VERS UNE DESCRIPTION DES PRÉDICATS ANALYTIQUES
Jan Radimský
P.U.F. | La linguistique
2012/1 - Vol. 48
pages 51 à 81
ISSN 0075-966X
Article disponible en ligne à l'adresse:
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Radimský Jan, « Vers une description des prédicats analytiques »,
La linguistique, 2012/1 Vol. 48, p. 51-81. DOI : 10.3917/ling.481.0051
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VERS UNE DESCRIPTION
DES PRÉDICATS ANALYTIQUES
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The article aims to propose a structuralist model for description of analytic predicates with light verb like poser une question, donner un conseil or avoir faim. It
irst offers a synthetic survey of speciic syntactic properties of this type of construction
based mainly on previous studies performed in the transformational framework. Then
we propound a structuralist model of Analytic predicate, based mainly on the valency
syntax of Lucien Tesnière, especially on his notion of « dissociate node » (nucléus dissocié). We also discuss several diagnostic tests suitable to show whether a verb-noun
construction corresponds to an analytic predicate.
1. INTRODUCTION
Les syntagmes verbaux du type poser une question, donner un
conseil, prendre une décision ainsi que les synthèmes ou expressions
igées relevant de la classe des verbes, tels que avoir faim ont rare‑
ment fait l’objet d’une attention particulière dans le cadre de
la linguistique structurale et fonctionnelle francophone, tandis
que l’intérêt porté à ce type de construction par d’autres cou‑
rants linguistiques, même en France, est notoire. L’explication
de ce paradoxe peut être simple, si l’on conçoit avec Ferdinand
de Saussure que ce n’est pas l’objet qui précède le point de vue,
mais que c’est le point de vue qui crée l’objet1. Ainsi, les syntag‑
mes verbaux que nous venons d’exempliier constituent pour
1. Ferdinand de Saussure, 1973, [1re éd. 1916], Cours de linguistique générale, Paris,
Payot, p. 23.
La Linguistique, vol. 48, fasc. I/2012
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par Jan Radimský
Université de Bohême du Sud de České Budějovice
Jan Radimský
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les structuralistes des suites syntaxiques ordinaires du type prédicat – complément d’objet direct, avec quelques idiosyncrasies plus
ou moins systématiques (dont, par exemple, l’absence de déter‑
minant), ce qui fait que certaines de ces constructions peuvent
être décrites en tant que locutions verbo-nominales.
En fait, l’intérêt porté à ce type de construction est motivé
non seulement par un point de vue théorique différent, mais
également par la volonté d’expliquer certaines propriétés syn‑
taxiques particulières que les suites verbo‑nominales en ques‑
tion présentent régulièrement. Dans le présent article, nous
nous proposons de dresser d’abord un éventail des propriétés
syntaxiques concernées, et nous chercherons par la suite à
proposer un modèle apte à les décrire et à les expliquer dans
le cadre du structuralisme ainsi que du fonctionnalisme.
Du point de vue théorique, l’approche proposée dans
cet article prend ses sources dans la syntaxe de valence de
Lucien Tesnière, et plus particulièrement dans le modèle de la
syntaxe de valence à deux plans (svdp), élaboré par l’équipe
de František Daneš, continuateur direct de Vilém Mathesius
au sein de la ligne de pensée du structuralisme pragois. Du
point de vue matériel, nous faisons référence aux recherches
complexes sur les prédicats analytiques en tchèque aussi bien
qu’en français2. Une confrontation entre les modèles et les
tests proposés par la svdp et par le Lexique-Grammaire (lg)
dans le contexte francophone s’avère également fructueuse.
2. PARTICULARITÉS SYNTAXIQUES DES PRÉDICATS ANALYTIQUES
2.1. Prédicat analytique : une approche préliminaire
Les syntagmes verbo‑nominaux désignés ci‑dessous comme
« prédicats analytiques » ne constituent pas un ensemble par‑
faitement homogène. Comme leur description théorique
ainsi que leur délimitation/déinition sont censées être le but
de notre analyse, nous nous limiterons ici à une « déinition »
2. Cf. Jan Radimský, 2010, Verbo-nominální predikát s kategoriálním slovesem,
České Budĕjovice, Jihočeská univerzita v Českých Budĕjovicích et la bibliographie
annexée.
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Vers une description des prédicats analytiques
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préliminaire, métaphorique et (soulignons‑le) approxima‑
tive : dans le cas prototypique, il s’agirait d’une suite syntaxi‑
que verbe – complément d’objet (v‑co) syntaxiquement libre où
l’objet (le plus souvent direct) est un nom d’évènement, tan‑
dis que le verbe se trouve désémantisé dans la construction en
question, au point que la suite v‑co peut être intuitivement
remplaçable par un verbe à sens « plein » (poser une question
– demander où faire une demande – demander, mais non traiter
une question ou réfuter une demande). Dans le texte qui suit, de
nombreux éléments de cette déinition préliminaire vont être
remis en cause. Soulignons néanmoins que nous écarterons
de notre analyse les suites verbo‑nominales igées (casser la
pipe), sans nier qu’il peut y avoir également des prédicats ana‑
lytiques qui présentent un certain degré de igement.
2.2.1. La liberté syntaxique… et ses limites
Dans un prédicat analytique non igé, le nom d’évènement
se comporte comme un objet libre qui peut être transformé
en sujet au passif (1), pronominalisé (2) ou déplacé vers une
autre proposition lors de la relativisation (3).
(1) La décision a été prise à l’unanimité3.
(2) Et la décision inale, vous l’avez déjà prise ou pas ?
(3) La question que ma collègue m’a posée hier concernait les concours d’entrée.
Cependant, cette liberté atteint ses limites lorsque le nom
d’évènement disparaît du « contexte immédiat » de la propo‑
sition complexe, par exemple dans une phrase interrogative.
Dans les exemples contenant un prédicat analytique poser une
question (4a) ou prendre une décision (5a) il y a un problème
d’acceptabilité au niveau de la question – réponse, un pro‑
blème qui disparaît si nous remplaçons le verbe (4b, 5b) ou le
nom (5c) dans la construction.
(4a) – *Qu’est-ce qu’elle t’a posé hier, ta collègue ?
– ?Une question.
3. Les exemples sans indication de source ont été inventés par l’auteur de
cet article.
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2.2. Les propriétés syntaxiques typiques des prédicats analytiques
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Ce qui est remarquable à propos du contraste entre la
liberté des constructions (1‑3) et la contrainte observée dans
(4a‑5a), c’est que le seuil de la liberté syntaxique se situe
au‑delà du niveau de la proposition (phrase simple), sans
être pour autant conditionné par des facteurs pragmatiques,
comme il arrive dans de tels cas4.
Qu’est‑ce qui prouve que nous avons bien affaire à une
contrainte d’ordre syntaxique ? Dans (4a) c’est la valence du
verbe poser qui, selon Le Petit Robert, n’admet pas à lui seul une
construction du type poser quelque chose à quelqu’un5 – d’où
l’agrammaticalité de l’objet indirect (coi) dans la question
qu’est ce qu’elle *(t’)a posé. Dans le même ordre d’idées, dans
(5a) il est problématique de rattacher le circonstanciel à l’unanimité au seul verbe prendre dans la question.
D’autre part, on va remarquer que la question posée dans
(5a, 5c) portant sur le cod est syntaxiquement correcte, mais
c’est la réponse en (5a) qui pose un problème d’acceptabilité,
même si les tests en (1) et (2) montrent que décision est un
objet direct « normal » de prendre. L’acceptabilité parfaite de
(5c) par rapport à celle de (5a) suggère que le verbe prendre
est censé assumer un rôle différent dans les deux cas : dans
(5a) il s’agit d’un rôle spéciique qui n’est pas correctement
« activé » en l’absence du nom d’évènement concerné dans
la question (5a). Dans ce cas, nous dirons que le verbe poser
assume le rôle support pour le nom question.
4. Nous entendons par inacceptabilité pragmatique les exemples du type Le ils
de Paul se drogue et Paul n’a pas d’enfants, où la phrase comporte une structure syntaxi‑
que correcte.
5. À l’exception justement des prédicats analytiques (pa) du type poser une question à q (pa standard) et poser un problème à q (pa de type causatif).
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(4b) – Qu’est-ce qu’elle a critiqué hier, ta collègue ?
– Une question (stupide de Monique).
(5a) – Qu’est-ce que vous avez pris ( ?à l’unanimité) ?
– ?Une décision (importante).
(5b) – Qu’est-ce que vous avez discuté ?
– Une décision (importante).
(5c) – Qu’est-ce que vous avez pris ?
