STUDIA EPIGRAPHICA IN MEMORIAM GÉZA ALFÖLDY
ANTIQUITAS
Reihe 1
ABHANDLUNGEN ZUR ALTEN GESCHICHTE
begründet von Andreas Alföldi
herausgegeben von
Géza Alföldy (†), Frank Kolb und Winfried Schmitz
Band 61
DR. RUDOLF HABELT GMBH · BONN
2013
STUDIA EPIGRAPHICA
IN MEMORIAM GÉZA ALFÖLDY
herausgegeben von
WERNER ECK, BENCE FEHÉR UND
PÉTER KOVÁCS
DR. RUDOLF HABELT GMBH · BONN
2013
Frontispiz: Carme Badia, Instituto Catalán de Arqueología Clásica
ISBN 978-3-7749-3866-3
Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie. Detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über <http://dnb.d-nb.de>
abrufbar.
Copyright 2013 by Dr. Rudolf Habelt GmbH, Bonn
Géza Alföldy in Tarragona 2011
INHALT
Vorwort
ABASCAL, Juan Manuel: Dos cuestiones topográficas del conventus
Carthaginiensis para CIL II²: Egelesta y el trifinium provincial de
Hispania
BEUTLER, Franziska: Die zwei Amphitheater von Carnuntum und deren
Datierung
BIRLEY, Anthony: The Emperor Marcus Aurelius and the Sarmatians
BORHY László: Amphitheatralia Pannonica I. Die sog. Bauinschrift des
Militäramphitheaters von Aquincum
CHANIOTIS, Angelos: Hadrian, Diktynna, the Cretan Koinon, and the roads
of Crete. A new milestone from Faneromeni (Crete)
ECK, Werner: Die Fasti consulares der Regierungszeit des Antoninus Pius.
Eine Bestandsaufnahme seit Géza Alföldys Konsulat und
Senatorenstand.
FEHÉR Bence: Characteristics of Handwriting in the Inscriptions of
Aquincum
KOLB, Anne: Das severische Kaiserhaus in Solothurn?
KOVÁCS Péter: Géza Alföldy und CIL III2. Auch ein Beitrag zum Thema:
Géza Alföldy und Ungarn
KOVÁCS Péter: Territoria, pagi and vici in Pannonia
MAYER, Marc: Contribución al estudio de la epigrafía de Pollentia
(Alcúdia, Mallorca). Sobre HEp 2, 1990, 62
MITTHOF, Fritz: Überteuerter Weizen und private Munifizenz:
Bemerkungen zu zwei Weihungen aus Thuburnica und verwandten
Inschriften
MRÁV Zsolt: Septimius Severus and the cities of the middle Danubian
provinces
MROZEWICZ, Leszek: Municipium Cillitanum. Des études sur
l’urbanisation flavienne de l’Afrique du Nord
NÉMETH Margit: Andenken eines Kaiserbesuches in Aquincum
PEACHIN, Michael: Augustus’ Res Gestae and the Emerging Principate
PISO, Ioan: Die Inschrift von Albertirsa
PROHÁSZKA Péter: Einige römische Inschriften aus Siscia (Sisak,
Kroatien) nach einem Brief des Kaufmanns Paul Bitroff
ŠAŠEL-KOS, Marjeta: Ananca: Greek Ananke worshipped at Doclea
(Dalmatia)
SCHMIDT, Manfred G.: Inscriptiones Berolinenses Latinae
SOLIN, Heikki: Zu pompejanischen Wandinschriften
VII
1
19
39
51
59
69
91
117
123
131
155
163
205
241
249
255
277
285
295
307
327
VIII
SZABÓ Ádám: Iuppiter Optimus Maximus. Zwei neue Altäre aus
Pannonien
VISY Zsolt: Beneficiarii auf Inschriften von Intercisa. Die Frage einer
Benefiziarierstation von Intercisa
WEBER, Ekkehard: Ein magister navaliorum in Carnuntum
ZERBINI, Livio: Echi delle guerre marcomanniche e della peste antonina
nelle testimonianze epigrafiche della Dacia romana
Index der Personennamen (VAJNER, Balázs)
Index der geographischen Namen (VAJNER, Balázs)
351
359
377
383
391
397
MUNICIPIUM CILLITANUM
DES ETUDES SUR L’URBANISATION FLAVIENNE
DE L’AFRIQUE DU NORD
LESZEK MROZEWICZ
En 1967 Tadeusz Kotula1 s’est prononcé d’une manière univoque pour – avancée
