs et types de machines sont impliqués dans le processus : de la production de composants électriques au conditionnement en passant par l’assemblage, autant dire que de nombreux secteurs industriels se combinent, de la première étape de la production jusqu’à la mise en magasin. En outre, il faut rappeler que l’industrie électronique dans le monde intervient dans de nombreux domaines d’application comme l’électronique grand public (TV, chaînes hi-fi, magnétoscopes, caméras, l’électroménager, qui représentent presque 18 % de la production totale), l’électronique professionnelle d’État ou privée, les télécommunications (réseaux téléphoniques, téléphonie cellulaire, communications spatiales, assistants numériques…) et l’informatique (près de 32,5 % de la production totale). 206 Profils sectoriels et émergence industrielle 1. Grandeurs du secteur L’électronique dans l’industrie automobile a connu ces dernières années le plus important taux de croissance annuel, suivie par les télécommunications, l’électronique grand public et les ordinateurs et périphériques avec près de 6 %. Concernant la production d’électricité, qui constitue aujourd’hui la principale la source d’émissions de CO2 dans le monde (près de 40 % des émissions) car elle est en grande partie produite avec du charbon, elle a beaucoup évolué afin de répondre aux objectifs du développement durable. Les systèmes et procédés de production électrique doivent évoluer avec des contraintes de flexibilité, autant du côté de l’appareil de production que de celui des usages. Les enjeux sont différents selon les pays : pour certains, il s’agira de faire évoluer l’existant, alors que pour d’autres, il faudra augmenter les capacités de production. Mais, dans tous les cas, la mutation du mix électrique sera générale. Les évolutions seront réalisées en fonction des moyens locaux. Au Maroc, la branche de l’électrique est constituée de la sous-branche machines et appareils électriques. Quant à l’électronique, elle est constituée des filières équipements de radio, télévision et communication et instruments médicaux de précision, d’optique et d’horlogerie. Le tissu productif est constitué principalement de petites et moyennes entreprises et industries (PME et PMI), soit à peu près 80 % de l’ensemble du secteur électrique et électronique, ce qui révèle l’importance de ce type d’entreprise dans l’ensemble des entreprises industrielles marocaines. Les grandeurs macro-économiques du secteur électrique et électronique ont continuellement progressé entre 2007 et 2014. Figure 1 Production du secteur électrique et électronique au Maroc (en millions de dirhams) Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan). Électrique et électronique 207 En effet, le secteur électrique et électronique a réalisé une production de 35 867 millions de dirhams en 2014, soit 2,32 % du total de la production totale de l’économie, contre 32 323 millions en 2007 (3 %). Il est à noter que l’évolution de la production de ce secteur est dépendante de la performance d’autres secteurs d’activité tels que le bâtiment et travaux publics, la promotion immobilière, le tourisme, les infrastructures de base… A cet égard, le Programme d’électrification rurale global lancé au milieu des années 90 par l’État, résultat d’un ensemble de programmes et expériences précédentes, constitue un levier de développement socio-économique pour le Maroc. Ce programme induira une amélioration de la consommation des produits électriques. Au niveau des investissements sur les produits de ce secteur, il est à constater les efforts enregistrés quant aux règles d’imposition attractives et aux avantages accordés sur le plan douanier. Le Fonds Hassan II pour le développement économique et social a contribué activement à la relance de l’investissement dans le secteur industriel de l’électronique en participant, d’une part, à la mise en place d’infrastructures d’accueil pour créer de nouvelles zones industrielles ou pour compléter certaines infrastructures manquantes et, d’autre part, à la prise en charge du financement, totale ou partielle, du coût de l’investissement lié au foncier ou aux bâtiments nécessaires à la réalisation de nouveaux projets. Concernant l’aide directe de l’État, pour concrétiser le potentiel du secteur de l’électronique, particulièrement celui des composants électroniques, ainsi que le fort développement des NTI qui induit une demande de plus en plus élevée en semi-conducteurs, un soutien direct est consenti pour attirer d’autres grands investisseurs et encourager l’implantation des sous-traitants. Toutes les lois de finances depuis la Charte des investissements élaborée en 1995 ont introduit de nouveaux articles complétant les mesures d’accompagnement et d’encouragement. L’article 17 de la loi n° 18-95, formant Charte de l’investissement stipule, pour les entreprises respectant au moins un critère d’éligibilité (investissement supérieur ou égal à 200 millions de dirhams, création d’au moins 250 emplois stables, protection de l’environnement et transfert de technologie) : – une participation aux frais d’acquisition du terrain atteignant jusqu’à 20 % du prix d’achat ; – une participation aux dépenses liées à l’infrastructure externe allant jusqu’à 5 % du total de l’investissement ; 208 Profils sectoriels et émergence industrielle – une participation aux frais de formation professionnelle pouvant atteindre 20 %. De son côté, les efforts de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) visent à entreprendre la diversification des prestations et des offres de formation aux entreprises du secteur électronique. Ces efforts ont comme objectifs de répondre au mieux à leur besoin en compétences adéquates et de certifier la qualité de formation. Il s’agit de mettre en place quatre spécialités, dispensées dans un grand nombre d’établissements de formation du pays, au profit des entreprises du secteur de l’électronique, d’offrir une formation complémentaire, de proposer une assistance technique aux entreprises et d’encourager le recours aux contrats spéciaux de formation. Toutefois, l’évolution des investissements du Maroc dans les produits du secteur électrique et électronique ont enregistré une régression de 44 %, passant de 14 108 millions de dirhams en 2007 (soit 6,8 % du montant total des investissements du pays) à 7 897 millions (2,9 %) en 2014. Tableau 1 Évolution de l’investissement dans le secteur électrique et électronique Montant (en millions de dirhams) 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 14 108 15 203 12 456 10 095 11 021 10 950 9 335 7 897 Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan). Cette régression des investissements est imputable aux coûts élevés des crédits bancaires et des dépenses en recherche et développement et à l’étroitesse du marché. Les entreprises à participation étrangère représentent 30 % des entreprises du secteur et se caractérisent par une forte concentration de la production en contribuant à hauteur de 82 % à la production totale du secteur. Dès lors, le capital étranger contribue non seulement à la performance du secteur électrique et électronique, mais il favorise aussi le transfert du savoir-faire et de la technologie et l’émergence d’une industrie de la sous-traitance électronique. Les entreprises qui opèrent dans la sous-traitance électronique, se spécialisent plus précisément sur plusieurs produits comme les cartes électroniques, les circuits intégrés, les centraux téléphoniques, les semi-conducteurs, etc. La majorité de la production est exportée sur les marchés de l’Union européenne, particulièrement la France. La sous-traitance électronique a affiché une Électrique et électronique 209 croissance soutenue, en moyenne de 14,7 % sur la période 2007-2014. Cependant, elle pâtit de diverses contraintes comme le coût élevé de l’énergie, l’étroitesse du marché national, le coût élevé du fret aérien et le manque d’infrastructures adéquates pour l’investissement. Par ailleurs, si le secteur électrique et électronique contribue faiblement à la richesse nationale, soit 5,5 % du PIB industriel, sa croissance a été consolidée depuis le milieu des années 2000 en raison de l’installation de firmes multinationales, du développement de la sous-traitance électronique et du début de la spécialisation en matière d’électronique de spécialité et de petites et moyennes séries. Ainsi, la sous-traitance électronique a affiché un essor considérable en raison notamment de nombreux atouts : une main-d’œuvre abondante, qualifiée et bon marché, la proximité géographique avec l’Union européenne, son ouverture sur l’Afrique et la stabilité politique. Compte tenu de son potentiel de développement, le secteur de l’électronique figure parmi les secteurs-phares de la croissance industrielle à l’horizon 2015. Dans ce cadre, le Maroc a mis en place plusieurs mesures d’ordre juridique et institutionnel visant à promouvoir ses avantages comparatifs dans le but de développer le créneau de l’électronique de spécialité et de petites et moyennes séries, permettant de dégager des marges bénéficiaires appréciables. Toutefois, ce secteur doit dépasser diverses contraintes pour exploiter au mieux les perspectives de développement enregistrées au niveau mondial : le coût élevé de l’énergie, l’étroitesse du marché national, l’absence d’un cadre de R&D, le coût élevé du fret aérien et le manque de structures d’approvisionnement en matières premières. La délocalisation des entreprises de sous-traitance électronique s’accompagne généralement d’investissements conséquents et d’un transfert de savoir-faire et de technologie. Celles-ci utilisent rarement les dettes d’exploitation et de financement du fait de leur adossement à de grands groupes étrangers. Elles réalisent une bonne performance opérationnelle. En se référant à la nomenclature du ministère de l’Industrie, le secteur électrique et électronique, qui fait partie des industries mécanique, métallurgique, électrique et électronique (IMME), comprend deux grands sous-secteurs : l’électrique, avec la branche « machines et appareils électriques », et l’électronique, avec deux branches : « équipements de radio, télévision et communication » et « instruments médicaux, instruments de précision d’optique et d’horlogerie ». Selon les statistiques de 2013, sur les 7 786 entreprises du secteur industriel répertoriées par le ministère de l’Industrie, 210 exercent leur activité dans le secteur électrique et électronique, soit 2,7 % du total, et 210 Profils sectoriels et émergence industrielle emploient plus de 20 000 personnes. Ce secteur est composé de cinq filières principales : les fils et câbles, le matériel de distribution et de commande électrique, les instruments de mesures et de contrôle, les piles et accumulateurs, le matériel d’éclairage et les machines, transformateurs et génératrices. Ledit secteur a dégagé une valeur ajoutée qui a dépassé 12 millions de dirhams en 2014, soit 1,47 % de la valeur ajoutée de l’économie contre 10,5 millions en 2007 (soit 1,82 %) avec une évolution de 16,1 %. Figure 2 Évolution de la valeur ajoutée du secteur électrique et électronique (en millions de dirhams) Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan). Quant à la composante de la valeur ajoutée dégagée par le secteur électrique électronique, la rémunération du capital (excédent brut d’exploitation ou revenu mixte) reste la principale source de rémunération avec une moyenne de 50,4 % durant la période 2007-2014, dépassant légèrement la rémunération salariale (dont les salaires bruts et les contributions sociales effectives et imputées) avec 48,9 %. Quant à l’impôt sur l’activité du secteur, sa part reste minime, avec une moyenne de 0,7 %. Tableau 2 La part du secteur électrique et électronique dans la valeur ajoutée totale de l’économie (en %) 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Moyenne Rémunération des salariés 46 51 51 61 51 46 42 42 48,9 Impôts sur la production 0,52 0,57 0,69 0,62 0,56 0,58 0,66 1,20 0,7 Excédent brut d’exploitation 54 48 48 38 48 54 57 56 50,4 Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan). Électrique et électronique 211 Sur le plan des échanges extérieurs, les exportations des produits de ce secteur ont évolué de plus de 67 %, passant de 19,7 millions de dirhams en 2007 à plus de 33 millions en 2014. Les fils et câbles restent les principaux produits qui ont dopé les exportations du secteur, suivis par les articles de bonneterie. Les principaux marchés de l’exportation se situent en Europe, plus particulièrement en France, et les exportations marocaines sont constituées en grande partie des produits des entreprises de la sous-traitance électronique. Dans le cadre de la politique volontariste de l’État pour le développement d’une plateforme d’exportation des produits électroniques, les exportations marocaines devraient croître dans les années à venir. Quant aux importations, leur volume a enregistré une évolution de plus de 26 % durant la même période, passant de 43 millions de dirhams en 2007 à plus de 58,5 millions en 2014. Les principaux produits importés sont constitués principalement des appareils récepteurs radio et télévision, fils et câbles pour l’électricité, appareils de coupures électriques et appareils électriques pour téléphonie et télégraphie, représentant 87,1 % du total des importations. Les importations de soussystèmes électroniques ont progressé fortement entre 2007 et 2014. En effet, ces produits sont utilisés comme des matières premières ou des demi-produits pour la fabrication des composants électroniques. Les principaux fournisseurs du Maroc pour les produits électriques et électroniques sont les pays de l’Union européenne (France, Italie, Espagne, Allemagne, etc.) et de l’Asie (Chine, Japon, Taïwan, Malaisie, Singapour, etc.) Figure 3 Évolution des exportations et des importations du secteur électrique et électronique (en millions de dirhams) Importations Source : Office des changes. Exportations 212 Profils sectoriels et émergence industrielle Cette évolution confirme l’attrait du marché pour les exportateurs de biens électriques et électroniques, les grandes multinationales qui occupent une position dominante sur le marché marocain. Toutefois, force est de constater le déficit enregistré au niveau de la balance commerciale concernant les produits de ce secteur, et qui prouve qu’il y a encore du travail à faire pour renflouer et booster les exportations du pays en la matière à travers des politiques d’attractivité des investissements étrangers, le climat des affaires, la qualification de la main-d’œuvre… Même si le déficit commercial en matière de produits d’électricité et d’électronique a connu une tendance à la baisse depuis 2009, avant d’atteindre un pic de 36 973 millions de dirhams en 2008, sa valeur moyenne, qui tourne autour 29 812 millions de dirhams durant ces dernières années, demeure relativement élevée comparée à certains pays à économie similaire. Tableau 3 Évolution du déficit commercial dans le secteur électrique et électronique 2007 Montant (en millions de dirhams) 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 26 617 36 973 33 420 30 870 27 557 27 934 29 718 25 407 Moyenne 29 812 Source : Office des changes. Concernant l’emploi, le secteur électrique et électronique n’a pu créer en 2014 que 28 345 emplois, soit seulement 0,26 % de l’ensemble des emplois créés par l’économie et 6,3 % des emplois de l’ensemble des industries de transformation du pays, et dont 50 % sont occupés par des femmes. Tableau 4 L’emploi dans le secteur électrique et électronique Effectif Part (en %) 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 52 057 27 305 24 134 28 226 35 874 29 496 31 115 28 345 0,87 0,26 0,23 0,27 0,34 0,28 0,29 0,26 Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan). Électrique et électronique 213 2. Électrique Loi 13-09 (1) constitue le premier pas dans le processus de libéralisation du secteur électrique. Elle a libéralisé la production et la commercialisation de l’électricité issue des énergies renouvelables et a donné la possibilité aux entreprises privées de développer la capacité de production d’électricité de source renouvelable et de commercialiser cette énergie sur le marché de l’électricité. Selon les autorités marocaines, une nouvelle étape dans le processus de libéralisation a été franchie avec l’adoption des amendements apportés à la loi régissant la création de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE). Ce texte donne également la possibilité aux grands autoproducteurs nationaux d’électricité, dont les besoins en puissance installée cumulée dépassent 300 MW, d’accéder au réseau de l’ONEE pour transporter leur énergie depuis le site de production jusqu’aux lieux de consommation. Il leur donne également la possibilité de produire, par leurs propres moyens, de l’électricité pour des puissances de production supérieures à 50 MW. En plus des programmes marocains intégrés éolien et solaire, en cours de développement respectivement par l’Office national de l’électricité et de l’eau potable et la Moroccan Agency For Solar Energy (MASEN), la loi 13-09 permettra d’introduire des innovations majeures : l’ouverture à la concurrence du marché de la production et de la commercialisation de l’électricité produite à partir des énergies renouvelables, la possibilité offerte aux entreprises privées porteuses de projets de production d’électricité de sources renouvelables d’accéder au réseau électrique national et de réaliser, pour leur propre usage, des lignes directes de transport et d’exporter de l’électricité d’origine renouvelable par l’utilisation du réseau électrique national de transport et des interconnexions. En outre, la loi n° 57-09 créant l’Agence marocaine de l’énergie solaire (MASEN) et régissant le développement des projets solaires fixe à cette agence des objectifs spécifiques par rapport à la mise en œuvre du Plan solaire, lui permet d’assurer la gestion de ses projets et d’être responsable des décisions prises les concernant. 1. Loi n° 13-09 relative aux énergies renouvelables, promulguée par de dahir n° 1-10-16 du 26 safar 1431 (11 février 2010) publiée au Bulletin officiel n° 5822 du 1er rabii II 1431 (18 mars 2010). 214 Profils sectoriels et émergence industrielle A cela s’ajoute la loi n° 47-09 sur l’efficacité énergétique (2), qui s’inspire des expériences française et allemande. C’est une loi qui instaure les principes d’une future régulation thermique et permet de rationaliser la consommation des ressources énergétiques, de réduire le coût de l’énergie au niveau national et de contribuer au développement durable. En termes de potentialités du secteur, les filières de fabrication de matériel de distribution et de commande électrique, de fils et câbles isolés et d’instruments de mesure et de contrôle sont les plus importantes filières de la branche. En effet, bien qu’elles ne représentent que 31 % de l’ensemble des sociétés du secteur, leurs activités réalisent 86 % des exportations, 79 % des investissements, 72 % de la production et 65 % de la valeur ajoutée de l’industrie électrique. La dynamique du secteur a été constatée depuis le lancement du Programme d’électrification rurale généralisé (PERG) en 1995, réalisé en grande partie par des entreprises marocaines notamment avec la fabrication de produits locaux. Grâce à ce programme, le secteur électrique s’est nettement développé, et ses entreprises ont réussi à acquérir une bonne expérience en matière d’installation électrique. En outre, d’autres programmes ayant comme objectif la résorption du déficit en matière d’habitat ont eu également un impact positif sur ce secteur, dans la mesure où les entreprises marocaines ont réussi à adapter leurs produits aux besoins des différentes couches sociales. Les perspectives de ce secteur sont prometteuses au Maroc et sont favorisées notamment par : – les programmes d’habitat social et l’amélioration des conditions de vie du monde rural ; – le développement du secteur de l’automobile en contribuant à l’épanouissement de filières telles que les faisceaux de câbles et les accumulateurs électriques ; – les projets d’envergure prévus par l’ONEE, notamment la construction de plusieurs centrales électriques ; – la pénétration progressive des marchés africains ; – la volonté du pays de développer le secteur des énergies renouvelables. Engagé dans la voie du développement durable, le Maroc est s’orienté depuis des années vers la recherche et le développement des énergies 2. La loi n° 47-09 relative à l’efficacité énergétique est entrée en vigueur le 6 novembre 2015, publiée au Bulletin officiel n° 5996 du 20 hijja 1432 (17-11-2011). Électrique et électronique 215 renouvelables, propres et respectueuses de l’environnement. En effet, le pays dispose d’un important potentiel en énergies renouvelables, notamment le solaire et l’éolien, en particulier sur les zones côtières. Pour accompagner ce secteur des énergies renouvelables, un projet de loi relatif à l’efficacité énergétique, aux énergies renouvelables et à la restructuration du Centre de développement des énergies renouvelables a été élaboré et actuellement en phase de finalisation. Ce projet a pour objet d’assurer le développement durable de la fourniture d’énergie, de réduire le coût de l’approvisionnement énergétique pour l’économie nationale, de lutter contre le changement climatique et de développer la technologie de valorisation des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. A signaler également que les entreprises du secteur exploitent de nouveaux débouchés en Afrique, notamment dans les pays subsahariens (Sénégal, Cameroun, Côte-d’Ivoire, Gabon, Guinée équatoriale, Mali, Togo, Bénin) dont le déficit en matière d’électrification est important. 2.1. Conjoncture nationale et internationale La production électrique au Maroc a enregistré une hausse soutenue ces dernières années, en particulier grâce aux fournisseurs privés, au moment où la production de l’ONEE était en recul (DEPF) (3). Cette production est assurée notamment par des centrales à cycle combiné, thermique diesel et de turbines à gaz. Quant à l’activité de raffinage, elle a poursuivi son recul ces dernières années, mais en rythme décéléré d’un mois à l’autre. Par ailleurs, la consommation d’électricité a augmenté de 1,1 % en une année, révélant une hausse de la consommation de l’énergie de très haute, haute et moyenne tension de 0,5 % et de celle de basse tension de 3,5 %, souligne la DEPF. Au niveau mondial, la production électrique a crû en moyenne de 3 % par an pendant les dix dernières années, et la croissance en 2013 et 2014 n’était que de 1,5 % par an. Neuf pays, la Chine, les États-Unis, la Russie, le Japon, le Canada, l’Allemagne, la France et le Brésil, s’accaparent 66 % de la production. En perspective, il y a une tendance nette à un ralentissement de la croissance de la production électrique au niveau mondial pour de nombreux pays de l’OCDE, à l’exception de l’Inde et de l’Arabie saoudite. 3. Direction des études et des prévisions financières, Ministère de l’Économie et des Finances, Note de conjoncture pour le mois de juillet 2015. 216 Profils sectoriels et émergence industrielle Le Maroc, vu les moyens naturels dont il dispose, n’a d’autre choix que de renforcer localement sa capacité de production d’énergie et d’ouvrir la voie aux investissements prometteurs en matière d’approvisionnement énergétique. Il se doit également de poursuivre résolument les efforts visant à faire des énergies alternatives et renouvelables la clé de voûte de sa politique énergétique. Les futurs projets économiques devraient accroître en 2030 la demande en énergie de près de 185 % et celle en électricité de 68 %. Pour soutenir l’accélération de ces projets, le Maroc a développé une stratégie énergétique ambitieuse à l’horizon 2020-2030 (la Stratégie énergétique marocaine). Ne disposant pas de ressources en hydrocarbures et dépendant fortement des importations énergétiques, il souhaite aujourd’hui tirer le meilleur parti de ses ressources en énergies solaire et éolienne. 2.2. Acteurs Au niveau des acteurs relevant du secteur public, on trouve, en plus du ministère de tutelle, quatre établissements : • l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (l’ONEE), qui est l’entité publique en charge de la production, du transport et de la distribution de l’électricité ; • MASEN, qui est une agence publique en charge du développement des projets solaires ; • la Société d’investissements énergétiques (SIE), qui contribue au développement des projets énergétiques à travers le financement partiel par l’État sous forme d’une participation directe au capital ou d’un investissement effectué par un partenaire financier dans le capital de la société porteuse du projet ; • l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ADEREE), qui est l’acteur principal du Programme d’efficacité énergétique à destination des entreprises. Parmi les principales entreprises du secteur, on trouve : – ABB, qui est un des chefs de file mondiaux dans le domaine de l’énergie et de l’automation et qui œuvre dans le domaine éco-énergétique pour la production, le transport et la distribution d’électricité. – NEXANS, qui est présente dans 40 pays, a des activités commerciales dans le monde entier et emploie près de 26 000 personnes. Cette entreprise est le leader national des câbles et systèmes d’énergie et de télécommunications et le premier fabricant de câbles téléphoniques enterrés ou aériens du Maroc. Électrique et électronique 217 Elle assure également la production de câbles pour automobile et de toute une gamme de batteries. – INGELEC, qui est le premier producteur arabo-africain dans l’appareillage électrique basse tension. Il est leader sur le marché local avec 60 % de parts de marché et réalise 40 % de son chiffre d’affaires à l’export. Cette entreprise exporte plus de 40 % de sa production, soit 32 % de son chiffre d’affaires, vers les pays de l’Union européenne, de l’Afrique et du Moyen-Orient. Elle a également investi dans les nouvelles technologies et a développé une solution complète de pré-câblage informatique, permettant de réaliser des bâtiments intelligents en les dotant d’une infrastructure haut débit pour réseau informatique. – Elecam, qui est une filiale de SPIE-Maroc, développe et met en œuvre des services tels que l’électricité industrielle et tertiaire, les réseaux et télécoms, les lignes et postes, la fabrication métallique, la maintenance et l’exploitation et le génie climatique et des fluides. – Le groupe Siemens-Maroc, qui apporte une valeur ajoutée dans des domaines variés et technologiquement complexes : l’automatisme et les entraînements, l’ingénierie et les services, la production et la distribution de l’énergie électrique, le transport, les réseaux et télécoms fixes et mobiles, les appareils téléphoniques fixes et mobiles et les techniques médicales. 2.3. Perspectives Avec le lancement de projets économiques pour accompagner l’accroissement de la demande en énergie et soutenir l’accélération de ces projets, le Maroc a développé une stratégie énergétique ambitieuse à l’horizon 2020-2030 (la Stratégie énergétique marocaine). L’objectif étant la satisfaction de la demande énergétique qui suit un rythme de croissance soutenu (la demande augmentera de 70 % entre 2013 et 2025). Cette stratégie énergétique devra concilier développement économique et lutte contre le changement climatique et donner une place de choix aux énergies renouvelables avec pour objectif la réduction de 32 % des émissions de GES à l’horizon 2030. 3. Électronique L’industrie électronique au Maroc demeure l’un des secteurs les plus dynamiques ces dernières années. La stratégie adoptée par les pouvoirs, basée essentiellement sur la mise en œuvre d’infrastructures performantes et l’octroi d’incitations fiscales, a réussi à attirer de nombreux investisseurs étrangers 218 Profils sectoriels et émergence industrielle pour constituer avec les acteurs locaux un tissu productif qui pourra répondre aux besoins de la clientèle dans de nombreux domaines comme l’électronique grand public (les TV, chaînes hi-fi, magnétoscopes, caméras, électroménager…), l’électronique professionnelle d’État (l’aérospatiale et la défense), l’électronique professionnelle privée (l’électronique médicale et automobile…), les télécommunications (les réseaux téléphoniques, la téléphonie cellulaire, les communications spatiales, les assistants numériques….) et l’informatique. La combinaison de l’investissement local et de l’investissement étranger dans un cadre de complémentarité a eu un impact notable sur l’industrie électronique, non seulement avec l’arrivée de nouveaux investisseurs mais également avec l’augmentation de la consommation locale des biens pour l’industrie électronique. Cette industrie comprend deux branches d’activités : l’électronique grand public, représentée en amont par des produits bruns et des produits blancs, et l’électronique de spécialité intégrée qui comprend l’électronique industrielle, embarquée et médicale. 3.1. Mécanisme d’appui au secteur Dans le sillage de la promotion du secteur de l’industrie électronique au Maroc, les autorités marocaines ont envisagé de mettre en place des mécanismes institutionnels visant à apporter aux entreprises des écosystèmes en matière de financement, de foncier industriel et de formation, notamment : – le Fonds de développement industriel (FDI), qui permet d’allouer 3 milliards de dirhams par an sur la période 2014-2020 aux entreprises des écosystèmes, pour leur permettre de concrétiser leurs ambitions de mise à niveau, de développement et d’internationalisation ; – le Fonds de promotion des investissements (FPI) qui propose la prise en charge partielle par le gouvernement de certaines dépenses liées à l’acquisition du foncier (dans la limite de 20 % du coût du terrain), à l’infrastructure externe (dans la limite de 5 % du montant global du programme d’investissement) et à la formation professionnelle (dans la limite de 20 % du coût de cette formation) ; – le Fonds Hassan II qui propose des subventions à hauteur de 15 % du montant total de l’investissement, plafonnées à 30 millions de dirhams (le montant total de l’investissement doit être supérieur ou égal à 10 millions de dirhams et le montant de l’investissement en biens et équipements (hors taxes et droit d’importation) supérieur ou égal à 5 millions de dirhams). Électrique et électronique 219 3.2. Conjoncture internationale et perspectives Au niveau mondial, la plus grande part de la production électronique est fournie par trois grands groupes de pays : l’Amérique du Nord, dominée principalement par les États-Unis, l’Europe et les pays de l’Asie, notamment la Chine, qui est devenue en 2013 le premier marché de l’électronique grand public devant les États-Unis. Au total, les dépenses technologiques dans les pays émergents d’Asie ont atteint 282 milliards de dollars, contre seulement 254 milliards en Amérique du Nord. L’innovation au niveau du secteur profitera aux ventes de téléviseurs qui vont poursuivre leur lent redressement (entre 2 et 2,5 millions de ventes cette année au niveau mondial). La production électronique dans le monde connaîtra lors des dix prochaines années une croissance annuelle moyenne de plus de 6 %. L’électronique dans l’industrie automobile réalisera le plus important taux de croissance annuelle, soit 10,6 %, suivie par les télécommunications (+ 6,5 %) et l’électronique grand public et les ordinateurs et périphériques (+6 %). La croissance de la production mondiale profitera en 2014 à la Chine avec 14,1 % de croissance de sa part de marché contre seulement 4,9 % pour l’Europe, 4,5 % pour l’Asie-Pacifique et 4 % pour l’Amérique du Nord. 3.3. Atouts et cadre incitatif Le secteur électronique au Maroc bénéficie de nombreux atouts et avantages lui permettant d’être parmi les secteurs les plus porteurs de l’économie. Il s’agit plus précisément de la proximité du marché européen et africain, avec notamment sa grande capacité d’absorption, sa main-d’œuvre qualifiée, relativement abondante et bon marché. Aussi le Maroc a-t-il mis en œuvre différentes mesures incitatives, notamment dans les zones franches, telles la réduction de l’impôt sur les sociétés, l’exonération de la TVA à l’import et à l’export et les aides financières à l’installation et à la formation de la main-d’œuvre. En outre, sur le plan de la formation de la main-d’œuvre, la stratégie adoptée dans le cadre du Plan d’accélération industrielle vise, entre autres, à répondre aux besoins en compétence des écosystèmes mis en place. A cet égard, une description des profils des ouvriers par secteur et par région avec leurs besoins en formation a été mise en place pour permettre l’élaboration d’un plan national de formation. 220 Profils sectoriels et émergence industrielle 3.3.1. Infrastructures d’accueil Les infrastructures dans le secteur seront « boostées » par la mobilisation de 1 000 hectares pour la mise en place de parcs industriels locatifs intégrés (PIL) dans le cadre du Plan d’accélération industrielle 2014-2020. En outre, des plateformes industrielles intégrées, généralistes et sectorielles, seront mises en œuvre et bénéficieront du statut de zone franche en garantissent la disponibilité du foncier à un coût attractif avec notamment une offre immobilière et logistique complète, diversifiée et conforme aux meilleurs standards internationaux. 3.3.2. Appui aux écosystèmes du secteur Toujours dans le cadre du Plan d’accélération industrielle, des mesures d’accompagnement adaptées et des aides ciblées sont apportées aux entreprises industrielles y compris celles agissant dans le secteur de l’électronique et des écosystèmes en matière de financement, de foncier industriel et de formation. Un Fonds de développement industriel (FDI) de 3 milliards de dirhams par an sur la période 2014-2020 sera alloué aux entreprises des écosystèmes pour leur permettre de concrétiser leurs objectifs de mise à niveau, de développement et d’internationalisation. 3.3.3. Incitations fiscales et facilités administratives En matière fiscale, appliquées aux incitations ont été adoptées par le code général des impôts : avantages douaniers visant l’exonération totale des droits d’importation, procédures douanières simplifiées et exonération illimitée de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des produits livrés et des prestations de services rendues aux zones franches d’exportation et provenant du territoire assujetti. Quant aux facilités appliquées aux procédures administratives, elles visent l’exonération des droits d’enregistrement et de timbre sur les actes de constitution ou d’augmentation de capital et sur les acquisitions de terrain. 3.3.4. Accompagnement des PME Les mesures d’accompagnement spécifique adoptées par les autorités marocaines dont peuvent profiter les PME du secteur visent à encourager et promouvoir leurs activités dans le cadre des programmes suivants : • Imtiaz Croissance, qui est une prime à l’investissement destinée aux PME opérant dans l’industrie et les activités intégrées à l’industrie ayant réalisé lors du dernier exercice un chiffre d’affaires compris entre 10 et 200 millions de dirhams et un projet de développement favorisant la croissance, la création de valeur ajoutée et la création d’emplois. Électrique et électronique 221 • Istitmar Croissance, qui est un dispositif permettant de soutenir l’investissement en faveur de la création de valeur ajoutée et d’emplois et pour renforcer les écosystèmes industriels. Il offre une prime à l’investissement de 30 % du montant de l’investissement plafonné à 2 millions de dirhams au profit des TPE sélectionnées. • Auto-entrepreneur, qui encourage les futurs entrepreneurs à se lancer dans de nouveaux projets grâce à la simplification des procédures administratives et aux incitations fiscales. 3.3.5. Infrastructures d’accueil Dans le cadre du Plan d’accélération industrielle 2014-2020, un projet de mise en œuvre de plateformes industrielles intégrées généralistes et sectorielles, bénéficiant éventuellement du statut de zone franche, est étudié. L’objectif est de garantir la disponibilité du foncier à un coût attractif, une offre immobilière et logistique complète, diversifiée et conforme aux meilleurs standards internationaux, ainsi que des services sur site et un guichet administratif unique. En outre, le ministère prévoit la mobilisation de 1 000 hectares pour la mise en place de parcs industriels locatifs intégrés (PIL) avec des locaux clé en main. Par ailleurs, la compétitivité du Maroc dans l’électronique automobile est d’un niveau élevé de production et de proximité avec les industriels automobiles. Dans ce cadre, et dans le but de développer davantage la soustraitance électronique, les autorités marocaines ont conçu une approche intégrée autour de Tanger Med, inspirée du modèle des maquilladoras mexicaines et offrant un cadre incitatif et attractif pour l’investissement. L’objectif recherché est d’offrir une plateforme immobilière très flexible (locaux équipés prêts à l’emploi, conditions d’exploitation totalement flexibles et prise de risque minimum), des facilités administratives pour les PME/ PMI (structure d’accueil permanente spécialisée PME/PMI, services groupés administratifs) et une source de financement accessible (accès aux fonds de capital-risque à des conditions avantageuses). 3.3.6. Principaux acteurs Les principaux acteurs qui agissent dans le secteur sont, en plus du ministère de la tutelle, la Fédération nationale de l’électricité, de l’électronique et des énergies renouvelables (FENELEC) et un certain nombre de grandes entreprises nationales et internationales comme Stmicroelectronics, Lear Corporation Automotive Electronics Morocco, Crouzet, Eolane, Bm Electronics Systems. CHAPITRE 8 Énergie Benaissa Nahhal 1. Historique et cadre législatif Sous l’égide des autorités de tutelle et de plusieurs autres institutions réglementaires et opérationnelles, le secteur de l’énergie au Maroc a traversé un long processus de transformation. Son organisation et ses règles de fonctionnement s’inspirent largement des modèles des autorités du protectorat. Il est régi par un arsenal juridique et réglementaire en perpétuel mouvement et en constante adaptation aux nouvelles exigences et aux besoins du marché. La description de cette évolution législative et organisationnelle du secteur passe par la présentation des principaux acteurs du secteur et des principales lois qui régissent leurs activités. Les activités énergétiques du secteur étaient essentiellement basées sur l’électricité et les carburants. Les installations électriques et d’eau, qui étaient de fortune, ont connu après 1914 une modernisation afin d’accompagner le développement de villes et des grands rassemblements. Ainsi, les autorités ont mobilisé des moyens et des installations locales pour améliorer l’alimentation en électricité. De plus, le développement industriel a obligé le gouvernement en place à lancer des programmes d’exploitation des eaux issues des grands fleuves et la centralisation des moyens et des centres de production pour produire plus d’électricité. La volonté politique, l’accroissement de la demande, la multiplication des rapprochements entre les petites unités de production locales et le lancement de plusieurs installations de production électrique à base hydraulique et de diesel dans les grandes villes ont permis, en 1924, de créer la société « Énergie électrique du Maroc » (EEM) (1). Les efforts de développement ont permis à la capacité de production nationale d’atteindre en 1938 environ 230 millions de kilowattheures par an pour des besoins de 150 millions de kilowattheures par an. Également, 1. Saul Samir, « L’électrification du Maroc à l’époque du protectorat », in Outre-mers, tome 89, n° 334-335, 1er semestre 2002. « L’électrification outre-mer de la fin du XIXe siècle aux premières décolonisations », p. 491-512. 224 Profils sectoriels et émergence industrielle des mesures législatives et organisationnelles ont permis la mise en place d’un réseau de transport et de liaison pour connecter les différents centres de production et de distribution. L’hydroélectrique n’a pas pu s’imposer longtemps comme principale source d’électricité. En effet, les difficultés climatiques ont obligé de se tourner vers d’autres moyens de production. C’est ainsi qu’en 1953 la production d’électricité au Maroc provenait principalement de la vapeur à hauteur de 55 %, de l’hydraulique, 36 %, et du diesel, 9 % (2). Dans ce contexte, EEM (3) centralise le principal de l’activité. Mais pour gérer le surplus de production, une importante partie de la distribution reste assurée par des petits concessionnaires chargés de la vente au détail (4). Base de développement de la production d’électricité, l’EEM a constitué la référence administrative et organisationnelle de l’extension des activités dans ce segment énergétique. Ainsi, dès l’Indépendance, l’État marocain a procédé à la restructuration des organisations de production et de distribution d’électricité. L’Office national d’électricité a été créé par le dahir n° 1-63-226 du 5 août 1963, qui lui offre le monopole de la production, du transport et de la distribution de l’énergie électrique au Maroc. Sur la même lancée, pour permettre aux organismes publics de répondre à la croissance de la demande, le gouvernement a pris des mesures (5) permettant aux organismes publics et privés de produire, par leurs propres moyens, de l’énergie électrique avec droit d’accès au réseau national sous certaines conditions et avec la signature de conventions avec l’ONE. Suite à ces décisions, le décret-loi n° 2-94-503 du 23 septembre 1994 a limité le monopole de l’ONE dans la production électrique. Des conventions ont donc été signées avec des opérateurs privés. Il s’agit surtout de l’accord avec JLEC en 1997, avec la Compagnie eolienne du détroit en 1998 et avec l’Energie électrique de Tahaddart. 2. Source : Archives d’énergie électrique du Maroc (EEM). 3. La société constituée (EEM) avait plusieurs participants : la Société d’études des chemins de fer du Maroc, la Compagnie franco-espagnole du chemin de fer de Tanger à Fès, des banques, des sociétés spécialisées dans la construction et d’autres acteurs. La EEM, société anonyme française, est domiciliée à Paris, la direction et les services de l’exploitation d’EEM, à Casablanca. 4. Saul Samir, op. cit., p. 491-512. 5. Il s’agit des lois n° 54.14 modifiant et complétant l’article 2 du dahir n° 1-63-226 du 14 rabii I 1383 (5 août 1963) portant création de l’Office national de l’électricité et l’article 5 de la loi n° 40-09 relative à l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, ONEE. Energie 225 Après ces opérations d’ouverture du champ de la production et dans le cadre de libéralisation de l’activité économique, les autorités de tutelle ont lancé également, à partir de 1997, des programmes progressifs de délégation de la distribution d’électricité. C’est ainsi que plusieurs communes ont délégué ce service public à des opérateurs privés, et l’ONEE ne détient plus le monopole de la distribution. Concernant le segment pétrolier, l’activité a suscité un grand intérêt avant l’indépendance. Durant le Protectorat, plusieurs compagnies opèrent dans la recherche pétrolière au Maroc. A cette époque la Société chérifienne des pétroles (SCP (6)) et le Bureau de recherches et de participations minières (BRPM (7)) représentaient l’autorité nationale chargée de l’exploration pétrolière et de la gestion des activités afférentes au secteur pétrolier. En 1929, sous la tutelle française, le secteur a connu une restructuration des travaux d’exploration pétrolière avec le rapprochement entre la SCP, le BRPM et d’autres intervenants financiers liés au pays colonisateur. Après l’Indépendance, le premier code des hydrocarbures de 1958 a permis de relancer l’exploration par les sociétés nationales et des compagnies étrangères comme Agip, Esso, etc. Par la suite, l’activité du secteur pétrolier a continué son mouvement de modernisation et de restructuration. A titre d’illustration, en 1962, la SAMIR (Société anonyme marocco-italienne de raffinage) a été créée sous forme de co-entreprise entre le bureau d’études et des participations industrielles (BEPI) (8) et le groupe énergétique italien ENI. En 1973, l’État rachète les parts détenues par les Italiens et marocanise la société qui devient une entreprise entièrement étatique (9). Suite au contrôle de l’exploration et de la production, le programme de marocanisation a permis de constituer la Société nationale des produits pétroliers (SNPP) en 1974, afin de participer au capital des sociétés pétrolières 6. Créée en 1929, la SCP avait en charge la réalisation des activités relatives à l’exploration pétrolière. Elle a existé jusqu’à la fermeture, par la SAMIR, de son dernier centre à Sidi Kacem, en 2009. Sources : http://www.onhym.com/historique.html 7. Le dahir du 15 décembre 1928 a eu pour but de constituer un organisme spécialisé doté des voies et moyens pour donner une forte impulsion aux recherches minières. Information disponible sur https://www.monde-diplomatique.fr/1962/06/A/24789 8. Doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière, le BEPI est l’organisme d’exécution du gouvernement marocain pour l’équipement industriel conformément aux instructions et décisions du Conseil supérieur du plan. Information disponible sur https:// www.monde-diplomatique.fr/1962/06/A/24775 9. Site web de la SAMIR. 226 Profils sectoriels et émergence industrielle étrangères de distribution des hydrocarbures et tirer une partie des profits de cette activité. Pour mieux aborder l’activité sur ce secteur, la SNPP tente de contrôler la distribution des produits pétroliers et des GPL ainsi que les opérations d’importation et d’exportation. Devenant un acteur indispensable, la SNPP a créé en 1977 la Compagnie d’entreposage communautaire (CEC) pour gérer les stocks de sécurité à travers la construction de plusieurs dépôts. Cette société gère aussi les implantations des stations services sur le territoire national. Pour promouvoir l’exploration pétrolière sur le sol marocain, l’Office national de recherche et d’exploitation pétrolière (ONAREP) a été créé en 1981. Cet organisme a démontré son efficacité et bénéficié d’une grande renommée auprès des opérateurs internationaux. Dans le cadre de la poursuite du processus de consolidation entre les opérateurs du secteur qui a débuté en 2003, le rapprochement entre l’ONAREP et le BRPM a donné naissance en 2005 à l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM). Principal interlocuteur des investisseurs, l’ONHYM apporte des atouts au service des opérateurs de ce secteur grâce à son rôle dans la promotion de la recherche, l’exploration et l’exploitation des gisements. Les réformes structurelles recommandées par le Programme d’ajustement structurel des années 80 ont touché également le secteur pétrolier. Elles ont inspiré la privatisation du secteur pétrolier, par la cession en 1997 des activités de raffinage de la SAMIR et de la SCP (10) au groupe saoudien CORAL, qui les a fusionnées en 1999. Le mouvement de désengagement de l’État a concerné aussi la Société marocaine de stockage (11) (SOMAS) souterrain du gaz Butane. La poursuite des mesures de libéralisation de l’économie marocaine a permis aux autorités d’entreprendre des opérations de privatisation de l’activité de distribution des produits pétroliers en 1994, avec la rétrocession par la SNPP de ses parts aux sociétés du secteur. Cette libéralisation s’est traduite par la constitution de grands groupes spécialisés dans le transport et la distribution des produits pétroliers. Pour le charbon, la société des Charbonnages Nord Africains, associée au BRPM, s’occupait également du développement des gisements de charbon découverts à Jerrada, en particulier. Après l’Indépendance, cette entité, mixte, 10. Avant sa privatisation complète en 1997, le capital de la SCP était détenu par l’ONAREP et le Trésor à hauteur de 73,88 %, par Elf à 20,48 % et le reste par le public. 11. La SOMAS a été créée en 1974. Elle est détenue par les principaux distributeurs de GPL. Energie 227 est passé progressivement sous le contrôle unique de l’État (BRPM) suite au rachat des parts détenues par l’étranger (12). Malgré les avantages et les atouts des sources d’énergie fossiles, leurs réserves sont limitées et vouées à la disparition. De plus, elles ont des effets indésirables sur l’environnement et représentent pour les pays non producteurs un fardeau lié au coût et à la dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Ceci alimente la volonté des pays de limiter le recours aux énergies fossiles et de renforcer leur production nationale d’énergie propre, moins polluante et renouvelable. Dans ce sens, le Maroc a entamé un long processus de développement des énergies renouvelables et d’augmentation de leur part dans la production énergétique nationale. Pour ce faire, les autorités marocaines ont prévu un cadre juridique adapté et l’actualisent en permanence. Le Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), créé en 1982, vise à accompagner l’émergence du secteur. La loi n° 13-09 sur les énergies renouvelables assure la promotion de l’énergie à partir de sources renouvelables en organisant son exploitation et sa distribution. Conscientes de l’importance du volet efficacité énergétique dans l’amélioration des performances énergétiques du pays, les autorités marocaines ont complété l’arsenal juridique en adoptant la loi 16-09 qui prévoit le lancement de l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE). De même, l’élargissement du périmètre d’action vers la maîtrise de la consommation pour atteindre l’efficacité énergétique a inspiré, en 2010, le remplacement du CDER par l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ADEREE). Dans le prolongement de ces actions pour promouvoir le renouvelable et encourager la production privée, la loi-cadre n° 13-09 a été amendée à plusieurs reprises afin de la mettre à jour et l’adapter à l’évolution du secteur. C’est pourquoi elle a été modifiée et complétée par la loi n° 58-15 afin d’adapter le cadre réglementaire à la production privée de l’énergie renouvelable et l’accès au réseau électrique national de moyenne tension. Pour assurer le fonctionnement et la réalisation des objectifs relatifs aux énergies renouvelables, plusieurs acteurs privés sont de plus en plus impliqués (13). La Société d’investissements énergétiques (SIE) a été créée avec un capital d’un milliard de dirhams pour assister les participations des fonds provenant des dons 12. Il s’agit de sociétés françaises et belges et du Trésor français. 13. Les programmes de financement encouragent les partenariats public-privé. 228 Profils sectoriels et émergence industrielle des pays du Golfe et la contribution du Fonds Hassan II pour le développement économique et social dans les projets d’énergie renouvelable. Afin de réaliser des projets d’envergure dans le domaine du solaire, le Maroc a créé l’Agence marocaine pour l’énergie solaire (MASEN) (14), chargée de piloter les énergies renouvelables au Maroc. Elle supervise plusieurs projets dont le plus ambitieux est le projet NOOR. Face à la multiplication des intervenants, publics et privés dans le domaine du renouvelable, le législateur a prévu un cadre régissant et organisant les relations entre les différents acteurs. C’est ainsi que la loi n° 48-15 a été adoptée pour définir les modalités de régulation du secteur et créer l’Autorité nationale de régulation de l’électricité (ANRE). Pour boucler ce volet introductif, nous abordons les schistes bitumineux en tant que ressource énergétique non conventionnelle. Pour ce genre de source, les projets d’exploration et d’exploitation des années 80 n’ont pas pu être développés à cause des difficultés techniques, d’une part, et du coût élevé du traitement, d’autre part. La baisse du prix du baril de pétrole, qui a atteint dix dollars dans les années 80, rendait non rentable l’exploitation de ces ressources. Depuis 2005, et surtout après la flambée des prix du pétrole, le dossier a été réactivé. En tant qu’autorité chargée de veiller sur le secteur, l’ONHYM a essayé de valoriser les schistes bitumineux pour la production d’hydrocarbures. Il a également adapté le code minier (dahir du 9 rajeb 1370, 16 avril 1951) en insistant sur un cadre fiscal encourageant et attractif et tenté de nouer des partenariats avec des compagnies pétrolières de renommée mondiale disposant des technologies nécessaires à la valorisation de cette ressource nationale afin d’explorer d’autres gisements. Et pour engager les compétences nationales dans ces activités, l’office a mis en place un laboratoire national tout en associant des partenaires marocains comme l’OCP et l’ONE. La présentation de l’évolution du cadre législatif et réglementaire et l’organisation du secteur de l’énergie au Maroc ouvrent la voie à l’exposition, dans les points suivants, des performances économiques et des facteurs de changement du secteur. Les faiblesses, les points forts et les perspectives font l’objet du dernier point de cette étude. 