– Du café et des biscuits.
Vers une description des prédicats analytiques
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Des paires synonymiques comme faire une demande – demander, où le verbe synthétique (demander) est morphologique‑
ment apparenté au nom d’évènement, suggèrent que dans
les prédicats analytiques, le noyau sémantique6 est constitué
par le nom d’évènement, tandis que le verbe (« support ») se
trouve désémantisé. L’existence de ces paires synonymiques,
souvent citée dans la littérature, présente un certain intérêt
pour la sensibilisation au problème, mais n’a en elle‑même
qu’une importance mineure sur le plan théorique, notam‑
ment du fait qu’elle engage non seulement la syntaxe, mais
aussi la morphologie lexicale7. En revanche, la localisation
exclusive du sens lexical du prédicat dans le nom d’évène‑
ment est un fait qui devrait avoir des conséquences d’ordre
purement syntaxique.
Dans cette perspective, la désémantisation du verbe en
rôle « support » se traduit notamment par le fait que s’il y a
plusieurs verbes supports possibles pour le même nom, les
différents verbes sont souvent interchangeables (synonymes) :
tout au plus, le choix du verbe est une question stylistique8.
Comme il est dificile de juger de cette synonymie hors d’un
contexte réel, nous avons rassemblé dans le tableau qui suit
des extraits de phrases issus du corpus FrWac9. En principe,
les verbes faire, effectuer, déposer et présenter y sont librement
interchangeables (les solutions effectivement trouvées igu‑
rent dans la note en bas de page).
6. Le terme de noyau sémantique fait volontairement référence à la description
des constructions copulatives par Lucien Tesnière, où le couple copule-attribut est décrit
comme un « nucléus dissocié » comportant un nœud sémantique (attribut) et un
nœud structural (copule). Cf. Lucien Tesnière, 1988 [1re éd. 1959], Éléments de syntaxe
structurale, Paris, Klincksieck, p. 46‑47.
7. En effet, rien n’implique que la morphologie lexicale (i.e. la dérivation déver‑
bale en l’occurrence) doive présenter les mêmes régularités que la syntaxe. En outre,
la synonymie n’est que partielle et la parenté morphologique n’est pas de règle (poser
une question-demander).
8. En réalité, la question est plus compliquée, en ce que le choix du verbe peut
inluencer la réalisation syntaxique des arguments sémantiques, ainsi que contribuer à
exprimer une phase du procès différente ou avoir des restrictions sémantiques diverses.
9. Corpus de grande taille (1,6 milliard de mots graphiques) comportant des tex‑
tes en français publiés sur Internet, accessible par l’intermédiaire du service <http://
www.sketchengine.co.uk/>.
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2.2.2. Les suites synonymiques alternatives
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Jan Radimský
Tableau 1 – Synonymie des verbes en rôle « support »10
(6)
(7)
(8)
il suffit de
pour
Il est déjà possible de
(9)
Ce droit s'exerce en
Verbe
faire
effectuer
présenter
déposer
faisant
effectuant
présentant
déposant
(10) (11) Tout d’abord, la personne doit
(12) Pour
(13) vous pouvez
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(14) Vous souhaitez :
(15) Dans ce cas, vous devrez
(16) Il doit ensuite
(17) consommateur victime peut alors
(18) Le salarié doit
faire
effectuer
présenter
déposer
Contexte droit
sa demande de retraite auprès d'un régime
une demande, merci de remplir le formulaire
une demande pour y obtenir un logement
une demande écrite auprès de : Institut National
une demande d'aide au logement
une demande : l’inscription est l’étape la plus
discriminante
la demande, il convient de remplir le
formulaire Couverture
directement votre demande par Internet :
www.cjn.justice.gouv.fr
une demande de prêt personnel ?
une demande écrite, en joignant un certificat
médical
une demande de financement auprès
du FONGECIF
une demande d'indemnité au professionnel
lui-même tenu
sa demande à l'employeur par lettre
recommandée
La théorie devrait pouvoir nous expliquer pourquoi ces ver‑
bes sont synonymes en combinaison avec l’objet demande, mais
pas nécessairement avec d’autres compléments d’objet – qu’ils
soient concrets (faire/présenter/déposer un livre) ou évènemen‑
tiels (faire des bêtises-*présenter des bêtises-*déposer des bêtises). On
aimerait également connaître la raison pour laquelle d’autres
verbes (comme adresser) peuvent se joindre à cette liste de
synonymes seulement dans certains cas. Si nous regardons le
même phénomène en sens inverse, nous souhaiterions savoir
10. Verbes effectivement trouvés dans le corpus FrWac : déposer (6‑8), faire (9‑10),
adresser (11), effectuer (12‑15), présenter (16‑18). Le verbe adresser n’est pas applicable
dans tous les cas, car il présente une valence différente (présence d’un coi) par rap‑
port aux autres verbes.
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No. Contexte gauche
Vers une description des prédicats analytiques
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pourquoi les synonymes « attendus » ne fonctionnent pas
dans de nombreux cas (19,20).
(19) Jacques a/*possède coniance en Monique.
(20) Jacques fait/*effectue coniance à Monique.
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Le problème que nous nous proposons de traiter dans
cette section a un ancrage purement empirique et sa pré‑
sentation traductologique sera volontairement simpliiée.
Pour traduire un syntagme verbo‑nominal entre langues
apparentées, le traducteur (humain) emprunte générale‑
ment l’une des deux pistes suivantes : s’il s’agit d’un syn‑
tagme libre, il traduit d’abord le verbe (le prédicat) et
ensuite son complément (21) ; s’il s’agit d’une locution
plus ou moins igée, il est obligé de traiter la locution dans
son ensemble (22).
(21) fr : Pierre a cassé la montre de Monique.
it : Pierre ha rotto l’orologio di Monique.
(22) fr : Pierre a cassé sa pipe.
it : Pierre ha tirato le cuoia.
En revanche, une troisième voie est à suivre si le syntagme
verbo‑nominal est un prédicat analytique : dans ce cas, il faut
traduire d’abord le complément d’objet et choisir ensuite le
verbe approprié (23, 24).
(23) fr : Pierre a posé une question à Monique.
it : Pierre fatto una domanda a Monique.
(24) fr : Pierre a passé un coup de il à Monique.
it : Pierre ha fatto una telefonata a Monique.
Ceci dit, la traduction du complément d’objet (question – domanda, coup de il – telefonata) n’est pas idiomatique et
se fait aisément avec le dictionnaire. En revanche, la traduc‑
tion du verbe (poser et passer pour fare) semble tout à fait idio‑
matique, même si la construction présente un haut degré de
liberté syntaxique dans les deux langues.
En réalité, la démarche du traducteur suit une logique en
quelque sorte opposée par rapport à celle illustrée en (21)
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2.2.3. Un problème traductologique : le complément choisit
son verbe
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Jan Radimský
pour les syntagmes libres. Le complément d’objet est traduit
d’abord, tandis que le verbe n’est pas traduit directement, mais
sélectionné11 dans la langue cible en fonction du complément
d’objet, comme si le verbe était une sorte de mot‑outil privé
de sens lexical12… ou comme si c’était le complément d’objet
qui sélectionnait son verbe.
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Selon la métaphore classique de Lucien Tesnière, le verbe
correspondrait à « l’action » qui se passe sur la scène théâ‑
trale et ses actants aux différents « acteurs » impliqués par
cette action13. Cette métaphore a donné lieu à de longues dis‑
cussions pour savoir si Tesnière entendait par « valence » un
phénomène plutôt syntaxique ou plutôt sémantique14. Dans
cette controverse, notre position rejoint celle de la svdp qui,
comme son nom l’indique, situe le phénomène de la valence
sur les deux plans en distinguant la valence syntaxique d’une
part et la valence sémantique de l’autre. Sur un plan géné‑
ral, ce type de raisonnement est commun de nos jours à de
nombreux modèles linguistiques qui font la distinction entre
les fonctions syntaxiques (sujet, complément d’objet…) et les
rôles sémantiques (agent, patient…).
Considérons sous ce point de vue l’exemple (25) :
(25) Le directeur ne peut pas prendre de décision sur le inancement du projet.
En consultant le dictionnaire, on conviendra que le
constituant « sur le inancement du projet » ne fait pas partie de
la valence syntaxique du verbe prendre15 et par conséquent, ni
de sa valence sémantique. D’autre part, il ne s’agit pas d’un
circonstanciel (au sens de Tesnière), car son apparition et sa
réalisation syntaxique sont strictement conditionnées par le
11. La sélection se fait dans le cadre de la liste synonymique – cf. la section 2.2.2.
12. De manière analogue, un verbe auxiliaire n’est pas traduit mais sélectionné en
fonction du système grammatical de la langue cible.