déjà auparavant dans la science – l’opinion2 selon laquelle à l’époque des Flaviens,
et plus précisément des mains de Vespasien3, le statut de municipium reçut Cillium
(Kasserine, Qasrin)4, située à une quarantaine de kilomètres au Sud-Ouest de
Sufetula, sur la route qui unissait Hadrumentum à Thelepte, et plus loin, Tébessa
(Theveste) à Lambèse (Lambaesis). Il a employé les arguments suivants pour
appuyer sa thèse: il n’y a pas de doutes qu’à Cillium durant son histoire a été
attribué successivement aussi bien le statut de municipe (municipium) que celui de
colonie (colonia). En témoignent deux inscriptions (fig. 3 et 4) qui peuvent être
datées5 respectivement de la deuxième moitié du IIe siècle6 et de l’époque de
1
T. Kotula, À propos d’une inscription reconstituée de Bulla Regia (Hammam-Darradji). Quelques
municipes « mystérieux » de l’Afrique Proconsulaire, MEFRA LXXIX 1967, p. 207-220, surtout p. 212215.
2
E. De Ruggiero, s.v. Cillium, Dizionario Epigrafico di Antichità Romane, vol. II, Roma 1900, p. 236;
L. Poinssot, Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques 1934, juin, p.
XIII et suivantes (non vidi, je cite après T. Kotula et P. Romanelli); L. Châtelain, Notes sur des
découvertes archéologiques au Maroc, Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Historiques et
Scientifiques 1934-1935, p. 179: « N’est-il pas dès lors tentant de supposer que Vespasien ou Titus
pourrait bien être le fondateur du municipium Cillitanum dont les curiae universae ont (...) dédié une base
à Aelia Valeria Kapitolina Pompeiana » [il s’agit de l’inscription CIL VIII 23207]; T.R.S. Broughton,
The Romanization of Africa proconsularis, Baltimore 1929, p. 101 et suivantes (non vidi, je cite après T.
Kotula); P. Romanelli, Storia delle province romane dell’Africa, Roma 1959, p. 294: “Anche Cillium
nella Bizacena sembra abbia avuto l’epiteto di Flavia: comunque dalla frequenza dei Flavii nelle sue
epigrafi non paro dubbio che essa avesse avuto da Vespasiano, o da uno dei suoi figli, il diritto di
municipio Romano o latino”; G. Picard, s.v. Qasrin [Cillium], Enciclopedia dell’Arte Antica VI (1965), p.
585: « Eretta a municipio da Vespasiano o da Tito (municipium Flavium Cillium), la città divenne colonia
nel III secolo »; M. Leglay, Les Flaviens et l’Afrique, MEFRA LXXX 1968, p. 221: « La ville [Cillium]
dut recevoir de Vespasian ou d’un de ses fils le statut de municipe romain ou latin. »
3
Leglay, p. 215: « Cillium, municipe de Vespasien à notre avis... »
4
O Cillium: The Princeton Encyclopedia of Classical Sites, Princeton 1976 (ci-après PECS), p. 224;
Picard, p. 585; M.S. Bassignano, Il flaminato nelle province romane dell’Africa, Roma 1974, p. 73;
J.Gascou, La politique municipale de l’Empire romain en Afrique Proconsulaire de Trajan à Septime
Sévère, Paris 1972 [ci-après Gascou I], p. 86-89; idem, La politique municipale de Rome en Afrique du
Nord I. De la mort d’Auguste au début du IIIe siècle, ANRW II 10.2 (1982) [ci-après Gascou II], p. 172 ;
idem, La politique municipale de Rome en Afrique du Nord II. Après la mort de Septime Sévère [ci-après
Gascou III], idem, p. 303-304; C. Lepelley, Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire, tome II.
Notices d’histoire municipale, Paris 1981, p. 287-288.
5
Kotula, Inscription de Bulla Regia, p. 213.
