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Stockage d’énergie et petite hydraulique

2012, Vse Aes Bulletin

BRANCHE ERNEUERBARE ENERGIEN BRANCHE ÉNERGIES RENOUVELABLES Stockage d’énergie et petite hydraulique Des propositions concrètes pour faire évoluer la promotion des énergies renouvelables Les petites centrales hydrauliques d’accumulation et à pompage-turbinage pourraient contribuer à la production d’électricité décentralisée de pointe et de réglage, ainsi qu’au stockage d’énergie décentralisé. Le potentiel technique en Suisse est suffisamment important pour valoir une adaptation des conditions cadres. Nicolas Crettenand, Matthias Finger, Hans Björn Püttgen Promouvoir la qualité Le développement des énergies renouvelables (ER) mène à davantage de production décentralisée et intermittente. La promotion des ER ne prend pas suffisamment en compte la nécessité d’une production flexible et le stockage d’énergie décentralisé pour faire face à cette production intermittente. Parmi les sources d’énergies renouvelables subventionnées (par exemple à travers la rétribution à prix coûtant (RPC)), la petite hydraulique est la source d’énergie la plus appropriée pour contribuer à la production flexible et au stockage d’énergie dans le cas d’aménagements d’accumulation ou à pompage-turbinage. De tels aménagements ont une importance régionale pour le fonctionnement du réseau électrique, notamment en vue du développement des réseaux intelligents (smart grids), et sont complémentaires aux grands aménagements d’accumulation et à pompage-turbinage. Potentiel technique Les petites centrales hydrauliques (PCH), d’une capacité installée jusqu’à 10 MW, ont produit 3,8 TWh en 2010, soit 5,7 % de la production d’électricité domestique (voir figure 1). Les PCH ont encore un potentiel important en Suisse avec la possibilité d’augmenter la production actuelle de 30 à 50 % d’ici 2050 ; ceci à condition que le cadre institutionnel évolue en conséquence. D’ici 2030 et, selon la stratégie d’utilisation de l’énergie hydraulique en Suisse défendue par l’OFEN, les PCH devraient produire 4,4 TWh. Le potentiel technique des PCH d’accumulation et à pompage-turbinage a été évalué en tenant compte des réservoirs existants ou qui vont être construits dans un avenir proche ; ceci afin de réduire les coûts d’investissement, de diminuer les oppositions et d’optimiser l’utilisation d’infrastructures en faisant converger plusieurs secteurs (par exemple, l’hydro- Résultats valaisans extrapolés Une brève évaluation technique a été effectuée pour chaque type de réservoir pour le canton du Valais, suivie par des évaluations plus approfondies pour 11 exemples de projet concrets (certains sont mentionnés dans le tableau 1). Le canton du Valais a été choisi pour l’étude de cas étant donné son volume de production hydroélectrique, ainsi que le nombre de PCH existantes et prévues selon les projets annoncés à la RPC. Les résultats valaisans ont été extrapolés pour la Suisse et sont donnés dans le tableau 2. Le potentiel technique est important comparé au potentiel exploité jusqu’à aujourd’hui. Dans le cas de l’accumulation, le potentiel exploité pourrait être doublé, voire triplé. Le potentiel se trouve dans des PCH sur des cours d’eau. Avec la RPC, le nombre de PCH va continuer à augmenter et donc offrir des EPFL La promotion des énergies renouvelables dans le secteur de l’électricité se concentre avant tout sur des aspects quantitatifs. Dans le premier paquet de mesures de la Stratégie énergétique 2050, l’OFEN vise une production renouvelable supplémentaire de 15 TWh d’ici 2035, dont 3,2 TWh d’hydraulique (sans compter le pompage-turbinage)[1]. En outre, plusieurs villes suisses ont défini leurs propres objectifs afin d’augmenter la part de production renouvelable. L’abandon prévu de l’énergie nucléaire est en train de doper la demande pour du courant produit en Suisse à partir de sources renouvelables. électricité et l’enneigement artificiel). Les réservoirs figurant dans le tableau 1 offrent des possibilités. Des infrastructures d’enneigement artificiel, d’irrigation et d’eau potable continueront à être construites en Suisse pour faire face au changement climatique et à la croissance du tourisme. Elles offrent des opportunités de construire des ouvrages à buts multiples en y incluant le pompage-turbinage avec de la petite hydraulique. Autres sources thermiques 3,3% Petite hydraulique 5,7% Nucléaire 38% Biomasse et biogaz 0,5% Autres ER 7,8% Hydraulique >10MW 50,9% Eolien 0,1% Déchêts 