14. Dahir n° 1-10-18 du 26 safar 1431 (11 février 2010) portant promulgation de la loi 57-09 relative à la création de MASEN. Energie 229 2. Caractéristiques et performances des entreprises 2.1. Acteurs publics et privés Pour avoir une idée globale de la place de l’énergie dans le tissu économique marocain, il est judicieux de procéder à une présentation des acteurs publics et privés. Les entreprises opérant dans le secteur de l’énergie sont très nombreuses. Elles interviennent dans l’électricité, les hydrocarbures et les énergies renouvelables. Pour l’électricité, en plus de l’acteur public, l’ONEE, plusieurs organismes privés opèrent dans la production, la commercialisation et la distribution. La société TAQA (anciennement JLEC) est considérée comme l’acteur privé leader dans la production. Quant à la distribution, le mouvement de libéralisation de l’économie marocaine a permis à l’ONEE de déléguer la gestion de la distribution à plusieurs acteurs dans différentes villes. C’est ainsi que le nombre d’intervenants privés dans le domaine d’électricité ne cesse d’augmenter. Dans le domaine des hydrocarbures, sous la tutelle du ministère de l’Énergie, de l’ONHYM et d’autres autorités publiques, plusieurs entreprises interviennent dans la filière du pétrole et du gaz. Dans le domaine du raffinage et de la production des produits pétroliers, la SAMIR est la seule raffinerie du pays. D’autres entreprises constituent également des acteurs incontournables pour le bon fonctionnement et l’approvisionnement du marché énergétique. Les gros opérateurs, tels qu’Afriquia Gaz, Afriquia SMDC, Total Maroc et Vivo Energy, interviennent dans le secteur des carburants et du gaz à travers des filiales spécialisées dédiées à l’approvisionnement, l’emplissage, le transport, la distribution et la commercialisation. Pour l’énergie renouvelable, qui porte essentiellement sur l’électricité, plusieurs entreprises exercent dans le secteur, et leur nombre est en hausse permanente grâce aux programmes d’appui et aux mesures d’encouragement. Ces sociétés sont soumises à la tutelle du ministère de l’Énergie, de l’ONEE, de MAESEN, de la SIE et de l’ADEREE. N’épargnant aucun effort pour réduire la dépendance énergétique du pays, les organisations compétentes du pays explorent également les possibilités offertes par les sources non conventionnelles comme le schiste bitumineux, le gaz de schiste et les bioénergies (15). 15. Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, « Stratégie énergétique nationale : horizon 2030 ». 230 Profils sectoriels et émergence industrielle Opérationnellement sous la tutelle de l’ONHYM et de l’ONE, plusieurs entreprises publiques et privées essayent de développer des solutions et des procédés de production. A titre d’exemple, l’OCP est très engagé dans ce sens à travers son Centre d’études et de recherches des phosphates minéraux (CERPHO). Suite à la présentation des principaux acteurs du secteur de l’énergie, nous essayons dans les points suivants d’analyser les indicateurs-clés du secteur et sa contribution à l’économie. 2.2. Indicateurs économiques 2.2.1. Consommation et demande d’énergie Les données du ministère de l’Énergie (tableau 1) montrent que la consommation énergétique du Maroc est dominée par les produits pétroliers, avec une part excédant en moyenne 60 %. La consommation du charbon pour des besoins énergétiques se hisse au deuxième rang, avec une tendance baissière, passant de plus de 30 % entre 2000 et 2005 à un peu plus de 20 % en 2012. La consommation provenant de l’électricité hydraulique s’établit, quant à elle, en moyenne à environ 10 % sur la période 2000-2012. Enfin, la consommation de gaz naturel, qui était faible en début de la période, enregistre une hausse et atteint plus de 6 % en 2012. Tableau 1 Répartition de la consommation Bilan du secteur énergétique 2000-2005 (en milliers de TEP) Consommation totale Structure de la consommation totale (en %) 10 867 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 12 901 13 734 14 764 15 139 16 188 17 157 17 750 Électricité hydraulique 6,7 6,4 8,8 9,6 13,0 13,2 11,3 10,8 Charbon 31,0 30,1 28,5 25,3 23,0 21,6 21,8 22,2 Produits pétroliers 61,5 59,8 58,8 61,4 60,1 61,3 62,3 60,8 Gaz naturel 0,9 3,7 3,9 3,6 3,9 3,9 4,7 6,5 Déficit énergétique Taux de dépendance énergétique (en %) 10 486 96 12 531 13 369 14 390 14 320 15 026 16 373 17 036 97,1 97,3 97,5 94,6 93,0 95,6 96,2 Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE. Energie 231 2.2.2. Production, approvisionnement et déficit énergétique La désagrégation des données de la production (tableau 2) révèle que le principal de la production d’énergie concerne l’électricité et provient de l’hydraulique. Tandis que la production du pétrole brut et du gaz naturel reste timide sur toute la période 2000-2012 et s’inscrit même dans une tendance fortement baissière depuis 2006. Tableau 2 Répartition de la production Bilan du secteur énergétique (en milliers de TEP) 2000-2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Production locale d’énergie Structure de la Électricité production locale hydraulique (en %) Électricité éolienne 380 370 365 374 819 1 162 784 714 72,3 69,2 64,4 64 82 81 71 66 21 12 15 23 27 12 5 4 6 7 11,8 13,0 19,2 Charbon 1,1 0,0 0,0 Produits pétroliers + Gaz naturel 13,4 17,8 16,5 Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE. L’analyse de la production d’électricité par type d’opérateur (tableau 3) révèle que la politique de libéralisation du secteur et la concession de la production sont en bonne voie. La production concessionnelle est même supérieure à celle de l’ONE. A noter, tout de même, que la production d’énergie d’origine thermique représente encore une part significative, et en croissance, de la production électrique au Maroc. Tableau 3 Production d’électricité Bilan du secteur énergétique 2002-2008 2008 2009 2010 2011 2012 Production locale d’électricité (en millions de kwh) 19 642 24 004 25 016 26 531 28 752 31 056 Part de l’ONE (en %) 30,7 27,9 30,1 38,9 39,5 42,5 Dont thermique (en %) 24,8 24,0 19,4 24,2 30,8 34,7 Production concessionnelle 58,7 54,3 51,1 45,9 43,9 42,4 Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE. 232 Profils sectoriels et émergence industrielle Pour la production d’énergie de sources non conventionnelles, les schistes bitumineux représentent, en termes de réserves pétrolières, plus de 60 milliards de barils sur plusieurs sites comme celui de Timahdit et de Tarfaya (16). Le gaz de schiste constitue également un immense potentiel, car le Maroc dispose de grandes réserves réparties sur quatre bassins majeurs : Bas-Drâa Zag, Boudenib et Ouarzazate, les Hauts Plateaux, Tadla et Haouz. En termes de réserves, le Maroc occupe le troisième rang en Afrique du Nord (17). Superviseur de l’activité d’hydrocarbures, l’ONHYM fournit les efforts nécessaires à l’adaptation des procédés et à la signature de partenariats avec les opérateurs spécialisés dans l’extraction et la production. Ces efforts ont abouti à la concrétisation d’importants partenariats en vue de réduire la dépendance énergétique du pays à travers la production d’hydrocarbures et d’électricité de sources non conventionnelles. En effet, plusieurs projets-pilotes sont en cours. Depuis 2006, des essais de culture du Jatropha Curcas (18) sur près d’un hectare dans la localité de Khmiss Aït Amira sont lancés par la Fondation du Sud. L’OCP est significativement impliqué sur ce segment, à travers des recherches et des expériences-pilotes sur un projet de la Jatropha Curcas. Sur un autre registre, l’analyse de la production nationale d’hydrocarbures révèle que les livraisons de la SAMIR n’ont pas suivi l’évolution de la consommation nationale, surtout pour le GPL. A titre d’exemple, la production de la seule raffinerie du pays enregistre des fluctuations et n’augmente sa production que de 260 kilo-tonnes entre 2002 et 2012 avec des périodes de baisse remarquable, en 2003 et 2009 (tableau 4). Face à cette situation et dans un climat de libéralisation du marché et de développement des capacités de stockage massif, les opérateurs privés recourent de plus en plus à l’approvisionnement extérieur. La lecture du tableau 4 révèle que la dépendance en GPL est très importante et en hausse. La production de la SAMIR en GPL représente à peine 5 % en 2012 alors qu’elle représentait environ 19 % en 2002. 16. http://www.onhym.com/schistes/schistes-bitumineux/schistes-bitumineux-au-maroc.html 17. http://www.onhym.com/shale-gaz/exploration-au-maroc.html 18. C’est un arbuste aux propriétés médicinales, aujourd’hui répandu dans le monde entier. Son fruit est riche en huile qui peut être utilisée pour produire du carburant, du savon ou des bougies. Energie 233 Pour les hydrocarbures, les statistiques révèlent également une augmentation des importations, ce qui accentue la dépendance à près de 50 % alors qu’elle était en début de période à moins de 10 %. Tableau 4 Production locale de produits pétroliers et déficit énergétique Indicateurs des produits pétroliers (en kilo-tonnes) 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Production des produits pétroliers par 4 855 3 424 4 830 5 430 4 863 4 800 4 273 3 292 4 321 5 392 5 115 la SAMIR Hydrocarbures (essence 4 623 3 357 4 726 5 226 4 671 4 630 4 103 3 190 4 170 5 259 5 006 + gasoil + fuel oil) Gaz de pétrole liquéfié (GPL) Importation des produits pétroliers Hydrocarbures (essence + gasoil + fuel oil) 232 67 104 204 192 170 170 102 151 133 109 1 381 3 000 2 378 2 292 2 673 3 475 4 241 5 963 6 008 6 175 5 786 381 1 785 1 090 997 1 312 1 871 2 646 4 150 4 021 4 174 3 726 Gaz de pétrole liquéfié (GPL) 1 000 1 215 1 288 1 295 1 361 1 604 1 595 1 813 1 987 2 001 2 060 Consommation des hydrocarbures 5 004 5 142 5 816 6 223 5 983 6 501 6 749 7 340 8 191 9 433 8 732 Consommation du GPL 1 232 1 282 1 392 1 499 1 553 1 774 1 765 1 915 2 138 2 134 2 169 Dépendance en hydrocarbures (en %) 8 35 19 16 22 29 39 57 49 44 43 Dépendance en GPL (en %) 81 95 93 86 88 90 90 95 93 94 95 Sources : Chiffres du secteur de l’énergie, édition 2013, Département de l’Énergie et des Mines, Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement et données de la SAMIR. Pour illuster davantage le recul de l’activité de la SAMIR, le graphique suivant montre la baisse tendancielle de l’importation du pétrole brut nécessaire au raffinage. En effet, les approvisionnements extérieurs sont passés de 6 182 à 5 375 kilo-tonnes entre 2002 et 2012. Cette tendance baissière prouve le repli des activités de raffinage de la SAMIR, sachant que cette réduction ne s’explique en aucun cas par une hausse de la production locale de pétrole brut. 234 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 1 Évolution des importations de pétrole brut 8 000 7 000 6 910 6 182 6 402 6 134 6 000 6 268 5 375 5 243 5 535 5 000 4 614 4 000 5 136 4 786 3 000 Importations de pétrole brut (en kt) 2 000 1 000 0 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Sources : Chiffres du secteur de l’énergie, édition 2013, Département de l’Énergie et des Mines, Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement. Cette réalité et cette configuration, déficitaire, constituent une faiblesse du secteur, altèrent la sécurité énergétique du pays et l’exposent aux fluctuations internationales des conditions d’approvisionnement en produits pétroliers bruts et finis. Du rapprochement de la consommation totale et de la production globale d’énergie ressort une inadéquation entre la capacité productive et la demande (tableau 5). La production locale ne couvre qu’entre 4 % et 5 % des besoins en énergie, dans le meilleur des cas. Cette configuration génère un déficit énergétique dépassant les 93 %, sur la période 2000-2012, et une grande dépendance de l’approvisionnement vis-à-vis de l’étranger. Tableau 5 Production, consommation et déficit énergétique Bilan du secteur énergétique (en milliers de TEP) 2000-2005 2008 2009 2010 2011 2012 380 374 819 1162 784 714 Consommation totale 10 867 14 764 15 139 16 188 17 157 17 750 Déficit énergétique 10 486 14 390 14 320 15 026 16 373 17 036 96 97,5 94,6 93,0 95,6 96,2 Production locale Dépendance énergétique (%) Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données de Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE. Energie 235 L’énorme déficit énergétique traduit la forte dépendance du secteur énergétique marocain des approvisionnements extérieurs. Le graphique 2, ci-dessous illustre la tendance, globalement, haussière des importations. Graphique 2 Évolution des importations d’énergie au Maroc (en milliers de TEP) 18 000 16 000 14 000 12 000 10 000 8 000 6 000 4 000 2 000 0 Moyenne 2000-2005 2006 2007 2008 2009 2010 Sources : Chiffres du secteur de l’énergie, édition 2013, Département de l’Energie et des Mines, Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement. La désagrégation des approvisionnements par les importations (tableau 6) montre que le déficit provient principalement de l’importation des produits pétroliers. Le pétrole brut enregistre, en particulier, plus de 50 % en moyenne entre 2000 et 2005 et baisse pour représenter un peu plus de 30 % en 2010. La baisse notable des importations de pétrole brut est due au ralentissement de l’activité de la SAMIR, la seule raffinerie du pays. Cette situation est à la fois une cause et une conséquence du recours des opérateurs privés du secteur à l’importation de produits pétroliers finis prêts à la commercialisation. D’où la hausse significative, de 17 % entre 2000 et 2005 à environ 40 % vers 2010, de la part de ces produits dans les importations. Tableau 6 Structure des importations d’énergie Bilan du secteur énergétique (en milliers de TEP) Importation Structure des Électricité importations Charbon d’énergie (en %) Pétrole brut Produits pétroliers 2000-2005 11 858 3,9 26,8 52,3 17,0 2006 2007 2008 2009 2010 13 972 15 360 14 769 15 347 15 427 3,8 5,9 7,5 7,8 6,6 27,8 26,5 24,9 22,5 22,7 44,8 38,0 34,9 29,0 31,6 23,7 27,7 32,8 40,7 39,1 Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE. 236 Profils sectoriels et émergence industrielle Même dans le domaine de l’électricité, la satisfaction totale de la demande locale est dépendante de l’interconnexion des réseaux de transport électrique du Maroc avec ceux des pays frontaliers, en particulier l’Espagne et l’Algérie. Ce recours à l’électricité produite à l’étranger atteint en moyenne 6 % des importations d’énergie sur la période 2000-2010. L’approvisionnement des centrales électriques en charbon reste aussi largement tributaire de l’extérieur, avec plus de 20 % des importations en énergie du Royaume. 2.2.3. Distribution et commercialisation : parts de marché et concurrence Au Maroc, la configuration du processus de distribution se caractérise, en général, par la domination d’un nombre limité d’opérateurs. Au niveau de l’ONEE, la branche dédiée à l’électricité (tableau 7) domine la distribution et la commercialisation d’électricité. Ainsi, malgré le mouvement d’ouverture et d’engagement des opérateurs privés dans le domaine, la part de marché de l’ONEE dépasse encore les 50 %. Plus surprenant encore, malgré la poursuite du programme de concession de la gestion de l’électricité dans plusieurs villes du Royaume, la part de l’ONEE est en hausse, alors même que celle des concessionnaires est en baisse. Tableau 7 Structure de la distribution de l’électricité Bilan du secteur énergétique 2002-2008 2008 2009 2010 2011 2012 Consommation d’électricité (en millions de kwh) 17 802 Distribué par l’ONE (en %) 52,1 55,2 55,0 56,1 57,6 58,7 Ventes totales aux distributeurs (en %) 47,9 44,8 45,0 43,9 42,4 41,3 21 638 22 392 23 749 25 670 27 559 Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE. Concernant les produits pétroliers, les chiffres de la distribution des carburants (19) révèlent qu’avant les années 2000 le nombre des stationsservice était approximativement de 1 800. Mais les spécialistes du domaine avancent qu’elles ne sont pas toutes opérationnelles. Dix ans plus tard, leur nombre dépasse les 2 000, soit une hausse d’environ 12 %. En 2012, le nombre des stations est passé à 2 089. 19. Les statistiques relèvent des publications du ministère de tutelle et des sociétés de distribution : Total Maroc, Afriquia GAZ et SMDC (groupe Akwa). Energie 237 Cette implantation, jugée encore insuffisante et concentrée sur l’axe RabatCasablanca, complique l’approvisionnement en carburant pour les autres régions du pays. En termes de part de marché, la distribution des carburants est assurée principalement par 11 opérateurs privés (graphique 3). Les trois grands distributeurs, Afriquia SMDC, Vivo Energy et Total Maroc, détiennent plus de la moitié des stations-service, soit 1 052. Graphique 3 Répartition des stations-service des principaux distributeurs (fin 2012) 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50 DC SM ui a -S r iq Af Vi v o En er al gy M ar he ll oc m ro To t l a by Li Pe t Oi z Zi xo W in ro m in le ro Pé t ov In Pe t Oi n ee Gr SO M AP l 0 Source : Publications de Total Maroc S.A. S’agissant de la distribution du GPL, le marché est également dominé par un petit nombre d’opérateurs, les mêmes que ceux qui dominent le segment des carburants, avec une large avance pour Afriquia Gaz. Quatre entreprises se partagent 90 % du marché : Afriquia Gaz (plus de 40 %), Total Maroc, Vivo Energy et Ziz (15 % chacune). Pour le segment vrac du marché du GPL, les chiffres de 2012, montrent qu’il est aussi dominé par quatre principaux acteurs : Afriquia Gaz, Vivo Energy, Total Maroc et Vitogaz. Quant à l’importation du GPL, le marché est accaparé par de gros opérateurs. Plus précisément, en 2011 et 2012, Afriquia Gaz, Salam Gaz 238 Profils sectoriels et émergence industrielle (détenu à hauteur de 20 % par Afriquia Gaz) et Gazafric réalisent plus de 60 % des opérations d’importation de Butane. La domination est encore plus accentuée avec le Propane : Afriquia Gaz, Shell et Lasfar Gaz assurent quasiment la totalité des importations. 2.3. Performances économiques L’analyse des performances économiques du secteur de l’énergie consiste à aborder le volet de l’investissement et du financement des activités relevant de l’énergie. Elle porte également sur l’étude de la contribution du secteur à la valeur ajoutée dans le PIB et sur son apport en emplois et en recettes fiscales. 2.3.1. Investissement et financement Les chiffres-clés du secteur de l’énergie (tableau 8) rapportent que le montant des investissements dans l’énergie s’inscrit dans une tendance haussière entre 2002 et 2008. Ils sont passés de 4,7 à plus de 21 milliards de dirhams en 2008, s’établissant en moyenne à 8 milliards de dirhams par an sur cette première période. A partir de 2009, les investissements ont marqué une chute, passant à 10 milliards en 2009 à seulement 4 milliards en 2012. Tableau 8 Investissements dans le secteur énergétique (en milliards de dirhams) 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Investissements 4,7 5 7,3 6,2 6,8 13,9 21,5 10 NA NA 4 Sources : Chiffres du secteur de l’énergie, édition 2013, Département de l’Énergie et des Mines, Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement. Le financement des activités de l’énergie renouvelable provient des fonds publics et privés nationaux et étrangers et des mécanismes de financement disponibles dans le cadre de la coopération multilatérale et bilatérale. A ce titre, MASEN précise que le financement des projets se fait selon le schéma Independant Power Production (IPP) à travers un appel d’offres international portant sur la conception, le financement, la construction, l’exploitation et la maintenance desdits projets (20). 20. Les principaux bailleurs de fonds sont : le Fonds pour les technologies propres, l’Union européenne, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Agence française de développement, la Banque européenne d’investissement et la banque allemande KfW. Energie 239 Toujours selon MASEN, les fonds investis, dans le cas des projets de Laâyoune et de Boujdour, proviennent aussi de l’émission d’obligations vertes (Greens Bonds) pour 1,15 milliard de dirhams. 2.3.2. Contribution aux recettes fiscales Les apports du secteur énergétique aux recettes fiscales s’inscrivent en hausse permanente sur la période 2002-2012 avec une accélération à partir de 2007 (tableau 9). Les recettes ont plus que doublé entre 2002 et 2012, passant de 12 à plus de 24 milliards de dirhams. Tableau 9 Recettes fiscales du secteur énergétique (en milliards de dirhams) Recettes fiscales 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 12 12 12,5 12,5 12,5 15 16 17,3 NA NA 24,5 Sources : Chiffres du secteur de l’énergie-édition 2013, Département de l’Énergie et des Mines, Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement. Plus précisément, les recettes fiscales issues de la TIC (taxe intérieure sur la consommation) des produits pétroliers représentent une part importante des recettes totales. Le tableau 10 montre que la plus grande part de ces recettes, sur la période 2002-2012, proviennent, en grande partie, de l’imposition du gasoil et, dans une moindre mesure, de l’essence. Cela est dû à la composition de la flotte automobile marocaine qui est constituée majoritairement de véhicules diesel. Tableau 10 Recettes de la taxe intérieure sur la consommation Année 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Recettes TIC / par budget général (en millions de dirhams) Essence Gasoil Fuel Butane 1 450 6 350 522 45 1 484 6 463 415 49 1 339 6 561 135 51 1 344 7 067 157 51 1 306 7 245 135 55 1 653 7 860 138 61 1 748 8 209 219 65 1 977 8 999 171 64 1 904 9 473 219 66 1 786 10 149 182 69 Source : Loi de finance 2013, Ministère de l’Économie et des Finances. Recettes TIC 8 367 8 411 8 086 8 619 8 741 9 712 10 241 11 211 11 662 12 186 240 Profils sectoriels et émergence industrielle Ces recettes représentent, entre 2002 et 2012, en moyenne plus de 60 % des recettes issues du secteur de l’énergie. Ce constat atteste de la faible contribution des autres impôts comme l’impôt sur les sociétés. C’est un indicateur de la faiblesse de l’activité de ces entreprises et un éventuel manque de création de valeur ajoutée de leur part. 2.3.3. Contribution au PIB national et à la valeur ajoutée L’analyse de la contribution des différents secteurs dans le PIB révèle la faible participation de l’énergie dans la création de la richesse nationale. Historiquement, les publications du Haut-Commissariat au Plan révèlent que la part du secteur de l’énergie au PIB atteint à peine 3 % entre 1990 et 1994 et reste généralement inférieure à 5 % du PIB avant les années 2000. Après 2000, les chiffres publiés par le ministère des Finances (21) annoncent que la contribution de l’activité liée au pétrole est quasi insignifiante. Elle représente, en moyenne, 0,25 % du PIB sur la période 2000-2012. L’électricité (évaluée conjointement avec l’eau) fait un peu mieux, avec une part moyenne de 2,6 % sur la même période. Tableau 11 Contribution des activités énergétiques au PIB Contribution de l’énergie dans le PIB en % Raffinage de pétrole et autres produits d’énergie 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 0,6 0,4 0,3 0,1 0,2 0,3 0,2 0,1 0,1 0,1 0,4 0,2 Moyenne 2000-2012 0,25 Électricité et eau 2,9 2,6 2,6 2,8 2,6 2,8 2,5 2,6 2,3 2,6 2,5 2,4 2,6 Total 3,5 3,0 2,9 2,9 2,8 3,1 2,7 2,7 2,4 2,7 2,9 2,6 2,85 Source : Tableau de bord de l’économie marocaine du Ministère de l’Économie et des Finances, Direction des prévisions économiques et financières, 2013. Le poids du secteur énergétique dans le PIB est négligeable par rapport à la contribution du secteur secondaire qui atteint 25 % en moyenne sur la même période (tableau 12). Ces statistiques révèlent la faiblesse de l’activité liée à l’énergie par rapport aux autres activités du secteur secondaire. S’agissant de la valeur ajoutée totale, la contribution de l’énergie est également très faible, elle est à peine de 3 %. La part de l’énergie dans le secteur secondaire est également faible et tourne autour de 10 % sur la période 2000-2011. 21. Tableaux de bord sectoriels annuels de la Direction des études et des prévisions financières. Energie 241 Tableau 12 Contribution du secteur de l’énergie à la valeur ajoutée (en milliards de dirhams) 2000-2006 2007 2008 2009 2010 2011 PIB en prix courants 479 616 689 732 764 803 Total des valeurs ajoutées 428 546 620 653 688 742 Secteur secondaire 120 149 188 187 204 225 14 17 17 20 22 21 Energie Raffinage de pétrole et autres produits d’énergie Électricité et eau Part de l’énergie dans la valeur ajoutée secondaire Part de l’énergie dans la valeur ajoutée total 1 1 1 1 3 2 13 16 16 19 19 19 12 11 9 11 11 9 3 3 3 3 3 3 Source : Tableau de bord de l’économie marocaine du Ministère de l’Économie et des Finances, Direction des prévisions économiques et financières, 2013. A ce niveau aussi, les activités liées à l’électricité participent davantage à la valeur ajoutée que les activités pétrolières. Ce constat est corroboré par les courbes d’évolution du PIB et des indices de la production de l’énergie au Maroc. Dans ce sens, le graphique 4 met en avant plus de corrélation et de liaison entre l’évolution du PIB et celle de l’indice de la production d’électricité, tandis que l’évolution de l’indice de la production de pétrole semble aléatoire et déconnectée de l’activité économique. Cette analyse est appuyée, sur le plan théorique, par la considération de la consommation de l’électricité en tant qu’indicateur avancé du niveau et de l’évolution de l’activité économique. Graphique 4 Évolution de la croissance économique et des indices de production de l’énergie 40 30 20 10 0 – 10 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 – 20 – 30 – 40 Croissance du PIB Pétrole Électricité Source : Rapports annuels du Haut-Commissariat au Plan sur l’indice de production de l’énergie. 242 Profils sectoriels et émergence industrielle Pour avoir des données plus précises et plus représentatives sur la contribution du secteur de l’énergie à l’économie marocaine, nous avons essayé d’étudier le niveau de l’activité et de l’emploi d’un échantillon d’entreprises. Sur la base des informations financières publiées par un groupe de grandes entreprises du secteur (22), nous avons pu quantifier le chiffre d’affaires et l’effectif employé par ces opérateurs. Le chiffre d’affaire total réalisé par ces sociétés atteint un pic de 61 milliards en 2008 avant de baisser en 2009 puis de repartir à la hausse et enregistrer un nouveau record de 73 milliards de dirhams en 2012 (tableau 13). L’indicateur de l’activité de ces entreprises a augmenté de plus de 30 milliards de dirhams entre 2005 et 2012. Tableau 13 Chiffres d’affaire total de l’échantillon d’entreprises Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 41 44 48 61 47 59 55 73 Chiffre d’affaires en milliards Dh Source : Tableau établi sur la base des recherches de l’auteur. 2.3.4. Contribution à l’emploi S’agissant de l’emploi, la contribution du secteur de l’énergie à l’emploi total reste timide. Elle ne représente que 0,4 % de l’emploi total sur la période 2007-2012 (tableau 14). Tableau 14 Évolution de la part de l’emploi du secteur énergétique dans l’emploi total Années Part en % 2007 2008 2009 2010 2011 2012 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 Source : Élaboré à partir des rapports du Haut-Commissariat au Plan (Tableaux Emploi Ressources des années 2007-2012). Pour mieux aborder la question de l’emploi dans le secteur et se procurer des chiffres plus représentatifs, nous avons examiné les publications du même échantillon de grands opérateurs dans le secteur. Les informations relevées dévoilent que l’effectif employé par les cinq gros opérateurs privés du secteur 22. Il s’agit de l’ONE, JLEC (TAQA), SAMIR, Total Maroc et Afriquia Gaz. Energie 243 est globalement en hausse. Il s’établit en moyenne à 10 000 employés sur la période 2005-2012. Tableau 15 Effectif employé par l’échantillon d’entreprises étudiées (23) Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Effectif employé en milliers 10076 10052 9981 9884 9839 9812 10162 11231 Source : Tableau établi sur la base des recherches de l’auteur. Globalement, le secteur ne semble pas offrir une grande capacité d’emploi par rapport à d’autres secteurs industriels. Mais ce constat n’est pas totalement en contradiction avec le poids du secteur énergétique dans la valeur ajoutée totale et celle du secteur secondaire, en particulier. 2. Facteurs de changement Le secteur de l’énergie au Maroc a connu un long processus de transformation et de changement. Plusieurs facteurs, d’ordre interne et externe, sont à l’origine de ces différentes mutations. Les facteurs internes se rapportent principalement au cadre réglementaire et législatif, au orientations sociales des pouvoirs politiques et au climat. 2.1. Facteurs internes 2.1.1. Cadre réglementaire et législatif Le cadre réglementaire et organisationnel du secteur de l’énergie au Maroc est marqué par trois principales phases. Pendant le Protectorat, le secteur a connu la naissance des premières entités relevant des autorités française et espagnole principalement. Après l’Indépendance, le Maroc a essayé de contrôler les acteurs et les entreprises du secteur par des opérations de marocanisation. Les mesures de reprise en main des moyens de production et de distribution par le Maroc ont été à l’origine d’importantes mutations. Le mouvement de nationalisation et de structuration des opérateurs du secteur a donnée naissance aux organismes publics et aux sociétés nationales dans les différents segments du secteur énergétique. 23. Il s’agit de l’ONE, JLEC (Taqa), Samir, Total Maroc et Afriquia Gaz. 244 Profils sectoriels et émergence industrielle Ainsi, la société EEM s’est transformée en ONE avec la publication du dahir n° 1-63-226 du 5 août 1963 qui attribue à l’ONE le monopole de la production, du transport et de la distribution de l’énergie électrique. Le Programme d’électrification du monde rural global lancé en 1995 et qui vise la couverture complète du territoire à l’horizon 2010 a constitué un catalyseur de l’activité de l’ONEE. Ce programme a également augmenté la consommation de l’électricité au Maroc et a exercé des pressions sur les capacités nationales. Dans le domaine pétrolier, la SCP, qui se chargeait du raffinage à Sidi Kacem et de l’exploration au côté du BRPM, occupait une place centrale dans l’exploration et la production. Et pour promouvoir davantage l’exploration pétrolière sur le sol marocain, l’ONAREP a été créé en 1981. La SCP assurait seule la production jusqu’à la création, en 1962, de la SAMIR qui opère principalement dans le raffinage et l’embouteillage du gaz butane. La volonté politique de créer un interlocuteur de référence pour l’activité pétrolière a permis d’initier le rapprochement de l’ONAREP et du BRPM, qui a donné naissance en 2005 à l’ONHYM. Cet organisme est devenu alors le vecteur principal du secteur. En termes d’activité et de performance, l’ONHYM a pu impliquer 28 compagnies et a attribué 121 permis de recherche et d’exploration pétrolière (24). Depuis l’application des programmes de libéralisation de l’économie marocaine, le secteur énergétique a particulièrement été touché par ces mesures. La situation de monopole de l’ONE a été remise en question par le décret-loi n° 2-94-503 du 23 septembre 1994 qui a instauré la possibilité aux opérateurs privés de produire de l’électricité dans le cadre de conventions avec l’ONE (25). Les autorités ont également privatisé, à partir de 1997, la distribution d’électricité pour fournir le cadre légal à la délégation de ce service public dans les grandes villes à des opérateurs privés, dit concessionnaires. Pour les prix de l’électricité, une grille tarifaire est appliquée, qui dépend de la tension utilisée, de la quantité consommée et de la période de consommation. En 1996, la révision de la méthode de calcul a permis d’instaurer un programme tri-horaire pour inciter les industriels à consommer l’électricité pendant les heures creuses à des tarifs plus bas. Le même 24. Site officiel de l’ONHYM. 25. L’exemple le plus représentatif est la convention signée par l’ONEE avec JLEC en 1997. Energie 245 raisonnement a été adopté dans la facturation aux ménages sur la base de trois principales tranches dont le coût est progressif en fonction de la quantité d’électricité consommée. Ces mesures contribuent à la rationalisation de la consommation et à la diminution de la pression sur les moyens de production pendant les heures de pointe en particulier. S’inscrivant aussi dans le cadre de la libéralisation et de la privatisation, le groupe saoudien CORAL, qui a repris la SAMIR et la SCP, les a fusionnées en 1999. La libéralisation qui touche le secteur se manifeste également par l’attribution d’autorisations d’importation de produits pétroliers à des opérateurs autres que la SAMIR. Ces nouveaux opérateurs peuvent s’approvisionner directement auprès de fournisseurs étrangers, surtout suite à la multiplication des incidents industriels qui touchent la SAMIR et limitent ses capacités productives (26). Sur le même registre, la libéralisation de la distribution des produits pétroliers en 1994 a permis de multiplier le nombre des sociétés privées qui opèrent dans ce domaine. Cette tendance a contribué au développement du secteur par la multiplication des accords et des partenariats entre le public et le privé. L’ensemble de ce processus de changement a été initié et répertorié par les modifications du dahir portant loi n° 1-72-255 du 18 moharrem 1393 (22 février 1973) sur l’importation, l’exportation, le raffinage, la reprise en raffinerie et en centre emplisseur, le stockage et la distribution des hydrocarbures. L’évolution du cadre légal et réglementaire a concerné également les énergies renouvelables qui connaissent un essor depuis l’adoption de la loi n° 13-09 sur les énergies renouvelables et les autres textes prévoyant des mesures d’incitation à la production d’énergie propre et renouvelable. 2.1.2. Politique sociale Depuis la fin des années trente, le Maroc a adopté une protection sociale basée, entre autres, sur le système de compensation des prix de certains produits de première nécessité. Ce programme, financé par les dépenses de compensation, permet de stabiliser les prix de ces produits en dépit des fluctuations de leurs cours sur les marchés internationaux. Ce système 26. La SAMIR a connu un incident industriel en 2002. 246 Profils sectoriels et émergence industrielle participe à la promotion de quelques secteurs d’activité comme les sucreries, les minoteries et les raffineries pétrolières en particulier. Concrètement, le budget de l’État supporte, via les dépenses de compensation (27), la différence entre le prix de vente subventionné et le prix effectif basé sur les conditions du marché. Les charges de compensation pèsent sur le budget de l’État. Elle ont explosé avec la flambée des cours du pétrole durant les années 2011-2012 et atteint 112 $US le baril. La charge inhérente au gaz butane est de loin la plus lourde suivie de celle du gasoil et dans une moindre mesure l’essence. En raison de son poids budgétaire, ce programme a connu plusieurs périodes d’assouplissement voire, notamment, la suspension du soutien des produits pétroliers. En dépit des avantages et des bienfaits de ces dépenses de compensation, elles représentent une source de rente pour les entreprises du secteur. Aussi ces mesures de soutien et de subvention des prix des produits pétroliers impactent-elles les politiques productives et commerciales des sociétés du secteur. Cette politique ne laisse pas les mécanismes du marché et de la concurrence jouer leur rôle et prive les entreprises du secteur de ce levier de développement. Ces dépenses auraient pu être utilisées pour accompagner le secteur privé et financer des projets de recherche et de développement de l’activité énergétique. Ainsi, pour éviter ces effets indésirables sur le budget de l’État et l’activité des entreprises, les recommandations des institutions financières internationales imposent la réduction puis la suppression des subventions aux produits pétroliers et leur remplacement par un système d’aide direct pour les couches modestes de la population. 2.1.3. Impact du climat Au début de l’histoire électrique du Maroc, le pays a entrepris une politique active de construction de barrages pour produire de l’électricité. Cette politique a fait de l’énergie hydraulique une source d’énergie indispensable pour le pays. 27. Pour un point complet sur le programme de compensation, voir le rapport détaillé sur la compensation, annexé au projet de loi de finance pour l’année 2013, disponible sur le site : http://www.finances.gov.ma/documents/PLF/2013/4803_compens_fr.pdf Energie 247 Mais la faiblesse des réserves, l’irrégularité de la pluviométrie et la faiblesse de la force productrice font diminuer drastiquement la part de l’hydraulique dans la production d’électricité. Concrètement, cette part est passée de 80 % en 1956 à 54 % en 1970 puis à 28 % en 2003 et à 7 % en 2007. Cette situation alarmante a poussé les autorités à réagir. Elles ont continué à construire des unités de production hydraulique tout en modernisant les procédés de production. Afin de sécuriser l’approvisionnement en électricité, le royaume diversifie ses sources d’énergie et s’engage dans le développement d’autres moyens de production, propres et à grand potentiel comme le solaire et l’éolien. 2.2. Facteurs externes Les facteurs externes représentent pour le secteur énergétique un élément essentiel qui détermine son niveau d’activité et ses performances. Ces facteurs sont également connectés à la configuration et l’organisation internes du secteur. Ces effets sont liés à la géopolitique et à la dépendance énergétique. La coopération et les engagements internationaux du Maroc contribuent également aux processus d’évolution du secteur. 2.2.1. Géopolitique internationale et production de l’énergie Au niveau extérieur, Horațiu (2013) met l’accent sur l’impact et la perturbation que peuvent exercer les prix des matières premières, surtout celles qui dépendent du marché mondial et/ou des conditions géopolitiques sur l’économie. Par exemple, les cours internationaux du pétrole influencent significativement les conditions productrices, le développement et la performance des sociétés de la filière de l’énergie. La concentration des réserves et de la production de pétrole conventionnel dans un nombre limité de pays et de sociétés (exemple de l’OPEC) expose le Maroc aux risques d’instabilité politique et à la stratégie industrielle et commerciale de ces pays ou de ces organisations (28). Cette situation est en mesure d’augmenter les risques de tensions géopolitiques et leurs effets sur l’approvisionnement et les cours (29). 28. Les décisions de réduction de l’offre par les pays membres de l’OPEC exercent une influence significative sur la facture énergétique du Maroc. 29. Institut royal des études stratégiques (2016), la Transition énergétique à l’aune de la géopolitique mondiale de l’énergie : quels sont les enseignements pour le Maroc ? 248 Profils sectoriels et émergence industrielle Ainsi, l’instabilité et la multiplication des conflits militaires dans les pays producteurs de pétrole influencent les cours du pétrole, se traduisent par une irrégularité de la facture énergétique du Maroc et génèrent des difficultés de prévision budgétaire pour le financement du programme de compensation et de soutien des prix des produits pétroliers. Le conflit, apparent et non déclaré, du Maroc avec le voisin algérien prive les deux pays d’une grande coopération énergétique et de la minimisation des coûts d’approvisionnement et de sécurisation. Ainsi, de bonnes relations entre les deux pays ne peuvent que renforcer leur collaboration, permettre un approvisionnement à des conditions préférentielles et apporter un avantage pour les deux pays. 2.2.2. Dépendance énergétique vis-à-vis de l’extérieur Toujours en lien avec la géopolitique, la facture énergétique due à la dépendance a été multipliée par quatre entre 2002 et 2011, passant de 16,2 à 80 milliards de dirhams. En conséquence, les dépenses de compensation liées aux produits pétroliers et aux gaz butane sont passées de 4 milliards de dirhams en 2002 à plus de 40 milliards en 2011. Ce recours, obligatoire à l’extérieur, rend le secteur sensible aux fluctuations des cours internationaux et constitue une contrainte supplémentaire pour les opérateurs qui pèse sur leurs approvisionnements et leurs décisions de fixation des prix. La dépendance énergétique du Royaume vis-à-vis de l’étranger contribue donc au changement et à l’évolution du secteur dans la mesure où ces politiques, exposent le secteur à une inertie et à un manque d’initiatives et d’innovations. Les programmes de compensation garantissent la consommation locale et lui permettent d’augmenter en continu. Ces aides constituent alors un amortisseur d’un éventuel ralentissement de l’activité chez les entreprises du secteur. Cette manière de procéder n’autorise pas de consolidation entre les opérateurs du marché et constitue une source de faiblesse de l’activité des entreprises du secteur. 2.2.3. Coopération et engagements internationaux L’insertion de l’économie marocaine dans son environnement régional et mondial se traduit par une coopération étroite avec les partenaires et un engagement international dans plusieurs causes économiques et/ou environnementales. Energie 249 Dans le domaine nucléaire, le Maroc est très engagé (30). Il a ratifié et a appliqué le traité international sur la non-proléfération des armes nucléaires depuis 1970. Ce traité constitue un frein au développement de la recherche dans ce domaine, y compris à usage civil. Ces contraintes sont dues à l’interdépendance technique des recherches pour l’usage militaire et civil et aux différentes conventions de sûreté et de sécurité nucléaire ratifiées et appliquées successivement depuis 1993 et 2002. Ces différents engagements du royaume constituent un cadre pour l’activité énergétique nucléaire et semblent entraver le lancement et le développement de ce type d’énergie au Maroc. La coopération internationale dans le domaine de l’électricité encourage la construction de réseaux complémentaires et accentue le mouvement de connexion des réseaux électriques entre les pays afin de créer des échanges de flux d’électricité. L’ONE a renforcé sa liaison avec les pays voisins en reliant son réseau de transport d’électricité avec l’Espagne et l’Algérie. L’ONE a même lancé des projets pour augmenter la capacité de transit avec l’Algérie et l’installation de la deuxième interconnexion, par câble sousmarin, pour doubler la capacité de transit de l’électricité avec l’Espagne (31). Ces interconnexions, qui permettent d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité du Maroc, placent le secteur énergétique marocain au cœur du marché maghrébin et européen. S’agissant de l’engagement environnemental, le Maroc est significativement mobilisé contre le changement climatique et est très attaché aux mesures internationales en matière de protection de la planète. Aussi adopte-t-il un modèle de développement durable propice à la protection de l’environnement. A cet égard, le plan d’investissement vert (32) lancé par le Maroc constitue un cadre d’action national et un engagement sur la scène internationale. Ces actions transversales revêtant une cohérence et une interactivité sectorielles sont basées sur l’intégration du développement durable dans les stratégies sectorielles relatives à l’énergie renouvelable, à l’efficacité énergétique, aux villes, aux transports et aux déchets solides afin de réduire les émissions de gaz à effets de serre et lutter contre le réchauffement climatique. Cet engagement 30. Site web officiel de l’Agence marocaine de sûreté et de sécurité nucléaires et radiologiques : http://amssnur.org.ma/?page_id=169 31. ONE, Rapport annuel 2005. 32. « L’engagement du Maroc dans la lutte contre les effets du changement cimatique », rapport disponible sur : http://www.environnement.gov.ma/index.php/fr/climat 250 Profils sectoriels et émergence industrielle constitue pour le secteur marocain de l’énergie un catalyseur de l’activité dans le renouvelable et représente une sorte de facteur attrayant pour les entreprises nationales et internationales qui désirent investir dans ce domaine. En parallèle, ces mesures exercent une sorte de restriction et de limitation des activités émettrices de GES, spécialement celles liées au charbon et aux sources d’énergies fossiles. Cette situation est toutefois une opportunité pour les entreprises qui désirent initier des stratégies de transition et de réorientation de leur activité afin de profiter des avantages qu’offrent ces différents programmes du renouvelable. La coopération et les engagements du Maroc lui ont permis de profiter de financements internationaux pour les grands chantiers de l’énergie renouvelable afin de réduire sa dépendance aux sources d’énergie fossiles. Les financements bilatéraux et multilatéraux des programmes NOOR d’énergie renouvelable constituent un modèle à suivre et une réussite pour le développement de la filière du renouvelable. 3. Faiblesses, points forts, opportunités et perspectives 3.1. Points faibles et limites du développement du secteur 3.1.1. Dépendance de l’extérieur et exposition aux risques Face à la hausse permanente de la demande nationale, la production locale demeure modérée et ne suit pas le rythme de croissance de la consommation. Cette situation rend indispensable le recours à l’approvisionnement extérieur, que ce soit pour le pétrole brut à raffiner ou pour les produits pétroliers prêts à la consommation. Cette politique énergétique est subie, à cause de la faiblesse des découvertes de gisement de pétrole et de gaz. Elle est aussi une conséquence du retard dans le développement des sources alternatives d’énergie. Concrètement, le taux de dépendance, qui dépasse les 94 % sur la période étudiée, expose le pays à la volatilité des cours sur le marché international et à différents facteurs géopolitiques. Ce recours aux importations réduit la visibilité des entreprises énergétiques et affecte négativement leur stratégie. 3.1.2. Compensation, soutien et administration des prix de l’énergie Selon la politique de compensation, les prix des produits pétroliers sont déterminés par les autorités en faisant supporter par les finances publiques la charge relative à la différence entre les prix indexés sur le marché international et les prix de vente à l’intérieur. Energie 251 A titre d’illustration, malgré la forte hausse des cours du gaz, les prix de vente à l’intérieur sont restés inchangés sur la décennie 2002-2012. Pour les prix des carburants, les autorités n’ont répercuté que partiellement les hausses des cours du pétrole. En effet, entre 2004 et 2012, les prix de vente à la consommation sur le marché intérieur ont connu des révisions minimes. Par exemple, le gasoil est passé de 5,76 dirhams le litre en janvier 2004 à 8,15 dirhams le litre en février 2012, alors que le cours du pétrole a été multiplié par plus de trois, passant de 38 dollars le baril en 2004 à 113 dollars le baril en 2012 (33). La dépendance énergétique et la flambée des cours internationaux font du programme de compensation et de soutien des prix des produits énergétiques une politique très coûteuse pour les finances publiques du pays et représente une forme de détournement des fonds publics vers la consommation finale au lieu de financer des projets énergétiques susceptibles d’augmenter la production nationale et dynamiser le secteur. De plus, l’administration des prix de l’énergie constitue une contrainte pour le bon fonctionnement des marchés et freine l’ajustement des prix aux actions et aux stratégies des opérateurs. Ces derniers bénéficient d’une situation de rente et voient leurs marges maintenues et leurs parts de marché assurées. En conséquence, ils n’entreprennent pas suffisamment d’actions pour se moderniser et innover afin de réaliser de la croissance organique et augmenter la dynamique et les performances du secteur. Cette politique n’a pas permis, non plus, de relancer les mouvements de restructuration et de consolidation entre les sociétés opérantes dans le secteur afin de former de grands groupes énergétiques capables de se positionner sur les marchés internationaux et se doter d’un important pouvoir de négociation. 3.1.3. Concentration et manque de concurrence Les statistiques sur la distribution et l’approvisionnement montrent que le secteur de l’énergie œuvre dans un environnement de concertation, de monopole et de faible concurrence. En effet, le Maroc dispose d’une seule raffinerie, la SAMIR, qui est passée en 1997 sous pavillon privé. Cela expose le Maroc au risque de pénurie et au recours massif à l’importation au lieu de créer de la valeur ajoutée à partir du raffinage local. De plus, l’approvisionnement extérieur est assuré par un petit 33. http://www.finances.gov.ma/Documents/PLF/2013/4803_compens_fr.pdf 252 Profils sectoriels et émergence industrielle nombre de sociétés. Pour la distribution, le marché est dominé par quatre principaux opérateurs. Concernant l’électricité, malgré le mouvement de concession des activités, l’ONEE détient encore une grande part dans la production, le transport et la distribution d’électricité. L’opérateur public, et tuteur des sociétés qui opèrent dans ce domaine, est encore en position de monopole et influence les stratégies des opérateurs privés. Cette structuration du secteur énergétique au Maroc entrave la concurrence et laisse le marché en manque d’initiative et de compétition sur les prix et la qualité des services. Ainsi, un renforcement de l’ouverture et de la libéralisation du marché et l’adoption de mesures pour favoriser la concurrence peuvent sortir le secteur de son inertie et le mettre sur la voie du développement et d’une croissance soutenue. 3.1.4. Cadre réglementaire dispersé et multitude des intervenants Les autorités adaptent continuellement le cadre réglementaire des activités énergétiques. Cette perpétuelle évolution se fait en réaction à des situations de crise et à des difficultés liées à l’énergie (34). Le législateur est réactif, mais il doit être doté d’un esprit visionnaire capable d’inspirer des stratégies prévisionnistes de long terme. Les interlocuteurs énergétiques ressemblent à des entités de contrôle et de réglementation. Ils interviennent dans le domaine des hydrocarbures et des mines. Et cela risque de disperser leurs efforts et leurs actions. C’est pourquoi il faut doter les organismes et les agences nationales énergétiques d’un réel cadre opérationnel pour accompagner les opérateurs privés nationaux et internationaux dans le développement des activités énergétiques. 3.2. Points forts, opportunités et perspectives L’analyse de la configuration et de l’activité du secteur énergétique relève des corrections et des ajustements nécessaires au développement du secteur énergétique qui dispose d’un grand potentiel de croissance, d’amélioration et de dynamisation. 