6
CIL VIII 23207 : Aeliae Va/leriae Kapit/tolinae Pom/peian[ae] C(ai) Ofil/5ili(i) Bu[...c]on/iugi
c[uriae u]ni/versae m[uni]cip(ii) / Cillitani ob eximi/um in se mariti /10 eius amorem.
242
Commode7. Mentionnés plusieurs fois dans Cillium Flavii, y compris dans les
inscriptions du fameux Mausoleum Flaviorum8, ainsi que l’indication dans le
laterculus militum de Lambaesis de l’origine (origo) d’un soldat de la légion III
Augusta, C. Iulius Septiminus, inscrite sous forme de [F]la(vio) Cilio9, donc
« (originaire de) Flavium Cillium » (fig. 1a-c), constitue selon Tadeusz Kotula, une
forte prémisse pour approuver la thèse selon laquelle c’étaient les Flaviens, et il est
très probable que c’était Vespasien, avaient attribué à Cillium les droits de
municipe10. Cela semblerait très logique, surtout si l’on prend en considération
l’activité très énergique des Flaviens en Afrique.
Jacques Gascou11 s’est fermement opposé à cette conception-là. D’après lui, le
statut de municipe Cillium aurait pu obtenir seulement de Trajan parce que l’unique
tribu qui apparaissait dans les inscriptions du territoire de la ville était Papiria,
propre de cet empereur. L’auteur considère avant tout que dans le laterculus militum
de Lambaesis, il ne s’agit point du nom de la ville: [F]lav(io) Cilio, mais d’une
pseudo-tribu: [F]la(via tribu) Cillio. « Cillium est un municipe de Trajan et non
d’un empereur flavien » – écrit Jacques Gascou12. Aux Flaviens, par contre, il faut
attribuer la construction d’un castellum, ce qui était à l’origine de Cillium romaine13.
Quant au statut de colonie, l’inscription de Q. Manlius Receptus (fig. 4)14, qui le
prouve, doit être datée, selon le chercheur, non pas des temps de Commode, mais
plutôt de la fin du IIe ou du début du IIIe siècles15. Le schéma linéaire de l’histoire de
Cillium pourrait alors être représenté de la manière suivante16: le castellum des
Flaviens – le municipium de Trajan – la colonie des Sévères.
7
CIL VIII 210 = ILS 5570 ; ILT 330 : [... / ...] / coloniae Cillitanae / Q. Manlius Felix C. filius Papiria
(tribu) Receptus, post alia arcum quoque cum insignibus colo[niae] / solita in patriam liberalitate erexit,
ob cuius dedicationem decurionibus sportulas, curiis epu[las ded(it)]; cf. Gascou III, p. 303-304.
8
Les Flavii de Cillium. Étude architecturale, épigraphique, historique et littéraire du mausolée de
Kasserine (CIL VIII, 211-216), Rome 1993, surtout p. 61-63, 219-227 (J.-M. Lassère); voir aussi
Bassignano, p. 70-73.
9
CIL VIII 2568 = 18055 (ligne 46): C. Iulius Septiminus <F>LA CILIO; F inscrit sous forme d’E.
10
Voir De Ruggiero, p. 236: „Fl(avium) Cillium in un (…) laterculo militare di Lambaesis (C. VIII
2568 lin. 2)… Dall’apellativo Flavium si vede chiaro che sotto Vespasiano e i suoi figli divenne forse
prima municipio e poi colonia e fu iscritto nella tribù Papiria”; voir Châtelain (note 2), p. 179.
11
Gascou I, p. 31-32; 86-89; Gascou III, p. 303-304.
12
Gascou I, p. 87, cf. p. 89; Gascou II, p. 172; Gascou III, p. 303; approuvant: Bassignano, p. 70; Les
Flavii de Cillium, p. 7-8; Lepelley, p. 287.
13
Gascou I, p. 32: « la présence de plusieurs Flavii ainsi que la pseudo-tribu Flavia portée par un
habitant de Cillium (...) nous inscitent à penser que Cillium peut être à origine un castellum flavien dont la
fondation devrait être mise en rapport avec la déduction d’une colonie à Ammaedara et la création d’un
hypotétique municipe à Sufetula » ; Gascou II, p. 166, 172 ; aussi après Gascou J., Lepelley, p. 287 ; cf.
Toutain, la note 15.