13. Lucien Tesnière, Éléments de syntaxe structurale [...], p. 102.
14. Cf. Petr Karlík, 2000, Od Tesnièra k..., SPFFBU, Brno, mu, p. 31‑39.
15. Selon Le Petit Robert, la seule construction du type prendre + COD + sur avec un
cod abstrait correspond à « PRENDRE QQCH. SUR SOI, en porter volontairement la
responsabilité » (nous écartons les constructions à objet concret du type Prendre qqn sur
ses genoux) qui ne correspond pas au sens exprimé dans l’exemple (25).
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2.2.4. La valence et l’attribution des rôles sémantiques
Vers une description des prédicats analytiques
59
nom décision, aussi bien sur le plan syntaxique (d’où l’agram‑
maticalité de constructions du type *Le directeur a pris une douche/habitude sur le inancement de ce projet) que sémantique16.
Ainsi, force est de constater qu’il s’agit d’un actant qui n’est
pas rattaché au verbe, mais qui comporte un lien privilégié
avec le nom décision. Notre théorie devrait donc le décrire
en tant qu’actant et expliquer s’il se rattache uniquement au
nom décision (comme dans le syntagme la décision du directeur
sur le inancement du projet) ou au prédicat analytique prendre
une décision.
La première solution serait plus simple, en ce qu’elle expli‑
querait l’apparition de l’expansion introduite par sur aussi
dans d’autres cas où le nom décision apparaît avec la même
acception (26).
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Mais le phénomène de la « double analyse »17 dans
de nombreuses constructions du type prendre une décision
complique les faits. Même si nous avons écarté l’hypothèse
que l’expansion introduite par sur puisse être un actant du
verbe prendre, le contraste entre les exemples (27a) et (27b)
montre que le verbe prendre est effectivement capable de régir
cette expansion.
(27a) Quelle que soit la décision que vous prenez sur l’orientation de votre entreprise (…) (FrWac)
(27b) *Quelle que soit la décision que vous critiquez sur l’orientation de votre
entreprise.
Cependant, lorsque le nom décision disparaît du contexte,
le verbe prendre perd cette capacité (27c).
(27c) *Quelle que soit l’habitude que vous prenez sur l’orientation de votre
entreprise
16. En appliquant et interprétant la théorie de Tesnière, nous pouvons dire que
le « petit drame » évoqué par l’usage du nom (sic !) décision est susceptible d’impli‑
quer deux acteurs : l’un qui décide (le directeur) et l’autre qui fait l’objet de la décision
(le inancement du projet).
17. Le phénomène de la « double analyse » syntaxique, décrit ci‑dessous et illustré
par l’exemple (27a), a été découvert par Maurice Gross et Jacqueline Giry‑Schneider.
Cf. Maurice Gross, 1976, Sur quelques groupes nominaux complexes, in : Chevalier J.‑C.
et Gross M. (éds.), Méthodes en grammaire française, Paris, Klincksieck, p. 97‑119.
Jacqueline Giry‑Schneider, (1978) ; « Interprétation aspectuelle des constructions ver‑
bales à double analyse », Linguisticae Investigationes, vol. 2, no. 1, p. 23‑54.
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(26) Le directeur ne peut pas critiquer ma décision sur le inancement du projet.
60
Jan Radimský
Cette confrontation suggère que la phrase initiale (25)
admet deux analyses syntaxiques qui aboutissent à la même
interprétation18 (igures a & b), mais uniquement lorsque le
verbe prendre est accompagné par le nom décision.
Figure a
Figure b
Prendre
Prendre
une décision
une décision
sur
le financement
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Ceci montre qu’il existe un lien privilégié entre prendre et
décision et que ce lien ne peut pas être expliqué par le phéno‑
mène du « igement », car ses conséquences vont exactement
dans le sens opposé : il permet des manipulations syntaxiques
plus souples (27a)19 par rapport à ceux que la syntaxe confère
aux syntagmes libres (27b).
Un autre phénomène, lié au problème de la valence
sémantique, se pose pour le sujet du verbe dans les construc‑
tions à prédicat analytique. Dans l’exemple (28), le verbe faire
peut prendre un sujet animé ou inanimé, ce qui correspon‑
drait grosso modo aux rôles sémantiques d’agent, de cause ou
d’instrument, tandis que le même verbe dans (29) autorise
uniquement un sujet agentif20.
(28) Pierre [/ cet ordinateur] fait une analyse excellente.
(29) Pierre [/ *cet ordinateur] fait un péché mortel.
La confrontation entre les exemples (28) et (29) per‑
met d’avancer l’hypothèse que c’est l’objet du verbe faire qui
18. L’identité de l’interprétation fait qu’il faut distinguer ce phénomène de celui
de l’ambiguïté des constructions, où deux analyses syntaxiques correspondent à deux
sens différents (p. ex. Jean regarde la scène du balcon).
19. La souplesse peut également porter sur l’ordre des mots, comme dans : [...] la
partie récusante peut, dans un délai de trente jours après avoir eu communication de la décision
rejetant la récusation, prier le tribunal ou autre autorité visé à l’article 6 de prendre sur la récusation une décision qui ne sera pas susceptible de recours (...) (FrWac)
20. Les exemples (28‑29) sont inspirés par Nunzio La Fauci, Ignazio Mirto, 1985,
« Sulla complementarità di fare causativo e fare supporto ». Linguistica e Letteratura, 10,
1/2, p. 27‑45.
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sur le financement
Vers une description des prédicats analytiques
61
détermine, du moins en partie, le rôle sémantique de son
sujet21. S’il en est ainsi, il faudrait dire que Pierre est un actant
sémantique du nom analyse en (28) et du nom péché en (29),
dont la réalisation « normale » dans un syntagme nominal
correspond soit à un génitif dit « subjectif » (l’analyse de Pierre,
le péché de Pierre), soit à un possessif (son analyse, son péché). Par
conséquent, le nom péché par exemple implique un actant
sémantique qui peut, selon les besoins, avoir trois réalisations
syntaxiques différentes (30a‑c).
(30a) Pierre fait un péché.
(30b) Le péché de Pierre.
(30c) Son péché.
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(31) Pierre a (encore) fait son péché (habituel).
Cependant, si cette double réalisation du même actant
sémantique a lieu, les deux éléments doivent être coréférents.
La violation de la coréférence devrait aboutir à une construc‑
tion dificilement interprétable (32, 33, 35)22.
(32) *Pierre fait mon péché.
(33) Pierre a pris sa (*ma) décision23.
(34) Chez nous on a pas les moyens. Ça j’ai ma faim qui l’justiie.
(FrWac)
(35) * J’ai sa/ta faim.
Il s’agit d’une restriction particulière, née au niveau de
l’interface entre les rôles sémantiques et leurs réalisations syn‑
taxiques, que nous appellerons ci‑dessous « coréférence (obli‑
gatoire) d’un argument ».
21. Plus précisément, le verbe support peut contribuer à la sélection du rôle
sémantique parmi ceux que le nom prédicatif offre, en procédant à une désambiguisa‑
tion de ce dernier. C’est ce que nous observons par exemple dans avoir de l’amour pour
quelqu’un vs faire l’amour avec quelqu’un, où le sujet est respectivement un expérient et
un agent, conformément à la polysémie du nom amour.
22. Cf. un autre exemple : « J’ai mes maux, lui dit‑il, et vous avez les vôtres : unissons‑
les, mon frère ; ils seront moins affreux. » (FrWac.)
23. La variante avec ma serait possible en tant que condensation de deux construc‑
tions à support : Pierre a pris la (même) décision que (j’ai prise), moi.
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Dans les conditions normales, il n’y a pas besoin de réali‑
ser le même actant sémantique deux fois, sous peine d’obtenir
une construction marquée (31).
62
Jan Radimský
2.3. Conclusion
Voici une liste synthétique des propriétés des prédicats
analytiques que nous venons d’exempliier.
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1) La liberté syntaxique au sein d’une phrase complexe :
le nom peut jouir de la même liberté syntaxique qu’un
cod ordinaire (1, 2, 3) ;
la construction peut présenter un degré de liberté syntaxi‑
que plus élevé par rapport à ce qui est prévu par la syntaxe
(27a).