34. À l’exemple des décisions de compensation qui ne sont prises qu’après la flambée des cours du pétrole ou des lois sur l’énergie renouvelable qui ne sont adoptées qu’après les recommandations internationales et le renchérissement des énergies fossiles, etc. Energie 253 3.2.1. Les énergies fossiles : une source encore indispensable Certes, les sources renouvelables paraissent plus attrayantes et moins polluantes, mais les analyses de la tendance internationale montrent que les énergies fossiles sont et resteront pour une longue période encore une source indispensable d’énergie du fait de leur coût relativement bas. Evidemment, cette situation se maintiendra tant que les énergies renouvelables ne se développeront pas suffisamment pour produire en masse et à un coût plus faible. Le territoire marocain est encore sous-exploré. Des opérations de recherches sont en cours, et le développement de partenariats et de coopérations entre l’ONHYM et les grandes compagnies internationales augmentent les chances de découvrir des gisements. Il est donc nécessaire de renforcer le rôle de l’ONHYM et de le doter de plus de compétences pour accomplir ses missions de recherche, d’exploration et d’exploitation en partenariat avec des opérateurs de renommée internationale. Par ailleurs, la position géographique du pays lui permet de devenir une plateforme intermédiaire de distribution de gaz en activant sa diplomatie économique pour construire des oléoducs entre les pays producteurs comme l’Algérie et le Nigeria et les grands pôles de consommation (par exemple l’Europe occidentale). Cette stratégie logistique peut lui assurer la sécurité de son approvisionnement et des récompenses financières et en nature. De même, le Maroc a le devoir de jouer un rôle central dans la construction d’un espace euro-maghrébin d’échange d’électricité pour devenir le hub énergétique de la région en multipliant les accords dans ce domaine. Pour les sources non conventionnelles comme le schiste, les réserves sont importantes, et le développement des techniques d’extraction sont pour le Maroc une opportunité d’augmenter sa production. 3.2.2. L’énergie renouvelable : un grand potentiel Le Maroc dispose d’un grand potentiel dans les sources propres d’énergie, en particulier le solaire et l’éolien. Les efforts énormes et les réalisations en cours dans le domaine solaire (projet NOOR) sont en mesure de rendre la production d’électricité plus propre. Ces chantiers offrent même des possibilités d’exportation vers les pays de l’UE dans le cadre d’accords pour la connexion des réseaux de transport entre le Maroc, l’Espagne et l’Algérie. Au niveau organisationnel, la décision de centralisation de plusieurs projets de renouvelable dans le cadre de MASEN facilite la réalisation et le 254 Profils sectoriels et émergence industrielle développement de ces activités. Selon les projections officielles, les efforts de développement de ces sources peuvent porter la part du renouvelable, à l’horizon 2020, à plus de 40 % de la production d’électricité nationale. Le développement du renouvelable nécessite également des financements et des programmes d’investissement dans la recherche scientifique. Dans ce sens, la politique marocaine de signature de partenariats internationaux avec des bailleurs de fonds permet de mettre à la disposition des acteurs publics et privés d’importants moyens de financement pour réaliser ces projets. 3.2.3. Gains de la décompensation et libéralisation des prix des produits énergétiques La prise de conscience des limites de la politique sociale de compensation alimente les réflexions et les tentatives de réduction de ce programme pour se diriger vers une libéralisation progressive des prix des produits pétroliers. Une décision dans ce sens permettra, d’une part, de réorienter les fonds de la compensation vers d’autres activités productrices et le financement de projets énergétiques renouvelables. D’autre part, la libéralisation des prix encourage l’activité du secteur et met ses entreprises face à leurs responsabilités en matière de tarifs. Les conditions et la qualité du service seront aussi un volet de poids dans les stratégies des distributeurs pour garder leur clientèle. 3.2.4. Rationalisation de la consommation et efficacité énergétique Du côté de la rationalisation de l’usage et de la consommation d’énergie, le Maroc a devant lui un important chemin à parcourir pour inculquer l’efficacité énergétique aux producteurs et aux consommateurs nationaux. Les mesures visant à instaurer l’efficacité énergétique sont susceptibles de réduire la consommation d’énergie et exercer moins de pression sur la production. Elles limiteront l’usage de sources polluantes et coûteuses pour l’environnement et la planète. Également, les engagements des opérateurs publics et privés alimentent la création de nouvelles activités et la modernisation des procédés et des techniques. Ces opportunités se traduiront par le dynamisme du secteur et sa modernisation. 3.2.5. Potentiel de création d’emplois Côté emploi, le développement de la production d’énergie, l’exploration d’autres sources et moyens de production et les mesures d’efficacité énergétique sont incontestablement porteurs d’énormes potentialités de création d’emplois. Energie 255 Les perspectives sont prometteuses surtout dans le segment du renouvelable. Un grand nombre d’emplois, directs et indirects, seront même créés dans le cadre des projets NOOR I, II et III (35). Une étude visant à évaluer le potentiel de création d’emplois (36) annonce que le segment du renouvelable deviendra un gros créateur d’emplois à l’horizon 2020. Les estimations tablent sur la création de plus de 13 000 postes en renouvelable et plus de 30 000 postes grâce aux programmes d’efficacité énergétique. L’étude stipule aussi que les besoins en formation seront conséquents et s’établiront à plus de 20 000 ouvriers et plus de 20 000 techniciens et cadres. Le marché de l’emploi peut être alimenté par tous les segments du secteur et pas seulement le renouvelable. A cet effet, les changements structurels (libéralisation, développement et modernisation des procédés de production et de distribution) que connaît le secteur de l’énergie sont un signal avantcoureur du potentiel d’emplois. Et pour profiter de cette situation et faire des deux parties du marché du travail des « gagnant-gagnant », il est nécessaire de développer des programmes de formation et de qualification de la main-d’œuvre, former des cadres et des ingénieurs spécialisés dans l’énergie et les filières annexes. De tels programmes mettront à la disposition des acteurs du secteur un capital humain qualifié et susceptible d’alimenter l’innovation et la création de valeur ajoutée. Conscientes de l’importance du capital humain pour le développement de la filière renouvelable, les autorités multiplient les programmes de formation de cadres, d’ingénieurs et de techniciens pour couvrir les besoins en emplois. Conclusion Ce large exposé offre une vue claire et transversale sur le secteur énergétique au Maroc et apporte des éléments de réponse à plusieurs questions relatives à l’organisation de l’activité du secteur, sa performance, son potentiel et ses perspectives. 35. Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Département de l’Énergie et des Mines, Monographie du secteur de l’énergie et des mines de la province de Ouarzazate, disponible sur www.mem.gov.ma/SiteAssets/Monographie/.../DP %20- %20 OUARZAZATE.pdf 36. La Nouvelle stratégie énergétique nationale : bilan d’étape, Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement. 256 Profils sectoriels et émergence industrielle Le secteur de l’énergie au Maroc a traversé une longue période de transition depuis l’Indépendance. Son organisation et la structure de ses compartiments sont en perpétuelle évolution. Plusieurs organismes en assurent la tutelle, le conseil et même la gestion de l’activité de production et distribution. Les opérateurs privés sont omniprésents, et leur nombre est en hausse depuis l’application du Programme d’ajustement structurel et la libéralisation progressive du secteur de l’énergie. Le secteur de l’énergie au Maroc est souvent réduit à l’électricité et aux hydrocarbures, mais de nouveaux domaines et concepts retrouvent peu à peu leur place. C’est le cas, par exemple, des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. La structure du secteur est caractérisée par une remarquable concentration de l’activité et la domination de la production et de la distribution de l’électricité et des hydrocarbures par quelques opérateurs. Les autres énergies n’échappent pas à cette situation tant que de nouveaux acteurs ne peuvent pas et/ou ne veulent pas encore se lancer dans le renouvelable et le nonconventionnel, en particulier. Le secteur a connu des changements majeurs liés à des éléments de politiques sociales de soutien du pouvoir d’achat face au renchérissement des produits énergétiques. Le cadre réglementaire a joué, également, un grand rôle dans l’organisation et la définition des règles de fonctionnement et des relations entre les intervenants. Les facteurs climatiques et géopolitiques ont également eu une influence significative sur les mutations des stratégies de production et d’approvisionnement en énergie. Le secteur de l’énergie au Maroc souffre encore de la faiblesse de la production nationale et la dépendance de l’extérieur. La politique de soutien des prix et le manque de concurrence semblent également freiner le développement et le dynamisme du secteur. Ceci étant, les perspectives du secteur énergétique au Maroc sont très prometteuses. Le pays dispose d’un grand potentiel de croissance avec les énergies fossiles, encore sous-explorées, et les sources renouvelables suffisamment abondantes. D’importants gains sont aussi possibles grâce à l’amélioration des techniques de production et de rationalisation de la consommation dans le cadre des programmes d’efficacité énergétique. Energie 257 Références bibliographiques Publications institutionnelles Ministère de l’économie et des Finances, « Rapport détaillé sur le programme de la compensation, annexé au projet de loi de finances pour l’année 2013 », disponible sur le site : http://www.finances.gov.ma/ Documents/PLF/2013/4803_compens_fr.pdf Ministère de l’économie et des Finances, Tableaux de bord sectoriel annuels de la Direction des études et des prévisions financières. Ministère de l’économie et des Finances, Bilan du secteur énergétique, publication de la DPEF 2012, 2014. Ministère de l’économie et des Finances, DPEF 2012, Indicateurs sectoriels : énergie et eau, 2014. Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Stratégie énergétique nationale : horizon 2030. Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, l’Engagement du Maroc dans la lutte contre les effets du changement climatique, rapport disponible sur le lien : http://www.environnement.gov.ma/index. php/fr/climat Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, la Nouvelle stratégie énergétique nationale : bilan d’étape. Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Secteur de l’Énergie, Chiffres-clés, année 2009. Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Secteur de l’énergie, Chiffres-clés, année 2013. Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de l’observation et de la programmation, Bilan des investissements dans le secteur de l’énergie et des mines, septembre 2013. Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de l’observation et de la programmation, Analyse des indicateurs énergétiques, 2013. Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de l’observation et de la programmation, la Nouvelle stratégie énergétique nationale : bilan d’étape, 2013. Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Secteur de l’énergie et des mines, Principales réalisations (1999-2008) : défis et perspectives, 2008. 258 Profils sectoriels et émergence industrielle Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Stratégie énergétique nationale : horizon 2030. Ministère de l’énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Département de l’Énergie et des Mines, Monographie du secteur de l’énergie et des mines de la province de Ouarzazate, disponible sur www.mem.gov. ma/SiteAssets/Monographie/.../DP %20- %20OUARZAZATE.pdf Ministère de l’Industrie, Observatoire marocain de l’industrie, l’Industrie en chiffres 2010-2014 , http://www.omi.gov.ma/Publication/ Pages/CD.aspx Haut-Commissariat au Plan, Comptes nationaux 2007-2012 (base 2007). Haut-Commissariat au Plan, Indices de la production industrielle, énergétique et minière (base 100 : 1998). Haut-Commissariat au Plan, Prospective énergétique au Maroc : enjeux et défis, 2006. Haut-Commissariat au Plan, Indicateurs d’emplois et de chômage (statistiques annuelles). 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CHAPITRE 9 Logistique Mohammed Mzaiz Introduction La logistique est une notion d’origine militaire qui désignait l’ensemble des techniques mises en œuvre pour assurer l’approvisionnement et le maintien en conditions opérationnelles des troupes armées en temps de guerre à travers l’utilisation de modèles mathématiques d’optimisation afin de coordonner les approvisionnements avec l’avancée des troupes sur le terrain. Elle a été ensuite étendue aux organisations civiles pour devenir un secteur d’activité à part entière vers la fin du XXe siècle, avec ses méthodes, ses acteurs, ses métiers et ses techniques. Elle a souvent été prise en charge par des entreprises à la recherche de création de valeur, donnant ainsi naissance aux premiers prestataires logistiques (Fulconis, Paché et Roveillo, 2011). De façon plus large, le mot logistique est aujourd’hui polysémique et peut désigner, selon le contexte dans lequel il est utilisé, trois champs différents. Premièrement, la logistique est une fonction qui a pour objectif de mettre à disposition, au moindre coût et avec la qualité requise, un produit, à l’endroit et au moment où la demande existe (Paché et Sauvage, 2004). Elle concerne l’ensemble d’opérations physiques de traitement des produits, périphériques et complémentaires aux opérations de fabrication, qui comprennent notamment l’approvisionnement, la gestion des stocks, la manutention, la préparation des commandes et le transport (Fender et Pimor, 2008). Deuxièmement, elle désigne une des composantes des sciences du management, considérant l’entreprise et les relations interentreprises comme des systèmes de flux d’informations et de flux de produits dont il faut optimiser la gestion (Doriol et Sauvage, 2010). Enfin, l’industrie logistique est une branche économique en émergence, constituée d’entreprises prestataires travaillant pour le compte d’entreprises agricoles, industrielles ou commerciales externalisant tout ou partie de leurs opérations logistiques. Au Maroc, la logistique comme secteur d’activité n’a réellement débuté qu’en 2010 avec le lancement de la stratégie nationale de la compétitivité logistique 262 Profils sectoriels et émergence industrielle (2010-2015) (1), signée entre l’État marocain et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). L’entrée en vigueur de cette stratégie qui a pris la forme d’un contrat-programme vient donc doper la compétitivité du pays tout en mettant plus de cohérence entre la politique des grands chantiers (autoroutes, routes, ports, flux maritimes, réseau ferroviaire…), les différentes stratégies sectorielles et la logistique (stockage, manutention, transport…). Ce contrat-programme a fait l’objet d’une convention de financement avec le Fonds Hassan II pour le développement économique et social. Il avait comme objectif l’amélioration de la compétitivité de l’économie du Maroc, à l’export et à l’import comme en interne, par le biais d’une logistique performante réorganisant et optimisant les différents flux de marchandises (MET, 2010). Le contrat ainsi défini est de nature à apporter les réponses nécessaires au développement du secteur de la logistique et les solutions adéquates aux problèmes de gestion des flux de marchandises et permet de répondre aux besoins logistiques des différentes stratégies sectorielles lancées ou en cours de mise en œuvre au niveau national (2). L’objectif de ce « profil sectoriel » est d’évaluer la situation du secteur logistique et faire le point sur les évolutions et les changements opérés après la réalisation du contrat-programme logistique au titre de la période 2010-2015. On insistera sur les changements réalisés au niveau du cadre institutionnel du secteur (section 1), au niveau de ses acteurs (section 2), de ses principaux déterminants conjoncturels (section 3), de sa configuration productive (section 4) et de ses performances (section 5). 1. Cadre institutionnel et fondamentaux du secteur Le cadre institutionnel et les fondamentaux du secteur comprennent les organes institutionnels chargés de la logistique et ceux chargés du transport. 1. Impulsée par un rapport réalisé conjointement par la Banque mondiale et par le ministère de l’Équipement et du Transport en 2006, cette stratégie a été adoptée suite à une étude menée en 2008 par le cabinet Mc Kinsey. Il s’agissait d’offrir au Maroc « un plan d’action ambitieux » au double objectif stratégique : améliorer le commerce extérieur du Maroc avec l’Union européenne et favoriser l’émergence du secteur logistique marocain. 2. Notamment le Plan Maroc vert pour l’agriculture, le Pacte national pour l’émergence industrielle, le plan Halieutis pour le secteur de la pêche, le plan Rawaj pour le commerce intérieur, la stratégie énergétique, etc. Logistique 263 1.1. Organes institutionnels chargés de la logistique La gouvernance du secteur logistique a été confiée au départ au ministère de l’Équipement et du Transport jusqu’à la mise en place de l’Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL) en juillet 2011. A partir de cette date, les attributions dévolues au ministère de l’Équipement en matière de logistique ont été transférées à la nouvelle agence conformément à la loi n° 59-09 portant création de l’Agence marocaine de développement de la logistique. Cette structure a pour mission la mise en œuvre aux niveaux national et régional des actions d’amélioration de la compétitivité logistique (B.O. n° 5962, 19 chaâbane 1432 (21 juillet 2011)). En mai 2014, la gouvernance du secteur a été renforcée par la création d’autres organismes tels que l’Observatoire marocain de la compétitivité logistique (OMCL) dont les missions principales sont : la mesure de la performance des systèmes logistiques, la garantie et la veille sur le secteur, la collecte d’informations et la publication de manière régulière d’indicateurs mesurant les progrès réalisés dans le secteur. Cet observatoire constitue une force de proposition pour améliorer la compétitivité logistique. Le Board national de coordination de la formation en logistique (BNCFL) associe à la fois les autorités publiques en charge de la formation et les représentants des professionnels du secteur privé, principal employeur des compétences logistiques, ce qui permettra une meilleure orientation des efforts de formation vers les besoins réels du marché de l’emploi logistique. Ses travaux ont été lancé le 21 septembre 2015, et une Commission nationale de normalisation logistique (CNNL) a été instituée, notamment pour identifier et prioriser les besoins de tous les acteurs du secteur logistique en termes de normes et de bonnes pratiques. 1.2. Organes institutionnels chargés du transport Le secteur logistique est dépendant du secteur du transport, c’est la raison pour laquelle nous présenterons ici les différents organes institutionnels chargés de la gestion des différentes catégories de transport (maritime, aérien et routier). 1.2.1. Organes chargés du transport maritime En vertu de la loi n° 15-02, l’Agence nationale des ports (ANP) est l’organe d’autorité et de régulation du système portuaire marocain. C’est un établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. La tutelle technique de l’Agence est assurée par le ministère de 264 Profils sectoriels et émergence industrielle l’Équipement et du Transport (art. 31). Elle est soumise au contrôle financier de l’État applicable aux établissements publics conformément à la législation en vigueur. Elle exerce ses attributions sur l’ensemble des ports du pays, à l’exception du port Tanger-Méditerranée (art. 32). Elle a pour mission d’assurer le développement, la maintenance et la modernisation des ports pour traiter, dans les meilleures conditions de gestion, de coût, de délai et de sécurité, les navires et les marchandises transitant par les ports (art. 33). En décembre 2006, la gestion du secteur portuaire a été renforcée par la création d’une société anonyme, la Société d’exploitation des ports (SODEP), régie par la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes, dont la mission principale est l’exploitation des activités portuaires et, le cas échéant, la gestion des ports (art. 42). Dans le cadre de cette nouvelle configuration (3) du secteur portuaire, l’ANP a été investie des missions d’autorité et de régulation du secteur, et la SODEP des missions commerciales au sein des terminaux portuaires qui lui ont été concédés. (B.O. n° 5378 du 13 kaada 1426 (15 /12/2005)). 1.2.2. Organes chargés du transport aérien L’Office national des aéroports (ONDA) reste l’organe principal chargé de développer le transport aérien pour répondre aux besoins de croissance du secteur. En vertu de loi n° 14-89, c’est un établissement public à caractère industriel et commercial créé en janvier 1990 par transformation de l’Office des aéroports de Casablanca (4), premier établissement autonome de gestion aéroportuaire au Maroc (5). Parmi les missions dévolues à l’office, on peut citer la garantie de la sécurité de la navigation aérienne dans les aéroports et l’espace aérien sous juridiction nationale, l’aménagement, l’exploitation, l’entretien et le développement des aéroports civils de l’État, l’embarquement, le débarquement, le transit et l’acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air, ainsi que tout service destiné 3. La réforme du secteur portuaire entrée en vigueur en 2006 a créé un nouveau cadre légal institutionnel et réglementaire (loi 15-02) et a redistribué les rôles entre les acteurs publics et privés après la dissolution de l’Office d’exploitation des ports (ODEP), la création de l’ANP et de la SODEP connue sous le nom de Marsa-Maroc. 4. En 1990, la loi 14-89 a statué sur sa transformation en Office national des aéroports (ONDA). Le décret 89-480 a mis en œuvre ses dispositions. 5. L’Office des aéroports de Casablanca (OAC) a été créé en 1980, en vertu de la loi 25-79 introduisant la notion d’autonomie de la gestion aéroportuaire et la mise en place d’une structure d’entreprise. Logistique 265 à la satisfaction des besoins des usagers et du public (B.O. n° 4023 du 6 joumada I 1410 (6 décembre 1989)). A signaler également l’obligation pour l’office de développer continuellement les ressources nécessaires en vue de répondre au changement technologique permanent du secteur et d’assurer la liaison avec les organismes et les aéroports internationaux. La loi 47-00 est venue par la suite rattacher la formation des contrôleurs et électroniciens de la sécurité aérienne à l’ONDA. L’office est ainsi devenu le premier établissement public autonome de gestion aéroportuaire à caractère industriel. 1.2.3. Organes chargés du transport routier Le grand prestataire de services d’affrètement national et international depuis plus de soixante-dix ans est la Société nationale du transport et de la logistique (SNTL), société anonyme à capitaux publics. Elle est l’unique entité chargée de favoriser le développement du transport de marchandises par route au Maroc. Créée le 1er janvier 2007 en vertu de la loi 25-02, en remplacement de l’ONT (Office national des transports) (6), la SNTL est devenue un acteur majeur du secteur du transport et de la logistique au Maroc. Elle a pour mission non seulement la gestion du transport de marchandises par route mais aussi la prospection du marché du transport international, l’entretien des relations commerciales avec les clients locaux, la coopération entre transporteurs nationaux et étrangers et, enfin, la gestion et l’exploitation du parc affecté au transport international routier. S’agissant des prestations de services, la SNTL est chargée d’assurer, dans le cadre de la concurrence, des services de commissionnaire dans le domaine des transports de marchandises sur les plans national et international, d´établir et d’exploiter des bureaux de chargement et des centres logistiques pour le groupage, le dégroupage, l’entreposage sous douane ou hors douane des marchandises. Elle offre une palette de prestations complémentaires quant à la gestion de la chaîne logistique, répondant aux normes élevées de sécurité, de qualité et de proximité (B.O. n° 5374 du 28 chaoual 1426 (1er décembre 2005)). 6. L’Office national des transports est un établissement public marocain créé en 1937, doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière et placé sous la tutelle administrative du ministère des Travaux publics jusqu’en 2004, où un projet de loi sur sa transformation en société anonyme, SNTL, a été adopté par le parlement. Cette loi s’inscrivait dans le cadre des actions visant la consolidation de la libéralisation du transport routier de marchandises consacrée par la loi n°16-99 et la mise à niveau du secteur, ainsi que l’engagement de la réforme du système du transport routier des voyageurs. 266 Profils sectoriels et émergence industrielle 1.2.4. Organes chargés du transport ferroviaire L’Office national des chemins de fer (ONCF) est le seul organisme étatique chargé de l’exploitation du réseau ferroviaire marocain. Créé en 1963, l’ONCF est une entreprise publique à caractère commercial et industriel dotée de l’autonomie financière et placée sous la tutelle du ministère de l’Équipement et du Transport. 1.3. Les grands enjeux du secteur On peut citer ici trois enjeux principaux : – l’enjeu urbanistique : améliorer le partage de l’espace urbain et décongestionner la ville ; – l’enjeu environnemental : réduire les émissions de gaz polluants et les nuisances sonores en ville générées par le transport de marchandises ; – l’enjeu économique : réduire les coûts et l’optimisation de la chaîne logistique. 1.3.1. Enjeu urbanistique L’enjeu urbanistique est tributaire de l’investissement dans les zones logistiques, confronté à la nécessité de disposer rapidement d’emprises foncières immédiatement utilisables sur les bonnes localisations et aux meilleurs prix, c’est-à-dire à des prix acceptables, d’une part, par le marché promoteur pour l’aménagement d’une zone et, d’autre part, par le marché locatif pour les bâtiments qui seraient édifiés. De ce fait, l’État doit fournir un effort financier important afin de mobiliser et sécuriser le foncier destiné au développement des zones logistiques qui doit être compétitif et bien connecté aux différents réseaux de transport (OCDE, 2015). En outre, étant donné la nature capitalistique des projets de zone logistique, l’État doit intervenir en aménageant les infrastructures de base qui nécessitent un investissement lourd et à faible rentabilité pour céder la place par la suite aux investissements privés afin de développer une offre immobilière adéquate. La priorité devra bien évidemment être accordée aux projets recommandés par les différentes études de marché et de structuration déjà réalisées. Par ailleurs, une attention particulière devra être accordée à la mise à niveau de l’offre immobilière logistique existante qui est parfois informelle, ne satisfait pas le minimum requis en matière de positionnement ou de sécurité et n’obéit à aucune logique économique saine. S’agissant de la logistique urbaine, un programme national pour sa mise à niveau sur la période 2016-2021 a été préparé pour instaurer au sein des Logistique 267 villes marocaines des pratiques logistiques optimisées et mettre en place des infrastructures et équipements adaptés. L’opérationnalisation du plan d’action y afférent doit faire l’objet d’une collaboration étroite entre les départements ministériels, les collectivités et les acteurs locaux concernés. Il y a lieu aussi de mettre en place une assise réglementaire du secteur de la logistique au Maroc permettant de le caractériser comme secteur à part entière. Ce levier permettra de favoriser la concurrence et la transparence du secteur et d’améliorer son environnement. La réglementation doit être accompagnée de mesures de normalisation, surtout en matière de développement de l’immobilier logistique, afin de pouvoir s’aligner sur les standards internationaux en termes de qualité des infrastructures et services logistiques, ce qui leur donnera une meilleure attractivité pour l’investissement étranger et national. 1.3.2. Enjeu environnemental L’enjeu environnemental est l’un des enjeux principaux du secteur. Le transport est souvent dénoncé comme l’une des principales sources d’émission de gaz à effet de serre, et le transport routier tout particulièrement a mauvaise réputation à cause de l’insécurité existante quant à la conduite (cohabitation camions/véhicules légers, accidents, problèmes sociaux). Pour cela, l’ensemble de la chaîne de valeur (chargeurs, transporteurs, clients, etc.) devra s’interroger sur le « juste prix du transport » en intégrant les coûts externes tels que l’usure des infrastructures, la pollution, le bruit, l’encombrement, les accidents, etc. Selon l’étude réalisée par le réseau d’entreprises américaines PWC (7), le changement climatique, la hausse des prix de l’énergie et l’augmentation de l’approvisionnement local sont les défis à venir du transport et de la logistique. Plus de la moitié des dirigeants du secteur du transport et de la logistique interrogés par PWC prédisent un scénario optimiste, dans lequel les énergies renouvelables représenteront près de 80 % de la consommation totale d’énergie dans certains pays. La majorité des personnes interrogées considèrent que la réduction des émissions de CO2 et celle d’oxyde d’azote, par exemple, sont des facteurs-clés à court comme à long terme. Près de 70 % de ces personnes s’attendent à ce que d’ici 2030 toutes les émissions soient répertoriées dans la chaîne d’approvisionnement et prises en compte dans le prix du produit (8). 7. Price Waterhouse Coopers est un réseau d’entreprises américaines spécialisées dans des missions d’audit, d’expertise comptable et de conseil à destination des entreprises. 8. Cette étude réalisée par PWC sur le transport et la logistique à l’horizon 2030 durant la période allant de mars 2010 à mars 2012 s’est appuyée sur une série de sondages et prospectives internationales auprès d’un certain nombre de dirigeants d’entreprise. Elle est structurée 268 Profils sectoriels et émergence industrielle 1.3.3. Enjeu économique Les entreprises marocaines sont aujourd’hui confrontées à des coûts logistiques très élevés, environ 20 % du PIB en 2010, qui grèvent leur compétitivité. Ce ratio est supérieur à celui des pays de l’Union européenne, y compris ceux qui l’ont intégrée en 2004, dont le ratio se situe entre 10 et 16 %. Des pays émergents comme le Mexique, le Brésil ou la Chine ont, quant à eux, des coûts logistiques de l’ordre de 15 à 17 % de leur PIB (MEF, 2008). Ces coûts relativement élevés nuisent à la compétitivité internationale du pays, notamment dans ses rapports avec l’Europe (CETMO, 2010). Dans l’environnement de plus en plus intégré du commerce mondial, une évolution à la marge de ces coûts peut avoir d’importantes conséquences positives ou négatives. Aujourd’hui, la concurrence est si importante qu’un retard de quelques heures dans l’arrivée de produits peut conduire à la perte d’un marché. Les entreprises mondiales de logistique réalisent des profits en s’engageant prioritairement sur le respect des délais, la préservation de la qualité du produit tout au long de la chaîne et des prix compétitifs (Fulconis, Paché et Roveillo, 2011). 2. Les acteurs du secteur : forces en présence et facteurs de compétitivité du Maroc Le contrat-programme défini le cadre de développement du secteur de la logistique au Maroc fixe les grandes lignes et les objectifs de la stratégie intégrée pour le développement de la compétitivité logistique et décline les engagements communs de l’État et du secteur privé. Cette stratégie ambitionne de : – réduire le poids des coûts logistiques du Maroc par rapport au PIB pour passer de 20 % actuellement à 15 % à moyen terme ; – accélérer la croissance du PIB en gagnant 5 points sur dix ans par l’augmentation de la valeur ajoutée induite par la baisse des coûts logistiques et l’émergence d’un secteur logistique compétitif ; – contribuer au développement durable du pays à travers la réduction des émissions de CO2 liées au transport routier de marchandises de 35 % à moyen terme et la décongestion des routes et des villes. autour de cinq thèmes : l’énergie, les infrastructures, les marchés émergents, la logistique éthique et le développement durable et, enfin, la sécurité dans la chaîne d’approvisionnement. Logistique 269 La stratégie logistique marocaine se décline en cinq axes vise à : – doter le pays d’infrastructures logistiques performantes à travers la mise en place d’un réseau national de zones logistiques ; – accélérer la modernisation cohérente du secteur à travers des plans d’actions sectoriels d’optimisation des flux logistiques ; – favoriser l’émergence de logisticiens intégrés et performants ; – mettre en œuvre un plan national global de développement des compétences en logistique ; – renforcer la gouvernance du secteur. La mise en œuvre des mesures s’opérera progressivement et en plusieurs phases, avec des objectifs ambitieux à court et moyen termes, pour un déploiement complet à l’horizon 2030. Dans le cadre de l’exécution de la stratégie nationale logistique, le contratprogramme entre l’État et le secteur privé a prévu la conclusion : – de contrats d’application pour le développement des plateformes logistiques au niveau régional ; – de contrats d’application horizontaux et sectoriels relatifs à la formation et à l’amélioration des chaînes logistiques relatives aux flux des produits énergétiques, produits agricoles, distribution nationale, matériaux de construction et au flux import/export (MET, 2010). 2.1. Les facteurs de compétitivité du secteur Les facteurs de compétitivité que nous retiendrons sont les facteurs humains, d’innovation et d’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. 2.1.1. Facteurs humains L’offre de formation en logistique a connu, depuis le lancement en 2010 de la Stratégie nationale logistique, une progression importante en nombre d’établissements et de filières. Ainsi, près de 120 établissements dispensent en 2015 des formations en logistique, avec 220 filières couvrant l’enseignement supérieur et la formation professionnelle et relevant d’établissements publics ou privés. L’offre de formation a triplé, passant de 2 500 personnes formées en 2009 à 7 325 en 2014-2015. La contribution du secteur privé est estimée à près de 40 %, comme l’illustre la figure ci-après : 270 Profils sectoriels et émergence industrielle Figure 1 Évolution de l’offre de formation en logistique sur la période 2010-2015 Public Privé Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016. La dynamique du secteur logistique se traduit par une importante création d’emplois, mais les besoins sont encore importants. L’offre de formation suit la dynamique avec une capacité en constante progression, que ce soit dans le public ou dans le privé. Mais l’inadéquation des profils formés avec les besoins des entreprises pose toujours problème. Les besoins en ressources humaines s’élèveront à 173 300 à l’horizon de 2030. Grâce à l’évolution qu’a connue le maillon de la formation dans le marché de la logistique et du transport de marchandises, ce dernier s’est classé 4e secteur pourvoyeur d’emplois, après le commerce, la pêche et l’immobilier et devant les télécoms, les services financiers ou le tourisme (AMDL, 2016). Cette performance s’explique par la forte dynamique de croissance que connaît le secteur mais aussi par l’amélioration de l’offre de formation depuis le lancement de la stratégie nationale en 2010. En volume, l’offre a presque triplé entre 2010 et 2015, passant de moins de 2 000 sièges pédagogiques à plus de 7 500 (9). Pour accompagner cette dynamique, plusieurs instituts publics dédiés aux formations dans les domaines du transport et de la logistique ont été créés au Maroc, notamment l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) (10). Les écoles supérieures privées ont 9. Il faut rappeler que le Maroc dispose aujourd’hui de 120 établissements offrant des formations dans le domaine de la logistique, dont 67 établissements privés et 57 publics. 10. De nombreuses initiatives ont été entreprises pour étoffer l’offre de formation à l’image de celle de l’OFPPT qui a développé une capacité d’accueil de 3 160 stagiaires dans le métier du transport et de la logistique et a créé de nombreux centres dédiés à la formation dans les métiers de la logistique et du transport multimodal. Logistique 271 intégré dans leur offre des cycles de formation et des spécialisations dans ces filières. Aujourd’hui, les métiers du transport et de la logistique présentent des perspectives professionnelles et de carrières très diversifiées (transit et douane, transport routier, maritime, aérien, ferroviaire…). Toutefois, le secteur de la logistique pâtit encore de certains maux relatifs au capital humain. En effet, le marché de l’emploi se caractérise toujours par une inadéquation entre l’offre et la demande en termes de profils, en particulier pour les opérateurs. Pour les techniciens spécialisés, l’équilibre quantitatif est atteint. Pour les managers et cadres, par contre, on note un excédent. 2.1.2. Innovation et utilisation des nouvelles technologies de l’information L’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) a substantiellement amélioré l’échange d’informations le long de la chaîne d’approvisionnement, ce qui a conduit au développement de la production intégrée et aux systèmes de gestion de la logistique et a ainsi amélioré les performances de la chaîne d’approvisionnement. Le traçage des marchandises et des véhicules, les systèmes d’acheminement des véhicules en temps réel et les systèmes de planning ont transformé la gestion de la logistique. Désormais, il est devenu possible d’identifier, de tracer et de planifier les cargaisons presque partout dans le monde (MEF, 2008). Les délais de livraison ont été réduits avec l’introduction des EDI (11), la mécanisation, l’automatisation et les systèmes d’optimisation de l’acheminement des véhicules, ce qui conduit potentiellement à réduire les coûts et les excédents de stock. Les exigences des chargeurs en matière de transport ont évolué sous la pression de la concurrence : des services rapides, fréquents et fiables, fabrication, entreposage et distribution à flux tendus, services intermodaux porte à porte, des services de traçage des cargaisons et autres services liés aux systèmes d’information avancés (MEF, 2008, p. 4). La réponse des industriels du transport aux exigences des chargeurs a entraîné des services à valeur ajoutée de haute qualité qui ont abouti aux tendances actuelles d’intégration de la chaîne des approvisionnements, de partenariats et d’alliances stratégiques, de logistique externalisée, de partage des équipements et d’échange d’informations sans papier. La concurrence accrue entre les différentes entreprises à l’échelle mondiale augmente le rythme de l’innovation et pousse les prix à la baisse. 11. Il s’agit des logiciels d’échange de données informatisées (EDI et EAI) qui permettent de dématérialiser les flux d’information entre les entités en établissant des connexions entre les différents systèmes d’information. 272 Profils sectoriels et émergence industrielle Le marché de l’équipement informatique pour la logistique au Maroc a connu une croissance de 30 à 40 % durant la période de l’étude. Néanmoins, malgré cette croissance, le taux de pénétration des technologies informatisées reste encore faible, avec un chiffre d’affaires annuel ne dépassant pas les 50 millions de dirhams. Seules 10 à 15 % des entreprises logistiques ont investi dans ces technologies (AMDL, 2016). Quant à l’innovation, pour connaître les déterminants de cette activité dans les entreprises logistiques marocaines, nous nous sommes basés sur une étude réalisée sur un échantillon de 364 entreprises (12) provenant de l’enquête nationale sur l’innovation, réalisée par l’Association marocaine la recherchedéveloppement couvrant la période 2008-2010, et l’enquête innovation qui couvre la période 2010-2012. Cette étude économétrique, dont l’objectif était de présenter un modèle qui prenne en compte la nature qualitative des données et l’endogénéité des décisions d’innovation des entreprises, s’est appuyée sur plusieurs variables endogènes, telles que la capacité d’innover, la coopération pour l’innovation, et exogènes, telles que la taille de l’entreprise, la date de sa création, l’appartenance à un groupe, l’intensité technologique, les dépenses totales en recherche-développement. Les entreprises questionnées sont de tailles différentes. En termes de chiffre d’affaires, 37,1 % d’entre elles ont réalisé un chiffre d’affaires compris entre 10 et 50 millions de dirhams, 16,5 % un chiffre d’affaires de plus de 100 millions de dirhams, 18,1 % un chiffre d’affaires de moins d’1 million de dirhams. La taille des entreprises enquêtées en fonction de leur chiffre d’affaires est présentée dans le tableau ci-dessous. Tableau 1 Taille des entreprises enquêtées selon leur chiffre d’affaires Fourchette du CA Moins de 1 million de dirhams Effectif Pourcentage Pourcentage cumulé 66 18,1 18,1 De 1 à 10 millions de dirhams 70 19,2 37,4 De 10 à 50 millions de dirhams 135 37,1 74,5 De 50 à 100 millions de dirhams 33 9,1 83,5 Plus de 100 millions de dirhams 60 16,1 100,0 Total 364 Source : Sadgui, 2014. 12. Pour s’assurer de la meilleure représentativité de l’échantillon, R&D Maroc a eu recours aux services du ministère du Commerce, de l’Industrie et des Nouvelles Technologies, qui a mis à sa disposition un échantillon représentatif du tissu industriel marocain de 988 entreprises, réparties sur les grandes villes du Maroc en plus grande partie sur Casablanca (64 %). Les entreprises ayant bien voulu répondre à ces deux questionnaires sont au nombre de 364. Logistique 273 Les entreprises de l’échantillon (13) appartiennent à tous les secteurs d’activité avec une dominance du textile (14 %), de l’agro-alimentaire (16,2 %) et de la mécanique et métallurgie (18,7 %). Le tableau ci-dessous présente les différents secteurs d’activité auxquels appartiennent les entreprises enquêtées. Tableau 2 Secteurs d’activité des entreprises enquêtées Secteur d’activité Effectif Pourcentage Pourcentage cumulé Agriculture et agro-alimentaire 59 16,2 16,2 Textile 51 14,0 30,2 Chimie et parachimie 31 8,5 38,7 Mécanique et métallurgie 68 18,7 57,4 Électronique et électricité 26 7,1 64,5 Technologie de l’information et de la communication 12 3,3 67,8 100,0 Industries diverses 117 32,1 Total 364 100,0 Source : Sadgui, 2014. Pour ce qui est des variables endogènes de l’étude, nous remarquons que sur l’ensemble des entreprises enquêtés 37,6 % ont coopéré pour innover (soit 137 entreprises). Parmi ces entreprises qui coopèrent 72,3 % sont innovantes (99 entreprises) contre 38 entreprises qui coopèrent mais n’innovent pas. Plus précisément, plus de 85 % des entreprises innovantes de l’échantillon coopèrent pour y parvenir. Elles sont seulement, 17 entreprises (soit 14,7 %) à avoir innover sans coopération, comme le montre le tableau ci-dessous. Tableau 3 La coopération et la décision d’innovation La coopération pour l’innovation Entreprises innovantes Non Oui Total Non Effectif 210 17 227 Oui Effectif 38 99 137 Total Effectif 248 116 364 Source : Sadgui, 2014. 13. Nous précisons ici que l’activité logistique des entreprises retenues dans l’étude n’est pas leur activité principale. 274 Profils sectoriels et émergence industrielle Un nombre très important des entreprises innovantes coopèrent pour réaliser leurs projets d’innovation. Les résultats du modèle montrent aussi que la propension à s’engager dans des activités d’innovation varie en fonction de la taille et de l’appartenance à un groupe, alors que la variable indiquant les entreprises nouvellement créées joue un rôle négatif sur la propension à innover. En effet, plus la taille de l’entreprise augmente plus celle-ci est innovante. Les entreprises qui viennent de rentrer sur un marché ont des difficultés à cause de leur manque de ressources internes nécessaire à l’innovation. L’appartenance à un groupe permet un accès plus facile aux connaissances et ressources du groupe grâce à la présence de diverses formes de proximité qui permettent aux entreprises d’innover plus rapidement. Un autre résultat qui mérite ici d’être souligné est que l’appartenance aux secteurs hightech n’a pas d’effet sur la décision d’innovation et de coopération, ce qui démontre que les firmes de moyenne-faible technologie ne sont pas désavantagées de façon significative. De même, la variable hightech n’exerce aucun impact sur la décision de coopération des entreprises en vue d’innover. Par conséquent, l’intensité technologique de secteur ne joue pas sur le comportement innovant des entreprises marocaines, et l’appartenance à des secteurs à faible intensité de technologie et/ou de connaissances ne constitue en aucun cas un handicap à l’innovation. Ceci contredit la majorité des études (14) qui témoignent d’une influence positive de l’intensité technologique sur la propension à innover. 2.2. Positionnement des entreprises marocaines par rapport à leurs concurrents directs Sur le marché national, les prestataires étrangers se positionnent plutôt sur des clients ou des contrats européens ou mondiaux de clients présents au Maroc. Ils ne concurrencent pas encore frontalement les entreprises marocaines. Au niveau du secteur exportateur marocain, les pays asiatiques ou est-européens concurrencent de plus en plus le Maroc sur le marché européen. La part du Maroc est restée assez stable à 0,25 %. Le Maroc a une structure d’exportation de produits manufacturés très comparable à celle de la Tunisie, mais aussi à celle de la Bulgarie ou de la Roumanie. De tous les pays du pourtour méditerranéen, le Maroc (comme la Turquie) semble être le plus en concurrence avec les pays de l’Est européen. En outre, la concurrence dans un secteur comme le textile s’est fortement intensifiée. Il y 14. Notamment ceux de Cohen (1995), Phelps (2010) et Baum et al. (2000). Logistique 275 a dix ans, le Maroc partageait sa spécialisation sur le marché européen avec la Tunisie et, un peu moins nettement, avec certains pays de l’Est (MEF, 2008). Aujourd’hui, la concurrence est exercée par la Tunisie, les pays de l’Est européen et aussi certains pays asiatiques comme le Sri Lanka ou la Malaisie. Dans le textile par exemple, les pays proches de l’Union européenne n’ont clairement pas su maintenir leur avantage de spécialisation lié à la géographie. La plus grande concurrence entre pays méditerranéens et pays de l’Est européen est dans le textile et l’habillement puisque ce secteur explique 60 % de la concurrence entre ces deux zones. Or, les pays de l’Est européen ont connu une croissance importante de leurs flux commerciaux avec la France, bien supérieure à celle des pays du Maghreb. Un diagnostic de la situation permet de constater que le Maroc est relativement en retard par rapport à ses concurrents directs sur le marché européen. Le coût et la faible qualité du transport interne conjugués au prix élevé de la traversée Tanger-Algésiras rendent difficilement compétitives les exportations en provenance de la région d’Agadir, par exemple. Le coût de ce segment est si important qu’il correspond environ au coût de la distance Istanbul-France. Dans ces conditions, le marché potentiel du Maroc se réduit considérablement. Le passage du détroit de Gibraltar constitue également un souci important pour les exportateurs marocains : le coût de la traversée des quinze kilomètres qui séparent le Maroc de l’Europe est égal à près de la moitié de celui de la traversée de l’Espagne, soit 600 à 700 kilomètres (MEF, 2008, p. 8). Les entreprises marocaines sont aujourd’hui confrontées à des coûts logistiques bien supérieurs à ceux de leurs concurrents. Le coût du transport des produits marocains du textile-habillement à destination des États-Unis, par exemple, est deux fois supérieur à celui des produits en provenance de Chine ou de Thaïlande. Les coûts du transport du fret rapportés à la valeur des importations était en 2000 l’un des plus élevés de la région MENA, soit près de 14,3 %. Alors que ce ratio n’était que de 11,4 % en Algérie, 7,3 % en Tunisie et 4,7 % en Turquie. Ainsi, l’avantage en coût de la main-d’œuvre des entreprises marocaines est restreint dans une grande mesure par des coûts logistiques plus élevés que leurs concurrents de la région ou de l’Europe de l’Est. Pour bien saisir les avantages compétitifs dont dispose le Maroc, les domaines d’amélioration de la logistique sont importants pour faire face aux contraintes multiples et complexes auxquelles celle-ci est confrontée (MEF, 2008, p. 8). 276 Profils sectoriels et émergence industrielle 3. Principaux déterminants conjoncturels du secteur Le secteur logistique au Maroc a connu une importante évolution qui concerne aussi bien l’offre de l’immobilier logistique que la demande. 3.1. Évolution de l’offre de l’immobilier logistique Cette offre concerne les surfaces logistiques aménagées, les surfaces logistiques construites et les surfaces logistiques louées. 3.1.1. Les surfaces logistiques aménagées Depuis la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement de la logistique, le Maroc a connu une importante évolution de l’offre en surfaces logistiques aménagées, qui est passée de 80 hectares en 2010 à 550 hectares environ en 2015, plus précisément à Casablanca, Tanger et dans plusieurs régions (AMDL, 2016). Ce développement est dû principalement aux efforts des acteurs publics qui ont fortement contribué à l’aménagement du foncier logistique grâce à des investissements réalisés par MedZ (plateformes logistiques adossées aux agro-pôles et PII), la SNTL (Zenata), l’ONCF (CasaMita) et TMPA (Medhub). Le foncier logistique aménagé par les acteurs publics sur la période 2010-2015 représente 87 % de la surface globale aménagée sur la même période, comme l’illustre la figure ci-dessous. Figure 2 Évolution de la surface logistique aménagée dans la région de Casablanca durant la période (2010-2015) (en hectares) Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016. Cependant, malgré l’évolution notable qu’a connue l’offre en immobilier logistique aménagé au Maroc, ce marché connaît certaines limites. En effet, le prix des terrains aménagés reste élevé, et l’offre actuelle ne couvre pas l’ensemble des régions et n’est pas assez diversifiée pour combler les besoins de certains Logistique 277 opérateurs PME-PMI : messagerie, etc. En outre, l’éparpillement des projets de plateforme logistique de petite échelle ne permet pas une massification des investissements, notamment ceux des infrastructures hors sites et des équipements et services pouvant être mutualisés entre plusieurs exploitants. Une démarche de planification par l’État s’avère à ce titre nécessaire. Ainsi, des schémas régionaux de zones logistiques ont été élaborés, prenant en compte le contexte économique de chaque région et des critères de localisation liés notamment à la proximité des pôles générateurs de flux, à la connectivité aux différents réseaux d’infrastructures et à la topographie des terrains. Une assiette foncière de 2 750 hectares sur les 3 300 hectares prévus par le schéma national à horizon 2030 (soit environ 83 %) a été identifiée en concertation avec les acteurs locaux des différentes régions. Les engagements d’allouer, les assiettes foncières identifiées au développement des zones logistiques devront être actés par la signature d’un ensemble de conventions régionales associant les départements ministériels, le secteur privé, les régions et les collectivités concernées. 3.1.2. Les surfaces logistiques construites L’offre d’immobilier logistique construit prêt à l’emploi, à titre d’exemple dans la région de Casablanca, a triplé durant la période 2010-2015 pour atteindre près de 700 000 mètres carrés en 2015 contre 200 000 mètres carrés en 2010, avec un investissement de l’ordre de 3,2 milliards de dirhams. Contrairement aux surfaces aménagées, la contribution des opérateurs privés était plus significative dans la construction des bâtiments logistiques, avec une part de 74 % (AMDL, 2016). La figure ci-dessous expose l’évolution de la surface logistique construite dans la région de Casablanca durant la période 2010-2015. Figure 3 Évolution de la surface logistique construite dans la région de Casablanca durant la période 2010-2015 (en mille m2) Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016. 