14
Voir la note 7.
15
Gascou III, p. 304, se référant à Lepelley, p. 287-288 qui date l’inscription de Receptus des temps
des Sévères et c’est pour cela – selon Gascou – que Cillium put devenir colonie « avant ou après le mort
de Septime Sévère. »
16
J. Toutain, Les progrès de la vie urbaine dans l’Afrique du Nord, [dans:] Mélanges Cagnat. Recueil
de mémoires concernant l’épigraphie et les antiquités romaines, Paris 1912, p. 338 (« Cillium, avant de
243
L’argumentation de Jacques Gascou, approfondie par l’analyse de la présence à
Cillium du nomen gentile Flavius17 et l’application de la pseudo-tribu, a pourtant un
côté faible. Nous avons l’impression toutefois que le scientifique français a lu trop
rapidement et sans équivoque l’inscription [F]la. Cilio du laterculus de Lambèse
comme la pseudo-tribu. L’analyse du laterculus, daté du déclin du gouvernement
d’Hadrien et du début de celui d’Antonin le Pieux18 montre qu’aucun des soldats
(sont conservés en totalité ou en extraits les prénoms de quatre-vingts personnes) ne
donne la tribu19. Se pose alors la question de savoir pourquoi justement C. Iulius
devenir une cité, avait été certainement un pagus ou castellum de la colonie de Thelepte, fondée par
Trajan ») ; Gascou II, p. 165-166, 171-172; Gascou III, p. 303-304; Lepelley, p. 287.
17
Gascou I, p. 87 admet que tous les Flavii énumérés dans les inscriptions sur le Mausoleum
Flaviorum, étaient originaires de Thelepte; comme le remarque M.S. Bassignano (p. 72, voir la note 4),
seulement auprès de quelques-uns est donnée l’information qu’ils exerçaient leurs fonctions de prêtre à
Thelepte; il faut admettre automatiquement que ceux auprès desquels cette information est absente
appartenaient aussi au cercle de « fonctionnels », devaient être originaires de Cillium, le lieu de l’érection
du Monumentum Flaviorum, cf. Les Flavii de Cillium, p. 225; ceci veut dire qu’à Cillium nous pouvons
attribuer un nombre beaucoup plus important de Flavii que celui proposé par Jacques Gascou.
18
Gascou I, p. 86; les soldats avec nomen gentile Aelius inclus dans la liste (vers 9, 36, 66 et 69)
prouvent qu’ils eurent enrôlés dans l’armée au plus tôt en 117, c’est-à-dire quand Hadrien prit le pouvoir
parce que seulement alors ils purent obtenir la citoyenneté romaine.
19
Certains doutes peut éveiller la ligne 36: TIB CLAVDIVS LUCIVS AEL PILADEL EMESE (voir
fig. 2); dans cette inscription, nous pouvons voir la pseudo-tribu Aelia (CIL VIII, Index, p. 243), et à
Émèse l’origo (comme dans CIL VIII, Index, p. 256), ce qui pourrait être l’argument pour la thèse de
Jacques Gascou; alors, il faudrait lire les prénoms du légionnaire de la manière suivante: Tib. Claudius
Lucius Ael(ia tribu) PILADEL Emese, mais les éditeurs de CIL ont omis (Index, p. 19) le mot PILADEL,
bien qu’il fût mis dans l’index parmi les cognomina; dans le commentaire ad n. 2568, ils n’ont pas de
doutes non plus qu’il s’agit du cognomen: Piladel(phus) Emese; écrit avant le mot PILADEL, doit nous
faire comprendre son origine grecque (W. Thieling, Der Hellenismus in Kleinafrika. Der griechische
Kultureinfluss in den römischen Provinzen Nordafrikas, Leipzig-Berlin 1911, p. 87, 111) le cognomen
P(h)iladelp(h)us n’éveille point de doutes, il est bien prouvé dans les sources (en Afrique: CIL VIII 18392
– Philadelphus; 20713: M. V[an]tidius M. f. Quir[ina] Philad[elphus]); Y. Le Bohec, La Trosième Légion
d’Auguste, Paris 1989, p. 317, a justement attiré l’attention sur les problèmes onomastiques qui
entraînerait une telle interprétation de la ligne 30: entre deux cognomina serait placée l’information sur la
tribu, ce qui doit être considéré comme absolument atypique. Certainement pour cette raison W. Thieling