2) Un lien privilégié entre le verbe et le nom d’évènement :
la disparition du nom d’évènement du contexte de la
phrase complexe entraîne une interprétation différente
du verbe (4, 5) ;
le nom d’évènement est capable d’imposer ses rôles séman‑
tiques aux actants syntaxiques du verbe (28, 29), ce qui
entraîne une coréférence obligatoire de certains éléments
(32, 33, 35) ;
le nom d’évènement peut dans une certaine mesure impo‑
ser sa valence au verbe (27a, cf. aussi 4a).
3) Le verbe est désémantisé :
le verbe s’insère dans un paradigme synonymique imprévu/
imprévisible (tableau 1) ;
la traduction du nom est prévisible (régulière), celle du
verbe est imprévisible (23, 24).
Essayons à présent de proposer un modèle apte à ren‑
dre compte de ces propriétés spéciiques dans le cadre
structuraliste.
3. DESCRIPTION DU PRÉDICAT ANALYTIQUE
3.1. La notion de « prédicat »
Bien que centrale dans de nombreuses descriptions syn‑
taxiques, la notion de prédicat semble être l’une des notions
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les plus controversées en linguistique24. En premier lieu, il
convient de préciser que l’interprétation que nous cherche‑
rons à lui donner sera proprement linguistique, c’est‑à‑dire sans
relation avec l’usage de ce terme en logique traditionnelle ou
moderne. D’autre part, l’héritage théorique de l’École de
Prague nous empêche d’utiliser abusivement la notion de prédicat pour faire référence à l’analyse de la perspective fonc‑
tionnelle de la phrase (articulation en thème – rhème)25. Mais
la mise à l’écart de ces deux chemins interprétatifs n’est qu’un
premier pas à franchir.
En linguistique structurale européenne, la notion de
prédicat est étroitement (et en quelque sorte intuitivement)
liée à celle de verbe. Cependant, le verbe (et notamment le
verbe conjugué) dans la plupart des langues européennes
représente une unité multifonctionnelle26 ; à notre sens,
le fait de privilégier certaines de ses fonctions par rapport
à d’autres serait une source importante de différences
dans les approches descriptives. Revenons encore plus en
détail sur le passage de Lucien Tesnière27 concernant le
nœud verbal :
« 1. – Le nœud verbal, que l’on trouve au centre de la plupart de
nos langues européennes […], exprime tout un petit drame.
Comme un drame en effet, il comporte obligatoirement un
procès, et le plus souvent des acteurs et des circonstances.
2. – Transposés du plan de la réalité dramatique sur celui de
la syntaxe structurale, le procès, les acteurs et les circons‑
tances deviennent respectivement le verbe, les actants et
les circonstants. »
24. À noter par exemple que l’entrée « prédicat » dans plusieurs encyclopé‑
dies françaises contemporaines de linguistique informe le lecteur sur le sens de ce
terme en logique classique et moderne, mais rarement sur son acception proprement
linguistique.
25. Cf. à ce propos la critique de Denis Creissels, 1995, Éléments de syntaxe générale,
Paris, puf, p. 40‑53.
26. Mis à part sa capacité à dénoter l’évènement (au sens large), le verbe conju‑
gué dispose souvent de catégories grammaticalisées pour situer l’évènement par rap‑
port au locuteur (personne, mode), par rapport au cadre temporel de la situation de
communication (temps) ou par rapport à d’autres évènements (temps, aspect). En
outre, par l’intermédiaire de la valence, le verbe fait normalement appel aux rôles
sémantiques et détermine leur réalisation dans la syntaxe (ce dernier rôle étant lié à
la catégorie de la voix).
27. Lucien Tesnière, 1988 [1re éd. 1959], Éléments de syntaxe structurale, Paris,
Klincksieck, p. 102.
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Vers une description des prédicats analytiques
64
Jan Radimský
En effet, le nœud verbal de Tesnière (ain d’éviter la confu‑
sion que nous venons de décrire dans le paragraphe précé‑
dent, l’auteur évite volontairement de parler de prédicat)
remplit deux fonctions sémantiques et une fonction struc‑
turelle (i.e. syntaxique), à savoir : (a) exprimer le procès,
(b) prévoir ses acteurs (i.e. les rôles sémantiques, selon la ter‑
minologie actuelle), (c) conférer une fonction syntaxique aux
actants. Ce sont effectivement les fonctions remplies par le
verbe dans la phrase Alfred parle. Mais dans une phrase copu‑
lative comme Alfred est grand, les fonctions sémantiques et la
fonction structurelle sont dissociées entre deux éléments ; il y
a donc lieu de parler d’un nucléus dissocié28.
Essayons d’appliquer le même raisonnement aux phra‑
ses (36) et (37).
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Du point de vue sémantique, il n’est pas nécessaire
de recourir à une paraphrase du type Léa analyse la scène
12 (impossible d’ailleurs dans l’exemple 37) pour voir que
le « petit drame » (ou procès) décrit par les deux exemples
prévoit seulement deux « acteurs » (Léa et la scène 12 dans le
premier cas, et Luc et Monique dans le second), alors que les
actants syntaxiques semblent être au nombre de trois. De plus,
les acteurs en jeu ne sont pas « prévus » par le verbe, car ce
dernier ne sait pas les régir (38), ou en tout cas pas dans le
cadre du même « drame » (39).
(38) *Léa fait (attention) de la scène 12.
(39) Luc a (une solution/une préférence/une montre) pour Monique.
Les exemples (38) et (39) montrent que la disparition ou
la substitution du complément d’objet direct change complè‑
tement l’identité du « drame » sur la scène : l’expression du
procès est donc située plutôt sur cet élément nominal (analyse,
affection) que sur le verbe. Finalement, c’est le nom d’évène‑
ment qui est capable à lui seul de prévoir (sémantiquement)
et régir (syntaxiquement) les deux acteurs (40,41).
28. Lucien Tesnière, Éléments de syntaxe structurale [...], p. 46.
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(36) Léa fait une analyse de la scène 12.
(37) Luc a de l’affection pour Monique.
Vers une description des prédicats analytiques
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(40) L’analyse de la scène 12 par Léa.
(41) L’affection de Luc pour Monique.
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3.2. Le modèle du prédicat analytique
Le modèle de Tesnière nous a permis de faire une distinc‑
tion entre les fonctions syntaxique et sémantique du noyau de
la phrase qui peuvent donner naissance respectivement aux
notions de prédicat syntaxique et prédicat sémantique. Pour nous,
il s’agira de deux notions distinctes, de deux fonctions qui ne
doivent pas être réalisées par le même élément formel.
Confrontons dans cette perspective la manière dont trois
modèles linguistiques différents décrivent le prédicat analy‑
tique. Le premier tableau correspond au modèle de Denis
Creissels29 qui s’intéresse uniquement au côté syntaxique de
la notion de prédicat30. Les deux tableaux suivants correspon‑
dent au modèle du lg31 et de la svdp32.
29. Cf. Denis Creissels, [...], p. 40‑53. L’auteur déinit explicitement le prédicat
comme « l’élément qui structure en unité phrastique un ensemble de constituants
nominaux » (Denis Creissels, p. 48).
30. Notons que Denis Creissels, [...], p. 208, se sert d’un exemple de prédicat
analytique (subir l’attaque) uniquement pour montrer combien il est dificile d’assigner
au nom d’évènement en question un rôle sémantique.
31. Maurice Gross, 1981, « Les bases empiriques de la notion de prédicat séman‑
tique », Langages 63, Paris, Larousse, p. 7‑53.
32. Cf. Jan Radimský, 2010, « Supports centraux et supports périphériques : des
« maillons faibles » du Lexique-Grammaire ? », Écho des études romanes, vol. VI num. 1‑2, ff
ju, České Budějovice, p. 181‑193.
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En somme, tous ces arguments montrent qu’en appliquant
le raisonnement de Tesnière à la lettre, nous pouvons dire que
les phrases (36) et (37) contiennent un nucléus dissocié dont
le fonctionnement est analogue à celui d’une structure copu‑
lative : la fonction structurale est assurée principalement par
le verbe, tandis que la fonction sémantique l’est par son objet
direct. Nous avons donc affaire à deux types de nucléus dis‑
sociés. Le premier, conformément à la tradition, contient un
verbe qui joue le rôle de copule (est dans Alfred est grand) ; le
second contient un verbe qui joue le rôle de support (fait dans
Léa fait une analyse). Notre étude se concentre uniquement sur
le second type.
