Sous la direction de
Noureddine El Aoufi et Bernard Billaudot
Made in Maroc
Made in Monde
Volume 3
Profils sectoriels et
émergence industrielle
Made in Maroc
Made in Monde
Volume 3
Profils sectoriels et
émergence industrielle
Recherches menées avec le concours de
de l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques
Sous la direction de
Noureddine El Aoufi et Bernard Billaudot
Made in Maroc
Made in Monde
Volume 3
Profils sectoriels et
émergence industrielle
Économie critique
dirigée par Noureddine El Aoufi
« Économie critique » est une collection de la revue Critique économique. Sa
vocation est de produire des analyses approfondies et originales sur les problématiques
théoriques et empiriques de l’économie d’aujourd’hui. Privilégiant le champ de l’économie
nationale, la collection propose un décryptage des fonctionnements macro-économiques
institutionnels et réels, des comportements des acteurs, des configurations des entreprises,
des grands enjeux nationaux et internationaux. Au-delà des éclairages pertinents qu’elle
apporte, « Économie critique » vise également à susciter le débat et à animer la vie
intellectuelle nationale.
Dans la même collection
Mohammed Naciri, Désirs de ville, 2017.
Noureddine El Aoufi et Saïd Hanchane, les Inégalités réelles au Maroc : une
introduction, 2017.
Grigori Lazarev, Politiques agraires, 2012.
Noureddine El Aoufi (dir.), le Maroc solidaire : projet pour une société de
confiance, 2011.
Noureddine El Aoufi, Mohammed Bensaïd, les Jeunes, mode d’emploi : chômage
et employabilité au Maroc, 2008.
Najib Akesbi, Driss Benatya, Noureddine El Aoufi, l'Agriculture marocaine à
l'épreuve de la libéralisation, 2008.
Michel Hollard, Une petite désillusion : comment peut-on être coopérant au Maroc ?
Journal, 2001-2002, 2006.
En co-édition avec l’Harmattan, Paris
Mohammed Bensaïd, Noureddine El Aoufi, Michel Hollard (dir.), Économie
des organisations : tendances actuelles, 2007.
Jean Lapèze (dir.), Apport de l’approche territoriale à l’économie du
développement, 2007.
Jean Lapèze, Nacer El Kadiri, Nouzha Lamrani (dir.), Éléments d’analyse sur le
développement territorial : aspects théoriques et empiriques, 2007.
Claude Courlet (dir.), Territoire et développement économique au Maroc : le cas des
systèmes productifs localisés, 2006.
© Économie critique, 2019
Pré-presse : Babel com, Rabat
Impression : El Maârif Al Jadida, Rabat
Programme de recherche Made in Morocco
Industrialisation et développement
Comité de pilotage
Nadia Benabdeljlil, Université Mohammed V de Rabat, Maroc.
Bernard Billaudot, Université Grenoble-Alpes, France, Laboratoire économie
du développement (LED), Maroc.
Noureddine El Aoufi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Said Hanchane, Université Mohammed VI Polytechnique, Benguerir, LED,
Maroc.
Michel Hollard, Université Grenoble-Alpes, France, LED, Maroc.
Nicolas Moumni, Université d’Amiens, France, LED, Maroc.
Alain Piveteau, Institut de recherche pour le développement, France, LED,
Maroc.
Rédouane Taouil, Université Grenoble-Alpes, France, LED, Maroc.
Comité de gestion
Noureddine El Aoufi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc, chef
du projet 2012-2016.
Hicham Hanchane, Université Mohammed V de Rabat, chef du projet
2016-2017.
Nadia Benabdeljlil, Université Mohammed V de Rabat, chef du projet 20172019.
Safae Akodad, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Chercheurs
Safae Aissaoui, Université Hassan II de Casablanca, LED, Maroc.
Safae Akodad, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Anass Alaoui Mdaghri, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Khadija Askour, Institut supérieur international du tourisme de Tanger, LED,
Maroc.
Laurence Baraldi, Université Grenoble-Alpes, France.
Nadia Benabdeljlil, Université Mohammed V de Rabat, Maroc.
Saad-Ellah Berhili, HEC Montréal, Université Mohammed V de Rabat,
Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique.
Mohamed Bijou, Université de Toulon, France, LED, Maroc.
Bernard Billaudot, Université Grenoble-Alpes, France, LED, Maroc.
Mohamed Boukherouk, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Maroc.
Nadia Bounya, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Youssef Bouzrour, Chercheur, Manager consulting Mazars, Maroc.
6
Profils sectoriels et émergence industrielle
Marie Coris, Université de Bordeaux, France.
Lahcen El Ameli, Institut agronomique et vétérinaire Hassan II et Université
internationale de Rabat, Maroc.
Noureddine El Aoufi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Soukaina El Boujnouni, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Issam El Filali, Université Chouaïb Doukkali d’El Jadida, LED, Maroc.
Adil El Houmaidi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Khadija El Issaoui, Université Mohammed V de Rabat, Maroc.
Rachid El Mataoui, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Rajae El Moukhi, Université Mohammed V de Rabat, Maroc.
Abdellali Fadlallah, Institut national de statistique et d’économie appliquée,
Maroc.
Hicham Goumrhar, Université Ibn-Zohr d’Agadir, LED, Maroc.
Hicham Hanchane, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Saïd Hanchane, Université Mohamed VI Polytechnique de Bengrir, LED,
Maroc.
Michel Hollard, Université de Grenobles Alpes, France, LED, Maroc.
Hosna Hossari, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Maroc.
Marouane Idmansour, Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, LED, Maroc.
Lamiaa Kerzazi, Université Mohammed V de Rabat, Maroc.
El Houcine Khettar, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Rabah Kissami, Université Mohammed Premier, Oujda, Maroc.
Tarik Lakhal, Université Mohammed V de Rabat, Maroc.
Pauline Lectard, Université de Montpellier, France.
Mariem Liouaeddine, Université Ibn Tofail de Kénitra, LED, Maroc.
Anass Mahfoudi, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Nicolas Moumni, Université d’Amiens, France, LED, Maroc.
Mohamed Mzaiz, Université Chouaib Doukkali d’El Jadida, LED, Maroc.
Benaissa Nahhal, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Hicham Ouakil, Université Ibn Tofail de Kénitra, Maroc.
Alain Piveteau, Institut de recherche pour le développement, France, LED,
Maroc.
Hamid Slimani, Université Sidi Mohammed Benabdellah de Fès, Maroc.
Mohamed Soual, Chief Economist OCP, Maroc.
Outmane Soussi Naoufal, Université Mohammed V de Rabat, Maroc.
Rédouane Taouil, Université Grenoble-Alpes, France, LED, Maroc.
Abdelmouneim Tlidi, Université Cadi Ayyad de Marrakech, LED, Maroc.
Hanane Touzani, Université Mohammed V de Rabat, LED, Maroc.
Éric Verdier, CNRS et Aix-Marseille Université.
Mustapha Ziroili, Université Aix-Marseille, France.
Sommaire
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre introductif
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
Bernard Billaudot
9
.....................
15
Chapitre 1
Agro-alimentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Abdelmoneim Tlidi
71
Chapitre 2
Textile-habillement
Abdellali Fadlallah
.........................................................
Chapitre 3
Chimie et parachimie
Rajae El Moukhi
......................................................
101
125
Chapitre 4
Mécanique et métallurgie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Safae Akodad, Hicham Goumrhar et El Houcine Khettar
Chapitre 5
Automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Alain Piveteau
Chapitre 6
Aéronautique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
Safae Akodad, Nadia Bounya et Hicham Goumrhar
Chapitre 7
Électrique et électronique
Rachid El Mataoui
..................................................
205
Chapitre 8
Énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Benaissa Nahhal
8
Profils sectoriels et émergence industrielle
Chapitre 9
Logistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261
Mohammed Mzaiz
Chapitre 10
Offshoring . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297
Issam El Filali
Chapitre 11
Artisanat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 317
Mariem Liouaeddine
Chapitre 12
Tourisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343
Mohamed Boukherouk et Abdelmonaim Tlidi
Chapitre 12
Commerce et distribution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 381
Tarik Lakhal et Hicham Ouakil
Auteurs
.....................................................................
401
Avant-propos
Le présent ouvrage rassemble l’ensemble des travaux effectués dans le
cadre du programme de recherche « Made in Morocco : industrialisation et
développement » qui s’est déroulé, en temps effectif, sur la période 2013-2018
et les résultats auxquels ces travaux ont conduit. Il se compose de trois volumes
formant une totalité qui « n’est pas autre chose que la pluralité considérée
comme unité » (au sens de Kant). Autour de la problématique générale de
l’industrialisation dans sa double relation avec les exigences du développement
national, d’une part, et avec les contraintes imposées par la mondialisation,
d’autre part, ce programme a conjugué une diversité d’approches, de niveaux
d’analyse, d’outils et de modes d’investigation soutenus par des hypothèses de
travail élaborées de concert, au cours de plusieurs séminaires méthodologiques,
par une quarantaine de chercheurs et de doctorants.
Le premier volume (Made in Morocco : industrialisation et développement)
porte sur la problématique générale retenue qui, par définition est théorique.
Dans le premier chapitre, celle-ci est exposée en mettant en évidence son
originalité au regard des enjeux majeurs nationaux et internationaux de
l’économie marocaine, et il y est fait état des outils mobilisés et de la façon dont
ils sont conjugués pour tester le bien-fondé de cette problématique générale.
Dans les chapitres suivants, divers aspects de celle-ci sont passés en revue et
analysés : outre une mise en perspective historique de l’industrialisation au
Maroc, les différentes relations qu’un processus national d’industrialisation
tirée par le développement met en jeu avec le régime de politique économique,
la croissance, le capital humain, l’innovation, les formes du rapport salarial,
les compétences territoriales, les besoins de financement, le développement
agricole, les modalités de la promotion des exportations.
Le deuxième volume (Made in Morocco : l’entreprise marocaine entre marché
et industrie) traite de la diversité des entreprises industrielles marocaines, en
se préoccupant de savoir si cette diversité a une coloration sectorielle marquée
ou si, en accord avec la problématique générale du programme de recherche,
elle est dans une large mesure transversale aux divers secteurs dont se compose
l’industrie manufacturière.
10
Profils sectoriels et émergence industrielle
Dans une première partie sont présentés et analysés les résultats d’une
enquête nationale effectuée au cours de l’année 2015 auprès d’un échantillon
de 600 entreprises opérant dans le secteur industriel et réparties sur cinq
régions du Maroc. Conçue en résonance avec la problématique générale et
les hypothèses théoriques, conduite par des chercheurs et des doctorants du
programme et administrée sur le terrain par des étudiants de master formés à
cette épreuve, l’enquête a pour visée de fournir une description des différentes
configurations de l’entreprise marocaine sur la base d’une grille d’indicateurs
d’« état » et d’« évolution » ayant trait au cadre institutionnel et organisationnel,
aux structures productives, aux transformations des marchés, aux facteurs de
compétitivité et aux tendances observées depuis 1998. L’enquête repose sur
un questionnaire portant pour l’essentiel sur la situation de l’entreprise,
tout particulièrement en ce qui concerne les marchés, la qualité du travail,
la qualité des produits, la composition, le recrutement et la formation de la
main-d’œuvre, ainsi que la recherche-développement et le financement.
La seconde partie complète cet exercice d’ensemble relevant de la
statistique descriptive par une série de monographies d’entreprises. Ces
dernières apportent un éclairage personnalisé, en termes de trajectoires, sur
certains types mis en évidence dans la première partie, sans que le choix des
entreprises enquêtées ait répondu à un souci de représentativité.
Le troisième volume (Profils sectoriels et émergence industrielle) offre, dans
un chapitre introductif, un cadrage d’ensemble de la dynamique sectorielle
de l’économie nationale, réalisé en mobilisant les données de la comptabilité
nationale. Les chapitres suivants portent sur un certain nombre de domaines
d’activités industrielles, couramment qualifiés de branches ou de secteurs. Il
ne s’agit pas seulement de domaines relevant de l’industrie manufacturière,
puisque certains sont des composantes de l’environnement de cette dernière
(logistique, infrastructures, etc.).
L’une des particularités de ce programme a été d’impliquer pleinement les
doctorants dont il fut, pour certains, leur première expérience de recherche
collective. Dans le rendu réalisé, l’exigence que l’on a cherché à satisfaire a
été non pas de livrer un « produit fini » dont les diverses composantes seraient
parfaitement articulées et cohérentes entre elles, mais de faire voir, autant que
faire se peut, une recherche « en train de se faire ». Le chapitre introductif du
premier volume portant sur l’objet du programme, la problématique affichée
et les outils mobilisés est présenté dans sa version projective quant aux objectifs
du programme et à la définition de son périmètre. Les limites constatées des
« livrables » effectifs par rapport à l’ambition initiale traduisent non seulement
les difficultés liées à toute recherche scientifique mais aussi, en l’occurrence, les
Avant-propos
11
multiples aléas et incertitudes dus à un environnement national qui demeure
encore peu favorable eu égard aux exigences de la recherche, notamment dans
les disciplines des sciences humaines et sociales.
Avertissement
Il convient de bien distinguer une analyse positive de « ce qui est (a été) » et
une proposition normative relative à « ce qui doit (devrait) être ». La première
relève de la science et la seconde, de la philosophie politique. La première
se doit d’être pertinente (bien expliquer les faits observables), tandis que la
seconde est essentiellement contestable.
Cette distinction s’impose parce que l’on ne peut déduire « ce qui doit
(devrait) être » de « ce qui est (a été) ». Ce principe, qualifié de « guillotine de
Hume », ne veut pas dire qu’une proposition normative ne peut reposer sur
une analyse positive. Il postule seulement qu’une analyse à portée moniste
ne peut s’avérer pertinente puisqu’elle fait nécessairement l’impasse sur la
diversité de « ce qui est (a été) », diversité qui tient fondamentalement à la
pluralité des références normatives, dites de philosophie politique, de ceux qui
en ont été les acteurs.
Dans une société aussi pluraliste que le Maroc, l’exigence requise pour
toute analyse positive est de ressaisir cette pluralité en s’imposant de suspendre
tout jugement concernant le point de savoir si « ce qui est (a été) » a été une
bonne ou une mauvaise chose, puisqu’un tel point de vue dépend de la
philosophie politique, implicite ou explicite, sous-jacente à un tel jugement.
L’existence d’un tel pluralisme n’exclut, toutefois, pas un bornage des
propositions normatives a priori acceptables (celles qui portent atteinte, par
exemple, aux principes d’égalité des chances et d’équité sont exclues). Dans
le champ des propositions communément acceptables, la démarche adoptée
implique d’en privilégier certaines, sans les réduire à une seule.
Le pluralisme en question se retrouve nécessairement au sein de l’équipe
des chercheurs ayant participé aux travaux du programme et transparaît dans
leurs contributions à ces trois volumes.
Remerciements
Nos remerciements vont d’abord à l’Académie Hassan II des Sciences et
Techniques, sans son appui cette recherche et cette publication n’auraient
pas pu s’accomplir. Nous remercions également la Présidence de l’Université
Mohammed V de Rabat qui a domicilié le programme de recherche et la
Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales pour avoir abrité les
séminaires méthodologiques, les séminaires de recherche ainsi que les réunions
de travail du comité de pilotage et du comité de gestion. Le ministère de
l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique
a fourni au programme de recherche un échantillon d’entreprises que
M. Mustapha Abir a mis au point sur la base de critères et de spécifications
que nous avons définis et arrêtés, qu’il soit ici remercié. L’enquête de terrain
a permis de constater plusieurs imperfections dans l’échantillonnage du
ministère, imperfections liées au mouvement des entreprises et aux fortes
fluctuations de l’activité des affaires au Maroc, ce qui nécessite une « mise à
jour » plus fréquente. Un des « livrables » du programme de recherche, la « base
de données » ayant servi à l’enquête, est disponible, avec les trois volumes de
l’ouvrage Made in Maroc, Made in Monde, sur le site www.ledmaroc.ma. Sont
disponibles également les « notes méthodologiques », les « notes de cadrage »,
les « documents de travail », les « profils sectoriels », ainsi que les travaux de
thèse ayant bénéficié d’un encadrement au sein du programme de recherche.
Le site continuera d’abriter d’autres travaux effectués sur la base des résultats
du programme de recherche et dans le prolongement de sa problématique
générale.
Profils sectoriels
Équipe de recherche
Direction
Noureddine El Aoufi
Méthodologie
Bernard Billaudot, Marie Coris, Khadija El Issaoui, Noureddine
El Aoufi, Hicham Hanchane, Saïd Hanchane, Michel Hollard,
Mohamed Mzaiz, Alain Piveteau, Rédouane Taouil
Note méthodologique
Marie Coris, Alain Piveteau, Khadija El Issaoui
Profils sectoriels / Documents de travail (en ligne sur www.ledmaroc.ma)
Safae Akodad, Brahim Bachirat, Aahd Benmansour, Rajaa Drissi Alami,
Khadija El Issaoui, Hicham Goumrhar, El Houcine Khettar, Anass
Mahfoudi
Profils sectoriels / Analyses (chapitres de ce volume)
Safae Akodad, Bernard Billaudot, Mohamed Boukherouk, Nadia
Bounya, Issam El Filali, Rachid El Mataoui, Rajae El Moukhi, Abdellali
Fadlallah, Hicham Goumrhar, El Houcine Khettar, Tarik Lakhal,
Mariam Liouaeddine, Mohamed Mzaiz, Benaissa Nahhal, Hicham
Ouakil, Alain Piveteau, Abdelmoneim Tlidi
CHAPITRE INTRODUCTIF
La dynamique de l’économie
marocaine 1998-2015
Bernard Billaudot
Introduction
Le programme de recherche « Made in Morocco » comprend quatre
composantes : 1. les problématiques théoriques, 2. les profils sectoriels,
3. l’enquête, 4. les monographies. Ces quatre composantes sont réalisées
indépendamment les unes des autres. Mais elles s’enchaînent dans cet ordre :
la suivante doit, en principe, permettre d’affiner, de préciser de nuancer ou
même de contredire en tout ou partie les propositions qui ont été établies
dans la précédente. Cette « indépendance » tient au fait que chacune repose
sur la mobilisation de données empiriques distinctes. La composante « profils
sectoriels » comprend elle-même plusieurs volets. Le premier d’entre eux
mobilise les données de la comptabilité nationale par produits et activités
(complétées par les données sur le commerce extérieur de l’Office des changesDouanes) (1). Il s’agit d’un cadrage macro-sectoriel de la dynamique de
l’économie marocaine au cours de la période 1998-2015. Il consiste à mettre
en évidence ce que nous apprend l’analyse empirique de la dynamique qui
a été enregistrée (selon la représentation que nous en donne la comptabilité
nationale) (2) en ce qui concerne précisément le processus d’industrialisation
1. Ces données sont élaborées en retenant comme nomenclature de produits la nomenclature
SH (système harmonisé). Ce n’est pas la même que la nomenclature retenue pour les comptes
nationaux (NCN du TRE), mais on dispose d’une grille de passage de l’une à l’autre.
L’harmonisation est assurée jusqu’au niveau dit de six positions (six chiffres), mais un détail est
disponible jusqu’à 10 positions (les douanes vont plus finement pour discriminer des produits
dans le cadre des accords commerciaux, mais l’information à ce sujet demeure en interne).
2. Un changement de base de la construction des comptes nationaux a eu lieu au cours de
la période passée en revue. On dispose de la série des comptes de 1998 à 2007 en base 1998
et de la série des comptes des années 2007 à 2015 en base 2007. Pour certaines données, on
a disposé de rétropolations en base 2007 pour les années 1998 à 2006. Au-delà des données
proprement macroéconomiques, j’ai par expérience (BB) une préférence pour les données
établies dans le détail « à errements constants » au regard des données rétropolées qui sont le
plus souvent établies « à la serpe ». En tout état de cause, il y a lieu de vérifier que sur la
16
Profils sectoriels et émergence industrielle
de l’économie marocaine au cours de cette période, sans chercher à l’expliquer
(théoriquement). On se contente donc de « faire parler les chiffres » à propos du
constat qui, on va le voir, s’impose à ce sujet : la faible ampleur de ce processus.
On ne se focalise pas sur les forces d’impulsion de la croissance (3).
Ce cadrage est dit « macro-sectoriel » parce qu’il consiste, à l’inverse du
processus d’établissement des comptes nationaux par agrégation, à procéder
par désagrégations successives, à passer de l’économie prise comme un tout à
des niveaux d’observation de plus en plus fins (en termes de couple « activitéproduit »). A chaque étape, l’une des grandes activités prises en compte au
niveau antérieur est détaillée en plusieurs activités, afin de voir si la dynamique
enregistrée au niveau antérieur pour la grande activité en question est le produit
de dynamiques très semblables des diverses activités dont elle se compose ou si
elle est à attribuer principalement à une activité particulière (ou quelques-unes)
qui a (ont) connu une dynamique spécifique. Puisqu’il s’agit de se focaliser sur
le processus d’industrialisation, l’affinement réalisé d’étape en étape porte sur les
industries de transformation (hors pétrole) en passant par le secteur secondaire,
puis l’ensemble des industries de transformation (y compris le pétrole) et en
débouchant sur une décomposition en cinq branches desdites industries de
transformation (hors pétrole) (en l’état actuel des données publiées disponibles,
période 1998-2007, les constats établis à partir des données rétropolées ne sont pas très
différents de ceux qui le sont (ou l’ont été) sur la base des comptes en base 1998 et que, si
le constat est nettement différent, cet écart doit pouvoir être expliqué par les modifications
apportées par le changement de base en 2007. Dans le cours de l’établissement de cette note,
on procède à cette vérification. Cela concerne en tout premier lieu le point de savoir si, sur
la période en revue, on peut faire état d’un processus d’industrialisation.
3. Cette focalisation sur le processus d’industrialisation laisse entendre que l’analyse empirique
de ce processus est préalable à celle des forces d’impulsion de la croissance. Cela s’impose dès
lors qu’on adopte le point de vue selon lequel la consommation des ménages suit leur revenu,
que celui-ci n’est pas impulsé par des hausses autonomes des salaires (autonomes signifiant
« non liées à l’évolution de l’emploi et du chômage ») et que les anticipations qui déterminent
l’investissement dans le secteur privé (hors FBCF en logements des ménages) sont dans une
large mesure déterminées par les exportations attendues de la demande mondiale, la FBCF
ne pouvant alors être considérée comme le siège d’une impulsion autonome. En matière de
croissance, l’hypothèse sous-jacente à cette focalisation première est donc que celle-ci dépend
essentiellement de la compétitivité à l’exportation des entreprises marocaines qui exportent
(ou fournissent les consommations intermédiaires d’entreprises qui exportent) et de la
compétitivité sur le marché intérieur face aux importations des entreprises de l’économie
marocaine qui y écoulent tout ou partie de leur production, étant entendu que ces deux
compétitivités sont tout à fait distinctes dès lors que la façon d’apprécier la qualité des produits
sur les marchés d’exportation (qui sont principalement les marchés intérieurs des pays du
Nord) n’est pas la même que sur le marché intérieur marocain et que, pour partie en raison
de cette différence, certaines entreprises marocaines sont spécialisées à l’exportation tandis
que beaucoup ne vendent que sur le marché intérieur.
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
17
voir infra). Ce cadrage doit donc permettre de délimiter et séparer ce qui est
commun à toutes les activités de transformation dans la faiblesse constatée et ce
qui est spécifique à certaines d’entre elles (en positif et en négatif au regard de
l’ampleur du processus d’industrialisation) afin de faire porter le second volet
de « Études sectorielles » sur ces spécificités, notamment la chute de l’activité
« textile (y compris habillement) et cuir » (D02) après 2007 et un début
d’« émergence » dans les industries mécaniques et électriques (D04).
Les principales limites tenant à ces données sont : (i) l’absence
d’information sur l’emploi par activité (on ne peut donc rien dire concernant
la productivité, c’est-à-dire le volume de valeur ajoutée par emploi, et la
rémunération salariale moyenne par emploi) et (ii) le manque de finesse
du découpage par activité au sein des industries de transformation (hors
pétrole), tout particulièrement l’absence de distinction au sein de l’activité
« textile et cuir » entre le textile, l’habillement et le cuir et au sein de l’activité
« mécanique, métallurgie et électrique » entre l’automobile, les industries de
matériel électrique, l’aéronautique et les autres.
Les étapes retenues sont donc : 1. l’ensemble de l’économie ; 2. le
découpage classique en trois domaines d’activité : primaire, secondaire et
tertiaire ; 3. la division du seul domaine secondaire entre les industries
d’extraction, les industries de transformation, l’activité « électricité et eau »
et l’activité « bâtiment et travaux publics (BTP) » ; 4. la désagrégation des
industries de transformation (y compris le pétrole) en « activité pétrolière » et
« industries de transformation (hors pétrole) ; 5. celle au sein des activités de
transformation (hors pétrole) en cinq couples « activité-produit » et 6. la mise
en évidence des similitudes et des différences entre ces cinq domaines.
A chacune de ces étapes on traite successivement de la croissance et de
l’inflation (en termes de valeur ajoutée) puis de l’insertion internationale (taux
d’ouverture à l’exportation de la production intérieure et taux de couverture
de la demande intérieure par les importations) (4). On laisse de côté le
partage de la valeur ajoutée entre les rémunérations salariales, les impôts sur la
production (hors TVA et droits de douane, nets de subventions) et l’excédent
brut d’exploitation. En effet, ce dernier comprend le résultat d’exploitation
des entreprises à statut juridique d’entreprise dite « individuelle » parce que
celui qui la dirige et y travaille (seul ou avec les membres de sa famille) n’est
pas un salarié, qu’il s’agisse d’un paysan, d’un artisan, d’un patron de PME
ou d’une profession libérale. Ce partage n’est donc pas celui entre les salaires
4. On s’en tient alors, sauf exception, aux données « à prix courants », les exceptions tenant
à des évolutions importantes des prix.
18
Profils sectoriels et émergence industrielle
(y compris les charges sociales) et les profits, comme c’est le cas pour une
entreprise qui a le statut juridique de société. Par contre, l’information sur
la part des salaires dans la valeur ajoutée (nette d’impôts) nous donne une
indication sur l’un des aspects de l’industrialisation d’un pays. Le sens courant
de ce terme consiste à l’associer à « augmentation de la part de l’industrie
(secteur secondaire ou seules industries de transformation) dans la production
totale ». Mais on peut aussi donner un autre sens à ce processus, en associant
« industrialisation » à « passage d’une production artisanale (sans division du
travail entre la conception et l’exécution de la production) à une production
industrielle (au sens où elle comprend une telle division du travail) », passage
qui est à même de se réaliser aussi bien dans l’agriculture et les services que
dans l’industrie. D’ailleurs, comme l’industrie (en tant que domaine d’activité
distinct de l’agriculture et des services) est le domaine dans lequel ce passage
s’est effectué dans un premier temps (en Grande-Bretagne au tournant du
XIXe siècle), il semble bien que le sens courant du terme dérive de cet autre
sens que l’on a oublié.
En revenant à ce sens premier, on dit alors qu’il y a industrialisation
lorsque la part des salaires dans la valeur ajoutée augmente. On s’en tient,
dans cette note, au sens courant d’« industrialisation ». La conclusion consiste
à lister les points pour lesquels un affinement de l’analyse s’avère nécessaire,
tout particulièrement pour étayer certaines hypothèses énoncées dans le cours
des six sections.
1. La dynamique de l’économie globale
Dans une société dans laquelle la production pour la vente représente une
part très importante de la production (au regard de la production étatique et
de la production domestique), la valeur ajoutée est la catégorie économique
par excellence. En termes strictement comptables, il s’agit de la différence
entre la valeur monétaire de la production vendue et la valeur monétaire
du total des achats de produits consommés pour réaliser cette production
vendue. On encore, le montant strictement monétaire qu’il faut ajouter à
la valeur de ces consommations intermédiaires pour parvenir à la valeur de
la production vendue. Cette grandeur s’apprécie aussi bien à l’échelle d’une
activité particulière que d’un grand secteur d’activité ou de l’économie dans
son ensemble. A cette échelle, les comptables nationaux parlent de PIB
marchand. La domination de la production pour la vente les a conduits à
« assimiler » les autres productions (lorsqu’elles sont réalisées par des salariés ou
conduisent à la réalisation de produits qui font couramment l’objet d’achat) à
une production pour la vente, en évaluant une valeur monétaire fictive de la
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
19
production et en en déduisant l’existante d’une valeur ajoutée (5). On ajoute
ainsi au PIB « marchand » un PIB « non marchand » en parvenant ainsi à un
PIB global (6). La valeur ajoutée est la grandeur économique primordiale
parce qu’elle est à l’origine des revenus distribués, y compris les prestations
sociales versées par les administrations publiques si on considère que ces
prestations sont (doivent être) financées par les prélèvements obligatoires
perçus par l’État, prélèvements qui représentent une part du PIB global (en
l’occurrence une part du seul PIB marchand). En dynamique, la croissance et
l’évolution en prix de la valeur ajoutée sont les deux éléments qui contribuent
au changement de la valeur ajoutée, dès lors que la « croissance » est celle
de la valeur ajoutée « à prix constants ». A l’échelle de l’économie dans son
ensemble, on parle de taux d’inflation, ou plus simplement d’inflation, à
propos de l’évolution « en prix » du PIB.
1.1. Croissance et inflation
De 1998 à 2015, le PIB global du Maroc « à prix courants » a progressé en
moyenne de 5,4 % l’an (7).
1.1.1. Croissance
La notion primordiale à prendre en compte est l’évolution en termes réels,
dite « en volume » ou encore « à prix constants » (8). Elle a été en moyenne de
4,2 % l’an. Elle est supérieure à celle qui a été enregistrée au cours de la période
qui a fait suite à l’ajustement structurel de 1983, puisque le taux moyen de la
5. On laisse de côté le traitement des activités financières qui posent un problème spécifique.
6. Mon propre point de vue, en tant qu’auteur de cette note, est que cette assimilation ne
doit pas être faite : le seul PIB qui a un sens est le PIB marchand, dès lors qu’il s’agit d’une
pure grandeur en monnaie et non d’un agrégat de produits. Il n’en reste pas moins que les
comptes dont on se sert pour la présente analyse sont les comptes construits en précédant à
cette assimilation.
7. Evaluation tirée des comptes rétropolés (1998 : 401 524 millions de dirhams ; 2015 :
982 223). Pour 2007/1998, les comptes rétropolés en base 2007 conduisent à + 5,45 % en
moyenne par an et les comptes en base 1998, à + 5,38 %. Le changement de base n’a donc
pas introduit de différence significative.
8. On ne dispose pas de comptes aux prix de l’année de base (2007), seulement des comptes
successifs « aux prix de l’année précédente ». L’évolution moyenne de 4,2 % est donc la moyenne
des évolutions « aux prix de l’année précédente ». Autrement dit, les montants dits « en volume »
(à prix constants) sont déduits des valeurs « à prix courants » en utilisant des indices chainés
des prix. L’évolution moyenne par an de + 4,2 % l’an est tirée des comptes rétropolés. Pour
2007/1998, ces comptes donnent + 4,26 % l’an contre +4,14 % pour les comptes en base
1998.
20
Profils sectoriels et émergence industrielle
croissance sur la période 1983-1998 a été d’un peu moins de 3 % l’an (9). Ce
rythme de croissance a toutefois été insuffisant pour conduire, compte tenu de
l’amélioration de la productivité apparente du travail, à une progression de la
population active occupée à même de réduire le chômage. Ce rythme moyen
de croissance se constate au cours des deux sous-périodes prises en compte
ci-dessus. Il n’y a ni accélération, ni ralentissement. On constate seulement des
variations sensibles à court terme (voir graphique 1). Ces variations ne tiennent
pas seulement à celles de la valeur ajoutée « en volume » de l’agriculture.
Graphique 1
Taux de croissance d’une année sur l’autre du PIB à prix constants
Si on prend en compte le total des valeurs ajoutées des branches d’activité
(le PIB avant impôts sur la production nette de subventions), la croissance
mesurée avec cet indicateur est de 4,1 % par an en moyenne sur l’ensemble
de la période. Elle est un peu plus rapide au cours de la première souspériode (1998-2007) qu’au cours de la seconde, puisqu’on passe d’un rythme
tendanciel de + 4,2 % à un rythme tendanciel de + 4,0 % (mais seulement
+ 2,9 % de 2007 à 2015).
1.1.2. Inflation
L’écart entre l’évolution « à prix courants » du PIB et son évolution « à
prix constants » est l’évolution « en prix » du PIB, ou encore celle de la valeur
ajoutée globale de l’économie couramment qualifiée de taux d’inflation.
A la différence de l’évolution de l’indice du niveau général des prix à la
9. Voir B. Billaudot (2005), « La dynamique macro-économique de l’économie marocaine
(1986-2003) », Critique économique, n° 15, hiver-printemps.
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
21
consommation qui dépend des prix des importations, ce taux est propre à
l’économie du pays considéré. Quel que soit le niveau auquel on l’apprécie
(économie globale, grande branche d’activité, branche fine), cette évolution
en prix de la valeur ajoutée doit être qualifiée d’impulsion propre des prix
de vente des biens et services produits par les entreprises qui les réalisent au
niveau considéré. D’un point de vue strictement comptable, cette impulsion
se présente comme l’effet « solde » entre l’évolution en prix de la production
et l’évolution en prix des consommations intermédiaires, ces deux évolutions
étant des évolutions moyennes de prix de produits achetés/vendus, celle des
prix de vente pour l’évolution en prix de la production et celle des prix d’achat
des biens et services consommés pour l’évolution en prix des consommations
intermédiaires. En renversant cette relation comptable, on peut aussi dire que,
dans la formation de l’évolution des prix de vente, cette impulsion propre
s’ajoute à la simple répercussion dans les prix de vente des évolutions des prix
des moyens de production intermédiaires consommés dans la production (10).
La simple observation de cette impulsion, qu’elle soit positive ou négative, ne
nous apprend rien concernant le point de savoir si elle a été voulue par les
entreprises qui ont participé à sa formation ou si elle a été subie par elles. Dire
quelque chose à ce propos consiste à se situer sur le terrain de l’explication,
qui est toujours d’ordre théorique. Dire qu’elle a été voulue par une entreprise
qui vend dans une branche d’activité particulière consiste à l’expliquer en
disant que cette entreprise a décidé de garantir l’évolution des revenus tirés de
la valeur ajoutée réalisée (répercuter dans ses prix de vente les hausses salariales
qu’elle a accordées afin de ne pas voir baisser son résultat d’exploitation source
de revenu ou de profit ou augmenter ce résultat). Dire qu’elle a été subie
consiste au contraire à l’expliquer en disant que les évolutions de ses prix de
vente et celles des prix de ses consommations intermédiaires ont été imposées
par le marché (11).
Sur l’ensemble de la période, le rythme moyen d’inflation a été très limité,
puisqu’il n’a été que de 1,1 % l’an, et l’on ne constate aucune accélération
ou aucun ralentissement de ce rythme lent de la première à la seconde souspériode.
10. On ne discute pas ici du sens de cette proposition s’agissant de la production non
marchande, donc du PIB non marchand.
11. La première explication correspond au cas où l’on est en présence, dans la branche
d’activité considérée, d’une domination du monde de production industriel et la seconde,
d’une domination du monde de production marchand. Elle est mixte en cas de domination
du monde de production domestique (Billaudot B. et El Aoufi N. (2017), « Les nouveaux
ressorts de l’industrialisation dans la mondialisation : le cas du Maroc », Critique économique,
n° 35, hiver-printemps).
22
Profils sectoriels et émergence industrielle
1.2. Insertion internationale
Le lien entre la croissance intérieure et l’insertion de l’économie marocaine
dans l’économie mondiale se décrit, en premier lieu, à l’aide de trois
indicateurs. Le premier mesure la part de la production intérieure qui est
exportée ou taux d’ouverture à l’exportation (X/P). Le second s’attache à la
pénétration des importations, le ratio pris en compte étant alors la part de
la demande intérieure globale (total des consommations intermédiaires, de
la consommation finale des ménages et des administrations, de la formation
brute de capital fixe et de la variation des stocks) qui est couverte par les
importations (M/DI). Le troisième évalue la couverture des importations par
les exportations (X/M), un ratio inférieur à l’unité signifiant, en première
analyse (12), un déficit des échanges de biens et services avec le reste du
monde. Dans l’analyse qui suit on s’en tient, pour ces trois ratios, à ceux
qui sont évalués en retenant les valeurs « à prix courants » de la production,
des exportations, de la demande intérieure globale et des importations.
A l’occasion, on prend en compte les évolutions « en volume » et les évolutions
« en prix » des deux agrégats qui sont rapportés l’un à l’autre dans ces ratios.
A partir du moment où ce sont alors des ratios qui sont pris en compte,
le changement de l’année de base de construction des comptes nationaux
(de 1998 à 2007) oblige à distinguer deux sous-périodes : 1998-2007, puis
2007-2015 (13).
Tableau 1
Ouverture à l’exportation et pénétration des importations
Économie globale (à prix courants)
1998
Var.
2007
2007
Var.
2015
Var. 2015/1998
X/P
15,0 %
+ 6,8 pt
21,8 %
20,7 %
+ 0,6 pt
21,3 %
+ 7,4 pt
M/DI*
16,8 %
+ 9,1 pt
25,9 %
24,9 %
+ 0,1 pt
25,0 %
+ 9,2 pt
X/M*
86,9 %
– 7,2 pt
79,7 %
78,7 %
+ 2,8 pt
81,5 %
– 5,4 pt
* Avec les importations comptées FAB.
Sur l’ensemble de la période, il y a eu une forte progression à la fois du
taux d’ouverture à l’exportation et du taux de pénétration des importations.
Mais la seconde l’emporte assez nettement sur la première (+ 9,2 points contre
12. Il y a en effet lieu de tenir compte du fait que les importations et les exportations ne
sont pas évaluées exactement de la même façon en ce qui concerne le transport et l’assurance.
13. A ce niveau global, on pourrait se référer aux comptes rétropolés, mais comme on procède
dans la suite par désagrégation successives et que l’on n’a pas de comptes rétropolés à ces
divers niveaux de désagrégation, on le fait déjà de cette façon à ce niveau global.
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
23
+ 7,4 points) et, en conséquence, le taux de couverture des importations par
les exportations, qui était déjà inférieur à l’unité en 1998, s’abaisse. Il n’est
plus que de 81,5 % en 2015.
Les progressions enregistrées pour le taux d’ouverture et le taux de
pénétration n’ont pas du tout été continues sur l’ensemble de la période. Elles
sont pour l’essentiel acquises au cours de la première phase allant de 1998 à
2007. Les hausses sont très faibles au-delà. Mais, pour comprendre cette nette
différence entre la première phase (1998-2007) et la seconde (2007-2015),
il est indispensable de prendre en compte la « crise de 2008 » et ses suites en
Europe (chute de la production en Espagne notamment) ainsi que dans le
monde (forte baisse des prix du pétrole brut et dépréciation de l’euro par
rapport au dollar US). En effet, cette « crise de 2008 » s’est accompagnée, pour
l’économie marocaine, d’un net recul du taux d’ouverture (de 2007 à 2009, il
passe de 20,7 % à 17,5 %, soit une baisse de 3,2 points). Il se redresse ensuite
sans toutefois atteindre en 2012 son niveau de 2007, et l’on retrouve au-delà
de 2012 une progression comparable à celle enregistrée en moyenne de 1998 à
2007.
S’agissant du taux de pénétration des importations, il s’abaisse aussi de
2007 à 2009 (il passe de 24,9 % à 23,2 %, soit une baisse de 1,7 point). Cette
baisse tient au fait que le contenu en importations de la production exportée
est élevé. Mais cette baisse est beaucoup plus faible que celle enregistrée pour
le taux d’exportation. Le taux de pénétration des importations se redresse
ensuite en retrouvant en 2015 son niveau de 2007 (il passe de 23,2 % en
2009 à 26,5 % en 2012 et redescend ensuite à 25 %).
Le net recul du taux d’ouverture de 2007 à 2009 a pour origine une baisse
importante des exportations « en volume » (– 2,5 % de 2007 à 2008 et – 9,2 %
de 2008 à 2009), alors que, dans le même temps la production « en volume »
a progressé (de + 5,6 % de 2007 à 2008 et encore de + 1,7 % de 2008 à 2009).
La baisse du taux de pénétration des importations ne s’observe que de 2008
à 2009 en raison d’une réduction en volume des importations totales (FAB)
(– 8,4 %, après + 13,8 % de 2007 à 2008).
On doit mettre en relation la baisse importante du taux de couverture
des importations par les exportations avec la progression dans le même
temps, si ce n’est des apports au Maroc des Marocains vivant à l’étranger
(ceux-ci n’augmentent que faiblement de 2007 à 2012 (14)), du moins des
14. Les « autres transferts courants en provenance du reste du monde » s’élèvent à 59 800 millions
de dirhams en 2007 (représentant 99,0 % du déficit des opérations sur les biens et services)
et à 63 969 millions de dirhams en 2012 (soit seulement 49 % du déficit en question).
24
Profils sectoriels et émergence industrielle
investissements financiers longs en provenance de l’étranger (15). Ce sont
ces derniers qui ont financé le déficit de la balance des paiements courants
(le besoin de l’économie marocaine de se faire financer par le reste du monde
tenant au déficit des échanges de biens et services avec ce dernier).
Comme les données désagrégées des importations sont comptées CAF (et
non pas FAB), on doit prendre en compte pour la suite le taux de pénétration
CAF (voir tableau 1 bis).
Tableau 1 bis
Taux de pénétration des importations (CAF)
M/DI
1998
Var.
2007
2007
Var.
2015
Var. 2015/1998
17,8 %
+ 9,5 pt
27,3 %
26,3 %
– 0,1 pt
26,2 %
+ 9,4 pt
En évolution, il n’y a pas de différences significatives entre les évaluations
CAF et les évaluations FAB.
2. La désagrégation de l’économie globale en trois domaines
(primaire secondaire et tertiaire)
La première étape de désagrégation consiste à distinguer trois domaines :
le secteur primaire, le secteur secondaire et le secteur tertiaire. A noter que
le secteur primaire retenu ne comprend que l’agriculture et la pêche, les
activités d’extraction étant comptées dans le secteur secondaire. Ces trois
grands domaines d’activité ne pèsent pas le même poids dans l’ensemble de
l’économie. En 2007, le secteur tertiaire réalise 60 % de la valeur ajoutée
globale (hors impôts sur la production et les importations), le secteur
secondaire 27,7 % et le secteur primaire 12,3 %.
2.1. Croissance et inflation (trois secteurs)
2.1.1. Croissance
Ces trois secteurs ont tous participé à la croissance globale (voir tableau 2).
La croissance du secteur tertiaire a été un peu plus rapide que la moyenne et
celles du secteur primaire et du secteur secondaire, un peu moins rapides. Le
secteur secondaire est celui qui a enregistré la croissance la moins importante :
le secteur primaire fait mieux que le secteur secondaire. Dans l’agriculture, les
années pour lesquelles il y a eu de mauvaises récoltes en raison de la pluviométrie
15. Le total des crédits à long terme et actions en provenance du reste du monde s’élève à
un peu moins de 50 000 millions de dirhams (en flux) en 2011 et 2012.
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
25
(1999, 2000, 2005 et 2007) ont été compensées par de très bonnes années
(2003, 2009), conduisant ainsi à une croissance moyenne de 3,9 % l’an. Par
contre, le secteur secondaire a subi de plein fouet la crise mondiale de 2008.
Ainsi, la croissance de ce secteur a été en moyenne de 4 % l’an de 1998 à 2007 ;
un léger recul (–1,1 %) a eu lieu de 2007 à 2009, tandis que le rythme antérieur
de croissance est presque retrouvé après (3,9 % l’an). La principale conséquence
de cette dynamique différenciée est un recul du poids du secteur secondaire
dans l’ensemble des activités en termes de valeur ajoutée « en volume ».
Tableau 2
Les croissances des trois secteurs (valeurs ajoutées « en volume »)
Taux de croissance moyen sur
la période 1998-2015
Valeurs
en 2007
Structure
en 2007 *
Secteur primaire
3,9 %
70 342
12,3 %
Secteur secondaire
3,4 %
159 720
27,7 %
Secteur tertiaire
4,5 %
346 557
60,0 %
4,2 %
647 530
Impôts sur les produits
PIB global
70 911
100,0 %
* En prenant en compte le PIB global net d’impôts sur la production et les importations.
Dans les pays d’Asie de l’Est et du Sud-est dits « émergents » (Corée du Sud,
Taïwan, Singapour, Hong-Kong, Thaïlande, etc., la période au cours de laquelle
cette « émergence » a lieu n’étant pas la même selon le pays considéré), la
croissance du secteur secondaire a été nettement plus rapide que celle du secteur
primaire, avec un fort déversement de la population active de l’agriculture vers
les industries de transformation. Cet indicateur est donc primordial à prendre
en compte pour apprécier le degré d’« émergence » de l’économie marocaine au
cours de la période passée en revue (1998-2015), celle pour laquelle l’objectif
de la politique économique était de réaliser, autant que faire se peut, un tel
processus. Comme une telle politique met toujours du temps à produire ses
effets, on doit principalement s’attacher à l’évolution enregistrée à partir de
2005 ou 2006. Or, on ne constate aucune inflexion à partir de ces dates.
Toutefois, pour pouvoir en conclure de façon indiscutable qu’il n’y a eu aucune
« émergence » de l’économie marocaine, il faudrait disposer de l’évolution que
l’on aurait constatée si la « crise de 2008 » n’avait pas eu lieu. Une telle évolution
est tout à fait virtuelle. On ne peut rien en dire. Le seul verdict qui peut être
énoncé est que l’objectif affiché n’a pas, loin s’en faut, été atteint. L’analyse
empirique qui suit a pour principal objet de mettre en évidence si ce manque
de résultat a un caractère assez général (toutes les activités sont concernées) ou
s’il est à mettre au compte de certaines activités seulement.
26
Profils sectoriels et émergence industrielle
2.1.2. Inflation
Les trois secteurs ont tous trois contribué au faible taux d’inflation global
constaté sur la période en revue. L’impulsion propre des prix de vente par les
entreprises (évolution en prix de la valeur ajoutée) a été toutefois un peu plus
importante dans le secteur secondaire (+ 1,9 % l’an en moyenne sur la période
1998-2015) que dans le secteur tertiaire (+ 1,1 % l’an), tandis qu’elle est très
légèrement négative pour les entreprises du secteur primaire (– 0,1 % l’an).
En raison de ces évolutions quelque peu différentes, la déformation de la
structure de la valeur ajoutée « à prix courants » n’est pas tout à fait la même
que celle qui vient d’être constatée « à prix constants ». Ainsi, « à prix courants »,
le poids du secteur secondaire augmente légèrement (voir tableau 3).
Tableau 3
Les poids des trois secteurs
(valeur ajoutée en valeur « à prix courants », base 2007)
1998
2007
2015
Montant
Structure
Montant
Structure
Montant
64 695
18,1 %
70 342
12,2 %
125 685
14,5 %
Secteur secondaire
103 343
28,9 %
159 720
27,7 %
253 317
29,2 %
Secteur tertiaire
189 881
53,0 %
346 557
60,1 %
488 776
56,3 %
Total (hors impôts
indirects)
357 919
100,0 %
576 619
100,0 %
868 178
100,0 %
Secteur primaire
Structure
Source : Comptes nationaux rétropolés pour 1998.
A noter que ce diagnostic relatif à la déformation ainsi décrite par les
comptes nationaux rétropolés en base 2007 pour la période 1998-2007
confirme, dans une large mesure, celui que les comptes nationaux en base 1998
avaient conduit à établir pour cette sous-période (voir tableau 3 bis).
Tableau 3 bis
Les poids des trois secteurs (valeur ajoutée « à prix courants », base 1998)
1998
2007
Montant
Structure
Secteur primaire
68 917
Secteur secondaire
94 428
Secteur tertiaire
177 435
Total
* Voir tableau 3.
Variation
base 1998
Variation
base 2007 *
13,7 %
– 6,5 pt
– 5,9 pt
27,3 %
– 0,4 pt
– 1,2 pt
59,0 %
+ 6,9 pt
+ 7,1 pt
Montant
Structure
20,2 %
74 928
27,7 %
149 052
52,1 %
321 713
100,0 %
100,0 %
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
27
2.2. Insertion internationale (trois secteurs)
Au début de la période en revue, le taux d’ouverture (X/P) est nettement
plus élevé dans le secteur secondaire que dans les deux autres secteurs : il
s’élève à 21,9 % contre respectivement 8,1 % pour le secteur primaire (5,8 %
pour la seule agriculture) et 9,8 % pour le secteur tertiaire (voir tableau 4).
La progression du taux global d’ouverture constatée au paragraphe précédent
sur la période 1998-2015 est seulement impulsée par les secteurs secondaire
et tertiaire. En effet, la part de la production du secteur primaire qui est
exportée progresse certes un peu de 1998 à 2007, mais elle régresse ensuite,
l’agriculture étant la branche d’activité responsable de cette baisse (16).
Tableau 4
Ouverture à l’exportation : la décomposition en trois secteurs
1998
2007
2007
2009
2012
2015
Variation
2015/1998
Secteur primaire
8,1 %
10,1 %
10,7 %
7,8 %
8,5 %
9,8 %
+ 0,1 pt
Secteur secondaire
21,9 %
25,1 %
23,3 %
20,0 %
25,1 %
28,0 %
+ 7,9 pt
Secteur tertiaire
Ensemble
9,8 %
21,6 %
20,5 %
17,8 %
17,5 %
17,6 %
+ 8,8 pt
15,0 %
21,8 %
20,7 %
17,5 %
20,0 %
21,3 %
+ 7,4 pt
Les progressions du taux d’ouverture des secteurs secondaire et tertiaire
sont proches sur l’ensemble de la période, même si celle du secteur tertiaire
est un peu plus marquée que celle du secteur secondaire. Par contre, les
profils d’évolution des ces deux taux sont très différents au cours de cette
période. Le taux d’ouverture du secteur tertiaire s’élève de près de 12 points
de 1998 à 2007 en se rapprochant du taux d’ouverture du secteur secondaire
qui ne progresse que de 3,2 points, mais il s’abaisse ensuite de 2,9 points
de 2007 à 2015, alors que celui du secteur secondaire augmente davantage
de 2007 à 2015 que de 1998 à 2007. Certes, les deux taux d’ouverture
s’abaissent de 2007 à 2009, ce qui est aussi le cas pour le taux d’ouverture
du secteur primaire – les trois secteurs participent donc à la baisse du taux
d’ouverture de l’ensemble de l’économie au cours de cette phase particulière
marquée par la « crise de 2008 » –, mais au-delà celui du secteur secondaire
se redresse très nettement, alors que ce n’est pas le cas de celui du secteur
tertiaire.
Ce sont les dépenses des touristes étrangers au Maroc qui sont à l’origine
de ce profil d’évolution du taux d’ouverture du secteur tertiaire. Après avoir
16. Pour la seule agriculture, le taux d’ouverture est de 8,8 % en 2007 et de 8,4 % en 2015
(après une baisse transitoire jusqu’à 6,9 % en 2012).
28
Profils sectoriels et émergence industrielle
fortement progressé jusqu’en 2007 pour s’élever alors à près de 63 000 millions
de dirhams, elles baissent de 7 000 millions de dirhams de 2007 à 2009, et, si
elles reprennent ensuite leur marche en avant, elles dépassent à peine en 2015
leur niveau de 2007 (17).
En ce qui concerne la pénétration des importations, les résultats enregistrés
sont consignés dans le tableau 5. Tout au cours de la période passée en revue,
le taux de pénétration des produits du secteur secondaire est nettement plus
élevé que ceux des produits des secteurs primaire et tertiaire (en 2007, la part
des produits du secteur secondaire dans la demande intérieure globale est de
53 %, alors que la part des produits du secteur secondaire dans l’ensemble des
importations s’élève à 79,6 %).
Tableau 5
La pénétration des importations : la décomposition en trois secteurs
1998
2007
2007
2009
2012
2015
Variation
2015/1998
Secteur primaire
9,6 %
17,6 %
16,5 %
9,9 %
14,4 %
10,5 %
+ 2,0 pt
Secteur secondaire
29,5 %
41,5 %
39,1 %
37,9 %
41,5 %
40,7 %
+ 13,6 pt
Secteur tertiaire
Ensemble
4,8 %
7,3 %
10,1 %
10,7 %
10,4 %
10,9 %
+ 3,3 pt
16,8 %
25,9 %
26,3 %
24,4 %
27,8 %
26,2 %
+ 10,4 pt
En évolution de 1998 à 2015, nous avons vu qu’il y avait eu globalement
une forte progression du taux de pénétration des importations pour
l’ensemble de l’économie marocaine (+ 10,4 points en données CAF). Cette
forte augmentation est à attribuer aux produits du secteur secondaire. Certes,
les taux de pénétration dans les secteurs primaire et tertiaire sont aussi en
progression sur cette période (respectivement de + 2,0 points et + 3,3 points),
mais cette progression est nettement moins marquée que pour les produits
du secteur secondaire (+13,6 points). S’agissant du cheminement au cours de
cette période, nous avons vu que l’essentiel de la hausse du taux de pénétration
global constatée de 1998 à 2015 est acquise en 2007.
Les trois secteurs contribuent à la forte augmentation du taux de
pénétration des produits importés de 1998 à 2007, avec toutefois une
contribution plus faible des produits du secteur tertiaire. Au-delà, les
évolutions sont très différentes, en raison notamment d’effets différenciés de la
« crise de 2008 ». Ainsi, le taux de pénétration en produits du secteur tertiaire
se stabilise. Celui relatif aux produits de l’agriculture et de la pêche (secteur
17. Elles s’élèvent à 61 070 millions de dirhams en 2012 et 63 095 millions de dirhams en
2015, contre 62 834 millions en 2007.
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
29
primaire) évolue en sinusoïde à la baisse (il passe de 16,5 % en 2007 à 10,5 %
en 2015). Quant au taux de pénétration des importations en produits du
secteur secondaire, il progresse encore de 2007 à 2015 (+ 1,6 point), sa chute
de 2007 à 2009 étant plus que compensée ensuite.
Cette analyse en trois secteurs conduit donc à se focaliser sur le secteur
secondaire.
3. La dynamique du secteur secondaire
Si le secteur secondaire ne réalise que 27,7 % de la valeur ajoutée globale
(hors impôts sur la production et l’importation) en 2007, il réalise par contre
51 % des exportations, tandis que les importations en produits de ce secteur
représentent 79,6 % du total des importations (CAF). Ce secteur comprend
les industries d’extraction, les industries de transformation, le secteur
« électricité et eau » et le BTP. Dans cet ensemble, le poids des industries de
transformation est prépondérant. Ces dernières réalisent 61,3 % de la valeur
ajoutée de ce secteur en 2007 (voir tableau 6).
Tableau 6
La composition du secteur secondaire (valeur ajoutée)
Valeur ajoutée « à prix courants »
en 2007 (en millions de dirhams)
Structure
en 2007
Industrie d’extraction
12 037
7,5 %
Industries de transformation
97 898
61,3 %
Électricité et eau
12 622
7,9 %
Bâtiment et travaux publics
22 707
14,2 %
159 720
100,0 %
Total secondaire
3.1. La croissance et l’inflation au sein du secteur secondaire
3.1.1. La croissance
Nous avons vu que le taux de croissance du secteur secondaire a été en
moyenne sur la période en revue de 3,4 % l’an. Les contributions à cette
croissance « en volume » des divers domaines d’activité dont se compose ce
secteur ont été assez diverses (voir tableau 7).
Le domaine d’activité le plus dynamique a été le BTP, avec une croissance en
volume de 5,0 % l’an en moyenne, contre seulement 3,2 % pour les industries de
transformation et 2,4 % pour l’industrie d’extraction (extraction des phosphates,
pour l’essentiel). En effet, le BTP a moins souffert de la « crise de 2008 » que les
industries de transformation (prises comme un tout, à cette étape).
30
Profils sectoriels et émergence industrielle
Tableau 7
La croissance au sein du secteur secondaire (valeurs ajoutées en volume)
Taux de croissance moyen annuel de l’activité propre
(valeur ajoutée) sur la période 1998-2015
Industrie d’extraction
2,4 %
Industries de transformation
3,2 %
Électricité et eau
4,8 %
Bâtiment et travaux publics
5,0 %
Total secondaire
3,4 %
3.1.2. L’inflation
Nous avons vu que l’impulsion, propre aux entreprises du secteur
secondaire, des prix de vente des produits du secteur secondaire (évolution en
prix de la valeur ajoutée) avait été de 1,9 % l’an au cours de la période passée
en revue. Cette impulsion propre a été nettement plus marquée dans l’industrie
d’extraction (+ 3,8 % l’an) et dans le BTP (+ 4,1 %) que dans l’ensemble des
industries de transformation (+1,3 %) et la branche « électricité et eau »
(+ 0,1 %). Au cours de la sous-période 1998-2007, l’écart entre le BTP et les
industries de transformation est plus important (impulsion propre de + 3,9 %
l’an en moyenne dans le BTP contre + 0,5 % seulement dans les industries de
transformation) qu’au cours de la sous-période suivante (2007-2015).
Si l’on s’en tient à la sous-période 2007-2012, on constate que, pour
le BTP, l’évolution en prix de la valeur ajoutée est supérieure à l’évolution
moyenne des prix de vente (+2,2 % l’an, contre 1,6 % l’an), tandis que
l’inverse est observé pour les industries de transformation (+1,6 % l’an pour le
prix de la valeur ajoutée et + 3,0 % pour les prix de vente des produits, dont
+ 2,8 % pour les produits exportés). Sur cette sous-période, l’écart constaté
entre l’impulsion propre du BTP et l’impulsion propre des industries de
transformation n’a donc pas pour origine une progression plus marquée des
prix de vente des produits du BTP que de ceux des produits de ces industries.
Ce sont les évolutions différentes des prix des produits intermédiaires
consommés dans ces deux domaines d’activité qui sont en cause. A noter que,
dans le même temps, les prix des produits importés en produits des industries
de transformation (y compris le pétrole brut) ont augmenté en moyenne de
2,5 % l’an. Il y aura lieu de voir, à l’étape suivante, comment se différencient
les évolutions en prix au sein des industries de transformation.
L’impulsion propre des prix de vente est celle qui permet (à productivité
inchangée) d’augmenter les salaires et/ou les profits. Le secteur du BTP a
bénéficié, entre 2007 et 2012 comme au cours de la période 1998-2015, d’un
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
31
avantage en la matière relativement aux industries de transformation, avantage
rendu manifeste par une impulsion propre plus importante. Cet avantage
doit être mis au compte du fait que le BTP est un secteur qui échappe à la
concurrence internationale (ni importations, ni exportations), même si on
doit tenir compte du fait que le contenu en importations des consommations
intermédiaires de cette branche est élevé.
L’industrie extractive marocaine comprend principalement celle
des phosphates. Le phosphate roche extrait est soit exporté, soit utilisé
dans l’industrie chimique marocaine, soit stocké pour agir sur les prix
internationaux. L’entreprise qui réalise cette activité d’extraction est l’OCP
(Office chérifien des phosphates). Elle est en position de leader mondial et
« fait » les prix (elle est price maker). En l’occurrence, d’amples mouvements
de prix ont été enregistrés après 2007. Alors que l’impulsion propre a été de
très faible ampleur de 1998 à 2007 (+ 0,2 % l’an), celle-ci s’envole de 2007
à 2012 (+ 22 % par an, avec + 18,3 % l’an pour les prix de vente et + 23 %
l’an pour les seules ventes à l’exportation). Puis un mouvement inverse de
moindre ampleur a lieu de 2012 à 2015 (– 11,5 % par an, avec une chute
des prix de 4,5 % pour les seules ventes à l’exportation). Comme les produits
d’extraction importés (tous minerais, hors phosphates, pétrole brut) ne sont
pas les mêmes que ceux exportés (phosphates), les mouvements de prix de ces
produits importés sont très différents de ceux des produits exportés. Ainsi, les
prix à l’importation progressent de façon importante de 1998 à 2007 (+ 14 %
l’an en moyenne). Ultérieurement, ils progressent encore de 11 % l’an de
2007 à 2012, et ils chutent, comme les prix des exportations, de 2012 à 2015
(– 10,3 % l’an).
Comme les produits d’extraction importés sont principalement consommés
par les industries de transformation, ces mouvements de prix ont pesé sur la
formation de l’impulsion propre dans ces industries. Ainsi celle-ci est très
faible de 1998 à 2008 (+ 0,5 % l’an en moyenne), étant alors inférieure à
l’augmentation moyenne des prix de vente (+1,6 % l’an). Elle se relève ensuite
sur la période 2007-2015 (+ 3,1 % l’an, se décomposant en + 3,7 % l’an sur
2007-2012, pour une progression moyenne des prix de vente de 2,8 % l’an et
2,1 % l’an sur 2012-2015).
3.2. L’insertion internationale au sein du secteur secondaire
Les produits de l’activité BTP ne font l’objet ni d’exportations et ni
d’importations. Quant à ceux de la branche « électricité et eau », ils ne donnent
lieu qu’à quelques exportations négligeables, tandis que les importations
assurent en moyenne 7 % de la demande intérieure (en légère augmentation
32
Profils sectoriels et émergence industrielle
de 1998 à 2012). Les deux secteurs dont l’insertion internationale est forte
sont l’industrie d’extraction et l’ensemble des industries de transformation.
Nous avons vu qu’en 2007 le taux d’ouverture du secteur secondaire était
de 23,3 % (données base 2007). Ce taux est une moyenne entre 0 % pour
le BTP, 0,02 % pour l’activité « électricité et eau », 46,8 % pour l’activité
d’extraction et 29,6 % pour l’ensemble des industries de transformation.
Quant au taux de pénétration des importations, il s’élève en 2007 à 39,1 %
pour l’ensemble du secteur secondaire. Ce taux est une moyenne entre 0 %
pour le BTP, 6,2 % pour les produits de la branche « électricité et eau », 78 %
pour les produits de l’activité d’extraction et 45 % pour ceux des industries de
transformation prises comme un tout (voir tableau 8).
Tableau 8
Taux d’ouverture et taux de pénétration au sein du secteur secondaire
(année 2007)
Taux d’ouverture
à l’exportation
Taux de pénétration
des importations
Industries d’extraction
46,8 %
78,0 %
Industries de transformation
29,6 %
45,0 %
e
Électricité et eau
BTP
6,2 %
—
Secteur secondaire
—
23,3 %
39,1 %
S’agissant des évolutions enregistrées de 1998 à 2015, nous avons vu
qu’aussi bien le taux d’ouverture que le taux de pénétration pour l’ensemble du
secteur secondaire avaient augmenté. Ce sont les industries de transformation
qui sont principalement à l’origine de cette double progression. Dans ce
domaine d’activité, les deux taux s’élèvent de façon continue (voir tableau 9).
Dans l’industrie extractive, le taux d’ouverture et le taux de pénétration sont
aussi plus élevés en 2015 qu’en 1998, mais ces augmentations sont faibles, et,
surtout, elles sont le résultat de cheminements très contrastés (voir tableau 10).
Tableau 9
Ensemble des industries de transformation :
évolutions de l’ouverture et de la pénétration
1998
Variation
2007
2007
Variation
2012
Variation
2015
Variation
2015/1998
X/P
26,3 %
+ 7,1 pt
33,4 % 29,6 %
+ 2,0 pt
31,6 %
+ 4,6 pt
36,2 %
+ 13,7 pt
M/DI
34,8 %
+ 17,6 pt
50,4 % 45,0 %
+ 1,7 pt
47,7 %
+ 2 pt
49,7 %
+ 21,3 pt
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
33
Tableau 10
L’industrie extractive : évolutions de l’ouverture et de la pénétration
1998
Variation
X/P
46,3 %
– 3,0 pt
M/DI
53,8 % + 21,8 pt
2007
2007
Variation
42,3 % 46,8 %
– 7,9 pt
75,6 % 78,0 % – 10,2 pt
Variation
2015
Variation
2015/1998
38,9 % + 15,0 pt
53,9 %
+ 4,1 pt
67,8 %
62,1 %
+ 5,9 pt
2012
– 5,7 pt
Pour comprendre les évolutions enregistrées dans l’industrie extractive, on
doit prendre en compte les mouvements des prix qui ont été, comme on l’a
vu, de grande ampleur après 2007.
D’ailleurs, l’analyse de l’évolution du taux de pénétration des importations
met en jeu des facteurs explicatifs tout à fait différents de ceux qui interviennent
dans celle du taux d’ouverture puisque les produits concernés sont différents.
Pour le taux d’ouverture, sa baisse de 1998 à 2007 n’est pas due à
une réduction en volume des exportations ou à une différence marquée
et nettement positive entre l’évolution des prix de vente et celle des seuls
produits exportés. En effet, les exportations « en volume » ont très légèrement
progressé (+ 0,2 % en moyenne par an), et les prix des exportations ont
augmenté plus rapidement que les prix à la production (+ 3,7 % l’an contre
+ 1,1 % l’an). C’est la production en volume qui a augmenté plus que les
explorations (+ 3,9 % l’an contre + 0,2 %). Cela ne peut s’expliquer que par
une augmentation de la consommation intérieure du minerai extrait des
mines de phosphate. La forte baisse du taux d’ouverture enregistrée de 2007
à 2012 s’explique quasi exclusivement (en termes comptables) par une chute
des exportations « en volume » (– 32 % au total, soit – 7,5 % l’an) puisque le
volume de production reste stable et que l’indice de prix des seuls produits
exportés progresse plus rapidement que celui du total des ventes (+ 23 % l’an
contre + 18,3 % l’an). Quant au fort redressement du taux d’ouverture de
2012 à 2015, il s’explique par une forte baisse de la production qui ne peut
provenir que d’un effondrement de la demande intérieure puisque le volume
des exportations reste stable et que les prix à l’exportation chutent comme les
prix de vente sur le marché intérieur.
Pour le taux de pénétration des importations, sa forte progression de 1998
à 2007 (+ 21,8 pt) s’explique, dans le cadre d’une progression en volume
importante de la demande intérieure « en volume » (+4,7 % par an), par le fait
que beaucoup des produits concernés ne sont pas produits au Maroc (ce sont
les produits venant du reste du monde qui ont répondu à cette demande) et
que les prix de vente de ces produits ont fortement augmenté (l’indice des
prix des produits importés progresse de + 14,4 % l’an, pour une progression en
34
Profils sectoriels et émergence industrielle
volume des importations de seulement + 3,1 % l’an). Après 2007, on a vu que
le taux de pénétration s’abaisse nettement (– 15,9 pt) sans toutefois retrouver
son niveau de 1998 (en base 2007). Cette réduction a pour origine une baisse
très importante des importations en volume (– 36,7 % au total), baisse qui
intervient surtout de 2012 à 2015 (– 33 % sur ces trois ans), baisse qui est
plus importante que la baisse en volume de la demande intérieure. Quant
aux prix des produits importés, après avoir explosé de 2007 à 2012 (+ 11 %
l’an) et reculé de presque autant par an de 2012 à 2015, leur progression sur
l’ensemble de la sous-période 2007-2015 s’établit au total à + 2,2 % l’an en
moyenne. Les prix des produits demandés sur le marché intérieur évoluent
dans une large mesure comme les prix des produits importés dès lors qu’ils
en représentent la plus grande part : ainsi, la demande intérieure en produits
d’extraction produits au Maroc n’a pas évolué du tout de la même façon que
la demande de produits nécessairement importés, demande qui a baissé de
moitié de 2012 à 2015, après avoir progressé de 50 % de 2007 à 2012.
Les mouvements enregistrés dans le domaine des industries de
transformation prises comme un tout pour le taux d’ouverture et pour le taux
de pénétration sont beaucoup plus continus. Ils ne mettent pas en jeu les
mouvements des prix dans la mesure où ces derniers sont limités au cours de
la période en revue (même si, comme on l’a vu, les hausses de prix sont un
peu plus rapides au cours de la seconde sous-période). De plus, les produits
exportés ne sont pas, comme les produits de l’extraction, d’une tout autre
nature que les produits importés quant à la façon dont leurs prix sont régulés,
même si une partie des produits importés ne sont pas produits au Maroc, ce
qui est notamment le cas des machines et autres matériels qui répondent à
la demande de FBCF. Cela a notamment pour conséquence que l’indice des
prix des exportations évolue quasiment comme celui des prix des importations
(+ 1,3 % en moyenne par an de 1998 à 2007 et + 1,5 % en moyenne par an
de 2007 à 2015).
Le principal constat qui s’impose est que, si le taux d’ouverture à
l’exportation de la production marocaine en produits des industries de
transformation est en continuelle progression et s’il en va de même pour le
taux de pénétration des importations de ces produits sur le marché intérieur,
le taux de pénétration s’élève plus rapidement que le taux d’ouverture. Il
importe maintenant de voir si un tel constat est commun à toutes les couples
activité/produit dont se compose le domaine des industries de transformation
ou si des différences importantes se manifestent à ce propos entre ces divers
couples (on rappelle que l’on doit parler de « couple » parce que le taux
d’ouverture est l’attribut d’une activité tandis que le taux de pénétration est
celui des produits de cette activité).
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
35
4. Des Industries de transformation aux industries de
transformation hors pétrole
Tel qu’il est construit dans les comptes nationaux, le domaine des
industries de transformation comprend l’activité de transformation du pétrole
brut (IT-P). Pour de nombreuses raisons, ce couple « activité/produit » se
distingue nettement des autres couples qui sont alors considérés comme les
composantes d’un domaine des industries de transformation hors pétrole noté
IT(HP) ou encore IT * pour simplifier. A cette étape, ce domaine est alors
envisagé comme un ensemble significatif. On traite de sa décomposition dans
la section suivante.
4.1. La croissance et l’inflation de l’IT-P et de l’IT *
Nous avons vu que, sur la période 1998-2015 et pour l’ensemble des
industries de transformation (IT = IT-P + IT *), la croissance de l’activité
propre « en volume » (la valeur ajoutée à pris constants) avait été de 3,2 %
en moyenne par an et que l’impulsion propre des prix de vente avait été de
+ 1,4 % en moyenne par an.
4.1.1. La croissance (activité propre « en volume »)
L’activité propre de la branche « raffinage de pétrole et autres produits
d’énergie » (IT-P) est pour l’essentiel celle de la raffinerie située à
Mohammedia, raffinerie qui est la propriété de la société de droit privé
SAMIR. Tout au long de la période passée en revue, le fonctionnement
technique de cette raffinerie a été très perturbé, se traduisant par de fortes
fluctuations de l’activité propre (mesurée par la valeur ajoutée « en volume »),
et il s’arrête en 2015. On ne dispose d’informations sur la valeur ajoutée
en volume que jusqu’en 2012 et sur la valeur ajoutée à prix courants que
jusqu’en 2014. Cette dernière s’annule presque en 2013 et devient fortement
négative en 2014 (–2 792 millions de dirhams). Un tel montant négatif
peut s’expliquer par un effondrement du rendement technique (il y a des
consommations intermédiaires normales, mais peu de production disponible)
ou par une impulsion propre fortement négative des prix de vente (les prix de
vente des produits raffinés ne suivent pas, loin s’en faut, les prix du pétrole
brut). On doit plutôt opter pour la première explication. Cela implique que
les importations de pétrole brut sont été remplacées par des importations de
produits raffinés (voir infra).
A s’en tenir à l’IT*, la croissance de l’activité propre a été de + 3,5 % en
moyenne par an sur la période passée en revue. Au cours de la sous-période
36
Profils sectoriels et émergence industrielle
1998-2007, cette croissance est de 3,4 % en moyenne par an, et elle est alors
assez régulière (18). Si elle est un peu plus rapide de 2007 à 2015 (+ 3,6 %
l’an), son profil est, par contre, très heurté. On assiste de 2008 à 2009 à
une baisse de l’activité propre de 3 % conduisant à un rythme tendanciel
plus faible que de 2007 à 2009 (+ 1,6 %). A cet accident qu’il faut mettre au
compte de la « crise de 2008 » et qu’il nous faudra situer en termes d’activité
au sein de l’IT *, fait suite une nette accélération de 2009 à 2012 qui ne se
poursuit pas au-delà. Il n’en reste pas moins que le taux de croissance sur la
période 2009-2015 est finalement un peu supérieur à celui qui a été enregistré
au cours de la première sous-période (+ 4,2 % par an en moyenne, contre
+ 3,4 %) (voir tableau 11).
Tableau 11
La croissance de l’IT * (volume de valeur ajoutée)
% par an
2015/1998
2007/1998
2015/2007
2009/2007
2012/2009
2015/2012
+ 3,5 %
+ 3,4 % %
+ 3,6 %
+ 1,6 %
+ 5,9 %
+ 2,5 %
Au regard de l’objet du programme « Made in Morocco », cette accélération
est un fait important à souligner. Comme à propos du recul qui l’a précédé, il
convient de voir dans la section suivante si cette accélération est commune à
tous les couples « activité/produit » où si elle a été spécifique à certains d’entre
eux.
De plus, nous avons vu (voir section 1) que la croissance de l’économie
marocaine (mesurée par le PIB avant impôts sur la production, nette de
subventions) avait été un peu moins rapide au cours de la seconde sous-période
(2007-2015) qu’au cours de la première (1998-2007), passant de + 4,2 % l’an
à + 4,0 % l’an. Sur ces deux sous-périodes, la croissance du domaine d’activité
considéré (les IT *) demeure inférieure à cette croissance globale. Mais l’écart
se réduit, notamment en raison de cette accélération constatée de 2009 à 2012
dans l’IT *.
4.1.2. L’inflation
La faiblesse de l’activité propre en matière de raffinage du pétrole justifie
de laisser de côté l’impulsion propre des prix de vente de l’IT-P. On s’en
tient à l’IT *. L’impulsion propre des prix de vente par les entreprises de ce
18. A noter que ce taux de croissance mesuré à partir des comptes rétropolés en base 2007
est très proche de celui qui avait été évalué à partir des comptes en base 1998 (+ 3,4 % contre
+ 3,3 %).
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
37
domaine d’activité a été de 1,3 % en moyenne par an sur la période 19982015. Comme pour l’activité propre, cette impulsion n’a pas été régulière
(voir tableau 12). Elle est très faible au cours de la sous-période 1998-2007
(+ 0,3 % l’an) (19). Elle s’accélère ensuite en passant à + 1,4 % l’an sur 20072012, puis à + 4,4 % l’an sur 2012-2015.
Tableau 12
L’impulsion propre des prix de vente de l’IT *
(évolution en prix de valeur ajoutée)
% par an
2015/1998
2007/1998
2012/2007
2015/2012
2015/2007
+ 1,3 %
+ 0,3 %
+ 1,4 %
+ 4,4 %
+ 2,5 %
Cette impulsion propre a été l’une des composantes de l’évolution moyenne
des prix de vente des produits en question. De 1998 à 2007, ces derniers
ont augmenté en moyenne de + 0,9 % l’an. Les prix des consommations
intermédiaires ont donc augmenté à un rythme un peu plus rapide. Cette
sous-période est celle au cours de laquelle les droits à l’importation ont été
fortement réduits suite aux accords de libre-échange conclus avec l’UE et les
USA. Les prix des importations (avant droits de douane) des produits des IT*
ont progressé de + 0,6 % par an en moyenne. Quant aux prix des exportations,
leur hausse moyenne a été de + 1,3 % l’an. Comme on pouvait s’y attendre, les
prix des produits exportés ont plus progressé que ceux des produits vendus sur
le marché intérieur, la faible progression de ces derniers ayant été contrainte
par la baisse de prix des produits importés (après droits de douane). Cette
contrainte a pesé sur l’impulsion propre des prix de vente.
De 2007 à 2012, les prix à la production ont augmenté de 2,3 % l’an, les
prix à l’exportation de + 2,9 % et les prix à l’importation de + 1,4 %. Comme
précédemment, les prix des consommations intermédiaires ont progressé plus
vite que les prix à la production, notamment en raison de la hausse des prix
des matières premières (voir section précédente) (20) et les prix de vente sur le
marché intérieur ont moins progressé que les prix des produits exportés. Cet
écart peut s’expliquer par la concurrence des produits importés dont les prix
augmentent peu.
19. Cette évaluation, qui repose sur les comptes rétropolés en base 2007 ne diffère pas
sensiblement de celle à laquelle conduisait la référence aux comptes en base 1998, soit + 0,4 %
l’an.
20. Rappel : ces consommations intermédiaires comprennent des produits des IT*, notamment
ceux de la branche « habillement ».
38
Profils sectoriels et émergence industrielle
4.2. L’insertion internationale
Dans les deux activités prises en compte à cette étape au sein des industries
de transformation, les données concernant l’insertion internationale ne sont
disponibles que jusqu’en 2012. Pour l’IT*, on a procédé à des estimations
pour 2015 (21). Elles sont consignées dans le tableau 13.
Tableau 13
IT * et IT-P : taux d’ouverture et taux de pénétration de 1998 à 2015
IT*
IT-P
IT (rappel)
Variation
2012
Variation
2015*
35,5 % 30,9 %
+ 3,3 pt
34,2 %
+ 1,7 pt
35,9 %*
M/DI
35,2 % + 15,5 pt 50,7 % 44,6 %
+ 1,5 pt
46,1 %
– 0,1 pt
46,0 %*
X/P
13,7 %
13,0 % 13,4 %
– 3,7 pt
9,7 %
M/DI
25,0 % + 22,8 pt 47,8 % 48,7 %
+ 6,6 pt
55,3 %
X/P
26,3 %
33,4 % 29,6 %
+ 2,0 pt
31,6 %
M/DI
34,8 % + 15,6 pt 50,4 % 45,0 %
+ 2,7 pt
47,7 %
X/P
1998
Variation
26,8 %
+ 8,7 pt
+ 7,1 pt
2007
2007
* Estimations propres (voir note).
4.2.1. L’industrie de raffinage du pétrole et autres produits d’énergie (IT-P)
Dans cette branche d’activité, nous avons vu que le fonctionnement
technique de la raffinerie de Mohammedia a été très perturbé, surtout en fin
de période, avant que celle-ci ne soit complètement arrêtée en 2015. En 2012,
la production marocaine de produits raffinés (et autre produits d’énergie) est
encore importante. Une faible partie de la production est exportée, part qui
tombe à un peu moins de 10 % en 2012 alors qu’elle avait oscillé jusqu’à cette
date autour de 13 %.
Les importations affectées à ce couple « produit/activité » comprennent à la
fois les importations de pétrole brut (pour la raffinerie de Mohammedia) et les
importations de produits pétroliers raffinés. La part de ces derniers augmente
fortement en fin de période. Le taux de pénétration augmente tout au long
de la période, pour atteindre 55,3 % en 2012. On devrait constater, lorsqu’on
disposera des chiffres, une nouvelle et forte augmentation de ce taux de 2012
à 2015.
21. Pour obtenir les montants de 2015 de l’IT*, on a retenu les hypothèses suivantes pour
la branche IT-R (autres industries hors transformation du pétrole) : des exportations pour un
montant de 5676 millions de dirhams à prix courants, avec un taux d’ouverture de 7,9 % et
des importations pour un montant de 34549 millions de dirhams à prix courants, avec un
taux de pénétration de 34,3 % (voir infra).
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
39
Les évolutions enregistrées pour le taux de pénétration ont été pour
partie dépendantes des évolutions différentiées des prix entre la production,
l’exportation et l’importation (voir tableau 14).
Tableau 14
Évolution annuelle des prix pour le couple « activité/produit » IT-P
2007/1998
2012/2007
Prix à la production
+ 14,3 %
+ 2,5 %
Prix à l’exportation
+ 7,9 %
– 7,2 %
Prix à l’importation
+ 10,7 %
+ 7,7 %
Le fait important à noter est la forte progression des prix à l’importation
tout au long de la période, progression qui ne diminue que faiblement après
2007, alors que dans le même temps les prix à l’exportation baissent.
4.2.2. Les industries de transformation hors raffinage (IT*)
Comme les IT* réalisent, en 2007, 92 % de la production de l’ensemble
des industries de transformation (IT), 96 % des exportations et, pour
les produits de cet ensemble d’industries, 89,8 % des importations, les
évolutions qui ont été décrites dans la section précédente pour l’IT ont été
déterminées dans une large mesure par celles qui s’observent dans l’IT*. De
fait, on y observe de 1998 à 2007 une forte hausse à la fois de l’ouverture
à l’exportation et de la pénétration des importations avec une progression
nettement plus importante de la pénétration que de l’ouverture. De 2007 à
2012, les hausses des deux taux sont moins marquées, et, à l’inverse de ce qui
est constaté pour l’ensemble de l’IT, on assiste à une inversion : la progression
du taux d’ouverture est alors supérieure à celle du taux de pénétration. Au
sein de cette sous-période, c’est cette grande branche qui est responsable de la
baisse des exportations et de la production (en volume et en valeur) de 2008 à
2009 observée à l’échelle de l’IT et de la nette reprise ensuite des exportations
et, dans une moindre mesure, de la production (voir tableau 15).
Tableau 15
Évolution dans l’IT* au cours de 2007-2012 (données « en volume »)
Évolution par an
en moyenne
X
P
M
DI
X/P
M/DI
2009/2007
– 5,3 %
– 0,3 %
+ 2,4 %
+ 1,3 %
– 1,5 pt
+ 0,15 pt
2012/2009
+ 11,1 %
+ 6,2 %
+ 6,1 %
+ 8,2 %
+ 1,5 pt
+ 0,50 pt
40
Profils sectoriels et émergence industrielle
Au-delà (2012-2015), les estimations retenues pour l’IT-R conduisent à
faire état d’un renforcement de la tendance observée de 2007 à 2012. En effet,
l’écart entre l’évolution du taux d’ouverture et celle du taux de pénétration se
renforce en positif, en raison d’une poursuite de la hausse du taux d’ouverture
et d’une légère baisse du taux de pénétration.
Ce diagnostic porté en se fondant sur les données à prix courants n’est
pas à mettre au compte de fortes différences entre les évolutions des prix à la
production, à l’exportation et à l’importation (avant TVA et droits de douane)
(voir tableau 16).
Tableau 16
Évolution annuelle des prix pour le couple « activité/produit » IT*
2007/1998
2012/2007
Prix à la production
+ 0,9 %
+ 2,3 %
Prix à l’exportation
+ 1,2 %
+ 3,3 %
Prix à l’importation
+ 0,6 %
+ 1,4 %
Sur la période 1998-2012, les prix à l’exportation progressent un peu plus
rapidement que les prix à l’importation. Comme pour l’IT, on observe audelà de 2007 à une accélération des hausses de prix. Les évolutions constatées
au cours de la première sous-période (1998-2007) sont la conséquence de
l’abaissement des droits de douane. L’accélération ultérieure aurait pour
origine une levée de cette contrainte. Ce qu’il convient de relever tout
particulièrement est l’accélération de la hausse des prix à l’exportation qui ne
se constate pas, ou peu du moins, pour les ventes sur le marché intérieur en
produits qui sont concurrencés par les produits importés.
A cette étape, si on retient que l’IH* est « l’industrie » dont on se préoccupe
avant tout lorsque l’on parle d’« industrialisation », la conjecture qui s’impose
est que la faiblesse de cette dernière, au moins jusqu’à 2012, tient plus à
un manque de compétitivité sur le marché intérieur qu’à un manque de
compétitivité à l’exportation, les produits concernés d’un côté et de l’autre
n’étant pas les mêmes en « qualité ». Il y a lieu maintenant d’étudier si cela se
constate, ou non, dans toutes les branches dont se compose l’IT.
5. La dynamique des diverses industries de transformation (hors
produits pétroliers)
Les branches dont se composent les IT* sont les industries alimentaires
(y compris le tabac) (IT-A), les industries du textile, de l’habillement et du
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
41
cuir (IT-THC), les industries de la chimie et de la parachimie (IT-C), les
industries mécaniques, métallurgiques et électriques (IT-MME) et les autres
(presse-édition, papier-carton, etc.) ou industries restantes hors pétrole
(IT-Reste). Il y a lieu d’analyser séparément chacun des couples « activité/
produits » associés à ces quatre branches, puis de mettre en évidence leurs
similitudes et leurs différences.
5.1. Industries alimentaires et tabac (IT-A)
En 2007, cette branche réalise 27,5 % de la valeur ajoutée de l’IT*.
Cette part est la plus importante au regard de celles des autres branches, les
industries métallurgiques, mécaniques et électriques (IT-MME) pesant un peu
moins (23,4 %) et toutes les autres, moins de 20 %.
5.1.1. Croissance et inflation
Sur l’ensemble de la période 1998-2015, la croissance de l’activité propre
(en volume) de la branche IT-A a été, selon les comptes nationaux, de 3,7 %
l’an en moyenne. Cette croissance s’est un peu accélérée puisqu’elle a été
de 3,1 % par an en moyenne de 1998 à 2007 pour s’élever à 4,4 % par an
en moyenne sur la sous-période 2007-2015. Cette accélération se constate
principalement en fin de période (2009-2015) (voir tableau 17). En effet, les
exportations en produits de cette branche subissent les effets de la « crise de
2008 ». Elles se réduisent un peu (en volume) de 2007 à 2009, sans toutefois
conduire à un tassement de la production intérieure au regard de sa croissance
(en volume) au cours de la première phase, celle de la concurrence renforcée
des importations sur le marché intérieur en raison de la baisse des droits de
douane (1998-2007). Après 2009, les exportations reprennent leur marche en
avant, leur augmentation passant de + 2,7 % l’an sur 2009-2012 à + 12,0 %
sur 2012-2015. Par contre, la croissance du total des ventes (en volume) ne
suit pas en raison d’une baisse de la demande intérieure.
Tableau 17
La croissance des industries alimentaires (IT-A)
% par an
(en volume)*
Valeur ajoutée
2015/1998 2007/1998 2015/2007 2009/2007 2012/2009 2015/2012
+ 3,7 %
+ 3,1 %
Production
+ 2,1 %
Exportations
+ 4,3 %
* A prix constants chaînés.
+ 4,4 %
+ 5,2 %
+ 2,2 %
+ 5,5 %
+ 2,5 %
+ 5,3 %
– 0,7 %
+ 2,7 %
+ 4,7 %
+ 12,0 %
42
Profils sectoriels et émergence industrielle
Concernant la hausse des prix, l’impulsion propre des prix de vente par
les entreprises de cette branche a été négative de 1998 à 2007 (– 1 % l’an en
moyenne), et elle est nettement positive au-delà (+ 8,1 % l’an de 2007 à 2015).
L’impulsion négative de la première sous-période signifie que les entreprises du
secteur ont accepté de ne pas répercuter dans leurs prix de vente les hausses de
prix de leurs consommations intermédiaires (ou de leurs biens de capital fixe)
afin de résister à la concurrence des produits importés. Ainsi, la hausse moyenne
des prix de vente (exportations et ventes sur le marché intérieur) est seulement
de + 1 % l’an avec les prix des seules ventes à l’exportation qui progressent de
+ 2,1 % l’an, tandis que les prix des produits importés augmentent de 1,3 %
l’an (avant effet de la baisse des droits de douane) (voir tableau 18).
Tableau 18
L’impulsion propre des prix de vente et des autres prix pour les IT-A
% par an
Prix de la valeur ajoutée
2015/1998
2007/1998
2015/2007
2012/2007
2015/2012
+ 3,2 %
– 1,0 %
+ 8,1 %
+ 4,9 %*
+ 13,5 %
Prix à la production
+ 1,0 %
+ 2,5 %
Prix des exportations
+ 2,3 %
+ 2,1 %
+ 2,7 %
+ 4,4 %**
– 0,5 %
Prix des importations
+ 2,3 %
+ 1,3 %
+ 3,5 %
+ 5,6 %***
+ 0,0 %
* On a eu + 19 % en moyenne par an de 2007 à 2009 et – 3,5 % l’an de 2009 à 2012.
** On a eu + 6,1 % par an de 2007 à 2009 et + 3,3 % de 2009 à 2012.
*** On a eu + 2,6 % de 2007 à 2009 et + 7,6 % de 2009 à 2012.
Au contraire, au cours de la période suivante (2007-2015), l’impulsion
propre a été très importante (+ 8,1 % en moyenne par an). Elle n’est
toutefois que de 4,9 % l’an entre 2007 et 2012 et beaucoup plus forte de
2012 à 2015 (+ 13,5 % par an). A s’en tenir à la séquence 2007-2012 (en
raison des données disponibles pour la production), on ne constate pas une
hausse de même ampleur pour les prix de vente. En effet, les prix de vente
ne progressent que de 2,5 % par an en moyenne. Certes les prix de la part
exportée augmentent de + 4,4 %, mais ce sont les prix de vente sur le marché
intérieur qui n’augmentent que très peu, alors que les prix des produits
importés progressent de 5,6 %. Cet effort de compétitivité sur le marché
intérieur se traduit au-delà par une baisse en volume des importations qui est
assez régulière (– 3,3 % l’an en moyenne de 2012 à 2015). Il faudra analyser
comment cette évolution globale est le composé d’évolutions diverses par
branches fines d’activité en ayant à l’esprit que certaines d’entre elles sont,
pour une part non négligeable, le cadre d’activités relevant du secteur informel
et/ou rurales. Il est tout à fait possible que ce que l’on observe au niveau
global de l’IT-A soit le résultat d’un effet de structure.
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
43
5.1.2. Insertion internationale
Les données relatives à l’insertion internationale du couple « activité/produit
des « industries alimentaires et tabac » sont consignées dans le tableau 19.
Tableau 19
Activités et produits alimentaires et tabac : ouverture à l’exportation
et pénétration des importations
1998
Variation
2007
2007
Variation
2012
Variation
2015
Variation
2015/1998
X/P
10,4 % + 3,5 pt
13,9 % 12,7 % -0,6 pt
12,1 % + 2,2 pt
14,3 %
+ 5,1 pt
M/DI
8,6 %
14,6 % 13,0 % + 3,1 pt
16,1 % - 2,9 pt
13,2 %
+ 6,2 pt
+ 6,0 pt
Pour cette activité, l’ouverture à l’exportation est faible en début de période
(la part de la production exportée est de 10,4 %). Cette part est en progression
de 1998 à 2007. Elle diminue quelque peu de 2007 à 2009 avec la baisse en
volume des exportations (effet de la « crise de 2008 ») et augmente de nouveau
de plus de 2 points de 2012 à 2015, l’augmentation du taux d’ouverture sur
l’ensemble de la période étant de 5,1 points (3,5 + 1,6). Cette performance à
l’exportation en fin de période s’est-elle faite au détriment de la couverture du
marché intérieur par la production intérieure ?
Pour les produits de cette activité, la pénétration des importations sur le
marché intérieur est aussi faible en début de période (8,6 %). Elle augmente
fortement de 1998 à 2007. Elle se stabilise ensuite pour passer par un pic
en 2012. Ce qui s’observe après 2007 est donc nettement différent de ce qui
est constaté de 1998 à 2007. Au cours de cette première sous-période, l’effet
des accords de libre-échange est globalement négatif : ce qui est perdu en
couverture du marché intérieur l’emporte sur ce qui est gagné à l’exportation.
Cette dynamique défavorable se poursuit encore de 2007 à 2012 en raison de
la baisse en volume des exportations. Par contre, elle s’inverse complètement
au-delà puisque, de 2012 à 2015, la progression du taux d’exportation se
conjugue à une baisse du taux de pénétration des importations qui résulte
d’une baisse en volume des importations. Il y a lieu de voir quels sont les
produits concernés par cette baisse des importations. S’agit-il des mêmes que
ceux pour lesquels le taux d’ouverture à l’exportation augmente ou d’autres
produits ? La mobilisation des données sur le commerce extérieur devrait
permettre de répondre à cette interrogation.
Au total, la balance commerciale pour ces produits est légèrement
excédentaire au départ. Ce solde devient légèrement négatif en 2007, et il
retrouve son niveau positif de début de période en fin de période (2015).
44
Profils sectoriels et émergence industrielle
5.2. Textile, habillement et cuir (IT-THC)
En 2007, cette branche d’activité réalise 16,3 % de la valeur ajoutée des IT*.
5.2.1. Croissance et inflation
Sur l’ensemble de la période 1998-2015, l’activité propre (en volume) de
la branche regroupant le textile, l’habillement et le cuir (y compris les articles
chaussants) a diminué. Elle augmente 1998 et 2007 de 0,9 % l’an en moyenne.
Mais elle se rétracte ensuite de 2,4 % l’an en moyenne de 2007 à 2015. En fait,
au cours de cette seconde sous-période, l’activité propre commence par chuter
de 2,8 % de 2007 à 2008 et de 15,5 % de 2008 à 2009. Elle augmente quelque
peu de 2009 à 2012 pour régresser de nouveau de 2012 à 2015 et retomber à
son niveau de 2009 (voir tableau 20).
La production en volume a évolué sensiblement de la même façon. Le
taux de transformation (valeur ajoutée/production) a toutefois très légèrement
augmenté de 1998 à 2007, mais il a baissé ensuite (au moins jusqu’à 2012). La
chute de la production (en volume) de 2007 à 2009 (– 7,3 %) a pour origine
une baisse des exportations (en volume) de même ampleur ainsi qu’une
baisse de la demande intérieure. Une partie de cette dernière provient du
fait qu’il y a beaucoup d’intra-consommations dans cette grande branche (les
produits du textile sont des consommations intermédiaires pour l’industrie
de l’habillement et ceux du cuir, pour l’industrie des articles chaussants, et
beaucoup des entreprises qui sont spécialisées à l’exportation opèrent en soustraitance, avec des consommations intermédiaires en admission temporaire qui
sont des produits de cette branche), mais une autre partie tient à une baisse
de la consommation finale des ménages, qui d’ailleurs se poursuit de 2009 à
2010. La reprise qui a lieu de 2009 à 2012 tient aussi à celle des exportations
ainsi qu’à celle de la consommation finale des ménages (après 2010). Quant
au nouveau recul qui a lieu de 2012 à 2015, il ne tient ni aux exportations,
puisque celles-ci augmentent (en volume) de 0,4 % l’an, ni à la consommation
finale des ménages en produits de cet ensemble d’activités puisque celle-ci
poursuit sa progression. On est en présence d’une transformation interne à
la grande branche considérée. Une explication possible est que l’on aurait
eu une baisse du taux de transformation, notamment par effet de structure.
Cette proposition s’accorde avec le fait que de 2012 à 2015 les importations
augmentent (en volume) de 3,6 % l’an.
Sur l’ensemble de la période, l’impulsion propre des prix de vente est
continument faible. Elle est toutefois un peu plus forte de 2007 à 2015
(+ 1,8 % l’an en moyenne) que de 1998 à 2007 (+ 0,4 %). Il en va de même
pour les prix de la production vendue (voir tableau 21).
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
45
Tableau 20
Évolution en volume dans l’IT-THC
% en moyenne
2015/1998 2007/1998 2015/2007 2009/2007 2012/2009 2015/2012
par an
Activité propre
(valeur ajoutée)
– 0,7 %
Production
+ 0,9 %
– 2,4 %
+ 0,8 %
– 9,1 %
+ 2,1 %
– 2,0 %
– 7,3 %
+ 5,2 %
Exportations
+ 1,0 %
+ 2,6 %
– 0,6 %
– 7,3 %
+ 3,3 %
+ 0,4 %
Importations
+ 1,5 %
+ 5,1 %
+ 2,4 %
– 4,6 %
+ 6,0 %
+ 3,6 %
Tableau 21
Évolution annuelle des prix dans la branche IT-THC (en %)
2015/1998 2007/1998 2015/2007 2009/2007 2012/2009 2015/2012
Activité propre
(valeur ajoutée)
+ 1,0
+ 0,4
Production
+ 1,8
– 0,3
+ 8,0
– 2,5
+ 3,5
+ 0,6
+ 1,8
Exportations
+ 1,0
+ 0,0
+ 0,7
+ 1,6
+ 0,8
+ 0,0
Importations
– 1,7
– 1,3
– 2,1
– 3,3
+ 3,3
– 6,4
Le fait important à souligner est que l’on a tout au long de la période en
revue, si ce n’est de 2009 à 2012, une baisse des prix des produits importés,
alors que les prix de vente de la production sur le marché intérieur ont
tendance à augmenter, ce qui est aussi le cas des prix des produits exportés. Il
y a manifestement un manque de compétitivité au cours de la période. Cela
doit se constater dans les données portant sur l’insertion internationale.
5.2.2. Insertion internationale
Les données relatives à l’insertion internationale de l’IT-THC marocaine
sont consignées dans le tableau 22.
Tableau 22
Ouverture à l’exportation et pénétration
des importations de l’IT-THC
1998
Variation
2007/1998
X/P
62,1 %
+ 13,2 pt
M/DI
49,2 %
+ 16,8 pt
X/M
1,69
Variation
2015/2007
Variation
2015/1998
75,3 % 68,1 % 68,0 % 64,8 % 60,9 %
– 7,2 pt
+ 6,0 pt
66,0 % 58,6 % 57,7 % 57,9 % 54,6 %
– 4,0 pt
+ 12,8 pt
2007
1,53
2007
1,51
2009
2012
2015
1,49
46
Profils sectoriels et émergence industrielle
L’ouverture à l’exportation de la production de la branche IT-THC
est très importante puisque le taux d’ouverture s’élève à 62,1 % en début
de période, ce qui implique que des entreprises de cette branche soient
spécialisées à l’exportation. Il est nettement plus élevé que le taux de
pénétration des importations, qui est cependant important puisqu’il s’élève à
49,2 %. Comme pour la branche précédente, les deux sous-périodes séparées
par l’année 2007 se distinguent nettement. Au cours de la première (19982007), on assiste à une forte internationalisation puisque, d’un côté, le taux
d’ouverture augmente de 13,2 points et, de l’autre, le taux de pénétration
s’élève de 16,8 points. Ainsi, la spécialisation à l’exportation se paye d’un très
important recul de la couverture de la demande intérieure par la production
intérieure. Globalement, la dynamique est une détérioration puisque le taux
de couverture des importations par les exportations s’abaisse de 1,69 à 1,53.
Au cours de la seconde sous-période (2007-2015), on assiste au contraire
à une dé-internationalisation : le taux d’ouverture et le taux de pénétration
s’abaissent. Mais la dynamique est encore une détérioration, puisque le taux
d’ouverture s’abaisse plus que le taux de pénétration (– 7,2 points contre
– 4,0 points). Il n’y a pas d’inversion de la tendance antérieure.
5.3. Chimie et parachimie (IT-C)
En 2007, cette grande branche d’activité réalise 13,1 % de la valeur ajoutée
des industries de transformation (hors pétrole).
5.3.1. Croissance et inflation
Sur l’ensemble de la période 1998-2015, l’activité propre en volume
de la branche IT-C n’a été que de +2,1 % l’an. Cette progression est loin
d’être régulière, surtout à partir de 2007. De plus, les deux sous-périodes se
distinguent nettement l’une de l’autre. L’activité propre en volume augmente
très peu de 1998 à 2007 (+0,4 % l’an) avec une baisse jusqu’en 2004 et une
reprise ensuite. De 2007 à 2015, la croissance est de +4,1 % l’an avec un profil
inverse de celui de la sous-période antérieure puisqu’on constate une forte
croissance de 2007 à 2012 (+6,9 % l’an) suivie d’un plafonnement (22). Il n’y
a pas, dans cette branche de recul de l’activité propre en raison de la « crise
de 2008 » si on prend en compte l’évolution de 2007 à 2009, seulement un
tassement de la progression (23). Le profil constaté est donc le suivant : baisse
22. Le profil de 2007 à 2012 est extrêmement heurté puisque l’on a successivement comme
évolutions d’une année à l’autre : + 12,6 %, – 3,8 %, + 28,8 %, + 6,6 % et – 6,6 %.
23. Il n’y a une baisse que de 2008 à 2009 après une forte croissance de 2007 à 2008
(voir note supra).
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
47
de 1998 à 2004, période faste de forte croissance de 2004 à 2012 malgré le
tassement de 2007 à 2009 et léger recul de 2012 à 2015 (voir tableau 23).
Tableau 23
Les évolutions en volume dans l’IT-C
(en % par an en moyenne)
2015/1998 2007/1998 2015/2007 2012/2007 2015/2012 2012/2004
Activité propre
+ 2,1
Production
+ 0,4
+ 4,1
+ 0,8
+ 6,9
- 0,5
+ 5,5
+ 5,8
+ 4,0
Exportations
+ 6,2
+7,2
+ 5,5
+ 9,2
- 1,2
+ 8,3
Importations
+ 5,6
+7,9
+ 3,2
+ 4,1
+ 1,2
+ 7,8
L’évolution en volume de l’activité propre est dans une large mesure la
conséquence de celle de la production. On observe toutefois au cours de la
période intermédiaire de forte croissance (2012/2004) une augmentation du
taux de transformation (valeur ajoutée/production à prix constants). Cette
augmentation est toutefois localisée en 2009/2008, évolution à court terme
pour laquelle on a une forte baisse de la production (– 15,1 %) alors que
l’activité propre se réduit beaucoup moins (– 3,8 %). Sur toute la période, la
production est tirée par l’exportation, On enregistre toutefois une baisse de
ces dernières de 2008 à 2009 (– 9,1 %) suivie d’une explosion (+ 68,5 % de
2009 à 2010) et d’un léger recul ensuite (24).
Sur l’ensemble de la période, l’impulsion propre des prix de vente a été de
+ 2,1 % par an en moyenne. A la différence de ce qu’il en a été pour l’activité
propre en volume, l’impulsion propre des prix de vente est plus forte au cours
de la première sous-période qu’au cours de la seconde (on passe de + 3,1 %
l’an en moyenne sur 1998-2007 à seulement + 1,0 % sur 2007-2015). Pour
autant, l’évolution moyenne des prix de vente a été seulement de + 1,7 % par
an sur 1998-2007, avec des prix à l’exportation et des prix à l’importation
qui ont progressé en moyenne à peu près de la même façon (voir tableau 24).
Il y a donc eu au cours de cette première sous-période une stagnation (ou
même une baisse) en moyenne des prix des consommations intermédiaires
de cette grande branche. L’inverse a lieu au cours des années suivantes
24. De 2008 à 2009, la baisse de la production est nettement plus marquée que celle des
exportations (– 15,1 %, contre 9,3 %), alors que de 2009 à 2010 l’explosion à la hausse des
exportations (+68,5 %) se traduit par une hausse de seulement 25,5 % de la production.