278 Profils sectoriels et émergence industrielle Dans la région de Tanger, l’investissement global a atteint plus de 300 millions de dirhams pour la viabilisation d’un foncier de l’ordre de 30 hectares et d’entrepôts de 39 000 mètres carrés aménagés par TMSA. Ainsi, il a été procédé à l’identification de près de 2 750 hectares d’assiette foncière dans plusieurs régions, destinés au développement des zones logistiques. 3.1.3. Les surfaces logistiques louées Le prix du loyer logistique a aussi connu une évolution importante. Il a subi une baisse importante depuis 2010, notamment à Casablanca, en raison de la multiplication des opérateurs sur le marché, la diversification de l’offre de prestations logistiques et le développement d’une offre d’immobilier de qualité. Grâce aux importants investissements réalisés par les opérateurs publics et privés, le prix moyen de location de l’immobilier logistique prêt à l’emploi (classe A) dans la région de Casablanca a baissé de près de 35 % durant la période 2010-2015, passant de 62 dirhams le mètre carré par mois en 2010 à 40 dirhams en 2015. La figure ci-dessous confirme cette baisse. Figure 4 Évolution de la valeur locative des entrepôts dans la région de Casablanca durant la période 2010-2015 (en dh/m2/mois) Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016. Le coût de l’entreposage a également baissé pour atteindre 1,90 dirham par jour et par palette en moyenne en 2015, contre 3 dirhams en 2010. Il faut dire que ce trend baissier n’est pas propre à la région de Casablanca. Il est amorcé dans la région Nord également, où certains projets sont en cours de développement. Logistique 279 3.2. Évolution de l’offre de services logistiques et de transport Le marché du service logistique a connu une évolution marquée à la fois par la multiplication des opérateurs et la diversification de l’offre allant de la simple prestation de transport jusqu’à la prise en charge totale de la fonction logistique et de la Supply Chain du client. 3.2.1. L’offre de services logistiques En termes de développement du tissu des opérateurs du secteur, le marché national voit depuis 2010 l’installation de nombreux groupes internationaux et un développement significatif des opérateurs marocains, dont certains commencent à se positionner à l’international, notamment sur le marché africain, et bénéficient aujourd’hui de la confiance de chargeurs de classe mondiale grâce notamment à l’évolution positive de l’offre de prestations logistiques. Les métiers de prestataires de services logistiques (3PL), d’entreposage et de messagerie se sont développés ces dernières années. Plusieurs opérateurs 3PL présents sur le marché marocain proposent une offre intégrée de prestations logistiques couvrant notamment : l’entreposage, la préparation de commandes et d’autres opérations à valeur ajoutée (étiquetage, copacking, etc.). La présence de ce type d’opérateur est nécessaire pour le développement de l’externalisation de la fonction logistique par les chargeurs. Globalement, la multiplication des opérateurs sur le marché et la diversification de l’offre de prestations de services logistiques ont eu un impact direct sur les coûts logistiques. 3.2.2. L’offre de services de transport Le secteur du Forwarding constitue également un maillon important dans la mise à niveau des services logistiques import-export dans la mesure où les Freight Forwarders, dont le nombre est estimé à 800 au Maroc, peuvent contribuer à la mutualisation des flux de marchandises et ainsi concourir à l’amélioration de la compétitivité des échanges commerciaux du Maroc. L’activité de messagerie a connu en 2015 une croissance annuelle de 15 % avec plus de 6 millions de colis acheminés annuellement, dont 40 % du marché serait aujourd’hui détenu par le secteur informel. Le coût de la traversée du détroit du Gibraltar a également nettement baissé sur la période 2010-2015, passant de 650 euros (pour une semi-remorque par exemple) à 350 euros, soit une baisse de 46 %. Cette baisse considérable est principalement due à l’augmentation du volume des exportations du secteur 280 Profils sectoriels et émergence industrielle automobile. Cependant, malgré le développement et la diversification de l’offre de prestations de services logistiques observés durant ces cinq dernières années, des mesures sont nécessaires pour couvrir d’autres besoins, notamment ceux émanant des filières de la logistique du froid (AMDL, 2016, p. 17). 3.3. Évolution de la demande de transport logistique L’analyse de l’évolution de la demande en transport logistique concerne la demande extérieure liée aux trafics import-export et la demande intérieure fortement tributaire des échanges commerciaux en interne. 3.3.1. Une demande extérieure fortement liée au trafic import-export Le commerce extérieur marocain constitue un facteur déterminant de la demande en transport et logistique. Il a connu, pendant les deux dernières décennies, une évolution à des vitesses différentes. En effet, les exportations et les importations sont passées respectivement de 45,9 et 70,4 milliards de dirhams en 1993 à 184,7 et 379,9 milliards de dirhams en 2013, soit des taux de croissance annuelle moyens (TCAM) respectifs de 7,2 % et 8,8 %. En volume, le commerce extérieur marocain a porté, en 1993, sur 16,5 millions de tonnes des produits exportés contre 19,5 millions de tonnes de produits importés. En 2013, les exportations ont atteint 24,5 millions de tonnes contre 43 pour les importations, soit des TCAM de 2 % et 4 % respectivement pour l’export et l’import (MEF, 2016). Une demande extérieure dominée par le trafic maritime Pour son commerce extérieur, le Maroc repose quasi exclusivement sur ses ports avec une part estimée à près de 98 %. La part du transport aérien de marchandises est extrêmement limitée, puisqu’elle compte pour environ 0,1 % du commerce marocain (mesuré en tonnes échangées) et ne concerne que 5 % du commerce extérieur en valeur. Quant au transport terrestre, il ne peut être utilisé qu’à destination des pays voisins. Or, en raison du faible poids de ces pays dans le commerce marocain, le transport maritime (qu’il soit effectué en vrac, par conteneur ou par navire roulier) demeure le principal mode de transport. Le Maroc dispose de 33 ports, dont 12 ouverts au commerce extérieur, réalisant un trafic annuel de près de 70 millions de tonnes. Les ports de Casablanca, Jorf Lasfar et Mohammedia s’accaparent à eux seuls 72 % du trafic portuaire national (MEF, 2016). Logistique 281 • Trafic export du phosphate En 2013, la part du phosphate et dérivés dans les exportations marocaines s’est élevée à 61 % et 20 % respectivement en volume et en valeur. En volume, les exportations de l’OCP se composent ainsi : 60 % de phosphate brut, 28 % d’engrais naturels et chimiques et 12 % d’acide phosphorique. Les États-Unis (2,50 MT), l’Inde (1,06 MT), le Brésil (0,55 MT), le Mexique (0,5 MT) et la Nouvelle-Zélande (0,4 MT) sont les cinq premiers pays de destination du phosphate brut marocain, avec 54 % de ses exportations sur la période 20102013 (MEF, 2016, p. 11). • Trafic export des engrais naturels et chimiques Sur la période 2010-2013, les principales destinations des engrais marocains sont le Brésil avec un tonnage moyen de 1,59 MT, l’Inde, 0,46 MT, et les États-Unis, 0,29 MT, représentant des parts respectives de 39 %, 11 % et 7 %. La demande du Brésil, qui était déjà importante, a pratiquement triplé par rapport à la période 2002-2005. L’Inde et les États-Unis, quant à eux, ne sont devenus que récemment des destinations privilégiées des engrais marocains. Il y a lieu de signaler que les exportations des engrais sont amenées à garder leur tendance haussière, notamment dans le cadre de la stratégie de l’OCP visant à sécuriser ses débouchés en multipliant ses joint-ventures et en renforçant sa présence à l’étranger à travers des bureaux de représentation au Brésil, en Inde et en Argentine (MEF, 2016, p. 11). • Trafic du textile et de l’artisanat Le textile est un enjeu majeur, avec 33 % des exportations du secteur industriel marocain. Provenant d’un tissu d’acteurs très fragmenté de près de 2 000 PME, ces exportations transitent essentiellement par les ports de Casablanca et de Tanger et sont destinées principalement à la France, à l’Espagne et au Royaume-Uni. Le secteur de l’artisanat est aussi un enjeu important en termes d’exportations, notamment avec la mise en œuvre du plan « Artisanat 2015 » destiné à soutenir 320 000 artisans. En vue d’accompagner l’accroissement de la compétitivité des exportations marocaines de textile et d’artisanat en termes de coût et de délai, la nouvelle stratégie logistique prévoit les mesures suivantes : – Le développement de plateformes logistiques de distribution et de soustraitance dédiées au textile et à l’artisanat spécialisées dans le groupage des exportations et de l’approvisionnement, le stockage des matières premières et la distribution sur le marché national (franchises internationales, acteurs de 282 Profils sectoriels et émergence industrielle la distribution locale) au niveau du Grand Casablanca, Tanger-Tétouan, FèsMeknès, Marrakech et Rabat-Kénitra. – Fédérer et sensibiliser les acteurs du secteur privé, notamment à travers l’incitation et la mise en place de structures de type gestion intégrée de l’exportation (GIE) pour soutenir l’agrégation des acteurs, pour une meilleure organisation des flux entrants et sortants par la co-traitance de la gestion de l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’approvisionnement à l’assemblage, et le regroupement en un seul endroit dans la limite du possible de l’ensemble des fonctions (assemblage, conditionnement, éclatement, etc.). • Trafic import des hydrocarbures Le trafic des hydrocarbures s’est élevé à 15 MT en 2013 contre 8,8 MT en 1998, enregistrant ainsi une croissance annuelle moyenne de 3,7 % (MEF, 2016, p. 20). Cette progression du trafic maritime des hydrocarbures trouve son origine dans l’augmentation au fil des ans de la demande énergétique sectorielle nationale. D’ailleurs, pour l’année 2012, le secteur du transport est le premier consommateur d’énergie (5,3 MTEP) dont la part s’élève à 41 %, avec 37 % pour le transport routier (4,8 MTEP), 24 % pour l’industrie (1,9 MTEP), 23 % pour les foyers domestiques (2,2 MTEP) et 8 % et 4 % respectivement pour l’agriculture (0,9 MTEP) et le tertiaire (0,1 MTEP). Pour faire face à une demande croissante de l’économie marocaine en produits pétroliers, le Maroc s’est approvisionné en pétrole brut, entre 2009 et 2013, auprès de l’Arabie saoudite 51 %, de l’Irak 28 % et de la Russie 16 %, soit 96 % du besoin national. Les importations s’élevaient en moyenne à 5,28 MT contre 6,46 MT pour la période 19992003. L’origine géographique des importations nationales a été impactée, d’une part, par la guerre du Golfe, qui a eu pour conséquence la chute des exportations irakiennes entre 2004 et 2008, compensée par le pétrole russe, et d’autre part, par le repli des importations de pétrole iranien (MEF, 2016, p. 22). Une demande intérieure dominée par le trafic routier • Les flux de la distribution nationale Avec un volume annuel d’environ 20 à 25 millions de tonnes et de 3,5 milliards de tonnes par kilomètre, les flux de distribution représentent un enjeu majeur. Ils ont un impact direct en termes de pouvoir d’achat et de qualité pour le consommateur, mais aussi en termes d’environnement vu l’utilisation intensive du camion qui contribue à la congestion urbaine. Logistique 283 Les flux de la distribution domestique sont caractérisés par un réseau de points de vente encore traditionnel et très granulaire, avec près de 200 000 points de vente dont 80 000 épiceries, avec néanmoins la montée en charge de la distribution moderne (hypermarchés). De ce fait, la distribution des principaux flux domestiques est aujourd’hui peu optimisée en raison notamment de l’insuffisance ou de l’inadéquation des espaces pour le stockage intermédiaire à proximité des bassins de consommation. En milieu urbain, le commerce dans ses formes traditionnelles reste prédominant avec 90 % environ de la distribution se faisant principalement dans les épiceries de quartier (produits alimentaires essentiellement). 180 000 points de vente en milieu urbain ont des surfaces inférieures à 50 mètres carrés. Quant à la distribution des produits frais (fruits et légumes essentiellement), elle se fait sur les 3 500 marchés urbains recensés. En milieu rural, la distribution se fait en grande partie sur les 9 000 souks hebdomadaires, offrant des produits variés (alimentaires, biens de consommation courante non alimentaire, etc.). • Les flux agricoles et domestiques Les 30 marchés de gros officiels répartis sur le territoire marocain, dont 6 à proximité de Casablanca, 4 aux environs de Rabat, 4 près de Tétouan et très peu dans le Sud, sont caractérisés par la faible fréquentation des producteurs et la prédominance d’intermédiaires. Le système de production agroalimentaire marocain est extrêmement diversifié et fragmenté, avec des besoins logistiques considérables insuffisamment prévus actuellement. Il est caractérisé par des différences significatives selon les filières, les échelons de valeur et les régions (énorme granularité de la production, 10 000 exploitations : la superficie moyenne d’une exploitation est de 0,8 hectare, alors que 80 % des exploitations agricoles européennes ont une surface supérieure à 20 hectares) (MET, 2010). Le très large éventail des besoins, parfois pointus, dégage des besoins principalement en termes d’espace de stockage, d’infrastructure de la chaîne du froid et de transport adéquat (particulièrement pendant les périodes de pointe : commercialisation de produits agro-alimentaires, fruits, légumes et céréales et de sous-traitance de l’agro-industrie). En accompagnement de la mise en œuvre de la stratégie agricole, le secteur de la logistique apporte un soutien avec le développement de plateformes logistiques dédiées à la distribution et à l’agro-commercialisation et d’une offre de services destinée au secteur agricole (MET, 2010, p. 22). 284 Profils sectoriels et émergence industrielle • Les flux de matériaux de construction Les matériaux de construction représentent le deuxième flux en volume au Maroc (25 millions de tonnes, 22 % des T-km) après celui des phosphates ; ils approvisionnent environ 50 000 chantiers. Le secteur connaît une croissance stable de 7-10 % par an, tirée par l’augmentation de la construction (projets d’infrastructure, programmes de logement…). Il est caractérisé par des acteurs structurés (cimenteries et aciéries) et des acteurs secondaires (marbreries, briqueteries et tuileries, sanitaires et céramiques) très dispersés et granulaires. Il est marqué par une cartellisation régionale et par l’importance du marché informel (absence de facturation et pratiques déloyales) impliquant une très grande hétérogénéité de la qualité des produits et des prix (MET, 2010). Le deuxième trimestre 2015 aurait été marqué par des variations dans l’évolution des principaux indicateurs de référence du secteur de la construction. Cette situation reflète la période de transition que traverse le secteur depuis plus de trois ans, imprégnée par la succession de mouvements d’amélioration et de décélération de l’activité. Ainsi, après une année 2014 en net ralentissement, des signes d’amélioration seraient apparus au cours de la première moitié de l’année 2015, notamment au niveau de la demande (15) (HCP, 2015). Dans le même sillage, le volume des importations de matériaux de construction a aussi connu une augmentation au cours des deux premiers trimestres de l’année 2015. C’est ainsi que 47 % des chefs d’entreprise auraient déclaré une augmentation de leur activité à la fin du deuxième trimestre 2015, 44 % une stabilité et 11 % seulement une baisse. Cette amélioration se serait traduite par une augmentation générale des facteurs de production (HCP, 2015, p. 19). Par ailleurs, les flux de transport des matériaux de construction sont peu massifiés et avec des coûts importants (10 à 15 % de la valeur des matériaux). Ces flux représentent 27 % des coûts logistiques du pays et sont à l’origine de l’encombrement des routes ; ils ont un impact écologique néfaste en raison de la prépondérance du transport par camion (97 %). Les distances parcourues des matériaux de construction au Maroc sont 1,5 fois supérieures aux benchmarks européens (MET, 2010). 15. A noter que le premier trimestre 2015 a été caractérisé par l’amélioration des flux de crédits immobiliers et l’augmentation des transactions de biens immobiliers de 7,4 % par rapport à la même période de l’année précédente. Cette amélioration s’est traduite par une augmentation de 0,2 % de l’indice des prix des actifs immobiliers (HCP, 2015). Logistique 285 4. Configuration productive du secteur S’agissant de la configuration productive du secteur, elle a connu depuis la mise en œuvre du contrat programme des transformations importantes aussi bien au niveau de l’augmentation de la taille du marché des prestations logistiques, qu’au niveau des investissements réalisés, des emplois et des entreprises créées. 4.1. Types d’entreprise formant le secteur Les entreprises formant le secteur et offrant une palette complète de services logistiques sont en majorité des filiales de groupes étrangers et ont, le plus souvent, comme clients des entreprises multinationales. Pour la plupart installés dans les grandes villes (Casablanca, Tanger, Agadir, Fès et Marrakech), les clients de ces opérateurs exercent notamment dans le secteur des mines (OCP), des ciments, de l’agro-alimentaire (McDonald’s, Coca Cola, etc.) et de la grande distribution. Les prestataires sont principalement des transporteurs routiers, des transporteurs ferroviaires, des transporteurs maritimes, des freight forwarders, des sociétés de messagerie express issues du transport aérien, des sociétés de messagerie express issues des postes, des sociétés issues d’activités connexes. Parfois, ce sont des filiales d’entreprises issues d’industriels ou de distributeurs. Le marché est partagé entre trois types d’opérateur : – les opérateurs étrangers : DHL/Exel, SNTL-Damco, Gefco, Dachser (Ex-Graveleau), ID Logistics Maroc, Géodis, M&M, MORY International… ; – les opérateurs nationaux : la Voie Express, SDTM, Marotrans-Logismar, ONCF, TIMAR… ; – les opérateurs louant leurs plateformes pour le compte de logisticiens ou de clients : ces opérateurs n’exercent pas l’activité logistique proprement dite. Des groupes marocains se consacrent à la logistique, même si celle-ci n’est pas leur activité principale, mais une extension de leur marché initial, tels que l’ONCF, la SODEP et la SNTL. La SODEP, quant à elle, propose à ses clients des platesformes logistiques dans différents ports, notamment à Casablanca et Mohammedia. Enfin, la SNTL poursuit une stratégie de diversification de ses activités ; elle dispose pour cela d’un patrimoine non négligeable constitué notamment de terrains et de locaux. 286 Profils sectoriels et émergence industrielle 4.2. Évolution du marché des prestations logistiques Le marché des prestations logistiques a connu au cours de la période 2010-2015 une croissance considérable qui s’est traduite par l’augmentation de la taille du marché des prestations logistiques relatives au transport routier de marchandises et celle du transport ferroviaire de marchandises, comme l’illustre le schéma ci-dessous : Figure 5 Évolution du marché de la logistique (en milliard de dirhams) Transport ferroviaire de marchandises Transport routier de marchandises et entreposage Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016. Le chiffre d’affaires des entreprises logistiques et de transport routier de marchandises est passé de 17,1 milliards de dirhams en 2010 à 21 milliards en 2014, soit une croissance annuelle moyenne de 5,2 % durant cette période. De même, celui des entreprises de transport ferroviaire de marchandises a atteint 2,1 milliards de dirhams en 2014 contre 1,9 milliard en 2010. 4.3. Créations d’entreprises Un nombre important d’entreprises internationales et nationales spécialisées ont développé leurs activités au Maroc. Durant la période 20102013, un peu plus de 5 000 entreprises de logistique et de transport ont été créées, soit deux fois plus que sur la période 2006-2009 et dix fois plus que sur la période (2002-2005). Logistique 287 Figure 6 Créations d’entreprises de transport et logistique au Maroc (SA, SARL) 2002-2005 2006-2009 2010-2013 Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016. Le marché marocain a également connu depuis 2010 le lancement des activités de plusieurs groupes internationaux non présents auparavant tels que Kuehne et Nagel, Urbanos, Omsan Logistique Maroc, GSTM, Asis mea, PGS, JLL, OPDR Maroc, ABCD Maroc, Panalpina Maroc, Promotrans Maroc, mais également de plusieurs acteurs nationaux comme Soft Logistic, Building logistics et services, SNTL Supply Chain, Almav logistics, A. PSV Diffusion, MTR, etc. Sauf qu’il existe une disparité régionale en termes de localisation de ces entreprises. La région Casablanca-Settat arrive en tête quant au nombre d’entreprises créées (46 %), suivie de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima (15 %) et la région Rabat-Salé-Kénitra (12 %). Cette répartition est présenté dans la figure ci-dessous. Figure 7 Répartition des entreprises logistiques et de transport de marchandises par région Casablanca-Settat Autres régions Tanger-Tétouan-Al Hoceima Rabat-Salé-Kénitra Souss-Massa Fès-Meknès Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016. 288 Profils sectoriels et émergence industrielle 4.4. Investissement des entreprises de logistique et de transport de marchandises Les investissements opérés par les entreprises de logistique et de transport de marchandises ont atteint près de 28 milliards de dirhams sur la période 20102014 contre moins de 21 milliards de dirhams sur la période 2005-2009, soit une évolution de 29 %. La part des investissements directs étrangers dans ces investissements représente 11 %. La figure ci-dessous montre l’évolution des investissements des entreprises logistiques et du transport. Figure 8 Investissement des entreprises logistiques et de transport (en millions de dirhams) Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016. 4.5. Emploi et rémunération Les investissements réalisés dans le cadre de la stratégie nationale pour le développement de la compétitivité logistique ont créé de nouvelles perspectives d’emploi dans le secteur. Durant la période 2010-2015, près de 20 000 emplois nets ont été créés (16), soit une moyenne de 4000 emplois par an uniquement pour les prestataires logistiques (17). Les emplois créés uniquement dans le transport sont passés de 147 000 en 2009 à 157 000 en 2014. Le revenu moyen dans le secteur de la logistique et du transport de marchandises a également enregistré une légère progression (AMDL, 2016). 16. Ces chiffres n’incluent pas les emplois logistiques dans les entreprises dont la logistique n’est pas le métier principal. 17. Sans pour autant négliger le recrutement de 400 personnes effectué par l’ANAPEC durant l’année 2016 dans les métiers de la logistique, dont 85 % dans les fonctions de stockage, manutention, routage et manœuvre. Le reste concerne les métiers de responsable logistique et d’agent de transit. Logistique 289 Cette progression qui concerne la période 2010-2014 est révélée dans le tableau ci-dessous. Tableau 4 Évolution du salaire moyen dans le secteur logistique durant la période 2010-2014 (base 100 = 2010) Année 2010 2011 2013 2014 Indice 100 96 99 104 Pourcentage Base –4% +1% +5% Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016. 5. Analyse des performances La performance du secteur dans son ensemble reste à un stade intermédiaire, caractéristique des pays émergents, avec un fort potentiel de développement. 5.1. La performance logistique selon plusieurs indicateurs La stratégie globale adoptée dans le domaine de la logistique a permis au Maroc de passer de la 94e place mondiale en 2007 à la 62e place en 2014 sur la base de l’indice de performance logistique (18) en gagnant 32 places en sept ans. Elle a aussi permis au Maroc d’occuper la première position en Afrique du Nord et la deuxième en Afrique (Banque mondiale, 2014). Au niveau de l’apport du secteur au produit intérieur brut, les investissements réalisés dans le cadre du contrat-programme 2010-2015 (19), qui avait pour objectif d’accroître la valeur ajoutée du secteur de 0,5 à 0,7 point de PIB par an, n’ont pas atteint leur but. La participation du secteur qui ne pesait que 5 % du PIB en 2010 se situerait aujourd’hui entre 6 % et 6,5 % du PIB national (Hallaouy, 2016) En termes d’indice logistique des marchés émergents, le Maroc se classe à la 17e place en 2015, juste devant le Kazakhstan et derrière les Philippines. La Chine, l’Arabie saoudite et le Brésil occupent respectivement les 1re, 2e et 3e places, tandis que le Kenya (43e), le Cambodge (44e) et l’Ouganda (45e) 18. Cet indice, qui varie de 1 à 5 (la note la plus élevée représente la meilleure performance), classe les pays (sur un total de 160 pays) en fonction de la logistique au niveau du commerce extérieur sur la base d’un rapport annuel publié par la Banque mondiale. 19. Investissements de 60 milliards de dirhams. 290 Profils sectoriels et émergence industrielle ferment la marche. Sans nier les principaux atouts du pays, dont sa position géographique de hub (20) logistique naturel aux portes du marché européen et de gateway (21) idéal pour l’Afrique occidentale, qui lui ont permis d’atteindre des places importantes dans le classement mondial en termes de connectivité maritime, de transport aérien et routier. 5.2. La performance du transport maritime Le Maroc compte parmi les pays ayant le meilleur indice (22) de connectivité maritime sur le continent africain (23) et est le premier hub portuaire au sud de la Méditerranée (Tazi, 2015). Sa connectivité en constante amélioration lui a permis d’atteindre la 16e place mondiale en termes de connectivité maritime (CNUCED, 2015). Le fait que le Maroc occupe cette position s’explique par sa position de plaque tournante dans le réseau mondial du transport maritime régulier, même si le volume de ses échanges commerciaux est relativement faible. C’est le cas par exemple de la Jamaïque, du Panama et du Sri Lanka dont la position centrale dans les réseaux mondiaux est extrêmement importante pour les régions dans lesquelles ils sont situés car elle permet un haut degré de connectivité d’une autre nature que la connectivité directe traditionnelle. S’agissant de la qualité des services portuaires, elle s’est manifestement améliorée durant la période de l’étude. En effet, d’après le rapport du Forum économique mondial sur « la compétitivité de l’Afrique », le Maroc se trouve au 72e rang, sur un total de 144, en matière de compétitivité globale durant la période 2014-2015 (FEM, 2015), réalisant ainsi un gain de 3 places par rapport à la période 2010-2011 où il occupait la 75e place (FEM, 2011). Ce même rapport montre que le Maroc est bien positionné sur l’échelle mondiale quant à la qualité de l’infrastructure globale (55e rang) et spécialement de ses 20. Mot anglais qui signifie « plaque tournante ». 21. Mot anglais qui signifie « porte d’entrée ». 22. C’est un indicateur d’accès de chaque pays côtier au réseau mondial de transports maritime régulier, c’est-à-dire aux liaisons maritimes régulières pour les transports de marchandises conteneurisés. Il est élaboré par l’organe des Nations Unies chargé du commerce international (CNUCED) dans un rapport publié chaque année. Ce rapport procède au classement des pays en fonction de leur connectivité maritime. Il faut noter que l’indice d’un pays n’est pas uniquement déterminé par le volume de ses échanges commerciaux mais dépend aussi de plus en plus de sa position dans le réseau mondial des transports maritimes réguliers. 23. Selon le rapport élaboré par le CNUCED en 2015, les pays africains ayant la meilleure connectivité maritime sont le Maroc, l’Égypte et l’Afrique du Sud, ce qui s’explique par leur situation géographique aux trois extrémités du continent. Logistique 291 infrastructures portuaires (43e rang). Cette amélioration est essentiellement due à la construction du port de Tanger Med. 5.3. La performance du transport aérien L’offre cargo demeure globalement faible et ne contribue qu’accessoirement à la circulation des marchandises. La proximité de l’Union européenne, principal partenaire commercial du Maroc, avec plus de 65 % des échanges extérieurs, n’encourage pas le développement d’une offre de transport de marchandises par voie aérienne (Kabbaj, 2016). Mais cela s’explique aussi par le coût du fret qui reste beaucoup plus élevé au Maroc. Les tarifs oscillent entre 19 et 20 dirhams le kilo, depuis ou vers l’Europe centrale, tandis que des vols cargo d’une distance similaire en Europe facturent entre 14 et 17 dirhams le kilo. Un des freins majeurs à cette activité au Maroc est la faiblesse du parc cargo. En effet, l’essentiel du transport de marchandises, soit 78 %, se fait sur les vols passagers. Seulement 22 % des marchandises sont transportées sur des vols purement cargo. De plus, au regard de la reprise de l’activité enregistrée au niveau international, qui atteint presque 20 % de croissance, le fret aérien au Maroc évolue à l’encontre de la tendance mondiale (24). Pour pallier ce problème, l’ONDA a procédé à la construction d’un nouveau terminal fret à Casablanca d’une capacité annuelle de 80 000 tonnes. Cette mesure s’inscrit dans la volonté d’augmenter les capacités des gares fret dans la stratégie 2011-2016, visant à porter celles-ci à 160 000 tonnes, sachant qu’au moins sept principaux aéroports du Maroc disposent d’une gare fret. 5.4. La performance du transport ferroviaire Le transport ferroviaire se caractérise par la faible couverture du territoire national. Le transport des marchandises par voie ferroviaire se caractérise par le poids prépondérant du trafic des phosphates qui représente plus de 70 % du tonnage transporté. En effet, l’Office national des chemins de fer (ONCF) accorde un grand intérêt à l’accompagnement de son principal client dans son développement, l’OCP. L’ONCF dispose de plus de 6 386 wagons de marchandises dont 70 % pour le transport des phosphates et des autres minerais, des produits chimiques, des engrais, etc. Les recettes de l’office sont constituées à hauteur de plus de 60 % du produit du trafic de marchandises. Le transport des voyageurs, quant à lui, en représente le tiers (Demba, 2013). 24. En 2011, cette activité a enregistré une baisse de 2,55 % en volume. 292 Profils sectoriels et émergence industrielle 5.5. La performance du transport routier Sur le plan local, le transport routier est le principal mode de transport domestique des marchandises puisqu’il en représente plus de 75 % (hors phosphates). Les camions sont le premier moyen de transport routier des marchandises. Ce parc est constitué de plus 20 000 transporteurs, possédant plus de 73 275 camions (Demba, 2013). L’offre en transport routier est abondante, mais le transport routier de qualité ou spécialisé est d’un usage minoritaire. Malgré la présence d’un grand nombre de sociétés de transport et de logistique organisées, le secteur informel est prépondérant. Est considéré comme informel le transport routier effectué par un transporteur « non reconnu » et non domicilié dans une entreprise de transport reconnue. La notion est complexe et ses contours flous. On peut également y inclure la pratique peu ou moyennement structurée, fidèle à des réglementations ou normes nationales ou à des procédures internes. Le transport informel de marchandises a atteint plus de 40 % des échanges. Le secteur est dominé à 95 % par les TPE et les PME, dont 90 % sont des entreprises individuelles détenant chacune une flotte moyenne de deux à cinq camions, et seulement 10 % des sociétés appartiennent au secteur économique structuré (Hallaouy, 2016). Majoritaire, l’informel grève l’essor de la filière et obère sa compétitivité. Pour autant, il se développe. En 2 000, sa valeur ajoutée est passée de 19,6 milliards de dirhams à 33,8 milliards en 2011, et il a contribué pour 10,3 % à la valeur ajoutée des activités tertiaires du pays (Colly et Laâbid, 2013). Conclusion La conclusion de ce chapitre est présentée sous la forme d’une matrice SWOT qui résume les points les plus importants et les plus significatifs qui ont été abordés tout au long de cette analyse. Logistique 293 Forces Faiblesses – Cadre institutionnel très solide de personnel qualifié. – Main-d’œuvre à faible valeur ajoutée. – L’emplacement géographique du Maroc, un hub logistique important pour l’Afrique. – Tous les types de transport sont assurés par des opérateurs marocains. – Surface logistique importante : 550 hectares aménagés en zone logistique moderne. – Un secteur privé très dynamique. – Multiplicité des prestataires de services logistiques. – Coûts de prestation relativement bas. – Des relations renforcées entre l’administration et les opérateurs et entre les opérateurs eux-mêmes. – Offre de services logistiques moyennement diversifiée. – Étroitesse de l’offre logistique sur le marché marocain. – Le coût de la logistique représente, selon les branches industrielles, de la moitié aux deux tiers des charges du facteur travail. Il est au minimum de l’ordre de 20 % du PIB, soit deux fois supérieur à celui des pays de l’Union européenne (10 %), des pays d’Europe centrale et des marchés émergents comme le Mexique, le Brésil et la Chine (15 à 17 %). – La logistique comme activité est encore peu performante et peu optimisée . – Coût d’investissement onéreux. – Coût portuaire supérieur de près de 30 % à ceux de la région . – Externalisation de la logistique trop coûteuse pour les TPE/PME. – Manque d’infrastructures spécialisées sur certains flux. – Offre de services encore inégale (coût, qualité, délai). – Faible participation du secteur privé à l’amélioration de la planification et à l’exécution des plans de mise à niveau du secteur logistique. – Faible degré d’organisation des entreprises en associations professionnelles. – Faible utilisation des NTIC par les entreprises logistiques. Opportunités Menaces – Tout type d’entreprise commerciale est client potentiel. – Faible clientèle de PME et d’entreprises familiales (logique patrimoniale) qui empêche les entreprises d’externaliser leur activité logistique. – Offre de service moyennement diversifiée donc marché potentiel inexploité. – Augmentation du PIB possible juste par l’optimisation de l’activité de la logistique. – Proximité géographique avec l’Europe constituant un avantage concurrentiel et une opportunité majeure pour les entreprises. – Opérateurs étrangers faisant peu de concurrence aux prestataires locaux car majoritairement présents sur des marchés et contrat mondiaux. – Concurrence des pays de l’Europe de l’Est et de l’Asie sur les marchés des principaux secteurs utilisateurs de la logistique, notamment le textile et l’automobile. 294 Profils sectoriels et émergence industrielle Références bibliographiques Ait Lahcen Y. 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Kabbaj (2016), « Transport et logistique : un secteur-clé à structurer pour gagner en compétitivité » revue Conjoncture, n° 981, mai-juin. Logistique 295 Ministère de l’Économie et des Finances (2008), la Logistique du commerce au Maroc : état des lieux et pistes de développement, Rabat, Publication de la DEPF. Ministère de l’Économie et des Finances (2015), « Synthèse du rapport économique et financier », Rabat, Publication de la DEPF. Ministère de l’Économie et des Finances (2016), le Transport maritime de marchandises : évolution et perspectives, Rabat, Publication de la DEPF. Ministère de l’Équipement, du Transport et de la Logistique (2015), « Lettre du METL », Bulletin d’information n° 7, avril-mai-juin. Ministère de l’Équipement, du Transport et de la Logistique (2010), la Stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique au Maroc, Rapport d’activité, Rabat. 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Depuis 2007, l’offre offshoring du Maroc a été identifiée comme l’un de ses métiers stratégiques dans le cadre du contrat-programme du plan Émergence. Deux filières ont été considérées comme prioritaires dans ce plan : – l’ITO (Information Technology Outsourcing) : externalisation des métiers liés aux technologies de l’information (développement d’applications, gestion des infrastructures, etc. ; – et le BPO (Business Process Outsourcing) : externalisation des processus d’une entreprise/métiers, tels que la comptabilité, la paie, la facturation… Cette offre offshoring s’articule sur trois grands axes : • Une aide à la formation : des ressources importantes avec des profils bien ciblés (bac+2 et bac+4), un plan de formation sur le territoire concentré sur les principales filières de l’offshoring, réalisé en partenariat avec les universités du pays, l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) et l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC), avec une prise en charge étatique de 100 % de la formation initiale et de 75 % de la formation continue, à hauteur de 65 000 dirhams par employé sur les trois premières années d’embauche et, finalement, un contrat d’insertion prévoyant une exonération pour une durée de 24 mois des cotisations patronales et salariales dues à la CNSS. • Un cadre sectoriel incitatif : l’exonération totale de l’impôt sur les sociétés pendant une période de cinq ans et une réduction de 50 % au-delà de cette période, une contribution de l’État visant à ce que la charge fiscale au titre de l’impôt sur le revenu n’excède pas 20 % de la masse salariale, un régime administratif allégé (guichet unique, nouveau Code du travail plus flexible, simplifications administratives) et une prime aux pionniers pour les premières entreprises installées. 298 Profils sectoriels et émergence industrielle • Des infrastructures et des services performants : 5 zones dédiées dotées d’infrastructures aux standards européens à des coûts attractifs, des services de télécommunications performants à un tarif aligné sur les destinations les moins chères, une vaste offre de bureaux opérationnels, aménagés et équipés… 2. Les zones dédiées à l’offshoring Dans le cadre du plan Émergence, le Maroc a mis en place des zones spécialement dédiées au secteur de l’offshoring avec des infrastructures attractives : bureaux modernes, équipements télécoms, incitations fiscales et simplifications administratives… • Casa Nearshore est située à 30 minutes du centre-ville de Casablanca. Elle compte deux grands bâtiments appelés Shore 1 et 2, réservés à des entreprises étrangères comme BNP Paribas, Steria, GFI ou TCS, et quelques sociétés marocaines comme M2M, HPS, Dell ou Outsourcia. Caractéristiques du pôle : – premier pôle nearshore du Maroc ; – plus de 300 000 m² de bureaux ; – ressources humaines considérables ; – cadre incitatif et coût d’opération compétitifs. Les chiffres-clés de Casablanca Nearshore Park : – 1 trophée de la meilleure destination offshore 2012 par l’Association européenne de l’outsourcing ; – 3,4 milliards de dirhams d’investissements ; – plus de 300 000 m² d’espaces de travail et de services à la pointe de la technologie ; – 20 000 emplois sur site ; – 5 milliards de contribution au PIB prévus pour 2015 ; – 100 multinationales déjà installées. • Rabat Technopolis : Rabat Technopolis accueille des bureaux pour les activités de services, avec des acteurs du BPO comme Genpact, Axa, Devoteam ou Logica, un pôle académique, un pôle de valorisation de la recherche, un autre de recherche et développement, un pôle offshoring (BPO ITO), un pôle médias et enfin un pôle microélectronique. • Marrakech Shore : situé à 10 kilomètres de Marrakech, ce site proposera les mêmes offres que celui de Rabat Shore et Casa Nearshore. Marrakech shore pourrait rapidement se positionner dans le secteur de l’agroalimentaire. Offshoring 299 • Fès Shore : Le projet est aménagé sur une superficie totale de 20 hectares offrant 130 000 mètres carrés de plateaux de bureaux. Sur un site stratégique à proximité des grands axes autoroutiers, de l’aéroport international et du centre-ville de Fès. Cette zone offre un environnement pour la structuration de nouveaux métiers à forte valeur ajoutée. • Oujda Shore : prévu sur une superficie totale de 22 500 mètres carrés, Oujda Shore fait entrer la région dans l’activité de gestion et d’animation avec près de 3 000 emplois prévus à terme. 3. Cadre législatif et réglementaire Au Maroc, il est permis aux non-résidents d’ouvrir une société offshore. Le capital de ces sociétés doit être libellé en devises étrangères convertibles. Les actionnaires doivent être des personnes physiques ou morales de nationalité étrangère. Mais il est également possible pour un Marocain de créer ou de prendre des parts dans une société offshore, à condition qu’il se conforme à la réglementation concernant les changes. Le secteur dans son ensemble fait l’objet d’un contrat-programme publicprivé pour la période de 2009-2015. Ce contrat érige les principes de base pour le développement de l’offshoring : – un travail concerté et participatif avec des engagements mutuels de l’État et du privé ; – des objectifs clairs, chiffrés et partagés ; – un plan d’action avec des rôles et des responsabilités répartis ; – 111 mesures précises et concrètes ; – des mesures budgétisées. En mai 2016, ce cadre institutionnel va être renforcé par la signature d’un contrat de performance du secteur qui implique plusieurs acteurs étatiques et professionnels : le chef du gouvernement, le ministère des Finances, le ministère du Commerce et de l’Industrie, la Caisse de dépôt et de gestion, le Conseil de surveillance de l’Agence spéciale Tanger-Méditerranée, la Fédération des technologies de l’information, des télécommunications et de l’offshoring, l’Association marocaine de la relation-client. L’objectif de ce contrat est de renouveler l’engagement de ces acteurs pour donner un nouvel élan au secteur grâce à la création d’écosystèmes dédiés à l’offshoring. Ces écosystèmes destinés à renforcer la dynamique du secteur sont : – les activités de gestion de la relation client notamment via des centres de contact CRM (Customer Relationship Management) ; 300 Profils sectoriels et émergence industrielle – l’externalisation des processus d’une entreprise ou BPO (Business Process Outsourcing), – l’externalisation des métiers liés aux technologies de l’information ou ITO (Information Technology Outsourcing) ; – l’externalisation portant sur des activités d’ingénierie et de recherche et développement ou ESO (Engineering Service Outsourcing); – l’externalisation portant sur des activités stratégiques ayant un contenu « savoir » et exigeantes en expertise ou KPO (Knowledge Process Outsourcing). Le secteur offshore fait l’objet également d’un accompagnement étatique à travers plusieurs dispositions juridiques qui encadrent les multiples domaines de son activité. Ainsi, le secteur bancaire est régi par la loi n° 58-90 relative aux places financières offshore promulguée par le dahir n° 1-91-131 du 21 chaabane 1412 (26 février 1992). Cette loi couvre plusieurs volets relatifs aux conditions légales d’exercice des banques offshore, notamment le régime de change, le régime fiscal, le régime douanier et le contrôle d’activité. Il faut noter également que le gouvernement s’est engagé dans l’amélioration des infrastructures de télécommunications réservées au secteur à travers la signature en janvier 2013 de la quatrième convention d’investissement avec Maroc Telecom, en partenariat avec le chef du gouvernement, le ministère de l’Économie et des Finances et le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies. Cette convention concernait la réalisation, dans les années 2013-2015, d’un programme d’investissements de plus de 10,08 milliards de dirhams pour faire bénéficier le secteur de l’accès au réseau fibre optique pour le très haut débit. L’un des principaux axes de cette convention concerne l’augmentation des capacités internationales avec le système Atlas Offshore reliant le Maroc à l’Europe et la construction d’un axe en fibre optique au Sud, reliant la ville de Laâyoune à Nouakchott et desservant au passage les provinces de Boujdour, Dakhla et Aousserd. Sur le plan fiscal, il faut noter que les sociétés offshore implantées à Tanger bénéficient de nombreux avantages financiers, parmi lesquels on peut citer : – l’exonération totale de l’IS durant les cinq premières années d’exploitation et un taux de 8,75 % sur les vingt années suivant cette période ; – l’exonération totale de l’impôt sur le revenu durant les cinq premières années et un abattement de 80 % pour les vingt années qui suivent ; Offshoring 301 – l’exonération sur la retenue à la source sur les produits des actions, parts sociales et revenus assimilés, les dividendes et autres produits de participation lorsqu’ils sont versés à des non-résidents ; – l’exonération de la TVA avec droit à déduction des produits livrés et des prestations de services rendues en zone franche et provenant du territoire assujetti à la TVA ; – l’exonération de la taxe professionnelle durant les quinze premières années de l’exploitation ; – l’exonération des acquisitions de terrains pour la réalisation de projets d’investissement dans les zones franches d’exportation, sous réserve que ces terrains restent à l’entreprise pendant dix ans à partir de la date de l’obtention de l’agrément. 4. Principaux concurrents L’analyse du micro-environnement du Maroc, passe principalement par l’analyse de ses concurrents (directs et indirects) dans le marché de l’offshore. 4.1. Concurrents directs Les concurrents directs du Maroc sont ceux qui ciblent le même marché, soit les pays francophones, parmi lesquels on trouve principalement la Roumanie, la Tunisie et l’Ile Maurice. • La Roumanie domine le marché de l’externalisation en Europe de l’Est et en Europe centrale. C’est un pays assez proche de la France du point de vue culturel et géographique et dont le gouvernement est particulièrement entreprenant pour le développement du secteur de l’externalisation. La Roumanie est également dotée d’infrastructures de communication satisfaisantes. Mais c’est principalement son potentiel humain hautement qualifié et à bas salaires qui fait de la Roumanie l’un des principaux concurrents du Maroc. • La Tunisie, située à proximité de l’Europe, est un acteur qui s’impose de plus en plus sur le marché de l’externalisation grâce à un gouvernement qui met en œuvre de nombreux moyens pour développer et promouvoir son offre d’externalisation. La Tunisie dispose par ailleurs d’un nombre important de ressources qualifiées. Les infrastructures tunisiennes sont quelque peu insuffisantes, en particulier dans le domaine des télécommunications. • L’Ile Maurice est, quant à elle, un pays disposant d’excellentes infrastructures et de ressources de qualité dans le domaine de l’informatique avec près de 5 000 personnes formées par an. Il s’agit d’un pays qui maîtrise aussi bien l’anglais que le français, ce qui lui confère un atout considérable. 302 Profils sectoriels et émergence industrielle L’éloignement géographique de l’île Maurice des principaux pays francophones est cependant un facteur qui ne lui permet pas de se placer sur le créneau du Nearshore, à l’inverse du Maroc. 4.2. Concurrents indirects Quant aux concurrents indirects, ils ont pour cible des marchés autres que francophones, à savoir les marchés anglophones ou hispanophones, principalement les suivants : • L’Inde, leader dans le domaine de l’externalisation. Le pays propose depuis une vingtaine d’années des ressources hautement qualifiées. Initialement, le coût de la main-d’œuvre y était très avantageux, mais la tendance s’inverse peu à peu avec une main-d’œuvre aujourd’hui très sollicitée, ce qui engendre un turn over important (40 à 45 %) et une inflation des salaires. Le développement de logiciels et, plus récemment, les activités de back-office et de centres d’appel sont principalement à l’origine du succès rapide de l’Inde dans l’industrie des services financiers. Même si toutes les activités du secteur financier ne sont pas délocalisables, les banques et les compagnies d’assurances projettent à présent d’y transférer des services comme le développement d’applications, l’encodage et la programmation, la comptabilité, les ressources humaines ainsi que le traitement et l’administration de certaines opérations (par exemple de paiement). • La Chine, pays aux ressources humaines abondantes, qualifiées et à un prix compétitif. Le système éducatif est de qualité, et le gouvernement a mis en place des mesures pour accélérer le développement des NTIC. • La Russie, où les activités de recherche et développement sont très développées. Elle présente de nombreux avantages en tant que destination offshore dans le domaine des NTIC et offre des ressources très qualifiées. 5. Facteurs de compétitivité du secteur Le Maroc fait partie du « Peer Group », le groupe d’États formant la « ceinture de proche délocalisation » par rapport au marché européen. Les autres pays faisant partie de ce groupe sont les pays d’Europe de l’Est et ceux dits « du Sud » (Turquie, Tunisie, Égypte, Jordanie, Sénégal…). Le Maroc possède, en effet, une main-d’œuvre qualifiée et abordable, des infrastructures de télécommunication suffisantes et un climat d’affaires favorable. D’autres atouts du Maroc, en termes de compétitivité, ont trait à sa proximité logistique des États-Unis et de l’Union européenne, son accès aux marchés arabes et africains, ainsi qu’à certaines de ses ressources naturelles. Offshoring 303 5.1. Proximité géographique Sa proximité géographique et culturelle avec l’Europe est un des premiers critères pour le choix du Maroc comme destination de l’offshoring. Le pays propose une offre offshore de proximité nearshore attractive qui a convaincu des entreprises françaises dans les métiers de la relation clients, de l’ITO et dans le BPO en transférant des processus métiers et administratifs qui peuvent être exécutés à distance. Le nearshoring, par différence à l’offshoring basique, est le fait de délocaliser une activité économique dans une autre région du même pays ou dans un pays proche. L’intérêt est de ne pas baisser la qualité du centre de contacts, de ne pas subir d’attaques de la presse pour manque de patriotisme économique, tout en réalisant quelques économies car certaines régions ont un salaire moyen inférieur à d’autres. Cette proximité permet aussi de garder plus largement la main sur le contrôle et la supervision de l’activité et une intervention sur le terrain, si nécessaire, plus rapide que les destinations offshore. 5.2. Main-d’œuvre à bas coût Le Maroc dispose quantitativement d’une main-d’œuvre supérieure à celle des autres pays offshore. Ce qui entraîne une concurrence entre les demandeurs d’emploi et joue par conséquent positivement sur la compétitivité en faveur des groupes étrangers qui se délocalisent au Maroc. Le recrutement des collaborateurs est un des leviers déterminants de la réussite d’un projet offshore au Maroc. Pour recruter, les donneurs d’ordre prennent donc en considération la formation, l’expérience, les compétences et les qualités personnelles. Compte tenu du marché de l’emploi, notamment dans les grandes villes, l’atteinte des objectifs quantitatifs de recrutement des employés n’est a priori pas problématique. En effet, en termes de formation de ressources humaines, le Maroc compte : – 300 000 jeunes suivant un cursus post-baccalauréat dans 12 universités publiques et 20 écoles d’ingénieurs ; – 100 000 jeunes formés en sciences humaines et 9 000 ingénieurs et cadres en management, chaque année ; – l’OFPPT avec 297 établissements de formation et 140 formations diplômantes. 304 Profils sectoriels et émergence industrielle Dans ce cadre encore, un accord de l’Association marocaine de la relation client (AMRC) avec l’OFPPT concerne des formations en langues et la mise en place de plusieurs formations destinées spécialement au secteur de l’offshoring. Conscient de l’importance de la disponibilité des compétences pour accompagner le développement du secteur de l’offshoring et renforcer sa capacité d’attraction des investissements, l’État, en collaboration avec le secteur privé, a mis en œuvre un plan formation agressif et focalisé sur les métiers de l’offshoring, dans le but d’assurer la formation de 70 000 profils entre 2009 et 2015 : – – – – 1 000 lauréats en management ; 3 000 ingénieurs ; 10 500 techniciens ; 55 500 administratifs. 