66
Jan Radimský
Tableau 1 – Analyse par Denis Creissels
Argument N0
(sujet)
Prédicat
Argument N1
Argument N2
Luc
a
de l'affection
pour Monique
Tableau 2 – Analyse par le Lexique-Grammaire
Argument N0
(sujet)
Luc
Actualisateur
Prédicat
Argument N1
Verbe support
a
Prédication nominal
de l’affection
pour Monique
Tableau 3 – Analyse par la svdp
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Luc
Prédicateur analytique
Centre de valence syntaxique
Prédicat
Centre de valence sémantique
a
de l’affection
Complément
(N1)
pour Monique
Notons que les trois approches sont parfaitement complé‑
mentaires, en ce que dans le cadre du complexe verbo‑nominal,
la notion de prédicat est réservée soit au verbe (Creissels), soit
au nom (lg) soit, en tant que « prédicateur » (terme spéciique
de F. Daneš), à l’ensemble du complexe (svdp) – en fonction
du fait que la priorité est accordée tantôt au côté syntaxique et
tantôt au côté sémantique de la notion de prédicat.
Si des modèles théoriques aussi différents que la svdp
d’une part et le Lexique-Grammaire de l’autre ont abouti à une
conception remarquablement convergente du prédicat ana‑
lytique à verbe support, dans le sens où les éléments linguistiques qu’elles rangent sous ce phénomène33 sont pratiquement
identiques, c’est que les deux théories mettent un accent par‑
ticulier sur la prédication sémantique.
Notre conception du prédicat prend ses sources dans le
modèle de la svdp, mais nous considérons qu’il serait abu‑
sif de négliger l’importance du phénomène de la prédication
33. N’empêche que la description de ce type de synthème se fait à l’aide d’une
terminologie différente dans les deux cas, à savoir le prédicateur analytique (svdp) et le
prédicat nominal à verbe support (lg).
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Sujet
(N0)
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syntaxique qui jouit d’un rôle privilégié au sein de la phrase.
En effet, même si un prédicat sémantique nominal (i.e. un
nom prédicatif) est capable de réaliser syntaxiquement ses
arguments (40, 41), la structure ainsi créée reste celle du
syntagme nominal, comportant un élément régissant et ses
expansions : il s’agit donc d’une unité (syntagme nominal)
ayant la même nature que son élément régissant (nom). En
revanche, le verbe conjugué en tant que prédicat syntaxique
est le seul élément capable d’assigner un cas nominatif à l’un
de ses actants. Cet actant (sujet) n’entretient pas avec le verbe
une relation de pure dépendance, mais plutôt une relation
d’interdépendance34 (d’où par exemple l’accord en genre
et en nombre dans Elles sont arrivées) ; de plus, leur union ne
donne pas naissance à une unité de même nature (syntagme
verbal), mais à une unité de nature supérieure (phrase). C’est
pourquoi nous préférons garder la notion de prédicat syntaxique à côté de la notion de prédicat sémantique. Le modèle du
prédicat analytique qui s’appuie sur cette distinction est sché‑
matisé dans le tableau 4.
Tableau 4 – Version modiiée de l’analyse par la svdp
Sujet
(N0)
Luc
Prédicat analytique
Prédicat syntaxique
Centre de valence syntaxique
(valence sémantique affaiblie)
Prédicat sémantique
Centre de valence sémantique
(valence syntaxique affaiblie)
a
de l’affection
Complément
(N1)
pour Monique
Dans une phrase comme Alfred parle, le verbe parle repré‑
sente un prédicat synthétique, en ce que les prédications syn‑
taxique et sémantique sont réalisées par le même élément.
Le prédicat analytique correspondrait du point de vue notion‑
nel à ce que Tesnière appelait nucléus dissocié, donc à toute
situation où la prédication syntaxique et sémantique serait
réalisée par deux éléments différents.
34. Cf. la représentation de la relation sujet‑prédicat par une « lèche à double
pointe » d’après André Martinet et al., 1979, Grammaire fonctionnelle du français, Crédif,
Paris, p. 15.
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67
Vers une description des prédicats analytiques
68
Jan Radimský
Un autre avantage descriptif de ce modèle tient au fait que
la prédication syntaxique et la prédication sémantique repré‑
sentent des fonctions jouées par des éléments concrets, tandis
que la notion de prédicat analytique nous informe uniquement
sur la manière dont ces deux prédications sont réalisées.
Ce point est important pour pouvoir décrire une transforma‑
tion de relativisation (42, 43).
(42) Luc a une affection particulière pour Monique.
(43) L’affection que Luc a pour Monique est vraiment particulière.
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4. LES TESTS PERMETTANT D’IDENTIFIER LE PRÉDICAT ANALYTIQUE
4.1. Les tests par « l’ajout » d’un verbe
Les descriptions structuralistes des prédicats analytiques
à verbe support que nous avons eu la possibilité de consul‑
ter (y compris l’analyse de Eva Macháčková dans le cadre de
la svdp) ne disposent pas de tests formels pour montrer si
un synthème verbo‑nominal correspond effectivement à un
prédicat analytique. En revanche, des tests de cette nature
ont été proposés dans le cadre du lg, notamment suite aux
travaux de Z. S. Harris, M. Gross et J. Giry‑Schneider35. Deux
d’entre eux, à savoir le test de « l’effacement du verbe sup‑
port » et le test de « la coréférence des sujets » mettent en
jeu effectivement les pierres angulaires du modèle que nous
présentons et ils sont susceptibles d’être utilisés dans le cadre
de l’analyse structuraliste. Néanmoins, leur transposition
vers le cadre structuraliste exige une redéinition formelle
de certains de leurs paramètres. Par conséquent, nous avons
35. Cf. Jacqueline Giry‑Schneider, 1978, Les Nominalisations en français. L’opérateur
faire dans le lexique. Genève, Droz.
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En effet, dans (43) nous avons une phrase complexe com‑
portant deux prédicats syntaxiques (est, a) et deux prédicats
sémantiques (particulière, affection) – donc deux prédicats analy‑
tiques au total (a – l’affection ; est – particulière). Cependant, l’un
des prédicats analytiques (a – l’affection) se trouve dissocié entre
deux propositions par l’intermédiaire du pronom relatif que.
Vers une description des prédicats analytiques
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(44) Luc a de l’affection pour Monique.
(45) L’affection que Luc a pour Monique.
(46) L’affection de Luc pour Monique.
Or, dans le cadre structuraliste, il est dificile d’approuver
la validité de ce raisonnement, fondé à l’origine sur plusieurs
postulats transformationnalistes. Nous proposons donc de
modiier ce test par une application « à l’envers » : en contex‑
tualisant le syntagme (46) dans une phrase d’abord, et en
ajoutant le verbe testé ensuite. Grâce à cela, l’information
grammaticale manquante pourra être déduite du verbe prin‑
cipal et la forme globale restera celle d’un énoncé phrastique.
Prenons par exemple la série des verbes avoir, éprouver, cacher,
déclarer et manifester qui sont tous utilisés avec le nom affection
comme objet. À partir de l’exemple de base (47) qui corres‑
pond à l’actualisation de (46) dans une phrase, nous obte‑
nons la série (48‑51).
(47) L’affection de Luc pour Monique est suprenante36.
(48) L’affection que Luc a pour Monique est suprenante.
36. Dans ce test, la contextualisation doit se faire de manière à avoir un prédicat
complet dans la proposition principale, c’est‑à‑dire un prédicat comportant la prédica‑
tion syntaxique et sémantique. Il peut s’agir soit d’un prédicat synthétique (L’affection de
Luc pour Monique m’irrite.), soit d’un prédicat analytique (L’affection de Luc pour Monique est
surprenante.), mais il faut éviter d’utiliser un verbe qui pourrait théoriquement jouer le rôle
de support pour le prédicat sémantique analysé (i.e. avoir ou éprouver pour affection).
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préféré également leur donner une dénomination différente
qui corresponde mieux à leurs principes : le test de « l’effa‑
cement du verbe support » a donné naissance au « test par
l’ajout d’un verbe » et le test de « la coréférence des sujets » a
été transformé en test de « la coréférence d’un argument ».
Dans le cadre d’origine, le test de « l’effacement du verbe
support » vise à contrôler que le verbe dans un prédicat ana‑
lytique ne joue pas le rôle de prédicat sémantique. S’il en est
ainsi, la suppression de ce verbe de l’énoncé devrait entraîner
la perte de l’information grammaticale concernant par exem‑
ple le temps ou le mode, mais elle ne devrait pas inluer sur la
sémantique lexicale des éléments en jeu. Ainsi, les exemples
(44‑46) devraient être synonymes dans la mesure où ils conser‑
vent, dans la perspective de la grammaire transformationnelle,
« l’invariant sémantique » des éléments lexicaux pleins.