Compte tenu du niveau élevé du taux d’ouverture, cela implique que l’on a eu un effondrement
de la part de la production répondant à la demande intérieure (faisant suite à la baisse constatée
de 2008 à 2009.
48
Profils sectoriels et émergence industrielle
(2007-2012), puisque les comptes nationaux pour cette branche nous disent
que l’impulsion propre a été fortement négative (– 4,0 % l’an), alors que
l’augmentation des prix à la production est de + 6,2 % allant de pair avec une
progression de 6,0 % pour les exportations. Et l’on enregistre de nouveau
en fin de période (2015/2012) une impulsion propre nettement positive, se
conjuguant à une baisse en prix des exportations. Ces forts mouvements à
court terme de l’impulsion propre à la hausse et à la baisse (25) ne sont pas
la conséquence de mouvements comparables du niveau général des prix de
vente de la production (ex. : l’impulsion propre de + 25 % de 2013 à 2014 va
de pair avec des prix à la production qui restent stables en moyenne). Il faut
leur donner une autre explication. Elle est à rechercher du côté de l’évolution
en prix des consommations intermédiaires et d’un changement du taux de
transformation tenant à un changement de la structure de la production par
sous-branches au sein de la grande branche considérée (26).
Tableau 24
Les évolutions des prix dans l’IT-C (en % par an en moyenne)
Impulsion propre
2015/1998
2007/1998
2015/2007
2012/2007
2015/2012
+ 2,1
+ 3,1
+ 1,0
– 4,0
+ 9,9
Production
+ 1,7
+ 6,2
Exportations
+ 2,7
+ 1,9
+ 3,6
+ 6,0
– 0,4
Importations
+ 2,1
+ 1,5
+ 2,7
+ 2,7
+ 2,7
5.3.2. Insertion internationale
Les données relatives à l’insertion internationale de l’IT-C marocaine sont
consignées dans le tableau 25.
25. On a eu successivement de 2007 à 2012, + 11,7 %, – 18,1 %, – 1,8 %, + 0,3 % et 14,0 %
et de 2012 à 2015, + 11,6 %, + 25,0 % et 4,7 %.
26. Rappel : on note VP, VCI, et VY les valeurs à prix courants de la production, des
consommations intermédiaires et de la valeur ajoutée et P, CI et Y leurs montants à prix
constants (aux prix de l’année précédente ou aux prix d’une année de base), les évolutions en
prix étant alors VP/P, VCI/CI et VY/Y. Par définition, on a : VY = VP VCI et Y = P CI. On
en déduit que : VP/P = VCI/CI x CI/(CI + Y) + VY/Y x Y/(CI + Y). L’évolution de VP/P
dépend donc des évolutions respectives de VCI/CI et de VY/Y, mais aussi de l’évolution du
taux de transformation (Y/P). Un fort écart entre l’évolution en prix de la production et
l’impulsion propre (VY/Y) a donc deux origines possibles : 1) un mouvement particulièrement
marqué (à la hausse ou à la baisse) du niveau général des prix des consommations intermédiaires
et 2) un changement important du taux de transformation, effet que l’on doit qualifier d’effet
de structure parce que ce changement procède le plus souvent d’un changement de la structure
de la production par sous-branche au sein de la grande branche considérée.
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
49
Tableau 25
Ouverture à l’exportation et pénétration des importations de l’IT-C
1998
Variation
2007/1998
X/P
37,6 %
+29,8 pt
67,4 % 56,6 % 46,9 % 70,1 % 67,0 %
+10,4 pt
+40,2 pt
M/DI
43,6 %
+29,5 pt
73,1 % 62,7 % 57,2 % 67,1 % 67,7 %
+5,0 pt
+34,5 pt
X/M
0,78
2007
0,76
2007
0,78
2009
0,66
2012
1,15
2015
Variation
Variation
2015/2007 2015/1998
0,97
En début de période, le taux d’ouverture à l’exploration dans cette
branche d’activité est de 37,6 %. Il est un peu plus élevé que dans l’IT*, mais
nettement plus faible que dans l’IT-THC.
Le taux de pénétration des importations est de 43,6 %, soit un niveau
plus élevé que le taux d’ouverture. La balance est donc déficitaire (le taux de
couverture des exportations par les importations n’est que de 78 %). Tout au
long de la période passée en revue on assiste à une forte internationalisation de
cette branche d’activité. L’effet du changement de base y est important puisqu’il
conduit à faire état en 2007 (en nouvelle base) de taux plus faibles qu’en
ancienne base en raison d’un relèvement de la production et, dans une moindre
mesure, de la demande intérieure en produits de cette activité. Mais il ne change
que très peu le taux de couverture des importations par les exportations. On
ne peut exclure que, s’ils avaient été construits en nouvelle base 2007 avec
les mêmes informations que celles qui sont mobilisées en 2007 et au-delà, les
comptes nationaux auraient conduit à des progressions moins importantes, de
1998 à 2007, à la fois du taux d’ouverture et du taux de pénétration que celles
qui sont enregistrées dans les comptes en base 1998. Il n’en reste pas moins
que, pour l’un comme pour l’autre, les augmentations ont été très importantes
et du même ordre de grandeur. L’abaissement des barrières douanières au cours
de la première sous-période (1998-2007) s’est donc accompagné d’une forte
internationalisation relativement équilibrée : ce qui est gagné en ouverture
à l’exportation est perdu en couverture du marché intérieur. Pour le dire en
d’autres termes, on a eu une spécialisation à l’exportation d’un nombre croissant
d’entreprises allant de pair avec l’incapacité de nombreuses entreprises répondant
à la demande intérieure de tenir la concurrence vis-à-vis des importations.
Sur la seconde sous-période, le bilan est tout à fait différent. Certes,
l’internationalisation de cette branche d’activité se poursuit, mais cela s’effectue
à un rythme nettement moins rapide (de 2007 à 2015, le taux d’ouverture ne
progresse plus que de + 10,4 pt (contre + 29,8 pt de 1998 à 2007) et le taux de
pénétration de + 5,0 pt (contre + 29,5 pt de 1998 à 2007)), et, surtout, cette
poursuite du processus d’internationalisation se réalise à l’avantage du Maroc
50
Profils sectoriels et émergence industrielle
puisque le taux de couverture des importations par les exportations atteint
presque l’unité en 2015 alors qu’il était de 0,78 en 2007. Cette amélioration
est acquise au cours de la période allant de 2007 à 2012 en conduisant alors
à un taux de couverture supérieur à l’unité. Il y a par contre un retrait de
2012 à 2015 qui tient à un fléchissement du taux d’ouverture. Le gain réalisé
de 2007 à 2012 est acquis avec l’explosion des exportations « en volume » qui
a eu lieu, nous l’avons vu, de 2009 à 2010. En effet, le taux d’ouverture à
l’exportation passe de 46,9 % en 2009 à 65,3 % en 2010, saut de près de vingt
points qui dépasse largement la baisse de dix points qui a lieu de 2007 à 2009
en raison de la « crise de 2008 ». L’avantage acquis est renforcé jusqu’à 2012,
mais il s’effrite quelque peu ensuite. Il importe donc de localiser la branche
particulière dans laquelle de nouvelles unités de production de produits
destinés à l’exportation ont été installées avant 2010 et sont entrées dans leur
phase de production cette année là.
5.4. Industries métallurgique, mécanique et électrique (IT-MME)
Cette branche d’activité réalise 23,4 % de la valeur ajoutée des industries de
transformation hors pétrole (IT*) en 2007. Elle comprend un grand nombre de
branches fines. Le secteur automobile, qui regroupe la production de véhicules
et celle des équipementiers inscrits dans d’autres branches que la branche
automobile, en fait partie, sauf à considérer les productions d’équipements qui
ne relèvent pas de l’IT-MME voire la production de pièces en matière plastique
ou celle de sièges par des entreprises relevant de l’industrie textile.
5.4.1. Croissance et inflation
Sur l’ensemble de la période 1998-2015, l’activité propre en volume de la
branche IT-MME a été de + 6,0 % l’an. Cette progression est assez régulière.
Les deux sous-périodes ne se distinguent pas nettement l’une de l’autre,
puisque l’activité propre progresse en moyenne de 6,5 % l’an de 1998 à 2007
et de 5,3 % l’an en moyenne de 2007 à 2015. La « crise de 2008 » a un impact
très important sur les évolutions enregistrées de 2008 à 2009. Elle a pour
effet de réduire l’activité propre via une baisse de la production déterminée
par celle des exportations (– 3,8 % pour l’activité propre, avec – 6,8 % pour
la production en volume et – 10,6 % pour les exportations en volume). Sans
cette forte perturbation, la croissance aurait été plus rapide au cours de la
seconde sous-période que lors de la première. On n’observe pas toutefois
d’accélération de la croissance en fin de (seconde) période (2015/2012),
puisque celle-ci n’est que de + 4,9 % l’an (voir tableau 26).
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
51
Tableau 26
Les évolutions en volume dans l’IT-MME (en % par an en moyenne)
2015/1998
2007/1998
2015/2007
2012/2007
Activité propre
+ 6,0
+ 6,5
+ 5,3
+ 6,7
2015/2012
+ 4,9
Production
+ 6,5*
+ 6,9
+ 6,0*
+ 5,1
+ 7,6*
Exportations
+ 11,8
+ 11,9
+ 11,7
+ 9,4
+ 15,6
Importations
+ 7,4
+ 10,5
+ 4,0
+ 4,4
+ 3,2
* Sous l’hypothèse d’une stabilité des prix à la production de 20122 à 2015 (voir infra).
Sur l’ensemble de la période, l’activité propre évolue quasiment comme la
production (en volume). Des écarts assez importants se constatent toutefois
d’une année sur l’autre de 2007 à 2011, mais ils se compensent. Ainsi, une
tendance se dégage à long terme, celle d’une très faible réduction du taux de
transformation (valeur ajoutée/production en volume). La production est tirée
par les exportations. Comme leur progression est nettement plus rapide que
celle de la production (quelle que soit la sous-période considérée) on a eu une
très faible progression de la production destinée au marché intérieur. Comme
la demande intérieure a progressé, ce sont les importations qui ont assuré la
relève de la production intérieur (voir infra les évolutions à prix courants).
Dans cette branche d’activité, les évolutions en prix sont très faibles sur
toute la période. L’impulsion propre est seulement de + 0,7 % l’an en moyenne,
avec + 1,2 % l’an sur la première sous-période et – 0,05 % l’an sur la seconde. Il
a va de même pour les prix à la production et les prix à l’exportation, les prix
à l’importation et les prix sur le marché intérieur (voir tableau 27).
Tableau 27
Les évolutions des prix dans l’IT-MME (en % par an en moyenne)
Impulsion propre
2015/1998
2007/1998
2015/2007
2012/2007
2015/2012
+ 0,7
+ 1,2
– 0,05
– 0,1
+ 0,1
Production
+ 0,6
+0
Exportations
+ 1,3
+ 1,8
+ 0,8
+ 0,3
+ 1,6
Importations
+ 0,8
+ 0,8
+ 0,7
+ 0,7
+ 0,7
5.4.2. Insertion internationale
Les données relatives à l’insertion internationale de l’IT-MME sont
consignées dans le tableau 28.
52
Profils sectoriels et émergence industrielle
Tableau 28
Ouverture à l’exportation et pénétration des importations de l’IT-MME
1998
X/P
M/DI
X/M
25,8 %
61,5 %
0,22
Variation
2007/1998
+ 17,5 pt
+ 12,6 pt
2007
2007
2012
2015
43,3 %
74,1 %
0,27
36,8 %
66,2 %
0,32
45,8 %
69,5 %
0,37
56,7 %
71,8 %
0,51
Variation
2015/2007
+ 19,9 pt
+ 5,6 pt
Variation
2015/1998
+ 37,4pt
+ 18,2 pt
En début de période, le taux d’ouverture à l’exportation dans cette branche
est faible (25,8 %), alors que le taux de pénétration des importations est
élevé (61,5 %). Le taux de couverture des exportations par les importations
est, en conséquence, très faible (22 % ou 0,22). La dynamique longue
enregistrée dans cette branche est, comme pour la précédente, une
dynamique d’internationalisation très prononcée. Ainsi, le taux d’ouverture à
l’exportation s’élève de 37,4 points de 1998 à 2015 et le taux de pénétration
des importations, de 18,2 points. Mais, à la différence de ce qu’il en est dans
l’IT-C, cette dynamique est très favorable pour le Maroc dans la mesure où le
taux d’ouverture progresse beaucoup plus que le taux de pénétration. Il y a, en
conséquence, une forte amélioration de la couverture des importations par les
exportations, le taux de couverture s’élevant à 51 % en 2015.
Cette dynamique et son caractère favorable sont des caractéristiques qui
se constatent tout au long de la période passée en revue (1998-2015). On
constate toutefois une nette différence entre les deux sous-périodes en ce
qui concerne l’évolution du taux de pénétration des importations. Certes, ce
dernier progresse encore de 2007 à 2015 de façon assez régulière (+ 5,6 pt),
mais cette augmentation est beaucoup moins importante que celle enregistrée
de 1998 à 2007 en lien avec l’abaissement des protections douanières
(+ 12,6 pt). Comme le taux d’ouverture poursuit sa progression à peu près au
même rythme, le redressement du taux de couverture est donc nettement plus
marqué de 2007 à 2015 que de 1998 à 2007.
Un affinement de l’analyse consistant à distinguer un certain nombre de
branches fines au sein de cette grande branche s’avère indispensable pour
mettre en évidence si cette dynamique favorable a été observée dans toutes
ces branches ou si elle est à attribuer à certaines d’entre elles, notamment
l’automobile et l’aéronautique.
5.5. Les autres industries de transformation (hors pétrole) (IT-R)
Ce « reste » comprend de nombreux couples « activité-produit » qui sont
très différents les uns des autres en ce qui concerne aussi bien les techniques
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
53
de production que la main-d’œuvre (ameublement, papier-carton, presse et
édition, caoutchouc et transformation des matières plastiques). Cette branche
d’activité réalise 19,7 % de la valeur ajoutée des industries de transformation
hors pétrole (IT*) en 2007.
5.5.1. Croissance et inflation
Sur la période 1998-2012 (27), la croissance de l’activité propre de cette
branche est de + 4,8 % l’an en moyenne. Cette croissance est assez régulière. Il
n’y a pas de recul lié à la « crise de 2008 » en raison d’un faible taux d’ouverture
(voir infra). La croissance est même un tout petit peu plus rapide de 2007 à
2012 que de 1998 à 2007 (+ 4,9 % contre + 4,7 %). La production « en
volume » progresse un peu moins rapidement que l’activité propre (+ 4,0 %
contre + 4,8 %) (voir tableau 29). Il y a donc eu sur l’ensemble de la période
prise en compte une légère augmentation du taux de transformation (28). Ce
changement de structure a lieu en tendance tout au long de la période. Il est
à peine moins rapide de 2007 à 2012 que de 1998 à 2007. La production
est tirée à la hausse à la fois par l’exportation et par la demande intérieure. La
croissance en volume des exportations est plus forte que celle de la production
(+ 6,8 % l’an contre + 4,0 %) en moyenne sur 1998-2012. Mais avec un
taux d’ouverture de l’ordre de 7 % en moyenne sur la période, l’impact des
exportations sur la production est limité. La demande intérieure est celle qui
tire la production. Cette demande progresse plus rapidement de 2007 à 2012
que de 1998 à 2007, tandis que la demande extérieure fléchit. On s’explique
ainsi que la production « en volume » progresse plus rapidement en fin de
période qu’au début.
Tableau 29
Les évolutions en volume dans l’IT-R (en % par an en moyenne)
2012/1998
2007/1998
2012/2007
Activité propre
+ 4,8 %
+ 4,7 %
+ 4,9 %
Production
+ 4,0 %
+ 3,9 %
+ 4,3 %*
Exportations
+ 6,8 %
+ 7,7 %
+ 5,3 %
Importations
+ 8,3 %
+ 9,0 %
+ 7,0 %
27. On ne dispose pas pour cette branche d’informations au-delà de 2012, si ce n’est pour
la valeur ajoutée à prix courants jusqu’en 2014.
28 L’hypothèse que l’on peut faire est que cette élévation serait un effet de structure tenant au
fait que les sous-branches à taux de transformation plus élevé que la moyenne seraient celles qui
ont crû plus rapidement que la moyenne. Hypothèse à vérifier avec des données plus détaillées.
54
Profils sectoriels et émergence industrielle
Sur l’ensemble de la période prise en compte (1998-2012), l’impulsion
propre des prix de vente est très faible (+ 0,4 % l’an). Elle est nulle de 1998
à 2007 et de +1,1 % l’an en moyenne de 2007 à 2012. Comme la hausse
moyenne des prix de vente des produits de cette grande branche a été de
+1,3 % (avec +1,2 % de 1998 à 2007 et +1,4 % de 2007 à 2012), cela
signifie qu’il y a eu des hausses plus importantes des prix des consommations
intermédiaires. Les hausses des prix de vente ont suivi celles des prix des
produits importés, les prix à l’exportation ayant un peu plus progressé en fin
qu’en début de période (voir tableau 30).
Tableau 30
Les évolutions des prix dans l’IT-R (en % par an en moyenne)
2012/1998
2007/1998
2012/2007
Impulsion propre
+ 0,4
+ 0,0
+ 1,1
Production
+ 1,3
+ 1,2
+ 1,4
Exportations
+ 1,3
+ 1,5
+ 0,8
Importations
+ 1,2
+ 1,2
+ 1,2
2015/2012
5.5.2. Insertion internationale
Les données relatives à l’insertion internationale de la branche en revue
sont consignées dans le tableau 31.
Tableau 31
Ouverture à l’exportation et pénétration des importations de l’IT-R (29)
1998
Var.
2007/1998
2007
2007
Var
2012/2007
2012
Var.
2015/2012
2015
Var.
2015/1998
X/P
6,8 %
+2,3 pt
9,1 %
7,2 %
+0,4 pt
7,6 %
+0,3 pt
7,9 %*
+3,0 pt
M/DI
24,8 %
+10,4 pt
35,2 % 30,1 %
+2,6 pt
32,7 %
+1,6 pt
34,3 %*
+14,6 pt
X/M
0,22
0,18
0,18
0,17
0,16
* Estimations.
A la différence des autres branches de l’IT*, cette branche est peu
internationalisée. Tel est d’ailleurs le cas dans la plupart des pays, aussi bien du
Nord que du Sud. Elle l’est surtout en matière d’exportations puisque le taux
d’ouverture de la production domestique est inférieur à 10 % sur l’ensemble
29. Les montants relatifs à 2015 sont des estimations propres à l’auteur (voir note supra).
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
55
de la période 1998-2012. En effet, le taux de pénétration du marché intérieur
par les importations est relativement élevé puisqu’il est en moyenne de l’ordre
de 30 %. D’ailleurs, la pénétration des importations progresse nettement tout
au long de la période (+ 14,6 points), tandis que le taux d’ouverture augmente
peu (+ 3,0 points). Ainsi, la couverture des importations par les exportations,
qui est très faible en début de période, se dégrade quelque peu de 1998 à
2015. Cette dégradation est toutefois nettement plus marquée au cours de la
première sous-période (1998-2007) que de la seconde (2007-2015). En effet,
la poussée de la pénétration des importations a lieu principalement au cours
de la première (le taux de pénétration passe de 24,8 % à 35,2 %) ; l’explication
qui vient logiquement à l’esprit est que cette progression est la conséquence de
l’abaissement ou de la suppression des protections tarifaires. Elle se poursuit au
delà, mais beaucoup moins rapidement (le taux de pénétration, mesuré en base
2007, passant alors de 30,1 % à 34,3 %. Pour l’ouverture à l’exportation, les
deux sous-périodes se distinguent beaucoup moins, même si le taux d’ouverture
augmente plus au cours de la première sous-période que lors de la seconde
(+ 2,3 points, contre + 0,7 point). En termes de compétitivité à l’exportation et
de compétitivité à l’importation, la performance constatée est donc médiocre,
même si le manque de compétitivité se réduit en fin de période.
6. Similitudes et différences entre les branches d’activité au sein
de l’industrie manufacturière (IT*)
Lorsque l’on adopte une approche institutionnaliste selon laquelle « les
institutions comptent » dans l’explication des phénomènes économiques
observés et que l’on qualifie d’institution tout ensemble de normes techniques
(relatives aux rapports des humains aux objets) et sociales (relatives aux rapports
des humains entre eux) présentant une certaine cohérence, on laisse de côté la
rationalité parfaite de Savage, et on considère que tout comportement consiste
à suivre une norme, par exemple celle de choisir d’exporter, sans toutefois
trancher le point de savoir si la personne en question suit cette norme parce
qu’elle est rationnelle ou si, en la suivant, elle se montre rationnelle. La mise
en évidence des similitudes et des différences entre les dynamiques des diverses
branches dont se compose l’IT* présente alors l’intérêt suivant :
– une similitude a nécessairement une explication à caractère général en
ce sens qu’elle est commune à toutes les branches, cette explication est à
rechercher du côté des institutions sociétales marocaines ;
– une différence n’a pas d’explication transversale aux branches, cette
explication est à rechercher du côté des institutions spécifiques à chacune des
branches qui sont à l’origine de l’absence de similitude.
56
Profils sectoriels et émergence industrielle
La méthode retenue pour apprécier les similitudes et les différences entre
les dynamiques des branches qui constituent l’industrie manufacturière
(IT*) consiste à partir des diverses caractéristiques de la dynamique de l’IT*
et à prendre en compte ensuite chacune d’elle en mettant en évidence une
similitude lorsque cette caractéristique se rencontre dans toutes les branches
ou une différence lorsque ce n’est pas le cas. Il convient donc de commencer
par rappeler de quelle façon se caractérise la dynamique de l’IT* au cours de
la période 1998-2015.
6.1. Les caractéristiques de la dynamique de l’IT*
On liste d’abord les traits relatifs à la croissance et à l’inflation, puis ceux
relatifs à l’insertion internationale.
6.1.1. Les caractéristiques en matière de croissance et d’inflation
C1. La croissance de la branche d’activité IT*, mesurée en prenant en
compte l’activité propre (la valeur ajoutée en volume), a été de + 3,4 % par an
en moyenne au cours de la période 1998-2015.
C2. Cette croissance a été un peu plus rapide au cours de la seconde souspériode (2007-2015) avec +3,6 % l’an que lors de la première (1998-2007)
avec +3,4 % l’an.
C3. La croissance est irrégulière au cours de la seconde sous-période
(2007-2015). Cette irrégularité est appréciée en prenant en compte l’écart,
année après année, entre le taux de croissance d’une année sur l’autre et le
rythme moyen de croissance sur cette période. La série de cet écart a été la
suivante (voir tableau 32) :
Tableau 32
Taux de croissance de l’activité propre à court terme et écart au trend (IT*)
2015/ 2012/ 2009/ 2015/ 2014/ 2013/ 2012/ 2011/ 2010/ 2009/ 2008/
2012 2009 2007 2014 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007
Taux de
croissance
Écart au
trend
+ 2,6
+ 6,2
+ 1,7
+ 4,3
+ 3,5
– 0,1
+ 1,9
+ 7,9
+ 8,0
– 1,4
+ 4,8
– 1,0
+ 2,6
– 1,9
+ 0,7
– 0,1
– 3,7
– 1,7
+ 4,3
+ 4,4
– 5,0
+ 1,2
On mesure l’irrégularité par le nombre d’évolutions à court terme pour
lesquelles l’écart est supérieur à deux points de croissance, soit ici 4 années
sur 8.
C4. Cette irrégularité se manifeste notamment par un recul de l’activité
propre de 2008 à 2009 en relation avec la « crise de 2008 ».
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
57
C5. Elle se manifeste aussi par un recul de 2012 à 2013.
C6. L’impulsion propre des prix de vente a été très faible de 1998 à 2007.
C7. Une impulsion propre plus forte au cours de la seconde sous-période
qu’au cours de la première.
6.1.2. Les caractéristiques en matière d’insertion internationale
Tableau 33
Les indicateurs de l’insertion internationale (à prix courants) (IT*)
Variation en
points de %
2015/1998
2007/1998
2015/2007
2009/2007
2012/2009
2015/2012
X/P
+13,7 pt*
+8,7 pt
+5,0 pt*
– 4,1 pt
+7,4 pt
+1,7 pt*
M/DI
+18,0 pt
+15,5 pt
+1,4 pt*
– 1,3 pt
+2,8 pt
– 0,1 pt*
X/M
– 3,7 pt
– 14,0 pt
– 7,6 pt
+12,8 pt
+5,1 pt
+10,3 pt
* Estimations propres à l’auteur (voir infra).
Les caractéristiques de la dynamique ainsi observée ont été les suivantes :
C8. Un fort processus tendanciel d’internationalisation aussi bien en
termes d’ouverture à l’exportation que de pénétration des importations.
C9. Un processus qui est avant tout un processus « en volume »
C10. Une forte progression de la pénétration du marché intérieur par
les importations qui l’emporte nettement sur la progression de l’ouverture à
l’exportation de la production intérieure.
C11. Un processus d’internationalisation nettement plus marqué au cours
de la première sous-période qu’au cours de la seconde.
C12. De défavorable en termes dévolution de la couverture des
importations par les exportations au cours de la première sous-période, le
processus d’internationalisation devient quelque peu favorable sur la seconde.
C13. Une évolution irrégulière de 2007 à 2015.
6.2. Similitudes et différences en matière de croissance et d’inflation
On reprend successivement les caractéristiques qui viennent d’être listées
au titre de la croissance et de l’inflation.
58
Profils sectoriels et émergence industrielle
6.2.1. Caractéristique C1 : pas de similitude pour le rythme moyen de
croissance
On retient que l’on est en présence d’une similitude si, dans toutes les
branches, la croissance moyenne sur la période est proche de celle de l’IT*
(rythme de croissance compris entre 3,1 % et 3,9 %, sachant que l’IT* croît
au rythme de 3,5 % l’an). Si ce n’est pas le cas, on est en présence d’une
différence dont certaines branches sont responsables.
Tableau 34
Rythme de croissance moyen sur la période
A
+ 3,7 %
THC
– 0,7 %
C
+ 2,1 %
MME
+ 6,0 %
Reste
+ 4,8 %
IT*
3,5 %
Pour cette caractéristique, il n’y a pas de similitude. Il n’y a que la
branche « chimie et parachimie » (IT-C) qui a une croissance proche de celle
de l’IT*. Les deux branches qui se distinguent le plus sont, d’un côté, la
branche « textile, habillement, cuir » (IT-THC) dont l’activité propre baisse
(– 0,7 % l’an) et la branche « métallurgie, mécanique et matériels électriques »
(IT-MME) dont l’activité propre progresse rapidement (+ 6,0 % l’an).
6.2.2. Caractéristique C2 : pas de similitude concernant une légère
accélération de la croissance de la première à la seconde sous-période
Le choix de l’année 2007 séparant deux sous-périodes ne tient pas
seulement au fait que cette année est celle pour laquelle il y a eu un
changement de base de construction des comptes nationaux. Il se justifie aussi
par le fait que la période 1998-2007 est celle au cours de laquelle la baisse des
protections tarifaires tenant aux accords conclus par le Maroc avec l’UE et les
USA en matière de libéralisation des échanges a eu lieu pour l’essentiel. Les
effets de ce démantèlement (ayant porté sur presque tous les produits) sont
donc en grande partie acquis. Ils ne se manifestent plus au-delà, si ce n’est
en ayant déterminé la situation d’où part la dynamique enregistrée au cours
de la seconde sous-période en matière de compétitivité à l’exportation et de
compétitivité à l’importation. Pour l’IT* dans son ensemble, la caractéristique
C2 est que la croissance est un peu plus rapide au cours de la seconde sous-
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
59
période qu’au cours de la première. On est en présence d’une similitude si cela
s’observe dans toutes les branches. Tel n’est pas le cas (voir tableau 35).
Tableau 35
La croissance : de la sous-période 1998-2007 à la sous-période 2007-2009
1998-2007
2007-2015
3,1 %
4,4 %
Oui
THC
+ 0,9 %
– 2,4 %
Non
C
A
Similitude
+ 0,4 %
+ 4,1 %
Oui
MME
6,5 %
5,3 %
Non
Reste
4,7 %
4,9 %*
Oui (?)
IT*
3,4 %
3,6 %
* Sur la sous-période 2007-2012.
Comme pour la caractéristique C1, il n’y a pas de similitude. Les deux
branches qui se différencient sont celles qui sont principalement à l’origine de
l’absence de similitude pour cette première caractéristique. Par contre, il y a bien
une accélération pour les industries alimentaires (IT-A) et les industries chimiques
et para-chimiques (IT-C), si ce n’est pour les industries restantes (IT-R).
6.2.3. Caractéristique C3 : la croissance est irrégulière dans toutes les
branches au cours de la période 2007-2015
A propos de cette caractéristique relative à l’irrégularité de la croissance de
l’IT* au cours de la seconde sous-période, on est en présence d’une similitude
si le degré d’irrégularité est important dans toutes les branches, c’est-à-dire
si, dans chacune d’elles, il y a au moins quatre évolutions à court terme pour
lesquelles l’écart au trend (dans un sens ou dans l’autre) est supérieur à deux
points de croissance.
Tableau 36
Nombre d’années pour lesquelles l’écart au trend est supérieur à deux points
A
4
THC
6
C
5
MME
5
Reste
?
IT*
4
60
Profils sectoriels et émergence industrielle
Si on laisse de côté l’IT-Reste pour laquelle on ne dispose pas
d’informations pour 2012-2015, toutes le branches sont le cadre d’un degré
d’irrégularité de la croissance aussi élevé que celui constatée pour l’IT*. Sur
les quatre évolutions à court terme pour lesquelles l’écart est supérieur à
deux points de taux de croissance dans l’IT*, trois sont communes à presque
toutes les branches (sauf l’IT-R) : 2008/2007, 2009/2008 et 2010/2009. Pour
l’évolution 2013/2012, il n’y a plus que trois branches pour lesquelles l’écart
(en négatif ) est supérieur à deux points comme dans l’ensemble, la croissance
dans l’IT-A n’ayant que peu fléchi).
Tableau 37
La croissance à court terme au cours de la période 2007-2015
2008/
2007
2009/
2008
2010/
2009
2011/
2010
2012/
2011
2013/
2012
2014/
2013
2015/
2014
3,6 %
0,9 %
9,5 %
2,3 %
4,7 %
3,2 %
6,5 %
4,4 %
THC
– 2,8 %
– 15,4 %
1,3 %
3,6 %
1,5 %
– 6,0 %
4,4 %
– 4,1 %
C
12,6 %
– 3,8 %
28,8 %
6,6 %
6,0 %
– 6,8 %
2,4 %
3,3 %
MME
9,3 %
– 3,6 %
1,5 %
21,9 %
5,9 %
– 0,3 %
8,6 %
6,6 %
Reste
5,8 %
3,9 %
5,6 %
10,0 %
– 0,5 %
IT*
4,8 %
– 1,4 %
8,0 %
7,9 %
1,9 %
– 0,1 %
3,5 %
4,3 %
A
6.2.4. Caractéristique C4 : le net recul de l’activité propre de 2008 à 2009
(en lien avec la « crise de 2008 ») ne se constate pas dans les branches peu
internationalisées (IT-A et IT-R)
L’évolution de 2008 à 2009 fait partie de celles pour lesquelles l’écart
au trend est supérieur à deux points (en négatif ) dans presque toutes les
branches (sauf l’IT-R). Toutefois, seules trois branches sont à l’origine du
recul de l’activité propre observée pour l’ensemble : THC, chimie et MME.
En effet, la croissance reste positive dans l’IT-A (et ne fléchit que peu dans
l’IT-R). Cela s’explique simplement : ces deux branches sont celles pour
lesquelles le taux d’ouverture à l’exportation est faible (12,7 % pour l’IT-A
et 7,2 % pour l’IT-R en 2007) et qui, de ce fait, ne sont que faiblement
touchées par la baisse de la demande mondiale consécutive à la « crise de
2008 ». Au contraire, le taux d’ouverture est élevé dans les trois autres
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
61
branches (68,1 % dans l’IT-THC, 56,6 % dans l’IT-C et 36,8 % dans l’ITMME en 2007 (30)), et elles subissent de plein fouet les effets de cette crise
qui ne doit rien au Maroc.
6.2.5. Caractéristique C5 : le recul de 2012 à 2013 de l’activité propre ne
s’observe que dans l’I-THC et l’IT-C et en y ayant des causes « marocaines »
La caractéristique C5 de la dynamique de l’IT* est un recul de l’activité
propre de 2012 à 2013. Il n’y a pas de similitude à propos de cette
caractéristique puisque l’on ne constate un recul de l’activité propre de 2012
à 2013 que dans trois branches, celles dans lesquelles un tel recul se constate
de 2008 à 2009. Mais, à la différence de ce que l’on constate à ce moment,
ce recul n’a pas pour origine une baisse générale des exportations. Cette baisse
est localisée ; elle ne concerne que les produits de l’IT-THC et de l’IT-C,
sans affecter ceux de l’IT-MME. Elle aurait donc, dans ces deux activités,
une cause « marocaine » propre à chacune de ces activités, sans qu il s’agisse
nécessairement de la même cause ici et là.
A noter que la forte croissance de l’activité propre dans la branche
« chimie et parachimie » de 2009 à 2010 (+28,8 %, avec des exportations qui
progressent de 68,8 %) est un phénomène propre à cette branche qui a aussi
une cause « marocaine ».
6.2.6. Caractéristique C6 : similitude concernant la très faible impulsion propre
des prix de vente de 1998 à 2007 (hors chimie et parachimie)
La caractéristique C6 est relative au montant tendanciel de l’impulsion
propre des prix de vente. A l’échelle de l’IT*, cette dernière est très faible en
moyenne sur l’ensemble de la période en revue (voir tableau 38). On a eu :
Tableau 38
L’impulsion propre des prix de vente (2007/1998)
A
– 1,0 %
THC
+ 0,4 %
C
+ 3,1 %
MME
+ 1,2 %
Reste
+ 0,0 %
IT*
+0,3 %
30. Nouvelle base 2007. Comme l’effet du changement de base a été principalement de
remonter le niveau de la production dans la plupart des branches de l’industrie, ces taux sont
plus faibles que ceux qui avaient été évalués pour 2007 dans les comptes en base 1998.
62
Profils sectoriels et émergence industrielle
En tendance au cours de la période 1998-2007, l’impulsion propre des
prix de vente a été très faible dans toutes les branches, sauf dans l’industrie
chimique (y compris parachimie), branche dans laquelle cette impulsion
propre a été en moyenne de +3,1 % l’an. On doit donc faire état d’une
grande similitude, en proposant une explication spécifique à ce qui a eu
lieu dans cette branche. L’explication générale, qui s’impose en raison
de cette similitude, est que la faible évolution constatée a été l’effet du
démantèlement des protections douanières à l’importation. L’explication
spécifique pour la chimie doit être recherchée du côté des prix des
consommations intermédiaires, les prix de certaines d’entre elles ayant baissé
puisque l’évolution moyenne des prix de vente sur la période n’a été que de
+1,7 % l’an, en bonne correspondance avec des prix à l’importation qui ont
augmenté en moyenne de +1,5 % l’an.
6.2.7. Caractéristique C7 : dans l’IT-C et l’IT-MME, l’impulsion propre des prix de
vente n’est pas plus forte de 2007 à 2015 que de 1998 à 2007
Cette caractéristique C7 de la dynamique de l’IT* est que l’impulsion
propre des prix de vente est plus forte au cours de la seconde sous-période
qu’au cours de la première. Cette caractéristique n’est pas commune (voir
tableau 39). En effet, l’impulsion propre des prix de vente est inférieure au
cours de la seconde sous-période à ce qu elle a été au cours de la première
dans deux branches d’activité : IT-C et IT-MME.
Tableau 39
Le changement de l’impulsion propre des prix de vente
de 2007/1998 à 2015/2007
2007/1998
2015/2007
Écart
A
– 1,0 %
+ 8,1 %
+ 9,1 pt
THC
+ 0,4 %
+ 1,8 %
+ 1,4 pt
C
+ 3,1 %
+1,0 %
– 2,1 pt
MME
+ 1,2 %
– 0,05 %
– 1,2 pt
Reste
+ 0,0 %
+ 1,1 %
+ 1,1 pt
IT*
+ 0,3 %
+ 2,5 %
+ 1,2 pt
Par ailleurs, si la branche « industries alimentaires » ne fait pas partie
des branches qui sont à l’origine de l’absence de similarité, elle se distingue
nettement par une très forte impulsion propre des prix de vente au cours de la
seconde sous-période, alors que cette dernière avait été négative en tendance
au cours de la première sous période (+ 8,1 %, contre 1,0 %). En revenant à ce
qui a été dit concernant ladite impulsion propre (voir infra), la question qui
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
63
se pose est celle de savoir si cette forte impulsion a été voulue ou subie par les
entreprises inscrites dans cette branche d’activité (étant entendu que « subie »
ne signifie absolument pas « défavorable à l’évolution des revenus distribués
par ces entreprises », puisque ce n’est manifestement pas le cas si l’impulsion
propre a été importante).
On doit toutefois se poser cette question après avoir pris en compte les
données disponibles relatives aux diverses branches qui composent cette
grande branche et avoir pu mettre en évidence si cette forte impulsion propre
est une caractéristique commune à toutes ces branches, si elle vient de l’une
d’entre elles ou si elle procède avant tout d’un effet de structure.
6.3. Similitudes et différences en matière d’insertion internationale
Les cinq branches qui composent l’IT* se différentient d’abord les unes des
autres, cela vient d’être rappelé, par leur degré d’internationalisation. En 2007
(nouvelle base), les taux d’ouverture à l’exportation et les taux de pénétration
du marché intérieur par les importations sont les suivants (voir tableau 40) :
Tableau 40
Taux d’ouverture et taux de pénétration (niveaux en 2007)
Taux d’ouverture
Taux de pénétration
A
12,7 %
13,0 %
THC
68,1 %
58,6 %
C
56,6 %
58,6 %
MME
36,8 %
66,2 %
Reste
7,2 %
30,1 %
30,9 %
44,6 %
IT*
Il n’en reste pas moins que les similitudes et les différences qui sont
recherchées concernent la dynamique enregistrée de 1998 à 2015.
6.3.1. Caractéristique C8 : un fort processus tendanciel d’internationalisation
aussi bien en termes d’ouverture à l’exportation que de pénétration des
importations s’observe dans toutes les branches
Avec cette caractéristique, on s’en tient à la tendance qui se dégage lorsque
l’on prend en compte l’ensemble de la période, sans se préoccuper des
inflexions internes à celle-ci. Le tableau récapitulatif en matière d’insertion
internationale est le suivant (voir tableau 41) :
64
Profils sectoriels et émergence industrielle
Tableau 41
Évolution du taux d’ouverture et du taux de pénétration
Taux d’ouverture
2015/1998
Taux de pénétration
2007/1998
2015/2007
2015/1998
2007/1998
2015/2007
A
+ 5,1 pt
+ 3,5 pt
+ 1,6 pt
+ 6,2 pt
+ 6,0 pt
– 0,2 pt
THC
+ 6,0 pt
+ 13,2 pt
– 7,2 pt
+ 12,8 pt
+ 16,8 pt
– 4,0 pt
C
+ 40,2 pt
+ 29,8 pt
+ 10,4 pt
+ 38,6 pt
+ 29,5 pt
+ 5,0 pt
MME
+ 37,4 pt
+ 17,5 pt
+ 19,9 pt
Reste
IT*
+ 18,2 pt
+ 12,6 pt
+ 5,6 pt
+ 3,0 pt*
+ 2,3 pt
+ 0,7 pt*
+ 14,6 pt*
+ 10,4 pt
+ 4,2 pt*
+ 13,8 pt*
+ 8,7 pt
+ 5,0 pt*
+ 17,9 pt*
+ 15,5 pt
+ 1,4 pt*
* Estimations propres à l’auteur (voir supra).
A s’en tenir aux variations constatées de 1998 à 2015 (après corrections
tenant au changement de base), le constat est indiscutable : toutes les
branches s’internationalisent, tant du côté de l’exportation que de celui de
l’importation. On est en présence d’une similitude.
Mais l’ampleur de cette internationalisation diffère nettement d’une
branche à l’autre. Du côté de l’exportation, la progression du degré
d’ouverture est très importante dans l’IT-C et l’IT-MME et assez faible dans
les trois autres branches, tout particulièrement dans l’IT-THC. Il n’en va
pas de même du côté des importations puisque la progression du taux de
pénétration du marché intérieur par les importations est assez importante
dans l’IT-R, tandis qu’elle est « seulement » de + 18,2 points dans l’IT-MME
contre + 38,6 points dans l’IT-C.
Si on prend en compte la décomposition de la période 2015/1998 en
deux sous-périodes (2007/1998 puis 2015/2007), le constat est le même sauf
pour le couple IT-THC. En effet, au cours de la seconde sous-période, le taux
d’ouverture de cette branche baisse nettement (– 7,2 points) et, en raison du
fait que cette branche importe beaucoup de produits de cette branche (voir
notamment les produits de la filature), le taux de pénétration des importations
baisse aussi (– 4,0 points).
6.3.2. Caractéristique C9 : similitude concernant le fait que ce processus
d’internationalisation est avant « en volume »
Ce processus d’internationalisation a été pour l’essentiel un processus « en
volume », en ce sens que les hausses constatées n’ont pas été le résultat, d’un
côté, de hausses des prix à l’exportation nettement plus rapide que les hausses
de prix des produits vendus sur le marché intérieur et, de l’autre, de hausses
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
65
des prix à l’importation nettement plus rapides que ces dernières. En effet, les
hausses de prix en question ont été de faible ampleur et assez proches les unes
des autres (voir tableau 42).
Tableau 42
Les évolutions en prix des exportations et des importations
En moyenne
par an
Évolution en prix des exportations
Évolution en prix des importations
2015/1998
2007/1998
2015/2007
2015/1998
2007/1998
2015/2007
A
+ 2,3 %
+ 2,1 %
+ 2,7 %
+ 2,3 %
+ 1,3 %
+ 3,5 %
THC
+ 1,0 %
+ 0,0 %
+ 0,7 %
– 1,7 %
– 1,3 %
– 2,1 %
C
+ 2,7 %
+ 1,9 %
+ 3,6 %
+ 2,1 %
+ 1,5 %
+ 2,7 %
MME
+ 1,3 %
+ 1,8 %
+ 0,8 %
+ 0,8 %
+ 0,8 %
+ 0,7 %
Reste
+ 1,3 %*
+ 1,5 %
+ 0,8 %*
+ 1,2 %
+ 1,2 %
+ 1,2 %*
IT*
+ 1,4 %*
+ 1,2 %
+ 1,6 %*
+ 0,9 %*
+ 0,6 %
+ 1,4 %*
* Estimations propres à l’auteur (voir supra).
On est donc en présence, pour la caractéristique C9, d’une similitude.
Toutefois, la branche IT-THC se distingue des autres par le fait que, tout au
long de la période, les prix à l’importation ont diminué, si ce n’est de 2009 à
2012. Cette baisse est de 1,7 % l’an en moyenne.
6.3.3. Caractéristique C10 : la progression de la pénétration du marché
intérieur par les importations ne l’emporte nettement sur celle de l’ouverture
à l’exportation de la production intérieure que dans l’IT-THC et l’IT-R
A l’échelle de l’ensemble de l’IT*, la progression du taux de pénétration
de 1998 à 2015 est nettement plus importante que celle du taux d’ouverture
(+18 points contre +13,8 points). A ce sujet, il n’y a pas de similitude. En
effet, la branche IT-MME et la branche IT-C enregistrent une progression plus
importante du taux d’ouverture que du taux de pénétration. L’amélioration
du taux de couverture des importations par les exportations qui en résulte
est toutefois beaucoup plus importante dans la première que dans la seconde
(l’écart entre la progression du taux d’ouverture et celle du taux de pénétration
est de 18,6 points pour l’IT-MME et seulement de 1,6 point pour l’IT-C.
Dans la branche IT-A, la progression du taux de pénétration est à peine
supérieure à celle du taux de pénétration. Le mouvement observé à l’échelle
de l’IT* a donc été déterminé par ce qui s’est passé dans la branche IT-THC
et, dans une moindre mesure, dans la branche IT-Reste.
66
Profils sectoriels et émergence industrielle
6.3.4. Caractéristique C11 : un processus d’internationalisation nettement
moins marqué au cours de la seconde sous-période qu’au cours de la première
On ne peut faire état d’une similitude pour cette caractéristique de la
dynamique enregistrée à l’échelle de l’IT* dans son ensemble. Il y a deux
raisons à cela : 1. la branche IT-THC se dé-internationalise de 2007 à
2015 (baisse de 7,2 points du taux d’ouverture et de 4,0 points du taux
de pénétration) et 2. l’internationalisation de la branche IT-MME est plus
marquée au cours de la seconde sous-période qu au cours de la première, du
moins si l’on s’en tient à l’ouverture à l’exportation.
6.3.5. Caractéristique C12 : de défavorable en termes d’évolution de la
couverture des importations par les exportations au cours de la première
sous-période, le processus d’internationalisation devient quelque peu
favorable sur la seconde
Lors de l’analyse de la dynamique de l’IT*, nous avons vu que le caractère
défavorable de l’internationalisation, observé à cette échelle sur l’ensemble de
la période, était à mettre au compte de ce qui se passe au cours de la première
sous-période. En effet, on assiste à une inversion de la première à la seconde
sous-période : la dynamique devient favorable au cours de la seconde, avec
une progression du taux d’ouverture supérieure à celle du taux de pénétration
(+ 5,1 points contre + 2,5 points). Cette inversion ne peut être une caractéristique
commune à toutes les branches, puisque deux branches, nous venons de le voir,
enregistrent une amélioration sur l’ensemble de la période : l’IT-MME et dans
une moindre mesure l’IT-C. Dans ces deux branches, cette amélioration se
constate déjà au cours de la première sous-période, et elle est d’une plus grande
ampleur au cours de la seconde, surtout dans l’IT-MME (+ 18,8 points pour le
taux d’ouverture, contre seulement + 5,1 points pour le taux de pénétration).
Dans cette branche, cette plus grande ampleur est à mettre au compte d’un très
net infléchissement de la progression du taux de pénétration, même si celle du
taux d’ouverture s’accélère quelque peu. Ce qui se passe dans cette branche n’est
pas l’unique cause de l’inversion observée à l’échelle de l’IT* dans son ensemble.
Mais il s’agit, de loin, de la principale. En effet, l’amélioration observée de 2007
à 2015 dans l’IT-C est de très faible ampleur, comme celle enregistrée de 1998
à 2007 (l’écart entre la progression du taux d’ouverture et celle du taux de
pénétration est de l’ordre de 1 point). Et si on observe aussi une inversion dans
lT-A, inversion qui tient à une baisse du taux de pénétration de 2007 à 2015
de 0,2 point alors que le taux d’ouverture continue à progresser, cette inversion
ne pèse que d’un faible poids dans le mouvement d’ensemble. Par contre, la
dynamique enregistrée continue à être défavorable dans l’IT-R et l’IT-THC au
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
67
cours de la seconde sous-période. On retrouve logiquement les deux branches
qui ont déterminé le mouvement d’ensemble sur l’ensemble de la période (voir
caractéristique C10).
Pour autant, ce qui se passe dans l’IT-THC n’a rien à voir avec ce qui se
passe dans l’IT-R. Dans cette dernière, la dynamique défavorable enregistrée
au cours de la seconde sous-période (+ 4,2 points d’augmentation du taux de
pénétration contre seulement + 0,7 point d’augmentation du taux d’ouverture)
prolonge celle qui a été observée antérieurement, en ce sens qu’elle relève
d’une poursuite de l’internationalisation de ce couple « activité-produit ». Au
contraire, la branche IT-THC est le cadre, cela vient d’être indiqué, d’une
dé-internationalisation au cours de la seconde sous-période, le seul point
commun étant que cette dé-internationalisation demeure défavorable. En
effet, le taux de couverture des importations par les exportations abaisse de
1,51 à 1,49 en raison d’une baisse plus importante du taux d’ouverture que
du taux de pénétration (– 7,2 points, contre 4,0 points).
6.3.6. Caractéristique C13 : une évolution irrégulière dans toutes les branches
au cours de la seconde sous-période (2007 à 2015) sans synchronisation
au-delà de 2009
Les irrégularités qui caractérisent la dynamique de 2007 à 2015 ont été les
suivantes pour les cinq branches retenues (voir tableau 43).
Tableau 43
Les variations du taux d’ouverture et du taux de pénétration
au cours de la sous-période 2015/2007
Variation du taux d’ouverture
Variation du taux de pénétration
2009/2007
2012/2009
2015/2012
2009/2007
2012/2009
IT-A
– 0,3 pt
– 0,3 pt
+ 2,2 pt
+ 0,3 pt
+ 2,8 pt
2015/2012
– 3,9 pt
IT-THC
– 0,1 pt
– 3,2 pt
– 3,9 pt
– 0,9 pt
+ 0,2 pt
– 3,3 pt
IT-C
– 9,7 pt
+ 23,2 pt
– 3,1 pt
– 5,5 pt
+ 9,9 pt
– 0,6 pt
IT-MME
– 3,7 pt
+ 12,7 pt
+ 18,9 pt
+ 0,4 pt
+ 2,9 pt
+ 2,3 pt
IT-R
– 2,1 pt
+ 2,5 pt
+ 0,3 pt*
+ 0,2 pt
+ 2,4 pt
+ 1,6 pt*
IT*
– 4,1 pt
+ 7,4 pt
+ 1,7 pt*
– 1,3 pt
+ 2,8 pt
– 0,1 pt*
* Estimations propres à l’auteur (voir supra).
On observe des irrégularités dans toutes les branches. Il y a donc une
similitude au titre de cette caractéristique. La seule synchronisation ne
s’observe toutefois que pour le recul (ou pour le moins l’arrêt) du processus
d’internationalisation de 2007 à 2009. Ce recul a pour origine la baisse
des exportations entraînée par la « crise de 2008 » (cette baisse a lieu pour
68
Profils sectoriels et émergence industrielle
l’essentiel de 2008 à 2009). Il est particulièrement marqué pour les produits
de l’IT-C et de l’IT-MME. Cette baisse des exportations se répercute, via la
baisse de la production et les revenus distribués, sur la demande intérieure
et, en fin de compte, sur les importations sans changement important
du taux de pénétration de ces dernières. Pour la suite, on retrouve les
irrégularités spécifiques à certaines branches, en l’occurrence l’IT-C pour le pic
d’internationalisation de 2012 et l’IT-A pour le recul du taux de pénétration
de 2012 à 2015.
Conclusion : de la nécessité d’affiner l’analyse
L’analyse empirique qui vient d’être réalisée en mobilisant les données
de la Comptabilité nationale publiées a permis de mettre en évidence que
la faiblesse du processus d’industrialisation de l’économie marocaine (en
retenant comme périmètre l’IT*) au cours de la période 1998-2015 doit être
expliquée en faisant appel à la fois à des causes générales (elles valent pour
toutes les branches), des causes dont certaines sont « marocaines » et d’autres
« extérieures » (la « crise de 2008 » qui a touché avant tout l’industrie) et à
des causes spécifiques à certaines branches, tout particulièrement la « crise »
de l’industrie marocaine d’exportation de la branche « textile-habillementcuir », crise ouverte en 2009 sans reprise ultérieure marquée. Le phénomène
qui appelle une explication générale est le fait que l’ouverture croissante à
l’exportation s’est accompagnée d’une incapacité à tenir la concurrence des
importations sur le marché intérieur de telle sorte que ce qui est perdu s’avère
plus important que ce qui est gagné. Les causes spécifiques sont celles qui
permettent d’expliquer pourquoi ce processus tendanciel à caractère général
a été diversifié selon les branches en faisant place ici à une dynamique très
défavorable (IT-THC) et là à une dynamique favorable (IT-MME et, dans
une moindre mesure, IT-C).
Ce que cette analyse a aussi permis de mettre en évidence est que les
deux sous-périodes dont se compose la période 1998-2015, celle qui va de
1998 à 2007 au cours de laquelle l’internationalisation a été « boostée » par le
démantèlement des barrières tarifaires et celle qui lui fait suite en comprenant
la « crise de 2008 », sont le cadre de dynamiques nettement distinctes l’une de
l’autre. A ce titre, c’est ce qui advient après 2007 qui est le plus révélateur des
« forces et faiblesses » de l’industrialisation de l’économie marocaine.
Il s’avère toutefois qu’un affinement de cette analyse s’avère indispensable
pour localiser (en termes d’activités fines) les phénomènes saillants qu’il
convient d’expliquer. Il s’agit avant tout des suivants :
La dynamique de l’économie marocaine 1998-2015
69
– la « crise » de l’IT-THC en 2009 et l’absence de reprise ultérieure ;
– la dynamique favorable observée dans l’IT-MME après 2007 ;
– l’irrégularité observée dans l’IT-C avec le pic d’internationalisation de
2012 qui s’y observe ;
– la baisse du taux de pénétration des importations dans l’IT-A de 2012
à 2015 ;
– la dynamique défavorable observée dans l’IT-R de 2009 à 2015.
En principe, les deux autres composantes, l’enquête et les monographies,
n’ont pas vocation à contribuer à cet affinement, parce que le découpage par
branches de l’enquête est à peu près du même niveau que celui de ce cadrage
macro-sectoriel et parce que les monographies ne sont en rien représentatives.
CHAPITRE 1
Agro-alimentaire
Abdelmoneim Tlidi
Introduction
En général, les piliers économiques d’une nation sont l’industrie,
l’agriculture et les services, ou ce qu’on appelle communément les secteurs
primaire, secondaire et tertiaire. Selon les cas de figure, certains pays disposent
d’un secteur industriel performant, d’autres s’appuient sur le secteur agricole
tandis que d’autres comptent sur des secteurs rentiers.
Le présent chapitre va essayer de faire la lumière sur l’industrie agroalimentaire (IAA) au Maroc et d’examiner les différentes caractéristiques à
travers une analyse qui ne se veut pas exhaustive mais qui fait l’examen des
principaux traits de l’IAA.
Le Maroc est un pays dont l’économie repose sur presque toutes les formes
susmentionnées de l’économie pour fonctionner : l’agriculture, l’industrie et
les services. Cependant, il s’oriente vers l’industrialisation comme option de
développement économique et social. Pour cela, l’industrie agro-alimentaire
constitue la pierre angulaire de ce plan de développement.
De prime abord, il serait judicieux, pour éclairer le lecteur, de délimiter
le secteur de l’IAA et ses activités. L’industrie agro-alimentaire est le secteur
industriel (1), organisé en de multiples filières, qui a pour vocation de
transformer et valoriser les produits de l’agriculture (filières animale et
végétale) en produits consommables (aliments et boissons) par l’homme ou
l’animal.
Le secteur agro-alimentaire figure parmi les piliers de l’économie marocaine
puisqu’il représente le deuxième secteur industriel en termes de production et
de valeur ajoutée. Les données sectorielles du ministère du Commerce et
1. La nomenclature en vigueur des activités économiques regroupe dans le secteur de l’IAA
les branches industrielles relatives aux boissons, fruits et légumes, viandes, poisson, lait, corps
gras, farines et gruaux, céréales, aliments pour animaux, tabac et d’autres produits alimentaires.
72
Profils sectoriels et émergence industrielle
de l’Industrie montrent la prédominance de l’industrie agro-alimentaire par
rapport à d’autres secteurs industriels. Sur la période 1998-2015, le secteur a
compté en moyenne annuelle 2 041 établissements, soit 25 % de l’ensemble
des entreprises industrielles, et a produit près de 75 milliards de dirhams, soit
29 % de la production industrielle, et a dégagé une valeur ajoutée de plus de
23 milliards de dirhams, soit 31 % du PIB industriel.
L’industrie agro-alimentaire est également le deuxième secteur en termes
de création d’emplois. En moyenne sur la période 1998-2013, ce secteur a
concentré à lui seul 21 % des emplois créés dans l’ensemble des industries
manufacturières, derrière l’industrie du textile et du cuir (40 % des créations).
Cependant, sur les 2 041 unités du secteur agro-alimentaire, seulement
709 travaillent pour le marché extérieur, soit 35 % des entreprises de l’IAA
et écoulent 63 % de leur production à l’étranger, soit plus de 47 milliards de
dirhams. Le reste des entreprises agro-alimentaires, soit 65 %, opère sur le seul
marché national.
Dans l’ensemble, l’agro-industrie du Maroc offre des perspectives très
prometteuses quant aux potentialités agricoles et agro-industrielles du pays,
aux opportunités du marché mondial et aux nombreux accords de libreéchange.
Néanmoins, le développement de l’IAA est nettement inférieur à celui
enregistré dans d’autres pays. A titre d’exemple, le taux de valorisation généré
par l’industrie agro-alimentaire rapporté à l’agriculture au Maroc est trois fois
plus faible qu’en Espagne par exemple. Ceci est dû à plusieurs facteurs qui
freinent le développement de ce secteur, comme l’irrégularité des campagnes
agricoles et la faiblesse structurelle du système productif, notamment au niveau
des exportations. A ce titre, la balance commerciale est caractérisée par un
déficit chronique de 2,4 milliards de dirhams par an sur la période 1998-2013.
Pour renforcer le développement du secteur, des efforts ont été consentis
par les pouvoirs publics : mise en place du Plan Maroc vert (PMV), intégration
du secteur dans la stratégie industrielle du pays et, enfin, engagement de
mesures dans le cadre du Pacte pour l’émergence industrielle.
Le présent chapitre a pour objectif d’analyser le secteur de l’IAA au Maroc
en empruntant le schéma qui suit. En premier lieu seront présentées les
principales caractéristiques de l’IAA au Maroc. En second lieu, un diagnostic
du secteur de l’IAA au Maroc sera effectué et sera suivi d’une analyse de
la performance de l’IAA pour appréhender l’offre exportable du Maroc en
produits agro-alimentaires. Enfin, l’étude sera couronnée par des suggestions
Agro-alimentaire
73
et des recommandations susceptibles de renforcer le développement de l’IAA
au Maroc.
1. Principales caractéristiques du secteur
On peut considérer que les industries agro-alimentaires sont des industries
phares au Maroc. Le contexte marocain a favorisé le développement de cette
industrie en offrant des conditions favorables : le pays est par essence un pays
agricole qui bénéficie de la diversité de ses reliefs, en particulier les plaines
qui offrent des étendues pour des cultures abondantes et riches ; il dispose de
réserves naturelles halieutiques importantes grâce à ses côtes qui s’étendent sur
3 500 kilomètres. L’intervention de l’État a également profité à cette industrie
en mettant en place des politiques sectorielles.
En conséquence, les industries agro-alimentaires ont affiché des indicateurs
de performance significatifs :
– un chiffre d’affaires de l’ordre de 115 milliards de dirhams en 2013,
soit 27 % de l’industrie marocaine après l’industrie chimique et parachimique
(43 %) ;
– une valeur ajoutée de 30 milliards de dirhams en 2013, soit 29 % de
la valeur ajoutée de l’industrie marocaine après l’industrie chimique et parachimique (43 %) ;
– 140 892 salariés en 2013, ce qui le place au 2e rang des employeurs
industriels, soit 25 %, après les industries du textile et du cuir (31 %) ;
– un nombre d’entreprises croissant, 2 062 en 2013, soit 27 % du total du
tissu industriel, après l’industrie chimique et parachimique (31 %).
1.1. Acteurs
Les entreprises de l’IAA sont de formes juridiques variées. Les SARL
sont 46 %, les entreprises individuelles (EI) 39 %, et les sociétés anonymes
(SA) 12 % ; les autres sont des coopératives et d’autres formes (SNC, SCS…).
Quant à la répartition géographique, la région du Grand Casablanca abrite
16 % des entreprises de l’IAA, suivie de Marrakech-Tensift-Al Haouz (9,2 %),
Tanger-Tétouan (9,02 %), Chaouia-Ouardigha (8,92 %), Souss-Massa-Drâa
(8,58 %), Fès-Boulemane (8,05 %), Rabat-Salé-Zemmour-Zaër (6,69 %),
l’Oriental (5,92 %) et Taza-Al Hoceima-Taounate (5,43 %). Ces régions
abritent à elles seules 78 % des entreprises opérant dans le secteur.
74
Profils sectoriels et émergence industrielle
Tableau 1
Répartition de l’effectif des entreprises de l’IAA selon les régions
Région
Effectif
%
Grand Casablanca
323
15,66
Marrakech-Tensift-Al Haouz
190
9,21
Tanger-Tétouan
186
9,02
Chaouia-Ouardigha
184
8,92
Souss-Massa-Drâa
177
8,58
Fès-Boulmane
166
8,05
Rabat-Salé-Zemmour-Zaër
138
6,69
L’Oriental
122
5,92
Taza-Al Hoceima-Taounate
112
5,43
Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra
98
4,75
Doukkala-Abda
89
4,32
Tadla-Azilal
84
4,07
Gharb-Chrarda-Beni Hssen
71
3,44
Meknès-Tafilalet
70
3,39
Oued Ed-Dahab-Lagouira
31
1,50
Guelmim-Es-Semara
21
1,02
2 062
100,00
Total
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique.
La prédominance de l’IAA au niveau de Casablanca s’explique
essentiellement par l’existence d’importantes infrastructures portuaires et de
nombreux moyens logistiques.
Par ailleurs, il y a lieu de noter que ce tissu industriel connaît une forte
présence des petites et moyennes industries (PMI), avec un taux de 93 %,
tandis que les grandes entreprises ne représentent que 7 % dont quelques
grands leaders comme le Groupe ONA, Holmarcom, Ynna Holding au niveau
des entreprises nationales et Coca Cola, Nestlé, Danone, Procter & Gamble,
Savola, Unilever au niveau des entreprises étrangères.
Bien que le secteur de l’IAA connaisse un faible mouvement de concentration
au niveau structurel, il demeure largement dominé par les grandes entreprises
qui s’attribuent une grande part du marché. En effet, 30 % des entreprises de
Agro-alimentaire
75
l’agro-alimentaire réalisent à elles seules 95 % du chiffre d’affaires du secteur.
En outre, on constate que les sociétés exportatrices créent une valeur ajoutée
plus importante allant jusqu’à 68 %, en dépit de leur nombre réduit qui ne
dépasse pas les 13 %, tandis que 32 % de la valeur ajoutée est produite par les
entreprises opérant sur le marché domestique. De même, en matière d’emploi,
les entreprises exportatrices emploient presque les deux tiers des salariés.
D’autre part, concernant le chiffre d’affaires ou l’investissement, les deux types
d’entreprise affichent des indicateurs presque semblables.
Signalons que plus de la moitié de ces entreprises opère dans le soussecteur de la fabrication des farines et gruaux, suivi des sociétés qui opèrent
dans l’industrie des corps gras, la transformation des céréales, l’industrie du
poisson (voir tableau 2).
Tableau 2
Répartition de l’effectif des entreprises de l’IAA
selon leur activité (année 2013)
Sous-secteur
Effectif
%
Fabrication des farines et gruaux
1 075
52,13
Industrie des corps gras
214
10,38
Transformation des céréales
207
10,04
Industrie du poisson
180
8,73
Industrie des fruits et légumes
136
6,60
Industrie laitière
82
3,98
Industrie des viandes
51
2,47
Industries des boissons
27
1,31
Industrie du tabac
Autres industries alimentaires
Total
1
0,05
89
4,32
2 062
100,00
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de
l’Économie numérique.
1.2. Principaux indicateurs socio-économiques
1.2.1. Production
La répartition de la production de l’IAA par région montre la dominance
du grand Casablanca qui s’accapare 56 % de cette industrie, suivi de la région
de Tanger-Tétouan (10 %) et de Chaouia-Ouadghira (8 %). Le graphique 1
ci-après montre avec plus de détails la répartition sur les autres régions.
76
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 1
Répartition de la production de l’IAA selon les régions (année 2013)
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique.
1.2.2. Emploi
Sur la période 1998-2013, l’IAA a contribué à la création de plus de 107 000
emplois dans le secteur industriel, soit 21 % des emplois créés par l’industrie
marocaine, ce qui lui a valu le deuxième rang après l’industrie du textile et
du cuir (40 %). Alors que les effectifs de l’industrie marocaine ont diminué
de façon continue, l’emploi des industries agro-alimentaires a continué de
progresser notamment à partir de 2006. Malgré la crise de 2007 qui a affecté le
secteur industriel mondial, il apparaît d’après le graphique 2 que l’IAA a résisté
de manière significative à cette crise et a enregistré une croissance soutenue de
l’emploi comparée aux autres secteurs.
Graphique 2
Évolution de l’emploi salarié dans l’industrie marocaine (1998-2013)
250 000
200 000
150 000
Industries agro-alimentaires
Industries chimiques et parachimiques
Industries électriques et électroniques
Industries métalliques et mécaniques
Industries textiles et du cuir
100 000
50 000
0
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique.
Agro-alimentaire
77
Le sous-secteur de l’industrie du poisson a contribué fortement à cette
croissance comme il ressort du graphique 3 ci-dessous. En fait, le soussecteur du poisson détient le tiers des emplois agro-industriels. Cela tient
essentiellement au volume important de la production halieutique et à la
nature de son industrie qui exige un effectif important de main-d’œuvre qui
n’est pas nécessairement qualifiée et par conséquent, revient à un faible coût.
Graphique 3
Répartition de l’emploi de l’IAA par secteur d’activité
(moyenne 1998-2013)
Autres industries
alimentaires
Fabrication des farines
et gruaux
Transformation
des céréales
Industrie des boissons
Industrie des corps gras
Industrie laitière
Industrie des fruits
et légumes
Industrie du tabac
Industrie des viandes
Industrie du poisson
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique.
1.2.3. Chiffre d’affaires
Cet indicateur a connu une progression de 5 % sur la période 1998-2013.
En effet, le chiffre d’affaires est passé de 55 milliards de dirhams en 1998 à
115 milliards de dirhams en 2013.
Les branches les plus productives sont l’industrie de transformation des
céréales (24 %), des produits laitiers et du tabac (13 % chacun), des corps gras,
des boissons et du poisson (10 % chacun). Ensemble, ils représentent 80 % du
chiffre d’affaires total.
Le graphique 4 montre la répartition du chiffre d’affaires selon les
secteurs d’activités de l’IAA. Le secteur de la transformation des céréales
occupe la première place avec un taux de 24 %. Ceci est dû principalement
à l’importance de l’évolution de la consommation locale à base de céréales,
d’une part, d’autre part, à la concentration des entreprises dans cette activité,
en particulier les minoteries.
78
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 4
Répartition du CA de l’IAA par secteur d’activité (moyenne 1998-2013)
Autres industries
alimentaires
Fabrication des farines
et gruaux
Industrie des boissons
Industrie des corps gras
Transformation
des céréales
Industrie des fruits
et légumes
Industrie des viandes
Industrie du poisson
Industrie laitière
Industrie du tabac
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique.
Par ailleurs, il y a lieu de signaler que les ventes de l’IAA sont principalement
destinées au marché interne : sur la période 1998-2013, la part des ventes sur
le marché interne est de près de 87 %, contre 13 % pour le marché externe.
Graphique 5
Part du CA destiné à l’export/marché domestique (1998-2013)
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique.
En outre, il convient de noter qu’une grande part de la production du
poisson et celle des fruits et légumes ont été principalement destinées au
marché externe avec une part respective de 79 % et 66 %. Cela s’explique
principalement par la demande croissante à l’export, la diversité de l’offre en
fruits et légumes et en poissons et par la faible consommation de ces produits
en interne.
Agro-alimentaire
79
1.2.4. Valeur ajoutée
Avec une valeur ajoutée de 30 milliards de dirhams en 2013, l’IAA représente
29 % de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’industrie marocaine et devance ainsi
d’autres secteurs comme l’industrie métallique et la mécanique (13 %), le textile
et cuir (8 %) ou encore l’industrie électrique et électronique (7 %).
Graphique 6
Évolution de la valeur ajoutée de l’IAA au Maroc (1998-2013)
35
30
En milliards de Dh
25
20
15
10
5
0
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique.
Force est de constater que la valeur ajoutée de l’IAA a connu une
augmentation significative à partir de 2008. Ceci peut être expliqué par les
efforts fournis par les pouvoirs publics, notamment la mise en œuvre du
« Plan Maroc vert » et le « Pacte national de l’émergence industrielle », couvrant
la période 2009-2015.
Au sein des IAA, comme le montre le graphique 7, trois secteurs créent
plus de la moitié de la valeur ajoutée : l’industrie des boissons (21 %),
l’industrie laitière (16 %) et l’industrie du poisson (14 %).
Néanmoins, la valeur ajoutée du secteur de l’IAA reste encore faible par
rapport à son potentiel. En effet, le ratio valeur ajoutée par rapport à la
production du secteur agro-alimentaire marocain est seulement de 31 % en
moyenne sur la période 1998-2012. Ce qui montre qu’il reste un potentiel
énorme à exploiter par les entreprises opérant dans le domaine, notamment
en matière de valorisation des produits agricoles (optimisation de la gestion
commerciale, contractualisation, campagne de promotion à l’international…).
Après avoir passé en revue les principales caractéristiques du secteur de
l’IAA au Maroc et ses indicateurs socio-économiques, il convient d’examiner
ses performances en matière d’exportation.
80
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 7
Répartition de la valeur ajoutée de l’IAA par branche
(moyenne 1998-2013)
Autres industries
alimentaires
Boissons
Viandes
Fruits et légumes
Farines et gruaux
Produits laitiers
Huile et graisse
Transformation des céréales et
aliments pour animaux
Poisson
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de
l’Économie numérique.
2. Performances de l’offre exportable
2.1. Analyse des échanges
La balance agro-alimentaire du Maroc durant la période (1998-2015)
est caractérisée par une évolution presque similaire des importations et des
exportations.
A l’exception de l’année 2003 qui a connu un excédent commercial de
3,7 milliards de dirhams, les autres années ont accusé des déficits accentués,
dont les plus importants ont été enregistrés lors des années 2011 et 2012 à
hauteur respectivement de près de 19,8 milliards de dirhams et de 21,2 milliards
de dirhams.
Cette détérioration de la balance commerciale est due à l’augmentation des
importations agro-alimentaires marocaines (47,9 milliards de dirhams en 2011
et 50,5 milliards de dirhams en 2012) plus forte que celle des exportations
(28,2 milliards de dirhams en 2011 et 29,2 milliards de dirhams en 2012).
Par ailleurs, à partir de l’année 2013, la valeur des exportations a repris
en augmentant, ce qui s’est répercuté sur le déficit commercial qui a régressé
pour atteindre près de 800 millions de dirhams en 2015.
Agro-alimentaire
81
Graphique 8
Évolution de la balance agro-alimentaire du Maroc (1998-2015)
60 000
120 %
50 000
100 %
40 000
80 %
30 000
20 000
60 %
10 000
40 %
15
14
20
13
20
12
20
11
20
10
20
09
20
08
20
07
20
06
20
98
20
05
19
04
20
03
20
02
20
01
20
00
20
99
20
– 10 000
19
19
98
0
20 %
– 20 000
– 30 000
Exportations
Importations
Solde commercial
Taux de couverture
0%
Source : Calculs sur la base de données de l’Office des changes.
Sur la période 1998-2015, le taux de couverture du Maroc pour les
produits de l’IAA était de 85 % en 1998 et 98 % en 2015. Le taux le plus bas a
été constaté en 2011 et 2012 avec respectivement un taux de couverture 59 %
et 58 %, ce qui revient à dire que l’on importe beaucoup plus par rapport à
nos exportations durant ces années plutôt que dans les autres années.
2.2. Dynamique des exportations
Les exportations agro-alimentaires globales du Maroc ont connu une
croissance annuelle moyenne (TCAM) (2) de 7 % durant la période 19982015. Elles sont ainsi passées de 12,9 milliards de dirhams en 1998 à
42,1 milliards de dirhams en 2015. Les exportations en volume ont connu
la même évolution que celle des exportations en valeur et ce, en passant de
1,4 million de tonnes en 1998 à 3 millions de tonnes en 2015.
2.1.2. Évolution par marché
Durant la période 1998-2015, les exportations agro-alimentaires
marocaines globales ont été destinées à plusieurs pays. Toutefois, il faut noter
qu’elles ont été acheminées principalement vers la France (avec une part de
2. Le taux de croissance annuel moyen (TCAM) permet de calculer un taux d’évolution
moyen d’une grandeur économique sur une durée de n périodes. Formellement, le TCAM
est donné par la formule :
finale et la valeur initiale.
où VF et VI sont respectivement la valeur
82
Profils sectoriels et émergence industrielle
22 %), l’Espagne (16 %), l’Italie (6 %) et la Russie, les Pays-Bas et le Japon
(5 % chacun).
Force est de constater que sur la période 2009-2011, 73 % des exportations
agro-alimentaires marocaines sont concentrées sur les marchés de l’Union
européenne (UE), ce qui est de nature à rendre le Maroc vulnérable du fait de
l’évolution des conditions économiques de l’organisation européenne.
Par ailleurs, l’analyse de la dynamique des exportations agro-alimentaires
marocaines globales par principal marché, durant la même période, montre que
les Pays-Bas et l’Espagne ont enregistré les dynamiques les plus élevées avec des
TCAM respectifs de 13 % et de 12 %, suivis des États-Unis et de l’Italie (TCAM
de 7 % chacun), et de la France et de la Russie (TCAM identiques de 5 %).
Graphique 9
Dynamique des exportations agro-alimentaires marocaines
par principal marché (moyenne sur 1998-2015)
Part 30 %
FRANCE
(5 % ; 22 %)
25 %
20 %
ESPAGNE
(12 % ; 16 %)
15 %
ITALIE
(7 % ; 6 %)
10 %
RUSSIE
(5 % ; 5 %)
5%
ÉTATS-UNIS
(7 % ; 4 %)
0%
0%
PAyS-BAS
(13 % ; 5 %)
5%
10 %
15 %
TCAM
Source : Calculs sur la base de données de l’Office des changes.
2.2.2. Dynamique par principaux produits
Les principaux produits qui ont le plus contribué à la dynamique des
exportations agro-alimentaires marocaines durant la période 1998-2015
sont les conserves de poisson (+18 %), suivies des crustacés, mollusques et
coquillages (15 %), des agrumes (12 %), des tomates fraîches (9 %) et des
légumes frais, congelés ou en saumure (8 %). Ensemble, ces produits ont
représenté 62 % des exportations agro-alimentaires marocaines globales
durant la période 1998-2015.
Toutefois, les produits qui ont enregistré les plus faibles taux ont connu
une dynamique significative, tels les poissons frais avec un TCAM de 16 % et
l’huile d’olive (12 %).
Agro-alimentaire
83
Graphique 10
Dynamique des exportations agro-alimentaires marocaines
par principal produit (moyenne sur 1998-2015)
Part 25 %
Crustacés,
mollusques et
coquillages
(3 % ; 15 %)
20 %
15 %
Agrumes
(2 % ; 12 %)
10 %
5%
0%
–5%
Conserves
de poissons
(8 % ; 18 %)
Légumes frais
(14 % ; 8 %)
Tomates
fraîches
(9 % ; 9 %)
Conserves
de légumes
(2 % ; 5 %)
0%
5%
Poissons frais
(16 % ; 4 %)
Huile d’olive
(12 % ; 1 %)
10 %
15 %
–5%
20 %
TCAM
Source : Calculs sur la base de données de l’Office des changes.
Il y a lieu de signaler que les exportations de conserves de poisson et
de poisson frais ont enregistré en 2012 des hausses respectives de 29,3 %
et 14,7 %. Cette augmentation est le fruit de la mise en œuvre par le
gouvernement en 2009 du plan Halieutis et du premier parc halieutique,
Haliopolis, à Agadir.
L’analyse de l’évolution de la structure des exportations marocaines de
l’IAA hors pêche frais et transformés, durant la période 1998-2015, montre
que notre pays exporte plus de produits agricoles frais que de produits
agricoles transformés. En effet, la part des produits de l’IAA hors pêche
transformés s’est située en moyenne à 40 % durant la période 2001-2015, ce
qui révèle une faible valorisation de la production agricole à l’export.
2.3. Positionnement du Maroc sur le marché agro-alimentaire
mondial
Le positionnement du Maroc par rapport à ses concurrents sur le marché
mondial de l’IAA va être analysé en s’appuyant sur le calcul de la part du marché
mondial de l’IAA, ainsi que sur sa part concernant ses produits-phares : les
crustacées et mollusques, les agrumes, les tomates et l’huile d’olive.
Au cours de la période 2001-2015, la part du Maroc sur le marché mondial
des produits agro-alimentaires est en moyenne égale à 0,29 %, occupant ainsi
la 47e place.
84
Profils sectoriels et émergence industrielle
La part du marché mondial du Maroc a été caractérisée par une quasistabilité, en particulier avec l’Union européenne (Pays-Bas, Allemagne, France,
Italie) qui constitue notre principal partenaire commercial. Ce manque de
dynamisme se justifie par les effets négatifs de la crise mondiale sur le commerce
extérieur notamment au niveau de cette région.
Parallèlement à ce manque de dynamisme de nos exportations, d’autres
pays ont enregistré une amélioration de leur performance commerciale. C’est
le cas en particulier du Brésil (où la part du marché est passée de 3,35 %
en 2001 à 5,08 % en 2015), de la Chine (3,18 % à 4,78 %), de la Turquie
(0,84 % à 1,18 %) et de l’Indonésie (1,04 % à 2,19 %).
Les produits marocains à l’exportation sont variés, néanmoins il faut noter
que les produits-phares cités plus haut détiennent une part de marché plus
importante.
2.3.1. Crustacés et mollusques
Sur la période 2001-2015, la part moyenne du Maroc dans le marché
des produits relatifs aux crustacés et mollusques est de l’ordre de 2,7 %. Sur
ce marché, 12 pays sont considérés comme concurrents directs, avec une
prédominance de la Chine qui détient une part de marché de 9,32 %, suivie
du Viet Nam (8,9 %), du Canada (7,58 %), de la Thaïlande (8,31 %), de
l’Inde (7,95 %), de l’Indonésie (5,69 %), des États-Unis d’Amérique (4,69 %),
de l’Équateur (3,61 %), de l’Espagne (3,51 %), de l’Australie (3,04 %), de
l’Argentine (2,90 %) et du Royaume-Uni (2,51 %).
Par ailleurs, notons que le principal client des crustacés et mollusques
marocains est l’Espagne, avec 51 % des exportations, suivie du Japon (22 %),
de l’Italie (15 %) et de la Grèce (3 %). La position du Maroc sur le marché
espagnol a connu une nette amélioration (12,77 %-5,26 %) par rapport à son
concurrent direct, l’Argentine.
2.3.2. Agrumes
Sur la période 2001-2015, la part moyenne du Maroc dans le marché des
agrumes est de l’ordre de 3,3 %. Sur ce marché, 6 pays sont considérés comme
les concurrents directs du Maroc, avec une prédominance notable de l’Espagne
qui détient une part de marché de 3 %, suivie des États-Unis d’Amérique
(8,5 %), de l’Afrique du Sud (6,2 %), de la Turquie (5,8 %), des Pays-Bas (4,9 %)
et de la Chine (4,3 %). Il est à signaler que l’Égypte, même en réalisant une part
moyenne de 2,5 % après le Maroc et l’Argentine, demeure un pays concurrent
puisqu’elle a réalisé une croissance significative de sa part de marché, notamment
à partir de 2008 où elle va devancer le Maroc et l’Argentine.
Agro-alimentaire
85
Graphique 11
Parts de marché des agrumes (2001-2015)
45 %
Espagne
États-Unis d’Amérique
Turquie
Chine
Maroc
40 %
35 %
30 %
25 %
20 %
15 %
10 %
5%
0%
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Source : Calculs sur la base de données de Trade Map.
Par ailleurs, les principaux clients des agrumes marocains à l’étranger
demeurent la Russie (35 %), suivie des Pays-Bas (16 %) et de la France (10 %)
(voir graphique 12).
Graphique 12
Répartition géographique des exportations marocaines des agrumes
(moyenne sur 2001-2015)
Autres
Russie
États-Unis
Suède
Royaume-Uni
Canada
France
Pays-Bas
Source : Calculs sur la base de données de Trade Map.
Même si le Maroc est classé deuxième dans le marché des agrumes destinés
à la Russie en moyenne sur la période 2001-20015, sa part de marché a accusé
une baisse, passant de 20,71 % en 2001 à 15,56 % en 2015, ce qui dénote
86
Profils sectoriels et émergence industrielle
une perte de parts de marché en faveur d’autres pays concurrents, à savoir
l’Argentine, la Chine et la Turquie qui ont connu une augmentation de leur
part de marché russe comme le montre le tableau suivant :
Tableau 3
Parts de marché des agrumes dans le marché russe (en %)
Exportateurs
2001
2015
Moyenne (2001-2015)
TCAM
Turquie
23,33
30,22
24,36
1,06
Maroc
20,71
15,56
19,78
– 1,63
Afrique du Sud
– 0,51
12,78
12,20
11,59
Argentine
1,26
12,88
9,46
16,91
Égypte
9,92
5,43
9,74
– 4,07
Chine
3,42
10,47
6,83
6,74
Source : Calculs sur la base de données de Trade Map.
2.3.3. Tomates
Sur le marché mondial de la tomate, le Maroc occupe la 7e place, avec une part
de marché moyenne sur 2001-2015 de 3,6 % derrière les Pays-Bas, qui dominent
le marché mondial des tomates avec une part de marché de l’ordre de 21,6 %,
suivis du Mexique (18,8 %), de l’Espagne (16,9 %), des États-Unis d’Amérique
(4,4 %), du Canada (4,3 %) et de la Turquie (3,8 %). Sur ce marché, 6 pays sont
considérés comme les concurrents directs du Maroc (voir graphique 13).
Graphique 13
Parts de marché de la tomate (2001-2015)
30 %
25 %
Pays-Bas
Espagne
Turquie
Mexique
États-Unis d’Amérique
Maroc
20 %
15 %
10 %
5%
0%
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Source : Calculs sur la base de données de Trade Map.
Agro-alimentaire
87
Par ailleurs, la France demeure la première destination des tomates
marocaines, soit 77 % des exportations.
Graphique 14
Répartition géographique des exportations marocaines de tomate
(moyenne sur 2001-2015)
Autres
Royaume-Uni
Espagne
Russie
France
Source : Calculs sur la base de données de Trade Map.
En procédant à l’analyse des importations de tomate en France, il ressort
que le Maroc occupe la place de leader avec une part du marché moyenne de
45,8 % sur la période 2001-2015, passant de 39,4 % en 2001 à 56,2 % en
2015, suivie de l’Espagne avec une part moyenne de 32 %.
2.3.4. Huile d’olive
Sur le marché mondial de l’huile d’olive, le Maroc occupe la 9e place
avec une part de 0,75 % en tant que fournisseur derrière l’Espagne (43,5 %),
l’Italie (27 %) et la Tunisie (8 %) qui cumulent près de 80 % des exportations
mondiales d’huile d’olive (voir graphique 16).
Par ailleurs, en matière d’importation de ce produit, le Maroc ne constitue
qu’une faible part avec 0,28 % de la demande mondiale d’huile d’olive qui
provient principalement d’Italie (29 %), des États-Unis d’Amérique (16,5 %),
de France (7 %), d’Allemagne (4,4 %), du Portugal (4,3 %) et du RoyaumeUni (4 %) (cf. graphique 15).
En moyenne, sur la période 2001-2015, la part du marché de l’huile
d’olives détenue par le Maroc est de l’ordre de 1,34 %. Sur ce marché,
6 pays sont considérés comme les concurrents directs du Maroc, avec une
prédominance notable de l’Espagne dont la part de marché s’élève à 42 %,
88
Profils sectoriels et émergence industrielle
suivie des États-Unis d’Amérique (26,28 %), de l’Afrique du Sud (7,15 %), de
la Turquie (7,18 %), de la Chine (3,70 %) et de la Hollande (2,59 %).
Graphique 15
Parts moyennes des dix premiers importateurs d’huile d’olive
(moyenne 2001-2015)
Graphique 16
Parts moyennes des dix premiers exportateurs d’huile d’olive
(moyenne 2001-2015)
Source : Calculs sur la base de données de Trade Map.
Les principaux importateurs de l’huile d’olive marocaine sur la période
2001-2015 sont l’Espagne, les États-Unis et l’Italie, comme le montre le
graphique 17.
Agro-alimentaire
89
Graphique 17
Répartition des exportations marocaines d’huile d’olive par marché
(moyenne sur 2001-2015)
Autres
Pays-Bas
Chine
Italie
Espagne
Italie
États-Unis
Source : Calculs sur la base des données de Trade Map.
Si l’on considère que l’Espagne est le premier marché à l’export du Maroc
d’huile d’olive avec 33 % des exportations marocaines de ce produit, il ressort
de l’analyse que les exportations marocaines d’huile d’olive sont caractérisées
par une grande fluctuation, le Maroc n’est pas parvenu à conserver sa part
du marché espagnol qui est passée de 31,45 % en 2001 à 0,04 % en 2015 en
faveur d’autres pays concurrents directs tels que la Tunisie, le Portugal, l’Italie,
la Grèce et la Turquie.
Tableau 4
Parts du marché de l’huile d’olive dans le marché espagnol
(2001-20015)
Part de marché moyenne
(2001-2015)
TCAM
(2001-2015)
Tunisie
27,51
8,77
Portugal
24,16
5,53
Italie
19,23
– 3,21
Grèce
10,17
– 8,26
Exportateurs
Turquie
4,07
38,52
Maroc
5,48
– 35,84
Source : Calculs sur la base de données de Trade Map.
Finalement, notons que ces performances dont fait preuve le Maroc, se
réalisent dans un contexte marqué par des qualités et des défauts qui seront
examinés dans la section suivante.
90
Profils sectoriels et émergence industrielle
3. Analyse SWOT du secteur
3.1. Principaux atouts et faiblesses du secteur
Le Maroc est une porte d’entrée en Afrique et une plateforme d’exportation
vers d’autres continents, du fait de sa position géostratégique, au carrefour des
routes maritimes grâce à la Méditerranée. De plus, le climat favorable dont il
jouit permet la diversification de sa production agricole, notamment celle des
fruits et légumes frais.
Avec ses 3 500 kilomètres de côtes sur la double façade atlantique et
méditerranéenne, le Maroc dispose de riches réserves de pêche, qui constituent
une véritable manne économique. Ces réserves englobent près de 500 espèces
dont 60 font l’objet d’une exploitation. La ressource halieutique est répartie
sur l’ensemble du territoire. Elle est essentiellement concentrée en Atlantique
centre et sud. Les petits pélagiques constituent l’essentiel de la ressource, avec
plus de 80 % des captures en volume.
Par ailleurs, le secteur de l’IAA dispose d’un potentiel intrinsèque lié au
coût très compétitif de la main-d’œuvre par rapport aux concurrents (Espagne,
Égypte, Tunisie, Turquie).
Néanmoins, le secteur de l’IAA marocaine souffre de nombreux freins à son
développement. Au niveau de la fiscalité, le niveau élevé de l’imposition des
entreprises agro-alimentaires, en particulier le différentiel élevé entre la TVA
agricole (nulle) et la TVA agro-alimentaire (20 %) empêche la valorisation des
produits agricoles en première et en deuxième transformations.
S’agissant du foncier agricole, il pose la problématique du morcellement
dû aux régimes foncier et des successions. Ainsi, 70 % des exploitations
agricoles ont une superficie inférieure à 2,1 hectares, morcellement qui limite
leur productivité.
Un autre point faible de l’IAA au Maroc est le manque d’infrastructures
malgré les réalisations accomplies dans ce domaine. Ce facteur fait augmenter
les frais de transport et les coûts logistiques et limite par conséquent les
marges bénéficiaires des entreprises agro-alimentaires.
Dans certaines régions, les topographies complexes associées aux conditions
climatiques difficiles rendent la culture de certains types de produits agricoles
pratiquement impossible. La baisse des prix des produits alimentaires de la
région peut également dissuader de nouveaux investissements dans le secteur.
Par ailleurs, la faible qualification du capital humain et la prédominance
du travail précaire sont un frein majeur pour l’IAA. Ce facteur-qualité est
Agro-alimentaire
91
nécessaire pour l’amélioration de l’innovation et l’introduction des normes de
qualité notamment face à l’exigence du marché extérieur.
3.2. Opportunités du secteur
Au Maroc, les opportunités de développement de l’IAA sont énormes,
notamment dans le contexte actuel marqué par l’expansion remarquable de la
demande mondiale. Ces opportunités sont les suivantes.
3.2.1. Accords commerciaux bilatéraux et régionaux
Le Maroc a conclu une série d’accords de libre-échange (ALE) avec
certains pays partenaires : l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique,
la Turquie, les Emirats Arabes Unis et les pays arabes entérinant l’accord
d’Agadir (l’Égypte, la Jordanie, la Tunisie, le Liban et la Palestine).
La mise en œuvre de ces accords offre de réelles opportunités d’accès
des produits agro-alimentaires aux marchés européen, américain et arabes
et d’amélioration des performances de l’offre exportable marocaine. Il s’agit
d’une libéralisation totale des exportations vers l’Union européenne, en
particulier des fruits et légumes, des conserves alimentaires, des produits
laitiers, des oléagineux et parfois de tous les produits échangés, comme c’est
le cas avec les Emirats Arabes Unis. De même, les produits peuvent profiter
uniquement d’une libéralisation progressive, comme avec la Turquie.
3.2.2. Plan Maroc vert
Le Maroc s’est doté pour la période 2008-2020 d’une politique ambitieuse,
le Plan Maroc vert. Cette stratégie est axée sur l’accompagnement de la petite
agriculture, le développement d’une agriculture à haute valeur ajoutée, le
développement du potentiel des filières de la tomate, de la fraise, du sucre, du
lait et de l’élevage ovin et caprin.
En outre, la stratégie « Maroc vert » vise le développement du secteur agroalimentaire dans toute sa chaîne de valeur. Elle est basée sur les axes suivants :
– la mise en place des plans d’agrégation qui permettent, notamment,
l’accès aux intrants, au financement et aux marchés ;
– le développement de l’approche de contractualisation à travers la
conclusion des contrats-programmes entre le gouvernement et les professionnels
du secteur ;
– la mobilisation de tous les partenaires institutionnels et privés pour
développer le secteur agro-alimentaire, à l’instar du Crédit agricole ;
92
Profils sectoriels et émergence industrielle
– la promotion des exportations et l’appui financier des exportateurs dans
la diversification de leurs débouchés et contre la perte de marchés ;
– l’intégration des mesures relatives au marketing pour aider les secteurs
prioritaires à pénétrer les marchés extérieurs ciblés.
3.2.3. Plan Halieutis
Le Maroc a lancé en 2009 une stratégie des pêches, intitulée Halieutis,
qui s’articule principalement autour de trois axes : l’exploitation durable
des ressources halieutiques, le développement d’une pêche performante et
l’amélioration de la compétitivité.
Ces trois axes ont été déclinés en cinq projets :
– aménagement de toutes les pêcheries à intérêt commercial sur la base
de quotas ;
– promotion de la pisciculture et de la conchyliculture comme activités
phares de l’aquaculture ;
– gestion des enceintes portuaires par un seul opérateur Global operator ;
– établissement d’un nouveau pôle de pêche au sud et de trois pôles de
compétitivité au nord, au centre et au sud du pays respectivement ;
– mise en place d’un système de contrôle efficace en mer et à terre.
3.2.4. Pacte national pour l’émergence industrielle
Le Pacte national pour l’émergence industrielle (PNEI), étalé sur la
période 2009-2015, vise à mobiliser et coordonner les actions de l’État et
des opérateurs économiques pour bâtir une industrie forte et créer un cercle
vertueux de croissance. Ce pacte s’articule autour des axes suivants :
– plan de développement des filières à fort potentiel à l’export, notamment
les filières des conserves et des produits oléicoles ;
– plan d’appui ciblé en faveur des « filières intermédiaires : programme
Compétitivité des PME en vue d’améliorer les performances des entreprises
des filières intermédiaires (ex. chocolaterie-confiserie, biscuiterie, boissons) » ;
– programme de formation en vue de garantir la disponibilité de près de
24 000 profils présentant des qualifications adaptées aux besoins du secteur ;
– installation d’un réseau de six agropoles au niveau des principaux bassins
de production (Meknès, Berkane, Souss-Massa-Drâa, Gharb, Tadla et le
Haouz), en vue d’augmenter le taux de valorisation et la commercialisation des
produits agricoles.
Agro-alimentaire
93
3.3. Principales menaces pesant sur le secteur
3.3.1. Forte concurrence étrangère
L’une des plus grandes menaces qui pèsent sur l’industrie agro-alimentaire
marocaine est la forte concurrence étrangère, en particulier avec l’entrée en
vigueur de certains accords de libre-échange, même si ces derniers constituent
une opportunité en soi pour le Maroc.
Ainsi, pour ce qui est de l’industrie de la biscuiterie, à titre d’exemple,
il lui serait difficile de faire face aux produits des pays concernés par le
libre-échange avec le Maroc, en l’occurrence la Turquie qui est l’un des plus
grands exportateurs dans le domaine de l’agro-industrie, classée parmi les dix
premiers exportateurs mondiaux.
Farine, pâtes, biscuits, confiseries, margarines, légumes transformés et
fruits secs sont les principaux produits exportés par la Turquie. C’est le
premier producteur et exportateur de noisettes, de figues sèches et de pois
chiches dans le monde. C’est le sixième producteur d’agrumes et le premier
de cerises, c’est le troisième exportateur mondial d’huile d’olive.
Mais ce pays n’est pas la seule menace qui plane sur l’industrie agroalimentaire du Maroc. Ainsi, le nombre des pays avec lesquels le gouvernement
signe des ALE s’élargit chaque jour davantage, sans prévoir de mesures
d’accompagnement pour alléger certaines charges qui pèsent sur les industriels
marocains afin de leur permettre d’être plus compétitif.
3.3.2. Problématique du changement climatique
Le changement climatique constitue une réelle menace pour le secteur
de l’IAA. En fait, ce secteur est souvent exposé à des sécheresses récurrentes
qui engendrent en particulier un tarissement des ressources hydrauliques
nécessaires en amont pour l’industrie agro-alimentaire Dans ce contexte,
le changement climatique représente une pression supplémentaire sur la
productivité et la rentabilité de la pêche. De même, l’urbanisation intense en
raison de la pression démographique réduit substantiellement la superficie des
terres arables.
Par ailleurs, l’épuisement de la réserve halieutique est aussi une menace
qui pèse sur l’IAA. En effet, le Maroc n’a pas échappé à ces processus de
transformation des milieux naturels et des économies à travers le monde.
Le secteur de la pêche maritime fait face à des modifications qualitatives et
quantitatives de ses ressources halieutiques et à des menaces d’épuisement de
ses stocks.
94
Profils sectoriels et émergence industrielle
Les activités de la pêche maritime au Maroc sont confrontées à des problèmes
de viabilité de la ressource halieutique, de la surexploitation d’une grande partie
des stocks, de la dégradation de certains écosystèmes et de la pollution.
De plus, cette industrie subit directement les aléas d’une pêche côtière et
artisanale imprévisible et irrégulière. De ce fait, elle ne peut fonctionner que
d’une manière artisanale, même si ses infrastructures sont aux normes et ont
été mises à niveau depuis longtemps.
Par ailleurs, on peut citer d’autres menaces telles que le surpâturage
des parcours, l’exploitation parfois démesurée des ressources naturelles – se
traduisant par une diminution de la productivité des terres agricoles et
pastorales – et l’érosion hydrique qui demeure le phénomène le plus actif et le
plus important – les terres agricoles touchées par ce fléau représentent environ
75 % de la surface agricole utile (SAU) – et enfin la salinisation qui dégrade
de plus en plus les périmètres irrigués avec près de 500 000 hectares touchés.
En marge de ces menaces, d’autres persistent, telles que la protection
tarifaire voire prohibitive instaurée par des pays accueillant les produits
agricoles marocains, ce qui les rend moins compétitifs. De plus, certains pays
concurrents, notamment européens, accordent des subventions très importantes
à leurs producteurs comparativement à leurs homologues marocains.
La matrice suivante inspirée de l’approche SWOT va nous permettre de
mieux appréhender ce qui a été cité plus haut.
Forces
Faiblesses
– Position géographique stratégique et proximité
du marché européen et africain : le Maroc est
une porte d’entrée de l’Afrique et constitue
une plateforme d’exportation vers d’autres
continents.
– Climat favorable permettant une diversification
de la production agricole : situation agroclimatique favorable pour les fruits et légumes
frais.
– Longueur du littoral : 3 500 km.
– Richesse des ressources halieutiques.
– D éveloppement d ’une industr ie de
transformation de produits agro-alimentaires
potentiellement compétitifs.
– Main-d’œuvre bon marché.
– Incitations importantes à l’investissement
agricole.
– Existence de contrats-programmes Étatprofession pour les filières agricoles.
– Utilisation de techniques d’irrigation modernes
pour développer l’offre en produits agricoles.
– Insuffisance de la production agricole.
– Problématique du foncier agricole : morcellement
des exploitations agricoles.
– Déficit structurel au niveau de la balance
commerciale de l’IAA.
– Faibles taux d’investissement.
– Retard technologique.
– Faible qualification du capital humain et
prédominance du travail précaire.
– Faiblesse de l’innovation et des normes de
qualité, et carences de l’organisation managériale
des entreprises opérant dans l’IAA.
– Problématique du financement particulièrement
pour les petites et moyennes entreprises.
– Augmentation des facteurs de production : coût
élevé du transport, de l’emballage, de l’énergie,
des produits phytosanitaires, etc.
– Faiblesse de la recherche dans toute la sphère
agro-alimentaire (au niveau de l’amont agricole
et de l’aval pour l’industrie de transformation).
– Faiblesse de l’organisation professionnelle du
secteur de l’IAA.
Agro-alimentaire
95
Opportunités
Menaces
– Stratégies sectorielles prometteuses (Plan
Maroc vert, agropoles, plan Halieutis, Plan
national d’émergence industrielle).
– Libéralisation du commerce international et
conclusion d’une multitude d’accords de libreéchange et d’accords commerciaux avec des
pays partenaires (États-Unis d’Amérique, UE,
Turquie, Emirats Arabes Unis, Tunisie, etc.).
– Progression soutenue de la demande mondiale
des fruits et légumes transformés et de produits
de la mer.
– Volonté affichée du Maroc de renforcer la
coopération Sud-Sud.
– Cherté du transport international routier
au Maroc, ce qui affecte négativement la
compétitivité des produits agro-alimentaires
exportés.
– Problématique des changements climatiques :
raréfaction des ressources en eau, ce qui induit
une fluctuation de la production agricole et
impacte corollairement le niveau de l’offre
exportable.
– Limitation des niveaux de quotas à l’export pour
certains produits agricoles.
– Protection tarifaire prohibitive rendant
moins compétitifs certains produits agricoles
marocains.
– Exploitation non durable des ressources
halieutiques.
– Forte concurrence internationale, exercée en
particulier par des pays méditerranéens.
– Importance du soutien accordé par les pays
concurrents, notamment européens (aides aux
producteurs).
4. Perspectives
Le secteur de l’IAA constitue un secteur-clé qui contribue à la sécurité
alimentaire du Maroc et à sa compétitivité à l’export. En fait, il représente
27 % de la production industrielle totale et contribue au PIB national à
hauteur de 5 %.
Le tissu de l’IAA est dominé par des PMI (93 % des entreprises du secteur).
Plus de la moitié d’entre elle œuvrent dans la fabrication des farines et gruaux,
des corps gras, la transformation des céréales et l’industrie du poisson.
Par ailleurs, en examinant la répartition géographique de la production de
l’IAA, on remarque une nette dominance de la région du grand Casablanca (46 %),
suivie de Souss-Massa-Drâa (13 %) et de Chaouia-Ouadghira (9 %). Cette
production est marquée par une diversité relative des branches industrielles
(industrie du poisson, transformation des légumes, céréales, industrie laitière,
industrie des viandes, etc.). Toutefois, le sous-secteur de la transformation des
céréales réalise le quart de cette production.
Quant aux performances du secteur de l’IAA, il y a lieu de noter un déficit
chronique de sa balance commerciale en dépit des accords de libre-échange
conclus avec des divers pays qui sont censés fournir au Maroc de nouveaux
marchés. Ces accords n’ont pas été complètement favorables au Maroc, en
fait la part du marché détenue par le Maroc est restée faible, le reléguant au
47e rang mondial (moyenne sur la période 2001-2015).
96
Profils sectoriels et émergence industrielle
Néanmoins, si on se base sur l’analyse de la dynamique des exportations
(calcul des TCAM), l’offre exportable a connu une dynamique croissante de
l’ordre de 7 % sur la période 2001-2015. Les principaux produits qui ont le
plus contribué à cette dynamique sont les conserves de poisson (TCAM de
18 %), les crustacés, mollusques et coquillages (15 %), les agrumes (12 %), les
tomates fraîches (9 %) et les légumes frais, congelés ou en saumure (8 %). Ces
performances ont été réalisées grâce à la mise en place de plusieurs stratégies
d’envergure telles que le Plan Maroc vert, le plan Halieutis, le Plan national
d’émergence industrielle.
Par ailleurs, le positionnement du Maroc sur le marché agro-alimentaire
mondial s’est amélioré, surtout pour les produits-phares tels que les agrumes, la
tomate et le poisson, et ce grâce aux mesures prises dans le cadre des stratégies
précitées. Toutefois, la présence du Maroc par rapport à ses concurrents sur ce
marché reste modeste. En effet, la part moyenne du Maroc dans le marché des
crustacés et mollusques est de l’ordre de 2,7 % sur la période 2001-2015, et
ses principaux concurrents directs sur ce marché sont la Chine avec une part
de marché de 9,32 %, suivie du Viet Nam (8,9 %), de la Thaïlande (8,31 %)
et du Canada (7,58 %).
Quant à la présence du Maroc sur le marché des agrumes, il est à signaler
que sa part de marché moyenne a été de l’ordre de 3,3 % sur la période
2001-2015. Les principaux concurrents directs du Maroc sur ce marché
sont principalement l’Espagne, avec une part de marché de 32 %, suivie des
États-Unis d’Amérique (8,5 %), de l’Afrique du Sud (6,2 %) et de la Turquie
(5,8 %).