(p. 111) a compris la ligne 36 comme suit: „Tib. Claudius Lucius Aelius Philadelp(us) aus Emesa in
Syrien”, donc il a exclu la pseudo-tribu; par contre, il a adopté l’anthroponymie de Claudius Lucius, ce
qui n’est pas non plus une solution tout à fait satisfaisante; il semble que ce texte a été le mieux interprété
par Le Bohec, p. 314: selon lui, dans la ligne 36 sont inscrites deux personnes c’est-à-dire Tib. Claudius
Lucius et Ael(ius) Piladel(pus). Si c’est vrai, ce serait l’unique cas de l’inscription de deux personnes
dans le même vers sur le laterculus de Lambèse et aussi l’unique situation où a été omis le praenomen, et
en ce qui concerne Tib. Claudius Lucius – l’un des rares cas (vers 9, 64, 65) de l’absence de l’origo. Ce
serait dans le contexte de tout le laterculus, très atypique et incompréhensible. Il paraît que l’explication
de ce problème n’est pourtant pas tellement difficile si nous admettons que dans la ligne 36 ont été
inscrits deux soldats originaires de la même ville c’est-à-dire d’Émèse en Syrie qui était leur origo
commune. Le cognomen de Claudius et le praenomen d’Aelius étaient les mêmes: ‘Lucius’. C’est
pourquoi, peut-être pour économiser de l’espace, le prénom ‘Lucius’ a été écrit une seule fois; le vers 36
devrait être lu de la manière suivante: Tib(erius) Claudius Lucius (et Lucius) Ael(ius) Piladel(pus), (tous
les deux) d’Émèse; sur le praenomen ‘Lucius’ dans la fonction de cognomen voir I. Kajanto, The Latin
cognomina, Helsinki 1965, p. 40, 172 (‘Cognomina obtained from praenomina’).
244
Septiminus aurait agi autrement. Il faudrait croire plutôt que conformément à l’avis
exprimé dans la littérature, ce n’est pas l’information sur la tribu, mais un surnom
honorifique dans le nom de la ville. Ces surnoms créés à partir du nomen gentile
impérial, obtenaient des villes au moment de l’octroi du statut de commune romaine
(d’habitude ex iure Latini) ou de l’élévation au rang dans le cadre du statut déjà
acquis20. En principe, elles étaient aussi inscrites à la tribu à laquelle appartenait le
souverain, ou bien à la pseudo-tribu, c’est-à-dire une tribu inexistente jusqu’alors,
créée spécialement à partir du gentilicium impérial21. Nous ne devons pourtant pas
oublier que Jacques Gascou n’a pas pris en considération le fait que ce n’était pas
toujours de la sorte. Dans ce cas-là, il y a des exceptions à cette règle. Un bon
exemple qui l’illustre peut être Scardona en Dalmatie laquelle obtint les droits
municipaux de la part des Flaviens22. Ses citoyens devraient donc théoriquement
appartenir à la tribu Quirina, et pourtant ils étaient inscrits à la tribu Sergia23,
d’ailleurs, la commune en tant qu’entité24. Cillium n’est pas un cas isolé.
Nous pouvons admettre adoptant ‘Flavium’ comme un indice légal de la ville25
que le rang municipal Cillium obtint de la part des Flaviens, probablement de
Vespasien26. En témoigne le laterculus de Lambaesis mentionné ci-dessus qui peut
être daté du milieu du IIe siècle27. L’existence du Municipium Cillitanum au IIe
siècle prouve l’inscription d’Ælia Valeria Capitolina Pompeiana (fig. 3), honorée par
les c[uriae u]niversae M[uni]cip(ii) Cillitani28, sans doute dans la deuxième moitié
du IIe siècle29 ainsi que l’inscription qui commémore l’érection des statues à la gloire
d’Antonin le Pieux et de Lucius Verus et encore une imago en argent de Faustine la
20
Le Bohec, Troisième légion, p. 321: « Septiminus mentionne sans doute un surnom tiré de Flavius et
attribué à Cillium» ; Kotula, Inscription de Bulla Regia, p. 213; cf. B. Galsterer-Kröll, Untersuchungen zu
den Beinamen der Städte des Imperium Romanum, Epigraphische Studien 9, 1972, p.100 no 15.