5.3. Flexibilité des horaires Le code du travail au Maroc permet une certaine flexibilité au niveau des horaires de travail (44 heures contre 35 en Tunisie et au Sénégal...). La réglementation de travail marocaine présente également plusieurs avantages par rapport à la France : – 44 heures de travail par semaine avec paiement des heures supplémentaires au-delà de 10 heures de travail par jour et de 2 288 heures par an ; – possibilité d’annualiser le temps de travail pour l’adapter au carnet de commandes dans le respect des 2 288 heures de travail par an ; – un mois et demi de période d’essai pour les employés et trois mois pour les cadres renouvelable une fois ; – possibilité de travailler pendant les jours fériés du Maroc, afin d’assurer la continuité de service avec les clients en France, moyennant une compensation définie contractuellement ; – un salaire minimum plus faible qu’en France. Il faut également prendre en compte le léger décalage horaire avec la majorité des pays d’Europe (une heure de différence tout au long de l’année, deux heures pendant le mois de ramadan). 5.4. Qualité de l’infrastructure des télécommunications Le Maroc dispose d’une infrastructure de télécommunications conforme aux normes internationales. Avec trois opérateurs globaux (fixe, mobile, internet et Offshoring 305 data), le secteur des télécommunications au Maroc enregistre chaque année une activité intense et soutenue : taux de pénétration mobile de 97 % et 13 millions d’utilisateurs d’internet. La politique nationale est volontariste et favorise la libéralisation du secteur des télécommunications avec l’adoption de la loi 55-01 complétant et modifiant la loi 24-96 et donnant au secteur les moyens de s’inscrire dans l’évolution et la dynamique que connaissent les télécommunications au niveau mondial. Plusieurs licences ont déjà été attribuées au Maroc : GSM, fixe, mobile 3G, mobiles 4G. Les zones sont dédiées aux activités liées à l’offshoring dotées d’une infrastructure d’accueil et de télécommunication moderne et compétitive en termes de coût. Les efforts du gouvernement pour améliorer cette infrastructure se manifestent notamment lors de la signature en janvier 2013 de la quatrième convention d’investissement entre le gouvernement et Maroc Telecom. 5.5. Implication gouvernementale Le gouvernement marocain conduit une politique volontariste pour le développement du secteur qui se concrétise dans le développement de partenariats entre les acteurs concernés pour assurer les moyens financiers, logistiques et organisationnels nécessaires à son développement. Parmi les moyens d’accompagnement mis en œuvre on peut citer : – un centre de formation dédié aux métiers de l’offshoring ; – des loyers à bas prix (8 euros par mois le mètre carré) à Casablanca Near Shore Park, les pôles de Rabat, de Marrakech, Tanger et Tétouan (offshoring hispanique), Fès offshore ; – l’exonération de l’impôt sur les sociétés pendant les cinq premières années puis un abattement fiscal de 50 % par la suite ; – des subventions pour le recrutement et la formation de la main-d’œuvre locale. 5.6. Stabilité et risque pays La société britannique AON, dans sa 19e édition de la carte des risques politiques (Political Risk Map 2016), a constaté que le Maroc est le pays le plus stable en Afrique du Nord. À la différence de ses voisins du Maghreb et de l’Afrique du Nord, le Maroc figure parmi les pays à risque politique « modéré », l’Algérie, la Mauritanie, la Tunisie et l’Égypte étant considérés 306 Profils sectoriels et émergence industrielle comme pays à « haut risque moyen » et la Libye à « très haut risque », ce qui confère un avantage concurrentiel au pays. Selon AON, le Maroc partage la note « risque modéré » avec des pays émergents comme le Brésil, la Chine ou l’Afrique du Sud. 5.7. Analyse SWOT du secteur L’analyse SWOT du secteur de l’offshoring permet d’avoir une vision globale de ses forces et faiblesses. Elle permet de relever une faiblesse importante en termes d’organisation : l’absence d’un acteur central qui coordonnerait l’activité de ce secteur qui fait l’objet de l’intervention de plusieurs opérateurs. Forces Faiblesses – Proximité géographique et culturelle. – Bonne connaissance des langues européennes, notamment, le français et l’espagnol. – Main-d’œuvre qualifiée, bon marché et abondante. – Des infrastructures de télécommunication et de services de classe mondiale. – Alignement des prix de l’immobilier sur les destinations les moins chères. – Forte progression de l’offshoring des centres d’appel. – Implantation de nombreuses références (Dell, Atento, Arvato, Bouygues Telecom…). – Absence de formation adéquate en matière d’offshoring. – Coût élevé de la ligne internationale vers l’Europe, 30 à 50 % plus chère que les destinations concurrentes. – Faiblesse de l’expertise dans les processus à valeur ajoutée. – Manque de flexibilité du marché de l’emploi pour les activités de l’offshoring. – Manque d’acteurs offshoring et TIC ayant la taille critique pour gérer des processus complets. – Absence d’une autorité centrale de coordination des activités offshoring et TIC. Opportunités Menaces – Investissements colossaux en formation pour être conforme aux standards culturels et technologiques. – Stabilité politique. – Prospection des marchés francophone et hispanophone. – Politique volontariste de l’État marocain. – Baisse des coûts des facteurs de production, notamment, les coûts des infrastructures de base. – Prospection des marchés francophone et hispanophone. – Constitution de partenariats avec des groupes étrangers pour un transfert de savoir-faire et de technologie. – Promotion de la destination Maroc pour la création de sociétés captives et de sociétés de services et d’ingénierie informatique « SSII ». – Perspectives d’augmentation des coûts salariaux. – Forte concurrence des pays de l’Europe de l’Est et du Maghreb sur le marché mondial de l’offshoring. Offshoring 307 6. Déterminants conjoncturels du secteur 6.1. Marché d’exportation au Maroc Le Maroc s’est engagé dans un processus de libéralisation graduelle de son commerce extérieur en vue de réussir son intégration dans l’économie mondiale, grâce à notamment à la signature d’un ensemble d’accords de libreéchange et à des efforts considérables en faveur de la promotion du commerce extérieur (adoption du Code du commerce, amélioration de l’environnement des affaires, adoption des plans Maroc Export Plus, Émergence…). Aujourd’hui, l’offshoring est classé 6e des secteurs les plus importants en termes de revenus à l’export, avec près de 8 milliards de dirhams de chiffre d’affaires, soit autant que l’aéronautique. 70 % de ces 8 milliards sont directement destinés à la rémunération des ressources humaines. Le secteur a connu une croissance annuelle moyenne de 15 %. En effet, en 2012, les exportations de marchandises se sont élevées à 183 milliards de dirhams et les importations à 382 milliards, soit un déficit commercial record de près de 200 milliards et un taux de couverture des importations par les exportations de 48 %. A elle seule, l’Europe représente 60 % dans le total des échanges commerciaux du Maroc, suivie de l’Asie (21 %), de l’Amérique (12 %), de l’Afrique (6,5 %) et de l’Océanie (0,3 %). La France en 2012 demeure le premier client du Maroc avec 22,6 % du total des exportations de marchandises et son deuxième fournisseur avec 12,5 % des importations totales. Les échanges commerciaux avec la France dégagent un déficit de plus de 6 milliards de dirhams et un taux de couverture des importations par les exportations de 87 %. De son côté, l’Espagne, en 2012, est 2e client (17 % des exportations) et premier fournisseur (13 % des importations). Les échanges commerciaux avec ce pays enregistrent un déficit de 18,3 milliards de dirhams et un taux de couverture de 62,8 %. L’année 2013 aura été la première année à connaître une performance négative du secteur des exportations, après plus de dix ans de croissance moyenne à 2 chiffres. Les revenus à l’export du secteur ont reculé de 2,7 %. 6.2. Déterminants de la demande Actuellement, la France est le premier marché de l’offshoring du Maroc avec un poids de 80 %, ce volume correspond à 50 % de la demande française, grâce au développement d’une expertise et d’un savoir-faire garantissant une bonne position sur le marché. Néanmoins, il faut renforcer cette position, 308 Profils sectoriels et émergence industrielle notamment dans certains secteurs ayant encore eu peu recours à l’offshoring, comme le secteur financier. L’activité d’externalisation des métiers des services, de manière générale, est appelée à s’intensifier, et le Maroc a des atouts structurels pour maintenir une position dominante dans la région. Il y a aujourd’hui une place pour de nombreux pays sur ce marché, obéissant à une logique de ce qu’on appelle best cost. Il s’agit de segmenter la chaîne de valeur via une stratégie de colocalisation compétitive, c’est-à-dire produire chaque segment dans le lieu le plus adapté : les flux les plus sensibles en onshore en France, les flux les plus normés en nearshore au Maroc et les flux les plus basiques en offshore lowcost en Afrique subsaharienne. Donc, à partir de là, le développement d’une destination ne se fait pas au détriment d’une autre, chaque région pouvant se positionner sur un segment de cette chaîne de valeur. Le marché local représente aujourd’hui 10 % du chiffre d’affaires de l’offshoring au Maroc. Cette demande est tournée vers le secteur des centres d’appel mais ne concerne pas encore les domaines d’ITO ou de BPO. Dans l’ensemble, la demande est encore largement dominée par des acteurs étrangers. 6.3. Nouveaux entrants Les nouveaux entrants, comme le Sénégal qui a fait un bond de 13 places, sont très offensifs. Ce pays aux faibles coûts du personnel attire de plus en plus de centres d’appels. Malgré les deux heures de décalage horaire avec la France, ses entreprises téléopératrices calquent leurs journées sur celles de la France. Selon une étude de l’Apix, l’Agence sénégalaise de promotion des investissements et grands travaux, le salaire moyen d’un téléacteur est de 308 euros par mois au Sénégal, contre 433 en Tunisie et près de 458 au Maroc. Le Sénégal, avec un taux de chômage de 40 %, dispose également d’une maind’œuvre nettement plus abondante que ses concurrents maghrébins. Le Maroc, le Sénégal et la Tunisie seraient les pays les plus performants en matière de centres d’appels. De ce fait, les externalisations y sont nombreuses. En Tunisie, les centres d’appels comptent parmi les plus importants pôles d’emploi. Au Maroc, le nombre de télé-salariés a d’ailleurs été multiplié par 10 en quatre ans. Ainsi 1 800 personnes travaillent au call center Dell à Casanearshore, la « cité de l’offshoring ». Depuis Casablanca, les employés marocains gèrent, pour cette société américaine d’ordinateurs, la vente et le service après-vente pour toute la région d’Europe du Sud. Offshoring 309 6.4. Nouvelles technologies dédiées au secteur Un vaste programme d’aménagement de plateformes industrielles intégrées a été lancé sur l’ensemble du Royaume. Il vise à mettre à la disposition des investisseurs les meilleurs espaces d’accueil pour l’exercice de leurs activités. Ce programme a été confié en quasi-totalité à MEDZ, filiale de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), spécialisée dans l’aménagement de zones industrielles et touristiques. 7. Configuration productive 7.1. Évolution du secteur Le Maroc a fait le choix d’ériger l’offshoring comme l’un des leviers de développement économique du pays grâce à une stratégie volontariste, baptisée « offre offshoring Maroc». Cette stratégie avait pour objectif la réalisation d’un chiffre d’affaires à l’export de 20 milliards de dirhams en 2016 et la création de 70 000 emplois durant la période 2009-2015 pour atteindre près de 100 000 emplois au terme de l’année 2015. Avec ses parcs offshore et l’avancée des travaux de nouveaux pôles partout sur le territoire, le Maroc est passé d’une destination offshore bon marché à une position stratégique basée sur la logistique et une offre compétitive, favorisant un potentiel de développement du secteur de l’offshoring. Bien que la stratégie offshoring ait réalisé des avancées, ses résultats demeurent, à la veille de son échéance 2016, en deçà des objectifs arrêtés. En effet, l’emploi du secteur a atteint 57 000 en 2012 (+11 % par an depuis 2009), soit un écart de 43 % par rapport aux 100 000 visés par l’offre offshoring Maroc à l’horizon 2016. Les recettes à l’export du secteur ont culminé à 7,4 milliards de dirhams en 2014 (+ 8,6 % par an depuis 2009), ne représentant que 37 % de l’objectif fixé par la stratégie pour 2016 (20 milliards de dirhams). En 2016, 80 % des entreprises opérant dans la zone offshore sont des centres d’appels et 20 % ont une activité dans l’ITO et le BPO. De manière générale le domaine du BPO concerne les activités/fonctions administratives générales, les activités de gestion de la relation client, les activités métiers spécifiques. Quant au domaine de l’ITO, il est lié à la gestion d’infrastructure, les activités de développement de logiciels et à la maintenance des applications. Dans le cas marocain, on constate ces dernières années une transformation structurelle du tissu productif en faveur d’une croissance économique plus forte, diversifiée et moins volatile que par le passé grâce à l’émergence de 310 Profils sectoriels et émergence industrielle nouveaux métiers à fort potentiel de croissance comme l’aéronautique, l’automobile, etc. (voir tableau). Cette évolution a été marquée par une diversification spatiale des sources de la croissance grâce à une contribution de plus en plus affirmée de nouvelles régions à la création des richesses (TangerTétouan…). Exemples des entreprises opérant dans les zones offshore au Maroc Nom de la société Forme juridique Capital Activité Nationalité Zone offshore OGE Société (Omnium anonyme général d’électricité) 10 MDh Fabrication et commercialisation de matériel électrique Française Casablanca Ubisoft Société anonyme 4 106 Md € Industrie vidéo ludique Française Casablanca RenaultNissan Société 1,2 milliard de Groupe automobile de droit recapitalisation néerlandais Française Tanger NPM SARL 7 500 € Aéronautique, automobile, télécom Française Tanger Mosaic decor SARL 100 000 Dh Fabrication de revêtements de sol et mur, carreaux mosaïque Marocaine Tanger Mk aéro SARL 12 MDh Aéronautique Marocaine Tanger Luxury life SARL 7 500 € Négoce international de voitures de luxe Française Tanger 7.2. Évolution de l’activité des centres d’appel Après une croissance de 18 % par an en moyenne sur les huit dernières années, 2013 a été marquée par une baisse de 3 %. Les deux segments majeurs de l’offshoring que sont les centres d’appels et l’ITO ont été touchés. Trois phénomènes essentiels expliquent le ralentissement de l’activité dans les centres d’appels. Dans un premier temps, l’activité a été impactée par une conjoncture défavorable en France, en particulier les fortes difficultés des opérateurs télécoms français suite à l’arrivée de la société Free sur le marché du mobile. Cela a réduit leurs flux externalisés, aussi bien en France qu’en offshore. Or, ce secteur représente environ 50 % du marché des « outsourceurs » au Maroc. L’autre facteur est lié à la concurrence de plus en plus perceptible de destinations low cost, en particulier de pays d’Afrique Offshoring 311 subsaharienne, qui commencent à se positionner comme des alternatives réelles dans un contexte de recherche d’économies. D’un point de vue plus structurel, le secteur est entré dans une phase de maturité qui implique la disparition de certains acteurs de petite taille et l’arrêt de certaines activités non rentables (en particulier le télémarketing à faible valeur). 7.3. Évolution de l’activité automobile Dans l’automobile, secteur stratégique dans la politique industrielle nationale, 31 500 emplois sur les 70 000 postes prévus à l’horizon 2015 ont été créés, soit une croissance annuelle de 32 % entre 2009 et 2011. Les exportations se sont élevées à 22,6 milliards de dirhams en 2011, soit une croissance de 38 % par rapport à 2010. La première phase d’implantation de l’usine Renault, d’une capacité de 200 000 véhicules, a nécessité un investissement de 350 millions d’euros. De même, plusieurs autre investissements ont été réalisés par des équipementiers internationaux du secteur, notamment SNOP (emboutissage), GMD (emboutissage/plastique), Valeo (système d’éclairage), Inergy (réservoir à carburant), St-Gobain (parebrise), Viza (armature de siège), Takata (airbag et ceinture de sécurité et Denso (climatisation). Estimés à 1,6 milliard de dirhams, ces investissements ont généré environ 2 600 emplois. Le secteur de l’automobile au Maroc connaît un essor remarquable, assurant 31 % des exportations industrielles. Cette activité regroupe plus de 130 entreprises, employant environ 70 000 personnes en emplois directs, pour un montant des exportations estimé à près de 2,5 milliards d’euros sur les onze premiers mois de l’année 2013 (27,8 milliards de dirhams). L’État mise sur une contribution potentielle estimée à près de 12 milliards de dirhams de PIB additionnels, avec la création d’environ 70 000 nouveaux emplois dans l’ensemble du secteur automobile. 7.4. Évolution de l’activité aéronautique Grâce à ses centres d’excellence couvrant la production, les services, la maintenance et l’ingénierie, le Maroc représente une zone d’investissement aux entreprises opérants dans le secteur de l’aéronautique et du spatial qui connaît actuellement une évolution positive. Le secteur a cumulé, depuis 2012, des investissements chiffrés à 2,7 milliards de dirhams et voit le nombre d’implantations en hausse continue. Le Maroc compte aujourd’hui plus de 100 entreprises qui ont réalisé en 2011 un chiffre d’affaires de 5,2 milliards de dirhams et emploient plus de 7 500 personnes hautement qualifiées. 312 Profils sectoriels et émergence industrielle Le secteur a connu l’implantation de plusieurs entreprises leaders comme EADS, Boeing, Safran, Le Piston, Daher, Creuzet/Indraero, Souriau, Ratier Figaec ou encore Bombardiers. Actuellement une quarantaine d’entreprises sont installées sur l’aéropôle de Nouaceur. Les usines Aircelle fabriquent, par exemple, des composants pour les A380 et pour les moteurs des Boeing 737. De même, des commandes de plusieurs compagnies européennes du secteur sont envoyées aux ateliers de Snecma Maroc. Cette plateforme de Nouaceur a récemment été renforcée par le projet Casa Aéro City 2.0 qui met en avant ses coûts réduits. Par ailleurs, le secteur est encore loin des objectifs du gouvernement qui tablait sur une croissance annuelle de 25 % et un potentiel de développement d’environ 4 milliards de dirhams de PIB additionnels, qui devait se traduire par la création d’environ 15 000 nouveaux emplois directs à horizon 2015. 8. Analyse des performances 8.1. Les pressions connues par secteur Au vu de son évolution au cours de ces dernières années, le secteur est entré dans une phase de saturation, et les mesures prises dans le cadre du plan Émergence ne semblent plus adaptées pour son développement futur, d’autant plus que sa compétitivité est fortement menacée par la concurrence des pays low-cost, en particulier d’Afrique subsaharienne. De fait, les nouvelles stratégies industrielles des firmes multinationales ont entraîné deux tendances en matière de chaînes de création de valeur : les délocalisations dans les pays à bas coût et le recentrage sur le cœur de métier de l’entreprise. Ce qui fait que les pressions exercées sur les entreprises du secteur de l’offshoring sont plus au moins nombreuses : La faible diversification des marchés de l’offshoring (90 % pour l’UE en 2013) : faible positionnement sur des activités du BPO captif (12 % des recettes totales en 2014) et insuffisance des compétences hautement qualifiées pour se positionner sur des activités à très forte valeur ajoutée et sur de nouveaux marchés. Devant les opportunités prometteuses du développement du secteur, la révision de la stratégie offshoring s’impose avec acuité pour donner une nouvelle impulsion à sa dynamique et pour faire face aux nouvelles données du marché. Dans ce sens, il paraît impératif de prioriser l’investissement dans la formation des ressources humaines afin d’insérer durablement le Maroc dans la carte mondiale de l’offshoring en ciblant plus particulièrement les segments à plus forte valeur ajoutée. Il s’agit, également, de s’orienter vers la diversification du portefeuille-client afin de réduire la forte Offshoring 313 dépendance vis-à-vis de l’Europe en ciblant de nouveaux clients, notamment hispanophones et anglophones. Les parts de marché : 50 % des grandes entreprises américaines (à effectif supérieur à 5 000 salariés) et 40 % des entreprises européennes ont délocalisé et/ou externalisé une partie de leurs prestations en 2010. L’Inde détient 44 % du marché de l’outsourcing suivie de la Chine et de la Malaisie ; elles constituent actuellement le trio des meilleures destinations offshore au monde. Il faut ajouter à ces pays le Brésil, la Russie et le Mexique, qui disposent d’un réel potentiel en termes d’expérience dans le domaine industriel. Mais ce qui demeure important, c’est la qualité de la main-d’œuvre qu’ils proposent à des coûts imbattables. Dans ce contexte, on ne peut s’empêcher de faire la comparaison au Maroc avec le secteur du textile dont on connaît les difficultés face à la concurrence de la Chine. La pérennisation des investissements : il est actuellement clair que le secteur de l’offshoring a contribué relativement à la croissance du PIB du Maroc ainsi qu’à la création d’emplois ; mais la question est celle de la pérrinité de ces investissements. En effet, si l’un des piliers porteurs de l’offshoring au Maroc se déstabilisait, on risquerait de voir certaines entreprises de services quitter le pays vers d’autres destinations ou carrément revenir dans leur pays d’origine. Par exemple, si un autre pays émergent proposait un package fiscal beaucoup plus attractif que celui du Maroc, rien n’empêcherait ces entreprises de quitter le Maroc. Sur le plan salarial, il faut reconnaître, d’une part, que l’écart avec les salaires des pays concurrents doit être conservé, d’autre part, que les salariés et les syndicats locaux ne ménagent pas leurs efforts pour améliorer leurs conditions salariales, sans oublier l’influence des syndicats anti-offshoring dans les pays d’origine des donneurs d’ordres. 8.2. Évolution de la situation financière et des résultats Aujourd’hui, le secteur l’offshoring au Maroc réalise 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 6,5 % du PIB. Il compte environ 1 500 opérateurs dont des leaders internationaux dans toutes les branches : opérateurs (Vivendi, Téléfonica, Portugal Télécom, Eutelsat, Nortis…), équipementiers (Alcatel, Cisco, Ericsson, Motorola, Nokia…), constructeurs (IBM, HP, Compaq, Bull…), éditeurs (Oracle, SAP, Ubisoft…). L’activité des centres d’appels et de BPO des « outsourceurs » est la principale composante de l’offshoring avec une part de 80 %. Elle a réalisé une hausse de 10,7 %, passant de 4,43 milliards de dirhams en 2011 à 4,98 milliards en 2015. Au premier semestre 2016, les 314 Profils sectoriels et émergence industrielle recettes du secteur de l’offshoring ont enregistré une croissance de 18,1 %, tirées par celles des centres d’appels et BPO des « outsourceurs » qui se sont élevées à 2,39 milliards de dirhams. Selon l’Office des changes, les recettes de l’offshoring auraient enregistré en moyenne une hausse de 2,4 % sur les cinq dernières années, passant de 6,86 milliards de dirhams en 2011 à 7,54 milliards en 2015. Références bibliographiques Ambassade de France à Rabat (2007), « L’offshoring au Maroc, mission économique », Document de travail. Bennani J. (2005), « Offshoring : le Maroc parmi les trois premiers », Aujourd’hui le Maroc. Chafik K. 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Political Risk Map (2016), Terrorism & Political Violence Risk Map, AON’s guide to terrorism & Political violence Risk. Secrétariat général du gouvernement (1992), « Loi n° 58-90 relative aux places financières offshore », B.O. n° 4142, Rabat. Taleb M. (2013), « Le Maroc peu compétitif sur l’offshoring informatique », Libération.ma. Théry J.M. (2014), « 7 clés pour réussir l’offshoring d’un service au Maroc », Conjoncture n° 812, Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc. CHAPITRE 11 Artisanat Mariem Liouaeddine Introduction Ancré dans la culture marocaine depuis plusieurs siècles, l’artisanat reflète l’art, la culture, les traditions et l’histoire des différents peuples et civilisations qui se sont succédé au Maroc (Benallal et Messaoudi, 1981). Du fait de son importance historique et culturelle, le secteur de l’artisanat au Maroc joue un rôle essentiel dans la dynamique économique. Dans ce cadre, l’analyse de ce secteur requiert a priori la mise en exergue de son poids dans l’activité économique nationale. Cette analyse permettrait préalablement d’apprécier la contribution du secteur aux échanges internationaux, au produit intérieur brut (PIB) et à la création d’emplois. Par ailleurs, le recensement des principales catégories d’acteurs opérant dans le secteur permettrait d’avoir une vision globale sur les caractéristiques et le poids de chacune d’elles, en termes d’effectif, de chiffre d’affaires, de délocalisation, etc. Depuis l’Antiquité, les principaux opérateurs du secteur sont des monoartisans. Ce résultat est confirmé par les effectifs recensés et le chiffre d’affaires réalisé. Toutefois, leur nombre a connu un recul sans précédent au cours de ces dernières années au profit de l’émergence d’un tissu modernisé de PME artisanales. Ces entreprises, bien structurées, optent pour une démarche de production moderne et orientée particulièrement vers le marché extérieur. Cette mutation a été accompagnée d’une augmentation du nombre des coopératives, des adhérents, des capitaux et des chiffre d’affaires. Nous proposons d’analyser, dans un premier volet, l’évolution des indicateurs économiques du secteur de l’artisanat, en termes de création d’emplois, de chiffre d’affaires et de valeur ajoutée. Ensuite, cette analyse permettra d’étudier les caractéristiques et l’évolution des PME artisanales avant d’examiner la dynamique des mono-artisans et des coopératives artisanales. Il est à signaler que les activités de l’artisanat marocain sont regroupées en deux sous-secteurs distincts : 318 Profils sectoriels et émergence industrielle – le sous-secteur de l’artisanat d’art et de production ; – le sous-secteur de l’artisanat de service. Le premier sous-secteur renvoie à l’artisanat à fort contenu culturel et à l’artisanat utilitaire. Il concerne les produits issus du patrimoine marocain et englobe les produits issus d’un travail essentiellement manuel tels que les meubles de bois modernes, la maroquinerie, etc. Le second sous-secteur concerne les activités relatives à la coiffure, la peinture, la réparation de voitures, la plomberie, la tôlerie, etc. À titre de comparaison, l’artisanat de service offre une participation à la création de la richesse nationale et un contenu culturel relativement inférieurs à ceux de l’artisanat d’art et de production. La présente recherche ainsi que les analyse y afférentes portent sur l’artisanat à fort contenu culturel. 1. Caractéristiques et évolution du secteur Plusieurs acteurs opèrent dans le secteur de l’artisanat : les PME, les monoartisans (urbains et ruraux) et les coopératives artisanales. Ces acteurs ont contribué positivement au dynamisme du secteur entre 2006-2015, à travers la création d’emplois et la génération de valeur ajoutée. En 2015, le secteur de l’artisanat a généré 412 201 emplois dans les milieux urbain et rural (1) (voir graphique 1). L’emploi a connu une augmentation de 21 % entre l’année 2006, année d’entrée en vigueur de la stratégie « vision 2015 de l’artisanat », et l’année 2015. Cependant, il demeure majoritairement concentré à 51 % dans les pôles urbains de Casablanca, Rabat, Fès, Marrakech et Tanger-Tétouan. Le dynamisme du secteur de l’artisanat est révélé également par l’évolution positive du chiffre d’affaires réalisé par les PME et par les mono-artisans (2). En effet, le chiffre d’affaires global réalisé par le secteur en 2015 est estimé à 22,4 milliards de dirhams. Il a plus que doublé en 2015 par rapport à 2006 (voir graphiques 4 et 5). Cette évolution s’est accompagnée de l’augmentation de la richesse créée par le secteur illustrée à travers la valeur ajoutée générée qui a plus que doublé de 2006 à 2015, passant de 5,4 milliards de dirhams à 13,3 milliards, soit une augmentation de 146 % sur ces dix années consécutives. 1. A l’exception de l’emploi créé par les coopératives artisanales. 2. Idem. Artisanat 319 15 14 20 13 20 12 20 11 20 10 20 09 20 08 20 07 20 20 20 20 06 Graphique 2 Évolution du chiffre d’affaires de l’artisanat entre 2006 et 2015 (en milliards de dirhams) 0 20 6 0 20 7 0 20 8 0 20 9 1 20 0 1 20 1 1 20 2 1 20 3 1 20 4 15 Graphique 1 Évolution de l’emploi total généré par le secteur de l’artisanat entre 2006 et 2012 Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). Graphique 3 Évolution de la valeur ajoutée générée par le secteur de l’artisanat entre 2006 et 2015 (en milliards de dirhams) Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). Comme précisé auparavant, ces performances économiques sont réalisés conjointement par les PME et les mono-artisans (urbains et ruraux). Par ailleurs, l’analyse par type d’opérateur sur ce secteur va mettre en exergue la participation de chacun d’eux dans le dynamisme de l’artisanat au Maroc. 1.1. Caractéristiques et évolution des PME artisanales Les entreprises qui opèrent dans le secteur de l’artisanat sont des PME artisanales. Les entreprises leader du secteur, qui ont la qualité d’acteurs de référence, sont des entreprises qui ont un chiffre d’affaires situé entre 100 à 200 millions de dirhams, dont 80 % sont réalisés sur les marchés extérieurs (Ministère de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, 2006). 320 Profils sectoriels et émergence industrielle Le nombre des PME artisanales ainsi que leur chiffre d’affaires ont augmenté significativement entre 2006 et 2015, générant plus d’emplois dans le secteur. Ces entreprises sont généralement localisées dans les villes à tradition artisanale. 1.1.1. Évolution du nombre et du chiffre d’affaires des entreprises du secteur Le nombre des PME du secteur de l’artisanat continue de croître durant ces dernières années. Il a presque triplé, passant de 310 en 2006 à 848 en 2014 (voir graphique 4). Graphique 4 Évolution du nombre des PME artisanales Graphique 5 Évolution du chiffre d’affaires du secteur (en milliards de Dh) PME Mono-artisans* Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). Cette évolution est due essentiellement aux impulsions données par le programme « Vision 2015 », qui a pour objectif d’augmenter la taille du tissu productif et d’accroître son chiffre d’affaires global. Celui-ci a plus que doublé entre 2006 et 2015. Cette augmentation touche aussi bien le chiffre d’affaires des mono-artisans que celui des PME. Par ailleurs, bien que les mono-artisans génèrent la plus grande part du chiffre d’affaires du secteur, leur contribution au chiffre d’affaires global connaît une baisse sensible en faveur d’une augmentation du chiffre d’affaires des PME. En témoigne le poids du chiffre d’affaires des mono-artisans qui est passé de 88 % en 2006 à 84 % en 2015, alors que celui des PME passe de 12 % à 16 % sur la même période. 1.1.2. Métier et localisation des PME artisanales L’analyse du chiffre d’affaires par type de métier a permis de constater que l’activité des PME durant cette période concerne les métiers dédiés à la bijouterie, le bois, le tapis, le vêtement et le fer forgé. Si les deux premiers métiers génèrent la plus grande part du chiffre d’affaires des PME, cet apport Artisanat 321 a baissé entre 2014 et 2015 au profit des métiers spécialisés dans le vêtement, le tapis et le fer forgé. Graphique 6 Évolution du chiffre d’affaires des PME par métiers (en milliards de Dh) Bois Bijouterie Articles chaussants Fer forgé Maroquinerie Bâtiments traditionnels Tapis Poterie et pierre Couvertures Vêtements Didanderie Vannerie Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). L’analyse de la distribution du chiffre d’affaires par ville montre que les PME du secteur se situent principalement dans les villes de Casablanca, Marrakech, Fès, Rabat-Salé, Tanger-Tétouan (voir graphique 7). Sur toute la période analysée il a été constaté que les PME artisanales situées dans les villes de Casablanca et de Marrakech génèrent à elles seules près de 60 % du chiffre d’affaires des PME artisanales du secteur. En 2015, d’autres villes, à l’image de Settat, ont connu une augmentation significative du chiffre d’affaires des PME artisanales. Cette hausse est due à l’encouragement à la création de zones industrielles abritant les PME dans ces villes. Graphique 7 Évolution de la distribution du chiffre d’affaires des PME artisanales par ville (en milliards de dirhams) Casablanca Marrakech Fès Rabat-Salé Tanger-Tétouan Agadir-Tiznit Reste des villes Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). 322 Profils sectoriels et émergence industrielle Les villes de Guelmim, Essaouira et Kénitra ont enregistré également une forte croissance de leur chiffre d’affaires, qui a augmenté, en 2015, respectivement de 45,4 %, 18,2 % et 16,8 % par rapport à 2014. Les PME sont généralement concentrées dans les grands pôles urbains dotés d’infrastructures de base importantes (autoroutes, ports, hôtels, etc.). Elles commercialisent leurs produits sur le marché national et international générateur de revenus conséquents. A titre d’exemple, en 2006, les villes de Casablanca, Fès et Marrakech ont produit près de 70 % des exportations des produits artisanaux. Graphique 8 Évolution du chiffre d’affaires des PME par type de client Ménages résidents MRE Commerçants Touristes Autres clients PME Export Autres artisans Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). Ce choix orienté vers le marché international est motivé par les subventions accordées dans le cadre du programme Vision 2015 de l’artisanat. Entre 2007 et 2012, 112 PME ont bénéficié de ce programme (Cours des comptes, 2015). 1.1.3. Emploi généré par les PME artisanales La concentration des PME artisanales dans les cinq villes du pays susmentionnées a eu un impact sur la création d’emplois dans ces villes. Sur toute la période couverte par l’analyse, il ressort que les PME situées à Casablanca créent le plus grand nombre d’emplois (voir graphique 10). Cependant, l’analyse de l’évolution de l’emploi des PME par ville montre que la ville de Casablanca connaît, ces dernières années, une légère baisse des créations de postes, en faveur d’une migration vers les régions d’Agadir-Tiznit et de Tanger-Tétouan. Par ailleurs, l’analyse des emplois créés par les PME et par métier montre que, tout au long de la période 2006-2015, le métier du bois a créé le plus d’opportunités d’insertion professionnelle, suivi par les métiers du vêtement et du tapis (voir graphique 10), métiers employant de la main-d’œuvre intensive. Ces PME ont créé, durant la dernière décennie, entre 30 % à 40 % des emplois du secteur de l’artisanat. Artisanat 323 Graphique 9 Évolution de la distribution des emplois créés par les PME artisanales par ville Casablanca Fès Marrakech Rabat-Salé Agadir-Tiznit Tanger-Tétouan Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). Graphique 10 Évolution de la distribution des emplois créés par les PME par type de métier Bois Poterie et pierre Vêtements Bâtiments Tapis Fer forgé Maroquinerie Bijouterie Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). 1.1.4. Dépenses en investissement des PME artisanales L’analyse des dépenses d’investissement des PME du secteur de l’artisanat montre qu’elles sont généralement affectées à deux types d’investissement : l’aménagement des locaux des entreprises et l’acquisition et la rénovation des outils et machines. La majeure partie des investissements réalisés par les PME entre 2009 et 2015 était destinée à l’achat d’outils et/ou des machines de production (graphique 11). Le montant de ces dépenses varie entre 50 % et 85 % des dépenses totales de l’investissement des PME. 324 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 11 Évolution des dépenses d’investissement des PME artisanales par type Travaux sur les locaux Outils/machines Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). Malgré le nombre réduit des PME qui engagent des dépenses d’investissement, la somme la plus importante est réservée à l’acquisition des outils et des machines. Ces entreprises accordent de plus en plus d’intérêt à l’amélioration des techniques de production. En 2010, le pourcentage des PME ayant rénové leur machines était de 52 %, alors qu’en 2009 il n’était que de 42 %. Cependant, en 2015, sur l’ensemble des PME du secteur, 69 % ont attesté que l’objectif de rénovation et de remplacement des machines était la principale raison des dépenses d’acquisition d’outils et de machines (Observatoire national de l’artisanat, 2015). L’augmentation des dépenses d’investissement, de rénovation et de remplacement est motivée, d’une part, par les avantages accordés dans le cadre de la charte de l’investissement et ceux consentis dans le cadre du support aux entreprises du secteur, d’autre part, par la stratégie Vision 2015 qui vise l’émergence et l’appui de certaines entreprises du secteur auxquelles il sera attribué la qualité d’« acteur de référence » dans le secteur de l’artisanat. Ces entreprises « actrices de référence » sont sélectionnées sur la base de l’évolution d’un ensemble de critères, dont le chiffre d’affaires, les exportations, la formation, l’emploi et l’investissement. Ce dernier critère renvoie à l’investissement dans la capacité de production grâce à la mobilisation de modes et d’outils de production performants. 1.2. La dynamique des mono-artisans et des coopératives Deux catégories d’artisanat, à chacune desquelles correspond un type de mono-artisan, sont à distinguer : l’artisanat urbain – auparavant qualifié d’artisanat d’art – et l’artisanat rural – appelé « artisanat de production utilitaire courante ». Artisanat 325 L’artisanat urbain correspond à une production artisanale de qualité caractérisée par l’unicité de la technique et du produit. Ce type d’artisanat suit les tendances du marché – national et international – tout en restant fidèle, dans une certaine mesure, aux formes et aux décors des modèles anciens (Sefrioui, 1973). Ce type d’artisanat n’est pas menacé par la concurrence. Il est le fait de mono-artisans ou de micro-entreprises urbaines qui disposent en général d’un local (Ministère de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, 2006). L’artisanat rural se distingue de l’artisanat urbain par « son authenticité plus prononcée, sa simplicité et sa stabilité dans le style et la nature des productions offertes » (Observatoire national de l’artisanat, 2006). C’est le produit d’un savoir brut de l’artisan, original et affranchi de toute influence étrangère (Sefrioui, 1973). Ce genre d’artisanat est réalisé par des monoartisans ruraux « dont l’activité artisanale est secondaire (en plus d’une activité principale, essentiellement agricole) et qui exercent dans leurs domiciles » (Ministère de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, 2006). 1.2.1. Caractéristiques et évolution des mono-artisans Le secteur de l’artisanat est dominé par les mono-artisans qui ont généré, entre 2006 et 2015, la plus grande part du chiffre d’affaires du secteur de l’artisanat (graphique 4). Cependant, bien que leur nombre soit élevé, le chiffre d’affaires qu’ils ont généré a connu une baisse significative durant ces dernières années (graphique 12). Graphique 12 Évolution du nombre de mono-artisans par type et des PME artisanales (3) PME Mono-atisans ruraux Mono-artisans urbains Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). 3. Pour analyser uniquement les mono-artisans, il a semblé convenable que le nombre des mono-artisans urbains ne prenne pas en considération les PME. Il a donc été estimé ainsi : emploi urbain – (emploi total x taux d’emploi des PME)/100). 326 Profils sectoriels et émergence industrielle L’analyse du chiffre d’affaires par type de client révèle que ces monoartisans recommandent la vente directe. Ils sont majoritairement orientés vers le marché national. Ce constat est de moindre ampleur pour les artisans urbains alors qu’il est plutôt prononcé chez les ruraux. En effet, les principaux clients des mono-artisans urbains sont principalement des ménages locaux, suivis des commerçants (intermédiaires) et des touristes étrangers (voir graphique 13). Les ventes des mono-artisans urbains à ces trois types de client représentent en moyenne plus de 70 % de leur chiffres d’affaires. Graphique 13 Évolution du chiffre d’affaires des mono-artisans urbains par type de client Ménages résidents MRE Commerçants Touristes Autres clients PME Export Autres artisans Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). Néanmoins, ces dernières années, le chiffre d’affaires généré par les ventes aux ménages résidents a baissé au profit des commerçants : la vente aux intermédiaires garantit aux mono-artisans une commercialisation rapide de leurs produits. Graphique 14 Répartition du chiffre d’affaires des mono-artisans ruraux par type de client Ménages résidents MRE Commerçants Touristes Autres clients PME Export Autres artisans Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). Artisanat 327 Toutefois, les mono-artisans ruraux préfèrent toujours écouler leur marchandise sur le marché dans lequel ils évoluent. Le poids du chiffre d’affaires généré par la commercialisation des produits aux ménages résidents dépasse à lui seul la moyenne de 85 % de leurs chiffres d’affaires. Contrairement artisans urbains, les intermédiaires sont rarement sollicités par les artisans ruraux. D’ailleurs, leur production est peu demandée par les commerçants. Ceci s’explique par le fait que les produits de l’artisanat rural sont caractérisés par leur simplicité et leur stabilité dans le style et ne suivent pas les goûts et les tendances du marché. 1.2.2. Caractéristiques et évolution des coopératives artisanales Le nombre de coopératives artisanales a connu une augmentation continue au cours des vingt dernières années. Leur nombre a été octuplé entre 1998 et 2015, passant ainsi de 313 à 2497 coopératives (voir graphique 15). Cette évolution est due essentiellement à l’Initiative pour le développement humain (INDH), lancée en 2005, visant à lutter contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale. Graphique 15 Évolution du nombre de coopératives artisanales entre 1998 et 2006 Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Office du développement de la coopération (de 1998 à 2015). L’augmentation du nombre de coopératives artisanales s’est également accompagnée d’une multiplication d’adhérents. Leur effectif est passé, entre 2010 et 2015, de 22 321 à 35 584 adhérents. En 2015, 987 sur 2 497 coopératives artisanales sont des coopératives féminines, qui comptent 13 965 adhérentes. Le nombre d’adhérents est élevé principalement dans les régions de FèsMeknès, Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Marrakech-Safi, Drâa-Tafilalet et Casablanca-Settat. 328 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 16 Évolution du nombre des adhérents de coopératives artisanales entre 2010 et 2015 Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Office du développement de la coopération (de 2010 à 2015). Par ailleurs, à la différence des PME et des mono-artisans qui sont particulièrement concentrés en milieu urbain, les coopératives artisanales sont dispersées sur tout le territoire. Ces coopératives artisanales ont connu une évolution exponentielle dans les régions du Sud, principalement celles de Laâyoune-Assakia Al Hamra et de Guelmim-Oued Noun. De 1998 à 2015 elles sont passées de 21 à 732 coopératives en 2015. Quant aux coopératives des régions de Fès-Meknès et Rabat-Salé-Kénitra, leur nombre a quintuplé entre 1998 et 2015, passant de 135 à 737 coopératives. Graphique 17 Taux d’évolution du nombre de coopératives artisanales par région de 1998 à 2015 Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Office du développement de la coopération. A l’instar des PME artisanales, le nombre des coopératives a connu une augmentation remarquable grâce à l’INDH, qui n’a cessé de leur apporter son soutien. Artisanat 329 2. Dynamique de changement du secteur Sous l’effet des différentes actions menées en faveur du développement et de la modernisation, le secteur de l’artisanat est destiné à vivre des changements. Ces mutations sont dues à des facteurs aussi bien endogènes qu’exogènes. Les facteurs endogènes influencent la demande et la nature des acteurs opérant dans le secteur, les facteurs exogènes concernent l’effet des fluctuations internationales et de la politique d’ouverture du Maroc sur l’évolution du secteur. Dans la mesure où les actions de modernisation du secteur concernent essentiellement les PME artisanales, qui sont également les principales actrices du secteur orientées vers l’exportation, nous focalisons l’analyse des facteurs de changement du secteur sur les PME leader du secteur de l’artisanat. Ainsi, le premier point portera sur le diagnostic interne du secteur où nous analyserons, tout d’abord, les caractéristiques des entreprises artisanales leader et identifierons, ensuite, les facteurs créateurs de valeur. Le diagnostic externe mené dans le deuxième point permettra de mettre en exergue l’effet des macro- et micro-environnements sur l’évolution du secteur. Enfin, l’accent sera mis sur les principaux facteurs (internes et externes) susceptibles d’avoir de profondes répercussions sur les acteurs du secteur. 2.1. Diagnostic du secteur Dans un environnement caractérisé par de permanentes mutations, le diagnostic interne du secteur permet de faire le point sur sa dynamique. Il vise l’identification des facteurs-clés de succès, sources d’avantages concurrentiels et de pérennité des entreprises « leader » du secteur. Le diagnostic externe fera la lumière sur l’effet des différents types de mutation et de grandeur économique sur l’évolution du secteur. Seront donc analysés les environnements micro-économiques et macro-économiques. 2.1.1. Diagnostic interne Le diagnostic interne du secteur de l’artisanat a permis de relever un certain nombre de caractéristiques communes et des facteurs créateurs de valeur pour les entreprises leader. Caractéristiques des entreprises leader Selon la Vision 2015 de l’artisanat, les acteurs de référence dans le secteur sont des entreprises modernes structurées, orientées vers l’export. Elles ont un 330 Profils sectoriels et émergence industrielle grand potentiel et atteignent un chiffre d’affaires allant de 100 à 200 millions de dirhams sur une période de dix ans, réalisé majoritairement (80 %) à l’export. Depuis le lancement de la Vision 2015, 16 acteurs de référence ont été sélectionnés (4) et sont considérés comme les leaders du secteur. Ils sont caractérisées par une maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur de leur filière, à savoir : • la production : la mobilisation de modes et d’outils de production performants et le recours à une sous-traitance performante auprès d’autres producteurs du secteur ; • la distribution et la commercialisation : le recours à des partenariats avec des réseaux de distribution et la capacité à satisfaire la demande de manière régulière et en volumes suffisants ; • le design : la capacité de développer et d’innover les designs des produits en permanence pour les faire adapter aux goûts, tendances et évolutions de la demande du marché. La maîtrise des différents maillons de la chaîne de valeur permet à ces entreprises d’être plus réactives aux évolutions des goûts, tendances et donc de mieux répondre aux exigences de la demande du marché. Analyse des facteurs créateurs de valeur Le diagnostic interne permet de relever quatre facteurs communs aux entreprises leaders du secteur, qui leur procurent un avantage concurrentiel et assurent leur pérennité : le système management qualité, la recherche et développement (R&D), la formation continue et le système d’information. Ces facteurs procurent à ces entreprises une connaissance fine des attentes des consommateurs et constituent un avantage concurrentiel. En effet, les entreprises leaders du secteur placent le client ou encore les exigences du marché au centre de leurs priorités. Elles disposent pour ce faire soit d’un service dédié au contrôle qualité soit d’un certificat ISO 9001 relatif aux systèmes de management de la qualité. Ce certificat garantit la conformité avec les exigences des clients et celles légales et réglementaires applicables et représente une source d’externalités positives pour les entreprises dont l’activité est principalement orientée vers les marchés internationaux. Concernant la recherche et développement (R&D), certaines entreprises leaders ont été primées par le prix de la meilleure innovation. Ce qui s’explique 4. Le nombre des acteurs de référence sélectionnés est de 7 au titre de l’année 2007 et de 9 au titre de l’année 2009, sachant que 3 PME artisanales ont été sélectionnées dans l’édition de 2007 et dans celle de 2009. Artisanat 331 par le fait qu’elles opèrent dans l’artisanat de luxe, où la maîtrise et le développement des techniques et des procédés s’avèrent essentiels. Pour ce faire, elles disposent d’un département de recherche et développement permettant de développer l’esprit d’innovation en permanence et d’avoir une vision avantgardiste sur l’évolution des tendances et des cycles de vie des produits. En ce qui concerne la formation continue de leurs employés, soit ces entreprises font appel soit à des formateurs externes pour développer la technicité et le savoir-faire de leurs artisans, soit elles disposent de leur propre académie de formation. Ces formations concernent aussi bien le perfectionnement des techniques de production que le développement des techniques de vente. Parallèlement, les entreprises leaders disposent de systèmes d’information qui gèrent l’ensemble des activités de soutien : comptabilité, budget, achats, inventaire, vente, gestion de la relation-client, gestion de projet, ressources humaines, etc.). À l’encontre de la gestion manuelle et traditionnelle, les systèmes d’information permettent aux entreprises leaders de prendre des décisions basées sur des informations en temps réel. 2.1.2. Diagnostic externe Comme tout secteur économique ayant sa place dans l’économie nationale et qui participe aux échanges internationaux, le secteur de l’artisanat est influencé indistinctement par son macro-environnement et son micro-environnement. Ainsi, afin de capter l’impact des facteurs externes sur le secteur de l’artisanat, il est essentiel de diagnostiquer ces deux types d’environnement. Analyse du macro-environnement du secteur L’analyse du macro-environnement du secteur de l’artisanat à travers l’évolution de ses exportations montre que celui-ci demeure influencé par les fluctuations économiques internationales et par les événements géopolitiques. En effet, l’évolution des exportations durant la période allant de 1998 à 2015 met en évidence une baisse de 28 %. Cette situation s’est détériorée dans les années postérieures à 2001, qui correspondent à l’après 11-Septembre et qui renvoient à une situation géopolitique internationale morose (graphique 18). Cette situation s’est accentuée avec la crise financière qui s’est déclenchée à l’été 2007 aux États-Unis et qui s’est propagée dans le monde entier. La crise financière a également eu une incidence sur les PME artisanales dont l’activité de production est majoritairement destinée à l’export et dont la variation du chiffre d’affaires révèle une baisse de 14 points entre 2008 et 2009. 