D’un autre point de vue, sur la période 2001-2015 le marché mondial
de la tomate a été dominé par les Pays-Bas qui détiennent 21,6 % du
marché, suivis du Mexique (18,8 %), de l’Espagne (16,9 %), des États-Unis
d’Amérique (4,4 %), de la Turquie (3,8 %) et du Canada (4,3 %), le Maroc
arrivant en fin de file avec une part moyenne de 3,6 %.
Enfin, la part moyenne du Maroc dans le marché de l’huile d’olive est de
l’ordre de 1,34 % sur la période 2001-2015, derrière l’Espagne qui domine
largement le marché avec une part de 42 %, suivie des États-Unis d’Amérique
(26,28 %), de l’Afrique du Sud (7,15 %), de la Turquie (7,18 %), de la Chine
(3,70 %) et des Pays-Bas (2,59 %).
Malgré la position relativement favorable qu’occupe le Maroc, des
efforts restent à consentir afin de faire face aux contraintes identifiées
précédemment et d’améliorer les performances de l’offre exportable. Il
s’agit notamment de l’exploration de nouveaux marchés à fort potentiel de
Agro-alimentaire
97
croissance et de rentabilité, de la valorisation des produits agro-alimentaires,
de l’optimisation des accords de libre-échange et, enfin, du renforcement du
cadre organisationnel du secteur de l’IAA. Telles sont les pistes de réflexion
qui seront respectivement déclinées.
4.1. Exploration de nouveaux marchés à fort potentiel de
croissance et de rentabilité
Pour cette piste, il s’agit de chercher de nouveaux débouchés à travers le
ciblage des marchés potentiels vu que les marchés traditionnels commencent
à atteindre leurs limites, soit en termes de potentiel de croissance soit en
termes de rentabilité. A ce titre, les opérateurs de l’IAA doivent tourner leur
regard vers d’autres marchés prometteurs qui offrent un immense potentiel de
croissance tels que les marchés d’Afrique, des pays du Golfe et des États-Unis
d’Amérique.
D’autre part, la diversification des produits agro-alimentaires à l’export
s’avère incontournable vu que notre offre à l’export reste limitée à quelques
produits (tomate, agrumes, conserves d’olives et crustacés). D’où l’importance
de déployer plus d’efforts visant l’identification et l’étude des besoins des
différents marchés ciblés, et d’accompagner les entreprises adoptant la
stratégie de diversification de leurs produits agro-alimentaires.
4.2. Valorisation des produits agro-alimentaires
Il s’agit de valoriser l’offre constituée essentiellement par les produits
agricoles et de la pêche en procédant à une transformation susceptible de leur
attribuer leur juste valeur. Cette mesure est d’autant plus nécessaire que ce
sont surtout des produits frais.
En plus de cela, il y a lieu d’améliorer les normes de qualité grâce à
l’instauration de normes de certification, de labellisation et de traçabilité. Ceci
permettrait de répondre aux exigences de certains marchés qui imposent des
mesures phytosanitaires à l’export comme le cas des États-Unis d’Amérique.
Dans ce sens, il est opportun de valoriser davantage les produits du terroir
(huile d’argan, safran, épices, dattes…) en procédant à des mesures relatives à
la certification, la labellisation et l’octroi de l’appellation d’origine contrôlée
(AOC). De même, la promotion de l’investissement dans la recherche
et l’innovation sont un gage pour créer plus de valeur ajoutée au niveau
national. La multiplication des campagnes de commercialisation à travers la
participation aux salons internationaux est un aspect qu’il ne faut pas négliger
pour mieux faire connaître nos produits.
98
Profils sectoriels et émergence industrielle
4.3. Optimisation des accords de libre-échange
Le Maroc a conclu des accords de libre-échange (ALE) avec une cinquantaine
des pays dans le but de démanteler les droits de douane. Mais il n’a pas su
profiter des opportunités offertes par ces accords dans la mesure où le déficit
commercial persiste toujours. Pour combler ce déficit, il doit tirer pleinement
profit de ces opportunités, à travers notamment l’opérationnalisation des ALE
avec l’UE, les États-Unis d’Amérique et certains pays arabes.
Ainsi, le Maroc gagnerait à dynamiser ses exportations agro-alimentaires
par l’amélioration des conditions d’accès aux marchés des pays signataires en
adaptant l’offre d’exportation à la demande d’importation adressée par les
pays partenaires. Ceci pourrait s’accomplir par le suivi permanent des besoins
du marché-cible, la sélection de produits adaptés, le choix des réseaux de vente
et le respect des normes et des exigences techniques et par des stratégies de
communication pertinentes.
Dans le même ordre d’idées, le Maroc est appelé à améliorer les
conditions des entreprises agissant dans le secteur de l’IAA en renforçant les
infrastructures et la logistique liant le pays aux partenaires étrangers, ce qui
est de nature à développer les échanges commerciaux. De même, il convient
de coordonner les stratégies d’action des pouvoirs publics avec les opérateurs
privés pour assister les entreprises agro-alimentaires.
4.4. Renforcement du cadre organisationnel
La structure organisationnelle du secteur de l’IAA est régie par la Fédération
nationale de l’agro-alimentaire (FENAGRI). Cette dernière, regroupant
les entreprises de l’industrie agro-alimentaire, réunit des fédérations, des
associations professionnelles, des entreprises commerciales, industrielles,
exportatrices ou de services exerçant dans le domaine agricole et/ou agroindustriel (l’Apefel, l’Aspam, Fimasucre, etc.) (3).
Les principaux problèmes auxquels fait face cette structure concernent la
faible coordination entre les opérateurs du secteur de l’IAA et l’insuffisante
concertation entre les professionnels quant à leur stratégie à l’export. Il serait
donc approprié de créer une synergie entre les différents opérateurs du secteur,
ce qui permettrait d’améliorer l’efficacité de leur stratégie à l’export et de
mieux valoriser l’offre exportable en produits agro-alimentaires.
3. APEFEL : Association marocaine des producteurs et exportateurs de fruits et légumes.
ASPAM : Association des producteurs d’agrumes du Maroc. FIMASUCRE : Fédération
interprofessionnelle marocaine du sucre.
Agro-alimentaire
99
Références bibliographiques
Banque mondiale (2013), « Changement climatique et secteur halieutique :
impacts et recommandations », Programme d’appui analytique à la Stratégie
changement climatique du Maroc, Note de stratégie n° 3, Département du
développement durable.
Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes
(2012), Logistique de la filière marocaine d’exportation de tomates fraîches :
des enjeux économiques et environnementaux.
Fédération nationale de l’agro-alimentaire (2010), Élaboration d’une
démarche participative pour l’émergence du secteur agro-alimentaire.
Direction des études et des prévisions financières (2015), Défis et
opportunités des exportations agro-alimentaires marocaines sur le marché
africain.
Direction des études et des prévisions financières (2010), Performances
et perspectives du secteur de l’industrie agro-alimentaire au Maroc.
Direction des études et des prévisions financières (2008), Analyse du
secteur des pêches et de l’aquaculture dans le nouveau contexte.
Ministère de l’agriculture et de la pêche maritime (2015), Projet de
loi de finance au titre de l’exercice budgétaire 2016.
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime (2012), Présentation
générale du Plan Maroc vert.
Ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime (2011), Situation
de l’agriculture marocaine.
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime (2010), l’Agriculture
en chiffres.
Office des changes (2012), Rapport annuel : commerce extérieur du Maroc.
CHAPITRE 2
Textile-habillement
Abdellali Fadlallah
Introduction
Depuis 1990, le développement des secteurs productifs constitue un objectif
prioritaire pour le gouvernement marocain. Le but principal recherché est la
mise en place d’une croissance économique forte et durable pour renforcer les
orientations nationales vers un pays plus compétitif et solidaire. Ces initiatives
ont permis la modernisation du cadre macro-économique d’ensemble,
l’assainissement continu de l’environnement de l’investissement et son efficacité,
conjugués à l’amélioration de l’image du Maroc à l’échelle internationale.
La nouvelle politique d’investissement a été placée au centre de cette
dynamique de réformes, compte tenu de son rôle clef en matière de
renforcement de la croissance économique et d’accélération du processus
du développement humain. Ainsi, outre l’adaptabilité de son cadre macroéconomique, l’environnement de l’investissement marocain a connu une
mutation de son cadre réglementaire visant son rapprochement avec les
normes et standards internationaux.
Il faut rappeler que face à l’acharnement de la compétitivité mondiale,
plusieurs pays ont mis en place une politique de promotion des investissements,
afin de s’adapter aux différentes mutations imposées par l’environnement. Dans
le cadre de cette politique, la stratégie de modernisation sectorielle occupe une
place prépondérante parmi les autres politiques d’encouragement adoptées par
ces pays en vue de conquérir des marchés extérieurs et faire face à la concurrence.
Ainsi, tous les pays ayant adopté une politique de promotion des
investissements ont mis en œuvre une politique de mise à niveau sectorielle
accompagnée le plus souvent de vastes réformes fiscales. En effet, le Maroc,
à l’instar de plusieurs pays en développement, a relevé le défi en mettant
l’accent sur l’encouragement des exportations afin de faciliter la pénétration des
produits nationaux sur les marchés extérieurs et être de plus en plus compétitif.
102
Profils sectoriels et émergence industrielle
Globalement, les stratégies de modernisation sectorielle font partie
intégrante des politiques de développement, et elles sont liées avec de
nombreux autres domaines, qui vont de la bonne gouvernance et de la
formalisation des activités économiques à la stimulation de la croissance,
via la promotion des petites et moyennes entreprises et des activités
d’exportation.
Dans ce cadre, on rappelle que pour la plupart des économies émergentes,
la pratique montre que la fonction de promotion des investissements a été
sous-tendue par plusieurs politiques de mise à niveau basées sur la stratégie
d’offshoring et de mesures incitatives, notamment fiscales, la modernisation
de l’infrastructure de base, l’aménagement de sites industriels, l’amélioration
de l’environnement des affaires, la facilitation des procédures de création
d’entreprise et l’octroi d’avantages spécifiques.
Ainsi, les politiques de modernisation sectorielle et les systèmes fonctionnels
diffèrent d’un pays à un autre, d’une région à l’autre, d’un secteur à l’autre et
d’une activité à l’autre. Une politique de relance sectorielle basée sur les avantages
comparatifs d’une activité peut être adoptée pour attirer les investisseurs désireux
d’accroître la rentabilité de leurs entreprises afin de promouvoir l’investissement
dans des secteurs clés de la croissance économique du pays.
Étant le principal moteur de la croissance industrielle, le secteur du
textile et de l’habillement au Maroc a déjà commencé à présenter un niveau
de modernisation avancée comparé à celui des pays dotés d’un niveau de
développement similaire (pays de la région MENA). Cette modernisation
s’accompagne d’une profondeur et d’une solidité de son environnement de
plus en plus fortes comparées à la moyenne régionale.
Il est à signaler que le textile-habillement est un secteur industriel qui,
marginalisé auparavant, prend de plus en plus d’importance dans le tissu
productif national et participe à hauteur de 16 % au PIB industriel en
2017, contre 11 % en 2007. Dominé par certaines industries : fibres, tissage,
couture, le secteur s’est diversifié d’une manière très rapide (mais avec de fortes
disparités régionales et sociales), et cela grâce à la nouvelle politique logistique
nationale (zone logistique récemment créée à Mohammedia).
Cependant, si le secteur du textile-habillement au Maroc assure, à côté
des autres secteurs de l’industrie, le développement durable du secteur
industriel dans son ensemble (dans la mesure où il génère de la richesse,
crée de l’emploi (direct ou indirect), mobilise l’épargne et stimule des effets
d’entraînement ou de synergies sur d’autres industries), il n’en demeure pas
Textile-habillement
103
moins qu’il connaît des difficultés et des paralysies structurelles entravant son
bon fonctionnement.
En effet, le secteur du textile demeure caractérisé par une forte concurrence
internationale, alimentée par la pression des matières premières, un déficit
cumulé important de la compétitivité du secteur, contraintes qui ont entravé
le développement d’une offre abondante et diversifiée.
La présente étude a pour objectif d’étudier le secteur du textilehabillement au Maroc en adoptant la démarche suivante : dans un premier
temps, on analysera la structure du secteur ; en second lieu, on effectuera
un bilan du secteur en se basant sur la performance de l’industrie textilehabillement, d’une part, et pour étudier l’offre exportable du Maroc en textile
et habillement, d’autre part. Enfin, l’étude conclura sur des suggestions et des
recommandations visant la modernisation et le développement de l’industrie
textile-habillement.
1. Évolution de la politique d’investissement et de la stratégie
textile-habillement
Depuis son indépendance, le Maroc a entrepris une politique industrielle
prospective afin de développer l’infrastructure industrielle de base du pays.
Mais le secteur textile-habillement, négligé auparavant (dans les années 80 sa
part ne représente qu’à peine 5 % du PIB national), commence à prendre de
plus en plus d’ampleur : il représente environ de 15 % du PIB industriel.
On rappelle dans ce cadre que les stratégies sectorielles globalement ne
sont pas des choix immuables ou permanents, mais elles doivent évoluer en
fonction des mutations structurelles de l’environnement économique (national
et international), des besoins du marché, de la situation et la qualification du
marché de travail et d’un ensemble d’indicateurs qui sont liés à la dynamique
macro-économique.
Le Maroc a de son côté laissé sa politique d’investissement dans le
secteur textile-habillement évoluer en fonction du changement du contexte
économique national et international. Mais avant 1980, la politique adoptée
par le Maroc était basée beaucoup plus sur les liens historiques et politiques
avec les États-Unis et la France que sur des considérations économiques.
1.1. Évolution de la politique d’investissement nationale
Globalement, jusqu’en 1980 le système des échanges investissement au
Maroc est caractérisé par le contrôle de l’État, généralisé depuis 1959 pour
104
Profils sectoriels et émergence industrielle
la stabilité de la politique macro-économique et la prudence de la gestion
du commerce extérieur. C’est ainsi que le déficit structurel de la balance
des paiements est devenu structurel. Cependant, l’analyse de l’évolution de
la politique d’investissement via la stabilité macro-économique peut être
partagée en trois périodes.
1.1.1. La période 1973-1977
Cette période était caractérisée par une politique expansionniste
principalement budgétaire de l’État marocain. Elle a été riche en événements
économiques et monétaires sur le plan national et international. Le contexte
commercial, financier et monétaire international des années 70 était marqué
par la stabilité relative des prix et des termes de l’échange.
Cet environnement de stabilité qui marquait le système commercial
international avait fait que le Maroc ne considérait pas à cette époque
l’investissement dans le secteur industriel comme un instrument important de
la politique économique, et une orientation renforcée vers les investissements
dans le secteur primaire jugeait à cette époque le secteur de l’agriculture
comme la principale locomotive et la vocation de l’économie nationale.
Cependant, l’année 1974 a connu une aggravation du déficit budgétaire dû
principalement à la baisse des recettes des exportations de phosphates, la hausse
des importations, le creusement du déficit de la balance commerciale (avec un
déficit de plus 32 % du PIB national), les crises politiques, l’insoutenabilité de
la dette publique. Par ailleurs, le taux d’inflation est passé de 7,9 % en 1975 à
12,5 % en 1977 (1). Cette situation a créé des déséquilibres importants pour
la politique macro-économique.
1.1.2. La période 1978-1980
Le plan triennal 1970-1980 n’a pas pu réaliser ses objectifs en raison
du caractère structurel des déséquilibres, lesquels ne sauraient être corrigés
par de timides mesures conjoncturelles. Jusqu’en 1980, la réglementation
de l’investissement n’était pas utilisée comme un instrument de protection
commerciale. Le Maroc refusait de l’utiliser comme un moyen de régulation
de la politique économique, donnant la priorité à la stabilité économique.
En effet, on rappelle que la politique de stabilisation des investissements
suivie par les autorités était une politique sélective orientée vers les activités
jugées prioritaires. Cette politique a été suivie d’une politique restrictive
1. M. Ben Abdallah, I. Drine, R. Meddeb, « Interaction entre IDE, capital humain et croissance
dans les pays émergents », Ouverture économique et développement, GDR, Paris, Economica, 2001.
Textile-habillement
105
en vue de lutter contre l’inflation, à travers le contrôle de la création des
disponibilités marocaines et en se basant sur des politiques d’encadrement (2)
et la sélectivité des crédits (3).
Donc, avant 1982, la politique d’investissement comme instrument de
la politique économique a été jugé anormale par la Banque mondiale, mais,
après cette période, les autorités économiques ont accepté le principe d’un
impact à long terme des zones franches, c’est à partir de cette date que ladite
politique est devenue active pour le Maroc.
1.1.3. La politique d’investissement au service de la croissance (après 1982)
La conception de la politique d’investissement a connu un changement
notable en intervenant dans un champ à long terme, faisant du commerce
extérieur un moyen d’ajustement des déséquilibres extérieurs. Des progrès
notables ont été réalisés par le Maroc avec l’instauration de la liberté
d’importer ou d’exporter des biens et services dans les différents secteurs, sous
réserve de respecter la réglementation en vigueur.
Ainsi, jusqu’aux années 80, le Maroc, comme la plupart des PVD, a
basé son développement économique sur le modèle de substitution aux
importations, la protection des industries nationales par des barrières
douanières élevées, notamment dans l’habillement, et le nationalisme, par le
contrôle des investissements et le contrôle monétaire.
Toutefois, on rappelle que la situation économique critique de l’économie
nationale, l’insoutenabilité de la politique budgétaire, la persistance du déficit
des jumeaux (budgétaire et commercial), la crise de l’insolvabilité budgétaire
et l’impossibilité de rembourser la dette au début de ces années ont conduit
le Maroc à entreprendre un vaste chantier de réformes structurelles depuis le
milieu des années 80 (PAS).
Ces réformes devraient principalement encourager, entre autres, la
modernisation des secteurs productifs, le développement des investissements
privés étrangers en les attirant par le renforcement de la libéralisation, la
privatisation et la déréglementation grâce notamment à la création de zones
franches, l’intégration dans les zones de libre-échange et la mise en place de
stratégies sectorielles (notamment le plan Émergence dans le secteur industriel
qui se base entre autres sur la modernisation du secteur textile-habillement).
2. L’encadrement du crédit est une enveloppe de crédit allouée à chaque banque afin de
limiter le volume du crédit distribué par les banques.
3. La sélectivité du crédit consiste à accorder des prêts bonifiés (presque la moitié des crédits
début 1980) avec des avantages fiscaux afin d’influencer la répartition des crédits.
106
Profils sectoriels et émergence industrielle
1.2. Mutation sectorielle
Avant l’Indépendance, le secteur textile-habillement était monopolisé par
une dizaine d’entreprises étrangères. Les besoins en textile et habillement
étaient par conséquent satisfaits par les importations en grande partie de France
(80 % en moyenne). Ainsi, dans les années 60, les stratégies gouvernementales
d’encouragement, particulièrement de protection douanière, ont permis
l’émergence d’entreprises dans la filière.
La genèse de la politique industrielle du textile est liée fondamentalement
à la stratégie de substitution aux importations pour satisfaire la demande
intérieure (les exportations dans cette période ont été très minimes). Ainsi,
en 1978, le gouvernement a signé un accord nommé « Arrangement Textile »,
prévoyant le libre-échange des produits textiles en franchise douanière avec
des restrictions contingentaires pour les produits sensibles.
Au lendemain de cet accord, la stratégie nationale du textile et de
l’habillement s’est basée sur une adaptation à la demande étrangère, avec
un succès sur le marché français. Pour veiller également à la promotion
des exportations, le gouvernement national a entrepris des actions
complémentaires visant l’amélioration de l’environnement des affaires, la
promotion des IDE dudit secteur et l’adaptation du cadre législatif en vigueur
(code des investissements industriels, code des exportations…). L’Office du
développement industriel (ODI) a ainsi créé des unités de production en
partenariat avec des acteurs économiques locaux et étrangers.
Cette stratégie n’était soutenue que par l’Europe de l’Ouest, notamment
la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, à vocation principale dudit secteur.
Dans les années 1975-1980, l’Europe du Nord (Allemagne, Suède, Norvège,
Royaume-Uni) avait déjà décidé une suspension de son industrie textile
pour ne soutenir que les secteurs jugés prioritaires. Par exemple, l’Allemagne
(deuxième producteur mondial après les États-Unis de fibres textiles chimiques
(polyester, nylon, acrylique)), a cédé cette activité à l’Indonésie et à l’Italie.
La nouvelle stratégie du secteur textile-habillement a généré une nouvelle
contrainte liée à l’environnement international : la réduction de la marge
bénéficiaire des entreprises. En effet, l’ouverture de la filière textile-habillement
à l’économie mondiale met celle-ci devant les défis suivants :
– incorporation des industries du textile-habillement aux accords de
l’Organisation mondiale du commerce depuis 1995 ;
– élimination des mesures d’importation prévues dans l’Accord
Multifibres ;
Textile-habillement
107
– le libre-échange entre le Maroc et l’Union européenne et le
démantèlement tarifaire ;
– le libre-échange depuis 2005 entre le Maroc et certains pays concurrents
(Turquie, Chine, Égypte, Jordanie, Tunisie) ;
– la nouvelle microstructure dudit secteur au niveau mondial caractérisée
par une accélération du démantèlement des moyens de production de textile
en Europe, ce qui impacte tout le processus de partage international du travail.
Enfin, il faut rappeler que depuis les années 2000 le processus d’ouverture
et d’intégration économique et financière a réduit l’activité du textile et de
l’habillement dans l’Union européenne (principal partenaire commercial du
Maroc). Actuellement, l’Europe du Nord ne dispose plus d’une industrie
textile très développée, elle tend de plus en plus à délocaliser.
Seule l’Europe du Sud, notamment les pays comme l’Espagne, le Portugal
et la Grèce, développe le secteur du textile et de l’habillement. L’Espagne,
par exemple, avait commencé sa délocalisation vers le Maroc, mais la crise
financière a provoqué un changement de tendance.
2. La microstructure sectorielle
La productivité sectorielle du textile-habillement connaît une croissance
de 3 % entre 2014 et 2018 contre 8,5 % entre 2004 et 2008. Le secteur
emploie plus de 200 000 salariés, génère un chiffre d’affaires à l’export de 32,3
milliards de dirhams et un chiffre d’affaires destiné au marché local estimé à
45 milliards de dirhams en 2015.
Le secteur textile-habillement est un secteur aux fortes disparités régionales
ou spéciales. Ainsi, on trouve de grandes entreprises dont la gestion repose
sur des techniques assez modernes permettant la satisfaction des opérateurs
économiques, par contre, on trouve également des petites entreprises qui se
basent des techniques primitives ou traditionnelles ne permettant pas ainsi de
satisfaire les besoins des acteurs économiques cibles.
2.1. Composition du secteur
Le secteur textile-habillement joue un rôle majeur dans l’économie
marocaine, représentant notamment 35 % des exportations et 40 % des
emplois industriels. Il se situe, comme dans tous les pays du monde, au
cœur de la mondialisation, avec un temps d’avance sur les autres secteurs
industriels. Il est donc au Maroc à la fois un grand secteur industriel et un
laboratoire de l’économie.
108
Profils sectoriels et émergence industrielle
Dans ce cadre, on rappelle que les entreprises opérationnelles dans la
branche du textile et de l’habillement emploient plus de 200 000 personnes.
Il est ainsi le premier employeur industriel du pays avec 27 % des emplois
industriels nationaux (35 % des entreprises du secteur industriel avec une
production de plus de 8 milliards de dirhams), permettant ainsi de couvrir
l’ensemble des branches du textile et de l’habillement (pantalons, chemises,
robes et conditionnement…). La filière du textile-habillement est composée
de 1 523 entreprises, dont 46 % opèrent dans la branche de l’habillement.
Graphique 1
Répartition sectorielle
Habillement
Textile et bonneterie
Cuir et articles en cuir
Source : Association marocaine des industries du textile et de l’habillement.
Les investissements directs étrangers ont une présence importante dans le
secteur du textile-habillement puisque 26 % des entreprises sont à participation
étrangère en 2016, contre 20 % en 2001.
Graphique 2
Investissements directs étrangers
Entreprises à participation étrangère
Entreprises nationales
Source : Association marocaine des industries du textile et de l’habillement.
Textile-habillement
109
Actuellement, le bilan de la normalisation dans la branche textilehabillement au Maroc compte 140 normes homologuées correspondant aux
coutures et aux systèmes de canalisation. Certaines entreprises opérant dans ce
secteur sont parvenues à être certifiées ISO 9001 version 2000.
Une première typologie sectorielle, en valeur et hors composites, permet
de distinguer les produits suivants :
– La sous-traitance : ce secteur réalise 37 % de la production destinée
au secteur de d’habillement, mais à part les tissages et les fibres qui font
l’objet d’une production généralement intégrée, on enregistre également
un développement considérable de la confection sportive, industrielle et
professionnelle.
– Les produits à usage professionnel : ce secteur consomme beaucoup
de produits confectionnés comme les pantalons et les vêtements et sousvêtements, enregistrant une amélioration remarquable et représentant 12 % de
la totalité de la production du secteur textile.
– Les chaussures : ce domaine se trouve confronté à la forte concurrence
des pays d’Asie. Aussi la production marocaine a-t-elle connu une chute
remarquable, passant de 60 millions en 2000 à 35 millions en 2008 avec la
dérégulation douanière.
– Les articles à différents usages représentent 17 % de la production
annuelle.
Graphique 3
Typologie sectorielle (en valeur et hors composites)
Source : Association marocaine des industries du textile et de l’habillement.
Le secteur connaît des disparités productives énormes. Certaines grandes
entreprises recourent à une haute technicité et à des investissements lourds
en matière d’équipement et de processus de fabrication les plus modernes des
110
Profils sectoriels et émergence industrielle
pays développés. Toutefois, certaines entreprises industrielles traditionnelles
se positionnent de plus en plus sur des créneaux qui demandent un grand
savoir-faire et générèrent des produits à haute valeur ajoutée. Le secteur
dispose d’un Centre technique du textile et de l’habillement (CTTH)
qui a bénéficié du soutien de l’Union européenne grâce à l’assistance de
professionnels et d’experts en textile comme l’Institut supérieur de textile
d’Alençon, le Laboratoire de recherche et de contrôle du textile et des fibres
(LRCTF) qui ont offert un laboratoire de référence équipé d’un matériel
spécifique (pour tester et analyser les matières premières et les produits
finis).
La filière emploie en 2016 un effectif total de 165 322 personnes, dont
74 % sont des femmes (contre 211 475 en 2000). 66 % de l’emploi du
secteur est assuré par la branche habillement, 29 % par la branche textile et
bonneterie et 5 % par la branche du cuir et articles en cuir.
Graphique 4
Part de l’emploi
Source : Association marocaine des industries du textile et de l’habillement.
2.2. Performances du secteur
Le secteur des industries textiles et de l’habillement marocain est un
secteur moteur de l’économie nationale. Ainsi, selon des études menées
par des institutionnels, le secteur contribue à hauteur de 44 % et 35 %
respectivement à l’emploi et aux exportations du secteur manufacturier,
de 22 % de l’ensemble des unités industrielles, et il génère environ
de 13 % de la production et 14 % des investissements du secteur
manufacturier.
Textile-habillement
111
Graphique 5
Évolution de la production de l’industrie du textile et de l’habillement
(en millions de dirhams)
Source : Ministère de l’Économie et des Finances.
Le secteur contribue également à hauteur de 7 % de la valeur ajoutée
industrielle, 5 % de la production industrielle et 5 % du chiffre d’affaires
industriel. En 2017, cette filière a contribué à plus de 3,2 % au PIB en
générant une valeur ajoutée de 11 milliards de dirhams.
Graphique 6
Production sectorielle (en millions de dirhams)
24 324
Industrie d’extraction
59 130
Industrie de transformation
Industrie alimentaire et tabac
27 014
Industrie du textile et du cuir
26 050
Industrie chimique et parachimique
167 330
38 351
Autres industries manufacturières
y compris raffinage de pétrole
22 370
17 737
Industrie mécanique, métallurgique
et électrique
Électricité et eau
62 822
Bâtiment et travaux publics
Source : Ministère de l’Économie et des Finances.
Il faut rappeler que l’analyse comparative des parts des principaux secteurs
exportateurs de l’économie nationale dans la balance des paiements montre
que la filière textile-habillement vient en cinquième position avec une part
de 12 % après les transferts des MRE, le tourisme et les phosphates. Au titre
112
Profils sectoriels et émergence industrielle
de l’année 2016, le taux d’exportation sectoriel est de l’ordre de 63 % contre
16 % dans le secteur de l’industrie agro-alimentaire.
Graphique 7
Évolution des principaux soldes de la balance des paiements
Source : Ministère de l’Économie et des Finances.
Graphique 8
Taux d’exportation des secteurs en 2016 (en %)
Source : Ministère de l’Économie et des Finances.
La reprise des activités du textile et cuir aurait été essentiellement imputable
à la demande extérieure adressée aux produits de la branche. C’est ainsi que
les exportations des vêtements confectionnés et des chaussures sont améliorées
de 5,3 % et 2,6 % en 2016, profitant du raffermissement des importations de
l’Espagne et des États-Unis. Ces performances avaient porté la contribution
des ventes extérieures de la branche du textile et cuir à 16,7 % du total exporté
en 2016, contre une part moyenne de 17,6 % entre 2007 et 2010.
Textile-habillement
113
De leur part, les investissements dans la filière textile-habillement ont
atteint près de 4,1 milliards de dirhams en 2016 correspondant à 31 % du
total des investissements réalisés dans les industries manufacturières. Après
une chute de près de 42 % enregistrée entre 2008 et 2013, les investissements
de la filière ont progressé régulièrement entre 2014 et 2016 avec en nominal
un taux de croissance annuel moyen de 12 %. Quant au taux d’investissement
sectoriel (mesuré par le rapport entre l’investissement et la valeur ajoutée), il a
connu une progression de 9 % entre 2013 et 2016.
Graphique 9
Taux d’investissement sectoriel
Source : Ministère de l’Économie et des Finances.
En revanche, l’emploi de la branche serait resté en retrait. La reprise des
exportations n’aurait pas permis de réamorcer immédiatement de nouvelles
créations d’emplois. Concernant l’indice de la production industrielle (qui
mesure l’inflation tirée par les coûts du secteur), il a progressé de 192 % entre
2015 et 2016, à cause, d’une part, à la progression de la demande étrangère
et, d’autre part, au renchérissement des matières premières du secteur sur le
marché international.
Graphique 10
Indice de la production
25
20
15
2016
2015
2014
2013
10
5
0
Variation
– 5 d’ensemble
– 10
Produits des Produits de
industries l’industrie
alimentaires
textile
Produits
Produits Produits de Machines et
chimiques métalliques l’industrie
appareils
automobile électriques
Source : Ministère de l’Économie et des Finances.
114
Profils sectoriels et émergence industrielle
3. Diagnostic fonctionnel du secteur
A l’heure actuelle, l’ouverture et la libéralisation commerciales à l’échelle
internationale sont devenues irréversibles. La mondialisation croissante
de la production, rendue possible grâce à la décomposition des processus
productifs et à l’essor sans précédent de l’innovation technologique, a fait du
commerce extérieur un pilier central de la croissance et une source de richesse
incontournable.
En effet, l’évolution du commerce mondial au cours des dix dernières
années démontre une augmentation plus rapide des échanges internationaux,
progressant en moyenne annuelle au taux de 6,2 % contre 3,7 % pour la
production mondiale, ce qui témoigne de l’ouverture croissante des économies
et du succès des politiques mises en œuvre dans le cadre de l’OMC et/ou à
travers les accords commerciaux.
L’ouverture sur l’extérieur a toujours constitué pour le Maroc un choix
stratégique, jugé nécessaire pour dynamiser sa croissance et bénéficier des
apports des investissements étrangers en termes de transferts technologique
et de savoir-faire, de compétences en matière de gestion, d’organisation et
de créations d’emplois. Ce choix a été couronné par la signature d’accords
bilatéraux ou multilatéraux qui donnent droit à des réductions tarifaires ou
qui préconisent des arrangements commerciaux préférentiels.
Ces accords s’inscrivent dans le cadre des efforts déployés par le Maroc
visant à renforcer son ancrage à un environnement régional et international en
profonde mutation. Outre son adhésion à l’OMC en janvier 1995, le Maroc a
conclu des accords de libre-échange (ALE) avec l’Union européenne (1996), la
Zone arabe de libre-échange (1998), l’AELE (2000), l’Accord d’Agadir (2004),
la Turquie (2004) et les États-Unis (2005).
Cependant, il est à signaler qu’après principalement 2008, date du
déclenchement généralisé de la crise monétaire et financière, le secteur
exportateur national, principalement le textile-habillement, est intervenu dans
un environnement international marqué par d’importantes perturbations. Il
s’agit, en particulier, de l’instabilité des marchés financiers internationaux, des
déséquilibres sur le marché des changes, de la flambée des cours des matières
premières (dont les produits énergétiques et agricoles) et de l’apparition de
signes d’essoufflement de l’activité économique, notamment chez nos principaux
partenaires.
Textile-habillement
115
3.1. Principales contraintes de la filière
La filière du textile-habillement a connu structurellement différentes
difficultés impactant son offre compétitive. En effet, la surévaluation du taux
de change effectif réel, la volatilité de la parité euro/dollar et l’augmentation
des coûts de production (salaires, transport…) ont contribué à la détérioration
de la marge bénéficiaire des industries du textile-habillement.
D’autres contraintes liées à la fois à l’environnement des affaires
(réglementation de travail, adéquation entre la formation et les besoins
du marché, fiscalité locale…) et à l’environnement extérieur (accords de
libre-échange, accord de l’OMC…) ont agi davantage sur la position
concurrentielles de ces industries. Au niveau global, on rappelle que les
principales contraintes qui pèsent sur la compétitivité du secteur se présentent
comme suit :
– la compétitivité limitée de l’offre exportable marocaine ;
– l’offre sectorielle exportable peu diversifiée, trop rigide et peu élastique ;
– le renchérissement des importations à cause de la flambée de la facture
énergétique ;
– la concentration géographique des exportations sur l’UE ;
– la persistance des biais anti-exportation ;
– le système d’incitation et de promotion des exportations peu compétitif ;
– la structure du secteur caractérisée par une forte intensité de travail et
une faible technologie, ce qui le rend très sensible aux prix et globalement peu
dynamique dans la configuration du commerce mondial ;
– le retard accumulé en termes de modernisation des moyens de
production, de restructuration opérationnelle, d’intégration de la digitalisation
dans les processus de production et de développement de nouveaux créneaux
à l’exportation ;
– l’assurance à l’exportation est peu attractive ;
– l’absence de main-d’œuvre qualifiée ;
– l’hétérogénéité de la pénétration et de l’intégration aux marchés
extérieurs ;
– la faiblesse de la demande du marché intérieur ;
– le système d’incitation et de promotion des exportations peu compétitif ;
– la promotion des exportations souffrant de la multiplicité des intervenants
et se faisant à distance au lieu d’une action de proximité permettant le gain de
nouvelles parts de marché.
116
Profils sectoriels et émergence industrielle
Il est à rappeler que la déconnexion entre la dynamique des exportations
et l’emploi de la branche du textile et cuir a été, globalement, constante
depuis 2007. Cette situation est génératrice d’une forte divergence de la
microstructure productive dudit secteur : le nombre des entreprises qui
emploient moins de 6 personnes est supérieur à 51 %, tandis que celles ayant
une comptabilité organisée avec plus de 50 personnes n’excède pas 15,7 % (4).
En termes de composition des emplois, 70 % des actifs occupés ne
disposent pas d’une couverture médicale et sont principalement des actifs
saisonniers, occasionnels ou non rémunérés, et plus de trois employés sur
cinq ne disposent pas de contrat de travail. Au niveau micro, le secteur est
caractérisé par l’existence d’entreprises financièrement très fragiles et très
sensibles à la volatilité des coûts production.
3.1.1. Charges de personnel
Selon l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement
(AMITH), ces dépenses (y compris les masses salariales) constituent plus de
50 % de la valeur ajoutée du secteur. Il est à signaler que cette part est encore
plus importante dans certaines branches comme la confection. En dernier
lieu, ces dépenses contribuent à l’affaiblissement de l’avantage comparatif de
la sous-traitance basée notamment sur le coût de la main-d’œuvre du produit
marocain.
3.1.2. Charges de transport et de logistique
Les coûts de transport représentent en moyenne 10 % des charges globales
des entreprises du secteur. Les frais du transport maritime et les frais portuaires
sont jugés excessifs.
De même, la tarification et la fréquence des vols de la RAM n’assurent pas
toute la souplesse essentielle à l’activité des entreprises. Ces difficultés limitent
les initiatives de diversification des débouchés et la pénétration de marchés
lointains.
3.1.3. Dépenses énergétiques
Le coût de l’énergie est plus élevé que chez les principaux concurrents, ce
qui affecte des activités sensibles comme la filature, le tissage..., très sensibles à
la facture énergétique. Les révisions de la tarification de l’électricité industrielle
4. Haut-Commissariat au Plan (2014), « La hausse des exportations du textile a-t-elle soutenu
l’emploi de la branche en 2014 ? »
Textile-habillement
117
ont constitué un allègement des charges des entreprises du secteur. En relation
avec la libéralisation attendue du marché électrique, le prix de l’électricité s’est
aligné sur les prix des principaux concurrents.
3.1.4. Matières premières
Le secteur du textile-habillement reste caractérisé par la sous-traitance.
Cette dernière génère des difficultés dues au coût de la matière première sur le
marché international et en conséquence aux délais de livraison.
Cette situation plaide en faveur d’une intégration de la filière en
encourageant particulièrement les activités cotonnières.
3.1.5. Charges financières
Ces dépenses représentent en moyenne 20 % de la valeur ajoutée et sont de
ce fait une contrainte au développement du secteur. Plusieurs facteurs expliquent
la détérioration de la capacité financière des entreprises, dont notamment :
– la structure financière des entreprises caractérisée par le surendettement ;
– la substitution des crédits bonifiés à l’exportation par les crédits de
trésorerie, plus onéreux ;
– le coût relativement élevé des différentes lignes de crédit, en particulier
celles destinées aux petites industries.
3.1.6. Hétérogénéité des régimes fiscaux en vigueur
Bien que cette politique d’investissement bénéficie d’avantages fiscaux,
les entreprises principalement installées dans les zones franches demeurent
néanmoins soumises à une série de réglementations fiscales dont certaines sont
à rendement incertain et d’autres entraînent une double imposition en raison
de l’application de deux régimes, central et local.
3.1.7. Rareté des réserves foncières publiques dans les périmètres urbains
Le secteur est entravé par le renchérissement du prix des terrains,
l’épuisement des réserves foncières de l’État et des collectivités locales dans les
périphéries urbaines et le développement de filières irrégulières de production,
d’occupation et de gestion des terrains.
3.1.8. Faible contribution du système bancaire au financement du secteur
L’investissement marocain a contribué par le passé de manière très faible
au développement économique : les crédits d’investissement ne constituent
118
Profils sectoriels et émergence industrielle
que 10 à 15 % des crédits à l’économie contre près de 30 % dans les pays
industrialisés. Ainsi, les coûts et les garanties des crédits sont les principales
contraintes bancaires. Les conditions bancaires en termes de garanties et les
taux d’intérêt élevés sont un frein à l’accès au crédit bancaire.
3.1.9. Contraintes liées au code du travail et au système judiciaire
La législation du travail en vigueur fait l’objet de vives critiques, aussi
bien de la part des professionnels de la filière que de la part des syndicats. En
effet, cette législation présente plusieurs lacunes relatives au droit de grève,
aux barèmes des indemnités de licenciement, à la flexibilité du travail…
A ces lacunes s’ajoute le manque de visibilité dans les jugements rendus par
la justice, ce qui constitue une source psychologique de découragement des
investisseurs
3.2. Principaux atouts du secteur
Depuis son indépendance, le Maroc a déployé d’importants efforts pour
développer son tissu productif : mobilisation des ressources budgétaires,
engagement de plusieurs stratégies pour le développement du secteur privé,
mesures d’incitation matérielles ou immatérielles, encadrement et soutien des
prix, formation des compétences et des qualifications nécessaires, composante
essentielle à la conception et à la mise en œuvre des programmes de
développement des secteurs productifs.
L’État a ainsi mobilisé un budget très important pour la modernisation
de son secteur privé, notamment la branche du textile-habillement durant les
trois dernières années, en s’appuyant sur les principaux atouts suivants.
3.2.1. Proximité avec le marché intérieur de l’Union européenne
Grâce au partenariat avancé avec l’UE, concernant principalement le
secteur manufacturier, le Maroc est parmi les principaux exportateurs du
textile et de l’habillement vers la zone euro, à côté des exportations de fruits
et légumes (hors UE), de phosphates et dérivés et de produits manufacturés
(automobiles, électronique, etc.).
3.2.2. Montée en gamme et diversification
Depuis 2004, le Maroc a lancé plusieurs plans d’accélération et de
modernisation industrielle. Ces différentes stratégies ont permis au Maroc
de diversifier ses piliers de croissance non agricole. A titre d’exemple, le pays
vise dans le secteur d’automobile une intégration locale dépassant les 60 %
Textile-habillement
119
en 2020 pour optimiser la valeur ajoutée dans sa production. Grâce à son
attractivité, le Maroc attire de grandes multinationales, des sous-traitants dans
plusieurs domaines en plus du textile (aéronautique, automobile, offshoring,
électronique, etc.).
3.2.3. Diversification des débouchés à l’export notamment en Afrique
Face à la crise de la demande étrangère provenant principalement de
la zone euro, les autorités nationales sont conscientes de la nécessité de
prospecter d’autres débouchés dans les différentes régions où la demande
croît. L’approfondissement des relations du Maroc avec l’Afrique et son
adhésion à la CEDEAO permettront de profiter de la zone de libre-échange
et d’union douanière pour écouler ses produits du textile et de l’habillement.
3.2.4. Modernisation du climat des affaires
L’amélioration du climat des affaires constitue un objectif prioritaire pour
le gouvernement marocain. L’objectif principal recherché est la mise en place
d’une croissance économique forte et durable pour renforcer les orientations
nationales vers un pays plus démocratique et solidaire. Ces initiatives
ont permis la modernisation du cadre macro-économique d’ensemble,
l’assainissement continu de l’environnement des affaires et son efficacité,
conjugué à l’amélioration de l’image du Maroc à l’échelle internationale.
Le climat des affaires, notamment sa perception par les investisseurs, a été
placé au centre de cette dynamique de réformes, compte tenu de son rôle-clef
en matière de renforcement de la croissance économique et d’accélération du
processus de développement humain. Ainsi, outre l’adaptabilité progressive
de son cadre macro-économique, le climat des affaires marocain a connu une
profonde mutation de son cadre réglementaire et institutionnel visant son
rapprochement avec les normes et standards internationaux.
Alors que le climat des affaires marocain apparaît actuellement comme
l’un des climats les plus structurés et les plus performants de la région sudméditerranéenne, les nouveaux et les anciens défis conjugués qui s’imposent,
notamment en lien avec les engagements actuels et futurs dans le cadre
de la libéralisation, posent avec acuité la question de l’adaptation de cet
environnement aux exigences d’un climat mondialisé et concurrentiel,
imposant son adaptation continue pour relever les défis de la convergence.
120
Profils sectoriels et émergence industrielle
3.2.5. Un cadre global incitatif
Le 21 novembre 2008, le ministère des Affaires économiques et générales a
décidé d’examiner les conditions de mise en place d’un processus systématique
de type RAFA recensement/allègement des formalités ayant pour mission
l’amélioration du climat des affaires. L’objectif recherché est d’obtenir une
proposition de schéma institutionnel et procédural visant à déterminer,
classer, centraliser et améliorer l’efficacité des réformes.
Parallèlement, on a assisté à la création de la Commission nationale de
l’environnement des affaires (CNEA) qui marque la volonté du gouvernement
du Maroc d’institutionnaliser le processus de réforme de l’environnement
des affaires. La création de la CNEA a pour objectifs le renforcement de la
confiance des communautés des affaires, des investisseurs et des bailleurs de
fonds, l’implication réelle de tous les acteurs de l’environnement des affaires,
la simplification, la coordination et la bonne gouvernance des processus de
réforme et le développement d’une stratégie de communication visant à
sensibiliser les investisseurs nationaux et internationaux.
3.2.6. Modernisation du secteur des transports
Dans le but de consolider sa position concurrentielle à l’international
et réduire les coûts des échanges, le Maroc a mis en place une politique de
grands travaux visant la modernisation du secteur des transports : ports en
eaux profondes et intégralement connectés comme Tanger-Med, Jorf Lasfar,
Dakhla Atlantic, Casablanca Port, Nador West-Med, autoroutes, etc. Cette
stratégie a permis de gagner au moins 1 point de croissance au Maroc, sachant
que le commerce est une part importante de la croissance du secteur textilehabillement.
3.2.7. Stabilité politique
L’engagement de réformes pour la démocratisation de l’État et de
l’administration rassurent les marchés financiers. Cette stabilité permet la
soutenabilité de la notation de la dette marocaine par les agences financières et
permet d’attirer des investissements productifs. Le Maroc est une économie en
transition. Afin de consolider sa position dans un monde globalisé et combler
son retard en matière de développement humain, il lui faut assurer une
croissance forte. Pour cela, il doit mettre en valeur son important potentiel
humain. Le capital humain contribue au PIB, à hauteur de 19 %, et au
développement social.
Textile-habillement
121
Le secteur du textile et de l’habillement, principal moteur du secteur
manufacturier, dispose d’atouts majeurs qu’il convient de sauvegarder et de
perpétuer et qui le placent au centre des préoccupations des pouvoirs publics.
Il est l’un des systèmes les plus compétitifs de l’Afrique et du Moyen-Orient.
Il dispose de compétences humaines de haut niveau. Les enseignements tirés
de l’expérience marocaine en matière de politique sociale sont éloquents.
Dans ce cadre, on rappelle que le Maroc dispose d’atouts secondaires
potentiels pouvant moderniser le secteur et optimiser sa productivité. Ces
autres atouts sont les suivants :
– existence d’une forte demande sur le marché national ;
– stratégie de régionalisation avancée afin de maîtriser les disparités
régionales et sociales des secteurs productifs, notamment le textilehabillement ;
– maîtrise de dualisme sectoriel (un secteur qui accapare la grande part du
marché majoritaire et un secteur archaïque traditionnel qui vit sur le reste du
marché) ;
– coordination entre le secteur public et le secteur privé pour simplifier
les démarches administratives et faciliter la rentabilité des nouveaux
investissements.
Au niveau micro, on rappelle que le secteur dispose d’atouts opérationnels
qui rendent cette activité parmi les plus compétitives dans la région MENA
et qui se présentent ainsi :
3.2.8. Un cadre micro-sectoriel de plus en plus incitatif
– Une stratégie nationale concrète de l’offre marocaine du secteur
textile basée sur une politique d’incitations et un ensemble de mesures
d’encouragement à l’investissement à caractère fiscal, financier, juridique et
social.
– Un grand réseau d’accords de libre-échange avec l’Union européenne,
les États-Unis d’Amérique et le monde arabe.
– L’implémentation des plateformes industrielles d’investissement « P2I »
très avantageuses.
3.2.9. Réactivité de la production et de la livraison
Le secteur textile-habillement arrive de mieux en mieux à réduire les délais
de livraison vers l’Europe (soit un cycle compris entre deux et quatre semaines
(50 % de temps en moins que le cycle normal) en se basant sur la proximité
122
Profils sectoriels et émergence industrielle
géographique de l’UE. A titre d’exemple, le port Tanger-Med permet au
secteur du textile national d’être plus réactif, ceci grâce à :
– un dédouanement en moins d’une heure ;
– un espace dédié aux acteurs du textile ;
– un accroissement de la capacité de rotation des navires opérant dans le
port.
3.2.10. Une organisation sectorielle unifiée
Une organisation unifiée autour de l’association professionnelle AMITH
regroupant plus de 90 % des entreprises exportatrices du secteur et assurant la
communication entre les donneurs d’ordre et les investisseurs internationaux.
3.2.11. Une déontologie écologique et sociale
Une labélisation spécifique de mise en conformité sociale, dite « Fibre
citoyenne », distingue les acteurs du secteur respectant la réglementation en
vigueur en matière de gestion des ressources humaines et des conditions de
travail.
Conclusion
En conclusion, on rappelle que le secteur du textile au Maroc assure, à
côté des autres secteurs de l’industrie, le développement durable du secteur
industriel, dans la mesure où il crée de la richesse, génère de l’emploi, mobilise
l’épargne et stimule des effets d’entraînement sur d’autres industries. Il n’en
demeure pas moins qu’il connaît des difficultés et des paralysies entravant son
bon fonctionnement. En effet, le secteur du textile demeure caractérisé par
une forte concurrence internationale, alimentée par la pression des matières
premières et un déficit cumulé important de sa compétitivité.
Ainsi, dans le but de moderniser, dynamiser et développer le secteur
industriel en matière du textile et d’encourager l’investissement dans un
secteur catalyseur de valeur ajoutée, les autorités gouvernementales ont
formulé une série d’orientations stratégiques pour doubler à moyen terme la
production nationale et être plus compétitif sur le marché mondial. Elles ont
trait à :
– la promotion d’une nouvelle politique sectorielle qui s’appuie sur
l’élargissement du marché du textile en facilitant l’accès à de nouveaux
matériels, techniques et programmes dans le cadre du plan Émergence et des
zones d’aménagement progressif ;
Textile-habillement
123
– le développement de synergies entre les différentes parties intervenant
dans ce secteur ;
– la mobilisation des ressources à long terme ;
– la multiplication, la formation et l’implication des associations
professionnelles ;
– la rationalisation de la fiscalité et son adaptation aux conditions du
marché.
D’une manière générale, elles devront mettre en œuvre des actions pour
développer le tissu industriel du textile :
– encouragement l’industrie de substitution aux importations ;
– encouragement de l’implantation d’entreprises étrangères qui fabriquent
les produits importés (en suivant l’exemple du Sud-est asiatique) ;
– soutien à la PMI ;
– amélioration de l’environnement des entreprises.
Il faut souligner ici que la notion de « développement » affectée à cet
élément « compétitivité du textile national » ne renvoie aucunement à un
ordonnancement temporel de l’action ou à un classement prioritaire de
l’intervention privée sur tout le territoire national. Il s’agit tout simplement
d’un diagnostic opérationnel de l’impact escompté du secteur sur l’économie
nationale et de la compétitivité du secteur privé national dans son ensemble,
guidé principalement par le comportement environnemental de ses
entreprises.
Références bibliographiques
Haut-Commissariat au Plan (2014), « La hausse des exportations du textile
a-t-elle soutenu l’emploi de la branche en 2014 ? »
Institut de la Méditerranée (2005), « Rapport du FEMISE 2006 sur le
partenariat euro-méditerranéen », www.femise.org
Ministère de l’économie et des Finances, DEPF : « Rapport économique
et financier 2008 », www.finances.gov.ma/depf/depf.htm
Office des changes (2018), Rapport annuel, Commerce extérieur du Maroc.
Webographie
http:// http://www.oecd.org/
http:// http://www.hcp.ac.ma/
http://www.finances.gov.ma/
http://www.invest.gov.ma
CHAPITRE 3
Chimie et parachimie
Rajae El Moukhi
Introduction
L’industrie chimique marocaine date d’avant l’indépendance. C’est un
secteur à longue maturation, il a constitué l’un des piliers de l’industrie
marocaine et a bénéficié de l’affectation des ressources publiques, avec 53 %
de ces dernières depuis 1970. Il a joué aussi un rôle important dans le
redressement de la balance commerciale grâce aux exportations des engrais
phosphatés.
Jusqu’au terme du plan 1973-1977, le secteur des industries de
transformation a connu une progression régulière (3,7 % par an entre 1960 et
1967, 5,4 % entre 1968 et 1972) et même relativement rapide (6,1 %) dans
les années 1973-1977 caractérisées par un financement facile procuré par les
recettes phosphatées et les emprunts extérieurs, avec la prédominance de la
chimie et de la parachimie qui ont absorbé presque 40 % de l’investissement
total prévu pour 1973-1985.
L’évolution et la diversification des produits du secteur chimique et
parachimique ont permis de soutenir l’expansion des ventes extérieures.
Certes, le secteur a connu des périodes de déclin suite à la baisse de la demande
des produits du phosphate, cependant il reste primordial pour l’économie
marocaine et attire les investissements en continu vu son énorme potentiel
de développement. Il constitue un fort créneau de croissance puisqu’il est
au centre des exigences d’innovation, de respect de l’environnement et de
transfert de technologie afin de mieux s’insérer dans les chaînes de valeurs
mondiales.
C’est l’un des secteurs-clés de l’industrie marocaine. La chimie marocaine
réalise un chiffre d’affaires de 4,85 milliards de dollars US, comparé au chiffre
d’affaires mondial de 2 400 milliards de dollars US. Elle ne représente ainsi
que moins de 0,1 % de la chimie mondiale, alors que le Maroc représente plus
de 0,5 % de la population mondiale.
126
Profils sectoriels et émergence industrielle
Il complète plusieurs industries et se trouve au cœur du développement
de plusieurs filières : agro-alimentaire (emballage plastique, engrais et produits
phytosanitaires…), industrie paramédicale (médicaments, solvants…),
industrie du cuir et du textile…
Il est en plein passage d’une industrie axée sur les PME vers un secteur
plus structuré, bien réglementé et s’alignant sur les normes internationales.
Le présent chapitre s’articule autour de quatre points :
– un état des lieux du secteur, dont le volet réglementaire ;
– les principales caractéristiques des entreprises du secteur et une analyse
de leur évolution ;
– les principaux facteurs de changement du secteur ;
– les capacités émergentes du secteur, grâce à une analyse SWOT.
Il est à noter que les documents en rapport avec la thématique sont
difficiles à cerner, étant donné que les activités du secteur sont dispersées entre
différentes branches. La majorité des entreprises sont des PME, et l’informel
représente une part importante de l’activité du secteur.
1. État des lieux du secteur
Le secteur marocain de l’industrie chimique et parachimique existe depuis
plus de cinquante ans. Il était l’un des secteurs pionniers de l’industrie
marocaine jusque dans les années 90, où il a vu son activité se diversifier
et englober des activités liées à l’agriculture, à la fabrication de produits
alimentaires et de boissons, à l’emballage et aux matières plastiques, au
bâtiment et à la construction, aux biens de consommation et aux biens
ménagers, au secteur médical, pharmaceutique et cosmétique, à l’impression
et à l’édition…, ce qui le rend très hétérogène et fait que sa définition relève
presque du défi.
Selon le ministère de l’Industrie, le secteur compte quelque 2 000 entreprises
au Maroc, qui emploie directement plus de 45 000 personnes, génère plus
100 000 emplois indirects et rapporte non moins de 34 % du produit intérieur
industriel brut du pays. A première vue, ce secteur paraît très dynamique ;
cependant, seulement trente acteurs concentrent 80 % de son activité, dont
cinq grands groupes monopolisant 60 % du chiffre d’affaires du secteur et
employant 10 000 personnes :
– l’Office chérifien des phosphates ;
Chimie et parachimie
–
–
–
–
127
Procter & Gamble spécialisé dans les produits de soins et de beauté ;
Charaf Fertima, le spécialiste des fertilisants ;
le groupe minier Managem ;
Unilever, spécialisé dans les produits de grande consommation.
Ainsi, l’essentiel du secteur est constitué d’entreprises de petite taille,
moins structurées et ayant un effectif total inférieur à cinquante employés,
représentant environ 71 % de l’ensemble du secteur. Ceci dit, il ne faut pas
oublier la présence du secteur informel dont le poids n’est pas négligeable,
particulièrement dans certaines filières. A titre d’exemple, 30 à 40 % des
entreprises du secteur de la plasturgie évoluent dans l’informel et représentent
30 % des emplois.
Actuellement le secteur représente 16 % du PIB industriel national et
occupe une place de choix dans l’industrie et les politiques publiques du pays.
Ce secteur est composé à 69 % par les activités des phosphates et des engrais,
complétées par des activités telles que la peinture, les colles, le plastique ou
encore le verre.
Le secteur de l’industrie chimique et parachimique comporte sept soussecteurs, subdivisés en sous-branches, comme indiqué dans le tableau 1 page
suivante.
Au niveau de la réglementation, plusieurs ministères interviennent dans
la procédure d’octroi de l’autorisation d’exploitation, notamment ceux de
l’Équipement, de l’Industrie, de l’Intérieur, de l’Environnement... Le déficit
de gouvernance et le manque de concertation entre les organismes publics,
ministères impliqués et professionnels ont pour effet de rallonger les délais
d’obtention des autorisations d’exploitation, d’alourdir la procédure de mise
en conformité des industriels déjà établis et en phase de régularisation. De
deux mois réglementaires, certains industriels cumulent dix-huit mois de
retard.
La problématique de la réglementation des établissements classés et des
terrains industriels est un sujet important pour toute l’industrie marocaine.
L’État veut regrouper les industriels à Jorf Lasfar, seule zone industrielle
de première catégorie (correspondant aux activités classées « dangereuses »).
Cependant, les professionnels revendiquent le droit de choisir leur lieu
d’implantation, pourvu que l’entreprise y trouve son intérêt, ou encore
de répartir le risque sur le plan géographique pour le minimiser. Les
entreprises militent donc en faveur de l’amendement de la réglementation des
établissements classés.
128
Profils sectoriels et émergence industrielle
Tableau 1
Nomenclature des activités industrielles marocaines du secteur
des industries chimiques et parachimiques
Grands secteurs
de transformation
industrielle
Industries
chimiques et
parachimiques
Secteurs
Sous-secteurs
Cokéfaction, raffinage,
industrie nucléaire
Cokéfaction
Edition, imprimerie,
reproduction
Edition
Fabrication d’autres
produits minéraux non
métalliques
Fabrication de carreaux en céramique
Raffinage de pétrole
Imprimerie
Fabrication de ciment, chaux et plâtre
Fabrication de produits céramiques
Fabrication de produits minéraux divers
Fabrication de tuiles et briques en terre cuite
Fabrication de verre et d’articles en verre
Ouvrages en béton ou en plâtre
Travail de la pierre
Industrie chimique
Fabrication d’autres produits chimiques
Fabrication de fibres artificielles ou
synthétiques
Fabrication de savons, de parfums et de
produits d’entretien
Industrie chimique de base
Industrie pharmaceutique
Peintures et vernis
Produits agro-chimiques
Industrie du caoutchouc
et des plastiques
Industrie du caoutchouc
Industrie du papier et
du carton
Articles en papier ou en carton
Travail du bois et
fabrication d’articles
en bois
Fabrication de charpentes et de menuiseries
Transformation des matières plastiques
Pâte à papier, de papier et de carton
Fabrication de panneaux de bois
Fabrication d’emballages en bois
Fabrication d’objets divers en bois, liège ou
vannerie
Sciage, rabotage, imprégnation du bois
Chimie et parachimie
129
En pleine croissance sur le marché local, l’industrie de la chimie et de
la parachimie détecte de plus en plus d’opportunités à l’export, notamment
vers les marchés du continent. Le secteur comporte 15 filières (environ
2 419 entreprises). Les deux filières, industrie chimique de base et produits
agro-chimiques (engrais, pesticides et insecticides), sont en pleine progression,
avec les activités des phosphates et des engrais qui pèsent pour près de 70 %.
Le reste est réparti entre les filières peinture, colles et encres, plastique, verre…
2. Caractéristiques des entreprises du secteur
2.1. Performances économiques
Le secteur ICP ne peut se développer que là où il y a des richesses
minières, énergétiques et pétrolières. Or, il fait face à une insuffisance de
ressources, ce qui influence sa productivité et le rend dépendant des pays
étrangers : les industriels doivent satisfaire une grande partie de leurs besoins
en matières premières par l’importation. Les principaux fournisseurs sont les
pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique.
La production de l’industrie chimique et parachimique était absorbée
à 90 % par le marché national marocain, avec une nette évolution vers
l’exportation. Selon l’Office des changes, les valeurs des exportations du
grand secteur ICP, en 2010, montrent que le secteur de l’industrie chimique
et celui de la cokéfaction, du raffinage et des industries nucléaires sont plus
importants que les autres secteurs. Ils représentent respectivement 76 % et
13 % du total des exportations du grand secteur ICP.
Quant au secteur de l’industrie chimique, l’indice de la production
industrielle montre qu’il réalise la plus forte progression, de l’ordre de 115,9.
Cette situation est due en partie à l’Office chérifien des phosphates, qui
occupe une place prépondérante dans ce secteur, et aux entreprises du secteur
de l’industrie pharmaceutique, produisant essentiellement les médicaments
génériques destinés à l’export et satisfaisant 65 % des besoins du marché
national. Les principales destinations sont la France, l’Espagne, l’Italie, les
Pays-Bas, la Tunisie, la Turquie, etc. Bref, les pays d’Europe, du Maghreb,
d’Amérique et d’Afrique constituent les principaux débouchés du secteur.
2.1.1. Évolution de la production et des exportations
Le secteur a connu une évolution constante de la production et des
exportations depuis 1998, sauf en 2009 suite à la crise mondiale. Elles sont
passées respectivement de 59 999 et 13 332 en 1998 à 132 065 et 40 680 en
2015.
130
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 1
Évolution de la production et des exportations (en millions de dirhams)
Graphique 2
Évolution de la production par structure (en %)
Graphique élaboré à partir des données du HCP et du MCINET.
2.1.2. Évolution de l’investissement et de la valeur ajoutée
La valeur ajoutée connaît une évolution constante, sauf en 2009 où la crise
s’est fait sentir, enregistrant 27 911 millions de dirhams contre 57 321 millions
en 2015.
L’investissement, quant à lui, connaît une évolution assez fluctuante selon
les années. S’il a connu une croissance constante entre 1998 et 2009, il a
depuis enregistré des hauts et des bas. Il a atteint 20 484 millions de dirhams
en 2014, puis a chuté de 48 % en 2015.
Chimie et parachimie
131
Graphique 3
Évolution de l’investissement et de la valeur ajoutée (en millions de dirhams)
Source : Annuaires statistiques de l’HCP sur données du MCINET.
2.2. Évolution des entreprises
Entre 1985 et 2014, les industries chimiques et parachimiques se placent
en tête de liste, avec plus de 28 % des créations d’entreprises dans l’industrie
de transformation. Étant donné la prédominance des petites et moyennes
entreprises, les sous-secteurs sont monopolisés par quelques grands groupes.
2.2.1. Office chérifien des phosphates (OCP)
Le groupe est leader dans la chimie des phosphates, car il est le premier
producteur et exportateur mondial de roche de phosphate et d’acide
phosphorique. Il est aussi l’un des plus grands producteurs d’engrais au
monde. Ses activités représentent 52 % du chiffre d’affaires du secteur, 90 %
des exportations, 67 % des investissements et 22 % des emplois. Créé en
1920, il compte aujourd’hui plus de 30 filiales et joint-ventures, près de
21 000 collaborateurs et 48,5 milliards de dirhams de chiffre d’affaires. Avec
plus de 160 clients, l’OCP est présent sur tous les continents.
Graphique 4
Part des continents dans les exportations de l’OCP
Afrique
Amérique du Sud
Amérique du Nord
Europe
Asie du Sud et de l’Ouest
Océanie
Asie de l’Est
132
Profils sectoriels et émergence industrielle
Avec 4 sites à Khouribga, 3 à Gantour, et 1 à Boucraâ, le groupe produit
essentiellement 3 produits regroupant les 3 étapes de la chaîne de valeur :
– la roche phosphatée, avec la production de 32,8 millions de tonnes (Mt)
et l’exportation de 11,1 Mt ;
– l’acide phosphorique, avec la production de 5,7 Mt et l’exportation de
1,9 Mt ;
– les engrais phosphatés, avec la production de 8,6 Mt et l’exportation de
8,1 Mt.
Le groupe consacre un investissement continu dans la recherche et le
développement avec près de 200 milliards de dirhams et fait de l’Université
Mohammed VI Polytechnique un pôle de recherche et d’excellence et un
incubateur d’idées et d’innovation.
Les sites d’expérimentation de l’Université Mohammed VI Polytechnique
sont aujourd’hui au centre des programmes de recherche. Ils nouent des
partenariats et des liens innovants avec son écosystème, en impliquant de
manière nouvelle les collaborateurs et en associant de nombreux partenaires
externes : PME, start-up, centres de recherche, communautés d’innovation,
permettant ainsi aux chercheurs des universités partenaires de tester des
solutions à échelle réelle dans des domaines-clés.
2.2.2. Industrie pharmaceutique
L’industrie pharmaceutique marocaine est la deuxième activité chimique
du Maroc. Créée à l’Indépendance, elle a plus de cinquante ans d’existence
et est réputée être au stade européen au niveau de la normalisation.
Classé en 2e position après l’Afrique du Sud, son chiffre d’affaires a atteint
15 milliards de dirhams en 2017, ce qui lui a permis de satisfaire 60 % de
la demande intérieure. L’industrie est à l’origine de plus de 50 000 emplois
directs et indirects et réalise entre 1 % et 2 % du PIB national. Elle compte
46 laboratoires, avec une concentration géographique dans la région du
Grand-Casablanca avec 32 entreprises, 50 distributeurs-grossistes et environ
11 000 pharmacies d’officine.
Le secteur est fortement réglementé dans tous ses aspects, notamment la
création, le fonctionnement et le contrôle des établissements pharmaceutiques
industriels, les mises sur le marché et les prix des médicaments. Il est régi par
la loi 17-04 portant sur le code du médicament et de la pharmacie, adopté
en 2006. Cette réglementation est très rigoureuse et comparable à celle
des pays à industrie développée et structurée, ce qui a permis aux produits
pharmaceutiques marocains de s’exporter facilement en Europe, notamment
Chimie et parachimie
133
la France et l’Allemagne, en Amérique du Nord et même en Afrique, en Asie
et dans les pays arabes.
Les laboratoires au Maroc sont répartis en trois catégories :
– les filiales de multinationales ne disposant pas de site de production sur
place ;
– les entreprises mixtes qui sont des filiales de multinationales tout en
fabriquant leurs propres médicaments ;
– les entreprises marocaines fabriquant leur propre palette de médicaments
génériques.
Le secteur a un taux d’encadrement de 30 %, une exportation de 10 % de
la production locale et 700 milliards de dirhams d’investissement annuel ; il
produit 34 % de valeur ajoutée, soit 4,6 milliards de dirhams. Le secteur ne
cesse d’attirer les investissements, de booster le secteur avec plus de transfert
de technologie et d’innovation, puisque le secteur s’ancre très bien dans les
chaînes de valeur mondiales.
2.2.3. Autres groupes
• Ynna Holding
Avec ses deux entreprises :
GPC (Gharb Papier et Carton). Créée en 1992 à Kénitra, l’entreprise est
destinée à la fabrication de tous les types d’emballage en carton ondulé, avec
actuellement trois unités de production implantées respectivement dans les
régions du Gharb, de Souss Massa Drâa et du Grand Casablanca. Elle répond
aux besoins des secteurs industriels (huiles, sucres, boissons, produits laitiers,
céramique, textile et cuir, électroménager, etc.) et des secteurs agricoles.
En 2005, GPC devient la plus grande unité de fabrication de carton
ondulé en Afrique grâce à sa nouvelle unité. Elle s’est également engagée dans
une démarche de qualité et d’innovation qui lui a valu d’être certifiée ISO
9001 en décembre 2003.
Quelques chiffres-clés :
– 500 millions de dirhams d’investissements pour GPC Mohammedia ;
– 500 emplois permanents ;
– 150 000 tonnes de capacité de production annuelle ;
– un demi-million d’emballages transformés chaque jour à la sortie de
l’onduleuse ;
– 400 millions d’emballages vendus depuis 2003.
134
Profils sectoriels et émergence industrielle
SNEP (Société nationale d’électrolyse et de pétrochimie). Créée en 1973
et acquise par Ynna Holding en 1993, la SNEP détient plus de 90 % de parts
de marché dans le secteur du PVC au Maroc.
Producteur leader de compound, de soude, de chlore, d’eau de javel et
d’acide chlorhydrique, la SNEP est également le seul producteur national de
matière plastique, agissant dans différents domaines d’activité :
– BTP ;
– irrigation ;
– adduction d’eau potable et assainissement ;
– détergence et hygiène domestique et industrielle ;
– traitement des eaux ;
– industrie agro-alimentaire.
La SNEP est certifiée ISO 9001 V2008, ISO 14001 V2004 et OHSAS
18001 V2007. Elle adhère à la charte Responsible Care et enregistre ses
produits (PVC et soude) selon la réglementation Reach.
L’entreprise exporte ses produits en Angleterre, en Espagne, au Portugal, en
Égypte, en Tunisie et en Afrique subsaharienne. Depuis février 2016, la CGEM a
décerné à la SNEP le Label CGEM pour la Responsabilité sociale de l’entreprise.
Première entité d’Ynna Holding à être introduite à la bourse de
Casablanca en 2007, la SNEP est engagée dans une démarche de préservation
de l’environnement qui lui a permis d’être distinguée par le premier prix pour
la protection de l’environnement dans le cadre du programme allemand GTZ.
• Atlas peinture
Spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de résines
et de peintures, Ben Hadj Frères est présente sur le marché depuis plus d’un
demi-siècle dans le domaine du bâtiment, de la carrosserie et de l’industrie.
Certifiée ISO 9001 version 2008, l’entreprise dispose :
– d’une unité de production nouvelle génération, assurant 50 000 tonnes
par an ;
– d’une logistique aux standards internationaux ;
– d’un parc automobile dynamique et réactif ;
– d’un système d’information 100 % intégré, performant avec interface
accessible aux clients ;
– d’un capital humain composé de plus de 300 hommes et femmes formés
aux divers métiers de la chimie et parachimie, du commerce et de la logistique ;
– d’un département Recherche & Développement afin de répondre au
mieux aux exigences de ses clients.
Chimie et parachimie
135
• Managem
Le groupe est à vocation minière essentiellement et opère depuis quatrevingt-dix ans au Maroc et a l’international. Avec 21 unités industrielles et
5 660 collaborateurs, il a réalisé 5,2 milliards de dirhams de chiffre d’affaire
en 2017.
Le groupe suit une stratégie d’innovation continue et dispose d’un centre
de recherche datant de vingt ans.
D’autres entreprises monopolisent le sous-secteur où elles opèrent, comme
Sevam pour le verre ou Procter & Gamble Maroc pour les produits de beauté,
etc. Tous ces groupes sont en pleine évolution, additionnent responsabilité
sociétale, innovation et recherche pour se développer en continu et faire face
à un environnement de plus en plus exigeant sur le plan de la concurrence
économique, industrielle et environnementale.
2. Facteurs de changement du secteur
L’industrie chimique et parachimique marocaine (ICP) est l’un des
secteurs-clés de l’industrie nationale. Pour favoriser la synergie en son sein,
plusieurs mesures ont été entreprises.
2.1. Fédération de la chimie et de la parachimie (FCP)
Créée en 1993, elle compte parmi ses membres des entreprises du secteur
de la chimie et de la parachimie, privées ou publiques, marocaines ou filiales
de groupes étrangers, installées au Maroc. En plus de ses sociétés adhérentes,
la Fédération regroupe aussi cinq associations professionnelles :
– l’AMIP : l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique ;
– l’AMIPEC : l’Association marocaine des industries de peintures,
d’encres, de colles et d’adhésifs ;
– l’AMGIM : l’Association marocaine des gaz industriels et médicaux ;
– l’AMOD : l’Association marocaine des opérateurs de détergent ;
– la CROPLIFE-Maroc : l’Association marocaine des négociants,
importateurs et formulateurs de produits phytosanitaires.
Plusieurs objectifs lui ont été assignés, parmi lesquels l’accompagnement
de ses membres à la mise en conformité avec la réglementation ou le règlement
de la problématique du foncier... Cependant, même vingt-six ans après
sa création, les choses piétinent toujours : multiplication des intervenants,
allongement des délais, manque de concertation entre organismes publics…
136
Profils sectoriels et émergence industrielle
2.2. Les écosystèmes
Quant à l’accompagnement prévu pour les acteurs des écosystèmes, il
s’adapte parfaitement aux besoins et attentes des opérateurs et vise :
– l’appui à l’investissement, à travers le Fonds de développement industriel
(FDI), à un taux variant entre 15 et 30 % du montant global investi ;
– l’appui à la compétitivité des TPME et auto-entrepreneurs ;
– l’accompagnement des entreprises pour la conclusion de contrats de
performance ;
– l’accès au foncier à prix attractifs (39,6 hectares et 60 hectares réservés
respectivement aux écosystèmes « chimie organique » et « chimie verte ») ;
– l’attraction d’industriels internationaux de rang 1 pour accélérer le
développement des écosystèmes ;
– la mise en place d’une offre de formation au profit des 12 430 futurs
emplois directs générés par le secteur de la chimie à l’horizon 2020. Elle
sera déployée au niveau des établissements de formation professionnelle et
en ingénierie (OFPPT, École Mohammadia d’ingénieurs, École Hassania des
travaux publics, École nationale de l’industrie minérale) dont la capacité de
formation, en génie des procédés notamment, sera augmentée ;
– l’accès au financement bancaire à travers le développement d’une offre
intégrée dédiée aux financements d’investissement et d’exploitation ;
– l’accompagnement des industriels à la conclusion de conventions avec
la Moroccan Foundation for Advanced Science, Innovation and Research
(MAScIR) en vue de leur faciliter l’accès à la R & D.
Une convention-cadre de partenariat pour le développement des
écosystèmes industriels dans le secteur des phosphates a été signée le
2 avril 2014 entre le ministère de l’Économie et des Finances, le ministère
de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, le ministère de
l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique
et l’Office chérifien des phosphates. L’objet de cette convention-cadre est le
développement de filières industrielles de valorisation du phosphore dans le
giron de l’OCP, entreprise locomotive dans le domaine.
Le 17 décembre 2015, deux contrats de performance ont été conclus
entre les ministères en charge de l’Industrie, des Finances et la Fédération
de la chimie et parachimie afin d’accompagner le déploiement de deux
écosystèmes structurés à ce jour, dans les filières de la chimie verte et de la
chimie organique.
Chimie et parachimie
137
Ces deux premiers écosystèmes, qui n’englobent pas les activités de l’OCP,
contribueront d’ici 2020, à :
– créer 12 430 nouveaux emplois directs stables et 20 570 emplois indirects ;
– générer un chiffre d’affaires additionnel de 14,6 milliards de dirhams ;
– générer une valeur ajoutée additionnelle de 3,8 milliards de dirhams ;
– générer un chiffre d’affaires à l’export additionnel de 9,8 milliards de
dirhams.
2.3. Le potentiel scientifique et technologique
Les activités de recherche et d’innovation relatives au secteur des
industries chimiques et parachimiques sont menées essentiellement dans les
établissements universitaires, les centres de recherche publics et, dans une
moindre mesure, dans les entreprises puisque la majorité fait partie des PME.
Le Maroc dispose d’un potentiel scientifique et technologique important
dans les domaines de la chimie et des secteurs connexes : enseignants
chercheurs, laboratoires, platesformes technologiques, centres techniques,
réseaux thématiques et pôles de compétences…).
2.3.1. La recherche industrielle
Les entreprises du secteur sont condamnées à s’engager dans le renforcement
de leur capacité d’innovation et de R&D, car malgré les initiatives engagées,
les efforts restent insuffisants tant au niveau des financements consacrés à
la R&D pour l’innovation en interne qu’au niveau des partenariats avec les
centres de compétences nationaux (universités et centres de recherche).
Les enquêtes réalisées par R&D Maroc montrent que peu d’entreprises
de la chimie et parachimie conduisent des activités d’innovation de façon
continue. On peut citer l’OCP, Atlas Peinture, Managem, Procter & Gamble…
2.3.2. La recherche publique
La recherche publique est essentiellement menée dans les universités et
les grandes écoles qui assurent, à travers plus d’une centaine de filières en
rapport avec les métiers de la chimie, la formation des cadres. Le potentiel de
chercheurs dans les secteurs de la chimie, chimie physique, chimie biologique
et génie chimique s’élève à 1 300 environ (972 enseignants-chercheurs et
328 doctorants). Ces chercheurs sont de plus en plus organisés en équipes,
laboratoires et centres de recherche et en pôles de compétences.
Ces structures sont nécessaires pour asseoir un socle et un réseau de
recherche et d’expertise avec lesquels les entreprises pourraient établir des
relations pour le développement de leurs projets d’innovation.
138
Profils sectoriels et émergence industrielle
Le secteur chimique est très hétérogène et regroupe des activités, du savoirfaire et des marchés finaux très différents ; en conséquence, il nécessite des
stratégies d’approche par activités pour sa structuration et sa promotion.
De ce fait, le ministère de l’Industrie mise sur plusieurs mesures d’aide et
d’accompagnement aux entreprises de toutes tailles :
– appui aux écosystèmes du secteur ;
– Fonds de promotion des investissements (FPI) ;
– Fonds Hassan II pour le développement économique et social ;
– incitations fiscales ;
– accompagnement des PME ;
– statut de zone franche.
3. Analyse des tendances et des capacités émergentes du secteur
Graphique 5
Analyse SWOT
• Secteur complétant plusieurs industries
• 1er producteur de phosphate dans le
monde
• Ressources faibles, importation de
l’extérieur
• ALE donnant lieu à une forte concurrence
• Type de management : PME, PMI
• L’industrie pharmaceutique classée
deuxième sur le continent
• Plan d’accélération industrielle 2014-2020
• Fort potentiel de développement
• Partenariat public-privé
Forces Faiblesses
Opportunités Menaces
• Plateforme à l’étranger, surtout Afrique
• Ecosystèmes : chimie verte, chimie
organique
• Possibilité d’évolution de plusieurs
produits dont le niveau de complexité est
plus élevé
• Présence étrangère significative
• Débouchés limités
• Dépendance de 85 % vis-à-vis de
l’extérieur pour l’approvisionnement en
matières premières
• Piège des économies à revenu
intermédiaire
Chimie et parachimie
139
L’industrie chimique et parachimique marocaine possède de nombreux
avantages, tel son ancrage avec plusieurs secteurs importants de l’économie.
Un positionnement qui la met au centre des intérêts des investisseurs et de la
politique industrielle pour l’amélioration et le développement du secteur, grâce
notamment au plan d’accélération industrielle 2014-2020 et aux partenariats
public-privé.
Malgré la conjoncture internationale difficile à laquelle le Maroc a dû faire
face, les deux sous-secteurs du phosphate et de l’industrie pharmaceutique ne
cessent de se développer, de se hisser dans la chaîne de valeur mondiale, afin
de tirer le pays du piège des pays à revenu intermédiaire, dont la sortie est
un processus long et compliqué, nécessitant une vraie synergie entre volonté,
travail de terrain acharné et bien structuré entre les différents acteurs, afin de
renforcer sa capacité d’innovation et de R&D.
Certes, l’industrie chimique a un fort potentiel de développement, mais le
pays reste très dépendant de l’extérieur, surtout pour son approvisionnement
en matières premières indispensables à la pérennité du secteur et à son bon
fonctionnement.
Un autre point essentiel est le type de management des entreprises du
secteur : plus de 70 % des entreprises sont de petite et moyenne taille, ce qui
constitue le point faible du secteur. Leur gestion et production restent très
limitées, et peu de produits sont aujourd’hui exportés et très peu d’entreprises
sont exportatrices. Ce qui rend le secteur très fragile face à une concurrence
rude. Les accords de libre-échange que le Maroc a signés avec ses différents
partenaires le mettent dans une situation très délicate, voire dans une impasse
pour honorer ses promesses à leur égard et aider son secteur interne à se
développer.
Au final, le Maroc a la chance de continuer à attirer l’attention des autres
pays et de constituer une plateforme incontournable vers l’Afrique, la destination
de tous les nouveaux investissements mondiaux vu l’énorme potentiel de
développement de la région. Il doit poursuivre son processus d’amélioration,
d’investissement dans l’innovation pour assurer le développement de ses
produits, améliorer la compétitivité et la productivité de ses opérations et faire
face à une réglementation de plus en plus complexe (REACH par exemple).
Conclusion
L’industrie chimique et parachimique marocaine est en mesure de
contribuer fortement à la pérennisation de la croissance de l’industrie
marocaine en rééquilibrant ses échanges internationaux par une croissance
140
Profils sectoriels et émergence industrielle
basée sur le développement des exportations, la consommation nationale, le
respect de l’environnement et la réduction du ratio entre les importations du
secteur et ses exportations.
Dans le cadre d’une stratégie sectorielle de développement axée sur l’export,
l’industrie chimique marocaine devra continuer à tirer profit des avantages
accordés par ses partenaires et se positionner comme une plateforme régionale
dans le domaine de la chimie et de la parachimie, surtout avec le marché
africain, qui est en plein essor et qui attire de plus en plus d’investissements
vu son potentiel de croissance : moins de 2 % de la chimie mondiale, 17 % de
la population mondiale.
Références bibliographiques
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au Maroc », European Scientific Journal, March 2018 edition, vol. 14, n° 7.
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et Techniques, Actes de la session plénière solennelle, 16-17-18 mars 2011.
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Boumediene S. et Grouix-Monvoisin R., la Chimie au Maroc, Chambre
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HCP, le Maroc en chiffres, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010,
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Webographie
www.mcinet.gov.ma
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Chimie et parachimie
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https://industries.ma/chimie-et-parachimie-un-secteur-en-passe-de-se-realiser
https://veillechimie.imist.ma/index.php/source-utiles/302-focus-sur-lesecteur-national-de-l-industrie-chimique-et-parachimique
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http://www.policycenter.ma/publications/la-strat %c3 %a9gie-industrielle2014-2020-du-maroc-et-ses-implications-potentielles-sur-le
https://www.leconomiste.com/article/1015172-chimie-parachimie-lindustrie-veut-faire-activer-les-synergies
https://industries.ma/chimie-et-parachimie-un-secteur-en-passe-de-se-realiser/
CHAPITRE 4
Mécanique et métallurgie
Safae Akodad, Hicham Goumrhar et
El Houcine Khettar
Introduction
Le Protectorat a légué au Maroc un modèle de croissance agro-minier à
dominance primaire. Dans l’euphorie des premières années de l’indépendance,
le Maroc avait fait de l’industrialisation l’épicentre du régime d’accumulation
et l’avait considéré, dans le premier plan 1960-1964, comme une priorité
à côté de l’agriculture pour mettre en place un modèle de développement
auto-entretenu. Ainsi, le développement de l’industrie lourde et de base,
prévue par ce plan, était conçu notamment autour des branches de l’industrie
sidérurgique, métallurgique et mécanique. Le secteur regroupant ces branches
a été considéré comme une locomotive qui devait entraîner tout le processus
de l’industrialisation lourde.
Dans cette perspective, les pouvoirs publics avaient prévu d’entamer ce
processus par la création d’un complexe (1) sidérurgique à Nador, conçu
sous la forme d’une base industrielle qui devait donner lieu à un pôle de
développement régional. L’idée d’essaimer ce genre de projet d’industrialisation
de base a été promue dans l’objectif de « booster » la diversification industrielle
et sortir de la spécialisation primaire héritée du protectorat et centrée sur
l’agro-alimentaire et sur les industries d’extraction et chimique. Le choix de
commencer un tel processus par la construction d’un complexe métallurgique
d’envergure a été bien argumenté dans le plan 1960-1964, en mettant en
exergues trois avantages importants : (i) un complexe technologiquement
avancé par rapport aux sidérurgies concurrentes dans le monde ; (ii) un coût
relativement peu élevé (des compagnies ont offert des possibilités intéressantes
1. Ce complexe, dont l’étude réalisée par le BEPI, a été présenté dans l’esprit du plan 19601964 comme un exemple-type pour d’autres grands projets industriels qui devaient se greffer
dans d’autres régions du Maroc.
144
Profils sectoriels et émergence industrielle
pour la construction du complexe) ; (iii) un projet qui pouvait profiter d’un
marché maghrébin et africain important (2).
A partir de 1961 puis avec la révision du plan 1960-1964, le projet
global d’un complexe sidérurgique a été abandonné (3). Ainsi, la branche de
l’industrie sidérurgique et métallurgique ne sera pas au centre de l’idée d’une
industrialisation lourde et de base, que ce soit au niveau de sa capacité de
production ou de sa complémentarité avec les autres branches industrielles.
Depuis, les pouvoirs publics considèrent cette branche comme de simples
unités de production (4).
Dès 1965, sous l’effet de la politique économique édictée par les pouvoirs
publics dans le cadre des plans 1965-1967 et 1968-1972 reléguant le secteur
industriel au troisième rang des priorités de développement après l’agriculture
et le tourisme, les industries mécaniques et métallurgiques (IMM) ont
commencé à connaître une stagnation. A ce moment, seules les industries
agro-alimentaires ont continué à croître, et ce dans l’objectif d’accompagner
le secteur agricole retenu à la base du modèle de croissance depuis la fin
des années 60. De ce fait, les IMM n’ont pas connu la diversification et la
croissance qu’on leur avait assignées au début des années 60 (5).
En outre, à partir des années 70, les branches des industries mécaniques
et électriques (6) ont été développées autour de la Société des industries
mécaniques et électriques de Fès, SIMEF, créée en 1962 dans l’idée de
développer une industrie d’armement (deux unités industrielles, une
2. Khachani M. (1982), « État et politique industrielle : le cas du projet sidérurgique de
Nador », in H. El Malki (éd.), État et développement industriel au Maroc, Casablanca, Editions
maghrébines.
3. Il faut attendre 1974 pour que la SONASID soit créée en lieu et place d’un complexe
industriel à Nador, et 1984 pour qu’elle commence la production, avec des capacités moins
importantes que celles prévues au départ.
4. Délégation générale à la Promotion nationale et au Plan (1965), Plan triennal 1965-1967,
Division de la Coordination nationale et du Plan, Rabat.
5. Ministère du Plan (1990), les Caractéristiques principales du plan d’orientation 1988-1992,
Archives CND, HCP, Maroc.
6. Le développement des industries mécaniques et électriques au détriment des industries
métallurgiques à cette époque était la conséquence d’un changement dans la vocation
industrielle du Maroc, liée, en premier lieu, à la promotion d’une industrie légère et à
l’abandon de l’idée d’une industrie lourde. Ceci étant, même au vu du développement d’un
tissu des IMM dans les années 70, ce secteur n’a pas pu se hisser au même rang que les
industries agro-alimentaires et les industries chimiques et parachimiques, que ce soit au niveau
de la production ou de l’emploi. Ces derniers secteurs ont constitué l’apanage de l’industrie
au Maroc sur la longue période jusqu’à aujourd’hui.
Mécanique et métallurgie
145
cartoucherie et une manufacture d’armes), mais qui a changé d’activité en
1971 pour se consacrer uniquement au montage de moteurs de motocycles
diesel et de motopompes (7).
Après la création en 1974 de la SONASID, le tissu de l’industrie
métallurgique s’est renforcé en 1975 avec la création de Maghreb Steel,
et par bien d’autres entreprises familiales de petite et moyenne taille, telle
LONGOFER créée en 1986. Depuis, ce secteur ne connaîtra un renforcement
de son tissu industriel et de ses capacités de production qu’à partir du début
des années 2000, qui a vu la création de grands groupes de la métallurgie
(Univers Acier, Ynna Steel, Moroccan Iron Steel, Somasteel…).
Durant la dernière décennie, le secteur des industries mécaniques
et métallurgiques a acquis une place importante dans le tissu industriel
marocain grâce notamment à la fabrication de biens d’équipement et à
la mise en place d’infrastructures industrielles. Les IMM ont connu une
augmentation de leur taux d’investissement de 23 % entre 2000 et 2007 à
36,1 % entre 2008 et 2016. Leur part dans l’emploi industriel a augmenté de
manière significative, passant de 10,4 % à 18,1 % sur les mêmes périodes, de
même que l’évolution de son taux d’exportation, passant de 12,3 % 23,8 %
sur la même période (8).
Dans le cadre de la présente étude sectorielle, nous analyserons, dans un
premier temps, les principales caractéristiques des industries mécaniques et
métallurgiques à partir de l’évolution des indicateurs-clés du secteur, dans un
deuxième temps, nous présenterons les principaux facteurs de changement
des IMM, dont on distinguera classiquement les facteurs externes et les
facteurs internes. Enfin, une attention particulière sera accordée aux capacités
émergentes du secteur à la base d’une analyse SWOT.
1. Principales caractéristiques du secteur
Les principaux repères historiques ont permis de situer les industries
mécaniques et métallurgiques dans la longue histoire productive du Maroc.
Ainsi, les secteurs d’anciennes spécialisations et les secteurs de nouvelles
spécialisations sont clairement distingués. Aujourd’hui, les IMM jouent un
rôle stratégique dans l’industrie nationale à travers notamment la fabrication
de biens d’équipement et la mise en place d’infrastructures industrielles. De
ce fait, l’étude des principaux indicateurs de performance des entreprises
7. Fejjal A. (1986), « Industrie et industrialisation à Fès », Méditerranée, p. 63-74.
8. Chiffre du Ministère de l’Économie et des Finances, 2019.
146
Profils sectoriels et émergence industrielle
du secteur et l’analyse de leur évolution permettent de produire un retour
critique sur la mise en place de cette impulsion politique et sur ses retombées
à plus ou moins court terme.
1.1. Une industrie à haute valeur ajoutée avec un faible degré de
transformation
La valeur ajoutée dans le secteur des industries métallurgiques et
mécaniques s’est inscrite dans une tendance haussière sur la période 20002017, pour atteindre environ les 38 milliards de dirhams en 2017, soit un
niveau deux fois supérieur à celui des années 2000, grâce à une demande
croissante et à une intégration plus profonde dans la chaîne de valeur
mondiale.
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Graphique 1
Évolution de la valeur ajoutée du secteur sur
la période 2000-2017 (en millions de dirhams)
Source : Calculs des auteurs à partir des données du ministère de l’Industrie et du Commerce et du
ministère de l’Économie et des Finances.
Le taux de transformation, représentant la part de la valeur ajoutée dans
la production, a enregistré une baisse depuis les années 2000. Il est passé de
31,6 % en 2000 à 19,03 % en 2016 (9), ce qui montre clairement que le
secteur des IMM produit plus mais génère moins de valeur ajoutée.
Cette progression insuffisante de la valeur ajoutée dans le secteur découle
des contraintes pesant toujours sur la productivité et qui sont en relation,
entre autres, avec l’environnement économique des entreprises, notamment le
coût des facteurs de production (capital humain, financement, infrastructures
9. DEPF (2019), « Tableau de bord sectoriel de l’économie marocaine ».
Mécanique et métallurgie
147
et matières premières), le contexte institutionnel de l’investissement et les
conditions macroéconomiques vis-à-vis du secteur. Le graphique ci-dessous
illustre l’évolution de ce ratio entre 2000 et 2016, période qui a vu la mise en
œuvre des stratégies industrielles.
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Graphique 2
Évolution de la part de la valeur ajoutée dans la production (en %)
Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF 2019.
Bien que les nouvelles approches industrielles adoptées – le plan
Émergence I en 2005 suivi du Pacte national pour l’émergence industrielle
lancé en 2009 et du Plan d’accélération industrielle 2014-2020 – aient
dynamisé le secteur industriel, en particulier les MMM, elles n’ont pas induit
les changements structurels attendus en termes de création substantielle de
valeur ajoutée et d’emploi.
1.2. Un recul relatif en termes de production et d’investissement
Au cours de la période 2000-2007, l’indice de la production industrielle
des IMM (base 1998) a connu une progression annuelle moyenne de 0,6 %,
passant de 4,9 % à 8,3 % en 2007 grâce, notamment, à l’amélioration
du potentiel des exportations et à l’évolution positive du niveau des
investissements spécifiques à ce secteur (10).
Cependant, la récession mondiale a eu un impact négatif sur les IMM,
entraînant une diminution significative de l’indice de la production. En effet,
depuis 2007, cet indice est beaucoup plus volatil, accusant des diminutions
plus marquées résultant, en partie, du taux d’effort à l’investissement dans ce
secteur.
10. DEPF, 2019.
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Graphique 3
Évolution de l’indice de production du secteur (2000-2017)
Source : DEPF 2019 (base 100 = 1998).
Les IMM ont connu une certaine progression de leurs niveaux
d’investissement au cours de la période 2007-2011, atteignant un taux d’effort
à l’investissement de 65,5 % en 2011 grâce au lancement du Plan Émergence
en 2009. Toutefois, à partir de 2011, l’effort à l’investissement a nettement
fléchi pour stagner à un taux moyen de 12,7 % depuis 2014, malgré les efforts
de relance (Plan d’accélération industrielle 2014-2020). Si le secteur des IMM
joue un rôle majeur dans l’industrie marocaine, il a décliné en raison de sa
fragilité structurelle et de la conjoncture mondiale défavorable.
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Graphique 4
Évolution du taux d’effort à l’investissement dans les IMM (2000-2016)
Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF, 2019.
Cette évolution mitigée de l’investissement industriel, plus particulièrement
dans les IMM, s’explique, en grande partie, par des contraintes d’ordre structurel
qui continuent à handicaper le développement industriel, tels les obstacles
Mécanique et métallurgie
149
relatifs au foncier, à la concurrence, au financement et au fonctionnement de
la justice.
1.3. Une progression continue des exportations industrielles
Dans le secteur des IMM, la part des exportations dans la production
s’inscrit dans une tendance haussière entre 2000 et 2016, à un rythme accéléré
avec le lancement du plan d’accélération industrielle (2014-2020), passant
d’un taux moyen de 12,7 % entre 2000 et 2007 à 23,8 % entre 2008 et
2016 (11).
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Graphique 5
Évolution de la part des exportations dans la production (en %)
Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF, 2019.
En effet, depuis les années 2000, le Maroc a multiplié les politiques
de développement industriel, : promotion des exportations, sous-traitance
internationale, adoption de nouveaux choix politiques, à l’image de
l’émergence des Métiers mondiaux du Maroc (MMM) à haute valeur ajoutée,
dans le but de créer une base industrielle nationale solide capable de soutenir
la concurrence, au niveau national et à l’international.
1.4. Un secteur dynamique en termes de création d’emplois industriels
Le comportement de l’emploi dans le secteur des IMM affiche une
progression régulière au cours de la période 2000-2016. Le graphique ci-dessous
met en relief la tendance haussière de cet indicateur depuis les années 2000, avec
11. DEPF, 2019.
150
Profils sectoriels et émergence industrielle
une évolution plus importante depuis le lancement du premier plan Émergence
en 2005, du Pacte national pour l’émergence en 2009 et du Plan d’accélération
industrielle en 2014.
Durant les dix dernières années (2007-2016), 124 696 emplois permanents
ont été créés en moyenne annuelle dans le secteur des IMM. Parmi les
branches dynamiques figurent la métallurgie et le travail des métaux qui en
ont créé plus de 82 % (ministère de l’Industrie).
Graphique 6
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Évolution annuelle de l’emploi du secteur (2000-2016)
Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF, 2019.
1.5. Une amélioration limitée de la productivité apparente du travail
Ce ratio, défini comme la valeur ajoutée par rapport aux effectifs (VA/
effectif ), permet de mesurer la productivité apparente du travail et qui
dépend, entre autres, de l’efficacité de la gestion, de la différence d’intensité
capitalistique, des processus de production et de la situation concurrentielle.
Depuis les années 2000, le comportement de la productivité apparente
du travail dans le secteur des IMM se caractérise par un comportement
cyclique, en dents de scie, ce qui pose de façon récurrente la problématique
de création-destruction de l’emploi dans ce secteur et invite à distinguer les
branches du secteur qui contribuent à la création d’emplois et celles qui en
perdent.
Le secteur des IMM a connu une certaine progression de sa productivité
apparente entre 2000 et 2017, passant de 125 600 millions de dirhams en
2000 à 172 300 millions en 2017, avec un pic enregistré en 2008 de plus de
Mécanique et métallurgie
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192 000 millions de dirhams dû, en partie, au dynamisme enregistré dans la
branche « fabrication d’éléments de métal pour la construction ».
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Graphique 7
Évolution de la productivité apparente du travail (2000-2016)
(en milliers de dirhams)
Source : calculs des auteurs à partir des données de la DEPF, 2019.
2. Principaux facteurs de changement
Le Maroc a affiché ces dernières années un développement sous-tendu
par l’industrie représentant 17 % du PIB. Ce secteur a bénéficié de politiques
volontaristes : le Plan Émergence, le Pacte national pour l’émergence
industrielle et le Plan d’accélération industrielle. Parmi les neuf secteurs
considérés comme stratégiques par ces plans, ceux de l’automobile et de
l’aéronautique font largement appel à la sous-traitance industrielle et, en
particulier, à l’industrie mécanique, métallurgique et électronique.
Avec l’arrivée au Maroc d’opérateurs attirés tant par la faiblesse des
coûts de production que par les avantages logistiques liés à la proximité de
l’Europe, les activités de sous-traitance mécanique et métallurgique, qui
concernent aussi l’industrie ferroviaire et les activités liées au BTP, se sont
particulièrement développées au cours des dernières années. Aussi, en dépit
de la baisse conjoncturelle des commandes et de la concurrence étrangère
croissante, le marché de l’industrie mécanique et métallurgique constitue
l’un des moteurs du développement industriel du Maroc et offre des relais de
croissance aux sociétés étrangères, notamment françaises.
Dans ce contexte, l’industrie mécanique et métallurgique a acquis une place
importante dans le tissu industriel marocain. En effet, outre son rôle stratégique
de pourvoyeur de biens d’équipement pour l’économie nationale et de leur
152
Profils sectoriels et émergence industrielle
maintenance, il contribue considérablement au renforcement de l’infrastructure
industrielle du pays. Ce secteur a même pu renforcer sa position par rapport au
secteur des IAA et des ICP qui constituaient l’apanage historique de l’industrie
marocaine.
Tableau 1
Évolution de la production industrielle par
grand secteur 2001-2016 (en %)
Grand
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
secteur
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IEE
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Sources : calcul des auteurs, données de l’HCP, le Maroc en chiffres (2003-2018).
2.1. Un changement de structure
Grâce à leur dynamisme, leur richesse et la diversité de leurs activités et
métiers, les IMM interviennent dans le cadre des programmes structurants
du pays. Elles contribuent notamment à la conception et à la réalisation des
infrastructures routières et des moyens de transport, des unités industrielles et de
leur équipement, de projets dans le BTP et l’énergie, etc.
Le Maroc a adopté une vision stratégique sur cinq ans articulée en deux
phases principales :
– 2012-2015 : développer prioritairement les marchés traditionnels (les
pays du Maghreb (Algérie, Tunisie) et l’Afrique subsaharienne) et la soustraitance (France, Espagne, Portugal, UEBL).
– 2015-2017 : diversifier l’offre et les marchés d’exportation en développant
la position du Maroc sur des marchés atypiques déjà adressés par le pays
(Russie, Turquie) et sur des marchés de taille importante encore sous-exploités
(USA, Allemagne, Royaume-Uni, Émirats Arabes Unis).
Les efforts déployés par le Maroc pour promouvoir l’investissement ont
été couronnés par le développement d’un tissu industriel assez large dans les
secteurs de la sidérurgie, de l’automobile et de l’aéronautique, favorisant ainsi
l’émergence des industries mécaniques et métallurgiques liées à ces secteurs
d’activités. De même, l’expansion des secteurs du naval, du ferroviaire, du BTP
Mécanique et métallurgie
153
et des énergies renouvelables constituent un important facteur de croissance
et de progrès que devront exploiter les filières concernées des IMM. A titre
d’illustration, avec la volonté du Maroc de développer les énergies renouvelables
(programmes de parcs éoliens et de centrales solaires), plusieurs projets
d’envergure sont engagés, présentant un grand potentiel de développement
pour le secteur de la sous-traitance mécanique et métallurgique.
Parallèlement à une conjoncture aéronautique mondiale très favorable
qui offre au Maroc des opportunités remarquables, la bonne performance
du secteur aéronautique national est le résultat de la mise en œuvre de
chantiers importants dans le cadre de l’opérationnalisation du Pacte national
d’émergence industrielle. Ces chantiers concernent, notamment, le lancement
effectif de l’aéropôle de Nouaceur et de la plateforme industrielle intégrée
MidParc dédiée aux métiers de l’aéronautique, de l’industrie spatiale et de
l’électronique embarquée. Ces chantiers ont permis de positionner le Maroc
sur la carte aéronautique mondiale grâce à l’existence d’une base industrielle
crédibilisée par la présence de groupes de référence tels que Safran, EADS,
Zodiac Aerospace, Matis (Boeing) et Bombardier.
Cette orientation s’est traduite par un développement très soutenu des
performances du secteur ces dernières années en dépit du contexte de la
crise économique mondiale. Ainsi, le secteur de la mécanique a connu un
changement important de sa structure. L’aéronautique représente désormais
38 %, en moyenne sur la période 2007-2014 (graphique 8) des exportations
marocaines de la mécanique, contre 14 % au cours de la période 2000-2006.
En revanche, la quincaillerie a affiché une baisse de son poids de 41 % à 26 %
des exportations du secteur entre les deux périodes.
Toutefois, le Maroc subit les fluctuations du marché mondial. A l’instar
des pays à forte industrie sidérurgique, la sidérurgie nationale fait face aux
mêmes menaces qu’en Europe ou encore aux États-Unis. En effet, l’acier est
une matière nécessaire dans la fabrication de la quasi-totalité des produits de la
vie quotidienne et dans tous les secteurs. La sidérurgie nationale accompagne
les grands programmes de construction et d’infrastructure engagés ces
dernières années, avec un investissement cumulé de plus de 13,3 milliards de
dirhams. La filière représente, en 2017, plus de 4 000 emplois directs, avec
une capacité de production de plus de 5 millions de tonnes en laminage et
plus de 2,5 millions de tonnes en aciérie qui couvrent largement les besoins
du pays (12).
12. Association des sidérurgistes marocains (ASM), l’Actualité du secteur, n° 2, avril-juin 2017.
154
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 8
Structure du secteur de la mécanique par
catégories de produits (en %)
Matériel agricole
Machines-outils
Machines spécialisées
Navires
Matériel BTP
Moteurs
Ouvrages métalliques
Quincaillerie
Aéronautique et espace
Source : DEPF, 2016 (13).
