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Bulletin d'Etudes Orientales no. 69 - Appel à contributions

2022, Bulletin d'études orientales

Bulletin d'études orientales Appel à contributions - Call for contributions

BEO 69 – Faire archive au Proche-Orient hier et aujourd’hui : légitimités, matérialités, temporalités PAR IFPO · PUBLIE 03/05/2021 · MIS A JOUR 04/05/2021 Depuis une dizaine d’années, des historiens de l’Islam médiéval se sont saisis de la question des archives, envisagées non plus uniquement comme sources mais comme objets historiques à part entière, et ont interrogé les modes de constitution de leurs différents corpus documentaires d’étude. Leurs travaux sont ainsi largement revenus, à travers la prise en compte de la matérialité de l’archive, sur l’idée auparavant répandue d’une absence de culture archivistique dans les sociétés pré-ottomanes. La rareté, sinon l’absence, des archives datant de cette période et ayant survécu jusqu’à nos jours a longtemps été perçue comme reflet de l’absence de volonté conservatoire à l’époque médiévale, alors que ces études récentes montrent qu’il y avait bien des pratiques de l’archive, mais qui pouvaient mener à leur destruction. Les résultats de ces études plaident en faveur d’un regard anthropologique capable d’appréhender la manière dont diverses pratiques documentaires faisaient partie de stratégies de formation et de reproduction de groupes sociaux (Tamer El-Leithy 2011 ; Maaike van Berkel 2014 ; Julien Loiseau 2009 ; Frédéric Bauden 2013). Ces études ont ainsi montré la nécessité de se départir d’une logique construite autour d’une catégorie spatiale et matérielle de l’archive dérivée de l’expérience historique occidentale, en faveur d’une analyse en termes de « pratiques d’archives » (Konrad Hirschler 2016). L’Empire ottoman, quant à lui, est connu pour avoir non seulement généré de très nombreuses archives, mais également pour avoir développé un système d’archivage très robuste. Selon Halil Inalcik, la production d’un defter (registre impérial) faisait partie intégrante des pratiques d’incorporation à l’empire de territoires nouvellement conquis par les Ottomans (Halil Inalcik 1954). D’autres travaux, portant sur la période des tanzimât, ont souligné par ailleurs que « la réforme de l’Etat est une réforme de ses registres » (Marc Aymes 2019), appelant à se saisir des pratiques archivistiques comme clé de lecture des transformations impériales au XIXe siècle. Avec la fin de l’Empire ottoman et la création d’Etats-nations dans la région du Proche-Orient, et plus encore avec l’accession à l’indépendance de ces derniers, la question des archives est progressivement devenue, ici comme ailleurs, un enjeu de légitimité historique. Le fait d’assembler les archives d’une “nation” est en effet un acte fondateur pour le récit national, quand il ne participe pas de l’effort-même de construction de l’Etat. La question des pratiques d’archives s’est donc aussi imposée comme un domaine de recherche dynamique dans le champ des études contemporaines. Ainsi, plusieurs programmes, manifestations scientifiques ou ouvrages ont tenté, ces dernières années, d’interroger les pratiques de l’archive au Proche-Orient. En 2019 est paru l’ouvrage de référence Archiver au Proche-Orient. Fabriques documentaires contemporaines (Christine Jungen et Jihane Sfeir (dir.) 2019), qui nous entraîne dans une exploration éclectique de lieux dans lesquels sont constitués, conservés et mobilisés des documents historiques. Toujours en 2019, le colloque « Nouvelles archives numériques au Proche-Orient » organisé à Beyrouth par l’Ifpo, l’Institut français du Liban, la MMSH et l’ANR SHAKK a engagé une réflexion, nécessaire en sciences humaines, quant à l’exploitation scientifique et la valorisation de collections qui ont été constituées dans/sur les pays du Proche-Orient. Il a initié un dialogue entre les différents acteurs intéressés par ce nouveau type de documents, leur collecte et leur archivage, avec un focus sur l’image, l’audiovisuel et le web. Ce ne sont là que deux exemples montrant la vitalité et la nécessité d’un retour critique sur les processus de mise en archives, leurs acteurs et leurs enjeux. Dans l’ensemble de ces travaux, portant sur les périodes médiévale, moderne et contemporaine de l’histoire du Proche-Orient, la réflexion s’est donc portée sur les logiques sociales et politiques présidant au développement de cultures archivistiques spécifiques. Elle s’est surtout éloignée d’une conception étroitement stato-centrée de l’archive pour envisager les pratiques de production et de conservation documentaire déployées par une variété d’acteurs. Ces pratiques, saisies dans leurs dimensions sociales, spatiales ou matérielles, deviennent alors de précieux sites d’observation à partir desquels appréhender