332 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 18 Évolution des exportations des produits de l’artisanat marocain entre 1998 et 2015 (en milliers de dirhams) Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de Haut-Commissariat au Plan (1998-2005) et de l’Observatoire national de l’artisanat (2006 à 2015). Graphique 19 Évolution des exportations des produits de l’artisanat marocain par débouché entre 1998 et 2015 (en milliers de dirhams) Pays de l’UE États-Unis et Canada Pays arabes et africains Australie Japon Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de Haut-Commissariat au Plan (1998-2005) et de l’Observatoire national de l’artisanat (2006 à 2015). Les exportations marocaines des produits de l’artisanat vers l’Union européenne (UE) ont connu leur plus importante baisse (– 51 % en 2015 par rapport à 1998), alors que l’UE est le principal débouché de l’artisanat marocain (voir graphique 19). Par contre, elles ont connu une augmentation sur d’autres marchés tels que les États-Unis et le Canada, les pays arabes et les pays africains, l’Australie et le Japon. Analyse du micro-environnement du secteur L’analyse du micro-environnement du secteur de l’artisanat montre que la politique de développement du secteur et les mesures d’incitation fiscale initiées par l’État donnent un élan à ce secteur. Il est à signaler également, que le micro-environnement est en partie influencé par le macro-environnement. En effet, malgré l’amélioration continue du chiffre d’affaires global du secteur, son taux de variation révèle une baisse Artisanat 333 substantielle après 2008. Cette baisse a concerné aussi bien les PME, qui sont généralement orientées vers l’export, que les mono-artisans qui sont la majorité des acteurs du micro-environnement du secteur de l’artisanat et dont l’activité est dédiée majoritairement au marché national (voir graphique 20). Graphique 20 Taux de variation du chiffre d’affaires des mono-artisans entre 2006 et 2015 Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat (de 2006 à 2015). Toutefois, ce secteur demeure soutenu par les initiatives de l’État : l’INDH ; la stratégie Vision 2015 pour le développement de l’artisanat et le dispositif d’incitation fiscale en faveur des entreprises artisanales. L’INDH, lancée en 2015, a favorisé la création de coopératives artisanales, qui ont bénéficié d’un financement. Leur nombre a été multiplié par 7,7 entre 1998 et 2015, or c’est à partir de l’année 2005 que leur nombre a connu l’augmentation la plus importante. Concernant la stratégie Vision 2015 qui vise la restructuration et la modernisation du secteur de l’artisanat, ses retombées ont été bien visibles et concrétisées en partie par l’augmentation du nombre des PME artisanales. En effet, après la mise en œuvre de cette stratégie, le nombre des PME artisanales a presque triplé, passant de 310 en 2006 à 848 en 2015. Par ailleurs, les entreprises artisanales, dont la production est le résultat d’un travail essentiellement manuel, bénéficient d’un taux réduit de 17,5 % de l’impôt sur les sociétés (IS) et d’un taux réduit de 20 % de l’impôt sur le revenu (IR) pendant les cinq premiers exercices consécutifs suivant la date du début de l’exploitation (Ministère de l’Économie et des Finances, 2016). 2.2. Facteurs de changement du secteur Les diagnostics externe et interne du secteur de l’artisanat ont permis de mettre en exergue les principaux facteurs susceptibles d’avoir de profondes répercussions sur les acteurs du secteur. On distinguera les facteurs internes et externes de changement du secteur de l’artisanat au Maroc. 334 Profils sectoriels et émergence industrielle 2.2.1. Facteurs de changement internes Nous distinguons les facteurs qui influencent la nature de la demande et ceux qui influencent la nature des acteurs. La demande des produits de l’artisanat marocain est essentiellement liée aux goûts et aux tendances du marché. Ainsi, les préférences des consommateurs occupent un rôle central, dans la mesure où un changement dans leurs goûts implique une mutation dans leurs préférences et donc dans leurs choix quant aux produits artisanaux. Ces changements sont soit la résultante d’une simple évolution dans les goûts soit, généralement, le résultat d’une évolution technologique ou d’une innovation qui redirigent la demande vers des produits plus innovants et plus responsables (comme par exemple l’utilisation de matières premières non nocives). Ces changements technologiques et ces innovations sont ainsi des facteurs qui impliquent des changements dans la demande du secteur de l’artisanat. Par ailleurs, la nature des acteurs opérant dans le secteur ainsi que l’intensité de la concurrence dépendent de plusieurs éléments dont essentiellement les programmes d’encouragement à l’émergence d’acteur modernes et structurés. Face au développement de produits de substitution aux produits artisanaux et à la forte concurrence étrangère, les entreprises marocaines ont besoin d’un soutien pour assurer leur pérennité. Ceci était patent après la mise en œuvre de la stratégie de développement et de modernisation du secteur qui a favorisé l’augmentation du nombre de PME leaders. De même, de nombreux groupements d’entreprises et de partenariats entre entreprises du secteur ont vu le jour. Ainsi, le facteur institutionnel qui vise le développement du secteur est également un facteur de changement interne de la nature du secteur. Les plans de développement territoriaux initiés par l’État influencent également la concentration géographique des acteurs du secteur de l’artisanat. L’apparition de nouveaux pôles industriels (par exemple Tanger Med et Settapark) a favorisé une distribution territoriale plus disparate des PME artisanales au Maroc. En somme, les facteurs internes de changement du secteur de l’artisanat s’articulent autour de trois éléments : 1. les innovations technologiques qui modifient la nature de la demande ; 2. les actions œuvrant pour le développement et la modernisation du secteur qui modifient la nature et la qualité des acteurs du secteur ; 3. la création de nouveaux pôles industriels qui modifie la distribution territoriale des acteurs du secteur. Artisanat 335 2.2.2. Facteurs de changement externes Bien qu’il soit lié à l’évolution des tendances et aux exigences de la demande, le secteur de l’artisanat demeure fortement dépendant des fluctuations internationales et de la politique d’ouverture du Maroc sur le monde. Une modification dans les perspectives économiques internationales, notamment celles des principaux débouchés pour les exportations des produits de l’artisanat, influence grandement l’évolution du secteur. Le repli des exportations est positivement lié à une situation géopolitique mondiale moins optimiste dans les principaux pays partenaires du Maroc. Par ailleurs, les partenariats et accords d’échanges établis par le Maroc avec de nouveaux partenaires (par exemple les pays de l’Afrique, le Japon etc.) favorisent l’insertion des produits marocains sur de nouveaux marchés et la diminution sa dépendance vis-à-vis des pays de l’Europe. Ainsi, les facteurs externes susceptibles d’induire un changement du secteur de l’artisanat sont essentiellement : les fluctuations économiques, la modification des conditions géopolitiques internationales et les accords d’échanges commerciaux. 3. Forces, faiblesses, opportunités et menaces Les forces et les faiblesses du secteur de l’artisanat renvoient aux facteurs internes du secteur, alors que les opportunités et les menaces renvoient aux facteurs externes. Nous analysons, dans un premier volet, le niveau interne du secteur qui se caractérise par la prédominance des mono-artisans chez les PME et dont la production est principalement destinée au marché local. Le deuxième volet portera sur l’analyse du niveau externe du secteur dont les exportations sont dépendantes de la conjoncture économique. Ces exportations souffrent de la concurrence des produits en provenance des pays ayant une main-d’œuvre bon marché. Malgré ces menaces, le secteur profite des opportunités offertes par la nouvelle politique d’ouverture du pays sur l’extérieur, l’instauration d’un régime de change flexible et surtout des incitations fiscales en faveur des PME. 3.1. Forces et faiblesses En dépit des programmes de relance du secteur de l’artisanat, le processus de sa restructuration se révèle très lent. En effet, le secteur de l’artisanat est caractérisé par une forte prédominance des mono-artisans dont la production 336 Profils sectoriels et émergence industrielle n’est pas toujours modernisée. A l’instar des coopératives artisanales, leur production est destinée principalement au marché national. Par ailleurs, bien que le nombre des PME artisanales ait triplé entre 2006 et 2016, celles-ci couvrent faiblement le marché national, car leur production est principalement destinée à l’exportation. Elles restent concentrées principalement dans les cinq pôles urbains du Maroc. Casablanca absorbe 40 % de l’emploi créé dans le secteur. Ces PME sont innovantes, structurées et compétitives grâce aux produits authentiques à fort contenu culturel. Elles opèrent depuis longtemps dans le secteur de l’artisanat (5). Elles maîtrisent l’ensemble de la chaîne de valeur de leur filière et procèdent à l’informatisation de leurs travaux à travers l’implémentation des systèmes d’information, réussissant ainsi leur processus de modernisation. Leur pérennité est due à la qualité des produits assurée par la mise en place d’un processus de contrôle-qualité, notamment le « système management qualité » (6). Ces PME leaders prônent des stratégies d’innovation grâce à l’investissement dans la recherche et développement (R&D) et accordent une importance à la formation continue de leurs artisans pour répondre aux attentes des consommateurs. Tableau 1 Analyse des facteurs internes sources de forces et de faiblesses Forces Facteurs internes au secteur • PME leaders : – maîtrisent la chaîne de valeur ; – disposent du système management qualité ; – prônent l’innovation à travers la R&D ; – formation continue ; – disposent d’un système d’information ; – entreprises établies depuis longtemps. • Avantage concurrentiel de différenciation. • Produits authentiques, issus principalement d’un travail manuel. • Produits à fort contenu culturel issu du patrimoine marocain. Faiblesses • Prédominance de mono-artisans. • Nombre de PME relativement faible. • Faible couverture du marché national par les PME. • Concentration dans quelques villes. • Coût élevé de la main-d’œuvre en comparaison avec les pays asiatiques. Analyse effectuée sur la base de : i) la documentation publiée par les PME leaders ; ii) les données publiées par le département de l’Artisanat ; iii) les données publiées par l’Observatoire national de l’artisanat. 5. C’est le cas par exemple d’une entreprise nommée à deux reprises « acteur de référence » et qui opère sur le secteur depuis 1952 dans le domaine des bougies et de l’artisanat de luxe. 6. C’est le cas d’une entreprise nommée « acteur de référence » qui opère sur le secteur depuis 1975 dans le domaine de la fabrication de pièces industrielles en métaux non ferreux et qui dispose d’un certificat ISO 9001 version 2008. Artisanat 337 Ces facteurs permettent aux entreprises du secteur d’avoir une connaissance fine et visionnaire de l’évolution de la demande et leur procurent un avantage concurrentiel basé sur la différenciation du produit à la fois unique et de bonne qualité. Une augmentation du nombre de PME artisanales leaders pourrait constituer une source de dynamisme du secteur de l’artisanat. Cette augmentation est possible grâce à l’encouragement de l’entrepreneuriat dans le secteur de l’artisanat et/ou au développement de la technicité et du savoir-faire des mono-artisans. Ces derniers peuvent se regrouper dans des coopératives et des groupements d’intérêt économique (GIE), qui facilitent la vente de leurs produits sur le marché national et international. Par ailleurs, l’émergence de nouveaux pôles urbains, à l’image de TangerTétouan, peut favoriser une déconcentration de l’offre artisanale et d’emblée participer à la création d’emplois dans d’autres des villes que Casablanca. 3.2. Opportunités et menaces Le diagnostic externe du secteur de l’artisanat a permis de recenser les menaces susceptibles de gêner son développement mais également les opportunités offertes par le marché. En effet, les PME artisanales leaders sont majoritairement orientées vers l’export, rendant la prospérité de leurs activités dépendantes de la conjoncture économique internationale. La chute des exportations artisanales marocaines de près de 14 points en 2009 par rapport à 2008 en est la meilleure illustration (voir graphique 18). Cette dépendance à la conjoncture économique est aggravée par l’étroitesse du marché extérieur, limité à l’Union européenne et particulièrement à la France et à l’Allemagne. De plus, les produits marocains sont durement confrontés à la concurrence des produits provenant des pays du Maghreb et de l’Asie et des produits de substitution (7) dont les prix sont relativement moins chers (Conseil national du commerce extérieur, 2013). Par ailleurs, le secteur de l’artisanat pourrait bénéficier des offertes par le marché, dans la mesure où celui-ci constitue développement de ses activités. En effet, l’orientation vers extérieurs est motivée par une forte croissance de la demande marocains, demande formulée par certains pays africains et émergents, notamment le Japon. opportunités le levier du les marchés des produits par les pays 7. Par exemple l’industrie de la chaussure en cuir est concurrencée par la chaussure synthétique en caoutchouc et en plastique dont le prix est relativement moins cher. 338 Profils sectoriels et émergence industrielle Tableau 2 Analyse des facteurs externes sources d’opportunités et de menaces Opportunités Facteurs externes au secteur • Forte croissance de la demande des produits de l’artisanat dans des pays émergents. • Ouverture du Maroc sur de nouveaux pays : Chine, Japon, Inde, Afrique. • Régime de change flexible = compétitivité – prix. • Soutien fiscal aux PME artisanales. • Programmes de développement du secteur. Menaces • Dépendance aux conditions économiques internationales. • Faible présence des produits de l’artisanat marocain dans certains pays. • Concurrence des pays asiatiques et du Maghreb. • Existence de produits de substitution moins chers. • Faible compétitivité des produits marocains. • Changement continu des préférences des consommateurs. Analyse effectuées sur la base de : i) la documentation publiée par les PME leaders ; ii) les données publiées par le département de l’Artisanat ; iii) les données publiées par l’Observatoire national de l’artisanat. Par ailleurs, le secteur de l’artisanat pourrait bénéficier des offertes par le marché, dans la mesure où celui-ci constitue développement de ses activités. En effet, l’orientation vers extérieurs est motivée par une forte croissance de la demande marocains, demande formulée par certains pays africains et émergents, notamment le Japon. opportunités le levier du les marchés des produits par les pays La politique d’ouverture du Maroc a été entérinée par la signature de conventions d’échanges commerciaux, avec la Chine et l’Inde, qui permettront, au final, de réduire la dépendance à l’égard du marché européen. Cette opportunité est accompagnée d’un certain nombre d’initiatives étatiques visant à encourager les entreprises de l’artisanat à développer leur production à même de détenir des positions dominantes sur les marchés local et international. Les stratégies de développement propres au secteur et le soutien fiscal des PME artisanales en sont les meilleurs exemples. Par ailleurs, l’adoption par le Maroc, à partir de 2018, du régime de change flottant permettrait aux produits marocains de gagner en compétitivité-prix et, partant, d’avantager les entreprises artisanales exportatrices (8). En conclusion, l’artisanat au Maroc est aujourd’hui un secteur à part entière, qui participe aux échanges internationaux et à la création de la richesse et de l’emploi du pays. 8. Le régime de change flottant est un régime où le taux de change est déterminé par la confrontation de l’offre et de la demande des devises sur le marché des changes sans intervention des autorités monétaires (ou très peu). Artisanat 339 Ce secteur a connu le développement d’un tissu de PME artisanales modernisées, structurées, maîtrisant l’ensemble de la chaîne de valeur de leur filière et accordant une importance à l’innovation. Les facteurs créateurs de valeur de ces entreprises s’articulent autour du système management qualité, de la recherche et développement, de la formation continue et du système d’information. A la différence des mono-artisans, les PME sont principalement orientées vers les activités exportatrices. Leur nombre et leur chiffre d’affaires sont en forte augmentation. Les PME et les mono-artisans sont principalement concentrés dans les villes de Casablanca, Marrakech, Fès, Rabat-Salé, Tanger-Tétouan, alors que les coopératives artisanales sont plus dispersées géographiquement. Elles sont prépondérantes dans les grands pôles urbains et dans les régions du Sud et de l’Oriental. A ce jour, les actions et les programmes menés pour développer et faire émerger des PME modernisées ont permis une véritable métamorphose du secteur. Ces actions pourraient être optimisées par des facteurs internes et externes. Les facteurs internes peuvent s’articuler autour des innovations technologiques qui modifient la nature de la demande, les actions œuvrant pour l’amélioration de la compétitivité et la modernisation du secteur qui modifient la nature et la qualité des acteurs du secteur et enfin la création de nouveaux pôles industriels qui modifient la distribution territoriale des acteurs du secteur de l’artisanat. Quant aux facteurs externes, touchant essentiellement les exportations, ils concernent les fluctuations économiques mondiales, les relations géopolitiques internationales, les accords d’échanges commerciaux et la compétitivité des produits de l’artisanat marocain. En définitive, l’analyse interne du secteur de l’artisanat a permis de constater que les PME artisanales prônent un avantage concurrentiel de différenciation qui leur assure une certaine pérennité. Toutefois, elles demeurent concentrées dans quelques pôles urbains du Royaume. L’analyse externe a montré que les produits de l’artisanat connaissent une forte demande des pays étrangers. Cependant, ils sont concurrencés par les produits de substitution et par ceux qui viennent des pays de l’Asie et du Maghreb et qui sont moins chers. 340 Profils sectoriels et émergence industrielle Face à ce constat, la dynamique du secteur de l’artisanat pourrait être stimulée grâce à la mise en place d’un certain nombre d’actions : l’incitation au développement de PME artisanales modernes et structurées, la création de nouveaux pôles urbains et industriels comme celui de Tanger-Tétouan, la distribution équilibrée de leur localisation et la recherche de nouveaux débouchés pour le secteur. Références bibliographiques Benallal L. et Messaoudi M.L. (1981), l’Art de vivre marocain, Paris, Eddif international. Bureau international du travail (1960), les Problèmes du travail en Afrique du Nord, Tunis. Bureau international du travail (1966), la Situation et le développement du mouvement coopératif, Genève. Conseil national du commerce extérieur (2013), Étude sectorielle : l’industrie de la chaussure. Cours des comptes (2015), Maison de l’artisan : synthèse. Délégation générale à la promotion nationale et au plan (1965), Plan triennal 1965-1967. Département de l’artisanat (1998), Éléments de stratégie pour la promoion du secteur de l’artisanat. Dessain et Tolra (1983), l’Artisanat créateur marocain, Milan, Almadariss. Direction de la planification (1981), Plan de développement économique et social 1981-1985. Direction de la programmation (2000), Plan de développement économique et social 2000-2004. El Bouhadi A., Elkhider A., Kchirid E. et El Abbassi I. 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Des projets ambitieux ont permis d’augmenter la capacité litière, de faciliter l’accessibilité, d’augmenter la desserte aérienne et de diversifier l’offre touristique. Ce secteur constitue un important pourvoyeur de devises et tient une place importante dans l’économie avec une contribution qui avoisine 7 % au PIB environ 1 million d’emplois et des recettes de 72 milliards de dirhams en 2017. Le pays semble consolider sa position sur la rive sud du pourtour méditerranéen, et Marrakech se positionne comme la ville à voir au côté des destinations internationales… Le tourisme se diffuse sur le territoire, bénéficiant d’un engouement de la demande, de la proximité des marchés émetteurs et surtout de l’élan de la stratégie touristique (Visions 2010 et 2020). Il est à souligner que le nombre de touristes arrivés sur le territoire marocain a été évalué en 2017 à 11,35 millions, avec environ 22 millions de nuitées. Néanmoins, les performances réalisées demeurent mitigées, eu égard aux stratégies lancées depuis 2001 et aux objectifs fixés pour le développement du secteur touristique. Le rythme de progression de la capacité d’hébergement n’est pas suffisant pour que le Maroc puisse atteindre une capacité d’hébergement de 460 000 lits, fixée comme objectif stratégique à l’horizon 2020. En outre, plusieurs facteurs ont entravé la relance du secteur tels que les événements du Printemps arabe qui ont impacté négativement la capacité du pays à vendre son argument de sécurité et les turbulences de la conjoncture internationale marquées par la récession de l’économie mondiale. S’inscrivant dans le cadre de programme de recherche « Made in Morocco », la présente étude se fixe globalement comme objectif de faire la radioscopie 344 Profils sectoriels et émergence industrielle du secteur du tourisme au Maroc en examinant ses différentes caractéristiques portant aussi bien sur le cadre stratégique (Visions 2010 et 2020) que sur le cadre réglementaire et de gouvernance. L’analyse se focalisera par la suite sur une rétrospective du secteur du tourisme durant les deux dernières décennies, en mettant en exergue la demande et l’offre touristique à travers le diagnostic de l’évolution d’un ensemble d’indicateurs sectoriels (arrivées, nuitées, durée de séjour, etc.). Enfin, l’accent sera mis sur les principales contraintes et les défis à relever pour le développement du secteur tout en proposant des pistes d’amélioration des performances du secteur touristique et de son positionnement à l’échelle internationale. 1. Caractéristiques structurelles du secteur Le tourisme moderne est un fait récent au Maroc. Il démarre pendant le Protectorat, d’abord pour les colons, dans de petites poches touristiques, puis évolue avec le temps. Le tourisme itinérant devient le concept-clé du tourisme marocain construit autour des circuits mythiques des villes impériales et du Grand Sud, avant les tentatives ratées de développement du balnéaire à Tanger puis à Agadir à partir des années 60. Eternel espoir (1), le tourisme se développe timidement dans un contexte très difficile. Le Maroc a fait du tourisme un secteur prioritaire pour assurer son développement économique social. Une attention particulière lui a été accordée depuis les premières années de l’Indépendance et a permis de renforcer certains acquis. La place importante, qu’il tient dans l’économie confirmera le choix des décideurs. En effet, l’économie du pays est fragile et dominée par un secteur agricole conditionné par les aléas du climat et d’une sécheresse chronique, un secteur industriel faible largement dominé par l’extraction minière d’exportation et un secteur des services naissant. Les orientations des organismes financiers internationaux depuis les années 70 (2), et les chutes des prix des matières premières feront du tourisme un secteur de premier plan. Par ailleurs, le pays a évolué d’une planification sectorielle traditionnelle, dans le cadre des plans de développement socio-économique, vers une planification stratégique décennale depuis les années 2000. Les Assises nationales du tourisme de Marrakech en janvier 2001 marquent un tournant 1. A. Alami (2004), le Tourisme marocain : l’éternel espoir, Front Cover, Éditions Media Ten, 2004. 2. P. Aisner, C. Plüss (1983), la Ruée vers le soleil : le tourisme à destination du Tiers-monde, Front Cover, L’Harmattan, Tourisme, 281 pages. Tourisme 345 dans la gouvernance du secteur autant qu’au niveau de la planification. Celle-ci est marquée par le signe de la participation et de la contractualisation des engagements entre le secteur public et le secteur privé. La Vision 2010, née du contrat programme signé lors de ces premières Assises, viendra appuyer la position prioritaire du secteur tout en prenant en considération les variables territoriales et la régionalisation de la politique. Des points qui reviendront encore plus forts dans la Vision 2020. 1.1. Vision 2010 : un nouveau système de régulation La Vision 2010 vient mettre fin à de longues années de tâtonnements, marquées par la forte présence de l’État dans le secteur touristique à la fois en tant que planificateur, promoteur et investisseur. L’action du secteur privé était souvent timide et en deçà des attentes d’un État qui avait fait le choix du libéralisme économique. La Vision 2010 constitue ainsi un tournant. Le mérite de la Vision 2010 est d’avoir institué la contractualisation public-privé à travers un accord-cadre puis un accord d’application entre le gouvernement et la Confédération générales des entreprises marocaines (CGEM) sous la coupe de laquelle nous trouvons la Fédération nationale des agences de voyage marocaines (FNAVM) et la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH). Cette nouvelle conception de la planification touristique s’est basée sur un diagnostic que le secteur privé avait suggéré et une approche participative qui a permis d’édifier plusieurs plans. La stratégie s’est attelée à corriger les erreurs passées et à pallier les défaillances du secteur face à une concurrence internationale acharnée. Ainsi, le tourisme balnéaire a reçu la part du lion des investissements, dans le cadre du très ambitieux Plan Azur. La vision avait prévu la création de plusieurs stations balnéaires sur de nouveaux territoires, loin de la seule et unique station balnéaire d’Agadir qui concentrait l’essentiel de l’offre. La vision prévoyait 65 000 chambres balnéaires contre 15 000 chambres sur les destinations culturelles. Ces chambres devaient être en majorité concentrées dans des stations touristiques de nouvelle génération dans des zones touristiques intégrées créées ex nihilo : la station Saïdia, sur le littoral méditerranéen, et cinq autres stations sur la côte atlantique : Lixus, Mazagan, Mogador, Taghazout et Plage blanche. Des projets d’envergure devaient voir le jour grâce à des sociétés d’aménagement et de promotion touristique internationales (tableau 1, p. 4), appuyés par des fonds d’investissements marocains (H Partners, Fonds Maghrib Siayha, Madaëf et le Fonds Hassan II). 346 Profils sectoriels et émergence industrielle Encadré 1 Vision 2010 en chiffres Les principaux objectifs de la Vision ont été : • 8 à 9 milliards d’euros d’investissements (aménagement des nouvelles stations balnéaires, infrastructures, hôtellerie et animation) ; 10 millions de touristes, dont 7 millions de touristes internationaux (contre 5,5 M en 2005) ; • 8 milliards d’euros de recettes en devises ; • 160 000 lits supplémentaires (130 000 lits balnéaires et 30 000 lits dans les destinations culturelles du pays) portant la capacité nationale à 230 000 lits ; • recettes : le montant prévu est de 42 milliards d’euros ; • emploi : 600 000 emplois nouveaux seront créés ; • hisser la contribution du secteur touristique dans le PIB du pays à 8,5 % par an pour atteindre 20 % en 2010. Source : Accord d’application de l’accord-cadre 2001-2010. D’autres chantiers, non programmés dans le cadre de la stratégie, vont enrichir le portefeuille-projet balnéaire : Cala Iris, Tamuda Bay, Oued Chbika Dakhla, aussi bien que de nouveaux projets pour le réaménagement des grandes villes : la Marina de Casablanca, la Vallée du Bourgereg, la Marina de Tanger, la zone touristique de l’Oukaimeden et le projet Nador Marchika. En plus du choix prioritaire du balnéaire, d’autres programmes, en l’occurrence Mada’in, visaient le développement et le renforcement de l’offre culturelle des villes impériales de Marrakech et Fès aussi bien que Casablanca, Tétouan et les régions Ouarzazate-Zagora, Meknès-Tafilalet dans le secteur présaharien, notamment dans le cadre des programmes de développement régionaux (PDR). Par ailleurs, une attention particulière a été accordée au tourisme rural. À l’image de la démarche française du développement de « pays touristiques français », la Vision 2010 donnait naissance au projet de PAT (Pays d’accueil touristique) (3). Visant la structuration d’une offre homogène qui s’appuie sur une identité forte et fédératrice dans les espaces ruraux (4), elle aura permis d’amorcer un processus novateur dans ces espaces périphériques et marginaux. 3. OMT-PNUD (2002), « Étude de la Stratégie de développement du tourisme rural », la Société marocaine d’ingénierie touristique, Stratégie de développement du tourisme rural, Madrid, mars 2002. 4. Les 8 Pays d’accueil touristique prévus par la stratégie sont : les Pays rifains, les Pays des Beni Iznassen et du Maroc oriental, les Pays de la Cédraie-Moyen Atlas, les Pays de la Plaine Tourisme 347 Tableau 1 Les cinq stations prévues dans le Plan Azur Saïdia Lixus Mazagan Mogador Capacité litière 28 000 Capacité hôtelière 16 000 Capacité immobilière Taghazout 12 000 8 000 10 500 21 000 7 500 3 900 6 600 15 800 12 000 4 500 4 100 3 900 5 200 Investissements (MdDh) 9,3 5,3 5,3 5,6 — Dont investissements aménageur (MdDh) 3,7 > 1,4 > 2,5 > 2,4 10 Superficie (ha) Aménageur Début des travaux Ouverture du 1er hôtel 614 Fadesa 461 Thomas & Piro, ColbertOrco, Delta holding, Promoteur belge 500 Kerzner, Somed, CDG, MAMDA 500 Thomas & Prion, Risma, ColbertOrco 868 Groupement Colony Capital/ Satoca, Lopesan Fév. 2004 Janv. 2006 Oct. 2005 Juil. 2005 Jan. 2007 2006 2007 2007 2007 2009 Source : Haut-Commissariat au Plan, Tourisme 2030 : quelles ambitions pour le Maroc ?, Prospective Maroc 2030. La Vision 2010 révèle aussi le rôle important joué par l’État, qui reste encore présent en tant qu’investisseur et promoteur touristique. Son action apparaît à travers la Caisse de dépôt et de gestion (Maroc Hôtels et Villages, la CGI ou d’autres sociétés), ses sociétés de gestion touristiques ou de promotion (SMIT et ONMT) aussi bien qu’à travers les collectivités territoriales (commune, province, région). Les services extérieurs des différents ministères (HautCommissariat aux Eaux et Forêt et à la Lutte contre la Désertification, Agence pour la promotion et le développement économique et social des préfectures du Nord, Agence pour la promotion et le développement économique et social de l’Oriental, Agence pour la promotion et le développement économique et social des Provinces du Sud…) ont été très présents dans cette nouvelle dynamique. Des rôles de promotion de investissements ont été octroyés aux centre régionaux d’investissement, tandis que les conseils régionaux du tourisme, organes qui fédèrent des acteurs touristiques dans la même région, atlantique, les Pays du Haut Atlas, les Pays du désert et des oasis, les Pays de l’arganier, les Pays du désert atlantique. 348 Profils sectoriels et émergence industrielle voient le jour dans le but d’une participation plus élargie au développement du secteur touristique. En somme, la vision s’est basée sur six différents chantiers (produit, transport, marketing, organisation, formation et environnement touristique), qui devaient permettre de relancer le tourisme au Maroc. En dépit des difficultés, elle constitue un tournant dans la planification stratégique qui va connaître un prolongement avec la vision 2020. 1.2. Vision 2020 : l’accent sur les territoires La Vision 2020 vise à renforcer les efforts déjà engagés et à consolider les acquis de la première, dont les réalisations ont été retardées et limitées par une conjoncture difficile et un environnement international compliqué. Cette nouvelle stratégie touristique s’est engagée dans la voie de la bonne gouvernance dans une nouvelle démarche de partenariat et de concertation public-privé. Une pléthore d’organismes et d’institutions ont vu le jour durant cette période, dans le but d’accompagner la réalisation de la stratégie. Malgré les échecs et les blocages de la Vision 2010, l’État réitère son engagement à faire du tourisme le levier du développement avec les mêmes engagements et les mêmes programmes. La nouvelle Vision propose de capitaliser sur les programmes-phares avec quelques ajustements qui permettront au pays de « Faire partie des 20 plus grandes destinations mondiales et s’imposer comme une référence du pourtour méditerranéen en matière de développement durable (5) ». Six programmes généraux ont été maintenus, couvrant plusieurs produits : Azur 2020 pour le balnéaire, Patrimoine et héritage pour le culturel, Écologie et développement durable, le programme Animation, sports & loisirs, un programme pour les niches et un autre consacré au tourisme national « Kounouz Biladi ». La nouvelle Vision vise 20 millions de touristes à l’horizon 2020 en misant sur une politique de prospection agressive des marchés émergents pour placer le pays dans les 20 premières destinations mondiales. En outre, la construction de 200 000 nouveaux lits permettrait de doubler la capacité litière et de créer 470 000 nouveaux emplois. Ces objectifs ont été dressés avec la volonté de poursuivre les efforts déjà entamés et de surpasser les difficultés et les blocages qui ont retardé les réalisations de la Vision antérieure. 5. SMIT, « 2020, Stratégie de développement touristique », Département du tourisme, ministère du Tourisme et de l’Artisanat, 2011. Tourisme 349 Encadré 2 Objectifs de la Vision 2020 Les objectifs fixés pour la Vision 2020 sont : • La construction de 200 000 nouveaux lits dont 150 000 hôteliers et 50 000 assimilés afin de doubler la capacité litière du Royaume. • Doubler en conséquence les arrivées de touristes, en doublant les parts sur les principaux marchés européens traditionnels et en attirant 1 million de touristes issus des marchés émergents. • Tripler le nombre de voyages domestiques, avec l’objectif de démocratiser le tourisme dans le pays. • Créer 470 000 nouveaux emplois directs sur l’ensemble du territoire, pour employer au terme de la décennie près d’un million de Marocains. • Accroître les recettes touristiques pour atteindre 140 milliards de dirhams en 2020, soit une somme cumulée sur la décennie proche de 1 000 milliards de dirhams. • Accroître de deux points la part du PIB touristique dans le PIB national pour atteindre près de 150 milliards de dirhams contre 60 aujourd’hui. Source : SMIT, « 2020, Stratégie de développement touristique », Département du tourisme, Ministère du Tourisme et de l’Artisanat, 2011. Au-delà des objectifs chiffrés, la Vision 2020 a placé le souci du déséquilibre inter-régional au cœur des préoccupations. Cette lecture territoriale du développement, présente déjà dans la vision précédente, a pris de l’importance, en insistant sur le besoin d’équilibre et la valorisation des atouts des différents territoires dans le cadre du nouveau projet de régionalisation. Ainsi ont été définis huit territoires touristiques sous forme d’unité territoriale (6) présentant une offre similaire et unifiée. Transcendant le découpage administratif, le découpage touristique combine les potentialités communes des huit espaces que les régions administratives et les acteurs locaux devront développer en synergie. Dès lors, les territoires sont des entités touristiques plus à orientation marketing et promotionnelle à côté des Pays d’accueil touristiques (PAT) qui font désormais partie du programme Eco/ Développement durable. La consolidation des acquis des programmes PAT lancés dans la vision précédente devrait permettre de renforcer les efforts dans les espaces ruraux loin des espaces de concentration touristique. 6. Les nouveaux territoires touristiques sont : Souss-Sahara atlantique, Maroc Méditerranée, Marrakech Atlantique, Maroc Centre, Cap Nord, Centre Atlantique, Grand Sud Atlantique, Atlas et Vallées. 350 Profils sectoriels et émergence industrielle Par ailleurs, le patrimoine des villes impériales et des villes situées sur les grands axes des circuits touristiques devrait bénéficier d’un programme de réhabilitation des monuments (kasbahs, ksour, riads, fondouks, palais d’hôte, greniers...). Cette attention particulière vise la valorisation du tourisme urbain et la préservation du patrimoine bâti, en plus des programmes d’aménagement des villes lancés par le ministère de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville et par le ministère de l’Équipement à travers le programme des ports de plaisance. Figure 1 Carte des territoires touristiques au Maroc Source : ministère du Tourisme. Autre point fort de cette vision, la gouvernance a bénéficié de plusieurs mesures dans la lignée de la restructuration institutionnelle qui a commencé dix ans plus tôt avec la stratégie 2010. Il faut rappeler que la création de la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT) (7) et de l’Observatoire du tourisme est venue initier une revue des structures de l’administration de 7. Créée par la loi n°10-07 du 30 novembre 2007, sous forme de société anonyme à directoire et conseil de surveillance et placée sous la tutelle du ministère du Tourisme, la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT) va naître de l’absorption, par la SONABA, de la Société nationale de la baie de Tanger (SNABT) et de la Direction des aménagements et des investissements (DAI) relevant du ministère du Tourisme. Tourisme 351 tutelle. La SMIT devait prendre en charge les missions dédiées auparavant à la Direction des aménagements des investissements (DAI), alors que l’Observatoire était chargé du suivi statistique du secteur. Au niveau territorial, les conseils régionaux du tourisme et les conseils provinciaux du tourisme, qui ont accompagné la Vision 2010, devaient soutenir les efforts de décentralisation et appuyer les missions des CRI, tout en permettant de fédérer les acteurs du secteur touristique aux différents niveaux territoriaux. Ce dispositif institutionnel et territorial sera consolidé par une instance nationale fédérant acteurs publics et privés, la Haute Autorité du Tourisme (HAT) (dénommée initialement : Conseil national du tourisme) et par des instances régionales, les Agences de développement touristique (ADT). La HAT, qui n’a pas encore vu le jour, devrait prendre en charge la conception et l’exécution de la stratégie touristique au niveau national. C’est un organe de pilotage et de concertation où siégeront différents acteurs publics et privés (8) sous la tutelle du ministère du Tourisme. Elle sera relayée, à l’échelle locale, par les ADT qui devront veiller à la réalisation des contrats-programmes régionaux tout en étant des organes de réflexion et de concertation à l’échelle des huit territoires touristiques. La stratégie a prévu que les ADT soient gérées par des conseils d’administration formés par les représentants de l’administration, les professionnels du tourisme et leurs associations. Elles devront absorber des structures comme les délégations régionales du tourisme, les conseils régionaux du tourisme (CRT) et les conseils provinciaux du tourisme (CPT) et œuvrer en collaboration avec les CRI. Ces derniers avaient vu le jour dans la même période du démarrage de la stratégie 2010. L’association des acteurs privés, des associations de professionnels du tourisme et des différentes parties prenantes dans la gouvernance du tourisme dans le cadre de ces nouvelles institutions étant la finalité des décideurs. 1.3. Renouvellement du cadre juridique des différentes activités liées au tourisme Dans le cadre de la Vision 2010 et 2012, un grand chantier législatif a été engagé afin d’assainir le climat des affaires. Hébergement touristique, agent de voyages, de transport ou de guidage… tous ces métiers ont subi de profonds changements, l’entrée de nouveaux intervenants perturbant le 8. La HAT, dont le ministère de Tourisme assure le secrétariat général, est composée d’une dizaine d’autres ministères, la CGEM et cinq représentants du secteur privé (représentants des fédérations professionnelles). 352 Profils sectoriels et émergence industrielle système touristique classique et menaçant les acteurs traditionnels. Il était alors nécessaire de revoir les textes législatifs qui régissent chaque activité et de procéder à des réformes qui allaient changer plusieurs paramètres de l’activité touristique marocaine. 1.3.1. La nouvelle loi sur l’hébergement touristique Le métier de l’hébergement touristique était régi par la loi 61-00 (dahir n° 1-02-176 du 13 juin 2002) portant statut des établissements touristiques, qui précisait les normes de classement pour chaque catégorie. Cette loi a été modifiée et complétée par la loi 01-07 (dahir n° 1-08-60 du 23 mai 2008) relative aux résidences immobilières de promotion touristique (RIPT). Ce dispositif a été modifié et complété encore une fois par la loi n° 80-14, publié en octobre 2015 (9), relative aux établissements touristiques et aux formes d’hébergement touristique. La nouvelle loi sur les établissements touristiques, en attente des décrets d’application, élargit le périmètre de classement pour couvrir de nouveaux types d’hébergement tout en faisant la distinction entre les établissement d’hébergement touristique (hôtel, hôtel club, résidence de tourisme, maison d’hôtes, riad, kasbah, gîte, pension et camping) et les autres hébergements (bivouac, hébergement chez l’habitant et autre hébergement alternatif…). Elle apporte aussi des modifications importantes dans le processus d’autorisation et de classement. En conséquence, l’édification de nouveaux établissements sera assujettie à une procédure de classement provisoire au moment de l’obtention du permis de construire qui devra répondre à des exigences et des standards, en termes d’ouvrage d’art et de sécurité, spécifiques à chaque type d’hébergement. S’ensuit après une autorisation d’exploitation avant l’ouverture de l’établissement qui permet de juger la conformité de l’établissement aux normes d’hygiène et de sécurité des standards préétablis dans le classement provisoire, selon les exigences de la loi. Cette procédure se déroule en deux phases : d’abord, avant la délivrance de l’autorisation d’exploitation, par des auditeurs du ministère du Tourisme, puis par les contrôles complémentaires de clients anonymes. Conscient de l’importance de l’hébergement dans le système touristique national, le législateur a veillé à la mise à niveau des règles et normes de classement et de qualité des prestations des structures. La petite hôtellerie 9. Loi 80-14 du 1er moharrem 1437 (14 octobre 2015) relative aux établissements touristiques et aux autres formes d’hébergement touristique, Bulletin officiel n° 6404, p. 3755-3762. Tourisme 353 de caractère comme les riads, les kasbahs et les maisons d’hôtes, qui confère un cachet d’authenticité à l’offre touristique tout en permettant de renforcer l’offre d’hébergement du pays, a fait l’objet d’une grande attention de la part du législateur qui précise la particularité de ces hébergements et le besoin de préserver des édifices du patrimoine bâti marocain que cette réaffectation à des fins touristiques permet depuis le début du phénomène de gentrification. Il était dès lors prioritaire de préciser les normes et les standards afin que leur transformation n’altère pas le cachet d’originalité, d’une part, et qu’elle soit, d’autre part, en phase avec les normes internationales d’hébergement touristique. Élaborée en partenariat avec l’OMT (Organisation mondiale du tourisme) et suivie de la formation d’un corps d’auditeurs spécialistes assermentés, la procédure de classement et de contrôle vient aussi renforcer le nouveau système de mise à niveau des hébergements en apportant davantage de rigueur et de précision grâce à un canevas de contrôle informatisé. Encore une fois, les exigences de qualité, d’hygiène, de sécurité et de respect de l’environnement sont de mise et renforcent le dispositif de contrôle systémique auquel s’ajoute un contrôle humain par des clients anonymes. La réforme de la loi des établissements touristiques n° 80-14 est accompagnée de la mise en place de la télé-déclaration des arrivées et des nuitées touristiques sur une plateforme électronique dédiée aux établissements et de la mise à niveau des conditions de la restauration touristique à la fois dans les volets aménagement des restaurants, hygiène, service et respect de l’environnement. Des mesures qui sont encore en attente de textes d’application. 1.3.2. La nouvelle loi sur les agences de voyages Les agences de voyages jouent un rôle primordial dans le tourisme marocain dans ses volets récepteur et émetteur. Le tissu des agences de voyages qui opèrent au Maroc a connu une évolution sensible depuis 2010. Selon les statistiques officielles du ministère du Tourisme, le pays comptait en 2016 près de 979 agences de voyages et 327 succursales. Le rythme d’ouverture a permis d’étoffer le réseau des agences et de leurs succursales. Ainsi, 319 nouvelles agences ont vu le jour en six ans, soit une moyenne annuelle de 53 agences entre 2010 et 2016, et les succursales sont passées de 199 en 2010 à 327 en 2016, soit 128 succursales de plus durant la même période, soit une moyenne annuelle de 21. Toutefois, seulement une poignée d’agences a le privilège d’avoir un réseau. Néanmoins, il se limite à un réseau de vente dédié au tourisme émetteur avec une faible activité de tourisme récepteur. La majorité des agences sont dominées par des activités de généralistes comme la billetterie et le corporate en plus de la 354 Profils sectoriels et émergence industrielle vente de packages de voyages organisés et de pélerinages à la Mecque destinés aux clients marocains. C’est la raison pour laquelle Casablanca concentre à elle seule 27,68 % des agences de voyages, suivie de Marrakech, 20,42 %, Rabat, 8,69 %, Tanger, 6,33 % et Agadir, 6,74 %. Les agences de voyages autant que le secteur touristique dans son ensemble se métamorphosent à cause de nombreux facteurs liés, entre autres, au contexte juridique, technique, environnemental, politique, social. En d’autres termes, les organisations sont influencées par les nouvelles orientations à la désintermédiation et l’ubérisation de leurs activités. Le législateur marocain, en adoptant la loi n° 11-16 (10), tente de répondre à cette situation. Désormais, l’activité d’agent de voyage intègre la distribution en ligne, notamment sans la médiation des voyagistes traditionnels. La nouvelle licence B concerne seulement la distribution sans que l’activité du prestataire ne soit exclusivement de nature agence de voyages (ministère du Tourisme, 2016). Dans l’attente des décrets d’application, cette loi suscite toujours une vive polémique. Toutefois, bien que les voyagistes lui reprochent son manque de clarté (11), elle a le mérite de pousser les agences à innover et à s’ouvrir sur le monde du digital et le e-tourisme. La loi n° 11-16 instaure une gradation de la licence agence de voyages en deux catégories : une licence de type A, pour les entités productrices et distributrices de voyages, et une de type B, pour les entités distributrices. Les activités de ces derniers rassemblent la « vente au nom et pour le compte d’un ou plusieurs agents de voyages des produits ou services… », aussi bien que « la vente des produits et services fournis par un ou plusieurs établissements d’hébergement touristique, restaurants touristiques, transporteurs ou guides de tourisme, en leur nom et à leur compte », peut-on lire à l’article 1 de la nouvelle loi. Hormis ces dispositions, les conditions de délivrance de la licence restent soumises à une procédure rigoureuse avec avis d’un comité technique consultatif et selon les modalités fixées par voie réglementaire à l’instar du dépôt d’une garantie financière, de la souscription d’une assurance responsabilité civile, de l’absence d’antécédents judiciaires pour les personnes 10. Cette loi vient modifier et compléter certaines dispositions de la loi n° 31.96 portant statut des agences de voyages. Elle précise les conditions de délivrance et d’exploitation des licences d’agence de voyages. Elle est complétée par le décret n° 2-97-547 du 25 joumada II 1418 (28 octobre 1997) fixant les modalités d’application de ladite loi. 11. Une des dispositions controversées est celle de donner la possibilité à des opérateurs de distribution d’exercer avec « possibilité d’opérer avec une domiciliation et/ou via un point de vente physique » peut-on lire dans la note présentation de la loi du ministère du Tourisme (ministère du Tourisme, 2016). Tourisme 355 physiques, etc. Les textes d’application de la loi devraient apporter davantage d’éclairage sur d’autres conditions. 1.3.3. Le transport touristique et la prestation de guidage Ouvert à des opérateurs de tout type depuis plusieurs années, le secteur du transport touristique a connu un renouveau dans son arsenal. Un nouveau cahier des charges (12) fixe des conditions en termes d’agrément de transport touristique, de véhicule (nombre de véhicules et local) et d’assurance pour accéder à l’activité, d’une part, et à son exercice (déclaration des salariés, suivi des prestations et entretien des véhicules), d’autre part. Avec un nombre minimum de 52 sièges, le législateur tente d’écarter les petites structures, les opérateurs qui disposent d’un seul véhicule et les chauffeurs individuels libres. Cela en encourageant surtout les organisations de taille plus importante, plus structurées et capables de créer une dynamique de l’emploi tout en améliorant la qualité du transport. Les dispositions relatives aux agréments, dont la durée est fixée à sept ans, viennent aussi mettre à niveau le secteur tout en instaurant des dispositifs de suivi des parcs et des agréments. Le suivi du parc et son maintien devront obligatoirement se faire dans le garage du transporteur ou chez un garagiste sous contrat. Autre secteur touché par le renouveau du cadre juridique, la prestation de guide reste encore un service très touché par l’informel et le manque de qualification. Abrogeant la loi n° 30-96 portant statut des accompagnateurs de tourisme, des guides de tourisme et des guides de montagne, promulguée par le dahir n° 1-97-05 du 16 ramadan 1417 (25 janvier 1997), la nouvelle loi 05-12 réglementant la profession de guide de tourisme distingue ainsi les guides des villes et des circuits touristiques qui exercent l’activité de guidage urbain et qui peuvent accompagner les groupes de touristes exclusivement pendant les circuits culturels ou historiques, d’un côté, et les guides des espaces naturels qui exercent en dehors de l’espace urbain et qui accompagnent les touristes durant les randonnées et circuits d’aventure avec ou sans activités sportives, de l’autre côté. 12. Le nouveau cahier des charges du transport touristique vient modifier et compléter un dispositif juridique assez large depuis la promulgation du dahir n° 1.63.260 du 24 joumada II 1383 (12 novembre 1963) relatif au transport par véhicule automobile sur route : la loi 52.05 portant code de la route et ses textes d’application, le décret n° 2-63-363 du 17 rajeb (4 décembre 1963) relatif à la coordination des transports ferroviaires et routiers, le décret n° 2-63-364 du 17 rajeb 1383 (4 décembre 1963) relatif à l’agrément des entrepreneurs de service public de transport par véhicule automobile et à l’autorisation des véhicules affectés à ces transports, et l’arrêté du ministre des Travaux publics et des communications n° 50-73 du 20 hija 1392 (25 janvier 1973) fixant les conditions d’aménagement des véhicules affectés à des transports occasionnels touristiques. 356 Profils sectoriels et émergence industrielle La loi fut par la suite modifiée et complétée par la loi 133-13 pour insister sur la formation et la qualification des guides. Selon les dispositions des arrêtés d’application, ces guides devront être titulaires du diplôme de technicien spécialisé filière guide des espaces naturels délivré par les instituts spécialisés de technologie appliquée hôtelière et touristique. De même, le ministère du Tourisme a lancé en octobre 2015 la formationpilote de guide de ville et de circuit touristique à l’Institut supérieur international de tourisme de Tanger. Cette formation spécifique d’une durée de deux ans permettra de disposer de guides hautement qualifiés. Le ministère devait procéder également au lancement d’un programme de formation continue de 2 800 guides agréés. 