70
Jan Radimský
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Les phrases (48‑49) sont effectivement synonymes de la
phrase de départ (47), en ce qu’elles correspondent à son
interprétation « par défaut ». Il est vrai que dans un contexte
réel, le syntagme sujet de la phrase (47) l’affection de Luc pour
Monique pourrait faire référence à une information plus com‑
plexe par rapport au sujet de (48) l’affection que Luc a pour
Monique, comme par exemple : l’affection que Luc avait/semble
avoir/montre pour Monique, mais dans ce cas, il est nécessaire
que cette information implicite soit exprimée dans le contexte
précédent ou connue par les locuteurs. En réalité, l’ajout du
verbe avoir ou éprouver dans (48‑49) crée principalement une
seule différence par rapport à (47) – celle d’introduire la possibilité de modiier ce verbe support en changeant le temps,
le mode ou en lui associant un verbe modalisateur comme
sembler. En revanche, une situation nettement différente peut
être observée avec les verbes cacher et déclarer (50, 51), dont
l’ajout modiie à lui seul sensiblement le sens de la phrase par
rapport à l’original (47).
Néanmoins, un doute léger peut encore surgir à propos
du verbe manifester : est‑il désémantisé dans cet exemple au
même titre que avoir ou éprouver ? Pour le mettre en évidence,
nous pouvons proposer un test additionnel qui consiste à uti‑
liser deux supports dans la même construction. En effet, il
est raisonnable de penser que si deux verbes sont suscepti‑
bles de porter uniquement l’information grammaticale, leur
utilisation simultanée dans une construction produirait un
pléonasme. C’est effectivement ce qu’on observe dans les
exemples (52, 53)37.
(52) *Luc a l’affection qu’il éprouve pour Monique.
(53) *Luc éprouve l’affection qu’il a pour Monique.
(54) Luc manifeste l’affection qu’il a/éprouve pour Monique.
(55) Luc déclare/cache l’affection qu’il a/éprouve pour Monique.
37. Le fonctionnement de ce second test est analogue à celui du test précédent,
mais le verbe dont la « fonction » « support » est déjà connue se place dans la proposi‑
tion relative, tandis que le verbe testé se met dans la proposition principale.
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(49) L’affection que Luc éprouve pour Monique est suprenante.
(50) L’affection que Luc ?cache/déclare/manifeste pour Monique est suprenante.
(51) L’affection pour Monique que Luc cache/déclare est suprenante.
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Les exemples (54) et (55) sont parfaitement acceptables,
ce qui montre que les verbes manifester, déclarer et cacher consti‑
tuent un apport sémantique à la construction, donc qu’ils
jouent le rôle de prédicats sémantiques (et pas uniquement
syntaxiques).
Une utilité particulière de ce dernier test (« test par l’ajout
de deux supports ») consiste dans le fait que le locuteur se
trouve en quelque sorte « forcé » à faire une interprétation
prédicative (i.e. une interprétation non support) du premier
verbe, car l’interprétation support entraîne le pléonasme.
Lorsque le pléonasme se produit (52, 53), il faut en conclure
que le verbe testé peut fonctionner uniquement comme support
pour le prédicat sémantique en question (avoir pour affection
dans 52). Lorsque la construction n’est pas pléonastique, le
verbe testé est prédicatif pour le prédicat sémantique en ques‑
tion (déclarer, cacher et manifester pour affection dans 54‑55)38.
Par souci de clarté, les deux tests « par l’ajout d’un verbe »
sont schématisés dans les tableaux ci‑dessous :
Test par l’ajout d’un verbe support
Étape Matériel testé
(a)
(b)
(c)
Commentaire
L’affection de Luc pour Monique
Nom prédicatif candidat (affection)
avec ses actants
L’affection de Luc pour Monique est surprenante.
Contextualisation de (a) dans une phrase
m’irrite.
-ajout d’un prédicat synthétique (irrite)
ou analytique (est surprenante).
L’affection que Luc a pour Monique est surprenante. Transformation qui permet d’ajouter le
m’irrite. verbe testé (avoir). Si (b) et (c) sont synonymes, le verbe testé (avoir) n’assume pas
le rôle de prédicat sémantique dans cette
construction : il joue le rôle de support.
Le critère diagnostique du test par l’ajout d’un verbe sup‑
port met en jeu la notion de « synonymie » de deux énon‑
cés phrastiques. En effet, l’application de ce test exige de
38. Sur la possibilité d’une double fonction (support et prédicat) d’un verbe
cf. Jan Radimský, 2011, Noms prédicatifs, noms de résultat et noms concrets dans
les constructions à verbe support, Linguisticae investigationes, 34 :2, John Benjamins,
Amsterdam, p. 204‑227.
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Vers une description des prédicats analytiques
72
Jan Radimský
concevoir la synonymie sur une échelle de degré : l’introduc‑
tion de avoir ou éprouver correspond au degré de synonymie
le plus élevé, l’introduction de manifester correspond à une
synonymie faible (potentielle), tandis que l’introduction des
verbes comme déclarer ou cacher bloque la possibilité d’utiliser
(b) et (c) pour décrire le même « état du monde ».
Test par l’ajout de deux supports
Étape Matériel testé
(b)
(c1)
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(c2)
Commentaire
L’affection de Luc pour Monique
Nom prédicatif candidat (affection) avec
ses actants
avoir (de l’affection pour quelqu’un) - Vsup.
Un verbe (avoir) dont le rôle support pour
éprouver (de l’affection pour quelqu’un) - Vsup. ?
le nom candidat a été montré.
manifester (de l’affection pour quelqu’un) - Vsup. ? Deux verbes testés (éprouver, manifester)
Luc éprouve l’affection qu’il a pour Monique.
La phrase est agrammaticale, car deux
prédicats syntaxiques (éprouver, avoir)
sont liés à un seul prédicat sémantique
(affection). Le verbe testé (éprouver) joue
le rôle de support.
Luc montre l’affection qu’il a pour Monique.
La phrase est grammaticale : le verbe
testé (montrer) joue dans (c2) le rôle de
prédicat synthétique, i.e. il n’est pas
support de affection.
Le test par l’ajout de deux supports opère avec le critère
de l’« agrammaticalité » de (c1) par rapport à (c2). On notera
pourtant que la structure syntaxique « de surface » de (c1)
semble correcte. On conviendra également que l’inacceptabi‑
lité de (c1) n’est due ni aux facteurs pragmatiques (cf. la note
4) ni aux facteurs exclusivement sémantiques (comme dans
la phrase célèbre Green ideas sleep furiously de Chomsky, phrase
qui serait un bon titre d’article sur la politique du parti vert
dans notre pays). À notre sens, l’agrammaticalité de (c1) vient
du fait que l’actualisation simultanée d’un prédicat sémanti‑
que par deux prédicats syntaxiques est un vice syntaxique en
soi qui aboutit nécessairement à une impasse interprétative.
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(a)
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Vers une description des prédicats analytiques
4.2. Le test de la coréférence d’un argument
pour Monique.
(58) Luc
de Luc
éprouve de l’affection
pour Monique.
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(56) L’affection
(57) Son
affection
(59) Luc
(60) Luc
éprouve l’affection
critique l’affection
(61) Luc
(62) Luc
éprouve
critique
(63) Luc
(64) Luc
éprouve l’affection
éprouve *son affection
pour Monique.
*de Jean
de Jean
*mon affection
mon affection
*de Luc
pour Monique.
pour Monique.
pour Monique.
pour Monique.
pour Monique.
pour Monique.
Nous avons déjà vu que cet actant sémantique « sensible »
(Luc en l’occurrence) a potentiellement trois réalisations
syntaxiques, à savoir celle du complément du nom (56), de
39. Maurice Gross, 1981, « Les bases empiriques de la notion de prédicat séman‑
tique », Langages, 63, Paris, Larousse, p. 7‑53.
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Ce test, initialement appelé « test de la coréférence des
sujets » dans le cadre du lg39, vise à vériier la coréférence
obligatoire d’un actant sémantique du nom en deux positions
syntaxiques distinctes (cf. la section 2.2.4.). Or, dans notre
modèle, le pouvoir de faire appel aux actants sémantiques
incombe uniquement à un prédicat sémantique. Par consé‑
quent, dans un prédicat analytique, les arguments sémantiques
doivent être appelés uniquement par le nom d’évènement,
tandis que leur réalisation syntaxique pourrait être assurée
conjointement par le nom d’évènement et par le verbe.
En principe, l’un des actants sémantiques du nom peut
être réalisé dans la position sujet qui correspond à une posi‑
tion syntaxiquement obligatoire en français ; ce procédé est
schématisé dans (56‑58).