Le marché marocain de l’acier long pèse près de 1,6 million de tonnes
par an, dont environ 15 % à 20 % sont importées. Le Maroc a connu une
augmentation fulgurante de ses importations entre 2012 et 2014, expliquée
en partie par la persistance de la crise économique et financière de certains
pays de l’Europe du Sud et qui est fortement liée à la crise du secteur
immobilier dans ces pays. La baisse de la consommation locale d’acier en
Espagne et au Portugal a contraint les producteurs de ces deux pays à exporter
en masse pour maintenir le taux d’utilisation de leurs capacités de production
à un niveau viable. Cette situation a entraîné des difficultés d’écoulement
de la production « Made in Morocco » sur le marché local, sachant que la
capacité de production des opérateurs locaux couvre largement les besoins du
Maroc en acier et est en mesure de répondre à la demande en volume et aux
exigences de qualité et réglementaires du pays à l’horizon 2020-2025.
En effet, la consommation nationale d’acier reste faible comparée à celles
des pays voisins de la région, elle avoisine 53 kilos par habitant en 2015,
contre 159 en Algérie, 114 en Égypte, 400 en Turquie et 300 en moyenne en
Europe. La dynamique de la demande s’explique par celle de l’économie et
aussi par les perspectives d’évolution sectorielles. Au niveau mondial, 78 % de
la production d’acier sont destinés à trois secteurs d’activité : la construction
(52 %), l’automobile (12 %) et la mécanique (14 %) (14).
13. DEPF, Décomposition de la compétitivité structurelle du Maroc : marges intensives et extensives
de nos exportations, n° spécial, mars 2016.
14. ASM, 2017.
Mécanique et métallurgie
155
Par ailleurs, le Pacte national pour l’émergence industrielle 2014-2020 vise
à accroître de 1,6 point par an le produit intérieur brut (PIB) et à mettre à
niveau, moderniser et renforcer la compétitivité du secteur industriel, à travers
le ciblage des secteurs stratégiques. Le développement des secteurs connexes
au secteur de la sidérurgie justifie, entre autres, cette prévision d’augmentation
de la demande nationale pour les années à venir. A titre d’illustration, le
secteur de l’automobile, parmi les secteurs consommateurs d’acier, produit
en 2017 plus de 400 000 véhicules par an et vise plus de 650 000 véhicules à
horizon 2020 (15).
2.2. Une volonté affichée des pouvoirs publics et des associations
actives dans le secteur…
Les IMM se retrouvent dans tous les secteurs industriels, de l’automobile
à l’aéronautique en passant par l’agro-alimentaire… Elles constituent une
activité en pleine évolution, malgré certaines difficultés rencontrées par les
professionnels, notamment quant aux matières premières. D’où le rôle de la
FIMME qui œuvre pour la mise à niveau du secteur.
Créée en 1951, la Fédération des industries métallurgiques, mécaniques et
électromécaniques (FIMME) œuvre pour la promotion et le développement
des IMME, sert ses adhérents, défend leurs intérêts, contribue à l’évolution
constructive des réglementations et promeut le secteur dans sa globalité. La
FIMME est constituée de trois unions regroupant chacune un ensemble
d’associations. Ces unions correspondent chacune à une branche de
métiers (16).
L’industrie mécanique et métallurgique, en qualité d’industrie
industrialisante, est un secteur hautement stratégique. Elle est considérée
comme un maillon essentiel de la chaîne d’approvisionnement manufacturière,
fournisseur et sous-traitant pour de multiples marchés applicatifs. De ce fait,
les IMM ne peuvent que bénéficier des stratégies nationales en faveur de ces
marchés.
Dans le cadre du contrat de performance signé le 2 mai 2016, l’État s’est
engagé à actionner les leviers du Plan d’accélération industrielle (PAI) en
faveur des IMM. Il s’agit de l’appui financier du Fonds de développement
15. Neuf conventions ont été signées entre les investisseurs et les pouvoirs publics à l’occasion
des Auto-motive Meetings Tanger Med, Congrès de l’industrie automobile marocaine,
novembre 2016 (ASM, 2017).
16. Bilan d’activité 2011-2012, FIMME, CERIMME (Centre d’études et de recherches des
industries métallurgiques, mécaniques, électriques et électroniques).
156
Profils sectoriels et émergence industrielle
industriel et des investissements, à travers les projets de locomotives, ainsi
que les programmes de Maroc PME, notamment Imtiaz Croissance (17). De
son côté, la FIMME s’est engagé, à l’horizon 2020, à créer 13 340 emplois, à
atteindre 1,7 milliard de dirhams de valeur ajoutée additionnelle et à améliorer
la balance commerciale de 2,3 milliards de dirhams. Les investissements
attendus se chiffrent à près de 2 milliards de dirhams (18).
Par ailleurs, la disponibilité et la qualité des ressources humaines
conditionnent l’attractivité de la destination Maroc et contribuent au
renforcement de la productivité des entreprises et à l’amélioration de leur
compétitivité. Ainsi, la formation des ressources humaines est un chantier
stratégique du PAI 2014-2020, qui a pour objectif de répondre aux besoins
en compétence des écosystèmes mis en place. Une cartographie précise des
besoins en formation – avec une quantification des besoins en ressources
humaines par secteur, par profil, par région et par année – a été mise en place
pour permettre l’élaboration d’un plan national de formation (19).
Tableau 2
Besoins en formation pour les contrats de performance
signés à fin mai 2017
Cadres/ingénieurs
2018
2019
2020
121
146
183
Total
450
20 890
Opérateurs
5 579
6 853
8 458
Techniciens
1 003
1 237
1 547
3 787
IMME
4 160
2 864
2 464
9 487
Source : extrait de la liste des besoins en formation, MCINET.
2.3. … traduite par la mise en place des écosystèmes
Le Plan d’accélération industrielle 2014-2020 a introduit une nouvelle
approche fondée sur la mise en place des écosystèmes industriels, dont
l’idée centrale est de renforcer l’intégration sectorielle, d’augmenter les
investissements et de favoriser les partenariats entre les leaders des secteurs
industriels et les TPME. Plus concrètement, l’idée est de fédérer les groupes
d’entreprises autours des leaders porteurs de l’écosystème, que ce soit
17. Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique
(www.mcinet.gov.ma)
18. www.fimme.org
19. MCINET (www.mcinet.gov.ma).
Mécanique et métallurgie
157
des groupes industriels, des investisseurs étrangers ou des groupements
professionnels.
Le tissu des IMM est composé en majorité de PME. Aussi l’État s’estil engagé à leur apporter un soutien à travers des écosystèmes fondés sur
des contrats de performance entre les différents partenaires. Au total, cinq
écosystèmes émergent, démontrant le grand potentiel d’industrialisation (20).
L’écosystème « travail des métaux » concerne le cuivre et l’aluminium.
Il couvre des activités comme la chaudronnerie, l’emboutissage ou encore
l’estampage. Cet écosystème vise notamment à renforcer l’outil industriel et
l’expertise technologique des PME pour les accompagner vers de nouveaux
marchés. Son objectif est de créer plus de 2 500 emplois, plus de 540 millions
de valeur ajoutée et un chiffre d’affaires additionnel de 2 milliards de dirhams.
Les investissements prévus avoisinent 600 millions de dirhams (21).
L’écosystème « nouveaux métiers » vise à élargir les perspectives sur le
marché national et à l’export, en initiant et renforçant deux segments
d’activité : les machines agricoles et les bicyclettes. L’État vise également à
réorienter la subvention à l’équipement des agriculteurs vers la production
locale. Cet écosystème devra générer plus de 4 480 emplois additionnels,
plus de 615 millions de dirhams de valeur ajoutée et un chiffre d’affaires
supplémentaire de 2,65 milliards de dirhams. Côté investissement,
645 millions de dirhams seront dédiés aux machines agricoles et 300 millions
à la filière bicyclette (22).
L’écosystème « valorisation des métaux » projette d’intégrer en profondeur
l’industrie et de réorienter les déchets de cuivre et d’aluminium vers les
marchés applicatifs, comme le câblage automobile et aéronautique. Un
secteur qui devra employer à l’horizon 2020 plus de 6 000 personnes, générer
plus de 550 millions de dirhams et réaliser un chiffre d’affaires additionnel
de 6,4 milliards de dirhams. Les investissements prévus s’élèvent à près de
425 millions de dirhams (23).
Pour l’écosystème « industrie navale » lancé le 13 juin 2017, les industriels
se sont engagés à créer plus de 3 200 emplois dont 1100 indirects. Parmi
les objectifs fixés figurent la création de plus de 600 millions de dirhams
20. Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique
(www.mcinet.gov.ma)
21. Ibid.
22. Ibid.
23. Ibid.
158
Profils sectoriels et émergence industrielle
de valeur ajoutée et plus de 1,6 milliard de dirhams de chiffre d’affaires
additionnel. L’investissement prévu s’élève à 140 millions de dirhams dédiés à
la création de superstructures.
L’écosystème « ferroviaire » accuse du retard. Sa structuration est en cours
de finalisation (24).
Toutefois, l’importation reste une menace latente, qui intervient dans un
contexte de baisse significative du volumes des ventes. Ainsi, les écosystèmes
se sont fixé des objectifs liés à la commercialisation comme le développement
des marchés applicatifs des IMM, la croissance de la demande des marchés
cibles à l’export pour des produits IMM maîtrisés par l’industrie nationale et
la substitution aux produits importés des matières premières locales issues du
recyclage (25).
Parmi ces objectifs figure notamment l’augmentation du niveau de
l’efficience avec les autres secteurs d’activité économique, vu le rôle stratégique
des industries mécaniques et métallurgiques dans la chaîne de soustraitance, d’approvisionnement et d’équipement de l’ensemble des branches
industrielles. Ainsi, les écosystèmes des IMM sont appelés à relever les défis
qui se présentent au secteurs, tels la forte concurrence à laquelle sont exposées
les entreprises (en raison de la surcapacité de la production mondiale de
l’acier), le développement des filières en aval et l’amélioration de la culture de
l’innovation et de l’export (26).
3. Les capacités émergentes du secteur
Les IMM sont des fournisseurs pour presque tous les autres secteurs.
Leurs produits sont utilisés comme intrants dans bien des filières importantes
comme le BTP, l’énergie, le génie civil, l’automobile, l’aéronautique, etc.
Elles ont renforcé leur position dans le secteur industriel, où leur part est
passée d’environ 11 % en 2001 à plus de 20 % en 2018. Cette position a été
« boostée » grâce à l’augmentation de leur chiffre d’affaires et de leur valeur
ajoutée. Pour autant, les réalisations restent timides malgré les engagements
ambitieux des professionnels. Pour sa part, l’État a tenu ses engagements
vis-à-vis de ces industries, notamment à travers le Fonds de développement
industriel et le soutien aux investissements. Un soutien direct de 277 millions
24. Ibid.
25. www.fimme.org
26. Ibid.
Mécanique et métallurgie
159
de dirhams a été octroyé aux investissements engagés par les opérateurs du
secteur.
Matrice « SWOT » de l’industrie mécanique et métallurgique
Forces
Faiblesses
• Secteur d’activité transversal intervenant
dans plusieurs applications industrielles
(énergie, autoroute, ferroviaire, BTP,
aéronautique, etc.).
• Le secteur des IMM occupe la troisième
position dans l’industrie après les ICP et les
IAA, sachant qu’il a renforcé sa position dans
le secteur industriel, passant d’environ 11 %
en 2001 à plus de 20 % en 2016.
• Développement des exportations vers de
nouveaux marchés porteurs : l’Afrique, les
États-Unis et les Emirats Arabes Unis.
• Domination des branches métallurgie et
travail des métaux dans le secteur.
• Domination de ces mêmes branches dans
les exportations de ce secteur.
• Financement de l’État conditionné par les
résultats.
• Hétérogénéité et diversité des domaines
d’activité.
• La majorité des entreprises du secteur sont
des PME et des TPE.
• Baisse de la demande mondiale.
• Frais portuaires et coût de transport et de
logistique élevés.
• Fréquence limitée des lignes maritimes
reliant l’Afrique de l’Ouest au Maroc.
• Coût élevé de l’énergie et des matières
premières.
• Absence de relais dans les pays ciblés.
• Ressources humaines locales insuffisamment
qualifiées.
• Exigences croissantes des donneurs d’ordre.
• Lourdeur des procédures administratives à
l’export, notamment douanières.
• Infrastructures portuaires inadaptées.
• Manque de mécanismes du financement
export.
• Manque de valorisation de la R&D.
• Manque culture de l’innovation.
• Manque d’études d’évaluation de
performances au niveau des clusters.
• Manque d’évaluation des résultats des
plans et stratégies au niveau du ministère
de l’Industrie et des organismes de tutelle.
Opportunités
Menaces
• Attractivité des marchés cibles émergents à
fort potentiel, notamment l’Afrique.
• Synergie potentielle des industriels du
secteur des IMM avec les équipementiers
automobiles, le secteur de l’aéronautique
et du BTP, etc.
• Une grande volonté de coopération de l’État
et du secteur privé.
• Présence agressive des industries chinoises
notamment sur le marché africain
• Forte concurrence en Europe (notamment
de la Tunisie).
• Nombre limité de joint-venture avec des
sociétés internationales vs Turquie ou
Tunisie.
• Instabilité géopolitique de certains marchéscibles.
• Absence des relais commerciaux au niveau
des pays ciblés par les IMM.
• Inefficacité du processus de transfert de
technologie.
• Compétition d’autres pays émergents.
• Manque d’intégration réelle des universités.
Source : élaboré par les auteurs.
160
Profils sectoriels et émergence industrielle
Conclusion : un secteur à haut potentiel mais faiblement exploité
Les industries mécaniques et métallurgiques sont un secteur-clé aux
externalités positives innombrables pour l’économie marocaine, un secteur
fortement capitalistique aux investissements massifs, un secteur employeur
avec beaucoup de métiers hautement qualifiés. Il alimente aussi de nombreux
autres secteurs importants pour le pays, les infrastructures, les équipements,
etc. Ainsi les IMM sont-elles considérées comme une locomotive du
développement et de la croissance et peuvent doper les ambitions du Maroc
d’être un leader à l’échelle internationale.
En outre, le potentiel du secteur est encore loin d’être exploité de manière
optimale. En effet, les IMM sont fortement énergivores et donc dépendantes
des coûts de l‘énergie. Elles restent en deçà des performances internationales
en termes de gestion de la logistique, dont les coûts demeurent élevés et
non optimisés. Elles souffrent également du manque de diversification des
débouchés, ce qui ralentit leur croissance. Enfin, le point le plus clivant
concerne la qualité des produits marocains : des efforts restent à faire pour
arriver aux standards internationaux en la matière.
Ainsi, les IMM ont un long chemin à parcourir en termes d’investissement,
de structuration managériale, de modernisation de l’outil de production, de
formation et d’innovation. De ce fait, le secteur nécessite un accompagnement
organisé et structuré de la part de l’État. Ce soutien doit se faire à l’export
afin d’accroître les débouchés avec la mise en place de programmes et d’une
réglementation spécifique, adaptée aux contraintes et aux spécificités du
secteur.
CHAPITRE 5
Automobile
Alain Piveteau
Introduction
Au début de la décennie en cours, le Maroc fait une entrée remarquée dans
le club restreint des pays producteurs d’automobiles. Avec une production de
402 085 véhicules en 2018, multipliée par dix en une décennie, le Maroc se
place au deuxième rang des producteurs en Afrique, juste derrière l’Afrique
du Sud (610 854), l’Algérie (70 957), l’Égypte puis la Tunisie. A l’échelle des
95 millions de véhicules produits la même année dans une quarantaine de pays, la
28e place du Maroc, soit 0,45 % du marché mondial, peut sembler modeste (1).
Mais au regard du processus national d’industrialisation étudié dans le cadre du
programme « Made in Morocco », l’émergence de pôles automobiles organisés
autour de la présence de constructeurs mondiaux et de leur parc de fournisseurs
fait figure de discontinuité industrielle, générée par l’implantation en 2012, près
de Tanger à Melloussa, d’une usine d’assemblage Renault d’une capacité initiale
de 360 000 véhicules par an (Benadeljlil et al., 2017).
Des attentes fortes en termes de production, d’exportation, d’emplois
et, in fine, d’approfondissement industriel, sont adossées au développement
de l’industrie automobile. Depuis le lancement de la stratégie industrielle
d’émergence (2), pour de nombreux commentateurs et analystes de la vie
économique marocaine le secteur fait figure, au côté de l’industrie aéronautique,
de « plus grand succès de la politique industrielle (3) » ou de « moteur[s] du
développement industriel et de l’emploi au Maroc » (Banque mondiale, 2019 :
1. Les données de production par pays – véhicules de tourisme et véhicules utilitaires légers –
proviennent de l’Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA, http://
www.oica.net/production-statistics/ consulté le 30 juillet 2019).
2. On regroupe sous cette expression unique le Plan émergence industrielle (2005-2009), le
Pacte national pour l’émergence industrielle (PNEI : 2009-2014) et l’actuel Plan d’accélération
industrielle (PAI : 2014-2020). Ils traduisent l’impulsion donnée par les pouvoirs politiques
centraux à l’industrie à compter de la fin de l’année 2005.
3. L’expression provient du service économique régional de l’Ambassade de France au Maroc
dans une note sur le secteur industriel au Maroc (DG Trésor, 2017).
162
Profils sectoriels et émergence industrielle
91). Le changement de profil des exportations marocaines consécutif à la
mise en production de l’usine de Melloussa – les véhicules automobiles, plus
sophistiqués, passant devant les traditionnelles exportations de phosphates en
tant que premier produit exporté – est alors pris à témoin par la littérature
académique pour mettre en lumière le potentiel transformateur de l’industrie
automobile et de la présence de superstars de l’exportation (Freund et Moran,
2017).
Les gouvernements successifs affichent des objectifs ambitieux en la
matière, et le secteur enregistre en quelques années une forte croissance des
investissements directs étrangers (IDE). L’implantation du groupe Peugeot PSA
au Maroc rend compte de cette dynamique sectorielle avec, dans un premier
temps, en 2017, la création d’un centre R&D à Casablanca, suivi en 2019
d’une usine en greenfield d’assemblage de moteurs et de véhicules à Kénitra
d’une capacité initiale de 90 000 véhicules devant être portée à 200 000 dans
les deux années à venir (4). La signature en 2017 d’un protocole d’accord avec
le groupe chinois BYD (Build your Dreams) prévoyant l’installation d’une ou
plusieurs usines de fabrication de véhicules électriques puis l’ambition d’attirer
d’ici 2021 un quatrième constructeur international renforcent l’objectif
gouvernemental de doter le pays d’une capacité de production d’un million
de véhicules d’ici 2025. Un changement d’échelle qui ferait du pays une plateforme de plus en plus attractive pour des équipementiers internationaux dont
les choix de localisation dépendent en partie de la diversification des risques
offerte par la présence de plusieurs constructeurs.
Dans la version fordiste du capitalisme industriel (5), la production
automobile forme le socle de la production industrielle et du rapport salarial,
autrement dit du développement économique et de la transformation
des modes de mise au travail. Les dérivées de cette centralité continuent
d’alimenter le débat post-fordiste sur le développement économique quant
à l’aptitude de l’industrie automobile et de son développement national
à stimuler, dans la configuration actuelle des chaînes de valeur mondiale
(CVM), l’industrialisation des économies en développement (Breuil et
Bastide, 2003 ; Kane et Baimbill-Jonhson, 2017). La littérature continue de
4. Cf. Documents de référence du groupe PSA (PSA, 2017 : 153 ; PSA, 2018 : 53). L’usine
a été inaugurée le 20 juin 2019 en présence du Roi Mohammed VI.
5. L’expression, popularisée par l’École de la régulation, caractérise le mode de régulation qui
a assuré la progression générale et cohérente de l’accumulation du capital pendant les Trente
glorieuses – production de masse, consommation de masse, processus auto-entretenu de
redistribution des gains de productivité en augmentations de salaires et du pouvoir d’achat
(Boyer & Freyssenet, 2000 : 51).
Automobile
163
souligner le rôle-clef (key driver) de l’industrie automobile dans la création
d’emplois, l’amélioration de la productivité, l’innovation et la transformation
structurelle de l’activité économique. Empiriquement pourtant, le débat
est loin d’être tranché. Aux succès chinois, thaïlandais, mexicain et turc on
oppose les échecs des politiques gouvernementales dans de nombreux pays
d’Afrique et aussi en Australie (Barnes, 2017).
La difficulté à passer d’une entrée réussie dans les CVM de l’automobile,
dominées par un groupe restreint de constructeurs et d’équipementiers
mondiaux, au développement effectif d’une industrie automobile central
pour le développement économique national reste élevée. Elle requiert,
pour être levée, des politiques publiques ajustées aux marchés et au besoin
d’accumulation d’actifs technologiques qui contrastent avec une simple
stratégie d’attraction et de sécurisation des IDE (Barnes, 2017). C’est la phase
cruciale dans laquelle le Maroc semble pouvoir entrer.
L’analyse sectorielle proposée dans ce chapitre vise, en premier lieu, à
comprendre les origines et la nature de la discontinuité industrielle que
représente l’émergence rapide d’une production manufacturière de véhicules
automobiles et à discuter de sa portée réelle et potentielle sur le développement
économique du pays. On rappellera le rôle déterminant des constructeurs
mondiaux et de leurs stratégies de localisation dans la croissance du secteur
automobile au sud de la Méditerranée. Cette croissance rapide est due
principalement, mais non exclusivement, à l’intégration du Maroc dans le
redéploiement spatial et stratégique de l’industrie automobile européenne. On
s’appuiera sur les grandeurs statistiques et comptables disponibles pour apprécier
le poids et la dynamique relatifs du secteur dans l’ensemble de l’économie. On
discutera des effets potentiellement industrialisants de la croissance des activités
manufacturières automobiles dans le pays. Les réponses proposées tiendront
compte à la fois des conditions externes, à savoir les profondes transformations
du secteur automobile en général (6), et des conditions internes, qui restent
déterminantes pour organiser l’intégration productive, sociale et territoriale
d’une transformation productive originellement exogène.
L’hypothèse pivot de la discussion pose logiquement le problème de la
complémentarité et de la synchronie entre les conditions externes et internes.
En sortant du normativisme néo-institutionnaliste prescrivant inexorablement
6. Changement dans les demandes de mobilité, dans les réponses stratégiques des constructeurs
face au risque écologique, « basculement du barycentre de la géographie des marchés et de la
production vers les émergents » (Jullien et Smith, 2102), changement dans la nature des
produits fabriqués, les technologies utilisées et les rendements exigés des multinationales
leaders de la CVM (Barnes, 2017).
164
Profils sectoriels et émergence industrielle
la conformation des économies du Sud aux règles présupposées d’un marché
global des produits, inexistant dans l’automobile (Jullien et Smith, 2012 :
115), celle-ci soulève en fait une dimension plus complexe de la réussite
économique : le rôle de la politique publique nationale pour relever le défi
d’une synchronisation favorable au développement.
Un premier point (1) rappelle les étapes de la trajectoire du secteur
automobile marocain et de la transformation des dispositifs institutionnels
qui l’ont accompagnée. L’analyse des statistiques-clefs du secteur (2) permet
ensuite de relativiser le poids actuel de la production automobile dans le
processus d’industrialisation – ou de désindustrialisation – tout en soulignant
le potentiel présent. Le point (3) s’attarde sur les forces et faiblesses du
positionnement à l’export de l’industrie automobile marocaine et sur l’enjeu
de l’intégration locale. Enfin, le point conclusif (4) reprend sous forme de
synthèse les perspectives et enjeux du développement du secteur automobile
au Maroc.
1. Autonomie et dépendance : du rêve national étatique à
l’intégration aux marchés centraux, le rôle des constructeurs
mondiaux
Les grandes séquences de la trajectoire du secteur automobile sont
suffisamment documentées pour être résumées rapidement (Bachirat et al.,
2006 ; Lung et Layan, 2008 ; Amal Maâninou, 2009 ; El Issaoui, 2015 ;
Benabdeljlil et al., 2017), ce que nous proposons dans la figure 1 avec
quelques raccourcis assumés. Trois phases rythment l’histoire d’un secteur en
pleine transformation. Chacune de ces phases est marquée par la nature de la
relation établie entre les grands constructeurs européens, l’État et la politique
industrielle. Si cette relation varie dans le temps, une constante se détache :
le rôle surdéterminant des constructeurs occidentaux et de leurs stratégies
d’internationalisation, de délocalisation et de sourcing sur la dynamique du
secteur automobile au Maroc.
1.1. Genèse étatique ou l’automobile au cœur du projet industriel
L’approche de l’État marocain est de dimension sectorielle là où d’autres
pays de la sous-région, à l’image du voisin tunisien, ont adopté très tôt une
stratégie ciblée sur quelques activités très précises (Lung et Layan, 2008 : 11).
La première phase démarre à la fin des années 50. Elle s’organise autour
du site d’assemblage de la SOMACA (Société marocaine de constructions
automobiles), produit des toute premières politiques industrielles volontaristes
Automobile
165
du Maroc (Piveteau et al., volume 1 de cet ouvrage) (7). Le secteur automobile
participe alors d’une stratégie industrielle volontariste qui cherche à substituer
aux importations de véhicules particuliers l’assemblage local de modèles destinés
au marché national puis à développer, en appui à cette activité, un réseau de
fournisseurs marocains de composants automobiles (8) censé contribuer
significativement au noircissement de la matrice des échanges inter-industriels.
Figure 1
Les grandes étapes du secteur automobile au Maroc
SOMACA
Usine
d’assemblage
Casablanca
(État)
Appel d’offres
gouvernemental,
Production voiture
économique, Fiat Auto
Renault
actionnaire de
la SOMACA
Production
Dacia
Privatisation
de la SOMACA
AMICA
1959
1974
Loi 10-81
d’intégrationcompensation
1982
Implantation
1ers
Retrait de
équipementiers
Fiat de la
internationaux
SOMACA
Tanger
Fin
contrat
Autorisation
voiture
importation
éco
véhicules neufs
(CBU)
TFZ
1994
1996
Renault
usine de
production
de Melloussa
Démarrage
RenaultNissan
Annonce
Implantation
usine Tanger
2000 2003 2005
1res
export.
Logan
Peugeot usine
de production
véhicules +
moteurs, Kénitra
Inauguration
Accord
BYD
Accord
PSA Gvt.
GEPAM
TAC / AFZ
2007 2011-2012 2015 2017 2019
Essor et diffusion sur le littoral
Bipolarisation
Maquiladorisation au Nord (Tanger)
" développement d’une sousPôle casablancais
Site d’assemblage pour le marché domestique (CKD),
accords de licence avec Fiat et Renault
+
Tentative de développement d’un tissu d’équipementiers
autour de la SOMACA
traitance pour les marchés centraux
européens (dont câblage)
+
Réorientation du pôle
casablancais autour de
Renault
Essor du pôle tangérois autour de
l’usine Renault (Melloussa) et
d’équipementiers internationaux
(rang 1)
+
Emergence d’un troisième
pôle auto à Kénitra avec
l’usine Peugeot
(assemblage et moteur)
Source : auteur.
Un tel développement va être empêché par l’étroitesse du marché national
(faible taux de motorisation), la trop grande multiplicité des marques assemblées
et le surcoût « considérable » de l’assemblage local par rapport aux véhicules
7. Le Bureau d’études et de participation industrielle en détient 40 %. Bras financier de l’État
développeur, il est, au côté de Fiat (20 %), Simca (20 %) et de porteurs privés marocains
(20 %), à l’initiative de la création de la SOMACA et de l’installation, près de Casablanca,
de la toute première usine de montage de véhicules personnels à destination du marché
national dont l’activité démarre en 1962 (cf. le Monde diplomatique, juin 1962, p. 15).
8. Principalement des batteries, pneus, glaces, sièges, radiateurs, équipements électriques, etc.,
des produits peu sophistiqués.
166
Profils sectoriels et émergence industrielle
importés (Bachirat et al., 2006 : 159-160). A défaut, la préservation de l’outil de
production qu’est devenue la SOMACA, premier objectif affiché de la politique
publique sectorielle, entraîne un changement d’orientation traduit par la loi
10/81 d’intégration-compensation. Cette dernière favorise les exportations
sous condition d’intégration locale renforcée. Des fournisseurs marocains,
comme Tuyauto ou Sinfa dont il sera question par la suite, établissent à cette
occasion des coopérations techniques avec des producteurs internationaux de
composants. Mais globalement, les sous-traitants marocains installés à proximité
de la SOMACA peinent à se développer dans cette direction. Ils restent
majoritairement orientés sur les produits initiaux et marchés nationaux. Si la
création de l’AMICA (9) en 1974 atteste de la structuration et de l’institution
du secteur, la vision des autorités marocaines d’une industrie nationale intégrée
autour de la SOMACA ne se traduit pas dans les faits.
1.2. Bifurcation marchande ou le site marocain pris dans les
intérêts et contraintes d’un secteur mondialisé
L’échec du programme « véhicules économiques » lancé en 1994 par le
gouvernement marocain et confié à Fiat fragilise la SOMACA et ses fournisseurs
et contribue à mettre fin à la logique autocentrée du secteur incarnée par le pôle
casablancais (Lung et Layan, 2008 ; Bachirat, 2006). Dès 1997, le constructeur
italien avait fait le choix du global sourcing au détriment de l’intégration locale,
les fournisseurs marocains se repliant sur les marchés protégés de la rechange
(Bachirat, 2006). Dans le contexte général de l’ouverture du marché national et
de la libéralisation économique des années 90 qui se traduit, au plan sectoriel,
par l’autorisation de l’importation de voitures montées neuves (CBU) et par la
réduction des droits de douane, l’exportation de composants automobiles vers
les marchés centraux européens va se développer.
Cette sous-traitance internationale s’ancre prioritairement sur Tanger.
Elle est le fait d’équipementiers internationaux qui choisissent, à la fin
années 90, de délocaliser une partie de leur production pour faire face au
rattrapage des coûts salariaux dans la péninsule ibérique. Dans ce contexte
d’internationalisation et de nouvelle stratégie de localisation des fournisseurs,
la « quasi-contiguïté » du Maroc et du sud de l’Europe devient un avantage
compétitif significatif. Il est activé au début de la décennie 2000, après que
la démonstration a été faite par Delphi, premier équipementier international
9. Association marocaine de l’industrie et du commerce automobile devenue, fin 2017,
l’Association marocaine de l’industrie et de la construction automobile ; elle accompagne
aujourd’hui 200 entreprises du secteur.
Automobile
167
à implanter une usine d’assemblage de faisceaux à Tanger (Layan et Lung,
2008), qu’un investissement d’ancrage est possible. Les mesures fiscales visant
à promouvoir le développement économique du Nord amplifient l’attractivité
du territoire septentrional. Les investissements étrangers dans la fabrication
des faisceaux et de câbles intensive en travail peu qualifié et féminin se
multiplient. La création de Tanger Free Zone (TFZ) en 2000 à Gzenaya,
à l’entrée de la ville, accompagne et consolide cette « maquiladorisation »
de l’industrie automobile au nord du pays. Le rêve premier d’une industrie
nationale servant les besoins domestiques laisse place à une stratégie
d’exportation de composants sur les marchés centraux européens adossée
à une politique d’attraction des IDE. La « zone franche » devient, au côté
d’autres dispositifs fiscaux et d’aide avantageux, l’outil privilégié d’une
promotion publique proactive de cette stratégie de développement de la soustraitance pour les constructeurs européens.
L’implantation en zone franche d’une usine greenfield de production et
d’exportation de véhicules de la gamme Entry par Renault, cinq ans après
que le constructeur français ait fait de la SOMACA une de ses filiales de
montage de la Logan, va profondément modifier la donne sectorielle. Au
sourcing low cost en composants, seule spécialisation d’avenir envisagée par le
cabinet McKinsey à l’origine du plan Émergence (Piveteau et Rougier, 2011),
s’ajoute la construction de véhicules pour les marchés centraux. A Melloussa,
contrairement au site de Casablanca (10), les véhicules de marque Dacia
sont produits « à partir de zéro ». La capacité de production de l’usine de
360 000 véhicules par an fait figure de discontinuité productive au sein du
secteur automobile marocain. En très peu de temps, elle entraîne dans son
sillage l’implantation d’une vingtaine d’équipementiers internationaux de
rang 1 (Benabdeljlil et al., 2016).
Cette seconde bifurcation sectorielle procède de circonstances externes
favorables et « chanceuses » (Freund et Moran, 2017). Elles tiennent
principalement à la stratégie d’internationalisation de Renault confrontée,
d’un côté, au succès commercial inattendu de la gamme Entry sur les
marchés centraux – une gamme initialement pensée pour les marchés
émergents (Jullien, Lung et Midler, 2012) – et, de l’autre, aux contraintes de
compétitivité du site roumain de Pitesti confronté à une pression à la hausse
des salaires (11). Ces deux facteurs combinés conduisent le constructeur à
10. De faible volume – environ 15 000 véhicules par an en 2010 –, l’usine ne possède pas
d’atelier d’emboutissage et procède par assemblage de kits démontés (CKD) en partie importés.
11. Augmentation de 26 % des coûts salariaux pour Renault entre 2010 et 2013 (cf. M. Amiot,
les Échos, 5 mai 2015).
168
Profils sectoriels et émergence industrielle
positionner Tanger comme lieu d’approvisionnement du marché européen
(Benabdeljlil et al., 2016). L’implantation d’une usine Renault doit aussi aux
mesures concrètes et fortes de l’État marocain aux plans foncier, financier,
fiscal, logistique, des transports et de la formation professionnelle qui
couvrent une partie significative du risque lié aux coûts de découverte, pris par
les « précurseurs » (Hausmann et Rodrik, 2003) (12). La politique industrielle,
devenue quasi assurantielle pour des investisseurs en recherche de nouvelles
périphéries productives compétitives à intégrer dans leurs réseaux mondiaux
de production, repose sur la mise en place de partenariats public-privé, la
fourniture d’infrastructures, la mise à disposition d’une main-d’œuvre formée
et à bas coût et la promesse de stabilité économique et politique.
1.3. Logique d’agglomération ou d’attraction, l’accompagnement
et la sécurisation des investissements étrangers pour politique
sectorielle
L’investissement de Renault opère donc comme un investissement
d’ancrage démonstratif sur lequel la politique publique sectorielle cherche
dorénavant à capitaliser. On peut sans grand risque suggérer qu’un tel effet de
démonstration a pleinement joué dans la décision d’implantation de Peugeot.
Quatre ans après la signature d’un protocole d’accord avec le gouvernement
marocain, le constructeur ouvre une usine de production d’une capacité à
terme de 200 000 véhicules et d’assemblage de moteurs dans la zone franche
de Kénitra. En juillet 2017, Peugeot installait un centre R&D à Casablanca,
« en charge du développement de projets véhicules et organes (Reskin, mivie et vie série) et d’accompagner le développement du groupe PSA dans
la région DMOA. À fin 2018, les effectifs du MTC (Morocco Technical
Center) [étaient] de 329 collaborateurs ». Le premier véhicule sorti de l’usine
de Kénitra est la nouvelle Peugeot 208, dans des modèles d’entrée de gamme
à destination des marchés européens. L’usine reçoit la plateforme modulaire
CMP (Common Modular Plateform) dédiée à ses modèles du segment B
et pouvant accueillir, moyennant quelques adaptations, aussi bien des blocs
thermiques que des modèles électriques (13), même si, pour l’instant, seuls
des moteurs thermiques sont montés. Elle entre pleinement dans la stratégie
accélérée d’internationalisation de PSA (ventes et production). Présentée
12. Ces différentes mesures auxquelles il convient d’ajouter la mise à disposition
d’infrastructures de standard international comme le port en eau profonde Tanger Med mis
en service en 2007, sont listées et décrites dans Benadeljlil et al. (2016 : 4).
13. Cf. https://www.automobile-magazine.fr/toute-l-actualite/article/25696-lusine-psa-dekenitra-debute-la-production-de-la-nouvelle-208, Usine Nouvelle, 24/06/2019.
Automobile
169
par la direction du groupe comme un outil de reconquête des marchés
africains et moyen-orientaux mis en difficulté par l’arrêt du partenariat avec
l’Iran, elle vient en fait, à l’image de Renault en Roumanie, redonner des
marges de compétitivité aux véhicules du segment B des marques Peugeot et
Citroën destinés aux marchés centraux européens, le site slovaque de Trnava
initialement envisagé pour cette délocalisation arrivant à saturation et devant
tenir compte d’une pression salariale à la hausse (14).
Face à cette conjoncture mondiale, la politique publique marocaine a
fait le choix de faciliter et d’accompagner le processus de « délocalisation
des constructeurs européens à la recherche de facteurs de production à bas
coûts » (Pairault, 2018). Le contrat de programme du PNEI (2009-2015)
envisage ainsi le développement du secteur automobile sur les deux fronts,
sourcing et construction avec l’arrivée d’un nouveau constructeur. Il organise
pour cela le développement de parcs industriels de nouvelle génération, dits
P2i, dont deux bénéficient du statut de zone franche destinée à l’accueil des
IDE dans l’automobile : Tanger Automative City (TAC), 300 hectares près
de l’usine Renault, et Kenitra Automative City, devenue Atlantic Free Zone
(AFZ), également de 300 hectares. Le PAI (2014-2020) qui lui succède
confirme l’automobile comme étant un secteur prioritaire à fort potentiel
industrialisant. Avec la diffusion de la logique des écosystèmes industriels, le
ministère de l’Industrie vise la constitution de chaînes de valeurs complètes
dans des domaines-clefs pour la croissance économique et la création
d’emplois. Pour le secteur automobile, les contrats de performance signés
entre l’État, l’AMICA et/ou de grandes entreprises internationales leaders
visent l’approfondissement du sourcing local, d’abord et avant tout en attirant
de nouveaux IDE d’équipementiers de rangs 1 et 2. Il s’agit de diminuer le
fort contenu en importations des véhicules produits et exportés depuis le
Maroc et d’augmenter le taux de l’intégration locale. Au début de 2019, selon
le ministre de l’Industrie, neuf écosystèmes avaient fait l’objet d’un contrat (15)
et trois étaient en cours de création (ingénierie, pièces de rechanges et
extérieurs véhicules).
14. En particulier les remplaçantes des 208 et des C3 dont les versions précédentes étaient
produites en France dans l’usine de Poissy, fragilisée par la stratégie du groupe PSA de
délocalisation de la production des citadines de segment B.
15. Câblage, intérieur et sièges, métal emboutissage, batterie, PSA, moteur, Renault, Delphi
et Valeo. Cf. Médias 24, 6 février 2019, https://www.medias24.com/MAROC/Économie/
Économie/189701-Industrie-automobile-Bilan-encourageant-les-objectifs-revus-a-la-hausse.
html.
170
Profils sectoriels et émergence industrielle
L’adossement récent d’acteurs industriels chinois à cette dynamique rend
significativement compte de l’avantage sectoriel acquis par le Maroc dans la
région. On songe à la signature d’un protocole d’accord avec le constructeur
chinois BYD pour l’implantation d’une usine de production de véhicules
électriques près de Tanger (16). On songe au vaste projet de ville industrielle
du groupe Haite, la « Cité Mohammed VI Tanger Tech », intégrant, outre les
investissements annoncés par BYD et ceux d’autres opérateurs chinois du
secteur, des IDE dans l’aéronautique et le textile, soit 200 entreprises tous
secteurs confondus.
Mais moins que le résultat de l’efficacité de la diplomatie économique
ou de la politique industrielle du Maroc, l’insertion naissante d’acteurs
industriels chinois dans le secteur automobile marocain est la conséquence
inattendue de la délocalisation des constructeurs occidentaux et japonais. Là
où le discours gouvernemental marocain affiche avec optimisme le potentiel
économique de l’intégration du pays dans une stratégie chinoise de sortie du
territoire, l’analyse fine des opérations annoncées révèle une réalité différente
où quelques acteurs industriels chinois de l’automobile, contraints par les
partenariats et relations étroites établis dans le cadre des CVM, viennent
investir au Maroc (17).
2. Performances économiques relatives
La clôture statistique du secteur automobile pose globalement problème
(Layan et Lung, 2008 : 4). Le Maroc n’échappe pas à cette difficulté accrue
par les divergences de définition entre institutions (Hann et Auktor, 2018).
Ce constat de fait questionne très explicitement la gouvernance sectorielle et
l’effectivité des politiques publiques.
Pour ce qui nous concerne, cela oblige à identifier précisément
l’origine et l’état de référence de toute statistique produite sur le secteur.
La Nomenclature des activités 2010, conforme à la quatrième révision
de la nomenclature internationale de la Commission statistique des
Nations Unies (CITI rev4), définit la branche industrie automobile (29)
16. Est également annoncée dans ce protocole la construction à terme de trois autres usines :
batteries électriques, bus et camions électriques, trains électriques.
17. On lira avec intérêt l’article de Pairault pour qui « l’insertion juste amorcée au Maroc ou
en cours ailleurs des constructeurs et équipementiers chinois » est une « modalité de la
mondialisation des constructeurs occidentaux et japonais » (2018 : 146) ; 80 % des véhicules
produits en Chine sont fabriqués sous le contrôle d’entreprises étrangères (Richet, 2015 ;
Mira, 2017 ; cités par Pairault, 2018).
Automobile
171
comme la somme des sous-branches « construction de véhicules automobiles »
(291), « fabrication de carrosseries et remorques » (292) et « fabrication
d’équipements automobiles » (293). Du point de vue de la Comptabilité
nationale et de la statistique officielle produites par le Haut-Commissariat
au Plan, la plupart des documents directement accessibles (18) ou fournis
sur demande ne permettent pas de suivre, au-delà de la branche « industrie
mécanique, métallurgique et électrique (D04) », l’évolution des sousbranches dont l’industrie automobile fait partie (D34) (19). Des données
sectorielles sont également produites par le ministère de l’Industrie, de
l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique (MIICEN)
qui procède, depuis 1973, à une enquête annuelle, en principe exhaustive,
auprès des entreprises et industries de transformation. Les informations
collectées sont présentées par grands secteurs et secteurs d’activité (20) et
sont reprises dans le chapitre « industrie et artisanat » de l’Annuaire statistique
du Maroc publié annuellement par le HCP (21). Cette seconde source
d’information correspond aux grandeurs industrielles du Maroc présentées
par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel
(ONUDI) (22). En revanche, les données communiquées par et sur le site
du MIICEN diffèrent sensiblement de ces sources pour coller aux priorités
du PAI. Mais surtout, la correspondance des données statistiques sectorielles
fournies par les différentes institutions n’est pas toujours assurée, HCP et
MIICEN en tête ainsi que la documentation produite par les associations
professionnelles, ce qui peut faire débat dans la société, notamment quand
il s’agit d’évaluer la création d’emplois industriels (Piveteau et al., 2018 : 95 ;
Hahn et Vidikan Auktor, 2018 : 11-12 ; Banque mondiale 2019, note 14 :
145).
18. C’est le cas par exemple des Tableaux ressources-emplois (TRE) : https://www.hcp.ma/
Comptes-nationaux-Serie-des-comptes-Base-2007-Base-1998_a1560.html.
19. Il s’agit ici des codes de la Nomenclature agrégée des branches d’activité de la comptabilité
nationale. Cf. HCP, Comptes nationaux, bases 2007, 2007-2012. La branche (et secteur)
d’activité (D04) « Industrie mécanique, métallurgique et électrique » se compose de
10 sous-branches au niveau 1 d’agrégation (D27, D28, D29, D30, D31, D32, D33, D34,
D35 et D37).
20. Les cinq grands secteurs sont : industrie agro-alimentaire, industrie textile cuir, industrie
chimique parachimique, industrie mécanique et métallurgique (IMM qui correspond à D04 IEE), industrie électrique et électronique (IEE, soit D31, 32 et 33). Les sous-secteurs
correspondent à la NAM 2010, (34) pour l’automobile.
21. https://www.hcp.ma/Bookcases-des-annuaires-statistiques-du-HCP_a2071.html
22. http://stat.unido.org/database/INDSTAT %202 %202019, %20ISIC %20Revision %203.
Par exemple, les données du secteur mécanique et électronique (ISIC Révision 3) correspondent
à celle des deux derniers grands secteurs du MIICEN, soit IMM et IEE.
172
Profils sectoriels et émergence industrielle
Figure 2
La Supply Chain Automobile au Maroc
Source : Banque mondiale (2019 : 94), repris de Vidikan-Auktor & Hahn (2018), adapté de JICA. Les données
de production ont été actualisées.
L’industrie automobile marocaine comprend aujourd’hui deux constructeurs
internationaux auxquels est adossé un parc de fournisseurs de niveaux 1, 2 et 3
produisant les pièces et composants assemblés par le fabriquant (OEM) estimé
à 160 entreprises (23) (Banque mondiale, 2019). Les fournisseurs de rang 1,
les plus nombreux autour de Renault, ont pour client, unique ou non, le
donneur d’ordre. Les fournisseurs de rang 2 approvisionnent le rang 1. Et plus
on passe aux niveaux inférieurs, moins les produits sont transformés jusqu’à
ce qu’on arrive à la matière première. Jusqu’à présent, le parc des fournisseurs
se compose d’équipementiers internationaux qui ont suivi l’implantation
du constructeur ou étaient déjà présents au Maroc, mais beaucoup plus
rarement de firmes marocaines, la chaîne d’approvisionnement ayant encore
massivement recours aux importations pour produire les véhicules exportés
(Benabdeljlil, 2017). L’enjeu attendu de la politique sectorielle consiste alors à
approfondir le niveau d’intégration locale, ce qui revient à compléter sur place
la chaîne d’approvisionnement pour diminuer le contenu en importations
des produits exportés, en attirant de nouveaux fournisseurs ou en favorisant
l’inclusion d’entreprises locales afin de capter, in fine, un maximum de valeur
ajoutée.
23. En 2016, l’EAE recensait 94 entreprises et 96 établissements.
Automobile
173
Au plan de la comptabilité nationale, l’information statistique régulière
présente un niveau d’agrégation qui comprend les principales activités
automobiles (production de véhicules, fils et transformateurs électroniques,
composants de véhicules) sans toutefois permettre de suivre avec précision
l’évolution « sectorielle » proprement dite. Le secteur automobile (D34)
se fond dans un secteur plus large, les IMM, dont l’évolution des
principales grandeurs macro-sectorielles atteste de l’impact de la production
manufacturière d’automobiles sur l’industrie marocaine (Billaudot, dans le
présent volume). Ce qu’on illustre par les graphiques suivants qui prennent
pour source homogène d’information statistique, les données produites par le
HCP sur la base des informations fournies par l’Enquête annuelle entreprise
(EAE) du ministère de l’Industrie (24).
Tout d’abord (graphique 1), la part du secteur automobile dans la
production industrielle du pays est passée de 2,7 % en 2009 à 10,9 % en
2016. Les effectifs ont été multipliés par plus de 3 en huit ans et totalisent
3,7 % de l’emploi industriel en 2016 contre 1,6 % en 2009. C’est sur la
contribution aux exportations que le secteur enregistre la performance la
plus significative, soit 2,21 % en début de période et plus du quart des
exportations de l’industrie de transformation en fin de période. En revanche,
au regard de la richesse annuelle créée, le secteur ne représente que 4,3 % de
la valeur ajoutée industrielle en 2016.
Graphique 1
Part du secteur automobile
dans l’industrie de transformation marocaine (2009-2016)
Source : HCP, Annuaire Statistique du Maroc, calcul de l’auteur.
24. Données du chapitre VI « Industrie et artisanat », Annuaire statistique du Maroc, produit
annuellement par le HCP. Les données de 2015 ont été fournies par le HCP.
174
Profils sectoriels et émergence industrielle
En comparant la dynamique du secteur automobile à celle de l’industrie
mécanique et métallurgique (graphique 2), il apparaît que les performances
à l’exportation du modèle productif organisé autour de l’implantation de
constructeurs mondiaux en zone franche ne constituent pas un avantage
décisif en termes de valeur ajoutée. En effet, alors que le taux d’exportation
du secteur automobile marocain bondit après le démarrage de la production
du premier constructeur français et atteint 80 % en 2016, le taux de valeur
ajoutée part à la baisse pour s’établir à 12 % en 2016.
Graphique 2
Dynamique comparée des secteurs automobile
et IMM (2009-2016)
2a. Automobile
Taux d’exportation
Productivité apparente
Taux de valeur ajoutée
2b. IMM
Taux d’exportation
Productivité apparente
Taux de valeur ajoutée
Source : HCP, Annuaire Statistique du Maroc, calcul de l’auteur.
Le taux de valeur ajoutée de l’industrie mécanique et métallurgique en
est bien évidemment affecté, mais dans une moindre mesure puisqu’il est de
7 points supérieur à celui du secteur automobile, le taux de valeur ajoutée
de l’IMM hors automobile étant de 25 % en 2016 (31 % pour l’ensemble
de l’industrie de transformation). En résumé, l’automobile crée relativement
moins de richesse économique annuelle que le reste des entreprises de
transformation dans leur ensemble.
3. Un secteur d’exportation dépendant des marchés régionaux
matures et des stratégies productives et commerciales de firmes
mondiales
Le secteur automobile marocain a bénéficié de l’évolution de la demande
mondiale adressée aux pays constructeurs et de l’amplification de la soustraitance à compter du début des années 2000 (Office des changes, 2013 : 2) ;
Automobile
175
des conditions externes dont la performance du secteur, en grande partie
déconnectée de la dynamique des marchés domestiques (demande et offre),
continue de dépendre.
Graphique 3
La production automobile disjointe de la dynamique
du marché domestique
3a. Production et vente de véhicules neufs
au Maroc (1999-2018)
3b. Exportations de véhicules et pièces
automobiles (en millions de dollars)
UE – entrée en vigueur
accord association
Source : OICA, http://www.oica.net/productionstatistics/, consulté en août 2019.
Source : COMTRADE, nomenclature STIC-Rev3 (781 ;
784 et 7731), consulté en août 2019.
Jusqu’en 2015, la production de câblage domine les exportations faiblement
diversifiées (graphique 3b, tableau 1). En 2012 par exemple, avec les sièges/coiffes
de siège (5 %) et la construction automobile (29 %), ces trois segments totalisent
93 % des exportations du Maroc (Bernossi, 2014 : 1). Ce profil exportateur
du secteur, peu diversifié, peu sophistiqué, se transforme rapidement avec la
production de véhicules de la gamme Entry à compter de 2005 à Casablanca,
puis avec le démarrage de l’usine de Melloussa en 2012 (graphique 3b).
La valeur FAB des véhicules et des pièces/composants automobiles exportés
par le Maroc est passée de 1,3 milliard de dirhams en 2007 à 36,3 milliards
de dirhams en 2018 (87 HS) (25). Si on y ajoute l’ensemble des exportations
de fils et câbles (7731 SITC rev.3 ou 8544 HS) (26), l’évolution en valeur
des exportations du secteur est remarquable, une performance qui modifie
le profil de l’ensemble des exportations du pays. Ainsi défini, le secteur
représentait 8 % des exportations de biens en 2007. Il totalise près de 25 % de
l’ensemble des exportations de biens du Maroc en 2018 (tableau 1).
25. Office des changes du Maroc, requête annuaire statistique en ligne, août 2019.
26. COMTRADE, requête novembre 2019.
176
Profils sectoriels et émergence industrielle
Tableau 1
Exportations du secteur automobile dans l’ensemble des exportations
de biens du Maroc (millions de dirhams, 2007-2018)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Exp. auto.
9 709
13 065
11 054
18 624
21 013
23 280
31 448
40 415
46 941
55 985
61 048
67 267
Dont
véhicules
1 325
1 559
1 802
2 056
3 445
8 164
13 825
20 615
25 783
30 764
32 915
36 370
Dont
câbles
et fils
8 384
11 506
9 252
16 568
17 568
15 115
17 623
19 800
21 158
25 221
28 134
30 897
Exp.
totales
biens
Exp. auto. /
Exp.
123 564 156 654 113 350 177 357 180 839 183 786 185 677 194 350 202 125 226 398 259 143 274 294
7,9 %
8,3 %
9,8 %
10,5 %
11,6 %
12,7 %
16,9 %
20,8 %
23,2 %
24,7 %
23,6 %
24,5 %
Source : Office des changes (Maroc) et COMTRADE, calculs de l’auteur.
La décomposition des exportations (graphique 3) signale pourtant une
forte dépendance au régime d’admission temporaire pour perfectionnement
actif (ATPA) (27). Elle se traduit, dans la première phase d’installation
du nouveau modèle productif, par une nette dégradation de la part de la
valeur ajoutée captée par le secteur entre 2011 et 2013. L’insertion rapide
du Maroc dans la chaîne de valeur mondiale de l’automobile entraîne une
forte augmentation des importations. L’installation du constructeur français
se fait sans la présence locale de chaînes d’approvisionnement complètes.
Ce n’est que sous l’effet de l’implantation progressive d’équipementiers
internationaux de rang 1 important la quasi-totalité des composants
et de la matière que les importations en AT diminuent, mais dans une
moindre proportion (Benabdeljlil et al., 2017). La part de la valeur ajoutée
dans le total des réexportations se redresse donc pour atteindre 63 % des
réexportations de véhicules en 2018 contre 83 % en 2010 (graphique 4).
Cette correction de trajectoire, obtenue par une politique gouvernementale
volontariste d’attraction des grandes entreprises étrangères, ne permet pas
cependant d’améliorer significativement le taux d’intégration locale qui, in
fine, dépend d’une inclusion plus forte des entreprises locales dans la chaîne
d’approvisionnement (Piveteau et al., 2018 ; Banque mondiale, 2019 : 93).
27. Selon les données de l’Office des changes du Maroc, les réexportations de véhicules en
suite d’ATPA représentent 53 % des exportations de véhicules en 2007, 97 % en 2012 et 85 %
en 2018. Le constat est identique pour l’ensemble des produits exportés du secteur, établi sur
la base de la liste des entreprises de l’automobile communiquée par le ministère de l’Industrie
(Office des changes, 2013 : 5-7).
Automobile
177
Graphique 4
Décomposition des réexportations de véhicules
(Code HS 87, en millions de dirhams)
Source : Office des changes, https://services.oc.gov.ma/DataBase/Commerce Exterieur/
requete.htm. Consulté août 2019.
L’importance de la production automobile dans l’ensemble des exportations
du pays doit aussi être relativisée (28). Si l’on intègre les services qui totalisent
37 % des exportations brutes en 2017 – soit 16 % pour le tourisme, 14 %
pour les TIC et 7 % pour le transport – l’automobile (HS 4, nomenclature
à 2 chiffres) représente 7,2 % du total des exportations quand l’exportation
d’équipements et de machines électriques atteint 10,6 % (29). Ces données
de structure sont de nouveau altérées lorsque l’on observe cette fois-ci les
flux commerciaux nets (exportations-importations de produits). L’automobile
(HS 4, nomenclature à 2 chiffres) disparaît alors des flux nets d’exportations
du Maroc. Il ne reste au côté des équipements et machines électriques (2,34 %)
que les exportations de produits traditionnels (services touristiques, produits
primaires, textiles confections et produits issus du phosphate) et les TIC. Il faut
entrer dans un niveau plus fin de la nomenclature produits (à 4 chiffres) pour
voir réapparaître dans la structure des flux commerciaux nets du Maroc des
28. Les statistiques de l’Atlas of Economic Complexity auxquelles on a recours ici proviennent
des rapports du Maroc à la Division de la statistique de l’ONU (COMTRADE) pour ce qui
est des données brutes sur le commerce des biens et de la base de données de la Direction
des statistiques du commerce du Fonds monétaire international (FMI), via les Indicateurs du
développement dans le monde, pour ce qui est des données sur le commerce des services.
29. Un poste de produits qui comprend l’exportation des fils et câbles électriques et vient
de fait diminuer le poids du secteur automobile. Si on les regroupe, le secteur auto au sens
large pèse alors près de 18 % et passe devant l’exportation de services touristiques.
178
Profils sectoriels et émergence industrielle
produits du secteur automobile (3,5 % pour les véhicules). Cela signifie que les
segments qui forment le secteur contribuent différemment à ses performances
commerciales (figure 5a).
Graphique 5
Avantage commercial du secteur auto et concentration
des marchés de destination
5a. Solde de la balance commerciale du secteur auto par segment
(en millions de dollars, 1993-2018)
Source : Comtrade, SITC rev.3, nov. 2019, calcul de l’auteur.
5b. Marchés de destination des véhicules personnels (2017)
France
36.06 %
Source : Atlas of Complexity Index, 7810 (SITC rev4), nov. 2019.
L’essor du segment de la construction après la crise de 2008, avec
l’accroissement des volumes produits par Renault à Casablanca en 2006
et 2011 puis le démarrage en 2012 de la production à Melloussa, permet
une augmentation importante et régulière du volume des exportations de
véhicules qui contribue à l’amélioration du solde commercial du secteur.
Automobile
179
A l’opposé, les importations de pièces qui ont nettement augmenté avec le
lancement de la gamme Entry du constructeur français (30) ne paraissent pas
devoir ralentir malgré la forte attraction des investissements étrangers dans le
secteur. En 2014, le secteur automobile reste très dépendant des fournisseurs
étrangers avec un taux de dépendance de 74 % pour plus de 30 milliards de
dirhams d’importations (El Mataoui et al., 2019 : 110). En conséquence, le
redressement du solde commercial doit aussi au maintien et au développement
de l’activité de câblage au côté de la construction. Cette dernière devrait une
nouvelle fois être relancée en 2019 puis dans les années à venir avec la mise
en production du complexe industriel de Kénitra (Peugeot).
Les ventes de véhicules (figure 5b) se concentrent sur quelques pays, la France
(36 %), l’Espagne (10,3 %) et l’Italie (10,1 %), alors que le Maroc ne détient
qu’une faible part de ces marchés. Si le pays a clairement pu gagner des parts de
marché à l’international dans un marché mondial en croissance, la question de
sa dépendance au marché automobile européen mature en difficulté est posée.
Une forte concentration des marchés de destination accroît la vulnérabilité du
secteur. La diversification vers les marchés émergents et africains réduirait ce
risque (Banque mondiale, 2019 : 96). Mais il convient de préciser qu’elle est le
produit de stratégies croisées d’implantations et de délocalisations des donneurs
d’ordre internationaux. Ce sont eux qui décident avant tout des modèles à
produire, des marchés à viser et de la compétition entre usines du même groupe.
Dans ce contexte d’exacerbation de la concurrence, l’amélioration de la
compétitivité devient essentielle et ne peut se satisfaire des avantages traditionnels
du site marocain : faible coût de la main-d’œuvre et proximité géographique des
marchés centraux européens. La logique d’écosystème dont relève pleinement
le développement du secteur automobile prend en charge cet enjeu lorsqu’elle
cherche à compléter les manques de la chaîne d’approvisionnement pour
réaliser le potentiel de diversification des exportations qu’offre l’automobile.
Ce potentiel étant en principe donné par la position des véhicules automobiles
dans l’espace produit. Pourtant, les prérequis à la réalisation de ce potentiel ne
semblent toujours pas réunis. L’isolement de la production d’automobiles est
manifeste dans l’espace produit marocain, à l’inverse de l’exportation de fils
câbles mieux connectés aux spécialisation traditionnelles comme la confection.
La comparaison dans le temps du positionnement respectif de ces deux
spécialisations constitutives du secteur automobile rend compte de la difficulté
à sortir de spécialisations peu sophistiquées même après avoir « attiré » une
30. En 2018, Renault a produit 318 652 véhicules de la marque Dacia (Lodgy, Sandero 2,
Dokker, Logan 2 MCV) dans son usine de Melloussa et 83 434 (Logan 2 et Sandero 2) dans
son usine de Casablanca.
180
Profils sectoriels et émergence industrielle
industrie plus haut placée dans l’échelle de la sophistication. A défaut d’une
politique ambitieuse d’accumulation de dotations factorielles, sauf à compter
sur un ruissellement spontané de technologies et de compétences sur les autres
spécialisations productives du Maroc, la faible densité de l’espace produit qui
entoure les exportations les plus sophistiquées du secteur traduit un manque
de perspective économique due, cette fois encore, au manque d’intégration
locale et de connexion avec l’économie productive nationale (graphique 6).
Graphique 6
Espace produit et connexions des deux principaux segments
du secteur automobile
6a. Insulated Wire en 1995
6b. Insulated Wire en 2016
6c. Cars en 2010 (pas d’ACR)
Automobile
181
6d. Cars en 2016
Source : Atlas of Complexity Index.
Conclusion
Loin d’échapper à la critique du modèle exportateur marocain (Lectard et
Piveteau, volume 1 de cet ouvrage), le secteur automobile en est finalement
le parfait représentant, mêlant succès reconnus et effets limités sur l’emploi
et la valeur ajoutée industrielle. Pour qu’il entraîne par son développement
le reste de l’économie, que son potentiel industrialisant s’exprime, la
politique publique marocaine a encore des défis à relever. En particulier,
face aux reconfigurations en cours des réseaux mondiaux de la production,
questionnant l’effectivité d’une « déglobalisation » (Friguant, 2019) ou
habilitant le principe de chaînes de valeur régionales (Jaïdi et Msadfa, 2017),
les options stratégiques se ré-ouvrent. Le monolithisme d’une politique
d’attraction, d’une mise à niveau institutionnelle et spatiale cantonnée (zones
franches, zones d’activités), d’incitations fiscales coûteuses pour des États et
dont le rôle régulateur n’est plus directement contesté mais débattu dans
ses priorités et capacités, n’a plus vraiment cours. Le très faible degré de
participation des entreprises marocaines à la chaîne de valeur automobile
explique que les rares cas d’intégration de PME marocaines soient mis en
lumière à l’image de Tuyauto, spécialisé dans l’échappement, de Dolidol,
leader dans la fabrication de mousses pour l’industrie et l’ameublement en
joint-venture (JV) avec l’équipementier espagnol Jobelsa et d’Induver, qui s’est
également lancé dans une JV avec AGC pour la production de verre trempé.
Par conséquent, un des défis de la politique industrielle consiste à contrecarrer
la tendance à la baisse de la part de la valeur ajoutée locale dans les exportations
en favorisant l’implantation de nouveaux fournisseurs (politique d’attraction)
et la participation de PME marocaines performantes aux CVM (politique
d’amélioration des capacités de production nationale). Jusqu’à présent, les
différentes mesures de soutien au tissu productif national, des dispositifs de mise
182
Profils sectoriels et émergence industrielle
à niveau jusqu’aux programmes d’intégration des activités informelles, ne sont
parvenues que dans de rares cas à connecter les ressources productives locales aux
opportunités que représentent les CVM. Le secteur automobile a enregistré ses
plus francs succès en attirant de grands groupes internationaux, les entreprises
marocaines des deux premières séquences de la trajectoire du secteur n’étant pas
parvenues, à quelques rares exceptions, à intégrer la chaîne d’approvisionnement
qui s’est constituée autour de Renault (Benabdeljlil et al., 2017).
L’étape qui s’ouvre devrait se préoccuper du développement d’un tissu de
PME compétitives capables de répondre aux besoins d’approvisionnement
croissant de la chaîne d’approvisionnement, ceci pour deux premières raisons
fondamentales (Piveteau et al., 2018) :
– la première est que la concurrence sur les marchés externes de pays
disposant, comme le Maroc, de petits marchés domestiques est telle qu’il
est difficilement envisageable d’espérer maintenir la compétitivité du
site marocain sans améliorer durablement celle des PME marocaines qui
composent l’essentiel du système économique ;
– la seconde est que sans l’intégration croissante de PME nationales aux
CVM la lenteur de la transformation structurelle devrait se confirmer et
continuer à entretenir la faible dynamique du marché du travail.
On ajoutera enfin que les changements technologiques en cours
(robotisation, numérique, internet des objets connectés, etc.) combinés aux
changements de mobilité liés à la transition écologique (fin des moteurs
thermiques, équipementiers entrants comme les producteurs de batteries,
covoiturage, etc.) redistribueront la valeur entre les acteurs de l’industrie.
Le déplacement de la valeur le long des chaînes mondiales pourrait alors
réduire drastiquement la part de la valeur ajoutée des activités matérielles de
production et redonner paradoxalement des marges de gains de productivité
aux vieux centres industriels. Une réindustrialisation de la valeur au Nord
pourrait ainsi contribuer à une désindustrialisation globale du travail, laissant
peu d’options aux économies du Sud engagées dans une compétition par le
bas. Une perspective générale, certes encore hypothétique, qui, au-delà du seul
secteur automobile (Hakam, 2020), met en lumière le rôle déterminant de
l’innovation et de la recherche-développement dans la croissance industrielle.
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CHAPITRE 6
Aéronautique
Safae Akodad, Nadia Bounya et Hicham Goumrhar
Introduction
Depuis la Première Guerre mondiale, l’industrie aéronautique mondiale
a vécu une évolution marquée par des trajectoires d’innovation technique
et organisationnelle dans lesquelles la modularisation, l’externalisation et
l’émergence de firmes-pivots occupaient une place primordiale.
Jusqu’à la fin des années soixante-dix, les différents avionneurs (1) européens
et américains maîtrisaient l’ensemble des métiers nécessaires à la conception
et à la production d’un avion. Cette logique était fortement marquée par une
présence de l’État qui régulait à la fois l’industrie aéronautique et l’industrie
du transport aérien. Dans cette logique dite « d’arsenal » (Muller, 1988) (2),
la division du travail était alors relativement restreinte du fait d’une forte
segmentation des marchés qui obligeait les États à soutenir leur industrie
aéronautique.
A partir des années 80, le secteur a connu une reconfiguration qui se
caractérise par le recul du rôle de l’État, faisant place aux initiatives des
acteurs privés et à une logique de marché. Le passage à cette nouvelle
logique s’est traduite par la première vague d’externalisation. Les avionneurs
ont externalisé une part de plus en plus importante de leur activité, tout
en conservant le nœud des flux d’approvisionnement et de la conception.
Cette externalisation rapide a eu des conséquences importantes aussi bien
sur la production (problème de suivi et de qualité) que sur l’élaboration de
nouveaux programmes, puisque cette gestion décentralisée rendait très difficile
et coûteuse la coordination de l’ensemble des sous-traitants.
La fin des années 80 est marquée par la limite d’un modèle d’externalisation
essentiellement basé sur la sous-traitance de capacité et la remise en cause des
1. Le secteur est dominé principalement par les États Unis et l’UE autour des avionneurs
Boeing et Airbus.
2. P. Muller (1989), Airbus, l’ambition européenne, logique d’État, logique de marché, Paris,
l’Harmattan, coll. Logiques sociales.
186
Profils sectoriels et émergence industrielle
financements publics (accord-cadre de l’Organisation mondiale du commerce
signé en 1992 régissant les subventions accordées à l’industrie). Les avionneurs
faisaient de plus en plus appel à la sous-traitance de spécialité. Ces mutations
industrielles, technologiques et financières ont induit une reconfiguration de
la chaîne de valeur en faveur de l’avènement de nouveaux réseaux de soustraitance dans les pays émergents.
Le Maroc, qui fait partie de ces nouvelles destinations, a placé
l’aéronautique parmi les secteurs prioritaires de sa nouvelle politique
industrielle déclinée dans le Plan Émergence. En effet, à la fin des années 90,
seules deux entreprises opéraient dans ce secteur, « EADS Maroc Aviation (3) »
et « Snecma Morocco Engine Services (SMES) (4) ». Depuis, plusieurs
entreprises travaillant de façon directe ou indirecte se sont implantées au
Maroc, profitant des avantages offerts par cette destination.
Au cours des deux dernières décennies, les chiffres confirment une
croissance à deux chiffres du secteur. L’industrie aéronautique marocaine
enregistre une croissance de plus de 20 % par an, avec un chiffre d’affaires de
17 milliards de dirhams et un taux d’intégration de 34 %. Elle accueille une
moyenne de 10 nouveaux entrants par an, dans des métiers de plus en plus
complexes. Aujourd’hui, le secteur compte 140 entreprises et six écosystèmes
aéronautiques (câblage, assemblage, ingénierie, maintenance, moteurs et
matériaux composites) (5). Cette dynamique avérée du secteur résulte de
la mise en œuvre de chantiers structurants portant, notamment, sur une
infrastructure industrielle et offrant une palette intégrée de services destinée à
renforcer l’attraction de grands groupes internationaux.
Plus qu’une simple « photographie » prise à un instant donné, la présente
étude sectorielle consiste à analyser l’évolution (6) de l’industrie aéronautique au
Maroc. Ainsi, nous présentons, dans un premier temps, les principaux facteurs
3. Maroc Aviation est présente dans le pays depuis 1951 et effectue la maintenance des
instruments de bord des appareils des Forces armées royales. En 1993, Maroc Aviation rejoint
le groupe « EADS Sogerma » et devient un sous-traitant des grands donneurs d’ordres du
monde aéronautique (notamment Airbus).
4. Snecma Morocco Engine Services (SMES), créée en 1999, est détenue à hauteur de 51 %
par Snecma et de 49 % par le centre de maintenance de la Royal Air Maroc (RAM). La société
est spécialisée dans la maintenance et la réparation des moteurs d’avions civils, elle a hérité
de l’activité maintenance des moteurs de la RAM créée en 1957.
5. Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales, Gimas (www.gimas.org/
chiffres_cles.php).
6. Plusieurs éléments (volatilité des résultats, significativité des évolutions, secret statistique)
empêchent de publier tous les indicateurs de conjoncture à un niveau suffisamment détaillé
pour analyser l’évolution du secteur aéronautique au Maroc.
Aéronautique
187
de changement du secteur aéronautique, dont on distinguera classiquement les
facteurs externes et les facteurs internes. Ensuite, nous analysons les principales
caractéristiques des entreprises du secteur et leur positionnement vis-à-vis de la
chaîne de valeur mondiale. Enfin, une attention particulière sera accordée aux
capacités émergentes du secteur aéronautique marocain.
1. Les principaux facteurs de changement du secteur
L’industrie aéronautique a connu des mutations profondes dans les
domaines technologiques, économiques et managériaux. Caractérisée par un
fort recours à la sous-traitance, ce phénomène s’est particulièrement accentué
vers le début des années 90, donnant naissance à une nouvelle dynamique
inter-firmes. Dans cette perspective, le Maroc a su saisir cette opportunité
stratégique et s’est imposé comme une plateforme crédible au prolongement
de l’Europe.
1.1. Une proximité géographique…
L’industrie aéronautique mondiale est restée pendant longtemps
concentrée dans les pays d’origine. Cependant, au fil du temps, le rythme
d’internationalisation de l’amont s’est accéléré et les nouveaux espaces
d’accueil se sont diversifiés, offrant ainsi un panel d’avantages adaptés aux
nouveaux besoins. La recherche d’une production à bas coût ainsi que les
pratiques commerciales dites de compensation industrielle sont autant de
facteurs qui favorisent l’internationalisation de la production dans ce secteur.
A cet égard, le nouveau modèle d’organisation industrielle est porté
essentiellement par un double mouvement : externalisation croissante et
approfondissement de la modularisation du processus productif. L’objectif
était, d’un côté, de diminuer le nombre des sous-traitants en leur confiant des
sous-ensembles plus grands afin de réduire les coûts de coordination et, de
l’autre côté, de chercher d’autres sources de financement en sous-traitant une
partie marginale de la conception des modules.
De ce fait, les choix de localisation s’expliquent par la proximité
géographique et linguistique, les coûts de main-d’œuvre bon marché, la
disponibilité de bassins de compétences à un bas coût, la taille du marché,
etc. (Inde, Roumanie, Maroc, Tunisie, Turquie). Par ailleurs, certains choix de
localisation relèvent de la logique des compensations industrielles négociées
entre les firmes et les États d’accueil. Les pays-clients peuvent imposer
comme condition contractuelle le partage des tâches industrielles liées à la
construction des avions commandés (Chine, Russie).
188
Profils sectoriels et émergence industrielle
Dans le cas du Maroc, différentes formes de proximité semblent avoir
joué en sa faveur, telles que la proximité géographique et organisationnelle.
En effet, l’organisation industrielle de la filière aéronautique repose sur les
liens de proximité entre donneurs d’ordre et sous-traitants, entre clients et
fournisseurs. Ainsi, pour certaines entreprises, la décision de délocaliser ou
de créer une nouvelle filiale et le choix de localisation ne résultent pas d’une
stratégie autonome mais d’une contrainte de proximité géographique et
organisationnelle imposée par le donneur d’ordre.
Depuis 2002, le nombre d’implantations au Maroc a connu une forte
croissance avec des investissements cumulés de 2,7 milliards de dirhams
(graphique 1). Par origine, les entreprises françaises représentent 72 % (7) des
investissements dans le secteur, suivies des entreprises marocaines avec 21 %.
La part des entreprises américaines ne dépasse pas les 3 % (8). L’implantation
de plusieurs « poids lourds » de ce secteur, tels que Eads, Boeing, Safran,
Bombardier et autres, confirme la place de choix qu’occupe désormais le pays
sur la carte mondiale de l’industrie aéronautique.
Graphique 1
Une croissance rapide des entreprises aéronautiques
implantées au Maroc en vingt ans
Source : Calcul des auteurs à partir des données du Gimas (9).
7. « La densité des entreprises françaises implantées au Maroc, et plus précisément sur un
site particulier, peut constituer une source d’information déterminante dans la décision de
localisation. Le fait que plusieurs entreprises choisissent un territoire le rend plus attractif
(Hattab-Christmann, Mezouaghi, 2009). Il s’agit dans ce cas d’externalités informationnelles
telles qu’elles ont été mises en évidence par J. Farell et G. Soloner (1986) ou de mimétisme
informationnel au sens d’A. Orléan (1999). Les firmes imitent celles qui les ont précédées
car elles les supposent mieux informées » (Malika Hattab-Christmann, « Mutations dans
l’industrie aéronautique française et nouvelles localisations au Maroc : vers l’émergence de
nouveaux territoires de l’aéronautique ? », Géographie, économie, Société 11 (2009) 251-274).
8. Rapport : « Industrialisation et compétitivité globale du Maroc », Ires, 2014.
9. Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales, GIMAS, www.gimas.org.
Aéronautique
189
Au cours des années 2000, la capitale industrielle (10) concentre le plus
grand nombre d’implantations, notamment dans le cadre de « l’aéropôle » de
Casa Nouaceur qui constitue un site aménagé intégré à la zone aéroportuaire
et dédié aux activités aéronautiques. La priorité était de s’installer au plus
près de la main-d’œuvre. Parallèlement, la zone franche de Tanger (TFZ)
est attractive par sa proximité avec le détroit de Gibraltar, son offre de site
aménagé et sa proximité avec les partenaires et sous-traitants. Une autre
localisation est amenée à se développer sur la côte atlantique à Ben Atiq,
Rabat ou encore Kénitra, avec la réalisation du projet « Rabat Technopolis »
centré sur les nanotechnologies, les biotechnologies et toutes les composantes
liées à la recherche. Tous les sites sont reliés par une autoroute qui longe la
côte atlantique de Casablanca à Tanger.
Graphique 2
Une répartition géographique concentrée sur l’axe Casablanca-Tanger
Région de Casablanca
Région de Rabat
Région de Tanger
Source : Calcul des auteurs à partir des données de Gimas.
Les politiques publiques jouent un rôle primordial dans ce cadre, notamment
dans les négociations entre États d’accueil et firmes. En effet, celles-ci mettent
en jeu d’autres variables qui vont au-delà de l’arbitrage purement économique
10. « Les premières implantations dans les années 50 se sont faites dans la zone aéroportuaire
de Casablanca puisqu’il s’agissait de maintenance aéronautique et de réparation de la flotte
aérienne des Forces armées royales (FAR) puis d’une compagnie de transport aérien. Maroc
Aviation, est également un équipementier d’Airbus spécialisé dans la fabrication, l’assemblage
et l’intégration d’éléments aéronautiques (câblage, composites et aérostructures métalliques,
etc.). Les implantations des années 90 ont privilégié les bassins de main-d’œuvre autour de
Casablanca, soit des espaces intégrés à la ville au plus proche des populations, soit des zones
industrielles. Au cours des années 2000, c’est toujours la capitale industrielle qui concentre
le plus grand nombre d’implantations » (Malika Hattab-Christmann, « Mutations dans
l’industrie aéronautique française et nouvelles localisations au Maroc. Vers l’émergence de
nouveaux territoires de l’aéronautique ? », Géographie, économie, société, 11 (2009) 251-274).
190
Profils sectoriels et émergence industrielle
entre choix de localisation (11). Ainsi, le Maroc a mis en place, dans le cadre de
sa nouvelle politique industrielle, des politiques d’attractivité incitatives.
1.2. … appuyée par une politique industrielle volontariste
Le Maroc est une destination privilégiée pour les entreprises de la
sous-traitance aéronautique, grâce au faible coût de sa main-d’œuvre et
à sa proximité géographique, culturelle et linguistique de l’Europe. Le
gouvernement marocain a érigé le secteur en un moteur de croissance de
l’économie dans le cadre du programme Émergence 2006, devenu le Pacte
national pour l’émergence industrielle 2009-2015 et, plus récemment, le Plan
d’accélération industrielle 2014-2020.
Considéré comme l’un des métiers mondiaux du Maroc (MMM) (12),
l’État a mis en place une offre en adéquation avec la demande des
investisseurs du secteur aéronautique sous forme de contribution directe, pour
l’acquisition et la location des terrains et locaux industriels, conforme aux
standards internationaux au sein d’une plateforme industrielle intégrée (P2I) (13)
dédiée et bénéficiant du statut de zone franche. En effet, ce statut permet
l’exonération totale de l’IS pendant les cinq premières années, suivie de son
plafonnement à 8,75 %, avec des aides à l’installation à hauteur de 10 % du
montant total de l’investissement (14).
De surcroît, le secteur bénéficie des mêmes mécanismes de subvention et
d’incitation à l’investissement que les autres secteurs industriels, à savoir le
Fonds Hassan II pour le développement économique et social, le Fonds de
promotion à l’investissement, des incitations fiscales prévues dans l’article 7.1
de la loi de finances 12/98 (année 1998-1999), etc. Par ailleurs, les accords
de libre-échange conclus avec les différents pays (pays du Sud, pays de l’UE
11. S. Cancel et M. Hattab-Christmann (2009), « Le Maroc dans le redéploiement de
l’industrie aéronautique française », in Mezouaghi M. (dir.), les Localisations industrielles au
Maghreb, Paris, Karthala, 49-182.
12. Les Métiers mondiaux du Maroc (MMM) regroupent tous les métiers de l’offshoring,
de l’électronique, des équipements automobiles, de l’aéronautique et spatiale, de l’agroalimentaire et du textile et cuir. Le Pacte national pour l’émergence industrielle, à travers le
renforcement des MMM, vise à construire un secteur industriel fort, à créer les conditions
favorables à l’émergence de filières industrielles performantes et compétitives, intégrant
notamment le développement du concept de pôles industriels de nouvelle génération, et à
redynamiser le tissu des PME (www.mcinet.gov.ma).
13. Exemple : la technopole de Nouaceur, MIDPARC, etc.
14. Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique
(www.mcinet.gov.ma).
Aéronautique
191
et les États-Unis) donnent plus de crédibilité aux yeux des investisseurs. Ainsi,
le Maroc pourrait constituer une plateforme d’exportation vers tous les pays
insérés dans ce réseau d’accords.
L’apprentissage joue un rôle important, dans le secteur aéronautique, pour
acquérir de nouvelles compétences et accéder à de nouveaux marchés. Ainsi le
sous-traitant peut-il améliorer son statut dans la hiérarchie et évoluer vers un
stade supérieur dans la chaîne globale de valeur. Pour faire face à la demande
des industriels, l’État marocain a ouvert des instituts de formation dédiés au
secteur de l’aéronautique. Plusieurs projets et conventions de partenariat ont été
réalisés, ou sont en cours de réalisation, en collaboration avec des associations
professionnelles et des acteurs opérant dans le domaine de la formation. En
septembre 2005, l’École Mohammedia d’ingénieurs (EMI) avait inséré une
spécialité « aéronautique » en dernière année de son cycle ingénieur pour
accompagner la dynamique du secteur. Inauguré en 2011, l’Institut marocain de
l’aéronautique (IMA) est le résultat d’un partenariat entre l’Office de la formation
professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) et le Groupement des
industries marocaines aéronautiques et spatiales (GIMAS). Cet institut a pour
mission d’assurer au personnel des entreprises du secteur aéronautique et spatial
des formations pré- et post-embauche et des cours de perfectionnement dans le
but de répondre aux besoins et exigences des entreprises. Pour sa part, l’OFPPT
avait créé, en septembre 2013 à Nouaceur, l’Institut spécialisé dans les métiers
de l’aéronautique et de la logistique aéroportuaire (ISMALA).
Dans cette perspective, le ministère de l’Industrie, de l’Investissement,
du Commerce et de l’Économie numérique (MCINET) a mis en place une
cartographie des besoins en formation avec une quantification des besoins
en ressources humaines par secteur, par profil, par région et par année pour
permettre l’élaboration d’un plan national de formation. A noter que les
entreprises de l’aéronautique peuvent bénéficier d’aides directes à la formation
allant jusqu’à 60 000 dirhams/personne (15).
Cette stratégie adoptée a pour objectif, entre autres, de répondre aux
besoins en compétence des écosystèmes (16) mis en place. Aujourd’hui, le
secteur compte six écosystèmes aéronautiques (câblage, assemblage, ingénierie,
15. Ibid.
16. « Le 28 juillet 2015, des contrats de performance ont été conclus entre le ministre en
charge de l’industrie et la profession afin d’accompagner le déploiement de 4 écosystèmes
structurés à ce jour dans les filières aéronautiques suivantes : (1) assemblage ; (2) système
électrique-câblage et harnais (EWIS : Electrical Wiring Interconnect System) ; (3) entretienréparation et révision (MRO : Maintenance, Repair and Overhaul) ; (4) ingénierie » (ibid.).
192
Profils sectoriels et émergence industrielle
maintenance, moteurs et matériaux composites) (17). Ces écosystèmes
industriels devraient permettre, d’ici 2020, de créer 23 000 emplois, porter
le chiffre d’affaires à l’export à 16 milliards de dirhams, hisser le taux
d’intégration local à 35 % et attirer plus de 100 nouveaux acteurs (18).
Favorisée par des proximités géographiques et culturelles et par une maind’œuvre qualifiée et moins chère, la sous-traitance aéronautique au Maroc
connaît un développement rapide à travers l’installation de filiales de groupes
mondiaux et l’émergence d’acteurs locaux. Cependant, malgré l’optimisme que
suscite le secteur, son essor est tributaire des efforts consentis par les acteurs.
2. L’aéronautique au Maroc : caractéristiques et organisation de
la chaîne de valeur
Le secteur aéronautique revêt un caractère stratégique dans la politique
industrielle nationale. Le développement rapide de ce secteur a été porté par
des opérateurs comme EADS, Boeing, Safran, Bombardier, qui ont assuré la
crédibilité de la destination Maroc. Basé principalement sur la sous-traitance
pour le compte de ces grands constructeurs étrangers, ce secteur se trouve
depuis quelques années exposé à un ensemble d’enjeux résultant, d’une part,
de la refonte de la carte aéronautique mondiale et, d’autre part, de la nouvelle
donne économique mondiale, en raison notamment du repli des commandes
des grandes compagnies internationales. Orienté à 100 % vers l’export, le
secteur aéronautique marocain est constitué de près de 140 entreprises exerçant
dans les activités de production, de services et d’ingénierie qui constituent les
composantes principales de la chaîne de valeur aéronautique mondiale.
2.1. Caractéristiques de l’industrie aéronautique marocaine…
Le secteur aéronautique se distingue par rapport aux autres industries par
certaines caractéristiques spécifiques.
2.1.1. Une industrie sensible à la conjoncture et au climat des affaires
L’activité aéronautique est fortement cyclique. Elle dépend à la fois de la
croissance économique, de la parité monétaire et du nombre de commandes.
En effet, une évolution de l’activité du transport aérien est globalement
17. Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales, Gimas (www.gimas.
org/chiffres_cles.php).
18. Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique
(www.mcinet.gov.ma).
Aéronautique
193
connectée avec celle du PIB mondial. Un contexte économique défavorable au
transport aérien se traduit par une baisse des commandes et, par conséquent,
par plus de vulnérabilité des industriels aéronautiques. La demande des produits
obéit à une fonction périodique par rapport au temps et subit l’influence de
l’environnement international. Il faut noter aussi que le contexte économique
général ainsi que le cours du dollar et celui du pétrole, la situation financière et
la rentabilité des principaux clients pour les activités civiles et commerciales, les
politiques budgétaires, de défense et de recherche pour les activités militaires et
les grands projets pèsent lourdement sur le niveau d’activité.
Cependant, malgré les crises qu’a connues le monde ces deux dernières
décennies, le secteur aéronautique affiche une croissance continue tirée par
le dynamisme du transport aérien particulièrement en Asie (la Chine, l’Inde
et les pays du Golfe). Selon les prévisions d’Airbus, ce dernier poursuivra sur
sa lancée à une cadence annelle soutenue de 4,6 % entre 2014 et 2034 (19).
Dans cette conjoncture favorable, le Maroc a su saisir cette opportunité
stratégique et s’est imposé comme une plateforme crédible au prolongement
de l’Europe.
En effet, dans une région en pleine tourmente, le Maroc fait figure
d’exception. La stabilité politique et la sécurité dont jouit le pays sont un atout
majeur et un avantage concurrentiel de taille qui contribuent à l’attractivité du
pays et améliore de facto sa compétitivité. Toutefois, le Maroc est confronté sur
ce créneau à une rude concurrence, notamment de la part de la Tunisie, qui
dispose d’un tissu aéronautique assez étoffé, et des pays de l’Europe de l’Est
(Tchéquie, Pologne, Hongrie et Roumanie) qui ont une tradition aéronautique
reconnue. Dans une moindre mesure, la Chine et l’Inde sont de sérieux
rivaux du Maroc, particulièrement sur des activités d’ingénierie, d’études et de
conception, et ce malgré leur éloignement géographique de l’Europe. La qualité
de leurs ingénieurs et techniciens, leurs salaires défiant toute concurrence et
les clauses de compensation industrielle font en sorte que pas mal d’activités
destinées à l’offshore sont réalisées dans ces pays low cost (20).
2.1.2. Une industrie dominée par les filiales d’entreprises
Les entreprises du secteur sont, en majorité, des filiales de groupes
étrangers (75 %) ou le fruit de joint-ventures entre opérateurs marocains
19. Airbus, « Global Market Forecast 2014-2034 » (www.airbus.com).
20. Z. Benhar (2016), « Les déterminants de la performance des sous-traitants aéronautiques
marocains dans la région du grand Casablanca », thèse pour l’obtention du titre de docteur en
sciences de gestion, Groupe Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises.
194
Profils sectoriels et émergence industrielle
et des références mondiales (3 %). En effet, en 1999, la Snecma (21) et la
RAM ont créé une joint-venture, Snecma Morocco Engine Services (SMES) (22)
pour la maintenance et la réparation des moteurs civils. En 2001, la SMES
participe à une joint-venture avec la RAM et Boeing pour donner naissance
à Matis Aerospace, spécialisée dans la production de faisceaux de câbles pour
moteur d’avion. Cette société importe les composants des États-Unis et 50 %
de sa production est destinée à Boeing. Toutefois, dans un secteur aussi
sensible que l’aéronautique, peu d’entreprises locales (21 %) ont la capacité et
les compétences nécessaires, notamment en termes d’habilitation (normes de
certification).
Graphique 3
Une répartition des origines des entreprises aéronautiques au Maroc
Filiales des entreprises étrangères
Entreprises marocaines
Joint-venture
Source : Calcul des auteurs à partir des données du Gimas.
En effet, lorsque le sous-traitant est une filiale d’un groupe étranger, ce
qui est souvent le cas au Maroc, il fonctionne d’une manière captive. Il a
comme unique client sa société-mère, il n’a pas d’activité commerciale ou
marketing, et son plan de production est piloté depuis la maison-mère. Le
schéma généralement retenu pour le fonctionnement de la sous-traitance est
l’envoi des matières et composants par le donneur d’ordre aux sous-traitants.
Ainsi, les entreprises mères s’inscrivent dans une logique de croissance externe,
basée sur une stratégie d’investissement direct et de contrôle financier. En
conséquence, leurs filiales permettent à l’entreprise pôle de maîtriser à la fois
21. C’est la première forme de présence au Maroc de Snecma dont la fusion avec Sagem SA
donnera naissance au groupe Safran le 11 mai 2005. Depuis, le groupe Safran a attiré au
Maroc plusieurs de ses filiales (Aircelle, Teuchos, Labinal Aéronautique Maroc) et un certain
nombre de ses sous-traitants.
22. SMES travaille non seulement pour Airbus mais aussi pour tous les avionneurs mondiaux
tels que Boeing, Embraer, Bombardier, Suiza, Messier Buggati, Facon Dassault.
Aéronautique
195
les coûts et les différents maillons de la chaîne de valeur. Ce coût est l’élément
déterminant ayant conduit ces dernières à s’implanter au Maroc (23).
Depuis 2004, les entreprises du secteur se sont regroupées au sein du
GIMAS. Cette association professionnelle a été créée dans le but de partager
les expériences, conduire des actions en commun et favoriser l’émergence
de partenariats industriels dans le secteur aéronautique. Elle joue un rôle
de fédérateur et de facilitateur pour ses membres et se positionne comme le
partenaire privilégié du secteur public pour la stratégie de développement
du secteur aéronautique et la mise en œuvre du Pacte pour l’émergence
industrielle. L’ambition du GIMAS est de doubler la taille du secteur
aéronautique d’ici 2020 et transformer le pôle de Nouaceur en une grappe
d’innovation avec le Midparc. Ce cluster de haute technologie doit doper et
catalyser les connexions déjà en place entre les industriels de l’aérospatiale, les
organismes gouvernementaux et les centres de connaissance (24).
2.1.3. Une industrie à haute technologie et qualification
L’industrie aéronautique est caractérisée par une technologie de haut niveau,
due à la fois aux contraintes de sûreté des produits finaux et à la performance
militaire recherchée par chaque État. Considérée comme une industrie à forte
valeur ajoutée, l’aéronautique fait partie des industries de pointe ayant un effet
d’entraînement sur le reste de l’économie. En effet, les tableaux internationaux
des « entrées-sorties » de l’OCDE permettent de calculer la sensibilité de l’activité
des pays à un choc sur la demande mondiale sectorielle en aéronautique.
Dans un contexte de changement technique rapide et de financiarisation
des stratégies des firmes qui sont de plus en plus soumises à des impératifs
de création de valeur, l’évolution technologique du contenu des différents
sous-ensembles de l’avion s’accompagne d’une nouvelle division du travail.
Cependant, ils nécessitent pour leur fabrication une grande quantité de maind’œuvre aux compétences pointues.
Dans cette perspective, le GIMAS œuvre à répondre aux besoins en
compétences du secteur aéronautique et former les salariés des entreprises
avec la création de l’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA). Il a
pour ambition d’intégrer la Recherche & Développement dans la stratégie
23. Z. Benhar, 2016, les Déterminants de la performance des sous-traitants aéronautiques
marocains dans la région du Grand Casablanca, thèse pour l’obtention du titre de docteur
en sciences de gestion, Groupe Institut supérieur de commerce et d’administration des
entreprises.
24. GIMAS, www.gimas.org.ma/presentation.
196
Profils sectoriels et émergence industrielle
aéronautique nationale. Actuellement, le secteur aéronautique marocain
emploie plus de 16 000 salariés contre 1 500 en 2000 (graphique 4).
Graphique 4
Une dynamique affichée de l’emploi
Source : Calcul des auteurs à partir des données du Gimas.
Par ailleurs, les filiales implantées au Maroc qui se sont actuellement au
stade de la sous-traitance de pièces ou d’opérations élémentaires, prévoient
dans leur plan de développement le transfert par les maisons-mères des
activités de conception. Cette tendance est facilitée par l’utilisation des TIC
permettant ainsi les transferts d’informations via l’EDI (25). L’évolution vers la
conception et l’ingénierie est un facteur nouveau de développement au Maroc.
L’offre des ingénieurs et techniciens de haut niveau (ENSEM, AIMAC, EMI,
ERA, ENSAM, INSA, etc.), ayant parfois complété leur cursus marocain par
une spécialisation à l’étranger (Supaéro, ENSICA, ENAC, etc.), associée à la
disponibilité des infrastructures TIC, permet d’établir des pôles de conception
capables de s’intégrer dans l’organisation de groupes européens en particulier
français. Ces centres de connaissances proposant ce genre de formation de haut
niveau sont principalement concentrés sur l’axe Rabat-Casablanca.
Afin d’encourager cette tendance, le rôle de l’État consiste à créer les
conditions favorables à la diffusion d’une culture de l’innovation et du savoir.
A ce titre, un enseignement supérieur de qualité et une recherche publique de
haut niveau permettraient d’accompagner une éventuelle montée en gamme de
la filière marocaine dans la chaîne de valeur globale de l’industrie aéronautique.
25. L’EDI permet une communication rapide et fiable, ainsi qu’une gestion simultanée des
modifications dans tout le réseau. Ceci permettra une meilleure coordination et donc un
meilleur pilotage des projets.
Aéronautique
197
2.1.4. Une industrie orientée vers l’export
L’industrie aéronautique est une industrie mondialisée qui ne se contente
pas du marché national, elle est structurellement fortement exportatrice.
En effet, les exportations sont généralement utilisées comme un indicateur
majeur de la compétitivité de cette industrie, car elles reflètent la capacité
des pays à créer et à maintenir une main-d’œuvre hautement qualifiée.
Il est également important de reconnaître que les exportations sont
nécessaires pour soutenir et accroître la capacité d’innovation de pointe et
de financement de la recherche et développement. Toutefois, la spécificité du
tissu aéronautique marocain (dominé par les filiales d’entreprises étrangères)
fait que toutes les entreprises intervenant dans la sous-traitance, hors
opérations de maintenance, ont une vocation exportatrice, soit directement,
soit au travers d’une sous-traitance de rang supérieur pour des sociétés ellesmêmes exportatrices.
Orienté à 100 % vers l’export, le secteur aéronautique marocain a pu
résister aux effets de la crise économique et financière avec un taux de
croissance de 29 % de ses exportations sur la période 2008-2009 et de 65,5 %
sur toute la période 2008-2011 (26). En 2017, les exportations de l’industrie
aéronautique marocaine ont atteint plus de 9,78 milliards de dirhams contre
8,42 milliards un an auparavant, soit une progression de 16,3 %, selon
l’Office des changes (graphique 5).
Graphique 5
Une croissance soutenue du chiffre d’affaires à l’export
Source : Calcul des auteurs à partir des données de la Direction des études et des
prévisions financières et de l’Office des changes.
26. Ministère de l’Économie et des Finances, Direction des études et des prévisions financières,
« Le secteur aéronautique marocain face aux nouvelles mutations mondiales », 2012.
198
Profils sectoriels et émergence industrielle
Les exportations du secteur aéronautique ont enregistré une tendance
haussière sur l’ensemble de la dernière décennie et particulièrement sur les
trois années d’opérationnalisation de l’offre Maroc aéronautique (27).
Graphique 6
Répartition des exportations aéronautiques par branche d’activité
Câblage
Manufacturing
Maintenance
Autres
Source : Direction des études et des prévisions financières, 2012.
Par ailleurs, le graphique 6 indique une forte concentration des
exportations sur trois principales activités représentant ainsi 82 % du
chiffre d’affaires global à l’export du secteur. Il s’agit du câblage (51 % des
exportations), du manufacturing (19 % des exportations) et de la maintenance
(12 % des exportations).
2.2. … et son positionnement dans la chaîne de valeur mondiale
L’industrie aéronautique mondiale est une industrie structurée comprenant
un nombre limité d’acteurs. Sa chaîne de valeur s’analyse comme une
pyramide hiérarchisée et organisée (figure 1). Au sommet se trouvent
les donneurs d’ordre. Au premier rang interviennent les fournisseurs de
composants majeurs, à savoir les systémiers et les équipementiers. Ils
fournissent à l’avionneur des systèmes, sous-ensembles ou modules complets.
Il s’agit notamment des systèmes d’avionique, des parties des structures
et des systèmes de propulsion. Le second rang est composé des soustraitants de spécialité. Ce sont des fournisseurs de composants spécifiques
(consommations intermédiaires) maîtrisant la conception et l’industrialisation
27. L’État marocain s’est engagé, dans le cadre du Pacte émergence, à mettre en place une
« Offre Maroc aéronautique » afin d’accompagner le développement du secteur par la mise en
place de mesures concrètes et ciblées permettant au pays de s’ériger en véritable plateforme
pour des métiers aéronautiques ciblés.
Aéronautique
199
de ceux-ci. La majorité intervient à des niveaux inférieurs (niveaux 2 ou
3) auprès des systémiers et/ou équipementiers. Certains travaillent sur une
niche d’activité très spécialisée et relevant d’un domaine stratégique et tissent
marginalement avec l’avionneur des relations directes. Les sous-traitants de
capacité constituent le troisième rang et se limitent à la production en série
de pièces ou composants. Ils ne disposent d’aucune marge de manœuvre et
travaillent, le plus souvent, pour des équipementiers ou des sous-traitants
de spécialité. Ils ne développent aucune relation directe avec l’avionneur et
rarement avec les systémiers.
Figure 1
Chaîne de valeur du secteur aéronautique mondial
Avionneur ou constructeur
DOs
Systémier
Rang 1
Rang 2
ST de spécialité
Equipementier
Rang 2
ST de pièces
élémentaires
Transfert de risques
et de charges
Source : Schéma élaboré par les auteurs (28).
La reconfiguration de la chaîne de valeur globale du secteur de la
construction aéronautique, les pressions exercées sur les coûts de production,
le désengagement progressif des États et l’externalisation croissante des
activités non stratégiques ont amené les sous-traitants majeurs européens
à réexaminer leurs politiques d’achat en faveur d’une croissance externe,
notamment en direction de pays émergents (29). Profitant de ces orientations,
la sous-traitance aéronautique au Maroc connaît un développement rapide,
toujours par le biais de l’installation de filiales de groupes étrangers. Dans ce
cadre, elle a pu répondre à une demande nouvelle de sous-traitance fortement
28. Schéma élaboré à partir de Z. Benhar, S. Etber, M. Khabbache, « Dynamique des relations
verticales et clustering : quelle stratégie pour une sous-traitance aéronautique marocaine
compétitive ? », mémoire pour l’obtention du diplôme du cycle supérieur de gestion, ISCAE,
2008.
29. M. Hattab-Christmann, op. cit.
200
Profils sectoriels et émergence industrielle
technologique, largement mondialisée, associée à des facteurs géographiques,
culturels et géopolitiques. Ainsi, le secteur aéronautique marocain est constitué
de sous-traitants de premier et de second rangs qui peuvent attirer leurs clients
et leurs fournisseurs de troisième et quatrième rangs.
En effet, le Maroc se distingue dans le domaine de la maintenance
aéronautique depuis de nombreuses années (30). Actuellement, le secteur
compte 140 entreprises exerçant dans les activités de production, de services
et d’ingénierie qui constituent les principales composantes de la chaîne de
valeur aéronautique mondiale (figure 2).
Figure 2
Positionnement du Maroc dans la chaîne de valeur aéronautique générale
Étude
de marché
– Evaluation
du risque
marché
– Identification
de besoins
des clients
Conception
Production
Marketing
– Conception
détaillée
– Intégration
majeure
– Leasing
– Organisation
du projet
– Intégration
modulaire
– Essai / Certification
– Dessin de base
– Conceptualisation
de base
– Vente
Services
– Services
après vente
– Assemblage
des sous-systèmes
– Production
des composantes
Positionnement du Maroc
Source : Direction des études et des prévisions financières, 2012.
En outre, l’industrie aéronautique marocaine repose sur huit principaux
métiers (travail des métaux, services, électronique/avionique, fabrication de
pièces composites, supports techniques, maintenance/réparation, assemblage de
sous-structures, fabrication de parties auxiliaires), avec une prédominance de
l’activité « travail des métaux » qui contribue à elle seule avec 35 % (graphique 7).
La sous-traitance aéronautique au Maroc, d’existence récente, est un secteur
considéré par la plupart des acteurs comme étant de taille encore modeste, mais
recelant un fort potentiel de croissance. Le nombre de clients par entreprise est
30. A titre d’exemple : entre Airbus et le Maroc c’est une longue histoire de coopération et
de partenariat qui dure depuis plus de soixante ans. Parmi les filiales du groupe Airbus au
Maroc, on trouve notamment Stelia, une usine implantée à Casablanca sur une superficie de
15 000 m² qui compte deux chaînes d’assemblage de portes pour des airbus A320 notamment.
Le Maroc fait donc partie des partenaires privilégiés d’Airbus en Afrique dans le domaine de
la coopération industrielle, produisant des pièces dans tous ses programmes, y compris l’A320,
A330, A350 XWb, A380 et A400m (D.E.P.F, 2012).
Aéronautique
201
limité, notamment en raison des contraintes de qualification, d’agrément client
et de certification. De plus, les filiales installées des groupes internationaux
fonctionnent uniquement de manière captive, sans autonomie commerciale.
Graphique 7
Répartition des industries aéronautiques par domaine d’activité
Travail des métaux
Services
Electronique / avionique
Fabrication de pièces composites
Supports techniques / ingénierie
Maintenance / réparation
Assemblage de sous-structures
Fabrication de parties auxiliaires
Source : Direction des études et des prévisions financières, 2012.
Ainsi, les relations commerciales entre entreprises marocaines sont peu
développées, elles se limitent à des demandes de sous-traitance de capacité
en mécanique de précision et de sous-traitance de spécialité en traitement
de surface. Il n’existe pas réellement d’activité organisée pour répondre à des
demandes étendues sur plusieurs métiers (31). Le tissu industriel local lié à
l’activité aéronautique reste encore insuffisant du point de vue des grands
donneurs d’ordres avec une concurrence encore embryonnaire.