2. Évolution du secteur durant la période 1998-2017 Le tourisme est l’un des principaux secteurs de l’économie marocaine. Il contribue à la création de richesses et à la diminution du chômage et de la pauvreté, et il représente environ 11 % du PIB. Le secteur est également un important pourvoyeur en emplois avec 532 000 emplois directs en 2017, soit près de 5 % de l’emploi dans l’ensemble de l’économie. Le tourisme est une importante source de devises à côté des transferts des Marocains résidant à l’étranger. En effet, les recettes générées par les non-résidents ayant séjourné au Maroc se sont situées à près de 71,9 milliards de dirhams en 2017, qui représentent près de 19 % des exportations des biens et services en 2017. C’est pourquoi le Maroc a accordé, principalement durant les deux dernières décennies, une place de choix à l’activité touristique dans sa politique de développement. 2.1. L’offre touristique L’offre touristique marocaine est basée sur un ensemble d’atouts et de potentiels naturels et culturels. La diversité des reliefs et des paysages naturels, l’ensoleillement, les étendues des plages sur les deux façades maritimes composent avec son histoire millénaire faite de brassage des civilisations et de construits identitaires composites des éléments importants qui font du Royaume une destination exotique aux portes de l’Europe. Cette offre originelle constitue aussi la base de la production touristique en association avec l’offre touristique pure (hôtel, restaurant, agence de voyages, animation) et l’offre périphérique constituée des infrastructures (routes, ports, aéroports…). Tourisme 357 Notre analyse de l’offre sera basée essentiellement sur l’offre d’hébergement dont les données chiffrées sont disponibles et qui bénéficie d’une veille statistique assez détaillée. La capacité d’hébergement globale des établissements touristiques classés a été marquée par une évolution importante durant la période 1998-2017, passant de 91 300 lits en 1998 à 251206 en 2017 au rythme de croissance annuel moyen de 5 %. Toutefois, ce rythme de progression n’est pas suffisant pour que le Maroc puisse atteindre la capacité d’hébergement de 460 000 lits fixée comme objectif à l’horizon 2020. L’offre en hébergement touristique classé a connu une évolution substantielle lors de la période 1998-2017. En 2017, le nombre des établissements d’hébergement classés (13) a atteint 3 882 contre 532 en 1998. Aussi, la ventilation de l’offre d’hébergement classé témoigne d’une augmentation considérable de la capacité litière des hôtels 3*, 4* et 5* qui s’est chiffrée à plus de la moitié de la capacité litière totale (25 % pour les hôtels 4*, 15 % pour les hôtels 5* et 3* chacun). Il est à noter que les clubs-hôtels occupent la quatrième position avec une capacité litière atteignant 12 %, suivie des hôtels 2* et des maisons d’hôtes avec des parts respectives de 8,2 % et 7,7 %. Figure 2 Évolution par catégorie de la capacité hôtelière classée en lits Hôtel 4* Hôtel 5* Hôtel 3* Maisons d’hôtes Résidences hôtelières Club-hôtels Hôtel 2* 13. L’analyse s’est focalisée sur les formes d’hébergement suivantes : hôtel 4*, hôtel 5*, hôtel 3*, club-hôtels, hôtel 2*, maisons d’hôtes, résidences hôtelières. Ces formes ont représenté près de 92 % de la capacité litière globale durant la période 1998-2017. 358 Profils sectoriels et émergence industrielle La capacité litière des maisons d’hôtes a connu un saut significatif à partir 2004, passant de 4 714 lits à 29 636 lits en 2017, soit une dynamique de 14 % durant la période 2004-2017. Ceci est dû principalement à l’homologation de nouvelles formes d’hébergement telles que les maisons d’hôtes et riads. Les maisons d’hôtes se démarquent par un nombre d’établissements important par rapport aux autres types d’hébergement (49 % en moyenne sur la période 2004-2017). Toutefois, leur apport en termes de capacité reste faible, ne dépassant pas les 9 %. En effet, le ratio des lits par chambre est assez bas, et le nombre de chambres par établissement ne dépasse pas 15. D’un autre côté, la capacité litière des résidences hôtelières a connu une augmentation moyenne annuelle de 8 % au cours de la même période bien que sa capacité litière ne représente que 7,4 % de l’offre globale d’hébergement. L’analyse spatiale de la répartition de l’offre d’hébergement par région durant la période 1998-2017 fait ressortir l’importance touristique des régions Souss-Massa-Drâa, Marrakech-Tensift-Al Haouz et le Grand Casablanca qui s’accaparent de 76 % de la capacité totale du pays. Les seules régions Marrakech-Tensift-Al Haouz et Souss-Massa-Drâa disposent respectivement de 34 % et 33 % des lits disponibles. À partir de 2007, Marrakech devance Agadir, qui a longtemps été la première destination touristique, en termes de capacité litière, permettant de voir un des fruits des Visions 2010 et 2020. 2.2. La demande touristique Le tourisme marocain a connu une évolution continue depuis le début du millénaire. L’analyse des arrivées touristiques révèle une évolution annuelle de 6,65 % entre 1998 et 2017, passant de 3,14 millions à 11,35 millions de touristes. Durant cette période, l’année 2017 a représenté une année record. Toutefois, il convient de souligner que cette tendance a été marquée par des phases de stagnation et de repli. Les chiffres des arrivées ont stagné entre 2001-2003, 2008-2009 et 2011-2013. L’évolution annuelle n’a pas dépassé pas 2 %, 6 % et 1 % respectivement, alors qu’elle a connu une baisse de 1 % en 2015, sous l’effet des crises économiques géopolitiques internationales. Certes, le démarrage de la Vision 2010 a coïncidé avec une série d’attentats terroristes qui ont frappé le monde (14). Ces événements, bien qu’ils soient survenus, dans leur majorité, dans des pays lointains, ont terni l’image de la 14. Le 11 septembre 2001 à New York, le 16 mai 2003 à Casablanca, le 28 avril 2011 à Marrakech, le 13 novembre 2015 à Paris et le 14 juillet 2016 à Nice…), la guerre anti-terroriste contre Al Qaïda en Afghanistan puis au Maghreb depuis 2001 et la guerre de la coalition contre l’Irak qui a éclaté en 2003, puis contre l’État islamique à partir de 2014. Tourisme 359 destination marocaine. Plus encore, leurs effets sur les flux touristiques ont été conséquents avec l’avènement du Printemps arabe. Par ailleurs, la crise économique de 2008 a poussé les États émetteurs à adopter des politiques d’austérité, ce qui a engendré une contraction de la demande touristique à l’échelle mondiale. L’analyse détaillée des arrivées laisse apparaître une évolution à la fois des touristes étrangers et des MRE, sur la période 1998-2017. En effet, la part des MRE dans le tourisme récepteur a représenté presque la moitié des arrivées totales (48 % en moyenne) (figure 3). Leur apport apparaît plus important durant les phases de stagnation et de repli où ils dépassent de peu ceux des touristes étrangers. Cependant, considérer les MRE comme un facteur d’impact déterminant dans dynamique du marché touristique récepteur est trompeur. Leurs effets sur les nuitées demeurent insignifiants (0,17 % sur la période susmentionnée). Figure 3 Évolution annuelle des touristes aux postes-frontières dans les établissements hôteliers et touristiques classés entre 1998 et 2017 (en millions de touristes) T. Récepteur MRE Part MRE En termes de nuitées touristiques, le tourisme récepteur a connu une constante évolution, marquée par des fluctuations. Globalement, le nombre total des nuitées dans les hôtels classés a atteint en moyenne 16 millions sur la période 1998-2017 avec un taux de croissance moyenne annuel de 3,11 %. La moyenne des nuitées internationales a connu des variations au cours de la période de l’étude, avec une moyenne de 12 millions de nuitées et un taux de croissance annuel de 2,22 %. Les événements précités (attentats, guerres et crise financière) ont contribué à cette fluctuation. Quant aux nuitées 360 Profils sectoriels et émergence industrielle nationales, leur nombre a constamment évolué, avec un taux de croissance annuel de 5,81 % et une moyenne de l’ordre de 3,8 millions. Malgré cela, cette évolution demeure modeste et n’atteint pas l’importance des nuitées internationales, en dépit des mesures prises, dont l’opération Kounouz Biladi, lancée à partir de l’année 2003. L’évolution des arrivées touristiques par marché durant la période 19982017 montre que les touristes français, espagnols, allemands et anglais prédominent à hauteur de 65 % en moyenne des arrivées globales (soit 12,1 millions de touristes en moyenne sur la même période). Les touristes français représentent 40,3 % des arrivées, suivis par les touristes anglais (10,1 %), allemands (8,9 %) et espagnols (5,4 %). Notons que le marché anglais a enregistré la dynamique la plus élevée avec un taux de croissance annuel de 7,9 %. Premiers marchés émetteurs pour le Maroc, la France et l’Espagne ont connu des croissances faibles avec des TCAM respectifs de 1,5 % et 1,7 %, tandis que les touristes français ont accusé une baisse considérable durant la période 2014-2016 avec un TCAM de -5,3 % contre une progression importante pour la période 1998-2007 (+8,4 %). À partir de 2017, une légère reprise des arrivées touristiques françaises permettra un renouveau de ce marché. En conséquence, les arrivées au titre de l’année 2017 ont atteint 1,6 million de touristes français contre 1,4 million en 2016. En somme, les arrivées par marché restent relatives et très variables. Le tourisme marocain reste fortement dépendant de ses marchés traditionnels de l’Europe occidentale, malgré l’arrivée ponctuelle de certains marchés (russe, polonais et chinois). La dépendance est d’autant plus remarquable durant les phases de repli et de stagnation, déjà souligné plus haut. Dans le même sillage, la dynamique du marché récepteur touristique est en voie de perdre des parts du marché français. En effet, la part des nuitées réalisée par les Français dans le tourisme international a chuté depuis 2005, passant de 44 % en moyenne sur la période 1998-2005 à 38 % sur la période 2006-2017. Par contre, les nuitées des autres nationalités, en particulier le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne, ont connu une évolution continue, enregistrant une part moyenne à hauteur de 11 %, 10 % et 5 % respectivement sur la période 1998-2017. Cette même dépendance apparaît dans la structure des nuitées hôtelières. Ainsi, l’analyse de l’évolution des nuitées touristiques durant la période 1998-2017 montre que quatre marchés (France, Espagne, Royaume-Uni et Allemagne) prédominent à hauteur de 65 % en moyenne des nuitées touristiques internationales (soit 12,1 millions de touristes en moyenne sur la même période). La France se place en tête des pays exportateurs de Tourisme 361 touristes, même si les nuitées des touristes français ont accusé une baisse considérable durant la période 2008-2016 avec un TCAM de -5,3 %, alors que la dynamique enregistrée pour la période 1998-2007 a été de 8,4 %. Toutefois, à partir de 2017 il y eut une légère reprise des nuitées touristiques : + 600 000 nuitées par rapport à 2016 (4,2 millions en 2017 et 3,6 millions en 2016). En examinant la répartition des nuitées touristiques par région dans les établissements classés durant la période 1998-2017, il ressort que trois principales destinations sont plébiscitées par les touristes : Souss-Massa-Drâa, Marrakech-Tensift-Al Haouz et Grand Casablanca. Ces trois régions ont enregistré près de 76 % des nuitées touristiques totales en moyenne durant la période 1998-2017. Ainsi, les régions Marrakech-Tensift-Al Haouz et SoussMassa-Drâa se démarquent en occupant la première destination en termes de nuitées touristiques (des parts respectives de 34 % et 33 %). La concentration de l’offre sur Marrakech et Agadir justifie cette réalité. Cette période a également été marquée par un recul de 3 % de la durée moyenne du séjour des touristes, qui est passée de 3,82 nuitées en 1998 à 1,9 nuitée en 2017. Cette régression illustre un changement aussi bien dans la typologie des clients que dans leurs comportements. Les courts séjours ont été renforcés par l’importance de la desserte, notamment à travers des compagnies à bas coût. De même, le recul des circuits culturels et des séjours balnéaires, basés sur des durées moyennes de huit jours, semble un facteur ayant contribué à cette nouvelle tendance. Au niveau des recettes touristiques, une progression sensible est observable entre 2010 et 2017. Les recettes touristiques ont évolué de 12 % sur la période 1998-2017 (55 milliards en 1998 contre 72 milliards de dirhams en 2017). Cette évolution est due en grande partie à l’envolée du tourisme mondial (+ 7 % de trafic) et à l’évolution des arrivées sur toute la période. Cependant, les recettes par touriste ont accusé une légère baisse, passant de 7 000 dirhams en 1998 à 6 334 dirhams en 2017, soit une baisse annuelle de 0,53 %. Comme nous l’avons expliqué plus haut, le recul de la durée moyenne de séjour paraît aussi affecter chez les touristes en visite au Maroc la propension à consommer. 3. Limites et perspectives Malgré la richesse et la diversité de ses potentialités touristiques, le Maroc a des difficultés à assurer un réel décollage du secteur. En dépit de la volonté et des espoirs affichés, l’échec des efforts et des politiques engagés jusqu’à 362 Profils sectoriels et émergence industrielle présent appelle des réponses à plusieurs niveaux. D’abord endogènes et structurelles, liées aux choix stratégiques et à la gouvernance, puis exogènes et conjoncturelles, plus en rapport avec la fragilité de la destination face aux événements internationaux et à la dépendance vis-à-vis de l’extérieur. En outre, le secteur touristique vit un tournant important à l’échelle internationale, avec l’entrée sur le marché de nouveaux intervenants qui perturbent le système traditionnel. Le tourisme marocain doit s’inscrire dans les nouvelles voies du tourisme international tout en offrant des réponses aux peurs des différents acteurs et opérateurs marocains. 3.1. Limites Le tourisme marocain souffre de plusieurs limites stratégiques, d’une forte dépendance aux investisseurs et aux internationaux. Cette réalité a largement affecté les ambitions titanesques des stratégies Vision 2010 et Vison 2020 et le décollage du secteur. 3.1.1. Les limites des choix stratégiques Les erreurs stratégiques de la Vision 2010 ont été répétées dans la Vision 2020. Le manque de visibilité de l’activité et des projections pour certaines stations posent aussi plusieurs questions sur leur continuité et leur réussite future, notamment dans la station Saïdia et Lixus. La première a du mal à démarrer et à attirer une clientèle touristique internationale durant toute l’année, après le désengagement de plusieurs tours opérateurs. Le fait de miser sur le marché national a permis quelques maigres flux, mais qui s’avèrent incapables de rentabiliser les infrastructures et les investissements des hôteliers et des restaurateurs. D’autres éléments d’ordre stratégique compliquent le bilan des deux Visions. Le choix prioritaire du balnéaire et la localisation des stations balnéaires, peu profitables au développement d’un balnéaire fort à cause des conditions climatiques (cas de la station Saïdia, Lixus, Mazagan et Mogador…), la concentration sur Marrakech comme produit culturel d’appel et la marginalisation de l’offre culturelle saharien qui bénéficie de peu de desserte et de connexion et dépend fortement des aéroports de Marrakech, Casablanca et Fès sont les éléments de réponse à un tourisme en crise. Aussi, l’orientation vers les projets de station clé-en-main, créés ex nihilo, nécessitant de gros budgets et des assiettes foncières conséquentes n’a pas non plus pris en considération les mutations de la demande touristiques internationale vers l’individualisation et la désintermédiation qui ont conduit à un recul Tourisme 363 considérable des rôles des tour opérateurs (TO) au profit d’un tourisme plus direct et diffus et moins concentré à Marrakech et Agadir. Aussi, l’intérêt du culturel du Sud, à travers le Plan Mada’in centré sur un large programme de rénovation et de réhabilitation du patrimoine bâti (médinas, ksour et kasbah) demeure globalement en deçà du potentiel des régions intérieures et présahariennes, en comparaison avec les moyens consacrés au balnéaire. Par ailleurs, le grand mérite de la Vision est de consacrer Marrakech comme destination internationale. La ville ocre vit ses années de gloire et a pu s’imposer comme destination incontournable. A contrario, Agadir affiche un recul alarmant. Son héliotropisme ne fascine plus les touristes, et la ville a du mal à s’imposer sur les nouveaux marchés (Russie), faute de compétitivité avec des destinations comme l’Égypte ou la Turquie. Les retards de la station Taghazout et le vieillissement du parc hôtelier de la ville ont eu des retombées négatives sur ses performances pendant cette décennie. 3.1.2. La dépendance touristique et les effets de la conjoncture internationale L’État marque le tourisme par son intervention en tant qu’investisseur dans les infrastructures pour pallier le manque important en infrastructures routières et aéroportuaires. Néanmoins, sa présence a été réduite au profit de celle du secteur privé. Cependant, en l’absence de firmes et de promoteurs nationaux capables de prendre en charge la réalisation des projets du Plan Azur, des groupes internationaux ont eu le dessus dans les premières phases des projets. Le choix libéral du Maroc n’est pas récent. Après plusieurs décennies d’étatisation, ponctuée par des incitations et avantages (15), le secteur privé marocain reste très prudent et timide. Du coup, l’État a misé sur un engagement fort et continu d’opérateurs et de promoteur de renom. « Les firmes touristiques ont été sollicitées pour leur capacité à produire des effets structurants sur le marché touristique marocain et pour leur capacité à assurer la distribution du produit Maroc en Europe. Sur le plan de la gouvernance, les autorités ont payé de quelques revers le choix de laisser le champ libre aux grands groupes touristiques internationaux, qui ne seront pas détaillés ici : défections d’investisseurs face aux difficultés conjoncturelles, influence 15. Depuis la Charte de l’investissement de 1995, l’État a multiplié les mesures d’encouragement à l’investissement allant jusqu’à se priver des ressources de la fiscalisation et à céder un foncier, rare et cher, à des prix symboliques. Des mesures généreuses comme l’exonération des droits d’importation sur les biens d’équipement touristique, l’exonération pendant cinq ans de l’impôt sur les sociétés ainsi que le rapatriement de la totalité des bénéfices nets ou des produits des cessions des biens et des investissements révèlent les attentes de l’État. 364 Profils sectoriels et émergence industrielle dominante des firmes au détriment des petits investisseurs locaux, etc. (16) » Cependant, face au désengagement des investisseurs internationaux, la reprise par les investisseurs marocains et des pays du Golfe n’a pas pu assurer l’effort de développement et d’investissement initialement prévus. Dans la majorité des cas, les projets se sont essentiellement orientés vers des logements résidentiels. Cette dépendance aux investisseurs internationaux a eu un effet considérable sur les réalisations. Le bilan des Visions est mitigé. La crise financière de 2008 a affecté les promoteurs des stations, plus particulièrement à Saïdia (17) et Taghazout. Certes, bien que la première Vision ait démarré avec un grand enthousiasme, le rythme des ouvertures d’hôtel s’est ralenti durant la Vision 2020. Le bilan des projets du Plan Azur 2020 n’affiche aucune avancée sur les objectifs, hormis dans les stations de Taghazout à Agadir et de Lixus près de Larache. Le rapport accablant de la Cours des comptes affiche un niveau de réalisation de 2,72 % au niveau de l’hôtellerie (18). Le bilan du Plan Azur paraît faible au vu de l’état actuel des stations balnéaires du programme. Au niveau de l’aérien, la multiplication des accords de partenariat aérien a ouvert le ciel à de nouvelles compagnies aériennes et permis la création de compagnies marocaines à bas prix dédiées au tourisme : Atlas Blue et Jet4You. La signature de l’accord Open Sky avec la Communauté européenne en 2006 a aussi donné un coup de pouce à la stratégie avec l’entrée de nouvelles compagnies à bas prix, qui desservent des marchés potentiellement attirés par la destination Maroc. Cependant, le développement de l’aérien à bas prix, bien qu’il contribue à l’augmentation du trafic et permette le développement touristique de certaines villes – Marrakech, Fès, Essaouira, Agadir – a favorisé encore une fois la concentration sur la ville de Marrakech au détriment d’autres produits comme celui du désert autant que la suprématie de Casablanca comme hub international. Le poids des marchés traditionnels de l’Europe occidentale est très important, et la difficulté à développer d’autres marchés est apparente. Des 16. Maxime Weigert, Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), décembre 2012, le Rôle des firmes touristiques dans le développement du tourisme au Maroc, p. 14. 17. FNT, Bilan stratégique de la Vision 2010, mai 2008, réalisé par le cabinet d’études Daifconseil. 18. Cour des comptes, « Rapport sur le contrôle de la gestion de la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT) », octobre 2016. Dans le même rapport, la Cour des comptes a évalué le niveau de réalisation de la vision précédente : « … le taux global de réalisation du chantier Azur était de 7,8 % pour le volet de capacité litière touristique et 12,6 % pour le volet résidentiel. » Tourisme 365 marchés prometteurs comme le marché américain n’ont pas bénéficié de ces efforts quant aux tarifs et à la durée des vols. En outre, les compagnies low cost ont surtout offert de meilleures conditions de voyage aux MRE, vu les villes de départ, souvent en province, et les villes d’arrivée, plus proches des foyers d’émigration. À un degré moindre, la vision a eu aussi le mérite de s’ouvrir sur de nouveaux marchés et de permettre de diversifier les arrivées touristiques grâce à des liaisons et des conventions avec les marchés d’Europe de l’Est, de Russie et de Chine. Nonobstant, les résultats très modestes confirment l’importance des marchés traditionnels. La politique du « ciel ouvert », si elle a apporté des flux de touristes additionnels, a surtout changé la typologie des clients, bradé les tarifs et favorisé la concurrence entre les hébergements. Par ailleurs, le Maroc reste une destination chère et peu compétitive. Le repli de destinations comme l’Égypte et la Tunisie, pendant le Printemps arabe, lui a peu profité, alors que des destinations proches du pourtour méditerranéen ont largement profité de la situation des pays de la rive gauche. C’est le cas de l’Espagne et de la Turquie qui ont drainé des flux record de touristes durant la même période. À cela s’ajoute le faible potentiel de rétention des TO qui ont misé plus fort sur des destinations comme les Canaries. À ces différents aspects structurels s’en ajoutent d’autres, de l’ordre du conjoncturel, liés aux événements qui ont accompagné les Visions. Un environnement mouvementé marqué par un contexte géopolitique très fragile avec les attentats de New York, de Casablanca et de Marrakech en 2011, puis les soulèvements populaires dans les pays arabes. La crise financière a aussi conduit à un repli de la demande dans les marchés traditionnels du pays pendant les années qui ont suivi, ponctuées des mesures d’austérité prises dans les pays émetteurs. 3.1.3. La gouvernance du secteur Les réalisations de la Vision ont souffert de plusieurs blocages quant au volet gouvernance et à la régulation du secteur. La pluralité des institutions liées au tourisme, au niveau national et au niveau local, n’a pas résolu la problématique de la gouvernance. Enchevêtrement de compétences avec d’autres organismes et manque d’efficacité révèlent encore le problème de la gouvernance et les difficultés à assurer le pilotage à tous les niveaux territoriaux. Par ailleurs, le retard du chantier de la régionalisation, amorcé en 2011 avec un nouveau projet plus ambitieux, l’enchevêtrement de compétences entre les différents niveaux administratifs et les corps ministériels autant que 366 Profils sectoriels et émergence industrielle l’incapacité du législateur à suivre l’évolution d’un secteur en pleine mutation ont agi de façon négative sur les ambitieuses stratégies. Incontestablement, « la dimension régionale a une faible présence dans les politiques de promotion des investissements touristiques au Maroc. En effet, jusqu’à aujourd’hui, l’implication de la région dans la promotion touristique se reflète à travers les Programmes de développement régional touristique (PDRT), au niveau desquels le volet marketing s’impose au détriment du volet investissement (19) ». Les PDRT ont été lancés à partir de 2005 après des retards alors que les CRT (Conseil régionaux du tourisme) ont des difficultés à prendre en main le tourisme dans les régions. Bien qu’ils soient des associations professionnelles avec une pleine autonomie budgétaire, les CRT et les CPT vivent des problèmes de gestion et ont du mal à trouver du financement. En outre, les problèmes de gestion de la SMIT sont un exemple des difficultés de l’opérationnalisation de la vision. La Cour des comptes a conclu que la société publique vivait de la cession de son patrimoine foncier et non de sa propre production, notamment en services de conseil et d’ingénierie touristique. Le rapport remet en question la situation d’avancement des contrats-programmes régionaux (CPR) auxquels la société devait contribuer en laissant apparaître le caractère non touristique de certains projets inscrits dans les programmes et le manque de pertinence des études, souvent vagues et trop généralistes. Cette situation constitue, pour les commissaires chargés de l’évaluation, le reflet de l’incapacité de la société à développer des études qui peuvent apporter une valeur ajoutée pour l’investissement touristique et, pardelà, une réelle ingénierie touristique dans son programme et dans son étude stratégique baptisée SMIT Relaunch stratégie 2020. Le volet territorial ne semble pas non plus afficher une avancée au niveau des réalisations. Pays, régions ou territoires touristiques, les appellations n’ont pas eu d’effet sur la politique touristique ni sur la structuration de l’offre. Les ensembles géographiques restent presque les mêmes gardant, en grande partie, la configuration proposée par la stratégie de développement du tourisme rural. De même, les pays et les territoires n’ont aucune assise juridique pour une action territoriale efficace. L’espace proposé n’est pas un espace d’action, mais plutôt un espace théorique ; il manque de cohésion, de polarisation et de structuration, laissant apparaître des territoires décousus sans aucune logique d’action. Il vient s’interposer entre la réalité de l’activité et celle de l’action 19 Direction des études et des prévisions financières, Ministère de l’Économie et des Finances, Secteur du tourisme, Bilan d’étape et analyse prospective, avril 2011. Tourisme 367 territoriale dont la trame administrative constitue le creuset de toute politique publique visant les régions. Incapables de réaliser leur mission faute de cohésion entre les acteurs, les PAT ont connu dans leur majorité des échecs. Il faut rappeler que sur les recommandations de l’OMT dans le Rapport de développement du tourisme rural, les PAT devraient être des instances et des espaces fédérateurs des efforts des différents acteurs territoriaux pour la promotion et la valorisation de l’offre touristique sur le modèle français. En somme, l’opérationnalisation de la stratégie touristique de la Vision 2010 et l’efficience des institutions marocaines posent plusieurs interrogations sur la conduite et le pilotage de la stratégie touristique. La gouvernance du secteur, qui constituait un chantier-phare de la vision, n’a malheureusement pas pu se concrétiser et demeure un problème structurel. Par conséquent, la traduction de la stratégie au niveau territorial a connu un réel échec. Le retard accusé dans les réformes institutionnelles territoriales, notamment celles qui concernent la régionalisation de la politique touristique, n’a pas pu se traduire par des organes solides qui sont encore dans une phase de conception encore inaboutie. Le flou territorial persiste autant que les blocages induits par l’enchevêtrement de compétences entre les organismes qui existent et ceux nouvellement créés. 2.2. Perspectives Afin de pallier ces sources de bocage, des pistes de réflexion sont proposées, à même d’améliorer le niveau de performance du secteur touristique dans sa globalité. Les principaux axes proposés concernent, d’une part, le chantier de la gouvernance qui devra se poursuivre pour doter le secteur des outils et des moyens techniques et institutionnels pour son développement, d’autre part, le tourisme collaboratif qui marque le renouveau de la demande et la recherche d’expérience avec un contact humain fort, le digital qui participe au remodelage de l’environnement touristique et à la naissance de nouveaux modèles économiques. En outre, d’autres aspects liés à la demande touristique devraient être pris en considération, notamment l’importance des marchés des pays émergents BRICS et le rôle majeur que peut jouer le marché interne dans la dynamique touristique. Les axes précités sont détaillés ci-après. 2.2.1. La gouvernance La transversalité de l’activité touristique fait qu’elle implique une multitude d’acteurs et d’intervenants, parfois loin du secteur lui-même, dans la production et la consommation d’une prestation. En effet, le tourisme 368 Profils sectoriels et émergence industrielle comme fait économique et social est le résultat des interrelations et de la collaboration entre plusieurs intervenants aux objectifs et aux finalités parfois contradictoires et conflictuelles. Induite par la complexité des acteurs, la transversalité du secteur touristique peut multiplier les enjeux et les blocages et freiner le développement et l’évolution du secteur touristique. À travers la gouvernance, le rôle de l’État sera dès lors de veiller à l’assainissement de l’environnement touristique et à l’arbitrage dans un système de régulation capable d’assurer le développement du secteur. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, « La gouvernance est une pratique gouvernementale mesurable qui vise à orienter efficacement les secteurs du tourisme aux différents niveaux de gouvernement à travers des formes de coordination, de collaboration et/ou de coopération efficaces, transparentes et soumises à la responsabilisation, qui contribue à atteindre les objectifs d’intérêt collectif partagés par les réseaux d’acteurs impliqués dans le secteur, dans le but de développer des solutions et des opportunités à travers des accords fondés sur la reconnaissance des interdépendances et des responsabilités partagées (20). » Dans ce sens, elle s’inscrit dans un cadre de cocréation, de responsabilité mutuelle et de transparence totale entre les acteurs privés et publics. La collaboration est poussée ainsi à des niveaux élevés par la mise à disposition de l’information, depuis la phase d’avant la conception de la stratégie jusqu’à l’évaluation de l’action en passant bien évidemment par la définition des rôles et le lancement des projets. L’intronisation de SM le Roi Mohammed VI a ouvert la voie à une nouvelle ère de réformes et de renouveau institutionnel. À l’image de la vie politique marocaine, le secteur touristique a bénéficié d’un nouveau souffle lors du lancement de la Vision 2010. Un souffle qui s’est éteint peu à peu à cause de plusieurs freins notamment structurels liés à un système de gouvernance fragile. Ce chantier devra être engagé et poursuivi, non sans l’engagement de tous les acteurs afin d’offrir un cadre transparent et clair au secteur et faciliter son décollage. La gouvernance du secteur touristique devra s’appuyer sur un processus technique et institutionnel clair et structuré. Le processus a été déjà amorcé est nécessite encore des efforts et une adhésion de toutes les parties prenantes. Il devra aller de l’avant dans la fixation des normes et des procédures pour offrir le champ à un travail et une prise de décision collective à tous les niveaux. Trouver la synergie escomptée entre acteurs publics, privés et 20. Organisation mondiale du tourisme, Citlalin Durán Fuentes, « Governance for the Tourism Sector and its Measurement », Madrid 2013 in cf.cdn.unwto.org/sites/all/files/IP_ Governance_paper_EN.pdf Tourisme 369 sociaux, qui a nourri la Vision 2010, devra encore nourrir le travail de ceuxci tout en veillant d’abord à l’opérationnalisation des différents dispositifs et institutions déjà préconisés et constitués en leurs donnant les moyens de leurs responsabilités. 2.2.2. Le tourisme collaboratif Véritable mouvement économique, l’économie collaborative a envahi le monde depuis la crise économique de 2008. Un nouvel élan proposant une nouvelle conception de l’économie, notamment touristique, qui rompe avec les logiques traditionnelles dominées par les grandes structures et un marché bien organisé est imperméable. Ce nouveau modèle transnational dit circulaire brise les barrières, en se développant dans tous les types d’échange marchand et en prônant une relation pair à pair au lieu des traditionnels intermédiaires commerciaux. C’est cette logique même qui en fait un mouvement disruptif et perturbateur qui réinvente les échanges de biens et de services sous les signes de la désintermédiation et l’humanisation des échanges. Le Maroc ne semble pas épargné par cette mouvance. Ces dernières années, le tourisme et ses différents métiers, comme le transport, la restauration, le guidage, ont connu une réelle montée de l’offre collaborative. Airbnb, Uber…, pour ne citer que les agrégateurs, qui ont fait récemment la polémique, fournissent aux particuliers la possibilité d’offrir leurs services et prestations, concurrençant de façon féroce les structures hôtelières, les transporteurs et les taxis. L’ubérisation du tourisme semble ainsi secouer le tourisme marocain de plein fouet. Cette nouvelle conception propose comme alternative la possibilité de proposer à une large communauté (locale et internationale) des services uniformisés sur des plateformes collaboratives qui permettent une distribution directe et à très faible coût. On estime en 2017 à 140 millions de voyageurs le nombre de personnes listées sur la plateforme Airbnb (40 millions en 2015 et 80 millions en 2016), alors que 17 millions ont déjà réservé à travers le site Airbnb pour le seul été 2015. Au-delà des peurs qu’elles suscitent de la part les hôteliers et transporteurs, les plateformes de tourisme collaboratif ont offert une réponse à un nouveau marché de touristes qui veulent changer et réinventer leur façon de voyager, loin des opérateurs et du système touristique traditionnel. Avides d’expériences et de contacts avec leurs hôtes et destinations, ces touristes sont en quête de partage, de sociabilité perdue et bien évidemment de rapports moins marchands et plus humain. C’est une nouvelle génération de touristes fortement connectée et habituée à l’usage des réseaux sociaux. L’Organisation mondiale du tourisme estime que les touristes s’orientent de plus en plus 370 Profils sectoriels et émergence industrielle vers le collaboratif et que le besoin de changer les modèles traditionnels est pressant (OMT, 2016). Les peurs manifestées par les gouvernements et les entreprises touristiques à l’échelle internationale ont aussi pris la forme de l’interdiction et de l’imposition. Le débat autour de la taxe de séjour et de la déclaration des revenus des hôtes a été soulevé dans plusieurs grandes villes dans le monde et à laquelle Airbnb a répondu en signant des conventions obligeant les hôtes à se conformer aux législations locales. Dans le même sens, Airbnb essaye de trouver une légitimité en développant des outils de collecte des taxes locales au profit de certains gouvernements locaux. Airbnb a ainsi collecté $110 millions de taxes nouvelles dans 200 juridictions dans le monde. Au Maroc, le développement de l’offre collaborative est remarquable. Des plateformes permettent de proposer des prestations loin des circuits touristiques classiques. Les réactions n’ont pas tardé face à la montée de certaines d’entre elles, notamment Airbnb et Uber. Leurs effets perturbateurs ont créé une vaste polémique sans pour autant freiner l’élan des touristes et des prestataires, généralement du secteur informel. Si Uber a abandonné le combat après plusieurs problèmes avec les taxis, Airbnb mène une réflexion pour une possible taxation des hôtes. En tout état de cause, l’adaptation à ce nouveau marché, en plein boum, permettra de renforcer le tourisme au Maroc et de proposer des alternatives aux produits et aux canaux classiques de distribution des voyages. Il faut rappeler que la force de ce modèle est la communauté humaine, et son outil de base est une technologie réinventée par les agrégateurs permettant à l’offre et à la demande de dépasser les acteurs traditionnels. Le tourisme collaboratif offre de nouvelles opportunités en termes de création d’emplois et de rentrée de devises et autant d’espoirs pour des territoires dans leur majorité reculés et loin de l’axe urbain de croissance Tanger-Casablanca-Agadir. 2.2.3. Le tourisme digital Le digital est une autre révolution du tourisme. Bien qu’elle ne soit pas récente, son importance tient à son accélération ses dernières années avec le développement de nouveaux outils et systèmes d’information et de télécommunication générant de nouvelles fonctions et un changement profond dans les modèles économiques. En effet, les nouvelles technologies offrent plus de précision et une réponse rapide et directe aux besoins d’un marché fait de touristes hyper-connectés. L’innovation technologique dans le Tourisme 371 tourisme offre ainsi plus de facilité et de choix aux touristes et aux entreprises au niveau de toute la planète. À l’échelle de la demande touristique, le touriste peut organiser son voyage, choisir et acheter en ligne, partager et conseiller d’autres touristes en émettant des avis et des commentaires sur son voyage et au sujet de prestations qu’il a pu consommer. L’attrait des plateformes et des applications les plus sophistiquées condamne à la disparition les organisations qui n’investissent pas dans la technologie numérique. La présence sur le web et la communication multicanale, les réseaux sociaux participent à la création de communautés virtuelles qui agissent et interagissent, produisent et communiquent incessamment. Membre de communautés ou touriste solitaire, le nouveau touriste à l’ère du digital est actif et a un besoin pressant d’être acteur de la production de son propre voyage. À l’échelle de l’offre, les organisations touristiques peuvent développer, gérer et distribuer leurs produits et prestations grâce à de nouveaux outils efficaces. Les TIC ont restructuré de façon profonde les processus du travail en redistribuant les rôles et les efforts des collaborateurs en les orientant vers des tâches et des activités qui nécessitent plus de contact humain. Elles laissent l’intelligence artificielle s’occuper des tâches les plus complexes et ce à moindre coût. Plus que jamais, l’innovation technologique module et refait les processus de production et de distribution, depuis la prospection jusqu’au service aprèsvente. Le Big data, l’intelligence artificielle, le cloud computing, les réseaux sociaux, la réalité augmentée, les systèmes-experts, le paiement électronique et mobile… sont autant d’outils à la disposition des organisations touristiques pour s’adapter et répondre aux exigences d’un marché touristique volatil. Le processus de transformation est lent, mais il est déjà amorcé, permettant à de nouveaux entrants sur le marché d’avoir une longueur d’avance. Certes, les nouveaux systèmes intelligents utilisés par les OTA et les compagnies aériennes ainsi que les plateformes de réservation, notamment collaboratives, bouleversent le monde de la distribution des voyages en offrant plus de choix à des tarifs réduits et sans contrainte de temps. La distribution en ligne via les sites web est ainsi actuellement suppléée par ces nombreux moteurs de réservation qui proposent de nouveaux modèles de médiation avec des algorithmes sophistiqués. Booking, Tripadvisor, Expedia, etc. ont pu s’imposer grâce à une technologie qui lie visibilité et possibilité de faire, en des temps records, plusieurs opérations et transactions sur des bases de données gigantesques de plusieurs opérateurs. 372 Profils sectoriels et émergence industrielle Cette évolution en est encore à ses débuts. En effet, d’autres aspects de l’innovation technologique dans le tourisme et la distribution des voyages laissent apparaître une série de ruptures dans les années à venir. D’abord le passage à un web 4.0 plus autonome et l’importance de l’information et l’usage du Big Data combiné à l’intelligence artificielle. Encore à leurs débuts, ces innovations vont sûrement changer la conception du service touristique, de l’assistance et du rôle de l’élément humain dans le conseil et l’aide à la décision concernant le voyage. La mobilité aussi et la compression du temps de connexion du client-touriste que proposent les applications mobiles avec leurs panoplies d’offres de service pendant tout le cycle du voyage (avant, pendant et après). En attente d’un système de régulation international qui limite leur super-pouvoir, ces deux éléments feront que les firmes technologiques (Google, Facebook, OTA…) auront davantage de pouvoir pour dessiner notre monde de voyage tout en prédisant notre comportement et notre propension à acheter telle ou telle destination. Au Maroc, les progrès du digital dans le domaine du tourisme sont encore lents. Plusieurs opérateurs touristiques se limitent à un site internet basique, dans le meilleur des cas. Pour les plus novateurs, des barrières quant aux compétences et à la rapidité d’adaptation technologiques ne leur permettent par encore de faire leur place sur la scène mondiale. La domination des grands opérateurs et OTA, en termes de distribution, est sans équivoque, mais elle offre de nouvelles opportunités aux opérateurs touristiques marocains dans le domaine de la distribution. 2.2.4. Les marchés émergents Avec leurs forts potentiels de croissance et des perspectives économiques prometteuses, les BRICS ont une population qui avoisine 42 % de la population mondiale et représentent 21 % du PIB mondial. Ils constituent des marchés potentiels de tourisme émetteur, dotés de moyens que les grandes destinations se disputent. En effet, les classes moyenne et supérieure se sont développées et leurs revenus se sont accrus (21), notamment ceux consacrés au tourisme international. La Chine et l’Inde se révèlent ces dernières années comme des pays émetteurs de touristes qui dépensent beaucoup. Selon le baromètre du tourisme de l’OMT, les marchés émetteurs des BRICS ont tous enregistré une augmentation des volumes de touristes et 21. Ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, « Les classes aisées des économies émergentes – Brésil, Russie, Inde, Chine – stimulent le secteur du tourisme en France », Les 4 pages de la DGE, Études économiques, n° 42, mars 2018. Tourisme 373 des dépenses de voyage. Les touristes chinois ont dépensé en 2017 près de 258 milliards de dollars américains (+5 % en monnaie locale). Les touristes russes ont dépensé 13 % de plus que l’année 2016 élevant le volume des dépenses à 31 milliards de dollars, les touristes brésiliens +20 % avec 19 milliards de dollars et les touristes indiens +9 % avec 18 milliards de dollars. Ces performances placent ces économies à forte croissance en tête des clientèles qui dépensent le plus. Le nombre de touristes chinois dans le monde est passé de 75 millions en 2015 à 80 millions en 2017, alors que le marché russe comptait plus de 22 millions de départs en 2017 (22). Selon une étude de l’Euromonitor international, le marché chinois va connaître l’évolution la plus rapide dans les années à venir (+15 %) (23). Atouts France conforte cette étude et évalue à 120 millions les touristes chinois potentiels pour les voyages internationaux. Ce sont essentiellement des millénials urbains des grandes villes chinoises, d’un niveau d’éducation et de formation élevé et de moyens financiers leur permettant d’augmenter la fréquence de leurs voyages internationaux tout le long de l’année. Les jeunes (60 %) de ce segment sont accros à la technologie et surtout au mobile, notamment pour leurs achats. Les touristes chinois qui partent vers les destinations lointaines privilégient les voyages offrant de nouvelles expériences. Ils partent en petits groupes ou seuls, combinant généralement plusieurs destinations. Ils aiment le shopping, qui constitue leur premier poste de dépenses. L’Office national marocain du tourisme a fait du marché chinois une de ses cibles majeures. Le nombre de touristes chinois qui ont visité le Maroc a ainsi évolué ces dernières années pour atteindre 107 000 en 2017, alors qu’il ne dépassait pas quelques centaines vers la fin des années 90 et se montait à 10 515 en 2015 (figure 4). Il a connu une importante progression à partir de 2016 suite à la suppression des visas entre les deux pays et devrait progresser pour atteindre 500 000 touristes en 2020, selon le ministère du Tourisme marocain qui multiplie les efforts vers ce marché, avec notamment le lancement d’une ligne aérienne en 2021 et une forte présence dans les manifestations et foires dédiées au tourisme en Chine et dans la région. La progression du marché chinois est accompagnée par une sorte de stagnation et de fluctuations dans les marchés BRICS. En effet, l’évolution des 22. International trade center, « BRICS countries: Emerging players in global services trade, Trade impact for good », 28 July 2017. 23. Euromonitor international, Strategy Briefing, Global Luxury Travel Trends Report, 43 p., Feb. 2017. 374 Profils sectoriels et émergence industrielle arrivées du marché russe, en dents de scie, laisse apparaître une inadéquation de l’offre marocaine à un marché large dont les besoins sont très hétérogènes. Certes, si une minorité de touristes russes sont attirés par le luxe, une grande majorité reste attirée par le tourisme balnéaire et les packages tout-compris que la destination Maroc a du mal à imposer face à des concurrents comme la Turquie ou l’Égypte. Le marché brésilien ne bénéficie pas non plus des efforts à la hauteur de ses potentialités. Le nombre des Brésiliens qui ont visité le Maroc en 2017 n’a pas dépassé les 45 000, contre 20 000 en 2015. Le même constat peut être fait pour le marché indien qui ne génère que 13 441 touristes en 2016, contre 11 910 en 2015. Figure 4 Évolution des arrivés par marché BRICS Chine Brésil Russie Inde Source : l’Observatoire marocain du tourisme et le Centre d’Intelligence économique de la BMCE, le Maroc en chiffres, 2016. Le positionnement du Maroc sur le marché des BRICS devra être une des orientations majeures, tout en capitalisant sur les marchés traditionnels proches de l’Europe occidentale. Toutefois, les profils et le comportement des clients devront faire l’objet d’un travail de fond dans le but d’offrir le produit adéquat et un service de qualité. Les particularités au niveau de la culture, de la langue et de la gastronomie et des habitudes alimentaires sont autant d’éléments à prendre en considération pour ces marchés à l’assaut du monde. 2.2.5. Le marché interne Avec 32 % des nuitées dans les hôtels classés du pays, le tourisme interne participe à la dynamique touristique du pays. En 2017, le ministère du Tourisme a enregistré 7,1 millions de nuitées et une évolution de 7 % par rapport à 2016, affichant un fort potentiel pour l’industrie touristique et les territoires. Selon le ministère du Tourisme, ce segment a enregistré plus Tourisme 375 de 40 milliards de dirhams de recettes (24). Les voyages et les nuitées dans les hébergements non classés, les locations et les séjours chez les amis et les familles, les plus fréquents chez les Marocains, bien qu’ils soient écartés des statistiques officielles, participent davantage à cette dynamique. Si Marrakech (25) se positionne comme la première destination en termes de nuitées officielles réalisées par les touristes nationaux, des villes comme Agadir, Casablanca, El Jadida, les belles villes et les plages méditerranéennes de la rive nord autant que les villes et villages de l’intérieur du pays connaissent des vagues de touristes marocains. La dynamique territoriale des déplacements et des voyages des Marocains est bénéfique pour les territoires et l’économie locale dans les zones touristiques comme dans les territoires les plus reculés. De plus, le tourisme interne permet de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés internationaux. Pendant les années de repli et de stagnation du tourisme mondial, durant les périodes de crise, il offre des alternatives durables permettant de réduire le manque à gagner des marchés extérieurs. Plus encore, il est aussi un facteur qui renforce la résilience de l’économie touristique face aux crises. L’accès des Marocains, résidents et non-résidents, au tourisme est un volet qui nécessite le déploiement de nouvelles mesures d’encouragement. Le tourisme marocain peut beaucoup gagner à inciter et faciliter l’accès des RME à l’hébergement classé, surtout que ce segment génère peu de nuitées, comme le démontrent les statistiques officielles. Pourtant, il dépasse actuellement le nombre d’arrivées aux postes-frontières. De même, le segment des touristes résidents pourrait se développer davantage et profiter au secteur et aux opérateurs. Le tourisme interne a un poids important dans certains pays. Il dépasse 70 % de l’activité touristique en France et en Espagne, alors que dans un pays émergent comme le Brésil la dynamique touristique est assurée à 90 % par les nationaux. Ces pays ont développé des politiques dédiées à ce segment, s’appuyant sur des formules d’aides au départ en vacances et des produits adaptés aux besoins. Les efforts engagés dans les Visions 2010 et 2010, à travers le programme « Kounouz Biladi » et le développement de l’offre de résidences hôtelières, de campings et de locations de vacances, doivent être renforcés. Les recommandations de l’enquête conduite par l’Observatoire du tourisme 24. Observatoire du tourisme (2014), Enquête sur le tourisme interne au Maroc, 25. Études de la DEPF (Direction des études et des prévisions financières), juillet 2014, « Le tourisme interne en tant que levier de croissance pour le secteur ». 