Jan Radimský
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possessif (57) et, lorsque le support est en jeu, de sujet (58).
Il en découle que les éléments réalisés dans ces trois positions
doivent obligatoirement être coréférents, sous peine d’agram‑
maticalité (59, 61).
Du point de vue structuraliste, cette règle se traduit en
deux types d’oppositions. Le premier concerne les paires où
la coréférence est assurée (63, 64) et violée (59, 61) avec un
prédicat analytique – une double réalisation du même argu‑
ment donne lieu à un pléonasme peu acceptable ou inaccep‑
table, mais interprétable (63, 64), tandis que la violation de la
coréférence donne lieu à une phrase non interprétable (59,
61). Le second type d’oppositions concerne les phrases où
la coréférence est violée avec un verbe en rôle support (59,
61) et avec un verbe en rôle de prédicat sémantique (60, 62).
Dans ce cas, la différence est nette, car le verbe pleinement
prédicatif n’exige pas cette coréférence (60, 62).
Conformément aux propriétés décrites dans la sec‑
tion 2.2.4. (exemples 28, 29), le test de la coréférence a pour
but de vériier deux phénomènes conjoints qui concernent le
sujet syntaxique de la phrase :
(1) le fait que le nom d’évènement lui assigne le rôle
sémantique ;
(2) le fait que le verbe conjugué n’assigne pas le rôle séman‑
tique à son sujet.
Cependant, la portée de ce test est restreinte par une série
de facteurs qui, sans limiter son poids théorique, imposent
certaines restrictions à son application. Nous nous proposons
d’évoquer au moins les plus importants d’entre eux.
(a) Le lecteur attentif aura noté que nous avons utilisé
une formulation très prudente en disant que « un des actants
sémantiques du nom peut être réalisé » comme sujet. En effet,
même si c’est le cas fréquemment, le modèle théorique ne
l’implique nullement. Rien ne nous empêche d’avancer l’hypo‑
thèse qu’un nom d’évènement « avalent » (comme froid, tremblement de terre, ou vent) puisse former un prédicat analytique
à l’aide d’un verbe support impersonnel (65‑67), ou que la
position du sujet puisse être occupée directement par le nom
d’évènement (68, 69). Comme le dénominateur commun
de ces constructions implique qu’aucun actant sémantique
du nom d’évènement n’est réalisé en position sujet (i.e. au
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Vers une description des prédicats analytiques
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nominatif), nous avons proposé d’appeler ces constructions
« constructions non nominatives ». Évidemment, la vériica‑
tion de la coréférence est impossible dans ce cas.
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(b) Dans les exemples (56‑64), nous avons qualiié Luc
d’« actant sémantique sensible ». Maurice Gross utilise à ce
propos la notion, contradictoire en soi, de « sujet sémantique »
et Ray Cattel parle de l’« inaliénabilité du sujet ». En effet,
le problème réside dans le fait que pour les noms d’action, le
rapport entre les formes et les fonctions est moins clair que
pour les verbes, ce qui fait qu’en l’état actuel des connaissan‑
ces, il est très dificile de parler de « sujet » d’un nom40. Notons
du moins l’existence des noms ayant une « histoire transfor‑
mationnelle passive » (la destruction de la ville par l’ennemi) et
les noms qui comportent un génitif polysémique (l’analyse de
Pierre où le génitif exprime l’agent, et l’analyse du document par
Pierre où le génitif exprime le patient, cf. aussi l’ambiguïté de
son dans son analyse). Dans ces cas, le test de la coréférence ne
peut pas être appliqué de manière mécanique.
(c) La théorie n’interdit pas qu’il puisse y avoir des ver‑
bes supports différents susceptibles de réaliser, tour à tour,
plusieurs actants sémantiques du nom d’évènement. Ce phé‑
nomène, connu comme verbe support converse41, concerne les
paires comme (70‑71). Dans ce cas, le test de la coréférence ne
portera pas sur le sujet, mais sur un autre complément (72).
(70) Max a donné une gile à Luc.
(71) Luc a reçu une gile de la part de Max.
(72). Luc a reçu *ma gile de la part de Max.
(d) Les expansions du nom peuvent présenter un cer‑
tain degré d’ambiguïté, notamment s’il s’agit de « noms de
40. En fait, nous pensons que la notion de « sujet » d’un nom, présumée impli‑
citement par M. Gross et par R. Cattel, serait défendable uniquement dans un cadre
théorique disposant d’un niveau syntaxique « profond ».
41. Gaston Gross, 1989, Les Constructions converses du français, Genève, Droz.
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(65) Il fait froid dehors.
(66) Il y a un tremblement de terre en Turquie.
(67) Il y a du vent.
(68) Un accident a eu lieu/s’est produit.
(69) Cette question dificile m’a été posée par Max.
76
Jan Radimský
résultat » ou de « noms concrets prédicatifs »42. Dans ces cas,
la coréférence de l’argument peut être violée, mais l’argu‑
ment en question acquiert ainsi une interprétation différente
(73‑74). Par conséquent, le verbe assumant le rôle support
dans (73) perd ce rôle et devient prédicatif dans (74)43.
(73) Le conseil régional a donné à Lucie une subvention pour l’achat de livres.
[= une subvention du conseil régional]
(74) Le conseil régional a donné à Lucie une subvention de l’UE pour l’achat
de livres.
[≠ une subvention du conseil régional]
[= une subvention de L’UE]
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Le modèle du prédicat analytique présenté dans cet arti‑
cle a été conçu suite à un projet de recherche qui consistait à
appliquer la méthode proposée par le Lexique-Grammaire à la
langue tchèque. Par rapport à la méthodologie couramment
utilisée dans le cadre du lg, deux paramètres techniques ont
été modifés, à savoir (1) l’usage systématique d’un grand cor‑
pus de langue44 avec la prise en compte des contextes réels,
et (2) la recherche des matériaux linguistiques à partir du
nom prédicatif plutôt qu’à partir du verbe « support »45.
42. Par exemple facture est un nom de résultat (ou un simple event nount dans
la terminologie de Jane Grimshaw) par rapport à facturation (nom d’évènement ou
complex event noun) ; en même temps, le mot facture peut faire référence à un objet
concret, d’où le terme « nom concret prédicatif ». En général, la morphologie lexicale
du français est peu sensible à cette distinction, ce qui fait que les noms d’évènement
sont souvent également des noms de résultat (p. ex. conclusion) : l’ambiguïté est donc
fréquente. Pour une analyse plus détaillée cf. Jan Radimský, « Noms prédicatifs, noms
de résultat et noms concrets dans les constructions à verbe support », Linguisticae investigationes, 34 :2, John Benjamins, Amsterdam, 2011, p. 204‑227.
43. Si nous appliquons le test de l’ajout de deux supports, on notera que dans
(73), il est impossible d’introduire un support supplémentaire comme accorder, ce qui
n’est pas le cas en (74) : Le conseil régional a donné à Lucie une subvention accordée par L’UE
pour l’achat de livres.
44. Nous avons utilisé la base Syn2000 du Corpus national tchèque qui correspond à
un corpus synchronique représentatif et morphologiquement annoté de 100 millions
de mots.
45. En réalité, la recherche des matériaux à partir du nom prédicatif est parfai‑
tement compatible avec le modèle théorique du lg. Seulement, cette approche est
matériellement plus dificile, car le nombre des verbes en fonction support est néces‑
sairement très inférieur à celui des noms prédicatifs, notamment en français.
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5. PRINCIPES ET RÉSULTATS DE L’APPLICATION
DU MODèLE SUR DES DONNÉES TCHèQUES
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Plusieurs études qualitatives et quantitatives sur le Corpus
national tchèque et la confrontation des résultats avec des
données en français décrites par d’autres nous ont permis de
formuler un certain nombre d’hypothèses que nous ne pou‑
vons pas résumer dans le cadre de cet article46. Nous nous
limiterons donc à présenter uniquement celles qui concer‑
nent les points‑clés abordés.
En premier lieu, l’approche adoptée nécessitait une
conception plus précise de la notion de « nom prédicatif » en
tant que nom susceptible de former un prédicat analytique à
verbe support. Nous sommes parti de l’opposition entre les
« noms d’évènement » et les « noms de résultat » qui – à la
différence du français – est relativement bien marquée mor‑
phologiquement en tchèque, une étude quantitative nous a
permis de constater que les noms de résultat apparaissent au
moins aussi souvent dans les constructions à support que les
noms d’évènement47. Dans de tels cas, un type particulier de
conceptualisation de l’évènement par l’intermédiaire d’un
substantif comptable permet en tchèque (et probablement
aussi en français) d’exprimer le mode d’action de manière
plus nuancée qu’un prédicat verbal synthétique, en faisant
appel à l’aspect (perfectif – imperfectif) du verbe et au nom‑
bre (singulier – pluriel) du nom prédicatif (75‑76).
