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COMPTE-RENDU D'UN SEJOUR SCIENTIFIQUE EN TURQUIE

2015, COMPTE-RENDU D’UN SEJOUR SCIENTIFIQUE EN TURQUIE

Abstract

Compte-rendu d'un séjour scientifique en Turquie avec Sarah Bernard du 9 au 18 juillet 2014 Carie : Labraunda Milas Mylasa Stratonikeia Muğla Lycie : Fethiye Xanthos Kaş Limyra Pisidie Selgé Altınkaya Pamphylie : Sidé Aspendos Pergé

COMPTE-RENDU D’UN SEJOUR SCIENTIFIQUE EN TURQUIE Afin de prendre connaissance de la réalité géographique et topographique de la Pisidie, je me suis rendue en Turquie, en compagnie de Sarah Bernard, doctorante à Paris IV-Sorbonne sous la direction du Pr M. Egetmeyer, qui prépare actuellement une thèse sur les alphabets anatoliens1. En sept jours, nous voulions parcourir la Carie, la Lycie, la Pisidie et la Pamphylie. Ce programme était chargé et devait présenter de l’intérêt pour nos deux sujets de thèses. Pour ma part, l’enjeu de ce séjour était de me rendre sur les sites que je suis amenée à étudier pour ma thèse et de prendre conscience de la nature des lieux. Il fallait se rendre en Pisidie, sans passer la plupart de la journée dans les transports. Nous avons donc dû abandonner l’idée de visiter le site d’Antioche de Pisidie. Pour Sarah Bernard, il s’agissait surtout d’observer et photographier des inscriptions en carien et en lycien. Pour cela, il lui fallut faire de nombreuses recherches méthodiques pour connaître les inscriptions présentant un intérêt particulier. Ensuite, Sarah devait trouver la localisation de l’inscription à l’heure actuelle : in situ, dans un musée, ou encore dans un dépôt de fouilles. Enfin, il nous fallait construire un parcours cohérent permettant de se rendre dans les musées et sur les sites en question dans le temps imparti. La Carie Grâce à l’aimable autorisation du Pr O. Henry, nous avons eu la chance de nous rendre sur le site archéologique de Labranda en période de fouilles. Labranda est connue grâce au sanctuaire de Zeus Labrandos (« à la hache »). La ville était également importante dans l’antiquité en raison de la présence de ses sources, approvisionnant en eau la cité voisine de Mylasa, l’actuelle Milas. Aujourd’hui encore, l’eau de Labranda est consommée dans la région, mais commercialisée dans des bouteilles en plastique. L’après-midi, nous avons visité le musée archéologique de Milas qui renferme la grande inscription de Mylasa C.My. 1, puis nous avons grimpé jusqu’au Gümüşkesen, petit mausolée qu’on dit être la réplique miniature du célèbre mausolée d’Halicarnasse. Notre aventure continua ensuite vers l’est, un dolmuş pour Yatağan nous déposa le long de la route, puis nous avons pris un petit chemin qui mène au site archéologique de Je souhaite remercier tout d’abord Sarah Bernard qui est à l’initiative de ce voyage. Je tiens également à remercier toutes les personnes qui nous ont aidées pour la préparation de ce voyage, mais aussi toutes les personnes qui nous ont beaucoup aidées sur place. 1 p. 1 / 5 Stratonikeia, tout en assistant aux allées et venues des nombreux camions affairés à la mine de lignite à ciel ouvert, dangereusement proche des vestiges qui ont su traverser les siècles. Le Pr Bilal Söğüt, directeur des fouilles, nous a autorisé l’accès au dépôt de fouilles afin de chercher l’inscription C.St 22. Nous avons profité d’une visite du site par Mlle Banu Daydin, doctorante qui fouillait sur le site. Notre journée continua au musée de Muğla où Sarah Bernard voulait voir la grande inscription carienne d’Hyllarima C.Hy 13, répartie en deux blocs inscrits, car elle est cassée de manière verticale. Malheureusement, nous avons uniquement trouvé le fragment a. La Lycie Nous avons visité le musée de Fethiye à la recherche de l’inscription bilingue cariengrec de Kaunos C.Ka 54. La pierre inscrite était couchée dans une vitrine face à nous, faute de socle adapté pour la maintenir debout, et il nous était difficile de distinguer clairement les lettres. Nous avons pu admirer la célèbre stèle trilingue (grec-lycien-araméen) du Létôon, ainsi que neuf stèles votives dédiées à Kakasbos, dieu cavalier à la massue fortement présent en Lycie et en Pisidie. La visite de Fethiye, l’antique Telmessos, a continué avec l’ascension jusqu’au tombeau d’Amyntas et la recherche d’un autre tombeau, portant l’inscription carienne de Krya taillée dans le roc C.Kr 1, qui semblerait, selon L. Deroy, se trouver à Taşyaka, lieu-dit de Fethiye dont la localisation et les limites sont assez floues et varient manifestement d’une personne à l’autre5. Nous avons sillonné en vain le quartier de Taşyaka en observant les tombeaux rupestres qui surplombent la ville moderne à sa recherche. Le lendemain, la visite de la Lycie se poursuivit avec le site de Xanthos en compagnie du directeur de fouilles du site de Xanthos, le Pr. Burhan Varkıvanç. Nous avons pu contempler le fameux pilier inscrit, il nous a ensuite conduites en dehors des sentiers battus pour observer parmi la végétation de nombreux tombeaux avec des inscriptions lyciennes dans un bon état de conservation. Ensuite, nous avons atteint la touristique Kaş, l’ancienne Antiphellos, où le tombeau portant une des rares inscriptions en lycien B, l’inscription TL556, trône dans la rue commerçante. Notre séjour en Lycie se termina avec la visite du site de Limyra par M. Ali Toşun, gardien du site. Nous avons tout d’abord visité une des nécropoles qui jouxte la voie antique 2 Adiego I. 2007, 143, 144. Adiego I. 2007, C.Hy 1. 