1,5% Photovoltaïque 0,1% Figure 1 Production d’électricité en Suisse en 2010 (66.3 TWh)[2] Bulletin 11 / 2012 15 Potentiel en Suisse PCH d’accumulation PCH à pompage-turbinage 1 En service en 2010 Infrastructures TOTAL Cours d’eau1 106 MW 0 15 MW 0 Potentiel technique additionnel Cours d’eau Infrastructures TOTAL 106 MW 100 – 190 MW – 100 – 190 MW 15 MW 30 – 80 MW 20 – 50 MW 50 – 130 MW y compris les lacs Tableau 1 Potentiel technique en Suisse des PCH d’accumulation et à pompage-turbinage. Un complément aux grandes installations L’évaluation technique a été faite de manière prudente, car seuls les réservoirs existants ou déjà en planification ont été considérés. A l’avenir, plus de glaciers deviendront des lacs, plus d’infrastructures d’enneigement, d’irrigation et d’eau potable devront être exploitées, et plus d’infrastructures militaires deviendront disponibles pour l’utilisation civile. Pour la dernière, aucun exemple concret n’a pu être trouvé dans le cas du Valais car soit les infrastructures adéquates pour du pompage-turbinage avec de la petite hydraulique ont été déjà vendues, soit elles deviendront disponibles. Le potentiel technique évalué doit être aussi comparé aux grandes centrales d’accumulation et à pompage-turbinage (8,2 GW installés en 2010 pour l’accumulation et 1,9 GW pour le pompage-turbinage). Il n’est pas du même ordre de grandeur. Si, en plus, l’on considère les nouvelles centrales de pompage-turbinage en construction de 900 MW ou plus (par exemple Nant de Drance et Linthal 2015), alors le débat mène à se poser la Réservoirs Barrages et digues sur des cours d’eau Lac Réservoir d’enneigement artificiel Réservoir d’irrigation Réservoir d’eau potable Infrastructure militaire désaffectée (bunker, galerie) question s’il faut construire des PCH d'accumulation et à pompage-turbinage ou pas. Notre raisonnement amène une réponse positive, car les petites et grandes centrales sont complémentaires. Et cette étude ne considère que des aménagements et infrastructures existants ou planifiés dans l'idée d'optimiser leur utilisation. Bulletin 11 / 2012 Mécanismes existants insuffisants Des mécanismes de rémunération pour des centrales pouvant produire sur demande et de manière flexible grâce au stockage d’énergie existent déjà, mais ils n’ont pas été développés dans le cadre de la promotion des énergies renouvelables. Premièrement, l’électricité produite peut être vendue sur le marché spot. Or, ces dernières années, la différence de prix entre les heures à prix fort et faible est trop petite pour financer des PCH à pompage-turbinage. Par contre, des PCH d’accumulation peuvent vendre aux heures de pointe. Deuxièmement, l’électricité peut être produite pour contribuer aux services systèmes vendus à Swissgrid qui gère le réseau à haute tension. Mais la rémunération des PCH n’atteint que 50 % de la rémunération offerte par la RPC. Donc ce mécanisme n’est pas utilisé. Finalement, la RPC prévoit une rémunération selon un horaire de production défini à l’avance. Mais aucune PCH n’était rémunérée en 2011 selon ce mécanisme. Il s’agit donc de développer de nouveaux mécanismes. Rémunération La production d’électricité avec des PCH d’accumulation est renouvelable. Par contre, pour des PCH à pompageturbinage, une différenciation s’impose entre le pompage alimenté par des sources d’énergies renouvelables ou par d’autres sources. Dans le premier cas, la rémunération peut faire partie du cadre institutionnel de la promotion des énergies renouvelables. Dans le deuxième cas, les centrales doivent être rémunérées différemment. Les exemples de projets des PCH d’accumulation, avec des centrales existantes ou en planification auxquelles l’accumulation est rajoutée, montrent des coûts de production supplémentaires de quelques centimes/kWh par rapport à des centrales sans capacités d’accumulation. Pour les projets de PCH à pompageturbinage, la différence de prix entre l’énergie de pompage achetée et l’énergie produite vendue devrait se situer entre Exemples de projets PCH d’accumulation en agrandissant un réservoir d’incendie à l’amont d’une prise d’eau. 4 PCH en série pouvant être exploitées avec de l’accumulation en agrandissant le lac de la première prise d’eau. PCH à pompage-turbinage avec un lac et un bassin de compensation combinée avec de l’adduction d’eau potable et de l’enneigement artificiel. PCH à pompage-turbinage entre 2 lacs artificiels existants. (Projets futurs suite à la fonte des glaciers.) PCH à pompage-turbinage avec un réservoir existant et un réservoir encore à construire. PCH à pompage-turbinage avec 2 réservoirs existants. PCH à pompage-turbinage avec une adduction d’eau depuis la vallée prévue pour un village en altitude. Utilisation horssaison touristique. PCH à pompage-turbinage avec un bunker et un autre réservoir proche. Tableau 2 Réservoirs et exemples pour des petites centrales hydrauliques (PCH) d’accumulation ou à pompage-turbinage en Valais (2011). 