(75) J’ai passé un coup de il/des coups de il.
(76) (Pendant que) je passais ce/ces coup(s) de il.
Sur le plan théorique, le recours au nom de résultat
(plutôt qu’au nom d’évènement) implique que le verbe en
rôle support puisse conférer à son prédicat sémantique une
interprétation évènementielle. En français, cette propriété
spéciique du support se manifeste occasionnellement, lors‑
que sa nominalisation est possible, en donnant lieu aux pairs
nom de résultat – nom d’évènement comme décision – prise
de décision48.
46. Cf. le résumé français et anglais du volume Jan Radimský, Verbo-nominální predikát s kategoriálním slovesem [...], disponible entre autres par le service Google books.
47. Cf. la note 42.
48. Cf. p. ex. la prise de décision a duré deux heures – *la décision a duré deux heures. Le
rôle du support nominalisé et exclusivement celui de conférer une lecture évènemen‑
tielle au nom décision.
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Vers une description des prédicats analytiques
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Jan Radimský
Finalement, le recours aux noms de résultat ou aux noms
polysémiques49 est susceptible de donner lieu à une ambi‑
guïté fonctionnelle lors de l’utilisation d’un verbe « support »
motivé. Cette ambiguïté s’observe aisément dans le cas d’une
construction à objet interne comme dans l’exemple (77a)
où donner un cadeau pourrait s’analyser comme un prédicat
synthétique aussi bien qu’analytique50. Dans la traduction
italienne de cet exemple (78a), le verbe est moins motivé de
sorte que l’analyse de fare un regalo en tant que prédicat analy‑
tique semble la seule possible.
(77a) Luc a donné un cadeau à Marie.
(77b) Luc a donné une montre à Marie.
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Si nous remplaçons le nom prédicatif cadeau par un nom
concret (77b‑78b), seule l’analyse de donner/dare en prédicat
synthétique reste possible.
Ces phénomènes nous permettent de concrétiser les
hypothèses sur le fonctionnement des prédicats analytiques :
il convient notamment de préciser que la notion de « verbe
support » ne semble pas correspondre à une série de verbes
précis, mais à un rôle qui peut être assumé (théoriquement)
par n’importe quel verbe d’une langue donnée. Lorsqu’un
verbe assure le rôle « support » pour un nom prédicatif, il
fonctionne comme un prédicat syntaxique qui permet à ce
nom prédicatif d’exprimer un évènement et de fonctionner
comme un prédicat « complet ». En théorie, la désémantisa‑
tion (lexicale) d’un support peut être complète, mais dans
la pratique ce n’est pas toujours le cas. Le verbe peut, à côté
de sa fonction « support » prendre en charge également
d’autres fonctions : il peut contribuer à la sélection des rôles
49. I.e. les noms où la distinction procès‑résultat ou même procès‑résultat abstrait‑
résultat concret n’est pas morphologiquement marquée.
50. Notons que la violation de la coréférence de l’argument modiierait la fonc‑
tion de donner, et elle nous empêcherait de l’analyser comme un support (Luc a donné
à Marie mon cadeau).
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(78a) Luc ha fatto un regalo a Marie.
(78b) Luc ha dato un orologio a Marie.
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sémantiques51, il peut exprimer une connotation (p.ex. commettre – une connotation négative), il peut contribuer à l’expres‑
sion du mode d’action, etc. Or, la désémantisation du verbe
support semble être un phénomène scalaire.
Le modèle idéal avec un support désémantisé implique
qu’en synchronie la sélection du verbe en rôle support par
un nom prédicatif est arbitraire. En effet, le rôle support peut
être assumé théoriquement par n’importe quel verbe, même
si ce dernier apparaît comme très spéciique dans d’autres
contextes (p.ex. caresser l’espoir ou lancer une accusation52). Si
cette tendance à l’arbitraire était parfaite, l’ensemble des
noms prédicatifs actualisés par un support donné serait par‑
faitement aléatoire53. Toutefois, du point de vue diachroni‑
que, l’arbitraire est contrebalancé par le fait que la sélection
du support peut être historiquement motivée. Un équilibre
fragile entre l’arbitraire et le motivé contribue au fait que la
sélection des supports dans une langue est un phénomène dif‑
icilement saisissable.
6. CONCLUSION
Dans le présent article, nous nous sommes proposé de
montrer que le prédicat analytique est un phénomène qui pré‑
sente de nombreux traits particuliers, mais pas nécessairement
idiomatiques, car ils sont dans une grande mesure réguliers et
prévisibles. Néanmoins, la liste de ces propriétés (section 2)
ne représente en réalité qu’une synthèse de résultats obtenus
à partir des années soixante‑dix par de nombreux chercheurs
qui, en France comme ailleurs, se réclament des méthodes
de la linguistique transformationnelle. En fait, cette synthèse
51. P. ex. la destruction de la ville par l’ennemi/par le bombardement peuvent être ren‑
dus respectivement par : La destruction de la ville a été opérée par l’ennemi et La destruction
de la ville a été causée par le bombardement. Cf. aussi la note 21.
52. D’autres exemples pertinents igurent dans : Amr Helmy Ibrahim, 2000,
« Une classiication des verbes en six classes asymétriques hierarchisées », in Cordier F.
et al. (eds.), Syntaxe et sémantique 2, Sémantique du lexique verbal, Caen, Presses universi‑
taires de Caen, p. 81‑98.
53. C’est en ceci que consiste à notre avis le vice inné de l’application de la théo‑
rie des classes d’objets aux prédicats analytiques par Gaston Gross.
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Vers une description des prédicats analytiques
Jan Radimský
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nous a servi de point de départ pour pouvoir proposer un
modèle théorique qui serait apte à décrire le fonctionnement
du prédicat analytique en linguistique structurale.
À cette in, nous avons eu recours à la théorie de la
valence de Lucien Tesnière, notamment à la notion de nœud
verbal, en interprétant sa description par Tesnière conformé‑
ment au modèle de la Syntaxe de valence à deux plans de
František Daneš. En effet, une distinction rigoureuse entre la
valence syntaxique et la valence sémantique, posée implicitement
par Tesnière, nous a permis de représenter le prédicat analy‑
tique en tant qu’un type spécial de nucléus dissocié. Dans notre
modèle nous nous sommes servi de la notion de prédicat, écar‑
tée volontairement par Tesnière, pour rendre compte de deux
fonctions essentielles du nucléus : ces fonctions sont appelées
respectivement prédicat syntaxique et prédicat sémantique.
Par la suite, nous avons présenté deux tests qui servent
à identiier les constructions à support dans le cadre théo‑
rique du Lexique-Grammaire et nous avons redéini et rafiné
leurs paramètres ain qu’ils puissent être utilisés avec efica‑
cité dans l’analyse structuraliste. Notre analyse a donné lieu à
trois tests, appelés respectivement (a) test par l’ajout d’un verbe,
(b) test par l’ajout de deux supports et (c) test de la coréférence d’un
argument. Ce faisant, nous nous sommes efforcé de veiller à ce
qu’il y ait une relation directe entre les tests d’identiication
des constructions à support d’une part (section 4), et les pro‑
priétés spéciiques des prédicats analytiques (section 2) ainsi
que le modèle théorique du prédicat analytique (section 3)
de l’autre.
Malgré les précautions prises, nous sommes conscient que
le présent texte soulève de nombreuses questions sans appor‑
ter toujours des réponses assez complexes ou satisfaisantes.
D’une part, cela est dû au fait que le cadre limité d’un article
de revue ne permet pas de discuter en détail toutes les subtilités
théoriques et d’apporter de nombreux arguments matériels,
dont certains sont issus de notre recherche sur les prédicats
analytiques tchèques. D’autre part, la mise en relation de plu‑
sieurs théories linguistiques différentes met nécessairement
en jeu des notions méthodologiques clés potentiellement dis‑
cutables ; il s’agit notamment des questions telles que la synony‑
mie, l’agrammaticalité ou l’inacceptabilité d’une construction,
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le recours aux corpus ou plus généralement la question de
savoir si l’argumentation concerne une construction « en
contexte réel » ou non. Néanmoins, nous espérons malgré
certaines questions controversées – où peut‑être même à
cause d’elles – pouvoir contribuer à ranimer la discussion sur
le statut et les moyens d’analyse des prédicats analytiques dans
le cadre des (différentes) analyses structuralistes.