Pourtant, avec l’avènement du PAI (32), plusieurs actions sont à l’ordre
du jour en vue de développer une supply chain locale performante au
service des références mondiales installées au Maroc (Safran, Bombardier
aéronautique (33), Aerolia, Eaton…). Dans une logique gagnant-gagnant,
l’idée est de bénéficier de la capacité de ces références à attirer autour d’elles
31. Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, « Mise en œuvre du
Pacte national pour l’émergence industrielle », 2e Assisses de l’industrie, Casablanca, 5 mai 2011.
32. Plan d’accélération industrielle, 2014-2020.
33. Bombardier Aéronautique est une filiale du groupe Bombardier. C’est le troisième employeur
et vendeur dans le domaine de la construction aéronautique après Boeing et Airbus. Le quatrième
en termes de nombres d’avions commerciaux produits annuellement après Boeing, Airbus et
Embraer. Dans le cadre du mémorandum d’entente signé avec le gouvernement marocain en
2011, le groupe s’était engagé à investir 200 millions de dollars américains au Maroc pour le
développement d’une unité de production industrielle de calibre mondial, avec à la clé la création
de 850 emplois directs à l’horizon 2020. Malgré les résultats financiers affichés pour le premier
trimestre de 2019, l’entreprise canadienne a décidé de fermer son usine au Maroc.
202
Profils sectoriels et émergence industrielle
leurs fournisseurs afin d’atteindre un niveau plus élevé d’intégration et
pérenniser davantage le secteur marocain.
3. Capacités émergentes du secteur
La modernisation progressive du tissu industriel national – et son ancrage
dans les chaînes de valeur mondiales – observée au cours de ces dernières
années est le fruit de l’émergence de nouvelles spécialisations (34) à plus
forte contribution à la valeur ajoutée, à l’emploi qualifié et aux exportations.
Le développement de l’industrie aéronautique au Maroc doit beaucoup à la
volonté des pouvoirs publics.
Le rôle de l’État reste important pour construire un environnement
institutionnel propice au développement d’une industrie « propre », afin
d’enraciner les firmes françaises mais aussi d’attirer d’autres firmes aéronautiques
(notamment allemandes) encore concentrées dans les PECO (35). Ainsi, la
gouvernance territoriale reste dominée par l’acteur public qui est lui-même dans
la logique de satisfaire les attentes des investisseurs étrangers. De sa part, Airbus
en tant qu’acteur global définit les règles et impose les conditions d’organisation
de toute la filière aéronautique amont. Cette firme joue un rôle déterminant
dans les dynamiques territoriales qui émergent.
Par ailleurs, le GIMAS, principal organe de coordination du secteur, a
acquis une certaine épaisseur institutionnelle grâce à la personnalité de ses
dirigeants issus du secteur aéronautique. La disponibilité d’une main-d’œuvre
formée et l’existence d’une charte déontologique entre les partenaires du
GIMAS seraient l’amorce d’une véritable coopération dans le secteur afin
d’éviter les surenchères sur les salaires.
Pour l’instant, on est encore loin de parler d’une « atmosphère
industrielle » reposant sur un climat de confiance et de réciprocité. Certaines
entreprises du secteur ont privilégié l’éloignement et l’isolement pour
protéger leur personnel, alors que d’autres ont choisi leur localisation au
cours des années 90 de manière totalement indépendante puisqu’ils faisaient
partie des pionniers. Paradoxalement, c’est autour de ce type d’entreprise
que semble avoir émergé une certaine forme de dynamique territoriale.
Le personnel s’est installé près de l’entreprise, des commerces et d’autres
activités ont suivi (36).
34. Comme l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique.
35. Pays de l’Europe centrale et orientale (PECO).
36. M. Hattab-Christmann, op. cit.
Aéronautique
203
En effet, bien que le Maroc s’impose comme une destination incontournable
pour les benchmarks du secteur aéronautique, grâce notamment aux capacités
qualitatives de sa main-d’œuvre, son avantage géographique et ses efforts
déployés pour accompagner les industriels en aéronautique, le succès actuel de
cette industrie au Maroc n’exclut pas qu’elle présente aussi quelques faiblesses,
qui méritent d’autant plus d’être identifiées et traitées qu’elles peuvent
être génératrices de fortes difficultés à terme. La matrice SWOT synthétise
les principales forces et faiblesses, les opportunités et menaces de la filière
aéronautique au Maroc (figure 3).
Figure 3
Matrice SWOT du secteur aéronautique marocain
Forces
Faiblesses
• Volonté politique stratégique : plan Émergence,
Pacte national pour l’émergence industrielle,
Plan d’accélération industrielle.
• Aides financières : Fonds Hassan II…
• Proximités géographique et culturelle.
• Facilité d’installation et d’exploitation.
• Bassins d’emploi caractérisés par la faible coût
de la MO et une bonne productivité.
• Compétences techniques des employés.
• Prédisposition à la coopération et sens
d’appartenance.
• Habilité de gestion et réputation.
• Dépendance positive du donneur d’ordres :
– garantie des marchés ;
– savoir-faire spécifique lié à certains produits ;
– accès à l’information et identification des
opportunités.
• Faible tissu local de sous-traitance
• Manque de compétences relationnelles
spécifiques
• Faible spécialisation sectorielle de la TFZ
• Problèmes de développement des RH
• Absence de vision partagée, de système de
gouvernance et d’animation
• Très faible intensité de la R&D et du transfert
des connaissances
• Carence dans la formation de la MO
• Charge de la formation spécifique
• Turn over des personnels formés / risque de
pénurie
• Dépendance négative du donneur d’ordres :
– marge de manœuvre restreinte ;
– faible autonomie ;
– rigidité dans la chaîne logistique.
Opportunités
Menaces
• Croissance du secteur au niveau mondial.
• Forte pression sur les coûts en Europe.
• Marché de maintenance prometteur suite à
l’accord de l’Open Sky.
• Nouvelles Implantations et extension d’unités
industrielles.
• GIMAS, acteur fédérateur et interlocuteur des
pouvoirs publics.
• Ouverture à l’export via les ALE avec les ÉtatsUnis et l’UE.
• Infrastructures dédiées au niveau de l’Aéropole
et de la TFZ.
• Contexte marocain politique et socioéconomique favorable à l’investissement.
• Cadre réglementaire compétitif.
• Mise en œuvre des écosystèmes industriels.
• Programmes d’amélioration de la production.
• Pôles de conception et d’innovation.
•
•
•
•
Source : élaboré par les auteurs.
•
•
•
•
•
•
•
•
Caractère cyclique de l’industrie.
Concurrence de plus en plus rude.
Normes draconiennes : certifications.
Retard de la mise en œuvre des plans et
politiques industrielles.
Politiques publiques timides en faveur des
clusters.
Difficulté de mise en œuvre des mesures
incitatives.
Ancrage superficiel des implantations
étrangères
Insuffisance des compétences qualifiées.
Difficultés de recrutement de la MO.
Insuffisances des services connexes et des
infrastructures d’accueil.
Manque au niveau de l’infrastructure TIC et des
prestations de services.
Lourdeur des procédures administratives.
204
Profils sectoriels et émergence industrielle
Conclusion
Le caractère cyclique de l’industrie aéronautique dans un environnement
concurrentiel ouvert, le désengagement progressif des États, la concentration
et l’internationalisation des acteurs industriels, les conduites des compagnies
aériennes et les dispositions réglementaires liées à l’environnement et à la
sécurité… ont tous participé à la refonte de la carte industrielle du secteur
aéronautique mondial. Les donneurs d’ordres de grande taille ont réorienté
leurs stratégies dans le sens d’une réduction des coûts et, par conséquent,
d’une externalisation accrue, notamment vers les pays émergents low cost
et d’autres pays tels que le Maroc, où le secteur aéronautique a localisé un
ensemble d’activités.
En effet, la proximité de l’Europe, la stabilité politique et économique,
les stratégies industrielles volontaristes, la disponibilité et le coût de la maind’œuvre sont autant de facteurs qui favorisent l’attractivité de la destination
Maroc et contribuent au renforcement de la productivité et à l’amélioration
de la compétitivité des entreprises, permettant ainsi aux industriels de gagner
en compétitivité, au pays de gagner en technologie et à la base aéronautique
marocaine de gagner en robustesse et de devenir pérenne. Toutefois, pour
rester attractif, le Maroc doit relever un double défi en adaptant son offre de
compétences et en accélérant le changement institutionnel.
Il faut noter qu’à l’heure où la compétitivité industrielle du Maroc est
remise en question, l’aéronautique fait figure d’exception. Le secteur a été
identifié parmi les moteurs de croissance du Pacte Émergence. La stratégie
nationale (PAI 2014-2020) pilotée conjointement par le ministère de
l’Industrie et le GIMAS s’est révélée payante. Néanmoins, en filigrane des
mutations en cours se posent des questions fondamentales sur les innovations
et les configurations futures du secteur (les nouvelles usines numériques et
intelligentes, la conception et la production des avions du futur avec les
nouveaux paradigmes économiques, technologiques et environnementaux).
CHAPITRE 7
Électrique et électronique
Rachid El Mataoui
Introduction
Le secteur de l’industrie électrique et électronique occupe une place
importante dans l’industrie marocaine, compte tenu de son implication dans
les différentes chaînes de valeur des différents secteurs économiques.
C’est un secteur qui comprend des entreprises de différentes tailles
selon leur capacité de production des différents éléments et composants
correspondant aux diverses étapes de la production en proposant un large
panel de produits, conçus et fabriqués pour répondre à une demande en
constante évolution. Par conséquent, le secteur de l’électronique est un secteurphare de l’innovation sujet aux variations du marché, ce qui a naturellement
une influence sur le marché de la machine industrielle électronique car ces
dernières se doivent d’être flexibles pour pouvoir s’adapter au renouvellement
constant des nouvelles technologies.
En effet, les progrès technologiques enregistrés ces dernières années
tendent de plus en plus vers la miniaturisation où l’enjeu est d’offrir
un produit plus léger et plus petit, ce qui induit l’utilisation croissante
d’automates. D’autre part, différents secteurs et types de machines sont
impliqués dans le processus : de la production de composants électriques au
conditionnement en passant par l’assemblage, autant dire que de nombreux
secteurs industriels se combinent, de la première étape de la production
jusqu’à la mise en magasin.
En outre, il faut rappeler que l’industrie électronique dans le monde
intervient dans de nombreux domaines d’application comme l’électronique
grand public (TV, chaînes hi-fi, magnétoscopes, caméras, l’électroménager,
qui représentent presque 18 % de la production totale), l’électronique
professionnelle d’État ou privée, les télécommunications (réseaux
téléphoniques, téléphonie cellulaire, communications spatiales, assistants
numériques…) et l’informatique (près de 32,5 % de la production totale).
206
Profils sectoriels et émergence industrielle
1. Grandeurs du secteur
L’électronique dans l’industrie automobile a connu ces dernières années le
plus important taux de croissance annuel, suivie par les télécommunications,
l’électronique grand public et les ordinateurs et périphériques avec près de 6 %.
Concernant la production d’électricité, qui constitue aujourd’hui la
principale la source d’émissions de CO2 dans le monde (près de 40 % des
émissions) car elle est en grande partie produite avec du charbon, elle a
beaucoup évolué afin de répondre aux objectifs du développement durable.
Les systèmes et procédés de production électrique doivent évoluer avec des
contraintes de flexibilité, autant du côté de l’appareil de production que de
celui des usages. Les enjeux sont différents selon les pays : pour certains, il
s’agira de faire évoluer l’existant, alors que pour d’autres, il faudra augmenter les
capacités de production. Mais, dans tous les cas, la mutation du mix électrique
sera générale. Les évolutions seront réalisées en fonction des moyens locaux.
Au Maroc, la branche de l’électrique est constituée de la sous-branche
machines et appareils électriques. Quant à l’électronique, elle est constituée
des filières équipements de radio, télévision et communication et instruments
médicaux de précision, d’optique et d’horlogerie.
Le tissu productif est constitué principalement de petites et moyennes
entreprises et industries (PME et PMI), soit à peu près 80 % de l’ensemble
du secteur électrique et électronique, ce qui révèle l’importance de ce type
d’entreprise dans l’ensemble des entreprises industrielles marocaines.
Les grandeurs macro-économiques du secteur électrique et électronique
ont continuellement progressé entre 2007 et 2014.
Figure 1
Production du secteur électrique et électronique au Maroc
(en millions de dirhams)
Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan).
Électrique et électronique
207
En effet, le secteur électrique et électronique a réalisé une production de
35 867 millions de dirhams en 2014, soit 2,32 % du total de la production
totale de l’économie, contre 32 323 millions en 2007 (3 %). Il est à noter que
l’évolution de la production de ce secteur est dépendante de la performance
d’autres secteurs d’activité tels que le bâtiment et travaux publics, la promotion
immobilière, le tourisme, les infrastructures de base…
A cet égard, le Programme d’électrification rurale global lancé au milieu
des années 90 par l’État, résultat d’un ensemble de programmes et expériences
précédentes, constitue un levier de développement socio-économique pour
le Maroc. Ce programme induira une amélioration de la consommation des
produits électriques.
Au niveau des investissements sur les produits de ce secteur, il est à
constater les efforts enregistrés quant aux règles d’imposition attractives et aux
avantages accordés sur le plan douanier.
Le Fonds Hassan II pour le développement économique et social a
contribué activement à la relance de l’investissement dans le secteur industriel
de l’électronique en participant, d’une part, à la mise en place d’infrastructures
d’accueil pour créer de nouvelles zones industrielles ou pour compléter
certaines infrastructures manquantes et, d’autre part, à la prise en charge du
financement, totale ou partielle, du coût de l’investissement lié au foncier ou
aux bâtiments nécessaires à la réalisation de nouveaux projets.
Concernant l’aide directe de l’État, pour concrétiser le potentiel du secteur
de l’électronique, particulièrement celui des composants électroniques, ainsi
que le fort développement des NTI qui induit une demande de plus en plus
élevée en semi-conducteurs, un soutien direct est consenti pour attirer d’autres
grands investisseurs et encourager l’implantation des sous-traitants.
Toutes les lois de finances depuis la Charte des investissements élaborée
en 1995 ont introduit de nouveaux articles complétant les mesures
d’accompagnement et d’encouragement.
L’article 17 de la loi n° 18-95, formant Charte de l’investissement stipule,
pour les entreprises respectant au moins un critère d’éligibilité (investissement
supérieur ou égal à 200 millions de dirhams, création d’au moins 250 emplois
stables, protection de l’environnement et transfert de technologie) :
– une participation aux frais d’acquisition du terrain atteignant jusqu’à
20 % du prix d’achat ;
– une participation aux dépenses liées à l’infrastructure externe allant
jusqu’à 5 % du total de l’investissement ;
208
Profils sectoriels et émergence industrielle
– une participation aux frais de formation professionnelle pouvant
atteindre 20 %.
De son côté, les efforts de l’Office de la formation professionnelle et de
la promotion du travail (OFPPT) visent à entreprendre la diversification des
prestations et des offres de formation aux entreprises du secteur électronique.
Ces efforts ont comme objectifs de répondre au mieux à leur besoin en
compétences adéquates et de certifier la qualité de formation. Il s’agit de mettre
en place quatre spécialités, dispensées dans un grand nombre d’établissements
de formation du pays, au profit des entreprises du secteur de l’électronique,
d’offrir une formation complémentaire, de proposer une assistance technique
aux entreprises et d’encourager le recours aux contrats spéciaux de formation.
Toutefois, l’évolution des investissements du Maroc dans les produits
du secteur électrique et électronique ont enregistré une régression de 44 %,
passant de 14 108 millions de dirhams en 2007 (soit 6,8 % du montant total
des investissements du pays) à 7 897 millions (2,9 %) en 2014.
Tableau 1
Évolution de l’investissement dans le secteur
électrique et électronique
Montant (en millions
de dirhams)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
14 108
15 203
12 456
10 095
11 021
10 950
9 335
7 897
Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan).
Cette régression des investissements est imputable aux coûts élevés des
crédits bancaires et des dépenses en recherche et développement et à l’étroitesse
du marché.
Les entreprises à participation étrangère représentent 30 % des entreprises
du secteur et se caractérisent par une forte concentration de la production
en contribuant à hauteur de 82 % à la production totale du secteur. Dès
lors, le capital étranger contribue non seulement à la performance du secteur
électrique et électronique, mais il favorise aussi le transfert du savoir-faire et de
la technologie et l’émergence d’une industrie de la sous-traitance électronique.
Les entreprises qui opèrent dans la sous-traitance électronique, se spécialisent
plus précisément sur plusieurs produits comme les cartes électroniques, les
circuits intégrés, les centraux téléphoniques, les semi-conducteurs, etc. La
majorité de la production est exportée sur les marchés de l’Union européenne,
particulièrement la France. La sous-traitance électronique a affiché une
Électrique et électronique
209
croissance soutenue, en moyenne de 14,7 % sur la période 2007-2014.
Cependant, elle pâtit de diverses contraintes comme le coût élevé de l’énergie,
l’étroitesse du marché national, le coût élevé du fret aérien et le manque
d’infrastructures adéquates pour l’investissement.
Par ailleurs, si le secteur électrique et électronique contribue faiblement
à la richesse nationale, soit 5,5 % du PIB industriel, sa croissance a été
consolidée depuis le milieu des années 2000 en raison de l’installation de
firmes multinationales, du développement de la sous-traitance électronique
et du début de la spécialisation en matière d’électronique de spécialité et de
petites et moyennes séries.
Ainsi, la sous-traitance électronique a affiché un essor considérable en
raison notamment de nombreux atouts : une main-d’œuvre abondante,
qualifiée et bon marché, la proximité géographique avec l’Union européenne,
son ouverture sur l’Afrique et la stabilité politique. Compte tenu de son
potentiel de développement, le secteur de l’électronique figure parmi les
secteurs-phares de la croissance industrielle à l’horizon 2015. Dans ce cadre,
le Maroc a mis en place plusieurs mesures d’ordre juridique et institutionnel
visant à promouvoir ses avantages comparatifs dans le but de développer
le créneau de l’électronique de spécialité et de petites et moyennes séries,
permettant de dégager des marges bénéficiaires appréciables.
Toutefois, ce secteur doit dépasser diverses contraintes pour exploiter au
mieux les perspectives de développement enregistrées au niveau mondial :
le coût élevé de l’énergie, l’étroitesse du marché national, l’absence d’un
cadre de R&D, le coût élevé du fret aérien et le manque de structures
d’approvisionnement en matières premières.
La délocalisation des entreprises de sous-traitance électronique
s’accompagne généralement d’investissements conséquents et d’un transfert
de savoir-faire et de technologie. Celles-ci utilisent rarement les dettes
d’exploitation et de financement du fait de leur adossement à de grands
groupes étrangers. Elles réalisent une bonne performance opérationnelle.
En se référant à la nomenclature du ministère de l’Industrie, le secteur
électrique et électronique, qui fait partie des industries mécanique,
métallurgique, électrique et électronique (IMME), comprend deux grands
sous-secteurs : l’électrique, avec la branche « machines et appareils électriques »,
et l’électronique, avec deux branches : « équipements de radio, télévision et
communication » et « instruments médicaux, instruments de précision d’optique
et d’horlogerie ». Selon les statistiques de 2013, sur les 7 786 entreprises du
secteur industriel répertoriées par le ministère de l’Industrie, 210 exercent
leur activité dans le secteur électrique et électronique, soit 2,7 % du total, et
210
Profils sectoriels et émergence industrielle
emploient plus de 20 000 personnes. Ce secteur est composé de cinq filières
principales : les fils et câbles, le matériel de distribution et de commande
électrique, les instruments de mesures et de contrôle, les piles et accumulateurs,
le matériel d’éclairage et les machines, transformateurs et génératrices.
Ledit secteur a dégagé une valeur ajoutée qui a dépassé 12 millions de
dirhams en 2014, soit 1,47 % de la valeur ajoutée de l’économie contre
10,5 millions en 2007 (soit 1,82 %) avec une évolution de 16,1 %.
Figure 2
Évolution de la valeur ajoutée du secteur électrique et électronique
(en millions de dirhams)
Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan).
Quant à la composante de la valeur ajoutée dégagée par le secteur électrique
électronique, la rémunération du capital (excédent brut d’exploitation ou
revenu mixte) reste la principale source de rémunération avec une moyenne de
50,4 % durant la période 2007-2014, dépassant légèrement la rémunération
salariale (dont les salaires bruts et les contributions sociales effectives et
imputées) avec 48,9 %. Quant à l’impôt sur l’activité du secteur, sa part reste
minime, avec une moyenne de 0,7 %.
Tableau 2
La part du secteur électrique et électronique dans
la valeur ajoutée totale de l’économie (en %)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Moyenne
Rémunération
des salariés
46
51
51
61
51
46
42
42
48,9
Impôts sur la
production
0,52
0,57
0,69
0,62
0,56
0,58
0,66
1,20
0,7
Excédent brut
d’exploitation
54
48
48
38
48
54
57
56
50,4
Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan).
Électrique et électronique
211
Sur le plan des échanges extérieurs, les exportations des produits de ce
secteur ont évolué de plus de 67 %, passant de 19,7 millions de dirhams en
2007 à plus de 33 millions en 2014. Les fils et câbles restent les principaux
produits qui ont dopé les exportations du secteur, suivis par les articles de
bonneterie.
Les principaux marchés de l’exportation se situent en Europe, plus
particulièrement en France, et les exportations marocaines sont constituées
en grande partie des produits des entreprises de la sous-traitance électronique.
Dans le cadre de la politique volontariste de l’État pour le développement
d’une plateforme d’exportation des produits électroniques, les exportations
marocaines devraient croître dans les années à venir.
Quant aux importations, leur volume a enregistré une évolution de plus de
26 % durant la même période, passant de 43 millions de dirhams en 2007 à
plus de 58,5 millions en 2014.
Les principaux produits importés sont constitués principalement des
appareils récepteurs radio et télévision, fils et câbles pour l’électricité, appareils
de coupures électriques et appareils électriques pour téléphonie et télégraphie,
représentant 87,1 % du total des importations. Les importations de soussystèmes électroniques ont progressé fortement entre 2007 et 2014. En effet,
ces produits sont utilisés comme des matières premières ou des demi-produits
pour la fabrication des composants électroniques.
Les principaux fournisseurs du Maroc pour les produits électriques et
électroniques sont les pays de l’Union européenne (France, Italie, Espagne,
Allemagne, etc.) et de l’Asie (Chine, Japon, Taïwan, Malaisie, Singapour, etc.)
Figure 3
Évolution des exportations et des importations du secteur électrique
et électronique (en millions de dirhams)
Importations
Source : Office des changes.
Exportations
212
Profils sectoriels et émergence industrielle
Cette évolution confirme l’attrait du marché pour les exportateurs de biens
électriques et électroniques, les grandes multinationales qui occupent une
position dominante sur le marché marocain.
Toutefois, force est de constater le déficit enregistré au niveau de la balance
commerciale concernant les produits de ce secteur, et qui prouve qu’il y a
encore du travail à faire pour renflouer et booster les exportations du pays en
la matière à travers des politiques d’attractivité des investissements étrangers,
le climat des affaires, la qualification de la main-d’œuvre…
Même si le déficit commercial en matière de produits d’électricité
et d’électronique a connu une tendance à la baisse depuis 2009, avant
d’atteindre un pic de 36 973 millions de dirhams en 2008, sa valeur
moyenne, qui tourne autour 29 812 millions de dirhams durant ces dernières
années, demeure relativement élevée comparée à certains pays à économie
similaire.
Tableau 3
Évolution du déficit commercial dans le secteur
électrique et électronique
2007
Montant (en millions
de dirhams)
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
26 617 36 973 33 420 30 870 27 557 27 934 29 718 25 407
Moyenne
29 812
Source : Office des changes.
Concernant l’emploi, le secteur électrique et électronique n’a pu créer en
2014 que 28 345 emplois, soit seulement 0,26 % de l’ensemble des emplois
créés par l’économie et 6,3 % des emplois de l’ensemble des industries de
transformation du pays, et dont 50 % sont occupés par des femmes.
Tableau 4
L’emploi dans le secteur électrique et électronique
Effectif
Part (en %)
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
52 057
27 305
24 134
28 226
35 874
29 496
31 115
28 345
0,87
0,26
0,23
0,27
0,34
0,28
0,29
0,26
Source : Direction de la comptabilité nationale (Haut-Commissariat au Plan).
Électrique et électronique
213
2. Électrique
Loi 13-09 (1) constitue le premier pas dans le processus de libéralisation
du secteur électrique. Elle a libéralisé la production et la commercialisation
de l’électricité issue des énergies renouvelables et a donné la possibilité aux
entreprises privées de développer la capacité de production d’électricité de
source renouvelable et de commercialiser cette énergie sur le marché de
l’électricité.
Selon les autorités marocaines, une nouvelle étape dans le processus
de libéralisation a été franchie avec l’adoption des amendements apportés
à la loi régissant la création de l’Office national de l’électricité et de l’eau
potable (ONEE). Ce texte donne également la possibilité aux grands autoproducteurs nationaux d’électricité, dont les besoins en puissance installée
cumulée dépassent 300 MW, d’accéder au réseau de l’ONEE pour transporter
leur énergie depuis le site de production jusqu’aux lieux de consommation. Il
leur donne également la possibilité de produire, par leurs propres moyens, de
l’électricité pour des puissances de production supérieures à 50 MW.
En plus des programmes marocains intégrés éolien et solaire, en cours de
développement respectivement par l’Office national de l’électricité et de l’eau
potable et la Moroccan Agency For Solar Energy (MASEN), la loi 13-09
permettra d’introduire des innovations majeures : l’ouverture à la concurrence
du marché de la production et de la commercialisation de l’électricité produite
à partir des énergies renouvelables, la possibilité offerte aux entreprises privées
porteuses de projets de production d’électricité de sources renouvelables
d’accéder au réseau électrique national et de réaliser, pour leur propre
usage, des lignes directes de transport et d’exporter de l’électricité d’origine
renouvelable par l’utilisation du réseau électrique national de transport et des
interconnexions.
En outre, la loi n° 57-09 créant l’Agence marocaine de l’énergie solaire
(MASEN) et régissant le développement des projets solaires fixe à cette agence
des objectifs spécifiques par rapport à la mise en œuvre du Plan solaire, lui
permet d’assurer la gestion de ses projets et d’être responsable des décisions
prises les concernant.
1. Loi n° 13-09 relative aux énergies renouvelables, promulguée par de dahir n° 1-10-16 du
26 safar 1431 (11 février 2010) publiée au Bulletin officiel n° 5822 du 1er rabii II 1431
(18 mars 2010).
214
Profils sectoriels et émergence industrielle
A cela s’ajoute la loi n° 47-09 sur l’efficacité énergétique (2), qui s’inspire
des expériences française et allemande. C’est une loi qui instaure les principes
d’une future régulation thermique et permet de rationaliser la consommation
des ressources énergétiques, de réduire le coût de l’énergie au niveau national
et de contribuer au développement durable.
En termes de potentialités du secteur, les filières de fabrication de
matériel de distribution et de commande électrique, de fils et câbles isolés
et d’instruments de mesure et de contrôle sont les plus importantes filières
de la branche. En effet, bien qu’elles ne représentent que 31 % de l’ensemble
des sociétés du secteur, leurs activités réalisent 86 % des exportations, 79 %
des investissements, 72 % de la production et 65 % de la valeur ajoutée de
l’industrie électrique.
La dynamique du secteur a été constatée depuis le lancement du Programme
d’électrification rurale généralisé (PERG) en 1995, réalisé en grande partie par
des entreprises marocaines notamment avec la fabrication de produits locaux.
Grâce à ce programme, le secteur électrique s’est nettement développé, et ses
entreprises ont réussi à acquérir une bonne expérience en matière d’installation
électrique.
En outre, d’autres programmes ayant comme objectif la résorption du
déficit en matière d’habitat ont eu également un impact positif sur ce secteur,
dans la mesure où les entreprises marocaines ont réussi à adapter leurs
produits aux besoins des différentes couches sociales.
Les perspectives de ce secteur sont prometteuses au Maroc et sont
favorisées notamment par :
– les programmes d’habitat social et l’amélioration des conditions de vie
du monde rural ;
– le développement du secteur de l’automobile en contribuant à
l’épanouissement de filières telles que les faisceaux de câbles et les accumulateurs
électriques ;
– les projets d’envergure prévus par l’ONEE, notamment la construction
de plusieurs centrales électriques ;
– la pénétration progressive des marchés africains ;
– la volonté du pays de développer le secteur des énergies renouvelables.
Engagé dans la voie du développement durable, le Maroc est s’orienté
depuis des années vers la recherche et le développement des énergies
2. La loi n° 47-09 relative à l’efficacité énergétique est entrée en vigueur le 6 novembre 2015,
publiée au Bulletin officiel n° 5996 du 20 hijja 1432 (17-11-2011).
Électrique et électronique
215
renouvelables, propres et respectueuses de l’environnement. En effet, le pays
dispose d’un important potentiel en énergies renouvelables, notamment le
solaire et l’éolien, en particulier sur les zones côtières.
Pour accompagner ce secteur des énergies renouvelables, un projet
de loi relatif à l’efficacité énergétique, aux énergies renouvelables et à la
restructuration du Centre de développement des énergies renouvelables a
été élaboré et actuellement en phase de finalisation. Ce projet a pour objet
d’assurer le développement durable de la fourniture d’énergie, de réduire
le coût de l’approvisionnement énergétique pour l’économie nationale, de
lutter contre le changement climatique et de développer la technologie de
valorisation des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.
A signaler également que les entreprises du secteur exploitent de nouveaux
débouchés en Afrique, notamment dans les pays subsahariens (Sénégal,
Cameroun, Côte-d’Ivoire, Gabon, Guinée équatoriale, Mali, Togo, Bénin)
dont le déficit en matière d’électrification est important.
2.1. Conjoncture nationale et internationale
La production électrique au Maroc a enregistré une hausse soutenue ces
dernières années, en particulier grâce aux fournisseurs privés, au moment où
la production de l’ONEE était en recul (DEPF) (3). Cette production est
assurée notamment par des centrales à cycle combiné, thermique diesel et de
turbines à gaz. Quant à l’activité de raffinage, elle a poursuivi son recul ces
dernières années, mais en rythme décéléré d’un mois à l’autre.
Par ailleurs, la consommation d’électricité a augmenté de 1,1 % en une
année, révélant une hausse de la consommation de l’énergie de très haute,
haute et moyenne tension de 0,5 % et de celle de basse tension de 3,5 %,
souligne la DEPF.
Au niveau mondial, la production électrique a crû en moyenne de 3 % par
an pendant les dix dernières années, et la croissance en 2013 et 2014 n’était
que de 1,5 % par an. Neuf pays, la Chine, les États-Unis, la Russie, le Japon, le
Canada, l’Allemagne, la France et le Brésil, s’accaparent 66 % de la production.
En perspective, il y a une tendance nette à un ralentissement de la
croissance de la production électrique au niveau mondial pour de nombreux
pays de l’OCDE, à l’exception de l’Inde et de l’Arabie saoudite.
3. Direction des études et des prévisions financières, Ministère de l’Économie et des Finances,
Note de conjoncture pour le mois de juillet 2015.
216
Profils sectoriels et émergence industrielle
Le Maroc, vu les moyens naturels dont il dispose, n’a d’autre choix que de
renforcer localement sa capacité de production d’énergie et d’ouvrir la voie aux
investissements prometteurs en matière d’approvisionnement énergétique. Il se
doit également de poursuivre résolument les efforts visant à faire des énergies
alternatives et renouvelables la clé de voûte de sa politique énergétique.
Les futurs projets économiques devraient accroître en 2030 la demande
en énergie de près de 185 % et celle en électricité de 68 %. Pour soutenir
l’accélération de ces projets, le Maroc a développé une stratégie énergétique
ambitieuse à l’horizon 2020-2030 (la Stratégie énergétique marocaine). Ne
disposant pas de ressources en hydrocarbures et dépendant fortement des
importations énergétiques, il souhaite aujourd’hui tirer le meilleur parti de ses
ressources en énergies solaire et éolienne.
2.2. Acteurs
Au niveau des acteurs relevant du secteur public, on trouve, en plus du
ministère de tutelle, quatre établissements :
• l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (l’ONEE), qui est
l’entité publique en charge de la production, du transport et de la distribution
de l’électricité ;
• MASEN, qui est une agence publique en charge du développement des
projets solaires ;
• la Société d’investissements énergétiques (SIE), qui contribue au
développement des projets énergétiques à travers le financement partiel par
l’État sous forme d’une participation directe au capital ou d’un investissement
effectué par un partenaire financier dans le capital de la société porteuse du
projet ;
• l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et
de l’efficacité énergétique (ADEREE), qui est l’acteur principal du Programme
d’efficacité énergétique à destination des entreprises.
Parmi les principales entreprises du secteur, on trouve :
– ABB, qui est un des chefs de file mondiaux dans le domaine de l’énergie
et de l’automation et qui œuvre dans le domaine éco-énergétique pour la
production, le transport et la distribution d’électricité.
– NEXANS, qui est présente dans 40 pays, a des activités commerciales
dans le monde entier et emploie près de 26 000 personnes. Cette entreprise
est le leader national des câbles et systèmes d’énergie et de télécommunications
et le premier fabricant de câbles téléphoniques enterrés ou aériens du Maroc.
Électrique et électronique
217
Elle assure également la production de câbles pour automobile et de toute une
gamme de batteries.
– INGELEC, qui est le premier producteur arabo-africain dans l’appareillage
électrique basse tension. Il est leader sur le marché local avec 60 % de parts de
marché et réalise 40 % de son chiffre d’affaires à l’export. Cette entreprise exporte
plus de 40 % de sa production, soit 32 % de son chiffre d’affaires, vers les pays
de l’Union européenne, de l’Afrique et du Moyen-Orient. Elle a également
investi dans les nouvelles technologies et a développé une solution complète de
pré-câblage informatique, permettant de réaliser des bâtiments intelligents en les
dotant d’une infrastructure haut débit pour réseau informatique.
– Elecam, qui est une filiale de SPIE-Maroc, développe et met en œuvre
des services tels que l’électricité industrielle et tertiaire, les réseaux et télécoms,
les lignes et postes, la fabrication métallique, la maintenance et l’exploitation
et le génie climatique et des fluides.
– Le groupe Siemens-Maroc, qui apporte une valeur ajoutée dans des
domaines variés et technologiquement complexes : l’automatisme et les
entraînements, l’ingénierie et les services, la production et la distribution de
l’énergie électrique, le transport, les réseaux et télécoms fixes et mobiles, les
appareils téléphoniques fixes et mobiles et les techniques médicales.
2.3. Perspectives
Avec le lancement de projets économiques pour accompagner
l’accroissement de la demande en énergie et soutenir l’accélération de ces
projets, le Maroc a développé une stratégie énergétique ambitieuse à l’horizon
2020-2030 (la Stratégie énergétique marocaine). L’objectif étant la satisfaction
de la demande énergétique qui suit un rythme de croissance soutenu (la
demande augmentera de 70 % entre 2013 et 2025).
Cette stratégie énergétique devra concilier développement économique
et lutte contre le changement climatique et donner une place de choix aux
énergies renouvelables avec pour objectif la réduction de 32 % des émissions
de GES à l’horizon 2030.
3. Électronique
L’industrie électronique au Maroc demeure l’un des secteurs les plus
dynamiques ces dernières années. La stratégie adoptée par les pouvoirs, basée
essentiellement sur la mise en œuvre d’infrastructures performantes et l’octroi
d’incitations fiscales, a réussi à attirer de nombreux investisseurs étrangers
218
Profils sectoriels et émergence industrielle
pour constituer avec les acteurs locaux un tissu productif qui pourra répondre
aux besoins de la clientèle dans de nombreux domaines comme l’électronique
grand public (les TV, chaînes hi-fi, magnétoscopes, caméras, électroménager…),
l’électronique professionnelle d’État (l’aérospatiale et la défense), l’électronique
professionnelle privée (l’électronique médicale et automobile…), les
télécommunications (les réseaux téléphoniques, la téléphonie cellulaire, les
communications spatiales, les assistants numériques….) et l’informatique.
La combinaison de l’investissement local et de l’investissement étranger
dans un cadre de complémentarité a eu un impact notable sur l’industrie
électronique, non seulement avec l’arrivée de nouveaux investisseurs mais
également avec l’augmentation de la consommation locale des biens pour
l’industrie électronique.
Cette industrie comprend deux branches d’activités : l’électronique grand
public, représentée en amont par des produits bruns et des produits blancs, et
l’électronique de spécialité intégrée qui comprend l’électronique industrielle,
embarquée et médicale.
3.1. Mécanisme d’appui au secteur
Dans le sillage de la promotion du secteur de l’industrie électronique
au Maroc, les autorités marocaines ont envisagé de mettre en place des
mécanismes institutionnels visant à apporter aux entreprises des écosystèmes
en matière de financement, de foncier industriel et de formation, notamment :
– le Fonds de développement industriel (FDI), qui permet d’allouer
3 milliards de dirhams par an sur la période 2014-2020 aux entreprises des
écosystèmes, pour leur permettre de concrétiser leurs ambitions de mise à
niveau, de développement et d’internationalisation ;
– le Fonds de promotion des investissements (FPI) qui propose la prise en
charge partielle par le gouvernement de certaines dépenses liées à l’acquisition
du foncier (dans la limite de 20 % du coût du terrain), à l’infrastructure externe
(dans la limite de 5 % du montant global du programme d’investissement)
et à la formation professionnelle (dans la limite de 20 % du coût de cette
formation) ;
– le Fonds Hassan II qui propose des subventions à hauteur de 15 % du
montant total de l’investissement, plafonnées à 30 millions de dirhams (le
montant total de l’investissement doit être supérieur ou égal à 10 millions de
dirhams et le montant de l’investissement en biens et équipements (hors taxes
et droit d’importation) supérieur ou égal à 5 millions de dirhams).
Électrique et électronique
219
3.2. Conjoncture internationale et perspectives
Au niveau mondial, la plus grande part de la production électronique
est fournie par trois grands groupes de pays : l’Amérique du Nord, dominée
principalement par les États-Unis, l’Europe et les pays de l’Asie, notamment
la Chine, qui est devenue en 2013 le premier marché de l’électronique grand
public devant les États-Unis. Au total, les dépenses technologiques dans les
pays émergents d’Asie ont atteint 282 milliards de dollars, contre seulement
254 milliards en Amérique du Nord.
L’innovation au niveau du secteur profitera aux ventes de téléviseurs qui
vont poursuivre leur lent redressement (entre 2 et 2,5 millions de ventes cette
année au niveau mondial).
La production électronique dans le monde connaîtra lors des dix prochaines
années une croissance annuelle moyenne de plus de 6 %. L’électronique dans
l’industrie automobile réalisera le plus important taux de croissance annuelle,
soit 10,6 %, suivie par les télécommunications (+ 6,5 %) et l’électronique
grand public et les ordinateurs et périphériques (+6 %).
La croissance de la production mondiale profitera en 2014 à la Chine
avec 14,1 % de croissance de sa part de marché contre seulement 4,9 % pour
l’Europe, 4,5 % pour l’Asie-Pacifique et 4 % pour l’Amérique du Nord.
3.3. Atouts et cadre incitatif
Le secteur électronique au Maroc bénéficie de nombreux atouts et
avantages lui permettant d’être parmi les secteurs les plus porteurs de
l’économie. Il s’agit plus précisément de la proximité du marché européen et
africain, avec notamment sa grande capacité d’absorption, sa main-d’œuvre
qualifiée, relativement abondante et bon marché.
Aussi le Maroc a-t-il mis en œuvre différentes mesures incitatives,
notamment dans les zones franches, telles la réduction de l’impôt sur les
sociétés, l’exonération de la TVA à l’import et à l’export et les aides financières
à l’installation et à la formation de la main-d’œuvre.
En outre, sur le plan de la formation de la main-d’œuvre, la stratégie
adoptée dans le cadre du Plan d’accélération industrielle vise, entre autres, à
répondre aux besoins en compétence des écosystèmes mis en place. A cet égard,
une description des profils des ouvriers par secteur et par région avec leurs
besoins en formation a été mise en place pour permettre l’élaboration d’un plan
national de formation.
220
Profils sectoriels et émergence industrielle
3.3.1. Infrastructures d’accueil
Les infrastructures dans le secteur seront « boostées » par la mobilisation de
1 000 hectares pour la mise en place de parcs industriels locatifs intégrés (PIL)
dans le cadre du Plan d’accélération industrielle 2014-2020. En outre, des
plateformes industrielles intégrées, généralistes et sectorielles, seront mises en
œuvre et bénéficieront du statut de zone franche en garantissent la disponibilité
du foncier à un coût attractif avec notamment une offre immobilière et logistique
complète, diversifiée et conforme aux meilleurs standards internationaux.
3.3.2. Appui aux écosystèmes du secteur
Toujours dans le cadre du Plan d’accélération industrielle, des mesures
d’accompagnement adaptées et des aides ciblées sont apportées aux entreprises
industrielles y compris celles agissant dans le secteur de l’électronique et des
écosystèmes en matière de financement, de foncier industriel et de formation.
Un Fonds de développement industriel (FDI) de 3 milliards de dirhams par an
sur la période 2014-2020 sera alloué aux entreprises des écosystèmes pour leur
permettre de concrétiser leurs objectifs de mise à niveau, de développement et
d’internationalisation.
3.3.3. Incitations fiscales et facilités administratives
En matière fiscale, appliquées aux incitations ont été adoptées par le code
général des impôts : avantages douaniers visant l’exonération totale des droits
d’importation, procédures douanières simplifiées et exonération illimitée de la
taxe sur la valeur ajoutée au titre des produits livrés et des prestations de services
rendues aux zones franches d’exportation et provenant du territoire assujetti.
Quant aux facilités appliquées aux procédures administratives, elles
visent l’exonération des droits d’enregistrement et de timbre sur les actes de
constitution ou d’augmentation de capital et sur les acquisitions de terrain.
3.3.4. Accompagnement des PME
Les mesures d’accompagnement spécifique adoptées par les autorités
marocaines dont peuvent profiter les PME du secteur visent à encourager et
promouvoir leurs activités dans le cadre des programmes suivants :
• Imtiaz Croissance, qui est une prime à l’investissement destinée aux
PME opérant dans l’industrie et les activités intégrées à l’industrie ayant
réalisé lors du dernier exercice un chiffre d’affaires compris entre 10 et 200
millions de dirhams et un projet de développement favorisant la croissance, la
création de valeur ajoutée et la création d’emplois.
Électrique et électronique
221
• Istitmar Croissance, qui est un dispositif permettant de soutenir
l’investissement en faveur de la création de valeur ajoutée et d’emplois et pour
renforcer les écosystèmes industriels. Il offre une prime à l’investissement de
30 % du montant de l’investissement plafonné à 2 millions de dirhams au
profit des TPE sélectionnées.
• Auto-entrepreneur, qui encourage les futurs entrepreneurs à se
lancer dans de nouveaux projets grâce à la simplification des procédures
administratives et aux incitations fiscales.
3.3.5. Infrastructures d’accueil
Dans le cadre du Plan d’accélération industrielle 2014-2020, un projet de
mise en œuvre de plateformes industrielles intégrées généralistes et sectorielles,
bénéficiant éventuellement du statut de zone franche, est étudié. L’objectif est
de garantir la disponibilité du foncier à un coût attractif, une offre immobilière
et logistique complète, diversifiée et conforme aux meilleurs standards
internationaux, ainsi que des services sur site et un guichet administratif unique.
En outre, le ministère prévoit la mobilisation de 1 000 hectares pour la mise en
place de parcs industriels locatifs intégrés (PIL) avec des locaux clé en main.
Par ailleurs, la compétitivité du Maroc dans l’électronique automobile
est d’un niveau élevé de production et de proximité avec les industriels
automobiles. Dans ce cadre, et dans le but de développer davantage la soustraitance électronique, les autorités marocaines ont conçu une approche
intégrée autour de Tanger Med, inspirée du modèle des maquilladoras
mexicaines et offrant un cadre incitatif et attractif pour l’investissement.
L’objectif recherché est d’offrir une plateforme immobilière très flexible
(locaux équipés prêts à l’emploi, conditions d’exploitation totalement flexibles
et prise de risque minimum), des facilités administratives pour les PME/
PMI (structure d’accueil permanente spécialisée PME/PMI, services groupés
administratifs) et une source de financement accessible (accès aux fonds de
capital-risque à des conditions avantageuses).
3.3.6. Principaux acteurs
Les principaux acteurs qui agissent dans le secteur sont, en plus du
ministère de la tutelle, la Fédération nationale de l’électricité, de l’électronique
et des énergies renouvelables (FENELEC) et un certain nombre de grandes
entreprises nationales et internationales comme Stmicroelectronics, Lear
Corporation Automotive Electronics Morocco, Crouzet, Eolane, Bm
Electronics Systems.
CHAPITRE 8
Énergie
Benaissa Nahhal
1. Historique et cadre législatif
Sous l’égide des autorités de tutelle et de plusieurs autres institutions
réglementaires et opérationnelles, le secteur de l’énergie au Maroc a
traversé un long processus de transformation. Son organisation et ses règles
de fonctionnement s’inspirent largement des modèles des autorités du
protectorat. Il est régi par un arsenal juridique et réglementaire en perpétuel
mouvement et en constante adaptation aux nouvelles exigences et aux besoins
du marché. La description de cette évolution législative et organisationnelle
du secteur passe par la présentation des principaux acteurs du secteur et des
principales lois qui régissent leurs activités.
Les activités énergétiques du secteur étaient essentiellement basées sur
l’électricité et les carburants. Les installations électriques et d’eau, qui étaient
de fortune, ont connu après 1914 une modernisation afin d’accompagner le
développement de villes et des grands rassemblements. Ainsi, les autorités ont
mobilisé des moyens et des installations locales pour améliorer l’alimentation
en électricité. De plus, le développement industriel a obligé le gouvernement
en place à lancer des programmes d’exploitation des eaux issues des grands
fleuves et la centralisation des moyens et des centres de production pour
produire plus d’électricité. La volonté politique, l’accroissement de la
demande, la multiplication des rapprochements entre les petites unités de
production locales et le lancement de plusieurs installations de production
électrique à base hydraulique et de diesel dans les grandes villes ont permis, en
1924, de créer la société « Énergie électrique du Maroc » (EEM) (1).
Les efforts de développement ont permis à la capacité de production
nationale d’atteindre en 1938 environ 230 millions de kilowattheures par
an pour des besoins de 150 millions de kilowattheures par an. Également,
1. Saul Samir, « L’électrification du Maroc à l’époque du protectorat », in Outre-mers, tome 89,
n° 334-335, 1er semestre 2002. « L’électrification outre-mer de la fin du XIXe siècle aux
premières décolonisations », p. 491-512.
224
Profils sectoriels et émergence industrielle
des mesures législatives et organisationnelles ont permis la mise en place
d’un réseau de transport et de liaison pour connecter les différents centres de
production et de distribution.
L’hydroélectrique n’a pas pu s’imposer longtemps comme principale source
d’électricité. En effet, les difficultés climatiques ont obligé de se tourner
vers d’autres moyens de production. C’est ainsi qu’en 1953 la production
d’électricité au Maroc provenait principalement de la vapeur à hauteur de
55 %, de l’hydraulique, 36 %, et du diesel, 9 % (2).
Dans ce contexte, EEM (3) centralise le principal de l’activité. Mais pour
gérer le surplus de production, une importante partie de la distribution reste
assurée par des petits concessionnaires chargés de la vente au détail (4).
Base de développement de la production d’électricité, l’EEM a constitué la
référence administrative et organisationnelle de l’extension des activités dans
ce segment énergétique.
Ainsi, dès l’Indépendance, l’État marocain a procédé à la restructuration
des organisations de production et de distribution d’électricité. L’Office
national d’électricité a été créé par le dahir n° 1-63-226 du 5 août 1963, qui
lui offre le monopole de la production, du transport et de la distribution de
l’énergie électrique au Maroc.
Sur la même lancée, pour permettre aux organismes publics de répondre
à la croissance de la demande, le gouvernement a pris des mesures (5)
permettant aux organismes publics et privés de produire, par leurs propres
moyens, de l’énergie électrique avec droit d’accès au réseau national sous
certaines conditions et avec la signature de conventions avec l’ONE.
Suite à ces décisions, le décret-loi n° 2-94-503 du 23 septembre 1994 a
limité le monopole de l’ONE dans la production électrique. Des conventions
ont donc été signées avec des opérateurs privés. Il s’agit surtout de l’accord
avec JLEC en 1997, avec la Compagnie eolienne du détroit en 1998 et avec
l’Energie électrique de Tahaddart.
2. Source : Archives d’énergie électrique du Maroc (EEM).
3. La société constituée (EEM) avait plusieurs participants : la Société d’études des chemins
de fer du Maroc, la Compagnie franco-espagnole du chemin de fer de Tanger à Fès, des
banques, des sociétés spécialisées dans la construction et d’autres acteurs. La EEM, société
anonyme française, est domiciliée à Paris, la direction et les services de l’exploitation d’EEM,
à Casablanca.
4. Saul Samir, op. cit., p. 491-512.
5. Il s’agit des lois n° 54.14 modifiant et complétant l’article 2 du dahir n° 1-63-226 du
14 rabii I 1383 (5 août 1963) portant création de l’Office national de l’électricité et l’article 5
de la loi n° 40-09 relative à l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, ONEE.
Energie
225
Après ces opérations d’ouverture du champ de la production et dans le
cadre de libéralisation de l’activité économique, les autorités de tutelle ont
lancé également, à partir de 1997, des programmes progressifs de délégation
de la distribution d’électricité. C’est ainsi que plusieurs communes ont
délégué ce service public à des opérateurs privés, et l’ONEE ne détient plus le
monopole de la distribution.
Concernant le segment pétrolier, l’activité a suscité un grand intérêt avant
l’indépendance. Durant le Protectorat, plusieurs compagnies opèrent dans
la recherche pétrolière au Maroc. A cette époque la Société chérifienne des
pétroles (SCP (6)) et le Bureau de recherches et de participations minières
(BRPM (7)) représentaient l’autorité nationale chargée de l’exploration
pétrolière et de la gestion des activités afférentes au secteur pétrolier.
En 1929, sous la tutelle française, le secteur a connu une restructuration
des travaux d’exploration pétrolière avec le rapprochement entre la SCP, le
BRPM et d’autres intervenants financiers liés au pays colonisateur.
Après l’Indépendance, le premier code des hydrocarbures de 1958 a
permis de relancer l’exploration par les sociétés nationales et des compagnies
étrangères comme Agip, Esso, etc.
Par la suite, l’activité du secteur pétrolier a continué son mouvement de
modernisation et de restructuration. A titre d’illustration, en 1962, la SAMIR
(Société anonyme marocco-italienne de raffinage) a été créée sous forme
de co-entreprise entre le bureau d’études et des participations industrielles
(BEPI) (8) et le groupe énergétique italien ENI. En 1973, l’État rachète
les parts détenues par les Italiens et marocanise la société qui devient une
entreprise entièrement étatique (9).
Suite au contrôle de l’exploration et de la production, le programme
de marocanisation a permis de constituer la Société nationale des produits
pétroliers (SNPP) en 1974, afin de participer au capital des sociétés pétrolières
6. Créée en 1929, la SCP avait en charge la réalisation des activités relatives à l’exploration
pétrolière. Elle a existé jusqu’à la fermeture, par la SAMIR, de son dernier centre à Sidi Kacem,
en 2009. Sources : http://www.onhym.com/historique.html
7. Le dahir du 15 décembre 1928 a eu pour but de constituer un organisme spécialisé doté
des voies et moyens pour donner une forte impulsion aux recherches minières. Information
disponible sur https://www.monde-diplomatique.fr/1962/06/A/24789
8. Doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière, le BEPI est l’organisme
d’exécution du gouvernement marocain pour l’équipement industriel conformément aux
instructions et décisions du Conseil supérieur du plan. Information disponible sur https://
www.monde-diplomatique.fr/1962/06/A/24775
9. Site web de la SAMIR.
226
Profils sectoriels et émergence industrielle
étrangères de distribution des hydrocarbures et tirer une partie des profits
de cette activité. Pour mieux aborder l’activité sur ce secteur, la SNPP tente
de contrôler la distribution des produits pétroliers et des GPL ainsi que les
opérations d’importation et d’exportation.
Devenant un acteur indispensable, la SNPP a créé en 1977 la Compagnie
d’entreposage communautaire (CEC) pour gérer les stocks de sécurité à travers
la construction de plusieurs dépôts. Cette société gère aussi les implantations
des stations services sur le territoire national.
Pour promouvoir l’exploration pétrolière sur le sol marocain, l’Office
national de recherche et d’exploitation pétrolière (ONAREP) a été créé en
1981. Cet organisme a démontré son efficacité et bénéficié d’une grande
renommée auprès des opérateurs internationaux.
Dans le cadre de la poursuite du processus de consolidation entre
les opérateurs du secteur qui a débuté en 2003, le rapprochement entre
l’ONAREP et le BRPM a donné naissance en 2005 à l’Office national
des hydrocarbures et des mines (ONHYM). Principal interlocuteur des
investisseurs, l’ONHYM apporte des atouts au service des opérateurs de ce
secteur grâce à son rôle dans la promotion de la recherche, l’exploration et
l’exploitation des gisements.
Les réformes structurelles recommandées par le Programme d’ajustement
structurel des années 80 ont touché également le secteur pétrolier. Elles ont
inspiré la privatisation du secteur pétrolier, par la cession en 1997 des activités
de raffinage de la SAMIR et de la SCP (10) au groupe saoudien CORAL, qui
les a fusionnées en 1999. Le mouvement de désengagement de l’État a concerné
aussi la Société marocaine de stockage (11) (SOMAS) souterrain du gaz Butane.
La poursuite des mesures de libéralisation de l’économie marocaine
a permis aux autorités d’entreprendre des opérations de privatisation de
l’activité de distribution des produits pétroliers en 1994, avec la rétrocession
par la SNPP de ses parts aux sociétés du secteur. Cette libéralisation s’est
traduite par la constitution de grands groupes spécialisés dans le transport et
la distribution des produits pétroliers.
Pour le charbon, la société des Charbonnages Nord Africains, associée au
BRPM, s’occupait également du développement des gisements de charbon
découverts à Jerrada, en particulier. Après l’Indépendance, cette entité, mixte,
10. Avant sa privatisation complète en 1997, le capital de la SCP était détenu par l’ONAREP
et le Trésor à hauteur de 73,88 %, par Elf à 20,48 % et le reste par le public.
11. La SOMAS a été créée en 1974. Elle est détenue par les principaux distributeurs de GPL.
Energie
227
est passé progressivement sous le contrôle unique de l’État (BRPM) suite au
rachat des parts détenues par l’étranger (12).
Malgré les avantages et les atouts des sources d’énergie fossiles, leurs
réserves sont limitées et vouées à la disparition. De plus, elles ont des effets
indésirables sur l’environnement et représentent pour les pays non producteurs
un fardeau lié au coût et à la dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Ceci alimente
la volonté des pays de limiter le recours aux énergies fossiles et de renforcer
leur production nationale d’énergie propre, moins polluante et renouvelable.
Dans ce sens, le Maroc a entamé un long processus de développement
des énergies renouvelables et d’augmentation de leur part dans la production
énergétique nationale. Pour ce faire, les autorités marocaines ont prévu
un cadre juridique adapté et l’actualisent en permanence. Le Centre de
développement des énergies renouvelables (CDER), créé en 1982, vise à
accompagner l’émergence du secteur.
La loi n° 13-09 sur les énergies renouvelables assure la promotion de
l’énergie à partir de sources renouvelables en organisant son exploitation et sa
distribution. Conscientes de l’importance du volet efficacité énergétique dans
l’amélioration des performances énergétiques du pays, les autorités marocaines
ont complété l’arsenal juridique en adoptant la loi 16-09 qui prévoit le
lancement de l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE).
De même, l’élargissement du périmètre d’action vers la maîtrise de la
consommation pour atteindre l’efficacité énergétique a inspiré, en 2010, le
remplacement du CDER par l’Agence nationale pour le développement des
énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ADEREE).
Dans le prolongement de ces actions pour promouvoir le renouvelable et
encourager la production privée, la loi-cadre n° 13-09 a été amendée à plusieurs
reprises afin de la mettre à jour et l’adapter à l’évolution du secteur. C’est
pourquoi elle a été modifiée et complétée par la loi n° 58-15 afin d’adapter le
cadre réglementaire à la production privée de l’énergie renouvelable et l’accès
au réseau électrique national de moyenne tension.
Pour assurer le fonctionnement et la réalisation des objectifs relatifs aux
énergies renouvelables, plusieurs acteurs privés sont de plus en plus impliqués (13).
La Société d’investissements énergétiques (SIE) a été créée avec un capital d’un
milliard de dirhams pour assister les participations des fonds provenant des dons
12. Il s’agit de sociétés françaises et belges et du Trésor français.
13. Les programmes de financement encouragent les partenariats public-privé.
228
Profils sectoriels et émergence industrielle
des pays du Golfe et la contribution du Fonds Hassan II pour le développement
économique et social dans les projets d’énergie renouvelable.
Afin de réaliser des projets d’envergure dans le domaine du solaire, le
Maroc a créé l’Agence marocaine pour l’énergie solaire (MASEN) (14),
chargée de piloter les énergies renouvelables au Maroc. Elle supervise plusieurs
projets dont le plus ambitieux est le projet NOOR.
Face à la multiplication des intervenants, publics et privés dans le domaine
du renouvelable, le législateur a prévu un cadre régissant et organisant les
relations entre les différents acteurs. C’est ainsi que la loi n° 48-15 a été
adoptée pour définir les modalités de régulation du secteur et créer l’Autorité
nationale de régulation de l’électricité (ANRE).
Pour boucler ce volet introductif, nous abordons les schistes bitumineux
en tant que ressource énergétique non conventionnelle. Pour ce genre de
source, les projets d’exploration et d’exploitation des années 80 n’ont pas
pu être développés à cause des difficultés techniques, d’une part, et du coût
élevé du traitement, d’autre part. La baisse du prix du baril de pétrole, qui a
atteint dix dollars dans les années 80, rendait non rentable l’exploitation de
ces ressources.
Depuis 2005, et surtout après la flambée des prix du pétrole, le dossier a
été réactivé. En tant qu’autorité chargée de veiller sur le secteur, l’ONHYM a
essayé de valoriser les schistes bitumineux pour la production d’hydrocarbures.
Il a également adapté le code minier (dahir du 9 rajeb 1370, 16 avril 1951)
en insistant sur un cadre fiscal encourageant et attractif et tenté de nouer des
partenariats avec des compagnies pétrolières de renommée mondiale disposant
des technologies nécessaires à la valorisation de cette ressource nationale afin
d’explorer d’autres gisements. Et pour engager les compétences nationales
dans ces activités, l’office a mis en place un laboratoire national tout en
associant des partenaires marocains comme l’OCP et l’ONE.
La présentation de l’évolution du cadre législatif et réglementaire et
l’organisation du secteur de l’énergie au Maroc ouvrent la voie à l’exposition,
dans les points suivants, des performances économiques et des facteurs de
changement du secteur. Les faiblesses, les points forts et les perspectives font
l’objet du dernier point de cette étude.
14. Dahir n° 1-10-18 du 26 safar 1431 (11 février 2010) portant promulgation de la loi 57-09
relative à la création de MASEN.
Energie
229
2. Caractéristiques et performances des entreprises
2.1. Acteurs publics et privés
Pour avoir une idée globale de la place de l’énergie dans le tissu
économique marocain, il est judicieux de procéder à une présentation des
acteurs publics et privés. Les entreprises opérant dans le secteur de l’énergie
sont très nombreuses. Elles interviennent dans l’électricité, les hydrocarbures
et les énergies renouvelables.
Pour l’électricité, en plus de l’acteur public, l’ONEE, plusieurs organismes
privés opèrent dans la production, la commercialisation et la distribution. La
société TAQA (anciennement JLEC) est considérée comme l’acteur privé leader
dans la production. Quant à la distribution, le mouvement de libéralisation
de l’économie marocaine a permis à l’ONEE de déléguer la gestion de la
distribution à plusieurs acteurs dans différentes villes. C’est ainsi que le nombre
d’intervenants privés dans le domaine d’électricité ne cesse d’augmenter.
Dans le domaine des hydrocarbures, sous la tutelle du ministère de
l’Énergie, de l’ONHYM et d’autres autorités publiques, plusieurs entreprises
interviennent dans la filière du pétrole et du gaz.
Dans le domaine du raffinage et de la production des produits pétroliers,
la SAMIR est la seule raffinerie du pays. D’autres entreprises constituent
également des acteurs incontournables pour le bon fonctionnement et
l’approvisionnement du marché énergétique.
Les gros opérateurs, tels qu’Afriquia Gaz, Afriquia SMDC, Total Maroc
et Vivo Energy, interviennent dans le secteur des carburants et du gaz à
travers des filiales spécialisées dédiées à l’approvisionnement, l’emplissage, le
transport, la distribution et la commercialisation.
Pour l’énergie renouvelable, qui porte essentiellement sur l’électricité,
plusieurs entreprises exercent dans le secteur, et leur nombre est en hausse
permanente grâce aux programmes d’appui et aux mesures d’encouragement.
Ces sociétés sont soumises à la tutelle du ministère de l’Énergie, de l’ONEE,
de MAESEN, de la SIE et de l’ADEREE.
N’épargnant aucun effort pour réduire la dépendance énergétique du pays,
les organisations compétentes du pays explorent également les possibilités
offertes par les sources non conventionnelles comme le schiste bitumineux, le
gaz de schiste et les bioénergies (15).
15. Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, « Stratégie énergétique
nationale : horizon 2030 ».
230
Profils sectoriels et émergence industrielle
Opérationnellement sous la tutelle de l’ONHYM et de l’ONE, plusieurs
entreprises publiques et privées essayent de développer des solutions et des
procédés de production. A titre d’exemple, l’OCP est très engagé dans ce
sens à travers son Centre d’études et de recherches des phosphates minéraux
(CERPHO).
Suite à la présentation des principaux acteurs du secteur de l’énergie, nous
essayons dans les points suivants d’analyser les indicateurs-clés du secteur et sa
contribution à l’économie.
2.2. Indicateurs économiques
2.2.1. Consommation et demande d’énergie
Les données du ministère de l’Énergie (tableau 1) montrent que la
consommation énergétique du Maroc est dominée par les produits pétroliers,
avec une part excédant en moyenne 60 %. La consommation du charbon
pour des besoins énergétiques se hisse au deuxième rang, avec une tendance
baissière, passant de plus de 30 % entre 2000 et 2005 à un peu plus de 20 %
en 2012.
La consommation provenant de l’électricité hydraulique s’établit, quant
à elle, en moyenne à environ 10 % sur la période 2000-2012. Enfin, la
consommation de gaz naturel, qui était faible en début de la période,
enregistre une hausse et atteint plus de 6 % en 2012.
Tableau 1
Répartition de la consommation
Bilan du secteur énergétique
2000-2005
(en milliers de TEP)
Consommation totale
Structure de la
consommation
totale (en %)
10 867
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
12 901 13 734 14 764 15 139 16 188 17 157 17 750
Électricité
hydraulique
6,7
6,4
8,8
9,6
13,0
13,2
11,3
10,8
Charbon
31,0
30,1
28,5
25,3
23,0
21,6
21,8
22,2
Produits
pétroliers
61,5
59,8
58,8
61,4
60,1
61,3
62,3
60,8
Gaz naturel
0,9
3,7
3,9
3,6
3,9
3,9
4,7
6,5
Déficit énergétique
Taux de dépendance
énergétique (en %)
10 486
96
12 531 13 369 14 390 14 320 15 026 16 373 17 036
97,1
97,3
97,5
94,6
93,0
95,6
96,2
Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de
l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE.
Energie
231
2.2.2. Production, approvisionnement et déficit énergétique
La désagrégation des données de la production (tableau 2) révèle que
le principal de la production d’énergie concerne l’électricité et provient de
l’hydraulique. Tandis que la production du pétrole brut et du gaz naturel reste
timide sur toute la période 2000-2012 et s’inscrit même dans une tendance
fortement baissière depuis 2006.
Tableau 2
Répartition de la production
Bilan du secteur énergétique
(en milliers de TEP)
2000-2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Production locale d’énergie
Structure de la
Électricité
production locale hydraulique
(en %)
Électricité éolienne
380
370
365
374
819
1 162
784
714
72,3
69,2
64,4
64
82
81
71
66
21
12
15
23
27
12
5
4
6
7
11,8
13,0
19,2
Charbon
1,1
0,0
0,0
Produits pétroliers
+ Gaz naturel
13,4
17,8
16,5
Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de
l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE.
L’analyse de la production d’électricité par type d’opérateur (tableau 3) révèle
que la politique de libéralisation du secteur et la concession de la production
sont en bonne voie. La production concessionnelle est même supérieure à
celle de l’ONE. A noter, tout de même, que la production d’énergie d’origine
thermique représente encore une part significative, et en croissance, de la
production électrique au Maroc.
Tableau 3
Production d’électricité
Bilan du secteur énergétique
2002-2008
2008
2009
2010
2011
2012
Production locale d’électricité
(en millions de kwh)
19 642
24 004
25 016
26 531
28 752
31 056
Part de l’ONE (en %)
30,7
27,9
30,1
38,9
39,5
42,5
Dont thermique (en %)
24,8
24,0
19,4
24,2
30,8
34,7
Production concessionnelle
58,7
54,3
51,1
45,9
43,9
42,4
Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de
l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE.
232
Profils sectoriels et émergence industrielle
Pour la production d’énergie de sources non conventionnelles, les
schistes bitumineux représentent, en termes de réserves pétrolières, plus de
60 milliards de barils sur plusieurs sites comme celui de Timahdit et de
Tarfaya (16). Le gaz de schiste constitue également un immense potentiel,
car le Maroc dispose de grandes réserves réparties sur quatre bassins majeurs :
Bas-Drâa Zag, Boudenib et Ouarzazate, les Hauts Plateaux, Tadla et Haouz.
En termes de réserves, le Maroc occupe le troisième rang en Afrique du
Nord (17).
Superviseur de l’activité d’hydrocarbures, l’ONHYM fournit les efforts
nécessaires à l’adaptation des procédés et à la signature de partenariats avec les
opérateurs spécialisés dans l’extraction et la production. Ces efforts ont abouti
à la concrétisation d’importants partenariats en vue de réduire la dépendance
énergétique du pays à travers la production d’hydrocarbures et d’électricité de
sources non conventionnelles.
En effet, plusieurs projets-pilotes sont en cours. Depuis 2006, des essais
de culture du Jatropha Curcas (18) sur près d’un hectare dans la localité
de Khmiss Aït Amira sont lancés par la Fondation du Sud. L’OCP est
significativement impliqué sur ce segment, à travers des recherches et des
expériences-pilotes sur un projet de la Jatropha Curcas.
Sur un autre registre, l’analyse de la production nationale d’hydrocarbures
révèle que les livraisons de la SAMIR n’ont pas suivi l’évolution de la
consommation nationale, surtout pour le GPL. A titre d’exemple, la
production de la seule raffinerie du pays enregistre des fluctuations et
n’augmente sa production que de 260 kilo-tonnes entre 2002 et 2012 avec
des périodes de baisse remarquable, en 2003 et 2009 (tableau 4). Face à cette
situation et dans un climat de libéralisation du marché et de développement
des capacités de stockage massif, les opérateurs privés recourent de plus en
plus à l’approvisionnement extérieur.
La lecture du tableau 4 révèle que la dépendance en GPL est très
importante et en hausse. La production de la SAMIR en GPL représente à
peine 5 % en 2012 alors qu’elle représentait environ 19 % en 2002.
16. http://www.onhym.com/schistes/schistes-bitumineux/schistes-bitumineux-au-maroc.html
17. http://www.onhym.com/shale-gaz/exploration-au-maroc.html
18. C’est un arbuste aux propriétés médicinales, aujourd’hui répandu dans le monde entier.
Son fruit est riche en huile qui peut être utilisée pour produire du carburant, du savon ou
des bougies.
Energie
233
Pour les hydrocarbures, les statistiques révèlent également une
augmentation des importations, ce qui accentue la dépendance à près de 50 %
alors qu’elle était en début de période à moins de 10 %.
Tableau 4
Production locale de produits pétroliers et déficit énergétique
Indicateurs des
produits pétroliers
(en kilo-tonnes)
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Production des
produits pétroliers par 4 855 3 424 4 830 5 430 4 863 4 800 4 273 3 292 4 321 5 392 5 115
la SAMIR
Hydrocarbures (essence
4 623 3 357 4 726 5 226 4 671 4 630 4 103 3 190 4 170 5 259 5 006
+ gasoil + fuel oil)
Gaz de pétrole liquéfié
(GPL)
Importation des
produits pétroliers
Hydrocarbures (essence
+ gasoil + fuel oil)
232
67
104
204
192
170
170
102
151
133
109
1 381 3 000 2 378 2 292 2 673 3 475 4 241 5 963 6 008 6 175 5 786
381
1 785 1 090
997
1 312 1 871 2 646 4 150 4 021 4 174 3 726
Gaz de pétrole liquéfié
(GPL)
1 000 1 215 1 288 1 295 1 361 1 604 1 595 1 813 1 987 2 001 2 060
Consommation des
hydrocarbures
5 004 5 142 5 816 6 223 5 983 6 501 6 749 7 340 8 191 9 433 8 732
Consommation du GPL 1 232 1 282 1 392 1 499 1 553 1 774 1 765 1 915 2 138 2 134 2 169
Dépendance en
hydrocarbures (en %)
8
35
19
16
22
29
39
57
49
44
43
Dépendance en GPL
(en %)
81
95
93
86
88
90
90
95
93
94
95
Sources : Chiffres du secteur de l’énergie, édition 2013, Département de l’Énergie et des Mines, Ministère
de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement et données de la SAMIR.
Pour illuster davantage le recul de l’activité de la SAMIR, le graphique
suivant montre la baisse tendancielle de l’importation du pétrole brut nécessaire
au raffinage. En effet, les approvisionnements extérieurs sont passés de 6 182 à
5 375 kilo-tonnes entre 2002 et 2012.
Cette tendance baissière prouve le repli des activités de raffinage de la
SAMIR, sachant que cette réduction ne s’explique en aucun cas par une
hausse de la production locale de pétrole brut.
234
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 1
Évolution des importations de pétrole brut
8 000
7 000
6 910
6 182
6 402
6 134
6 000
6 268
5 375
5 243
5 535
5 000
4 614
4 000
5 136
4 786
3 000
Importations de pétrole brut (en kt)
2 000
1 000
0
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Sources : Chiffres du secteur de l’énergie, édition 2013, Département de l’Énergie et des Mines, Ministère
de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement.
Cette réalité et cette configuration, déficitaire, constituent une faiblesse du
secteur, altèrent la sécurité énergétique du pays et l’exposent aux fluctuations
internationales des conditions d’approvisionnement en produits pétroliers
bruts et finis.
Du rapprochement de la consommation totale et de la production globale
d’énergie ressort une inadéquation entre la capacité productive et la demande
(tableau 5). La production locale ne couvre qu’entre 4 % et 5 % des besoins
en énergie, dans le meilleur des cas. Cette configuration génère un déficit
énergétique dépassant les 93 %, sur la période 2000-2012, et une grande
dépendance de l’approvisionnement vis-à-vis de l’étranger.
Tableau 5
Production, consommation et déficit énergétique
Bilan du secteur énergétique
(en milliers de TEP)
2000-2005
2008
2009
2010
2011
2012
380
374
819
1162
784
714
Consommation totale
10 867
14 764
15 139
16 188
17 157
17 750
Déficit énergétique
10 486
14 390
14 320
15 026
16 373
17 036
96
97,5
94,6
93,0
95,6
96,2
Production locale
Dépendance énergétique (%)
Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données de Ministère de
l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE.
Energie
235
L’énorme déficit énergétique traduit la forte dépendance du secteur
énergétique marocain des approvisionnements extérieurs. Le graphique 2,
ci-dessous illustre la tendance, globalement, haussière des importations.
Graphique 2
Évolution des importations d’énergie au Maroc (en milliers de TEP)
18 000
16 000
14 000
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
0
Moyenne
2000-2005
2006
2007
2008
2009
2010
Sources : Chiffres du secteur de l’énergie, édition 2013, Département de l’Energie et des Mines, Ministère
de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement.
La désagrégation des approvisionnements par les importations (tableau 6)
montre que le déficit provient principalement de l’importation des produits
pétroliers. Le pétrole brut enregistre, en particulier, plus de 50 % en moyenne
entre 2000 et 2005 et baisse pour représenter un peu plus de 30 % en 2010.
La baisse notable des importations de pétrole brut est due au ralentissement
de l’activité de la SAMIR, la seule raffinerie du pays. Cette situation est à la
fois une cause et une conséquence du recours des opérateurs privés du secteur
à l’importation de produits pétroliers finis prêts à la commercialisation. D’où
la hausse significative, de 17 % entre 2000 et 2005 à environ 40 % vers 2010,
de la part de ces produits dans les importations.
Tableau 6
Structure des importations d’énergie
Bilan du secteur énergétique
(en milliers de TEP)
Importation
Structure des
Électricité
importations
Charbon
d’énergie (en %)
Pétrole brut
Produits pétroliers
2000-2005
11 858
3,9
26,8
52,3
17,0
2006
2007
2008
2009
2010
13 972 15 360 14 769 15 347 15 427
3,8
5,9
7,5
7,8
6,6
27,8
26,5
24,9
22,5
22,7
44,8
38,0
34,9
29,0
31,6
23,7
27,7
32,8
40,7
39,1
Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de
l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE.
236
Profils sectoriels et émergence industrielle
Même dans le domaine de l’électricité, la satisfaction totale de la demande
locale est dépendante de l’interconnexion des réseaux de transport électrique
du Maroc avec ceux des pays frontaliers, en particulier l’Espagne et l’Algérie.
Ce recours à l’électricité produite à l’étranger atteint en moyenne 6 % des
importations d’énergie sur la période 2000-2010.
L’approvisionnement des centrales électriques en charbon reste aussi
largement tributaire de l’extérieur, avec plus de 20 % des importations en
énergie du Royaume.
2.2.3. Distribution et commercialisation : parts de marché et concurrence
Au Maroc, la configuration du processus de distribution se caractérise, en
général, par la domination d’un nombre limité d’opérateurs.
Au niveau de l’ONEE, la branche dédiée à l’électricité (tableau 7) domine
la distribution et la commercialisation d’électricité. Ainsi, malgré le mouvement
d’ouverture et d’engagement des opérateurs privés dans le domaine, la part de
marché de l’ONEE dépasse encore les 50 %. Plus surprenant encore, malgré
la poursuite du programme de concession de la gestion de l’électricité dans
plusieurs villes du Royaume, la part de l’ONEE est en hausse, alors même que
celle des concessionnaires est en baisse.
Tableau 7
Structure de la distribution de l’électricité
Bilan du secteur énergétique
2002-2008
2008
2009
2010
2011
2012
Consommation d’électricité
(en millions de kwh)
17 802
Distribué par l’ONE (en %)
52,1
55,2
55,0
56,1
57,6
58,7
Ventes totales aux distributeurs (en %)
47,9
44,8
45,0
43,9
42,4
41,3
21 638 22 392 23 749 25 670 27 559
Source : Direction des prévisions économiques et financières, sur la base des données du Ministère de
l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, du HCP et de l’ONEE.
Concernant les produits pétroliers, les chiffres de la distribution des
carburants (19) révèlent qu’avant les années 2000 le nombre des stationsservice était approximativement de 1 800. Mais les spécialistes du domaine
avancent qu’elles ne sont pas toutes opérationnelles. Dix ans plus tard, leur
nombre dépasse les 2 000, soit une hausse d’environ 12 %. En 2012, le
nombre des stations est passé à 2 089.
19. Les statistiques relèvent des publications du ministère de tutelle et des sociétés de
distribution : Total Maroc, Afriquia GAZ et SMDC (groupe Akwa).
Energie
237
Cette implantation, jugée encore insuffisante et concentrée sur l’axe RabatCasablanca, complique l’approvisionnement en carburant pour les autres
régions du pays.
En termes de part de marché, la distribution des carburants est assurée
principalement par 11 opérateurs privés (graphique 3). Les trois grands
distributeurs, Afriquia SMDC, Vivo Energy et Total Maroc, détiennent plus de
la moitié des stations-service, soit 1 052.
Graphique 3
Répartition des stations-service des principaux
distributeurs (fin 2012)
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
DC
SM
ui
a
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r iq
Af
Vi
v
o
En
er
al
gy
M
ar
he
ll
oc
m
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l
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by
Li
Pe
t
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z
Zi
xo
W
in
ro
m
in
le
ro
Pé
t
ov
In
Pe
t
Oi
n
ee
Gr
SO
M
AP
l
0
Source : Publications de Total Maroc S.A.
S’agissant de la distribution du GPL, le marché est également dominé par
un petit nombre d’opérateurs, les mêmes que ceux qui dominent le segment
des carburants, avec une large avance pour Afriquia Gaz. Quatre entreprises se
partagent 90 % du marché : Afriquia Gaz (plus de 40 %), Total Maroc, Vivo
Energy et Ziz (15 % chacune).
Pour le segment vrac du marché du GPL, les chiffres de 2012, montrent
qu’il est aussi dominé par quatre principaux acteurs : Afriquia Gaz, Vivo
Energy, Total Maroc et Vitogaz.
Quant à l’importation du GPL, le marché est accaparé par de gros
opérateurs. Plus précisément, en 2011 et 2012, Afriquia Gaz, Salam Gaz
238
Profils sectoriels et émergence industrielle
(détenu à hauteur de 20 % par Afriquia Gaz) et Gazafric réalisent plus de
60 % des opérations d’importation de Butane. La domination est encore
plus accentuée avec le Propane : Afriquia Gaz, Shell et Lasfar Gaz assurent
quasiment la totalité des importations.
2.3. Performances économiques
L’analyse des performances économiques du secteur de l’énergie consiste
à aborder le volet de l’investissement et du financement des activités relevant
de l’énergie. Elle porte également sur l’étude de la contribution du secteur
à la valeur ajoutée dans le PIB et sur son apport en emplois et en recettes
fiscales.
2.3.1. Investissement et financement
Les chiffres-clés du secteur de l’énergie (tableau 8) rapportent que le
montant des investissements dans l’énergie s’inscrit dans une tendance
haussière entre 2002 et 2008. Ils sont passés de 4,7 à plus de 21 milliards de
dirhams en 2008, s’établissant en moyenne à 8 milliards de dirhams par an
sur cette première période. A partir de 2009, les investissements ont marqué
une chute, passant à 10 milliards en 2009 à seulement 4 milliards en 2012.
Tableau 8
Investissements dans le secteur énergétique (en milliards de dirhams)
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Investissements
4,7
5
7,3
6,2
6,8
13,9
21,5
10
NA
NA
4
Sources : Chiffres du secteur de l’énergie, édition 2013, Département de l’Énergie et des Mines, Ministère
de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement.
Le financement des activités de l’énergie renouvelable provient des fonds
publics et privés nationaux et étrangers et des mécanismes de financement
disponibles dans le cadre de la coopération multilatérale et bilatérale. A ce
titre, MASEN précise que le financement des projets se fait selon le schéma
Independant Power Production (IPP) à travers un appel d’offres international
portant sur la conception, le financement, la construction, l’exploitation et la
maintenance desdits projets (20).
20. Les principaux bailleurs de fonds sont : le Fonds pour les technologies propres, l’Union
européenne, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Agence française
de développement, la Banque européenne d’investissement et la banque allemande KfW.
Energie
239
Toujours selon MASEN, les fonds investis, dans le cas des projets de
Laâyoune et de Boujdour, proviennent aussi de l’émission d’obligations vertes
(Greens Bonds) pour 1,15 milliard de dirhams.
2.3.2. Contribution aux recettes fiscales
Les apports du secteur énergétique aux recettes fiscales s’inscrivent en
hausse permanente sur la période 2002-2012 avec une accélération à partir
de 2007 (tableau 9). Les recettes ont plus que doublé entre 2002 et 2012,
passant de 12 à plus de 24 milliards de dirhams.
Tableau 9
Recettes fiscales du secteur énergétique (en milliards de dirhams)
Recettes fiscales
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
12
12
12,5 12,5 12,5
15
16
17,3 NA
NA 24,5
Sources : Chiffres du secteur de l’énergie-édition 2013, Département de l’Énergie et des Mines, Ministère
de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement.
Plus précisément, les recettes fiscales issues de la TIC (taxe intérieure sur la
consommation) des produits pétroliers représentent une part importante des
recettes totales.
Le tableau 10 montre que la plus grande part de ces recettes, sur la période
2002-2012, proviennent, en grande partie, de l’imposition du gasoil et, dans
une moindre mesure, de l’essence. Cela est dû à la composition de la flotte
automobile marocaine qui est constituée majoritairement de véhicules diesel.
Tableau 10
Recettes de la taxe intérieure sur la consommation
Année
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Recettes TIC / par budget général (en millions de dirhams)
Essence
Gasoil
Fuel
Butane
1 450
6 350
522
45
1 484
6 463
415
49
1 339
6 561
135
51
1 344
7 067
157
51
1 306
7 245
135
55
1 653
7 860
138
61
1 748
8 209
219
65
1 977
8 999
171
64
1 904
9 473
219
66
1 786
10 149
182
69
Source : Loi de finance 2013, Ministère de l’Économie et des Finances.
Recettes TIC
8 367
8 411
8 086
8 619
8 741
9 712
10 241
11 211
11 662
12 186
240
Profils sectoriels et émergence industrielle
Ces recettes représentent, entre 2002 et 2012, en moyenne plus de 60 %
des recettes issues du secteur de l’énergie. Ce constat atteste de la faible
contribution des autres impôts comme l’impôt sur les sociétés. C’est un
indicateur de la faiblesse de l’activité de ces entreprises et un éventuel manque
de création de valeur ajoutée de leur part.
2.3.3. Contribution au PIB national et à la valeur ajoutée
L’analyse de la contribution des différents secteurs dans le PIB révèle la
faible participation de l’énergie dans la création de la richesse nationale.
Historiquement, les publications du Haut-Commissariat au Plan révèlent
que la part du secteur de l’énergie au PIB atteint à peine 3 % entre 1990 et
1994 et reste généralement inférieure à 5 % du PIB avant les années 2000.
Après 2000, les chiffres publiés par le ministère des Finances (21) annoncent
que la contribution de l’activité liée au pétrole est quasi insignifiante. Elle
représente, en moyenne, 0,25 % du PIB sur la période 2000-2012. L’électricité
(évaluée conjointement avec l’eau) fait un peu mieux, avec une part moyenne
de 2,6 % sur la même période.
Tableau 11
Contribution des activités énergétiques au PIB
Contribution de
l’énergie dans le
PIB en %
Raffinage de
pétrole et autres
produits d’énergie
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
0,6
0,4
0,3
0,1
0,2
0,3
0,2
0,1
0,1
0,1
0,4
0,2
Moyenne
2000-2012
0,25
Électricité et eau
2,9
2,6
2,6
2,8
2,6
2,8
2,5
2,6
2,3
2,6
2,5
2,4
2,6
Total
3,5
3,0
2,9
2,9
2,8
3,1
2,7
2,7
2,4
2,7
2,9
2,6
2,85
Source : Tableau de bord de l’économie marocaine du Ministère de l’Économie et des Finances, Direction
des prévisions économiques et financières, 2013.
Le poids du secteur énergétique dans le PIB est négligeable par rapport à la
contribution du secteur secondaire qui atteint 25 % en moyenne sur la même
période (tableau 12). Ces statistiques révèlent la faiblesse de l’activité liée à
l’énergie par rapport aux autres activités du secteur secondaire.
S’agissant de la valeur ajoutée totale, la contribution de l’énergie est
également très faible, elle est à peine de 3 %. La part de l’énergie dans le
secteur secondaire est également faible et tourne autour de 10 % sur la période
2000-2011.
21. Tableaux de bord sectoriels annuels de la Direction des études et des prévisions financières.
Energie
241
Tableau 12
Contribution du secteur de l’énergie à la valeur ajoutée
(en milliards de dirhams)
2000-2006 2007 2008 2009 2010 2011
PIB en prix courants
479
616
689
732
764
803
Total des valeurs ajoutées
428
546
620
653
688
742
Secteur secondaire
120
149
188
187
204
225
14
17
17
20
22
21
Energie
Raffinage de pétrole et autres produits d’énergie
Électricité et eau
Part de l’énergie dans la valeur ajoutée
secondaire
Part de l’énergie dans la valeur ajoutée total
1
1
1
1
3
2
13
16
16
19
19
19
12
11
9
11
11
9
3
3
3
3
3
3
Source : Tableau de bord de l’économie marocaine du Ministère de l’Économie et des Finances, Direction
des prévisions économiques et financières, 2013.
A ce niveau aussi, les activités liées à l’électricité participent davantage à
la valeur ajoutée que les activités pétrolières. Ce constat est corroboré par les
courbes d’évolution du PIB et des indices de la production de l’énergie au Maroc.
Dans ce sens, le graphique 4 met en avant plus de corrélation et de liaison
entre l’évolution du PIB et celle de l’indice de la production d’électricité,
tandis que l’évolution de l’indice de la production de pétrole semble aléatoire
et déconnectée de l’activité économique.
Cette analyse est appuyée, sur le plan théorique, par la considération de
la consommation de l’électricité en tant qu’indicateur avancé du niveau et de
l’évolution de l’activité économique.
Graphique 4
Évolution de la croissance économique et des indices
de production de l’énergie
40
30
20
10
0
– 10
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
– 20
– 30
– 40
Croissance du PIB
Pétrole
Électricité
Source : Rapports annuels du Haut-Commissariat au Plan sur l’indice de production de l’énergie.
242
Profils sectoriels et émergence industrielle
Pour avoir des données plus précises et plus représentatives sur la contribution
du secteur de l’énergie à l’économie marocaine, nous avons essayé d’étudier le
niveau de l’activité et de l’emploi d’un échantillon d’entreprises.
Sur la base des informations financières publiées par un groupe de grandes
entreprises du secteur (22), nous avons pu quantifier le chiffre d’affaires et
l’effectif employé par ces opérateurs. Le chiffre d’affaire total réalisé par ces
sociétés atteint un pic de 61 milliards en 2008 avant de baisser en 2009 puis
de repartir à la hausse et enregistrer un nouveau record de 73 milliards de
dirhams en 2012 (tableau 13).
L’indicateur de l’activité de ces entreprises a augmenté de plus de
30 milliards de dirhams entre 2005 et 2012.
Tableau 13
Chiffres d’affaire total de l’échantillon d’entreprises
Années
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
41
44
48
61
47
59
55
73
Chiffre d’affaires en milliards Dh
Source : Tableau établi sur la base des recherches de l’auteur.
2.3.4. Contribution à l’emploi
S’agissant de l’emploi, la contribution du secteur de l’énergie à l’emploi
total reste timide. Elle ne représente que 0,4 % de l’emploi total sur la période
2007-2012 (tableau 14).
Tableau 14
Évolution de la part de l’emploi du secteur énergétique dans l’emploi total
Années
Part en %
2007
2008
2009
2010
2011
2012
0,4
0,4
0,4
0,4
0,4
0,4
Source : Élaboré à partir des rapports du Haut-Commissariat au Plan (Tableaux Emploi Ressources des
années 2007-2012).
Pour mieux aborder la question de l’emploi dans le secteur et se procurer
des chiffres plus représentatifs, nous avons examiné les publications du même
échantillon de grands opérateurs dans le secteur. Les informations relevées
dévoilent que l’effectif employé par les cinq gros opérateurs privés du secteur
22. Il s’agit de l’ONE, JLEC (TAQA), SAMIR, Total Maroc et Afriquia Gaz.
Energie
243
est globalement en hausse. Il s’établit en moyenne à 10 000 employés sur la
période 2005-2012.
Tableau 15
Effectif employé par l’échantillon d’entreprises étudiées (23)
Années
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Effectif employé en milliers
10076 10052
9981
9884
9839
9812
10162 11231
Source : Tableau établi sur la base des recherches de l’auteur.
Globalement, le secteur ne semble pas offrir une grande capacité d’emploi
par rapport à d’autres secteurs industriels. Mais ce constat n’est pas totalement
en contradiction avec le poids du secteur énergétique dans la valeur ajoutée
totale et celle du secteur secondaire, en particulier.
2. Facteurs de changement
Le secteur de l’énergie au Maroc a connu un long processus de transformation
et de changement. Plusieurs facteurs, d’ordre interne et externe, sont à l’origine
de ces différentes mutations.
Les facteurs internes se rapportent principalement au cadre réglementaire
et législatif, au orientations sociales des pouvoirs politiques et au climat.
2.1. Facteurs internes
2.1.1. Cadre réglementaire et législatif
Le cadre réglementaire et organisationnel du secteur de l’énergie au Maroc
est marqué par trois principales phases.
Pendant le Protectorat, le secteur a connu la naissance des premières entités
relevant des autorités française et espagnole principalement.
Après l’Indépendance, le Maroc a essayé de contrôler les acteurs et les
entreprises du secteur par des opérations de marocanisation. Les mesures de
reprise en main des moyens de production et de distribution par le Maroc ont
été à l’origine d’importantes mutations. Le mouvement de nationalisation et
de structuration des opérateurs du secteur a donnée naissance aux organismes
publics et aux sociétés nationales dans les différents segments du secteur
énergétique.
23. Il s’agit de l’ONE, JLEC (Taqa), Samir, Total Maroc et Afriquia Gaz.
244
Profils sectoriels et émergence industrielle
Ainsi, la société EEM s’est transformée en ONE avec la publication du
dahir n° 1-63-226 du 5 août 1963 qui attribue à l’ONE le monopole de la
production, du transport et de la distribution de l’énergie électrique.
Le Programme d’électrification du monde rural global lancé en 1995 et
qui vise la couverture complète du territoire à l’horizon 2010 a constitué un
catalyseur de l’activité de l’ONEE. Ce programme a également augmenté
la consommation de l’électricité au Maroc et a exercé des pressions sur les
capacités nationales.
Dans le domaine pétrolier, la SCP, qui se chargeait du raffinage à Sidi
Kacem et de l’exploration au côté du BRPM, occupait une place centrale dans
l’exploration et la production. Et pour promouvoir davantage l’exploration
pétrolière sur le sol marocain, l’ONAREP a été créé en 1981.
La SCP assurait seule la production jusqu’à la création, en 1962, de la
SAMIR qui opère principalement dans le raffinage et l’embouteillage du gaz
butane.
La volonté politique de créer un interlocuteur de référence pour l’activité
pétrolière a permis d’initier le rapprochement de l’ONAREP et du BRPM,
qui a donné naissance en 2005 à l’ONHYM. Cet organisme est devenu
alors le vecteur principal du secteur. En termes d’activité et de performance,
l’ONHYM a pu impliquer 28 compagnies et a attribué 121 permis de
recherche et d’exploration pétrolière (24).
Depuis l’application des programmes de libéralisation de l’économie
marocaine, le secteur énergétique a particulièrement été touché par ces
mesures. La situation de monopole de l’ONE a été remise en question par le
décret-loi n° 2-94-503 du 23 septembre 1994 qui a instauré la possibilité aux
opérateurs privés de produire de l’électricité dans le cadre de conventions avec
l’ONE (25).
Les autorités ont également privatisé, à partir de 1997, la distribution
d’électricité pour fournir le cadre légal à la délégation de ce service public dans
les grandes villes à des opérateurs privés, dit concessionnaires.
Pour les prix de l’électricité, une grille tarifaire est appliquée, qui
dépend de la tension utilisée, de la quantité consommée et de la période
de consommation. En 1996, la révision de la méthode de calcul a permis
d’instaurer un programme tri-horaire pour inciter les industriels à consommer
l’électricité pendant les heures creuses à des tarifs plus bas. Le même
24. Site officiel de l’ONHYM.
25. L’exemple le plus représentatif est la convention signée par l’ONEE avec JLEC en 1997.
Energie
245
raisonnement a été adopté dans la facturation aux ménages sur la base de
trois principales tranches dont le coût est progressif en fonction de la quantité
d’électricité consommée. Ces mesures contribuent à la rationalisation de la
consommation et à la diminution de la pression sur les moyens de production
pendant les heures de pointe en particulier.
S’inscrivant aussi dans le cadre de la libéralisation et de la privatisation, le
groupe saoudien CORAL, qui a repris la SAMIR et la SCP, les a fusionnées
en 1999.
La libéralisation qui touche le secteur se manifeste également par
l’attribution d’autorisations d’importation de produits pétroliers à des
opérateurs autres que la SAMIR. Ces nouveaux opérateurs peuvent
s’approvisionner directement auprès de fournisseurs étrangers, surtout suite à
la multiplication des incidents industriels qui touchent la SAMIR et limitent
ses capacités productives (26).
Sur le même registre, la libéralisation de la distribution des produits
pétroliers en 1994 a permis de multiplier le nombre des sociétés privées qui
opèrent dans ce domaine. Cette tendance a contribué au développement du
secteur par la multiplication des accords et des partenariats entre le public et
le privé.
L’ensemble de ce processus de changement a été initié et répertorié par
les modifications du dahir portant loi n° 1-72-255 du 18 moharrem 1393
(22 février 1973) sur l’importation, l’exportation, le raffinage, la reprise
en raffinerie et en centre emplisseur, le stockage et la distribution des
hydrocarbures.
L’évolution du cadre légal et réglementaire a concerné également les
énergies renouvelables qui connaissent un essor depuis l’adoption de la loi
n° 13-09 sur les énergies renouvelables et les autres textes prévoyant des
mesures d’incitation à la production d’énergie propre et renouvelable.
2.1.2. Politique sociale
Depuis la fin des années trente, le Maroc a adopté une protection sociale
basée, entre autres, sur le système de compensation des prix de certains
produits de première nécessité. Ce programme, financé par les dépenses
de compensation, permet de stabiliser les prix de ces produits en dépit
des fluctuations de leurs cours sur les marchés internationaux. Ce système
26. La SAMIR a connu un incident industriel en 2002.
246
Profils sectoriels et émergence industrielle
participe à la promotion de quelques secteurs d’activité comme les sucreries,
les minoteries et les raffineries pétrolières en particulier.
Concrètement, le budget de l’État supporte, via les dépenses de
compensation (27), la différence entre le prix de vente subventionné et le prix
effectif basé sur les conditions du marché. Les charges de compensation pèsent
sur le budget de l’État. Elle ont explosé avec la flambée des cours du pétrole
durant les années 2011-2012 et atteint 112 $US le baril.
La charge inhérente au gaz butane est de loin la plus lourde suivie de celle
du gasoil et dans une moindre mesure l’essence.
En raison de son poids budgétaire, ce programme a connu plusieurs
périodes d’assouplissement voire, notamment, la suspension du soutien des
produits pétroliers.
En dépit des avantages et des bienfaits de ces dépenses de compensation,
elles représentent une source de rente pour les entreprises du secteur. Aussi
ces mesures de soutien et de subvention des prix des produits pétroliers
impactent-elles les politiques productives et commerciales des sociétés du
secteur.
Cette politique ne laisse pas les mécanismes du marché et de la
concurrence jouer leur rôle et prive les entreprises du secteur de ce levier de
développement. Ces dépenses auraient pu être utilisées pour accompagner
le secteur privé et financer des projets de recherche et de développement de
l’activité énergétique.
Ainsi, pour éviter ces effets indésirables sur le budget de l’État et
l’activité des entreprises, les recommandations des institutions financières
internationales imposent la réduction puis la suppression des subventions aux
produits pétroliers et leur remplacement par un système d’aide direct pour les
couches modestes de la population.
2.1.3. Impact du climat
Au début de l’histoire électrique du Maroc, le pays a entrepris une politique
active de construction de barrages pour produire de l’électricité. Cette
politique a fait de l’énergie hydraulique une source d’énergie indispensable
pour le pays.
27. Pour un point complet sur le programme de compensation, voir le rapport détaillé sur
la compensation, annexé au projet de loi de finance pour l’année 2013, disponible sur le site :
http://www.finances.gov.ma/documents/PLF/2013/4803_compens_fr.pdf
Energie
247
Mais la faiblesse des réserves, l’irrégularité de la pluviométrie et la faiblesse
de la force productrice font diminuer drastiquement la part de l’hydraulique
dans la production d’électricité. Concrètement, cette part est passée de 80 %
en 1956 à 54 % en 1970 puis à 28 % en 2003 et à 7 % en 2007.
Cette situation alarmante a poussé les autorités à réagir. Elles ont continué
à construire des unités de production hydraulique tout en modernisant les
procédés de production.
Afin de sécuriser l’approvisionnement en électricité, le royaume diversifie
ses sources d’énergie et s’engage dans le développement d’autres moyens de
production, propres et à grand potentiel comme le solaire et l’éolien.
2.2. Facteurs externes
Les facteurs externes représentent pour le secteur énergétique un élément
essentiel qui détermine son niveau d’activité et ses performances. Ces facteurs
sont également connectés à la configuration et l’organisation internes du
secteur.
Ces effets sont liés à la géopolitique et à la dépendance énergétique.
La coopération et les engagements internationaux du Maroc contribuent
également aux processus d’évolution du secteur.
2.2.1. Géopolitique internationale et production de l’énergie
Au niveau extérieur, Horațiu (2013) met l’accent sur l’impact et la
perturbation que peuvent exercer les prix des matières premières, surtout
celles qui dépendent du marché mondial et/ou des conditions géopolitiques
sur l’économie. Par exemple, les cours internationaux du pétrole influencent
significativement les conditions productrices, le développement et la
performance des sociétés de la filière de l’énergie.
La concentration des réserves et de la production de pétrole conventionnel
dans un nombre limité de pays et de sociétés (exemple de l’OPEC) expose
le Maroc aux risques d’instabilité politique et à la stratégie industrielle et
commerciale de ces pays ou de ces organisations (28).
Cette situation est en mesure d’augmenter les risques de tensions
géopolitiques et leurs effets sur l’approvisionnement et les cours (29).
28. Les décisions de réduction de l’offre par les pays membres de l’OPEC exercent une
influence significative sur la facture énergétique du Maroc.
29. Institut royal des études stratégiques (2016), la Transition énergétique à l’aune de la
géopolitique mondiale de l’énergie : quels sont les enseignements pour le Maroc ?
248
Profils sectoriels et émergence industrielle
Ainsi, l’instabilité et la multiplication des conflits militaires dans les pays
producteurs de pétrole influencent les cours du pétrole, se traduisent par une
irrégularité de la facture énergétique du Maroc et génèrent des difficultés de
prévision budgétaire pour le financement du programme de compensation et
de soutien des prix des produits pétroliers.
Le conflit, apparent et non déclaré, du Maroc avec le voisin algérien prive
les deux pays d’une grande coopération énergétique et de la minimisation
des coûts d’approvisionnement et de sécurisation. Ainsi, de bonnes relations
entre les deux pays ne peuvent que renforcer leur collaboration, permettre un
approvisionnement à des conditions préférentielles et apporter un avantage
pour les deux pays.
2.2.2. Dépendance énergétique vis-à-vis de l’extérieur
Toujours en lien avec la géopolitique, la facture énergétique due à la
dépendance a été multipliée par quatre entre 2002 et 2011, passant de 16,2
à 80 milliards de dirhams. En conséquence, les dépenses de compensation
liées aux produits pétroliers et aux gaz butane sont passées de 4 milliards de
dirhams en 2002 à plus de 40 milliards en 2011.
Ce recours, obligatoire à l’extérieur, rend le secteur sensible aux fluctuations
des cours internationaux et constitue une contrainte supplémentaire pour les
opérateurs qui pèse sur leurs approvisionnements et leurs décisions de fixation
des prix.
La dépendance énergétique du Royaume vis-à-vis de l’étranger contribue
donc au changement et à l’évolution du secteur dans la mesure où ces politiques,
exposent le secteur à une inertie et à un manque d’initiatives et d’innovations.
Les programmes de compensation garantissent la consommation locale et lui
permettent d’augmenter en continu. Ces aides constituent alors un amortisseur
d’un éventuel ralentissement de l’activité chez les entreprises du secteur.
Cette manière de procéder n’autorise pas de consolidation entre les
opérateurs du marché et constitue une source de faiblesse de l’activité des
entreprises du secteur.
2.2.3. Coopération et engagements internationaux
L’insertion de l’économie marocaine dans son environnement régional
et mondial se traduit par une coopération étroite avec les partenaires et
un engagement international dans plusieurs causes économiques et/ou
environnementales.
Energie
249
Dans le domaine nucléaire, le Maroc est très engagé (30). Il a ratifié et a
appliqué le traité international sur la non-proléfération des armes nucléaires
depuis 1970. Ce traité constitue un frein au développement de la recherche
dans ce domaine, y compris à usage civil. Ces contraintes sont dues à
l’interdépendance technique des recherches pour l’usage militaire et civil
et aux différentes conventions de sûreté et de sécurité nucléaire ratifiées et
appliquées successivement depuis 1993 et 2002.
Ces différents engagements du royaume constituent un cadre pour l’activité
énergétique nucléaire et semblent entraver le lancement et le développement
de ce type d’énergie au Maroc.
La coopération internationale dans le domaine de l’électricité encourage
la construction de réseaux complémentaires et accentue le mouvement de
connexion des réseaux électriques entre les pays afin de créer des échanges de
flux d’électricité. L’ONE a renforcé sa liaison avec les pays voisins en reliant
son réseau de transport d’électricité avec l’Espagne et l’Algérie.
L’ONE a même lancé des projets pour augmenter la capacité de transit
avec l’Algérie et l’installation de la deuxième interconnexion, par câble sousmarin, pour doubler la capacité de transit de l’électricité avec l’Espagne (31).
Ces interconnexions, qui permettent d’assurer la sécurité de
l’approvisionnement en électricité du Maroc, placent le secteur énergétique
marocain au cœur du marché maghrébin et européen.
S’agissant de l’engagement environnemental, le Maroc est significativement
mobilisé contre le changement climatique et est très attaché aux mesures
internationales en matière de protection de la planète. Aussi adopte-t-il un
modèle de développement durable propice à la protection de l’environnement.
A cet égard, le plan d’investissement vert (32) lancé par le Maroc constitue un
cadre d’action national et un engagement sur la scène internationale.