16 12 et 25 centimes/kWh afin de financer la partie de l’aménagement pour le pompage-turbinage. S’inspirer de l’étranger EPFL opportunités pour des centrales d’accumulation. Le potentiel exploité des PCH à pompage-turbinage pourrait être multiplié par un facteur compris entre 4 et 9. En Europe, le Portugal, l’Allemagne et la République tchèque valorisent la production flexible et de pointe venant de PCH et promeuvent ainsi les centrales d’accumulation. Le Portugal différencie la production de pointe et de ruban dans les tarifs de rachat (correspondant à la RPC en Suisse). L’Allemagne a introduit un système de primes pour valoriser la production flexible et la République tchèque fait la distinction entre PCH au fil de l’eau et PCH d’accumulation. Le tableau 3 résume les nouveaux mécanismes de rémunération identifiés pour les PCH d’accumulation et à pompage-turbinage. Certains mécanismes pourraient aussi être développés pour la grande hydraulique (par exemple, les mécanismes 2, 3, 5 et 7) afin d’inclure la grande hydraulique au sein de la promotion des énergies renouvelables pour la EPFL BRANCHE ERNEUERBARE ENERGIEN BRANCHE ÉNERGIES RENOUVELABLES Description Une prime est payée pour la production pendant des heures de demande de pointe. La prime pourrait être liée au prix sur le marché spot, à la régularité de la production et au nombre d’heures de production annuelle. 2. Certificats verts Les consommateurs achetant de l’électricité certifiée (par ex. – quota pour la Naturemade) doivent être approvisionnés avec de l’électricité de production de pointe pointe certifiée selon leur profil de consommation. Lorsque les centrales thermiques compensent leurs émissions de CO2, 3. Compensation CO2 pour l’électricité de elles doivent prendre en compte leur profil de production. Par pointe et de réglage exemple, pour les heures de production de pointe, elles doivent compenser avec des crédits CO2 produits aussi en heure de pointe. 4. Station de ski avec Les stations de ski utilisent leurs infrastructures pour produire de énergie renouvelable l’électricité avec des sources d’énergie renouvelable pour couvrir un maximum de leur consommation (neige artificielle, remontées mécaniques). Le potentiel de pompage-turbinage est exploité, combiné par exemple avec du photovoltaïque pour l’énergie de pompage. 5. Services systèmes En prenant le pourcentage d’électricité venant des énergies – Services « verts » renouvelables dans le mix électrique, le même pourcentage est requis de la part des énergies renouvelables pour les services systèmes. Le pompage-turbinage n’est rémunéré qu’une fois qu’il y a de l’énergie renouvelable non consommée qui peut alimenter le pompage. 6. Services systèmes Les PCH décentralisées contribuent aux services systèmes au niveau – Approche locale/ des réseaux de distribution. Et ce, aussi en vue du développement régionale* des « smart grids ». 7. Intégration régionale Les centrales avec une production intermittente doivent déployer des de l’éolien et du capacités de stockage régionales afin d’aligner leur production sur la photovoltaïque demande. Des PCH d’accumulation et à pompage-turbinage peuvent être regroupées avec des centrales éoliennes et photovoltaïques pour former des centrales virtuelles qui sont rémunérées en tant que groupe par une RPC adaptée en conséquence. * Ce mécanisme ne fait pas partie du cadre institutionnel pour la promotion des énergies renouvelables. LES DEUX POMPAGETURBINAGE ACCUMULATION Mécanisme 1. RPC – prime pour la production de pointe Tableau 3 Mécanismes nouveaux ou adaptés pour rémunérer des PCH d’accumulation et à pompage-turbinage. production flexible et le stockage d’énergie. Adapter le cadre institutionnel La promotion des énergies renouvelables ne doit pas seulement se concentrer sur la quantité d’électricité produite, mais aussi inclure des aspects qualitatifs tels que la production flexible et le stockage d’énergie. Nous évaluons le potentiel en Suisse à environ 200 à 300 MW pour les PCH d’accumulation et 65 – 150 MW pour les PCH à pompageturbinage (cf. tableau 2). Afin de développer ce potentiel, qui