4 Adiego I. 2007, C.Ka 5. 5 Deroy L. 1955, 320-321. 6 Kalinka E. 1901, 55. 3 p. 2 / 5 désormais sous les eaux. Un grand nombre des tombes de la nécropole portent des inscriptions lyciennes. Nous avons terminé avec une dernière ascension au milieu des grenadiers pour voir le superbe tombeau de Xñtabura. La Pisidie Il était ardu de se rendre à Selgé, et nous avons donc mis de nombreuses heures afin de trouver une solution pour nous y rendre. M. Orhan Ertunç, un habitant de la région a gentiment accepté de nous y conduire, en nous faisant découvrir par la même occasion la luxuriante végétation de la réserve naturelle de Köprülü Kanyon, dans laquelle se trouve le site de Selgé. La route est graveleuse, la vue spectaculaire. Après le pont dominant les eaux turquoise et le chemin bordé de lauriers roses, nous arrivâmes enfin à Altınkaya, l’antique Selgé. Le village moderne se trouve parmi les pierres antiques, entassées çà et là. En construisant leur village par-dessus le site et en réutilisant des pierres, les villageois compromettent évidemment sa conservation. Le théâtre demeure néanmoins impressionnant. Il est difficile de repérer les inscriptions in situ pourtant en grand nombre. Dans l’antiquité, la cité vivait de l’exploitation du styrax, résine d’un arbre : l’aliboufier. De cet arbre, on utilisait le bois, la résine pour ses vertus médicinales et les résidus du pressurage de l’écorce en guise d’encens7. Nous pensions en apercevoir lors de notre trajet, mais ce ne fut pas le cas. La Pamphylie Sur ce séjour, trois jours étaient consacrés à la visite de la Pamphylie. Nous avions prévu de visiter le grand musée archéologique d’Antalya, le musée de Sidé, plus petit, mais non moins intéressant, ainsi que plusieurs sites antiques, à savoir Sidé, Aspendos et Pergé. Au musée archéologique d’Antalya, nous avons pu admirer la statue de Plancia Magna, grande prêtresse du culte impérial, prêtresse du culte local d’Artémis Pergaia, grande évergète. Nous avons cherché en vain une bilingue grec-sidétique S6 de Seleukeia8. Nous avons visité le musée de Sidé, où trois inscriptions sidétiques sont mises en valeur. Nous avons vu le temple d’Apollon, et aperçu le temple de Mèn. Nous nous sommes 7 Amigues S. 2007a et Amigues S. 2007b Brixhe C. & Neumann G. 1988, 35; Nollé J., 1993-2001, 623-646. 8 p. 3 / 5 rendues à Aspendos, avec son magnifique théâtre, son stade et la vue sur les ruines de l’aqueduc antique. Notre séjour s’est terminé avec la visite du site de Pergé. Nous n’avons pas pu voir le théâtre, en raison de travaux. Nous pensions voir le tombeau de Plancia Magna, mais, même si son tombeau figure sur le plan du site, nous n’avons même pas pu l’apercevoir. Le personnel du site touristique nous a fortement déconseillé de nous y aventurer en raison des scorpions et serpents présents dans les hautes herbes au milieu desquelles se trouve le tombeau. Conclusion Ce séjour bien rempli au programme dense et varié nous a permis d’avoir une autre approche de l’Anatolie, de ses différents alphabets, de sa géographie, et de son relief. J’ai désormais pleinement conscience de l’omniprésence des montagnes et des sources dans le paysage pisidien. Même si nous n’avons pas trouvé le tombeau inscrit de Taşyaka, et même si nous n’avons pas reconnu de styrax dans la vallée entre Selgé et Taşağıl, ce séjour nous a apporté des compétences, de l’expérience et de nouvelles perspectives. Nous nous sommes familiarisées avec les musées turcs et nous reconnaissons plus vite la langue d’une inscription. Je me suis rendue compte de l’importance de nommer les noms modernes des villes dans ma thèse, car il est indispensable de connaitre les équivalences entre les noms modernes et antiques. Nous avions prévu de visiter Sagalassos, mais nous avions malheureusement pris du retard à cause de l’excursion à Selgé qui nous a occupées pendant une journée entière au lieu d’une demi-journée comme prévu. La visite de Sagalassos, site fouillé par l’Université catholique de Leuven (KUL), ce sera pour une autre fois. Bibliographie sommaire ADIEGO I. 2007, The Carian Language, Brill : Leiden, Boston. AMIGUES S. 2007a, « Le styrax et ses usages antiques », Journal des Savants 2007-2, p. 261318. AMIGUES S. 2007b, « L’« arbre à styrax » : nouvelle interprétation d’un monnayage de Selgè », CRAI 151, p. 285-293. BRIXHE C. & Neumann, G. 1988, « Die griechisch-sidetische Bilingue von Seleukeia », Kadmos, 27, 35-43. DEROY L. 1955, « Les inscriptions cariennes de Carie », L'Antiquité classique, 24, p. 303-335. ELSNER J. 1990, Sites antiques du sud-ouest de l’Asie Mineure, Loisirs bleus : Istanbul. KALINKA E. 1901, Tituli Lyciae lingua Lycia conscripti, Hölder : Vienne. NOLLÉ J. 1993-2001, « Inschriften in sidetischer Schrift und Sprache », Side im Altertum : Geschichte und Zeugnisse, R. Habelt, Bonn, II, 623-646. p. 4 / 5 Lauriane LOCATELLI Université catholique de Louvain Université de Franche-Comté p. 5 / 5