Ces actions transversales revêtant une cohérence et une interactivité
sectorielles sont basées sur l’intégration du développement durable dans les
stratégies sectorielles relatives à l’énergie renouvelable, à l’efficacité énergétique,
aux villes, aux transports et aux déchets solides afin de réduire les émissions de
gaz à effets de serre et lutter contre le réchauffement climatique. Cet engagement
30. Site web officiel de l’Agence marocaine de sûreté et de sécurité nucléaires et radiologiques :
http://amssnur.org.ma/?page_id=169
31. ONE, Rapport annuel 2005.
32. « L’engagement du Maroc dans la lutte contre les effets du changement cimatique »,
rapport disponible sur : http://www.environnement.gov.ma/index.php/fr/climat
250
Profils sectoriels et émergence industrielle
constitue pour le secteur marocain de l’énergie un catalyseur de l’activité dans
le renouvelable et représente une sorte de facteur attrayant pour les entreprises
nationales et internationales qui désirent investir dans ce domaine.
En parallèle, ces mesures exercent une sorte de restriction et de limitation
des activités émettrices de GES, spécialement celles liées au charbon et aux
sources d’énergies fossiles. Cette situation est toutefois une opportunité
pour les entreprises qui désirent initier des stratégies de transition et de
réorientation de leur activité afin de profiter des avantages qu’offrent ces
différents programmes du renouvelable.
La coopération et les engagements du Maroc lui ont permis de profiter
de financements internationaux pour les grands chantiers de l’énergie
renouvelable afin de réduire sa dépendance aux sources d’énergie fossiles.
Les financements bilatéraux et multilatéraux des programmes NOOR
d’énergie renouvelable constituent un modèle à suivre et une réussite pour le
développement de la filière du renouvelable.
3. Faiblesses, points forts, opportunités et perspectives
3.1. Points faibles et limites du développement du secteur
3.1.1. Dépendance de l’extérieur et exposition aux risques
Face à la hausse permanente de la demande nationale, la production locale
demeure modérée et ne suit pas le rythme de croissance de la consommation.
Cette situation rend indispensable le recours à l’approvisionnement extérieur,
que ce soit pour le pétrole brut à raffiner ou pour les produits pétroliers prêts
à la consommation.
Cette politique énergétique est subie, à cause de la faiblesse des découvertes
de gisement de pétrole et de gaz. Elle est aussi une conséquence du retard dans
le développement des sources alternatives d’énergie.
Concrètement, le taux de dépendance, qui dépasse les 94 % sur la période
étudiée, expose le pays à la volatilité des cours sur le marché international et à
différents facteurs géopolitiques. Ce recours aux importations réduit la visibilité
des entreprises énergétiques et affecte négativement leur stratégie.
3.1.2. Compensation, soutien et administration des prix de l’énergie
Selon la politique de compensation, les prix des produits pétroliers sont
déterminés par les autorités en faisant supporter par les finances publiques la
charge relative à la différence entre les prix indexés sur le marché international
et les prix de vente à l’intérieur.
Energie
251
A titre d’illustration, malgré la forte hausse des cours du gaz, les prix de
vente à l’intérieur sont restés inchangés sur la décennie 2002-2012. Pour les
prix des carburants, les autorités n’ont répercuté que partiellement les hausses
des cours du pétrole.
En effet, entre 2004 et 2012, les prix de vente à la consommation sur le
marché intérieur ont connu des révisions minimes. Par exemple, le gasoil est
passé de 5,76 dirhams le litre en janvier 2004 à 8,15 dirhams le litre en février
2012, alors que le cours du pétrole a été multiplié par plus de trois, passant de
38 dollars le baril en 2004 à 113 dollars le baril en 2012 (33).
La dépendance énergétique et la flambée des cours internationaux font du
programme de compensation et de soutien des prix des produits énergétiques
une politique très coûteuse pour les finances publiques du pays et représente
une forme de détournement des fonds publics vers la consommation finale
au lieu de financer des projets énergétiques susceptibles d’augmenter la
production nationale et dynamiser le secteur.
De plus, l’administration des prix de l’énergie constitue une contrainte
pour le bon fonctionnement des marchés et freine l’ajustement des prix
aux actions et aux stratégies des opérateurs. Ces derniers bénéficient d’une
situation de rente et voient leurs marges maintenues et leurs parts de marché
assurées. En conséquence, ils n’entreprennent pas suffisamment d’actions
pour se moderniser et innover afin de réaliser de la croissance organique et
augmenter la dynamique et les performances du secteur.
Cette politique n’a pas permis, non plus, de relancer les mouvements de
restructuration et de consolidation entre les sociétés opérantes dans le secteur
afin de former de grands groupes énergétiques capables de se positionner sur
les marchés internationaux et se doter d’un important pouvoir de négociation.
3.1.3. Concentration et manque de concurrence
Les statistiques sur la distribution et l’approvisionnement montrent que
le secteur de l’énergie œuvre dans un environnement de concertation, de
monopole et de faible concurrence.
En effet, le Maroc dispose d’une seule raffinerie, la SAMIR, qui est passée
en 1997 sous pavillon privé. Cela expose le Maroc au risque de pénurie et au
recours massif à l’importation au lieu de créer de la valeur ajoutée à partir du
raffinage local. De plus, l’approvisionnement extérieur est assuré par un petit
33. http://www.finances.gov.ma/Documents/PLF/2013/4803_compens_fr.pdf
252
Profils sectoriels et émergence industrielle
nombre de sociétés. Pour la distribution, le marché est dominé par quatre
principaux opérateurs.
Concernant l’électricité, malgré le mouvement de concession des activités,
l’ONEE détient encore une grande part dans la production, le transport
et la distribution d’électricité. L’opérateur public, et tuteur des sociétés qui
opèrent dans ce domaine, est encore en position de monopole et influence les
stratégies des opérateurs privés.
Cette structuration du secteur énergétique au Maroc entrave la concurrence
et laisse le marché en manque d’initiative et de compétition sur les prix et la
qualité des services.
Ainsi, un renforcement de l’ouverture et de la libéralisation du marché et
l’adoption de mesures pour favoriser la concurrence peuvent sortir le secteur
de son inertie et le mettre sur la voie du développement et d’une croissance
soutenue.
3.1.4. Cadre réglementaire dispersé et multitude des intervenants
Les autorités adaptent continuellement le cadre réglementaire des activités
énergétiques. Cette perpétuelle évolution se fait en réaction à des situations
de crise et à des difficultés liées à l’énergie (34). Le législateur est réactif,
mais il doit être doté d’un esprit visionnaire capable d’inspirer des stratégies
prévisionnistes de long terme.
Les interlocuteurs énergétiques ressemblent à des entités de contrôle et de
réglementation. Ils interviennent dans le domaine des hydrocarbures et des
mines. Et cela risque de disperser leurs efforts et leurs actions. C’est pourquoi
il faut doter les organismes et les agences nationales énergétiques d’un réel
cadre opérationnel pour accompagner les opérateurs privés nationaux et
internationaux dans le développement des activités énergétiques.
3.2. Points forts, opportunités et perspectives
L’analyse de la configuration et de l’activité du secteur énergétique relève
des corrections et des ajustements nécessaires au développement du secteur
énergétique qui dispose d’un grand potentiel de croissance, d’amélioration et
de dynamisation.
34. À l’exemple des décisions de compensation qui ne sont prises qu’après la flambée des
cours du pétrole ou des lois sur l’énergie renouvelable qui ne sont adoptées qu’après les
recommandations internationales et le renchérissement des énergies fossiles, etc.
Energie
253
3.2.1. Les énergies fossiles : une source encore indispensable
Certes, les sources renouvelables paraissent plus attrayantes et moins
polluantes, mais les analyses de la tendance internationale montrent que les
énergies fossiles sont et resteront pour une longue période encore une source
indispensable d’énergie du fait de leur coût relativement bas. Evidemment, cette
situation se maintiendra tant que les énergies renouvelables ne se développeront
pas suffisamment pour produire en masse et à un coût plus faible.
Le territoire marocain est encore sous-exploré. Des opérations de recherches
sont en cours, et le développement de partenariats et de coopérations entre
l’ONHYM et les grandes compagnies internationales augmentent les chances
de découvrir des gisements. Il est donc nécessaire de renforcer le rôle de
l’ONHYM et de le doter de plus de compétences pour accomplir ses missions
de recherche, d’exploration et d’exploitation en partenariat avec des opérateurs
de renommée internationale.
Par ailleurs, la position géographique du pays lui permet de devenir une
plateforme intermédiaire de distribution de gaz en activant sa diplomatie
économique pour construire des oléoducs entre les pays producteurs comme
l’Algérie et le Nigeria et les grands pôles de consommation (par exemple
l’Europe occidentale). Cette stratégie logistique peut lui assurer la sécurité de
son approvisionnement et des récompenses financières et en nature.
De même, le Maroc a le devoir de jouer un rôle central dans la
construction d’un espace euro-maghrébin d’échange d’électricité pour devenir
le hub énergétique de la région en multipliant les accords dans ce domaine.
Pour les sources non conventionnelles comme le schiste, les réserves sont
importantes, et le développement des techniques d’extraction sont pour le
Maroc une opportunité d’augmenter sa production.
3.2.2. L’énergie renouvelable : un grand potentiel
Le Maroc dispose d’un grand potentiel dans les sources propres d’énergie,
en particulier le solaire et l’éolien.
Les efforts énormes et les réalisations en cours dans le domaine solaire
(projet NOOR) sont en mesure de rendre la production d’électricité plus
propre. Ces chantiers offrent même des possibilités d’exportation vers les pays
de l’UE dans le cadre d’accords pour la connexion des réseaux de transport
entre le Maroc, l’Espagne et l’Algérie.
Au niveau organisationnel, la décision de centralisation de plusieurs
projets de renouvelable dans le cadre de MASEN facilite la réalisation et le
254
Profils sectoriels et émergence industrielle
développement de ces activités. Selon les projections officielles, les efforts
de développement de ces sources peuvent porter la part du renouvelable, à
l’horizon 2020, à plus de 40 % de la production d’électricité nationale.
Le développement du renouvelable nécessite également des financements
et des programmes d’investissement dans la recherche scientifique. Dans ce
sens, la politique marocaine de signature de partenariats internationaux avec
des bailleurs de fonds permet de mettre à la disposition des acteurs publics et
privés d’importants moyens de financement pour réaliser ces projets.
3.2.3. Gains de la décompensation et libéralisation des prix des produits
énergétiques
La prise de conscience des limites de la politique sociale de compensation
alimente les réflexions et les tentatives de réduction de ce programme pour se
diriger vers une libéralisation progressive des prix des produits pétroliers.
Une décision dans ce sens permettra, d’une part, de réorienter les fonds
de la compensation vers d’autres activités productrices et le financement de
projets énergétiques renouvelables. D’autre part, la libéralisation des prix
encourage l’activité du secteur et met ses entreprises face à leurs responsabilités
en matière de tarifs. Les conditions et la qualité du service seront aussi un
volet de poids dans les stratégies des distributeurs pour garder leur clientèle.
3.2.4. Rationalisation de la consommation et efficacité énergétique
Du côté de la rationalisation de l’usage et de la consommation d’énergie,
le Maroc a devant lui un important chemin à parcourir pour inculquer
l’efficacité énergétique aux producteurs et aux consommateurs nationaux.
Les mesures visant à instaurer l’efficacité énergétique sont susceptibles
de réduire la consommation d’énergie et exercer moins de pression sur la
production. Elles limiteront l’usage de sources polluantes et coûteuses pour
l’environnement et la planète.
Également, les engagements des opérateurs publics et privés alimentent la
création de nouvelles activités et la modernisation des procédés et des techniques.
Ces opportunités se traduiront par le dynamisme du secteur et sa modernisation.
3.2.5. Potentiel de création d’emplois
Côté emploi, le développement de la production d’énergie, l’exploration
d’autres sources et moyens de production et les mesures d’efficacité énergétique
sont incontestablement porteurs d’énormes potentialités de création d’emplois.
Energie
255
Les perspectives sont prometteuses surtout dans le segment du renouvelable.
Un grand nombre d’emplois, directs et indirects, seront même créés dans le
cadre des projets NOOR I, II et III (35).
Une étude visant à évaluer le potentiel de création d’emplois (36) annonce
que le segment du renouvelable deviendra un gros créateur d’emplois
à l’horizon 2020. Les estimations tablent sur la création de plus de
13 000 postes en renouvelable et plus de 30 000 postes grâce aux programmes
d’efficacité énergétique. L’étude stipule aussi que les besoins en formation
seront conséquents et s’établiront à plus de 20 000 ouvriers et plus de
20 000 techniciens et cadres.
Le marché de l’emploi peut être alimenté par tous les segments du secteur
et pas seulement le renouvelable. A cet effet, les changements structurels
(libéralisation, développement et modernisation des procédés de production
et de distribution) que connaît le secteur de l’énergie sont un signal avantcoureur du potentiel d’emplois.
Et pour profiter de cette situation et faire des deux parties du marché du
travail des « gagnant-gagnant », il est nécessaire de développer des programmes
de formation et de qualification de la main-d’œuvre, former des cadres et des
ingénieurs spécialisés dans l’énergie et les filières annexes. De tels programmes
mettront à la disposition des acteurs du secteur un capital humain qualifié et
susceptible d’alimenter l’innovation et la création de valeur ajoutée.
Conscientes de l’importance du capital humain pour le développement de
la filière renouvelable, les autorités multiplient les programmes de formation
de cadres, d’ingénieurs et de techniciens pour couvrir les besoins en emplois.
Conclusion
Ce large exposé offre une vue claire et transversale sur le secteur énergétique
au Maroc et apporte des éléments de réponse à plusieurs questions relatives
à l’organisation de l’activité du secteur, sa performance, son potentiel et ses
perspectives.
35. Ministère de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Département de
l’Énergie et des Mines, Monographie du secteur de l’énergie et des mines de la province de
Ouarzazate, disponible sur www.mem.gov.ma/SiteAssets/Monographie/.../DP %20- %20
OUARZAZATE.pdf
36. La Nouvelle stratégie énergétique nationale : bilan d’étape, Ministère de l’Énergie, des Mines,
de l’Eau et de l’Environnement.
256
Profils sectoriels et émergence industrielle
Le secteur de l’énergie au Maroc a traversé une longue période de transition
depuis l’Indépendance. Son organisation et la structure de ses compartiments
sont en perpétuelle évolution. Plusieurs organismes en assurent la tutelle, le
conseil et même la gestion de l’activité de production et distribution. Les
opérateurs privés sont omniprésents, et leur nombre est en hausse depuis
l’application du Programme d’ajustement structurel et la libéralisation
progressive du secteur de l’énergie.
Le secteur de l’énergie au Maroc est souvent réduit à l’électricité et aux
hydrocarbures, mais de nouveaux domaines et concepts retrouvent peu à
peu leur place. C’est le cas, par exemple, des énergies renouvelables et de
l’efficacité énergétique.
La structure du secteur est caractérisée par une remarquable concentration
de l’activité et la domination de la production et de la distribution de
l’électricité et des hydrocarbures par quelques opérateurs. Les autres énergies
n’échappent pas à cette situation tant que de nouveaux acteurs ne peuvent
pas et/ou ne veulent pas encore se lancer dans le renouvelable et le nonconventionnel, en particulier.
Le secteur a connu des changements majeurs liés à des éléments de
politiques sociales de soutien du pouvoir d’achat face au renchérissement des
produits énergétiques. Le cadre réglementaire a joué, également, un grand
rôle dans l’organisation et la définition des règles de fonctionnement et des
relations entre les intervenants.
Les facteurs climatiques et géopolitiques ont également eu une
influence significative sur les mutations des stratégies de production et
d’approvisionnement en énergie.
Le secteur de l’énergie au Maroc souffre encore de la faiblesse de la
production nationale et la dépendance de l’extérieur. La politique de
soutien des prix et le manque de concurrence semblent également freiner le
développement et le dynamisme du secteur.
Ceci étant, les perspectives du secteur énergétique au Maroc sont très
prometteuses. Le pays dispose d’un grand potentiel de croissance avec
les énergies fossiles, encore sous-explorées, et les sources renouvelables
suffisamment abondantes. D’importants gains sont aussi possibles grâce
à l’amélioration des techniques de production et de rationalisation de la
consommation dans le cadre des programmes d’efficacité énergétique.
Energie
257
Références bibliographiques
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programme de la compensation, annexé au projet de loi de finances
pour l’année 2013 », disponible sur le site : http://www.finances.gov.ma/
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Direction de l’observation et de la programmation, la Nouvelle stratégie
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Profils sectoriels et émergence industrielle
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de la loi n° 57-09 relative à la création de MASEN.
Loi n° 54.14 modifiant et complétant l’article 2 du dahir n° 1-63-226 du
14 rabii I 1383 (5 août 1963) portant création de l’Office national de
l’électricité et l’article 5 de la loi n° 40-09 relative à l’Office national de
l’électricité et de l’eau potable « ONEE ».
Dahir du 15 décembre 1928 devant constituer un organisme spécialisé doté
des voies et moyens pour donner une forte impulsion aux recherches
minières. Information disponible sur https://www.monde-diplomatique.
fr/1962/06/A/24789
Dahir portant loi n° 1-72-255 du 18 moharrem 1393 (22 février 1973) sur
l’importation, l’exportation, le raffinage, la reprise en raffinerie et en centre
emplisseur, le stockage et la distribution des hydrocarbures.
Energie
259
Code des hydrocarbures : loi n° 21-90 amendée et complétée par la loi
n° 27-99. Loi n° 21-90 relative à la recherche et à l’exploitation des
gisements d’hydrocarbures, promulguée par dahir n° 1-91-118 du
27 ramadan 1412 (1er avril 1992) publié au Bulletin officiel n° 4146 du
11 chaoual 1412 (15 avril 1992) amendée et complétée par la loi n° 27-99
promulguée par dahir n° 1-99-340 du 9 kaada 1420 (15 février 2000),
publié au Bulletin officiel n° 4778 du 9 hija 1420 (16 mars 2000).
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la fin du XIXe siècle aux premières décolonisations », p. 491-512.
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dans les secteurs de l’énergie, des mines et de l’environnement », CCNM
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« Les investissements extérieurs directs et l’environnement », Organisation
de coopération et de développement économique, Paris, 7-8 février 2002.
D’Angio A., « L’électrification du Maroc vue à travers l’action de la société
Schneider et Cie (1907-1954) », in Outre-mers, tome 89, n° 334-335,
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Rapport annuels d’activité des sociétés
ONE, SAMIR, Total Maroc, Taqa Morocco, Afriquia Gaz.
Sites web officiels
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de l’ONHYM.
de la SAMIR.
de l’ONE.
de JLEC (Taqa Morocco).
de SAMIR.
de Total Maroc.
d’Afriquia Gaz.
CHAPITRE 9
Logistique
Mohammed Mzaiz
Introduction
La logistique est une notion d’origine militaire qui désignait l’ensemble des
techniques mises en œuvre pour assurer l’approvisionnement et le maintien
en conditions opérationnelles des troupes armées en temps de guerre à travers
l’utilisation de modèles mathématiques d’optimisation afin de coordonner
les approvisionnements avec l’avancée des troupes sur le terrain. Elle a été
ensuite étendue aux organisations civiles pour devenir un secteur d’activité
à part entière vers la fin du XXe siècle, avec ses méthodes, ses acteurs, ses
métiers et ses techniques. Elle a souvent été prise en charge par des entreprises
à la recherche de création de valeur, donnant ainsi naissance aux premiers
prestataires logistiques (Fulconis, Paché et Roveillo, 2011). De façon plus
large, le mot logistique est aujourd’hui polysémique et peut désigner, selon le
contexte dans lequel il est utilisé, trois champs différents.
Premièrement, la logistique est une fonction qui a pour objectif de mettre à
disposition, au moindre coût et avec la qualité requise, un produit, à l’endroit
et au moment où la demande existe (Paché et Sauvage, 2004). Elle concerne
l’ensemble d’opérations physiques de traitement des produits, périphériques et
complémentaires aux opérations de fabrication, qui comprennent notamment
l’approvisionnement, la gestion des stocks, la manutention, la préparation
des commandes et le transport (Fender et Pimor, 2008). Deuxièmement,
elle désigne une des composantes des sciences du management, considérant
l’entreprise et les relations interentreprises comme des systèmes de flux
d’informations et de flux de produits dont il faut optimiser la gestion (Doriol
et Sauvage, 2010). Enfin, l’industrie logistique est une branche économique
en émergence, constituée d’entreprises prestataires travaillant pour le compte
d’entreprises agricoles, industrielles ou commerciales externalisant tout ou
partie de leurs opérations logistiques.
Au Maroc, la logistique comme secteur d’activité n’a réellement débuté qu’en
2010 avec le lancement de la stratégie nationale de la compétitivité logistique
262
Profils sectoriels et émergence industrielle
(2010-2015) (1), signée entre l’État marocain et la Confédération générale
des entreprises du Maroc (CGEM). L’entrée en vigueur de cette stratégie qui
a pris la forme d’un contrat-programme vient donc doper la compétitivité du
pays tout en mettant plus de cohérence entre la politique des grands chantiers
(autoroutes, routes, ports, flux maritimes, réseau ferroviaire…), les différentes
stratégies sectorielles et la logistique (stockage, manutention, transport…).
Ce contrat-programme a fait l’objet d’une convention de financement avec le
Fonds Hassan II pour le développement économique et social. Il avait comme
objectif l’amélioration de la compétitivité de l’économie du Maroc, à l’export
et à l’import comme en interne, par le biais d’une logistique performante
réorganisant et optimisant les différents flux de marchandises (MET, 2010).
Le contrat ainsi défini est de nature à apporter les réponses nécessaires au
développement du secteur de la logistique et les solutions adéquates aux
problèmes de gestion des flux de marchandises et permet de répondre aux
besoins logistiques des différentes stratégies sectorielles lancées ou en cours de
mise en œuvre au niveau national (2).
L’objectif de ce « profil sectoriel » est d’évaluer la situation du secteur
logistique et faire le point sur les évolutions et les changements opérés après la
réalisation du contrat-programme logistique au titre de la période 2010-2015.
On insistera sur les changements réalisés au niveau du cadre institutionnel
du secteur (section 1), au niveau de ses acteurs (section 2), de ses principaux
déterminants conjoncturels (section 3), de sa configuration productive
(section 4) et de ses performances (section 5).
1. Cadre institutionnel et fondamentaux du secteur
Le cadre institutionnel et les fondamentaux du secteur comprennent les
organes institutionnels chargés de la logistique et ceux chargés du transport.
1. Impulsée par un rapport réalisé conjointement par la Banque mondiale et par le ministère
de l’Équipement et du Transport en 2006, cette stratégie a été adoptée suite à une étude
menée en 2008 par le cabinet Mc Kinsey. Il s’agissait d’offrir au Maroc « un plan d’action
ambitieux » au double objectif stratégique : améliorer le commerce extérieur du Maroc avec
l’Union européenne et favoriser l’émergence du secteur logistique marocain.
2. Notamment le Plan Maroc vert pour l’agriculture, le Pacte national pour l’émergence
industrielle, le plan Halieutis pour le secteur de la pêche, le plan Rawaj pour le commerce
intérieur, la stratégie énergétique, etc.
Logistique
263
1.1. Organes institutionnels chargés de la logistique
La gouvernance du secteur logistique a été confiée au départ au ministère
de l’Équipement et du Transport jusqu’à la mise en place de l’Agence
marocaine de développement de la logistique (AMDL) en juillet 2011.
A partir de cette date, les attributions dévolues au ministère de l’Équipement
en matière de logistique ont été transférées à la nouvelle agence conformément
à la loi n° 59-09 portant création de l’Agence marocaine de développement
de la logistique. Cette structure a pour mission la mise en œuvre aux niveaux
national et régional des actions d’amélioration de la compétitivité logistique
(B.O. n° 5962, 19 chaâbane 1432 (21 juillet 2011)).
En mai 2014, la gouvernance du secteur a été renforcée par la création
d’autres organismes tels que l’Observatoire marocain de la compétitivité
logistique (OMCL) dont les missions principales sont : la mesure de la
performance des systèmes logistiques, la garantie et la veille sur le secteur, la
collecte d’informations et la publication de manière régulière d’indicateurs
mesurant les progrès réalisés dans le secteur. Cet observatoire constitue une
force de proposition pour améliorer la compétitivité logistique.
Le Board national de coordination de la formation en logistique (BNCFL)
associe à la fois les autorités publiques en charge de la formation et les
représentants des professionnels du secteur privé, principal employeur des
compétences logistiques, ce qui permettra une meilleure orientation des
efforts de formation vers les besoins réels du marché de l’emploi logistique.
Ses travaux ont été lancé le 21 septembre 2015, et une Commission nationale
de normalisation logistique (CNNL) a été instituée, notamment pour
identifier et prioriser les besoins de tous les acteurs du secteur logistique en
termes de normes et de bonnes pratiques.
1.2. Organes institutionnels chargés du transport
Le secteur logistique est dépendant du secteur du transport, c’est la raison
pour laquelle nous présenterons ici les différents organes institutionnels
chargés de la gestion des différentes catégories de transport (maritime, aérien
et routier).
1.2.1. Organes chargés du transport maritime
En vertu de la loi n° 15-02, l’Agence nationale des ports (ANP) est
l’organe d’autorité et de régulation du système portuaire marocain. C’est
un établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie
financière. La tutelle technique de l’Agence est assurée par le ministère de
264
Profils sectoriels et émergence industrielle
l’Équipement et du Transport (art. 31). Elle est soumise au contrôle financier
de l’État applicable aux établissements publics conformément à la législation
en vigueur. Elle exerce ses attributions sur l’ensemble des ports du pays,
à l’exception du port Tanger-Méditerranée (art. 32). Elle a pour mission
d’assurer le développement, la maintenance et la modernisation des ports
pour traiter, dans les meilleures conditions de gestion, de coût, de délai et de
sécurité, les navires et les marchandises transitant par les ports (art. 33).
En décembre 2006, la gestion du secteur portuaire a été renforcée par la
création d’une société anonyme, la Société d’exploitation des ports (SODEP),
régie par la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes, dont la mission principale
est l’exploitation des activités portuaires et, le cas échéant, la gestion des
ports (art. 42). Dans le cadre de cette nouvelle configuration (3) du secteur
portuaire, l’ANP a été investie des missions d’autorité et de régulation du
secteur, et la SODEP des missions commerciales au sein des terminaux
portuaires qui lui ont été concédés. (B.O. n° 5378 du 13 kaada 1426
(15 /12/2005)).
1.2.2. Organes chargés du transport aérien
L’Office national des aéroports (ONDA) reste l’organe principal chargé
de développer le transport aérien pour répondre aux besoins de croissance
du secteur. En vertu de loi n° 14-89, c’est un établissement public à caractère
industriel et commercial créé en janvier 1990 par transformation de l’Office
des aéroports de Casablanca (4), premier établissement autonome de gestion
aéroportuaire au Maroc (5). Parmi les missions dévolues à l’office, on peut
citer la garantie de la sécurité de la navigation aérienne dans les aéroports
et l’espace aérien sous juridiction nationale, l’aménagement, l’exploitation,
l’entretien et le développement des aéroports civils de l’État, l’embarquement,
le débarquement, le transit et l’acheminement à terre des voyageurs, des
marchandises et du courrier transportés par air, ainsi que tout service destiné
3. La réforme du secteur portuaire entrée en vigueur en 2006 a créé un nouveau cadre légal
institutionnel et réglementaire (loi 15-02) et a redistribué les rôles entre les acteurs publics
et privés après la dissolution de l’Office d’exploitation des ports (ODEP), la création de l’ANP
et de la SODEP connue sous le nom de Marsa-Maroc.
4. En 1990, la loi 14-89 a statué sur sa transformation en Office national des aéroports
(ONDA). Le décret 89-480 a mis en œuvre ses dispositions.
5. L’Office des aéroports de Casablanca (OAC) a été créé en 1980, en vertu de la loi 25-79
introduisant la notion d’autonomie de la gestion aéroportuaire et la mise en place d’une
structure d’entreprise.
Logistique
265
à la satisfaction des besoins des usagers et du public (B.O. n° 4023 du
6 joumada I 1410 (6 décembre 1989)).
A signaler également l’obligation pour l’office de développer
continuellement les ressources nécessaires en vue de répondre au changement
technologique permanent du secteur et d’assurer la liaison avec les organismes
et les aéroports internationaux. La loi 47-00 est venue par la suite rattacher la
formation des contrôleurs et électroniciens de la sécurité aérienne à l’ONDA.
L’office est ainsi devenu le premier établissement public autonome de gestion
aéroportuaire à caractère industriel.
1.2.3. Organes chargés du transport routier
Le grand prestataire de services d’affrètement national et international
depuis plus de soixante-dix ans est la Société nationale du transport et de
la logistique (SNTL), société anonyme à capitaux publics. Elle est l’unique
entité chargée de favoriser le développement du transport de marchandises
par route au Maroc. Créée le 1er janvier 2007 en vertu de la loi 25-02,
en remplacement de l’ONT (Office national des transports) (6), la SNTL
est devenue un acteur majeur du secteur du transport et de la logistique
au Maroc. Elle a pour mission non seulement la gestion du transport de
marchandises par route mais aussi la prospection du marché du transport
international, l’entretien des relations commerciales avec les clients locaux,
la coopération entre transporteurs nationaux et étrangers et, enfin, la gestion
et l’exploitation du parc affecté au transport international routier. S’agissant
des prestations de services, la SNTL est chargée d’assurer, dans le cadre de la
concurrence, des services de commissionnaire dans le domaine des transports
de marchandises sur les plans national et international, d´établir et d’exploiter
des bureaux de chargement et des centres logistiques pour le groupage, le
dégroupage, l’entreposage sous douane ou hors douane des marchandises.
Elle offre une palette de prestations complémentaires quant à la gestion de la
chaîne logistique, répondant aux normes élevées de sécurité, de qualité et de
proximité (B.O. n° 5374 du 28 chaoual 1426 (1er décembre 2005)).
6. L’Office national des transports est un établissement public marocain créé en 1937, doté
de la personnalité civile et de l’autonomie financière et placé sous la tutelle administrative
du ministère des Travaux publics jusqu’en 2004, où un projet de loi sur sa transformation en
société anonyme, SNTL, a été adopté par le parlement. Cette loi s’inscrivait dans le cadre
des actions visant la consolidation de la libéralisation du transport routier de marchandises
consacrée par la loi n°16-99 et la mise à niveau du secteur, ainsi que l’engagement de la
réforme du système du transport routier des voyageurs.
266
Profils sectoriels et émergence industrielle
1.2.4. Organes chargés du transport ferroviaire
L’Office national des chemins de fer (ONCF) est le seul organisme
étatique chargé de l’exploitation du réseau ferroviaire marocain. Créé en 1963,
l’ONCF est une entreprise publique à caractère commercial et industriel
dotée de l’autonomie financière et placée sous la tutelle du ministère de
l’Équipement et du Transport.
1.3. Les grands enjeux du secteur
On peut citer ici trois enjeux principaux :
– l’enjeu urbanistique : améliorer le partage de l’espace urbain et
décongestionner la ville ;
– l’enjeu environnemental : réduire les émissions de gaz polluants et les
nuisances sonores en ville générées par le transport de marchandises ;
– l’enjeu économique : réduire les coûts et l’optimisation de la chaîne
logistique.
1.3.1. Enjeu urbanistique
L’enjeu urbanistique est tributaire de l’investissement dans les zones
logistiques, confronté à la nécessité de disposer rapidement d’emprises
foncières immédiatement utilisables sur les bonnes localisations et aux
meilleurs prix, c’est-à-dire à des prix acceptables, d’une part, par le marché
promoteur pour l’aménagement d’une zone et, d’autre part, par le marché
locatif pour les bâtiments qui seraient édifiés. De ce fait, l’État doit fournir un
effort financier important afin de mobiliser et sécuriser le foncier destiné au
développement des zones logistiques qui doit être compétitif et bien connecté
aux différents réseaux de transport (OCDE, 2015).
En outre, étant donné la nature capitalistique des projets de zone logistique,
l’État doit intervenir en aménageant les infrastructures de base qui nécessitent
un investissement lourd et à faible rentabilité pour céder la place par la suite
aux investissements privés afin de développer une offre immobilière adéquate.
La priorité devra bien évidemment être accordée aux projets recommandés par
les différentes études de marché et de structuration déjà réalisées.
Par ailleurs, une attention particulière devra être accordée à la mise à
niveau de l’offre immobilière logistique existante qui est parfois informelle, ne
satisfait pas le minimum requis en matière de positionnement ou de sécurité
et n’obéit à aucune logique économique saine.
S’agissant de la logistique urbaine, un programme national pour sa mise
à niveau sur la période 2016-2021 a été préparé pour instaurer au sein des
Logistique
267
villes marocaines des pratiques logistiques optimisées et mettre en place des
infrastructures et équipements adaptés. L’opérationnalisation du plan d’action
y afférent doit faire l’objet d’une collaboration étroite entre les départements
ministériels, les collectivités et les acteurs locaux concernés. Il y a lieu aussi de
mettre en place une assise réglementaire du secteur de la logistique au Maroc
permettant de le caractériser comme secteur à part entière. Ce levier permettra
de favoriser la concurrence et la transparence du secteur et d’améliorer
son environnement. La réglementation doit être accompagnée de mesures
de normalisation, surtout en matière de développement de l’immobilier
logistique, afin de pouvoir s’aligner sur les standards internationaux en termes
de qualité des infrastructures et services logistiques, ce qui leur donnera une
meilleure attractivité pour l’investissement étranger et national.
1.3.2. Enjeu environnemental
L’enjeu environnemental est l’un des enjeux principaux du secteur. Le
transport est souvent dénoncé comme l’une des principales sources d’émission
de gaz à effet de serre, et le transport routier tout particulièrement a mauvaise
réputation à cause de l’insécurité existante quant à la conduite (cohabitation
camions/véhicules légers, accidents, problèmes sociaux). Pour cela, l’ensemble
de la chaîne de valeur (chargeurs, transporteurs, clients, etc.) devra s’interroger
sur le « juste prix du transport » en intégrant les coûts externes tels que l’usure
des infrastructures, la pollution, le bruit, l’encombrement, les accidents,
etc. Selon l’étude réalisée par le réseau d’entreprises américaines PWC (7),
le changement climatique, la hausse des prix de l’énergie et l’augmentation
de l’approvisionnement local sont les défis à venir du transport et de la
logistique. Plus de la moitié des dirigeants du secteur du transport et de la
logistique interrogés par PWC prédisent un scénario optimiste, dans lequel
les énergies renouvelables représenteront près de 80 % de la consommation
totale d’énergie dans certains pays. La majorité des personnes interrogées
considèrent que la réduction des émissions de CO2 et celle d’oxyde d’azote,
par exemple, sont des facteurs-clés à court comme à long terme. Près de 70 %
de ces personnes s’attendent à ce que d’ici 2030 toutes les émissions soient
répertoriées dans la chaîne d’approvisionnement et prises en compte dans le
prix du produit (8).
7. Price Waterhouse Coopers est un réseau d’entreprises américaines spécialisées dans des
missions d’audit, d’expertise comptable et de conseil à destination des entreprises.
8. Cette étude réalisée par PWC sur le transport et la logistique à l’horizon 2030 durant la
période allant de mars 2010 à mars 2012 s’est appuyée sur une série de sondages et prospectives
internationales auprès d’un certain nombre de dirigeants d’entreprise. Elle est structurée
268
Profils sectoriels et émergence industrielle
1.3.3. Enjeu économique
Les entreprises marocaines sont aujourd’hui confrontées à des coûts
logistiques très élevés, environ 20 % du PIB en 2010, qui grèvent leur
compétitivité. Ce ratio est supérieur à celui des pays de l’Union européenne,
y compris ceux qui l’ont intégrée en 2004, dont le ratio se situe entre 10 et
16 %. Des pays émergents comme le Mexique, le Brésil ou la Chine ont,
quant à eux, des coûts logistiques de l’ordre de 15 à 17 % de leur PIB (MEF,
2008).
Ces coûts relativement élevés nuisent à la compétitivité internationale
du pays, notamment dans ses rapports avec l’Europe (CETMO, 2010).
Dans l’environnement de plus en plus intégré du commerce mondial, une
évolution à la marge de ces coûts peut avoir d’importantes conséquences
positives ou négatives. Aujourd’hui, la concurrence est si importante qu’un
retard de quelques heures dans l’arrivée de produits peut conduire à la perte
d’un marché. Les entreprises mondiales de logistique réalisent des profits
en s’engageant prioritairement sur le respect des délais, la préservation de la
qualité du produit tout au long de la chaîne et des prix compétitifs (Fulconis,
Paché et Roveillo, 2011).
2. Les acteurs du secteur : forces en présence et facteurs de
compétitivité du Maroc
Le contrat-programme défini le cadre de développement du secteur de
la logistique au Maroc fixe les grandes lignes et les objectifs de la stratégie
intégrée pour le développement de la compétitivité logistique et décline
les engagements communs de l’État et du secteur privé. Cette stratégie
ambitionne de :
– réduire le poids des coûts logistiques du Maroc par rapport au PIB pour
passer de 20 % actuellement à 15 % à moyen terme ;
– accélérer la croissance du PIB en gagnant 5 points sur dix ans par
l’augmentation de la valeur ajoutée induite par la baisse des coûts logistiques
et l’émergence d’un secteur logistique compétitif ;
– contribuer au développement durable du pays à travers la réduction des
émissions de CO2 liées au transport routier de marchandises de 35 % à moyen
terme et la décongestion des routes et des villes.
autour de cinq thèmes : l’énergie, les infrastructures, les marchés émergents, la logistique
éthique et le développement durable et, enfin, la sécurité dans la chaîne d’approvisionnement.
Logistique
269
La stratégie logistique marocaine se décline en cinq axes vise à :
– doter le pays d’infrastructures logistiques performantes à travers la mise
en place d’un réseau national de zones logistiques ;
– accélérer la modernisation cohérente du secteur à travers des plans
d’actions sectoriels d’optimisation des flux logistiques ;
– favoriser l’émergence de logisticiens intégrés et performants ;
– mettre en œuvre un plan national global de développement des
compétences en logistique ;
– renforcer la gouvernance du secteur.
La mise en œuvre des mesures s’opérera progressivement et en plusieurs
phases, avec des objectifs ambitieux à court et moyen termes, pour un
déploiement complet à l’horizon 2030.
Dans le cadre de l’exécution de la stratégie nationale logistique, le contratprogramme entre l’État et le secteur privé a prévu la conclusion :
– de contrats d’application pour le développement des plateformes
logistiques au niveau régional ;
– de contrats d’application horizontaux et sectoriels relatifs à la formation
et à l’amélioration des chaînes logistiques relatives aux flux des produits
énergétiques, produits agricoles, distribution nationale, matériaux de
construction et au flux import/export (MET, 2010).
2.1. Les facteurs de compétitivité du secteur
Les facteurs de compétitivité que nous retiendrons sont les facteurs
humains, d’innovation et d’utilisation des nouvelles technologies de
l’information et de la communication.
2.1.1. Facteurs humains
L’offre de formation en logistique a connu, depuis le lancement en 2010
de la Stratégie nationale logistique, une progression importante en nombre
d’établissements et de filières. Ainsi, près de 120 établissements dispensent en
2015 des formations en logistique, avec 220 filières couvrant l’enseignement
supérieur et la formation professionnelle et relevant d’établissements publics
ou privés. L’offre de formation a triplé, passant de 2 500 personnes formées
en 2009 à 7 325 en 2014-2015. La contribution du secteur privé est estimée
à près de 40 %, comme l’illustre la figure ci-après :
270
Profils sectoriels et émergence industrielle
Figure 1
Évolution de l’offre de formation en logistique sur la période 2010-2015
Public
Privé
Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016.
La dynamique du secteur logistique se traduit par une importante création
d’emplois, mais les besoins sont encore importants. L’offre de formation suit
la dynamique avec une capacité en constante progression, que ce soit dans le
public ou dans le privé. Mais l’inadéquation des profils formés avec les besoins
des entreprises pose toujours problème. Les besoins en ressources humaines
s’élèveront à 173 300 à l’horizon de 2030. Grâce à l’évolution qu’a connue
le maillon de la formation dans le marché de la logistique et du transport de
marchandises, ce dernier s’est classé 4e secteur pourvoyeur d’emplois, après
le commerce, la pêche et l’immobilier et devant les télécoms, les services
financiers ou le tourisme (AMDL, 2016).
Cette performance s’explique par la forte dynamique de croissance que
connaît le secteur mais aussi par l’amélioration de l’offre de formation depuis
le lancement de la stratégie nationale en 2010. En volume, l’offre a presque
triplé entre 2010 et 2015, passant de moins de 2 000 sièges pédagogiques à
plus de 7 500 (9).
Pour accompagner cette dynamique, plusieurs instituts publics dédiés
aux formations dans les domaines du transport et de la logistique ont été
créés au Maroc, notamment l’Office de la formation professionnelle et de
la promotion du travail (OFPPT) (10). Les écoles supérieures privées ont
9. Il faut rappeler que le Maroc dispose aujourd’hui de 120 établissements offrant des formations
dans le domaine de la logistique, dont 67 établissements privés et 57 publics.
10. De nombreuses initiatives ont été entreprises pour étoffer l’offre de formation à l’image
de celle de l’OFPPT qui a développé une capacité d’accueil de 3 160 stagiaires dans le métier
du transport et de la logistique et a créé de nombreux centres dédiés à la formation dans les
métiers de la logistique et du transport multimodal.
Logistique
271
intégré dans leur offre des cycles de formation et des spécialisations dans ces
filières. Aujourd’hui, les métiers du transport et de la logistique présentent des
perspectives professionnelles et de carrières très diversifiées (transit et douane,
transport routier, maritime, aérien, ferroviaire…). Toutefois, le secteur de la
logistique pâtit encore de certains maux relatifs au capital humain. En effet, le
marché de l’emploi se caractérise toujours par une inadéquation entre l’offre
et la demande en termes de profils, en particulier pour les opérateurs. Pour les
techniciens spécialisés, l’équilibre quantitatif est atteint. Pour les managers et
cadres, par contre, on note un excédent.
2.1.2. Innovation et utilisation des nouvelles technologies de l’information
L’utilisation des technologies de l’information et de la communication
(TIC) a substantiellement amélioré l’échange d’informations le long de
la chaîne d’approvisionnement, ce qui a conduit au développement de la
production intégrée et aux systèmes de gestion de la logistique et a ainsi
amélioré les performances de la chaîne d’approvisionnement. Le traçage des
marchandises et des véhicules, les systèmes d’acheminement des véhicules
en temps réel et les systèmes de planning ont transformé la gestion de la
logistique. Désormais, il est devenu possible d’identifier, de tracer et de
planifier les cargaisons presque partout dans le monde (MEF, 2008).
Les délais de livraison ont été réduits avec l’introduction des EDI (11),
la mécanisation, l’automatisation et les systèmes d’optimisation de
l’acheminement des véhicules, ce qui conduit potentiellement à réduire les
coûts et les excédents de stock. Les exigences des chargeurs en matière de
transport ont évolué sous la pression de la concurrence : des services rapides,
fréquents et fiables, fabrication, entreposage et distribution à flux tendus,
services intermodaux porte à porte, des services de traçage des cargaisons et
autres services liés aux systèmes d’information avancés (MEF, 2008, p. 4).
La réponse des industriels du transport aux exigences des chargeurs a
entraîné des services à valeur ajoutée de haute qualité qui ont abouti aux
tendances actuelles d’intégration de la chaîne des approvisionnements, de
partenariats et d’alliances stratégiques, de logistique externalisée, de partage
des équipements et d’échange d’informations sans papier. La concurrence
accrue entre les différentes entreprises à l’échelle mondiale augmente le
rythme de l’innovation et pousse les prix à la baisse.
11. Il s’agit des logiciels d’échange de données informatisées (EDI et EAI) qui permettent
de dématérialiser les flux d’information entre les entités en établissant des connexions entre
les différents systèmes d’information.
272
Profils sectoriels et émergence industrielle
Le marché de l’équipement informatique pour la logistique au Maroc a
connu une croissance de 30 à 40 % durant la période de l’étude. Néanmoins,
malgré cette croissance, le taux de pénétration des technologies informatisées
reste encore faible, avec un chiffre d’affaires annuel ne dépassant pas les
50 millions de dirhams. Seules 10 à 15 % des entreprises logistiques ont
investi dans ces technologies (AMDL, 2016).
Quant à l’innovation, pour connaître les déterminants de cette activité
dans les entreprises logistiques marocaines, nous nous sommes basés sur une
étude réalisée sur un échantillon de 364 entreprises (12) provenant de l’enquête
nationale sur l’innovation, réalisée par l’Association marocaine la recherchedéveloppement couvrant la période 2008-2010, et l’enquête innovation qui
couvre la période 2010-2012. Cette étude économétrique, dont l’objectif était
de présenter un modèle qui prenne en compte la nature qualitative des données
et l’endogénéité des décisions d’innovation des entreprises, s’est appuyée sur
plusieurs variables endogènes, telles que la capacité d’innover, la coopération
pour l’innovation, et exogènes, telles que la taille de l’entreprise, la date de sa
création, l’appartenance à un groupe, l’intensité technologique, les dépenses
totales en recherche-développement. Les entreprises questionnées sont de tailles
différentes. En termes de chiffre d’affaires, 37,1 % d’entre elles ont réalisé un
chiffre d’affaires compris entre 10 et 50 millions de dirhams, 16,5 % un chiffre
d’affaires de plus de 100 millions de dirhams, 18,1 % un chiffre d’affaires de
moins d’1 million de dirhams. La taille des entreprises enquêtées en fonction
de leur chiffre d’affaires est présentée dans le tableau ci-dessous.
Tableau 1
Taille des entreprises enquêtées selon leur chiffre d’affaires
Fourchette du CA
Moins de 1 million de dirhams
Effectif
Pourcentage
Pourcentage cumulé
66
18,1
18,1
De 1 à 10 millions de dirhams
70
19,2
37,4
De 10 à 50 millions de dirhams
135
37,1
74,5
De 50 à 100 millions de dirhams
33
9,1
83,5
Plus de 100 millions de dirhams
60
16,1
100,0
Total
364
Source : Sadgui, 2014.
12. Pour s’assurer de la meilleure représentativité de l’échantillon, R&D Maroc a eu recours
aux services du ministère du Commerce, de l’Industrie et des Nouvelles Technologies, qui a
mis à sa disposition un échantillon représentatif du tissu industriel marocain de 988 entreprises,
réparties sur les grandes villes du Maroc en plus grande partie sur Casablanca (64 %). Les
entreprises ayant bien voulu répondre à ces deux questionnaires sont au nombre de 364.
Logistique
273
Les entreprises de l’échantillon (13) appartiennent à tous les secteurs
d’activité avec une dominance du textile (14 %), de l’agro-alimentaire (16,2 %)
et de la mécanique et métallurgie (18,7 %). Le tableau ci-dessous présente les
différents secteurs d’activité auxquels appartiennent les entreprises enquêtées.
Tableau 2
Secteurs d’activité des entreprises enquêtées
Secteur d’activité
Effectif
Pourcentage
Pourcentage cumulé
Agriculture et agro-alimentaire
59
16,2
16,2
Textile
51
14,0
30,2
Chimie et parachimie
31
8,5
38,7
Mécanique et métallurgie
68
18,7
57,4
Électronique et électricité
26
7,1
64,5
Technologie de l’information et
de la communication
12
3,3
67,8
100,0
Industries diverses
117
32,1
Total
364
100,0
Source : Sadgui, 2014.
Pour ce qui est des variables endogènes de l’étude, nous remarquons que
sur l’ensemble des entreprises enquêtés 37,6 % ont coopéré pour innover (soit
137 entreprises). Parmi ces entreprises qui coopèrent 72,3 % sont innovantes
(99 entreprises) contre 38 entreprises qui coopèrent mais n’innovent pas.
Plus précisément, plus de 85 % des entreprises innovantes de l’échantillon
coopèrent pour y parvenir. Elles sont seulement, 17 entreprises (soit 14,7 %)
à avoir innover sans coopération, comme le montre le tableau ci-dessous.
Tableau 3
La coopération et la décision d’innovation
La coopération pour
l’innovation
Entreprises innovantes
Non
Oui
Total
Non
Effectif
210
17
227
Oui
Effectif
38
99
137
Total
Effectif
248
116
364
Source : Sadgui, 2014.
13. Nous précisons ici que l’activité logistique des entreprises retenues dans l’étude n’est pas
leur activité principale.
274
Profils sectoriels et émergence industrielle
Un nombre très important des entreprises innovantes coopèrent pour
réaliser leurs projets d’innovation. Les résultats du modèle montrent aussi que
la propension à s’engager dans des activités d’innovation varie en fonction de
la taille et de l’appartenance à un groupe, alors que la variable indiquant les
entreprises nouvellement créées joue un rôle négatif sur la propension à innover.
En effet, plus la taille de l’entreprise augmente plus celle-ci est innovante. Les
entreprises qui viennent de rentrer sur un marché ont des difficultés à cause de
leur manque de ressources internes nécessaire à l’innovation. L’appartenance
à un groupe permet un accès plus facile aux connaissances et ressources du
groupe grâce à la présence de diverses formes de proximité qui permettent aux
entreprises d’innover plus rapidement.
Un autre résultat qui mérite ici d’être souligné est que l’appartenance aux
secteurs hightech n’a pas d’effet sur la décision d’innovation et de coopération,
ce qui démontre que les firmes de moyenne-faible technologie ne sont pas
désavantagées de façon significative. De même, la variable hightech n’exerce
aucun impact sur la décision de coopération des entreprises en vue d’innover.
Par conséquent, l’intensité technologique de secteur ne joue pas sur le
comportement innovant des entreprises marocaines, et l’appartenance à des
secteurs à faible intensité de technologie et/ou de connaissances ne constitue
en aucun cas un handicap à l’innovation. Ceci contredit la majorité des études (14)
qui témoignent d’une influence positive de l’intensité technologique sur la
propension à innover.
2.2. Positionnement des entreprises marocaines par rapport à leurs
concurrents directs
Sur le marché national, les prestataires étrangers se positionnent plutôt
sur des clients ou des contrats européens ou mondiaux de clients présents
au Maroc. Ils ne concurrencent pas encore frontalement les entreprises
marocaines. Au niveau du secteur exportateur marocain, les pays asiatiques
ou est-européens concurrencent de plus en plus le Maroc sur le marché
européen. La part du Maroc est restée assez stable à 0,25 %. Le Maroc a une
structure d’exportation de produits manufacturés très comparable à celle
de la Tunisie, mais aussi à celle de la Bulgarie ou de la Roumanie. De tous
les pays du pourtour méditerranéen, le Maroc (comme la Turquie) semble
être le plus en concurrence avec les pays de l’Est européen. En outre, la
concurrence dans un secteur comme le textile s’est fortement intensifiée. Il y
14. Notamment ceux de Cohen (1995), Phelps (2010) et Baum et al. (2000).
Logistique
275
a dix ans, le Maroc partageait sa spécialisation sur le marché européen avec
la Tunisie et, un peu moins nettement, avec certains pays de l’Est (MEF,
2008).
Aujourd’hui, la concurrence est exercée par la Tunisie, les pays de l’Est
européen et aussi certains pays asiatiques comme le Sri Lanka ou la Malaisie.
Dans le textile par exemple, les pays proches de l’Union européenne n’ont
clairement pas su maintenir leur avantage de spécialisation lié à la géographie.
La plus grande concurrence entre pays méditerranéens et pays de l’Est
européen est dans le textile et l’habillement puisque ce secteur explique 60 %
de la concurrence entre ces deux zones. Or, les pays de l’Est européen ont
connu une croissance importante de leurs flux commerciaux avec la France,
bien supérieure à celle des pays du Maghreb.
Un diagnostic de la situation permet de constater que le Maroc est
relativement en retard par rapport à ses concurrents directs sur le marché
européen. Le coût et la faible qualité du transport interne conjugués au prix
élevé de la traversée Tanger-Algésiras rendent difficilement compétitives les
exportations en provenance de la région d’Agadir, par exemple. Le coût de
ce segment est si important qu’il correspond environ au coût de la distance
Istanbul-France. Dans ces conditions, le marché potentiel du Maroc se réduit
considérablement. Le passage du détroit de Gibraltar constitue également
un souci important pour les exportateurs marocains : le coût de la traversée
des quinze kilomètres qui séparent le Maroc de l’Europe est égal à près de la
moitié de celui de la traversée de l’Espagne, soit 600 à 700 kilomètres (MEF,
2008, p. 8).
Les entreprises marocaines sont aujourd’hui confrontées à des coûts
logistiques bien supérieurs à ceux de leurs concurrents. Le coût du transport
des produits marocains du textile-habillement à destination des États-Unis,
par exemple, est deux fois supérieur à celui des produits en provenance de
Chine ou de Thaïlande. Les coûts du transport du fret rapportés à la valeur
des importations était en 2000 l’un des plus élevés de la région MENA, soit
près de 14,3 %. Alors que ce ratio n’était que de 11,4 % en Algérie, 7,3 % en
Tunisie et 4,7 % en Turquie. Ainsi, l’avantage en coût de la main-d’œuvre
des entreprises marocaines est restreint dans une grande mesure par des coûts
logistiques plus élevés que leurs concurrents de la région ou de l’Europe de
l’Est. Pour bien saisir les avantages compétitifs dont dispose le Maroc, les
domaines d’amélioration de la logistique sont importants pour faire face aux
contraintes multiples et complexes auxquelles celle-ci est confrontée (MEF,
2008, p. 8).
276
Profils sectoriels et émergence industrielle
3. Principaux déterminants conjoncturels du secteur
Le secteur logistique au Maroc a connu une importante évolution qui
concerne aussi bien l’offre de l’immobilier logistique que la demande.
3.1. Évolution de l’offre de l’immobilier logistique
Cette offre concerne les surfaces logistiques aménagées, les surfaces
logistiques construites et les surfaces logistiques louées.
3.1.1. Les surfaces logistiques aménagées
Depuis la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement de la
logistique, le Maroc a connu une importante évolution de l’offre en surfaces
logistiques aménagées, qui est passée de 80 hectares en 2010 à 550 hectares
environ en 2015, plus précisément à Casablanca, Tanger et dans plusieurs
régions (AMDL, 2016). Ce développement est dû principalement aux
efforts des acteurs publics qui ont fortement contribué à l’aménagement du
foncier logistique grâce à des investissements réalisés par MedZ (plateformes
logistiques adossées aux agro-pôles et PII), la SNTL (Zenata), l’ONCF (CasaMita) et TMPA (Medhub). Le foncier logistique aménagé par les acteurs
publics sur la période 2010-2015 représente 87 % de la surface globale
aménagée sur la même période, comme l’illustre la figure ci-dessous.
Figure 2
Évolution de la surface logistique aménagée dans la région de Casablanca
durant la période (2010-2015) (en hectares)
Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016.
Cependant, malgré l’évolution notable qu’a connue l’offre en immobilier
logistique aménagé au Maroc, ce marché connaît certaines limites. En effet, le
prix des terrains aménagés reste élevé, et l’offre actuelle ne couvre pas l’ensemble
des régions et n’est pas assez diversifiée pour combler les besoins de certains
Logistique
277
opérateurs PME-PMI : messagerie, etc. En outre, l’éparpillement des projets
de plateforme logistique de petite échelle ne permet pas une massification
des investissements, notamment ceux des infrastructures hors sites et des
équipements et services pouvant être mutualisés entre plusieurs exploitants.
Une démarche de planification par l’État s’avère à ce titre nécessaire. Ainsi, des
schémas régionaux de zones logistiques ont été élaborés, prenant en compte
le contexte économique de chaque région et des critères de localisation liés
notamment à la proximité des pôles générateurs de flux, à la connectivité aux
différents réseaux d’infrastructures et à la topographie des terrains. Une assiette
foncière de 2 750 hectares sur les 3 300 hectares prévus par le schéma national à
horizon 2030 (soit environ 83 %) a été identifiée en concertation avec les acteurs
locaux des différentes régions. Les engagements d’allouer, les assiettes foncières
identifiées au développement des zones logistiques devront être actés par la
signature d’un ensemble de conventions régionales associant les départements
ministériels, le secteur privé, les régions et les collectivités concernées.
3.1.2. Les surfaces logistiques construites
L’offre d’immobilier logistique construit prêt à l’emploi, à titre d’exemple dans
la région de Casablanca, a triplé durant la période 2010-2015 pour atteindre près
de 700 000 mètres carrés en 2015 contre 200 000 mètres carrés en 2010, avec
un investissement de l’ordre de 3,2 milliards de dirhams. Contrairement aux
surfaces aménagées, la contribution des opérateurs privés était plus significative
dans la construction des bâtiments logistiques, avec une part de 74 % (AMDL,
2016). La figure ci-dessous expose l’évolution de la surface logistique construite
dans la région de Casablanca durant la période 2010-2015.
Figure 3
Évolution de la surface logistique construite dans la région de Casablanca
durant la période 2010-2015 (en mille m2)
Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016.
278
Profils sectoriels et émergence industrielle
Dans la région de Tanger, l’investissement global a atteint plus de
300 millions de dirhams pour la viabilisation d’un foncier de l’ordre de
30 hectares et d’entrepôts de 39 000 mètres carrés aménagés par TMSA.
Ainsi, il a été procédé à l’identification de près de 2 750 hectares d’assiette
foncière dans plusieurs régions, destinés au développement des zones
logistiques.
3.1.3. Les surfaces logistiques louées
Le prix du loyer logistique a aussi connu une évolution importante. Il
a subi une baisse importante depuis 2010, notamment à Casablanca, en
raison de la multiplication des opérateurs sur le marché, la diversification
de l’offre de prestations logistiques et le développement d’une offre
d’immobilier de qualité. Grâce aux importants investissements réalisés par
les opérateurs publics et privés, le prix moyen de location de l’immobilier
logistique prêt à l’emploi (classe A) dans la région de Casablanca a baissé
de près de 35 % durant la période 2010-2015, passant de 62 dirhams le
mètre carré par mois en 2010 à 40 dirhams en 2015. La figure ci-dessous
confirme cette baisse.
Figure 4
Évolution de la valeur locative des entrepôts dans la région de Casablanca
durant la période 2010-2015 (en dh/m2/mois)
Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016.
Le coût de l’entreposage a également baissé pour atteindre 1,90 dirham
par jour et par palette en moyenne en 2015, contre 3 dirhams en 2010. Il
faut dire que ce trend baissier n’est pas propre à la région de Casablanca. Il
est amorcé dans la région Nord également, où certains projets sont en cours
de développement.
Logistique
279
3.2. Évolution de l’offre de services logistiques et de transport
Le marché du service logistique a connu une évolution marquée à la fois
par la multiplication des opérateurs et la diversification de l’offre allant de la
simple prestation de transport jusqu’à la prise en charge totale de la fonction
logistique et de la Supply Chain du client.
3.2.1. L’offre de services logistiques
En termes de développement du tissu des opérateurs du secteur, le marché
national voit depuis 2010 l’installation de nombreux groupes internationaux
et un développement significatif des opérateurs marocains, dont certains
commencent à se positionner à l’international, notamment sur le marché
africain, et bénéficient aujourd’hui de la confiance de chargeurs de classe
mondiale grâce notamment à l’évolution positive de l’offre de prestations
logistiques.
Les métiers de prestataires de services logistiques (3PL), d’entreposage et
de messagerie se sont développés ces dernières années. Plusieurs opérateurs
3PL présents sur le marché marocain proposent une offre intégrée de
prestations logistiques couvrant notamment : l’entreposage, la préparation de
commandes et d’autres opérations à valeur ajoutée (étiquetage, copacking,
etc.). La présence de ce type d’opérateur est nécessaire pour le développement
de l’externalisation de la fonction logistique par les chargeurs. Globalement,
la multiplication des opérateurs sur le marché et la diversification de l’offre
de prestations de services logistiques ont eu un impact direct sur les coûts
logistiques.
3.2.2. L’offre de services de transport
Le secteur du Forwarding constitue également un maillon important
dans la mise à niveau des services logistiques import-export dans la mesure
où les Freight Forwarders, dont le nombre est estimé à 800 au Maroc,
peuvent contribuer à la mutualisation des flux de marchandises et ainsi
concourir à l’amélioration de la compétitivité des échanges commerciaux du
Maroc. L’activité de messagerie a connu en 2015 une croissance annuelle
de 15 % avec plus de 6 millions de colis acheminés annuellement, dont
40 % du marché serait aujourd’hui détenu par le secteur informel. Le coût
de la traversée du détroit du Gibraltar a également nettement baissé sur la
période 2010-2015, passant de 650 euros (pour une semi-remorque par
exemple) à 350 euros, soit une baisse de 46 %. Cette baisse considérable est
principalement due à l’augmentation du volume des exportations du secteur
280
Profils sectoriels et émergence industrielle
automobile. Cependant, malgré le développement et la diversification
de l’offre de prestations de services logistiques observés durant ces cinq
dernières années, des mesures sont nécessaires pour couvrir d’autres besoins,
notamment ceux émanant des filières de la logistique du froid (AMDL,
2016, p. 17).
3.3. Évolution de la demande de transport logistique
L’analyse de l’évolution de la demande en transport logistique concerne
la demande extérieure liée aux trafics import-export et la demande intérieure
fortement tributaire des échanges commerciaux en interne.
3.3.1. Une demande extérieure fortement liée au trafic import-export
Le commerce extérieur marocain constitue un facteur déterminant de la
demande en transport et logistique. Il a connu, pendant les deux dernières
décennies, une évolution à des vitesses différentes. En effet, les exportations
et les importations sont passées respectivement de 45,9 et 70,4 milliards de
dirhams en 1993 à 184,7 et 379,9 milliards de dirhams en 2013, soit des
taux de croissance annuelle moyens (TCAM) respectifs de 7,2 % et 8,8 %. En
volume, le commerce extérieur marocain a porté, en 1993, sur 16,5 millions
de tonnes des produits exportés contre 19,5 millions de tonnes de produits
importés. En 2013, les exportations ont atteint 24,5 millions de tonnes contre
43 pour les importations, soit des TCAM de 2 % et 4 % respectivement pour
l’export et l’import (MEF, 2016).
Une demande extérieure dominée par le trafic maritime
Pour son commerce extérieur, le Maroc repose quasi exclusivement sur ses
ports avec une part estimée à près de 98 %. La part du transport aérien de
marchandises est extrêmement limitée, puisqu’elle compte pour environ 0,1 %
du commerce marocain (mesuré en tonnes échangées) et ne concerne que 5 %
du commerce extérieur en valeur.
Quant au transport terrestre, il ne peut être utilisé qu’à destination des
pays voisins. Or, en raison du faible poids de ces pays dans le commerce
marocain, le transport maritime (qu’il soit effectué en vrac, par conteneur ou
par navire roulier) demeure le principal mode de transport. Le Maroc dispose
de 33 ports, dont 12 ouverts au commerce extérieur, réalisant un trafic
annuel de près de 70 millions de tonnes. Les ports de Casablanca, Jorf Lasfar
et Mohammedia s’accaparent à eux seuls 72 % du trafic portuaire national
(MEF, 2016).
Logistique
281
• Trafic export du phosphate
En 2013, la part du phosphate et dérivés dans les exportations marocaines
s’est élevée à 61 % et 20 % respectivement en volume et en valeur. En volume,
les exportations de l’OCP se composent ainsi : 60 % de phosphate brut, 28 %
d’engrais naturels et chimiques et 12 % d’acide phosphorique. Les États-Unis
(2,50 MT), l’Inde (1,06 MT), le Brésil (0,55 MT), le Mexique (0,5 MT) et
la Nouvelle-Zélande (0,4 MT) sont les cinq premiers pays de destination du
phosphate brut marocain, avec 54 % de ses exportations sur la période 20102013 (MEF, 2016, p. 11).
• Trafic export des engrais naturels et chimiques
Sur la période 2010-2013, les principales destinations des engrais marocains
sont le Brésil avec un tonnage moyen de 1,59 MT, l’Inde, 0,46 MT, et les
États-Unis, 0,29 MT, représentant des parts respectives de 39 %, 11 % et 7 %.
La demande du Brésil, qui était déjà importante, a pratiquement triplé par
rapport à la période 2002-2005. L’Inde et les États-Unis, quant à eux, ne sont
devenus que récemment des destinations privilégiées des engrais marocains. Il
y a lieu de signaler que les exportations des engrais sont amenées à garder leur
tendance haussière, notamment dans le cadre de la stratégie de l’OCP visant
à sécuriser ses débouchés en multipliant ses joint-ventures et en renforçant sa
présence à l’étranger à travers des bureaux de représentation au Brésil, en Inde
et en Argentine (MEF, 2016, p. 11).
• Trafic du textile et de l’artisanat
Le textile est un enjeu majeur, avec 33 % des exportations du secteur
industriel marocain. Provenant d’un tissu d’acteurs très fragmenté de près
de 2 000 PME, ces exportations transitent essentiellement par les ports de
Casablanca et de Tanger et sont destinées principalement à la France, à
l’Espagne et au Royaume-Uni. Le secteur de l’artisanat est aussi un enjeu
important en termes d’exportations, notamment avec la mise en œuvre du plan
« Artisanat 2015 » destiné à soutenir 320 000 artisans. En vue d’accompagner
l’accroissement de la compétitivité des exportations marocaines de textile
et d’artisanat en termes de coût et de délai, la nouvelle stratégie logistique
prévoit les mesures suivantes :
– Le développement de plateformes logistiques de distribution et de soustraitance dédiées au textile et à l’artisanat spécialisées dans le groupage des
exportations et de l’approvisionnement, le stockage des matières premières et
la distribution sur le marché national (franchises internationales, acteurs de
282
Profils sectoriels et émergence industrielle
la distribution locale) au niveau du Grand Casablanca, Tanger-Tétouan, FèsMeknès, Marrakech et Rabat-Kénitra.
– Fédérer et sensibiliser les acteurs du secteur privé, notamment à travers
l’incitation et la mise en place de structures de type gestion intégrée de
l’exportation (GIE) pour soutenir l’agrégation des acteurs, pour une meilleure
organisation des flux entrants et sortants par la co-traitance de la gestion de
l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’approvisionnement à l’assemblage, et le
regroupement en un seul endroit dans la limite du possible de l’ensemble des
fonctions (assemblage, conditionnement, éclatement, etc.).
• Trafic import des hydrocarbures
Le trafic des hydrocarbures s’est élevé à 15 MT en 2013 contre 8,8 MT
en 1998, enregistrant ainsi une croissance annuelle moyenne de 3,7 % (MEF,
2016, p. 20).
Cette progression du trafic maritime des hydrocarbures trouve son
origine dans l’augmentation au fil des ans de la demande énergétique
sectorielle nationale. D’ailleurs, pour l’année 2012, le secteur du transport
est le premier consommateur d’énergie (5,3 MTEP) dont la part s’élève
à 41 %, avec 37 % pour le transport routier (4,8 MTEP), 24 % pour
l’industrie (1,9 MTEP), 23 % pour les foyers domestiques (2,2 MTEP)
et 8 % et 4 % respectivement pour l’agriculture (0,9 MTEP) et le tertiaire
(0,1 MTEP). Pour faire face à une demande croissante de l’économie
marocaine en produits pétroliers, le Maroc s’est approvisionné en pétrole
brut, entre 2009 et 2013, auprès de l’Arabie saoudite 51 %, de l’Irak
28 % et de la Russie 16 %, soit 96 % du besoin national. Les importations
s’élevaient en moyenne à 5,28 MT contre 6,46 MT pour la période 19992003. L’origine géographique des importations nationales a été impactée,
d’une part, par la guerre du Golfe, qui a eu pour conséquence la chute
des exportations irakiennes entre 2004 et 2008, compensée par le pétrole
russe, et d’autre part, par le repli des importations de pétrole iranien (MEF,
2016, p. 22).
Une demande intérieure dominée par le trafic routier
• Les flux de la distribution nationale
Avec un volume annuel d’environ 20 à 25 millions de tonnes et de
3,5 milliards de tonnes par kilomètre, les flux de distribution représentent
un enjeu majeur. Ils ont un impact direct en termes de pouvoir d’achat et
de qualité pour le consommateur, mais aussi en termes d’environnement
vu l’utilisation intensive du camion qui contribue à la congestion urbaine.
Logistique
283
Les flux de la distribution domestique sont caractérisés par un réseau de
points de vente encore traditionnel et très granulaire, avec près de 200 000
points de vente dont 80 000 épiceries, avec néanmoins la montée en charge
de la distribution moderne (hypermarchés). De ce fait, la distribution
des principaux flux domestiques est aujourd’hui peu optimisée en raison
notamment de l’insuffisance ou de l’inadéquation des espaces pour le stockage
intermédiaire à proximité des bassins de consommation.
En milieu urbain, le commerce dans ses formes traditionnelles reste
prédominant avec 90 % environ de la distribution se faisant principalement
dans les épiceries de quartier (produits alimentaires essentiellement).
180 000 points de vente en milieu urbain ont des surfaces inférieures à
50 mètres carrés. Quant à la distribution des produits frais (fruits et légumes
essentiellement), elle se fait sur les 3 500 marchés urbains recensés. En milieu
rural, la distribution se fait en grande partie sur les 9 000 souks hebdomadaires,
offrant des produits variés (alimentaires, biens de consommation courante
non alimentaire, etc.).
• Les flux agricoles et domestiques
Les 30 marchés de gros officiels répartis sur le territoire marocain, dont 6
à proximité de Casablanca, 4 aux environs de Rabat, 4 près de Tétouan et très
peu dans le Sud, sont caractérisés par la faible fréquentation des producteurs
et la prédominance d’intermédiaires. Le système de production agroalimentaire marocain est extrêmement diversifié et fragmenté, avec des besoins
logistiques considérables insuffisamment prévus actuellement. Il est caractérisé
par des différences significatives selon les filières, les échelons de valeur et
les régions (énorme granularité de la production, 10 000 exploitations : la
superficie moyenne d’une exploitation est de 0,8 hectare, alors que 80 % des
exploitations agricoles européennes ont une surface supérieure à 20 hectares)
(MET, 2010).
Le très large éventail des besoins, parfois pointus, dégage des besoins
principalement en termes d’espace de stockage, d’infrastructure de la chaîne
du froid et de transport adéquat (particulièrement pendant les périodes de
pointe : commercialisation de produits agro-alimentaires, fruits, légumes et
céréales et de sous-traitance de l’agro-industrie). En accompagnement de
la mise en œuvre de la stratégie agricole, le secteur de la logistique apporte
un soutien avec le développement de plateformes logistiques dédiées à la
distribution et à l’agro-commercialisation et d’une offre de services destinée
au secteur agricole (MET, 2010, p. 22).
284
Profils sectoriels et émergence industrielle
• Les flux de matériaux de construction
Les matériaux de construction représentent le deuxième flux en
volume au Maroc (25 millions de tonnes, 22 % des T-km) après celui
des phosphates ; ils approvisionnent environ 50 000 chantiers. Le secteur
connaît une croissance stable de 7-10 % par an, tirée par l’augmentation de
la construction (projets d’infrastructure, programmes de logement…). Il est
caractérisé par des acteurs structurés (cimenteries et aciéries) et des acteurs
secondaires (marbreries, briqueteries et tuileries, sanitaires et céramiques)
très dispersés et granulaires. Il est marqué par une cartellisation régionale et
par l’importance du marché informel (absence de facturation et pratiques
déloyales) impliquant une très grande hétérogénéité de la qualité des
produits et des prix (MET, 2010). Le deuxième trimestre 2015 aurait été
marqué par des variations dans l’évolution des principaux indicateurs de
référence du secteur de la construction.
Cette situation reflète la période de transition que traverse le secteur
depuis plus de trois ans, imprégnée par la succession de mouvements
d’amélioration et de décélération de l’activité. Ainsi, après une année 2014
en net ralentissement, des signes d’amélioration seraient apparus au cours de
la première moitié de l’année 2015, notamment au niveau de la demande (15)
(HCP, 2015).
Dans le même sillage, le volume des importations de matériaux de
construction a aussi connu une augmentation au cours des deux premiers
trimestres de l’année 2015. C’est ainsi que 47 % des chefs d’entreprise
auraient déclaré une augmentation de leur activité à la fin du deuxième
trimestre 2015, 44 % une stabilité et 11 % seulement une baisse. Cette
amélioration se serait traduite par une augmentation générale des facteurs
de production (HCP, 2015, p. 19).
Par ailleurs, les flux de transport des matériaux de construction sont
peu massifiés et avec des coûts importants (10 à 15 % de la valeur des
matériaux). Ces flux représentent 27 % des coûts logistiques du pays et
sont à l’origine de l’encombrement des routes ; ils ont un impact écologique
néfaste en raison de la prépondérance du transport par camion (97 %). Les
distances parcourues des matériaux de construction au Maroc sont 1,5 fois
supérieures aux benchmarks européens (MET, 2010).
15. A noter que le premier trimestre 2015 a été caractérisé par l’amélioration des flux de
crédits immobiliers et l’augmentation des transactions de biens immobiliers de 7,4 % par
rapport à la même période de l’année précédente. Cette amélioration s’est traduite par une
augmentation de 0,2 % de l’indice des prix des actifs immobiliers (HCP, 2015).
Logistique
285
4. Configuration productive du secteur
S’agissant de la configuration productive du secteur, elle a connu depuis
la mise en œuvre du contrat programme des transformations importantes
aussi bien au niveau de l’augmentation de la taille du marché des prestations
logistiques, qu’au niveau des investissements réalisés, des emplois et des
entreprises créées.
4.1. Types d’entreprise formant le secteur
Les entreprises formant le secteur et offrant une palette complète de
services logistiques sont en majorité des filiales de groupes étrangers et ont, le
plus souvent, comme clients des entreprises multinationales. Pour la plupart
installés dans les grandes villes (Casablanca, Tanger, Agadir, Fès et Marrakech),
les clients de ces opérateurs exercent notamment dans le secteur des mines
(OCP), des ciments, de l’agro-alimentaire (McDonald’s, Coca Cola, etc.) et
de la grande distribution.
Les prestataires sont principalement des transporteurs routiers, des
transporteurs ferroviaires, des transporteurs maritimes, des freight forwarders,
des sociétés de messagerie express issues du transport aérien, des sociétés
de messagerie express issues des postes, des sociétés issues d’activités
connexes. Parfois, ce sont des filiales d’entreprises issues d’industriels ou de
distributeurs.
Le marché est partagé entre trois types d’opérateur :
– les opérateurs étrangers : DHL/Exel, SNTL-Damco, Gefco, Dachser
(Ex-Graveleau), ID Logistics Maroc, Géodis, M&M, MORY International… ;
– les opérateurs nationaux : la Voie Express, SDTM, Marotrans-Logismar,
ONCF, TIMAR… ;
– les opérateurs louant leurs plateformes pour le compte de logisticiens
ou de clients : ces opérateurs n’exercent pas l’activité logistique proprement
dite. Des groupes marocains se consacrent à la logistique, même si celle-ci
n’est pas leur activité principale, mais une extension de leur marché initial,
tels que l’ONCF, la SODEP et la SNTL. La SODEP, quant à elle, propose
à ses clients des platesformes logistiques dans différents ports, notamment
à Casablanca et Mohammedia. Enfin, la SNTL poursuit une stratégie de
diversification de ses activités ; elle dispose pour cela d’un patrimoine non
négligeable constitué notamment de terrains et de locaux.
286
Profils sectoriels et émergence industrielle
4.2. Évolution du marché des prestations logistiques
Le marché des prestations logistiques a connu au cours de la période
2010-2015 une croissance considérable qui s’est traduite par l’augmentation
de la taille du marché des prestations logistiques relatives au transport routier
de marchandises et celle du transport ferroviaire de marchandises, comme
l’illustre le schéma ci-dessous :
Figure 5
Évolution du marché de la logistique (en milliard de dirhams)
Transport ferroviaire de marchandises
Transport routier de marchandises et entreposage
Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016.
Le chiffre d’affaires des entreprises logistiques et de transport routier de
marchandises est passé de 17,1 milliards de dirhams en 2010 à 21 milliards
en 2014, soit une croissance annuelle moyenne de 5,2 % durant cette
période. De même, celui des entreprises de transport ferroviaire de
marchandises a atteint 2,1 milliards de dirhams en 2014 contre 1,9 milliard
en 2010.
4.3. Créations d’entreprises
Un nombre important d’entreprises internationales et nationales
spécialisées ont développé leurs activités au Maroc. Durant la période 20102013, un peu plus de 5 000 entreprises de logistique et de transport ont été
créées, soit deux fois plus que sur la période 2006-2009 et dix fois plus que
sur la période (2002-2005).
Logistique
287
Figure 6
Créations d’entreprises de transport et logistique au Maroc (SA, SARL)
2002-2005
2006-2009
2010-2013
Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016.
Le marché marocain a également connu depuis 2010 le lancement des
activités de plusieurs groupes internationaux non présents auparavant tels
que Kuehne et Nagel, Urbanos, Omsan Logistique Maroc, GSTM, Asis mea,
PGS, JLL, OPDR Maroc, ABCD Maroc, Panalpina Maroc, Promotrans
Maroc, mais également de plusieurs acteurs nationaux comme Soft Logistic,
Building logistics et services, SNTL Supply Chain, Almav logistics, A. PSV
Diffusion, MTR, etc. Sauf qu’il existe une disparité régionale en termes de
localisation de ces entreprises. La région Casablanca-Settat arrive en tête quant
au nombre d’entreprises créées (46 %), suivie de la région Tanger-Tétouan-Al
Hoceima (15 %) et la région Rabat-Salé-Kénitra (12 %). Cette répartition est
présenté dans la figure ci-dessous.
Figure 7
Répartition des entreprises
logistiques et de transport de marchandises par région
Casablanca-Settat
Autres régions
Tanger-Tétouan-Al Hoceima
Rabat-Salé-Kénitra
Souss-Massa
Fès-Meknès
Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016.
288
Profils sectoriels et émergence industrielle
4.4. Investissement des entreprises de logistique et de transport de
marchandises
Les investissements opérés par les entreprises de logistique et de transport de
marchandises ont atteint près de 28 milliards de dirhams sur la période 20102014 contre moins de 21 milliards de dirhams sur la période 2005-2009, soit
une évolution de 29 %. La part des investissements directs étrangers dans ces
investissements représente 11 %. La figure ci-dessous montre l’évolution des
investissements des entreprises logistiques et du transport.
Figure 8
Investissement des entreprises logistiques et de transport
(en millions de dirhams)
Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016.
4.5. Emploi et rémunération
Les investissements réalisés dans le cadre de la stratégie nationale pour
le développement de la compétitivité logistique ont créé de nouvelles
perspectives d’emploi dans le secteur. Durant la période 2010-2015, près de
20 000 emplois nets ont été créés (16), soit une moyenne de 4000 emplois
par an uniquement pour les prestataires logistiques (17). Les emplois créés
uniquement dans le transport sont passés de 147 000 en 2009 à 157 000 en
2014. Le revenu moyen dans le secteur de la logistique et du transport de
marchandises a également enregistré une légère progression (AMDL, 2016).
16. Ces chiffres n’incluent pas les emplois logistiques dans les entreprises dont la logistique
n’est pas le métier principal.
17. Sans pour autant négliger le recrutement de 400 personnes effectué par l’ANAPEC durant
l’année 2016 dans les métiers de la logistique, dont 85 % dans les fonctions de stockage,
manutention, routage et manœuvre. Le reste concerne les métiers de responsable logistique
et d’agent de transit.
Logistique
289
Cette progression qui concerne la période 2010-2014 est révélée dans le
tableau ci-dessous.
Tableau 4
Évolution du salaire moyen dans le secteur logistique
durant la période 2010-2014 (base 100 = 2010)
Année
2010
2011
2013
2014
Indice
100
96
99
104
Pourcentage
Base
–4%
+1%
+5%
Source : Agence marocaine de développement de la logistique, 2016.
5. Analyse des performances
La performance du secteur dans son ensemble reste à un stade
intermédiaire, caractéristique des pays émergents, avec un fort potentiel de
développement.
5.1. La performance logistique selon plusieurs indicateurs
La stratégie globale adoptée dans le domaine de la logistique a permis au
Maroc de passer de la 94e place mondiale en 2007 à la 62e place en 2014
sur la base de l’indice de performance logistique (18) en gagnant 32 places
en sept ans. Elle a aussi permis au Maroc d’occuper la première position en
Afrique du Nord et la deuxième en Afrique (Banque mondiale, 2014).
Au niveau de l’apport du secteur au produit intérieur brut, les
investissements réalisés dans le cadre du contrat-programme 2010-2015 (19),
qui avait pour objectif d’accroître la valeur ajoutée du secteur de 0,5 à
0,7 point de PIB par an, n’ont pas atteint leur but. La participation du secteur
qui ne pesait que 5 % du PIB en 2010 se situerait aujourd’hui entre 6 % et
6,5 % du PIB national (Hallaouy, 2016)
En termes d’indice logistique des marchés émergents, le Maroc se classe
à la 17e place en 2015, juste devant le Kazakhstan et derrière les Philippines.
La Chine, l’Arabie saoudite et le Brésil occupent respectivement les 1re, 2e et
3e places, tandis que le Kenya (43e), le Cambodge (44e) et l’Ouganda (45e)
18. Cet indice, qui varie de 1 à 5 (la note la plus élevée représente la meilleure performance),
classe les pays (sur un total de 160 pays) en fonction de la logistique au niveau du commerce
extérieur sur la base d’un rapport annuel publié par la Banque mondiale.
19. Investissements de 60 milliards de dirhams.
290
Profils sectoriels et émergence industrielle
ferment la marche. Sans nier les principaux atouts du pays, dont sa position
géographique de hub (20) logistique naturel aux portes du marché européen
et de gateway (21) idéal pour l’Afrique occidentale, qui lui ont permis
d’atteindre des places importantes dans le classement mondial en termes de
connectivité maritime, de transport aérien et routier.
5.2. La performance du transport maritime
Le Maroc compte parmi les pays ayant le meilleur indice (22) de
connectivité maritime sur le continent africain (23) et est le premier hub
portuaire au sud de la Méditerranée (Tazi, 2015). Sa connectivité en constante
amélioration lui a permis d’atteindre la 16e place mondiale en termes de
connectivité maritime (CNUCED, 2015). Le fait que le Maroc occupe
cette position s’explique par sa position de plaque tournante dans le réseau
mondial du transport maritime régulier, même si le volume de ses échanges
commerciaux est relativement faible. C’est le cas par exemple de la Jamaïque,
du Panama et du Sri Lanka dont la position centrale dans les réseaux
mondiaux est extrêmement importante pour les régions dans lesquelles ils
sont situés car elle permet un haut degré de connectivité d’une autre nature
que la connectivité directe traditionnelle.
S’agissant de la qualité des services portuaires, elle s’est manifestement
améliorée durant la période de l’étude. En effet, d’après le rapport du Forum
économique mondial sur « la compétitivité de l’Afrique », le Maroc se trouve
au 72e rang, sur un total de 144, en matière de compétitivité globale durant
la période 2014-2015 (FEM, 2015), réalisant ainsi un gain de 3 places par
rapport à la période 2010-2011 où il occupait la 75e place (FEM, 2011). Ce
même rapport montre que le Maroc est bien positionné sur l’échelle mondiale
quant à la qualité de l’infrastructure globale (55e rang) et spécialement de ses
20. Mot anglais qui signifie « plaque tournante ».
21. Mot anglais qui signifie « porte d’entrée ».
22. C’est un indicateur d’accès de chaque pays côtier au réseau mondial de transports maritime
régulier, c’est-à-dire aux liaisons maritimes régulières pour les transports de marchandises
conteneurisés. Il est élaboré par l’organe des Nations Unies chargé du commerce international
(CNUCED) dans un rapport publié chaque année. Ce rapport procède au classement des
pays en fonction de leur connectivité maritime. Il faut noter que l’indice d’un pays n’est pas
uniquement déterminé par le volume de ses échanges commerciaux mais dépend aussi de plus
en plus de sa position dans le réseau mondial des transports maritimes réguliers.
23. Selon le rapport élaboré par le CNUCED en 2015, les pays africains ayant la meilleure
connectivité maritime sont le Maroc, l’Égypte et l’Afrique du Sud, ce qui s’explique par leur
situation géographique aux trois extrémités du continent.
Logistique
291
infrastructures portuaires (43e rang). Cette amélioration est essentiellement
due à la construction du port de Tanger Med.
5.3. La performance du transport aérien
L’offre cargo demeure globalement faible et ne contribue qu’accessoirement
à la circulation des marchandises. La proximité de l’Union européenne,
principal partenaire commercial du Maroc, avec plus de 65 % des échanges
extérieurs, n’encourage pas le développement d’une offre de transport de
marchandises par voie aérienne (Kabbaj, 2016). Mais cela s’explique aussi par
le coût du fret qui reste beaucoup plus élevé au Maroc. Les tarifs oscillent
entre 19 et 20 dirhams le kilo, depuis ou vers l’Europe centrale, tandis que des
vols cargo d’une distance similaire en Europe facturent entre 14 et 17 dirhams
le kilo. Un des freins majeurs à cette activité au Maroc est la faiblesse du parc
cargo. En effet, l’essentiel du transport de marchandises, soit 78 %, se fait sur
les vols passagers. Seulement 22 % des marchandises sont transportées sur des
vols purement cargo. De plus, au regard de la reprise de l’activité enregistrée
au niveau international, qui atteint presque 20 % de croissance, le fret aérien
au Maroc évolue à l’encontre de la tendance mondiale (24). Pour pallier ce
problème, l’ONDA a procédé à la construction d’un nouveau terminal fret à
Casablanca d’une capacité annuelle de 80 000 tonnes. Cette mesure s’inscrit
dans la volonté d’augmenter les capacités des gares fret dans la stratégie
2011-2016, visant à porter celles-ci à 160 000 tonnes, sachant qu’au moins
sept principaux aéroports du Maroc disposent d’une gare fret.
5.4. La performance du transport ferroviaire
Le transport ferroviaire se caractérise par la faible couverture du territoire
national. Le transport des marchandises par voie ferroviaire se caractérise
par le poids prépondérant du trafic des phosphates qui représente plus de
70 % du tonnage transporté. En effet, l’Office national des chemins de fer
(ONCF) accorde un grand intérêt à l’accompagnement de son principal
client dans son développement, l’OCP. L’ONCF dispose de plus de
6 386 wagons de marchandises dont 70 % pour le transport des phosphates
et des autres minerais, des produits chimiques, des engrais, etc. Les recettes
de l’office sont constituées à hauteur de plus de 60 % du produit du trafic
de marchandises. Le transport des voyageurs, quant à lui, en représente le
tiers (Demba, 2013).
24. En 2011, cette activité a enregistré une baisse de 2,55 % en volume.
292
Profils sectoriels et émergence industrielle
5.5. La performance du transport routier
Sur le plan local, le transport routier est le principal mode de transport
domestique des marchandises puisqu’il en représente plus de 75 % (hors
phosphates). Les camions sont le premier moyen de transport routier des
marchandises. Ce parc est constitué de plus 20 000 transporteurs, possédant
plus de 73 275 camions (Demba, 2013). L’offre en transport routier est
abondante, mais le transport routier de qualité ou spécialisé est d’un usage
minoritaire. Malgré la présence d’un grand nombre de sociétés de transport
et de logistique organisées, le secteur informel est prépondérant. Est
considéré comme informel le transport routier effectué par un transporteur
« non reconnu » et non domicilié dans une entreprise de transport reconnue.
La notion est complexe et ses contours flous. On peut également y inclure
la pratique peu ou moyennement structurée, fidèle à des réglementations
ou normes nationales ou à des procédures internes. Le transport informel
de marchandises a atteint plus de 40 % des échanges. Le secteur est
dominé à 95 % par les TPE et les PME, dont 90 % sont des entreprises
individuelles détenant chacune une flotte moyenne de deux à cinq camions,
et seulement 10 % des sociétés appartiennent au secteur économique
structuré (Hallaouy, 2016). Majoritaire, l’informel grève l’essor de la filière
et obère sa compétitivité. Pour autant, il se développe. En 2 000, sa valeur
ajoutée est passée de 19,6 milliards de dirhams à 33,8 milliards en 2011, et
il a contribué pour 10,3 % à la valeur ajoutée des activités tertiaires du pays
(Colly et Laâbid, 2013).
Conclusion
La conclusion de ce chapitre est présentée sous la forme d’une matrice
SWOT qui résume les points les plus importants et les plus significatifs qui
ont été abordés tout au long de cette analyse.
Logistique
293
Forces
Faiblesses
– Cadre institutionnel très solide de personnel
qualifié.
– Main-d’œuvre à faible valeur ajoutée.
– L’emplacement géographique du Maroc, un
hub logistique important pour l’Afrique.
– Tous les types de transport sont assurés par
des opérateurs marocains.
– Surface logistique importante : 550 hectares
aménagés en zone logistique moderne.
– Un secteur privé très dynamique.
– Multiplicité des prestataires de services
logistiques.
– Coûts de prestation relativement bas.
– Des relations renforcées entre
l’administration et les opérateurs et entre les
opérateurs eux-mêmes.
– Offre de services logistiques moyennement
diversifiée.
– Étroitesse de l’offre logistique sur le marché
marocain.
– Le coût de la logistique représente, selon les
branches industrielles, de la moitié aux deux
tiers des charges du facteur travail. Il est au
minimum de l’ordre de 20 % du PIB, soit deux
fois supérieur à celui des pays de l’Union
européenne (10 %), des pays d’Europe
centrale et des marchés émergents comme le
Mexique, le Brésil et la Chine (15 à 17 %).
– La logistique comme activité est encore peu
performante et peu optimisée .
– Coût d’investissement onéreux.
– Coût portuaire supérieur de près de 30 % à
ceux de la région .
– Externalisation de la logistique trop coûteuse
pour les TPE/PME.
– Manque d’infrastructures spécialisées sur
certains flux.
– Offre de services encore inégale (coût,
qualité, délai).
– Faible participation du secteur privé à
l’amélioration de la planification et à
l’exécution des plans de mise à niveau du
secteur logistique.
– Faible degré d’organisation des entreprises
en associations professionnelles.
– Faible utilisation des NTIC par les entreprises
logistiques.
Opportunités
Menaces
– Tout type d’entreprise commerciale est client
potentiel.
– Faible clientèle de PME et d’entreprises
familiales (logique patrimoniale) qui
empêche les entreprises d’externaliser leur
activité logistique.
– Offre de service moyennement diversifiée
donc marché potentiel inexploité.
– Augmentation du PIB possible juste par
l’optimisation de l’activité de la logistique.
– Proximité géographique avec l’Europe
constituant un avantage concurrentiel
et une opportunité majeure pour les
entreprises.
– Opérateurs étrangers faisant peu de
concurrence aux prestataires locaux car
majoritairement présents sur des marchés et
contrat mondiaux.
– Concurrence des pays de l’Europe de l’Est
et de l’Asie sur les marchés des principaux
secteurs utilisateurs de la logistique,
notamment le textile et l’automobile.
294
Profils sectoriels et émergence industrielle
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CHAPITRE 10
Offshoring
Issam El Filali
1. L’offshoring au Maroc
Le Maroc est la première destination offshore en Afrique. Depuis 2007,
l’offre offshoring du Maroc a été identifiée comme l’un de ses métiers
stratégiques dans le cadre du contrat-programme du plan Émergence. Deux
filières ont été considérées comme prioritaires dans ce plan :
– l’ITO (Information Technology Outsourcing) : externalisation des
métiers liés aux technologies de l’information (développement d’applications,
gestion des infrastructures, etc. ;
– et le BPO (Business Process Outsourcing) : externalisation des processus
d’une entreprise/métiers, tels que la comptabilité, la paie, la facturation…
Cette offre offshoring s’articule sur trois grands axes :
• Une aide à la formation : des ressources importantes avec des profils bien
ciblés (bac+2 et bac+4), un plan de formation sur le territoire concentré sur
les principales filières de l’offshoring, réalisé en partenariat avec les universités
du pays, l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail
(OFPPT) et l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences
(ANAPEC), avec une prise en charge étatique de 100 % de la formation
initiale et de 75 % de la formation continue, à hauteur de 65 000 dirhams
par employé sur les trois premières années d’embauche et, finalement, un
contrat d’insertion prévoyant une exonération pour une durée de 24 mois des
cotisations patronales et salariales dues à la CNSS.
• Un cadre sectoriel incitatif : l’exonération totale de l’impôt sur les sociétés
pendant une période de cinq ans et une réduction de 50 % au-delà de cette
période, une contribution de l’État visant à ce que la charge fiscale au titre
de l’impôt sur le revenu n’excède pas 20 % de la masse salariale, un régime
administratif allégé (guichet unique, nouveau Code du travail plus flexible,
simplifications administratives) et une prime aux pionniers pour les premières
entreprises installées.
298
Profils sectoriels et émergence industrielle
• Des infrastructures et des services performants : 5 zones dédiées dotées
d’infrastructures aux standards européens à des coûts attractifs, des services
de télécommunications performants à un tarif aligné sur les destinations
les moins chères, une vaste offre de bureaux opérationnels, aménagés et
équipés…
2. Les zones dédiées à l’offshoring
Dans le cadre du plan Émergence, le Maroc a mis en place des zones
spécialement dédiées au secteur de l’offshoring avec des infrastructures
attractives : bureaux modernes, équipements télécoms, incitations fiscales et
simplifications administratives…
• Casa Nearshore est située à 30 minutes du centre-ville de Casablanca.
Elle compte deux grands bâtiments appelés Shore 1 et 2, réservés à des
entreprises étrangères comme BNP Paribas, Steria, GFI ou TCS, et quelques
sociétés marocaines comme M2M, HPS, Dell ou Outsourcia. Caractéristiques
du pôle :
– premier pôle nearshore du Maroc ;
– plus de 300 000 m² de bureaux ;
– ressources humaines considérables ;
– cadre incitatif et coût d’opération compétitifs.
Les chiffres-clés de Casablanca Nearshore Park :
– 1 trophée de la meilleure destination offshore 2012 par l’Association
européenne de l’outsourcing ;
– 3,4 milliards de dirhams d’investissements ;
– plus de 300 000 m² d’espaces de travail et de services à la pointe de la
technologie ;
– 20 000 emplois sur site ;
– 5 milliards de contribution au PIB prévus pour 2015 ;
– 100 multinationales déjà installées.
• Rabat Technopolis : Rabat Technopolis accueille des bureaux pour
les activités de services, avec des acteurs du BPO comme Genpact, Axa,
Devoteam ou Logica, un pôle académique, un pôle de valorisation de la
recherche, un autre de recherche et développement, un pôle offshoring (BPO
ITO), un pôle médias et enfin un pôle microélectronique.
• Marrakech Shore : situé à 10 kilomètres de Marrakech, ce site
proposera les mêmes offres que celui de Rabat Shore et Casa Nearshore.
Marrakech shore pourrait rapidement se positionner dans le secteur de l’agroalimentaire.
Offshoring
299
• Fès Shore : Le projet est aménagé sur une superficie totale de 20 hectares
offrant 130 000 mètres carrés de plateaux de bureaux. Sur un site stratégique
à proximité des grands axes autoroutiers, de l’aéroport international et du
centre-ville de Fès. Cette zone offre un environnement pour la structuration
de nouveaux métiers à forte valeur ajoutée.
• Oujda Shore : prévu sur une superficie totale de 22 500 mètres carrés,
Oujda Shore fait entrer la région dans l’activité de gestion et d’animation avec
près de 3 000 emplois prévus à terme.
3. Cadre législatif et réglementaire
Au Maroc, il est permis aux non-résidents d’ouvrir une société offshore. Le
capital de ces sociétés doit être libellé en devises étrangères convertibles. Les
actionnaires doivent être des personnes physiques ou morales de nationalité
étrangère. Mais il est également possible pour un Marocain de créer ou de
prendre des parts dans une société offshore, à condition qu’il se conforme à la
réglementation concernant les changes.
Le secteur dans son ensemble fait l’objet d’un contrat-programme publicprivé pour la période de 2009-2015. Ce contrat érige les principes de base
pour le développement de l’offshoring :
– un travail concerté et participatif avec des engagements mutuels de
l’État et du privé ;
– des objectifs clairs, chiffrés et partagés ;
– un plan d’action avec des rôles et des responsabilités répartis ;
– 111 mesures précises et concrètes ;
– des mesures budgétisées.
En mai 2016, ce cadre institutionnel va être renforcé par la signature d’un
contrat de performance du secteur qui implique plusieurs acteurs étatiques
et professionnels : le chef du gouvernement, le ministère des Finances, le
ministère du Commerce et de l’Industrie, la Caisse de dépôt et de gestion,
le Conseil de surveillance de l’Agence spéciale Tanger-Méditerranée, la
Fédération des technologies de l’information, des télécommunications et de
l’offshoring, l’Association marocaine de la relation-client. L’objectif de ce
contrat est de renouveler l’engagement de ces acteurs pour donner un nouvel
élan au secteur grâce à la création d’écosystèmes dédiés à l’offshoring. Ces
écosystèmes destinés à renforcer la dynamique du secteur sont :
– les activités de gestion de la relation client notamment via des centres de
contact CRM (Customer Relationship Management) ;
300
Profils sectoriels et émergence industrielle
– l’externalisation des processus d’une entreprise ou BPO (Business Process
Outsourcing),
– l’externalisation des métiers liés aux technologies de l’information ou
ITO (Information Technology Outsourcing) ;
– l’externalisation portant sur des activités d’ingénierie et de recherche et
développement ou ESO (Engineering Service Outsourcing);
– l’externalisation portant sur des activités stratégiques ayant un contenu
« savoir » et exigeantes en expertise ou KPO (Knowledge Process Outsourcing).
Le secteur offshore fait l’objet également d’un accompagnement étatique à
travers plusieurs dispositions juridiques qui encadrent les multiples domaines
de son activité.
Ainsi, le secteur bancaire est régi par la loi n° 58-90 relative aux places
financières offshore promulguée par le dahir n° 1-91-131 du 21 chaabane 1412
(26 février 1992). Cette loi couvre plusieurs volets relatifs aux conditions
légales d’exercice des banques offshore, notamment le régime de change, le
régime fiscal, le régime douanier et le contrôle d’activité.
Il faut noter également que le gouvernement s’est engagé dans l’amélioration
des infrastructures de télécommunications réservées au secteur à travers la
signature en janvier 2013 de la quatrième convention d’investissement avec
Maroc Telecom, en partenariat avec le chef du gouvernement, le ministère
de l’Économie et des Finances et le ministère de l’Industrie, du Commerce et
des Nouvelles Technologies. Cette convention concernait la réalisation, dans
les années 2013-2015, d’un programme d’investissements de plus de 10,08
milliards de dirhams pour faire bénéficier le secteur de l’accès au réseau fibre
optique pour le très haut débit.
L’un des principaux axes de cette convention concerne l’augmentation des
capacités internationales avec le système Atlas Offshore reliant le Maroc à
l’Europe et la construction d’un axe en fibre optique au Sud, reliant la ville de
Laâyoune à Nouakchott et desservant au passage les provinces de Boujdour,
Dakhla et Aousserd.
Sur le plan fiscal, il faut noter que les sociétés offshore implantées à Tanger
bénéficient de nombreux avantages financiers, parmi lesquels on peut citer :
– l’exonération totale de l’IS durant les cinq premières années
d’exploitation et un taux de 8,75 % sur les vingt années suivant cette période ;
– l’exonération totale de l’impôt sur le revenu durant les cinq premières
années et un abattement de 80 % pour les vingt années qui suivent ;
Offshoring
301
– l’exonération sur la retenue à la source sur les produits des actions, parts
sociales et revenus assimilés, les dividendes et autres produits de participation
lorsqu’ils sont versés à des non-résidents ;
– l’exonération de la TVA avec droit à déduction des produits livrés et
des prestations de services rendues en zone franche et provenant du territoire
assujetti à la TVA ;
– l’exonération de la taxe professionnelle durant les quinze premières
années de l’exploitation ;
– l’exonération des acquisitions de terrains pour la réalisation de projets
d’investissement dans les zones franches d’exportation, sous réserve que ces
terrains restent à l’entreprise pendant dix ans à partir de la date de l’obtention
de l’agrément.
4. Principaux concurrents
L’analyse du micro-environnement du Maroc, passe principalement par
l’analyse de ses concurrents (directs et indirects) dans le marché de l’offshore.
4.1. Concurrents directs
Les concurrents directs du Maroc sont ceux qui ciblent le même marché,
soit les pays francophones, parmi lesquels on trouve principalement la
Roumanie, la Tunisie et l’Ile Maurice.
• La Roumanie domine le marché de l’externalisation en Europe de l’Est
et en Europe centrale. C’est un pays assez proche de la France du point de
vue culturel et géographique et dont le gouvernement est particulièrement
entreprenant pour le développement du secteur de l’externalisation. La Roumanie
est également dotée d’infrastructures de communication satisfaisantes. Mais c’est
principalement son potentiel humain hautement qualifié et à bas salaires qui fait
de la Roumanie l’un des principaux concurrents du Maroc.
• La Tunisie, située à proximité de l’Europe, est un acteur qui s’impose
de plus en plus sur le marché de l’externalisation grâce à un gouvernement
qui met en œuvre de nombreux moyens pour développer et promouvoir son
offre d’externalisation. La Tunisie dispose par ailleurs d’un nombre important
de ressources qualifiées. Les infrastructures tunisiennes sont quelque peu
insuffisantes, en particulier dans le domaine des télécommunications.
• L’Ile Maurice est, quant à elle, un pays disposant d’excellentes
infrastructures et de ressources de qualité dans le domaine de l’informatique
avec près de 5 000 personnes formées par an. Il s’agit d’un pays qui maîtrise
aussi bien l’anglais que le français, ce qui lui confère un atout considérable.
302
Profils sectoriels et émergence industrielle
L’éloignement géographique de l’île Maurice des principaux pays francophones
est cependant un facteur qui ne lui permet pas de se placer sur le créneau du
Nearshore, à l’inverse du Maroc.