est complémentaire au potentiel des grandes centrales hydrauliques, différents mécanismes de rémunération ont été identifiés. Ceux-ci comprennent l’adaptation de la RPC, l’introduction d’exigences pour les services systèmes venant des sources d’énergies renouvelables (en plus des grandes centrales hydrauliques), des crédits CO2 et des certificats verts en fonction du profil de production. Le potentiel technique des PCH d’accumulation et à pompage-turbinage en Suisse est suffisamment important pour adapter le cadre institutionnel de manière adéquate et inclure la production flexible ainsi que le stockage d’énergie dans la promotion des énergies renouvelables. Source documentaire ■ Crettenand, N. (2012) « The facilitation of mini and small hydropower in Switzerland: shaping the institutional framework. With a particular focus on storage and pumped-storage schemes ». Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Thèse N° 5356. Lien ■ http://infoscience.epfl.ch/record/176337?ln=en EPFL BRANCHE ERNEUERBARE ENERGIEN BRANCHE ÉNERGIES RENOUVELABLES Remerciements Nicolas Crettenand remercie EOS Holding et l’Energy Center à l’EPFL pour le financement du doctorat. Références OFEN, Stratégie énergétique 2050: premier paquet de mesures, Berne, septembre 2012, p. 51. [2] OFEN, Statistique suisse de l’électricité 2010, Berne, 2011. [1] Informations sur les auteurs Nicolas Crettenand est ingénieur civil EPFL (2006). Après une année à Madagascar dans des projets humanitaires d’approvisionnement en eau potable, il a travaillé en Suisse sur des projets de petite hydraulique, ainsi que sur les projets KWO+ et Linthal 2015. De 2009 à 2012, il a effectué un doctorat concernant la petite hydraulique à la Chaire de Management des Industries de Réseau (MIR) et à l’Energy Center de l’EPFL. Aujourd’hui, il travaille pour l’Energy Center sur des projets en Afrique et pour la Coopération@ EPFL dans le cadre de la création au Cameroun d’un Centre d’Excellence en Energie dans les Systèmes de Santé. Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), 1015 Lausanne [email protected] Matthias Finger est Professeur à la Chaire de Management des Industries de Réseau (MIR) à l’EPFL depuis 2002. Il est titulaire d’un doctorat en sciences politiques de l’Université de Genève et a été professeur de management des entreprises publiques à l’IDHEAP. Il est membre de l’Elcom. Son principal axe de recherche porte sur la libéralisation, la régulation et la gouvernance des infrastructures dans les secteurs des transports, de l’énergie et de la communication. EPFL, 1015 Lausanne [email protected] Hans Björn (Teddy) Püttgen a fait ses études à l’EPFL (ingénieur diplômé en électricité) et à l’École des hautes études commerciales de l’Université de Lausanne (HEC Lausanne). Il a obtenu son PhD en Electrical Engineering à l’Université de Floride. Après 30 ans de carrière aux États-Unis, dont 25 à Georgia Tech, il est depuis 2006 professeur et directeur du Centre de l’énergie de l’EPFL. Il est membre de la Commission fédérale de la recherche énergétique (CORE) et du Conseil d’administration d’Electrosuisse. EPFL, 1015 Lausanne [email protected] Zusammenfassung Energiespeicherung durch Kleinwasserkraftwerke Für eine Anpassung der Rahmenbedingungen Die Förderung der erneuerbaren Energien darf sich nicht auf die produzierte Menge Energie beschränken, sondern muss auch qualitative Aspekte wie Produktionsflexibilität und Energiespeicherung berücksichtigen. Eine Studie befasste sich mit dem technischen Potenzial der kleinen Wasserkraftwerke (Speicher- und Pumpkraftwerke). Das Schwergewicht lag dabei auf Kraftwerken mit einem vorhandenen oder geplanten Reservoir, was die Investitionskosten und den Widerstand aus Umweltschutzkreisen reduziert. Für die Schweiz wird das Potenzial bei den kleinen Speicherkraftwerken auf rund 200 – 300 MW (aktuell bestehend: 106 MW) geschätzt und bei den Pumpkraftwerken auf 65 – 150 MW (aktuell bestehend: rund 15 MW). Zur Erschliessung dieses Potenzials, welches die grossen Speicher- und Pumpkraftwerke ergänzt, wurden verschiedene Vergütungsinstrumente definiert, die sich in die Fördermassnahmen für erneuerbare Energien integrieren lassen. Dazu gehören die Anpassung der KEV, Anforderungen an die Systemdienstleistungen aus erneuerbaren Energien (zusätzlich zu den grossen Wasserkraftwerken), CO2-Gutschriften und Grünstromzertifikate in Abhängigkeit des Produktionsprofils (etwa Gn Unterscheidung zwischen Spitzenzeiten und Zeiten tiefer Nachfrage). Bulletin 11 / 2012 17