21
Voir G. Forni, Un tramonto di un’istituzione. Pseudo-tribù romane derivate da soprannomi imperiali,
[dans:] Studi Giuridici in memoria di Alfredo Passerini (Studia Ghisleriana, p. 1, II), Pavia 1954, p. 89124; idem, Le tribù romane, III,1. Le pseudo-tribù, Roma 1985, passim.
22
CIL III 2802 (Scardonae): Genio / municipii / Fl(avii) Scard(onae) / C. Petronius / Firmus ob /
honorem aug(uratus) / l(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum).
23
CIL III 2810 (Scardonae): T. Turra[nio] / T. f. Ser(gia tribu) Seda[to] / decurioni II [viro] /
Scardonis sacer[doti] …; o Scardonie voir R. Weynand, T. Flavius Vespasianus, RE VI 2 (1909), p.
2682; M. Pavan, Ricerche sulla provincia romana di Dalmazia, Venezia 1958, p. 273-274; G. Alföldy,
Bevölkerung und Gesellschaft der römischen Provinz Dalmatien, Budapest 1965, p. 86-87; J.J. Wilkes,
Dalmatia, London 1969, p. 218-219; Galsterer-Kröll, p. 122 no 323; A. Starac, Rimsko vladanje u Histrii i
Liburniji II (Roman rule in Histria and Liburnia), Pula 2000, p. 103-106; aussi L. Mrozewicz, Flavian
Municipal Foundations in Dalmatia (sous presse).
24
W. Kubitschek, Imperium Romanum tributim discriptum, Pragae–Lipsiae–Vindobonae 1889, p. 236237; Wilkes, p. 218; Starac, p. 103, 104.
25
Galsterer-Kröll, p. 73-76, 100 no 15.
26
De Ruggiero, p. 236; Leglay, p. 221.
27
Voir Galsterer-Kröll, p. 100 ad n. 15: „Flavia Cillium: VIII 2568,46 = 18055 (domus) … Ob sich die
domus-Angabe auf das Municipium oder die Kolonie bezieht, ist nicht zu entscheiden.”
28
CIL VIII 23207; voir la note 6.
29
R. Cagnat, Notes sur des découvertes épigraphiques..., Bulletin Archéologique du Comité des
Travaux Historiques et Scientifiques 1901, p. 117-118 no 12.
245
Jeune, épouse de Marc Aurèle, donc après 14530. Son fondateur fut aedilis et augur
(municipii)31. Au IIIe siècle, probablement au temps de la dynastie des Sévères (ici,
il convient de partager l’avis de J. Gascou), Cillium obtint le statut de colonie32.
La création du Municipium Cillitanum faisait partie d’un plan stratégique des
Flaviens, relatif à l’expansion dans la direction sud-ouest, le long de l’axe de
communication principal Carthage – Ammaedara – Theveste – Lambaesis33. Située
au Sud de cet axe Cillium devait constituer une protection supplémentaire34 et c’est
pour cette raison qu’on observe dans cette région c’est-à-dire entre Hadrumentum et
Thelepte, une colonisation intensive à l’époque flavienne. L’apparition d’un grand
nombre de Flavii à Cillium et à Thelepte située au Sud-Ouest (Medinet-el-Kedima, à
une trentaine de kilomètres), a permis d’avancer la thèse que cette dernière aussi,
sans doute au IIe siècle colonia35, fut élévée par les Flaviens au rang de
municipium36. Pourtant l’unique indice en est le nomen gentile Flavius porté par ses
habitants, et en même temps, il n’y a pas de traces de l’existence du municipium,
cette thèse n’est que pure spéculation. Par contre paraît juste la conception selon
laquelle les Flaviens faisaient beaucoup d’efforts pour créer des points militaires
(castella) qui devaient du côté sud protéger des terrains fertiles et bien amenagés de
l’Afrique Proconsulaire et en même temps assurer la communication avec le sud. Un
tel point (castellum) était Thelepte37. Il faudrait attirer l’attention sur le fait qu’en se
déplaçant dans la direction Nord-Ouest, vers Theveste et Lambaesis, nous
rencontrons sous la dynastie flavienne, les traces relativement nombreuses
d’activités de ce genre-là. La colonisation flavienne, d’un caractère sûrement
militaire apparaît à Mascula, Aquae Flavianae, Vaizavi (Zoul) ou à Lambafundi (Hr.