4.2. Concurrents indirects
Quant aux concurrents indirects, ils ont pour cible des marchés autres
que francophones, à savoir les marchés anglophones ou hispanophones,
principalement les suivants :
• L’Inde, leader dans le domaine de l’externalisation. Le pays propose depuis
une vingtaine d’années des ressources hautement qualifiées. Initialement,
le coût de la main-d’œuvre y était très avantageux, mais la tendance
s’inverse peu à peu avec une main-d’œuvre aujourd’hui très sollicitée, ce qui
engendre un turn over important (40 à 45 %) et une inflation des salaires. Le
développement de logiciels et, plus récemment, les activités de back-office et
de centres d’appel sont principalement à l’origine du succès rapide de l’Inde
dans l’industrie des services financiers. Même si toutes les activités du secteur
financier ne sont pas délocalisables, les banques et les compagnies d’assurances
projettent à présent d’y transférer des services comme le développement
d’applications, l’encodage et la programmation, la comptabilité, les ressources
humaines ainsi que le traitement et l’administration de certaines opérations
(par exemple de paiement).
• La Chine, pays aux ressources humaines abondantes, qualifiées et à un
prix compétitif. Le système éducatif est de qualité, et le gouvernement a mis
en place des mesures pour accélérer le développement des NTIC.
• La Russie, où les activités de recherche et développement sont très
développées. Elle présente de nombreux avantages en tant que destination
offshore dans le domaine des NTIC et offre des ressources très qualifiées.
5. Facteurs de compétitivité du secteur
Le Maroc fait partie du « Peer Group », le groupe d’États formant la
« ceinture de proche délocalisation » par rapport au marché européen. Les
autres pays faisant partie de ce groupe sont les pays d’Europe de l’Est et ceux
dits « du Sud » (Turquie, Tunisie, Égypte, Jordanie, Sénégal…). Le Maroc
possède, en effet, une main-d’œuvre qualifiée et abordable, des infrastructures
de télécommunication suffisantes et un climat d’affaires favorable. D’autres
atouts du Maroc, en termes de compétitivité, ont trait à sa proximité
logistique des États-Unis et de l’Union européenne, son accès aux marchés
arabes et africains, ainsi qu’à certaines de ses ressources naturelles.
Offshoring
303
5.1. Proximité géographique
Sa proximité géographique et culturelle avec l’Europe est un des premiers
critères pour le choix du Maroc comme destination de l’offshoring.
Le pays propose une offre offshore de proximité nearshore attractive qui a
convaincu des entreprises françaises dans les métiers de la relation clients, de
l’ITO et dans le BPO en transférant des processus métiers et administratifs
qui peuvent être exécutés à distance.
Le nearshoring, par différence à l’offshoring basique, est le fait de délocaliser
une activité économique dans une autre région du même pays ou dans un
pays proche. L’intérêt est de ne pas baisser la qualité du centre de contacts, de
ne pas subir d’attaques de la presse pour manque de patriotisme économique,
tout en réalisant quelques économies car certaines régions ont un salaire moyen
inférieur à d’autres. Cette proximité permet aussi de garder plus largement la
main sur le contrôle et la supervision de l’activité et une intervention sur le
terrain, si nécessaire, plus rapide que les destinations offshore.
5.2. Main-d’œuvre à bas coût
Le Maroc dispose quantitativement d’une main-d’œuvre supérieure à celle
des autres pays offshore. Ce qui entraîne une concurrence entre les demandeurs
d’emploi et joue par conséquent positivement sur la compétitivité en faveur
des groupes étrangers qui se délocalisent au Maroc.
Le recrutement des collaborateurs est un des leviers déterminants de la
réussite d’un projet offshore au Maroc. Pour recruter, les donneurs d’ordre
prennent donc en considération la formation, l’expérience, les compétences et
les qualités personnelles.
Compte tenu du marché de l’emploi, notamment dans les grandes villes,
l’atteinte des objectifs quantitatifs de recrutement des employés n’est a priori
pas problématique.
En effet, en termes de formation de ressources humaines, le Maroc
compte :
– 300 000 jeunes suivant un cursus post-baccalauréat dans 12 universités
publiques et 20 écoles d’ingénieurs ;
– 100 000 jeunes formés en sciences humaines et 9 000 ingénieurs et
cadres en management, chaque année ;
– l’OFPPT avec 297 établissements de formation et 140 formations
diplômantes.
304
Profils sectoriels et émergence industrielle
Dans ce cadre encore, un accord de l’Association marocaine de la relation
client (AMRC) avec l’OFPPT concerne des formations en langues et la
mise en place de plusieurs formations destinées spécialement au secteur de
l’offshoring.
Conscient de l’importance de la disponibilité des compétences pour
accompagner le développement du secteur de l’offshoring et renforcer sa
capacité d’attraction des investissements, l’État, en collaboration avec le
secteur privé, a mis en œuvre un plan formation agressif et focalisé sur les
métiers de l’offshoring, dans le but d’assurer la formation de 70 000 profils
entre 2009 et 2015 :
–
–
–
–
1 000 lauréats en management ;
3 000 ingénieurs ;
10 500 techniciens ;
55 500 administratifs.
5.3. Flexibilité des horaires
Le code du travail au Maroc permet une certaine flexibilité au niveau
des horaires de travail (44 heures contre 35 en Tunisie et au Sénégal...). La
réglementation de travail marocaine présente également plusieurs avantages
par rapport à la France :
– 44 heures de travail par semaine avec paiement des heures
supplémentaires au-delà de 10 heures de travail par jour et de 2 288 heures
par an ;
– possibilité d’annualiser le temps de travail pour l’adapter au carnet de
commandes dans le respect des 2 288 heures de travail par an ;
– un mois et demi de période d’essai pour les employés et trois mois pour
les cadres renouvelable une fois ;
– possibilité de travailler pendant les jours fériés du Maroc, afin d’assurer la
continuité de service avec les clients en France, moyennant une compensation
définie contractuellement ;
– un salaire minimum plus faible qu’en France.
Il faut également prendre en compte le léger décalage horaire avec la
majorité des pays d’Europe (une heure de différence tout au long de l’année,
deux heures pendant le mois de ramadan).
5.4. Qualité de l’infrastructure des télécommunications
Le Maroc dispose d’une infrastructure de télécommunications conforme aux
normes internationales. Avec trois opérateurs globaux (fixe, mobile, internet et
Offshoring
305
data), le secteur des télécommunications au Maroc enregistre chaque année une
activité intense et soutenue : taux de pénétration mobile de 97 % et 13 millions
d’utilisateurs d’internet.
La politique nationale est volontariste et favorise la libéralisation du
secteur des télécommunications avec l’adoption de la loi 55-01 complétant
et modifiant la loi 24-96 et donnant au secteur les moyens de s’inscrire dans
l’évolution et la dynamique que connaissent les télécommunications au niveau
mondial. Plusieurs licences ont déjà été attribuées au Maroc : GSM, fixe,
mobile 3G, mobiles 4G.
Les zones sont dédiées aux activités liées à l’offshoring dotées d’une
infrastructure d’accueil et de télécommunication moderne et compétitive en
termes de coût.
Les efforts du gouvernement pour améliorer cette infrastructure se
manifestent notamment lors de la signature en janvier 2013 de la quatrième
convention d’investissement entre le gouvernement et Maroc Telecom.
5.5. Implication gouvernementale
Le gouvernement marocain conduit une politique volontariste pour
le développement du secteur qui se concrétise dans le développement de
partenariats entre les acteurs concernés pour assurer les moyens financiers,
logistiques et organisationnels nécessaires à son développement. Parmi les
moyens d’accompagnement mis en œuvre on peut citer :
– un centre de formation dédié aux métiers de l’offshoring ;
– des loyers à bas prix (8 euros par mois le mètre carré) à Casablanca Near
Shore Park, les pôles de Rabat, de Marrakech, Tanger et Tétouan (offshoring
hispanique), Fès offshore ;
– l’exonération de l’impôt sur les sociétés pendant les cinq premières
années puis un abattement fiscal de 50 % par la suite ;
– des subventions pour le recrutement et la formation de la main-d’œuvre
locale.
5.6. Stabilité et risque pays
La société britannique AON, dans sa 19e édition de la carte des risques
politiques (Political Risk Map 2016), a constaté que le Maroc est le pays le
plus stable en Afrique du Nord. À la différence de ses voisins du Maghreb
et de l’Afrique du Nord, le Maroc figure parmi les pays à risque politique
« modéré », l’Algérie, la Mauritanie, la Tunisie et l’Égypte étant considérés
306
Profils sectoriels et émergence industrielle
comme pays à « haut risque moyen » et la Libye à « très haut risque », ce qui
confère un avantage concurrentiel au pays. Selon AON, le Maroc partage la
note « risque modéré » avec des pays émergents comme le Brésil, la Chine ou
l’Afrique du Sud.
5.7. Analyse SWOT du secteur
L’analyse SWOT du secteur de l’offshoring permet d’avoir une vision
globale de ses forces et faiblesses. Elle permet de relever une faiblesse
importante en termes d’organisation : l’absence d’un acteur central qui
coordonnerait l’activité de ce secteur qui fait l’objet de l’intervention de
plusieurs opérateurs.
Forces
Faiblesses
– Proximité géographique et culturelle.
– Bonne connaissance des langues
européennes, notamment, le français et
l’espagnol.
– Main-d’œuvre qualifiée, bon marché et
abondante.
– Des infrastructures de télécommunication
et de services de classe mondiale.
– Alignement des prix de l’immobilier sur les
destinations les moins chères.
– Forte progression de l’offshoring des
centres d’appel.
– Implantation de nombreuses références
(Dell, Atento, Arvato, Bouygues Telecom…).
– Absence de formation adéquate en matière
d’offshoring.
– Coût élevé de la ligne internationale vers
l’Europe, 30 à 50 % plus chère que les
destinations concurrentes.
– Faiblesse de l’expertise dans les processus
à valeur ajoutée.
– Manque de flexibilité du marché de l’emploi
pour les activités de l’offshoring.
– Manque d’acteurs offshoring et TIC ayant
la taille critique pour gérer des processus
complets.
– Absence d’une autorité centrale de
coordination des activités offshoring et TIC.
Opportunités
Menaces
– Investissements colossaux en formation
pour être conforme aux standards culturels
et technologiques.
– Stabilité politique.
– Prospection des marchés francophone et
hispanophone.
– Politique volontariste de l’État marocain.
– Baisse des coûts des facteurs de production,
notamment, les coûts des infrastructures
de base.
– Prospection des marchés francophone et
hispanophone.
– Constitution de partenariats avec des
groupes étrangers pour un transfert de
savoir-faire et de technologie.
– Promotion de la destination Maroc pour la
création de sociétés captives et de sociétés
de services et d’ingénierie informatique
« SSII ».
– Perspectives d’augmentation des coûts
salariaux.
– Forte concurrence des pays de l’Europe de
l’Est et du Maghreb sur le marché mondial
de l’offshoring.
Offshoring
307
6. Déterminants conjoncturels du secteur
6.1. Marché d’exportation au Maroc
Le Maroc s’est engagé dans un processus de libéralisation graduelle de
son commerce extérieur en vue de réussir son intégration dans l’économie
mondiale, grâce à notamment à la signature d’un ensemble d’accords de libreéchange et à des efforts considérables en faveur de la promotion du commerce
extérieur (adoption du Code du commerce, amélioration de l’environnement
des affaires, adoption des plans Maroc Export Plus, Émergence…).
Aujourd’hui, l’offshoring est classé 6e des secteurs les plus importants
en termes de revenus à l’export, avec près de 8 milliards de dirhams de
chiffre d’affaires, soit autant que l’aéronautique. 70 % de ces 8 milliards sont
directement destinés à la rémunération des ressources humaines. Le secteur a
connu une croissance annuelle moyenne de 15 %.
En effet, en 2012, les exportations de marchandises se sont élevées à
183 milliards de dirhams et les importations à 382 milliards, soit un déficit
commercial record de près de 200 milliards et un taux de couverture des
importations par les exportations de 48 %. A elle seule, l’Europe représente
60 % dans le total des échanges commerciaux du Maroc, suivie de l’Asie
(21 %), de l’Amérique (12 %), de l’Afrique (6,5 %) et de l’Océanie (0,3 %).
La France en 2012 demeure le premier client du Maroc avec 22,6 % du
total des exportations de marchandises et son deuxième fournisseur avec
12,5 % des importations totales. Les échanges commerciaux avec la France
dégagent un déficit de plus de 6 milliards de dirhams et un taux de couverture
des importations par les exportations de 87 %.
De son côté, l’Espagne, en 2012, est 2e client (17 % des exportations) et
premier fournisseur (13 % des importations). Les échanges commerciaux avec
ce pays enregistrent un déficit de 18,3 milliards de dirhams et un taux de
couverture de 62,8 %.
L’année 2013 aura été la première année à connaître une performance
négative du secteur des exportations, après plus de dix ans de croissance
moyenne à 2 chiffres. Les revenus à l’export du secteur ont reculé de 2,7 %.
6.2. Déterminants de la demande
Actuellement, la France est le premier marché de l’offshoring du Maroc
avec un poids de 80 %, ce volume correspond à 50 % de la demande française,
grâce au développement d’une expertise et d’un savoir-faire garantissant une
bonne position sur le marché. Néanmoins, il faut renforcer cette position,
308
Profils sectoriels et émergence industrielle
notamment dans certains secteurs ayant encore eu peu recours à l’offshoring,
comme le secteur financier.
L’activité d’externalisation des métiers des services, de manière générale,
est appelée à s’intensifier, et le Maroc a des atouts structurels pour maintenir
une position dominante dans la région. Il y a aujourd’hui une place pour de
nombreux pays sur ce marché, obéissant à une logique de ce qu’on appelle
best cost. Il s’agit de segmenter la chaîne de valeur via une stratégie de colocalisation compétitive, c’est-à-dire produire chaque segment dans le lieu le
plus adapté : les flux les plus sensibles en onshore en France, les flux les plus
normés en nearshore au Maroc et les flux les plus basiques en offshore lowcost
en Afrique subsaharienne. Donc, à partir de là, le développement d’une
destination ne se fait pas au détriment d’une autre, chaque région pouvant se
positionner sur un segment de cette chaîne de valeur.
Le marché local représente aujourd’hui 10 % du chiffre d’affaires de
l’offshoring au Maroc. Cette demande est tournée vers le secteur des centres
d’appel mais ne concerne pas encore les domaines d’ITO ou de BPO.
Dans l’ensemble, la demande est encore largement dominée par des acteurs
étrangers.
6.3. Nouveaux entrants
Les nouveaux entrants, comme le Sénégal qui a fait un bond de 13 places,
sont très offensifs. Ce pays aux faibles coûts du personnel attire de plus en
plus de centres d’appels. Malgré les deux heures de décalage horaire avec la
France, ses entreprises téléopératrices calquent leurs journées sur celles de la
France. Selon une étude de l’Apix, l’Agence sénégalaise de promotion des
investissements et grands travaux, le salaire moyen d’un téléacteur est de
308 euros par mois au Sénégal, contre 433 en Tunisie et près de 458 au Maroc.
Le Sénégal, avec un taux de chômage de 40 %, dispose également d’une maind’œuvre nettement plus abondante que ses concurrents maghrébins.
Le Maroc, le Sénégal et la Tunisie seraient les pays les plus performants en
matière de centres d’appels. De ce fait, les externalisations y sont nombreuses.
En Tunisie, les centres d’appels comptent parmi les plus importants pôles
d’emploi. Au Maroc, le nombre de télé-salariés a d’ailleurs été multiplié
par 10 en quatre ans. Ainsi 1 800 personnes travaillent au call center Dell à
Casanearshore, la « cité de l’offshoring ». Depuis Casablanca, les employés
marocains gèrent, pour cette société américaine d’ordinateurs, la vente et le
service après-vente pour toute la région d’Europe du Sud.
Offshoring
309
6.4. Nouvelles technologies dédiées au secteur
Un vaste programme d’aménagement de plateformes industrielles intégrées
a été lancé sur l’ensemble du Royaume. Il vise à mettre à la disposition des
investisseurs les meilleurs espaces d’accueil pour l’exercice de leurs activités.
Ce programme a été confié en quasi-totalité à MEDZ, filiale de la Caisse
de dépôt et de gestion (CDG), spécialisée dans l’aménagement de zones
industrielles et touristiques.
7. Configuration productive
7.1. Évolution du secteur
Le Maroc a fait le choix d’ériger l’offshoring comme l’un des leviers
de développement économique du pays grâce à une stratégie volontariste,
baptisée « offre offshoring Maroc». Cette stratégie avait pour objectif la
réalisation d’un chiffre d’affaires à l’export de 20 milliards de dirhams en 2016
et la création de 70 000 emplois durant la période 2009-2015 pour atteindre
près de 100 000 emplois au terme de l’année 2015.
Avec ses parcs offshore et l’avancée des travaux de nouveaux pôles partout
sur le territoire, le Maroc est passé d’une destination offshore bon marché
à une position stratégique basée sur la logistique et une offre compétitive,
favorisant un potentiel de développement du secteur de l’offshoring.
Bien que la stratégie offshoring ait réalisé des avancées, ses résultats
demeurent, à la veille de son échéance 2016, en deçà des objectifs arrêtés.
En effet, l’emploi du secteur a atteint 57 000 en 2012 (+11 % par an depuis
2009), soit un écart de 43 % par rapport aux 100 000 visés par l’offre
offshoring Maroc à l’horizon 2016. Les recettes à l’export du secteur ont
culminé à 7,4 milliards de dirhams en 2014 (+ 8,6 % par an depuis 2009), ne
représentant que 37 % de l’objectif fixé par la stratégie pour 2016 (20 milliards
de dirhams). En 2016, 80 % des entreprises opérant dans la zone offshore sont
des centres d’appels et 20 % ont une activité dans l’ITO et le BPO.
De manière générale le domaine du BPO concerne les activités/fonctions
administratives générales, les activités de gestion de la relation client, les
activités métiers spécifiques. Quant au domaine de l’ITO, il est lié à la gestion
d’infrastructure, les activités de développement de logiciels et à la maintenance
des applications.
Dans le cas marocain, on constate ces dernières années une transformation
structurelle du tissu productif en faveur d’une croissance économique plus
forte, diversifiée et moins volatile que par le passé grâce à l’émergence de
310
Profils sectoriels et émergence industrielle
nouveaux métiers à fort potentiel de croissance comme l’aéronautique,
l’automobile, etc. (voir tableau). Cette évolution a été marquée par une
diversification spatiale des sources de la croissance grâce à une contribution de
plus en plus affirmée de nouvelles régions à la création des richesses (TangerTétouan…).
Exemples des entreprises opérant dans
les zones offshore au Maroc
Nom de
la société
Forme
juridique
Capital
Activité
Nationalité
Zone
offshore
OGE
Société
(Omnium
anonyme
général
d’électricité)
10 MDh
Fabrication et
commercialisation de
matériel électrique
Française
Casablanca
Ubisoft
Société
anonyme
4 106 Md €
Industrie vidéo
ludique
Française
Casablanca
RenaultNissan
Société
1,2 milliard de Groupe automobile
de droit
recapitalisation
néerlandais
Française
Tanger
NPM
SARL
7 500 €
Aéronautique,
automobile, télécom
Française
Tanger
Mosaic
decor
SARL
100 000 Dh
Fabrication de
revêtements de sol
et mur, carreaux
mosaïque
Marocaine
Tanger
Mk aéro
SARL
12 MDh
Aéronautique
Marocaine
Tanger
Luxury life
SARL
7 500 €
Négoce international
de voitures de luxe
Française
Tanger
7.2. Évolution de l’activité des centres d’appel
Après une croissance de 18 % par an en moyenne sur les huit dernières
années, 2013 a été marquée par une baisse de 3 %. Les deux segments majeurs
de l’offshoring que sont les centres d’appels et l’ITO ont été touchés.
Trois phénomènes essentiels expliquent le ralentissement de l’activité dans
les centres d’appels. Dans un premier temps, l’activité a été impactée par
une conjoncture défavorable en France, en particulier les fortes difficultés
des opérateurs télécoms français suite à l’arrivée de la société Free sur le
marché du mobile. Cela a réduit leurs flux externalisés, aussi bien en France
qu’en offshore. Or, ce secteur représente environ 50 % du marché des
« outsourceurs » au Maroc. L’autre facteur est lié à la concurrence de plus
en plus perceptible de destinations low cost, en particulier de pays d’Afrique
Offshoring
311
subsaharienne, qui commencent à se positionner comme des alternatives
réelles dans un contexte de recherche d’économies. D’un point de vue plus
structurel, le secteur est entré dans une phase de maturité qui implique la
disparition de certains acteurs de petite taille et l’arrêt de certaines activités
non rentables (en particulier le télémarketing à faible valeur).
7.3. Évolution de l’activité automobile
Dans l’automobile, secteur stratégique dans la politique industrielle
nationale, 31 500 emplois sur les 70 000 postes prévus à l’horizon 2015
ont été créés, soit une croissance annuelle de 32 % entre 2009 et 2011. Les
exportations se sont élevées à 22,6 milliards de dirhams en 2011, soit une
croissance de 38 % par rapport à 2010. La première phase d’implantation
de l’usine Renault, d’une capacité de 200 000 véhicules, a nécessité
un investissement de 350 millions d’euros. De même, plusieurs autre
investissements ont été réalisés par des équipementiers internationaux du
secteur, notamment SNOP (emboutissage), GMD (emboutissage/plastique),
Valeo (système d’éclairage), Inergy (réservoir à carburant), St-Gobain (parebrise), Viza (armature de siège), Takata (airbag et ceinture de sécurité et
Denso (climatisation). Estimés à 1,6 milliard de dirhams, ces investissements
ont généré environ 2 600 emplois.
Le secteur de l’automobile au Maroc connaît un essor remarquable,
assurant 31 % des exportations industrielles. Cette activité regroupe plus de
130 entreprises, employant environ 70 000 personnes en emplois directs, pour
un montant des exportations estimé à près de 2,5 milliards d’euros sur les onze
premiers mois de l’année 2013 (27,8 milliards de dirhams).
L’État mise sur une contribution potentielle estimée à près de 12 milliards
de dirhams de PIB additionnels, avec la création d’environ 70 000 nouveaux
emplois dans l’ensemble du secteur automobile.
7.4. Évolution de l’activité aéronautique
Grâce à ses centres d’excellence couvrant la production, les services, la
maintenance et l’ingénierie, le Maroc représente une zone d’investissement
aux entreprises opérants dans le secteur de l’aéronautique et du spatial qui
connaît actuellement une évolution positive. Le secteur a cumulé, depuis
2012, des investissements chiffrés à 2,7 milliards de dirhams et voit le nombre
d’implantations en hausse continue. Le Maroc compte aujourd’hui plus de
100 entreprises qui ont réalisé en 2011 un chiffre d’affaires de 5,2 milliards de
dirhams et emploient plus de 7 500 personnes hautement qualifiées.
312
Profils sectoriels et émergence industrielle
Le secteur a connu l’implantation de plusieurs entreprises leaders comme
EADS, Boeing, Safran, Le Piston, Daher, Creuzet/Indraero, Souriau, Ratier
Figaec ou encore Bombardiers. Actuellement une quarantaine d’entreprises
sont installées sur l’aéropôle de Nouaceur. Les usines Aircelle fabriquent, par
exemple, des composants pour les A380 et pour les moteurs des Boeing 737.
De même, des commandes de plusieurs compagnies européennes du secteur
sont envoyées aux ateliers de Snecma Maroc. Cette plateforme de Nouaceur
a récemment été renforcée par le projet Casa Aéro City 2.0 qui met en avant
ses coûts réduits.
Par ailleurs, le secteur est encore loin des objectifs du gouvernement qui
tablait sur une croissance annuelle de 25 % et un potentiel de développement
d’environ 4 milliards de dirhams de PIB additionnels, qui devait se traduire
par la création d’environ 15 000 nouveaux emplois directs à horizon 2015.
8. Analyse des performances
8.1. Les pressions connues par secteur
Au vu de son évolution au cours de ces dernières années, le secteur est
entré dans une phase de saturation, et les mesures prises dans le cadre du
plan Émergence ne semblent plus adaptées pour son développement futur,
d’autant plus que sa compétitivité est fortement menacée par la concurrence
des pays low-cost, en particulier d’Afrique subsaharienne. De fait, les nouvelles
stratégies industrielles des firmes multinationales ont entraîné deux tendances
en matière de chaînes de création de valeur : les délocalisations dans les pays à
bas coût et le recentrage sur le cœur de métier de l’entreprise.
Ce qui fait que les pressions exercées sur les entreprises du secteur de
l’offshoring sont plus au moins nombreuses :
La faible diversification des marchés de l’offshoring (90 % pour l’UE
en 2013) : faible positionnement sur des activités du BPO captif (12 % des
recettes totales en 2014) et insuffisance des compétences hautement qualifiées
pour se positionner sur des activités à très forte valeur ajoutée et sur de
nouveaux marchés. Devant les opportunités prometteuses du développement
du secteur, la révision de la stratégie offshoring s’impose avec acuité pour
donner une nouvelle impulsion à sa dynamique et pour faire face aux
nouvelles données du marché. Dans ce sens, il paraît impératif de prioriser
l’investissement dans la formation des ressources humaines afin d’insérer
durablement le Maroc dans la carte mondiale de l’offshoring en ciblant plus
particulièrement les segments à plus forte valeur ajoutée. Il s’agit, également,
de s’orienter vers la diversification du portefeuille-client afin de réduire la forte
Offshoring
313
dépendance vis-à-vis de l’Europe en ciblant de nouveaux clients, notamment
hispanophones et anglophones.
Les parts de marché : 50 % des grandes entreprises américaines (à effectif
supérieur à 5 000 salariés) et 40 % des entreprises européennes ont délocalisé
et/ou externalisé une partie de leurs prestations en 2010. L’Inde détient
44 % du marché de l’outsourcing suivie de la Chine et de la Malaisie ; elles
constituent actuellement le trio des meilleures destinations offshore au monde.
Il faut ajouter à ces pays le Brésil, la Russie et le Mexique, qui disposent d’un
réel potentiel en termes d’expérience dans le domaine industriel. Mais ce qui
demeure important, c’est la qualité de la main-d’œuvre qu’ils proposent à
des coûts imbattables. Dans ce contexte, on ne peut s’empêcher de faire la
comparaison au Maroc avec le secteur du textile dont on connaît les difficultés
face à la concurrence de la Chine.
La pérennisation des investissements : il est actuellement clair que le
secteur de l’offshoring a contribué relativement à la croissance du PIB du
Maroc ainsi qu’à la création d’emplois ; mais la question est celle de la pérrinité
de ces investissements. En effet, si l’un des piliers porteurs de l’offshoring au
Maroc se déstabilisait, on risquerait de voir certaines entreprises de services
quitter le pays vers d’autres destinations ou carrément revenir dans leur pays
d’origine. Par exemple, si un autre pays émergent proposait un package fiscal
beaucoup plus attractif que celui du Maroc, rien n’empêcherait ces entreprises
de quitter le Maroc.
Sur le plan salarial, il faut reconnaître, d’une part, que l’écart avec les
salaires des pays concurrents doit être conservé, d’autre part, que les salariés
et les syndicats locaux ne ménagent pas leurs efforts pour améliorer leurs
conditions salariales, sans oublier l’influence des syndicats anti-offshoring
dans les pays d’origine des donneurs d’ordres.
8.2. Évolution de la situation financière et des résultats
Aujourd’hui, le secteur l’offshoring au Maroc réalise 3,5 milliards d’euros
de chiffre d’affaires, soit 6,5 % du PIB. Il compte environ 1 500 opérateurs
dont des leaders internationaux dans toutes les branches : opérateurs (Vivendi,
Téléfonica, Portugal Télécom, Eutelsat, Nortis…), équipementiers (Alcatel,
Cisco, Ericsson, Motorola, Nokia…), constructeurs (IBM, HP, Compaq,
Bull…), éditeurs (Oracle, SAP, Ubisoft…). L’activité des centres d’appels et de
BPO des « outsourceurs » est la principale composante de l’offshoring avec une
part de 80 %. Elle a réalisé une hausse de 10,7 %, passant de 4,43 milliards
de dirhams en 2011 à 4,98 milliards en 2015. Au premier semestre 2016, les
314
Profils sectoriels et émergence industrielle
recettes du secteur de l’offshoring ont enregistré une croissance de 18,1 %,
tirées par celles des centres d’appels et BPO des « outsourceurs » qui se sont
élevées à 2,39 milliards de dirhams. Selon l’Office des changes, les recettes
de l’offshoring auraient enregistré en moyenne une hausse de 2,4 % sur
les cinq dernières années, passant de 6,86 milliards de dirhams en 2011 à
7,54 milliards en 2015.
Références bibliographiques
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nos exportations », Rabat.
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l’Économie numérique, « L’offshoring, une place importante dans
l’économie nationale », http://www.mcinet.gov.ma/~mcinetgov/fr/content/
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Théry J.M. (2014), « 7 clés pour réussir l’offshoring d’un service au Maroc »,
Conjoncture n° 812, Chambre française de commerce et d’industrie au
Maroc.
CHAPITRE 11
Artisanat
Mariem Liouaeddine
Introduction
Ancré dans la culture marocaine depuis plusieurs siècles, l’artisanat reflète
l’art, la culture, les traditions et l’histoire des différents peuples et civilisations
qui se sont succédé au Maroc (Benallal et Messaoudi, 1981).
Du fait de son importance historique et culturelle, le secteur de l’artisanat
au Maroc joue un rôle essentiel dans la dynamique économique. Dans ce
cadre, l’analyse de ce secteur requiert a priori la mise en exergue de son poids
dans l’activité économique nationale. Cette analyse permettrait préalablement
d’apprécier la contribution du secteur aux échanges internationaux, au produit
intérieur brut (PIB) et à la création d’emplois. Par ailleurs, le recensement des
principales catégories d’acteurs opérant dans le secteur permettrait d’avoir une
vision globale sur les caractéristiques et le poids de chacune d’elles, en termes
d’effectif, de chiffre d’affaires, de délocalisation, etc.
Depuis l’Antiquité, les principaux opérateurs du secteur sont des monoartisans. Ce résultat est confirmé par les effectifs recensés et le chiffre d’affaires
réalisé. Toutefois, leur nombre a connu un recul sans précédent au cours de
ces dernières années au profit de l’émergence d’un tissu modernisé de PME
artisanales. Ces entreprises, bien structurées, optent pour une démarche de
production moderne et orientée particulièrement vers le marché extérieur.
Cette mutation a été accompagnée d’une augmentation du nombre des
coopératives, des adhérents, des capitaux et des chiffre d’affaires.
Nous proposons d’analyser, dans un premier volet, l’évolution des indicateurs
économiques du secteur de l’artisanat, en termes de création d’emplois, de
chiffre d’affaires et de valeur ajoutée. Ensuite, cette analyse permettra d’étudier
les caractéristiques et l’évolution des PME artisanales avant d’examiner la
dynamique des mono-artisans et des coopératives artisanales.
Il est à signaler que les activités de l’artisanat marocain sont regroupées en
deux sous-secteurs distincts :
318
Profils sectoriels et émergence industrielle
– le sous-secteur de l’artisanat d’art et de production ;
– le sous-secteur de l’artisanat de service.
Le premier sous-secteur renvoie à l’artisanat à fort contenu culturel et à
l’artisanat utilitaire. Il concerne les produits issus du patrimoine marocain
et englobe les produits issus d’un travail essentiellement manuel tels que les
meubles de bois modernes, la maroquinerie, etc.
Le second sous-secteur concerne les activités relatives à la coiffure, la
peinture, la réparation de voitures, la plomberie, la tôlerie, etc. À titre de
comparaison, l’artisanat de service offre une participation à la création de la
richesse nationale et un contenu culturel relativement inférieurs à ceux de
l’artisanat d’art et de production.
La présente recherche ainsi que les analyse y afférentes portent sur
l’artisanat à fort contenu culturel.
1. Caractéristiques et évolution du secteur
Plusieurs acteurs opèrent dans le secteur de l’artisanat : les PME, les monoartisans (urbains et ruraux) et les coopératives artisanales. Ces acteurs ont
contribué positivement au dynamisme du secteur entre 2006-2015, à travers
la création d’emplois et la génération de valeur ajoutée.
En 2015, le secteur de l’artisanat a généré 412 201 emplois dans les milieux
urbain et rural (1) (voir graphique 1).
L’emploi a connu une augmentation de 21 % entre l’année 2006, année
d’entrée en vigueur de la stratégie « vision 2015 de l’artisanat », et l’année
2015. Cependant, il demeure majoritairement concentré à 51 % dans les pôles
urbains de Casablanca, Rabat, Fès, Marrakech et Tanger-Tétouan.
Le dynamisme du secteur de l’artisanat est révélé également par l’évolution
positive du chiffre d’affaires réalisé par les PME et par les mono-artisans (2).
En effet, le chiffre d’affaires global réalisé par le secteur en 2015 est estimé à
22,4 milliards de dirhams. Il a plus que doublé en 2015 par rapport à 2006
(voir graphiques 4 et 5). Cette évolution s’est accompagnée de l’augmentation
de la richesse créée par le secteur illustrée à travers la valeur ajoutée générée
qui a plus que doublé de 2006 à 2015, passant de 5,4 milliards de dirhams
à 13,3 milliards, soit une augmentation de 146 % sur ces dix années
consécutives.
1. A l’exception de l’emploi créé par les coopératives artisanales.
2. Idem.
Artisanat
319
15
14
20
13
20
12
20
11
20
10
20
09
20
08
20
07
20
20
20
20
06
Graphique 2
Évolution du chiffre d’affaires
de l’artisanat entre 2006 et 2015
(en milliards de dirhams)
0
20 6
0
20 7
0
20 8
0
20 9
1
20 0
1
20 1
1
20 2
1
20 3
1
20 4
15
Graphique 1
Évolution de l’emploi total généré
par le secteur de l’artisanat
entre 2006 et 2012
Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
Graphique 3
Évolution de la valeur ajoutée générée par le secteur de l’artisanat
entre 2006 et 2015 (en milliards de dirhams)
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
Comme précisé auparavant, ces performances économiques sont réalisés
conjointement par les PME et les mono-artisans (urbains et ruraux).
Par ailleurs, l’analyse par type d’opérateur sur ce secteur va mettre en
exergue la participation de chacun d’eux dans le dynamisme de l’artisanat au
Maroc.
1.1. Caractéristiques et évolution des PME artisanales
Les entreprises qui opèrent dans le secteur de l’artisanat sont des PME
artisanales. Les entreprises leader du secteur, qui ont la qualité d’acteurs de
référence, sont des entreprises qui ont un chiffre d’affaires situé entre 100 à
200 millions de dirhams, dont 80 % sont réalisés sur les marchés extérieurs
(Ministère de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, 2006).
320
Profils sectoriels et émergence industrielle
Le nombre des PME artisanales ainsi que leur chiffre d’affaires ont augmenté
significativement entre 2006 et 2015, générant plus d’emplois dans le secteur.
Ces entreprises sont généralement localisées dans les villes à tradition artisanale.
1.1.1. Évolution du nombre et du chiffre d’affaires des entreprises du secteur
Le nombre des PME du secteur de l’artisanat continue de croître durant
ces dernières années. Il a presque triplé, passant de 310 en 2006 à 848 en
2014 (voir graphique 4).
Graphique 4
Évolution du nombre
des PME artisanales
Graphique 5
Évolution du chiffre d’affaires
du secteur (en milliards de Dh)
PME
Mono-artisans*
Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
Cette évolution est due essentiellement aux impulsions données par le
programme « Vision 2015 », qui a pour objectif d’augmenter la taille du tissu
productif et d’accroître son chiffre d’affaires global. Celui-ci a plus que doublé
entre 2006 et 2015. Cette augmentation touche aussi bien le chiffre d’affaires
des mono-artisans que celui des PME.
Par ailleurs, bien que les mono-artisans génèrent la plus grande part du
chiffre d’affaires du secteur, leur contribution au chiffre d’affaires global
connaît une baisse sensible en faveur d’une augmentation du chiffre d’affaires
des PME. En témoigne le poids du chiffre d’affaires des mono-artisans qui
est passé de 88 % en 2006 à 84 % en 2015, alors que celui des PME passe de
12 % à 16 % sur la même période.
1.1.2. Métier et localisation des PME artisanales
L’analyse du chiffre d’affaires par type de métier a permis de constater
que l’activité des PME durant cette période concerne les métiers dédiés à la
bijouterie, le bois, le tapis, le vêtement et le fer forgé. Si les deux premiers
métiers génèrent la plus grande part du chiffre d’affaires des PME, cet apport
Artisanat
321
a baissé entre 2014 et 2015 au profit des métiers spécialisés dans le vêtement,
le tapis et le fer forgé.
Graphique 6
Évolution du chiffre d’affaires des PME par métiers
(en milliards de Dh)
Bois
Bijouterie
Articles chaussants
Fer forgé
Maroquinerie
Bâtiments traditionnels
Tapis
Poterie et pierre
Couvertures
Vêtements
Didanderie
Vannerie
Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
L’analyse de la distribution du chiffre d’affaires par ville montre que les
PME du secteur se situent principalement dans les villes de Casablanca,
Marrakech, Fès, Rabat-Salé, Tanger-Tétouan (voir graphique 7).
Sur toute la période analysée il a été constaté que les PME artisanales
situées dans les villes de Casablanca et de Marrakech génèrent à elles seules
près de 60 % du chiffre d’affaires des PME artisanales du secteur.
En 2015, d’autres villes, à l’image de Settat, ont connu une augmentation
significative du chiffre d’affaires des PME artisanales. Cette hausse est due à
l’encouragement à la création de zones industrielles abritant les PME dans ces
villes.
Graphique 7
Évolution de la distribution du chiffre d’affaires des PME artisanales
par ville (en milliards de dirhams)
Casablanca
Marrakech
Fès
Rabat-Salé
Tanger-Tétouan
Agadir-Tiznit
Reste des villes
Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
322
Profils sectoriels et émergence industrielle
Les villes de Guelmim, Essaouira et Kénitra ont enregistré également
une forte croissance de leur chiffre d’affaires, qui a augmenté, en 2015,
respectivement de 45,4 %, 18,2 % et 16,8 % par rapport à 2014.
Les PME sont généralement concentrées dans les grands pôles urbains dotés
d’infrastructures de base importantes (autoroutes, ports, hôtels, etc.). Elles
commercialisent leurs produits sur le marché national et international générateur
de revenus conséquents. A titre d’exemple, en 2006, les villes de Casablanca, Fès
et Marrakech ont produit près de 70 % des exportations des produits artisanaux.
Graphique 8
Évolution du chiffre d’affaires des PME par type de client
Ménages résidents
MRE
Commerçants
Touristes
Autres clients
PME
Export
Autres artisans
Source : Compilations réalisées par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
Ce choix orienté vers le marché international est motivé par les subventions
accordées dans le cadre du programme Vision 2015 de l’artisanat. Entre 2007
et 2012, 112 PME ont bénéficié de ce programme (Cours des comptes, 2015).
1.1.3. Emploi généré par les PME artisanales
La concentration des PME artisanales dans les cinq villes du pays
susmentionnées a eu un impact sur la création d’emplois dans ces villes.
Sur toute la période couverte par l’analyse, il ressort que les PME situées à
Casablanca créent le plus grand nombre d’emplois (voir graphique 10).
Cependant, l’analyse de l’évolution de l’emploi des PME par ville montre
que la ville de Casablanca connaît, ces dernières années, une légère baisse des
créations de postes, en faveur d’une migration vers les régions d’Agadir-Tiznit
et de Tanger-Tétouan. Par ailleurs, l’analyse des emplois créés par les PME
et par métier montre que, tout au long de la période 2006-2015, le métier
du bois a créé le plus d’opportunités d’insertion professionnelle, suivi par les
métiers du vêtement et du tapis (voir graphique 10), métiers employant de la
main-d’œuvre intensive. Ces PME ont créé, durant la dernière décennie, entre
30 % à 40 % des emplois du secteur de l’artisanat.
Artisanat
323
Graphique 9
Évolution de la distribution des emplois créés
par les PME artisanales par ville
Casablanca
Fès
Marrakech
Rabat-Salé
Agadir-Tiznit
Tanger-Tétouan
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
Graphique 10
Évolution de la distribution des emplois créés par les PME par type de métier
Bois
Poterie et pierre
Vêtements
Bâtiments
Tapis
Fer forgé
Maroquinerie
Bijouterie
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
1.1.4. Dépenses en investissement des PME artisanales
L’analyse des dépenses d’investissement des PME du secteur de l’artisanat
montre qu’elles sont généralement affectées à deux types d’investissement :
l’aménagement des locaux des entreprises et l’acquisition et la rénovation des
outils et machines.
La majeure partie des investissements réalisés par les PME entre 2009
et 2015 était destinée à l’achat d’outils et/ou des machines de production
(graphique 11). Le montant de ces dépenses varie entre 50 % et 85 % des
dépenses totales de l’investissement des PME.
324
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 11
Évolution des dépenses d’investissement
des PME artisanales par type
Travaux sur les locaux
Outils/machines
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
Malgré le nombre réduit des PME qui engagent des dépenses
d’investissement, la somme la plus importante est réservée à l’acquisition des
outils et des machines. Ces entreprises accordent de plus en plus d’intérêt à
l’amélioration des techniques de production. En 2010, le pourcentage des
PME ayant rénové leur machines était de 52 %, alors qu’en 2009 il n’était
que de 42 %. Cependant, en 2015, sur l’ensemble des PME du secteur, 69 %
ont attesté que l’objectif de rénovation et de remplacement des machines
était la principale raison des dépenses d’acquisition d’outils et de machines
(Observatoire national de l’artisanat, 2015).
L’augmentation des dépenses d’investissement, de rénovation et de
remplacement est motivée, d’une part, par les avantages accordés dans le cadre
de la charte de l’investissement et ceux consentis dans le cadre du support
aux entreprises du secteur, d’autre part, par la stratégie Vision 2015 qui vise
l’émergence et l’appui de certaines entreprises du secteur auxquelles il sera
attribué la qualité d’« acteur de référence » dans le secteur de l’artisanat.
Ces entreprises « actrices de référence » sont sélectionnées sur la base de
l’évolution d’un ensemble de critères, dont le chiffre d’affaires, les exportations,
la formation, l’emploi et l’investissement. Ce dernier critère renvoie à
l’investissement dans la capacité de production grâce à la mobilisation de
modes et d’outils de production performants.
1.2. La dynamique des mono-artisans et des coopératives
Deux catégories d’artisanat, à chacune desquelles correspond un type
de mono-artisan, sont à distinguer : l’artisanat urbain – auparavant qualifié
d’artisanat d’art – et l’artisanat rural – appelé « artisanat de production
utilitaire courante ».
Artisanat
325
L’artisanat urbain correspond à une production artisanale de qualité
caractérisée par l’unicité de la technique et du produit. Ce type d’artisanat suit
les tendances du marché – national et international – tout en restant fidèle, dans
une certaine mesure, aux formes et aux décors des modèles anciens (Sefrioui,
1973). Ce type d’artisanat n’est pas menacé par la concurrence. Il est le fait de
mono-artisans ou de micro-entreprises urbaines qui disposent en général d’un
local (Ministère de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, 2006).
L’artisanat rural se distingue de l’artisanat urbain par « son authenticité
plus prononcée, sa simplicité et sa stabilité dans le style et la nature des
productions offertes » (Observatoire national de l’artisanat, 2006). C’est le
produit d’un savoir brut de l’artisan, original et affranchi de toute influence
étrangère (Sefrioui, 1973). Ce genre d’artisanat est réalisé par des monoartisans ruraux « dont l’activité artisanale est secondaire (en plus d’une activité
principale, essentiellement agricole) et qui exercent dans leurs domiciles »
(Ministère de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, 2006).
1.2.1. Caractéristiques et évolution des mono-artisans
Le secteur de l’artisanat est dominé par les mono-artisans qui ont généré,
entre 2006 et 2015, la plus grande part du chiffre d’affaires du secteur de
l’artisanat (graphique 4). Cependant, bien que leur nombre soit élevé, le
chiffre d’affaires qu’ils ont généré a connu une baisse significative durant ces
dernières années (graphique 12).
Graphique 12
Évolution du nombre de mono-artisans par type
et des PME artisanales (3)
PME
Mono-atisans ruraux
Mono-artisans urbains
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
3. Pour analyser uniquement les mono-artisans, il a semblé convenable que le nombre des
mono-artisans urbains ne prenne pas en considération les PME. Il a donc été estimé ainsi :
emploi urbain – (emploi total x taux d’emploi des PME)/100).
326
Profils sectoriels et émergence industrielle
L’analyse du chiffre d’affaires par type de client révèle que ces monoartisans recommandent la vente directe. Ils sont majoritairement orientés
vers le marché national. Ce constat est de moindre ampleur pour les artisans
urbains alors qu’il est plutôt prononcé chez les ruraux.
En effet, les principaux clients des mono-artisans urbains sont
principalement des ménages locaux, suivis des commerçants (intermédiaires)
et des touristes étrangers (voir graphique 13). Les ventes des mono-artisans
urbains à ces trois types de client représentent en moyenne plus de 70 % de
leur chiffres d’affaires.
Graphique 13
Évolution du chiffre d’affaires des mono-artisans urbains
par type de client
Ménages résidents
MRE
Commerçants
Touristes
Autres clients
PME
Export
Autres artisans
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
Néanmoins, ces dernières années, le chiffre d’affaires généré par les ventes aux
ménages résidents a baissé au profit des commerçants : la vente aux intermédiaires
garantit aux mono-artisans une commercialisation rapide de leurs produits.
Graphique 14
Répartition du chiffre d’affaires des mono-artisans ruraux
par type de client
Ménages résidents
MRE
Commerçants
Touristes
Autres clients
PME
Export
Autres artisans
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire national de l’artisanat
(de 2006 à 2015).
Artisanat
327
Toutefois, les mono-artisans ruraux préfèrent toujours écouler leur
marchandise sur le marché dans lequel ils évoluent. Le poids du chiffre
d’affaires généré par la commercialisation des produits aux ménages résidents
dépasse à lui seul la moyenne de 85 % de leurs chiffres d’affaires.
Contrairement artisans urbains, les intermédiaires sont rarement sollicités
par les artisans ruraux. D’ailleurs, leur production est peu demandée par les
commerçants. Ceci s’explique par le fait que les produits de l’artisanat rural
sont caractérisés par leur simplicité et leur stabilité dans le style et ne suivent
pas les goûts et les tendances du marché.
1.2.2. Caractéristiques et évolution des coopératives artisanales
Le nombre de coopératives artisanales a connu une augmentation continue
au cours des vingt dernières années. Leur nombre a été octuplé entre 1998 et
2015, passant ainsi de 313 à 2497 coopératives (voir graphique 15). Cette
évolution est due essentiellement à l’Initiative pour le développement humain
(INDH), lancée en 2005, visant à lutter contre la pauvreté, la précarité et
l’exclusion sociale.
Graphique 15
Évolution du nombre de coopératives artisanales entre 1998 et 2006
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Office du développement de la
coopération (de 1998 à 2015).
L’augmentation du nombre de coopératives artisanales s’est également
accompagnée d’une multiplication d’adhérents. Leur effectif est passé,
entre 2010 et 2015, de 22 321 à 35 584 adhérents. En 2015, 987 sur
2 497 coopératives artisanales sont des coopératives féminines, qui comptent
13 965 adhérentes.
Le nombre d’adhérents est élevé principalement dans les régions de FèsMeknès, Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Marrakech-Safi, Drâa-Tafilalet et
Casablanca-Settat.
328
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 16
Évolution du nombre des adhérents de coopératives artisanales
entre 2010 et 2015
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Office du développement de la
coopération (de 2010 à 2015).
Par ailleurs, à la différence des PME et des mono-artisans qui sont
particulièrement concentrés en milieu urbain, les coopératives artisanales sont
dispersées sur tout le territoire.
Ces coopératives artisanales ont connu une évolution exponentielle dans
les régions du Sud, principalement celles de Laâyoune-Assakia Al Hamra
et de Guelmim-Oued Noun. De 1998 à 2015 elles sont passées de 21 à
732 coopératives en 2015.
Quant aux coopératives des régions de Fès-Meknès et Rabat-Salé-Kénitra,
leur nombre a quintuplé entre 1998 et 2015, passant de 135 à 737 coopératives.
Graphique 17
Taux d’évolution du nombre de coopératives artisanales
par région de 1998 à 2015
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Office du développement de la
coopération.
A l’instar des PME artisanales, le nombre des coopératives a connu une
augmentation remarquable grâce à l’INDH, qui n’a cessé de leur apporter son
soutien.
Artisanat
329
2. Dynamique de changement du secteur
Sous l’effet des différentes actions menées en faveur du développement et de
la modernisation, le secteur de l’artisanat est destiné à vivre des changements.
Ces mutations sont dues à des facteurs aussi bien endogènes qu’exogènes. Les
facteurs endogènes influencent la demande et la nature des acteurs opérant dans
le secteur, les facteurs exogènes concernent l’effet des fluctuations internationales
et de la politique d’ouverture du Maroc sur l’évolution du secteur.
Dans la mesure où les actions de modernisation du secteur concernent
essentiellement les PME artisanales, qui sont également les principales actrices
du secteur orientées vers l’exportation, nous focalisons l’analyse des facteurs de
changement du secteur sur les PME leader du secteur de l’artisanat.
Ainsi, le premier point portera sur le diagnostic interne du secteur où
nous analyserons, tout d’abord, les caractéristiques des entreprises artisanales
leader et identifierons, ensuite, les facteurs créateurs de valeur. Le diagnostic
externe mené dans le deuxième point permettra de mettre en exergue l’effet
des macro- et micro-environnements sur l’évolution du secteur. Enfin, l’accent
sera mis sur les principaux facteurs (internes et externes) susceptibles d’avoir
de profondes répercussions sur les acteurs du secteur.
2.1. Diagnostic du secteur
Dans un environnement caractérisé par de permanentes mutations, le
diagnostic interne du secteur permet de faire le point sur sa dynamique. Il vise
l’identification des facteurs-clés de succès, sources d’avantages concurrentiels
et de pérennité des entreprises « leader » du secteur.
Le diagnostic externe fera la lumière sur l’effet des différents types de
mutation et de grandeur économique sur l’évolution du secteur. Seront donc
analysés les environnements micro-économiques et macro-économiques.
2.1.1. Diagnostic interne
Le diagnostic interne du secteur de l’artisanat a permis de relever un
certain nombre de caractéristiques communes et des facteurs créateurs de
valeur pour les entreprises leader.
Caractéristiques des entreprises leader
Selon la Vision 2015 de l’artisanat, les acteurs de référence dans le secteur
sont des entreprises modernes structurées, orientées vers l’export. Elles ont un
330
Profils sectoriels et émergence industrielle
grand potentiel et atteignent un chiffre d’affaires allant de 100 à 200 millions de
dirhams sur une période de dix ans, réalisé majoritairement (80 %) à l’export.
Depuis le lancement de la Vision 2015, 16 acteurs de référence ont été
sélectionnés (4) et sont considérés comme les leaders du secteur. Ils sont
caractérisées par une maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur de leur
filière, à savoir :
• la production : la mobilisation de modes et d’outils de production
performants et le recours à une sous-traitance performante auprès d’autres
producteurs du secteur ;
• la distribution et la commercialisation : le recours à des partenariats avec
des réseaux de distribution et la capacité à satisfaire la demande de manière
régulière et en volumes suffisants ;
• le design : la capacité de développer et d’innover les designs des produits
en permanence pour les faire adapter aux goûts, tendances et évolutions de la
demande du marché.
La maîtrise des différents maillons de la chaîne de valeur permet à ces
entreprises d’être plus réactives aux évolutions des goûts, tendances et donc de
mieux répondre aux exigences de la demande du marché.
Analyse des facteurs créateurs de valeur
Le diagnostic interne permet de relever quatre facteurs communs aux
entreprises leaders du secteur, qui leur procurent un avantage concurrentiel
et assurent leur pérennité : le système management qualité, la recherche et
développement (R&D), la formation continue et le système d’information.
Ces facteurs procurent à ces entreprises une connaissance fine des attentes des
consommateurs et constituent un avantage concurrentiel.
En effet, les entreprises leaders du secteur placent le client ou encore les
exigences du marché au centre de leurs priorités. Elles disposent pour ce faire
soit d’un service dédié au contrôle qualité soit d’un certificat ISO 9001 relatif
aux systèmes de management de la qualité. Ce certificat garantit la conformité
avec les exigences des clients et celles légales et réglementaires applicables
et représente une source d’externalités positives pour les entreprises dont
l’activité est principalement orientée vers les marchés internationaux.
Concernant la recherche et développement (R&D), certaines entreprises
leaders ont été primées par le prix de la meilleure innovation. Ce qui s’explique
4. Le nombre des acteurs de référence sélectionnés est de 7 au titre de l’année 2007 et de 9
au titre de l’année 2009, sachant que 3 PME artisanales ont été sélectionnées dans l’édition
de 2007 et dans celle de 2009.
Artisanat
331
par le fait qu’elles opèrent dans l’artisanat de luxe, où la maîtrise et le
développement des techniques et des procédés s’avèrent essentiels. Pour ce faire,
elles disposent d’un département de recherche et développement permettant
de développer l’esprit d’innovation en permanence et d’avoir une vision avantgardiste sur l’évolution des tendances et des cycles de vie des produits.
En ce qui concerne la formation continue de leurs employés, soit ces
entreprises font appel soit à des formateurs externes pour développer la
technicité et le savoir-faire de leurs artisans, soit elles disposent de leur
propre académie de formation. Ces formations concernent aussi bien le
perfectionnement des techniques de production que le développement des
techniques de vente.
Parallèlement, les entreprises leaders disposent de systèmes d’information
qui gèrent l’ensemble des activités de soutien : comptabilité, budget, achats,
inventaire, vente, gestion de la relation-client, gestion de projet, ressources
humaines, etc.). À l’encontre de la gestion manuelle et traditionnelle, les
systèmes d’information permettent aux entreprises leaders de prendre des
décisions basées sur des informations en temps réel.
2.1.2. Diagnostic externe
Comme tout secteur économique ayant sa place dans l’économie nationale et
qui participe aux échanges internationaux, le secteur de l’artisanat est influencé
indistinctement par son macro-environnement et son micro-environnement.
Ainsi, afin de capter l’impact des facteurs externes sur le secteur de
l’artisanat, il est essentiel de diagnostiquer ces deux types d’environnement.
Analyse du macro-environnement du secteur
L’analyse du macro-environnement du secteur de l’artisanat à travers
l’évolution de ses exportations montre que celui-ci demeure influencé par les
fluctuations économiques internationales et par les événements géopolitiques.
En effet, l’évolution des exportations durant la période allant de 1998 à
2015 met en évidence une baisse de 28 %. Cette situation s’est détériorée dans
les années postérieures à 2001, qui correspondent à l’après 11-Septembre et qui
renvoient à une situation géopolitique internationale morose (graphique 18).
Cette situation s’est accentuée avec la crise financière qui s’est déclenchée à
l’été 2007 aux États-Unis et qui s’est propagée dans le monde entier. La crise
financière a également eu une incidence sur les PME artisanales dont l’activité
de production est majoritairement destinée à l’export et dont la variation du
chiffre d’affaires révèle une baisse de 14 points entre 2008 et 2009.
332
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 18
Évolution des exportations des produits de l’artisanat marocain
entre 1998 et 2015 (en milliers de dirhams)
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de Haut-Commissariat au Plan (1998-2005)
et de l’Observatoire national de l’artisanat (2006 à 2015).
Graphique 19
Évolution des exportations des produits de l’artisanat marocain
par débouché entre 1998 et 2015 (en milliers de dirhams)
Pays de l’UE
États-Unis et Canada
Pays arabes et africains
Australie
Japon
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de Haut-Commissariat au Plan (1998-2005)
et de l’Observatoire national de l’artisanat (2006 à 2015).
Les exportations marocaines des produits de l’artisanat vers l’Union
européenne (UE) ont connu leur plus importante baisse (– 51 % en 2015
par rapport à 1998), alors que l’UE est le principal débouché de l’artisanat
marocain (voir graphique 19). Par contre, elles ont connu une augmentation
sur d’autres marchés tels que les États-Unis et le Canada, les pays arabes et les
pays africains, l’Australie et le Japon.
Analyse du micro-environnement du secteur
L’analyse du micro-environnement du secteur de l’artisanat montre que
la politique de développement du secteur et les mesures d’incitation fiscale
initiées par l’État donnent un élan à ce secteur.
Il est à signaler également, que le micro-environnement est en partie
influencé par le macro-environnement. En effet, malgré l’amélioration continue
du chiffre d’affaires global du secteur, son taux de variation révèle une baisse
Artisanat
333
substantielle après 2008. Cette baisse a concerné aussi bien les PME, qui sont
généralement orientées vers l’export, que les mono-artisans qui sont la majorité
des acteurs du micro-environnement du secteur de l’artisanat et dont l’activité
est dédiée majoritairement au marché national (voir graphique 20).
Graphique 20
Taux de variation du chiffre d’affaires des mono-artisans
entre 2006 et 2015
Source : Compilation réalisée par l’auteur à partir des données de l’Observatoire
national de l’artisanat (de 2006 à 2015).
Toutefois, ce secteur demeure soutenu par les initiatives de l’État : l’INDH ;
la stratégie Vision 2015 pour le développement de l’artisanat et le dispositif
d’incitation fiscale en faveur des entreprises artisanales.
L’INDH, lancée en 2015, a favorisé la création de coopératives artisanales,
qui ont bénéficié d’un financement. Leur nombre a été multiplié par 7,7 entre
1998 et 2015, or c’est à partir de l’année 2005 que leur nombre a connu
l’augmentation la plus importante.
Concernant la stratégie Vision 2015 qui vise la restructuration et la
modernisation du secteur de l’artisanat, ses retombées ont été bien visibles et
concrétisées en partie par l’augmentation du nombre des PME artisanales. En
effet, après la mise en œuvre de cette stratégie, le nombre des PME artisanales
a presque triplé, passant de 310 en 2006 à 848 en 2015.
Par ailleurs, les entreprises artisanales, dont la production est le résultat
d’un travail essentiellement manuel, bénéficient d’un taux réduit de 17,5 %
de l’impôt sur les sociétés (IS) et d’un taux réduit de 20 % de l’impôt sur le
revenu (IR) pendant les cinq premiers exercices consécutifs suivant la date du
début de l’exploitation (Ministère de l’Économie et des Finances, 2016).
2.2. Facteurs de changement du secteur
Les diagnostics externe et interne du secteur de l’artisanat ont permis de
mettre en exergue les principaux facteurs susceptibles d’avoir de profondes
répercussions sur les acteurs du secteur. On distinguera les facteurs internes et
externes de changement du secteur de l’artisanat au Maroc.
334
Profils sectoriels et émergence industrielle
2.2.1. Facteurs de changement internes
Nous distinguons les facteurs qui influencent la nature de la demande et
ceux qui influencent la nature des acteurs.
La demande des produits de l’artisanat marocain est essentiellement liée aux
goûts et aux tendances du marché. Ainsi, les préférences des consommateurs
occupent un rôle central, dans la mesure où un changement dans leurs goûts
implique une mutation dans leurs préférences et donc dans leurs choix quant
aux produits artisanaux.
Ces changements sont soit la résultante d’une simple évolution dans les
goûts soit, généralement, le résultat d’une évolution technologique ou d’une
innovation qui redirigent la demande vers des produits plus innovants et
plus responsables (comme par exemple l’utilisation de matières premières
non nocives). Ces changements technologiques et ces innovations sont ainsi
des facteurs qui impliquent des changements dans la demande du secteur de
l’artisanat.
Par ailleurs, la nature des acteurs opérant dans le secteur ainsi que l’intensité
de la concurrence dépendent de plusieurs éléments dont essentiellement les
programmes d’encouragement à l’émergence d’acteur modernes et structurés.
Face au développement de produits de substitution aux produits artisanaux
et à la forte concurrence étrangère, les entreprises marocaines ont besoin
d’un soutien pour assurer leur pérennité. Ceci était patent après la mise en
œuvre de la stratégie de développement et de modernisation du secteur qui a
favorisé l’augmentation du nombre de PME leaders. De même, de nombreux
groupements d’entreprises et de partenariats entre entreprises du secteur ont
vu le jour.
Ainsi, le facteur institutionnel qui vise le développement du secteur est
également un facteur de changement interne de la nature du secteur.
Les plans de développement territoriaux initiés par l’État influencent
également la concentration géographique des acteurs du secteur de l’artisanat.
L’apparition de nouveaux pôles industriels (par exemple Tanger Med et
Settapark) a favorisé une distribution territoriale plus disparate des PME
artisanales au Maroc.
En somme, les facteurs internes de changement du secteur de l’artisanat
s’articulent autour de trois éléments : 1. les innovations technologiques
qui modifient la nature de la demande ; 2. les actions œuvrant pour le
développement et la modernisation du secteur qui modifient la nature et la
qualité des acteurs du secteur ; 3. la création de nouveaux pôles industriels qui
modifie la distribution territoriale des acteurs du secteur.
Artisanat
335
2.2.2. Facteurs de changement externes
Bien qu’il soit lié à l’évolution des tendances et aux exigences de la demande,
le secteur de l’artisanat demeure fortement dépendant des fluctuations
internationales et de la politique d’ouverture du Maroc sur le monde.
Une modification dans les perspectives économiques internationales,
notamment celles des principaux débouchés pour les exportations des
produits de l’artisanat, influence grandement l’évolution du secteur. Le repli
des exportations est positivement lié à une situation géopolitique mondiale
moins optimiste dans les principaux pays partenaires du Maroc.
Par ailleurs, les partenariats et accords d’échanges établis par le Maroc avec
de nouveaux partenaires (par exemple les pays de l’Afrique, le Japon etc.)
favorisent l’insertion des produits marocains sur de nouveaux marchés et la
diminution sa dépendance vis-à-vis des pays de l’Europe.
Ainsi, les facteurs externes susceptibles d’induire un changement du
secteur de l’artisanat sont essentiellement : les fluctuations économiques,
la modification des conditions géopolitiques internationales et les accords
d’échanges commerciaux.
3. Forces, faiblesses, opportunités et menaces
Les forces et les faiblesses du secteur de l’artisanat renvoient aux facteurs
internes du secteur, alors que les opportunités et les menaces renvoient aux
facteurs externes. Nous analysons, dans un premier volet, le niveau interne
du secteur qui se caractérise par la prédominance des mono-artisans chez
les PME et dont la production est principalement destinée au marché
local. Le deuxième volet portera sur l’analyse du niveau externe du secteur
dont les exportations sont dépendantes de la conjoncture économique. Ces
exportations souffrent de la concurrence des produits en provenance des pays
ayant une main-d’œuvre bon marché.
Malgré ces menaces, le secteur profite des opportunités offertes par la
nouvelle politique d’ouverture du pays sur l’extérieur, l’instauration d’un
régime de change flexible et surtout des incitations fiscales en faveur des PME.
3.1. Forces et faiblesses
En dépit des programmes de relance du secteur de l’artisanat, le processus
de sa restructuration se révèle très lent. En effet, le secteur de l’artisanat est
caractérisé par une forte prédominance des mono-artisans dont la production
336
Profils sectoriels et émergence industrielle
n’est pas toujours modernisée. A l’instar des coopératives artisanales, leur
production est destinée principalement au marché national.
Par ailleurs, bien que le nombre des PME artisanales ait triplé entre 2006
et 2016, celles-ci couvrent faiblement le marché national, car leur production
est principalement destinée à l’exportation. Elles restent concentrées
principalement dans les cinq pôles urbains du Maroc. Casablanca absorbe
40 % de l’emploi créé dans le secteur.
Ces PME sont innovantes, structurées et compétitives grâce aux produits
authentiques à fort contenu culturel. Elles opèrent depuis longtemps dans le
secteur de l’artisanat (5). Elles maîtrisent l’ensemble de la chaîne de valeur
de leur filière et procèdent à l’informatisation de leurs travaux à travers
l’implémentation des systèmes d’information, réussissant ainsi leur processus
de modernisation. Leur pérennité est due à la qualité des produits assurée par
la mise en place d’un processus de contrôle-qualité, notamment le « système
management qualité » (6).
Ces PME leaders prônent des stratégies d’innovation grâce à l’investissement
dans la recherche et développement (R&D) et accordent une importance
à la formation continue de leurs artisans pour répondre aux attentes des
consommateurs.
Tableau 1
Analyse des facteurs internes sources de forces et de faiblesses
Forces
Facteurs
internes
au secteur
• PME leaders :
– maîtrisent la chaîne de valeur ;
– disposent du système management
qualité ;
– prônent l’innovation à travers la R&D ;
– formation continue ;
– disposent d’un système d’information ;
– entreprises établies depuis longtemps.
• Avantage concurrentiel de
différenciation.
• Produits authentiques, issus
principalement d’un travail manuel.
• Produits à fort contenu culturel issu du
patrimoine marocain.
Faiblesses
• Prédominance de mono-artisans.
• Nombre de PME relativement faible.
• Faible couverture du marché
national par les PME.
• Concentration dans quelques villes.
• Coût élevé de la main-d’œuvre en
comparaison avec les pays asiatiques.
Analyse effectuée sur la base de : i) la documentation publiée par les PME leaders ; ii) les données publiées
par le département de l’Artisanat ; iii) les données publiées par l’Observatoire national de l’artisanat.
5. C’est le cas par exemple d’une entreprise nommée à deux reprises « acteur de référence »
et qui opère sur le secteur depuis 1952 dans le domaine des bougies et de l’artisanat de luxe.
6. C’est le cas d’une entreprise nommée « acteur de référence » qui opère sur le secteur depuis
1975 dans le domaine de la fabrication de pièces industrielles en métaux non ferreux et qui
dispose d’un certificat ISO 9001 version 2008.
Artisanat
337
Ces facteurs permettent aux entreprises du secteur d’avoir une connaissance
fine et visionnaire de l’évolution de la demande et leur procurent un avantage
concurrentiel basé sur la différenciation du produit à la fois unique et de
bonne qualité. Une augmentation du nombre de PME artisanales leaders
pourrait constituer une source de dynamisme du secteur de l’artisanat. Cette
augmentation est possible grâce à l’encouragement de l’entrepreneuriat dans le
secteur de l’artisanat et/ou au développement de la technicité et du savoir-faire
des mono-artisans. Ces derniers peuvent se regrouper dans des coopératives et
des groupements d’intérêt économique (GIE), qui facilitent la vente de leurs
produits sur le marché national et international.
Par ailleurs, l’émergence de nouveaux pôles urbains, à l’image de TangerTétouan, peut favoriser une déconcentration de l’offre artisanale et d’emblée
participer à la création d’emplois dans d’autres des villes que Casablanca.
3.2. Opportunités et menaces
Le diagnostic externe du secteur de l’artisanat a permis de recenser
les menaces susceptibles de gêner son développement mais également les
opportunités offertes par le marché.
En effet, les PME artisanales leaders sont majoritairement orientées vers
l’export, rendant la prospérité de leurs activités dépendantes de la conjoncture
économique internationale. La chute des exportations artisanales marocaines
de près de 14 points en 2009 par rapport à 2008 en est la meilleure illustration
(voir graphique 18). Cette dépendance à la conjoncture économique est
aggravée par l’étroitesse du marché extérieur, limité à l’Union européenne et
particulièrement à la France et à l’Allemagne.
De plus, les produits marocains sont durement confrontés à la concurrence
des produits provenant des pays du Maghreb et de l’Asie et des produits de
substitution (7) dont les prix sont relativement moins chers (Conseil national
du commerce extérieur, 2013).
Par ailleurs, le secteur de l’artisanat pourrait bénéficier des
offertes par le marché, dans la mesure où celui-ci constitue
développement de ses activités. En effet, l’orientation vers
extérieurs est motivée par une forte croissance de la demande
marocains, demande formulée par certains pays africains et
émergents, notamment le Japon.
opportunités
le levier du
les marchés
des produits
par les pays
7. Par exemple l’industrie de la chaussure en cuir est concurrencée par la chaussure synthétique
en caoutchouc et en plastique dont le prix est relativement moins cher.
338
Profils sectoriels et émergence industrielle
Tableau 2
Analyse des facteurs externes sources d’opportunités et de menaces
Opportunités
Facteurs
externes
au secteur
• Forte croissance de la demande des
produits de l’artisanat dans des pays
émergents.
• Ouverture du Maroc sur de nouveaux
pays : Chine, Japon, Inde, Afrique.
• Régime de change flexible =
compétitivité – prix.
• Soutien fiscal aux PME artisanales.
• Programmes de développement du
secteur.
Menaces
• Dépendance aux conditions
économiques internationales.
• Faible présence des produits de
l’artisanat marocain dans certains pays.
• Concurrence des pays asiatiques et du
Maghreb.
• Existence de produits de substitution
moins chers.
• Faible compétitivité des produits
marocains.
• Changement continu des préférences
des consommateurs.
Analyse effectuées sur la base de : i) la documentation publiée par les PME leaders ; ii) les données publiées
par le département de l’Artisanat ; iii) les données publiées par l’Observatoire national de l’artisanat.
Par ailleurs, le secteur de l’artisanat pourrait bénéficier des
offertes par le marché, dans la mesure où celui-ci constitue
développement de ses activités. En effet, l’orientation vers
extérieurs est motivée par une forte croissance de la demande
marocains, demande formulée par certains pays africains et
émergents, notamment le Japon.
opportunités
le levier du
les marchés
des produits
par les pays
La politique d’ouverture du Maroc a été entérinée par la signature
de conventions d’échanges commerciaux, avec la Chine et l’Inde, qui
permettront, au final, de réduire la dépendance à l’égard du marché européen.
Cette opportunité est accompagnée d’un certain nombre d’initiatives
étatiques visant à encourager les entreprises de l’artisanat à développer leur
production à même de détenir des positions dominantes sur les marchés local
et international. Les stratégies de développement propres au secteur et le
soutien fiscal des PME artisanales en sont les meilleurs exemples.
Par ailleurs, l’adoption par le Maroc, à partir de 2018, du régime de change
flottant permettrait aux produits marocains de gagner en compétitivité-prix
et, partant, d’avantager les entreprises artisanales exportatrices (8).
En conclusion, l’artisanat au Maroc est aujourd’hui un secteur à part
entière, qui participe aux échanges internationaux et à la création de la
richesse et de l’emploi du pays.
8. Le régime de change flottant est un régime où le taux de change est déterminé par la
confrontation de l’offre et de la demande des devises sur le marché des changes sans
intervention des autorités monétaires (ou très peu).
Artisanat
339
Ce secteur a connu le développement d’un tissu de PME artisanales
modernisées, structurées, maîtrisant l’ensemble de la chaîne de valeur de leur
filière et accordant une importance à l’innovation. Les facteurs créateurs de
valeur de ces entreprises s’articulent autour du système management qualité,
de la recherche et développement, de la formation continue et du système
d’information.
A la différence des mono-artisans, les PME sont principalement orientées
vers les activités exportatrices. Leur nombre et leur chiffre d’affaires sont en
forte augmentation.
Les PME et les mono-artisans sont principalement concentrés dans les
villes de Casablanca, Marrakech, Fès, Rabat-Salé, Tanger-Tétouan, alors que
les coopératives artisanales sont plus dispersées géographiquement. Elles sont
prépondérantes dans les grands pôles urbains et dans les régions du Sud et de
l’Oriental.
A ce jour, les actions et les programmes menés pour développer et faire
émerger des PME modernisées ont permis une véritable métamorphose du
secteur. Ces actions pourraient être optimisées par des facteurs internes et
externes.
Les facteurs internes peuvent s’articuler autour des innovations
technologiques qui modifient la nature de la demande, les actions œuvrant
pour l’amélioration de la compétitivité et la modernisation du secteur qui
modifient la nature et la qualité des acteurs du secteur et enfin la création de
nouveaux pôles industriels qui modifient la distribution territoriale des acteurs
du secteur de l’artisanat.
Quant aux facteurs externes, touchant essentiellement les exportations, ils
concernent les fluctuations économiques mondiales, les relations géopolitiques
internationales, les accords d’échanges commerciaux et la compétitivité des
produits de l’artisanat marocain.
En définitive, l’analyse interne du secteur de l’artisanat a permis de constater
que les PME artisanales prônent un avantage concurrentiel de différenciation
qui leur assure une certaine pérennité. Toutefois, elles demeurent concentrées
dans quelques pôles urbains du Royaume.
L’analyse externe a montré que les produits de l’artisanat connaissent une
forte demande des pays étrangers. Cependant, ils sont concurrencés par les
produits de substitution et par ceux qui viennent des pays de l’Asie et du
Maghreb et qui sont moins chers.
340
Profils sectoriels et émergence industrielle
Face à ce constat, la dynamique du secteur de l’artisanat pourrait être
stimulée grâce à la mise en place d’un certain nombre d’actions : l’incitation
au développement de PME artisanales modernes et structurées, la création
de nouveaux pôles urbains et industriels comme celui de Tanger-Tétouan,
la distribution équilibrée de leur localisation et la recherche de nouveaux
débouchés pour le secteur.
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l’industrie de la chaussure.
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Plan triennal 1965-1967.
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Artisanat
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3e édition.
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4e édition.
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5e édition.
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6e édition.
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7e édition.
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8e édition.
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9e édition.
Observatoire national de l’artisanat (2015), Panorama de l’artisanat,
10e édition.
Sefrioui A. (1973), « L’artisanat marocain », Annuaire de l’Afrique du Nord,
p. 182-190.
CHAPITRE 12
Tourisme
Mohamed Boukherouk et Abdelmonaim Tlidi
Introduction
Au Maroc, le tourisme a connu des performances exceptionnelles durant
les deux dernières décennies. Des projets ambitieux ont permis d’augmenter la
capacité litière, de faciliter l’accessibilité, d’augmenter la desserte aérienne et de
diversifier l’offre touristique. Ce secteur constitue un important pourvoyeur de
devises et tient une place importante dans l’économie avec une contribution
qui avoisine 7 % au PIB environ 1 million d’emplois et des recettes de
72 milliards de dirhams en 2017. Le pays semble consolider sa position sur
la rive sud du pourtour méditerranéen, et Marrakech se positionne comme la
ville à voir au côté des destinations internationales… Le tourisme se diffuse sur
le territoire, bénéficiant d’un engouement de la demande, de la proximité des
marchés émetteurs et surtout de l’élan de la stratégie touristique (Visions 2010
et 2020). Il est à souligner que le nombre de touristes arrivés sur le territoire
marocain a été évalué en 2017 à 11,35 millions, avec environ 22 millions de
nuitées.
Néanmoins, les performances réalisées demeurent mitigées, eu égard aux
stratégies lancées depuis 2001 et aux objectifs fixés pour le développement du
secteur touristique. Le rythme de progression de la capacité d’hébergement
n’est pas suffisant pour que le Maroc puisse atteindre une capacité
d’hébergement de 460 000 lits, fixée comme objectif stratégique à l’horizon
2020.
En outre, plusieurs facteurs ont entravé la relance du secteur tels que les
événements du Printemps arabe qui ont impacté négativement la capacité du
pays à vendre son argument de sécurité et les turbulences de la conjoncture
internationale marquées par la récession de l’économie mondiale.
S’inscrivant dans le cadre de programme de recherche « Made in Morocco »,
la présente étude se fixe globalement comme objectif de faire la radioscopie
344
Profils sectoriels et émergence industrielle
du secteur du tourisme au Maroc en examinant ses différentes caractéristiques
portant aussi bien sur le cadre stratégique (Visions 2010 et 2020) que sur le
cadre réglementaire et de gouvernance. L’analyse se focalisera par la suite sur
une rétrospective du secteur du tourisme durant les deux dernières décennies,
en mettant en exergue la demande et l’offre touristique à travers le diagnostic
de l’évolution d’un ensemble d’indicateurs sectoriels (arrivées, nuitées, durée
de séjour, etc.). Enfin, l’accent sera mis sur les principales contraintes et
les défis à relever pour le développement du secteur tout en proposant des
pistes d’amélioration des performances du secteur touristique et de son
positionnement à l’échelle internationale.
1. Caractéristiques structurelles du secteur
Le tourisme moderne est un fait récent au Maroc. Il démarre pendant le
Protectorat, d’abord pour les colons, dans de petites poches touristiques, puis
évolue avec le temps. Le tourisme itinérant devient le concept-clé du tourisme
marocain construit autour des circuits mythiques des villes impériales et
du Grand Sud, avant les tentatives ratées de développement du balnéaire à
Tanger puis à Agadir à partir des années 60. Eternel espoir (1), le tourisme se
développe timidement dans un contexte très difficile.
Le Maroc a fait du tourisme un secteur prioritaire pour assurer son
développement économique social. Une attention particulière lui a été
accordée depuis les premières années de l’Indépendance et a permis de
renforcer certains acquis. La place importante, qu’il tient dans l’économie
confirmera le choix des décideurs. En effet, l’économie du pays est fragile
et dominée par un secteur agricole conditionné par les aléas du climat et
d’une sécheresse chronique, un secteur industriel faible largement dominé
par l’extraction minière d’exportation et un secteur des services naissant. Les
orientations des organismes financiers internationaux depuis les années 70 (2),
et les chutes des prix des matières premières feront du tourisme un secteur de
premier plan.
Par ailleurs, le pays a évolué d’une planification sectorielle traditionnelle,
dans le cadre des plans de développement socio-économique, vers une
planification stratégique décennale depuis les années 2000. Les Assises
nationales du tourisme de Marrakech en janvier 2001 marquent un tournant
1. A. Alami (2004), le Tourisme marocain : l’éternel espoir, Front Cover, Éditions Media Ten,
2004.
2. P. Aisner, C. Plüss (1983), la Ruée vers le soleil : le tourisme à destination du Tiers-monde,
Front Cover, L’Harmattan, Tourisme, 281 pages.
Tourisme
345
dans la gouvernance du secteur autant qu’au niveau de la planification.
Celle-ci est marquée par le signe de la participation et de la contractualisation
des engagements entre le secteur public et le secteur privé. La Vision 2010,
née du contrat programme signé lors de ces premières Assises, viendra appuyer
la position prioritaire du secteur tout en prenant en considération les variables
territoriales et la régionalisation de la politique. Des points qui reviendront
encore plus forts dans la Vision 2020.
1.1. Vision 2010 : un nouveau système de régulation
La Vision 2010 vient mettre fin à de longues années de tâtonnements,
marquées par la forte présence de l’État dans le secteur touristique à la fois
en tant que planificateur, promoteur et investisseur. L’action du secteur privé
était souvent timide et en deçà des attentes d’un État qui avait fait le choix du
libéralisme économique. La Vision 2010 constitue ainsi un tournant.
Le mérite de la Vision 2010 est d’avoir institué la contractualisation
public-privé à travers un accord-cadre puis un accord d’application entre
le gouvernement et la Confédération générales des entreprises marocaines
(CGEM) sous la coupe de laquelle nous trouvons la Fédération nationale
des agences de voyage marocaines (FNAVM) et la Fédération nationale de
l’industrie hôtelière (FNIH). Cette nouvelle conception de la planification
touristique s’est basée sur un diagnostic que le secteur privé avait suggéré et
une approche participative qui a permis d’édifier plusieurs plans. La stratégie
s’est attelée à corriger les erreurs passées et à pallier les défaillances du secteur
face à une concurrence internationale acharnée.
Ainsi, le tourisme balnéaire a reçu la part du lion des investissements,
dans le cadre du très ambitieux Plan Azur. La vision avait prévu la création
de plusieurs stations balnéaires sur de nouveaux territoires, loin de la seule
et unique station balnéaire d’Agadir qui concentrait l’essentiel de l’offre.
La vision prévoyait 65 000 chambres balnéaires contre 15 000 chambres
sur les destinations culturelles. Ces chambres devaient être en majorité
concentrées dans des stations touristiques de nouvelle génération dans des
zones touristiques intégrées créées ex nihilo : la station Saïdia, sur le littoral
méditerranéen, et cinq autres stations sur la côte atlantique : Lixus, Mazagan,
Mogador, Taghazout et Plage blanche. Des projets d’envergure devaient
voir le jour grâce à des sociétés d’aménagement et de promotion touristique
internationales (tableau 1, p. 4), appuyés par des fonds d’investissements
marocains (H Partners, Fonds Maghrib Siayha, Madaëf et le Fonds
Hassan II).
346
Profils sectoriels et émergence industrielle
Encadré 1
Vision 2010 en chiffres
Les principaux objectifs de la Vision ont été :
• 8 à 9 milliards d’euros d’investissements (aménagement des nouvelles
stations balnéaires, infrastructures, hôtellerie et animation) ; 10 millions de
touristes, dont 7 millions de touristes internationaux (contre 5,5 M en 2005) ;
• 8 milliards d’euros de recettes en devises ;
• 160 000 lits supplémentaires (130 000 lits balnéaires et 30 000 lits dans les
destinations culturelles du pays) portant la capacité nationale à 230 000 lits ;
• recettes : le montant prévu est de 42 milliards d’euros ;
• emploi : 600 000 emplois nouveaux seront créés ;
• hisser la contribution du secteur touristique dans le PIB du pays à 8,5 % par
an pour atteindre 20 % en 2010.
Source : Accord d’application de l’accord-cadre 2001-2010.
D’autres chantiers, non programmés dans le cadre de la stratégie, vont
enrichir le portefeuille-projet balnéaire : Cala Iris, Tamuda Bay, Oued Chbika
Dakhla, aussi bien que de nouveaux projets pour le réaménagement des
grandes villes : la Marina de Casablanca, la Vallée du Bourgereg, la Marina
de Tanger, la zone touristique de l’Oukaimeden et le projet Nador Marchika.
En plus du choix prioritaire du balnéaire, d’autres programmes, en
l’occurrence Mada’in, visaient le développement et le renforcement de l’offre
culturelle des villes impériales de Marrakech et Fès aussi bien que Casablanca,
Tétouan et les régions Ouarzazate-Zagora, Meknès-Tafilalet dans le secteur
présaharien, notamment dans le cadre des programmes de développement
régionaux (PDR). Par ailleurs, une attention particulière a été accordée au
tourisme rural. À l’image de la démarche française du développement de
« pays touristiques français », la Vision 2010 donnait naissance au projet
de PAT (Pays d’accueil touristique) (3). Visant la structuration d’une offre
homogène qui s’appuie sur une identité forte et fédératrice dans les espaces
ruraux (4), elle aura permis d’amorcer un processus novateur dans ces espaces
périphériques et marginaux.
3. OMT-PNUD (2002), « Étude de la Stratégie de développement du tourisme rural », la
Société marocaine d’ingénierie touristique, Stratégie de développement du tourisme rural,
Madrid, mars 2002.
4. Les 8 Pays d’accueil touristique prévus par la stratégie sont : les Pays rifains, les Pays des
Beni Iznassen et du Maroc oriental, les Pays de la Cédraie-Moyen Atlas, les Pays de la Plaine
Tourisme
347
Tableau 1
Les cinq stations prévues dans le Plan Azur
Saïdia
Lixus
Mazagan
Mogador
Capacité litière
28 000
Capacité hôtelière
16 000
Capacité immobilière
Taghazout
12 000
8 000
10 500
21 000
7 500
3 900
6 600
15 800
12 000
4 500
4 100
3 900
5 200
Investissements
(MdDh)
9,3
5,3
5,3
5,6
—
Dont investissements
aménageur (MdDh)
3,7
> 1,4
> 2,5
> 2,4
10
Superficie (ha)
Aménageur
Début des travaux
Ouverture du
1er hôtel
614
Fadesa
461
Thomas &
Piro, ColbertOrco, Delta
holding,
Promoteur
belge
500
Kerzner,
Somed,
CDG,
MAMDA
500
Thomas
& Prion,
Risma,
ColbertOrco
868
Groupement
Colony
Capital/
Satoca,
Lopesan
Fév. 2004
Janv. 2006
Oct. 2005
Juil. 2005
Jan. 2007
2006
2007
2007
2007
2009
Source : Haut-Commissariat au Plan, Tourisme 2030 : quelles ambitions pour le Maroc ?, Prospective Maroc
2030.
La Vision 2010 révèle aussi le rôle important joué par l’État, qui reste encore
présent en tant qu’investisseur et promoteur touristique. Son action apparaît à
travers la Caisse de dépôt et de gestion (Maroc Hôtels et Villages, la CGI ou
d’autres sociétés), ses sociétés de gestion touristiques ou de promotion (SMIT
et ONMT) aussi bien qu’à travers les collectivités territoriales (commune,
province, région). Les services extérieurs des différents ministères (HautCommissariat aux Eaux et Forêt et à la Lutte contre la Désertification, Agence
pour la promotion et le développement économique et social des préfectures
du Nord, Agence pour la promotion et le développement économique et social
de l’Oriental, Agence pour la promotion et le développement économique
et social des Provinces du Sud…) ont été très présents dans cette nouvelle
dynamique. Des rôles de promotion de investissements ont été octroyés
aux centre régionaux d’investissement, tandis que les conseils régionaux du
tourisme, organes qui fédèrent des acteurs touristiques dans la même région,
atlantique, les Pays du Haut Atlas, les Pays du désert et des oasis, les Pays de l’arganier, les
Pays du désert atlantique.
348
Profils sectoriels et émergence industrielle
voient le jour dans le but d’une participation plus élargie au développement
du secteur touristique.
En somme, la vision s’est basée sur six différents chantiers (produit,
transport, marketing, organisation, formation et environnement touristique),
qui devaient permettre de relancer le tourisme au Maroc. En dépit des
difficultés, elle constitue un tournant dans la planification stratégique qui va
connaître un prolongement avec la vision 2020.
1.2. Vision 2020 : l’accent sur les territoires
La Vision 2020 vise à renforcer les efforts déjà engagés et à consolider
les acquis de la première, dont les réalisations ont été retardées et limitées
par une conjoncture difficile et un environnement international compliqué.
Cette nouvelle stratégie touristique s’est engagée dans la voie de la bonne
gouvernance dans une nouvelle démarche de partenariat et de concertation
public-privé. Une pléthore d’organismes et d’institutions ont vu le jour durant
cette période, dans le but d’accompagner la réalisation de la stratégie.
Malgré les échecs et les blocages de la Vision 2010, l’État réitère son
engagement à faire du tourisme le levier du développement avec les mêmes
engagements et les mêmes programmes. La nouvelle Vision propose
de capitaliser sur les programmes-phares avec quelques ajustements qui
permettront au pays de « Faire partie des 20 plus grandes destinations
mondiales et s’imposer comme une référence du pourtour méditerranéen en
matière de développement durable (5) ».
Six programmes généraux ont été maintenus, couvrant plusieurs produits :
Azur 2020 pour le balnéaire, Patrimoine et héritage pour le culturel, Écologie
et développement durable, le programme Animation, sports & loisirs,
un programme pour les niches et un autre consacré au tourisme national
« Kounouz Biladi ».
La nouvelle Vision vise 20 millions de touristes à l’horizon 2020 en misant
sur une politique de prospection agressive des marchés émergents pour placer
le pays dans les 20 premières destinations mondiales. En outre, la construction
de 200 000 nouveaux lits permettrait de doubler la capacité litière et de créer
470 000 nouveaux emplois. Ces objectifs ont été dressés avec la volonté de
poursuivre les efforts déjà entamés et de surpasser les difficultés et les blocages
qui ont retardé les réalisations de la Vision antérieure.
5. SMIT, « 2020, Stratégie de développement touristique », Département du tourisme,
ministère du Tourisme et de l’Artisanat, 2011.
Tourisme
349
Encadré 2
Objectifs de la Vision 2020
Les objectifs fixés pour la Vision 2020 sont :
• La construction de 200 000 nouveaux lits dont 150 000 hôteliers et 50 000
assimilés afin de doubler la capacité litière du Royaume.
• Doubler en conséquence les arrivées de touristes, en doublant les parts sur
les principaux marchés européens traditionnels et en attirant 1 million de
touristes issus des marchés émergents.
• Tripler le nombre de voyages domestiques, avec l’objectif de démocratiser
le tourisme dans le pays.
• Créer 470 000 nouveaux emplois directs sur l’ensemble du territoire, pour
employer au terme de la décennie près d’un million de Marocains.
• Accroître les recettes touristiques pour atteindre 140 milliards de dirhams en
2020, soit une somme cumulée sur la décennie proche de 1 000 milliards de
dirhams.
• Accroître de deux points la part du PIB touristique dans le PIB national pour
atteindre près de 150 milliards de dirhams contre 60 aujourd’hui.
Source : SMIT, « 2020, Stratégie de développement touristique », Département du tourisme,
Ministère du Tourisme et de l’Artisanat, 2011.
Au-delà des objectifs chiffrés, la Vision 2020 a placé le souci du
déséquilibre inter-régional au cœur des préoccupations. Cette lecture
territoriale du développement, présente déjà dans la vision précédente, a
pris de l’importance, en insistant sur le besoin d’équilibre et la valorisation
des atouts des différents territoires dans le cadre du nouveau projet de
régionalisation. Ainsi ont été définis huit territoires touristiques sous forme
d’unité territoriale (6) présentant une offre similaire et unifiée. Transcendant
le découpage administratif, le découpage touristique combine les potentialités
communes des huit espaces que les régions administratives et les acteurs
locaux devront développer en synergie. Dès lors, les territoires sont des entités
touristiques plus à orientation marketing et promotionnelle à côté des Pays
d’accueil touristiques (PAT) qui font désormais partie du programme Eco/
Développement durable. La consolidation des acquis des programmes PAT
lancés dans la vision précédente devrait permettre de renforcer les efforts dans
les espaces ruraux loin des espaces de concentration touristique.
6. Les nouveaux territoires touristiques sont : Souss-Sahara atlantique, Maroc Méditerranée,
Marrakech Atlantique, Maroc Centre, Cap Nord, Centre Atlantique, Grand Sud Atlantique,
Atlas et Vallées.
350
Profils sectoriels et émergence industrielle
Par ailleurs, le patrimoine des villes impériales et des villes situées sur les
grands axes des circuits touristiques devrait bénéficier d’un programme de
réhabilitation des monuments (kasbahs, ksour, riads, fondouks, palais d’hôte,
greniers...). Cette attention particulière vise la valorisation du tourisme urbain
et la préservation du patrimoine bâti, en plus des programmes d’aménagement
des villes lancés par le ministère de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville et
par le ministère de l’Équipement à travers le programme des ports de plaisance.
Figure 1
Carte des territoires touristiques au Maroc
Source : ministère du Tourisme.
Autre point fort de cette vision, la gouvernance a bénéficié de plusieurs
mesures dans la lignée de la restructuration institutionnelle qui a commencé
dix ans plus tôt avec la stratégie 2010. Il faut rappeler que la création de la
Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT) (7) et de l’Observatoire
du tourisme est venue initier une revue des structures de l’administration de
7. Créée par la loi n°10-07 du 30 novembre 2007, sous forme de société anonyme à directoire
et conseil de surveillance et placée sous la tutelle du ministère du Tourisme, la Société
marocaine d’ingénierie touristique (SMIT) va naître de l’absorption, par la SONABA, de la
Société nationale de la baie de Tanger (SNABT) et de la Direction des aménagements et des
investissements (DAI) relevant du ministère du Tourisme.
Tourisme
351
tutelle. La SMIT devait prendre en charge les missions dédiées auparavant
à la Direction des aménagements des investissements (DAI), alors que
l’Observatoire était chargé du suivi statistique du secteur. Au niveau
territorial, les conseils régionaux du tourisme et les conseils provinciaux du
tourisme, qui ont accompagné la Vision 2010, devaient soutenir les efforts
de décentralisation et appuyer les missions des CRI, tout en permettant de
fédérer les acteurs du secteur touristique aux différents niveaux territoriaux.
Ce dispositif institutionnel et territorial sera consolidé par une instance
nationale fédérant acteurs publics et privés, la Haute Autorité du Tourisme
(HAT) (dénommée initialement : Conseil national du tourisme) et par des
instances régionales, les Agences de développement touristique (ADT).
La HAT, qui n’a pas encore vu le jour, devrait prendre en charge la
conception et l’exécution de la stratégie touristique au niveau national. C’est
un organe de pilotage et de concertation où siégeront différents acteurs
publics et privés (8) sous la tutelle du ministère du Tourisme. Elle sera
relayée, à l’échelle locale, par les ADT qui devront veiller à la réalisation des
contrats-programmes régionaux tout en étant des organes de réflexion et de
concertation à l’échelle des huit territoires touristiques. La stratégie a prévu
que les ADT soient gérées par des conseils d’administration formés par les
représentants de l’administration, les professionnels du tourisme et leurs
associations. Elles devront absorber des structures comme les délégations
régionales du tourisme, les conseils régionaux du tourisme (CRT) et les
conseils provinciaux du tourisme (CPT) et œuvrer en collaboration avec les
CRI. Ces derniers avaient vu le jour dans la même période du démarrage
de la stratégie 2010. L’association des acteurs privés, des associations de
professionnels du tourisme et des différentes parties prenantes dans la
gouvernance du tourisme dans le cadre de ces nouvelles institutions étant la
finalité des décideurs.
1.3. Renouvellement du cadre juridique des différentes activités
liées au tourisme
Dans le cadre de la Vision 2010 et 2012, un grand chantier législatif a
été engagé afin d’assainir le climat des affaires. Hébergement touristique,
agent de voyages, de transport ou de guidage… tous ces métiers ont subi
de profonds changements, l’entrée de nouveaux intervenants perturbant le
8. La HAT, dont le ministère de Tourisme assure le secrétariat général, est composée d’une
dizaine d’autres ministères, la CGEM et cinq représentants du secteur privé (représentants
des fédérations professionnelles).
352
Profils sectoriels et émergence industrielle
système touristique classique et menaçant les acteurs traditionnels. Il était
alors nécessaire de revoir les textes législatifs qui régissent chaque activité et de
procéder à des réformes qui allaient changer plusieurs paramètres de l’activité
touristique marocaine.
1.3.1. La nouvelle loi sur l’hébergement touristique
Le métier de l’hébergement touristique était régi par la loi 61-00 (dahir
n° 1-02-176 du 13 juin 2002) portant statut des établissements touristiques,
qui précisait les normes de classement pour chaque catégorie. Cette loi a été
modifiée et complétée par la loi 01-07 (dahir n° 1-08-60 du 23 mai 2008)
relative aux résidences immobilières de promotion touristique (RIPT). Ce
dispositif a été modifié et complété encore une fois par la loi n° 80-14, publié
en octobre 2015 (9), relative aux établissements touristiques et aux formes
d’hébergement touristique.
La nouvelle loi sur les établissements touristiques, en attente des décrets
d’application, élargit le périmètre de classement pour couvrir de nouveaux
types d’hébergement tout en faisant la distinction entre les établissement
d’hébergement touristique (hôtel, hôtel club, résidence de tourisme, maison
d’hôtes, riad, kasbah, gîte, pension et camping) et les autres hébergements
(bivouac, hébergement chez l’habitant et autre hébergement alternatif…). Elle
apporte aussi des modifications importantes dans le processus d’autorisation
et de classement.
En conséquence, l’édification de nouveaux établissements sera assujettie à
une procédure de classement provisoire au moment de l’obtention du permis
de construire qui devra répondre à des exigences et des standards, en termes
d’ouvrage d’art et de sécurité, spécifiques à chaque type d’hébergement.
S’ensuit après une autorisation d’exploitation avant l’ouverture de
l’établissement qui permet de juger la conformité de l’établissement aux
normes d’hygiène et de sécurité des standards préétablis dans le classement
provisoire, selon les exigences de la loi. Cette procédure se déroule en deux
phases : d’abord, avant la délivrance de l’autorisation d’exploitation, par des
auditeurs du ministère du Tourisme, puis par les contrôles complémentaires
de clients anonymes.
Conscient de l’importance de l’hébergement dans le système touristique
national, le législateur a veillé à la mise à niveau des règles et normes de
classement et de qualité des prestations des structures. La petite hôtellerie
9. Loi 80-14 du 1er moharrem 1437 (14 octobre 2015) relative aux établissements touristiques
et aux autres formes d’hébergement touristique, Bulletin officiel n° 6404, p. 3755-3762.
Tourisme
353
de caractère comme les riads, les kasbahs et les maisons d’hôtes, qui confère
un cachet d’authenticité à l’offre touristique tout en permettant de renforcer
l’offre d’hébergement du pays, a fait l’objet d’une grande attention de la part
du législateur qui précise la particularité de ces hébergements et le besoin de
préserver des édifices du patrimoine bâti marocain que cette réaffectation à
des fins touristiques permet depuis le début du phénomène de gentrification.
Il était dès lors prioritaire de préciser les normes et les standards afin que
leur transformation n’altère pas le cachet d’originalité, d’une part, et qu’elle
soit, d’autre part, en phase avec les normes internationales d’hébergement
touristique.
Élaborée en partenariat avec l’OMT (Organisation mondiale du tourisme)
et suivie de la formation d’un corps d’auditeurs spécialistes assermentés,
la procédure de classement et de contrôle vient aussi renforcer le nouveau
système de mise à niveau des hébergements en apportant davantage de rigueur
et de précision grâce à un canevas de contrôle informatisé. Encore une fois, les
exigences de qualité, d’hygiène, de sécurité et de respect de l’environnement
sont de mise et renforcent le dispositif de contrôle systémique auquel s’ajoute
un contrôle humain par des clients anonymes.
La réforme de la loi des établissements touristiques n° 80-14 est accompagnée
de la mise en place de la télé-déclaration des arrivées et des nuitées touristiques
sur une plateforme électronique dédiée aux établissements et de la mise à
niveau des conditions de la restauration touristique à la fois dans les volets
aménagement des restaurants, hygiène, service et respect de l’environnement.
Des mesures qui sont encore en attente de textes d’application.
1.3.2. La nouvelle loi sur les agences de voyages
Les agences de voyages jouent un rôle primordial dans le tourisme marocain
dans ses volets récepteur et émetteur. Le tissu des agences de voyages qui opèrent
au Maroc a connu une évolution sensible depuis 2010. Selon les statistiques
officielles du ministère du Tourisme, le pays comptait en 2016 près de 979
agences de voyages et 327 succursales. Le rythme d’ouverture a permis d’étoffer
le réseau des agences et de leurs succursales. Ainsi, 319 nouvelles agences ont
vu le jour en six ans, soit une moyenne annuelle de 53 agences entre 2010 et
2016, et les succursales sont passées de 199 en 2010 à 327 en 2016, soit 128
succursales de plus durant la même période, soit une moyenne annuelle de 21.
Toutefois, seulement une poignée d’agences a le privilège d’avoir un réseau.
Néanmoins, il se limite à un réseau de vente dédié au tourisme émetteur avec
une faible activité de tourisme récepteur. La majorité des agences sont dominées
par des activités de généralistes comme la billetterie et le corporate en plus de la
354
Profils sectoriels et émergence industrielle
vente de packages de voyages organisés et de pélerinages à la Mecque destinés
aux clients marocains. C’est la raison pour laquelle Casablanca concentre à elle
seule 27,68 % des agences de voyages, suivie de Marrakech, 20,42 %, Rabat,
8,69 %, Tanger, 6,33 % et Agadir, 6,74 %.
Les agences de voyages autant que le secteur touristique dans son ensemble
se métamorphosent à cause de nombreux facteurs liés, entre autres, au
contexte juridique, technique, environnemental, politique, social. En d’autres
termes, les organisations sont influencées par les nouvelles orientations à la
désintermédiation et l’ubérisation de leurs activités. Le législateur marocain,
en adoptant la loi n° 11-16 (10), tente de répondre à cette situation.
Désormais, l’activité d’agent de voyage intègre la distribution en ligne,
notamment sans la médiation des voyagistes traditionnels. La nouvelle licence
B concerne seulement la distribution sans que l’activité du prestataire ne soit
exclusivement de nature agence de voyages (ministère du Tourisme, 2016).
Dans l’attente des décrets d’application, cette loi suscite toujours une vive
polémique. Toutefois, bien que les voyagistes lui reprochent son manque de
clarté (11), elle a le mérite de pousser les agences à innover et à s’ouvrir sur le
monde du digital et le e-tourisme.
La loi n° 11-16 instaure une gradation de la licence agence de voyages en deux
catégories : une licence de type A, pour les entités productrices et distributrices
de voyages, et une de type B, pour les entités distributrices. Les activités de ces
derniers rassemblent la « vente au nom et pour le compte d’un ou plusieurs
agents de voyages des produits ou services… », aussi bien que « la vente des
produits et services fournis par un ou plusieurs établissements d’hébergement
touristique, restaurants touristiques, transporteurs ou guides de tourisme, en
leur nom et à leur compte », peut-on lire à l’article 1 de la nouvelle loi.
Hormis ces dispositions, les conditions de délivrance de la licence restent
soumises à une procédure rigoureuse avec avis d’un comité technique
consultatif et selon les modalités fixées par voie réglementaire à l’instar
du dépôt d’une garantie financière, de la souscription d’une assurance
responsabilité civile, de l’absence d’antécédents judiciaires pour les personnes
10. Cette loi vient modifier et compléter certaines dispositions de la loi n° 31.96 portant
statut des agences de voyages. Elle précise les conditions de délivrance et d’exploitation des
licences d’agence de voyages. Elle est complétée par le décret n° 2-97-547 du 25 joumada II 1418
(28 octobre 1997) fixant les modalités d’application de ladite loi.
11. Une des dispositions controversées est celle de donner la possibilité à des opérateurs de
distribution d’exercer avec « possibilité d’opérer avec une domiciliation et/ou via un point de
vente physique » peut-on lire dans la note présentation de la loi du ministère du Tourisme
(ministère du Tourisme, 2016).
Tourisme
355
physiques, etc. Les textes d’application de la loi devraient apporter davantage
d’éclairage sur d’autres conditions.
1.3.3. Le transport touristique et la prestation de guidage
Ouvert à des opérateurs de tout type depuis plusieurs années, le secteur
du transport touristique a connu un renouveau dans son arsenal. Un nouveau
cahier des charges (12) fixe des conditions en termes d’agrément de transport
touristique, de véhicule (nombre de véhicules et local) et d’assurance pour
accéder à l’activité, d’une part, et à son exercice (déclaration des salariés, suivi
des prestations et entretien des véhicules), d’autre part.