376 Profils sectoriels et émergence industrielle avaient mis l’accent sur le besoin de dispositifs comme les chèque-vacances, les aides aux départs en vacances au sein de l’Administration et des entreprises et l’élargissement du programme « vacances pour tous » destiné aux jeunes et piloté par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Ces efforts visent autant la démocratisation de la pratique du tourisme et la vulgarisation des déplacements et des activités récréatives que l’amélioration des conditions de voyage et de séjour d’une clientèle plus aisée qui préfère partir à l’étranger à cause de la politique tarifaire menée par les opérateurs touristiques durant les périodes de haute saison. Conclusion La Vision 2010 a été instaurée comme un cadre-stratégique du développement du secteur du tourisme au Maroc dans le cadre d’une concurrence internationale rude. Des objectifs ambitieux ont été fixés dans ce cadre, qui ont porté en particulier sur la promotion des investissements touristiques à travers la promotion du tourisme balnéaire afin de porter à 10 millions le nombre de touristes des arrivées touristiques, de renforcer la capacité litière (160 000 lits supplémentaires) et de créer 600 000 nouveaux emplois. Dans le cadre du prolongement de cette Vision et en vue d’accélérer la cadence des programmes touristiques, une nouvelle stratégie a été mise en œuvre, la Vision 2020, avec des objectifs ambitieux portant, d’une part, sur le doublement de la capacité litière du pays (200 000 lits supplémentaires) et en conséquence l’augmentation des arrivées de touristes et, d’autre part, sur la création de 470 000 nouveaux emplois directs et l’accroissement des recettes touristiques pour atteindre 140 milliards de dirhams en 2020. Pour soutenir la mise en œuvre de ces stratégies touristiques, le cadre réglementaire a été renforcé avec l’adoption de nouvelles lois, en particulier la loi sur les hébergements touristiques et la loi sur les agences de voyages. Ce cadre réglementaire a été également renforcé avec la mise à niveau du transport touristique et la prestation de guidage en termes d’octroi d’agréments de transport et la qualification de la profession de guide. Les principaux résultats issus de l’analyse de la rétrospective du secteur touristique durant la période 1998-2017 ont porté sur l’évolution remarquable des arrivées touristiques qui sont passées de 3,14 millions à 11,35 millions, soit une évolution annuelle moyenne de 6,65 %. L’évolution de ces arrivées par marché montre que les touristes français, espagnols, allemands et anglais prédominent à hauteur de 65 % en moyenne des arrivées globales (soit Tourisme 377 12,1 millions de touristes en moyenne sur la même période). Les touristes français représentent 40,3 % des arrivées, suivis par les touristes anglais (10,1 %), allemands (8,9 %) et espagnols (5,4 %). Par ailleurs, le nombre total de nuitées dans les hôtels classés a atteint en moyenne 16 millions sur la période 1998-2017, passant de 12 à 22 millions avec un taux de croissance annuel de 3,11 %. Quant à la durée moyenne du séjour des touristes, elle a accusé un recul, passant de 3,82 nuitées en 1998 à 1,9 nuitée en 2017, soit une dynamique négative de 3 %. Quant aux recettes touristiques, elles ont connu une croissance positive entre 2010 et 2017, passant de 55 milliards de dirhams en 1998 à 72 milliards en 2017, soit une évolution de 12 % sur la période. En dépit de l’importance des performances réalisées, des défis restent à relever, et de nombreux facteurs de blocage entravent le développement du secteur touristique au Maroc, ces contraintes portant en particulier sur la morosité de la conjoncture économique internationale, la concurrence accrue de nos concurrents directs (Espagne, Turquie, Égypte, etc.), l’insuffisante compétitivité de l’offre touristique marocaine et les dysfonctionnements du système de gouvernance du secteur (multiplicité des intervenants engendrant des enchevêtrements de compétences et d’attribution, insuffisance de la dimension régionale dans la mise en place des projets touristiques). Le décollage du secteur touristique nécessite de résoudre ces problèmes et de dépasser les blocages au niveau de la gouvernance du secteur et de l’administration territoriale, d’un côté, d’investir sur les tendances-phares et les marchés émergents sans pour autant oublier l’important marché interne, d’autre part. 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(2007), la Politique du tourisme au Maroc : diagnostic, bilan et critique, L’Harmattan, Histoire et perspectives méditerranéennes, Paris. International Trade Center (2017), BRICS countries: Emerging players in global services trade, Trade impact for good, 28 July 2017. Maxime W. (2012), le Rôle des firmes touristiques dans le développement du tourisme au Maroc, Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED). Ministère de l’économie, de l’Industrie et du Numérique (2018), « Les classes aisées des économies émergentes – Brésil, Russie, Inde, Chine – stimulent le secteur du tourisme en France », Les 4 pages de la DGE, études économiques, n° 42, mars. Observatoire marocain du tourisme et Centre d’intelligence économique de la BMCE, le Maroc en chiffres, 2016. Observatoire marocain du tourisme et Centre d’intelligence économique de la BMCE, 2015. Tourisme 379 Observatoire du tourisme (2014), Enquête sur le tourisme interne au Maroc, Ministère du Tourisme. 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Tableau 1 La valeur ajoutée du secteur du commerce par région en 2012 (en millions de dirhams) Oued Ed-Dahab-Lagouira Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra 2 728 Guelmim-Es-Semara Souss-Massa-Drâa 6 289 Gharb-Chrarda-Béni Hssen 2 974 Chaouia-Ouardigha 4 960 Marrakech-Tensift-Al Haouz 6 675 Oriental Grand Casablanca 4 458 16 736 Rabat-Salé-Zemmour-Zaër 6 604 Doukkala-Abda 4 489 Tadla-Azilal 2 419 Meknès-Tafilalet 4 393 Fès-Boulemane 3 767 Taza-Al Hoceima-Taounate 3 020 Tanger-Tétouan 7 622 Total 77 133 1. Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies. 382 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 1 Évolution de la valeur ajoutée du secteur du commerce au Maroc (en millions de dirhams) Source : Haut-Commissariat au Plan. La valeur ajoutée du secteur est inéquitablement répartie selon les régions. La région du Grand Casablanca accapare à elle seule la plus grande part de valeur ajoutée avec 16 736 millions de dirhams, suivie par la région TangerTétouan, avec 7 622 millions de dirhams. Ce secteur a connu de profondes mutations ses dernières années, impulsées par les changements de modes et des habitudes de consommation, par la croissance démographique et l’amélioration du niveau de vie. Nul ne peut ignorer aussi que le secteur du commerce et de la distribution est primordial en ce qui concerne les emplois directs et indirects (soustraitants, fournisseurs, etc.) ; il a évolué d’une façon très significative, passant de 0,8 million d’emplois en 1998 à 1,38 million en 2012, ce qui représente 13 %, proportion non négligeable, de l’emploi national qui est de l’ordre de 10,5 millions d’emplois. Les prévisions sur l’évolution des emplois à l’horizon de 2020 montrent que ce nombre passera à environ 1,7 million, ce qui devrait générer environ 360 000 nouveaux emplois. Le commerce et la distribution s’inscrivent dans une dynamique d’ouverture et de mise à niveau technologique en vue de favoriser le processus de libéralisation et d’encouragement des investissements étrangers. Tableau 2 Les effectifs de l’emploi du secteur du commerce au Maroc (en milliers) 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Commerce 1 097 1 125 1 144 1 166 1 216 1 247 1 233 1 253 1 274 1 307 1 334 1 377 1 387 National 8 845 8 885 9 098 9 484 9 586 9 628 9 928 10 056 10 189 10 284 10 405 10 509 10 510 Source : Haut-Commissariat au Plan. Commerce et distribution 383 Depuis 1998, le secteur du commerce et de la distribution connaît une évolution importante en termes de valeur ajoutée : il représente environ 11 % du PIB national, passant de 4 6 211 millions de dirhams en 1998 à 77 133 millions en 2012 (2). Cette évolution peut être expliquée par la croissance démographique et l’évolution du niveau de vie avec l’émergence de la classe moyenne qui engendre la modernisation du système de distribution et le changement du comportement du consommateur marocain devenu très exigeant en matière de qualité, de disponibilité et de diversité et qui diminue ses dépenses de base au profit des dépenses d’un niveau supérieur (voiture, vacances, loisirs…). La croissance soutenue de la demande intérieure présente un potentiel très important estimé à environ 600 milliards de dirhams à l’horizon 2020. Cette demande intérieure est accompagnée par des mutations à différents niveaux et dans toutes les régions, par la mise en place de stratégies de développement de nouveaux modes de distribution, avec l’émergence de nouveaux réseaux de grande distribution, de franchises et de plateformes électroniques. En 2012, les transactions commerciales avec l’étranger s’élevaient à 571,8 milliards de dirhams. Le solde commercial, par rapport au PIB, n’a cessé de se dégrader depuis 2000, passant de – 11,1 % en 2000 à – 24,4 % en 2012 (3). L’augmentation des importations de produits énergétiques et de biens d’équipement liées à la dynamique de l’investissement et des différents chantiers lancés au Maroc explique en partie l’aggravation de ce déficit. La structure des IDE par secteur d’activité, montre bien que le secteur du commerce extérieur freine toujours la croissance de l’économie, comme le montre le solde commercial négatif des biens et services entre 2008 et 2012 : inadéquation entre le volume des importations, y compris les services, qui est de 425 597 millions de dirhams (4), et le volume très faible des exportations, y compris les services, qui est de 296 161 millions de dirhams, et ce malgré les différentes stratégies sectorielles mises en œuvre par les différents intervenants du secteur, et qui ont eu un impact négatif (– 0,03 point) (5) sur la croissance. Il faut souligner que la crise économique et financière de 2007 et la grande dépression de 2009 ont participé largement à la dégradation des échanges 2. Haut-Commissariat au Plan. 3. Direction des études et des prévisions financières, ministère de l’Économie et des Finances, Rapport : tableau de bord des indicateurs macro-économiques, mai 2015. 4. Haut-Commissariat au Plan, Direction de la comptabilité nationale. 5. Office des changes. 384 Profils sectoriels et émergence industrielle extérieurs du pays et à la détérioration de sa balance commerciale durant cette période. C’est ainsi que le secteur du commerce occupe la 5e position en termes de volume, derrière l’immobilier, l’industrie, le tourisme et le holding (6). Graphique 2 Chiffre d’affaires des échanges extérieurs par secteur d’activité en 2012 (en %) Immobilier Industrie Tourisme Holding Commerce Grands travaux Banque Transports Autres secteurs La France occupe la première place en termes d’échange avec 23 %, spécialisée dans les assurances, les télécommunications, le transport et le secteur bancaire, suivie de la Grande-Bretagne avec 12 %, de l’Espagne avec 8 %, spécialisée dans la pêche, l’industrie et l’agriculture, sans oublier le troisième investisseur entre 2005 et 2012 que sont les Emirats Arabes Unis, spécialisés dans l’énergie et les mines, le holding et le tourisme. Le secteur est donc porteur d’enjeux économiques très importants, mais aussi sociaux (sécurité de l’emploi, création de nouveaux emplois, amélioration des conditions sociales…), fiscaux (contribution fiscale du secteur…) ou urbanistiques (développement harmonieux du territoire et accessibilité…) qui impactent directement les citoyens, voire l’attractivité des territoires. L’intervention de l’État dans le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suède se base essentiellement sur des partenariats entre les investisseurs privés et les autorités locales, et la politique d’implantation commerciale vise des objectifs urbanistiques. Dans d’autres pays comme la France, le Portugal, l’Italie ou le Danemark, l’intervention se fait directement avec des outils législatifs de contrôle précisant les surfaces seuils d’implantation et la décision tient compte des critères d’ordre socio-économique. 6. Idem. Commerce et distribution 385 Partant de ces constats et prenant compte de tous les enjeux indiqués, nous essaierons d’identifier la contribution de chaque sous-secteur et forme de distribution (grande surface, franchise, e-commerce…), mais également des acteurs moins connus tels que les nouveaux intermédiaires de la relation, les éditeurs de contenu en ligne (blogs, sites, forums…) dans la réalisation de ses résultats durant la période 1998-2012. Les différentes réformes engagées durant cette même période pour promouvoir et relancer le secteur pour une meilleure contribution à la croissance seront également évoquées. 2. Le commerce extérieur A l’Indépendance, le Maroc a choisi la voie libérale pour son économie. Le commerce représentant plus des trois quarts du PIB, le pays a multiplié les efforts pour promouvoir ses exportations. Il a signé des accords de libre-échange avec plusieurs pays. Les principaux partenaires commerciaux du Maroc sont la France et l’Espagne, suivis des États-Unis et de l’Italie. Le pays importe essentiellement du pétrole brut, des équipements de télécommunication, du blé, du gaz et de l’électricité. Il exporte principalement du textile, des composants électriques, des engrais, des agrumes et des légumes. Mais malgré ses efforts, il souffre encore d’un déficit commercial chronique, ce qui lui impose de mieux profiter de ces accords et de diversifier ses partenariats, notamment en Afrique. En 2012, les transactions commerciales avec l’étranger s’élevaient à 571,8 milliards de dirhams, contre 531,7 milliards en 2011, soit une augmentation de 8 %. Cette évolution s’explique par l’augmentation des exportations de 10 milliards de dirhams et la progression des importations de 29 milliards de dirhams. Le taux de couverture des importations par les exportations est passé, durant cette période, de 48,9 % à 47,8 %, et le taux d’ouverture, qui exprime le rapport entre la valeur des transactions commerciales et le PIB, est passé de 66,4 % à 69 %. Les importations affichent une hausse de 29 milliards de dirhams entre 2011 et 2012. Cette évolution s’explique principalement par la hausse de la commande des produits énergétiques (+ 16,2 milliards de dirhams). Le reste, c’est la hausse de la demande des produits alimentaires. Les exportations affichent aussi une hausse modérée de 10 milliards de dirhams, ce qui explique la baisse du taux de couverture. Cette légère hausse est due essentiellement à l’accroissement des ventes de produits finis de consommation et à la stagnation des exportations de phosphates et dérivés (– 0,1 %). 386 Profils sectoriels et émergence industrielle En 2012, à l’instar des années précédentes, les échanges commerciaux du Maroc demeurent concentrés sur l’Europe, avec plus de 63 % du total des échanges (61 % à l’import et 67 % à l’export). L’Asie arrive au deuxième rang, suivie de l’Amérique. L’Espagne et la France maintiennent leur position à la tête des échanges, avec respectivement 17 % et 20 % des parts des exportations et 13 % et 12,2 % des parts des importations. La balance commerciale du Maroc est déséquilibrée, les exportations augmentent moins vite que les importations, et le déficit commercial s’aggrave d’année en année. L’augmentation des importations est due principalement à l’augmentation des produits énergétiques, et la faiblesse des exportations s’explique par la nature de l’offre exportable : produits non diversifiés et de faible valeur ajoutée. En 2012, le déficit commercial du pays s’est élevé à 201 milliards de dirhams, avec un très faible taux de couverture : 48 %. En 2011, les exportations n’ont progressé que de 4,7 % alors que les importations ont connu un accroissement de 6,7 % (7) aggravant encore ce déficit commercial enregistré déjà depuis plusieurs années. Cela s’explique en grande partie par le montant de la facture énergétique du pays, mais aussi par le nombre trop réduit d’entreprises exportatrices et leur dispersion. Si le Maroc comptait plus de 5 000 entreprises exportatrices, l’essentiel du chiffre d’affaires à l’international était réalisé par moins de 20 % d’entre elles. La grande composante du déficit est, toutefois, structurelle. Elle résulte de l’incapacité des produits marocains à faire face à la concurrence des produits étrangers tant sur le marché national que sur les marchés étrangers. Le Maroc a conclu plusieurs accords de libre-échange, notamment avec l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique, la Turquie, la Tunisie, l’Égypte et la Jordanie. Ces accords ont ouvert au Maroc des marchés potentiels, mais il n’a pas su jusqu’à présent bien exploiter ces opportunités et demeure déficitaire envers la plupart de ses partenaires commerciaux. Face à cette réalité, le Maroc est appelé à revoir sa stratégie du commerce extérieur pour mieux tirer bénéfice de ses partenariats. Il doit impulser une politique d’incitation au partenariat avec les acteurs locaux pour un meilleur transfert de technologie et de savoir-faire, ce qui permettra aux investisseurs étrangers dans la distribution de s’implanter au Maroc à moindre coût, moins de démarches d’installation et une meilleure compréhension des consommateurs locaux. En plus, il s’avère nécessaire de diversifier les 7. Source : carnegie-mec.org/2012/Maroc. Commerce et distribution 387 partenariats en investissant d’autres marchés, principalement le marché africain, qui est en pleine expansion et présente une multitude d’opportunités que le Maroc doit saisir et exploiter pleinement. Le Maroc a tout intérêt à s’orienter vers les pays africains afin d’améliorer son commerce extérieur et tirer sa croissance économique vers le haut. 3. Le commerce intérieur et la distribution Le paysage du commerce intérieur et de la distribution a connu une forte transformation depuis la fin des années 90, avec l’apparition des nouvelles formes de distribution caractérisées par leur diversité et regroupant une large gamme d’activités. Le secteur du commerce dénombre plus de 720 000 points de vente répartis sur le territoire, tous types de commerce confondus. Il revêt aussi une dimension sociale très importante car il abrite et constitue la source de revenu d’environ 1,3 million de personnes, soit 13 % de la population active marocaine. 3.1. La grande distribution Le commerce intérieur est un facteur déterminant dans l’aménagement territorial. Il joue un rôle important dans l’urbanisation, l’embellissement et l’animation dans les zones urbaines et rurales. Les pays de l’Union européenne en ont pris conscience et à cet effet organisent annuellement un congrès européen, « Le commerce et la ville », dont la première édition a été organisée à Malaga, en Espagne, les 24 et 26 février 1999. Par ailleurs, la rapidité des mutations technologiques et techniques dues à la mondialisation entraîne une variété dans l’offre de produits, générant ainsi de nouvelles formes de distribution basées sur les techniques modernes de gestion et de marketing. De même, l’existence d’attentes non satisfaites par l’offre traditionnelle et la faiblesse de la taille et de l’organisation du commerce traditionnel ont facilité le transfert d’une partie des dépenses de la consommation d’un nombre non négligeable des consommateurs vers d’autres formes de distribution comme celle de la grande distribution. Le secteur de la grande distribution est composé des magasins de diverses tailles, différentes de celles du petit commerce indépendant, généralement implantés autour des grands centres urbains. Les produits sont en libre-service sur la plupart des sites, avec un effectif important répondant aux exigences de la clientèle. Leur regroupement en chaînes leur permet également de lancer des campagnes de communication à grande échelle. 388 Profils sectoriels et émergence industrielle Ces regroupements adoptent une politique d’achats groupés qui leur permet d’obtenir des produits à bas prix. Le centre commercial est la forme la plus grande conçue pour rendre le shopping agréable (stationnement gratuit, climatisation, escaliers roulants, jeux pour enfants, etc.), toujours construit autour d’un hypermarché. D’autres formes de distribution exercent aussi une influence positive sur l’acte d’achat, tels les supermarchés, les supérettes, les grands magasins, les grandes surfaces spécialisées, les magasins de hard discount et les cybermarchés spécialisés dans la vente sur internet. Les centres commerciaux (Morocco Mall, Anfaplace, Twin Center…) sont situés le plus souvent en périphérique des grandes villes, ont plusieurs galeries, généralement autour d’un hypermarché, parfois avec des activités annexes, allant du cinéma à la restauration. Aujourd’hui, d’autres lieux se transforment en vastes surfaces commerciales, spécialement dans les grands nœuds de communication à proximité des gares routières ou des gares ferroviaires. Elles ne se contentent pas de proposer une offre marchande aux voyageurs (café, restauration, presse, distributeurs…), mais se transforment en véritables centres commerciaux. Les hypermarchés (Marjane, Carrefour…) : établissements de vente au détail et en libre service à prédominance alimentaire, leur surface de vente est supérieure ou égale à 2 500 mètres carrés. Les grands hypermarchés sont généralement associés à une galerie commerciale qui complète les services proposés par l’hypermarché lui-même. Les supermarchés (Label Vie, Acima…) : établissements de vente au détail et en libre service à prédominance alimentaire, leur surface de vente est comprise entre 400 et 2500 mètres carrés. Afin de répondre aux besoins des professionnels, dont les petits commerçants notamment, le Groupe Label Vie a lancé le concept Hyper-Cash en 2012 via Atacadao. Les magasins de hard discount (Maxi discompteur, Bim…) : de taille équivalente à celle du supermarché, ils se distinguent par leur agencement en offrant un assortiment de produits alimentaires restreint mais à bas prix. Ils proposent leurs produits sur des palettes, dans leur emballage d’origine. Les grandes surfaces spécialisées (Décathlon, Bricoma, Mobilia, Kitea, Ikea…) : il n’existe pas de définition précise de ce concept. Il s’agit de grandes surfaces vendant des articles d’un seule spécialité ou dans quelques domaines complémentaires (électroménager, ameublement, articles de sport…). Les cybermarchés (les supermarchés en ligne) (www.economat.ma) sont spécialisés dans la vente des produits de consommation courante sur internet, avec livraison à domicile. Commerce et distribution 389 Le concept des hypermarchés et des supermarchés continuera à se développer, mais la tendance observée reste toujours le développement des magasins de proximité. 3.2. Historique Historiquement, le commerce au Maroc a toujours été prospère, et certaines villes telles que Fès, Marrakech, Salé ou Essaouira étaient connues par leur trafic commercial sous des formes telles que les souks et les kissarias. Il existait aussi, et ce depuis les années soixante, à Casablanca et à Rabat, des grands magasins populaires tels que Monoprix qui a connu un véritable succès à l’époque. Au courant des années soixante-dix, plusieurs lois ont été promulguées, dont les objectifs étaient d’assainir et d’organiser les circuits de la distribution ainsi que l’instauration du système de quota et la fixation des prix, et ce, pour plusieurs produits et services touchant tous les aspects de la vie économique du pays. A partir de 1984, le Maroc s’est engagé dans la libéralisation de son économie pour faire face à l’inflation qui avait atteint des niveaux très alarmants, variant entre 10 et 12 %. Ceci a engendré l’apparition d’autres formes de distribution telles que les supermarchés, les coopératives de consommation ou les centres commerciaux et a entraîné la modernisation de la chaîne de distribution et de l’appareil commercial dans son ensemble. Les années 90 ont été marquées par l’apparition de la grande distribution, modifiant ainsi la manière traditionnelle de consommer des Marocains : c’est le désir de consommer autrement. La transformation de certains commerces de détail en petites et moyennes surfaces de vente ainsi que l’apparition des grandes surfaces et des grandes chaînes de distribution nationales ou à participation étrangère introduiront des notions qui étaient jusque-là inconnues ou peu pratiquées : le juste à temps dans la livraison, la diversification des produits, la chaîne du froid. Cette transformation explique sans doute l’intérêt des investisseurs pour ce secteur, notamment les enseignes étrangères. 3.3. La grande distribution au Maroc Le paysage de la distribution au Maroc connaît des transformations : une nouvelle forme d’achat voit le jour dès le début des années 90, favorisant ainsi l’implantation de grandes surfaces et de centres commerciaux. Les canaux de distribution au Maroc se caractérisent par des structures opaques et peu 390 Profils sectoriels et émergence industrielle mûres, voir même anarchiques. Le nombre élevé des intermédiaires rend le canal de distribution long. La principale conséquence reste le prix élevé pour le consommateur final. Le principal centre d’affaires se trouve à Casablanca, où se concentrent la plupart des entreprises et les plus grands centres de distribution de marchandises tels que Derb Omar et Derb Ghallef. Et plus on s’éloigne de l’axe économique stratégique Kénitra-Rabat-Casablanca, plus la chaîne de distribution devient longue et opaque. Personne ne peut nier l’intérêt du consommateur marocain pour le commerce moderne. Cette modernisation a été portée au départ essentiellement par une classe aisée, puis par la suite par la classe moyenne, engendrant une croissance de la demande grâce à l’augmentation du pouvoir d’achat couplée avec une dynamique démographique importante, surtout en milieu urbain, ce qui a poussé les grandes enseignes à s’intéresser au marché marocain. L’implantation des grandes surfaces de marque étrangère autour des grands centres urbains a secoué le mode traditionnel d’organisation du secteur des commerces locaux de proximité caractérisés par leur fragmentation et la multiplicité des intermédiaires, rendant ainsi le canal de distribution très long entre le producteur et le consommateur. Cette implantation des grands groupes étrangers est encouragée aussi par la stabilité politique, un régime fiscal favorable et l’attractivité très importante de l’environnement d’accueil qui offre des opportunités de développement plus intéressantes que dans le pays d’origine et permet ainsi la création d’emplois (directs et indirects). Cette dynamique a favorisé l’émergence d’acteurs locaux et l’ouverture d’opportunités de modernisation et de développement pour d’autres. Tableau 3 Évolution des sites de la grande distribution entre 2000 et 2011 2000 2011 Label Vie 3 35 Acima 0 30 Marjane 5 27 Aswak Assalam 1 12 Carrefour 5 10 14 114 Total Commerce et distribution 391 Selon le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologie, le réseau de la grande distribution au Maroc a été multiplié par 8 en dix ans. Il est passé de 14 sites en 2000 à 114 en 2011, avec une surface commerciale globale de plus de 700 000 mètres carrés. Casablanca accapare la part de lion, avec 32 sites de commerce en raison des opportunités offertes en termes d’infrastructures et de pouvoir d’achat, suivie de Rabat, avec 16 points de vente. A elles seules ces deux villes possèdent 42 % des sites commerciaux du pays à fin 2011. Durant les années 2000, on assiste à l’émergence des grandes enseignes à travers tout le Maroc. Cette forme de commerce intégré leur permet de réduire leurs charges, d’où le renforcement de leur position concurrentielle (Marjane, Label Vie, Asima, Kitea, Mobilia…). Par ailleurs, l’absence de planification commerciale au niveau national, l’absence d’un encadrement efficace par le gouvernement, l’opacité de la structure de distribution et le vide juridique sur le plan du droit de la distribution, de la concurrence ou sur l’urbanisme commercial (Abdelmajid Amine, 2012) ont entraîné un déséquilibre de l’offre sur le territoire. A la fin 2011, Fès, 2e ville du pays, enregistre une densité commerciale de 30 points de vente et 433 mètres carrés pour 1 000 habitants, comparable avec une petite ville. En revanche, Casablanca affiche une densité de 71 points de vente et 1 638 mètres carrés pour 1 000 habitants. Le système des dérogations et du laisser-faire a impacté négativement l’organisation des villes, tout en mettant en péril l’équilibre du territoire, avec un déficit en matière d’offres pour un grand nombre de consommateurs, ce qui a fait place au commerce ambulant – qui représente un manque à gagner pour l’État quant à l’IR – et entraîne un manque de visibilité pour les investisseurs potentiels. De plus, ce commerce alimente en grande partie le secteur informel qui ne cesse de prendre de l’ampleur et devient un fait économique et social qui limite la croissance durable de l’économie marocaine. D’après une étude réalisée en 2011 par le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies sur le commerce ambulant, 60 % des professionnels exercent cette activité depuis le début des années 2000. Les marchands ambulants sont principalement des hommes (91 %), avec une moyenne d’âge de 41 ans et un faible niveau d’instruction. Ils exercent ce métier dans des conditions de travail difficiles, et les deux tiers sont les principaux soutiens financiers de leurs familles. Selon la même source, 80 % sont installés près des gares routières, des mosquées, aux alentours des centres commerciaux, des marchés municipaux et les souks. Ce type de commerce concerne principalement les produits alimentaires et l’habillement, avec un 392 Profils sectoriels et émergence industrielle chiffre d’affaires de plus de 46 milliards de dirhams et un bénéfice moyen par jour de 104 dirhams, soit un manque à gagner pour l’État de 405 millions de dirhams au titre de l’impôt sur le revenu. Le commerce non organisé conduit à une invasion du commerce ambulant impactant négativement le paysage de la ville, avec notamment, des blocages et des difficultés de circulation. L’étude menée sur l’informel par le HCP en 2007, a montré que l’informel est en forte progression. Il est passé de 314 000 unités en 1999 à 433 000 en 2007, soit une augmentation de 38 % et une croissance moyenne de 3 à 4 % annuellement. Une étude du ministère de tutelle réalisée en 2009 fait apparaître que les petits commerces dominent largement le marché marocain, avec 99 % des points de vente, 86 % de la surface globale et 81 % du chiffre d’affaires. En revanche, les grands commerces, avec 1 % des points de vente et 14 % de la superficie, réalisent 19 % du chiffre d’affaires. Malgré les différents efforts des groupes étrangers, leur emplacement à la périphérie des grandes villes et la connexion au réseau des transports en commun urbain représentent un handicap majeur et laissent la place à un système traditionnel de distribution qui repose sur un commerce de proximité qui remplit une double fonction: une fonction de distribution et une autre fonction, très importante, qui trouve ses origines dans la culture et les traditions marocaines, celles du lien social (Abdelmajid Amine, 2012). Cette relation de proximité entre commerçants et consommateurs dépasse le cadre de l’échange de biens et de produits de consommation, c’est une relation de confiance. Le commerçant connaît ses clients, il leur accorde des facilités, il est disponible, etc. L’émergence de la grande distribution a impacté toute la chaîne du commerce, de la production à la consommation, en restructurant en amont et en aval le circuit de la production et la filière logistique, favorisant ainsi l’émergence et la mise à niveau d’acteurs locaux, impactant positivement l’offre, la qualité (respect de la chaîne du froid, rotation des stocks, amélioration des conditions de stockage…), l’aménagement des locaux, la diversité du choix, la rationalisation des coûts (l’optimisation de la chaîne logistique, transport, stockage…), et les délais de livraison, etc. Néanmoins, le développement du commerce de proximité dépend largement d’une nouvelle conception innovante et de l’amélioration de son modèle économique à travers l’adoption de nouvelles techniques de vente, le développement d’offres plus attrayantes et la maîtrise des charges de l’activité commerciale. Commerce et distribution 393 Tableau 4 Nombre de points de vente modernisés par région Beni Mellal-Khénifra 985 Dakhla-Oued-Ed-Dahab 2 224 Drâa-Tafilalet 1 443 Fès-Meknès 2 971 Grand Casablanca-Settat 3 805 Laâyoune-Sakia El Hamra 2 736 Marrakech-Safi 2 377 Oriental 2 647 Rabat-Salé-Kénitra 2 435 Souss-Massa 1 979 Tanger-Tétouan-Al Hoceima 1 762 Guelmim-Oued Noun Total 421 25 784 Le commerce de détail ne s’est pas modernisé, rendant ainsi la concurrence avec la grande distribution inégale, que ce soit sur le plan de la fidélisation de la clientèle ou de la diversité des produits, ou sur les prix. Mais avec l’introduction en force de la grande distribution, le commerce traditionnel et le département de tutelle prennent conscience de la nécessité de moderniser l’organisation et de mutualiser les approvisionnements, pour réduire les coûts et s’inscrire dans une perspective de compétition avec les grands groupes. Le rôle des autorités et des pouvoirs publics est primordial dans la régulation de cette compétition pour maintenir la coexistence des deux formes de distribution qui remplissent, en plus d’un rôle économique, un rôle social et organisationnel, par la création d’emplois et l’auto-entrepreneuriat qui favorisent aussi la sédentarisation et la cohésion sociale dans les quartiers populaires. Le développement de la distribution et la modernisation des commerces de proximité dépendent aussi de la lutte contre le commerce clandestin, par des mesures coordonnées entre les pouvoirs publics (réformes réglementaire) et les différents acteurs locaux, les syndicats et les grands groupes de distribution. A cet effet, le ministère de tutelle a lancé un programme de soutien aux projets de modernisation du commerce de proximité, conçu par les intervenants dans le secteur et visant à assurer un standard qualité d’hygiène et de sécurité répondant aux attentes et exigences des consommateurs, à 394 Profils sectoriels et émergence industrielle améliorer l’attractivité et l’embellissement du point de vente et à développer et renforcer le savoir-faire du commerçant. Ce programme a contribué au financement de l’expertise du point de vente, à l’acquisition et l’installation des équipements nécessaires à la modernisation du local et à la formation du commerçant sur les techniques de gestion et de vente sur le respect des normes d’hygiène et de sécurité. Plus de 25 780 commerçants ont bénéficié de ce programme, répartis dans les différentes régions du pays. Le département du Commerce et de l’Industrie a élaboré le plan Rawaj vision 2020 pour le développement du secteur du commerce et de la distribution. Il s’articule autour de quatre axes : – la grande et moyenne distribution ; – le commerce indépendant ; – le commerce en réseau et la franchise ; – les espaces publics marchands sous la responsabilité des communes (marchés de gros, abattoirs et halles aux poissons). A l’instar d’autres expériences internationales destinées à accompagner le développement économique et social du secteur du commerce, certains pays ont réservé des fonds pour la restructuration du secteur commercial, tel le fonds FISAC alimenté par une taxe appliquée aux grandes surfaces et qui a pour objectif la sauvegarde des activités commerciales et artisanales dans les zones fragilisées. Le Portugal aussi dispose d’un fonds, PROCOM (Programa de Apoio à Modernizaçao do Comercio), qui bénéficie de fonds européens (Fonds européen de développement régional, FEDER, et Fonds social européen, FSE) dont l’objectif est de moderniser la structure commerciale traditionnelle des villes. Le Maroc aussi s’inscrit dans cette vision, et en vue d’inciter les commerçants à adhérer à un plan de modernisation, il a lancé le programme Rawaj Vision 2020 qui prévoit la mise en place d’un mécanisme de financement dédié notamment à la création d’un fonds de développement du commerce. Ce fonds permettra de financer et d’appuyer les projets initiés par les collectivités locales dans le but d’organiser les espaces commerciaux, moderniser les espaces publics et aménager des sites pour la sédentarisation des commerçants ambulants. La dotation du fonds est de 200 millions de dirhams par an sur la période 2009-2012 (8). En conséquence, le ministère de l’Industrie du Commerce et des Nouvelles Technologies, en collaboration avec le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme 8. Source : www.mcinet.gov.ma « Le programme de modernisation ». Commerce et distribution 395 et de l’Aménagement de l’Espace, a mené des réformes très importantes avec trois objectifs stratégiques : 1. encadrer le développement du commerce dans sa globalité tout en conservant l’équilibre entre commerce moderne et commerce traditionnel, commerce de centre-ville et de périphérie, avec la mise en place d’un schéma directeur des zones d’activités commerciales ; 2. associer les acteurs de l’urbanisme, les instances publiques représentatives du commerce, les acteurs privés et les élus au développement du secteur ; 3. respecter la liberté d’entreprendre tout en accompagnant les acteurs privés à l’aide d’un cadre favorable à l’investissement. Le commerce et la distribution ont vu au cours des années 90 et les années 2000 le développement de nouveaux modes de distribution avec l’apparition du commerce en réseau. Les franchises sont parmi les principales organisations de vente et de distribution qui couvrent un large spectre de métiers, de la restauration aux services, en passant par l’immobilier. 4. La franchise 4.1. Historique Apparue aux États-Unis et en France au début du 20e siècle, la franchise n’est devenue une forme très attractive de vente et de distribution que dans les années 70. Au Maroc, cette forme d’organisation est récente. Les premières enseignes sont apparues au début des années 60, avec l’implantation du concept américain Avis en 1962, mais ce n’est qu’au cours des années 90 que ce genre de commerce c’est réellement développé dans notre pays. Entre 1990 et 1997, la franchise au Maroc a vu l’implantation de six enseignes en moyenne par an, atteignant ainsi 42 réseaux de franchises, avec 174 points de vente fin 97, selon le ministère du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie. Entre 1997 et 2004, le concept a connu une très forte expansion. L’enquête du ministère de tutelle a recensé, à la fin du mois de juin 2004, 210 enseignes avec plus de 700 points de vente, ce qui représente une augmentation de 400 % en sept ans. A l’échelle mondiale, la franchise occupe une place de plus en plus importante dans le paysage commercial. Elle est en forte expansion depuis les années 90 : elle est passée de 550 franchiseurs en 1991, avec un chiffre d’affaires avoisinant les 30 milliards d’euros, à 1 658 franchiseurs en 396 Profils sectoriels et émergence industrielle 2012, avec un chiffre d’affaires de 50,68 milliards d’euros (9). Le nombre d’enseignes installées au Maroc a connu, lui aussi, une croissance annuelle soutenue d’environ 18 % durant les années 2000. Cette expansion ne se limite pas aux chaînes internationales, elle concerne aussi les réseaux nationaux qui constituent une brèche très importante pour le développement du concept au Maroc et qui donnera ensuite notoriété, visibilité et accessibilité des produits marocains sur les marchés internationaux. Au Maroc, si la franchise est aujourd’hui très convoitée, aussi bien par les commerçants que par les professionnels, c’est parce qu’elle présente beaucoup d’avantages. Les statistiques de par le monde et au Maroc témoignent de l’importance et de la dimension de ce type de commerce. Cet engouement n’est pas dû au hasard, mais à plusieurs facteurs encourageants, dont quelques-uns sont cités ci-dessous, qui ont permis l’installation d’enseignes internationales : – un système économique libéral et la stabilité du pays ; – la proximité géographique et socio-culturelle ; – une législation nationale favorable en matière d’investissement ; – l’existence d’accords de libre-échange avec plusieurs pays ; – l’évolution des modes de consommation ; – un régime douanier développé. 4.2. La franchise au Maroc Les franchises installées au Maroc sont au nombre de 584 à la fin de 2012, contre 100 en 2000, selon le ministère de tutelle. Ces franchises sont réparties sur plus de 4 000 points de vente. L’ouverture de grands « malls » a contribué, de façon positive et importante, au développement du tourisme de shopping, à tel point que certaines enseignes internationales sont devenues familières. Il est à signaler que sur 100 franchises, environ 41 sont master franchisées, 36 sont franchisées et 23 franchiseurs. L’attractivité de l’économie marocaine a contribué au développement des points de vente franchisés avec l’implantation de nombreuses enseignes étrangères. L’évolution moyenne entre 2000 et 2012 était de 17 % par an. Les enseignes étrangères représentent plus de 85 % des franchises. Les 15 % restantes sont des franchises marocaines, avec plus de 70 enseignes et plus de 2 500 points de vente, soit plus de 70 % du total des points de vente franchisés. 9. Sources : Franchise Expo Paris et la Fédération de la franchise. Commerce et distribution 397 Graphique 3 Répartition des réseaux de franchises cumulée par date d’implantation au Maroc * 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 * 6 réseaux n’ont pas communiqué leur date d’implantation au Maroc. Le groupe le plus présenté dans le métier de la franchise au Maroc est Aksal, avec plusieurs représentations comme Zara, Galeries Lafayette, Mango, Massimo Dutti. La franchise, qui représente environ 3 % des surfaces développées et 0,4 % du parc de magasins, pèse près de 15 % de la valeur ajoutée du secteur du commerce intérieur. Les réseaux de franchises demeurent dominés par le prêt-à-porter, 25 %, devant la restauration, environ 10 %. La cosmétique et la coiffure, l’ameublement, la confiserie, la location de voiture, l’enseignement, etc., sont également représentés. Les marques Zara, Mango, Etam, La Senza, Okaïdi font partie de l’environnement quotidien des consommateurs des grandes villes marocaines. A noter que les franchises de services sont moins représentées. Une étude menée auprès des opérateurs du secteur de la franchise par le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies en mai 2011 révèle que le réseau était constitué de 473 franchises réparties sur plus de 3 819 points de vente. A cette date, le réseau était dominé par le secteur de l’habillement, avec 41 %, suivi du secteur de l’alimentation, avec 17 %, et de l’ameublement, avec 6 % du nombre de points de vente. 398 Profils sectoriels et émergence industrielle Graphique 3 Répartition des réseaux de franchises par secteur d’activité (en %) 25 28 1 1 1 1 2 2 7 2 2 2 2 6 3 3 5 3 3 Habillement et lingerie Restauration Ameublement Chaussures Bijouterie Confiserie Café Centre de mise en forme Institut de beauté Maroquinerie et articles de voyage Agence immobilière Accessoires maison et décoration Enseignement Téléphonie Coiffure Habitat Cosmétique Location-auto Autres Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies. Les enseignes internationales constituent la majorité des enseignes, avec 86 % du réseau existant. La France à elle seule représente 38 % des enseignes implantées au Maroc, suivie des États-Unis, 12 %. La répartition des enseignes par point de vente montre que 39 % des réseaux disposent d’un seul point de vente, contrairement aux enseignes marocaines qui se distinguent par un grand nombre de points de vente, dont 45 % possèdent plus de 10 implantations. Graphique 4 Répartition des réseaux de franchises par pays d’origine (en %) 1 2 11 5 3 4 38 7 12 12 14 France Maroc USA Italie Espagne Canada Belgique Allemagne Angleterre Suisse Turquie Autres Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies. Commerce et distribution 399 Casablanca est la ville qui héberge le plus grand nombre de franchises, suivie de Rabat. L’axe Casablanca-Rabat représente, à lui seul, 43 % des points de vente franchisés. Les villes de Marrakech (9 %), Fès (4 %), Agadir (4 %) et Tanger (5 %) connaissent, elles aussi, une croissance soutenue des réseaux de franchises grâce notamment au développement de l’immobilier commercial de haut standing. 5. Le e-commerce Depuis une vingtaine d’années, une vraie révolution numérique s’est déclenchée. L’apparition de l’internet a entraîné des mutations dans tous les secteurs, y compris le commerce. Tout le monde connaît Amazon, Alibaba, eBay, ils sont devenus une composante de la culture d’achat des consommateurs. Le e-commerce est devenu le principal canal de la vente à distance. Le e-commerce au Maroc est devenu un marché très important. Avec le développement des nouvelles technologies et la croissance rapide des ménages ayant accès à l’internet (de 7 % à 23 % (10)), il a été multiplié par trois entre 2006 et 2010. C’est dans ce cadre que la stratégie nationale e-Maroc a été lancée en janvier 2005 pour renforcer la vente à distance et la distribution avec l’introduction de l’internet dans la nouvelle définition du service universel. Sans oublier bien sûr la population jeune intéressée par les ouvertures qu’offre le produit internet. Le développement du e-commerce a touché plusieurs secteurs : shopping 38 %, paiement des créances 40 %, voyages et événements 11 %, e-gov 7 %... Bien qu’au Maroc le e-commerce soit considéré comme un potentiel non encore exploité, l’évolution de son chiffre d’affaires a été multiplié par 10 entre 2008 et 2010, passant de 31 à 300 milliards de dirhams. On assiste à l’apparition de plusieurs sites et applications de vente en ligne, tels Jumia, Hmall, Hmizat, Boutika, et de pages facebook. En 2012, avec l’apparition des sites de deals, le concept des achats groupés et des coupons a donné naissance à la plateforme « Vendo.ma » qui permet de rassembler toutes les offres dans une seule interface, qui est devenue le moteur de recherche de produits au Maroc. Au Maroc, 1 site pour 240 000 habitants, en France, 1 site pour 900 habitants (11). 10. Source : Agence nationale de réglementation des télécommunications. 11. Source : Agence nationale de réglementation des télécommunications, Observatoire des nouvelles technologies, chiffres de juin 2010, Maroc Télécommerce, Fédération e-commerce et vente à distance (France). 400 Profils sectoriels et émergence industrielle Le développement de ce type de commerce représente des opportunités très importantes au Maroc. Le secteur du e-commerce fait face à de nombreux obstacles qui entravent son développement : – les démarches administratives pour la mise en place d’une solution de paiement en ligne ; – les problèmes de sécurité et de confidentialité ; – comment offrir aux acheteurs une meilleure expérience et leur inspirer confiance malgré la faiblesse des contenus en langue arabe ; – le taux « d’analphabétisme » en nouvelle technologie et le faible taux d’équipement. Conclusion En guise de conclusion, l’analyse du secteur « commerce et distribution » entre 1998 et 2012 montre qu’il est caractérisé par une dualité : un marché moderne qui reste lié à l’évolution de la grande distribution et un marché traditionnel qui concrétise le commerce de proximité et tend vers le secteur informel. Bien évidemment, les perspectives d’évolution dépendent dans une large mesure de la capacité de l’économie marocaine à éliminer l’économie informelle. Autrement dit, quelles sont les réformes et les mesures qui doivent être prises par les pouvoirs publics pour éradiquer le secteur informel ? Finalement, les opportunités qui se présentent dans ce secteur sont énormes et reposent en premier lieu sur la capacité de celui-ci à être compétitif et à introduire dans les années à venir les principaux leaders dans l’économie nationale. Par exemple, la grande distribution n’est pas encore implantée dans les villes de taille moyenne, de même le e-commerce n’est pas encore développé et est appelé à prendre davantage de parts de marché et créer des emplois directs et indirects, particulièrement dans la logistique. Ajoutons à cela le commerce traditionnel de proximité qui doit accompagner les transformations quant à la modernisation des locaux, l’adoption de normes de qualité et l’instauration en réseau essentiellement de la logistique et des réclamations clients, mais aussi en préservant les acquis du crédit gratuit offert aux clients et de la flexibilité des horaires d’ouverture. AUTEURS Safae A, Doctorante, Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Agdal, Université Mohammed V de Rabat, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, [email protected] Bernard B, Professeur émérite, CREG (Centre de recherche en économie de Grenoble), Université Grenoble-Alpes, France, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, [email protected] Mohamed B, Enseignant-chercheur à l’École supérieure de technologie d’Essaouira, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Maroc, [email protected] Nadia B, Doctorante à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Agdal, Université Mohammed V de Rabat, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, [email protected] Issam E F, Enseignant-chercheur à l’École nationale de commerce et de gestion, Université Chouaïb Doukkali d’El Jadida, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, [email protected] Rachid E M, Docteur en économie, Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Université Mohammed V de Rabat, Laboratoire économie du développement (LED), Chef de service au Haut-Commissariat au Plan, Maroc, [email protected] Rajae E M, Doctorante, Faculté des sciences Juridiques, économiques et sociales, Souissi, Université Mohammed V de Rabat, Maroc, elmrajae@ gmail.com Abdellali F, Professeur à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée, Rabat, Maroc, [email protected] Hicham G, Enseignant-chercheur à l’Université Ibn-Zohr d’Agadir, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, hichamkgoumrhar@ gmail.com El Houcine K, Laboratoire économie du développement (LED), Rabat, Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales, Agdal, Université Mohammed V de Rabat, Maroc, [email protected] Tarik L, Enseignant-chercheur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Agdal, Université Mohammed V de Rabat, Maroc, [email protected] 402 Profils sectoriels et émergence industrielle Mariem L, Professeur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Université Ibn Tofaïl de Kénitra, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, [email protected] Mohammed M, Professeur de l’enseignement supérieur, assistant à l’École nationale de commerce et de gestion, Université Chouaib Doukkali d’El Jadida, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, mzaizmohammed@ gmail.com Benaissa Nl, Enseignant-chercheur, Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Salé, Université Mohammed V de Rabat, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, [email protected] Hicham O, Enseignant-chercheur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Université Ibn Tofaïl de Kénitra, Maroc, [email protected] Alain P, Chargé de recherche à l’IRD (Prodig, UMR 8586, France / Laboratoire économie du développement (LED), Rabat, Maroc). Abdelmoneim T, Enseignant-chercheur à l’École nationale des sciences appliquées de Safi, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, [email protected] Dépôt légal : 2019 MO 3728 ISBN : 978-9920-38-211-3 ISSN : 2658-803X Babel com L’ouvrage Made in Maroc Made in Monde rassemble l’ensemble des travaux effectués dans le cadre du programme de recherche « Made in Morocco : industrialisation et développement » qui s’est déroulé, en temps effectif, sur la période 2013-2018 et les résultats auxquels ces travaux ont conduit. Il se compose de trois volumes formant une totalité qui « n’est pas autre chose que la pluralité considérée comme unité » (au sens de Kant). Autour de la problématique générale de l’industrialisation dans sa double relation avec les exigences du développement national, d’une part, et avec les contraintes imposées par la mondialisation, d’autre part, ce programme a conjugué une diversité d’approches, de niveaux d’analyse, d’outils et de modes d’investigation soutenus par des hypothèses de travail élaborées de concert, au cours de plusieurs séminaires méthodologiques, par une quarantaine de chercheurs et de doctorants. Ce troisième volume offre, dans un chapitre introductif, un cadrage d’ensemble de la dynamique sectorielle de l’économie nationale, réalisé en mobilisant les données de la comptabilité nationale. Les treize chapitres suivants portent sur un certain nombre d’activités industrielles, couramment qualifiées de branches ou de secteurs, qui concernent non seulement les domaines relevant de l’industrie manufacturière, mais aussi certains secteurs qui sont des composantes de l’environnement de cette dernière. Il s’agit, respectivement, de l’industrie agro-alimentaire, de l’industrie du textile-cuir-habillement, de l’industrie chimique et parachimique, de l’industrie mécanique et métallurgique, de l’industrie automobile, de l’industrie aéronautique, de l’industrie électrique et électronique, des secteurs de l’énergie, de la logistique, de l’offshoring, de l’artisanat, du tourisme, du commerce et de la distribution. Prix : 80 Dh