30
Marc Aurèle épousa Faustine la Jeune (Annia Galeria Faustina, la fille d’Antonin le Pieux), voir D.
Kienast, Die römischen Kaisertabelle. Grundzüge einer römischen Kaiserchronologie, Darmstadt 1990, p.
136.
31
AE 1957, 77 = G. Picard, Rapport sur l’activité du Service des Antiquités et de la Mission
archéologique française en Tunisie pendant l’année 1953, Bulletin Archéolgique du Comité des Travaux
Historiques et Scientifiques 1954, p. 122-123: [Imp. Caes. T. Aelio Hadriano / Antonino Aug. Pio et] / L.
Aelio Imp. Caes. Aug. Pii /5 fil(io) C. Ant[...]us aedi/lis et aug(ur) s[tat]uas [...] duas ob ho/norem
aedilitatis ex HS XII mil. / Aug. liberique eius promisit / ex HS X mil. CCCCVII n. posuit et /10 ad
supplendam pollicitatio/nis suae summam imaginem / argenteam Faustinae Aurelii / Veri Caes. Imp.
Antonini Aug. /14 Pii fil(ii) (uxoris) secund[um ...].
32
CIL VIII 210; Gascou I, p. 86; Gascou III, p. 304.
33
Voir une définition pertinente de ce problème T. Kotula, Afryka Północna w starożytności
(L’Afrique du Nord dans l’Antiquité), Wrocław 1972, p. 150.
34
Voir M. Bénabou, La résistance africaine à la romanisation, Paris 1976, p. 419: « Thelepte (...) est
transformée en colonie de vétérans : dans ce secteur des Hautes Steppes, où des tribus les Musulames et
les Musunii Regiani ont leurs terres de parcours, Thelepte est probablement chragée d’une besogne de
contrôle (....). Non loin de Thelepte, Cillium (si ce n’est pas un municipe flavien comme on le croit
généralement, mais un municipe trajanien comme le croit J. Gascou) aurait été transfomé en municipe
latin pour des raisons analogues. »
35
Voir CIL VIII 211; 214-216 = Les Flavii de Cillium (la note 8), p. 61-64.
36
G.-Ch. Picard, La civilisation de l’Afrique romaine, Paris 1959, p. 185; PECS, p. 906; Leglay, p.
222; contre Gascou II, p. 171.c.
37
Gascou I, p. 83-86; cf. dans cet esprit Romanelli, Storia dell’Africa, p. 316; Bénabou, p. 419.
246
Touchine) entre Timgad et Lambaesis38. Lambaesis elle-même dans laquelle déjà
sous les Flaviens fut construit un « petit camp » destiné à la légion III Augusta, en
est le meilleur exemple. Plus tard, une partie de ces colonies militaires39, renforcées
par des colons-vétérans, ont acquis le statut de colonies: ceci se rapporte justement à
Thelepte40, mais aussi entre autres à Theveste41 et à Thamugadi42.
Leszek Mrozewicz
Université Adam Mickiewicz
Institut de Culture Européenne
Poznań
[email protected]
38
Leglay, p. 222.
Voir aussi C.R. Whittaker, Africa, CAH2 XI (2000), p. 541.
40
Kotula, comme la note 33.
41
PECS, p. 913; Gascou II, p. 173-174.
42
Romanelli, Storia dell’Africa, p. 314-315; PECS, p. 899; Gascou II, p. 174.
39
247
Illustrations
Fig. 1a-c.
CIL VIII 2568 +
18055.
Laterculus
militum de
Lambaesis: vers
46 avec les
prénoms de C.
Iulius
Septiminus
248
Fig. 2.
CIL VIII 2568: origo Emesa
Fig. 3.
CIL VIII 2307. Municipum Cillitanum, IIIe siècle
Fig. 4.
CIL VIII 210 = ILS 5570 ; ILT 330. Colonia Cillitana, IIe siècle / IIIe siècle