Avec un nombre minimum de 52 sièges, le législateur tente d’écarter
les petites structures, les opérateurs qui disposent d’un seul véhicule et les
chauffeurs individuels libres. Cela en encourageant surtout les organisations
de taille plus importante, plus structurées et capables de créer une dynamique
de l’emploi tout en améliorant la qualité du transport. Les dispositions
relatives aux agréments, dont la durée est fixée à sept ans, viennent aussi
mettre à niveau le secteur tout en instaurant des dispositifs de suivi des parcs
et des agréments. Le suivi du parc et son maintien devront obligatoirement se
faire dans le garage du transporteur ou chez un garagiste sous contrat.
Autre secteur touché par le renouveau du cadre juridique, la prestation
de guide reste encore un service très touché par l’informel et le manque de
qualification. Abrogeant la loi n° 30-96 portant statut des accompagnateurs de
tourisme, des guides de tourisme et des guides de montagne, promulguée par le
dahir n° 1-97-05 du 16 ramadan 1417 (25 janvier 1997), la nouvelle loi 05-12
réglementant la profession de guide de tourisme distingue ainsi les guides des
villes et des circuits touristiques qui exercent l’activité de guidage urbain et qui
peuvent accompagner les groupes de touristes exclusivement pendant les circuits
culturels ou historiques, d’un côté, et les guides des espaces naturels qui exercent
en dehors de l’espace urbain et qui accompagnent les touristes durant les
randonnées et circuits d’aventure avec ou sans activités sportives, de l’autre côté.
12. Le nouveau cahier des charges du transport touristique vient modifier et compléter un
dispositif juridique assez large depuis la promulgation du dahir n° 1.63.260 du 24 joumada II 1383
(12 novembre 1963) relatif au transport par véhicule automobile sur route : la loi 52.05 portant
code de la route et ses textes d’application, le décret n° 2-63-363 du 17 rajeb (4 décembre
1963) relatif à la coordination des transports ferroviaires et routiers, le décret n° 2-63-364 du
17 rajeb 1383 (4 décembre 1963) relatif à l’agrément des entrepreneurs de service public de
transport par véhicule automobile et à l’autorisation des véhicules affectés à ces transports, et
l’arrêté du ministre des Travaux publics et des communications n° 50-73 du 20 hija 1392
(25 janvier 1973) fixant les conditions d’aménagement des véhicules affectés à des transports
occasionnels touristiques.
356
Profils sectoriels et émergence industrielle
La loi fut par la suite modifiée et complétée par la loi 133-13 pour insister
sur la formation et la qualification des guides. Selon les dispositions des arrêtés
d’application, ces guides devront être titulaires du diplôme de technicien
spécialisé filière guide des espaces naturels délivré par les instituts spécialisés
de technologie appliquée hôtelière et touristique.
De même, le ministère du Tourisme a lancé en octobre 2015 la formationpilote de guide de ville et de circuit touristique à l’Institut supérieur
international de tourisme de Tanger. Cette formation spécifique d’une durée
de deux ans permettra de disposer de guides hautement qualifiés. Le ministère
devait procéder également au lancement d’un programme de formation
continue de 2 800 guides agréés.
2. Évolution du secteur durant la période 1998-2017
Le tourisme est l’un des principaux secteurs de l’économie marocaine. Il
contribue à la création de richesses et à la diminution du chômage et de la
pauvreté, et il représente environ 11 % du PIB. Le secteur est également un
important pourvoyeur en emplois avec 532 000 emplois directs en 2017, soit
près de 5 % de l’emploi dans l’ensemble de l’économie. Le tourisme est une
importante source de devises à côté des transferts des Marocains résidant à
l’étranger. En effet, les recettes générées par les non-résidents ayant séjourné
au Maroc se sont situées à près de 71,9 milliards de dirhams en 2017, qui
représentent près de 19 % des exportations des biens et services en 2017.
C’est pourquoi le Maroc a accordé, principalement durant les deux
dernières décennies, une place de choix à l’activité touristique dans sa
politique de développement.
2.1. L’offre touristique
L’offre touristique marocaine est basée sur un ensemble d’atouts et de
potentiels naturels et culturels. La diversité des reliefs et des paysages naturels,
l’ensoleillement, les étendues des plages sur les deux façades maritimes
composent avec son histoire millénaire faite de brassage des civilisations
et de construits identitaires composites des éléments importants qui font
du Royaume une destination exotique aux portes de l’Europe. Cette offre
originelle constitue aussi la base de la production touristique en association
avec l’offre touristique pure (hôtel, restaurant, agence de voyages, animation) et
l’offre périphérique constituée des infrastructures (routes, ports, aéroports…).
Tourisme
357
Notre analyse de l’offre sera basée essentiellement sur l’offre d’hébergement
dont les données chiffrées sont disponibles et qui bénéficie d’une veille
statistique assez détaillée.
La capacité d’hébergement globale des établissements touristiques classés
a été marquée par une évolution importante durant la période 1998-2017,
passant de 91 300 lits en 1998 à 251206 en 2017 au rythme de croissance
annuel moyen de 5 %. Toutefois, ce rythme de progression n’est pas suffisant
pour que le Maroc puisse atteindre la capacité d’hébergement de 460 000 lits
fixée comme objectif à l’horizon 2020.
L’offre en hébergement touristique classé a connu une évolution
substantielle lors de la période 1998-2017. En 2017, le nombre des
établissements d’hébergement classés (13) a atteint 3 882 contre 532 en
1998. Aussi, la ventilation de l’offre d’hébergement classé témoigne d’une
augmentation considérable de la capacité litière des hôtels 3*, 4* et 5* qui s’est
chiffrée à plus de la moitié de la capacité litière totale (25 % pour les hôtels
4*, 15 % pour les hôtels 5* et 3* chacun). Il est à noter que les clubs-hôtels
occupent la quatrième position avec une capacité litière atteignant 12 %,
suivie des hôtels 2* et des maisons d’hôtes avec des parts respectives de 8,2 %
et 7,7 %.
Figure 2
Évolution par catégorie de la capacité hôtelière classée en lits
Hôtel 4*
Hôtel 5*
Hôtel 3*
Maisons d’hôtes
Résidences hôtelières
Club-hôtels
Hôtel 2*
13. L’analyse s’est focalisée sur les formes d’hébergement suivantes : hôtel 4*, hôtel 5*, hôtel 3*,
club-hôtels, hôtel 2*, maisons d’hôtes, résidences hôtelières. Ces formes ont représenté près
de 92 % de la capacité litière globale durant la période 1998-2017.
358
Profils sectoriels et émergence industrielle
La capacité litière des maisons d’hôtes a connu un saut significatif à partir
2004, passant de 4 714 lits à 29 636 lits en 2017, soit une dynamique de 14 %
durant la période 2004-2017. Ceci est dû principalement à l’homologation
de nouvelles formes d’hébergement telles que les maisons d’hôtes et riads. Les
maisons d’hôtes se démarquent par un nombre d’établissements important
par rapport aux autres types d’hébergement (49 % en moyenne sur la période
2004-2017). Toutefois, leur apport en termes de capacité reste faible, ne
dépassant pas les 9 %. En effet, le ratio des lits par chambre est assez bas, et le
nombre de chambres par établissement ne dépasse pas 15.
D’un autre côté, la capacité litière des résidences hôtelières a connu une
augmentation moyenne annuelle de 8 % au cours de la même période bien que
sa capacité litière ne représente que 7,4 % de l’offre globale d’hébergement.
L’analyse spatiale de la répartition de l’offre d’hébergement par région
durant la période 1998-2017 fait ressortir l’importance touristique des régions
Souss-Massa-Drâa, Marrakech-Tensift-Al Haouz et le Grand Casablanca
qui s’accaparent de 76 % de la capacité totale du pays. Les seules régions
Marrakech-Tensift-Al Haouz et Souss-Massa-Drâa disposent respectivement
de 34 % et 33 % des lits disponibles. À partir de 2007, Marrakech devance
Agadir, qui a longtemps été la première destination touristique, en termes de
capacité litière, permettant de voir un des fruits des Visions 2010 et 2020.
2.2. La demande touristique
Le tourisme marocain a connu une évolution continue depuis le début du
millénaire. L’analyse des arrivées touristiques révèle une évolution annuelle
de 6,65 % entre 1998 et 2017, passant de 3,14 millions à 11,35 millions de
touristes. Durant cette période, l’année 2017 a représenté une année record.
Toutefois, il convient de souligner que cette tendance a été marquée par des
phases de stagnation et de repli. Les chiffres des arrivées ont stagné entre
2001-2003, 2008-2009 et 2011-2013. L’évolution annuelle n’a pas dépassé
pas 2 %, 6 % et 1 % respectivement, alors qu’elle a connu une baisse de 1 % en
2015, sous l’effet des crises économiques géopolitiques internationales.
Certes, le démarrage de la Vision 2010 a coïncidé avec une série d’attentats
terroristes qui ont frappé le monde (14). Ces événements, bien qu’ils soient
survenus, dans leur majorité, dans des pays lointains, ont terni l’image de la
14. Le 11 septembre 2001 à New York, le 16 mai 2003 à Casablanca, le 28 avril 2011 à
Marrakech, le 13 novembre 2015 à Paris et le 14 juillet 2016 à Nice…), la guerre anti-terroriste
contre Al Qaïda en Afghanistan puis au Maghreb depuis 2001 et la guerre de la coalition
contre l’Irak qui a éclaté en 2003, puis contre l’État islamique à partir de 2014.
Tourisme
359
destination marocaine. Plus encore, leurs effets sur les flux touristiques ont
été conséquents avec l’avènement du Printemps arabe. Par ailleurs, la crise
économique de 2008 a poussé les États émetteurs à adopter des politiques
d’austérité, ce qui a engendré une contraction de la demande touristique à
l’échelle mondiale.
L’analyse détaillée des arrivées laisse apparaître une évolution à la fois des
touristes étrangers et des MRE, sur la période 1998-2017. En effet, la part des
MRE dans le tourisme récepteur a représenté presque la moitié des arrivées
totales (48 % en moyenne) (figure 3). Leur apport apparaît plus important
durant les phases de stagnation et de repli où ils dépassent de peu ceux
des touristes étrangers. Cependant, considérer les MRE comme un facteur
d’impact déterminant dans dynamique du marché touristique récepteur est
trompeur. Leurs effets sur les nuitées demeurent insignifiants (0,17 % sur la
période susmentionnée).
Figure 3
Évolution annuelle des touristes aux postes-frontières
dans les établissements hôteliers et touristiques classés entre 1998 et 2017
(en millions de touristes)
T. Récepteur
MRE
Part MRE
En termes de nuitées touristiques, le tourisme récepteur a connu une
constante évolution, marquée par des fluctuations. Globalement, le nombre
total des nuitées dans les hôtels classés a atteint en moyenne 16 millions sur
la période 1998-2017 avec un taux de croissance moyenne annuel de 3,11 %.
La moyenne des nuitées internationales a connu des variations au cours de la
période de l’étude, avec une moyenne de 12 millions de nuitées et un taux
de croissance annuel de 2,22 %. Les événements précités (attentats, guerres
et crise financière) ont contribué à cette fluctuation. Quant aux nuitées
360
Profils sectoriels et émergence industrielle
nationales, leur nombre a constamment évolué, avec un taux de croissance
annuel de 5,81 % et une moyenne de l’ordre de 3,8 millions. Malgré cela,
cette évolution demeure modeste et n’atteint pas l’importance des nuitées
internationales, en dépit des mesures prises, dont l’opération Kounouz Biladi,
lancée à partir de l’année 2003.
L’évolution des arrivées touristiques par marché durant la période 19982017 montre que les touristes français, espagnols, allemands et anglais
prédominent à hauteur de 65 % en moyenne des arrivées globales (soit
12,1 millions de touristes en moyenne sur la même période). Les touristes
français représentent 40,3 % des arrivées, suivis par les touristes anglais
(10,1 %), allemands (8,9 %) et espagnols (5,4 %). Notons que le marché
anglais a enregistré la dynamique la plus élevée avec un taux de croissance
annuel de 7,9 %. Premiers marchés émetteurs pour le Maroc, la France
et l’Espagne ont connu des croissances faibles avec des TCAM respectifs
de 1,5 % et 1,7 %, tandis que les touristes français ont accusé une baisse
considérable durant la période 2014-2016 avec un TCAM de -5,3 % contre
une progression importante pour la période 1998-2007 (+8,4 %). À partir
de 2017, une légère reprise des arrivées touristiques françaises permettra un
renouveau de ce marché. En conséquence, les arrivées au titre de l’année 2017
ont atteint 1,6 million de touristes français contre 1,4 million en 2016.
En somme, les arrivées par marché restent relatives et très variables. Le
tourisme marocain reste fortement dépendant de ses marchés traditionnels de
l’Europe occidentale, malgré l’arrivée ponctuelle de certains marchés (russe,
polonais et chinois). La dépendance est d’autant plus remarquable durant les
phases de repli et de stagnation, déjà souligné plus haut.
Dans le même sillage, la dynamique du marché récepteur touristique est
en voie de perdre des parts du marché français. En effet, la part des nuitées
réalisée par les Français dans le tourisme international a chuté depuis 2005,
passant de 44 % en moyenne sur la période 1998-2005 à 38 % sur la période
2006-2017. Par contre, les nuitées des autres nationalités, en particulier le
Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne, ont connu une évolution continue,
enregistrant une part moyenne à hauteur de 11 %, 10 % et 5 % respectivement
sur la période 1998-2017.
Cette même dépendance apparaît dans la structure des nuitées hôtelières.
Ainsi, l’analyse de l’évolution des nuitées touristiques durant la période
1998-2017 montre que quatre marchés (France, Espagne, Royaume-Uni
et Allemagne) prédominent à hauteur de 65 % en moyenne des nuitées
touristiques internationales (soit 12,1 millions de touristes en moyenne
sur la même période). La France se place en tête des pays exportateurs de
Tourisme
361
touristes, même si les nuitées des touristes français ont accusé une baisse
considérable durant la période 2008-2016 avec un TCAM de -5,3 %,
alors que la dynamique enregistrée pour la période 1998-2007 a été de
8,4 %. Toutefois, à partir de 2017 il y eut une légère reprise des nuitées
touristiques : + 600 000 nuitées par rapport à 2016 (4,2 millions en 2017 et
3,6 millions en 2016).
En examinant la répartition des nuitées touristiques par région dans
les établissements classés durant la période 1998-2017, il ressort que trois
principales destinations sont plébiscitées par les touristes : Souss-Massa-Drâa,
Marrakech-Tensift-Al Haouz et Grand Casablanca. Ces trois régions ont
enregistré près de 76 % des nuitées touristiques totales en moyenne durant la
période 1998-2017. Ainsi, les régions Marrakech-Tensift-Al Haouz et SoussMassa-Drâa se démarquent en occupant la première destination en termes de
nuitées touristiques (des parts respectives de 34 % et 33 %). La concentration
de l’offre sur Marrakech et Agadir justifie cette réalité.
Cette période a également été marquée par un recul de 3 % de la durée
moyenne du séjour des touristes, qui est passée de 3,82 nuitées en 1998 à
1,9 nuitée en 2017. Cette régression illustre un changement aussi bien dans
la typologie des clients que dans leurs comportements. Les courts séjours
ont été renforcés par l’importance de la desserte, notamment à travers des
compagnies à bas coût. De même, le recul des circuits culturels et des séjours
balnéaires, basés sur des durées moyennes de huit jours, semble un facteur
ayant contribué à cette nouvelle tendance.
Au niveau des recettes touristiques, une progression sensible est observable
entre 2010 et 2017. Les recettes touristiques ont évolué de 12 % sur la
période 1998-2017 (55 milliards en 1998 contre 72 milliards de dirhams
en 2017). Cette évolution est due en grande partie à l’envolée du tourisme
mondial (+ 7 % de trafic) et à l’évolution des arrivées sur toute la période.
Cependant, les recettes par touriste ont accusé une légère baisse, passant de
7 000 dirhams en 1998 à 6 334 dirhams en 2017, soit une baisse annuelle
de 0,53 %. Comme nous l’avons expliqué plus haut, le recul de la durée
moyenne de séjour paraît aussi affecter chez les touristes en visite au Maroc
la propension à consommer.
3. Limites et perspectives
Malgré la richesse et la diversité de ses potentialités touristiques, le Maroc
a des difficultés à assurer un réel décollage du secteur. En dépit de la volonté
et des espoirs affichés, l’échec des efforts et des politiques engagés jusqu’à
362
Profils sectoriels et émergence industrielle
présent appelle des réponses à plusieurs niveaux. D’abord endogènes et
structurelles, liées aux choix stratégiques et à la gouvernance, puis exogènes
et conjoncturelles, plus en rapport avec la fragilité de la destination face aux
événements internationaux et à la dépendance vis-à-vis de l’extérieur.
En outre, le secteur touristique vit un tournant important à l’échelle
internationale, avec l’entrée sur le marché de nouveaux intervenants qui
perturbent le système traditionnel. Le tourisme marocain doit s’inscrire dans
les nouvelles voies du tourisme international tout en offrant des réponses aux
peurs des différents acteurs et opérateurs marocains.
3.1. Limites
Le tourisme marocain souffre de plusieurs limites stratégiques, d’une forte
dépendance aux investisseurs et aux internationaux. Cette réalité a largement
affecté les ambitions titanesques des stratégies Vision 2010 et Vison 2020 et
le décollage du secteur.
3.1.1. Les limites des choix stratégiques
Les erreurs stratégiques de la Vision 2010 ont été répétées dans la Vision
2020. Le manque de visibilité de l’activité et des projections pour certaines
stations posent aussi plusieurs questions sur leur continuité et leur réussite
future, notamment dans la station Saïdia et Lixus. La première a du mal à
démarrer et à attirer une clientèle touristique internationale durant toute
l’année, après le désengagement de plusieurs tours opérateurs. Le fait de miser
sur le marché national a permis quelques maigres flux, mais qui s’avèrent
incapables de rentabiliser les infrastructures et les investissements des hôteliers
et des restaurateurs.
D’autres éléments d’ordre stratégique compliquent le bilan des deux
Visions. Le choix prioritaire du balnéaire et la localisation des stations
balnéaires, peu profitables au développement d’un balnéaire fort à cause
des conditions climatiques (cas de la station Saïdia, Lixus, Mazagan et
Mogador…), la concentration sur Marrakech comme produit culturel d’appel
et la marginalisation de l’offre culturelle saharien qui bénéficie de peu de
desserte et de connexion et dépend fortement des aéroports de Marrakech,
Casablanca et Fès sont les éléments de réponse à un tourisme en crise. Aussi,
l’orientation vers les projets de station clé-en-main, créés ex nihilo, nécessitant
de gros budgets et des assiettes foncières conséquentes n’a pas non plus pris
en considération les mutations de la demande touristiques internationale
vers l’individualisation et la désintermédiation qui ont conduit à un recul
Tourisme
363
considérable des rôles des tour opérateurs (TO) au profit d’un tourisme plus
direct et diffus et moins concentré à Marrakech et Agadir. Aussi, l’intérêt du
culturel du Sud, à travers le Plan Mada’in centré sur un large programme
de rénovation et de réhabilitation du patrimoine bâti (médinas, ksour et
kasbah) demeure globalement en deçà du potentiel des régions intérieures et
présahariennes, en comparaison avec les moyens consacrés au balnéaire.
Par ailleurs, le grand mérite de la Vision est de consacrer Marrakech
comme destination internationale. La ville ocre vit ses années de gloire et a
pu s’imposer comme destination incontournable. A contrario, Agadir affiche
un recul alarmant. Son héliotropisme ne fascine plus les touristes, et la ville a
du mal à s’imposer sur les nouveaux marchés (Russie), faute de compétitivité
avec des destinations comme l’Égypte ou la Turquie. Les retards de la station
Taghazout et le vieillissement du parc hôtelier de la ville ont eu des retombées
négatives sur ses performances pendant cette décennie.
3.1.2. La dépendance touristique et les effets de la conjoncture internationale
L’État marque le tourisme par son intervention en tant qu’investisseur
dans les infrastructures pour pallier le manque important en infrastructures
routières et aéroportuaires. Néanmoins, sa présence a été réduite au profit de
celle du secteur privé. Cependant, en l’absence de firmes et de promoteurs
nationaux capables de prendre en charge la réalisation des projets du Plan
Azur, des groupes internationaux ont eu le dessus dans les premières phases
des projets. Le choix libéral du Maroc n’est pas récent. Après plusieurs
décennies d’étatisation, ponctuée par des incitations et avantages (15), le
secteur privé marocain reste très prudent et timide. Du coup, l’État a misé sur
un engagement fort et continu d’opérateurs et de promoteur de renom. « Les
firmes touristiques ont été sollicitées pour leur capacité à produire des effets
structurants sur le marché touristique marocain et pour leur capacité à assurer
la distribution du produit Maroc en Europe. Sur le plan de la gouvernance,
les autorités ont payé de quelques revers le choix de laisser le champ libre
aux grands groupes touristiques internationaux, qui ne seront pas détaillés
ici : défections d’investisseurs face aux difficultés conjoncturelles, influence
15. Depuis la Charte de l’investissement de 1995, l’État a multiplié les mesures d’encouragement
à l’investissement allant jusqu’à se priver des ressources de la fiscalisation et à céder un foncier,
rare et cher, à des prix symboliques. Des mesures généreuses comme l’exonération des droits
d’importation sur les biens d’équipement touristique, l’exonération pendant cinq ans de
l’impôt sur les sociétés ainsi que le rapatriement de la totalité des bénéfices nets ou des produits
des cessions des biens et des investissements révèlent les attentes de l’État.
364
Profils sectoriels et émergence industrielle
dominante des firmes au détriment des petits investisseurs locaux, etc. (16) »
Cependant, face au désengagement des investisseurs internationaux, la
reprise par les investisseurs marocains et des pays du Golfe n’a pas pu assurer
l’effort de développement et d’investissement initialement prévus. Dans la
majorité des cas, les projets se sont essentiellement orientés vers des logements
résidentiels.
Cette dépendance aux investisseurs internationaux a eu un effet
considérable sur les réalisations. Le bilan des Visions est mitigé. La crise
financière de 2008 a affecté les promoteurs des stations, plus particulièrement à
Saïdia (17) et Taghazout. Certes, bien que la première Vision ait démarré avec
un grand enthousiasme, le rythme des ouvertures d’hôtel s’est ralenti durant la
Vision 2020. Le bilan des projets du Plan Azur 2020 n’affiche aucune avancée
sur les objectifs, hormis dans les stations de Taghazout à Agadir et de Lixus
près de Larache. Le rapport accablant de la Cours des comptes affiche un
niveau de réalisation de 2,72 % au niveau de l’hôtellerie (18). Le bilan du Plan
Azur paraît faible au vu de l’état actuel des stations balnéaires du programme.
Au niveau de l’aérien, la multiplication des accords de partenariat aérien
a ouvert le ciel à de nouvelles compagnies aériennes et permis la création de
compagnies marocaines à bas prix dédiées au tourisme : Atlas Blue et Jet4You.
La signature de l’accord Open Sky avec la Communauté européenne en
2006 a aussi donné un coup de pouce à la stratégie avec l’entrée de nouvelles
compagnies à bas prix, qui desservent des marchés potentiellement attirés par
la destination Maroc. Cependant, le développement de l’aérien à bas prix,
bien qu’il contribue à l’augmentation du trafic et permette le développement
touristique de certaines villes – Marrakech, Fès, Essaouira, Agadir – a favorisé
encore une fois la concentration sur la ville de Marrakech au détriment
d’autres produits comme celui du désert autant que la suprématie de
Casablanca comme hub international.
Le poids des marchés traditionnels de l’Europe occidentale est très
important, et la difficulté à développer d’autres marchés est apparente. Des
16. Maxime Weigert, Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED),
décembre 2012, le Rôle des firmes touristiques dans le développement du tourisme au Maroc, p. 14.
17. FNT, Bilan stratégique de la Vision 2010, mai 2008, réalisé par le cabinet d’études
Daifconseil.
18. Cour des comptes, « Rapport sur le contrôle de la gestion de la Société marocaine
d’ingénierie touristique (SMIT) », octobre 2016. Dans le même rapport, la Cour des comptes
a évalué le niveau de réalisation de la vision précédente : « … le taux global de réalisation du
chantier Azur était de 7,8 % pour le volet de capacité litière touristique et 12,6 % pour le
volet résidentiel. »
Tourisme
365
marchés prometteurs comme le marché américain n’ont pas bénéficié de ces
efforts quant aux tarifs et à la durée des vols. En outre, les compagnies low cost
ont surtout offert de meilleures conditions de voyage aux MRE, vu les villes
de départ, souvent en province, et les villes d’arrivée, plus proches des foyers
d’émigration. À un degré moindre, la vision a eu aussi le mérite de s’ouvrir
sur de nouveaux marchés et de permettre de diversifier les arrivées touristiques
grâce à des liaisons et des conventions avec les marchés d’Europe de l’Est,
de Russie et de Chine. Nonobstant, les résultats très modestes confirment
l’importance des marchés traditionnels. La politique du « ciel ouvert », si elle
a apporté des flux de touristes additionnels, a surtout changé la typologie des
clients, bradé les tarifs et favorisé la concurrence entre les hébergements.
Par ailleurs, le Maroc reste une destination chère et peu compétitive. Le repli
de destinations comme l’Égypte et la Tunisie, pendant le Printemps arabe, lui
a peu profité, alors que des destinations proches du pourtour méditerranéen
ont largement profité de la situation des pays de la rive gauche. C’est le cas de
l’Espagne et de la Turquie qui ont drainé des flux record de touristes durant la
même période. À cela s’ajoute le faible potentiel de rétention des TO qui ont
misé plus fort sur des destinations comme les Canaries.
À ces différents aspects structurels s’en ajoutent d’autres, de l’ordre du
conjoncturel, liés aux événements qui ont accompagné les Visions. Un
environnement mouvementé marqué par un contexte géopolitique très fragile
avec les attentats de New York, de Casablanca et de Marrakech en 2011, puis
les soulèvements populaires dans les pays arabes. La crise financière a aussi
conduit à un repli de la demande dans les marchés traditionnels du pays
pendant les années qui ont suivi, ponctuées des mesures d’austérité prises dans
les pays émetteurs.
3.1.3. La gouvernance du secteur
Les réalisations de la Vision ont souffert de plusieurs blocages quant au
volet gouvernance et à la régulation du secteur. La pluralité des institutions
liées au tourisme, au niveau national et au niveau local, n’a pas résolu la
problématique de la gouvernance. Enchevêtrement de compétences avec
d’autres organismes et manque d’efficacité révèlent encore le problème
de la gouvernance et les difficultés à assurer le pilotage à tous les niveaux
territoriaux.
Par ailleurs, le retard du chantier de la régionalisation, amorcé en 2011
avec un nouveau projet plus ambitieux, l’enchevêtrement de compétences
entre les différents niveaux administratifs et les corps ministériels autant que
366
Profils sectoriels et émergence industrielle
l’incapacité du législateur à suivre l’évolution d’un secteur en pleine mutation
ont agi de façon négative sur les ambitieuses stratégies. Incontestablement,
« la dimension régionale a une faible présence dans les politiques de
promotion des investissements touristiques au Maroc. En effet, jusqu’à
aujourd’hui, l’implication de la région dans la promotion touristique se reflète
à travers les Programmes de développement régional touristique (PDRT),
au niveau desquels le volet marketing s’impose au détriment du volet
investissement (19) ».
Les PDRT ont été lancés à partir de 2005 après des retards alors que les
CRT (Conseil régionaux du tourisme) ont des difficultés à prendre en main le
tourisme dans les régions. Bien qu’ils soient des associations professionnelles
avec une pleine autonomie budgétaire, les CRT et les CPT vivent des
problèmes de gestion et ont du mal à trouver du financement.
En outre, les problèmes de gestion de la SMIT sont un exemple des
difficultés de l’opérationnalisation de la vision. La Cour des comptes a conclu
que la société publique vivait de la cession de son patrimoine foncier et non
de sa propre production, notamment en services de conseil et d’ingénierie
touristique. Le rapport remet en question la situation d’avancement des
contrats-programmes régionaux (CPR) auxquels la société devait contribuer
en laissant apparaître le caractère non touristique de certains projets inscrits
dans les programmes et le manque de pertinence des études, souvent vagues et
trop généralistes. Cette situation constitue, pour les commissaires chargés de
l’évaluation, le reflet de l’incapacité de la société à développer des études qui
peuvent apporter une valeur ajoutée pour l’investissement touristique et, pardelà, une réelle ingénierie touristique dans son programme et dans son étude
stratégique baptisée SMIT Relaunch stratégie 2020.
Le volet territorial ne semble pas non plus afficher une avancée au niveau
des réalisations. Pays, régions ou territoires touristiques, les appellations n’ont
pas eu d’effet sur la politique touristique ni sur la structuration de l’offre. Les
ensembles géographiques restent presque les mêmes gardant, en grande partie,
la configuration proposée par la stratégie de développement du tourisme
rural. De même, les pays et les territoires n’ont aucune assise juridique pour
une action territoriale efficace. L’espace proposé n’est pas un espace d’action,
mais plutôt un espace théorique ; il manque de cohésion, de polarisation et de
structuration, laissant apparaître des territoires décousus sans aucune logique
d’action. Il vient s’interposer entre la réalité de l’activité et celle de l’action
19 Direction des études et des prévisions financières, Ministère de l’Économie et des Finances,
Secteur du tourisme, Bilan d’étape et analyse prospective, avril 2011.
Tourisme
367
territoriale dont la trame administrative constitue le creuset de toute politique
publique visant les régions.
Incapables de réaliser leur mission faute de cohésion entre les acteurs, les
PAT ont connu dans leur majorité des échecs. Il faut rappeler que sur les
recommandations de l’OMT dans le Rapport de développement du tourisme
rural, les PAT devraient être des instances et des espaces fédérateurs des efforts
des différents acteurs territoriaux pour la promotion et la valorisation de
l’offre touristique sur le modèle français.
En somme, l’opérationnalisation de la stratégie touristique de la Vision
2010 et l’efficience des institutions marocaines posent plusieurs interrogations
sur la conduite et le pilotage de la stratégie touristique. La gouvernance du
secteur, qui constituait un chantier-phare de la vision, n’a malheureusement
pas pu se concrétiser et demeure un problème structurel. Par conséquent, la
traduction de la stratégie au niveau territorial a connu un réel échec. Le retard
accusé dans les réformes institutionnelles territoriales, notamment celles qui
concernent la régionalisation de la politique touristique, n’a pas pu se traduire
par des organes solides qui sont encore dans une phase de conception encore
inaboutie. Le flou territorial persiste autant que les blocages induits par
l’enchevêtrement de compétences entre les organismes qui existent et ceux
nouvellement créés.
2.2. Perspectives
Afin de pallier ces sources de bocage, des pistes de réflexion sont proposées,
à même d’améliorer le niveau de performance du secteur touristique dans sa
globalité. Les principaux axes proposés concernent, d’une part, le chantier
de la gouvernance qui devra se poursuivre pour doter le secteur des outils et
des moyens techniques et institutionnels pour son développement, d’autre
part, le tourisme collaboratif qui marque le renouveau de la demande et la
recherche d’expérience avec un contact humain fort, le digital qui participe
au remodelage de l’environnement touristique et à la naissance de nouveaux
modèles économiques. En outre, d’autres aspects liés à la demande touristique
devraient être pris en considération, notamment l’importance des marchés des
pays émergents BRICS et le rôle majeur que peut jouer le marché interne dans
la dynamique touristique. Les axes précités sont détaillés ci-après.
2.2.1. La gouvernance
La transversalité de l’activité touristique fait qu’elle implique une
multitude d’acteurs et d’intervenants, parfois loin du secteur lui-même, dans
la production et la consommation d’une prestation. En effet, le tourisme
368
Profils sectoriels et émergence industrielle
comme fait économique et social est le résultat des interrelations et de la
collaboration entre plusieurs intervenants aux objectifs et aux finalités parfois
contradictoires et conflictuelles. Induite par la complexité des acteurs, la
transversalité du secteur touristique peut multiplier les enjeux et les blocages
et freiner le développement et l’évolution du secteur touristique. À travers
la gouvernance, le rôle de l’État sera dès lors de veiller à l’assainissement de
l’environnement touristique et à l’arbitrage dans un système de régulation
capable d’assurer le développement du secteur.
Selon l’Organisation mondiale du tourisme, « La gouvernance est une
pratique gouvernementale mesurable qui vise à orienter efficacement les
secteurs du tourisme aux différents niveaux de gouvernement à travers des
formes de coordination, de collaboration et/ou de coopération efficaces,
transparentes et soumises à la responsabilisation, qui contribue à atteindre
les objectifs d’intérêt collectif partagés par les réseaux d’acteurs impliqués
dans le secteur, dans le but de développer des solutions et des opportunités à
travers des accords fondés sur la reconnaissance des interdépendances et des
responsabilités partagées (20). » Dans ce sens, elle s’inscrit dans un cadre de cocréation, de responsabilité mutuelle et de transparence totale entre les acteurs
privés et publics. La collaboration est poussée ainsi à des niveaux élevés par la
mise à disposition de l’information, depuis la phase d’avant la conception de
la stratégie jusqu’à l’évaluation de l’action en passant bien évidemment par la
définition des rôles et le lancement des projets.
L’intronisation de SM le Roi Mohammed VI a ouvert la voie à une nouvelle
ère de réformes et de renouveau institutionnel. À l’image de la vie politique
marocaine, le secteur touristique a bénéficié d’un nouveau souffle lors du
lancement de la Vision 2010. Un souffle qui s’est éteint peu à peu à cause
de plusieurs freins notamment structurels liés à un système de gouvernance
fragile. Ce chantier devra être engagé et poursuivi, non sans l’engagement de
tous les acteurs afin d’offrir un cadre transparent et clair au secteur et faciliter
son décollage.
La gouvernance du secteur touristique devra s’appuyer sur un processus
technique et institutionnel clair et structuré. Le processus a été déjà amorcé
est nécessite encore des efforts et une adhésion de toutes les parties prenantes.
Il devra aller de l’avant dans la fixation des normes et des procédures pour
offrir le champ à un travail et une prise de décision collective à tous les
niveaux. Trouver la synergie escomptée entre acteurs publics, privés et
20. Organisation mondiale du tourisme, Citlalin Durán Fuentes, « Governance for the
Tourism Sector and its Measurement », Madrid 2013 in cf.cdn.unwto.org/sites/all/files/IP_
Governance_paper_EN.pdf
Tourisme
369
sociaux, qui a nourri la Vision 2010, devra encore nourrir le travail de ceuxci tout en veillant d’abord à l’opérationnalisation des différents dispositifs et
institutions déjà préconisés et constitués en leurs donnant les moyens de leurs
responsabilités.
2.2.2. Le tourisme collaboratif
Véritable mouvement économique, l’économie collaborative a envahi le
monde depuis la crise économique de 2008. Un nouvel élan proposant une
nouvelle conception de l’économie, notamment touristique, qui rompe avec
les logiques traditionnelles dominées par les grandes structures et un marché
bien organisé est imperméable. Ce nouveau modèle transnational dit circulaire
brise les barrières, en se développant dans tous les types d’échange marchand
et en prônant une relation pair à pair au lieu des traditionnels intermédiaires
commerciaux. C’est cette logique même qui en fait un mouvement disruptif
et perturbateur qui réinvente les échanges de biens et de services sous les
signes de la désintermédiation et l’humanisation des échanges.
Le Maroc ne semble pas épargné par cette mouvance. Ces dernières
années, le tourisme et ses différents métiers, comme le transport, la
restauration, le guidage, ont connu une réelle montée de l’offre collaborative.
Airbnb, Uber…, pour ne citer que les agrégateurs, qui ont fait récemment
la polémique, fournissent aux particuliers la possibilité d’offrir leurs services
et prestations, concurrençant de façon féroce les structures hôtelières, les
transporteurs et les taxis. L’ubérisation du tourisme semble ainsi secouer le
tourisme marocain de plein fouet. Cette nouvelle conception propose comme
alternative la possibilité de proposer à une large communauté (locale et
internationale) des services uniformisés sur des plateformes collaboratives qui
permettent une distribution directe et à très faible coût. On estime en 2017
à 140 millions de voyageurs le nombre de personnes listées sur la plateforme
Airbnb (40 millions en 2015 et 80 millions en 2016), alors que 17 millions
ont déjà réservé à travers le site Airbnb pour le seul été 2015.
Au-delà des peurs qu’elles suscitent de la part les hôteliers et transporteurs,
les plateformes de tourisme collaboratif ont offert une réponse à un
nouveau marché de touristes qui veulent changer et réinventer leur façon de
voyager, loin des opérateurs et du système touristique traditionnel. Avides
d’expériences et de contacts avec leurs hôtes et destinations, ces touristes sont
en quête de partage, de sociabilité perdue et bien évidemment de rapports
moins marchands et plus humain. C’est une nouvelle génération de touristes
fortement connectée et habituée à l’usage des réseaux sociaux. L’Organisation
mondiale du tourisme estime que les touristes s’orientent de plus en plus
370
Profils sectoriels et émergence industrielle
vers le collaboratif et que le besoin de changer les modèles traditionnels est
pressant (OMT, 2016).
Les peurs manifestées par les gouvernements et les entreprises touristiques
à l’échelle internationale ont aussi pris la forme de l’interdiction et de
l’imposition. Le débat autour de la taxe de séjour et de la déclaration des
revenus des hôtes a été soulevé dans plusieurs grandes villes dans le monde
et à laquelle Airbnb a répondu en signant des conventions obligeant les hôtes
à se conformer aux législations locales. Dans le même sens, Airbnb essaye de
trouver une légitimité en développant des outils de collecte des taxes locales au
profit de certains gouvernements locaux. Airbnb a ainsi collecté $110 millions
de taxes nouvelles dans 200 juridictions dans le monde.
Au Maroc, le développement de l’offre collaborative est remarquable.
Des plateformes permettent de proposer des prestations loin des circuits
touristiques classiques. Les réactions n’ont pas tardé face à la montée de
certaines d’entre elles, notamment Airbnb et Uber. Leurs effets perturbateurs
ont créé une vaste polémique sans pour autant freiner l’élan des touristes et
des prestataires, généralement du secteur informel. Si Uber a abandonné le
combat après plusieurs problèmes avec les taxis, Airbnb mène une réflexion
pour une possible taxation des hôtes.
En tout état de cause, l’adaptation à ce nouveau marché, en plein boum,
permettra de renforcer le tourisme au Maroc et de proposer des alternatives
aux produits et aux canaux classiques de distribution des voyages. Il faut
rappeler que la force de ce modèle est la communauté humaine, et son outil
de base est une technologie réinventée par les agrégateurs permettant à l’offre
et à la demande de dépasser les acteurs traditionnels. Le tourisme collaboratif
offre de nouvelles opportunités en termes de création d’emplois et de rentrée
de devises et autant d’espoirs pour des territoires dans leur majorité reculés et
loin de l’axe urbain de croissance Tanger-Casablanca-Agadir.
2.2.3. Le tourisme digital
Le digital est une autre révolution du tourisme. Bien qu’elle ne soit
pas récente, son importance tient à son accélération ses dernières années
avec le développement de nouveaux outils et systèmes d’information et
de télécommunication générant de nouvelles fonctions et un changement
profond dans les modèles économiques. En effet, les nouvelles technologies
offrent plus de précision et une réponse rapide et directe aux besoins d’un
marché fait de touristes hyper-connectés. L’innovation technologique dans le
Tourisme
371
tourisme offre ainsi plus de facilité et de choix aux touristes et aux entreprises
au niveau de toute la planète.
À l’échelle de la demande touristique, le touriste peut organiser son
voyage, choisir et acheter en ligne, partager et conseiller d’autres touristes
en émettant des avis et des commentaires sur son voyage et au sujet de
prestations qu’il a pu consommer. L’attrait des plateformes et des applications
les plus sophistiquées condamne à la disparition les organisations qui
n’investissent pas dans la technologie numérique. La présence sur le web
et la communication multicanale, les réseaux sociaux participent à la
création de communautés virtuelles qui agissent et interagissent, produisent
et communiquent incessamment. Membre de communautés ou touriste
solitaire, le nouveau touriste à l’ère du digital est actif et a un besoin pressant
d’être acteur de la production de son propre voyage.
À l’échelle de l’offre, les organisations touristiques peuvent développer,
gérer et distribuer leurs produits et prestations grâce à de nouveaux outils
efficaces. Les TIC ont restructuré de façon profonde les processus du travail
en redistribuant les rôles et les efforts des collaborateurs en les orientant
vers des tâches et des activités qui nécessitent plus de contact humain. Elles
laissent l’intelligence artificielle s’occuper des tâches les plus complexes et ce
à moindre coût.
Plus que jamais, l’innovation technologique module et refait les processus
de production et de distribution, depuis la prospection jusqu’au service aprèsvente. Le Big data, l’intelligence artificielle, le cloud computing, les réseaux
sociaux, la réalité augmentée, les systèmes-experts, le paiement électronique et
mobile… sont autant d’outils à la disposition des organisations touristiques
pour s’adapter et répondre aux exigences d’un marché touristique volatil. Le
processus de transformation est lent, mais il est déjà amorcé, permettant à
de nouveaux entrants sur le marché d’avoir une longueur d’avance. Certes,
les nouveaux systèmes intelligents utilisés par les OTA et les compagnies
aériennes ainsi que les plateformes de réservation, notamment collaboratives,
bouleversent le monde de la distribution des voyages en offrant plus de
choix à des tarifs réduits et sans contrainte de temps. La distribution en
ligne via les sites web est ainsi actuellement suppléée par ces nombreux
moteurs de réservation qui proposent de nouveaux modèles de médiation
avec des algorithmes sophistiqués. Booking, Tripadvisor, Expedia, etc. ont pu
s’imposer grâce à une technologie qui lie visibilité et possibilité de faire, en des
temps records, plusieurs opérations et transactions sur des bases de données
gigantesques de plusieurs opérateurs.
372
Profils sectoriels et émergence industrielle
Cette évolution en est encore à ses débuts. En effet, d’autres aspects de
l’innovation technologique dans le tourisme et la distribution des voyages
laissent apparaître une série de ruptures dans les années à venir. D’abord
le passage à un web 4.0 plus autonome et l’importance de l’information et
l’usage du Big Data combiné à l’intelligence artificielle. Encore à leurs débuts,
ces innovations vont sûrement changer la conception du service touristique,
de l’assistance et du rôle de l’élément humain dans le conseil et l’aide à la
décision concernant le voyage. La mobilité aussi et la compression du temps de
connexion du client-touriste que proposent les applications mobiles avec leurs
panoplies d’offres de service pendant tout le cycle du voyage (avant, pendant
et après). En attente d’un système de régulation international qui limite
leur super-pouvoir, ces deux éléments feront que les firmes technologiques
(Google, Facebook, OTA…) auront davantage de pouvoir pour dessiner notre
monde de voyage tout en prédisant notre comportement et notre propension
à acheter telle ou telle destination.
Au Maroc, les progrès du digital dans le domaine du tourisme sont encore
lents. Plusieurs opérateurs touristiques se limitent à un site internet basique,
dans le meilleur des cas. Pour les plus novateurs, des barrières quant aux
compétences et à la rapidité d’adaptation technologiques ne leur permettent
par encore de faire leur place sur la scène mondiale. La domination des grands
opérateurs et OTA, en termes de distribution, est sans équivoque, mais elle
offre de nouvelles opportunités aux opérateurs touristiques marocains dans le
domaine de la distribution.
2.2.4. Les marchés émergents
Avec leurs forts potentiels de croissance et des perspectives économiques
prometteuses, les BRICS ont une population qui avoisine 42 % de la
population mondiale et représentent 21 % du PIB mondial. Ils constituent
des marchés potentiels de tourisme émetteur, dotés de moyens que les grandes
destinations se disputent. En effet, les classes moyenne et supérieure se sont
développées et leurs revenus se sont accrus (21), notamment ceux consacrés
au tourisme international. La Chine et l’Inde se révèlent ces dernières années
comme des pays émetteurs de touristes qui dépensent beaucoup.
Selon le baromètre du tourisme de l’OMT, les marchés émetteurs des
BRICS ont tous enregistré une augmentation des volumes de touristes et
21. Ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, « Les classes aisées des
économies émergentes – Brésil, Russie, Inde, Chine – stimulent le secteur du tourisme en
France », Les 4 pages de la DGE, Études économiques, n° 42, mars 2018.
Tourisme
373
des dépenses de voyage. Les touristes chinois ont dépensé en 2017 près de
258 milliards de dollars américains (+5 % en monnaie locale). Les touristes
russes ont dépensé 13 % de plus que l’année 2016 élevant le volume des
dépenses à 31 milliards de dollars, les touristes brésiliens +20 % avec
19 milliards de dollars et les touristes indiens +9 % avec 18 milliards de
dollars. Ces performances placent ces économies à forte croissance en tête des
clientèles qui dépensent le plus. Le nombre de touristes chinois dans le monde
est passé de 75 millions en 2015 à 80 millions en 2017, alors que le marché
russe comptait plus de 22 millions de départs en 2017 (22).
Selon une étude de l’Euromonitor international, le marché chinois va
connaître l’évolution la plus rapide dans les années à venir (+15 %) (23).
Atouts France conforte cette étude et évalue à 120 millions les touristes
chinois potentiels pour les voyages internationaux. Ce sont essentiellement
des millénials urbains des grandes villes chinoises, d’un niveau d’éducation
et de formation élevé et de moyens financiers leur permettant d’augmenter la
fréquence de leurs voyages internationaux tout le long de l’année. Les jeunes
(60 %) de ce segment sont accros à la technologie et surtout au mobile,
notamment pour leurs achats.
Les touristes chinois qui partent vers les destinations lointaines privilégient
les voyages offrant de nouvelles expériences. Ils partent en petits groupes ou
seuls, combinant généralement plusieurs destinations. Ils aiment le shopping,
qui constitue leur premier poste de dépenses.
L’Office national marocain du tourisme a fait du marché chinois une de
ses cibles majeures. Le nombre de touristes chinois qui ont visité le Maroc
a ainsi évolué ces dernières années pour atteindre 107 000 en 2017, alors
qu’il ne dépassait pas quelques centaines vers la fin des années 90 et se
montait à 10 515 en 2015 (figure 4). Il a connu une importante progression
à partir de 2016 suite à la suppression des visas entre les deux pays et devrait
progresser pour atteindre 500 000 touristes en 2020, selon le ministère du
Tourisme marocain qui multiplie les efforts vers ce marché, avec notamment
le lancement d’une ligne aérienne en 2021 et une forte présence dans les
manifestations et foires dédiées au tourisme en Chine et dans la région.
La progression du marché chinois est accompagnée par une sorte de
stagnation et de fluctuations dans les marchés BRICS. En effet, l’évolution des
22. International trade center, « BRICS countries: Emerging players in global services trade,
Trade impact for good », 28 July 2017.
23. Euromonitor international, Strategy Briefing, Global Luxury Travel Trends Report, 43 p.,
Feb. 2017.
374
Profils sectoriels et émergence industrielle
arrivées du marché russe, en dents de scie, laisse apparaître une inadéquation
de l’offre marocaine à un marché large dont les besoins sont très hétérogènes.
Certes, si une minorité de touristes russes sont attirés par le luxe, une grande
majorité reste attirée par le tourisme balnéaire et les packages tout-compris
que la destination Maroc a du mal à imposer face à des concurrents comme
la Turquie ou l’Égypte. Le marché brésilien ne bénéficie pas non plus des
efforts à la hauteur de ses potentialités. Le nombre des Brésiliens qui ont
visité le Maroc en 2017 n’a pas dépassé les 45 000, contre 20 000 en 2015. Le
même constat peut être fait pour le marché indien qui ne génère que 13 441
touristes en 2016, contre 11 910 en 2015.
Figure 4
Évolution des arrivés par marché BRICS
Chine
Brésil
Russie
Inde
Source : l’Observatoire marocain du tourisme et le Centre d’Intelligence économique de la BMCE, le Maroc
en chiffres, 2016.
Le positionnement du Maroc sur le marché des BRICS devra être une
des orientations majeures, tout en capitalisant sur les marchés traditionnels
proches de l’Europe occidentale. Toutefois, les profils et le comportement des
clients devront faire l’objet d’un travail de fond dans le but d’offrir le produit
adéquat et un service de qualité. Les particularités au niveau de la culture,
de la langue et de la gastronomie et des habitudes alimentaires sont autant
d’éléments à prendre en considération pour ces marchés à l’assaut du monde.
2.2.5. Le marché interne
Avec 32 % des nuitées dans les hôtels classés du pays, le tourisme interne
participe à la dynamique touristique du pays. En 2017, le ministère du
Tourisme a enregistré 7,1 millions de nuitées et une évolution de 7 % par
rapport à 2016, affichant un fort potentiel pour l’industrie touristique et
les territoires. Selon le ministère du Tourisme, ce segment a enregistré plus
Tourisme
375
de 40 milliards de dirhams de recettes (24). Les voyages et les nuitées dans
les hébergements non classés, les locations et les séjours chez les amis et les
familles, les plus fréquents chez les Marocains, bien qu’ils soient écartés des
statistiques officielles, participent davantage à cette dynamique. Si Marrakech (25)
se positionne comme la première destination en termes de nuitées officielles
réalisées par les touristes nationaux, des villes comme Agadir, Casablanca, El
Jadida, les belles villes et les plages méditerranéennes de la rive nord autant
que les villes et villages de l’intérieur du pays connaissent des vagues de
touristes marocains.
La dynamique territoriale des déplacements et des voyages des Marocains
est bénéfique pour les territoires et l’économie locale dans les zones
touristiques comme dans les territoires les plus reculés. De plus, le tourisme
interne permet de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés internationaux.
Pendant les années de repli et de stagnation du tourisme mondial, durant les
périodes de crise, il offre des alternatives durables permettant de réduire le
manque à gagner des marchés extérieurs. Plus encore, il est aussi un facteur
qui renforce la résilience de l’économie touristique face aux crises.
L’accès des Marocains, résidents et non-résidents, au tourisme est un
volet qui nécessite le déploiement de nouvelles mesures d’encouragement. Le
tourisme marocain peut beaucoup gagner à inciter et faciliter l’accès des RME
à l’hébergement classé, surtout que ce segment génère peu de nuitées, comme
le démontrent les statistiques officielles. Pourtant, il dépasse actuellement le
nombre d’arrivées aux postes-frontières. De même, le segment des touristes
résidents pourrait se développer davantage et profiter au secteur et aux
opérateurs.
Le tourisme interne a un poids important dans certains pays. Il dépasse
70 % de l’activité touristique en France et en Espagne, alors que dans un pays
émergent comme le Brésil la dynamique touristique est assurée à 90 % par
les nationaux. Ces pays ont développé des politiques dédiées à ce segment,
s’appuyant sur des formules d’aides au départ en vacances et des produits
adaptés aux besoins.
Les efforts engagés dans les Visions 2010 et 2010, à travers le programme
« Kounouz Biladi » et le développement de l’offre de résidences hôtelières,
de campings et de locations de vacances, doivent être renforcés. Les
recommandations de l’enquête conduite par l’Observatoire du tourisme
24. Observatoire du tourisme (2014), Enquête sur le tourisme interne au Maroc,
25. Études de la DEPF (Direction des études et des prévisions financières), juillet 2014, « Le
tourisme interne en tant que levier de croissance pour le secteur ».
376
Profils sectoriels et émergence industrielle
avaient mis l’accent sur le besoin de dispositifs comme les chèque-vacances,
les aides aux départs en vacances au sein de l’Administration et des entreprises
et l’élargissement du programme « vacances pour tous » destiné aux jeunes
et piloté par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Ces efforts visent
autant la démocratisation de la pratique du tourisme et la vulgarisation des
déplacements et des activités récréatives que l’amélioration des conditions de
voyage et de séjour d’une clientèle plus aisée qui préfère partir à l’étranger à
cause de la politique tarifaire menée par les opérateurs touristiques durant les
périodes de haute saison.
Conclusion
La Vision 2010 a été instaurée comme un cadre-stratégique du
développement du secteur du tourisme au Maroc dans le cadre d’une
concurrence internationale rude. Des objectifs ambitieux ont été fixés dans
ce cadre, qui ont porté en particulier sur la promotion des investissements
touristiques à travers la promotion du tourisme balnéaire afin de porter à
10 millions le nombre de touristes des arrivées touristiques, de renforcer la
capacité litière (160 000 lits supplémentaires) et de créer 600 000 nouveaux
emplois.
Dans le cadre du prolongement de cette Vision et en vue d’accélérer la
cadence des programmes touristiques, une nouvelle stratégie a été mise en
œuvre, la Vision 2020, avec des objectifs ambitieux portant, d’une part, sur
le doublement de la capacité litière du pays (200 000 lits supplémentaires) et
en conséquence l’augmentation des arrivées de touristes et, d’autre part, sur la
création de 470 000 nouveaux emplois directs et l’accroissement des recettes
touristiques pour atteindre 140 milliards de dirhams en 2020.
Pour soutenir la mise en œuvre de ces stratégies touristiques, le cadre
réglementaire a été renforcé avec l’adoption de nouvelles lois, en particulier la
loi sur les hébergements touristiques et la loi sur les agences de voyages. Ce
cadre réglementaire a été également renforcé avec la mise à niveau du transport
touristique et la prestation de guidage en termes d’octroi d’agréments de
transport et la qualification de la profession de guide.
Les principaux résultats issus de l’analyse de la rétrospective du secteur
touristique durant la période 1998-2017 ont porté sur l’évolution remarquable
des arrivées touristiques qui sont passées de 3,14 millions à 11,35 millions,
soit une évolution annuelle moyenne de 6,65 %. L’évolution de ces arrivées
par marché montre que les touristes français, espagnols, allemands et anglais
prédominent à hauteur de 65 % en moyenne des arrivées globales (soit
Tourisme
377
12,1 millions de touristes en moyenne sur la même période). Les touristes
français représentent 40,3 % des arrivées, suivis par les touristes anglais
(10,1 %), allemands (8,9 %) et espagnols (5,4 %).
Par ailleurs, le nombre total de nuitées dans les hôtels classés a atteint en
moyenne 16 millions sur la période 1998-2017, passant de 12 à 22 millions
avec un taux de croissance annuel de 3,11 %. Quant à la durée moyenne du
séjour des touristes, elle a accusé un recul, passant de 3,82 nuitées en 1998 à
1,9 nuitée en 2017, soit une dynamique négative de 3 %.
Quant aux recettes touristiques, elles ont connu une croissance positive
entre 2010 et 2017, passant de 55 milliards de dirhams en 1998 à 72 milliards
en 2017, soit une évolution de 12 % sur la période.
En dépit de l’importance des performances réalisées, des défis restent à
relever, et de nombreux facteurs de blocage entravent le développement du
secteur touristique au Maroc, ces contraintes portant en particulier sur la
morosité de la conjoncture économique internationale, la concurrence accrue
de nos concurrents directs (Espagne, Turquie, Égypte, etc.), l’insuffisante
compétitivité de l’offre touristique marocaine et les dysfonctionnements du
système de gouvernance du secteur (multiplicité des intervenants engendrant
des enchevêtrements de compétences et d’attribution, insuffisance de la
dimension régionale dans la mise en place des projets touristiques).
Le décollage du secteur touristique nécessite de résoudre ces problèmes
et de dépasser les blocages au niveau de la gouvernance du secteur et de
l’administration territoriale, d’un côté, d’investir sur les tendances-phares et
les marchés émergents sans pour autant oublier l’important marché interne,
d’autre part.
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Https://south-africa.airbnbcitizen.com/
CHAPITRE 13
Commerce et distribution
Tarik Lakhal et Hicham Ouakil
1. Caractéristiques et évolution du secteur
Le secteur du commerce et de la distribution est considéré comme une
composante majeure de l’économie nationale. Il employait plus de 1,3 million
de personnes à la fin de 2012, soit 13 % de la population active occupée, avec
une valeur ajoutée de 77 133 millions de dirhams pour la même année, ce qui
représente environ 11 % du PIB national et le classe 4e en termes de PIB (1).
Ce secteur est un levier très important de la création des richesse du pays.
Tableau 1
La valeur ajoutée du secteur du commerce par région en 2012
(en millions de dirhams)
Oued Ed-Dahab-Lagouira
Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra
2 728
Guelmim-Es-Semara
Souss-Massa-Drâa
6 289
Gharb-Chrarda-Béni Hssen
2 974
Chaouia-Ouardigha
4 960
Marrakech-Tensift-Al Haouz
6 675
Oriental
Grand Casablanca
4 458
16 736
Rabat-Salé-Zemmour-Zaër
6 604
Doukkala-Abda
4 489
Tadla-Azilal
2 419
Meknès-Tafilalet
4 393
Fès-Boulemane
3 767
Taza-Al Hoceima-Taounate
3 020
Tanger-Tétouan
7 622
Total
77 133
1. Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies.
382
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 1
Évolution de la valeur ajoutée du secteur du commerce au Maroc
(en millions de dirhams)
Source : Haut-Commissariat au Plan.
La valeur ajoutée du secteur est inéquitablement répartie selon les régions.
La région du Grand Casablanca accapare à elle seule la plus grande part de
valeur ajoutée avec 16 736 millions de dirhams, suivie par la région TangerTétouan, avec 7 622 millions de dirhams.
Ce secteur a connu de profondes mutations ses dernières années, impulsées
par les changements de modes et des habitudes de consommation, par la
croissance démographique et l’amélioration du niveau de vie.
Nul ne peut ignorer aussi que le secteur du commerce et de la distribution
est primordial en ce qui concerne les emplois directs et indirects (soustraitants, fournisseurs, etc.) ; il a évolué d’une façon très significative, passant
de 0,8 million d’emplois en 1998 à 1,38 million en 2012, ce qui représente
13 %, proportion non négligeable, de l’emploi national qui est de l’ordre
de 10,5 millions d’emplois. Les prévisions sur l’évolution des emplois à
l’horizon de 2020 montrent que ce nombre passera à environ 1,7 million,
ce qui devrait générer environ 360 000 nouveaux emplois. Le commerce
et la distribution s’inscrivent dans une dynamique d’ouverture et de mise
à niveau technologique en vue de favoriser le processus de libéralisation et
d’encouragement des investissements étrangers.
Tableau 2
Les effectifs de l’emploi du secteur du commerce au Maroc (en milliers)
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Commerce 1 097 1 125 1 144 1 166 1 216 1 247 1 233
1 253
1 274
1 307
1 334
1 377
1 387
National
8 845 8 885 9 098 9 484 9 586 9 628 9 928 10 056 10 189 10 284 10 405 10 509 10 510
Source : Haut-Commissariat au Plan.
Commerce et distribution
383
Depuis 1998, le secteur du commerce et de la distribution connaît une
évolution importante en termes de valeur ajoutée : il représente environ
11 % du PIB national, passant de 4 6 211 millions de dirhams en 1998
à 77 133 millions en 2012 (2). Cette évolution peut être expliquée par la
croissance démographique et l’évolution du niveau de vie avec l’émergence de
la classe moyenne qui engendre la modernisation du système de distribution
et le changement du comportement du consommateur marocain devenu très
exigeant en matière de qualité, de disponibilité et de diversité et qui diminue
ses dépenses de base au profit des dépenses d’un niveau supérieur (voiture,
vacances, loisirs…).
La croissance soutenue de la demande intérieure présente un potentiel très
important estimé à environ 600 milliards de dirhams à l’horizon 2020.
Cette demande intérieure est accompagnée par des mutations à différents
niveaux et dans toutes les régions, par la mise en place de stratégies de
développement de nouveaux modes de distribution, avec l’émergence de
nouveaux réseaux de grande distribution, de franchises et de plateformes
électroniques.
En 2012, les transactions commerciales avec l’étranger s’élevaient à
571,8 milliards de dirhams. Le solde commercial, par rapport au PIB, n’a
cessé de se dégrader depuis 2000, passant de – 11,1 % en 2000 à – 24,4 %
en 2012 (3). L’augmentation des importations de produits énergétiques et de
biens d’équipement liées à la dynamique de l’investissement et des différents
chantiers lancés au Maroc explique en partie l’aggravation de ce déficit.
La structure des IDE par secteur d’activité, montre bien que le secteur du
commerce extérieur freine toujours la croissance de l’économie, comme le
montre le solde commercial négatif des biens et services entre 2008 et 2012 :
inadéquation entre le volume des importations, y compris les services, qui est
de 425 597 millions de dirhams (4), et le volume très faible des exportations,
y compris les services, qui est de 296 161 millions de dirhams, et ce malgré les
différentes stratégies sectorielles mises en œuvre par les différents intervenants
du secteur, et qui ont eu un impact négatif (– 0,03 point) (5) sur la croissance.
Il faut souligner que la crise économique et financière de 2007 et la grande
dépression de 2009 ont participé largement à la dégradation des échanges
2. Haut-Commissariat au Plan.
3. Direction des études et des prévisions financières, ministère de l’Économie et des Finances,
Rapport : tableau de bord des indicateurs macro-économiques, mai 2015.
4. Haut-Commissariat au Plan, Direction de la comptabilité nationale.
5. Office des changes.
384
Profils sectoriels et émergence industrielle
extérieurs du pays et à la détérioration de sa balance commerciale durant
cette période. C’est ainsi que le secteur du commerce occupe la 5e position
en termes de volume, derrière l’immobilier, l’industrie, le tourisme et le
holding (6).
Graphique 2
Chiffre d’affaires des échanges extérieurs par secteur d’activité en 2012
(en %)
Immobilier
Industrie
Tourisme
Holding
Commerce
Grands travaux
Banque
Transports
Autres secteurs
La France occupe la première place en termes d’échange avec 23 %,
spécialisée dans les assurances, les télécommunications, le transport et le
secteur bancaire, suivie de la Grande-Bretagne avec 12 %, de l’Espagne avec
8 %, spécialisée dans la pêche, l’industrie et l’agriculture, sans oublier le
troisième investisseur entre 2005 et 2012 que sont les Emirats Arabes Unis,
spécialisés dans l’énergie et les mines, le holding et le tourisme.
Le secteur est donc porteur d’enjeux économiques très importants, mais
aussi sociaux (sécurité de l’emploi, création de nouveaux emplois, amélioration
des conditions sociales…), fiscaux (contribution fiscale du secteur…) ou
urbanistiques (développement harmonieux du territoire et accessibilité…) qui
impactent directement les citoyens, voire l’attractivité des territoires.
L’intervention de l’État dans le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suède se
base essentiellement sur des partenariats entre les investisseurs privés et les
autorités locales, et la politique d’implantation commerciale vise des objectifs
urbanistiques. Dans d’autres pays comme la France, le Portugal, l’Italie ou
le Danemark, l’intervention se fait directement avec des outils législatifs de
contrôle précisant les surfaces seuils d’implantation et la décision tient compte
des critères d’ordre socio-économique.
6. Idem.
Commerce et distribution
385
Partant de ces constats et prenant compte de tous les enjeux indiqués,
nous essaierons d’identifier la contribution de chaque sous-secteur et forme
de distribution (grande surface, franchise, e-commerce…), mais également
des acteurs moins connus tels que les nouveaux intermédiaires de la relation,
les éditeurs de contenu en ligne (blogs, sites, forums…) dans la réalisation de
ses résultats durant la période 1998-2012. Les différentes réformes engagées
durant cette même période pour promouvoir et relancer le secteur pour une
meilleure contribution à la croissance seront également évoquées.
2. Le commerce extérieur
A l’Indépendance, le Maroc a choisi la voie libérale pour son économie.
Le commerce représentant plus des trois quarts du PIB, le pays a multiplié les
efforts pour promouvoir ses exportations. Il a signé des accords de libre-échange
avec plusieurs pays. Les principaux partenaires commerciaux du Maroc sont
la France et l’Espagne, suivis des États-Unis et de l’Italie. Le pays importe
essentiellement du pétrole brut, des équipements de télécommunication,
du blé, du gaz et de l’électricité. Il exporte principalement du textile, des
composants électriques, des engrais, des agrumes et des légumes. Mais malgré
ses efforts, il souffre encore d’un déficit commercial chronique, ce qui lui
impose de mieux profiter de ces accords et de diversifier ses partenariats,
notamment en Afrique.
En 2012, les transactions commerciales avec l’étranger s’élevaient à
571,8 milliards de dirhams, contre 531,7 milliards en 2011, soit une
augmentation de 8 %. Cette évolution s’explique par l’augmentation des
exportations de 10 milliards de dirhams et la progression des importations
de 29 milliards de dirhams. Le taux de couverture des importations par
les exportations est passé, durant cette période, de 48,9 % à 47,8 %, et le
taux d’ouverture, qui exprime le rapport entre la valeur des transactions
commerciales et le PIB, est passé de 66,4 % à 69 %.
Les importations affichent une hausse de 29 milliards de dirhams entre
2011 et 2012. Cette évolution s’explique principalement par la hausse de la
commande des produits énergétiques (+ 16,2 milliards de dirhams). Le reste,
c’est la hausse de la demande des produits alimentaires.
Les exportations affichent aussi une hausse modérée de 10 milliards de
dirhams, ce qui explique la baisse du taux de couverture. Cette légère hausse
est due essentiellement à l’accroissement des ventes de produits finis de
consommation et à la stagnation des exportations de phosphates et dérivés
(– 0,1 %).
386
Profils sectoriels et émergence industrielle
En 2012, à l’instar des années précédentes, les échanges commerciaux du
Maroc demeurent concentrés sur l’Europe, avec plus de 63 % du total des
échanges (61 % à l’import et 67 % à l’export). L’Asie arrive au deuxième rang,
suivie de l’Amérique. L’Espagne et la France maintiennent leur position à la
tête des échanges, avec respectivement 17 % et 20 % des parts des exportations
et 13 % et 12,2 % des parts des importations.
La balance commerciale du Maroc est déséquilibrée, les exportations
augmentent moins vite que les importations, et le déficit commercial s’aggrave
d’année en année. L’augmentation des importations est due principalement
à l’augmentation des produits énergétiques, et la faiblesse des exportations
s’explique par la nature de l’offre exportable : produits non diversifiés et de
faible valeur ajoutée.
En 2012, le déficit commercial du pays s’est élevé à 201 milliards
de dirhams, avec un très faible taux de couverture : 48 %. En 2011, les
exportations n’ont progressé que de 4,7 % alors que les importations ont
connu un accroissement de 6,7 % (7) aggravant encore ce déficit commercial
enregistré déjà depuis plusieurs années. Cela s’explique en grande partie par
le montant de la facture énergétique du pays, mais aussi par le nombre trop
réduit d’entreprises exportatrices et leur dispersion. Si le Maroc comptait
plus de 5 000 entreprises exportatrices, l’essentiel du chiffre d’affaires à
l’international était réalisé par moins de 20 % d’entre elles. La grande
composante du déficit est, toutefois, structurelle. Elle résulte de l’incapacité
des produits marocains à faire face à la concurrence des produits étrangers tant
sur le marché national que sur les marchés étrangers.
Le Maroc a conclu plusieurs accords de libre-échange, notamment avec
l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique, la Turquie, la Tunisie,
l’Égypte et la Jordanie. Ces accords ont ouvert au Maroc des marchés
potentiels, mais il n’a pas su jusqu’à présent bien exploiter ces opportunités et
demeure déficitaire envers la plupart de ses partenaires commerciaux.
Face à cette réalité, le Maroc est appelé à revoir sa stratégie du commerce
extérieur pour mieux tirer bénéfice de ses partenariats. Il doit impulser
une politique d’incitation au partenariat avec les acteurs locaux pour un
meilleur transfert de technologie et de savoir-faire, ce qui permettra aux
investisseurs étrangers dans la distribution de s’implanter au Maroc à moindre
coût, moins de démarches d’installation et une meilleure compréhension
des consommateurs locaux. En plus, il s’avère nécessaire de diversifier les
7. Source : carnegie-mec.org/2012/Maroc.
Commerce et distribution
387
partenariats en investissant d’autres marchés, principalement le marché
africain, qui est en pleine expansion et présente une multitude d’opportunités
que le Maroc doit saisir et exploiter pleinement. Le Maroc a tout intérêt à
s’orienter vers les pays africains afin d’améliorer son commerce extérieur et
tirer sa croissance économique vers le haut.
3. Le commerce intérieur et la distribution
Le paysage du commerce intérieur et de la distribution a connu une forte
transformation depuis la fin des années 90, avec l’apparition des nouvelles
formes de distribution caractérisées par leur diversité et regroupant une large
gamme d’activités. Le secteur du commerce dénombre plus de 720 000 points
de vente répartis sur le territoire, tous types de commerce confondus. Il revêt
aussi une dimension sociale très importante car il abrite et constitue la source
de revenu d’environ 1,3 million de personnes, soit 13 % de la population
active marocaine.
3.1. La grande distribution
Le commerce intérieur est un facteur déterminant dans l’aménagement
territorial. Il joue un rôle important dans l’urbanisation, l’embellissement et
l’animation dans les zones urbaines et rurales. Les pays de l’Union européenne
en ont pris conscience et à cet effet organisent annuellement un congrès
européen, « Le commerce et la ville », dont la première édition a été organisée
à Malaga, en Espagne, les 24 et 26 février 1999.
Par ailleurs, la rapidité des mutations technologiques et techniques dues
à la mondialisation entraîne une variété dans l’offre de produits, générant
ainsi de nouvelles formes de distribution basées sur les techniques modernes
de gestion et de marketing. De même, l’existence d’attentes non satisfaites
par l’offre traditionnelle et la faiblesse de la taille et de l’organisation du
commerce traditionnel ont facilité le transfert d’une partie des dépenses de la
consommation d’un nombre non négligeable des consommateurs vers d’autres
formes de distribution comme celle de la grande distribution.
Le secteur de la grande distribution est composé des magasins de diverses
tailles, différentes de celles du petit commerce indépendant, généralement
implantés autour des grands centres urbains. Les produits sont en libre-service
sur la plupart des sites, avec un effectif important répondant aux exigences de
la clientèle. Leur regroupement en chaînes leur permet également de lancer
des campagnes de communication à grande échelle.
388
Profils sectoriels et émergence industrielle
Ces regroupements adoptent une politique d’achats groupés qui leur
permet d’obtenir des produits à bas prix. Le centre commercial est la forme la
plus grande conçue pour rendre le shopping agréable (stationnement gratuit,
climatisation, escaliers roulants, jeux pour enfants, etc.), toujours construit
autour d’un hypermarché. D’autres formes de distribution exercent aussi
une influence positive sur l’acte d’achat, tels les supermarchés, les supérettes,
les grands magasins, les grandes surfaces spécialisées, les magasins de hard
discount et les cybermarchés spécialisés dans la vente sur internet.
Les centres commerciaux (Morocco Mall, Anfaplace, Twin Center…) sont
situés le plus souvent en périphérique des grandes villes, ont plusieurs galeries,
généralement autour d’un hypermarché, parfois avec des activités annexes,
allant du cinéma à la restauration. Aujourd’hui, d’autres lieux se transforment
en vastes surfaces commerciales, spécialement dans les grands nœuds de
communication à proximité des gares routières ou des gares ferroviaires.
Elles ne se contentent pas de proposer une offre marchande aux voyageurs
(café, restauration, presse, distributeurs…), mais se transforment en véritables
centres commerciaux.
Les hypermarchés (Marjane, Carrefour…) : établissements de vente au
détail et en libre service à prédominance alimentaire, leur surface de vente
est supérieure ou égale à 2 500 mètres carrés. Les grands hypermarchés sont
généralement associés à une galerie commerciale qui complète les services
proposés par l’hypermarché lui-même.
Les supermarchés (Label Vie, Acima…) : établissements de vente au
détail et en libre service à prédominance alimentaire, leur surface de vente est
comprise entre 400 et 2500 mètres carrés. Afin de répondre aux besoins des
professionnels, dont les petits commerçants notamment, le Groupe Label Vie
a lancé le concept Hyper-Cash en 2012 via Atacadao.
Les magasins de hard discount (Maxi discompteur, Bim…) : de taille
équivalente à celle du supermarché, ils se distinguent par leur agencement en
offrant un assortiment de produits alimentaires restreint mais à bas prix. Ils
proposent leurs produits sur des palettes, dans leur emballage d’origine.
Les grandes surfaces spécialisées (Décathlon, Bricoma, Mobilia, Kitea,
Ikea…) : il n’existe pas de définition précise de ce concept. Il s’agit de grandes
surfaces vendant des articles d’un seule spécialité ou dans quelques domaines
complémentaires (électroménager, ameublement, articles de sport…).
Les cybermarchés (les supermarchés en ligne) (www.economat.ma) sont
spécialisés dans la vente des produits de consommation courante sur internet,
avec livraison à domicile.
Commerce et distribution
389
Le concept des hypermarchés et des supermarchés continuera à se
développer, mais la tendance observée reste toujours le développement des
magasins de proximité.
3.2. Historique
Historiquement, le commerce au Maroc a toujours été prospère, et
certaines villes telles que Fès, Marrakech, Salé ou Essaouira étaient connues
par leur trafic commercial sous des formes telles que les souks et les kissarias.
Il existait aussi, et ce depuis les années soixante, à Casablanca et à Rabat, des
grands magasins populaires tels que Monoprix qui a connu un véritable succès
à l’époque.
Au courant des années soixante-dix, plusieurs lois ont été promulguées,
dont les objectifs étaient d’assainir et d’organiser les circuits de la distribution
ainsi que l’instauration du système de quota et la fixation des prix, et ce, pour
plusieurs produits et services touchant tous les aspects de la vie économique
du pays.
A partir de 1984, le Maroc s’est engagé dans la libéralisation de son
économie pour faire face à l’inflation qui avait atteint des niveaux très
alarmants, variant entre 10 et 12 %. Ceci a engendré l’apparition d’autres
formes de distribution telles que les supermarchés, les coopératives de
consommation ou les centres commerciaux et a entraîné la modernisation de
la chaîne de distribution et de l’appareil commercial dans son ensemble.
Les années 90 ont été marquées par l’apparition de la grande distribution,
modifiant ainsi la manière traditionnelle de consommer des Marocains :
c’est le désir de consommer autrement. La transformation de certains
commerces de détail en petites et moyennes surfaces de vente ainsi que
l’apparition des grandes surfaces et des grandes chaînes de distribution
nationales ou à participation étrangère introduiront des notions qui étaient
jusque-là inconnues ou peu pratiquées : le juste à temps dans la livraison, la
diversification des produits, la chaîne du froid. Cette transformation explique
sans doute l’intérêt des investisseurs pour ce secteur, notamment les enseignes
étrangères.
3.3. La grande distribution au Maroc
Le paysage de la distribution au Maroc connaît des transformations : une
nouvelle forme d’achat voit le jour dès le début des années 90, favorisant ainsi
l’implantation de grandes surfaces et de centres commerciaux. Les canaux
de distribution au Maroc se caractérisent par des structures opaques et peu
390
Profils sectoriels et émergence industrielle
mûres, voir même anarchiques. Le nombre élevé des intermédiaires rend le
canal de distribution long. La principale conséquence reste le prix élevé pour
le consommateur final. Le principal centre d’affaires se trouve à Casablanca,
où se concentrent la plupart des entreprises et les plus grands centres de
distribution de marchandises tels que Derb Omar et Derb Ghallef. Et plus on
s’éloigne de l’axe économique stratégique Kénitra-Rabat-Casablanca, plus la
chaîne de distribution devient longue et opaque.
Personne ne peut nier l’intérêt du consommateur marocain pour
le commerce moderne. Cette modernisation a été portée au départ
essentiellement par une classe aisée, puis par la suite par la classe moyenne,
engendrant une croissance de la demande grâce à l’augmentation du pouvoir
d’achat couplée avec une dynamique démographique importante, surtout en
milieu urbain, ce qui a poussé les grandes enseignes à s’intéresser au marché
marocain.
L’implantation des grandes surfaces de marque étrangère autour des grands
centres urbains a secoué le mode traditionnel d’organisation du secteur des
commerces locaux de proximité caractérisés par leur fragmentation et la
multiplicité des intermédiaires, rendant ainsi le canal de distribution très
long entre le producteur et le consommateur. Cette implantation des grands
groupes étrangers est encouragée aussi par la stabilité politique, un régime
fiscal favorable et l’attractivité très importante de l’environnement d’accueil
qui offre des opportunités de développement plus intéressantes que dans
le pays d’origine et permet ainsi la création d’emplois (directs et indirects).
Cette dynamique a favorisé l’émergence d’acteurs locaux et l’ouverture
d’opportunités de modernisation et de développement pour d’autres.
Tableau 3
Évolution des sites de la grande distribution entre 2000 et 2011
2000
2011
Label Vie
3
35
Acima
0
30
Marjane
5
27
Aswak Assalam
1
12
Carrefour
5
10
14
114
Total
Commerce et distribution
391
Selon le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles
Technologie, le réseau de la grande distribution au Maroc a été multiplié par
8 en dix ans. Il est passé de 14 sites en 2000 à 114 en 2011, avec une surface
commerciale globale de plus de 700 000 mètres carrés. Casablanca accapare la
part de lion, avec 32 sites de commerce en raison des opportunités offertes en
termes d’infrastructures et de pouvoir d’achat, suivie de Rabat, avec 16 points
de vente. A elles seules ces deux villes possèdent 42 % des sites commerciaux
du pays à fin 2011.
Durant les années 2000, on assiste à l’émergence des grandes enseignes
à travers tout le Maroc. Cette forme de commerce intégré leur permet de
réduire leurs charges, d’où le renforcement de leur position concurrentielle
(Marjane, Label Vie, Asima, Kitea, Mobilia…).
Par ailleurs, l’absence de planification commerciale au niveau national,
l’absence d’un encadrement efficace par le gouvernement, l’opacité de la
structure de distribution et le vide juridique sur le plan du droit de la
distribution, de la concurrence ou sur l’urbanisme commercial (Abdelmajid
Amine, 2012) ont entraîné un déséquilibre de l’offre sur le territoire. A la fin
2011, Fès, 2e ville du pays, enregistre une densité commerciale de 30 points
de vente et 433 mètres carrés pour 1 000 habitants, comparable avec une
petite ville. En revanche, Casablanca affiche une densité de 71 points de vente
et 1 638 mètres carrés pour 1 000 habitants.
Le système des dérogations et du laisser-faire a impacté négativement
l’organisation des villes, tout en mettant en péril l’équilibre du territoire,
avec un déficit en matière d’offres pour un grand nombre de consommateurs,
ce qui a fait place au commerce ambulant – qui représente un manque à
gagner pour l’État quant à l’IR – et entraîne un manque de visibilité pour
les investisseurs potentiels. De plus, ce commerce alimente en grande partie
le secteur informel qui ne cesse de prendre de l’ampleur et devient un fait
économique et social qui limite la croissance durable de l’économie marocaine.
D’après une étude réalisée en 2011 par le ministère de l’Industrie, du
Commerce et des Nouvelles Technologies sur le commerce ambulant, 60 %
des professionnels exercent cette activité depuis le début des années 2000.
Les marchands ambulants sont principalement des hommes (91 %), avec
une moyenne d’âge de 41 ans et un faible niveau d’instruction. Ils exercent
ce métier dans des conditions de travail difficiles, et les deux tiers sont les
principaux soutiens financiers de leurs familles. Selon la même source, 80 %
sont installés près des gares routières, des mosquées, aux alentours des centres
commerciaux, des marchés municipaux et les souks. Ce type de commerce
concerne principalement les produits alimentaires et l’habillement, avec un
392
Profils sectoriels et émergence industrielle
chiffre d’affaires de plus de 46 milliards de dirhams et un bénéfice moyen par
jour de 104 dirhams, soit un manque à gagner pour l’État de 405 millions de
dirhams au titre de l’impôt sur le revenu.
Le commerce non organisé conduit à une invasion du commerce ambulant
impactant négativement le paysage de la ville, avec notamment, des blocages
et des difficultés de circulation. L’étude menée sur l’informel par le HCP
en 2007, a montré que l’informel est en forte progression. Il est passé de
314 000 unités en 1999 à 433 000 en 2007, soit une augmentation de 38 %
et une croissance moyenne de 3 à 4 % annuellement.
Une étude du ministère de tutelle réalisée en 2009 fait apparaître que les
petits commerces dominent largement le marché marocain, avec 99 % des
points de vente, 86 % de la surface globale et 81 % du chiffre d’affaires. En
revanche, les grands commerces, avec 1 % des points de vente et 14 % de la
superficie, réalisent 19 % du chiffre d’affaires.
Malgré les différents efforts des groupes étrangers, leur emplacement à
la périphérie des grandes villes et la connexion au réseau des transports en
commun urbain représentent un handicap majeur et laissent la place à un
système traditionnel de distribution qui repose sur un commerce de proximité
qui remplit une double fonction: une fonction de distribution et une autre
fonction, très importante, qui trouve ses origines dans la culture et les
traditions marocaines, celles du lien social (Abdelmajid Amine, 2012). Cette
relation de proximité entre commerçants et consommateurs dépasse le cadre
de l’échange de biens et de produits de consommation, c’est une relation de
confiance. Le commerçant connaît ses clients, il leur accorde des facilités, il
est disponible, etc.
L’émergence de la grande distribution a impacté toute la chaîne du
commerce, de la production à la consommation, en restructurant en amont
et en aval le circuit de la production et la filière logistique, favorisant ainsi
l’émergence et la mise à niveau d’acteurs locaux, impactant positivement
l’offre, la qualité (respect de la chaîne du froid, rotation des stocks,
amélioration des conditions de stockage…), l’aménagement des locaux, la
diversité du choix, la rationalisation des coûts (l’optimisation de la chaîne
logistique, transport, stockage…), et les délais de livraison, etc.
Néanmoins, le développement du commerce de proximité dépend
largement d’une nouvelle conception innovante et de l’amélioration de son
modèle économique à travers l’adoption de nouvelles techniques de vente, le
développement d’offres plus attrayantes et la maîtrise des charges de l’activité
commerciale.
Commerce et distribution
393
Tableau 4
Nombre de points de vente modernisés par région
Beni Mellal-Khénifra
985
Dakhla-Oued-Ed-Dahab
2 224
Drâa-Tafilalet
1 443
Fès-Meknès
2 971
Grand Casablanca-Settat
3 805
Laâyoune-Sakia El Hamra
2 736
Marrakech-Safi
2 377
Oriental
2 647
Rabat-Salé-Kénitra
2 435
Souss-Massa
1 979
Tanger-Tétouan-Al Hoceima
1 762
Guelmim-Oued Noun
Total
421
25 784
Le commerce de détail ne s’est pas modernisé, rendant ainsi la concurrence
avec la grande distribution inégale, que ce soit sur le plan de la fidélisation de la
clientèle ou de la diversité des produits, ou sur les prix. Mais avec l’introduction
en force de la grande distribution, le commerce traditionnel et le département
de tutelle prennent conscience de la nécessité de moderniser l’organisation et de
mutualiser les approvisionnements, pour réduire les coûts et s’inscrire dans une
perspective de compétition avec les grands groupes.
Le rôle des autorités et des pouvoirs publics est primordial dans la
régulation de cette compétition pour maintenir la coexistence des deux
formes de distribution qui remplissent, en plus d’un rôle économique, un rôle
social et organisationnel, par la création d’emplois et l’auto-entrepreneuriat
qui favorisent aussi la sédentarisation et la cohésion sociale dans les quartiers
populaires. Le développement de la distribution et la modernisation des
commerces de proximité dépendent aussi de la lutte contre le commerce
clandestin, par des mesures coordonnées entre les pouvoirs publics (réformes
réglementaire) et les différents acteurs locaux, les syndicats et les grands
groupes de distribution.
A cet effet, le ministère de tutelle a lancé un programme de soutien
aux projets de modernisation du commerce de proximité, conçu par les
intervenants dans le secteur et visant à assurer un standard qualité d’hygiène
et de sécurité répondant aux attentes et exigences des consommateurs, à
394
Profils sectoriels et émergence industrielle
améliorer l’attractivité et l’embellissement du point de vente et à développer
et renforcer le savoir-faire du commerçant.
Ce programme a contribué au financement de l’expertise du point
de vente, à l’acquisition et l’installation des équipements nécessaires à la
modernisation du local et à la formation du commerçant sur les techniques
de gestion et de vente sur le respect des normes d’hygiène et de sécurité. Plus
de 25 780 commerçants ont bénéficié de ce programme, répartis dans les
différentes régions du pays.
Le département du Commerce et de l’Industrie a élaboré le plan Rawaj
vision 2020 pour le développement du secteur du commerce et de la
distribution. Il s’articule autour de quatre axes :
– la grande et moyenne distribution ;
– le commerce indépendant ;
– le commerce en réseau et la franchise ;
– les espaces publics marchands sous la responsabilité des communes
(marchés de gros, abattoirs et halles aux poissons).
A l’instar d’autres expériences internationales destinées à accompagner le
développement économique et social du secteur du commerce, certains pays
ont réservé des fonds pour la restructuration du secteur commercial, tel le
fonds FISAC alimenté par une taxe appliquée aux grandes surfaces et qui a
pour objectif la sauvegarde des activités commerciales et artisanales dans les
zones fragilisées. Le Portugal aussi dispose d’un fonds, PROCOM (Programa
de Apoio à Modernizaçao do Comercio), qui bénéficie de fonds européens
(Fonds européen de développement régional, FEDER, et Fonds social
européen, FSE) dont l’objectif est de moderniser la structure commerciale
traditionnelle des villes. Le Maroc aussi s’inscrit dans cette vision, et en
vue d’inciter les commerçants à adhérer à un plan de modernisation, il a
lancé le programme Rawaj Vision 2020 qui prévoit la mise en place d’un
mécanisme de financement dédié notamment à la création d’un fonds de
développement du commerce. Ce fonds permettra de financer et d’appuyer
les projets initiés par les collectivités locales dans le but d’organiser les espaces
commerciaux, moderniser les espaces publics et aménager des sites pour la
sédentarisation des commerçants ambulants. La dotation du fonds est de
200 millions de dirhams par an sur la période 2009-2012 (8).
En conséquence, le ministère de l’Industrie du Commerce et des Nouvelles
Technologies, en collaboration avec le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme
8. Source : www.mcinet.gov.ma « Le programme de modernisation ».
Commerce et distribution
395
et de l’Aménagement de l’Espace, a mené des réformes très importantes avec
trois objectifs stratégiques :
1. encadrer le développement du commerce dans sa globalité tout en
conservant l’équilibre entre commerce moderne et commerce traditionnel,
commerce de centre-ville et de périphérie, avec la mise en place d’un schéma
directeur des zones d’activités commerciales ;
2. associer les acteurs de l’urbanisme, les instances publiques représentatives
du commerce, les acteurs privés et les élus au développement du secteur ;
3. respecter la liberté d’entreprendre tout en accompagnant les acteurs
privés à l’aide d’un cadre favorable à l’investissement.
Le commerce et la distribution ont vu au cours des années 90 et les années
2000 le développement de nouveaux modes de distribution avec l’apparition
du commerce en réseau. Les franchises sont parmi les principales organisations
de vente et de distribution qui couvrent un large spectre de métiers, de la
restauration aux services, en passant par l’immobilier.
4. La franchise
4.1. Historique
Apparue aux États-Unis et en France au début du 20e siècle, la franchise
n’est devenue une forme très attractive de vente et de distribution que dans
les années 70. Au Maroc, cette forme d’organisation est récente. Les premières
enseignes sont apparues au début des années 60, avec l’implantation du
concept américain Avis en 1962, mais ce n’est qu’au cours des années 90 que
ce genre de commerce c’est réellement développé dans notre pays.
Entre 1990 et 1997, la franchise au Maroc a vu l’implantation de six
enseignes en moyenne par an, atteignant ainsi 42 réseaux de franchises, avec
174 points de vente fin 97, selon le ministère du Commerce et de la Mise à
niveau de l’économie. Entre 1997 et 2004, le concept a connu une très forte
expansion. L’enquête du ministère de tutelle a recensé, à la fin du mois de juin
2004, 210 enseignes avec plus de 700 points de vente, ce qui représente une
augmentation de 400 % en sept ans.
A l’échelle mondiale, la franchise occupe une place de plus en plus
importante dans le paysage commercial. Elle est en forte expansion depuis
les années 90 : elle est passée de 550 franchiseurs en 1991, avec un chiffre
d’affaires avoisinant les 30 milliards d’euros, à 1 658 franchiseurs en
396
Profils sectoriels et émergence industrielle
2012, avec un chiffre d’affaires de 50,68 milliards d’euros (9). Le nombre
d’enseignes installées au Maroc a connu, lui aussi, une croissance annuelle
soutenue d’environ 18 % durant les années 2000. Cette expansion ne se limite
pas aux chaînes internationales, elle concerne aussi les réseaux nationaux qui
constituent une brèche très importante pour le développement du concept au
Maroc et qui donnera ensuite notoriété, visibilité et accessibilité des produits
marocains sur les marchés internationaux.
Au Maroc, si la franchise est aujourd’hui très convoitée, aussi bien par les
commerçants que par les professionnels, c’est parce qu’elle présente beaucoup
d’avantages. Les statistiques de par le monde et au Maroc témoignent de
l’importance et de la dimension de ce type de commerce. Cet engouement
n’est pas dû au hasard, mais à plusieurs facteurs encourageants, dont
quelques-uns sont cités ci-dessous, qui ont permis l’installation d’enseignes
internationales :
– un système économique libéral et la stabilité du pays ;
– la proximité géographique et socio-culturelle ;
– une législation nationale favorable en matière d’investissement ;
– l’existence d’accords de libre-échange avec plusieurs pays ;
– l’évolution des modes de consommation ;
– un régime douanier développé.
4.2. La franchise au Maroc
Les franchises installées au Maroc sont au nombre de 584 à la fin de 2012,
contre 100 en 2000, selon le ministère de tutelle. Ces franchises sont réparties
sur plus de 4 000 points de vente. L’ouverture de grands « malls » a contribué,
de façon positive et importante, au développement du tourisme de shopping,
à tel point que certaines enseignes internationales sont devenues familières.
Il est à signaler que sur 100 franchises, environ 41 sont master franchisées,
36 sont franchisées et 23 franchiseurs.
L’attractivité de l’économie marocaine a contribué au développement
des points de vente franchisés avec l’implantation de nombreuses enseignes
étrangères. L’évolution moyenne entre 2000 et 2012 était de 17 % par an.
Les enseignes étrangères représentent plus de 85 % des franchises. Les
15 % restantes sont des franchises marocaines, avec plus de 70 enseignes et
plus de 2 500 points de vente, soit plus de 70 % du total des points de vente
franchisés.
9. Sources : Franchise Expo Paris et la Fédération de la franchise.
Commerce et distribution
397
Graphique 3
Répartition des réseaux de franchises cumulée par
date d’implantation au Maroc *
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
* 6 réseaux n’ont pas communiqué leur date d’implantation au Maroc.
Le groupe le plus présenté dans le métier de la franchise au Maroc
est Aksal, avec plusieurs représentations comme Zara, Galeries Lafayette,
Mango, Massimo Dutti. La franchise, qui représente environ 3 % des
surfaces développées et 0,4 % du parc de magasins, pèse près de 15 % de la
valeur ajoutée du secteur du commerce intérieur. Les réseaux de franchises
demeurent dominés par le prêt-à-porter, 25 %, devant la restauration, environ
10 %. La cosmétique et la coiffure, l’ameublement, la confiserie, la location de
voiture, l’enseignement, etc., sont également représentés. Les marques Zara,
Mango, Etam, La Senza, Okaïdi font partie de l’environnement quotidien des
consommateurs des grandes villes marocaines. A noter que les franchises de
services sont moins représentées.
Une étude menée auprès des opérateurs du secteur de la franchise par
le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies en
mai 2011 révèle que le réseau était constitué de 473 franchises réparties sur
plus de 3 819 points de vente.
A cette date, le réseau était dominé par le secteur de l’habillement, avec
41 %, suivi du secteur de l’alimentation, avec 17 %, et de l’ameublement, avec
6 % du nombre de points de vente.
398
Profils sectoriels et émergence industrielle
Graphique 3
Répartition des réseaux de franchises par secteur d’activité (en %)
25
28
1
1
1
1
2
2
7
2
2
2
2
6
3
3
5
3
3
Habillement et lingerie
Restauration
Ameublement
Chaussures
Bijouterie
Confiserie
Café
Centre de mise en forme
Institut de beauté
Maroquinerie et articles de voyage
Agence immobilière
Accessoires maison et décoration
Enseignement
Téléphonie
Coiffure
Habitat
Cosmétique
Location-auto
Autres
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies.
Les enseignes internationales constituent la majorité des enseignes, avec
86 % du réseau existant. La France à elle seule représente 38 % des enseignes
implantées au Maroc, suivie des États-Unis, 12 %. La répartition des enseignes
par point de vente montre que 39 % des réseaux disposent d’un seul point de
vente, contrairement aux enseignes marocaines qui se distinguent par un grand
nombre de points de vente, dont 45 % possèdent plus de 10 implantations.
Graphique 4
Répartition des réseaux de franchises par pays d’origine (en %)
1
2
11
5
3
4
38
7
12
12
14
France
Maroc
USA
Italie
Espagne
Canada
Belgique
Allemagne
Angleterre
Suisse
Turquie
Autres
Source : Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies.
Commerce et distribution
399
Casablanca est la ville qui héberge le plus grand nombre de franchises,
suivie de Rabat. L’axe Casablanca-Rabat représente, à lui seul, 43 % des points
de vente franchisés. Les villes de Marrakech (9 %), Fès (4 %), Agadir (4 %) et
Tanger (5 %) connaissent, elles aussi, une croissance soutenue des réseaux de
franchises grâce notamment au développement de l’immobilier commercial
de haut standing.
5. Le e-commerce
Depuis une vingtaine d’années, une vraie révolution numérique s’est
déclenchée. L’apparition de l’internet a entraîné des mutations dans tous
les secteurs, y compris le commerce. Tout le monde connaît Amazon,
Alibaba, eBay, ils sont devenus une composante de la culture d’achat des
consommateurs. Le e-commerce est devenu le principal canal de la vente à
distance.
Le e-commerce au Maroc est devenu un marché très important. Avec le
développement des nouvelles technologies et la croissance rapide des ménages
ayant accès à l’internet (de 7 % à 23 % (10)), il a été multiplié par trois entre
2006 et 2010. C’est dans ce cadre que la stratégie nationale e-Maroc a été
lancée en janvier 2005 pour renforcer la vente à distance et la distribution avec
l’introduction de l’internet dans la nouvelle définition du service universel.
Sans oublier bien sûr la population jeune intéressée par les ouvertures qu’offre
le produit internet.
Le développement du e-commerce a touché plusieurs secteurs : shopping
38 %, paiement des créances 40 %, voyages et événements 11 %, e-gov 7 %...
Bien qu’au Maroc le e-commerce soit considéré comme un potentiel non
encore exploité, l’évolution de son chiffre d’affaires a été multiplié par 10
entre 2008 et 2010, passant de 31 à 300 milliards de dirhams. On assiste à
l’apparition de plusieurs sites et applications de vente en ligne, tels Jumia,
Hmall, Hmizat, Boutika, et de pages facebook. En 2012, avec l’apparition des
sites de deals, le concept des achats groupés et des coupons a donné naissance à
la plateforme « Vendo.ma » qui permet de rassembler toutes les offres dans une
seule interface, qui est devenue le moteur de recherche de produits au Maroc. Au
Maroc, 1 site pour 240 000 habitants, en France, 1 site pour 900 habitants (11).
10. Source : Agence nationale de réglementation des télécommunications.
11. Source : Agence nationale de réglementation des télécommunications, Observatoire des
nouvelles technologies, chiffres de juin 2010, Maroc Télécommerce, Fédération e-commerce
et vente à distance (France).
400
Profils sectoriels et émergence industrielle
Le développement de ce type de commerce représente des opportunités très
importantes au Maroc.
Le secteur du e-commerce fait face à de nombreux obstacles qui entravent
son développement :
– les démarches administratives pour la mise en place d’une solution de
paiement en ligne ;
– les problèmes de sécurité et de confidentialité ;
– comment offrir aux acheteurs une meilleure expérience et leur inspirer
confiance malgré la faiblesse des contenus en langue arabe ;
– le taux « d’analphabétisme » en nouvelle technologie et le faible taux
d’équipement.
Conclusion
En guise de conclusion, l’analyse du secteur « commerce et distribution »
entre 1998 et 2012 montre qu’il est caractérisé par une dualité : un marché
moderne qui reste lié à l’évolution de la grande distribution et un marché
traditionnel qui concrétise le commerce de proximité et tend vers le secteur
informel. Bien évidemment, les perspectives d’évolution dépendent dans une
large mesure de la capacité de l’économie marocaine à éliminer l’économie
informelle. Autrement dit, quelles sont les réformes et les mesures qui doivent
être prises par les pouvoirs publics pour éradiquer le secteur informel ?
Finalement, les opportunités qui se présentent dans ce secteur sont
énormes et reposent en premier lieu sur la capacité de celui-ci à être
compétitif et à introduire dans les années à venir les principaux leaders dans
l’économie nationale. Par exemple, la grande distribution n’est pas encore
implantée dans les villes de taille moyenne, de même le e-commerce n’est
pas encore développé et est appelé à prendre davantage de parts de marché
et créer des emplois directs et indirects, particulièrement dans la logistique.
Ajoutons à cela le commerce traditionnel de proximité qui doit accompagner
les transformations quant à la modernisation des locaux, l’adoption de normes
de qualité et l’instauration en réseau essentiellement de la logistique et des
réclamations clients, mais aussi en préservant les acquis du crédit gratuit offert
aux clients et de la flexibilité des horaires d’ouverture.
AUTEURS
Safae A, Doctorante, Faculté des sciences juridiques, économiques et
sociales, Agdal, Université Mohammed V de Rabat, Laboratoire économie du
développement (LED), Maroc,
[email protected]
Bernard B, Professeur émérite, CREG (Centre de recherche en
économie de Grenoble), Université Grenoble-Alpes, France, Laboratoire
économie du développement (LED), Maroc,
[email protected]
Mohamed B, Enseignant-chercheur à l’École supérieure de
technologie d’Essaouira, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Maroc,
[email protected]
Nadia B, Doctorante à la Faculté des sciences juridiques, économiques
et sociales, Agdal, Université Mohammed V de Rabat, Laboratoire économie
du développement (LED), Maroc,
[email protected]
Issam E F, Enseignant-chercheur à l’École nationale de commerce et de
gestion, Université Chouaïb Doukkali d’El Jadida, Laboratoire économie du
développement (LED), Maroc,
[email protected]
Rachid E M, Docteur en économie, Faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales, Université Mohammed V de Rabat, Laboratoire
économie du développement (LED), Chef de service au Haut-Commissariat
au Plan, Maroc,
[email protected]
Rajae E M, Doctorante, Faculté des sciences Juridiques, économiques
et sociales, Souissi, Université Mohammed V de Rabat, Maroc, elmrajae@
gmail.com
Abdellali F, Professeur à l’Institut national de statistique et d’économie
appliquée, Rabat, Maroc,
[email protected]
Hicham G, Enseignant-chercheur à l’Université Ibn-Zohr d’Agadir,
Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, hichamkgoumrhar@
gmail.com
El Houcine K, Laboratoire économie du développement (LED), Rabat,
Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales, Agdal, Université
Mohammed V de Rabat, Maroc,
[email protected]
Tarik L, Enseignant-chercheur à la Faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales, Agdal, Université Mohammed V de Rabat, Maroc,
[email protected]
402
Profils sectoriels et émergence industrielle
Mariem L, Professeur à la Faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales, Université Ibn Tofaïl de Kénitra, Laboratoire économie
du développement (LED), Maroc,
[email protected]
Mohammed M, Professeur de l’enseignement supérieur, assistant à l’École
nationale de commerce et de gestion, Université Chouaib Doukkali d’El Jadida,
Laboratoire économie du développement (LED), Maroc, mzaizmohammed@
gmail.com
Benaissa Nl, Enseignant-chercheur, Faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales, Salé, Université Mohammed V de Rabat, Laboratoire
économie du développement (LED), Maroc,
[email protected]
Hicham O, Enseignant-chercheur à la Faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales, Université Ibn Tofaïl de Kénitra, Maroc,
[email protected]
Alain P, Chargé de recherche à l’IRD (Prodig, UMR 8586, France /
Laboratoire économie du développement (LED), Rabat, Maroc).
Abdelmoneim T, Enseignant-chercheur à l’École nationale des sciences
appliquées de Safi, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Laboratoire économie
du développement (LED), Maroc,
[email protected]
Dépôt légal : 2019 MO 3728 ISBN : 978-9920-38-211-3 ISSN : 2658-803X
Babel com
L’ouvrage Made in Maroc Made in Monde rassemble l’ensemble
des travaux effectués dans le cadre du programme de recherche
« Made in Morocco : industrialisation et développement » qui
s’est déroulé, en temps effectif, sur la période 2013-2018 et les
résultats auxquels ces travaux ont conduit. Il se compose de
trois volumes formant une totalité qui « n’est pas autre chose
que la pluralité considérée comme unité » (au sens de Kant).
Autour de la problématique générale de l’industrialisation
dans sa double relation avec les exigences du développement
national, d’une part, et avec les contraintes imposées par la
mondialisation, d’autre part, ce programme a conjugué une
diversité d’approches, de niveaux d’analyse, d’outils et de modes
d’investigation soutenus par des hypothèses de travail élaborées
de concert, au cours de plusieurs séminaires méthodologiques,
par une quarantaine de chercheurs et de doctorants.
Ce troisième volume offre, dans un chapitre introductif, un
cadrage d’ensemble de la dynamique sectorielle de l’économie
nationale, réalisé en mobilisant les données de la comptabilité
nationale.
Les treize chapitres suivants portent sur un certain nombre
d’activités industrielles, couramment qualifiées de branches ou
de secteurs, qui concernent non seulement les domaines relevant
de l’industrie manufacturière, mais aussi certains secteurs qui
sont des composantes de l’environnement de cette dernière.
Il s’agit, respectivement, de l’industrie agro-alimentaire, de
l’industrie du textile-cuir-habillement, de l’industrie chimique
et parachimique, de l’industrie mécanique et métallurgique,
de l’industrie automobile, de l’industrie aéronautique, de
l’industrie électrique et électronique, des secteurs de l’énergie,
de la logistique, de l’offshoring, de l’artisanat, du tourisme, du
commerce et de la distribution.
Prix : 80 Dh