les enjeux de pouvoir, de mémoire et de vérité qui traversent les sociétés du Proche-Orient à ces différentes périodes. Dans ce numéro du Bulletin d’études orientales, nous voudrions mettre en dialogue des contributions venues de disciplines diverses (histoire, littérature, anthropologie notamment) et portant sur des périodes variées, mais qui se rejoignent autour d’un ensemble de questions : ! Les questions liées aux enjeux de légitimité, s’agissant aussi bien de celle, parfois contestée, des acteurs de l’archive (Etats, institutions communautaires, familles, organisations de la société civile, entrepreneurs de mémoire…), que de celle dont certains groupes sociaux cherchent à doter, à travers diverses pratiques de l’archive, leurs revendications sociales, politiques ou mémorielles. 2) Les questions touchant à la matérialité et à l’environnement physique des pratiques archivistiques, qu’il s’agisse d’interroger les traces matérielles relevées sur différents types de documents (coutures, reliures, ratures, annotations, etc.) comme autant d’indices d’une logique conservatoire, de penser les rationalités sous-jacentes aux agencements et recompositions de divers ensembles documentaires, ou encore d’observer les effets des circulations de matériaux documentaires entre différents supports ou différents corpus (Pour une exploration de ce type de questionnements dans la période contemporaine, voir Christine Jungen et Candice Raymond 2012). 3) Les questions qui touchent à la mise en archives de sources non-écrites et de processus en cours. Comment se saisir de l’éphémère pour l’inscrire dans la temporalité de l’archive ? Ainsi, les travaux récents sur la constitution d’archives orales et leur valorisation, mais aussi sur les archives théâtrales et du spectacle vivant ou la constitution de corpus de vidéos vouées à disparaître, nous ont interpellées et conduites à nous interroger sur les raisons qui poussent le chercheur à vouloir « faire archive », et comment la constitution des archives elle-même peut prendre en compte leur valorisation et leur utilisation future. Les articles soumis pourront faire entre 10 et 20 pages environ (format ‘Word’, Times New Roman 12, espacement 1.5), soit plus ou moins 10 000 mots ou 60 000 caractères (espaces compris). Les articles suivront impérativement les instructions présentées dans la charte éditoriale de l’Ifpo (pour les normes bibliographiques et les caractères de transcription). Les articles seront obligatoirement accompagnés d’une bibliographie des ouvrages ou des études cités dans le corps de l’article. Des planches et photographies peuvent illustrer l’article, en nombre raisonnable et en noir et blanc si possible. Ce dossier sera dirigé par : Pauline Koetschet, Falestin Naïli, Najla Nakhlé-Cerruti et Candice Raymond. Les propositions d’articles sous forme de résumés devront parvenir avant le 15 juin 2021 à l’adresse de Pauline Koetschet, directrice du DEAMM et du BEO : [email protected] Les articles correspondant aux propositions acceptées seront ensuite à remettre avant le 15 janvier 2022. Bibliographie Marc Aymes 2019, « La main courante de l’archivation. Deux histoires ottomanes », in C. Jungen, J. Sfeir (dir), Archiver au Proche-Orient. Fabriques documentaires contemporaines, Paris, Karthala, p.27. Frédéric Bauden 2013, « Du destin des archives en Islam. Analyse des données et éléments de réponse », in D. Aigle, S. Péquignot (dir.), La correspondance entre souverains, princes et cités-États. Approches croisées entre l’Orient musulman, l’Occident latin et Byzance (XIIIe-début XVIe s.), Turnhout, pp. 9-30. Maaike van Berkel 2014, « Reconstructing Archival Practices in Abbasid Baghdad », Journal of Abbasid Studies 1, pp. 7-22. Tamer El-Leithy 2014, « Living documents, dying archives: towards a historical anthropology of medieval Arabic marchives », Al-Qantara 32, 2011, pp. 389-434. Konrad Hirschler 2016, « From archives to archival practices : rethinking the preservation of Mamluk administrative documents », Journal of the American Oriental Society 136.1, pp. 1-28. Halil Inalcik 1954, « Ottoman methods of conquest », Studia Islamica 2, pp. 103-129. Christine Jungen et Jihane Sfeir (dir.) 2019, Archiver au Proche-Orient. Fabriques documentaires contemporaines, Paris, Karthala. Christine Jungen et Candice Raymond 2012, « Les trajectoires matérielles de l’archive », introduction au numéro thématique « Pratiques d’archives. Fabriques, modelages, manipulations », Ateliers d’anthropologie 36, en ligne : https://journals.openedition.org/ateliers/9080 Julien Loiseau 2009, « Le silence des archives : conservation documentaire et historiographie de l’Etat dans le sultanat mamelouk (XIIIe-XVIe siècle) », in L’autorité de l’écrit au Moyen-Âge, Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public, pp. 285-298. !